"Un dilemme" - читать интересную книгу автора (Huysmans Joris-Karl)VIHuit jours après le retour de Me Le Ponsart à Beauchamp, M. Lambois se promenait dans son salon, en consultant d'un air inquiet la pendule. Enfin! dit-il, entendant un coup de sonnette, et il se précipita dans le vestibule où, plus placide que jamais, le notaire accrochait son paletot à une tête de cerf. – Ah ça, voyons, qu'est-ce qu'il y a? dit-il, en suivant M. Lambois dans le salon où une table de whist était prête. – Il y a que j'ai reçu une lettre de Paris, relative à cette fille! – Ce n'est que cela, fit Me Le Ponsart dont la bouche se plissa, dédaigneuse; je croyais qu'il s'agissait de faits plus graves. Cette assurance allégea visiblement M. Lambois. – Lisons cette lettre avant que ces messieurs n'arrivent, reprit le notaire, en regardant de côté les quatre chaises symétriquement rangées devant la table. Il chaussa ses lunettes, s'assit près d'un flambeau de jeu et il tenta de déchiffrer un griffonnage écrit avec une encre aquatique, très claire, sur un papier très glacé, qui buvait par places. Monsieur, « – Quel style! s'exclama le notaire. Mais sautons cet inutile verbiage et arrivons au fait! Ah! nous y voilà! « – Qui est-ce, Mme Dauriatte? demanda M. Lambois. Le notaire fit signe qu'il ignorait jusqu'au nom de cette dame et poursuivit: « – Au fait! passons ce fatras, dit M. Lambois impatienté; nous n'en sortirons pas avant l'arrivée des amis et il est inutile de les mettre au courant de cette sotte affaire. Me Le Ponsart sauta toute une page et reprit: « « « M. Lambois et Me Le Ponsart se regardèrent; puis, sans dire mot, le notaire haussa les épaules, s'approcha de la cheminée, activa les flammes, plaça la lettre de Mme Champagne au bout des pincettes et, tranquillement, la regarda brûler. – Classée, comme n'étant susceptible d'aucune suite, dit-il, en se redressant et en remettant les pincettes en place. – C'est trois sous de timbre qu'elle a bien inutilement dépensés, remarqua M. Lambois que la placidité de son beau-père achevait de rassurer. – Enfin, reprit Me Le Ponsart, cette mort clôt le débat. Et d'un ton indulgent, il ajouta: – En bonne conscience, nous ne pouvons plus lui en vouloir à la pauvre fille, malgré tout le tintouin qu'elle nous a donné. – Non, certes, aucun de nous ne voudrait la mort du pécheur. Et, après un temps de silence, M. Lambois insinua: Cependant il faut avouer que notre bienveillance, pour son souvenir, est peut-être entachée d'égoïsme, car enfin, si nous, nous n'avons plus rien à craindre de cette fille, qui sait si, au cas où elle eût vécu, elle n'aurait pas de nouveau jeté le grappin sur un fils de famille ou semé la zizanie dans un ménage. – Oh! à coup sûr, répondit Me Le Ponsart, la mort de cette femme n'est pas bien regrettable; mais, vous savez, pour le malheur des honnêtes gens, après celle-là, une autre; une de perdue… – Dix de retrouvées, ajouta M. Lambois, et il compléta cette oraison funèbre, par un hochement attristé de tête. |
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