"Cinq leçons sur la psychanalyse" - читать интересную книгу автора (Freud Sigmund)QUATRIÈME LEÇON Voyons maintenant ce que les procédés techniques que je viens de décrire nous ont appris sur les complexes pathogènes et les désirs refoulés des névrosés. La première découverte à laquelle la psychanalyse nous conduit, c'est que, régulièrement, les symptômes morbides se trouvent liés à la vie amoureuse du malade; elle nous montre que les désirs pathogènes sont de la nature des composantes érotiques et nous oblige à considérer les troubles de la vie sexuelle comme une des causes les plus importantes de la maladie. Je sais que l'on n'accepte pas volontiers cette opinion. Même des savants qui s'intéressent à mes travaux psychologiques inclinent à croire que j'exagère la part étiologique du facteur sexuel. Ils me disent: Pourquoi d'autres excitations psychiques ne provoqueraient-elles pas aussi des phénomènes de refoulement et de substitution? Je leur réponds que je ne nie rien par doctrine, et que je ne m'oppose pas à ce que cela soit. Mais l'expérience montre que cela n'est pas. L'expérience prouve que les tendances d'origine non sexuelle ne jouent pas un tel rôle, qu'elles peuvent parfois renforcer l'action des facteurs sexuels, mais qu'elles ne les remplacent jamais. Je n'affirme pas ici un postulat théorique; lorsqu'en 1895 je publiai avec le Dr J. Breuer nos Continuons à exposer nos résultats. Dans une autre série de cas, la recherche psychanalytique ramène les symptômes, non pas à des événements sexuels, mais à des événements traumatiques banaux. Mais cette distinction perd toute importance pour une raison particulière. Le travail analytique nécessaire pour expliquer et supprimer une maladie ne s'arrête jamais aux événements de l'époque où elle se produisit, mais remonte toujours jusqu'à la puberté et à la première enfance du malade; là, elle rencontre les événements et les impressions qui ont déterminé la maladie ultérieure. Ce n'est qu'en découvrant ces événements de l'enfance que l'on peut expliquer la sensibilité à l'égard des traumatismes ultérieurs, et c'est en rendant conscients ces souvenirs généralement oubliés que nous en arrivons à pouvoir supprimer les symptômes. Nous parvenons ici aux mêmes résultats que dans l'étude des rêves, à savoir que ce sont les désirs inéluctables et refoulés de l'enfance qui ont prêté leur puissance à la formation de symptômes sans lesquels la réaction aux traumatismes ultérieurs aurait pris un cours normal. Ces puissants désirs de l'enfant, je les considère, d'une manière générale, comme sexuels. Mais je devine votre étonnement, bien naturel d'ailleurs. – Y a-t-il donc, demanderez-vous, une Le hasard m'a mis sous les yeux un article d'un Américain, le Dr Sanford Bell, qui vient à l'appui de mes affirmations. Son travail a paru dans J'ai réussi moi-même, il y a peu de temps, grâce à l'analyse d'un garçon de cinq ans qui souffrait d'angoisse (analyse que son propre père a faite avec lui selon les règles), à obtenir une image assez complète des manifestations somatiques et des expressions psychiques de la vie amoureuse de l'enfant à l'un des premiers stades. Et mon ami le Dr, C. G. Jung a traité le cas d'une fillette encore plus jeune, qui, à la même occasion que mon malade (naissance d'une petite sœur), trahissait presque les mêmes tendances sensuelles et les mêmes formations de désirs et de complexes. Je ne doute pas que vous vous habituiez à cette idée, d'abord étrange, de la sexualité infantile et je vous cite comme exemple celui du psychiatre de Zurich, M. E. Bleuler, qui, il y a quelques années encore, disait publiquement qu'» il ne comprenait pas du tout mes théories sexuelles», et qui depuis, à la suite de ses propres observations, a confirmé dans toute son étendue l'existence de la sexualité infantile. Si la plupart des individus, médecins ou non, se refusent à l'admettre, je me l'explique sans peine. Sous la pression de l'éducation, ils ont oublié les manifestations érotiques de leur propre enfance et ne veulent pas qu'on leur rappelle ce qui a été refoulé. Leur manière de voir serait tout autre s'ils voulaient prendre la peine de retrouver, par la psychanalyse, leurs souvenirs d'enfance, les passer en revue et chercher à les interpréter. Cessez donc de douter, et voyez plutôt comment ces phénomènes se manifestent dès les premières années [10]. L'instinct sexuel de l'enfant est très compliqué; on peut y distinguer de nombreux éléments, issus de sources variées. Tout d'abord, il est encore indépendant de la fonction de reproduction au service de laquelle il se mettra plus tard. Il sert à procurer plusieurs sortes de sensations agréables que nous désignons du nom de plaisir sexuel par suite de certaines analogies. La principale source du plaisir sexuel infantile est l'excitation de certaines parties du corps particulièrement sensibles, autres que les organes sexuels: la bouche, l'anus, l'urètre, ainsi que l'épiderme et autres surfaces sensibles. Cette première phase de la vie sexuelle infantile, dans laquelle l'individu se satisfait au moyen de son propre corps et n'a besoin d'aucun intermédiaire, nous l'appelons, d'après l'expression créée par Havelock Ellis, la phase de Ces instincts se présentent par groupes de deux, opposés l'un à l'autre, l'un actif et l'autre passif, dont voici les principaux: le plaisir de faire souffrir (sadisme) avec son opposé passif (masochisme); le plaisir de voir et celui d'exhiber (du premier se détachera plus tard l'exhibition artistique et dramatique). D'autres activités sexuelles de l'enfant appartiennent déjà au stade du Cette vie sexuelle de l'enfant, décousue, complexe, mais dissociée, dans laquelle l'instinct seul tend à procurer des jouissances, cette vie se condense et s'organise dans deux directions principales, si bien que la plupart du temps, à la fin de la puberté, le caractère sexuel de l'individu est formé. D'une part, les tendances se soumettent à la suprématie de la «zone génitale», processus par lequel toute la vie sexuelle entre au service de la reproduction, et la satisfaction des premières tendances n'a plus d'importance qu'en tant qu'elle prépare et favorise le véritable acte sexuel. D'autre part, le désir d'une personne étrangère chasse l'auto-érotisme, de sorte que, dans la vie amoureuse, toutes les composantes de l'instinct sexuel tendent à trouver leur satisfaction auprès de la personne aimée. Mais toutes les composantes instinctives primitives ne sont pas autorisées à prendre part à cette fixation définitive de la vie sexuelle. Avant l'époque de la puberté, sous l'influence de l'éducation, se produisent des refoulements très énergiques de certaines tendances; et des puissances psychiques comme la honte, le dégoût, la morale, s'établissent en gardiennes pour contenir ce qui a été refoulé. Et, lorsque à la puberté surgit la grande marée des besoins sexuels, ceux-ci trouvent dans ces réactions et ces résistances des digues qui les obligent à suivre les voies dites normales et les empêchent d'animer à nouveau les tendances victimes du refoulement. Ce sont les plaisirs Il y a, en pathologie générale, un principe qui nous rappelle que tout processus contient les germes d'une disposition pathologique, en tant qu'il peut être inhibé, retardé ou entravé dans son cours. – Il en est de même pour le développement si compliqué de la fonction sexuelle. Tous les individus ne le supportent pas sans encombre; il laisse après lui des anomalies ou des dispositions à des maladies ultérieures par régression. Il peut arriver que les instincts partiels ne se soumettent pas tous à la domination des «zones génitales»; un instinct qui reste indépendant forme ce que l'on appelle une La disposition aux névroses découle d'une autre sorte de troubles de l'évolution sexuelle. Les névroses sont aux perversions ce que le négatif est au positif; en elles se retrouvent, comme soutiens des complexes et artisans des symptômes, les mêmes composantes instinctives que dans les perversions; mais, ici, elles agissent du fond de l'inconscient; elles ont donc subi un refoulement, mais ont pu, malgré lui, s'affirmer dans l'inconscient. La psychanalyse nous apprend que l'extériorisation trop forte de ces instincts, à des époques très lointaines, a produit une sorte de fixation partielle qui représente maintenant un point faible dans la structure de la fonction sexuelle. Si l'accomplissement normal de la fonction à l'âge adulte rencontre des obstacles, c'est précisément à ces points où les fixations infantiles ont eu lieu que se rompra le refoulement réalisé par les diverses circonstances de l'éducation et du développement. Peut-être me fera-t-on l'objection que tout cela n'est pas de la sexualité. J'emploie le mot dans un sens beaucoup plus large que l'usage ne le réclame, soit. Mais la question est de savoir si ce n'est pas l'usage qui l'emploie dans un sens beaucoup trop étroit, en le limitant au domaine de la reproduction. On se met dans l'impossibilité de comprendre les perversions ainsi que la relation qui existe entre perversion, névrose et vie sexuelle normale; on ne parvient pas à connaître la signification des débuts, si facilement observables, de la vie amoureuse somatique et psychique des enfants. Mais, quel que soit le sens dans lequel on se décide, le psychanalyste prend le mot de sexualité dans une acception totale, à laquelle il a été conduit par la constatation de la sexualité infantile. Revenons encore une fois à l'évolution sexuelle de l'enfant. Il nous faut réparer bien des oublis, du fait que nous avons porté notre attention sur les manifestations somatiques plutôt que sur les manifestations psychiques de la vie sexuelle. Le choix primitif de l'objet chez l'enfant (choix qui dépend de l'indigence de ses moyens) est très intéressant. L'enfant se tourne d'abord vers ceux qui s'occupent de lui; mais ceux-ci disparaissent bientôt derrière les parents. Les rapports de l'enfant avec les parents, comme le prouvent l'observation directe de l'enfant et l'étude analytique de l'adulte, ne sont nullement dépourvus d'éléments sexuels. L'enfant prend ses deux parents et surtout l'un d'eux, comme objets de désirs. D'habitude, il obéit à une impulsion des parents eux-mêmes, dont la tendresse porte un caractère nettement sexuel, inhibé il est vrai dans ses fins. Le père préfère généralement la fille, la mère le fils. L'enfant réagit de la manière suivante: le fils désire se mettre à la place du père, la fille, à celle de la mère. Les sentiments qui s'éveillent dans ces rapports de parents à enfants et dans ceux qui en dérivent entre frères et sœurs ne sont pas seulement positifs, c'est-à-dire tendres: ils sont aussi négatifs, c'est-à-dire hostiles. Le complexe ainsi formé est condamné à un refoulement rapide; mais, du fond de l'inconscient, il exerce encore une action importante et durable. Nous pouvons supposer qu'il constitue, avec ses dérivés, le A l'époque où l'enfant est dominé par ce complexe central non encore refoulé, une partie importante de son activité intellectuelle se met au service de ses désirs. Il commence à chercher d'où viennent les enfants, et, au moyen des indices qui lui sont donnés, il devine la réalité plus que les adultes ne le pensent. D'ordinaire, c'est la menace que constitue la venue d'un nouvel enfant, en qui il ne voit d'abord qu'un concurrent qui lui disputera des biens matériels, qui éveille sa curiosité. Sous l'influence d'instincts partiels, il va se mettre à échafauder un certain nombre de Il est inévitable et tout à fait logique que l'enfant fasse de ses parents l'objet de ses premiers choix amoureux. Toutefois, il ne faut pas que sa Ces considérations sur la vie sexuelle et le développement psycho-sexuel ne nous ont éloignés, comme il pourrait le paraître, ni de la psychanalyse, ni du traitement des névroses. Bien au contraire, on pourrait définir le traitement psychanalytique comme une éducation progressive pour surmonter chez chacun de nous les résidus de l'enfance. |
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