"Le Barbier de Séville" - читать интересную книгу автора (Beaumarchais Pierre de Augustin Caron)

Scène IV

BARTHOLO, ROSINE


BARTHOLO, en colère. Ah! malédiction! l'enragé, le scélérat corsaire de Figaro! Là, peut-on sortir un moment de chez soi sans être sûr en rentrant…?


ROSINE. Oui vous met donc si fort en colère, Monsieur?


BARTHOLO. Ce damné barbier qui vient d'écloper toute ma maison en un tour de main: il donne un narcotique à L'Éveillé, un sternutatoire à La Jeunesse; il saigne au pied Marceline; il n'y a pas jusqu'à ma mule… Sur les yeux d'une pauvre bête aveugle, un cataplasme! Parce qu'il me doit cent écus; il se presse de faire des mémoires. Ah! qu'il les apporte!… Et personne à l'antichambre! On arrive à cet appartement comme à la place d'armes.


ROSINE. Et qui peut y pénétrer que vous, Monsieur?


BARTHOLO. J'aime mieux craindre sans sujet que de m'exposer sans précaution. Tout est plein de gens entreprenants, d'audacieux… N'a-t-on pas, ce matin encore, ramassé lestement votre chanson pendant que j'allais la chercher? Oh! je…


ROSINE. C'est bien mettre à plaisir de l'importance à tout!

Le vent peut avoir éloigné ce papier, le premier venu, que sais-je?


BARTHOLO. Le vent, le premier venu!… il n'y a point de vent, Madame, point de premier venu dans le monde! et c'est toujours quelqu'un posté là exprès qui ramasse les papiers qu'une femme a l'air de laisser tomber par mégarde.


ROSINE. A l'air, Monsieur?


BARTHOLO. Oui, Madame, a l'air.


ROSINE, à part. Oh! le méchant vieillard!


BARTHOLO. Mais tout cela n'arrivera plus; car je vais faire sceller cette grille.


ROSINE. Faites mieux; murez les fenêtres tout d'un coup: d'une prison à un cachot, la différence est si peu de chose!


BARTHOLO. Pour celles qui donnent sur la rue, ce ne serait peut-être pas si mal… Ce barbier n'est pas entré chez vous, au moins?


ROSINE. Vous donne-t-il aussi de l'inquiétude?


BARTHOLO. Tout comme un autre.


ROSINE. Que vos répliques sont honnêtes!


BARTHOLO. Ah! fiez-vous à tout le monde, et vous aurez bientôt à la maison une bonne femme pour vous tromper, de bons amis pour vous la souffler, et de bons valets pour les y aider.


ROSINE. Quoi! vous n'accordez pas même qu'on ait des principes contre la séduction de monsieur Figaro?


BARTHOLO. Oui diable entend quelque chose à la bizarrerie des femmes, et combien j'en ai vu de ces vertus à principes…!


ROSINE, en colère. Mais, Monsieur, s'il suffit d'être homme pour nous plaire, pourquoi donc me déplaisez-vous si fort?


BARTHOLO, stupéfait. Pourquoi?… pourquoi?… Vous ne répondez pas à ma question sur ce barbier.


ROSINE, outrée. Eh bien oui, cet homme est entré chez moi; je l'ai vu, je lui ai parlé. Je ne vous cache pas même que je l'ai trouvé fort aimable: et puissiez-vous en mourir de dépit!

Elle sort.