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Question disputйe sur les crйatures spirituelles

Question disputйe sur les crйatures spirituelles

quaestio disputata de spiritualibus creaturis

Saint Thomas d’Aquin

© Traduction Cйcile Wattiaux et Raymond Berton, janvier 2005, article 1,

© Raymond Berton, fйvrier 2005, article 2 а 10 (pour le moment).

Edition numйrique http://docteurangelique.free.fr 2005

Les њuvres complиtes de saint Thomas d'Aquin

 

Le texte latin reproduit avec la traduction est celui de l'йdition latine numйrisйe par le Pиre Busa, s.j. et le Professeur Enrique Alacхn Moreno http://www.corpusthomisticum.org/

 

Prologue du traducteur

 

          L’йtude de l’вme et des anges se retrouve dans toutes les grandes њuvres de Thomas. D’abord le Commentaire des Sentences  (I Sent.  D. 3 et D. 8, II Sent. D.7 etc), le Contra gentiles. Si l’on s’en tient aux renseignements que fournit J.-P. Torell, (Initiation а saint thomas d’Aquin) , on constate que pendant une courte pйriode, lors de son sйjour а Rome, Thomas s’intйresse tout particuliиrement au problиme.

          En 1265-1266, il йcrit d’abord les Questions disputйes sur l’вme, avant de rйdiger les question 75 а 89 de la prima pars de la Somme thйologique.

          En 1267-1268, (entre novembre 67 et septembre 68) il rйdige les Questions disputйes sur les crйatures spirituelles. Le sujet en est quelque peu diffйrent puisqu’il йlargit le problиme aux anges.

          Entre 1267 (fin de l’annйe) et l’йtй 1268, il rйdige le Sententia libri De anima qui est le commentaire de l’њuvre d’Aristote sur l’вme. Cette њuvre est aussi contemporaine de la rйdaction des question 75 а 89 de la prima pars.

          En 1270 il rйdige le De unitate intellectus contra Averoistas.

          Il faut ajouter qu’entre temps, en 1265-1266 il rйdige les Questions disputйes sur la Puissance, oщ l’on retrouve des articles qui concernent l’вme et les anges (qu. 3, a. 9 а 12 et 18-19)

          Enfin il йcrit, dans la deuxiиme moitiй de 1271, les Substances sйparйes.

*

L’њuvre comprend 11 articles.

 

Prologue du traducteur 1

Article 1: La substance spirituelle est-elle composйe de matiиre et de forme? Articulus 1: Utrum substantia spiritualis creata sit composita ex materia et forma_ 2

Article 2: La substance spirituelle peut-elle est unie а un corps ? Articulus 2: Utrum substantia spiritualis possit uniri corpori 22

Article 3: La substance spirituelle qu’est l’вme humaine est-elle unie au corps par un intermйdiaire ? Tertio quaeritur utrum substantia spiritualis quae est anima humana, uniatur corporis per medium_ 36

Article 4 : L’вme est-elle tout entiиre dans chaque partie du corps ? Quarto quaeritur utrum tota anima sit in qualibet parte corporis. 55

Article 5 : Existe-t-il quelque substance spirituelle crййe non unie а un corps. Quinto quaeritur utrum aliqua substantia spiritualis creata sit non unita corpori. 66

Article  6 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps cйleste ? Sexto quaeritur utrum substantia spiritualis caelesti corpori uniatur. 75

Article 7 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps aйrien ? Articulus 7 : Septimo quaeritur utrum substantia spiritualis corpori aereo uniatur. 86

Article 8 : Tous les anges diffиrent-ils par l’espиce entre eux ? Articulus 8 : Octavo quaeritur utrum omnes Angeli differant specie ab invicem. 89

Article 9 : L’intellect possible est-il unique dans tous les hommes ? Articulus 9 : Nono quaeritur utrum intellectus possibilis sit unus in omnibus hominibus 103

Article 10 : L’intellect agent est-il unique pour tous les hommes ? Articulus 10tit. 1 Decimo quaeritur utrum intellectus agens sit unus omnium hominum_ 119

 

Les crйatures sont en gйnйral composйes de matiиre et de forme. La matiиre est ce qui permet d’individuer la forme. Pour les substances spirituelles, la position de Thomas est claire : en elles il n’y a pas de matiиre. Il s’oppose en cela а ceux qui affirment le contraire.  Avicebron dans la Fontaine de vie, mais dans les Sent. II, qu. 3, qu.1, a. 1, il prйcise : «… que beaucoup ont suivi » en pensant sans doute а saint Bonaventure. Celui-ci considиre que les anges sont constituйs de forme et de matiиre (IISent.   D3, 1, 1, 1) pour sauver leur principe de mutabilitй. Pour lui la matiиre est une, qu’elle soit matiиre physique ou matiиre spirituelle. Thomas rejette cette solution, mais on peut se demander comment une forme simple peut кtre susceptible d’une nouvelle dйtermination, ce qui revient а nier ce que dit Boиce dans la premiиre objection : « C’est nier chez un кtre la composition hylйmorphique, c’est nier du mкme coup la composition de substance et d’accidents et supprimer le devenir ». (J. de Finance, Кtre et agir, p. 158). La crйature spirituelle n’est pas dйpourvue de potentialitй « puisque l’essence en elle diffиre rйellement de l’esse qui l’active… Une forme simple qui participe а l’esse, joue а son йgard le rфle de puissance, et peut recevoir de nouvelles actuations » (Ibid. p. 159).

            « Cest pourquoi ni dans l’вme ni dans l’intelligence, il n’y a en aucune maniиre composition de matiиre et de forme, de telle sorte que l’essence y serait reзue de la mкme faзon que dans les substances corporelles. Mais dans l’вme et l’intelligence, il y a composition de forme et d’кtre ; c'est pourquoi dans le commentaire de la proposition 9 du Livre des Causes il dit que l’intelligence a la forme et l’кtre ; en entendant ici  par forme la quidditй ou nature simple ».  De Ente et Essentia, 4, 2 (Trad. A. de Libera).

Dans ses autres њuvres, Thomas pose le problиme de la composition de matiиre et de forme, sйparйment pour l’вme et pour les anges.

 

Article 1: La substance spirituelle est-elle composйe de matiиre et de forme? Articulus 1: Utrum substantia spiritualis creata sit composita ex materia et forma


Il semble que oui[1].

Et videtur quod sic.

 

Objections:

1. En effet Boиce affirme dans son livre De la Trinitй (II PL. 64, 1250 D[2]]: « Une forme simple ne peut pas кtre un substrat. ». Mais la substance spirituelle crййe est le substrat de la connaissance, de la veru  et de l'indulgence[3]. Donc elle n'est pas une forme simple. Mais elle n'est pas non plus une matiиre simple[4] car, en ce cas, elle serait seulement en puissance, sans avoir une quelconque activitй. Donc elle est composйe de matiиre et de forme[5].

1. Dicit enim Boetius in Lib. de Trin.: forma simplex, subiectum esse non potest. Sed substantia spiritualis creata, est subiectum scientiae et virtutis et gratiae. Ergo non est forma simplex. Sed nec est materia simplex, quia sic esset in potentia tantum, non habens aliquam operationem. Ergo est composita ex materia et forma.

 

2. En outre, n'importe quelle forme crййe est limitйe et finie. La forme est limitйe par la matiиre. Donc toute forme crййe est une forme dans la matiиre. Donc aucune substance crййe n'est une forme sans matiиre.

2. Praeterea, quaelibet forma creata est limitata et finita. Sed forma limitatur per materiam. Ergo quaelibet forma creata est forma in materia. Ergo nulla substantia creata est forma sine materia.

 

3. De plus, le principe de la mutabilitй est la matiиre[6]: c’est pourquoi, selon le Philosophe (Mйtaphysique II, 2, 994b 26[7]), il est nйcessaire d’imaginer de la matiиre dans ce qui est en mouvement. Or la substance spirituelle crййe est muable; car seul Dieu est par nature immuable. Donc la substance spirituelle possиde de la matiиre.

3. Praeterea, principium mutabilitatis est materia; unde, secundum philosophum, necesse est ut materia imaginetur in re mota. Sed substantia spiritualis creata est mutabilis; solus enim Deus naturaliter immutabilis est. Ergo substantia spiritualis creata habet materiam.

 

4. En outre, Augustin dit dans Les Confessions (XII, XVII, 25[8]) que Dieu a fait la matiиre commune aux choses visibles et invisibles[9]. Or les substances spirituelles sont invisibles. Donc la substance spirituelle possиde de la matiиre.

4. Praeterea, Augustinus dicit, XII confessionum, quod Deus fecit materiam communem visibilium et invisibilium. Invisibilia autem sunt substantiae spirituales. Ergo substantia spiritualis habet materiam.

 

5. En outre, le Philosophe dйclare en VIII Mйtaphysique (6, 1045a 36[10]) que, si une substance est sans matiиre, elle est immйdiatement un йtant et une[11] ; il n'y a pas pour elle d’autre cause pour кtre un йtant et une unitй. Mais toute crйature dйtient la cause de son кtre et de son unitй. Donc aucune crйature n'est substance sans matiиre. Donc toute substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

5. Praeterea, philosophus dicit in VIII Metaphys., quod si qua substantia est sine materia, statim est ens et unum; et non est ei alia causa ut sit ens et unum. Sed omne creatum habet causam sui esse et unitatis. Ergo nullum creatum est substantia sine materia. Omnis ergo substantia spiritualis creata, est composita ex materia et forma.

 

6. En outre, Augustin dit dans son livre Des questions sur l'Ancien et le Nouveau Testament [qu. 23, PL 35, 2229] que le corps d'Adam fut formй avant que l'вme y fыt introduite: car il est nйcessaire que la demeure soit faite avant que l'occupant y soit introduit. Or l'вme a le mкme rapport au corps que l'occupant а la demeure. Mais l'occupant est subsistant par soi; donc l'вme est subsistante par elle-mкme et l'ange bien plus encore. Toutefois la substance qui subsiste par elle-mкme ne paraоt pas кtre uniquement une forme: elle est donc composйe de matiиre et de forme.

6. Praeterea, Augustinus dicit in libro de quaestionibus veteris et novi testamenti, quod prius fuit formatum corpus Adae quam anima ei infunderetur: quia prius est necesse fieri habitaculum quam habitatorem introduci. Comparatur autem anima ad corpus sicut habitator ad habitaculum. Sed habitator est per se subsistens; anima igitur est per se subsistens, et multo fortius Angelus. Sed substantia per se subsistens non videtur esse forma tantum. Ergo substantia spiritualis creata non est forma tantum: est ergo composita ex materia et forma.

 

7. De plus, il est йvident que l'вme est capable de recevoir des contraires. Or cela semble кtre le propre d'une substance composйe. Donc l'вme est une substance composйe et l'ange, aussi pour la mкme raison.

7. Praeterea, manifestum est quod anima est susceptiva contrariorum. Hoc autem videtur esse proprium substantiae compositae. Ergo anima est substantia composita, et eadem ratione Angelus.

 

8. En outre, la forme est ce par quoi une chose existe. Donc tout ce qui est composй de « ce par quoi il est » et de « ce qu'il est » est composй de matiиre et de forme[12]. Or toute substance spirituelle crййe est composйe de ce par quoi elle est et de ce qu'elle est, comme l'atteste clairement Boиce dans le livre Des Semaines [PL 64, 1311B[13]]. Donc toute substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

8. Praeterea, forma est quo aliquid est. Quidquid ergo compositum est ex quo est et quod est, est compositum ex materia et forma. Omnis autem substantia spiritualis creata composita est ex quo est et quod est, ut patet per Boetium in libro de hebdomadibus. Ergo omnis substantia spiritualis creata est composita ex materia et forma.

 

9. En outre, il y a deux sortes de "communautйs" : - a)  l'une en Dieu, du fait que l'essence est commune aux trois Personnes; - b) l'autre dans les crйatures du fait que ce qui est universel est commun а ce qui lui est infйrieur. Il semble que ce qui est particulier dans la premiиre communautй, c’est que ce par quoi se distingue ce qui se rassemble en ce qui est commun n’est pas rйellement autre que ce qui est commun : en effet, la paternitй par laquelle le Pиre se distingue du Fils est elle-mкme l'essence commune au Pиre et au Fils. Tandis que dans la communautй de ce qui est universel, il faut que ce par quoi se distingue ce qui est contenu sous l'йlйment commun soit diffйrent de l'йlйment commun lui-mкme[14]. Donc, dans les crйatures, il est nйcessaire que ce qui est contenu sous un genre commun soit la composition de ce qui est commun et de ce par quoi l'йlйment commun lui-mкme est limitй. Or la substance spirituelle crййe est dans un genre. Il faut donc que, dans la substance spirituelle crййe, il y ait composition d'une nature commune et de ce par quoi la nature commune est limitйe. Et cela semble bien кtre une composition de forme et de matiиre. Donc, dans une substance spirituelle crййe, il y a composition de matiиre et de forme.

 9 Praeterea, duplex est communitas: una in divinis, secundum quod essentia est communis tribus personis; alia in rebus creatis, secundum quod universale est commune suis inferioribus. Singulare autem videtur primae communitatis, ut id quo distinguuntur ea quae communicant in illo communi, non sit aliud realiter ab ipso communi: paternitas enim qua pater distinguitur a filio, est ipsa essentia, quae est patri et filio communis. In communitate autem universalis oportet quod id quo distinguuntur ea quae continentur sub communi, sit aliud ab ipso communi. In omni ergo creato quod continetur sub aliquo genere communi, necesse est esse compositionem eius quod commune est, et eius per quod commune ipsum restringitur. Substantia autem spiritualis creata est in aliquo genere. Oportet ergo quod in substantia spirituali creata, sit compositio naturae communis, et eius per quod natura communis coarctatur. Haec autem videtur esse compositio formae et materiae. Ergo in substantia spirituali creata, est compositio formae et materiae.

 

10. De plus, la forme du genre ne peut exister que dans l'intellect ou la matiиre[15]. Or la substance spirituelle crййe, comme l'ange, est dans un genre. Donc la forme de ce genre est soit dans l'intellect seulement, soit dans la matiиre. Or, si l'ange n'avait pas de matiиre, il ne serait pas dans la matiиre, donc il serait dans l'intellect seulement ; et ainsi, а supposer que personne ne pense а l'ange, il s'ensuivrait qu’il n'existerait pas, ce qui est absurde. Il faut donc dire, semble-t-il, que la substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

10. Praeterea, forma generis non potest esse nisi in intellectu vel materia. Sed substantia spiritualis creata, ut Angelus, est in aliquo genere. Forma igitur generis illius vel est in intellectu tantum, vel in materia. Sed si Angelus non haberet materiam, non esset in materia. Ergo esset in intellectu tantum; et sic, supposito quod nullus intelligeret Angelum, sequeretur quod Angelus non esset; quod est inconveniens. Oportet igitur dicere, ut videtur, quod substantia spiritualis creata sit composita ex materia et forma.

 

11. En outre, si la substance spirituelle crййe йtait seulement une forme, il en dйcoulerait qu'une seule substance spirituelle serait prйsente а une autre. En effet, si un seul ange en comprend un autre, ou bien cela se fait par l'essence de l'ange compris – il faudra alors que la substance de l'ange compris soit prйsente dans l'intellect de l'ange qui le comprend ; ou bien c'est par sa forme et alors la consйquence est la mкme, si forme par laquelle un ange est compris par un autre, ne diffиre pas de la substance mкme de l'ange compris. Et il ne paraоt pas possible d’exposer en quoi rйside la diffйrence si la substance de l'ange est sans matiиre, comme l'est aussi sa forme intelligible. Or il ne convient pas qu'un seul ange soit prйsent dans un autre par sa substance: parce que seule la Trinitй peut pйnйtrer l’esprit raisonnable. Donc, la premiиre opinion, d'oщ il dйcoule que la substance spirituelle crййe est immatйrielle ne convient pas.

11. Praeterea, si substantia spiritualis creata esset forma tantum, sequeretur quod una substantia spiritualis esset praesens alteri. Si enim unus Angelus intelligit alium, aut hoc est per essentiam Angeli intellecti, et sic oportebit quod substantia Angeli intellecti sit praesens in intellectu Angeli intelligentis ipsum; aut per speciem, et tunc idem sequitur, si species per quam Angelus ab alio intelligitur, non differt ab ipsa substantia Angeli intellecti. Nec videtur posse dari in quo differat, si substantia Angeli est sine materia, sicut et eius species intelligibilis. Hoc autem est inconveniens quod unus Angelus per sui substantiam sit praesens in alio: quia sola Trinitas mente rationali illabitur. Ergo et primum, ex quo sequitur, est inconveniens, scilicet quod substantia spiritualis creata sit immaterialis.

 

12. En outre, le Commentateur[16] affirme  (Mйtaphysique XII comm. 36) que, s'il existait un coffre sans matiиre, il serait identique au coffre qui est dans l'intellect et ainsi la conclusion semble la mкme que prйcйdemment.

12. Praeterea, Commentator dicit in XI Metaph., quod si esset arca sine materia, idem esset cum arca quae est in intellectu; et sic videtur idem quod prius.

 

13. De plus, Augustin dit (La Genиse au sens littйral, VII, VI,9[17]) que, de mкme que la chair a eu une matiиre, а savoir la terre d'oщ elle a йtй faite, peut-кtre a-t-il pu se faire que, mкme avant cette nature qu'on appelle "вme", ne soit faite, celle-ci avait une matiиre spirituelle conforme а son genre, qui n'йtait pas encore une вme. Donc l'вme semble кtre composйe de matiиre et de forme, et pour la mкme raison l'ange aussi.

13. Praeterea, Augustinus dicit, VII super Genes. ad litteram, quod sicut caro habuit materiam, id est terram, de qua fieret, sic fortasse potuit, et antequam ea ipsa natura fieret quae anima dicitur, habere aliquam materiam pro suo genere spiritualem, quae nondum esset anima. Ergo anima videtur esse composita ex materia et forma; et eadem ratione Angelus.

 

14. En outre, Damascиne dit (De la foi orthodoxe II, 3 et 12) que seul Dieu est par essence immatйriel et incorporel. Donc la substance spirituelle crййe ne l'est pas.

14. Praeterea, Damascenus dicit, quod solus Deus essentialiter immaterialis est et incorporeus. Non ergo substantia spiritualis creata.

 

15. Toute substance circonscrite par les limites de sa nature a un кtre limitй et restreint. Or toute substance crййe est circonscrite par les limites de sa nature. Donc toute substance crййe a un кtre limitй et restreint. Mais tout ce qui est limitй l'est par quelque chose. Donc, dans n'importe quelle substance crййe, il y a quelque chose qui limite et quelque chose qui est limitй; et cela semble кtre la forme et la matiиre. Donc toute substance spirituelle est composйe de matiиre et de forme.

15. Praeterea, omnis substantia naturae suae limitibus circumscripta, habet esse limitatum et coarctatum. Sed omnis substantia creata est naturae suae limitibus circumscripta. Ergo omnis substantia creata habet esse limitatum et coarctatum. Sed omne quod coarctatur, aliquo coarctatur. Ergo in qualibet substantia creata est aliquid coarctans, et aliquid coarctatum; et hoc videtur esse forma et materia. Ergo omnis substantia spiritualis est composita ex materia et forma.

 

16. De plus, rien n’agit et ne subit sous le mкme angle[18]. Chaque chose agit par sa forme et subit par sa matiиre. Or la substance spirituelle crййe, comme l'ange, agit en йclairant l’ange qui lui est infйrieur et elle subit pendant qu’elle est йclairйe par un ange qui lui est supйrieur. De la mкme maniиre, il existe dans l'вme un intellect agent et un intellect possible. Donc l'ange comme l'вme est composй de matiиre et de forme.

16. Praeterea, nihil secundum idem agit et patitur; sed agit unumquodque per formam, patitur autem per materiam. Sed substantia spiritualis creata, ut Angelus, agit dum illuminat inferiorem Angelum, et patitur dum illuminatur a superiori: similiter in anima est intellectus agens et possibilis. Ergo tam Angelus quam anima componitur ex materia et forma.

 

17. En outre, tout ce qui est, est acte pur, ou puissance pure, ou un composй d'acte et de puissance[19]. Or la substance spirituelle n'est pas acte pur, car ceci est le propre de Dieu seul, et elle n'est pas non plus puissance pure. Elle est donc un composй de puissance et d'acte, ce qui semble identique а ce qui est composй de matiиre et de forme.

17. Praeterea, omne quod est, aut est actus purus, aut potentia pura, aut compositum ex actu et potentia. Sed substantia spiritualis non est actus purus, hoc enim solius Dei est; nec etiam potentia pura. Ergo est compositum ex potentia et actu; quod videtur idem ei quod est componi ex materia et forma.

 

18. En outre, Platon, dans le Timйe (41 AB), reprйsente le Dieu suprкme s'adressant aux dieux crййs et il leur dit: « Ma volontй est plus grande que votre entrelacement[20] ». Augustin aussi rapporte ces mots La citй de Dieu (XIII, 16, 1). Or, les dieux crййs semblent кtre les anges. Donc, dans les anges, il y a entrelacement ou composition.

18. Praeterea, Plato in Timaeo inducit Deum summum loquentem diis creatis et dicentem: voluntas mea maior est nexu vestro; et inducit haec verba Augustinus in Lib. de Civit. Dei. Dii autem creati videntur esse Angeli. Ergo in Angelis est nexus, sive compositio.

corr

19. Dans ce qui se dйnombre et qui diffиre par  essence, il y a la matiиre: parce qu’elle est numйriquement principe de la distinction. Or les substances spirituelles se dйnombrent et diffиrent par leur essence. Donc elles ont de la matiиre.

19. Praeterea, in his quae numerantur et essentialiter differunt, est materia: quia materia est principium distinctionis secundum numerum. Sed substantiae spirituales numerantur et essentialiter differunt. Ergo habent materiam.

 

20. Rien ne peut subir l’action d’un corps sans avoir de matiиre. Or les substances spirituelles crййes supportent l'action venant du feu corporel, comme le montre clairement Augustin dans La Citй de Dieu (XXI, 10). Donc les substances spirituelles crййes ont une matiиre.

20. Praeterea, nihil patitur a corpore nisi habens materiam. Sed substantiae spirituales creatae patiuntur ab igne corporeo, ut patet per Augustinum, de Civit. Dei. Ergo substantiae spirituales creatae habent materiam.

 

21. De plus, Boиce, dans son livre De l'unitй et de l'un (PL 13, 1076-77) dit formellement que l'ange est composй de matiиre et de forme.

21. Praeterea, Boetius in Lib. de unitate et uno, expresse dicit, quod Angelus est compositus ex materia et forma.

 

22. En outre, Boиce dit dans son livre Des semaines (PL 12, 1, 1311) que ce qui est peut avoir aussi quelque chose d'autre mкlй а lui[21]. Or l’кtre n'a absolument rien d'autre qui lui est mкlй; et nous pouvons dire la mкme chose pour tout ce qui est abstrait et concret. En effet, dans un homme, il peut y avoir autre chose que l'humanitй, comme la blancheur ou quelque chose de ce genre; mais dans l'humanitй en soi, il ne peut y avoir autre chose que ce qui convient а sa nature[22]. Si donc les substances spirituelles sont des formes abstraites, il ne pourra pas y avoir en elles quelque chose qui ne convient pas а leur espиce. Mais un fois enlevй  ce qui convient а l'espиce, la  chose est dйtruite. Donc, puisque toute substance spirituelle est incorruptible, elle ne pourra rien perdre de ce qui est dans la substance spirituelle crййe[23] et, par consйquent, elle sera tout а fait immobile, ce qui ne convient pas.

22. Praeterea, Boetius dicit in libro de Hebdomad., quod id quod est, aliquid aliud potest habere admixtum. Sed ipsum esse nihil omnino aliud habet admixtum; et idem possumus dicere de omnibus abstractis et concretis. Nam in homine potest aliquid aliud esse quam humanitas, utpote albedo, vel aliquid huiusmodi; sed in ipsa humanitate non potest aliud esse nisi quod ad rationem humanitatis pertinet. Si ergo substantiae spirituales sunt formae abstractae, non poterit in eis esse aliquid quod ad eorum speciem non pertineat. Sed sublato eo quod pertinet ad speciem rei, corrumpitur res. Cum ergo omnis substantia spiritualis sit incorruptibilis, nihil quod inest substantiae spirituali creatae, poterit amittere; et ita erit omnino immobilis; quod est inconveniens.

 

23. De plus, tout ce qui est dans un genre participe aux principes de ce genre. Or la substance spirituelle crййe se situe dans la catйgorie de la substance. Mais les principes de cette catйgorie sont la matiиre et la forme, ce qui apparaоt clairement par Boиce, Commentaire des catйgories (PL. 64, 184), qui dit qu'Aristote, ayant abandonnй les extrкmes, а savoir la matiиre et la forme, traite de l’intermйdiaire, а savoir du composй, donnant а entendre que la substance, qui est une catйgorie, dont il s’agit ici, serait composй de matiиre et de forme[24]. Donc la substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

23. Praeterea, omne quod est in genere participat principia generis. Substantia autem spiritualis creata, est in praedicamento substantiae. Principia autem huius praedicamenti sunt materia et forma, quod patet per Boetium in Comment. praedicamentorum, qui dicit quod Aristoteles relictis extremis, scilicet materia et forma, agit de medio, scilicet de composito; dans intelligere quod substantia quae est praedicamentum, de qua ibi agit, sit composita ex materia et forma. Ergo substantia spiritualis creata, est composita ex materia et forma.

 

24. De plus, ce qui est premier dans n'importe quel genre est la cause de ce qui vient aprиs[25], comme l’acte premier est cause de tout йtant en acte. Donc, par la mкme raison, tout ce qui est en puissance de quelque faзon, tient cela d'une puissance premiиre qui est puissance pure, а savoir de la matiиre premiиre. Mais il y a une puissance dans les substances spirituelles crййes, parce que seul Dieu est acte pur. Donc la substance spirituelle crййe tient de la matiиre qu’elle ne pourrait exister que si la matiиre йtait une partie d’elle-mкme. La substance spirituelle est donc composйe de matiиre et de forme.

25 Praeterea, id quod est primum in quolibet genere, est causa eorum quae sunt post; sicut primus actus est causa omnis entis in actu. Ergo eadem ratione omne illud quod est in potentia quocumque modo, habet hoc a potentia prima, quae est potentia pura, scilicet a prima materia. Sed aliqua potentia est in substantiis spiritualibus creatis; quia solus Deus est actus purus. Ergo substantia spiritualis creata habet hoc a materia: quod non posset esse, nisi materia esset pars eius. Est ergo composita ex materia et forma.

 

En sens contraire

1. Il y a ce que dit Denys dans le chapitre IV Des noms divins (lect. 1[26]) а propos des anges, а savoir qu'ils sont dйpourvus de corps et de matiиre.

1. Sed contra. Est quod Dionysius dicit IV cap. de Divin. Nomin. de Angelis, quod sunt incorporei et immateriales.

 

2. Mais on pourrait dire qu’on les appelle immatйriels, parce qu'ils n'ont pas une matiиre soumise а la quantitй et au changement. En sens contraire lui-mкme prйvient qu'ils sont dйpourvus de toute matiиre universelle.

2. Sed dices, quod dicuntur immateriales, quia non habent materiam subiectam quantitati et transmutationi.- Sed contra est quod ipse praemittit, quod ab universa materia sunt mundi.

 

3. En outre, selon le Philosophe (Physique IV, 4, 211a 12[27]), on ne fait des recherches sur le lieu qu’а cause du mouvement, et de la mкme maniиre, la matiиre ne serait recherchйe qu’а cause du mouvement. Donc dans la mesure oщ certains ont du mouvement, il faut rechercher en eux la matiиre. C'est pourquoi ce qui peut кtre engendrй ou corrompu а une matiиre pour exister[28] ; ce qui peut changer de lieu a une matiиre pour le lieu. Mais les substances spirituelles ne peuvent pas changer selon l’кtre. Donc il n’y a pas en elles de matiиre pour кtre et ainsi elles ne sont pas composйes de matiиre et de forme.

3. Praeterea, secundum philosophum in IV Physic., locus non quaeritur nisi propter motum; et similiter nec materia quaereretur nisi propter motum. Secundum ergo quod aliqua habent motum, secundum hoc quaerenda est in eis materia; unde illa quae sunt generabilia et corruptibilia, habent materiam ad esse; quae autem sunt transmutabilia secundum locum habent materiam ad ubi. Sed substantiae spirituales non sunt transmutabiles secundum esse. Ergo non est in eis materia ad esse; et sic non sunt compositae ex materia et forma.

 

4. De plus, Hugues de saint Victor dit, а propos de La hiйrarchie cйleste de Denys [PL. 175, 10, 108], que, dans les substances spirituelles, ce qui vivifie est identique а ce qui est vivifiй. Or ce qui vivifie c’est la forme, et ce qui est vivifiй c’est la matiиre: car la forme donne l'кtre а la matiиre, et la vie pour les vivants, c'est кtre. Donc, chez les anges, il n'y a pas de diffйrence entre matiиre et forme.

4. Praeterea, Hugo de sancto Victore dicit super angelicam hierarchiam Dionysii, quod in substantiis spiritualibus idem est quod vivificat et quod vivificatur. Sed id quod vivificat est forma; quod autem vivificatur, est materia: forma enim dat esse materiae, vivere autem viventibus est esse. Ergo in Angelis non differt materia et forma.

 

5. De plus, Avicenne (Mйtaphysique IX, 4) et Algazel (I, tr. IV, 3) disent que les substances sйparйes, qu'on appelle substances spirituelles sont tout а fait dйpourvues de matiиre.

Praeterea, Avicenna et Algazel dicunt quod substantiae separatae, quae spirituales substantiae dicuntur, sunt omnino a materia denudatae.

 

6. En outre, le Philosophe dit au chapitre III De l'вme (8, 431 b 29), que la pierre n'existe pas dans l'вme mais c’est sa forme, ce qui semble venir de la simplicitй de l'вme, de sorte qu’en elle, des йlйments matйriels ne peuvent pas exister. Donc l'вme n'est pas composйe de matiиre et de forme.

6. Praeterea, philosophus dicit in III de anima, quod lapis non est in anima, sed species lapidis: quod videtur esse propter simplicitatem animae, ut scilicet in ea materialia esse non possint. Ergo anima non est composita ex materia et forma.

 

7. De plus dans le Livre des Causes (Prop. 6), il est dit que l'intelligence est une substance qui ne se divise pas. Or tout ce qui est composй se divise. Donc l'intelligence n'est pas une substance composйe.

7. Praeterea, in libro de causis dicitur, quod intelligentia est substantia quae non dividitur. Sed omne quod componitur, dividitur. Ergo intelligentia non est substantia composita.

 

8. En outre, dans ce qui est sans matiиre, ce qui comprend et ce qui est compris est identique. Or, ce qui est compris, c'est la forme intelligible tout а fait immatйrielle. Donc la substance en йtat de comprendre est dйpourvue de matiиre.

8. Praeterea, in his quae sunt sine materia, idem est intellectus et quod intelligitur. Sed id quod intelligitur, est forma intelligibilis omnino immaterialis. Ergo substantia intelligens est absque materia.

 

9. De plus, Augustin dit, dans son livre sur La Trinitй (IX, IV, 7), que l'вme se comprend toute entiиre. Mais elle ne comprend pas la matiиre, donc la matiиre n’est pas une partie d’elle-mкme.

9. Praeterea, Augustinus dicit in libro de Trinit., quod anima se tota intelligit. Non autem intelligit per materiam: ergo materia non est aliquid eius.

 

10. En outre, Jean Damascиne (La foi orthodoxe II, 12) dit que l'вme est simple. Donc elle n'est pas composйe de matiиre et de forme.

10. Praeterea, Damascenus dicit, quod anima est simplex. Non ergo composita ex materia et forma.

 

11. De plus, l'esprit douй de raison se rapproche du premier кtre tout а fait simple, c'est-а-dire Dieu, plus que l'esprit de l’animal. Mais celui-ci n'est pas composй de matiиre et de forme. Donc la substance de l'ange ne l'est pas non plus.

11. Praeterea, spiritus rationalis magis appropinquat primo simplicissimo, scilicet Deo, quam spiritus brutalis. Sed spiritus brutalis non est compositus ex materia et forma. Ergo multo minus spiritus rationalis.

 

12. De plus, la substance des anges s’approche plus du premier [кtre] simple que la forme dans la matiиre. Mais elle n'est pas composйe de matiиre et de forme. Donc la substance angйlique non plus.

12. Praeterea, plus appropinquat primo simplici substantia angelica quam forma materialis. Sed forma materialis non est composita ex materia et forma. Ergo nec substantia angelica.

 

13. En outre, une forme accidentelle est dans l’ordre de la dignitй au-dessous la substance. Mais, Dieu fait qu'une forme accidentelle subsiste sans matiиre comme il apparaоt dans le sacrement de l'autel[29]. Donc, а plus forte raison, il fait qu’une forme subsiste sans matiиre dans le genre de la substance; et cela semble кtre tout а fait le propre de la substance spirituelle.

13. Praeterea, forma accidentalis est ordine dignitatis infra substantiam. Sed Deus facit aliquam formam accidentalem subsistere sine materia, ut patet in sacramento altaris. Ergo fortius facit aliquam formam in genere substantiae subsistere sine materia; et hoc maxime videtur substantiae spiritualis.

 

14. En outre, Augustin affirme Les Confessions (XII, VII, 7): « Tu as fait deux choses, Seigneur: l'une proche de toi, c'est la substance de l'ange; l'autre proche du nйant », а savoir la matiиre. Ainsi donc, il n'y a pas de matiиre dans un ange puisqu’elle lui est opposйe.

14.

Praeterea, Augustinus dicit, XII Confess.: duo fecisti, domine: unum prope te, id est substantiam angelicam; aliud prope nihil, scilicet materiam. Sic ergo materia non est in Angelo, cum contra ipsum dividatur.

 

Rйponse:

 Il faut dire а propos de cette question, que certains ont pensй le contraire des autres. Car certains soutiennent que la substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme[30], mais d'autres le nient. C'est pourquoi, pour rechercher la vйritй sans procйder de maniиre ambiguл, il faut considйrer ce qui est signifiй par le mot matiиre. Il est йvident en effet que, puisque la puissance et l’acte divisent l’йtant et puisque n'importe quel genre est divisй en puissance et en acte, on appelle communйment matiиre premiиre ce qui est dans le genre de la substance, comme une puissance comprise au-delа de toute espиce et de toute forme et ainsi au-delа de leur privation; cependant, cette puissance est susceptible de recevoir formes et privations, comme Augustin l’exprime clairement dans ses Confessions XIII [VII, VIII, XV] et dans La Genиse au sens littйral, I [XIV, XV, 29[31]], ainsi que le Philosophe dans la Mйtaphysique [VII, 3, 1029 a 20[32]]. Il est impossible que la matiиre ainsi  comprise, (et c'est lа son acception propre et courante), soit dans les substances spirituelles.

co. Respondeo. Dicendum quod circa hanc quaestionem contrarie aliqui opinantur. Quidam enim asserunt, substantiam spiritualem creatam, esse compositam ex materia et forma; quidam vero hoc negant. Unde ad huius veritatis inquisitionem, ne in ambiguo procedamus, considerandum est quid nomine materiae significetur. Manifestum est enim quod cum potentia et actus dividant ens, et cum quodlibet genus per actum et potentiam dividatur; id communiter materia prima nominatur quod est in genere substantiae, ut potentia quaedam intellecta praeter omnem speciem et formam, et etiam praeter privationem; quae tamen est susceptiva et formarum et privationum, ut patet per August. XII Confess. et I super Genes. ad litteram, et per philosophum in VII Metaph. Sic autem accepta materia (quae est propria eius acceptio et communis), impossibile est quod materia sit in substantiis spiritualibus.

 

En effet, bien que dans une seule et mкme chose qui est quelquefois en acte quelquefois en puissance, la puissance est temporellement avant l’acte, celui-ci cependant est par nature avant la puissance. Et ce qui est avant ne dйpend pas de ce qui vient aprиs, mais c'est l'inverse. Voilа pourquoi on trouve un premier acte sans aucune puissance[33] mais on ne trouve jamais dans la nature une puissance qui ne soit pas achevйe par un acte et c'est pour cette raison qu'il y a toujours une forme dans la matiиre premiиre.

Licet enim in uno et eodem, quod quandoque est in actu quandoque in potentia, prius tempore sit potentia quam actus; actus tamen naturaliter est prior potentia. Illud autem quod est prius, non dependet a posteriori, sed e converso. Et ideo invenitur aliquis primus actus absque omni potentia; nunquam tamen invenitur in rerum natura potentia quae non sit perfecta per aliquem actum; et propter hoc semper in materia prima est aliqua forma.

 

Par le premier acte absolument parfait, qui possиde en lui toute la plйnitudes de la perfection est causй l’кtre en acte dans tout mais cependant selon un certain ordre. En effet, aucun acte causй ne possиde toute la plйnitude de la perfection;  mais par rapport а l’acte premier, tout acte causй est imparfait. Cependant, plus un acte est parfait, plus il est proche de Dieu. Or, parmi toutes les crйatures, les substances spirituelles sont trиs proches de Dieu, comme l'affirme clairement Denys au chapitre IV de la Hiйrarchie cйleste (IV, 5, 117 D[34]) ; c'est pourquoi ce sont elles qui s'approchent le plus de la perfection du premier acte, si on les compare aux crйatures infйrieures comme le parfait а l'imparfait et comme l'acte а la puissance. Donc, cette raison de l'ordre des choses n'implique pas que les substances spirituelles aient besoin pour кtre d'une matiиre premiиre qui est la plus incomplиte de tous les йtants: mais, elles sont йlevйes loin au-dessus de toute matiиre et de tout ce qui est matйriel.

A primo autem actu perfecto simpliciter, qui habet in se omnem plenitudinem perfectionis, causatur esse actu in omnibus; sed tamen secundum quemdam ordinem. Nullus enim actus causatus habet omnem perfectionis plenitudinem; sed respectu primi actus, omnis actus causatus est imperfectus. Quanto tamen aliquis actus est perfectior, tanto est Deo propinquior. Inter omnes autem creaturas Deo maxime appropinquant spirituales substantiae, ut patet per Dionysium IV cap. caelestis Hierar.; unde maxime accedunt ad perfectionem primi actus, cum comparentur ad inferiores creaturas sicut perfectum ad imperfectum, et sicut actus ad potentiam. Nullo ergo modo haec ratio ordinis rerum habet quod substantiae spirituales ad esse suum requirant materiam primam, quae est incompletissimum inter omnia entia: sed sunt longe supra totam materiam et omnia materialia elevatae.

 

Cela apparaоt aussi йvident si l'on considиre l'activitй propre des substances spirituelles. En effet, toutes sont intellectuelles. Or la puissance de chaque chose est telle qu’on y trouve sa perfection. Car un acte plus particulier requiert une puissance particuliиre: et la perfection de n'importe quelle substance intellectuelle, en tant que telle, est intelligible dans la mesure oщ elle existe dans l'intellect.

Hoc etiam manifestum apparet, si quis propriam operationem substantiarum spiritualium consideret. Omnes enim spirituales substantiae intellectuales sunt. Talis autem est uniuscuiusque rei potentia, qualis reperitur perfectio eius; nam proprius actus propriam potentiam requirit: perfectio autem cuiuslibet intellectualis substantiae, in quantum huiusmodi, est intelligibile prout est in intellectu.

 

Donc il faut rechercher dans les substances spirituelles une telle puissance qui est proportionnйe а la rйception de la forme intelligible. Mais la puissance de la matiиre premiиre n'est pas de ce genre: en effet, la matiиre premiиre reзoit sa forme en se limitant elle-mкme а un кtre individuel[35];  la forme intelligible existe dans l'intellect sans limitation de ce genre. Car ainsi l'intellect comprend n'importe quel intelligible selon que sa forme est en lui. L'intellect comprend l'intelligible surtout en fonction d'une nature commune et universelle; et ainsi la forme intelligible se trouve dans l'intellect selon la nature de la communautй (avec elle). Il n'y a donc pas de substance intellectuelle capable de recevoir une forme en raison de la matiиre premiиre mais plutфt pour une raison opposйe.

Talem igitur potentiam oportet in substantiis spiritualibus requirere, quae sit proportionata ad susceptionem formae intelligibilis. Huiusmodi autem non est potentia materiae primae: nam materia prima recipit formam contrahendo ipsam ad esse individuale; forma vero intelligibilis est in intellectu absque huiusmodi contractione. Sic enim intelligit intellectus unumquodque intelligibile, secundum quod forma eius est in eo. Intelligit autem intellectus intelligibile praecipue secundum naturam communem et universalem; et sic forma intelligibilis in intellectu est secundum rationem suae communitatis. Non est ergo substantia intellectualis receptiva formae ex ratione materiae primae, sed magis per oppositam quamdam rationem.

 

C'est pourquoi il devient йvident que, dans les substances spirituelles, cette matiиre premiиre, privйe de soi de toute espиce, ne peut кtre une de ses parties. Cependant, si deux choses se comportent entre elles comme puissance et acte, elles sont appelйes matiиre et forme, rien n'empкche de dire, pour ne pas faire violence aux mots, qu'il y a matiиre et forme dans les substances spirituelles[36]. Il faut en effet que, dans la substance spirituelle crййe, il y ait deux choses dont l'une se compare а l'autre comme la puissance а l'acte. Ce qui paraоt ainsi.

Unde manifestum fit quod in substantiis spiritualibus illa prima materia quae de se omni specie caret, eius pars esse non potest. Si tamen quaecumque duo se habent ad invicem ut potentia et actus, nominentur materia et forma, nihil obstat dicere, ut non fiat vis in verbis, quod in substantiis spiritualibus est materia et forma. Oportet enim in substantia spirituali creata esse duo, quorum unum comparatur ad alterum ut potentia ad actum. Quod sic patet.

Il est clair en effet que le premier йtant, qui est Dieu, est un acte infini en tant qu’il possиde, en lui-mкme de toute la plйnitude de l'кtre, non limitйe а la nature d’un genre ou d’une espиce. C'est pourquoi, il faut que son кtre mкme ne soit pas un кtre introduit en quelque sorte dans une nature qui ne serait pas son кtre mкme, parce qu’ainsi son кtre serait limitй а cette nature. C'est pourquoi nous disons que Dieu est son кtre propre. Et on ne peut pas le dire d'un autre; car, de mкme qu'il est impossible de comprendre qu'il y ait plusieurs blancheurs sйparйes mais que s'il existait une blancheur sйparйe de tout substrat et de tout rйcepteur, il n'en existerait qu'une, de mкme est-il impossible qu'il y ait un кtre subsistant sinon un seul.

 Manifestum est enim quod primum ens, quod Deus est, est actus infinitus, utpote habens in se totam essendi plenitudinem, non contractam ad aliquam naturam generis vel speciei. Unde oportet quod ipsum esse eius non sit esse quasi inditum alicui naturae quae non sit suum esse; quia sic finiretur ad illam naturam. Unde dicimus, quod Deus est ipsum suum esse. Hoc autem non potest dici de aliquo alio: sicut enim impossibile est intelligere quod sint plures albedines separatae; sed si esset albedo separata ab omni subiecto et recipiente, esset una tantum; ita impossibile est quod sit ipsum esse subsistens nisi unum tantum.

 

Donc tout ce qui est aprиs l’йtant premier, puisqu'il n'est pas son кtre, possиde un кtre reзu dans une chose par laquelle l'кtre lui-mкme est limitй et il en est ainsi dans n'importe quelle crйature, la nature qui participe а l’кtre est diffйrente de l’кtre participй. Et puisque chaque chose participe par ressemblance а l’acte premier dans la mesure oщ elle possиde l’кtre, il est nйcessaire que l’кtre participй en chaque chose soit comparй а la nature qui le participe, comme l'acte а la puissance.

 Omne igitur quod est post primum ens, cum non sit suum esse, habet esse in aliquo receptum, per quod ipsum esse contrahitur; et sic in quolibet creato aliud est natura rei quae participat esse, et aliud ipsum esse participatum. Et cum quaelibet res participet per assimilationem primum actum in quantum habet esse, necesse est quod esse participatum in unoquoque comparetur ad naturam participantem ipsum, sicut actus ad potentiam.

 

Donc dans la nature de ce qui est corporel, la matiиre ne participe pas а l'кtre par soi,  mais par la forme: car la forme, en advenant а la matiиre, la fait кtre en acte, comme l'вme le fait pour le corps. C'est pourquoi, dans les composйs, il faut prendre en considйration un acte double et une puissance double. Car en premier lieu, la matiиre est comme une puissance en rapport а la forme et la forme est son acte; а nouveau la nature constituйe de matiиre et de forme est comme une puissance а l'йgard de son кtre dans la mesure oщ elle est capable de le recevoir.

In natura igitur rerum corporearum materia non per se participat ipsum esse, sed per formam; forma enim adveniens materiae facit ipsam esse actu, sicut anima corpori. Unde in rebus compositis est considerare duplicem actum, et duplicem potentiam. Nam primo quidem materia est ut potentia respectu formae, et forma est actus eius; et iterum natura constituta ex materia et forma, est ut potentia respectu ipsius esse, in quantum est susceptiva eius.

 

Donc, une fois йcartй le fondement de la matiиre, s'il reste une forme d'une nature dйterminйe subsistant par soi sans кtre dans une matiиre, elle sera comparйe а son кtre propre comme la puissance а l'acte: je ne dis pas comme une puissance sйparable de l'acte, mais celle que  son acte accompagne toujours.

Remoto igitur fundamento materiae, si remaneat aliqua forma determinatae naturae per se subsistens, non in materia, adhuc comparabitur ad suum esse ut potentia ad actum: non dico autem ut potentiam separabilem ab actu, sed quam semper suus actus comitetur.

 

De cette maniиre, la nature de la substance spirituelle, qui n'est pas composйe de matiиre et de forme, est comme une puissance par rapport а son кtre et c'est ainsi que, dans une substance spirituelle, il y a composition de puissance et d'acte et par consйquent de forme et de matiиre si cependant toute puissance est appelйe matiиre et tout acte forme. Cependant, ce n'est pas а proprement parler l'usage courant de ces mots.

Et hoc modo natura spiritualis substantiae, quae non est composita ex materia et forma, est ut potentia respectu sui esse; et sic in substantia spirituali est compositio potentiae et actus, et per consequens formae et materiae; si tamen omnis potentia nominetur materia et omnis actus nominetur forma. Sed tamen hoc non est proprie dictum secundum communem usum nominum.

 

Solutions

1. La nature de la forme s'oppose а la nature du substrat[37]. En effet, toute forme, en tant que telle, est un acte ; mais tout substrat se compare а ce dont il est le substrat, comme la puissance se compare а l’acte. Si donc il existe une forme qui soit acte seulement comme l'essence divine, elle ne peut en aucune maniиre кtre un substrat[38] ; et c'est de cette forme dont parle Boиce. Mais s’il y avait une forme qui soit sous tel rapport en acte et sous tel autre en puissance, elle ne serait un substrat que dans la mesure oщ elle est en puissance. Mais bien que les puissances spirituelles soient des formes subsistantes, elles sont cependant en puissance dans la mesure oщ elles ont un кtre fini et limitй. Et parce que l'intellect est capable de tout connaоtre en fonction de sa nature et parce que la volontй a la capacitй d'aimer le bien universel, il reste toujours, dans l'intellect et la volontй de la substance crййe, une puissance en rapport а ce qui est hors d’elle. C'est pourquoi si on le considиre droitement, on ne trouve pas de substances spirituelles comme substrats sauf des accidents qui concernent l'intellect et la volontй.

1. Ad primum ergo dicendum, quod ratio formae opponitur rationi subiecti. Nam omnis forma, in quantum huiusmodi, est actus; omne autem subiectum comparatur ad id cuius est subiectum, ut potentia ad actum. Si quae ergo forma est quae sit actus tantum, ut divina essentia, illa nullo modo potest esse subiectum; et de hac Boetius loquitur. Si autem aliqua forma sit quae secundum aliquid sit in actu, et secundum aliquid in potentia; secundum hoc tantum erit subiectum, secundum quod est in potentia. Substantiae autem spirituales, licet sint formae subsistentes, sunt tamen in potentia, in quantum habent esse finitum et limitatum. Et quia intellectus est cognoscitivus omnium secundum sui rationem, et voluntas est amativa universalis boni; remanet semper in intellectu et voluntate substantiae creatae potentia ad aliquid quod est extra se. Unde si quis recte consideret, substantiae spirituales non inveniuntur esse subiectae nisi accidentium quae pertinent ad intellectum et voluntatem.

 

2. La limitation de la forme est double.- a)  L'une du fait que la forme de l'espиce est limitйe а l'individu et une telle limitation de la forme se fait par la matiиre. -b) L’autre du fait que la forme du genre est limitйe а la nature de l'espиce et une telle limitation de la forme ne se fait pas par la matiиre mais par une forme plus limitйe d'oщ provient la diffйrence. En effet la diffйrence, ajoutйe au genre, le limite jusqu'а l'espиce. Une telle limitation existe dans les substances spirituelles dans la mesure, йvidemment, oщ elles sont des formes d'espиces dйterminйes.

2. Ad secundum dicendum quod duplex est limitatio formae. Una quidem secundum quod forma speciei limitatur ad individuum, et talis limitatio formae est per materiam. Alia vero secundum quod forma generis limitatur ad naturam speciei; et talis limitatio formae non fit per materiam, sed per formam magis determinatam, a qua sumitur differentia; differentia enim addita super genus contrahit ipsum ad speciem. Et talis limitatio est in substantiis spiritualibus, secundum scilicet quod sunt formae determinatarum specierum.

 

3. La mutabilitй ne se trouve pas dans les substances spirituelles selon leur кtre mais selon leur intellect et de leur volontй. Toutefois une telle mutabilitй ne vient pas de la matiиre mais de la potentialitй de l'intellect et de la volontй.

3. Ad tertium dicendum quod mutabilitas non invenitur in substantiis spiritualibus secundum earum esse, sed secundum intellectum et voluntatem. Sed talis mutabilitas non est ex materia, sed ex potentialitate intellectus et voluntatis.

 

4. Ce n’est l’intention d’Augustin de dire que la matiиre de ce qui visible et ce qui est invisible est identique en nombre, puisqu’il dit lui-mкme qu’on comprend deux absences de forme par le ciel et la terre qu’on dit crййs en premier : par ciel, on comprend la substance spirituelle encore sans forme et par terre, la matiиre des choses corporelles, qui, considйrйe en soi, est dйpourvue de forme, puisqu'elle est pour ainsi dire sans aucune espиce : c'est pourquoi on la dit aussi vide et dйserte ou invisible et non-composйe selon une autre version. Le ciel, lui, n'est pas dйcrit comme vide et dйsert. Par lui, il apparaоt clairement que la matiиre, qui est dйpourvue de toute espиce, n’est pas une partie de la substance de l'ange. Mais l'absence de forme de la substance spirituelle est due au fait qu'elle n'a pas encore йtй tournйe vers le Verbe  par laquelle elle est йclairйe et qui convient а sa puissance intelligible[39]. Ainsi donc Augustin les appelle tous les deux matiиre commune de ce qui est visible et de ce qui invisible, du fait que l'un et l'autre а leur maniиre  sont dйpourvus de forme.

4. Ad quartum dicendum quod non est intentio Augustini dicere, quod sit eadem numero materia visibilium et invisibilium, cum ipse dicat duplicem informitatem intelligi per caelum et terram, quae dicuntur primo creata; ut per caelum intelligatur substantia spiritualis adhuc informis, per terram autem materia rerum corporalium, quae in se considerata informis est, quasi omni specie carens: unde etiam dicitur inanis et vacua, vel invisibilis et incomposita secundum aliam litteram. Caelum autem non describitur inane et vacuum. Per quod manifeste apparet quod materia, quae caret omni specie, non est pars substantiae angelicae. Sed informitas substantiae spiritualis est secundum quod nondum est conversa ad verbum a quo illuminatur, quod pertinet ad potentiam intelligibilem. Sic ergo materiam communem visibilium et invisibilium nominat utrumque, prout est informe suo modo.

 

5. Le Philosophe parle а cet endroit, non pas de la cause agente[40] mais de la cause formelle. En effet, ce qui est composй de matiиre et de forme n'est pas aussitфt йtant et unitй mais la matiиre est un йtant en puissance et devient un йtant en acte par l'arrivйe de la forme qui est pour elle cause d'кtre. Mais la forme n'a pas l’кtre par une autre forme. C'est pourquoi, s'il y a une forme subsistante, aussitфt il y a йtant et unitй et elle n'a pas la cause formelle de son кtre; cependant elle a une cause qui fait passer l’кtre en elle mais pas de cause motrice qui l'amиnerait d'une puissance prйexistante а l'acte.

5. Ad quintum dicendum quod philosophus loquitur ibi non de causa agente, sed de causa formali. Illa enim quae sunt composita ex materia et forma, non statim sunt ens et unum, sed materia est ens in potentia et fit ens actu per adventum formae, quae est ei causa essendi. Sed forma non habet esse per aliam formam. Unde si sit aliqua forma subsistens, statim est ens et unum, nec habet causam formalem sui esse; habet tamen causam influentem ei esse, non autem causam moventem, quae reducat ipsam de potentia praeexistenti in actum.

 

6. Bien que l'вme soit subsistante par elle-mкme, il ne s'ensuit pas qu'elle est composйe de matiиre et de forme, parce que le fait de subsister par soi peut convenir aussi а une forme dйpourvue de matiиre. En effet, puisque la matiиre tient son кtre par la forme et pas l'inverse, rien n'empкche une forme de subsister sans matiиre, bien que la matiиre ne puisse exister sans forme.

6. Ad sextum dicendum quod licet anima sit per se subsistens, non tamen sequitur quod sit composita ex materia et forma, quia per se subsistere potest convenire etiam formae absque materia. Cum enim materia habeat esse per formam, et non e converso; nihil prohibet aliquam formam sine materia subsistere, licet materia sine forma esse non possit.

 

7. L’кtre susceptible [de recevoir] des contraires est le propre d'une substance qui existe en quelque sorte en puissance, qu’elle soit composйe de matiиre et de forme, ou qu’elle soit simple. Or la substance des choses spirituelles n'est le substrat de contraires[41], que de celles qui concernent la volontй et l'intellect, selon qu’elle est en puissance comme cela apparaоt clairement de ce qui a йtй dit.

7. Ad septimum dicendum quod esse susceptivum contrariorum est substantiae in potentia aliqualiter existentis, sive sit composita ex materia et forma, sive sit simplex. Substantia autem spiritualium non est subiectum contrariorum, nisi pertinentium ad voluntatem et intellectum, secundum quae est in potentia, ut ex dictis patet.

 

8. Кtre composй de ce qui est et et de ce par quoi c’est[42], n'est pas la mкme chose qu’кtre composй de matiиre et de forme. En effet, bien que l'on puisse appeler forme ce par quoi une chose est, cependant on ne peut pas appeler au sens propre  la matiиre ce qui est, puisqu’elle n’est qu’en puissance. Mais ce qui est est ce qui subsiste dans l’кtre qui, dans les substances corporelles, et est lui-mкme composй de matiиre et de forme mais dans les substances incorporelles c’est une forme simple. Mais ce par quoi c’est est l'кtre mкme participй, parce que toute chose n'est qu’en tant qu’elle participe de l’кtre. Et c’est pourquoi, Boиce aussi utilise ces mots dans son livre Des semaines lorsqu'il dit que, dans les autres кtres autres sauf [l’Кtre] premier, ce qui est n'est pas identique а l’кtre[43].

8. Ad octavum dicendum quod non idem est componi ex quo est et quod est, et ex materia et forma. Licet enim forma possit dici quo aliquid est, tamen materia non proprie potest dici quod est, cum non sit nisi in potentia. Sed quod est, est id quod subsistit in esse, quod quidem in substantiis corporeis est ipsum compositum ex materia et forma, in substantiis autem incorporeis est ipsa forma simplex; quo est autem, est ipsum esse participatum, quia in tantum unumquodque est, in quantum ipse esse participat. Unde et Boetius sic utitur istis vocabulis in libro de Hebdomad., dicens, quod in aliis praeter primum, non idem est quod est et esse.

 

9. Sous ce qui est commun, quelque chose est pris de deux maniиres : d'une premiиre maniиre, comme un individu sous l’espиce; d'une autre maniиre, comme une espиce sous le  genre. Donc, chaque fois que sous une espиce commune, il y a de nombreux individus, leur distinction se fait la matiиre individuelle, qui est au-delа de la nature de l’espиce et cela dans les crйatures. Mais quand il y a de nombreuses espиces sous un seul genre, il ne faut pas que les formes par lesquelles se distinguent les espиces entre elles, soient diffйrentes en rйalitй de la forme commune du genre. Car, par une seule et mкme forme cet individu est placй dans le genre de la substance et dans le genre du corps et ainsi de suite jusqu'а son espиce la plus spйcifique. En effet, si selon une forme cet individu  est substance, il faut nйcessairement que les autres formes qui lui arrivent, selon lesquelle  il est placй dans des genres et espиces infйrieurs soient des formes accidentelles.

9. Ad nonum dicendum quod sub aliquo communi est aliquid dupliciter: uno modo sicut individuum sub specie; alio modo sicut species sub genere. Quandocumque igitur sub una communi specie sunt multa individua, distinctio multorum individuorum est per materiam individualem, quae est praeter naturam speciei; et hoc in rebus creatis. Quando vero sunt multae species sub uno genere, non oportet quod formae quibus distinguuntur species ad invicem, sint aliud secundum rem a forma communi generis. Per unam enim et eamdem formam hoc individuum collocatur in genere substantiae, et in genere corporis, et sic usque ad specialissimam speciem. Si enim secundum aliquam formam hoc individuum habeat quod sit substantia, de necessitate oportet quod aliae formae supervenientes, secundum quas collocatur in inferioribus generibus et speciebus, sint formae accidentales.

 

Ce qui apparaоt clairement ainsi. Car une forme accidentelle diffиre d'une forme substantielle, parce qu'une forme substantielle fait ce quelque chose[44] mais la forme accidentelle advient comme quelque chose а ce qui existe dйjа. Si donc la premiиre forme, par laquelle elle est placйe dans un genre, fait que cet individu est ce quelque chose, toutes les autres forment adviennent а un individu subsistant en acte et ainsi elles seront des formes accidentelles. Il s'ensuivra aussi que par l'arrivйe des formes postйrieures, par lesquelles est placй ce quelque chose dans une espиce trиs particuliиre ou subalterne, il n’y aurait pas gйnйration ou corruption par soustraction au sens absolu  mais sous un certain rapport. En effet, comme la gйnйration est un changement pour l’кtre de la chose, on dit qu’est engendrй, au sens absolu, ce qui devient absolument un йtant  du non йtant en acte mais de l’йtant en puissance seulement. Si donc quelque chose se fait de quelque chose qui prйexiste en acte, l’йtant ne sera absolument pas engendrй, mais ce sera cet йtant et c’est la mкme raison pour la corruption.

Quod ex hoc patet. Forma enim accidentalis a substantiali differt, quia forma substantialis facit hoc aliquid, forma autem accidentalis advenit rei iam hoc aliquid existenti. Si igitur prima forma, per quam collocatur in genere, facit individuum esse hoc aliquid; omnes aliae formae advenient individuo subsistenti in actu, et ita erunt formae accidentales. Sequetur etiam quod per adventum posteriorum formarum, quibus collocatur aliquid in specie specialissima vel subalterna, non sit generatio, neque per subtractionem corruptio, simpliciter, sed secundum quid. Cum enim generatio sit transmutatio ad esse rei, illud simpliciter generari dicitur quod simpliciter fit ens de non ente in actu, sed ente in potentia tantum. Si igitur aliquid fiat de praeexistenti in actu, non generabitur simpliciter ens, sed hoc ens; et eadem ratio est de corruptione.

 

Il faut donc dire que les formes des choses sont ordonnйes et que l'une ajoute sur l’autre en perfection. Cela apparaоt clairement chez le Philosophe dans la Mйtaphysique VIII (3, 1043 b 33), qui dйclare que les dйfinitions et les espиces sont comme des nombres, en qui les espиces se multiplient par addition d’une unitй; et, dans ce cas aussi par induction, il apparaоtrait que les espиces se multiplient graduellement selon le  parfait et l’imparfait. Ainsi donc est rejetйe la position d'Avicebron dans son livre La Fontaine de vie : la matiиre premiиre, considйrйe comme totalement  sans forme, reзoit d'abord sa forme de la substance et, une fois cette forme ajoutйe dans une partie d'elle-mкme, elle reзoit, sur la forme de la substance, une autre forme par laquelle elle devient un corps; et ainsi de suite jusqu'а son espиce ultime. Et dans cette partie oщ elle ne reзoit pas une forme corporelle, elle est une substance incorporelle : cette matiиre, non soumise а la quantitй, certains l’appellent matiиre spirituelle.

Est ergo dicendum quod formae rerum sunt ordinatae, et una addit super alteram in perfectione. Et hoc patet per philosophum in VIII Metaph., qui dicit quod definitiones et species rerum sunt sicut numeri, in quibus species multiplicantur per additionem unitatis; tum etiam hoc per inductionem appareat gradatim species rerum multiplicari secundum perfectum et imperfectum. Sic igitur per hoc excluditur positio Avicebron in Lib. fontis vitae, quod materia prima, quae omnino sine forma consideratur, primo recipit formam substantiae; qua quidem supposita in aliqua sui parte, super formam substantiae recipit aliam formam, per quam fit corpus; et sic deinceps usque ad ultimam speciem. Et in illa parte in qua non recipit formam corpoream, est substantia incorporea, cuius materiam non subiectam quantitati aliqui nominant materiam spiritualem.

Il dit que la matiиre mкme, dйjа achevйe par la forme de la substance, qui est  le substrat de la quantitй et d'autres accidents, est la clй pour comprendre les substances incorporelles (La Fontaine de vie, II, 6). Par lа il n’arrive pas qu’un individu soit  un corps inanimй et un autre un corps animй, par le fait que l’individu animй a une forme а laquelle est subordonnйe la forme substantielle du corps, mais parce que l’individu animй a une forme plus parfaite par laquelle non seulement il subsiste et est un corps, mais aussi par laquelle il vit, mais l’autre a une forme imparfaite, par laquelle il n’arrive pas la vie, mais seulement а subsister corporellement.

Ipsam autem materiam iam perfectam per formam substantiae, quae est subiectum quantitatis et aliorum accidentium, dicit esse clavem ad intelligendum substantias incorporeas. Non enim ex hoc contingit quod aliquod individuum sit corpus inanimatum et aliud corpus animatum, per hoc quod individuum animatum habet formam aliquam, cui substernatur forma substantialis corporis; sed quia hoc individuum animatum habet formam perfectiorem, per quam habet non solum subsistere et corpus esse, sed etiam vivere, aliud autem habet formam imperfectiorem, per quam non attingit ad vitam, sed solum ad subsistere corporaliter.

 

10. La forme d'un genre dont la matiиre est sa nature, ne peut exister en dehors de l'intellect que dans la matiиre, comme la forme d'une plante ou d'un mйtal. Mais ce genre de substance n'est pas tel que la matiиre en soit la nature; autrement, il ne serait pas conзu par l’esprit mais naturel. C'est pourquoi une forme de ce genre ne dйpend pas de la matiиre selon son кtre, mais on peut aussi la trouver en dehors de la matiиre.

10. Ad decimum dicendum quod forma generis de cuius ratione est materia, non potest esse extra intellectum nisi in materia, ut forma plantae aut metalli. Sed hoc genus substantiae, non est tale de cuius ratione sit materia; alioquin non esset metaphysicum, sed naturale. Unde forma huius generis non dependet a materia secundum suum esse, sed potest inveniri etiam extra materiam.

 

11. L'espиce intelligible, qui se trouve dans l'intellect de l'ange qui comprend, est diffйrente de l'ange compris, non pas selon qu’il est abtrait de la matiиre, mais un objet concret de la matiиre, mais de mкme qu’un йtant intentionnel diffиre de l’йtant qui a un кtre йtabli dans la nature, de mкme la forme de la couleur est diffйrente dans l’њil de la couleur qui est sur le mur.

11. Ad undecimum dicendum quod species intelligibilis quae est in intellectu Angeli intelligentis, differt ab Angelo intellecto non secundum abstractum a materia et materiae concretum, sed sicut ens intentionale ab ente quod habet esse ratum in natura; sicut differt species coloris in oculo a colore qui est in pariete.

 

12. Si un coffre subsistait par lui-mкme sans matiиre, il serait en йtat de se comprendre lui-mкme car le manque de matiиre est la raison de l’intellectualitй. Et en fonction de cela, un coffre sans matiиre ne diffиrerait pas d'un coffre intelligible[45].

12. Ad duodecimum dicendum quod si arca esset sine materia per se subsistens, esset intelligens seipsam; quia immunitas a materia est ratio intellectualitatis. Et secundum hoc arca sine materia non differret ab arca intelligibili.

 

13. Augustin inscrit cela dans sa recherche: ce qui apparaоt clairement du fait qu'il rejette cette opinion.

13. Ad decimumtertium dicendum quod Augustinus inducit illud inquirendo: quod patet ex hoc quod illam positionem improbat.

 

14. On dit que seul Dieu est immatйriel et incorporel[46] car toutes choses comparйes а sa simplicitй peuvent кtre considйrйes comme des corps matйriels bien qu’en soi, ils soient incorporels et immatйriels.

14. Ad decimumquartum dicendum quod solus Deus dicitur immaterialis et incorporeus, quia omnia eius simplicitati comparata, possunt reputari quasi corpora materialia, licet in se sint incorporea et immaterialia.

 

15. L'кtre de la substance spirituelle crййe est rйduit et limitй, non pas par la matiиre, mais par ce qui est reзu et participй dans une nature d'espиce dйterminйe, comme cela a йtй dit.

15. Ad decimumquintum dicendum quod esse substantiae spiritualis creatae est coarctatum et limitatum non per materiam, sed per hoc quod est receptum et participatum in natura determinatae speciei, ut dictum est.

16. La substance spirituelle crййe agit et supporte, non pas par la forme et la matiиre, mais parce qu'elle est en acte ou en puissance.

16. Ad decimumsextum dicendum, quod agit et patitur substantia spiritualis creata, non secundum formam vel materiam, sed secundum quod est in actu vel potentia.

 

17. La substance spirituelle n'est ni acte pur, ni puissance pure[47] mais elle a une puissance en  acte, elle n'est pas composйe de matiиre et de forme, comme cela ressort clairement de ce qui a йtй dit.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod substantia spiritualis nec est actus purus, nec potentia pura, sed habens potentiam cum actu; non tamen composita ex materia et forma, ut ex dictis patet.

 

18. Platon appelle "dieux secondaires" non pas les anges mais les corps cйlestes.

18. Ad decimumoctavum dicendum quod Plato appellat deos secundos, non Angelos, sed corpora caelestia.

 

19. La matiиre est principe de distinction selon le nombre dans une mкme espиce, mais pas principe de distinction des espиces. D'autre part, les anges ne sont pas nombreux dans une mкme espиce mais leur multitude est semblable aux nombreuses natures d'espиces subsistant par elles-mкmes.

19. Ad decimumnonum dicendum quod materia est principium distinctionis secundum numerum in eadem specie, non autem distinctionis specierum. Angeli autem non sunt multi numero in eadem specie; sed multitudo eorum est sicut multae naturae specierum per se subsistentes.

 

20. Les substances spirituelles ne subissent pas l'action du feu corporel а la maniиre d’une altйration matйrielle, mais а la maniиre d’un lien comme le dit saint Augustin (La citй de Dieu, XXI, 10, 1). C'est pourquoi, il n'est pas nйcessaire pour elles d'avoir une matiиre.

20. Ad vicesimum dicendum quod substantiae spirituales non patiuntur ab igne corporeo per modum alterationis materialis, sed per modum alligationis, ut Augustinus dicit. Unde non oportet quod habeant materiam.

 

21. Le livre De l'unitй et de l'un n'est pas de Boиce, comme l'indique le style lui-mкme.

21. Ad vicesimumprimum dicendum quod liber de unitate et uno non est Boetii, ut ipse stilus indicat.

 

22. Une forme sйparйe, en tant qu'acte, ne peut avoir rien d'extйrieur qui lui soit mкlй, mais seulement en tant qu’elle est en puissance. Et, de cette maniиre, les substances spirituelles, en tant qu'elles sont en puissance selon l'intellect et la volontй, reзoivent des accidents.

22. Ad vicesimumsecundum dicendum quod forma separata, in quantum est actus, non potest aliquid extraneum habere admixtum, sed solum in quantum est in potentia. Et hoc modo substantiae spirituales, in quantum sunt in potentia secundum intellectum et voluntatem, recipiunt aliqua accidentia.

 

23. L'intention de Boиce n'est pas de dire que d'aprиs la nature de la substance, ce qui est un genre serait composй de matiиre et de forme, puisque la substance est du domaine du mйtaphysicien, non du naturaliste; mais il veut dire que, puisque la forme et la matiиre ne conviennent pas au genre de substance comme l'espиce, seule la substance qui est un composй est placйe dans un genre comme l’espиce.

23. Ad vicesimumtertium dicendum quod intentio Boetii non est dicere, quod de ratione substantiae, quod est genus, sit esse compositum ex materia et forma, cum substantia sit de consideratione metaphysici, non naturalis; sed intendit dicere, quod cum forma et materia non pertineant ad genus substantiae tamquam species; sola substantia, quae est compositum, collocatur in genere ut species.

 

24. Dans ce qui est composй de matiиre et de forme, le genre est pris de la matiиre et la diffйrence de la forme, de telle faзon cependant que par la matiиre on ne comprenne pas la matiиre premiиre, mais selon que par la forme elle reзoit un кtre imparfait et matйriel en rapport avec l’кtre specifique, comme l’кtre de l’animal est imparfait et matйriel par rapport а celui de l’homme. Cependant, cet кtre double ne dйpend pas d’une forme diffйrente, mais d’une seule, qui donne а l’homme non seulement ce qui est кtre animal, mais ce qui est кtre homme. Mais l’вme d’un autre animal lui donne seulement d’кtre animal ; c'est pourquoi l’animal commun n’est pas un en nombre, mais en raison seulement, parce que l’homme n’est pas par une seule et mкme forme animal et вne. Donc, une fois la matiиre enlevйe des substances spirituelles, il y restera le genre et la diffйrence non pas selon la matiиre et la forme, mais du fait qu’est considиrй dans la substance spirituelle autant ce qui lui est commun avec les substances plus imparfaites que ce qui lui est propre.

24. Ad vicesimumquartum dicendum quod in rebus compositis ex materia et forma, genus sumitur a materia, et differentia a forma; ita tamen quod per materiam non intelligatur materia prima, sed secundum quod per formam recipit quoddam esse imperfectum et materiale respectu esse specifici; sicut esse animalis est imperfectum et materiale respectu hominis. Tamen illud duplex esse non est secundum aliam et aliam formam, sed secundum unam formam, quae homini dat non solum hoc quod est esse animal, sed hoc quod est esse hominem. Anima autem alterius animalis dat ei solum esse animal; unde animal commune non est unum numero, sed ratione tantum; quia non ab una et eadem forma homo est animal et asinus. Subtracta ergo materia a substantiis spiritualibus, remanebit ibi genus et differentia non secundum materiam et formam, sed secundum quod consideratur in substantia spirituali tam id quod est commune sibi et imperfectioribus substantiis, quam etiam id quod est sibi proprium.

 

25. Plus une chose est en acte, plus elle est parfaite, mais plus une chose est en puissance, plus elle est imparfaite. Or ce qui est imparfait tirent son origine de ce qui est parfait et non l'inverse. C'est pourquoi il ne faut pas que tout ce qui est de quelque maniиre en puissance le tienne d'une puissance pure qui est la matiиre. Et sur ce point, il semble qu'Avicebron s'est trompй dans son livre La source de vie, en croyant que tout ce qui est en puissance ou est substrat,  le tient en quelque sorte de la matiиre premiиre.

25 Ad vicesimumquintum dicendum quod quanto aliquid est plus in actu, tanto perfectius est; quanto autem aliquid est plus in potentia, tanto est imperfectius. Imperfecta autem a perfectis sumunt originem, et non e converso. Unde non oportet quod omne quod quocumque modo est in potentia, hoc habeat a pura potentia quae est materia. Et in hoc videtur fuisse deceptus Avicebron in libro fontis vitae, dum credidit quod omne illud quod est in potentia vel subiectum, quodammodo hoc habeat ex prima materia.

 

 

 

Article 2: La substance spirituelle peut-elle est unie а un corps ? Articulus 2: Utrum substantia spiritualis possit uniri corpori

 

Il semble que non[48].

Et videtur quod non.

 

Objections

1. Car Denys (Les Noms divins, I, 1[49]) dit que les incorporels sont insaisissables par les corps. Mais toute forme est saisie par la matiиre, puisqu’elle est son acte. Donc la substance spirituelle incorporelle ne peut pas кtre la forme du corps[50].

1. Dicit enim Dionysius cap. I de Divin. Nomin., quod incorporalia sunt incomprehensibilia a corporalibus. Sed omnis forma comprehenditur a materia, cum sit actus eius. Ergo substantia spiritualis incorporea non potest esse forma corporis.

 

2. Selon le philosophe (Le sommeil et la veille I, 454 a 8) l’acte vient de ce qui a la puissance. Mais l’opйration propre de la substance spirituelle est de comprendre[51], ce qui ne peut venir du corps, parce qu’il n’arrive pas qu’on comprenne par un organe corporel, comme c’est prouvй dans L’вme, (III, 4, 429 a 25); donc la puissance intellective ne peut pas кtre la forme du corps, la substance spirituelle, en quoi est йtablie une telle puissance ne peut pas non plus кtre la forme du corps.

2. Praeterea, secundum philosophum in libro de somno et vigilia cuius est potentia eius est actio. Sed operatio propria substantiae spiritualis est intelligere, quae non potest esse corporis: quia non contingit intelligere per organum corporeum, ut probatur in III de anima. Ergo potentia intellectiva non potest esse forma corporis; ergo neque substantia spiritualis, in qua fundatur talis potentia, potest esse forma corporis.

 

3. Ce qui advient а quelque chose aprиs l’кtre complet lui arrive en tant qu’accident. Mais la substance spirituelle a en elle un кtre subsistant. Si donc, un corps lui advient, il adviendra comme accident. Donc elle ne peut pas lui кtre unie comme forme substantielle.

3. Praeterea, quod advenit alicui post esse completum, advenit ei accidentaliter. Sed substantia spiritualis habet in se esse subsistens. Si igitur adveniat ei corpus, adveniet ei accidentaliter. Non ergo potest ei uniri ut forma substantialis.

 

4. Mais on pourrait dire que l’вme en tant qu’esprit est subsistante par elle-mкme; en tant qu’elle est вme, elle est unie comme forme. En sens contraire, l’вme selon son essence est un esprit, ou bien donc elle est forme du corps par son essence, ou bien par quelque autre chose ajoutйe а l’essence. Mais si c’est le cas, puisque tout ce qui advient en plus а l’essence est un accident, il en dйcoule que l’вme est unie au corps par un accident, et ainsi l’homme est un йtant par accident, ce qui ne convient pas. Donc elle lui est unie par son essence, en tant qu’esprit

4. Sed dicebat, quod anima, in quantum est spiritus, est per se subsistens; in quantum autem est anima, unitur ut forma.- Sed contra, anima secundum suam essentiam est spiritus; aut igitur secundum suam essentiam est forma corporis, aut secundum aliquid additum essentiae. Si autem secundum aliquid additum essentiae, cum omne illud quod advenit alicui supra essentiam suam sit accidentale, sequitur quod anima per aliquod accidens uniatur corpori; et sic homo est ens per accidens, quod est inconveniens. Ergo unitur ei per suam essentiam, in quantum est spiritus.

 

5. La forme n’est pas pour la matiиre, mais la matiиre pour la forme. C'est pourquoi l’вme n’est pas unie а un corps pour le complйter, mais c’est plutфt le corps; si l’вme est une forme, elle lui est unie pour la perfection de l’вme. Mais l’вme pour sa perfection n’a pas besoin du corps, puisqu’elle peut exister et comprendre sans lui. Donc l’вme n’est pas unie а un corps comme forme.

5. Praeterea, forma non est propter materiam, sed materia propter formam. Unde anima non unitur corpori ut perficiatur corpus; sed magis corpus, si anima est forma, unitur ei propter animae perfectionem. Sed anima ad sui perfectionem non indiget corpore, cum sine corpore possit esse et intelligere. Ergo anima non unitur corpori ut forma.

 

6. L’union de la forme et de la matiиre est naturelle[52]. Mais l’union de l’вme au corps n’est pas naturelle, mais miraculeuse, car il est dit dans le livre L’esprit et l’вme (14, PL XL, 790[53]): « C’est tout а fait par miracle que des [кtres] si diffйrents et si sйparйs entre eux ont pu s’unir ».Donc l’вme n’est pas unie au corps comme forme.

6. Praeterea, unio formae et materiae est naturalis. Sed unio animae ad corpus non est naturalis, sed miraculosa; dicitur enim in libro de spiritu et anima: plenum fuit miraculo quod tam diversa et tam divisa ad invicem potuerunt coniungi. Ergo anima non unitur corpori ut forma.

 

7. Selon le philosophe dans le livre Du ciel (II, 6, 288 b 14[54]) tout affaiblissement est au-delа de la nature. Donc tout ce qui affaiblit quelque chose ne lui est pas uni naturellement. Mais l’вme est affaiblie par l’union au corps; et quant а l’кtre, parce le corps appesantit l’вme, comme il est dit dans le livre L’esprit et l’вme (XIV) et quant а l’opйration, parce qu’elle ne peut se connaоtre qu’en se retirant de toutes les йtreintes corporelles, comme il est dit dans le mкme livre. Donc l’union de l’вme au corps n’est pas naturelle et ainsi de mкme que plus haut.

7. Praeterea, secundum philosophum in libro de caelo, omnis debilitatio est praeter naturam. Quidquid ergo debilitat aliquid, non unitur ei naturaliter. Sed anima debilitatur per unionem corporis; et quantum ad esse, quia corpus praegravat animam, ut dicitur in libro de spiritu et anima, et quantum ad operationem; quia non potest se cognoscere, nisi retrahendo se ab omnibus corporeis nexibus, ut in eodem libro dicitur. Ergo unio animae ad corpus non est naturalis; et sic idem quod prius.

 

8. Le Commentateur[55] (Mйtaphysique, VIII, comm. 16) dit que quand ce qui est en puissance devient acte, cela ne se fait pas par quelque addition. Mais comme l’вme est unie au corps, quelque chose d’extйrieur est ajoutй au corps, parce que l’вme est crййe par Dieu et infusйe dans le corps. Donc l’вme n’est pas un acte ou une forme du corps.

8. Praeterea, Commentator dicit in VIII Metaph., quod cum id quod est in potentia, fit actu, hoc non fit per aliquod additum. Sed cum anima unitur corpori, additur corpori aliquod extrinsecum; quia anima creatur a Deo, et corpori infunditur. Ergo anima non est actus seu forma corporis.

 

9. La forme est йduite de la puissance de la matiиre. Mais la substance spirituelle ne peut pas кtre йduite de la puissance de la matiиre corporelle. Donc la substance spirituelle n’est pas unie au corps comme forme.

9. Praeterea, forma educitur de potentia materiae. Sed substantia spiritualis non potest educi de potentia materiae corporalis. Ergo substantia spiritualis non potest uniri corpori ut forma.

 

10. Plus grande est l’harmonie de l’esprit а l’esprit que de l’esprit au corps. Mais l’esprit ne peut pas кtre forme d’un autre esprit. Donc la substance spirituelle ne peut pas кtre forme du corps.

10. Praeterea, maior est convenientia spiritus ad spiritum quam spiritus ad corpus. Sed spiritus non potest esse forma alterius spiritus. Ergo neque substantia spiritualis potest esse forma corporis.

 

11. Augustin (De libero arbitrio, III, 11, 32) dit que l’вme et l’ange sont йgaux par leur nature, diffйrents par leur fonction. Mais l’ange ne peut pas кtre la forme d’un corps. L’вme non plus.

11. Praeterea, Augustinus dicit, quod anima et Angelus sunt natura pares, officio dispares. Sed Angelus non potest esse forma corporis. Ergo neque anima.

 

12. Boиce dit (les deux natures I, PL LXIV, 1342): « La nature est une diffйrence spйcifique qui donne sa forme a chaque chose[56] ». Mais la diffйrence spйcifique de l’вme et de l’ange est la mкme, а savoir la raison. Donc une mкme nature pour l’un et l’autre et ainsi de mкme que ci-dessus.

12. Praeterea, Boetius dicit in libro de duabus naturis: natura est unumquodque informans specifica differentia. Sed eadem est specifica differentia animae et Angeli, scilicet rationale. Ergo eadem natura utriusque; et sic idem quod prius.

 

13. L’вme se comporte de la mкme maniиre pour le tout et les parties, parce qu’elle est toute entiиre dans le tout, et toute entiиre en chaque partie[57]. Mais la substance spirituelle qui est l’intellect, n’est l’acte d’aucune partie du corps, comme il est dit dans L’вme, (II, 1, 413 a 7[58]). Donc la substance spirituelle n’est pas la forme de tout le corps.

13. Praeterea, anima eodem modo se habet ad totum et partes; quia est tota in toto, et tota in qualibet parte. Sed substantia spiritualis, quae est intellectus, nullius partis corporis est actus, ut dicitur in III de anima. Ergo substantia spiritualis non est forma totius corporis.

 

14. La forme naturelle qui existe dans un corps n’opиre pas hors de lui. Mais l’вme qui existe dans un corps opиre au-dehors du corps: car il est dit au Concile d’Ancyre, au sujet des femmes qui pensent qu’elles vont а Diane la nuit qu’il leur arrive en esprit ce qu’elles pensent souffrir dans le corps; et ainsi leur esprit aussi opиre hors du corps. Donc la substance spirituelle n’est pas unie au corps comme sa forme naturelle.

14. Praeterea, forma naturalis existens in corpore, non operatur extra corpus. Sed anima existens in corpore operatur extra corpus: dicitur enim in Concilio Anquirensi de mulieribus quae putant se ad Dianam de nocte ire, quod eis advenit in spiritu quod putant se in corpore pati; et sic etiam spiritus eorum extra corpus operatur. Non ergo substantia spiritualis unitur corpori ut forma naturalis eius.

 

15. Dans le livre Les articles de la foi (Alain de Lille, I, 4) il est dit: « La forme n’est pas sans matiиre et la matiиre sans forme ne peut pas кtre un substrat ». Mais le corps est le substrat des accidents. Donc le corps n’est pas une matiиre sans forme. Si donc la substance spirituelle lui advenait comme forme, il en dйcoulerait que deux formes seraient dans un unique et mкme (substrat), ce qui est impossible.

15. Praeterea, in libro de articulis fidei dicitur: neque forma sine materia, neque materia sine forma subiectum esse potest. Sed corpus est subiectum aliquorum accidentium. Ergo corpus non est materia sine forma. Si igitur substantia spiritualis advenit ei ut forma, sequeretur quod duae formae erunt in uno et eodem; quod est impossibile.

 

16. Le corruptible et l’incorruptible diffиrent en genre, et on ne peut rien dire d’univoque а leur sujet, comme on montre le philosophe et son Commentateur (Mйtaphysique, X, 10, 1058 b 28[59]). Donc le corruptible et l’incorruptible sont plus diffйrents que deux contraires, qui sont une espиce d’un seul genre. Boиce (Catйgories, PL. LXIX, 282), en effet, dit qu’un des contraires n’aide pas l’autre а exister. Donc comme la substance spirituelle est incorruptible, elle n’aide pas le corps corruptible а exister, et sa forme non plus, puisque la forme donne l’кtre а la matiиre.

16. Praeterea, corruptibile et incorruptibile differunt genere, nec aliquid de eis dicitur univoce, ut patet per philosophum et Commentatorem eius in X Metaph. Plus ergo differt corruptibile et incorruptibile quam duo contraria, quae sunt species unius generis. Boetius enim dicit quod unum contrarium non iuvat aliud ad esse. Ergo substantia spiritualis cum sit incorruptibilis, non iuvat corpus corruptibile ad esse, et ita non est forma eius, cum forma det esse materiae.

 

17. Tout ce qui est uni а un autre par ce qui n’est pas de son essence, ne lui est pas uni comme une forme. Mais l’intellect est uni au corps par les images, ce qui ne vient pas de la substance intellectuelle, comme le dit le Commentateur (L’вme, III, comm. 5, 36). Donc la substance spirituelle qui est l’intellect, n’est pas unie au corps comme une forme.

17. Praeterea, quidquid unitur alteri per id quod non est de essentia eius, non unitur ei ut forma. Sed intellectus unitur corpori per phantasmata, quod non est de substantia intellectus, ut Commentator dicit in III de anima. Ergo substantia spiritualis, quae est intellectus, non unitur corpori ut forma.

 

18. Toute substance spirituelle est intellectuelle. Mais toute substance intellectuelle est abstraite de la matiиre puisque par exemption ce qui est intellectuel en est affranchi. Donc aucune substance spirituelle n’est forme dans la matiиre et ainsi elle ne peut pas кtre unie а un corps comme forme.

18. Praeterea, omnis substantia spiritualis est intellectualis. Omnis autem substantia intellectualis est abstracta a materia, cum per immunitatem a materia sit aliquid intellectuale. Nulla ergo substantia spiritualis est forma in materia; et ita non potest uniri corpori ut forma.

 

19. L’un se fait de la matiиre et de la forme. Si donc la substance spirituelle est unie а un corps comme forme, il faut que l’un se fasse de la substance spirituelle et du corps. Mais les formes intelligibles qui sont reзues dans l’intellect, seraient reзues dans une matiиre corporelle, ce qui est impossible: parce que les formes reзues dans cette matiиre sont intelligibles seulement en puissance. Donc la substance spirituelle n’est pas unie а un corps comme forme.

19. Praeterea, ex materia et forma fit unum. Si igitur substantia spiritualis unitur corpori ut forma, oportet quod ex substantia spirituali et corpore fiat unum. Formae intelligibiles quae recipiuntur in intellectu, reciperentur in materia corporali; quod est impossibile: quia formae receptae in materia corporali, sunt intelligibiles tantum in potentia. Non ergo substantia spiritualis unitur corpori ut forma.

 

En sens contraire

Denys dit (les noms divins, 4, lectio 1) que l’вme est une substance spirituelle qui a une vie inaltйrable. Mais l’вme est la forme du corps, comme on le voit dans la dйfinition qui est dans L’вme (II, 1, 412 a 19-21[60]). Donc une substance spirituelle ou intellectuelle est unie au corps comme forme.

De spiritualibus creaturis, a. 2 s. c. Sed contra, est quod Dionysius dicit IV cap. de Divin. Nomin., quod anima est substantia intellectualis habens vitam indeficientem. Sed anima est forma corporis, ut patet per eius definitionem, quae ponitur in II de anima. Ergo aliqua substantia spiritualis, sive intellectualis, unitur corpori ut forma.

 

Rйponse

La difficultй de cette question vient du fait que la substance spirituelle est une certaine chose qui subsiste par elle-mкme. Il est dы а la forme d’кtre dans un autre, c'est-а-dire dans la matiиre, dont elle est l’acte et la perfection. Aussi il semble contre la nature de la substance spirituelle qu’elle soit la forme du corps, et pour cela Grйgoire de Nysse, dans son livre de l’вme (Ch. 2 et 3[61]) a imputй а Aristote le fait qu’il a pensй que l’вme ne subsiste pas par elle-mкme et qu’elle se corrompt quand le corps se corrompt, parce qu’il a pensequ’elle йtait l’entйlйchie, c'est-а-dire l’acte ou la perfection du corps physique.

De spiritualibus creaturis, a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod difficultas huius quaestionis ex hoc accidit, quia substantia spiritualis est quaedam res per se subsistens. Formae autem debetur esse in alio, id est in materia, cuius est actus et perfectio. Unde contra rationem substantiae spiritualis esse videtur quod sit corporis forma; et propter hoc Gregorius Nyssenus in suo libro quem de anima fecit, imposuit Aristoteli quod posuit animam non per se subsistentem esse, et corrumpi corrupto corpore, quia posuit eam entelechiam, idest actum vel perfectionem physici corporis.

 

Mais cependant, si quelqu’un considиre attentivement le sujet, il apparaоt de maniиre йvidente qu’il est nйcessaire qu’une substance soit la forme du corps humain. Car il est йvident qu’il convient de comprendre а cet homme particulier, que ce soit Socrate ou Platon. Mais aucune opйration ne lui convient que par une forme qui existe en lui, substantielle ou accidentelle, parce que rien n’agit ou n’opиre que selon qu’il est en acte. Mais chaque chose est en acte par une forme ou substantielle ou accidentelle, puisque la forme est l’acte; ainsi le feu est en acte de feu par l’ignйitй, le chaud en acte par la chaleur. Il faut donc que le principe de cette opйration qui est de comprendre, soit sous une forme dans cet homme. Mais le principe de cette opйration n’est pas une forme dont l’кtre dйpend du corps, et liйe а la matiиre ou immergйe en elle, parce que cette opйration ne se fait pas par le corps, comme c’est prouve dans L’вme, (III, 4, 429 a 23[62]), c'est pourquoi le principe de cette opйration a une opйration sans communication avec la matiиre corporelles. Mais ainsi chacun opиre selon ce qu’il est; c'est pourquoi il faut que l’кtre de ce principe soit un кtre йlevй au-dessus de la matiиre corporelle, et qu’il n’en dйpende pas. Mais cela est le propre de la substance spirituelle. Il faut donc dire, si on joint ce qui a йtй dit, qu’une substance spirituelle est la forme du corps humain.

Sed tamen si quis diligenter consideret, evidenter apparet quod necesse est aliquam substantiam formam humani corporis esse. Manifestum est enim quod huic homini singulari, ut Socrati vel Platoni, convenit intelligere. Nulla autem operatio convenit alicui nisi per aliquam formam in ipso existentem, vel substantialem vel accidentalem; quia nihil agit aut operatur nisi secundum quod est actu. Est autem unumquodque actu per formam aliquam vel substantialem vel accidentalem, cum forma sit actus; sicut ignis est actu ignis per igneitatem, actu calidus per calorem. Oportet igitur principium huius operationis quod est intelligere, formaliter inesse huic homini. Principium autem huius operationis non est forma aliqua cuius esse sit dependens a corpore, et materiae obligatum sive immersum; quia haec operatio non fit per corpus, ut probatur in III de anima; unde principium huius operationis habet operationem sine communicatione materiae corporalis. Sic autem unumquodque operatur secundum quod est; unde oportet quod esse illius principii sit esse elevatum supra materiam corporalem, et non dependens ab ipsa. Hoc autem proprium est spiritualis substantiae. Oportet ergo dicere, si praedicta coniungantur, quod quaedam spiritualis substantia, sit forma humani corporis.

 

[L’opinion d’Averroиs]

Certains qui concиdent que comprendre est l’acte de la substance spirituelle, ont niй qu’elle йtait unie au corps comme forme. Parmi eux Averroиs[63] a placй l’intellect possible, quant а l’кtre, sйparй du corps. Cependant il voit que s’il n’y avait pas une union а cet homme, son action ne pourrait pas le concerner. Car s’il y a deux substances tout а fait dйsunies, l’une йtant celle qui agit ou qui opиre, on ne dit pas que l’autre opиre. C'est pourquoi il a pensй que cet intellect, qu’il disait tout а fait sйparй du corps quant а son кtre, йtait reliй а cet homme par les images, pour cette raison que l’espиce intelligible qui est la perfection de l’intellect possible, est йtablie dans les images (phantasma) d’oщ elle est abstraite. Donc ainsi il a un кtre double, l’un dans l’intellect possible, dont il est la forme et l’autre dans les images, d’oщ il est abstrait Mais les images sont dans cet homme, parce que la puissance imaginative est puissance dans le corps, c'est-а-dire qu’elle a un organe corporel[64]. Donc la forme intelligible elle-mкme est un intermйdiaire qui unit l’intellect possible а un homme particulier.

Quidam vero concedentes quod intelligere sit actus spiritualis substantiae, negaverunt illam spiritualem substantiam uniri corpori ut forma. Quorum Averroes posuit intellectum possibilem, secundum esse, separatum a corpore. Vidit tamen quod nisi esset aliqua unio eius ad hunc hominem, actio eius ad hunc hominem pertinere non posset. Si enim sint duae substantiae omnino disiunctae, una agente vel operante, alia non dicitur operari. Unde posuit intellectum illum, quem dicebat separatum omnino secundum esse a corpore, continuari cum hoc homine per phantasmata, hac ratione, quia species intelligibilis, quae est perfectio intellectus possibilis, fundatur in phantasmatibus a quibus abstrahitur. Sic ergo habet duplex esse: unum in intellectu possibili, cuius est forma; et aliud in phantasmatibus, a quibus abstrahitur. Phantasmata autem sunt in hoc homine, quia virtus imaginativa est virtus in corpore, id est habens organum corporale. Ipsa ergo species intelligibilis est medium coniungens intellectum possibilem homini singulari.

 

Mais cette union ne suffit absolument pas pour que cet homme particulier comprenne. Car comme Aristote le dit (L’вme, III, 7, 431 a 14[65]), les images sont en relation avec l’intellect possible, comme la couleur а la vision. De mкme donc que la forme[66] intelligible abstraite des imagesest dans l’intellect possible, comme la forme de la couleur dans le sens de la vue, de mкme la forme intelligible est dans les images comme la forme visible est dans la couleur du mur. Mais le fait que la forme visible, qui est la forme de la vue, est йtablie dans la couleur du mur, la vue n’est pas jointe au mur, comme а ce qui voit mais comme ce qui est vu, car ce n’est pas par cela que le mur voit, mais est vu. Car qu’en lui soit la forme dont la ressemblance est dans la puissance connaissante, cela ne fait pas que l’homme connaоt, mais que la puissance connaissante est en lui. Et donc cet homme par cela ne comprendra pas qu’il y a en lui les images, dont la ressemblance qui est la forme intelligible est dans l’intellect possible, mais il en dйcoule que ses images des autres sont comprises. Mais il faut que l’intellect possible, qui est la puissance qui comprend, soit formellement en cette homme pour qu’il comprenne.

Sed haec continuatio nullo modo sufficit ad hoc quod hic homo singularis intelligat. Ut enim Aristoteles dicit in Lib. III de anima, phantasmata comparantur ad intellectum possibilem sicut color ad visum. Sic igitur species intelligibilis a phantasmatibus abstracta, est in intellectu possibili, sicut species coloris in sensu visus; sic autem est in phantasmatibus intelligibilis species sicut species visibilis est in colore parietis. Per hoc autem quod species visibilis, quae est forma visus, fundatur in colore parietis, non coniungitur visus parieti ut videnti, sed ut viso; non enim per hoc paries videt, sed videtur. Non enim hoc facit cognoscentem, ut sit in eo forma cuius similitudo est in potentia cognoscente; sed ut sit in ipso cognoscitiva potentia. Neque igitur hic homo per hoc erit intelligens quod sunt in eo phantasmata, quorum similitudo, quae est species intelligibilis, est in intellectu possibili; sed sequitur per hoc quod sua phantasmata sint aliorum intellecta. Sed oportet ipsum intellectum possibilem, qui est potentia intelligens, formaliter inesse huic homini ad hoc quod hic homo intelligat.

 

Il semble aussi qu’il s’est trompй dans la nature de l’union, puisque la forme intelligible n’est une avec l’intellect possible qu’en tant qu’elle est abstraite des images: car ainsi il est seulement compris en acte, mais selon qu’il est dans les images, il est compris seulement en puissance. Par cela donc la sйparation de l’intellect possible des images est mieux dйmontrйe que leur union. Car il faut qu’elle soit tout а fait sйparйe, quand une chose ne peut кtre unie а l’un d’eux, sans avoir йtй sйparйe d’un autre.

Videtur etiam in ipsa ratione continuationis defecisse; cum species intelligibilis non sit unum cum intellectu possibili, nisi in quantum est abstracta a phantasmatibus: sic enim solum est intellecta in actu; secundum autem quod est in phantasmatibus, est intellecta solum in potentia. Per hoc igitur magis demonstratur disiunctio intellectus possibilis a phantasmatibus quam continuatio. Oportet enim illa esse omnino disiuncta, quorum uni aliquid uniri non potest, nisi fuerit ab altero separatum.

 

[L’opinion de Platon]

Mais une fois йcartйe cette opinion, comme impossible, il faut considйrer que Platon a pensй plus efficacement que ‘cet homme’ comprenait, et cependant que la substance spirituelle n’йtait pas unie а un corps comme forme. Comme le raconte Grйgoire de Nysse (De anima, PG. XLV, 216[67]) le raconte, Platon a pensй que la substance intellective, qui est appelйe вme, йtait unie au corps par un contact spirituel: ce qui est compris selon que le moteur ou l’agent touche ce qui est mы ou ce qui subit, mкme s’il est incorporel. Par cette raison, Aristote (La gйnйration, I, 6, 323 a 28[68]) dit que certains touchent et ne sont pas touchйs, parce qu’ils agissent et ne supportent pas. C'est pourquoi Platon disait, comme Grйgoire le rapporte, que l’homme n’est pas quelque chose[69] composй d’вme et de corps, mais que l’вme se sert du corps pour comprendre qu’elle est dans un corps d’une certaine maniиre comme un marin dans son bateau. Ce dont semble parler Aristote dans L’вme, (II, 1, 413 a 8). Donc ainsi cet homme comprend en tant qu’il est sa propre substance spirituelle, qui est l’вme, dont l’acte est plus proprement de comprendre, alors que cependant cette substance n’existe pas comme la forme du corps.

Hac igitur opinione reiecta tanquam impossibili, considerandum est quod Plato efficacius posuit hunc hominem intelligere, nec tamen substantiam spiritualem uniri corpori ut formam. Ut enim Gregorius Nyssenus narrat, Plato posuit substantiam intellectivam, quae dicitur anima, uniri corpori per quemdam spiritualem contactum: quod quidem intelligitur secundum quod movens vel agens tangit motum aut passum, etiam si sit incorporeum. Ex qua ratione dicit Aristoteles in I de generatione quod quaedam tangunt et non tanguntur, quia agunt et non patiuntur. Unde dicebat Plato, ut dictus Gregorius refert, quod homo non est aliquid compositum ex anima et corpore, sed est anima utens corpore, ut intelligatur esse in corpore quodammodo sicut nauta in navi. Quod videtur tangere Aristoteles in II de anima. Sic igitur et hic homo intelligit in quantum hic homo est ipsa substantia spiritualis, quae est anima, cuius actus proprius est intelligere; hac tamen substantia forma corporis non existente.

 

Mais pour rйfuter cette raison il suffit d’un argument qu’Aristote (L’вme, II 1, 412 a 4[70]) introduit directement contre cette opinion. Car si l’вme n’йtait pas unie au corps comme forme, il en dйcoulerait que le corps et ses parties n’aurait pas un кtre spйcifique par l’вme, ce qui apparaоt manifestement comme faux[71]: parce que si l’вme s’en va, on ne parle que de maniиre йquivoque de l’њil, de la chair, ou de l’os, comme l’њil peint ou de pierre. C'est pourquoi il est clair que l’вme est une forme et la nature[72] de ce corps, c'est-а-dire par ce corps elle a la nature de son espиce. Mais il faut chercher comment cela est possible.

Sed ad huius rationis improbationem unum sufficiat, quod Aristoteles in II de anima inducit directe contra hanc positionem. Si enim anima non uniretur corpori ut forma, sequeretur quod corpus et partes eius non haberent esse specificum per animam; quod manifeste falsum apparet: quia recedente anima non dicitur oculus aut caro et os nisi aequivoce, sicut oculus pictus vel lapideus. Unde manifestum est quod anima est forma et quod quid erat esse huius corporis, id est a qua hoc corpus habet rationem suae speciei. Qualiter autem hoc esse possit inquirendum est.

 

Il faut considйrer que plus une forme est parfaite, plus elle dйpasse la matiиre corporelle, ce qui est manifeste pour ce qui induit dans diffйrents ordres de formes. Car la forme de l’йlйment n’a d’opйration que celle qui est faite par les qualitйs actives et passives, qui sont les dispositions de la matiиre corporelle. Mais la forme du corps minйral a une opйration qui dйpasse les qualitйs organiques actives et passives, qui suit l’espиce par l’influence du corps cйleste, pour que l’aimant attire le fer[73], et que le saphir soigne les abcиs. En plus l’вme vйgйtative a une opйration, qui dйpasse les qualitйs organiques actives et passives; mais cependant au-dessus du pouvoir des qualitйs de ce genre, l’вme a son propre effets en nourrissant et faisant croоtre jusqu’а un terme dйterminй, et l’autre de ce genre en complйtant. Mais l’вme sensitive a au-delа une opйration а laquelle en aucune maniиre ne s’йtendent les qualitйs actives et passives, si ce n’est dans la mesure oщ elles sont exigйes pour la composition de l’organe par lequel s’exerce une telle opйration, comme voir, entendre, dйsirer, etc.

Considerandum est autem quod quanto aliqua forma est perfectior, tanto magis supergreditur materiam corporalem; quod patet inducenti in diversis formarum ordinibus. Forma enim elementi non habet aliquam operationem nisi quae fit per qualitates activas et passivas; quae sunt dispositiones materiae corporalis. Forma autem corporis mineralis habet aliquam operationem excedentem qualitates activas et passivas, quae consequitur speciem ex influentia corporis caelestis; ut quod magnes attrahit ferrum, et quod sapphyrus curat apostema. Ulterius autem anima vegetabilis habet operationem, cui quidem deserviunt qualitates activae et passivae organicae; sed tamen supra posse huiusmodi qualitatum, ipsa effectum proprium sortitur nutriendo et augendo usque ad determinatum terminum, et alia huiusmodi complendo. Anima autem sensitiva ulterius habet operationem, ad quam nullo modo se extendunt qualitates activae et passivae, nisi quatenus exiguntur ad compositionem organi per quod talis operatio exercetur, ut videre, audire, appetere et huiusmodi.

 

Mais la plus parfaite des formes, c'est-а-dire l’вme humaine, qui est la limite de toutes les formes naturelles a une opйration qui dйpasse largement la matiиre, qui ne se fait pas par un organe corporel, а savoir comprendre (intelliger). Et parce que l’кtre de la chose est proportionnйe а son opйration, comme on l’a dit, puisque chacun opиre selon qu’il est un йtant, il faut que l’кtre de l’вme humaine surpasse la matiиre corporelle, et ne soit pas totalement apprйhendйe par elle, mais cependant d’une certaine maniиre, qu’elle soit atteinte par elle. Donc en tant qu’elle surpasse l’кtre de la matiиre corporelle, en pouvant subsister et opйrer par elle-mкme, l’вme humaine est une substance spirituelle; en tant qu’elle est atteinte par la matiиre et que son кtre communique avec elle, elle est forme du corps. Mais elle est atteinte par la matiиre corporelle par cette raison que le plus haut de l’ordre le plus petit ordre atteint toujours le plus bas de l’ordre le plus haut, comme on le voit chez Denys (La hierarchie cйleste, XIII, 3, passim); et c'est pourquoi l’вme humaine qui est la plus petite dans l’ordre des substances spirituelles peut communiquer son кtre au corps humain, qui en est trиs digne, pour devenir un par l’вme et le corps comme par la forme et la matiиre. Mais si la substance spirituelle йtait composйe de matiиre et de forme, il serait impossible, qu’elle soit une forme corporelle, parce qu’il est de la nature de la matiиre de ne pas кtre dans un autre, mais d’кtre le premier substrat.

Perfectissima autem formarum, id est anima humana, quae est finis omnium formarum naturalium, habet operationem omnino excedentem materiam, quae non fit per organum corporale, scilicet intelligere. Et quia esse rei proportionatur eius operationi, ut dictum est, cum unumquodque operetur secundum quod est ens; oportet quod esse animae humanae superexcedat materiam corporalem, et non sit totaliter comprehensum ab ipsa, sed tamen aliquo modo attingatur ab ea. In quantum igitur supergreditur esse materiae corporalis, potens per se subsistere et operari, anima humana est substantia spiritualis; in quantum vero attingitur a materia, et esse suum communicat illi, est corporis forma. Attingitur autem a materia corporali ea ratione quod semper supremum infimi ordinis attingit infimum supremi, ut patet per Dionysium VII cap. de Divin. Nomin.; et ideo anima humana quae est infima in ordine substantiarum spiritualium, esse suum communicare potest corpori humano, quod est dignissimum, ut fiat ex anima et corpore unum sicut ex forma et materia. Si vero substantia spiritualis esset composita ex materia et forma, impossibile esset quod esset forma corporalis: quia de ratione materiae est quod non sit in alio, sed quod ipsa sit primum subiectum.

 

Solutions

1. Bien que la substance spirituelle ne soit pas enfermйe par le corps, cependant elle est atteinte en quelque maniиre par lui, comme on l’a dit.

1. Ad primum ergo dicendum quod substantia spiritualis, licet non comprehendatur a corpore, attingitur tamen aliqualiter ab eo, ut dictum est.

 

2. Comprendre est l’opйration de l’вme humaine, selon qu’elle dйpasse la proportion de la matiиre corporelle, et c’est pourquoi cela ne se fait pas par un organe corporel. On peut cependant dire que ce qui est joint, c'est-а-dire l’homme, comprend, en tant que l’вme qui est sa partie formelle, a cette opйration propre, de mкme que l’opйration de n’importe quelle partie est attribuйe au tout: car l’homme voit par l’њil, se promиne par ses pieds et de la mкme maniиre il comprend par l’вme.

2. Ad secundum dicendum quod intelligere est operatio animae humanae secundum quod superexcedit proportionem materiae corporalis, et ideo non fit per aliquod organum corporale. Potest tamen dici, quod ipsum coniunctum, id est homo, intelligit, in quantum anima, quae est pars eius formalis, habet hanc operationem propriam, sicut operatio cuiuslibet partis attribuitur toti; homo enim videt oculo, ambulat pede, et similiter intelligit per animam.

 

3. L’вme a un кtre subsistant, en tant que celui-ci ne dйpend pas du corps, puisqu’elle est йlevйe au-dessus de la matiиre corporelle. Et cependant pour cette communion а cet кtre elle reзoit le corps, pour qu’ainsi soit un l’кtre de l’вme et du corps, ce qui est l’кtre de l’homme. Mais si le corps lui йtait uni selon un autre кtre, il en dйcoulerait que se serait une union accidentelle.

3. Ad tertium dicendum quod anima habet esse subsistens, in quantum esse suum non dependet a corpore, utpote supra materiam corporalem elevatum. Et tamen ad huius esse communionem recipit corpus, ut sic sit unum esse animae et corporis, quod est esse hominis. Si autem secundum aliud esse uniretur sibi corpus, sequeretur quod esset unio accidentalis.

 

4. L’вme en son essence est la forme du corps mais pas comme quelque chose d’ajoutй. Cependant en tant qu’elle est en rapport avec le corps, elle est sa forme, en tant qu’elle surpasse la relation au corps, on l’appelle esprit ou substance spirituelle.

4. Ad quartum dicendum quod anima secundum suam essentiam est forma corporis, et non secundum aliquid additum. Tamen in quantum attingitur a corpore, est forma; in quantum vero superexcedit corporis proportionem, dicitur spiritus, vel spiritualis substantia.

 

5. Aucune partie sйparйe du tout n’a la perfection de la nature. C'est pourquoi comme l’вme est une partie de la nature humaine, elle n’a la perfection de sa nature que dans son union au corps. Ce qui se voit du fait qu’il y a dans la puissance de cette вme que des puissances qui ne sont pas les actes des organes corporels qui dйcoulent d’elle qui, en tant qu’elle dйpasse la relation au corps, et en plus des puissances qui sont les actes des organes dйcoulent d’elle, en tant que la matiиre corporelle la concerne. Mais rien n’est parfait dans sa nature а moins qu’on puisse l’expliquer par l’acte qui y est contenu par puissance. C'est pourquoi bien que l’вme puisse exister et comprendre quand elle est sйparйe du corps, cependant dans ce cas elle n’a pas la perfection de sa nature, comme Augustin le dit (Le Genиse au sens littйral, XII, 35, 68[74]).

5. Ad quintum dicendum quod nulla pars habet perfectionem naturae separata a toto. Unde anima, cum sit pars humanae naturae, non habet perfectionem suae naturae nisi in unione ad corpus. Quod patet ex hoc quod in virtute ipsius animae est quod fluant ab ea quaedam potentiae quae non sunt actus organorum corporalium, secundum quod excedit corporis proportionem; et iterum quod fluant ab ea potentiae quae sunt actus organorum, in quantum potest contingi a materia corporali. Non est autem aliquid perfectum in sua natura, nisi actu explicari possit quod in eo virtute continetur. Unde anima, licet possit esse et intelligere a corpore separata, tamen non habet perfectionem suae naturae cum est separata a corpore ut Augustinus dicit, XII super Genes. ad litteram.

 

6. On ne considиre pas ici que le miracle selon qu’il est opposй а l’opйration naturelle, mais selon qu’on dit que les miracles sont des њuvres naturelles, dans la mesure oщ ils procиdent de la puissance incomprйhensible de Dieu. Et de cette maniиre Augustin dit (Sur Jean, 24, 11) que Dieu produise avec quelques grains une si grande rйcolte, qui suffit pour rassasier tout le genre humain, est plus admirable que rassasier cinq mille hommes avec cinq pains.

6. Ad sextum dicendum quod miraculum non accipitur ibi secundum quod dividitur contra naturalem operationem, sed secundum quod etiam ipsa naturalia opera miracula dicuntur, prout ab incomprehensibili divina virtute procedunt. Et hoc modo dicit Augustinus super Ioan., quod mirabilius est quod Deus ex paucis granis tantam segetum multitudinem producit, quae sufficiat ad totius humani generis satietatem, quam quod ex quinque panibus quinque millia hominum satiavit.

 

7. Ce qui affaiblit quelque chose, une fois prйcisйe sa nature, n’est pas naturel[75]; cependant il arrive le plus souvent que quelque chose convient а la nature de quelqu’un, d’oщ cependant dйcoule en lui la faiblesse et la corruption, ainsi кtre composй de contraires est naturel pour l’animal; par eux cependant dйcoulent en lui la mort et la corruption. Et de la mкme maniиre c’est le propre а l’вme d’avoir besoin des images pour comprendre; cependant il en dйcoule qu’elle est amoindrie par rapport aux substances supйrieures. Mais dire que l’вme alourdit le corps, n’appartient pas non plus а sa nature, mais а la corruption, selon ce verset de la Sagesse (9, 15): « Le corps corrompu[76] alourdit l’вme ». Ce qu’on dit parce qu’elle se dйtache des йtreintes corporelles, pour se comprendre, il faut comprendre qu’elle se dйtache de ce qui est comme des obstacles, parce que l’вme comprend par йloignement de toute corporйitй, cependant elle ne se dйtache pas d’eux selon l’кtre. Bien plus, quand certains organes corporels sont blessйs, l’вme ne peut directement  comprendre, ni elle-mкme, ni autre chose, comme quand le cerveau est blessй.

7. Ad septimum dicendum quod illud per quod debilitatur aliquid, praeintellecta sua natura, non est naturale. Contingit tamen plerumque quod aliquid est pertinens ad naturam alicuius, ex quo tamen sequitur in eo aliqua debilitatio aut defectus: sicut componi ex contrariis est naturale animali, ex quo sequitur in eo mors et corruptio. Et similiter naturale est animae quod indigeat phantasmatibus ad intelligendum; ex quo tamen sequitur quod diminuatur in intelligendo a substantiis superioribus. Quod autem dicitur, quod anima a corpore praegravatur, hoc non est ex eius natura, sed ex eius corruptione, secundum illud Sapient. IX: corpus quod corrumpitur aggravat animam. Quod vero dicitur quod abstrahit se a nexibus corporalibus ut se intelligat, intelligendum est quod abstrahit se ab eis quasi ab obiectis, quia anima intelligitur per remotionem omnis corporeitatis; non tamen ab eis abstrahitur secundum esse. Quinimmo, quibusdam corporeis organis laesis, non potest anima directe nec se nec aliud intelligere, ut quando laeditur cerebrum.

 

8. Plus une forme est йlevйe, plus elle a besoin d’кtre produite par un agent puissant. Aussi comme l’вme humaine est la plus haute de toutes les formes, elle est produite par l’agent le plus puissant, c'est-а-dire Dieu; d’une autre maniиre cependant que les autres formes par n’importe quel agent. Car les autres formes ne sont pas subsistantes. C'est pourquoi l’кtre n’est pas d’elles, mais certains sont pour elles; aussi leur devenir est selon que la matiиre ou le substrat sont ramenйs de la puissance а l’acte et c’est йduire la forme de la puissance de la matiиre sans addition de quelque chose d’extйrieur. Mais l’вme a un кtre subsistant; c'est pourquoi le devenir lui est proprement dы, et le corps est tirй vers son кtre. Et а cause de cela on dit qu’elle existe par l’extйrieur et qu’elle n’est pas йduite de la puissance de la matiиre. C’est ainsi qu’apparaоt la solution а la neuviиme objection.

8. Ad octavum dicendum quod quanto aliqua forma est altior, tanto plus indiget a potentiori agente produci. Unde cum anima humana sit altissima omnium formarum, producitur a potentissimo agente, scilicet Deo; alio tamen modo quam aliae formae a quibuscumque agentibus. Nam aliae formae non sunt subsistentes: unde esse non est earum, sed eis aliqua sunt; unde fieri earum est secundum quod materia vel subiectum reducitur de potentia in actum: et hoc est educi formam de potentia materiae absque additione alicuius extrinseci. Sed ipsa anima habet esse subsistens; unde sibi proprie debetur fieri, et corpus trahitur ad esse eius. Et propter hoc dicitur quod est ab extrinseco, et quod non educitur de potentia materiae. Unde patet solutio ad nonum.

 

10. L’esprit se rencontre plus avec un esprit qu’avec un corps par accord de nature, mais par l’accord de relation requis entre la forme et la matiиre, l’esprit se rencontre plus avec le corps qu’avec l’esprit puisque deux esprits sont deux actes, mais le corps est comparй а l’вme, comme la puissance а l’acte.

10. Ad decimum dicendum quod spiritus magis convenit cum spiritu quam corpore convenientia naturae; sed convenientia proportionis, quae requiritur inter formam et materiam, magis convenit spiritus cum corpore quam spiritus cum spiritu: cum duo spiritus sint duo actus, corpus autem comparetur ad animam sicut potentia ad actum.

 

11. L’ange et l’вme sont йgaux par la nature du genre, en tant que l’un et l’autre sont une substance intellectuelle. Mais l’ange est supйrieur par la nature de l’espиce, comme Denys le montre (La Hiйrarchie cйleste, IV, 2, 180 A[77]).

11. Ad undecimum dicendum quod Angelus et anima sunt pares natura generis, in quantum utrumque est intellectualis substantia. Sed Angelus natura speciei est superior, ut patet per Dionysium, IV cap. Caelest. hierarchiae.

 

12. Le raisonnable est pris au sens propre comme diffйrence de l’вme, non de l’ange, mais plus intellectuel, comme Denys se sert du mot; parce que l’ange ne connaоt pas la vйritй par raisonnement discursif, mais d’un simple regard, ce qui est proprement comprendre. Cependant si le raisonnable est largement reзu, alors il faut dire, que ce n’est pas l’ultime diffйrence spйcifique, mais il est divisй par d’autres diffйrences spйcifiques, а cause des divers degrйs de l’intellection.

12. Ad duodecimum dicendum quod rationale proprie acceptum est differentia animae, non Angeli, sed magis intellectuale, ut Dionysius utitur; quia Angelus non cognoscit veritatem per discursum rationis, sed simplici intuitu, quod est proprie intelligere. Si tamen rationale large accipiatur tunc dicendum est, quod non est ultima differentia specifica, sed dividitur per alias specificas differentias, propter diversos gradus intelligendi.

 

13. On ne dit pas que l’intellect est l’acte d’une partie du corps, en tant qu’il est une puissance qui ne se sert pas d’organe; cependant la substance mкme de l’вme est unie au corps comme forme, comme on l’a dit.

13. Ad decimumtertium dicendum quod intellectus non dicitur esse actus partis alicuius corporis, in quantum est potentia non utens organo; ipsa tamen substantia animae unitur corpori ut forma, sicut dictum est.

 

14. On dit que le dйplacement pour ces femmes arrive en esprit, non parce que l’esprit, c'est-а-dire la substance de l’вme opиre hors du corps, mais parce que dans l’esprit, c'est-а-dire dans l’imagination de l’вme, se forment des vues de ce genre.

14. Ad decimumquartum dicendum quod illis mulieribus discursus dicitur accidere in spiritu; non quod spiritus, id est substantia animae, extra corpus operetur; sed quia in spiritu, hoc est in phantastico animae, huiusmodi visa formantur.

 

15. La matiиre sans forme, а proprement parler, ne peut pas кtre un substrat, selon que celui-ci est proprement appelй ‘quelque chose’ en acte, mais selon que le corps animй est un йtant en acte, pour pouvoir кtre substrat, il ne l’a pas par une autre forme que par l’вme, comme on le verra plus loin.

15. Ad decimumquintum dicendum quod materia sine forma, proprie loquendo non potest esse subiectum, secundum quod subiectum proprie dicitur aliquid ens actu; sed quod corpus animatum sit ens actu, ut possit esse subiectum, non habet ab alia forma quam ab anima, ut infra patebit.

 

16. Le corruptible et l’incorruptible ne se rencontrent pas dans un genre selon une considйration naturelle, а cause de la maniиre diffйrente d’кtre, et de la nature diffйrente de la puissance dans les deux, bien qu’ils puissent se rencontrer dans le genre logique, qui est compris selon l’intensitй intelligible seulement. Mais bien que l’вme soit incorruptible, cependant elle n’est pas dans un autre genre que le corps, parce que, comme elle est une partie de la nature humaine, il ne lui convient pas d’кtre dans un autre genre ou une autre espиce, ou кtre une personne, une hypostase, mais un composй. C’est pourquoi elle ne peut pas кtre appelй ‘ce quelque chose’, si par cela on comprend l’hypostase, la personne, ou l’individu, placй dans un genre ou une espиce. Mais si on dit que ‘ce quelque chose’ est tout ce qui peut subsister par soi, alors l’вme est ce ‘quelque chose’.

16. Ad decimumsextum dicendum quod corruptibile et incorruptibile non conveniunt in genere secundum considerationem naturalem, propter diversum modum essendi, et diversam rationem potentiae in utroque; licet possint convenire in genere logico, quod accipitur secundum intentionem intelligibilem solum. Anima autem, licet sit incorruptibilis, non tamen est in alio genere quam corpus; quia cum sit pars humanae naturae, non competit sibi esse in genere vel specie, vel esse personam aut hypostasim, sed composito. Unde etiam nec hoc aliquid dici potest, si per hoc intelligatur hypostasis vel persona, vel individuum in genere aut specie collocatum. Sed si hoc aliquid dicatur omne quod potest per se subsistere, sic anima est hoc aliquid.

 

17. Cette opinion du Commentateur est impossible, comme on l’a montrй.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod illa positio Commentatoris est impossibilis, ut ostensum est.

 

18. Il est de la nature de la substance intellectuelle qu’elle soit exempte de matiиre dont dйpendrait son кtre, en tant que totalement liй а la matiиre. C'est pourquoi rien n’empкche que l’вme soit substance intellectuelle et forme du corps, comme on l’a dit ci-dessus.

 

18. Ad decimumoctavum dicendum quod de ratione substantiae intellectualis est, quod sit immunis a materia a qua dependeat eius esse, sicut totaliter comprehensum a materia. Unde nihil prohibet animam esse substantiam intellectualem et formam corporis, ut supra dictum est.

 

19. L’un se fait de l’вme humaine et du corps, parce que cependant l’вme surpasse la relations au corps et de cette partie par laquelle elle surpasse le corps, on lui attribue une puissance intellective. C'est pourquoi il ne faut pas que les espиces intelligibles qui sont dans l’intellect soient reзues dans la matiиre corporelle.

19. Ad decimumnonum dicendum quod ex anima humana et corpore ita fit unum, quod tamen anima superexcedat corporis proportionem; et ex ea parte qua corpus excedit, attribuitur ei potentia intellectiva. Unde non oportet quod species intelligibiles quae sunt in intellectu, recipiantur in materia corporali.

 

Article 3: La substance spirituelle qu’est l’вme humaine est-elle unie au corps par un intermйdiaire ? Tertio quaeritur utrum substantia spiritualis quae est anima humana, uniatur corporis per medium

 

Note du traducteur: Thomas semble ici traiter deux sujets: Y a-t-il un intermйdiaire entre l’вme et le corps. Les objections en prйsentent plusieurs possible. A cela s’ajoute le problиme de l’arrivйe de l’вme raisonnable. Que se passe-t-il dans l’embryon avant l’arrivйe de l’вme raisonnable. Y a-t-il succession d’вmes (voir а partir de l’objection 12) Il est admis que l’вme raisonnable n’est pas au dйbut dans l’embryon, mais le corps existe dйjа et doit avoir une forme. Laquelle et comment ?

« Mais comme certains soutenaient, selon l'opinion de Platon, que l'вme est unie au corps comme une substance а une autre, ils furent dans la nйcessitй de poser des mйdiations par lesquelles l'вme s'unit au corps. En effet, des substances diverses et distantes ne sont rйunies que si quelque lien les unit. Ainsi donc certains soutinrent que les esprits animaux vitaux et l'humeur intervenaient en mйdiateurs entre l'вme et le corps, pour d'autres c'йtait la lumiиre, pour d'autre encore les puissances de l'вme ou quelque chose de ce genre. Mais aucune de ces mйdiations n'est nйcessaire si l'вme est la forme du corps, car tout ce qui est, au titre d'йtant, est un. Voilа pourquoi, puisque la forme donne par elle-mкme l'кtre а la matiиre, elle est unie par elle-mкme а sa matiиre propre, et non par quelque autre lien ».(QDP de anima, qu. 9, c.) .

« Et il n'y a pas lieu d'imaginer un intermйdiaire ayant pour rфle d'opйrer cette union: soit les images, suivant l'opinion d'Averroиs; soit les puissances, comme certains le disent; soit encore un esprit corporel, d'aprиs l'avis de quelques autres. Il a йtй montrй en effet que l'вme est unie au corps comme sa forme. Or la forme s'unit а la matiиre sans aucun intermйdiaire. » CG. II, 71 §1-2

 

Il semble que oui[78].

Et videtur quod sic.

 

Objections:

1. Denys dit (La hiйrarchie cйleste, XIII, 3) que le plus haut est uni au plus bas par des intermйdiaires. Mais entre la substance spirituelle et le corps les intermйdiaires sont l’вme vйgйtative et l’вme sensitive. Donc la substance spirituelle, qu’est l’вme raisonnable est unie au corps par un intermйdiaire vйgйtatif et sensible.

1. Dionysius enim dicit, quod suprema coniunguntur infimis per media. Sed inter substantiam spiritualem et corpus sunt media anima vegetabilis et sensibilis. Ergo substantia spiritualis, quae est anima rationalis, unitur corpori mediante vegetabili et sensibili.

 

2. Le philosophe dit (L’вme, II, 1, 412 b 5[79]) qu’« Elle est l’acte du corps organique qui a la vie en puissance ». Donc le corps physique organique qui a par puissance la vie, est comparй а une вme comme la matiиre а la forme[80]. Mais cela, c'est-а-dire le corps physique organique n’existe que par une forme substantielle. Donc cette forme substantielle, quelle qu’elle soit, prйcиde dans la matiиre la substance spirituelle, qui est l’вme raisonnable, et pour la mкme raison les autres formes qui en dйcoulent, qui sont l’вme sensible et l’вme vйgйtative.

2. Praeterea, philosophus dicit in II de anima, quod est actus corporis organici potentia vitam habentis. Corpus ergo physicum organicum potentia vitam habens comparatur ad animam ut materia ad formam. Sed hoc, scilicet corpus physicum organicum, non est nisi per aliquam formam substantialem. Ergo illa forma substantialis, quaecumque sit, praecedit in materia substantiam spiritualem, quae est anima rationalis; et eadem ratione aliae formae consequentes, quae sunt anima sensibilis et vegetabilis.

 

3. En outre, quoique la matiиre ne soit pas un genre, ni la diffйrence une forme, parce que ni l’une ni l’autre ne sont attribuйes au composй, le genre et la diffйrence sont attribuйs а l’espиce; cependant, selon le philosophe (Mйtaphysique, VIII, 2, 1043 a 19[81]; 3, 1043 b 30) le genre est assumй par la matiиre et la diffйrence par la forme. Mais le genre de l’homme c’est animal, qui est assumй par la nature sensitive; et la diffйrence est le raisonnable, qui est assumй par l’вme raisonnable. Donc la nature sensitive se comporte vis-а-vis de l’вme raisonnable comme la matiиre vis-а-vis de la forme. Mais la nature sensitive est achevйe par l’вme sensitive. Donc cette вme prйexiste а l’вme raisonnable dans la nature et par la mкme raison toutes les autres formes qui prйcиdent.

3. Praeterea, quamvis materia non sit genus nec differentia forma, quia neutrum eorum praedicatur de composito, genus autem et differentia de specie praedicantur; tamen, secundum philosophum in VIII Metaphys. genus sumitur a materia et differentia a forma. Sed genus hominis est animal, quod sumitur a natura sensitiva; differentia vero rationale, quod sumitur ab anima rationali. Natura ergo sensitiva se habet ad animam rationalem ut materia ad formam. Sed natura sensitiva perficitur per animam sensitivam. Ergo anima sensitiva praeexistit animae rationali in natura; et eadem ratione omnes aliae formae praecedentes.

 

4. De plus, comme c’est prouvй en Physique (III, 4, 254 b 24-32) tout moteur se divise en deux parties, dont l’une est le moteur et l’autre le mы. Mais l’homme et n’importe quel animal est moteur de lui-mкme; et sa partie qui est le moteur, c’est l’вme, et la partie mue ne peut pas кtre la matiиre nue, mais il faut que ce soit un corps, parce que tout ce est mы est un corps, comme c’est prouvй en Physique (VI, 4, 10). Mais le corps existe par une forme. Donc une forme a prйexistй dans la matiиre avant l’вme et ainsi de mкme que ci-dessus.

4. Praeterea, ut probatur in VIII Phys., omne movens seipsum dividitur in duas partes, quarum una est movens et alia mota. Sed homo et quodlibet animal est movens seipsum; pars autem eius movens est anima: pars autem mota non potest esse materia nuda, sed oportet esse corpus; quia omne quod movetur est corpus, ut probatur VI Phys. Corpus autem est per aliquam formam. Praeexistit ergo aliqua forma in materia ante animam; et sic idem quod prius.

 

5. Jean Damascиne (La foi orthodoxe, III, 6, PG XCIV, 1006) dit que la simplicitй de l’essence divine est telle qu’il ne convient que le Verbe soit uni а la chair que par l’intermйdiaire de l’вme. Donc la distinction selon le simple et le composй empкche que certaines choses puissent s’unir sans intermйdiaire. Mais l’вme raisonnable et le corps sont trиs йloignйs selon le simple et le composй. Donc il faut qu’ils soient unis par un intermйdiaire.

5. Pra eterea, Damascenus dicit, quod tanta est simplicitas divinae essentiae, ut non congruat verbum uniri carni nisi mediante anima. Distinctio ergo secundum simplex et compositum impedit quod aliqua non possunt coniungi sine medio. Sed anima rationalis et corpus maxime distant secundum simplex et compositum. Ergo oportet quod uniantur per medium.

 

6. Augustin dit dans le livre L’esprit et l’вme[82], (ch. 14, PL XL. 789) que l’вme qui est vraiment esprit et la chair qui est vraiment corps, en leurs extrйmitйs se joignent facilement et de maniиre convenable c'est-а-dire dans l’imagination[83] de l’вme, qui n’est pas un corps, mais semblable а un corps et а la sensualitй, du corps, elle est vraiment esprit, parce que sans вme elle ne peut pas кtre faite. L’вme s’unit au corps par deux intermйdiaires, а savoir par l’imagination et la sensualitй.

6. Praeterea, Augustinus dicit in libro de spiritu et anima, quod anima quae vere spiritus est, et caro quae vere corpus est, in suis extremitatibus facile et convenienter coniunguntur idest in phantastico animae, quod corpus non est sed simile corpori et sensualitate corporis, quae vere spiritus est, quia sine anima fieri non potest. Coniungitur anima corpori per duo media, scilicet per phantasticum et sensualitatem.

 

7. Dans le mкme livre (ch. XV[84]), il est dit: « Comme l’вme est incorporelle, par la nature plus subtile de son corps, c'est-а-dire par le feu et l’air (…) ».Pour la mкme raison elle gouverne le corps par oщ elle lui est unie: car si est dйficient ce par quoi elle gouverne le corps, l’вme s’en sйpare, comme Augustin le dit (La Genиse au sens littйral, VII, XX, 26[85]). Donc l’вme est unie au corps par un intermйdiaire.

7. Praeterea, in eodem libro dicitur: cum anima sit incorporea, per subtiliorem naturam corporis sui, id est per ignem et aerem (...) corpus administrat. Eadem autem ratione corpus administrat qua ei unitur: deficientibus enim his quibus administrat corpus, anima discedit a corpore, ut Augustinus dicit, VII super Genes. ad Litt. Ergo anima unitur corpori per medium.

 

8. Les choses qui sont tout а fait diffйrentes ne sont unies que par un intermйdiaire. Mais le corruptible et l’incorruptible sont trиs diffйrents, comme il est dit (Mйtaphysique,X, 10, 1058 b 28[86]). Donc l’вme humaine qui est incorruptible n’est unie а un corps corruptible que par un intermйdiaire.

8. Praeterea, ea quae maxime differunt, non coniunguntur nisi per medium. Sed corruptibile et incorruptibile maxime differunt, ut dicitur in X Metaphys. Anima ergo humana, quae est incorruptibilis, non unitur corpori corruptibili nisi per medium.

 

9. Un philosophe dit dans un livre (La diffйrence du corps et de l’esprit[87]), que l’вme est unie au corps par l’intermйdiaire de l’esprit. Donc elle lui est unie par un intermйdiaire.

9. Praeterea, philosophus quidam dicit in libro de differentia spiritus et animae, quod anima unitur corpori mediante spiritu. Unitur ergo ei per medium.

 

10. Ce qui diffйre par essence n’est pas uni sans intermйdiaire. Il faut donc que quelque chose l’unifie, comme cela se voit (Mйtaphysique, VIII, 6, 1045 a 10[88]). Mais l’вme et le corps diffиrent par essence. Donc ils ne peuvent кtre unis que par un intermйdiaire.

10. Praeterea, quae sunt diversa per essentiam non uniuntur sine medio. Oportet enim aliquid esse quod faciat ea unum, ut patet VIII Metaph. Sed anima et corpus differunt per essentiam. Ergo non possunt uniri nisi per medium.

 

11. L’вme est unie au corps, pour кtre achevйe par une union de ce genre, parce que la forme n’est pas pour la matiиre, mais la matiиre pour la forme. Mais l’une est achevйe par l’union du corps, surtout pour comprendre les ‘images’, en tant qu’elle comprend en abstrayant des images[89]. Donc elle est unie au corps par les images, qui ne sont ni de l’essence du corps ni de celle de l’вme. Donc l’вme est unie au corps par un intermйdiaire.

11. Praeterea, anima unitur corpori, ut perficiatur per huiusmodi unionem: quia forma non est propter materiam, sed materia propter formam. Perficitur autem anima ex unione corporis praecipue quantum ad intelligere phantasticum; in quantum scilicet intelligit abstrahendo a phantasmatibus. Ergo unitur corpori per phantasmata, quae non sunt neque de essentia corporis, neque de essentia animae. Ergo anima unitur corpori per medium.

 

12. Le corps avant la venue de l’вme raisonnable dans le sein maternel a une forme. Mais quand arrive l’вme raisonnable on ne peut pas dire que cette forme disparaоt, parce qu’elle ne tombe pas dans le nйant, et elle ne serait pas а donner en quoi elle reviendrait. Donc une forme prйexiste dans la matiиre avant l’вme raisonnable.

12. Praeterea, corpus ante adventum animae rationalis in materno utero habet aliquam formam. Adveniente autem anima rationali, non est dicere quod illa forma deficiat; quia neque cedit in nihilum, neque esset dare in quid rediret. Ergo forma aliqua praeexistit in materia ante animam rationalem.

 

13. Dans l’embryon, avant la venue de l’вme raisonnable apparaissent des opйrations vitales, comme on le voit dans Les animaux XVI (La gйnйration des animaux, II, 3, 736 b 12) Mais les opйrations vitales ne sont que dans l’вme. Donc une autre вme prйexiste dans le corps avant la venue de l’вme raisonnable et ainsi il semble que l’вme raisonnable est unie au corps par l’intermйdiaire d’une autre вme.

13. Praeterea, in embryone ante adventum animae rationalis apparent opera vitae, ut patet in XVI de animalibus. Sed opera vitae non sunt nisi ab anima. Ergo alia anima praeexistit in corpore ante adventum animae rationalis; et sic videtur quod anima rationalis uniatur corpori mediante alia anima.

 

14. Comme il n’y a pas d’erreur dans ce qui est abstrait, comme il est dit en Physique (II, 2, 193 b 33[90]), il faut que le corps dont parlent les mathйmaticiens existe de quelque maniиre. Donc comme il n’est pas sйparй des objets sensibles, il en dйcoule qu’il est dans les sensibles; mais pour qu’il soit corps, il lui faut une forme de corporйitй. Donc on comprend au moins cette forme de corporйitй avant dans le corps humain, qui est un corps sensible, avant l’вme humaine.

14. Praeterea, cum abstrahentium non sit mendacium, ut dicitur in II Physic., oportet corpus de quo mathematici loquuntur, aliqualiter esse. Cum ergo non sit separatum a sensibilibus, sequitur quod sit in sensibilibus. Sed ad hoc quod sit corpus, requiritur forma corporeitatis. Ergo forma corporeitatis ad minus praeintelligitur in corpore humano, quod est corpus sensibile, ante animam humanam.

 

15. De plus dans la Mйtaphysique (VII, 11, 1036 a 27[91]) il est dit que toute dйfinition a des parties et que ces parties de la dйfinition sont des formes. Donc en tout ce qui est dйfini, il faut qu’il y ait plusieurs formes. Donc comme l’homme est quelque chose de dйfini, il est nйcessaire de placer en lui plusieurs formes, et ainsi une forme prйexiste avant l’вme raisonnable.

15. Praeterea, in VII Metaph., dicitur quod omnis definitio habet partes, et quod partes definitionis sunt formae. In quolibet ergo definito oportet esse plures formas. Cum ergo homo sit quoddam definitum, necesse est in eo ponere plures formas; et ita aliqua forma praeexistit ante animam rationalem.

 

16.Rien ne donne ce qu’il n’a pas. Mais l’вme raisonnable n’a pas de corporйitй, puisqu’elle est incorporelle. Donc elle ne donne pas а l’homme sa corporйitй, et ainsi il faut que l’homme l’ait d’une autre forme.

16. Praeterea, nihil dat quod non habet. Sed anima rationalis non habet corporeitatem, cum sit incorporea. Ergo non dat homini corporeitatem; et ita oportet quod homo habeat hoc ab alia forma.

 

17. Le Commentateur dit (Mйtaphysique, I, comm. 17) que la matiиre premiиre reзoit les formes universelles avant les formes particuliиres, puisque la forme du corps est avant la forme du corps animй et ainsi а la suite. Donc comme l’вme humaine est une forme ultime et trиs spйcifique, il semble qu’elle prйsuppose d’autres formes universelles dans la matiиre.

17. Praeterea, Commentator dicit, quod materia prima prius recipit formas universales quam particulares, utpote prius formam corporis quam formam animati corporis; et sic deinceps. Cum ergo anima humana, sit ultima forma et maxime specifica, videtur quod praesupponat alias formas universales in materia.

 

18. Le Commentateur dit au livre Les substances du monde, que les dimensions prйexistent dans la matiиre avant les formes йlйmentaires. Mais les dimensions sont des accidents, et prйsupposent une forme substantielle dans la matiиre; sans cela l’кtre accidentel prйcиderait l’кtre substantiel. Donc avant la forme de l’йlйment simple prйexiste dans la matiиre une autre forme substantielle; donc beaucoup plus avant l’вme raisonnable.

18. Praeterea, Commentator dicit in libro de substantia orbis, quod dimensiones praeexistunt in materia ante formas elementares. Sed dimensiones sunt accidentia, et praesupponunt aliquam formam substantialem in materia; alioquin esse accidentale praecederet esse substantiale. Ergo ante formam simplicis elementi praeexistit in materia aliqua alia forma substantialis; multo igitur fortius ante animam rationalem.

 

19. De plus, selon, le philosophe dans le livre de La gйnйration (III, 4, 331 a 26) l’air est plus facilement converti en feu que l’eau, parce qu’il se rencontre avec lui dans une seule qualitй, а savoir la chaleur. Donc comme le feu se fait par l’air, il faut que la mкme chaleur demeure en espиce, parce que si le feu et la chaleur de l’air diffйraient en espиce, il y aurait huit qualitйs premiиre et non quatre seulement[92]. Car ce serait la mкme nature pour les autres qualitйs, dont certaines se trouvent en deux йlйments. Si donc on dit qu’il demeure le mкme en espиce mais diffйrent en nombre, la conversion de l’air en feu ne sera pas plus facile que celle de l’eau dans l’air. Il reste donc que c’est la mкme chaleur en nombre. Mais cela n’est possible que si prйexiste une forme substantielle, qui dans l’un des deux endroits demeure une et conserve le substrat unique de la chaleur; car il ne peut y avoir une seul accident en nombre que si le substrat a йtй unique. Donc il faut dire que, avant la forme du corps simple, on comprend dans une matiиre une forme substantielle. Donc beaucoup plus avant l’вme raisonnable.

19. Praeterea, secundum philosophum in libro de generatione facilius aer convertitur in ignem quam aqua, propter hoc quod convenit cum eo in una qualitate, scilicet calore. Cum ergo ex aere fit ignis, oportet quod maneat idem calor specie: quia si differret specie calor ignis et calor aeris, essent octo qualitates primae, et non quatuor tantum. Eadem enim ratio esset de aliis qualitatibus, quarum quaelibet in duobus elementis invenitur. Si ergo dicatur quod remaneat idem specie sed differens numero, non erit facilior conversio aeris in ignem quam aquae in ignem; quia forma ignis habebit corrumpere duas qualitates in aere sicut in aqua. Relinquitur ergo quod sit idem calor numero. Sed hoc non potest esse nisi praeexistente aliqua forma substantiali, quae utrobique remanet una et conservat subiectum caloris unum: non enim potest esse accidens unum numero, nisi subiectum fuerit unum. Oportet ergo dicere quod ante formam corporis simplicis, praeintelligatur in materia aliqua forma substantialis. Multo igitur magis ante animam rationalem.

 

2.0. La matiиre premiиre, quant а elle, se comporte indiffйremment vis-а-vis de toutes les formes. Si donc certaines formes et certaines dispositions ne prйexistent pas avant les autres, par lequelles elle devient apte а cette forme ou а cette autre, cette forme n’est pas plus reзue dans celle-ci que dans celle-lа.

2.0. Praeterea, materia prima, quantum est de se, indifferenter se habet ad omnes formas. Si igitur non praeexistant quaedam formae et dispositiones ante alias per quas approprietur ad hanc formam vel ad illam, non magis recipietur in ea haec forma quam illa.

 

2.1. La matiиre est unie а la forme par la puissance par laquelle elle peut кtre placйe sous elle. Mais cette puissance n’est pas identique а l’essence de la matiиre: car elle serait d’une simplicitй йgale а celle de Dieu qui est sa propre puissance. Donc il arrive quelque chose intermйdiaire entre la matiиre et l’вme, et n’importe quelle autre forme.

2.1. Praeterea, materia unitur formae per potentiam qua ei potest subesse. Sed potentia illa non est idem quod essentia materiae: sic enim esset aequalis simplicitatis cum Deo, qui est sua potentia. Cadit ergo aliquid medium inter materiam et animam, et quamlibet aliam formam.

 

En sens contraire

1. Il y a dans le livre des dogmes ecclйsiastiques (XV, PL. XLII, 1216): « Nous ne disons pas qu’il y a deux вmes dans l’homme, l’une animale qui vivifie le corps, l’autre spirituelle qui gouverne la raison. » A partir de lа on prouve ainsi. L’homme est dans le genre animal, il est aussi dans le genre du corps animй et de la substance. Mais par une et mкme forme, qui est l’вme, il est homme et animal, comme cela est montrй par une autoritй dйjа signalйe. Donc par une seule et mкme raison et par une mкme forme unique il est placй dans tous les genres supйrieurs, et ainsi avant l’вme il ne prйexiste aucune forme dans la matiиre.

1. Sed contra. Est in libro de ecclesiasticis dogmatibus: neque duas in homine animas dicimus, unam animalem, quae corpus vivificet; aliam spiritualem, quae rationem ministret. Ex hoc sic arguitur. Sicut homo est in genere animalis, ita est in genere animati corporis et substantiae. Sed per unam et eamdem formam, quae est anima, est homo et animal, ut ex praedicta auctoritate patet. Ergo eadem ratione per unam et eamdem formam collocatur in omnibus generibus superioribus; et sic non praeexistit ante animam aliqua forma in materia.

 

2. Dieu et l’вme sont plus йloignйs que l’вme et le corps. Mais dans le mystиre de l’Incarnation le Verbe a йtй uni а une вme sans intermйdiaire. Donc l’вme beaucoup plus peut кtre unie а un corps sans intermйdiaire.

2. Praeterea, plus distat Deus et anima, quam anima et corpus. Sed in mysterio incarnationis verbum unitum est animae immediate. Ergo multo fortius anima potest uniri corpori immediate.

 

3. Il faut que l’intermйdiaire participe des deux extrкmes. Mais rien ne peut exister qui soit en partie corporel et en partie spirituel. Donc rien ne peut advenir en intermйdiaire entre l’вme et le corps.

3. Praeterea, medium oportet participare cum utroque extremorum. Sed non potest esse aliquid quod partim sit corporale et partim spirituale. Ergo non potest aliquid cadere medium inter animam et corpus.

 

4. Le maоtre dit dans la premiиre distinction du livre II des sentences[93], que l’union de l’вme et du corps est un exemple de cette bienheureuse union par laquelle l’вme bienheureuse s’unit а Dieu. Mais cette union se fait sans intermйdiaire. Donc celle-ci aussi.

4. Praeterea, Magister dicit in prima distinctione II libri sententiarum, quod unio animae ad corpus est exemplum illius beatae unionis qua anima beata coniungitur Deo. Sed illa coniunctio fit sine medio. Ergo et ista unio.

 

5. Le philosophe dit (L’вme, I, 6, 411 b 6[94]) que le corps ne contient pas l’вme, mais c’est plutфt l’вme qui contient le corps et le Commentateur dit au mкme endroit que l’вme est la cause de la durйe du corps; mais cette durйe dйpend de la forme substantielle, par laquelle le corps est un corps. Donc l’вme raisonnable elle-mкme est un forme dans l’homme, par laquelle le corps est un corps.

5. Praeterea, philosophus dicit in I de anima, quod corpus non continet animam, sed magis anima corpus; et dicit ibidem Commentator, quod anima est causa continuitatis corporis. Sed continuitas corporis dependet a forma substantiali, per quam corpus est corpus. Ergo ipsa anima rationalis est forma in homine, qua corpus est corpus.

 

6. L’вme raisonnable est plus efficace et plus puissante que la forme d’un йlйment simple. Mais par la forme d’un йlйment simple le corps simple a tout ce qui est substantiel. Donc beaucoup plus le corps humain par l’вme et ainsi aucune forme ni aucun intermйdiaire ne prйexiste.

6. Praeterea, efficacior est et virtuosior anima rationalis quam forma simplicis elementi. Sed a forma simplicis elementi habet corpus simplex quidquid substantialiter est. Ergo multo fortius ab anima corpus humanum; et sic non praeexistit aliqua forma vel aliquid medium.

 

Rйponse.

La vйritй de cette question dйpend de quelque maniиre de ce qui a йtй dit. Car si l’вme raisonnable est unie а un corps seulement par un contact virtuel, comme moteur, comme certains l’ont pensй, rien n’empкcheraоt de dire qu’il y a de nombreux intermйdiaires entre l’вme et le corps, et plus entre l’вme et la matiиre premiиre[95]. Mais si on pense que l’вme est unie au corps comme une forme, il est nйcessaire de dire qu’elle lui est unie sans intermйdiaire. Car toute forme ou substantielle ou accidentelle, est unie а une matiиre ou а un substrat Car chacun est un, en tant qu’йtant.

Respondeo. Dicendum quod huius quaestionis veritas aliqualiter dependet ex praemissa. Si enim anima rationalis unitur corpori solum per contactum virtualem, ut motor, ut aliqui posuerunt, nihil prohibebat dicere quod sunt multa media inter animam et corpus; et magis inter animam et materiam primam. Si vero ponatur anima uniri corpori ut forma, necesse est dicere, quod uniatur ei immediate. Omnis enim forma sive substantialis sive accidentalis, unitur materiae vel subiecto. Unumquodque enim secundum hoc est unum, secundum quod est ens.

 

Mais chaque йtant est en acte par la forme, soit selon l’кtre substantiel, soit selon l’кtre accidentel[96]. C'est pourquoi toute forme est un acte, et par consйquent c’est la raison de l’unitй, par laquelle quelque chose est un. Donc de mкme qu’on ne doit pas dire qu’il y a un autre intermйdiaire, par lequel la matiиre a l’кtre par sa forme, de mкme on ne peut pas dire qu’il y a quelque autre intermйdiaire qui unit la forme а la matiиre ou au substrat. Donc selon que l’вme est la forme du corps, il ne peut pas y avoir un intermйdiaire entre l’вme et le corps. Mais selon qu’elle est un moteur, rien n’empкche de penser qu’il y a de nombreux intermйdiaires, car manifestement l’вme meut les autres membres par le cњur, et meut aussi le corps par l’esprit.

Est autem unumquodque ens actu per formam, sive secundum esse substantiale, sive secundum esse accidentale: unde omnis forma est actus; et per consequens est ratio unitatis, qua aliquid est unum. Sicut igitur non est dicere quod sit aliquod aliud medium quo materia habeat esse per suam formam, ita non potest dici quod sit aliquod aliud medium uniens formam materiae vel subiecto. Secundum igitur quod anima est forma corporis, non potest esse aliquid medium inter animam et corpus. Secundum vero quod est motor, sic nihil prohibet ponere ibi multa media; manifeste enim anima per cor movet alia membra, et etiam per spiritum movet corpus.

 

Mais alors un doute subsiste, quel est le propre substrat de l’вme, comparй а elle comme la matiиre а la forme. A ce sujet il y a deux opinions. 1) Car certains disent qu’il y a de nombreuses formes substantielles dans un mкme individu, dont l’une est soumise а l’autre; et ainsi la matiиre premiиre n’est pas le substrat immйdiat de la forme substantielle ultime, mais elle lui est soumise par l’entremise de formes intermйdiaires, de mкme la matiиre selon qu’elle est sous sa forme premiиre, est le substrat le plus proche de la seconde forme; et ainsi de suite jusqu’а la forme ultime. Donc ainsi le substrat le plus proche de l’вme raisonnable est le corps complйtй par l’вme sensitive, et l’вme raisonnable lui est unie comme forme.

Sed tunc dubium restat, quid sit proprium subiectum animae, quod comparetur ad ipsam sicut materia ad formam. Circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod sunt multae formae substantiales in eodem individuo, quarum una substernitur alteri; et sic materia prima non est immediatum subiectum ultimae formae substantialis, sed subiicitur ei mediantibus formis mediis; ita quod ipsa materia, secundum quod est sub forma prima, est subiectum proximum formae secundae; et sic deinceps usque ad ultimam formam. Sic igitur subiectum animae rationalis proximum, est corpus perfectum anima sensitiva; et huic unitur anima rationalis ut forma.

 

2.) L’autre opinion est que dans un seul individu il n’y a qu’une forme substantielle et selon cela il faut dire que par la forme substantielle, qui est la forme humaine cet individu non seulement est homme, mais encore animal, vivant, corps, substance et йtant. Et ainsi aucune autre forme substantielle prйcиde en cet homme l’вme humaine et par consйquent, l’вme accidentelle non plus, parce qu’alors il faudrait dire que la matiиre est achevйe par la forme accidentelle avant la substance substantielle, ce qui est impossible; il faut en effet que tout accident soit йtabli dans la substance.

Alia opinio est, quod in uno individuo non est nisi una forma substantialis et secundum hoc oportet dicere quod per formam substantialem, quae est forma humana, habet hoc individuum non solum quod sit homo, sed quod sit animal, et quod sit vivum, et quod sit corpus, et substantia et ens. Et sic nulla alia forma substantialis praecedit in hoc homine animam humanam, et per consequens nec accidentalis; quia tunc oporteret dicere, quod materia prius perficiatur per formam accidentalem quam substantialem, quod est impossibile; oportet enim omne accidens fundari in substantia.

 

La diffйrence entre les deux opinions vient du fait que certains pour chercher la vйritй sur la nature des choses, sont partis de raisons intelligibles, et ce fut le propre des Platoniciens; certains [sont partis] des choses sensibles et cela fut le propre de la philosophie d’Aristote, comme le dit Simplicius[97] dans son commentaire sur les Catйgories. Les Platoniciens ont considйrй un certain ordre des genres et des espиces, et ce qui est supйrieur peut toujours кtre compris sans l’infйrieur, ainsi l’homme sans cet homme, et l’animal sans l’homme, et ainsi de suite. Ils ont pensй aussi que tout ce qui est abstrait dans l’intellect est abstrait dans la rйalitй, il leur semblait autrement que l’esprit qui abstrait serait faux ou vain, si aucune chose abstraite ne leur correspondait, c'est pourquoi aussi ils ont cru que les mathйmatiques йtaient abstraites des choses sensibles, parce qu’elles sont comprises sans elles. C'est pourquoi ils ont placй l’homme abstrait de ces hommes, et ainsi de suite jusqu’а l’йtant un et bon, qu’ils ont placй comme le pouvoir suprкme des choses. Car ils ont vu que toujours l’infйrieur est plus particulier que ce qui lui est supйrieur, et que la nature du supйrieur est participйe dans l’infйrieur: mais ce qui participe se comporte comme la matiиre pour le participй[98]; c'est pourquoi ils ont pensй que parmi les abstractions, plus quelque chose est universel, plus il est formel.

Harum autem duarum opinionum diversitas ex hoc procedit, quod quidam ad inquirendam veritatem de natura rerum, processerunt ex rationibus intelligibilibus, et hoc fuit proprium Platonicorum; quidam vero ex rebus sensibilibus, et hoc fuit proprium philosophiae Aristotelis, ut dicit Simplicius in commento super praedicamenta. Consideraverunt Platonici ordinem quemdam generum et specierum, et quod semper superius potest intelligi sine inferiori; sicut homo sine hoc homine, et animal sine homine, et sic deinceps. Existimaverunt etiam quod quidquid est abstractum in intellectu, sit abstractum in re; alias videbatur eis quod intellectus abstrahens esset falsus aut vanus, si nulla res abstracta ei responderet; propter quod etiam crediderunt mathematica esse abstracta a sensibilibus, quia sine eis intelliguntur. Unde posuerunt hominem abstractum ab his hominibus; et sic deinceps usque ad ens et unum et bonum, quod posuerunt summam rerum virtutem. Viderunt enim quod semper inferius particularius est suo superiori, et quod natura superioris participatur in inferiori: participans autem se habet ut materiale ad participatum; unde posuerunt quod inter abstracta quanto aliquid est universalius, tanto est formalius.

 

Certains, suivant le mкme chemin, ont pensй а l’opposй que plus une forme est universelle plus elle est matйrielle. Et c’est la position d’Avicebron dans le livre La fontaine de vie, il a pensй en effet que la matiиre premiиre йtait sans aucune forme, ce qu’il a appelй la matiиre universelle et il a dit qu’elle йtait commune aux substances spirituelles et corporelles, il a dit qu’а cette matiиre s’ajoutait la forme universelle qui est la forme de la substance. Mais il a dit que la matiиre qui existe ainsi sous forme de substance recevait en quelque partie d’elle-mкme la forme de la corporйitй, pendant qu’une autre partie qui appartient aux substances spirituelles, demeure sans forme de ce genre, et ainsi а la suite il a placй dans la matiиre la forme sous une forme selon l’ordre des genres et des espиces jusqu’а la derniиre espиce la plus spйciale. Et quoique cette position semble en dйsaccord avec la premiиre, cependant selon la vйritй de la chose elle est en accord avec elle et est sa consйquence. Car les Platoniciens ont pensй que plus une cause est universelle et formelle, plus sa perfection est abaissйe dans un individu; c'est pourquoi ils ont pensй que l’effet du premier abstrait qui est le bien, c’йtait la matiиre premiиre, pour que le premier sujet corresponde а l’agent suprкme et par la suite selon l’ordre des causes abstraites, et des formes participйes dans la matiиre, de mкme que l’abstrait plus universel est plus formel, ainsi la forme plus universelle participйe est plus matйrielle.

Quidam vero secundum eamdem viam ingredientes, ex opposito posuerunt quod quanto aliqua forma est universalior, tanto est magis materialis. Et haec est positio Avicebron in libro fontis vitae; posuit enim materiam primam absque omni forma, quam vocavit materiam universalem, et dixit eam communem substantiis spiritualibus et corporalibus, cui dixit advenire formam universalem quae est forma substantiae. Materiam autem sic sub forma substantiae existentem in aliquo suo dixit recipere formam corporeitatis, alia parte eius, quae pertinet ad spirituales substantias, sine huiusmodi forma remanente; et sic deinceps posuit in materia formam sub forma secundum ordinem generum et specierum usque ad ultimam speciem specialissimam. Et haec positio, quamvis videatur discordare a prima, tamen secundum rei veritatem cum ea concordat, et est sequela eius. Posuerunt enim Platonici quod quanto aliqua causa est universalior et formalior, tanto eius perfectio in aliquo individuo magis est substrata; unde effectum primi abstracti, quod est bonum, posuerunt materiam primam, ut supremo agenti respondeat primum subiectum; et sic deinceps secundum ordinem causarum abstractarum et formarum participatarum in materia, sicut universalius abstractum est formalius, ita universalior forma participata est materialior.

 

Mais cette position, selon les vrais principes de la philosophie, qu’Aristote a considйrйs, est impossible.

Sed haec positio, secundum vera philosophiae principia, quae consideravit Aristoteles, est impossibilis.

 

1) Parce qu’aucune substance individuelle ne serait simplement une. Car elle ne devient pas simplement une par deux actes, mais par la puissance et l’acte, en tant que ce qui est puissance devient en acte, et pour cela l’homme blanc n’est pas simplement un mais l’animal bipиde est simplement un, parce que cela mкme qui est animal est bipиde. Mais si l’animal йtait sйparйment animal, et sйparйment bipиde, l’homme ne serait pas un mais plusieurs, comme le philosophe le dйmontre (Mйtaphysique, III, 4, 999 b 25[99] et VIII, 6, 1045 a 14). Donc il est clair que si les nombreuses formes substantielles йtait multipliйes dans une seule unitй individuelle de substance, il ne serait pas simplement un, mais а certains йgards comme l’homme blanc[100].

Primo quidem, quia nullum individuum substantiae esset simpliciter unum. Non enim fit simpliciter unum ex duobus actibus, sed ex potentia et actu, in quantum id quod est potentia fit actu; et propter hoc homo albus non est simpliciter unum, sed animal bipes est simpliciter unum, quia hoc ipsum quod est animal est bipes. Si autem esset seorsum animal et seorsum bipes, homo non esset unum sed plura, ut philosophus argumentatur in III et VIII Metaph. Manifestum est ergo, quod si multiplicarentur multae formae substantiales in uno individuo substantiae, individuum substantiae non esset unum simpliciter, sed secundum quid, sicut homo albus.

 

2.) Parce que la nature de l’accident consiste а кtre dans un substrat, de sorte cependant que par substrat on entende un йtant en acte et non en puissance seulement; de cette maniиre la forme substantielle n’est pas dans le substrat mais dans la matiиre. Donc en n’importe quelle forme est subordonnйe un йtant en acte de quelque maniиre, cette forme est un accident. Mais il est йvident que n’importe quelle forme substantielle, quelle qu’elle soit fait devenir l’йtant en acte et le constitue; c'est pourquoi il en dйcoule que seule la premiиre forme qui advient а la matiиre est substantielle, toutes celles qui adviennent ensuite sont accidentelles. Et cela n’exclut pas que certains disent que la forme premiиre est en puissance pour la seconde parce que tout substrat est comparй а son accident, comme la puissance а l’acte. Mais la forme du corps qui surpasserait la rйception de la vie, serait plus complиte que celle qui ne la surpasserait pas. C'est pourquoi si la forme du corps animй le fait devenir substrat, beaucoup plus, la forme qui a la vie en puissance, le fait devenir substrat et ainsi l’вme serait la forme dans le substrat, qui est la raison de l’accident.

 

Secundo vero, quia in hoc consistit ratio accidentis quod sit in subiecto, ita tamen quod per subiectum intelligatur aliquod ens actu, et non in potentia tantum; secundum quem modum forma substantialis non est in subiecto sed in materia. Cuicumque ergo formae substernitur aliquod ens actu quocumque modo, illa forma est accidens. Manifestum est autem quod quaelibet forma substantialis, quaecumque sit, facit ens actu et constituit; unde sequitur quod sola prima forma quae advenit materiae sit substantialis, omnes vero subsequenter advenientes sint accidentales. Nec hoc excluditur per hoc quod quidam dicunt, quod prima forma est in potentia ad secundam; quia omne subiectum comparatur ad suum accidens ut potentia ad actum. Completior etiam esset forma corporis quae praestaret susceptibilitatem vitae, quam illa quae non praestaret. Unde si forma corporis inanimati facit ipsum esse subiectum, multo magis forma potentia vitam habentis facit ipsum esse subiectum; et sic anima esset forma in subiecto, quod est ratio accidentis.

 

3.) Parce qu’il en dйcoulerait que dans l’adoption de la derniиre forme il n’y aurait pas simplement gйnйration mais а certains йgards seulement. En effet comme la gйnйration est un changement du non кtre а l’кtre, ce qui est simplement engendrй, qui devient йtant, en parlant simplement, а partir du non йtant simplement. Mais l’йtant qui a prйexistй en acte ne peut pas devenir un йtant simplement, mais il peut devenir cet йtant, comme blanc ou grand, ce qui est devenir а certains йgards. Donc comme la forme qui prйcиde dans la matiиre fait кtre en acte, la forme suivante ne ferait pas кtre simplement, mais кtre cela, comme кtre homme ou вne ou plante, et ainsi ce ne sera pas simplement une gйnйration. Et а cause de cela, tous les anciens qui ont pensй que la matiиre premiиre йtait quelque chose en acte, comme le feu, l’air ou l’eau, ou quelque intermйdiaire, ont dit que devenir ce n’йtait rien d’autre qu’кtre changй; et Aristote rйsolut leur doute en pensant que la matiиre йtait en puissance seulement, qu’il dit кtre simplement le substrat de la gйnйration et de la corruption. Et parce que la matiиre jamais n’est dйnudйe de toute forme, quelquefois elle reзoit une forme, perd l’autre et inversement.

Tertio, quia sequeretur quod in adeptione postremae formae non esset generatio simpliciter, sed secundum quid tantum. Cum enim generatio sit transmutatio de non esse in esse, id simpliciter generatur quod fit ens simpliciter loquendo, de non ente simpliciter. Quod autem praeexistit ens actu non potest fieri ens simpliciter, sed potest fieri ens hoc, ut album vel magnum, quod est fieri secundum quid. Cum igitur forma praecedens in materia faciat esse actu, subsequens forma non faciet esse simpliciter, sed esse hoc, ut esse hominem vel asinum vel plantam; et sic non erit generatio simpliciter. Et propter hoc omnes antiqui, qui posuerunt materiam primam esse aliquid actu, ut ignem, aerem aut aquam, aut aliquid medium, dixerunt quod fieri nihil erat nisi alterari; et Aristoteles eorum dubitationem solvit ponendo materiam esse in potentia tantum, quam dicit esse subiectum generationis et corruptionis simpliciter. Et quia materia nunquam denudatur ab omni forma, propter hoc quandocumque recipit unam formam, perdit aliam, et e converso.

 

Donc ainsi nous disons que dans cet homme il n’y a pas d’autre forme substantielle que l’вme raisonnable, et que par celle-ci l’homme est non seulement homme, mais animal, vivant, corps et substance et йtant. Ce qu’on peut considйrer ainsi. La forme, en effet, est la ressemblance de l’agent dans la matiиre. Mais dans les pouvoirs actifs et opйratifs, on trouve que plus un pouvoir est йlevй, plus il saisit en lui de choses, non de maniиre composйe , mais selon l’unitй, de mкme que selon un seul pouvoir le sens commun s’йtend а tous les sensibles, que selon diffйrentes puissances les sens propres apprйhendent. L’agent plus parfait a а induire une forme plus parfaite. C'est pourquoi une forme plus parfaite fait par un seul [pouvoir] tout ce que les formes infйrieures font par diffйrents [pouvoirs] et en outre plus ample: par exemple, si la forme du corps inanimй donne а la matiиre d’exister et est un corps, la forme de la plante lui donnera en plus de vivre, l’вme sensitive, en plus l’кtre sensible, et l’вme raisonnable en plus l’кtre raisonnable.

Sic ergo dicimus quod in hoc homine non est alia forma substantialis quam anima rationalis; et quod per eam homo non solum est homo, sed animal et vivum et corpus et substantia et ens. Quod quidem sic considerari potest. Forma enim est similitudo agentis in materia. In virtutibus autem activis et operativis hoc invenitur quod quanto aliqua virtus est altior, tanto in se plura comprehendit, non composite sed unite; sicut secundum unam virtutem sensus communis se extendit ad omnia sensibilia, quae secundum diversas potentias sensus proprii apprehendunt. Perfectioris autem agentis est inducere perfectiorem formam. Unde perfectior forma facit per unum omnia quae inferiores faciunt per diversa, et adhuc amplius: puta, si forma corporis inanimati dat materiae esse et esse corpus, forma plantae dabit ei et hoc et insuper vivere; anima vero sensitiva et hoc, insuper et sensibile esse; anima vero rationalis et hoc, et insuper rationale esse.

 

Ainsi en effet on trouve que les formes de choses naturelles sont diffйrentes selon parfait et plus parfait, comme c’est clair pour celui qui l’examine. C’est pour cela que les espиces sont comparйes а des nombres comme il est dit en Mйtaphysique, (VIII, 3, 1043 b 33[101]), dont les espиces varient par addition et soustraction de l’unitй. C'est pourquoi aussi Aristote dans L’вme, (II, 3, 414 b 31[102]) dit que le vйgйtatif est dans le sensitif, et le sensitif dans l’intellectif, de mкme que le triangle est dans le carrй, et le carrй dans le pentagone, car le pentagone contient en puissance le carrй[103]: car il le possиde et plus encore, mais non qu’il y ait sйparйment dans le pentagone ce qui est au carrй, et ce qui propre au pentagone, comme deux figures [distinctes]. Ainsi l’вme intellective contient en puissance l’вme sensitive, parce qu’elle l’a et en plus; non cependant de sorte qu’il y ait deux вmes. Mais si on disait que l’вme intellective diffиre par essence de l’вme sensitive dans l’homme, on ne pourrait attribuer une raison pour l’union de l’вme intellective au corps, puisque nulle opйration propre de l’вme intellective n’existe par un organe corporel.

Sic enim inveniuntur differre formae rerum naturalium secundum perfectum et magis perfectum, ut patet intuenti. Propter quod species comparantur numeris, ut dicitur in VIII Metaph.: quorum species per additionem et subtractionem unitatis variantur. Unde etiam Aristoteles in II de anima dicit, quod vegetativum est in sensitivo, et sensitivum in intellectivo, sicut trigonum in tetragono, et tetragonum in pentagono; pentagonum enim virtute continet tetragonum: habet enim hoc et adhuc amplius; non autem quod seorsum in pentagono sit id quod est tetragoni, et id quod est pentagoni proprium, tanquam duae figurae. Sic etiam anima intellectiva virtute continet sensitivam, quia habet hoc et adhuc amplius; non tamen ita quod sint duae animae. Si autem diceretur quod anima intellectiva differret per essentiam a sensitiva in homine, non posset assignari ratio unionis animae intellectivae ad corpus, cum nulla operatio propria animae intellectivae sit per organum corporale.

 

Solutions:

1. L’autoritй de Denys (Hierarchie cйleste, XIII) est а comprendre des causes agentes, et non des causes formelles.

1. Ad primum ergo dicendum quod auctoritas Dionysii intelligenda est de causis agentibus, non de causis formalibus.

 

2. Comme la forme la plus parfaite donne tout ce que donnent les formes plus imparfaites, et encore plus, la matiиre, dans la mesure oщ elle l’achиve par ce mode de perfection, par laquelle les formes plus imparfaites l’achиvent, est considйrйe comme la matiиre propre, aussi d’une perfection de ce genre que la forme plus parfaite ajoute sur les autres, de sorte cependant que cette distinction n’est pas comprise dans les formes selon l’essence, mais seulement selon la raison intelligible. Donc ainsi la matiиre, selon qu’elle est comprise comme parfaite dans un кtre corporel susceptible de vie, est le substrat propre de l’вme.

2. Ad secundum dicendum quod cum forma perfectissima det omnia quae dant formae imperfectiores, et adhuc amplius; materia, prout ab ea perficitur eo modo perfectionis quo perficitur a formis imperfectioribus, consideratur ut materia propria, etiam illiusmodi perfectionis quam addit perfectior forma super alias; ita tamen quod non intelligatur haec distinctio in formis secundum essentiam, sed solum secundum intelligibilem rationem. Sic ergo ipsa materia secundum quod intelligitur ut perfecta in esse corporeo susceptivo vitae, est proprium subiectum animae.

 

3. Comme l’animal est ce qu’est vraiment l’homme, la distinction de la nature animale de l’homme n’est pas selon la diversitй rйelle des formes, comme s’il y avait une forme par laquelle il sera animal, et une autre surajoutйe par laquelle il serait homme, mais selon les raisons intelligibles. Car selon que le corps parfait est compris dans l’кtre sensible par l’вme, elle est ainsi comparйe а la perfection ultime qui est par l’вme raisonnable en tant que de ce genre, comme le matйriel pour le formel. En effet comme le genre et l’espиce signifient certains concepts intelligibles, la distinction rйelle des formes pour la distinction de l’espиce et du genre n’est pas requise mais la distinction intelligible seulement

3. Ad tertium dicendum quod cum animal sit id quod vere est homo, distinctio naturae animalis ab homine non est secundum diversitatem realem formarum, quasi alia forma sit per quam sit animal, et superaddatur altera per quam sit homo; sed secundum rationes intelligibiles. Secundum enim quod intelligitur corpus perfectum in esse sensibili ab anima, sic comparatur ad perfectionem ultimam quae est ab anima rationali in quantum huiusmodi, ut materiale ad formale. Cum enim genus et species significent quasdam intentiones intelligibiles, non requiritur ad distinctionem speciei et generis distinctio realis formarum, sed intelligibilis tantum.

 

4. L’вme meut le corps par la connaissance et l’appйtit, mais le pouvoir sensitif et le pouvoir appйtitif dans l’animal ont un organe dйterminй, et ainsi le mouvement de l’animal commence par cet organe qui est le cњur selon Aristote[104]. Ainsi donc une partie de l’animal est moteur et l’autre est mue, pour que la partie moteur reзoive le premier organe de l’вme appйtitive, et le reste du corps est mы. Mais parce que dans un homme la volontй et l’intellect qui ne sont pas l’acte d’un organe, mettent en mouvement, l’вme elle-mкme sera moteur selon la partie intellective, mais le corps mы selon qu’il est achevй par l’вme mкme dans un кtre corporel.

4. Ad quartum dicendum quod anima movet corpus per cognitionem et appetitum; vis autem sensitiva et appetitiva in animali habent determinatum organum; et sic ab illo organo incipit motus animalis, quod est cor secundum Aristotelem. Sic igitur una pars animalis est movens, et altera est mota; ut pars movens accipiatur primum organum animae appetitivae, et reliquum corpus sit motum. Sed quia in homine movent voluntas et intellectus, quae non sunt alicuius organi actus, movens erit ipsa anima secundum partem intellectivam; motum autem corpus secundum quod est perfectum ab ipsa anima in esse corporeo.

 

5. Dans l’Incarnation du Verbe, l’вme est placйe comme intermйdiaire entre le Verbe et la chair, non par nйcessitй mais par convenance; c'est pourquoi aussi l’вme sйparйe de la chair, dans la mort du Christ, demeura Verbe immйdiatement unie а la chair.

5. Ad quintum dicendum quod in incarnatione verbi anima ponitur medium inter verbum et carnem, non necessitatis sed congruentiae; unde etiam separata anima a carne in morte Christi, remansit verbum immediate carni unitum.

 

6. Ce livre[105] n’est pas d’Augustin et n’est pas trиs authentique, et dans cette parole il parle assez improprement. Car l’un et l’autre conviennent а l’вme, а l’imagination et а la sensualitй, cependant on dit que la sensualitй est en rapport avec la chair en tant qu’appйtit des choses qui conviennent au corps; l’imagination [convient] а l’вme, en tant qu’en elle il y a les ressemblances des corps sans corps[106]. Mais on dit que cela est intermйdiaire entre l’вme et la chair, non selon que l’вme est forme du corps mais selon qu’elle en est le moteur.

6. Ad sextum dicendum quod liber ille non est Augustini, nec est multum authenticus, et in hoc verbo satis improprie loquitur. Utrumque enim ad animam pertinet, et phantasticum et sensualitas; tamen dicitur sensualitas ad carnem referri, in quantum est appetitus rerum ad corpus pertinentium; phantasticum autem ad animam, in quantum in eo sunt similitudines corporum sine corporibus. Haec autem dicuntur esse media inter animam et carnem, non prout anima est forma corporis, sed prout est motor.

 

7. La gestion du corps convient а l’вme en tant que moteur, non en tant que forme. Et bien que ce par quoi l’вme conduit le corps soit nйcessaire pour qu’elle soit dans le corps, comme dispositions propres d’une telle matiиre, ce n’est pas cependant а cause de cela qu’il en dйcoule que la raison de la gestion et celle de l’union formelle sont les mкmes. Car c’est la mкme вme qui est moteur et forme, c’est la mкme en substance, mais elle diffиre en raison; ainsi de la mкme maniиre ce qui est nйcessaire est le mкme pour l’union formelle et pour la gestion bien que ce ne soit pas pour la mкme raison.

7. Ad septimum dicendum quod administratio corporis pertinet ad animam in quantum est motor, non in quantum est forma. Et licet ea quibus anima administrat corpus sint necessaria ad hoc quod anima sit in corpore, ut propriae dispositiones talis materiae, non tamen propter hoc sequitur quod eadem sit ratio administrationis et formalis unionis. Sicut enim eadem est, secundum substantiam, anima quae est motor et forma, sed differt ratione; ita et eadem sunt quae sunt necessaria ad unionem formalem et ad administrationem, licet non secundum eamdem rationem.

 

8. Le fait que l’вme diffиre du corps, en tant que corruptible et incorruptible, n’enlиve pas qu’elle est sa forme, comme on le voit dans ce qui a йtй dit plus haut, c'est pourquoi il en dйcoule qu’elle est unie au corps sans intermйdiaire.

8. Ad octavum dicendum quod per hoc quod anima differt a corpore ut corruptibile ab incorruptibili, non tollitur quin sit forma eius, ut ex supradictis patet; unde sequitur quod immediate corpori uniatur.

 

9. On dit que l’вme est unie au corps par l’esprit, en tant qu’il est moteur, parce que le premier qui est mis en mouvement par l’вme dans le corps c’est l’esprit, comme Aristote le dit au Livre de la cause du mouvement des animaux (10), cependant aussi ce livre n’est pas d’une grande autoritй[107].

9. Ad nonum dicendum quod anima dicitur uniri corpori per spiritum, in quantum est motor, quia primum quod movetur ab anima in corpore est spiritus, ut Aristoteles dicit in libro de causa motus animalium, tamen etiam ille liber non est magnae auctoritatis.

 

10. Si deux choses sont diffйrentes par essence, de sorte que l’une et l’autre ont une nature complиte de leur espиce, elles ne peuvent кtre unies que par un intermйdiaire qui les lie et les unit. Mais l’вme et le corps ne sont pas de ce genre, puisque l’un et l’autre sont une partie de l’homme, mais ils sont comparйs entre eux comme la matiиre а la forme, dont l’union est sans intermйdiaire, comme on l’a montrй.

10. Ad decimum dicendum quod si aliqua duo sunt diversa per essentiam, ita quod utrumque habeat naturam suae speciei completam, non possunt uniri nisi per aliquod medium ligans et uniens. Anima autem et corpus non sunt huiusmodi, cum utrumque naturaliter sit pars hominis; sed comparantur ad invicem ut materia ad formam, quarum unio est immediata, ut ostensum est.

 

11. L’вme est unie au corps pour qu’elle soit achevйe, non seulement pour comprendre les images, mais aussi pour la nature de l’espиce, et pour les autres opйrations qu’elle exerce par le corps. Cependant, une fois donnй qu’elle lui est unie seulement  pour comprendre les images, il n’en dйcoulerait pas que l’union serait par l’intermйdiaire de l’image: car ainsi l’вme est unie au corps pour comprendre, pour que l’homme comprenne par elle, ce qui n’existerait pas si l’union se faisait par les images, comme on l’a montrй plus haut.

11. Ad undecimum dicendum quod anima unitur corpori ut perficiatur non solum quantum ad intelligere phantasticum, sed etiam quantum ad naturam speciei, et quantum ad alias operationes quas exercet per corpus. Tamen, dato quod solum propter intelligere phantasticum ei uniretur, non sequeretur quod unio esset mediante phantasmate: sic enim unitur anima corpori propter intelligere, ut per eam homo intelligat; quod non esset, si fieret unio per phantasmata, ut ostensum est supra.

 

12. Avant d’кtre animй le corps a une forme, mais cette forme ne demeure pas а la venue de l’вme. Car la venue de l’вme se fait par une certaine gйnйration, mais la gйnйration de l’une n’est pas sans corruption de l’autre, comme quand la forme du feu est reзue dans la matiиre de l’air, cette forme de l’air cesse d’кtre en acte en elle et demeure en puissance seulement. Et il ne faut pas dire que la forme se fait ou se corrompt, parce que c’est pour elle le devenir et la corruption de ce dont elle est l’кtre, ce qui n’appartient pas а la forme comme quelque chose qui existe, mais comme ce par quoi quelque chose existe. C'est pourquoi on dit qu’il n’y a que le composй qui devient, en tant qu’il est ramenй de la puissance а l’acte.

12. Ad duodecimum dicendum quod corpus antequam animetur habet aliquam formam; illa autem forma non manet anima adveniente. Adventus enim animae est per quamdam generationem, generatio autem unius est non sine corruptione alterius; sicut cum recipitur forma ignis in materia aeris, desinit esse actu in ea forma aeris, et remanet in potentia tantum. Nec est dicendum quod forma fiat vel corrumpatur, quia eius est fieri et corrumpi, cuius est esse; quod non est formae ut existentis, sed sicut eius quo aliquid est. Unde et fieri non dicitur nisi compositum, in quantum reducitur de potentia in actum.

 

13. Dans l’embryon apparaissent certaines њuvres vitales, mais certains ont dit que les њuvres de ce genre venaient de l’вme de la mиre. Mais c’est impossible, parce qu’il est de la nature des њuvres vitales qu’elles viennent d’un principe intrinsиque, qui est l’вme. Mais certains ont dit qu’au commencement il y a l’вme vйgйtative, et quand elle a йtй plus parfaite, elles devient l’вme sensitive, et enfin elle devient intellective, mais par l’action d’un agent extйrieur qui est Dieu. Mais cela est impossible. 1) Parce qu’il en dйcoulerait que la forme substantielle recevrait plus et moins, et la gйnйration serait un mouvement continu. 2) Parce qu’il en dйcoulerait que l’вme raisonnable serait corruptible, puisque l’вme vйgйtative et l’вme sensibles sont corruptibles, pour autant qu’on pense que le fondement de l’вme raisonnable est une substance vйgйtative et sensible. Mais on ne peut pas dire qu’il y a trois вmes, dans un seul homme, comme on l’a montrй. Il reste donc qu’il faut dire que dans la gйnйration de l’homme ou de l’animal il y a des nombreuses gйnйrations et corruptions qui se succиdent entre elles. En effet а l’arrivйe d’une forme plus parfaite, la moins parfaite disparaоt. Et ainsi comme dans l’embryon, il y a en premier l’вme vйgйtative seulement, quand elle sera parvenue а une plus grande perfection, la forme imparfaite est enlevйe et une forme plus parfaite lui succиde, qui est l’вme vйgйtative et sensitive en mкme temps, et quand la derniиre s’en va, lui succиde la derniиre forme tout а fait complиte, qui est l’вme raisonnable.

13. Ad decimumtertium dicendum quod in embryone apparent quaedam opera vitae; sed quidam dixerunt, huiusmodi opera esse ab anima matris. Sed hoc est impossibile, quia de ratione operum vitae est quod sint a principio intrinseco, quod est anima. Quidam vero dixerunt quod a principio inest anima vegetabilis; et illa eadem cum fuerit magis perfecta fit anima sensitiva, et tandem fit anima intellectiva, sed per actionem exterioris agentis quod est Deus. Sed hoc est impossibile. Primo, quia sequeretur quod forma substantialis reciperet magis et minus, et quod generatio esset motus continuus. Secundo, quia sequeretur animam rationalem esse corruptibilem, cum vegetabilis et sensibilis corruptibiles sint, dum ponitur fundamentum animae rationalis esse substantia vegetabilis et sensibilis. Non autem dici potest quod sint tres animae in uno homine, ut ostensum est. Relinquitur ergo dicendum quod in generatione hominis vel animalis sunt multae generationes et corruptiones sibi invicem succedentes. Adveniente enim perfectiori forma, deficit imperfectior. Et sic cum in embryone primo sit anima vegetativa tantum, cum perventum fuerit ad maiorem perfectionem, tollitur forma imperfecta, et succedit forma perfectior, quae est anima vegetativa et sensitiva simul; et ultimo cedente, succedit ultima forma completissima, quae est anima rationalis.

 

14. Le corps mathйmatique est appellй corps abstrait; c'est pourquoi dire que le corps mathйmatique est dans le sensible c’est dire deux choses opposйes en mкme temps, comme Aristote le dйmontre (Mйtaphysique, III, 2, 998 a 7[108]) contre certains Platoniciens qui le pensaient. Et cependant il n’en dйcoule pas que ce qui est abstrait soit une falsification, si le corps mathйmatique йtait dans l’intellect seulement, parce que l’intellect en abstrayant ne comprend pas qu’un corps ne soit pas dans le sensible, mais il le comprend, sans comprendre le sensible comme si quelqu’un comprend l’homme sans comprendre sa risibilitй, il ne ment pas, mais il mentirait s’il comprenait que l’homme ne peut pas rire. Je dis cependant que si un corps mathйmatique йtait dans un corps sensible, comme le corps mathйmatique aurait des dimensions, il conviendrait seulement pour le genre de la quantitй; c'est pourquoi il n’en dйcoulerait pas pour lui une forme substantielle. Mais le corps qui est dans le genre de la substance, a une forme substantielle qui est appelйe corporйitй, qui n’a pas trois dimensions, mais une quelconque forme substantielle d’oщ dйcoulent trois dimensions dans la matiиre, et cette forme dans le feu est l’ignйitй, dans l’animal l’вme sensitive et dans l’homme l’вme intellective.

14. Ad decimumquartum dicendum quod corpus mathematicum dicitur corpus abstractum; unde dicere corpus mathematicum esse in sensibilibus, est dicere duo opposita simul, ut Aristoteles argumentatur in III Metaph. contra quosdam Platonicos hoc ponentes. Nec tamen sequitur quod abstrahentium sit mendacium, si corpus mathematicum sit in intellectu tantum: quia non intelligit intellectus abstrahens corpus aliquod esse non in sensibilibus, sed intelligit ipsum, non intelligendo sensibilia; sicut si quis intelligat hominem, non intelligendo eius risibilitatem, non mentitur; mentiretur autem, si intelligeret hominem non esse risibilem. Dico tamen quod si corpus mathematicum esset in corpore sensibili, cum corpus mathematicum sit dimensionale, tantum pertineret ad genus quantitatis; unde non requireretur ad ipsum aliqua forma substantialis. Corpus autem quod est in genere substantiae, habet formam substantialem quae dicitur corporeitas, quae non est tres dimensiones, sed quaecumque forma substantialis ex qua sequuntur in materia tres dimensiones; et haec forma in igne est igneitas, in animali anima sensitiva, et in homine anima intellectiva.

 

15. Les parties de la dйfinition sont les parties de la forme ou de l’espиce, non pour une rйelle diffйrence des formes, mais selon une distinction intelligible comme on l’a dit а la troisiиme solution.

15. Ad decimumquintum dicendum quod partes definitionis sunt partes formae vel speciei, non propter realem differentiam formarum, sed secundum distinctionem intelligibilem, ut dictum est ad tertium.

 

16. Bien que l’вme n’ait pas de corporйitй en acte, elle l’a cependant en puissance, comme le soleil a la chaleur.

16. Ad decimumsextum dicendum quod licet anima non habeat corporeitatem in actu, habet tamen virtute, sicut sol calorem.

 

17. Cet ordre, dont parle le Commentateur, est selon la raison intelligible seulement, parce que la matiиre est comprise comme achevйe selon la nature de la forme universelle avant la forme spйciale, comme on comprend un йtant avant le vivant et le vivant avant l’animal et l’animal avant l’homme.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod ordo ille quem Commentator tangit, est secundum rationem intelligibilem tantum; quia prius intelligitur materia perfici secundum rationem formae universalis quam specialis; sicut prius intelligitur aliquid ens quam vivum, et vivum quam animal, et animal quam homo.

 

18. N’importe quel кtre de genre ou d’espиce rejoint les accidents propres de ce genre ou de cette espиce. C'est pourquoi quand dйjа la matiиre est comprise comme parfaite selon la nature de ce genre qui est le corps, les dimensions peuvent кtre comprises en elle, qui sont les accidents propre de ce genre et rejoignent ainsi l’ordre intelligible dans la matiиre, selon ses diffйrentes parties, ses diffйrentes formes йlйmentaires.

18. Ad decimumoctavum dicendum quod quodlibet esse generis vel speciei consequuntur propria accidentia illius generis vel speciei. Unde quando iam materia intelligitur perfecta secundum rationem huius generis quod est corpus, possunt in ea intelligi dimensiones, quae sunt propria accidentia huius generis: et sic consequentur ordinem intelligibilem in materia, secundum diversas eius partes, diversae formae elementares.

 

19. Il faut dire que la mкme chaleur en espиce est dans le feu et dans l’air, parce que n’importe qualitй est attribuйe spйcialement а un йlйment, en qui il est parfaitement, et par accompagnement ou dйrivation а un autre, cependant plus imparfaitement. Donc comme de l’air se fait le feu, la chaleur demeure la mкme en espиce, mais plus forte mais pas seulement la mкme en nombre, parce que le substrat ne demeure pas le mкme. Et il n’a pas fait cela pour la difficultй du changement, puisqu’il est corrompu par accident par la corrpution du substrat et pas par contrariйtй de l’agent.

19. Ad decimumnonum dicendum quod idem specie calor est in igne et aere, quia quaelibet qualitas specialiter attribuitur uni elemento in quo est perfecte, et per concomitantiam vel derivationem alteri, tamen imperfectius. Cum ergo ex hoc aere fit hic ignis, calor manet idem specie, sed augmentatus; non tamen idem numero, quia non manet idem subiectum. Nec hoc facit ad difficultatem conversionis, cum corrumpatur per accidens ex corruptione subiecti, et non ex contrarietate agentis.

 

2.0. La matiиre dans la mesure oщ elle est considйrйe comme nue, se comporte indiffйremment pour toutes les formes, mais elle est dйterminйe pour des formes spйciales par le pouvoir du moteur, comme c’est rapportй dans La gйnйration (II, 9 335 b). Et selon l’ordre intelligible des formes dans la matiиre, c’est l’ordre des agents naturels. Car entre les corps cйlestes eux-mкmes l’un est actif plus universellement qu’un autre, et l’agent plus universel n’agit pas en dehors des agents infйrieurs, mais l’agent ultime propre agit dans le pouvoir de tous les [agents] supйrieurs. C'est pourquoi les diverses formes sont introduites par des agents diffйrents, dans un seul individu, mais une forme est ce qui est imprimй par l’agent le plus proche, elle contient en soi par pouvoir toutes les formes prйcйdentes, et la matiиre, selon qu’elle est considйrйe comme parfaite, sous la nature de la forme plus universelle et des accidents qui en dйcoulent, elle devient propre pour la perfection suivante.

2.0. Ad vicesimum dicendum quod materia prout nuda consideratur, se habet indifferenter ad omnes formas; sed determinatur ad speciales formas per virtutem moventis, ut traditur in II de generatione. Et secundum ordinem intelligibilem formarum in materia, est ordo agentium naturalium. Inter ipsa enim corpora caelestia unum est universalius activum quam alterum; nec universalius agens agit seorsum ab inferioribus agentibus, sed ultimum agens proprium agit in virtute omnium superiorum. Unde non imprimuntur a diversis agentibus diversae formae in uno individuo, sed una forma est quae imprimitur a proximo agente, continens in se virtute omnes formas praecedentes; et materia, secundum quod consideratur perfecta sub ratione formae universalioris et accidentium consequentium, fit propria ad subsequentem perfectionem.

 

2.1. Comme chaque genre est divisй en puissance et acte, la puissance elle-mкme qui est dans le genre de la substance, est matiиre comme la forme de l’acte. C'est pourquoi la matiиre n’est pas soumise а la forme par l’intermйdiaire d’une puissance.

2.1. Ad vicesimumprimum dicendum quod cum unumquodque genus dividatur per potentiam et actum, ipsa potentia, quae est in genere substantiae, materia est, sicut forma actus. Unde materia non subest formae mediante aliqua potentia.

 

 

Article 4 : L’вme est-elle tout entiиre dans chaque partie du corps ? Quarto quaeritur utrum tota anima sit in qualibet parte corporis.

 

Il semble que non[109].

 tit. 2 Et videtur quod non.

`

Objections

1. Car Aristote dit dans le livre (La cause du mouvement des animaux, 10, 703 a 36 –b 2) : « Il n’y a aucun besoin qu’il y ait une вme dans chaque [partie] du corps, mais {il suffit] qu’elle existe dans la partie supйrieur du corps[110]». Mais rien n’est vain dans la nature. Donc l’вme n’est pas dans chaque partie du corps.

1. Dicit enim Aristoteles in libro de causa motus animalium: nihil opus est in unoquoque corporis esse animam, sed in quodam corporis principio existere. In natura autem nihil est frustra. Non est ergo anima in qualibet parte corporis.

 

2. L’animal est constituй d’un corps et d’une вme. Donc, si dans chaque partie du corps il y avait une вme, chaque partie de l’animal serait un animal, ce qui ne convient pas.

2. Praeterea, ex corpore et anima constituitur animal. Si igitur in qualibet parte corporis esset anima, quaelibet pars animalis esset animal; quod est inconveniens.

 

3. En chaque chose il y a un substrat et sa propriйtй. Mais toutes ces puissances de l’вme sont dans son l’essence, comme les propriйtйs dans le substrat. Donc si l’вme йtait en chaque partie du corps, il en dйcoulerait que dans chaque partie il y aurait toutes les puissances de l’вme et ainsi l’audition serait dans l’њil et la vision dans l’oreille, ce qui ne convient pas.

3. Praeterea, in quocumque est subiectum et proprietas subiecti. Sed omnes potentiae animae sunt in essentia animae, sicut et proprietates in subiecto. Ergo si anima esset in qualibet parte corporis, sequeretur quod in qualibet parte corporis essent omnes potentiae animae, et sic auditus erit in oculo et visus in aure; quod est inconveniens.

 

4. Aucune forme qui requiert une diffйrence des parties ne se trouve en chaque partie ; ainsi il est clair que la forme de la maison n’est pas en chaque partie de la maison, mais dans la maison toute entiиre. Mais les formes qui ne requiиrent pas une diffйrence des parties sont dans chaque partie, comme la forme de l’air et du feu. Mais l’вme est une forme qui requiert une diffйrence des parties, comme on le voit dans tous les кtres animйs. Donc l’вme n’est pas dans chaque partie du corps.

4. Praeterea, nulla forma quae requirit dissimilitudinem partium invenitur in qualibet parte; ut patet de forma domus, quae non est in quacumque parte domus, sed in tota domo. Formae vero quae non requirunt dissimilitudinem partium, sunt in singulis partibus, ut forma aeris et ignis. Anima autem est forma requirens dissimilitudinem partium, ut patet in omnibus animatis. Ergo anima non est in qualibet parte corporis.

 

5. Aucune forme, qui s’йtend selon l’extension de la matiиre, n’est toute entiиre dans chaque partie de sa matiиre. Mais l’вme s’йtend selon l’extension de la matiиre ; car il est dit dans le livre ([Augustin] La quantitй de l’вme V, 7[111]) : «  J’estime que l’вme est, aussi grande que les espaces du corps la supportent ». Donc l’вme n’est pas en toute partie du corps.

5. Praeterea, nulla forma quae extenditur secundum extensionem materiae, est tota in qualibet parte suae materiae. Sed anima extenditur secundum extensionem materiae; dicitur enim in libro de quantitate animae: tantam aestimo esse animam, quantam eam spatia corporis esse patiuntur. Ergo anima non est tota in qualibet parte corporis.

 

6. Que l’вme soit dans chaque partie du corps, cela se voit surtout du fait qu’elle agit dans chaque partie. Mais l’вme opиre oщ elle n’est pas, parce que, comme Augustin le dit (Lettre а Volusianus, 137, 5) l’вme sent et voit dans le ciel oщ elle n’est pas. Donc il n’est pas nйcessaire que l’вme soit dans chaque partie du corps.

6. Praeterea, quod anima sit in qualibet corporis parte, praecipue videtur ex hoc quod in qualibet corporis parte agit. Sed anima operatur ubi non est: quia, ut Augustinus dicit ad Volusianum, anima sentit et videt in caelo, ubi non est. Non est ergo necessarium animam esse in qualibet corporis parte.

 

7. Selon le philosophe (De anima, I, 3, 406 b) quand nous nous mouvons, est mы ce qui est en nous. Mais il arrive qu’une partie du corps soit mue, pendant que l’autre se repose. Si donc l’вme est en chaque partie du corps, il en dйcoule qu’elle est mue et se repose en mкme temps, ce qui ne convient pas.

7. Praeterea, secundum philosophum, moventibus nobis, moventur ea quae in nobis sunt. Contingit autem unam partem corporis moveri, alia quiescente. Si ergo anima est in qualibet parte corporis, sequitur quod simul moveatur et quiescat; quod videtur inconveniens.

 

8. Si l’вme est en n’importe quelle partie du corps, chaque partie aura un rapport immйdiat а l’вme et ainsi les autres parties ne dйpendront pas du cњur, ce qui est contre Jйrфme, dans son commentaire de Matthieu (ch. 15, PL XXVI, 109) qui dit : « La partie principale de l’homme n’est pas dans le cerveau selon Platon, mais dans le cњur selon le Christ. »

8. Praeterea, si anima est in qualibet parte corporis, unaquaeque pars corporis immediatum ordinem habebit ad animam, et sic non dependent aliae partes a corde; quod est contra Hieronymum super Matthaeum, qui dicit quod principale hominis non est in cerebro secundum Platonem, sed in corde secundum Christum.

 

9. Aucune  forme qui requiert un aspect dйterminй, ne peut кtre lа oщ il n’y a pas cet aspect. Mais l’вme est dans le corps selon un aspect dйterminй : car le Commentateur[112] dit dans le mкme  livre (L’вme comm. 53) que n’importe quel corps animal a une aspect propre. Et cela est йvident dans les espиces animales : les membres en effet du lion ne diffиrent des membres du cerf qu’а cause de la diversitй de l’вme. Donc comme dans une partie on ne trouve pas l’aspect du tout, l’вme ne sera pas dans cette partie. Et c’est cela que dit le mкme Commentateur dans le mкme livre  (comm. 94, f. 1262) : si le cњur a une nature pour recevoir l’вme parce qu’il a tel aspect, il est clair que sa partie ne reзoit pas cette вme, parce qu’il n’a pas un tel aspect.

9. Praeterea, nulla forma quae requirit determinatam figuram, potest esse ubi non est illa figura. Sed anima est in corpore secundum determinatam figuram: dicit enim Commentator in I de anima, quod quodlibet corpus animalis habet figuram propriam. Et hoc manifestatur in speciebus animalium: membra enim leonis non differunt a membris cervi nisi propter diversitatem animae. Ergo cum in parte non inveniatur figura totius, anima non erit in parte. Et hoc est quod idem Commentator dicit in eodem libro, quod si cor habet naturam recipiendi animam quia habet talem figuram, manifestum est quod pars eius non recipit illam animam, quia non habet talem figuram.

 

10. Plus quelque chose est abstrait, moins il est dйterminй а quelque chose de corporel. Mais l’ange est plus abstrait que l’вme. Mais il est limitй а une partie du mobile qu’il meut[113], et il n’est pas dans chaque partie, comme le montre le philosophe en Physique (VIII, 10, 267 b 7[114]), oщ il dit que le moteur du ciel n’est pas au centre, mais en chaque partie de la circonfйrence. Donc l’вme est beaucoup moins en chaque partie de son corps.

10 Praeterea, quanto aliquid est magis abstractum, tanto minus determinatur ad aliquid corporale. Sed Angelus est magis abstractus quam anima. Determinatur autem Angelus ad aliquam partem mobilis quod movet, et non est in qualibet parte eius, ut patet per philosophum in IV Physic., ubi dicit quod motor caeli non est in centro, sed in quadam parte circumferentiae. Multo minus igitur anima est in qualibet parte sui corporis.

 

11. Si en chaque partie du corps il y a une opйration de l’вme, а raison йgale dans chaque partie du corps il y a l’opйration de la puissance visuelle, lа oщ est la puissance visuelle. Mais l’opйration de cette puissance serait dans le pied, s’il y avait lа une organe de puissance visuelle; c'est pourquoi si l’opйration de voir vient а manquer, ce sera а cause d’une dйfection de l’organe seulement. Donc il y aura une puissance visuelle lа oщ il y a l’вme.

11. Praeterea, si in quacumque parte corporis est operatio animae, est ipsa anima; pari ratione in quacumque parte corporis est operatio visivae potentiae, ibi est visiva potentia. Sed operatio visivae potentiae esset in pede, si ibi esset organum visivae potentiae; unde quod desit operatio visiva, erit propter defectum organi tantum. Erit igitur ibi potentia visiva, si ibi sit anima.

 

12. Si l’вme est en chaque partie du corps, il faut que partout oщ il y a une partie du corps, il y ait l’вme. Mais les parties de l’enfant qui grandit commencent а exister avec la croissance lа oщ d’abord elles n’йtaient pas ; donc son вme commence а кtre lа oщ avant elle n’йtait pas. Mais cela paraоt impossible. Car quelque chose commence а exister de trois maniиres.1. Ou par ce qui est fait de nouveau, comme lorsque l’вme est crййe et infusйe dans le corps. 2. Ou par un changement propre, comme quand le corps est transfйrй d’un lieu dans un autre. 3. Ou par changement d’un autre en lui-mкme, comme lorsque le corps du Christ commence а кtre sur l’autel.  On ne peut dire cela d’aucun. Donc l’вme n’est pas dans chaque partie du corps.

12. Praeterea, si anima est in qualibet parte corporis, oportet quod ubicumque sit aliqua pars corporis, ibi sit anima. Sed pueri crescentis partes incipiunt esse per augmentum ubi prius non erant; ergo et anima eius incipit esse ubi prius non erat. Sed hoc videtur impossibile. Tribus enim modis aliquid incipit esse ubi prius non erat. Aut per hoc quod de novo fit, sicut cum anima creatur et infunditur corpori. Aut per propriam transmutationem, sicut cum corpus transfertur de loco ad locum. Aut per transmutationem alterius in ipsum, sicut cum corpus Christi incipit esse in altari. Quorum nullum hic dici potest. Ergo anima non est in qualibet parte corporis.

 

13. L’вme n’est que dans le corps dont elle est l’acte. Mais c’est l’acte du corps organique, comme il est dit dans L’вme (II, 1, 412 b 5[115]). Donc comme n’importe quelle partie du corps n’est pas un corps organique, elle ne sera pas dans chaque partie du corps.

13. Praeterea, anima non est nisi in corpore cuius est actus. Est autem actus corporis organici, ut dicitur II de anima. Cum igitur non quaelibet pars corporis sit corpus organicum, non erit in qualibet parte corporis.

 

14. La chair et l’os d’un seul homme diffиrent plus que les deux chairs de deux hommes. Mais une вme ne peut pas кtre dans deux corps diffйrents. Donc elle ne peut pas кtre dans toutes les parties d’un seul homme.

14. Praeterea, plus differunt caro et os unius hominis quam duae carnes duorum hominum. Sed anima una non potest esse in duobus corporibus diversorum. Ergo non potest esse in omnibus partibus unius hominis.

 

15. Si l’вme est en chaque partie du corps, il faut, une fois enlevйe n’importe quelle partie, ou bien que l’вme soit enlevйe, ce qui paraоt faux, puisque l’homme demeure vivant ou bien qu’elle soit transfйrйe de cette partie dans d’autres, ce qui est impossible, puisque l’вme est simple, et par consйquent immobile. Donc elle n’est pas dans n’importe quelle partie du corps.

15. Praeterea, si anima est in qualibet parte corporis, oportet quod ablata quacumque parte corporis, vel auferatur anima, quod patet esse falsum, cum remaneat homo vivens, vel transferatur de illa parte ad alias; quod est impossibile, cum anima sit simplex, et per consequens immobilis. Non ergo est in qualibet parte corporis.

 

16. Tout ce qui est indivisible ne peut кtre que dans l’indivisible, puisqu’il faut que le lieu soit commensurable а ce qui y est placй. Mais il arrive que dans le corps on distingue des [parties] infinies indivisibles[116]. Donc si l’вme est dans n’importe quelle partie du corps, il en dйcoule qu’elle est dans des parties infinies en nombre ; ce qui n’est pas possible, puisque sa puissance est finie.

16. Praeterea, nullum indivisibile potest esse nisi in indivisibili, cum locum oporteat aequari locato. In corpore autem contingit signare infinita indivisibilia. Si igitur anima sit in qualibet parte corporis, sequetur quod sit in infinitis: quod esse non potest, cum sit finitae virtutis.

 

17. Comme l’вme est simple et sans dimension[117], aucune totalitй ne semble pouvoir lui кtre attribuйe sinon celle de sa puissance. Mais l’вme n’est pas dans n’importe quelle partie du corps selon ses puissances[118], en qui on considиre la totalitй de sa puissance. Donc toute l’вme n’est pas dans n’importe quelle partie du corps.

17. Praeterea, cum anima sit simplex et absque quantitate dimensiva, nulla totalitas videtur posse ei attribui nisi virtutis. Sed non est in qualibet parte corporis secundum suas potentias, in quibus consideratur totalitas virtutis eius. Non ergo in qualibet parte corporis est tota anima.

 

18. (1[119]) Que quelque chose pourrait кtre tout entier dans un tout avec toutes les parties, semble provenir de sa simplicitй ;  car nous voyons que cela ne peut pas arriver dans les corps. (2) Mais l’вme n’est pas simple, mais composйe de matiиre et de forme. (3) Donc elle n’est pas dans n’importe quelle partie du corps. Preuve intermйdiaire[120]. Le philosophe  dans la Mйtaphysique (II, 1, 8, 988 b 24[121]) critique ceux qui placent la matiиre premiиre comme premier principe, parce qu’ils plaзaient seulement les йlйments des corps, et non de ceux qui n’avaient pas de corps[122]. Donc il y a aussi l’йlйment des incorporels. Mais l’йlйment est un principe matйriel. Donc les substances incorporelles aussi, comme l’Ange et l’вme, ont un principe matйriel.

18. Praeterea, quod aliquid possit esse totum in toto cum omnibus partibus, videtur provenire ex eius simplicitate; in corporibus enim hoc videmus non posse accidere. Sed anima non est simplex, sed composita ex materia et forma. Ergo non est in qualibet parte corporis. Probatio mediae: philosophus in II Metaph., reprehendit ponentes materiam corporalem primum principium, quia ponebant solum elementa corporum, non corporum autem non. Est igitur etiam incorporeorum aliquod elementum. Sed elementum est materiale principium. Ergo etiam substantiae incorporeae, ut Angelus et anima, habent materiale principium.

 

19. Certains animaux coupйs [continuent а ] vivre. Mais ce n’est pas dire que l’autre partie vit par toute l’вme. Donc avant le coupure toute l’вme n’йtait pas dans cette partie, mais une partie de l’вme.

19. Praeterea, quaedam animalia decisa vivunt. Non est autem dicere quod altera pars vivat per totam animam. Ergo nec ante decisionem tota anima erat in illa parte, sed pars animae.

 

2.0 Toute entier et parfait c’est la mкme chose  comme il est dit en Physique, (III, 6, 207 a 8[123]). Mais la pouvoir propre de l’вme humaine selon l’intellect n’est pas un acte d’une partie du corps. Donc l’вme n’est pas toute entiиre dans n’importe quelle partie du corps.

2.0 Praeterea, totum et perfectum idem est, dicitur in III Physic. Perfectum autem est quod attingit propriam virtutem, ut dicitur etiam in VI Physic. Propria autem virtus animae humanae secundum intellectum non est actus alicuius partis corporis. Non ergo anima est tota in qualibet parte corporis.

 

En sens contraire

1. Mais il y a ce que dit Augustin dans le livre (La Trinitй, VI, VI, 8[124]), que l’вme est toute entiиre dans tout le corps, et toute entiиre en chacune de ses parties.

 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicit Augustinus in III de Trinit., quod anima in toto tota est, et in qualibet parte eius, tota.

 

2. Jean Damascиne [La Foi orthodoxe, I, 13 – II, 3] dit que l’ange est lа oщ il opиre, l’вme а raison йgale aussi. Mais l’вme opиre dans n’importe quelle partie du corps, parce que n’importe quelle partie du corps se nourrit, croоt et йprouve des sensations. Donc l’вme est dans n’importe quelle partie du corps.

 s. c. 2 Praeterea, Damascenus dicit, quod Angelus ibi est ubi operatur; pari ergo ratione et anima. Sed anima operatur in qualibet parte corporis, quia quaelibet pars corporis nutritur, augetur et sentit. Ergo anima est in qualibet parte corporis.

 

3. L’вme est d’un plus grand pouvoir que les formes matйrielles. Mais ces derniиres, comme celle du feu ou de l’air sont en n’importe quelle partie, et l’вme beaucoup plus[125].

 s. c. 3 Praeterea, anima est maioris virtutis quam formae materiales. Sed formae materiales, ut ignis aut aeris, sunt in qualibet parte; multo magis anima.

 

4. Dans le livre L’esprit et l’вme (XVIII, PL. XL 793), il est dit que l’вme par sa prйsence vivifie le corps. Mais n’importe quelle partie du corps est vivifiйe par l’вme. Donc l’вme est prйsente en n’importe quelle partie du corps.

 s. c. 4 Praeterea, in libro de spiritu et anima dicitur, quod anima praesentia sua corpus vivificat. Sed quaelibet pars corporis vivificatur ab anima. Ergo anima est cuilibet parti corporis praesens.

 

Rйponse[126]

La vйritй de cette question dйpend de ce qui a dйjа йtй dit. Car on a montrй d’abord que l’вme est unie au corps non seulement comme moteur, mais comme forme. Mais plus tard on a montrй que l’вme ne prйsuppose pas d’autres formes substantielles dans la matiиre qui donnerait l’кtre substantiel au corps et а ses parties ; mais le corps tout entier et toutes ses parties ont un кtre substantiel et spйcifique par l’вme, si elle s’en va de mкme que l’homme ne demeure ni animal, ni vivant, de mкme  la main, ou l’њil ou la chair ou la bouche ne demeurent que de maniиre йquivoque, comme ce qui est peint ou fait en pierre[127]. Ainsi donc, comme tout acte est en cette partie dont elle est l’acte, il faut que l’вme qui est l’acte de tout le corps et de toutes ses parties soit dans tout le corps, et en n’importe quelle partie.

 co. Respondeo. Dicendum quod veritas huius quaestionis ex praecedentibus dependet. Ostensum est enim prius quod anima unitur corpori non solum ut motor, sed ut forma. Posterius vero ostensum est quod anima non praesupponit alias formas substantiales in materia, quae dent esse substantiale corpori aut partibus eius; sed et totum corpus et omnes eius partes habent esse substantiale et specificum per animam, qua recedente, sicut non manet homo aut animal aut vivum, ita non manet manus aut oculus aut caro aut os nisi aequivoce, sicut depicta aut lapidea. Sic igitur, cum omnis actus sit in eo cuius est actus, oportet animam, quae est actus totius corporis et omnium partium, esse in toto corpore et in qualibet eius parte

 

Mais cependant le tout se comporte pour l’вme autrement que ses parties. Car l’вme est l’acte du corps entier d’abord et par soi, et des parties par rapport au tout. Pour le dйmontrer il faut considйrer que, comme la matiиre est pour la forme, il faut qu’une telle matiиre convienne а la forme. Dans ce qui est corruptible, les formes plus imparfaites qui sont d’une puissance plus faible, ont des opйrations moins importantes, pour lesquelles la diffйrence des parties n’est pas requise ; comme cela se voit dans tous les corps inanimйs.

Sed tamen aliter se habet totum ad animam, et aliter ad partes eius. Anima enim totius quidem corporis actus est primo et per se, partium vero in ordine ad totum. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod, cum materia sit propter formam, talem oportet esse materiam ut competit formae. In istis rebus corruptibilibus formae imperfectiores, quae sunt debilioris virtutis, habent paucas operationes, ad quas non requiritur partium dissimilitudo; sicut patet in omnibus inanimatis corporibus.

 

Mais comme l’вme est  une forme d’une puissance plus haute et plus grande, elle peut кtre le principe d’opйrations diverses dont les diffйrentes parties du corps demandent l’exйcution. Et c'est pourquoi toute вme requiert la diversitй des organes dans les parties du corps dont elle est l’acte, et plus la diversitй est grande et plus l’вme aura йtй parfaite. Donc ainsi les formes plus petites[128] perfectionnent leur matiиre uniformйment ; mais l’вme [perfectionne] de diffйrentes formes, pour que par ses parties diffйrentes se constitue l’intйgritй du corps, dont d’abord l’вme est l’acte par soi.

Anima vero, cum sit forma altioris et maioris virtutis, potest esse principium diversarum operationum, ad quarum executionem requiruntur dissimiles partes corporis. Et ideo omnis anima requirit diversitatem organorum in partibus corporis cuius est actus; et tanto maiorem diversitatem, quanto anima fuerit perfectior. Sic igitur formae infimae uniformiter perficiunt suam materiam; sed anima difformiter, ut ex dissimilibus partibus constituatur integritas corporis, cuius primo et per se anima est actus.

 

Mais il reste а chercher ce qui a йtй dit : que toute l’вme est en tout et toute entiиre dans chaque partie. Pour le montrer il faut considйrer qu’on trouve trois totalitй.

Sed restat inquirendum quod dicitur, totam animam esse in toto, et totam in singulis partibus. Ad cuius evidentiam considerandum est quod triplex totalitas invenitur.

 

1. La premiиre est plus йvidente selon la quantitй, dans la mesure oщ le tout, autant qu’on le dit, est destinй est а кtre divisй en parties quantitatives; et cette totalitй ne peut кtre attribuйe aux formes que par accident, en tant qu’elles se divisent par accident d’une division de quantitй, comme le blanc par la division de la surface. Mais cela concerne seulement ces formes qui sont coextensives  а la quantitй ; ce qui convient а certaines formes, parce qu’elles ont une matiиre semblable ou presque semblable dans le tout et dans la partie. C'est pourquoi les formes qui requiиrent une grande diffйrence dans les parties, n’ont pas d’extension de ce genre ni de totalitй, comme les вmes des animaux parfaits surtout.

Prima quidem est manifestior secundum quantitatem, prout totum quantum dicitur quod natum est dividi in partes quantitatis: et haec totalitas non potest attribui formis nisi per accidens, in quantum scilicet per accidens dividuntur divisione quantitatis, sicut albedo divisione superficiei. Sed hoc est illarum tantum formarum quae coextenduntur quantitati; quod ex hoc competit aliquibus formis, quia habent materiam similem aut fere similem et in toto et in parte. Unde formae quae requirunt magnam dissimilitudinem in partibus, non habent huiusmodi extensionem et totalitatem, sicut animae, praecipue animalium perfectorum.

 

2. La seconde totalitй est considйrйe selon la perfection de l’essence ; а cette totalitй correspondent les parties de l’essence, physiquement dans les composйs, la matiиre et la forme, soit logiquement le genre et la diffйrence : cette perfection reзoit dans les formes accidentelles le plus et le moins, mais non dans les formes substantielles.

Secunda autem totalitas attenditur secundum perfectionem essentiae, cui totalitati etiam respondent partes essentiae, physice quidem in compositis materia et forma, logice vero genus et differentia; quae quidem perfectio in formis accidentalibus recipit magis et minus, non autem in substantialibus.

 

3. La troisiиme totalitй dйpend de la puissance. Si donc nous parlions d’une forme qui a une extension dans la matiиre, par exemple la blancheur, nous pourrions dire qu’elle est toute en chaque partie par la totalitй de l’essence et de la puissance, mais non par la premiиre sorte de  totalitй, qui est pour elle par accident, mais sa partie dans une partie.

Tertia autem totalitas est secundum virtutem. Si ergo loqueremur de aliqua forma habente extensionem in materia, puta de albedine, possemus dicere quod est tota in qualibet parte totalitate essentiae et virtutis, non autem totalitate prima, quae est ei per accidens; sicut tota ratio speciei albedinis invenitur in qualibet parte superficiei, non autem tota quantitas quam habet per accidens, sed pars in parte

 

Mais l’вme, et surtout l’вme humaine, n’a pas d’extension dans la matiиre ; c'est pourquoi en elle la premiиre totalitй n’a pas place. Il reste donc que selon la totalitй de l’essence on peut йnoncer simplement qu’elle est toute entiиre dans chaque partie du corps, non selon la totalitй de la puissance, parce qu’elle achиve les parties de faзon diffйrente pour les diffйrentes opйrations et une certaine opйration lui appartient, а savoir comprendre, qu’elle n’exйcute par aucune partie du corps. C'est pourquoi si on accepte ainsi la totalitй de l’вme selon la puissance, non seulement elle n’est pas toute dans chaque partie, mais elle n’est pas toute dans le tout parce que la puissance de l’вme surpasse la capacitй du corps, comme on l’a dit ci-dessus.

. Anima autem, et praecipue humana, non habet extensionem in materia; unde in ea prima totalitas locum non habet. Relinquitur ergo quod secundum totalitatem essentiae simpliciter enuntiari possit esse tota in qualibet corporis parte, non autem secundum totalitatem virtutis; quia partes difformiter perficiuntur ab ipsa ad diversas operationes; et aliqua operatio est eius, scilicet intelligere, quam per nullam partem corporis exequitur. Unde sic accepta totalitate animae secundum virtutem, non solum non est tota in qualibet parte, sed nec tota in toto: quia virtus animae capacitatem corporis excedit, ut supra dictum est.

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Solutions

1. le philosophe parle ici de l’вme quant а sa puissance pour mouvoir qui est fondйe en premier dans le cњur.

1. Ad primum ergo dicendum quod philosophus ibi loquitur de anima quantum ad potentiam motivam, quae primo fundatur in corde.

 

2. L’вme n’est pas  dans chaque partie du corps en premier et par soi, mais en rapport avec le tout, comme on l’a dit, et c'est pourquoi n’importe quelle partie de l’animal n’est pas l’animal.

2. Ad secundum dicendum quod anima non est in qualibet parte corporis primo et per se, sed in ordine ad totum, ut dictum est; et ideo non quaelibet pars animalis est animal.

 

3. Selon le philosophe dans le livre Le sommeil et la veille, l’action vient de celui qui a la puissance. C'est pourquoi ces puissances, dont les opйrations ne sont pas de la seule вme mais de l’ensemble joint, sont dans l’organe comme dans un substrat, mais dans l’вme comme dans sa racine. Mais seules ces puissances sont dans l’вme comme dans un substrat, dont l’вme n’exйcute pas par un organe du corps les opйrations, qui sont cependant de l’вme selon qu’elle dйpasse le corps. C'est pourquoi il n’en dйcoule pas que dans chaque partie du corps il y a toutes les puissances de l’вme.

3. Ad tertium dicendum quod secundum philosophum in libro de somno et vigilia, cuius est potentia, eius est actio. Unde potentiae illae, quarum operationes non sunt solius animae sed coniuncti, sunt in organo sicut in subiecto, in anima autem sicut in radice. Solum autem illae potentiae sunt in anima sicut in subiecto, quarum operationes anima non per organum corporis exequitur; quae tamen sunt animae secundum quod excedit corpus. Unde non sequitur quod in qualibet parte corporis sint omnes potentiae animae.

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4. Comme la forme de la maison est accidentelle, elle ne donne pas un кtre spйcifique а chaque partie de la maison, comme l’вme le donne а chaque partie du corps, c'est pourquoi ce n’est pas pareil.

4. Ad quartum dicendum quod forma domus, cum sit accidentalis, non dat esse specificum singulis partibus domus, sicut dat anima singulis partibus corporis; et ideo non est simile.

 

5. Cette autoritй n’est pas comprise de sorte que l’вme humaine s’йtende selon l’extension au corps, mais parce que la quantitй de l’вme virtuelle n’est pas dйveloppйe dans une plus grande quantitй que le corps.

5. Ad quintum dicendum quod auctoritas illa non sic intelligitur quod anima humana extendatur secundum extensionem corporis, sed quia virtualis animae quantitas non porrigitur in maiorem quantitatem quam corporis.

 

6. Toute opйration est reзue d’une certaine maniиre comme intermйdiaire entre celui qui opиre et l’objet de l’opйration ; ou bien rйellement, comme dans ses actions qui procиdent de l’agent dans quelque chose d’extйrieur а transformer, ou bien selon la maniиre de la comprendre, comme comprendre et vouloir etc., qui bien que ce soient des actions qui demeurent dans l’agent, comme il est dit en Mйtaphysique (IX, 8, 1050 a 35), sont signalйes cependant au moyen d’autres actions, comme s’йtendant de l’une а l’autre. Donc ainsi, quand quelqu'un dit qu’il opиre ici ou lа, on peut le comprendre de deux maniиres. 1. D’une premiиre maniиre parce que le mot est dйterminй par des adverbes de ce genre, par lequel l’opйration sort de l’agent, et ainsi c’est vrai que l’вme opиre partout lа oщ elle est. 2. D’une autre maniиre, de ce cфtй par lequel l’opйration est comprise comme se terminant а un autre, et ainsi elle n’opйre pas partout oщ elle est ; car elle sent, et voit dans le ciel dans la mesure oщ elle le sent et le voit.

6. Ad sextum dicendum quod omnis operatio aliquo modo accipitur ut media inter operantem et obiectum operationis; vel realiter, sicut in illis actionibus quae procedunt ab agente in aliquod extrinsecum transmutandum; vel secundum modum intelligendi, sicut intelligere et velle et huiusmodi, quae licet sint actiones in agente manentes, ut dicitur in IX Metaph., tamen significantur per modum aliarum actionum, ut ab uno tendentes in aliud. Sic ergo, cum dicitur aliquis operari hic vel ibi, dupliciter potest intelligi. Uno modo, quod per huiusmodi adverbia determinetur verbum, ex quo operatio exit ab agente; et sic verum est quod anima ubicumque operatur, ibi est. Alio modo, ex ea parte qua operatio intelligitur terminari ad alterum; et sic non ubicumque operatur, ibi est: sic enim sentit et videt in caelo, in quantum caelum sentitur et videtur ab ea.

 

7. Quand le corps est mы l’вme se meut par accident et non par soi. Mais il n’est pas inconvenant que quelque chose en mкme temps soit mы et se repose par accident selon diffйrents aspects. Mais cela ne conviendrait pas si elle se reposait et se mouvait par elle-mкme  en mкme temps.

7. Ad septimum dicendum quod anima moto corpore movetur per accidens, et non per se. Non est autem inconveniens quod aliquid simul moveatur et quiescat per accidens secundum diversa. Esset autem inconveniens, si per se simul quiesceret et moveretur.

 

8. Bien que l’вme soit l’acte de n’importe quelle partie du corps, cependant toutes les parties du corps ne sont pas achevйes uniformйment par elle, comme on l’a dit ; mais l’une est supйrieure et plus parfaite que l’autre[129].

8. Ad octavum dicendum quod licet anima sit actus cuiuslibet partis corporis, non tamen uniformiter omnes partes corporis perficiuntur ab ea, ut dictum est; sed una altera principalius et perfectius.

 

9. On dit que l’вme est dans le corps avec un aspect dйterminй, non qu’il soit la cause pour laquelle elle est dans le corps mais plutфt l’aspect du corps dйpend de l’вme ; c'est pourquoi lа oщ il n’y a pas un aspect qui convient а cette вme, elle ne peut pas кtre cette вme. Mais l’вme requiert une autre aspect dans tout le corps, dont elle est l’acte en premier, et un autre dans une partie, dont l’acte est en rapport avec le tout, comme on l’a dit. C'est pourquoi dans les animaux en qui l’aspect de la partie est presque conforme а l’aspect du tout, la partie reзoit l’вme comme un certain tout, c’est pourquoi, si elle est coupйe elle [continue а] vivre. Cependant dans les animaux parfaits, en qui l’aspect de la partie diffиre beaucoup de l’aspect du tout, la partie ne reзoit pas l’вme comme un tout et le premier perfectible pour que ce qui a йtй coupй vive ; cependant elle reзoit l’вme en rapport au tout, pour que ce qui est uni vive[130].

9. Ad nonum dicendum quod anima per determinatam figuram dicitur esse in corpore, non quod figura sit causa quare sit in corpore, sed potius figura corporis est ex anima; unde ubi non est figura conveniens huic animae, non potest esse haec anima. Sed aliam figuram requirit anima in toto corpore, cuius per prius est actus, et aliam in parte, cuius est actus in ordine ad totum, sicut dictum est. Unde in animalibus in quibus figura partis fere est conformis figurae totius, pars recipit animam ut quoddam totum: quare decisa vivit. In animalibus tamen perfectis, in quibus figura partis multum differt a figura totius, pars non recipit animam sicut totum et primum perfectibile ut decisa vivat; recipit tamen animam in ordine ad totum, ut coniuncta vivat.

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10. L’Ange est accouplй au corps cйleste qu’il meut, non comme une forme mais comme un moteur ; c'est pourquoi ce n’est pas pareil pour lui et pour l’вme qui est la forme du tout et de chacune des parties.

10 Ad decimum dicendum quod Angelus comparatur ad corpus caeleste quod movet, non sicut forma, sed sicut motor; unde non est simile de ipso et de anima, quae est forma totius et cuiuslibet partis.

 

11. Si l’њil йtait dans le pied, lа serait la puissance visuelle, parce que cette puissance est l’acte de tel organe animй. Mais si on retire l’organe, l’вme y demeure mais cependant sans la puissance visuelle.

11. Ad undecimum dicendum quod si esset oculus in pede, esset ibi potentia visiva, quia haec potentia est actus talis organi animati. Remoto autem organo, remanet ibi anima, non tamen potentia visiva.

 

12. La croissance ne se fait pas sans mouvement local, comme le dit le philosophe Physique (IV 1, 209 a 28 – 6, 213 b 4) : c'est pourquoi lorsque l’enfant a grandi, de mкme qu’une partie du corps commence а exister lа oщ par soi elle n’йtait pas auparavant, de mкme l’вme [l’вme commence а exister] par accident et par son changement en tant qu’elle est mue par accident quand le corps est mы.

12. Ad duodecimum dicendum quod augmentum non fit sine motu locali, ut dicit philosophus IV Physic.; unde augmentato puero, sicut aliqua pars corporis incipit esse per se ubi prius non erat, ita anima per accidens, et per transmutationem suam, in quantum per accidens movetur moto corpore.

 

13. Le corps organique est perfectible par l’вme en premier et par soi : mais chaque organe et les parties d’organes sont perfectibles, comme dans l’ordre au tout, comme il a йtй dit.

13. Ad decimumtertium dicendum quod corpus organicum est perfectibile ab anima primo et per se; singula autem organa et organorum partes, ut in ordine ad totum, sicut dictum est.

 

14. Mais ma chair avec ta chair se conviennent plus selon la nature de l’espиce, que ma chair avec mon os ; mais selon l’analogie pour le tout et inversement ; car ma chair et mon os peuvent кtre en rapport а un seul tout а constituer, non ma chair et ta chair.

14. Ad decimumquartum dicendum quod caro mea cum carne tua magis convenit secundum rationem speciei, quam caro mea cum osse meo; sed secundum analogiam ad totum e converso. Nam caro mea et os meum possunt ordinari ad unum totum constituendum, non autem caro mea et caro tua.

 

15. Une fois une partie coupйe, il n’en dйcoule pas que l’вme est enlevйe, ou qu’elle soit dйplacйe dans une autre partie, а moins qu’on pense que l’вme serait dans cette seule partie, mais il en dйcoule que cette partie cesse d’кtre achevйe par l’вme du tout.

15. Ad decimumquintum dicendum quod praecisa parte non sequitur quod auferatur anima, vel quod ad aliam partem transmutetur, nisi poneretur quod in illa sola parte anima esset; sed sequitur quod illa pars desinat perfici ab anima totius.

 

16. L’вme n’est pas indivisible, comme le point qui a une place dans le continu, ce serait contre sa nature d’кtre dans un lieu divisible. Mais l’вme est indivisible par abstraction de tout genre du ‘continu’ ; c'est pourquoi ce n’est pas contre sa nature si elle est dans un tout quelconque divisible.

16. Ad decimumsextum dicendum quod anima non est indivisibilis ut punctum habens situm in continuo, contra cuius rationem esset in loco divisibili esse. Sed anima est indivisibilis per abstractionem a toto genere continui; unde non est contra eius rationem si sit in aliquo divisibili toto.

 

17. Du fait que l’вme est indivisible, il en dйcoule qu’elle n’a pas de totalitй quantitative. Et ce n’est pas а cause de cela qu’on accorde qu’il y ait en elle la totalitй de la quantitй : car il y a en elle la totalitй selon la nature de l’essence, comme on l’a dit.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod anima ex hoc quod est indivisibilis, sequitur quod non habeat totalitatem quantitatis. Nec propter hoc relinquitur quod sit in ea sola totalitas potentiarum: est enim in ea totalitas secundum essentiae rationem, ut dictum est.

 

18. Dans ce livre le philosophe tend а chercher les principes de tous les йtants, non seulement principes matйriels, mais aussi formels, efficients et finaux. Et c'est pourquoi il rйfute les anciens naturalistes, qui plaзaient telle cause matйrielle, qui n’a pas place dans les choses incorporelles, et ainsi ils ne pouvaient pas placer les principes de tous les кtres. Donc il ne tend pas а dire qu’il y a un йlйment matйriel des choses incorporelles, mais que sont а blвmer ceux qui ont nйgligй les principes des choses incorporelles, plaзant une cause matйrielle seulement.

18. Ad decimumoctavum dicendum quod philosophus in libro illo intendit inquirere de principiis omnium entium, non solum materialibus, sed etiam formalibus et efficientibus et finalibus. Et ideo redarguuntur ab ipso antiqui naturales, qui posuerunt tantum causam materialem, quae non habet locum in rebus incorporalibus; et sic non poterant ponere principia omnium entium. Non ergo intendit dicere quod sit aliquod elementum materiale rerum incorporalium; sed quod illi sunt reprehendendi qui principia rerum incorporalium neglexerunt, ponentes causam materialem tantum.

 

19. Dans ces animaux qui une fois coupй [en deux] continuent а vivre, il y a une seule вme en acte et plusieurs en puissance. Par la coupure elles sont ramenйes а l’acte de la pluralitй, comme cela arrive dans toutes les formes qui ont une extension dans la matiиre.

19. Ad decimumnonum dicendum quod in illis animalibus quae decisa vivunt, est una anima in actu, et multae in potentia. Per decisionem autem reducuntur in actum multitudinis, sicut contingit in omnibus formis quae habent extensionem in materia.

 

2.0. Quand on dit que l’вme est toute entiиre dans chacune des parties, on accepte le tout et le parfait selon la nature de l’essence et non selon la nature de la puissance ou du pouvoir, comme on voit par ce qui a йtй dit plus haut.

2.0 Ad vicesimum dicendum quod cum dicitur anima esse tota in qualibet parte, accipitur totum et perfectum secundum rationem essentiae, et non secundum rationem potentiae seu virtutis, ut ex supradictis patet.

 

 

Article 5 : Existe-t-il quelque substance spirituelle crййe non unie а un corps. Quinto quaeritur utrum aliqua substantia spiritualis creata sit non unita corpori.

 

Il semble que non[131].

Et videtur quod non.

 

Objections

1. Car Origиne dit dans le Periarchon (IV, PG. XI, 170) : «  Le propre de Dieu seul, c'est-а-dire du Pиre, du Fils et de l’Esprit saint, est qu’on comprend qu’il existe sans aucune adjonction corporelle en participation». Donc aucune substance spirituelle crййe ne peut кtre unie а un corps.

1. Dicit enim Origenes in I periarchon: solius Dei, id est patris et filii et spiritus sancti, proprium est ut absque ulla corporea societatis adiectione intelligatur existere. Nulla ergo substantia spiritualis creata potest esse corpori non unita.

 

2. Le pape Paschase dit que les [кtres] spirituels sans corps ne peuvent pas subsister. Donc il n’est pas possible que les substances spirituelles ne soient pas unies а un corps.

2. Praeterea, Paschasius Papa dicit quod spiritualia sine corporalibus subsistere non possunt. Non est ergo possibile spirituales substantias non unitas corporibus esse.

 

3. Bernard (Sur le Cantique, sermon 5, PL CLXXX, 800) dit : « Il est йvident que tout esprit crйй a besoin de l’aide d’un corps». Il est clair aussi que, comme la nature ne fait pas dйfection dans ce qui est nйcessaire, Dieu fait dйfection beaucoup moins, Donc on ne trouve pas d’esprit crйй sans corps.

3. Praeterea, Bernardus super canticum inquit: liquet omnem spiritum creatum corporeo indigere solatio. Manifestum est autem quod cum natura non deficiat in necessariis, multo minus deficit Deus. Non ergo spiritus creatus sine corpore invenitur.

 

4. Si une substance spirituelle crййe est entiиrement sйparйe d’un corps il est nйcessaire qu’elle soit au-dessus du temps ; car le temps ne va pas au-delа des [кtres] corporels. Mais les substances spirituelles crййes ne sont pas entiиrement au-dessus du temps. Comme en effet elles ont йtй crййes de rien, et par consйquence qu’elles commencent par le non кtre, il est nйcessaire qu’elles puissent changer, pour pouvoir retomber dans le non кtre а moins qu’elles ne soient contenues par un autre. Mais ce qui peut retourner au non кtre, n’est pas tout а fait au-dessus du temps ; car il peut кtre dans un temps et ne pas y кtre dans un autre. Donc il n’est pas possible que des substances crййes soient sans corps.

4. Praeterea, si aliqua substantia spiritualis creata est omnino corpori non unita, necesse est quod sit supra tempus; tempus enim corporalia non excedit. Sed substantiae spirituales creatae non omnino sunt supra tempus. Cum enim ex nihilo creatae sint, et per consequens a non esse incipiant, necesse est eas vertibiles esse, ut possint deficere in non esse, nisi ab alio continerentur. Quod autem potest in non esse deficere, non omnino est supra tempus; potest enim nunc esse, et in alio nunc non esse. Non est ergo possibile aliquas creatas substantias absque corporibus esse.

 

5. Les Anges assument certains corps. Mais le corps assumй par un ange est mы par lui. Donc comme кtre mы localement prйsuppose la sensation et la vie, comme on le voit dans L’вme, (II, 2 et 3), il semble que les corps assumйs par les anges sentent et vivent et ainsi qu’ils soient naturellement unis а des corps ; [alors que] cependant il semble qu’ils sont tout а fait  libйrйs des corps. Donc il n’y a aucune substance spirituelle crййe qui ne soit pas unie а un corps.

5. Praeterea, Angeli corpora quaedam assumunt. Corpus autem assumptum ab Angelo, movetur ab eo. Cum igitur moveri secundum locum praesupponat sentire et vivere, ut patet in II de anima, videtur quod corpora assumpta ab Angelis sentiant et vivant, et ita sint corporibus naturaliter uniti de quibus tamen maxime videtur quod sint a corporibus absoluti. Nulla ergo spiritualis substantia creata est corpori non unita.

 

6. L’ange est naturellement plus parfait que l’вme. Mais ce qui vit et donne la vie, est plus parfait que ce qui vit seulement. Donc comme l’вme vit et donne la vie а un corps par le fait qu’elle est sa forme, il semble que l’ange, bien plus non seulement vit, mais il est aussi uni а un corps а qui il donne la vie et ainsi de mкme que plus haut.

6. Praeterea, Angelus naturaliter est perfectior quam anima. Perfectius autem est quod vivit et dat vitam, quam illud quod vivit tantum. Cum igitur anima vivat, et det vitam corpori per hoc quod est forma eius, videtur quod multo fortius Angelus non solum vivat, sed etiam uniatur alicui corpori cui det vitam; et sic idem quod prius.

 

7. Il est clair que les anges connaissent les singuliers, autrement ce serait en vain qu’ils seraient destinйs а la garde des hommes. Mais il ne peuvent pas connaоtre les singuliers par les formes universelles, parce qu’ainsi leur connaissance se comporterait de maniиre йgale pour le passй et le futur, alors que cependant connaоtre le futur appartient а Dieu seul. Donc les anges connaissent les choses particuliиres par des formes particuliиres, qui requiиrent des organes corporels unis а ceux en qui elles sont reзues. Donc les anges ont des organes corporels unis а eux et ainsi aucune substance crййe ne semble кtre tout а fait libйrйe d’un corps.

7. Praeterea, manifestum est quod Angeli singularia cognoscunt; alioquin frustra hominibus in custodiam deputarentur. Non possunt autem singularia cognoscere per formas universales: quia sic aequaliter se haberet eorum cognitio ad praeteritum et futurum, cum tamen futura cognoscere solius Dei sit. Cognoscunt igitur Angeli singularia per formas particulares, quae requirunt organa corporalia sibi unita in quibus recipiantur. Ergo Angeli habent organa corporalia sibi unita; et sic nullus spiritus creatus videtur esse omnino a corpore absolutus.

 

8. Le principe d’individualisation est la matiиre. Mais les anges sont des individus, autrement ils n’auraient pas leurs propres actions ; car agir est le propre des individus. Donc comme ils n’ont pas de matiиre d’origine, comme on l’a dit ci-dessus, il semble qu’ils ont une matiиre en laquelle ils sont, c'est-а-dire des corps auxquels ils sont unis.

8. Praeterea, principium individuationis est materia. Angeli autem sunt quaedam individua, alioquin non haberent proprias actiones; agere enim particularium est. Cum igitur non habeant materiam ex qua sint, ut supra dictum est, videtur quod habeant materiam in qua, scilicet corpora quibus uniuntur.

 

9. Comme les esprits crййs sont des substances finies, il est nйcessaire qu’ils soient dans un genre et une espиce dйterminйs. Donc il faut trouver en eux la nature universelle de l’espиce. Mais par cette nature universelle ils n’ont pas ce qui les individualisent. Donc il faut qu’il y ait quelque chose d’ajoutй par quoi ils sont individualisйs. Mais cela ne peut pas кtre quelque chose de matйriel, qui pйnиtre la composition de l’ange, puisqu’ils sont des substances immatйrielles, comme on l’a dit ci-dessus. Donc il est nйcessaire d’ajouter une matiиre corporelle, par laquelle ils sont individualisйs et ainsi de mкme que ci-dessus.

9. Praeterea, cum spiritus creati sint substantiae finitae, necesse est quod sint in determinato genere et specie. Est igitur in eis invenire naturam universalem speciei. Ex ipsa autem natura universali non habent quod individuentur. Ergo oportet esse aliquid additum per quod individuentur. Hoc autem non potest esse aliquid materiale, quod intret compositionem Angeli, cum Angeli sint immateriales substantiae, ut supra dictum est. Necesse est ergo quod addatur eis aliqua materia corporalis, per quam individuantur; et sic idem quod prius.

 

10. Les substances spirituelles crййes ne sont pas matiиre seulement, parce qu’ainsi elles seraient en puissance seulement, et n’auraient aucune action, et en plus elles ne seraient pas composйes de matiиre et de forme, comme on l’a montrй plus haut. Il reste donc qu’elles sont des formes seulement. Mais il est de la nature de la forme qu’elle soit l’acte de la matiиre а laquelle elle est unie. Donc il semble que les substance spirituelles crййes sont unies а la matiиre d’un corps.

10 Praeterea, substantiae spirituales creatae non sunt materia tantum, quia sic essent in potentia solum, et non haberent aliquam actionem; nec iterum sunt compositae ex materia et forma, ut supra ostensum est. Relinquitur igitur quod sint formae tantum. De ratione autem formae est quod sit actus materiae cui unitur. Videtur ergo quod spirituales substantiae creatae uniantur materiae corporali.

 

11. Le jugement est semblable pour ce qui est semblable. Mais quelques substances spirituelles crййes sont unies а des corps. Donc toutes.

11. Praeterea, de similibus simile est iudicium. Sed aliquae spirituales substantiae creatae sunt unitae corporibus. Ergo omnes.

 

En sens contraire

1Denys (Les Noms divins, IV, lectio 1, 693 C) dit que les anges n’ont ni corps ni matiиre.

 s. c. 1 Sed contra. Est quod Dionysius dicit in IV cap. de Div. Nom., quod Angeli sunt incorporales et immateriales.

 

2. Selon le philosophe (Physique,VIII, 5, 256 b 20[132]), si deux choses se trouvent jointes, dont l’une peut кtre trouvйe sans l’autre, il faut les trouver l’une sans l’autre. Car on trouve un moteur mы, c'est pourquoi si quelque chose est mы et non moteur, on trouve aussi  un moteur non mы. Mais on trouve quelque chose de composй de substance corporelle et spirituelle. Donc comme on trouve un corps sans esprit, il semble qu’on peut trouver quelque esprit sans corps.

 s. c. 2 Praeterea, secundum philosophum in VIII Physic., si aliqua duo inveniuntur coniuncta, quorum unum sine altero inveniri potest, oportet et alterum sine altero inveniri. Invenitur enim aliquid movens motum; unde si aliquid est motum non movens, invenitur etiam aliquid movens non motum. Sed invenitur aliquid compositum ex substantia corporali et spirituali. Cum igitur inveniatur aliquod corpus sine spiritu, videtur quod aliquis spiritus inveniri possit corpori non unitus.

 

3. Richard de Saint Victor (La Trinitй, III, 9 PL. CXCVI, 921) argumente ainsi : En Dieu on trouve plusieurs personnes dans une seule nature. Mais dans les choses humaines [on trouve] une seule personne dans deux natures ; а savoir l’вme et le corps. Donc on trouve un intermйdiaire, а savoir ce qui serait une seule personne dans une seule nature, ce qui n’existerait pas, si la nature spirituelle йtait unie а un corps[133].

 s. c. 3 Praeterea, Richardus de s. Victore sic argumentatur. In divinis plures inveniuntur personae in una natura. In rebus autem humanis una persona in duabus naturis, scilicet anima et corpore. Ergo et invenitur medium, scilicet quod sit una persona in una natura: quod non esset, si natura spiritualis corpori uniretur.

 

4. L’ange est dans un corps assumй. Donc si un autre corps lui йtait uni naturellement, il en dйcoulerait que deux corps seraient ensemble dans un mкme [кtre], ce qui est impossible. Donc il y a des substances spirituelles crййes qui sont sans corps uni naturellement а eux.

 s. c. 4 Praeterea, Angelus est in corpore assumpto. Si ergo corpus aliud sibi naturaliter uniretur, sequeretur quod duo corpora simul essent in eodem; quod est impossibile. Sunt ergo aliquae spirituales substantiae creatae non habentes corpora naturaliter sibi unita.

 

Rйponse

Parce que notre connaissance commence par les sens, et que la sensation est pour ce qui est corporel, au commencement les hommes qui cherchaient la vйritй ne purent saisir  seulement que  la nature corporelle, en tant que les premiers philosophes naturalistes pensaient qu’il n’existait que des corps ; c'est pourquoi ils disaient que l’вme йtait un corps. Les hйrйtiques manichйens semblent les avoir suivis, eux qui pensaient que Dieu йtait une certaine lumiиre corporelle йtendue sur d’infinis espaces. Ainsi aussi les Anthropomorphites[134] qui ajoutaient que Dieu йtait figurй avec les traits d’un corps humain, considйraient qu’il n’existait rien que des corps.

 co. Respondeo. Dicendum quod quia nostra cognitio a sensu incipit, sensus autem corporalium est, a principio homines de veritate inquirentes solum naturam corpoream capere potuerunt, in tantum quod primi naturales philosophi nihil esse nisi corpora aestimabant; unde et ipsam animam corpus esse dicebant. Quos etiam secuti videntur Manichaei haeretici, qui Deum lucem quamdam corpoream per infinita distensam spatia esse existimabant. Sic etiam et Anthropomorphitae, qui Deum lineamentis humani corporis figuratum esse astruebant, nihil ultra corpora esse suspicabantur.

 

Mais les philosophes suivants, transcendant rationnellement par l’esprit ce qui est corporel, parvinrent а la connaissances des substances incorporelles. Parmi eux Anaxagore le premier parce qu’il plaзait par principe que tous les corps йtaient mкlйs entre eux, il fut forcй de placer au-dessus de ce qui corporel un кtre incorporel sans mйlange, qui distinguerait ce qui est corporel et le mettrait en mouvement. Nous l’appelons Dieu. Platon a suivi un autre chemin pour placer des substances incorporelles. Car il a pensй qu’avant tout кtre participant, il est nйcessaire de placer quelque chose d’abstrait et de participй. C'est pourquoi comme tous les corps sensibles participent а ce qui leur est attribuй, а savoir la nature des genres et des espиces, et autres universellement, d’aprиs ses paroles, il a placй des natures de ce genre abstraites du sensible et subsistantes par soi, qu’il appelait les substances sйparйes.

Sed posteriores philosophi rationabiliter per intellectum corporalia transcendentes, ad cognitionem incorporeae substantiae pervenerunt. Quorum Anaxagoras primus, quia ponebat a principio omnia corporalia invicem esse immixta, coactus fuit ponere supra corporalia aliquod incorporeum non mixtum, quod corporalia distingueret et moveret. Et hoc vocabat intellectum distinguentem et moventem omnia, quem nos dicimus Deum. Plato vero est alia via usus ad ponendum substantias incorporeas. Existimavit enim quod ante omne esse participans, necesse est ponere aliquid abstractum participatum. Unde cum omnia corpora sensibilia participent ea quae de ipsis praedicantur, scilicet naturas generum et specierum et aliorum universaliter de ipsis dictorum, posuit huiusmodi naturas abstractas a sensibilibus per se subsistentes, quas substantias separatas nominabat.

 

Aristote (Mйtaphysique, XII, 8, 1073 a) a progressй : il a pensй qu’il existait des substances sйparйes par la perpйtuitй du mouvement cйleste. Car il faut penser que les mouvements cйlestes ont une finalitй. Mais si la fin d’un mouvement ne se comporte pas toujours de la mкme maniиre, mais est mы par soi ou par accident, il est nйcessaire que ce mouvement ne se comporte pas toujours uniformйment, c'est pourquoi le mouvement naturel des corps lourds et lйgers devient plus intense, quand il approche de cet йtat : ‘кtre dans son lieu propre’. Mais nous voyons dans les mouvements des corps cйlestes que toujours l’uniformitй est conservйe ; а partir de lа il a pensй а la perpйtuitй de ce mouvement uniforme. Donc il fallait penser que la fin de ce moteur n’est pas d’кtre mы, ni par soi, ni par accident. Mais tout corps ou ce qui est dans un corps est mobile par soi ou par accident. Ainsi donc il a йtй nйcessaire de placer une substance tout а fait sйparйe du corps, qui est la finalitй du mouvement cйleste.

Aristoteles vero processit ad ponendum substantias separatas ex perpetuitate caelestis motus. Oportet enim caelestis motus aliquem finem ponere. Si autem finis alicuius motus non semper eodem modo se habeat, sed moveatur per se vel per accidens, necesse est illum motum non semper uniformiter se habere; unde motus naturalis gravium et levium magis intenditur cum appropinquat ad hoc quod est esse in loco proprio. Videmus autem in motibus caelestium corporum semper uniformitatem servari; ex quo existimavit huius uniformis motus perpetuitatem. Oportebat igitur ut poneret finem huius motus non moveri nec per se nec per accidens. Omne autem corpus vel quod est in corpore, mobile est per se vel per accidens. Sic ergo necessarium fuit quod poneret aliquam substantiam omnino a corpore separatam, quae esset finis motus caelestis.

 

A ce sujet on voit que ces trois opinions, dont on a parlй, sont diffиrentes, Anaxagore n’a  considйrй comme nйcessaire de poser selon les principes qu’il avait supposйs qu’une seule substance incorporelle. Mais Platon a considйrй comme nйcessaire d’en placer beaucoup et ordonnйes entre elles, selon la pluralitй et l’ordre des genres, des espиces et autres, qu’il pensait abstraits, car il a placй un premier abstrait, qui serait essentiellement bon et unique et par la suite diffйrentes ordres d’intelligibles et d’intellects. Mais Aristote a placй plusieurs substance sйparйes. En effet comme dans le ciel apparaissent de nombreux mouvements, dont il pensait que n’importe lequel йtait uniforme, et perpйtuel, mais il fallait que leur mouvement soit une fin propre, par laquelle la fin d’un tel mouvement doit кtre est une substance incorporelle, la consйquence en a йtй  qu’il a placй de nombreuses substances incorporelles ordonnйes entre elles, selon la nature et l’ordre des mouvements cйlestes. Et il n’est pas allй au-delа en les plaзant, parce que c’est le propre de sa philosophie de ne pas s’йloigner de ce qui йvident.

In hoc autem videtur tres praedictae positiones differre, quod Anaxagoras non habuit necesse ponere secundum principia ab eo supposita nisi unam substantiam incorpoream. Plato autem necesse habuit ponere multas et ad invicem ordinatas, secundum multitudinem et ordinem generum et specierum et aliorum, quae abstracta ponebat; posuit enim primum abstractum, quod essentialiter esset bonum et unum, et consequenter diversos ordines intelligibilium et intellectuum. Aristoteles autem posuit plures substantias separatas. Cum enim in caelo appareant multi motus, quorum quemlibet ponebat esse uniformem et perpetuum; cuiuslibet autem motus oportet esse aliquem proprium finem, ex quo finis talis motus debet esse substantia incorporea, consequens fuit ut poneret multas substantias incorporeas ad invicem ordinatas secundum naturam et ordinem caelestium motuum. Nec ultra in eis ponendis processit, quia proprium philosophiae eius fuit a manifestis non discedere.

 

Mais ces voies ne sont pas pour nous trиs appropriйes parce que nous ne pensons pas qu’il y ait le mйlange des sensibles avec Anaxagore, ni l’abstrait des universels avec Platon, ni la perpйtuitй du mouvement avec Aristote. C'est pourquoi il faut que nous procйdions pas d’autres chemins pour йclairer notre propos.

Sed istae viae non sunt nobis multum accommodae: quia neque ponimus mixtionem sensibilium cum Anaxagora, neque abstractionem universalium cum Platone, neque perpetuitatem motus cum Aristotele. Unde oportet nos aliis viis procedere ad manifestationem propositi.

 

1. Il apparaоt qu’il y a des substances tout а fait sans corps de par la perfection de l’univers.  Car telle semble кtre la perfection de l’univers, qu’il ne lui manque aucune nature qui a la possibilitй d’exister, c’est pour cela que les choses particuliиres sont dites bonnes, mais tout l’ensemble trиs bon (Genиse, 1). Il est йvident que s’il y a deux choses, dont l’une ne dйpend pas de l’autre, selon sa propre nature, il est possible de la trouver sans l’autre ; ainsi l’animal selon sa nature ne dйpend pas de la rationalitй; c'est pourquoi il est possible de trouver des animaux sans raison. Il est aussi de la nature de la substance qu’elle subsiste par soi, ce qui ne dйpend en aucune maniиre de la nature du corps, puisque pour cette nature il y a des accidents : а savoir les dimensions, elle regarde d’une certaine maniиre ce par quoi sa subsistance n’est pas causйe. Il reste donc que, aprиs Dieu qui n’est contenu dans aucune genre, on  trouve dans le genre de la substance des substances sans corps.

Primo igitur apparet esse aliquas substantias omnino a corporibus absolutas ex perfectione universi. Talis enim videtur esse universi perfectio, ut non desit ei aliqua natura quam possibile sit esse; propter quod singula dicuntur bona, omnia autem simul valde bona. Manifestum est autem quod si aliqua duo sunt, quorum unum ex altero non dependeat secundum suam rationem, possibile est illud sine alio inveniri: sicut animal secundum suam rationem non dependet a rationali; unde possibile est inveniri animalia non rationalia. Est autem de ratione substantiae quod per se subsistat; quod nullo modo dependet a corporis ratione, cum ratio corporis quaedam accidentia, scilicet dimensiones, aliquo modo respiciat, a quibus non causatur subsistere. Relinquitur igitur quod post Deum, qui non continetur in aliquo genere, inveniantur in genere substantiae aliquae substantiae a corporibus absolutae.

 

2. On peut faire la mкme constatation  dans l’ordre des choses, qui se trouve кtre tel qu’on ne parvient d’un extrкme а un autre que par des intermйdiaires ; ainsi on trouve immйdiatement du feu sous le corps cйleste, sous lequel il y a l’air, sous lequel il y a l’eau sous laquelle il y a la terre, d’aprиs l’enchaоnement de la noblesse et de la subtilitй de ces corps. Mais il y a au tout sommet des choses ce qui est un et simple, de toutes les maniиres et qui est Dieu. Donc il n’est pas possible que sous Dieu on place immйdiatement la substance corporelle, qui est tout а fait composйe et divisible. Mais il faut placer beaucoup d’intermйdiaires, par lesquels on en vient de la simplicitй divine suprкme а la pluralitй corporelle. Les intermйdiaires sont des substances incorporelles non unies а des corps, mais certaines des substance incorporelles sont unies а des corps.

2. Secundo potest idem considerari ex ordine rerum, qui talis esse invenitur ut ab uno extremo ad alterum non perveniatur nisi per media: sicut sub corpore caelesti invenitur immediate ignis, sub quo aer, sub quo aqua, sub quo terra, secundum scilicet consequentiam nobilitatis et subtilitatis horum corporum. Est autem in summo rerum vertice id quod est omnibus modis simplex et unum, scilicet Deus. Non igitur possibile est quod immediate sub Deo collocetur corporalis substantia, quae est omnino composita et divisibilis. Sed oportet ponere multa media per quae deveniatur a summa simplicitate divina ad corpoream multiplicitatem; quorum mediorum aliqua sunt substantiae incorporeae corporibus non unitae, aliqua vero substantiae incorporeae corporibus unitae.

 

3. La mкme chose apparaоt par les propriйtйs de l’intellect. Car il est clair que comprendre est une opйration qui ne peut pas se faire par le corps, comme c’est prouvй dans L’вme, (III, 4, 429 ab). C'est pourquoi il faut que la substance dont c’est l’opйration, ait un кtre qui ne dйpende pas du corps, mais qu’elle soit йlevйe au-dessus de lui ; en effet chaque chose opиre de la maniиre dont elle existe. Donc si quelque substance intelligente[135] est unie а un corps, cela ne sera pour lui en tant qu’il est intelligent, mais selon quelque chose d’autre ; comme on a dit ci-dessus, qu’il est nйcessaire que l’вme humaine soit unie а un corps, en tant qu’elle a besoin des opйrations exercйes par lui pour complйter l’opйration intellectuelle, dans la mesure oщ elle comprend en abstrayant des images. Cela arrive а l’opйration intellectuelle, et il convient а son imperfection, qu’elle tire sa connaissance seulement de ce qui est intelligible en puissance ; ainsi l’imperfection de la vue de la chouette nйcessite qu’elle voit dans le noir. Ce qui est joint par accident а quelque chose  ne se trouve pas avec lui dans tous les cas. Il faut aussi qu’avant qu’il y ait  quelque chose d’imparfait dans un genre, on trouve ce qui est parfait dans ce genre[136] ; parce que le parfait est par nature avant l’imparfait, comme l’acte avant le puissance. Il reste donc qu’il faut placer des substances incorporelles, qui ne soient pas unies а un corps, sans qu’elles n’aient besoin d’un corps pour leur opйration intellectuelle.

3. Tertio, apparet idem ex proprietate intellectus. Manifestum est enim quod intelligere est operatio quae per corpus fieri non potest, ut probatur in III de anima. Unde oportet quod substantia cuius est haec operatio, habeat esse non dependens a corpore, sed supra corpus elevatum; sicut enim est unumquodque, ita operatur. Si ergo aliqua substantia intelligens corpori uniatur, hoc non erit ei in quantum est intelligens, sed secundum aliquid aliud; sicut supra dictum est, quod necessarium est, animam humanam uniri corpori, in quantum indiget operationibus per corpus exercitis ad complementum intellectualis operationis, prout intelligit a phantasmatibus abstrahendo. Quod quidem accidit intellectuali operationi, et pertinet ad imperfectionem ipsius, ut ex his quae sunt intelligibilia solum in potentia scientiam capiat; sicut est de imperfectione visus vespertilionis, quod necesse habeat videre in obscuro. Quod autem per accidens adiungitur alicui, non in omnibus cum eo invenitur. Oportet etiam quod ante esse imperfectum in aliquo genere, inveniatur id quod est perfectum in genere illo; quia perfectum est naturaliter prius imperfecto, sicut actus potentia. Relinquitur igitur quod oportet ponere aliquas substantias incorporeas corpori non unitas, utpote non indigentes aliquo corpore ad intellectualem operationem.

 

Solutions

1. Sur ce sujet il ne faut pas recevoir l’autoritй d’Origиne, parce qu’il parle de beaucoup de choses erronйes en suivant les opinions des anciens philosophes.

1. Ad primum ergo dicendum quod in hoc non est auctoritas Origenis recipienda; quia multa in illo libro erronee loquitur, sequens opiniones antiquorum philosophorum.

 

2. Paschaise parle des choses spirituelles[137] qui sont en liaison avec des choses temporelles. Par leur vente et leur achat on comprend que des choses spirituelles sont achetйes ou vendues. Car les droits spirituels ou les consйcrations ne subsistent pas sйparйment par elles-mкmes, par les choses corporelles ou temporelles qui leur sont attachйes.

2. Ad secundum dicendum quod Paschasius loquitur de spiritualibus quibus sunt annexa temporalia, cum quorum venditione vel emptione ipsa spiritualia emi vel vendi intelliguntur. Iura enim spiritualia vel consecrationes non per se seorsum subsistunt a corporalibus vel temporalibus, quae eis annectuntur.

 

3. Tout esprit crйй a besoin de l’aide d’un corps; certains pour eux, comme l’вme raisonnable, d’autres pour nous comme les anges, qui nous apparaissent dans des corps assumйs.

3. Ad tertium dicendum quod omnis spiritus creatus indiget solatio corporeo: quidam propter se, ut anima rationalis; quidam propter nos, ut Angeli qui in corporibus assumptis nobis apparent.

 

4. On pense que les substances spirituelles crййes, quant а leur кtre sont mesurйes par l’aevum[138], bien que leur mouvement soit mesurй par le temps, selon ce mot d’Augustin (La Genиse au sens litt. VIII, 22, 43), que Dieu meut la crйature spirituelle par le temps. Mais dire qu’elles peuvent retourner au non кtre, ne convient pas а une puissance qui existe par elles, mais а la puissance de l’agent. Car de mкme qu’avant qu’elles existent, elles pouvaient exister par le seule puissance de l’agent, de mкme quand elles existent, elles peuvent ne pas кtre par la seule puissance de Dieu, qui peut retirer la main qui les conserve. Mais en elles il n’y a aucune puissance au non кtre, de mкme qu’elles sont mesurйes par le temps, comme celles qui peuvent кtre mues. Bien qu’elles ne soient pas mues, cependant elles sont mesurйes par le temps.

4. Ad quartum dicendum quod substantiae spirituales creatae quantum ad suum esse ponuntur mensurari aevo, licet eorum motus tempore mensurentur, secundum illud Augustini, IV super Gen. ad litteram, quod Deus movet creaturam spiritualem per tempus. Quod autem dicitur quod possint verti in non esse, non pertinet ad aliquam potentiam in eis existentem, sed ad potentiam agentis. Sicut enim antequam essent, poterant esse per solam potentiam agentis, ita cum sunt possunt non esse per solam potentiam Dei, qui potest subtrahere manum conservantem. In eis vero nulla est potentia ad non esse, ut sic tempore mensurentur, sicut quae possunt moveri. Licet autem non moveantur, tamen tempore mensurantur.

 

5. Etre mы localement par un mouvement intrinsиque et joint, prйsuppose la sensation et la vie. Mais ainsi les corps ne sont pas mus par des corps assumйs par les anges. C’est pourquoi la raison n’est pas valable.

5. Ad quintum dicendum quod moveri secundum locum a movente intrinseco et coniuncto, praesupponit sentire et vivere. Sic autem non moventur corpora ab Angelis assumpta. Unde ratio non sequitur.

 

6. Vivre et donner la vie effectivement est plus noble que vivre seulement ; mais donner la vie formellement cela est d’une substance plus basse que ce qui vit en subsistant par soi sans corps. Car l’кtre de cette substance intellectuelle qui est la forme du corps est plus petit et plus prиs d’une nature corporelle, en tant qu’elle peut lui кtre communiquйe.

6. Ad sextum dicendum quod vivere et dare vitam effective, nobilius est quam vivere tantum. Sed dare vitam formaliter, hoc est ignobilioris substantiae quam ea quae vivit per se subsistendo sine corpore. Esse enim illius intellectualis substantiae quae est forma corporis, est magis infimum et affine corporeae naturae, in tantum ut possit ei communicari.

 

7. Les anges connaissent les formes particuliиres par les formes universelles qui sont les images des raisons idйales par lesquelles Dieu connaоt les universels et les particuliers. Et cependant il faut qu’ils connaissent les futurs particuliers, qui n’ont pas encore participй а la matiиre et а la forme, qui est reprйsentйe par les espиces de l’intellect angйlique. Mais il en est autrement de l’intellect divin йtabli dans un prйsent йternel, il voit la totalitй du temps d’un simple regard.

7. Ad septimum dicendum quod Angeli cognoscunt particularia per formas universales quae sunt similitudines rationum idealium, quibus Deus et universalia et singularia cognoscit. Nec tamen oportet quod cognoscant singularia futura, quae nondum participaverunt materiam et formam, quae repraesentatur per species intellectus angelici. Secus est autem de intellectu divino, qui in nunc aeternitatis constitutus, totum tempus uno intuitu circumspicit.

 

8. Il faut dire que la matiиre est le principe d’individualisation en tant qu’elle est destinйe а кtre reзue dans un autre. Mais les formes qui sont destinйes а кtre reзues dans un autre, ne peuvent pas кtre individualisйes par elles-mкmes, parce que, autant qu’il en est de sa nature, il est indiffйrent pour ceux qui sont reзus dans un ou dans beaucoup. Mais s’il existe une forme qui ne peut pas кtre reзue en quelque chose par cela mкme elle a son individuation, parce qu’elle ne peut pas кtre en plusieurs, mais elle demeure seule en elle-mкme. C’est pourquoi Aristote (Mйtaphysique VII, 14 1039 a 30) dйmontre contre Platon que si les formes des choses sont abstraites, il faut qu’elles soient singuliиres.

8. Ad octavum dicendum quod materia est individuationis principium, in quantum non est nata in alio recipi. Formae vero, quae natae sunt recipi in aliquo subiecto, de se individuatae esse non possunt; quia quantum est de sui ratione, indifferens est eis quod recipiantur in uno vel pluribus. Sed si aliqua forma sit quae non sit in aliquo receptibilis, ex hoc ipso individuationem habet, quia non potest in pluribus esse, sed ipsa sola manet in seipsa. Unde Aristoteles, in VII Metaph., contra Platonem arguit, quod si formae rerum sint abstractae, oportet quod sint singulares.

 

9. Dans les composйs de matiиre et de forme, l’individu ajoute а la nature de l’espиce la disposition de la matiиre et les accidents individuels. Mais dans les formes abstraites, l’individu n’ajoute pas sur la nature de l’espиce quelque chose en rйalitй, parce qu’en de tels individus l’essence est elle-mкme individu subsistant, comme le philosophe le montre (Mйtaphysique,  VII, ibid.). Il ajoute cependant quelque chose selon sa nature, а savoir ce qui est ne peut pas exister dans plusieurs. 

9. Ad nonum dicendum quod in compositis ex materia et forma, individuum addit supra naturam speciei designationem materiae et accidentia individualia. Sed in formis abstractis non addit individuum supra naturam speciei aliquid secundum rem, quia in talibus essentia eius est ipsummet individuum subsistens, ut patet per philosophum in VII Metaph. Addit tamen aliquid secundum rationem, scilicet hoc quod est non posse existere in pluribus.

 

10. Les substances qui sont sйparйes des corps, sont des formes seulement, elles ne sont pas cependant les actes d’une matiиre. Car bien que la matiиre ne puisse pas кtre sans forme, cependant la forme peut exister sans matiиre, parce que celle-ci a l’кtre par la forme et non pas le contraire.

10. Ad decimum dicendum quod substantiae quae sunt a corporibus separatae, sunt formae tantum, non tamen sunt actus alicuius materiae. Licet enim materia non possit esse sine forma, tamen forma potest esse sine materia, quia materia habet esse per formam, et non e converso.

 

11. Parce que l’вme est la plus petite parmi les substances spirituelles, elle a une plus grande affinitй avec la nature corporelle pour pouvoir кtre sa forme que les substances supйrieures.

11. Ad undecimum dicendum quod anima, quia est infima inter substantias spirituales, maiorem habet affinitatem cum natura corporea, ut possit esse eius forma, quam superiores substantiae.

 

 

Article  6 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps cйleste ? Sexto quaeritur utrum substantia spiritualis caelesti corpori uniatur.

 

Il semble que oui.

Et videtur quod sic.

 

Objections[139]

1. Car Denys dit (les Noms divins 7, lectio 4) que la sagesse divine joint les limites des premiers au commencemet des seconds[140]. Par lа on peut comprendre que la nature infйrieure en son niveau le plus haut touche le supйrieur en son niveau le plus bas. Mais dans la nature corporelle le plus haut c’est le corps cйleste, et le plus bas dans la nature spirituelle est l’вme. Donc le corps cйleste est animй.

1. Dicit enim Dionysius cap. VII de divinis nominibus, quod divina sapientia coniungit fines primorum principiis secundorum. Ex quo potest accipi quod natura inferior in sui summo attingat superiorem in sui infimo. Supremum autem in natura corporea est corpus caeleste, infimum autem in natura spirituali est anima. Ergo corpus caeleste est animatum.

 

2. La forme d’un corps plus noble est plus noble[141]. Mais le corps cйleste est le plus noble des corps, et l’вme est la plus noble des formes. Si donc des corps infйrieurs sont animйs le corps cйleste le sera beaucoup plus.

2. Praeterea, nobilioris corporis nobilior est forma. Corpus autem caeleste est nobilissimum corporum, et anima est nobilissima formarum. Si ergo aliqua inferiora corpora sunt animata, multo magis corpus caeleste animatum erit.

 

3. Mais on pourrait dire que, bien que le corps cйleste ne soit pas animй, cependant la forme, par laquelle ce corps est un corps est plus noble que la forme par laquelle le corps de l’homme est un corps. – En sens contraire  ou bien dans le corps humain, il y a une autre forme substantielle en plus de l’вme raisonnable, qui donne l’кtre au corps, ou non. Si c’est non, alors l’вme donne l’кtre substantiel au corps, puisque l’вme est la plus noble des formes, il en dйcoule que la forme par laquelle le corps humain est corps est plus noble que la forme par laquelle le corps cйleste est corps. Mais s’il y a une autre forme substantielle dans l’homme, qui donne l’кtre au corps en plus de l’вme raisonnable, il est йvident que par cette forme le corps humain est susceptible d’avoir l’вme raisonnable. Mais ce qui est susceptible d’avoir une bontй parfaite, est meilleur que ce qui n’en est pas susceptible, comme il est dit (Le ciel et le monde, II, 12, 292 b). Donc si le corps cйleste n’est pas susceptible d’avoir une вme raisonnable, il en dйcoule que la forme par laquelle le corps humain est corps est plus noble que la forme par laquelle le corps cйleste est corps, ce qui paraоt ne pas convenir.

3. Sed dicebat, quod licet corpus caeleste non sit animatum, tamen forma qua illud corpus est corpus, est nobilior quam forma qua corpus hominis est corpus.- Sed contra, aut in corpore humano est alia forma substantialis praeter animam rationalem quae dat esse corpori, aut non. Si non, sed ipsa anima dat esse substantiale corpori, cum anima sit nobilissima formarum, sequetur quod forma per quam corpus humanum est corpus, sit nobilior quam forma per quam corpus caeleste est corpus. Si autem sit alia forma substantialis in homine dans esse corpori praeter animam rationalem, manifestum est quod per illam formam corpus humanum sit susceptivum animae rationalis. Quod autem est susceptivum perfectae bonitatis, est melius eo quod non est susceptivum, ut dicitur II de caelo et mundo. Si ergo corpus caeleste non est susceptivum animae rationalis, adhuc sequetur quod forma per quam corpus humanum est corpus, est nobilior quam forma per quam corpus caeleste est corpus; quod videtur inconveniens.

 

4. La perfection de l’univers requiert qu’а aucun corps ne soit refusй ce vers quoi il  tend naturellement. Mais tout corps a une inclination naturelle, vers ce dont il a besoin pour son opйration. Mais l’opйration propre du corps cйleste est le mouvement circulaire pour lequel il a besoin d’une substance spirituelle. Car ce moteur ne peut pas acquйrir une forme corporelle, de mкme que le mouvement du lourd et du lйger, parce qu’il faudrait que le mouvement cesse quand il serait parvenu а un certain point dйterminй, comme cela arrive dans le lourd et le lйger, ce qui paraоt faux. Il reste donc que les corps cйlestes ont ces substances spirituelles qui leur sont unies.

4. Praeterea, perfectio universi requirit ut nulli corpori denegetur id ad quod naturaliter inclinatur. Omne autem corpus habet naturalem inclinationem ad id quo indiget ad suam operationem. Operatio autem propria corporis caelestis est motus circularis, ad quam indiget substantia spirituali. Non enim hic motus potest consequi aliquam formam corporalem, sicut motus gravium et levium; quia oporteret quod motus cessaret cum perveniretur ad aliquod ubi determinatum, sicut accidit in gravibus et levibus; quod patet esse falsum. Relinquitur ergo quod corpora caelestia habent substantias spirituales sibi unitas.

 

5. Tout ce qui existe dans un certain arrangement est mы naturellement, ce qui existe dans un mкme arrangement ne peut pas s’arrкter sinon avec violence, comme le corps lourd ou le corps lйger qui se trouvent hors de leur assise. Mais si le mouvement du ciel dйpend d’une forme naturelle, il faut que ce qui se trouve en n’importe quel lieu, soit mы naturellement. Donc en n’importe quel lieu, oщ il est placй pour s’arrкter, il ne se s’arrкte que par violence. Mais rien de violent ne peut кtre perpйtuel. Donc le ciel ne s’arrкtera pas йternellement aprиs le jour du jugement, comme nous le pensons selon notre foi. Donc comme cela ne conviendrait pas, il semble nйcessaire de dire que le ciel est mы par un mouvement volontaire ; et ainsi il en dйcoule que le ciel est animй.

5. Praeterea, omne quod in aliqua dispositione existens movetur naturaliter, in eadem dispositione existens non potest quiescere nisi violenter, sicut corpus grave aut leve extra suum ubi existens. Sed si motus caeli sit a forma naturali, oportet quod in quolibet ubi existens naturaliter moveatur. Ergo in quolibet ubi ponatur quiescere, non quiescet nisi per violentiam. Nullum autem violentum potest esse perpetuum. Non ergo in perpetuum quiescet caelum post diem iudicii, ut secundum fidem ponimus. Cum ergo hoc sit inconveniens necesse videtur dicere quod caelum movetur motu voluntario; et sic sequitur quod caelum sit animatum.

 

6. Dans chaque genre, ce qui est par soi est avant ce qui est par un autre. Mais le ciel est premier dans le genre des mobiles. Donc il est mы par soi comme se mouvant lui-mкme. Mais tout ce qui se meut soi-mкme est divisй en deux parties, dont l’une et le moteur par appйtit, comme l’вme et l’autre le mы, comme le corps. Donc le corps cйleste est animй.

6. Praeterea, in quolibet genere, quod est per se prius est eo quod est per aliud. Sed caelum est primum in genere mobilium. Ergo est per se motum tamquam movens seipsum. Omne autem movens seipsum dividitur in duas partes, quarum una est movens per appetitum, ut anima, et alia mota, ut corpus. Corpus igitur caeleste est animatum.

 

7. Rien de ce qui est mы par un moteur totalement extйrieur, n’a un mouvement naturel. Donc comme le mouvement du ciel est [produit] par une substance spirituelle, selon Augustin (La Trinitй, III, IV, 9[142]) Dieu gouverne la substance corporelle par la substance spirituelle ; si cette substance ne lui йtait pas unie, et si elle йtait totalement extйrieure, le mouvement du ciel ne serait pas naturel, ce qui est contre le philosophe, (Le ciel I, 8, 276 b 4).

7. Praeterea, nihil quod movetur a motore totaliter extrinseco, habet motum naturalem. Cum ergo motus caeli sit a substantia spirituali, quia secundum Augustinum, III de Trinit., Deus administrat corporalem substantiam per spiritualem; si illa substantia non uniretur ei, sed esset totaliter extrinseca, motus caeli non esset naturalis; quod est contra philosophum in I de caelo.

 

8. Si cette substance spirituelle qui meut le ciel йtait extйrieure seulement, on ne pourrait pas dire qu’elle mettrait en mouvement le seul ciel par sa volontй, parce qu’ainsi sa volontй serait son action, ce qui n’appartient qu’а Dieu seul. Donc il faudrait que quelque chose soit introduit pour le mouvoir, et ainsi, comme son pouvoir serait infini, il en dйcoulerait que la fatigue lui arriverait  dans son mouvement pendant une longue pйriode de temps; ce qui ne convient pas, et surtout selon ceux qui placent l’йternitй du temps. Donc la substance spirituelle qui meut le ciel lui est unie.

8. Praeterea, substantia illa spiritualis movens caelum si esset extrinseca tantum, non posset dici quod moveret caelum solum volendo; quia sic eius velle esset eius agere, quod est solius Dei. Oporteret igitur quod aliquid immitteret ad movendum; et sic, cum eius virtus sit finita, sequeretur quod accideret ei fatigatio in movendo per diuturnitatem temporis; quod est inconveniens, et maxime secundum ponentes aeternitatem motus. Ergo substantia spiritualis quae movet caelum, est ei unita.

 

9. Comme on le voit en (Physique, IV, 8, 5 ( ?)) les moteurs des sphиres infйrieures sont mus par accident, mais pas les moteurs de la sphиre supйrieure. Mais le moteur de la sphиre supйrieure est uni а sa sphиre comme moteur. Donc les moteurs des sphиres infйrieures leur sont unies non seulement comme moteur, mais comme formes et ainsi au moins les sphиres infйrieures sont animйes.

9. Praeterea, sicut habetur in IV Physic., motores inferiorum orbium moventur per accidens, non autem motor superioris orbis. Sed motor superioris orbis unitur suo orbi ut motor. Ergo motores inferiorum orbium uniuntur eis non solum ut motores, sed ut formae; et sic ad minus inferiores orbes sunt animati.

 

10. Comme en Mйtaphysique, IX (XII, comm. 48), le commentateur dit que les substances sйparйes sont dans la meilleure disposition, en laquelle ils peuvent se trouver ; cela est pour que chacune d’elles meuve le corps cйleste, comme agent et comme fin. Mais cela n’existerait que si elles йtaient unies de quelque maniиre. Donc les substances incorporelles sont unies aux corps cйlestes, ainsi ceux-ci paraissent кtre animйs.

10. Praeterea, ut in XI Metaph. Commentator dicit, substantiae separatae sunt in optima dispositione in qua esse possunt; et hoc est ut unaquaeque earum moveat corpus caeleste et ut agens, et ut finis. Non autem hoc esset, nisi aliquo modo eis unirentur. Ergo corporibus caelestibus sunt unitae substantiae incorporeae; et sic corpora caelestia videntur esse animata.

 

11. Le Commentateur dans le mкme livre (comm. 25) dit expressйment  que les corps cйlestes sont animйs.

11. Praeterea, Commentator in eodem libro expresse dicit, corpora caelestia animata esse.

 

12. Rien n’agit hors de son espиce ; car l’effet ne peut pas кtre plus puissant que sa cause ; Mais la substance vivante est meilleure que celle sans vie, comme le dit Augustin (La vraie religion, LV, 109). Donc comme les corps cйlestes causent la vie et surtout dans les animaux, engendrйs par la putrйfaction, il semble que les corps cйlestes vivent et sont animйs.

12. Praeterea, nihil agit extra suam speciem; effectus enim non potest esse potior sua causa. Substantia autem vivens est melior non vivente, ut dicit Augustinus, de vera religione. Cum ergo corpora caelestia causent vitam, maxime in animalibus, ex putrefactione generatis, videtur quod corpora caelestia vivant et sint animata.

 

13. Le Commentateur dit dans le livre de La substance des sphиres (II) que le moteur circulaire est plus propre pour l’вme. Donc ces corps pour lesquels il est naturel d’кtre mы de faзon circulaire semblent tout а fait animйs[143]. Mais tels sont les corps cйlestes. Donc ils sont animйs.

13. Praeterea, Commentator dicit in libro de substantia orbis, quod motus circularis proprius est animae. Maxime ergo videntur illa corpora esse animata quibus est naturale circulariter moveri. Talia autem sunt corpora caelestia. Ergo corpora caelestia sunt animata.

 

14. Louer, raconter et exulter, ne conviennent qu’а un кtre animй et douй de connaissance. Mais les prйmisses sont attribuйes au ciel dans l’Йcriture sainte, selon ce verset du Ps. (148, 4) « Louez-le cieux des cieux » et (18, 1) : « Les cieux proclament la gloire de Dieu », et Apo., 18, 20 : « Exaltez le ciel au-dessus d’elle ». Donc les cieux sont animйs.

14. Praeterea, laudare, narrare et exultare, non convenit nisi rei animatae et cognoscenti. Sed praemissa attribuuntur caelis in sacra Scriptura, secundum illud Ps.: laudate eum caeli caelorum; et: caeli enarrant gloriam Dei; et Apoc. XIV: exulta super eam caelum. Ergo caeli sunt animati.

 

En sens contraire

1. Il y a ce que dit Jean Damescиne (La foi orthodoxe, II, 6) : « Personne ne pense que les cieux et les luminaires sont animйs, car ils sont inanimйs et insensibles[144] ».

1. Sed contra. Est quod Damascenus dicit II libro: nullus animatos caelos vel luminaria existimet; inanimati sunt enim et insensibiles.

 

2. L’вme unie а un corps ne se sйpare de lui que par la mort. Mais les corps cйlestes ne peuvent pas кtre mortels, puisqu’ils sont incorruptibles. Donc si des substances spirituelles leur sont unies comme des вmes, elles seront liйes а eux pour toujours et il ne semble pas convenir que  des anges soient destinйs perpйtuellement а certains corps.

2. Praeterea, anima unita corpori non separatur ab eo nisi per mortem. Sed corpora caelestia non possunt esse mortalia, cum sint incorruptibilia. Ergo si substantiae spirituales aliquae uniantur eis ut animae, perpetuo erunt eis alligatae; et hoc videtur inconveniens, quod aliqui Angeli perpetuo aliquibus corporibus deputentur.

 

3. La sociйtй cйleste des bienheureux est composйe des anges et des вmes. Mais les вmes des cieux, si les cieux sont animйs, ne sont contenues sous aucune des deux parties. Donc il y aurait certaines crйatures raisonnables qui ne pourraient pas participer а la bйatitude, ce qui semble ne pas convenir.

3. Praeterea, caelestis societas beatorum ex Angelis et animis constat. Sed caelorum animae, si sunt caeli animati, sub neutra parte continentur. Ergo aliquae creaturae rationales essent quae non possent esse participes beatitudinis; quod videtur inconveniens.

 

4. Toute crйature raisonnable considйrйe en sa nature peut pйcher. Donc si certaines crйatures raisonnables sont unies а des corps cйlestes, rien n’empкche que l’une d’elle ait pйchй, et ainsi il en dйcoulerait que  l’un des corps cйlestes serait mы par un esprit mauvais, ce qui paraоt absurde.

4. Praeterea, omnis creatura rationalis secundum suam naturam considerata potest peccare. Si igitur aliquae rationales creaturae sunt corporibus caelestibus unitae, nihil prohibuit aliquam earum peccasse; et sic sequeretur quod aliquod caelestium corporum moveretur a malo spiritu: quod videtur absurdum.

 

5. Nous devons implorer la faveur des bons esprits. Si donc des esprits sont unis aux corps cйlestes, comme il ne convient pas de placer ceux qui sont mauvais, mais qu’il faut placer les bons, vu qu’ils servent Dieu dans le gouvernement des natures corporelles, il en dйcoulerait qu’il faudrait implorer leur faveur. Mais il semblerait absurde que quelqu’un dise :  Soleil, et lune, priez pour nous. Donc il ne faut pas penser qu’il y a des esprits  unis а des corps cйlestes.

5. Praeterea, bonorum spirituum suffragia implorare debemus. Si igitur spiritus aliqui corporibus caelestibus sunt uniti, cum non sit conveniens ponere eos malos, sed oporteat eos bonos ponere, utpote in administratione naturae corporeae Deo servientes, sequeretur quod eorum suffragia essent imploranda. Videretur autem absurdum, si quis diceret: sol, et luna, ora pro me. Non est ergo ponendum spiritus aliquos corporibus caelestibus esse unitos.

 

6. L’вme contient un corps auquel elle est unie selon le philosophe (L’вme, I,   411 b 7[145]). Si donc les corps cйlestes sont animйs il en dйcoulerait qu’une substance spirituelle crййe contiendrait tout le ciel, ce qui est absurde, puisque c’est le propre de la seule Sagesse incrййe : de sa personne il est dit dans l’Eccl. (Si. 24, 5) dit : « Seule, j’ai fait le tour du cercle du ciel ».

6. Praeterea, anima continet corpus cui unitur, secundum philosophum in I de anima. Si igitur corpora caelestia sunt animata, sequeretur quod aliqua substantia spiritualis creata contineat totum caelum: quod est absurdum; cum hoc solius sapientiae increatae sit, ex cuius persona dicitur Eccli. XXIV: gyrum caeli circuivi sola.

 

Rйponse

Il faut dire sur cette question qu’il y a eu des opinons diffйrentes tant parmi les philosophes anciens que par les docteur ecclйsiastiques[146]. Anaxagore a pensй que les corps cйlestes йtaient inanimйs, c'est pourquoi il fut tuй pas les Athйniens car il avait dit que le soleil йtait une pierre йchauffйe[147]. Platon et Aristote et leurs disciples, ont pensй que les corps cйlestes йtaient animйs. De la mкme maniиre, parmi les docteurs de l’Йglise, Origиne a pensй que les corps cйlestes йtaient animйs.  Jйrфme l’a suivi, comme on le voit dans une glose sur ce verset de Eccl. I, 6[148] « Le vent s’achemine, purifiant tout autour de lui. » Jean Damascиne a assurй que les corps cйlestes йtaient inanimйs, comme on le voit dans l’autoritй citйe. Mais Augustin reste dans le doute dans Le De Genesis ad litteram (II, XVIII, 38[149]) et l’Enchiridion (LVIII).

Respondeo. Dicendum quod circa hanc quaestionem fuerunt diversae opiniones tam inter antiquos philosophos, quam etiam inter ecclesiasticos doctores. Anaxagoras autem existimavit corpora caelestia esse inanimata; unde ab Atheniensibus occisus est: dixit enim solem esse lapidem accensum. Plato vero et Aristoteles et eorum sequaces posuerunt corpora caelestia esse animata. Similiter et inter doctores Ecclesiae, Origenes posuit corpora caelestia animata; quem secutus est Hieronymus, ut patet in quadam Glossa super illud Eccle. I: lustrans universa in circuitu pergit spiritus. Damascenus vero astruit corpora caelestia inanimata esse, ut patet in auctoritate inducta. Augustinus vero relinquit sub dubio, in II super Gen. ad litteram, et in Enchir.

 

Les deux opinions ont un caractиre de probabilitй. Car la considйration de la noblesse des corps cйlestes amиne а penser qu’ils sont animйs, puisqu’on prйfйre, dans le genre des choses, les vivants а tout ce qui est sans vie; mais la considйration de la noblesse des substances spirituelles nous amиne а penser le contraire. Car les substances spirituelles supйrieures ne peuvent avoir pour les opйrations de l’вme, que ce qui concerne l’intellect, parce que les autres opйrations vitales sont des actes de l’вme en tant qu’elle est la forme d’un corps corruptible et changeant, quand elles existent avec un certain changement et une altйration, et l’intellect des substances supйrieures ne semble pas avoir besoin de recevoir la connaissance des sensibles, comme notre intellect. Si donc il n’y a en eux aucune des opйrations vitales sinon comprendre et vouloir, qui n’ont pas besoin d’un organe corporel, leur dignitй ne semble pas dйpasser leur union а un corps.

Utraque autem opinio rationem probabilitatis habet. Consideratio enim nobilitatis corporum caelestium inducit ad ponendum ea esse animata, cum in rerum genere viventia omnibus non viventibus praeferantur; sed consideratio nobilitatis substantiarum spiritualium ad contrarium nos inducit. Non enim superiores spirituales substantiae habere possunt de operibus animae, nisi quae pertinent ad intellectum: quia aliae operationes vitae sunt actus animae in quantum est forma corporis corruptibilis et transmutabilis; cum quadam enim transmutatione et alteratione corporali sunt; nec intellectus superiorum substantiarum indigere videtur ut a sensibilibus cognitionem accipiat, sicut intellectus noster. Si ergo nulla est in eis de operationibus vitae nisi intelligere et velle, quae non indigent organo corporali, earum dignitas unionem ad corpus excedere videtur.

 

De ces deux considйrations, la seconde est plus efficace que la premiиre. Car l’union du corps et de l’вme n’est pas pour le corps, pour qu’il soit ennobli, mais pour l’вme, qui a besoin du corps pour sa perfection, comme on l’a dit ci-dessus. Mais si quelqu’un considиre le sujet avec plus d’attention, il trouvera peut-кtre dans ces deux opinions, qu’il n’y a aucune dissonance ou alors peu importante, ce qu’il faut comprendre ainsi. Car on ne peut pas dire que le mouvement du corps cйleste se conforme а une forme corporelle, comme le mouvement en haut se conforme а la forme du feu. Car il est йvident qu’une forme naturelle ne tend а une seul but. Mais la nature du mouvement s’oppose а l’unitй, parce qu’il est de sa nature que quelque chose se comporte autrement maintenant et avant ; c'est pourquoi la forme naturelle ne tend pas au mouvement pour lui-mкme, mais а кtre dans un certain endroit, celui-ci une fois atteint, le mouvement s’arrкte, et ainsi cela arriverait dans le mouvement du ciel  s’il suit une forme naturelle.

Harum autem duarum considerationum, secunda efficacior est quam prima. Unio enim corporis et animae non est propter corpus, ut corpus scilicet nobilitetur; sed propter animam, quae indiget corpore ad sui perfectionem, sicut supra dictum est. Si quis autem magis intime consideret, forte inveniet in his duabus opinionibus aut nullam aut modicam dissonantiam esse: quod sic intelligendum est. Non enim potest dici quod motus corporis caelestis consequatur aliquam formam corpoream, sicut motus sursum consequitur formam ignis. Manifestum est enim quod una forma naturalis non inclinat nisi ad unum. Ratio autem motus repugnat unitati, quia de ratione motus est quod aliquid aliter se habeat nunc et prius; unde non inclinat forma naturalis ad motum propter ipsum motum, sed propter esse in aliquo ubi, quo adepto quiescit motus; et sic accideret in motu caeli, si consequeretur aliquam formam naturalem. (no §)

 

Il faut donc dire que le mouvement du ciel existe par une substance intelligente. Car la fin de ce mouvement ne peut кtre qu’un bien intelligible abstrait, parce qu’il meut la substance intelligente qui meut le ciel, pour acquйrir sa ressemblance, en opйrant et pour produire en acte ce qui est contenu en puissance dans ce bien intelligible, et surtout l’achиvement du nombre des йlus, pour lesquels tout le reste semble exister[150]. Ainsi donc, il y aura un ordre double des substances spirituelles. Certaines d’entre elles seront les moteurs des corps cйlestes, qui sont tout а fait abstraits et leur sont unies comme moteurs mobiles, comme Augustin le dit (La Trinitй, III, IV, 9) : tous les corps sont gouvernйs par Dieu par l’intermйdiaire de l’esprit raisonnable de vie ; et la mкme chose chez Grйgoire [le Grand] (Les dialogues, IV VI, PL LXXVII, 329). Certains seront la finalitй de ces moteurs, qui sont tout а fait abstraits et non unis а des corps. Mais d’autres sont unis а des corps cйlestes de la mкme maniиre que le moteur est uni а un mobile. Et cela semble suffire pour sauver les opinions de Platon et d’Aristote. Et c’est йvident pour Platon, car comme on l’a dit ci-dessus, il n’a dit que le corps humain йtait animй autrement qu’en tant que l’вme est unie au corps comme moteur. Mais par les paroles d’Aristote il est йvident qu’il n’a placй dans les corps cйlestes au sujet des puissances qu’une вme qu’intellective. Mais l’intellect selon lui, n’est l’acte d’aucun corps.

Oportet igitur dicere, quod motus caeli sit ab aliqua substantia intelligente. Nam finis huius motus non potest esse nisi quoddam bonum intelligibile abstractum, propter quod movet substantia intelligens quae movet caelum, ut scilicet assequatur eius similitudinem, in operando, et ut explicet in actu id quod virtute continetur in illo intelligibili bono; et praecipue completio numeri electorum, propter quos omnia alia esse videntur. Sic igitur erit duplex ordo substantiarum spiritualium. Quarum quaedam erunt motores caelestium corporum, et unientur eis sicut motores mobilibus, sicut et Augustinus dicit in III de Trinitate, quod omnia corpora reguntur a Deo per spiritum vitae rationalem; et idem a Gregorio habetur in IV dialogorum. Quaedam vero erunt fines horum motuum, quae sunt omnino abstractae, et corporibus non unitae. Aliae vero uniuntur corporibus caelestibus per modum quo motor unitur mobili. Et hoc videtur sufficere ad salvandum intentionem Platonis et Aristotelis. Et de Platone quidem manifestum est; Plato enim, sicut supra dictum est, etiam corpus humanum non dixit aliter animatum, nisi in quantum anima unitur corpori ut motor. Ex dictis vero Aristotelis manifestum est quod non posuit in corporibus caelestibus de virtutibus animae nisi intellectivam. Intellectus vero, secundum ipsum, nullius corporis actus est.

 

Mais dire en plus que les corps cйlestes sont animйs de la mкme maniиre que les corps infйrieurs qui sont mus et rendus sensibles par l’вme, s’oppose а l’incorruptibilitй des corps cйlestes. Donc ainsi il faut nier que les corps cйlestes sont animйs de la maniиre dont les corps infйrieurs sont animйs. Cependant il ne faut pas nier que les corps cйlestes sont animйs, si par animation on ne comprend rien d’autre que l’union d’un moteur а un mobile. Et Augustin semble en parler de ces deux maniиres dans la La Genиse au sens littйral (II, XVIII, 38). Il dit en effet : « On se demande encore si ces brillants luminaires du ciel sont seulement des corps ou s’ils ont pour les rйgir des esprits attachйs а chacun d’eux. Dans cette hypothиse, ces esprits vont-ils jusqu’а leur communiquer la vie comme l’вme animale anime la chair[151] ». Mais bien que lui-mкme laisse l’une et l’autre solution dans le doute, comme on le voit par ce qui suit, il faut dire selon ce qui йtй dit avant, qu’ils ont des esprit qui les dirigent, par lesquels cependant ils ne sont pas animйs de la mкme maniиre que les animaux infйrieurs par leurs вmes.

Dicere autem ulterius, quod corpora caelestia hoc modo sint animata sicut inferiora corpora quae per animam vegetantur et sensificantur, repugnat incorruptibilitati caelestium corporum. Sic igitur negandum est corpora caelestia esse animata eo modo quo ista inferiora corpora animantur. Non est tamen negandum corpora caelestia esse animata, si per animationem nihil aliud intelligatur quam unio motoris ad mobile. Et istos duos modos videtur Augustinus tangere in super Gen. ad litteram. Dicit enim: solet quaeri, utrum caeli luminaria ista conspicua corpora sola sint, aut habeant rectores quosdam spiritus suos; et si habent, utrum ab eis etiam vitaliter inspirentur, sicut animantur carnes per animas animalium. Sed licet ipse sub dubio utrumque relinquat, ut per sequentia patet, secundum praemissa dicendum est quod habent rectores spiritus, a quibus tamen non sic animantur sicut inferiora animalia a suis animabus.

 

Solutions

1. Le corps cйleste atteint les substances spirituelles en tant que l’ordre infйrieur des substances spirituelles est uni aux corps cйlestes par mode de moteur. 

1. Ad primum ergo dicendum quod corpus caeleste attingit substantias spirituales, in quantum inferior ordo substantiarum spiritualium corporibus caelestibus unitur per modum motoris.

 

2. Selon l’opinion d’Averroиs, le ciel est composй de matiиre et de forme, comme l’animal dans les [corps] infйrieurs. Mais cependant on parle de la matiиre de part et d’autre de maniиre йquivoque, car dans les [corps] supйrieurs il n’y a pas de puissance а кtre comme dans les [corps] infйrieurs, mais [la puissance] pour un lieu seulement. C'est pourquoi le corps lui-mкme qui existe en acte est la matiиre, et il n’a pas besoin d’une forme qui lui donne l’кtre, puisqu’il est un йtant en acte, mais elle lui donne le mouvement seulement. Et ainsi le corps cйleste a une forme plus noble que le corps humain, mais d’une autre maniиre. Mais si on dit comme d’autres l’ont dit, que le corps cйleste mкme est composй de matiиre et de forme corporelle, alors on pourra dire encore que cette forme corporelle sera la plus noble en tant qu’elle est la forme et l’acte, qui emplit toute la potentialitй de la matiиre, pour qu’elle ne demeure pas en elle pour une autre forme.

2. Ad secundum dicendum quod secundum opinionem Averrois caelum est compositum ex materia et forma, sicut animal in inferioribus. Sed tamen materia utrobique aequivoce dicitur: nam in superioribus non est potentia ad esse sicut in inferioribus, sed ad ubi tantum. Unde ipsum corpus actu existens est materia, nec indiget forma quae det ei esse, cum sit ens actu, sed quae det ei motum solum. Et sic corpus caeleste habet nobiliorem formam quam corpus humanum, sed alio modo. Si autem dicatur, sicut alii dicunt, quod ipsum corpus caeleste est compositum ex materia et forma corporali, tunc adhuc dici poterit, quod illa forma corporalis erit nobilissima in quantum est forma et actus, quae implet totam potentialitatem materiae, ut non remaneat in ea potentialitas ad aliam formam.

 

3. Et par lа paraоt la solution а la troisiиme objection.

3. Et per hoc etiam patet solutio ad tertium.

 

4. Le corps cйleste est mы par une substance spirituelle, il en dйcoule qu’il a une inclination pour elle, comme pour le moteur et pas autrement.

4. Ad quartum dicendum quod corpus caeleste ex hoc quod movetur a spirituali substantia, sequitur quod habeat inclinationem ad ipsam sicut ad motorem et non aliter.

 

5. 6.  Il faut parler de la mкme maniиre pour les objections 5 et 6.

5. Et similiter dicendum ad quintum et sextum.

 

7. La substance spirituelle qui meut le ciel a un pouvoir naturel limitй au mouvement d’un tel corps. Et de la mкme maniиre le corps du ciel a une aptitude naturelle pour кtre mы par un tel mouvement. Et ainsi ce mouvement du ciel est naturel, bien qu’il vienne d’une substance intelligente.

7. Ad septimum dicendum, quod substantia spiritualis quae movet caelum, habet virtutem naturalem determinatam ad talis corporis motum. Et similiter corpus caeli habet naturalem aptitudinem ut tali motu moveatur. Et per hoc motus caeli est naturalis, licet sit a substantia intelligente.

 

 8. On dit avec probabilitй que par le pouvoir de la volontй, la substance spirituelle meut le corps cйleste. Car, quoique la matiиre corporelle selon un changement formel n’obйisse pas au premier signe de l’esprit crйй, mais а Dieu seul, comme Augustin le dit (La Trinitй, III, VIII, 13) cependant  qu’elle puisse lui obйir au premier signe selon le changement local, apparaоt aussi en nous, au commandement de la volontй en qui aussitфt dйcoule le mouvement des membres corporels. Si cependant au pouvoir de la volontй on ajoute aussi l’influence  de la puissance, ce n’est pas pour cela que dйcoule l’йpuisement par l’infini de la puissance, car n’importe quelle puissance d’ordre supйrieur, bien qu’elle soit finie en soi et en rapport а son supйrieur, est cependant infinie[152] en rapport а ses infйrieurs, ainsi par la puissance du soleil est infini en rapport avec ce qui est engendrй ou corruptible, par la production desquels, mкme si elle йtait dans l’infini, elle ne serait pas diminuйe. Et de la mкme maniиre la puissance de l’intellect est infinie en rapport avec les formes sensibles, et ainsi la puissance mкme de la substance spirituelle qui meut le ciel, est infinie en rapport avec un mouvement corporel,  c’est pour cela qu’il en dйcoule un йpuisement.

8. Ad octavum dicendum, quod probabiliter dicitur quod imperio voluntatis substantia spiritualis movet corpus caeleste. Quamvis enim materia corporalis secundum formalem transmutationem non obediat ad nutum spiritui creato, sed soli Deo, ut Augustinus dicit in III de Trin.; tamen quod ei obedire ad nutum possit secundum transmutationem localem, etiam in nobis apparet, in quibus statim ad imperium voluntatis sequitur motus corporalium membrorum. Si tamen supra imperium voluntatis addatur etiam influxus virtutis, non propter hoc sequitur fatigatio ex finitate virtutis; quaelibet enim virtus superioris ordinis, licet sit finita in se et respectu sui superioris, est tamen infinita respectu suorum inferiorum; sicut etiam virtus solis est infinita respectu generabilium et corruptibilium, per quorum productionem, etiamsi in infinitum esset, non minoraretur. Et similiter virtus intellectus est infinita respectu formarum sensibilium; et sic etiam virtus substantiae spiritualis quae movet caelum, est infinita respectu motus corporalis; unde non sequitur in ea fatigatio.

 

9. L’вme qui meut les animaux corruptibles leur est unie selon l’кtre, mais la substance spirituelle qui meut les corps cйlestes, leur est unie seulement pour le mouvement. C'est pourquoi кtre mы par accident est attribuй а l’вme corruptible de l’animal par sa nature propre; car il faut que, une fois le corps en mouvement, avec lequel elle forme un seul кtre, elle soit par accident. Mais кtre mы par accident est attribuй au moteur de la sphиre infйrieure, pas par sa nature, mais par la nature du mobile ; en tant que la sphиre infйrieure est mыe par accident, comme dйtruite par le mouvement du supйrieur Mais le moteur de la sphиre supйrieure n’est mы en aucune maniиre par accident, parce que sa sphиre n’est pas dйtournйe, mais dйtourne les autres.

9. Ad nonum dicendum, quod anima quae movet animalia corruptibilia, unitur eis secundum esse; sed substantia spiritualis, quae movet caelestia corpora, unitur eis secundum moveri tantum. Unde moveri per accidens attribuitur animae corruptibilis animalis ratione sui ipsius; oportet enim quod moto corpore, cum quo est unum secundum esse, ipsamet per accidens moveatur. Sed moveri per accidens attribuitur motori inferioris orbis non ratione sui ipsius, sed ratione mobilis; in quantum scilicet inferior orbis movetur per accidens, ut delatus motu superioris. Motor vero superioris orbis neutro modo per accidens movetur; quia orbis eius non defertur, sed alios defert.

 

10. A ce sujet on trouve qu’Averroиs a parlй de plusieurs maniиres. Car dans le livre La substance du monde, il a dit que c’est la mкme chose de mouvoir les corps cйlestes comme agent et comme finalitй, ce qui est tout а fait erronй, surtout selon cette opinion par la quelle il pense que la premiиre cause n’est pas au-dessus des substances qui meuvent le premier ciel. Car ainsi il en dйcoule que Dieu est l’вme premiиre du ciel selon que la substance qui meut le premier ciel comme agent, est appelйe son вme. Et la raison pour laquelle il dit cela est tout а fait insuffisante, parce qu’en effet dans les substances sйparйes de la matiиre ce qui comprend et ce qui est compris est identique, il a pensй qu’est identique celui qui dйsire et ce qui est dйsirй, ce qui n’est pas semblable. Car la connaissance de n’importe quoi se fait selon que le connu est dans celui qui connaоt, mais le dйsir se fait selon le changement de celui qui dйsire vis-а-vis de la chose dйsirйe. Mais si le bien dйsirй йtait dans celui qui dйsire, par lui-mкme, il ne conviendrait pas а ce qui le mettrait en mouvement pour obtenir le bien dйsirй. C'est pourquoi il faut dire que le bien dйsirй, qui meut comme une fin, est autre par celui qui dйsire, qui meut comme agent. Et le Commentateur (Mйtaphysique, (XI), XII comm. 38) dit que cela est identique, car il place lа deux moteurs : l’un joint qu’il appelle l’вme et l’autre sйparй qui meut comme fin. Cependant par tout cela il n’y a pas plus le fait que la substance spirituelle est unie а un corps cйleste comme moteur.

10. Ad decimum dicendum quod super hoc invenitur Averroes varie locutus. In libro enim de substantia orbis dixit, quod idem est quod movet corpora caelestia ut agens et finis; quod quidem est valde erroneum, praesertim secundum eius opinionem qua ponit quod prima causa non est supra substantias moventes primum caelum. Sic enim sequitur quod Deus sit anima prima caeli, secundum quod substantiam quae movet primum caelum ut agens, dicitur anima eius. Et ratio qua hoc dixit est valde insufficiens: quia enim in substantiis separatis a materia est idem intellectus et intellectum, existimavit quod sit idem desiderans et desideratum; quod non est simile. Nam cognitio cuiuslibet rei fit secundum quod cognitum est in cognoscente; desiderium autem fit secundum conversionem desiderantis ad rem desideratam. Si autem bonum desideratum inesset desideranti ex seipso, non competeret ei quod moveret ad consequendum bonum desideratum. Unde oportet dicere quod bonum desideratum, quod movet ut finis, est aliud a desiderante, quod movet ut agens. Et hoc etiam idem dicit Commentator in XI Metaph.; ponit enim ibi duos motores: unum coniunctum, quem vocat animam, et alium separatum, qui movet ut finis. Tamen ex toto hoc non habetur amplius quam quod substantia spiritualis unitur corpori caelesti ut motor.

 

11. Les corps cйlestes sont animйs, parce que les substances spirituelles leur sont unies comme des moteurs, et non comme des formes. C'est pourquoi dans la Mйtaphysique, VII), il (Averroиs) dit que le pouvoir de donner forme а la semence n’agit que par la chaleur qui est en elle, non de sorte qu’elle soit forme en lui, comme l’вme dans la chaleur naturelle, mais de sorte qu’elle y soit incluse, comme l’вme est incluse dans les corps cйlestes.

11. Ad undecimum dicendum quod corpora caelestia dicit esse animata, quia substantiae spirituales uniuntur eis ut motores, et non ut formae. Unde super VII Metaph., dicit quod virtus formativa seminis non agit nisi per calorem qui est in semine; non ita quod sit forma in eo, sicut anima in calore naturali, sed ita quod sit ibi inclusa, sicut anima est inclusa in corporibus caelestibus.

 

12. Le corps cйleste, en tant que mы par la substance spirituelle, est son instrument, et ainsi il meut en vertu de la substance spirituelle pour causer la vie dans les infйrieurs, comme la scie agit dans le pouvoir de l’art pour causer un coffre.

12. Ad duodecimum dicendum quod corpus caeleste, in quantum movetur a substantia spirituali, est instrumentum eius; et ita movet in virtute substantiae spiritualis ad causandum vitam in istis inferioribus, sicut serra agit in virtute artis ad causandam arcam.

 

13. Par cette raison[153] on ne peut pas considиrer davantage que les corps cйlestes sont mus par les substances spirituelles.

13. Ad decimumtertium dicendum quod ex illa ratione amplius haberi non potest quam quod corpora caelestia a substantiis spiritualibus moveantur.

 

14. Selon Jean Damascиne, il est dit que les cieux chantent la gloire de Dieu, louent, exultent, matйriellement, en tant qu’ils sont pour les hommes, la matiиre pour louer, raconter ou exalter. Car on trouve les mкmes choses dans les Йcriture au sujet des montagnes et des collines et d’autres crйatures inanimйes.

14. Ad decimumquartum dicendum quod secundum Damascenum caeli dicuntur enarrare gloriam Dei, laudare, exultare, materialiter, in quantum sunt hominibus materia laudandi vel enarrandi vel exultandi. Similia enim inveniuntur in Scripturis de montibus et collibus et aliis inanimatis creaturis.

 

Solutions en sens contraire

1. De ce qui est objectй en sens contraire, il faut dire que Jean Damascиne йcarte le fait que les corps cйlestes soient animйs, de sorte que les substances spirituelles leur sont unies comme des formes, comme pour les animaux corruptibles.

s. c. 1 Ad primum vero eorum quae in contrarium obiiciuntur, dicendum quod Damascenus removet corpora caelestia esse animata, ita quod substantiae spirituales uniantur eis ut formae, sicut corruptibilibus animalibus.

 

2. Un ange est destinй а la garde d’un homme tant que celui-ci vit. C'est pourquoi il n’est pas inconvenant s’il est destinй а mouvoir un corps cйleste aussi longtemps qu’il est mы.

s. c. 2 Ad secundum dicendum quod unus Angelus deputastur ad custodiam unius hominis quamdiu vivit. Unde non est inconveniens si deputatur ad movendum caeleste corpus quamdiu movetur.

 

3. Si les corps cйlestes sont animйs, les esprits qui les surveillent sont comptйs dans la sociйtй des anges. C'est pourquoi Augustin dit dans l’Enchiridion (ch. 58) : « Et je ne considиre pas comme certain que si le soleil et la lune et tous les astres, conviennent а la sociйtй des anges ; quoique pour certains les corps semblent brillants, sans cependant la sensation ou l’intelligence ».

s. c. 3 Ad tertium dicendum quod si corpora caelestia sunt animata, spiritus eis praesidentes in societate Angelorum computantur. Unde Augustinus dicit in Enchir.: nec illud certum habeo, utrum ad societatem Angelorum pertineant sol et luna et cuncta sidera; quamvis nonnullis lucida esse corpora, non tamen cum sensu vel intelligentia, videantur.

 

4. En cela il n’y a aucun doute, si nous suivons l’opinion de Jean Damascиne (La foi orthodoxe, II, 4) qui pense que les anges qui ont pйchй ont йtй du nombre de ceux qui sont prйfйrйs aux les corps corruptibles. Mais si, selon l’opinion de Grйgoire mкme au sujet des supйrieurs certains ont pйchй, il faut dire que Dieu qui les a destinйs а cette fonction, les a gardй de la chute comme beaucoup d’autres.

4. Ad quartum dicendum quod in hoc nulla est dubitatio, si sequamur opinionem Damasceni ponentis Angelos qui peccaverunt de numero eorum fuisse, qui corporibus corruptibilibus praeferuntur. Si vero, secundum sententiam Gregorii, etiam de superioribus aliqui peccaverunt, dicendum quod Deus eos quos ad hoc ministerium deputavit, custodivit a casu, sicut et plures aliorum.

 

5. Nous ne disons pas : ‘Prie pour moi, soleil’, d’une part parce que la substance spirituelle n’est pas unie а un corps comme forme, mais comme moteur seulement, d’autre part pour йviter une occasion d’idolвtrie.

s. c. 5 Ad quintum dicendum quod non dicimus: ora pro me, sol, tum quia substantia spiritualis non unitur corpori caeli ut forma, sed ut motor tantum, tum ut auferatur idololatriae occasio.

 

6. Selon le philosophe (Physique, VIII, 10, 267 b 7[154]) le moteur du ciel est dans une de ses parties, et non dans le tout, et ainsi il ne fait pas le tour du cercle du ciel. Il en est autrement de l’вme qui donne l’кtre au corps selon le tout et les parties.

s. c. 6 Ad sextum dicendum quod secundum philosophum in IV physicorum, motor caeli est in aliqua parte eius, et non in toto; et sic non circuit gyrum caeli. Secus autem est de anima, quae dat esse corpori secundum totum et partes.

 

 

Article 7 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps aйrien ? Articulus 7 : Septimo quaeritur utrum substantia spiritualis corpori aereo uniatur.

 

Il semble que non[155].

De spiritualibus creaturis, a. 7 tit. 2 Et videtur quod sic.

 

Objections

1. Car Augustin dit (La Genиse au sens littйral (X, 14) et La citй de Dieu, IV, VIII, 16 – XV, 23) que les dйmons ont des corps aйriens ? Mais les dйmons sont des substances spirituelles. Donc celles-ci sont unies а un corps aйrien.

1. Dicit enim Augustinus III super Genes. ad litteram et IV de Civit. Dei, quod Daemones habent corpora aerea. Sed Daemones sunt substantiae spirituales. Ergo substantia spiritualis corpori aereo unitur.

 

2. Augustin dans le livre La divination des dйmons (III, 7, PL XL, 584) dit que les dйmons par la subtilitй du corps aйrien surpassent les sens humains. Mais cela ne serait possible que s’ils йtaient unis а un corps aйrien. Donc les substances spirituelles sont unies а un corps aйrien.

2. Praeterea, Augustinus in libro de divinatione Daemonum dicit quod Daemones subtilitate aerei corporis sensum humanum transcendunt. Hoc autem non esset, nisi aereo corpori naturaliter unirentur. Ergo substantiae spirituales aereo corpori uniuntur.

 

3. L’intermйdiaire est diffйrent des extrкmes. Mais dans la rйgion des corps cйlestes on trouve la vie, selon qu’on place des corps cйlestes animйs ; et dans la rйgion de la terre on trouve la vie dans les animaux et les plantes. Donc aussi dans la rйgion intermйdiaire qui est celle de l’air, on trouve la vie. Et cela ne peut pas кtre rapportй а la vie des oiseaux, parce qu’ils s’йlиvent au-dessus de la terre dans un petit espace de l’air, et il ne semble pas convenable que tout cet autre espace de l’air demeure vide de vie. Il faut donc placer, а ce qu’il semble, qu’il y a des animaux aйriens, d’oщ il dйcoule que des substances spirituelles sont unies а des corps aйriens.

3. Praeterea, medium non discrepat ab extremis. Sed in regione caelestium corporum invenitur vita, secundum ponentes corpora caelestia animata; in regione autem terrae invenitur vita in animalibus et plantis. Ergo et in regione media, quae est aeris, invenitur vita. Nec hoc potest referri ad vitam avium, quia aves ad modicum spatium aeris supra terram elevantur; nec videtur conveniens quod totum aliud spatium aeris vacuum vita remaneret. Oportet igitur ponere, ut videtur, ibi esse aliqua aerea animalia; ex quo sequitur quod aliquae substantiae spirituales aereo corpori uniantur.

 

4. La forme d’un corps plus noble est elle-mкme plus noble. Mais l’air est un corps plus noble que la terre, puisqu’il est plus formel[156] ou plus subtil. Donc si la substance spirituelle qui est l’вme est unie а un corps terrestre, par exemple un corps humain, elle sera unie beaucoup plus а un corps aйrien.

4. Praeterea, nobilioris corporis nobilior est forma. Sed aer est nobilior corpus quam terra, cum sit formalius et subtilius. Si igitur corpori terrestri, scilicet humano, unitur substantia spiritualis, quae est anima, multo fortius corpori aereo uniretur.

 

5. L’union est plus facile avec ce qui s’accorde plus. Mais l’air semble mieux s’accorder avec l’вme qu’avec un corps mixte, tel que le corps humain parce que, comme Augustin le dit (La Genиse au sens littйral, VII, XV, 21 et VII, XIX, 25[157]) l’вme administre la corps par l’air. Donc l’вme est  plus destinйe а кtre unie а un  corps aйrien qu’а un corps mixte.

5. Praeterea, eorum quae magis conveniunt facilior est unio. Sed aer magis videtur convenire cum anima quam corpus commixtum, quale est corpus hominis; quia, ut Augustinus dicit super Gen. ad Litter., anima per aerem administrat corpus. Ergo magis nata est uniri anima corpori aereo, quam etiam corpori commixto.

 

6. Il est dit dans le livre De Substantia orbis (Averroиs II) : « Le mouvement circulaire est plus propre pour l’вme ». et cela parce que l’вme en tant que de soi, est indiffйrente pour mouvoir en toute partie. Mais cela semble convenir aussi а l’air, parce qu’il est lйger avec ce qui est lйger et lourd avec ce qui est lourd. Donc l’вme semble surtout кtre unie а l’air.

6. Praeterea, dicitur in libro de substantia orbis: motus circularis proprius est animae; et hoc ideo quia anima, quantum est de se, indifferens est ut moveat in omnem partem. Sed hoc etiam videtur aeri convenire, quia est cum levibus levis et cum gravibus gravis. Ergo anima maxime videtur aeri uniri.

 

En sens contraire

L’вme est l’acte du corps organique ; mais le corps aйrien ne peut pas кtre organique, parce qu’il ne se termine pas а un terme propre mais seulement а un lieu йtranger, on ne peut pas le figurer[158]. Donc la substance spirituelle qu’est l’вme ne peut pas кtre unie а un corps aйrien.

De spiritualibus creaturis, a. 7 s. c. Sed contra, anima est actus corporis organici. Sed corpus aereum non potest esse organicum; quia cum non sit terminabilis termino proprio, sed solum alieno, non est figurabilis. Ergo substantia spiritualis, quae est anima, non potest corpori aereo uniri.

 

Rйponse

Il faut dire qu’il est impossible que la substance spirituelle soit unie а un corps aйrien. Ce qu’on peut montrer de trois maniиres.

De spiritualibus creaturis, a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod impossibile est substantiam spiritualem corpori aereo uniri. Quod potest manifestari tripliciter.

 

1. Parce que, parmi tous les autres corps, les corps simples des йlйments sont plus imparfaits, puisqu’ils sont matйriels par rapport а tous les autres corps ; c'est pourquoi il n’est pas convenable selon la nature de l’ordre des choses que quelque corps simple йlйmentaire soit uni а une substance spirituelle comme forme.

Primo quidem, quia inter omnia alia corpora, corpora simplicia elementorum sunt imperfectiora, cum sint materialia respectu omnium aliorum corporum; unde non est conveniens secundum rationem ordinis rerum, quod aliquod simplex corpus elementare spirituali substantiae uniatur ut forma.

 

2. Deuxiиme raison : parce que l’air est un corps simple en son ensemble et dans toutes ses parties ; c'est pourquoi si une substance spirituelle est unie а une partie de l’air, pour la mкme raison, elle serait unie а tout l’air, et de la mкme maniиre а n’importe quel autre йlйment, ce qui semble absurde.

2. Secunda ratio est, quia aer est corpus simile in toto et in omnibus suis partibus; unde si alicui parti aeris unitur aliqua spiritualis substantia, eadem ratione et toti aeri unietur, et similiter cuilibet alteri elemento; quod videtur absurdum.

 

3. Troisiиme raison : parce que la substance spirituelle se trouve unie de deux maniиres а un corps. D’une maniиre pour produire le mouvement du corps, de mкme on a dit que les substances spirituelles sont unies  а des corps cйlestes. D’une autre maniиre pour que la substance spirituelle soit aidйe  par le corps pour sa propre opйration, qui est comprendre, de mкme l’вme humaine est unie а un corps pour acquйrir les connaissances par les sens corporels. Mais la substance spirituelle ne peut pas кtre unie а l’air, ni en raison du mouvement, parce que le mouvement est connaturel а l’air qui suit sa forme anturelle, et on ne trouve pas de mouvement ou dans tout l’air ou en quelqu’une de ses parties, qui ne pourraient кtre ramenй а une cause corporelle. C'est pourquoi, il n’apparaоt pas par son mouvement qu’une substance spirituelle lui soit unie. Et la substance spirituelle non plus n’est pas unie а un corps aйrien pour la perfection de l’opйration intellectuelle : car le corps simple ne peut pas кtre un instrument de la sensation, comme il est prouvй dans L’вme (III, 12, 434 b 10[159]). C'est pourquoi il reste que la substance spirituelle n’est unie en aucune maniиre а un corps aйrien.

 

3. Tertia ratio est, quia substantia spiritualis dupliciter alicui corpori invenitur uniri. Uno modo ad exhibendum corpori motum; sicut dictum est, quod corporibus caelestibus spirituales substantiae uniuntur. Alio modo ut substantia spiritualis per corpus iuvetur ad propriam suam operationem, quae est intelligere; sicut anima humana unitur corpori, ut per sensus corporeos scientias acquirat. Aeri autem substantia spiritualis non potest uniri neque ratione motus, quia aeri est connaturalis motus quidam, qui consequitur formam eius naturalem; nec invenitur aliquis motus aut in toto aere aut in aliqua eius parte, qui non possit reduci in aliquam causam corporalem. Unde ex motu eius non apparet quod aliqua substantia spiritualis et uniatur. Neque etiam unitur spiritualis substantia corpori aereo propter perfectionem intellectualis operationis: corpus enim simplex non potest esse instrumentum sensus, ut probatur in libro de anima. Unde relinquitur quod spiritualis substantia nullo modo aereo corpori uniatur.

 

Solutions

1. Il faut donc dire que partout oщ Augustin dit que les dйmons ont des corps aйriens, il n’en  parle pas avec assurance, comme une pensйe personnelle, mais selon l’opinion d’autres ; c'est pourquoi il dit au livre XXI (ou XII, 1) de La Citй de Dieu  « Les dйmons ont leur corps comme certains savants l’ont vu ; par cet air йpais et humide. Mais si quelqu’un assure que les dйmons n’ont pas de corps, ce n’est pas de cela qu’il faut s’occuper par une recherche laborieuse, ou lutter par un dйbat chicaneur  ».

1. Ad primum ergo dicendum quod ubicumque Augustinus dicit Daemones habere aerea corpora, non loquitur asserendo quasi ex sententia propria, sed secundum opinionem aliorum; unde ipse dicit in XXI de Civit. Dei: sunt quaedam sua etiam Daemonibus corpora, sicut doctis hominibus visum est, ex isto aere crasso atque humido. Si autem nulla quisquam habere corpora Daemones asserat, non est de hac re aut laborandum operosa inquisitione, aut contentiosa disputatione certandum.

 

2. Ainsi s’йclaire la solution а la deuxiиme objection.

2. Et per hoc patet solutio ad secundum.

 

3. Il faut dire que dans la rйgion infйrieure, c'est-а-dire autour de la terre, il y a un lieu de mйlange des йlйments. Mais plus les corps mixtes, parviennent а un niveau de mйlange, plus ils s'йloignent des extrкmitйs des contraires ; et ainsi ils acquiиrent une certaine ressemblance avec les corps cйlestes, qui sont sans contraires. Et ainsi il apparaоt que la vie peut кtre plus dans la plus haute et la plus basse rйgion qu’au milieu ; surtout quand dans ces infйrieurs, plus un corps est prкt pour la vie, plus il aura йtй proche de l’йgalitй de la constitution.

3. Ad tertium dicendum quod in inferiori regione, scilicet circa terram, est locus mixtionis elementorum. Corpora autem mixta, quanto magis ad aequalitatem mixtionis perveniunt, tanto magis recedunt ab extremis contrariorum; et sic quamdam similitudinem consequuntur caelestium corporum, quae sunt sine contrarietate. Et sic patet quod vita magis potest esse in suprema et infima regione quam in media: praesertim cum in istis inferioribus tanto paratius est corpus ad vitam, quanto propinquius fuerit aequalitati complexionis.

 

4. Le corps de l’air est plus noble que la terre, mais le corps d’une constitution йgale est plus noble que les deux, comme s’il est loin des contraires, кtre uni se trouve seulement pour les substances spirituelles. En quoi cependant il est plus nйcessaire que  les йlйments infйrieurs abondent matйriellement pour parvenir а l’йgalitй, а cause de l’excиs de pouvoir actif dans les autres йlйments.

4. Ad quartum dicendum quod corpus aeris est nobilius quam terra, sed corpus aequalis complexionis est nobilius utroque, quasi magis elongatum a contrarietate; et hoc solum invenitur substantiae spirituali uniri. In quo tamen inferiora elementa plus necesse est abundare materialiter ad aequalitatem constituendam, propter excessum activae virtutis in aliis elementis.

 

5. On dit que l’вme gouverne son corps par l’air, pour le mouvement, parce que le mouvement ne peut pas exister pour les autres corps йpais.

5. Ad quintum dicendum quod anima dicitur administrare corpus suum per aerem, quantum ad motum; quia est susceptibilior motus aliis corporibus spissis.

 

6. L’air n’est pas indiffйrent а tout mouvement, mais par rapport а certains il est lйger, par rapport а d’autres il est lourd ; c'est pourquoi on ne peut en conclure qu’il est perfectible par l’вme.

6. Ad sextum dicendum quod aer non est indifferens ad omnem motum, sed respectu quorumdam est levis, respectu aliorum gravis; unde ex hoc non habetur quod sit perfectibile per animam.

 

 

Article 8 : Tous les anges diffиrent-ils par l’espиce entre eux ? Articulus 8 : Octavo quaeritur utrum omnes Angeli differant specie ab invicem.

 

Il semble que non[160].

Et videtur quod non.

 

Objections

1. Car Augustin dit dans l’Enchiridion (IX, 29[161]) : « Puisque la crйature raisonnable qui йtait dans les hommes avait pйri toute entiиre par les pйchйs et les chвtiments, elle a mйritй d’кtre rйparйe en partie ». Par lа on argumente ainsi. Si tous les anges diffйrent entre eux selon la nature de l’espиce, plusieurs anges s’йtant йloignй de faзon irrйparable, auraient pйri. Mais la providence de Dieu n’a pas supportй qu’une nature raisonnable pйrisse tout entiиre, comme on le voit par l’autoritй rapportйe. Donc tous les anges ne diffиrent pas entre eux selon la nature de l’espиce.

1. Dicit enim Augustinus in Enchir.: creatura rationalis quae in hominibus erat, quoniam peccatis atque suppliciis tota perierat, ex parte reparari meruit. Ex quo sic arguitur. Si omnes Angeli ab invicem differunt secundum naturam speciei, pluribus Angelis irreparabiliter cedentibus, plures naturae irreparabiliter periissent. Sed hoc non patitur divina providentia ut aliqua natura rationalis ex toto pereat, ut patet ex auctoritate inducta. Ergo non omnes Angeli differunt ab invicem secundum naturam speciei.

 

2. Plus certaines choses sont proches de Dieu, en qui il n’y a aucune diversitй, moins elles sont diffйrentes. Mais les anges selon l’ordre de la nature sont plus proches de Dieu que les hommes. Ces choses qui diffиrent en nombre et en espиce sont plus diffйrentes que ce qui diffиre en nombre et se rencontre dans l’espиce. Donc comme les hommes ne diffиrent pas en espиce, mais en nombre seulement, il semble que les anges, non plus, ne diffиrent pas en espиce.

2. Praeterea, quanto sunt aliqua propinquiora Deo, in quo nulla est diversitas, tanto minus sunt diversa. Angeli autem secundum ordinem naturae propinquiores sunt Deo quam homines. Magis vero diversa sunt ab invicem quae differunt numero et specie, quam quae differunt numero et conveniunt in specie. Cum ergo homines non differant specie, sed numero solum, videtur quod nec Angeli specie differant.

 

3. La conformitй des individus dans le principe formel rend semblable en espиce, mais la diffйrence dans le principe matйriel fait diffйrer en nombre seulement. Dans les anges l’кtre mкme se comporte comme formel pour l’essence de l’ange[162] comme on l’a dit ci-dessus. Donc comme tous les anges se rassemblent dans l’кtre, mais diffиrent par l’essence, il semble qu’ils ne diffиrent pas en espиce, mais en nombre seulement.

3. Praeterea, convenientia aliquorum in formali principio facit aliqua idem esse specie; differentia vero in principio materiali facit differre numero solum. In Angelis autem ipsum esse se habet ut formale ad essentiam Angeli, ut supra dictum est. Cum igitur omnes Angeli conveniant in esse, differant vero secundum essentiam, videtur quod Angeli non differant specie, sed numero solo.

 

4. Toute substance subsistante crййe est un individu contenu sous une nature commune d’une espиce, de sorte que si l’individu est composй, la nature de l’espиce lui est attribuйe selon la nature du composй : mais si l’individu a йtй simple, la nature de l’espиce lui est attribuйe selon des natures simples. L’ange est une substance crййe subsistante. Donc qu’il soit composй de matiиre et de forme, ou qu’il soit simple, il faut qu’il soit contenu sous la nature d’une espиce. Mais cela ne dйroge pas а la nature de l’espиce, qu’elle puisse avoir plusieurs suppфts, de la mкme maniиre non plus cela ne dйroge pas а l’individu qui existe sous elle, s’il a quelque chose qui lui est йgal dans la mкme espиce. Donc il semble qu’il est possible qu’il y ait plusieurs anges d’une seule espиce. Dans ce qui est perpйtuel il n’y a pas de diffйrence entre кtre et pouvoir comme il est dit en Physique, III, 4, 203 b 30). Donc chez l’ange, il y a plusieurs individus d’une mкme espиce.

4. Praeterea, omnis substantia subsistens creata est individuum contentum sub aliqua natura communi speciei; ita quod si individuum sit compositum, natura speciei praedicabitur de eo secundum rationem compositi; si vero individuum fuerit simplex, natura speciei praedicabitur de eo secundum simplices rationes. Angelus autem est substantia creata subsistens. Sive igitur sit compositus ex materia et forma, sive simplex, oportet quod contineatur sub aliqua natura speciei. Sed naturae speciei non derogat quod possit habere plura supposita; similiter etiam nec individuo sub ea existenti derogat, si habeat aliquod secum compar in eadem specie. Ergo videtur quod possibile sit esse plures Angelos unius speciei. In perpetuis autem non differunt esse et posse, ut dicitur in III Physic. Ergo in Angelis sunt plura individua unius speciei.

 

5. Chez les anges, il y a un amour parfait. Donc rien n’est а retirer en eux, qui concerne la perfection de l’amour. Mais qu’ils soient plusieurs d’une mкme espиce, convient а la perfection de l’amour ; parce que tous les кtres vivants d’une seule espиce s’aiment naturellement entre eux, selon ce mot de l’Ecc.(13, 15) « Tout кtre vivant aime son semblable ». Donc dans les anges il y a plusieurs [individus] d’une mкme espиce.

5. Praeterea, in Angelis est perfecta dilectio. Nihil igitur eis subtrahendum est quod ad perfectionem dilectionis pertineat. Sed quod sint plures unius speciei, pertinet ad perfectionem dilectionis; quia omnia animalia unius speciei naturaliter se invicem diligunt, secundum illud Eccli. XIV: omne animal diligit simile sibi. Ergo in Angelis sunt plures unius speciei.

 

6. Comme l’espиce seule a une dйfinition, selon Boиce (In Porphyr., PL LXIV 79D), tout ce qui se rencontre dans la dйfinition semble se rencontrer dans l’espиce. Mais tous les anges se rencontrent dans cette dйfinition que Jean Damascиne place dans La Foi orthodoxe, livre II, 3, PG. XCIV, 866) : « L’ange est une substance intellectuelle, toujours mobile, douй de libre arbitre, incorporel, servant Dieu, recevant l’immortalitй selon la grвce et non la nature ». Donc tous les anges sont d’une seule espиce.

6. Praeterea, cum sola species definiatur, secundum Boetium, quaecumque in definitione conveniunt, videntur in specie convenire. Sed omnes Angeli conveniunt in illa definitione quam Damascenus ponit in III libro: Angelus est substantia intellectualis, semper mobilis, arbitrio libera, incorporea, Deo ministrans, secundum gratiam (non natura) immortalitatem suscipiens. Ergo omnes Angeli sunt unius speciei.

 

7. Les anges selon l’ordre de la nature sont plus proches de Dieu que les hommes. Mais en Dieu il y a trois personnes d’une seule nature selon le nombre. Donc, comme dans les hommes il y plusieurs personnes d’une seule nature selon l’espиce, il semble que beaucoup plus dans les anges il y a plusieurs personnes rassemblйes dans une seule nature de l’espиce.

7. Praeterea, Angeli secundum ordinem naturae sunt propinquiores Deo quam homines. Sed in Deo sunt tres personae unius naturae secundum numerum. Cum igitur in hominibus sint plures personae unius naturae secundum speciem, videtur quod multo fortius in Angelis sint plures personae in una natura speciei convenientes.

 

8.Grйgoire [le Grand] (Homйlie sur l’Йvangile, XXXIV, PL LXXVI, 1255 G) dit que dans cette patrie cйleste oщ il y a la plйnitude du bien, encore que certains [biens] soient donnйs йminemment, rien cependant n’est possйdй personnellement, car tout est en tous, non pas de maniиre йgale, parce que certains possиdent plus sublimement que d’autres ce que cependant tous possиdent. Donc il n’y a de diffйrences dans l’ange que selon le plus et le moins. Mais le plus et le moins ne diversifient pas l’espиce. Donc les anges ne diffиrent pas en espиce.

8. Praeterea, Gregorius dicit quod in illa caelesti patria, ubi plenitudo boni est, licet quaedam data sint excellenter, nihil tamen possidetur singulariter; omnia enim in omnibus sunt, non quidem aequaliter, quia aliqui aliis sublimius possident quae tamen omnes habent. Non est ergo differentia in Angelis, nisi secundum magis et minus. Sed magis et minus non diversificant speciem. Ergo Angeli non differunt specie.

 

9. Tout ce qui se rencontre dans ce qui est le plus noble se rencontre dans une espиce[163] ; parce que plus noble est ce qui est placй sous l’espиce que ce qui est placй sous le genre. Car il y a une diffйrence spйcifique formelle par rapport au genre. Mais tous les anges se rencontrent dans le plus noble qui est en eux dans la nature intellectuelle. Donc tous les anges se rencontrent dans une espиce.

9. Praeterea, quaecumque conveniunt in nobilissimo, conveniunt in specie; quia nobilius est quod ponitur sub specie quam quod ponitur sub genere. Est enim differentia specifica formalis respectu generis. Sed omnes Angeli conveniunt in nobilissimo quod in eis est, scilicet in natura intellectuali. Ergo omnes Angeli conveniunt in specie.

 

10. Si un genre est sйparй par deux diffйrences[164], dont l’une est plus imparfaite que l’autre, le diffйrence la plus imparfaite est plus multipliable que la plus parfaite comme le non raisonnable est multipliй par plus d’espиces, que le raisonnable. Mais la substance spirituelle est divisйe par ce qui peut кtre uni et non uni ; mais ce qui peut кtre uni а un corps est plus imparfait dans les substances spirituelles. Donc comme la substance spirituelle qui peut кtre unie а un corps, c'est-а-dire l’вme humaine, n’est pas distinguйe en multiples espиces, beaucoup plus celle qui ne peut pas кtre unie, c'est-а-dire l’ange, n’est pas multipliйe en de nombreuses espиces.

10. Praeterea, si aliquod genus dividatur per duas differentias, quarum una altera sit imperfectior, differentia imperfectior magis est multiplicabilis quam perfectior; sicut irrationale per plures species multiplicatur quam rationale. Substantia autem spiritualis dividitur per unibile et non unibile; unibile autem corpori est imperfectius in spiritualibus substantiis. Cum igitur substantia spiritualis unibilis corpori, scilicet anima humana, non distinguatur in multas species, multo fortius substantia spiritualis non unibilis, scilicet Angelus, non multiplicatur per multas species.

 

11. Le pape Boniface (Epist. II, PL. LXV, 43-44) dit que les fonctions ministйrielles dans l’Йglise militante sont а l’exemple de la milice cйleste en laquelle les anges diffиrent en ordre et en puissance. Mais dans l’Йglise la diffйrence de l’ordre et du pouvoir ne rend pas les hommes diffйrents selon l’espиce. Donc dans la milice cйleste des anges non plus. Les anges diffиrent en espиce, mкme ceux qui sont de diffйrents ordres ou hierarchies.

11. Praeterea, Bonifacius Papa dicit quod ministrationes in Ecclesia militante sunt ad exemplum caelestis militiae, in qua Angeli differunt in ordine et potestate. Sed in Ecclesia militante differentia ordinis et potestatis non facit homines differre secundum speciem. Ergo nec in caelesti militia Angelorum, Angeli specie differunt, etiam qui sunt diversorum ordinum vel hierarchiarum.

 

12. De mкme que les йlйments infйrieurs sont ornйs de plantes et d’animaux, le ciel йtoilй est ornй du soleil et de la lune, de mкme le ciel Empyrйe est ornй d’anges. Mais on trouve dans les plantes et les animaux beaucoup [d’individus] d’une mкme espиce ; de la mкme maniиre il semble que toutes les йtoiles sont une seule espиce, parce qu’elles s’accordent dans une seule forme trиs noble, qui est la lumiиre. Donc il semble, а raison йgale, que ou bien tous les anges ou bien certains se rencontrent dans une seule espиce.

12. Praeterea, sicut inferiora elementa sunt ornata plantis et animalibus, et caelum sidereum stellis et sole et luna; ita etiam caelum Empyreum ornatum est Angelis. Sed in plantis et animalibus inveniuntur multa eiusdem speciei: similiter etiam videtur quod omnes stellae sint unius speciei, quia communicant in una forma nobilissima, quae est lux. Ergo videtur, pari ratione, quod vel omnes Angeli vel aliqui conveniant in una specie.

 

13. Si on pense que plusieurs anges ne se rencontrent pas dans une seule espиce, cela n’est que parce qu’en eux il n’y a pas de matiиre. Mais l’йloignement de la matiиre non seulement enlиve la pluralitй des individus, mais aussi l’unitй, parce que l’individu n’est placй sous l’espиce que par la matiиre, parce que la matiиre est le principe d’individuation. Si donc il est nйcessaire que penser que les anges sont des individus, а raison йgale, on pourra penser qu’ils sont plusieurs dans une seule espиce.

13. Praeterea, si plures Angeli non ponantur convenire in una specie, hoc non est nisi quia in eis non est materia. Sed remotio materiae non solum tollit pluralitatem individuorum, sed etiam unitatem: quia individuum non ponitur sub specie nisi per materiam; quia materia est individuationis principium. Si ergo necesse est poni Angelos esse individua quaedam, pari etiam ratione poni poterit quod sint plures in una specie.

 

14. En ce qui est sйparй de la matiиre, ce qui est compris et de qui comprend est identique, selon le philosophe (L’вme, III, 4, 430 a 3[165]). Si donc les anges йtaient sans matiиre, l’ange qui comprend et l’ange qui est compris seraient le mкme ; mais n’importe quel ange comprend n’importe quel ange. Donc il en dйcoulerait qu’il n’y aurait qu’un seul ange, ce qui est faux. Donc il ne faut pas penser que les anges sont sans matiиre, et ainsi il ne faut pas penser que tous les anges diffиrent en espиce.

14. Praeterea, in his quae sunt separata a materia, idem est intellectum et intelligens, secundum philosophum. Si igitur Angeli essent sine materia, idem esset Angelus intellectus et Angelus intelligens. Sed quilibet Angelus intelligit Angelum quemlibet. Ergo sequeretur quod non esset nisi unus Angelus, quod est falsum. Non est ergo ponendum quod Angeli sint sine materia; et ita neque ponendum est quod omnes Angeli differant specie.

 

15. Le nombre est une espиce de quantitй, qui n’est pas sans matiиre. Si donc dans les anges il n’y avait pas de matiиre, il n’y aurait pas de nombre en eux, ce qui est faux. Donc le mкme chose que plus haut.

15. Praeterea, numerus est species quantitatis, quae non est sine materia. Si igitur in Angelis non esset materia, non esset in eis numerus; quod est falsum. Ergo idem quod prius.

 

16. En ce qui est sans matiиre, il n’y a de multiplication que selon la cause et l’effet, comme Rabbi Moyses (Dux perplex, I, 79) le dit. Si donc les anges sont sans matiиre ou bien il n’y a pas en eux de pluralitй, ou bien l’un est cause de l’autre ; l’une et l’autre [solutions] sont fausses. Donc la mкme chose que plus haut.

16. Praeterea, in his quae sunt sine materia, non est multiplicatio nisi secundum causam et causatum, ut Rabbi Moyses dicit. Si igitur Angeli sunt sine materia, aut non est in eis multitudo, aut unum est causa alterius; quorum utrumque est falsum. Ergo idem quod prius.

 

17. Les crйatures sont crййes par Dieu, pour que la divine bontй soit reprйsentйe en eux. Mais dans une seule espиce d’anges est reprйsentйe la bontй divine plus parfaitement que dans la seule espиce de l’homme. Donc il ne faut pas penser qu’il y a plusieurs espиces d’anges.

17. Praeterea, creaturae a Deo sunt conditae, ut in eis divina bonitas repraesentetur. Sed in una specie Angeli repraesentatur divina bonitas perfectius quam in una specie hominis. Non ergo oportet ponere plures species Angelorum.

 

18. Les diverses espиces qui sont divisйes par opposition diffиrent selon des diffйrences spйcifiques. On ne peut pas disposer autant de diffйrences spйcifiques opposйes que la multitude des anges. Donc tous les anges ne diffиrent pas en espиce.

18. Praeterea, diversae species secundum differentias specificas differunt, quae ex opposito dividuntur. Non possunt autem designari tot differentiae specificae oppositae, quanta ponitur multitudo Angelorum. Non ergo omnes Angeli differunt specie.

icic

En sens contraire

1. Si certains anges se rencontrent dans l’espиce, cela paraоt surtout pour ceux qui sont d’un seul ordre. Mais ceux qui sont d’un seul ordre ne se rencontrent pas dans une espиce, puisqu’il y a dans un mкme ordre les premiers, les intermйdiaires, et les derniers, comme Denys le dit (La Hiйrarchie angйlique IV, 18[166]). Mais l’espиce n’est pas attribuйe aux individus (qui ne font partie) selon le premier et le suivant, comme il est dit en Mйtaphysique, (III, 4, 999 a 6[167]). Donc il n’y a pas plusieurs anges d’une seule espиce.

1. Sed contra. Si aliqui Angeli in specie conveniant, maxime hoc videtur de illis qui sunt unius ordinis. Sed illi qui sunt unius ordinis non conveniunt in specie, cum in eodem ordine sint primi, medii et ultimi, ut Dionysius dicit X cap. angelicae Hierar. Species autem non praedicatur de suis individuis secundum prius et posterius, ut dicitur in III Metaph. Non ergo sunt plures Angeli unius speciei.

 

2. C’est seulement ce qui est corruptible qui est multipliй en nombre en une seule espиce ce qui est corruptible ; pour que la nature de l’espиce, qui ne peut pas кtre considйrйe dans un seul, soit conservйe en plusieurs. Mais les anges sont incorruptibles. Donc il n’y a pas plusieurs anges d’une seule espиce.

2. Praeterea, illa sola videntur multiplicari secundum numerum in una specie, quae sunt corruptibilia; ut natura speciei, quae non potest considerari in uno, conservetur in pluribus. Sed Angeli sunt incorruptibiles. Ergo non sunt plures Angeli unius speciei.

 

3. La multiplication des individus en une seule espиce s’opиre par la division de la matiиre. Mais les anges sont immatйriels, parce que, comme le dit Augustin (Les confessions, XII, VII, 7)), la matiиre est proche du nйant, mais les anges proches de Dieu. Donc dans les anges il n’y a pas de multiplication des individus dans une mкme espиce.

3. Praeterea, multiplicatio individuorum in una specie est per divisionem materiae. Sed Angeli sunt immateriales: quia, ut Augustinus dicit XII ConfesVII, materia est prope nihil, Angeli autem prope Deum. Ergo in Angelis non est multiplicatio individuorum in eadem specie.

 

Rйponse

Il faut dire que certains ont parlй de cette question de diffйrentes maniиres. Car les uns ont dit que toutes les substances spirituelles sont d’une seule espиce, mais d’autres que tous les anges sont d’une seule hiйrarchie, ou aussi d’un seul ordre ; mais d’autres que tous les anges diffиrent en espиce entre eux[168] : et ce pour trois raisons, me semble-t-il.

Respondeo. Dicendum quod circa hanc quaestionem diversimode aliqui sunt locuti. Quidam enim dixerunt quod omnes spirituales substantiae sunt unius speciei; alii vero, quod omnes Angeli unius hierarchiae, aut etiam unius ordinis; alii autem, quod omnes Angeli ab invicem specie differunt; quod et mihi videtur, propter tres rationes.

 

1. La premiиre raison est prise de la condition de leur substance. Car il est nйcessaire de dire que, ou bien ce sont des formes simples subsistantes sans matiиre, comme on l’a vu plus haut, ou bien que ce sont des formes composйes de matiиre et de forme. Mais si l’ange est une forme simple abstraite de la matiиre, il est impossible aussi de concevoir qu’il y a plusieurs anges d’une seule espиce, parce que chaque forme, qu’elle soit matйrielle ou petite, si on la pense abstraite, selon l’кtre ou selon l’intellect, ne demeure que si elle est unique en son espиce. Car si on comprend la blancheur subsistante sans aucun substrat, il ne sera pas possible de placer plusieurs blancheurs, puisque nous voyons que cette blancheur ne diffиre d’une autre que par le fait qu’elle est en ce substrat ou en cet autre. Et de la mкme maniиre, s’il y avait une humanitй abstraite, elle ne serait qu’une seulement. Mais si l’ange est une substance composйe de matiиre et de forme, on dit nйcessairement que les matiиres des diffйrents anges seraient distinguйes de quelque maniиre. Mais on ne distingue la matiиre de la matiиre que de deux maniиres.

Prima sumitur ex conditione substantiae eorum. Necesse est enim dicere, quod vel sint formae simplices subsistentes absque materia, ut supra habitum est; vel sint formae compositae ex materia et forma. Si autem Angelus est forma simplex abstracta a materia, impossibile est etiam fingere quod sint plures Angeli unius speciei: quia quaecumque forma, quantumcumque materialis et infima, si ponatur abstracta vel secundum esse vel secundum intellectum, non remanet nisi una in specie una. Si enim intelligatur albedo absque omni subiecto subsistens, non erit possibile ponere plures albedines; cum videamus quod haec albedo non differt ab alia nisi per hoc quod est in hoc vel in illo subiecto. Et similiter si esset humanitas abstracta, non esset nisi una tantum. Si vero Angelus sit substantia ex materia et forma composita, necesse est dicere quod materiae diversorum Angelorum sint aliquo modo distinctae. Distinctio autem materiae a materia non invenitur nisi duplex.

 

a. L’une selon la nature propre de la matiиre, et c’est selon la relation а diffйrents actes : en effet comme la matiиre en sa nature propre est en puissance, qu’on parle de la puissance pour l’acte, il est nйcessaire que selon l’ordre des actes la distinction soit atteinte dans les puissances et les matiиres. Et de cette maniиre la matiиre des corps infйrieurs, qui est puissance а кtre, diffиre de la matiиre des corps cйlestes, qui est puissance pour le lieu.

Una secundum propriam rationem materiae, et haec est secundum habitudinem ad diversos actus: cum enim materia secundum propriam rationem sit in potentia, potentia autem ad actum dicatur, necesse est quod secundum ordinem actuum attendatur distinctio in potentiis et materiis. Et hoc modo materia inferiorum corporum, quae est potentia ad esse, differt a materia caelestium corporum, quae est potentia ad ubi.

b. La seconde distinction de la matiиre dйpend de la division de la quantitй dans la mesure oщ la matiиre qui existe sous ses dimensions est distinguйe par ce qui est sous d’autres dimensions.

Secunda distinctio materiae est secundum divisionem quantitatis; prout materia existens sub his dimensionibus distinguitur ab ea quae est sub aliis dimensionibus.

 

Et la premiиre distinction de la matiиre produit la diversitй selon le genre, parce que, selon le philosophe (Mйtaphysique, V, 28, 1024 b 12[169]) les diffйrenteschoses diffиrent en genre selon la matiиre[170]. Mais la seconde distinction de la matiиre produit aussi la diversitй des individus dans une mкme espиce. Mais cette seconde distinction de la matiиre ne peut pas exister dans les diffйrents anges, puisqu’ils sont sans corps, et tout а fait sans dimensions quantitatives. Il reste donc que, s’il y a plusieurs anges composйs de matiиre et de forme, la distinction des matiиres est en eux selon la premiиre maniиre et ainsi il en dйcoule qu’ils diffиrent non seulement en espиce mais aussi en genre[171].

Et prima quidem materiae distinctio facit diversitatem secundum genus: quia, secundum philosophum in V Metaph., genere differunt secundum materiam diversa. Secunda autem distinctio materiae facit diversitatem individuorum in eadem specie. Haec autem secunda distinctio materiae non potest esse in diversis Angelis, cum Angeli sint incorporei, et omnino absque dimensionibus quantitativis. Relinquitur ergo, quod si sint plures Angeli compositi ex materia et forma, quod sit in eis distinctio materiarum secundum primum modum; et ita sequitur quod non solum specie, sed etiam genere differunt.

 

2. La seconde raison est prise de l’ordre de l’univers. Car il est йvident que le bien de l’univers est double : quelque chose de sйparй, а savoir Dieu, qui est comme le gйnйral en son armйe, et quelque chose dans les choses mкmes, et c’est l’ordre des parties de l’univers, comme l’ordre des parties de l’armйe est le bien de l’armйe. C'est pourquoi l’Apфtre dit (Rm. 13) « Ce qui est de Dieu est ordonnй[172] ».

Secunda ratio sumitur ex ordine universi. Manifestum est enim quod duplex est bonum universi: quoddam separatum, scilicet Deus, qui est sicut dux in exercitu; et quoddam in ipsis rebus, et hoc est ordo partium universi, sicut ordo partium exercitus est bonum exercitus. Unde apostolus dicit Rom. XIII: quae a Deo sunt, ordinata sunt.

 

Mais il faut que les parties supйrieures de l’univers participent plus au bien de l’univers, qui est l’ordre. Mais participent plus parfaitement а l’ordre ce en quoi il y a un ordre par soi, que ce en quoi il y a un ordre par accident seulement. Il est йvident que dans tous les individus d’une seule espиce, il n’y a d’ordre que par accident : car ils se rencontrent dans la nature de l’espиce et diffиrent selon les principes d’individuation et les diffйrents accidents, qui se comportent par accident pour la nature de l’espиce. Mais ce qui diffиre en espиce a un ordre par soi et selon les principes essentiels. Car on en trouve dans les espиces une qui dйpasse les autres, comme dans les espиces des nombres, comme il est dit (Mйtaphysique, VIII, 3, 1043 b 36). Dans ces choses infйrieures qui peuvent кtre gйnйrйes et corrompues, et [qui constituent] une infime partie de l’univers, qui participent moins de l’ordre, on trouve que tout ce qui est diffйrent n’a pas d’ordre par soi, mais certains ont un ordre par accident seulement comme les individus d’une seule espиce. Mais la partie supйrieure de l’univers, а savoir dans les corps cйlestes, on ne trouve pas d’ordre par accident, mais seulement par soi, puisque tout les corps cйlestes diffиrent entre eux en espиce, et il n’y a pas en eux plusieurs individus d’une seule espиce, mais seulement un seul soleil et une seule lune, etc.. Donc beaucoup plus dans la partie suprкme de l’univers on ne trouve pas de choses ordonnйes par accident et non par soi. Et ainsi il reste que tous les anges diffиrent entre eux en espиce, selon une plus ou moins grande perfection des formes simples, d’une plus ou moins grande proximitй de Dieu qui est l’acte pur et d’une perfection infinie.

Oportet autem quod superiores universi partes magis de bono universi participent, quod est ordo. Perfectius autem participant ordinem ea in quibus est ordo per se, quam ea in quibus est ordo per accidens tantum. Manifestum est autem quod in omnibus individuis unius speciei non est ordo nisi secundum accidens: conveniunt enim in natura speciei, et differunt secundum principia individuantia, et diversa accidentia, quae per accidens se habent ad naturam speciei. Quae autem specie differunt, ordinem habent per se et secundum essentialia principia. Invenitur enim in speciebus rerum una abundare super aliam, sicut et in speciebus numerorum, ut dicitur in VIII Metaph. In istis autem inferioribus, quae sunt generabilia et corruptibilia, et infima pars universi, et minus participant de ordine, invenitur non omnia diversa habere ordinem per se; sed quaedam habent ordinem per accidens tantum, sicut individua unius speciei. In superiori autem parte universi, scilicet in corporibus caelestibus, non invenitur ordo per accidens, sed solum per se; cum omnia corpora caelestia ab invicem specie differant, nec sint in eis plura individua unius speciei, sed unus tantum sol et una luna, et sic de aliis. Multo ergo magis in suprema parte universi non invenitur aliqua ordinata per accidens et non per se. Et sic relinquitur quod omnes Angeli ab invicem specie differunt secundum maiorem et minorem perfectionem formarum simplicium, ex maiori vel minori propinquitate ad Deum, qui est actus purus, et infinitae perfectionis.

 

3. La troisiиme raison est prise de la perfection de la nature angйlique. Car on appelle parfait ce а quoi rien ne manque de ce qui lui convient; et le degrй de cette perfection peut кtre йvaluй par les extrкmitйs des choses[173]. Car а Dieu qui est au degrй suprкme de la perfection, il ne manque rien de ce qui lui convient pour la nature de tout son кtre ; car il a d’avance en lui toutes les perfections des choses absolument et de faзon excellente, comme Denys le dit (Les Noms divins, V, lectio 1). Mais un individu dans la plus petite partie des choses, qui contient ce qui peut кtre engendrй ou corrompu, se trouve parfait du fait qu’il a ce qui lui convient selon la nature de son individuation, mais non ce qui convient а la nature de son espиce, puisque cette nature aussi se trouve dans les autres individus. Ce qui manifestement paraоt convenir а l’imperfection, non seulement dans les animaux qui engendrent, en qui l’un a besoin d’un autre de son espиce, pour la vie commune, mais aussi dans tous les animaux engendrйs de quelque maniиre que ce soit par la semence, en quoi le mвle a besoin d’une femelle de son espиce pour engendrer.

Tertia vero ratio sumitur ex perfectione naturae angelicae. Perfectum enim dicitur unumquodque quando nihil deest ei eorum quae ad ipsum pertinent; et huius quidem perfectionis gradus ex extremis rerum perpendi potest. Deo enim, qui est in supremo perfectionis, nihil deest eorum quae pertinent ad rationem totius esse: praehabet enim in se omnes rerum perfectiones simpliciter et excellenter, ut Dionysius dicit. Individuum autem aliquod in infima parte rerum, quae continet generabilia et corruptibilia, perfectum invenitur ex eo quod habet quidquid ad se pertinet secundum rationem individuationis suae; non autem quidquid pertinet ad naturam suae speciei, cum natura suae speciei etiam in aliis individuis inveniatur. Quod manifeste ad imperfectionem pertinere apparet, non solum in animalibus generabilibus, in quibus unum indiget alio suae speciei ad convictum; sed etiam in omnibus animalibus ex semine qualitercumque generatis, in quibus mas indiget femina suae speciei ad generandum.

 

Et en plus dans tout ce qui peut кtre engendrй ou corrompu en qui est nйcessaire la pluralitй des individus d’une seule espиce, qui ne peut pas кtre conservйe perpйtuellement dans un seul individu du fait de sa corruptibilitй, est conservйe en plusieurs. Mais dans la partie supйrieure de l’univers, on trouve un degrй plus йlevй de perfection, en qui un seul individu, comme le soleil, est parfait de sorte que rien ne lui manque de ce qui convient а sa propre espиce.C'est pourquoi toute la nature de l’espиce est incluse dans un seul individu, et il en est de la mкme maniиre pour les autres corps cйlestes. Donc beaucoup plus dans la partie suprкme des crйatures, qui est trиs proche de Dieu, c'est-а-dire dans les anges, cette perfection se trouve pour que dans un individu rien ne manque ce qui convient а l’espиce entiиre et ainsi il n’y a pas plusieurs individus dans une seule espиce. Mais comme Dieu qui est au sommet des la perfection, il ne se rencontre avec aucun autre [кtre], non seulement en espиce, mais en genre et en un autre prйdicat univoque.

Et ulterius in omnibus generabilibus et corruptibilibus, in quibus necessaria est multitudo individuorum unius speciei, ut natura speciei, quae non potest perpetuo conservari in uno individuo propter eius corruptibilitatem, conservetur in pluribus. In parte autem superiori universi invenitur altior gradus perfectionis, in quibus unum individuum, ut sol, sic est perfectum, ut nihil ei desit eorum quae ad propriam speciem pertinent. Unde et tota natura speciei concluditur sub uno individuo; et similiter est de aliis corporibus caelestibus. Multo ergo magis in suprema parte rerum creatarum, quae est Deo propinquissima, scilicet in Angelis, haec perfectio invenitur ut uni individuo nihil desit eorum quae ad totam speciem pertinent; et sic non sunt plura individua in una specie. Deus vero, qui est in summo perfectionis, cum nullo alio convenit non solum in specie, sed nec in genere nec in alio praedicato univoco.

 

Solutions

1. Augustin parle ici de la nature angйlique et de la nature humaine, non pas selon qu’elles sont considйrйes dans leur кtre naturel, mais selon qu’elles sont ordonnйes а la bйatitude ; car certains ont pйri dans la nature angйlique et la nature humaine. Quant а l’ordre de la bйatitude, la nature humaine est opposйe а toute la nature angйlique, parce que celle-ci est destinйe а parvenir а la bйatitude d’une seule maniиre, ou bien а y renoncer de faзon irrйparable, aussitфt а la premiиre йlection, mais la nature humaine [y est destinйe] au cours du temps. Et c'est pourquoi Augustin parle lа de tous les anges comme d’une seule nature, а cause d’un certain rapport а la bйatitude, bien qu’ils diffиrent selon l’espиce de la nature.

1. Ad primum ergo dicendum quod Augustinus loquitur ibi de natura angelica et humana, non secundum quod considerantur in esse naturali, sed secundum quod ordinantur ad beatitudinem: sic enim aliqui in natura angelica et humana perierunt. Quantum autem ad ordinem beatitudinis, natura humana dividitur contra totam naturam angelicam: quia tota natura angelica uno modo nata est pervenire ad beatitudinem, vel ab ea deficere irreparabiliter, scilicet statim ad primam electionem; natura vero humana per decursum temporis. Et ideo loquitur ibi Augustinus de omnibus Angelis sicut de una natura, propter unum modum ordinis ad beatitudinem, licet differant secundum speciem naturae.

 

2. Il faut dire que quand on cherche la diffйrence ou la convenance de l’espиce, la considйration dйpend de leurs natures. Et lа ce sujet, il ne faut pas parler de tous les anges, comme d’une seule nature trиs proche de Dieu, mais seul le premier ange йtait de la plus proche nature de Dieu ; en cette nature la diversitй est minime, parce qu’elle ne dйpend ni de l’espиce ni du nombre.

2. Ad secundum dicendum quod cum inquiritur de differentia vel convenientia speciei, est consideratio de rebus secundum naturas ipsarum. Et secundum hoc non est loquendum de omnibus Angelis, sicut de natura una Deo propinquissima; sed solus primus Angelus erat secundum hoc natura Deo propinquissima: in qua quidem natura est minima diversitas, quia nec secundum speciem nec secundum numerum.

 

3. L’кtre mкme se comporte comme acte tant pour les natures composйes, que pour les natures simples[174]. Ainsi dans les natures composйes l’espиce n’est pas prise de l’кtre mais de la forme, parce que l’espиce est attribuйe а ce qui est, l’кtre semble rйpondre а la question : est-il ?; c’est pourquoi dans les substances angйliques l’espиce n’est pas prise selon l’кtre mкme, mais selon les formes simples subsistantes, dont la diffйrence dйpend de la nature de la perfection comme on l’a dit.

3. Ad tertium dicendum quod ipsum esse se habet ut actus tam ad naturas compositas, quam ad naturas simplices. Sicut ergo in naturis compositis species non sumitur ab ipso esse sed a forma, quia species praedicatur in quid est, esse autem pertinere videtur ad quaestionem an est; unde nec in substantiis angelicis species sumitur secundum ipsum esse, sed secundum formas simplices subsistentes; quarum differentia est secundum ordinem perfectionis ut dictum est.

 

4. De mкme que la forme qui est dans un substrat ou dans une matiиre est individualisйe par ce qui en est l’кtre[175] : de mкme la forme sйparйe est individualisйe parce qu’elle est destinйe naturellement а un кtre. Car de mкme que l’кtre en cela exclut la participation а l’universel, qui est attribuй а beaucoup, de mкme il ne peut pas кtre dans quelque chose. Donc de mкme que cette blancheur n’est pas empкchйe de s’йtendre а de nombreux individus du fait que c’est la blancheur qui convient а la nature de l’espиce, mais du fait qu’elle est en ce qui convient а la nature de l’individu ; de mкme la nature de cet ange n’est pas empкchйe d’кtre en beaucoup, du fait que c’est la nature dans un tel ordre des choses, qui convient а la nature de l’espиce, mais du fait qu’elle n’est pas destinйe а кtre reзue dans un substrat, qui convient а la nature de l’individu.

4. Ad quartum dicendum quod sicut forma quae est in subiecto vel materia, individuatur per hoc quod est esse in hoc; ita forma separata individuatur per hoc quod est nata in aliquo esse. Sicut enim esse in hoc excludit communitatem universalis quod praedicatur de multis, ita non posse esse in aliquo. Sicut igitur haec albedo non prohibetur habere sub se multa individua ex hoc quod est albedo, quod pertinet ad rationem speciei, sed ex hoc quod est in hoc, quod pertinet ad rationem individui; ita natura huius Angeli non prohibetur esse in multis ex hoc quod est natura in tali ordine rerum, quod pertinet ad rationem speciei; sed ex hoc quod non est nata recipi in aliquo subiecto, quod pertinet ad rationem individui.

 

5. L’affection suit le connaissance ; plus la connaissance est universelle, plus l’affection qui en dйcoule concerne le bien commun et plus la connaissance est particuliиre, plus l’affection qui en dйcoule concerne le bien privй ; c'est pourquoi en nous aussi l’amour individuel tire son origine de la connaissance sensible, mais l’amour particulier du bien absolu tire son origine de la connaissance intellectuelle. Donc, parce que, plus les anges sont йlevйs, plus ils ont une science universelle, comme Denys le dit (La Hiйrarchie angйlique, XII, 2, PG. 1, 298), leur amour concerne tout а fait le bien commun. Donc plus ils s’aiment entre eux, s’ils diffиrent en espиce, cela convient а la perfection de l’univers, comme on l’a montrй, que s’ils se rassemblent plus dans une espиce qui convient au bien privй d’une seule espиce.

5. Ad quintum dicendum quod, cum affectio sequatur cognitionem, quanto cognitio est universalior, tanto affectio eam sequens magis respicit commune bonum; et quanto cognitio est magis particularis, tanto affectio ipsam sequens magis respicit privatum bonum; unde et in nobis privata dilectio ex cognitione sensitiva exoritur, dilectio vero communis et absoluti boni ex cognitione intellectiva. Quia igitur Angeli quanto sunt altiores, tanto habent scientiam magis universalem, ut Dionysius dicit, XII cap. Angel. Hierar., ideo eorum dilectio maxime respicit commune bonum. Magis igitur diligunt se invicem, si specie differunt, quod magis pertinet ad perfectionem universi, ut ostensum est, quam si in specie convenirent, quod pertineret ad bonum privatum unius speciei.

 

6. Notre вme unie а un corps ne peut pas comprendre les substances sйparйes en leurs essences, pour savoir ce qu’elle sont, parce que leurs essences excluent le genre des natures sensibles et leur rapport, par lesquelles notre intellect en prend connaissance. Et c'est pourquoi les substances sйparйes ne peuvent pas кtre dйfinies par nous au sens propre, mais seulement par йloignement ou par leur opйration. Et de cette maniиre Jean Damascиne ne donne pas de l’ange une dйfinition qui convient а une espиce trиs spйciale, mais а un genre subalterne, qui est le genre et l’espиce par oщ il peut recevoir une dйfinition.

6. Ad sextum dicendum quod substantias separatas non potest anima nostra corpori unita secundum essentias earum intelligere, ut sciat de eis quid sunt; quia earum essentiae excedunt genus sensibilium naturarum et earum proportionem, ex quibus intellectus noster cognitionem capit. Et ideo substantiae separatae non possunt definiri a nobis proprie, sed solum per remotionem, vel aliquam operationem ipsarum. Et hoc modo Damascenus definit Angelum non definitione pertinente ad speciem specialissimam, sed ad genus subalternum, quod est genus et species, unde definiri potest.

 

7. La maniиre de distinguer les personnes divines se fait sans la diversitй de l’essence, ce que la nature crййe ne supporte pas, et c'est pourquoi cela ne peut pas tirer а consйquence dans les crйatures.

7. Ad septimum dicendum quod modus distinctionis personarum divinarum est absque essentiae diversitate, quod non patitur natura creata; et ideo non est hoc ad consequentiam trahendum in creaturis.

 

8. On comprend le plus et le moins de deux maniиres. 1. D’une premiиre maniиre selon le mode diffйrent de la participation d’une seule et mкme forme, comme on dit que plus blanc est plus clair que moins blanc, et ainsi plus et moins ne diffйrencient pas l’espиce. 2. D’une autre maniиre on parle du plus et du moins selon le degrй des diffйrentes formes, comme on dit que le blanc est plus clair que le rouge et le vert ; et ainsi plus et moins diffйrencient l’espиce ; de cette maniиre les anges diffиrent en dons naturels selon le plus et le moins.

8. Ad octavum dicendum quod magis et minus dupliciter accipitur. Uno modo secundum diversum modum participationis unius et eiusdem formae, sicut magis album dicitur magis clarum quam minus album; et sic magis et minus non diversificant speciem. Alio modo dicitur magis et minus secundum gradum diversarum formarum, sicut album dicitur magis clarum quam rubeum aut viride; et sic magis et minus diversificant speciem; et hoc modo Angeli differunt in donis naturalibus secundum magis et minus.

 

9. Ce qui a йtabli en espиce est plus noble que ce qui a йtabli en genre, comme le dйterminй [est plus noble que] l’indйterminй ; car le dйterminй se comporte vis-а-vis de l’indйterminй comme l’acte vis-а-vis de la puissance. Mais pas toujours de sorte que ce qui a йtabli dans une espиce qui convient а une plus noble nature, comme on le voit, dans les espиces animales sans raison ; car des espиces de ce genre ne sont pas йtablies par addition d’une autre nature plus noble au-dessus de la nature sensitive, qui est la plus noble en elles, mais par la limitation aux diffйrents degrйs dans cette nature. Et il faut parler de la mкme maniиre au sujet de [la partie] intellectuelle qui est commune dans les anges.

9. Ad nonum dicendum quod id quod constituit in specie est nobilius eo quod constituit in genere, sicut determinatum indeterminato: habet enim se determinatum ad indeterminatum ut actus ad potentiam. Non autem ita quod semper illud quod constituit in specie, ad nobiliorem naturam pertineat, ut patet in speciebus animalium irrationalium: non enim constituuntur huiusmodi species per additionem alterius naturae nobilioris supra naturam sensitivam, quae est nobilissima in eis, sed per determinationem ad diversos gradus in illa natura. Et similiter dicendum est de intellectuali, quod est commune in Angelis.

 

10. Il ne semble pas universellement vrai qu’une diffйrence de genre plus imparfaite se multiplie en beaucoup d’espиces. Car on divise les corps en animй et inanimй : plus nombreuses cependant paraissent кtre les espиces de corps animйs que celles des inanimйs, surtout si les corps cйlestes sont animйs, et si toutes les йtoiles sont diffйrentes en espиce entre elles. Mais c’est aussi dans les plantes et les animaux qu’il y a la plus grande diversitй d’espиces. Pour en rechercher cependant une vйritй, il faut considйrer que Denys semble йmettre une opinion contraire aux Platoniciens. Car ceux-ci disent que plus les substances sont proches d’un premier UN, moins elles sont nombreuses. Mais Denys dit (La Hiйrarchie des anges, (XIV PG. 321), que les anges surpassent toute multitude matйrielle. Mais que les deux opinions soient vraies, on peut le concevoir par ce qui est corporel, en qui plus on trouve un corps supйrieur, moins il a de matiиre, mais il s’йtend dans un plus grande quantitй. C'est pourquoi comme le nombre est d’une certaine maniиre la cause de la quantitй continue, selon que le point constitue une unitй, et le point constitue la ligne, pour parler а la maniиre des Platoniciens, ainsi aussi dans toute l’universalitй des choses, plus certaines sont supйrieures dans les йtants, plus elles ont de multitude formelle, qui est atteinte selon la distinction des espиces et en cela on conserve la parole de Denys, mais moins dans la multitude matйrielle qui est atteinte selon la distinction des individus dans une mкme espиce, ce qui conserve l’opinion des Platoniciens. Mais une seule espиce animale raisonnable est constituйe, avec beaucoup d’espиces d’animaux sans raison, d’oщ provient que l’animal raisonnable est constituй de ce que la nature corporelle atteint en son degrй suprкme, la nature des substances spirituelles dans leur plus bas degrй. Mais le degrй suprкme d’une nature ou bien aussi le plus bas, est unique seulement : quoiqu’on puisse dire qu’il y a de nombreuses espиces d’animaux douйs de raison si quelqu’un pensait que les corps cйlestes sont animйs.

10. Ad decimum dicendum quod hoc non videtur esse universaliter verum, quod imperfectior differentia generis in plures species multiplicetur. Corpus enim dividitur per animatum et inanimatum: plures tamen videntur esse species animatorum corporum quam inanimatorum, praecipue si corpora caelestia sint animata, et omnes stellae ab invicem specie differant. Sed et in plantis et animalibus est maxima diversitas specierum. Ut tamen huius rei veritas investigetur, considerandum est quod Dionysius Platonicis contrariam sententiam proferre videtur. Dicunt enim Platonici quod substantiae quo sunt primo uni propinquiores, eo sunt minoris numeri. Dionysius vero dicit in XIV cap. angelicae hierarchiae, quod Angeli omnem materialem multitudinem transcendunt. Utrumque autem verum esse aliquis potest ex rebus corporalibus percipere; in quibus quanto corpus aliquod invenitur superius, tanto minus habet de materia, sed in maiorem quantitatem extenditur. Unde cum numerus quodammodo sit causa quantitatis continuae, secundum quod punctum constituit unitas, et punctus lineam, ut more Platonicorum loquamur: ita est etiam in tota rerum universitate, quod quanto aliqua sunt superiora in entibus, tanto plus habent de formali multitudine, quae attenditur secundum distinctionem specierum: et in hoc salvatur dictum Dionysii: minus autem de multitudine materiali quae attenditur secundum distinctionem individuorum in eadem specie; in quo salvatur dictum Platonicorum. Quod autem est una sola species animalis rationalis, multis existentibus speciebus irrationalium animalium, ex hoc provenit, quia animal rationale constituitur ex hoc quod natura corporea attingit in sui supremo naturam substantiarum spiritualium in sui infimo. Supremus autem gradus alicuius naturae, vel etiam infimus, est unus tantum: quamvis posset dici plures esse species rationalium animalium, si quis poneret corpora caelestia animata.

 

11. Les hommes font partie des crйatures corruptibles, qui sont une partie infinie de l’univers, en laquelle on trouve certaines choses ordonnйes non seulement par soi mais aussi par accident. Et c’est pourquoi dans l’Йglise militante la diversitй selon la puissance et l’ordre ne diffйrencie pas l’espиce ; c’est autrement dans les anges, qui sont la partie supйrieure de l’univers, comme on l’a dit. Mais dans les hommes, la ressemblance des anges n’est pas parfaite, mais il arrive qu’elle est telle, comme on l’a dit.

11. Ad undecimum dicendum quod homines continentur inter creaturas corruptibiles, quae sunt infinita pars universi, in qua inveniuntur aliqua ordinata non solum per se, sed etiam per accidens. Et ideo in Ecclesia militanti diversitas secundum potentiam et ordinem non diversificat speciem; secus autem est in Angelis, qui sunt suprema pars universi, ut dictum est. Est autem in hominibus Angelorum similitudo non perfecta, sed qualem esse contingit, ut dictum est.

 

12. Parce que les ornements de la terre et de l’eau sont corruptibles, ils requiиrent la pluralitй dans une mкme espиce, comme on l’a dit. Mais les corps cйlestes sont aussi de diffйrentes espиces, comme on l’a dit, car la lumiиre n’est pas leur forme susbtantielle, puisqu’elle est qualitй sensible par soi ; ce qu’on ne peut dire d’aucune forme substantielle. Et ensuite la lumiиre n’est pas de la mкme nature en toutes choses, ce qui paraоt du fait que les rayons des diffйrents corps supйrieurs ont des effets diffйrents.

12. Ad duodecimum dicendum quod ornamenta terrae et aquae, quia corruptibilia sunt, requirunt multitudinem in eadem specie, ut dictum est. Corpora autem caelestia etiam sunt diversarum specierum, ut dictum est: lux enim non est forma substantialis eorum, cum sit qualitas per se sensibilis; quod de nulla forma substantiali dici potest. Et praeterea non est eiusdem rationis lux in omnibus; quod patet ex hoc quod diversorum corporum superiorum radii diversos habent effectus.

 

13. L’individuation dans les anges ne se fait pas par la matiиre, mais par le fait qu’ils sont les formes subsistantes par soi, qui ne sont pas destinйes а кtre dans un substrat ou une matiиre, comme on la dit.

13. Ad decimumtertium dicendum quod individuatio in Angelis non est per materiam, sed per hoc quod sunt formae per se subsistentes, quae non sunt natae esse in subiecto vel materia, ut dictum est.

 

14. Les anciens philosophes ont pensй que ce qui connaоt doit кtre de la nature de ce qui est connu ; c'est pourquoi Empйdocle a dit (L’вme, I, 2, 404 b 13) que nous connaissons la terre par la terre et l’eau par l’eau. Mais pour s’y opposer Aristote (L’вme, III, 4, 429 a 21) a pensй que la puissance cognitive en nous, dans la mesure oщ elle est en puissance, est vide de la nature des connaissables, comme la pupille est vide de couleur, mais cependant le sens en acte est senti en acte, en tant qu’il devient sens en acte, par le fait qu’il est mis en forme par une espиce sensible, et par la mкme raison l’intellect en acte est ce qui est compris en acte, en tant qu’il est mis en forme par l’espиce intelligible : car la pierre n’est pas dans l’вme, mais la forme de la pierre, comme il le dit lui-mкme (L’вme, III, 8, 431 b 29). De ce fait il y a quelque chose d’intelligible en acte qui est sйparй de la matiиre et c’est pourquoi il dit (L’вme, III, 4, 430 a 2) que dans ce qui est sans matiиre, ce qui comprend et ce qui est compris sont identiques. Donc il ne faut pas que l’ange qui pense soit le mкme en substance que l’ange qui est pensй s’ils sont immatйriels, mais il faut que l’intellect de l’un soit mis en forme par la ressemblance de l’autre.

14. Ad decimumquartum dicendum quod antiqui philosophi posuerunt quod cognoscens debet esse de natura rei cognitae; unde Empedocles dixit quod terram terra cognoscimus, et aquam aqua. Sed ad hoc excludendum Aristoteles posuit quod virtus cognoscitiva in nobis, prout est in potentia, est denudata a natura cognoscibilium, sicut pupilla a colore; sed tamen sensus in actu est sensatum in actu, in quantum fit sensus in actu per hoc quod informatur specie sensibili; et eadem ratione intellectus in actu est intellectum in actu, in quantum informatur per speciem intelligibilem: non enim lapis est in anima, sed species lapidis, ut ipse dicit. Ex hoc autem est aliquid intelligibile in actu, quod est a materia separatum; et ideo dicit quod in his quae sunt sine materia, idem est intellectus et quod intelligitur. Non ergo oportet quod Angelus intelligens sit idem in substantia quod Angelus intellectus, si sunt immateriales; sed oportet quod intellectus unius formetur per similitudinem alterius.

 

15. Le nombre qui est causй par la division du continu est une espиce de quantitй, et est seulement dans les substances matйrielles. Mais dans les substances immatйrielles il y a la multitude qui vient des transcendantaux, selon que l’un et beaucoup divisent l’йtant, et cette pluralitй suit la distinction formelle.

15. Ad decimumquintum dicendum quod numerus qui causatur ex divisione continui est species quantitatis, et est tantum in substantiis materialibus. Sed in substantiis immaterialibus est multitudo quae est de transcendentibus, secundum quod unum et multa dividunt ens; et haec multitudo consequitur distinctionem formalem.

 

16. La diffйrence entre la cause et l’effet est placйe par certains pour multiplier les substances sйparйes ; en tant qu’ils pensent que c’est de cela que proviennent les diffйrents degrйs, en eux ; dans la mesure oщ l’effet est en dessous de sa cause. C'est pourquoi si nous pensons qu’il y a diffйrents degrйs dans les substances, immatйrielles, par l’ordre de la sagesse divine qui les cause, il restera une mкme raison de distinction, mкme si l’une d’elles n’est pas la cause de l’autre.

16. Ad decimumsextum dicendum quod differentia secundum causam et causatum ponitur a quibusdam multiplicare substantias separatas, in quantum per hoc ponunt provenire diversos gradus in eis, prout causatum est infra suam causam. Unde si ponimus diversos gradus in substantiis immaterialibus ex ordine divinae sapientiae causantis, remanebit eadem distinctionis ratio, etiam si una earum non sit causa alterius.

 

17. Comme n’importe quelle nature crййe est finie, elle ne reprйsente pas parfaitement la bontй divine comme la multitude des natures, parce que ce qui est contenu de multiples faзons en de nombreuses natures est reзu en Dieu sous l’unitй et ainsi il a fallu qu’il y ait de nombreuses natures dans l’univers, et ainsi que dans les substances angйliques.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod quaelibet natura creata, cum sit finita, non ita perfecte repraesentat divinam bonitatem sicut multitudo naturarum: quia quod in multis naturis multipliciter continetur, comprehenditur in Deo unite; et ideo oportuit esse plures naturas in universo, et etiam in substantiis angelicis.

 

18. On considиre l’opposition des diffйrences qui constituent les espиces angйliques en tant que parfait et imparfait ou ce qui excиde ou ce qui est excйdй, comme c’est aussi dans les nombres, et comme se comportent l’animй et l’inanimй, etc..

18. Ad decimumoctavum dicendum, quod oppositio differentiarum constituentium angelicas species, accipitur secundum perfectum et imperfectum, vel excedens et excessum; sicut est etiam in numeris, et sicut se habent animatum et inanimatum, et alia huiusmodi.

 

 

Article 9 : L’intellect possible est-il unique dans tous les hommes ? Articulus 9 : Nono quaeritur utrum intellectus possibilis sit unus in omnibus hominibus

 

Il semble que oui[176].

Et videtur quod sic.

 

 Objections

1. Augustin dit dans le livre La Dimension[177] de l’вme (XXXII, 69. PL. 33, 1073[178]) : « Si j’avais dit que les вmes sont nombreuses, je me serais moquй de moi ». Donc il semble risible de dire qu’il y a beaucoup d’вmes intellectives.

1. Dicit enim Augustinus in libro de quantitate animae: si dixero multas esse animas, ipse me ridebo. Derisibile ergo videtur dicere multas animas intellectivas esse.

 

2. En ce qui est sans matiиre, il y a un seul individu par espиce, comme on l’a montrй (art. 8). Mais comme l’intellect possible, ou вme intellective est une substance spirituelle, elle n’est pas composйe de matiиre et de forme, comme on l’a montrй plus haut (art. 1). Donc il y a seulement un вme intellective, ou intellect possible dans toute l’espиce humaine.

2. Praeterea, in his quae sunt sine materia, est unum individuum in una specie, ut ostensum est. Sed intellectus possibilis, sive anima intellectiva, cum sit substantia spiritualis, non est compositus ex materia et forma, ut prius ostensum est. Ergo est una tantum anima intellectiva, sive intellectus possibilis, in tota specie humana.

 

3. Mais on pourrait dire que mкme si l’вme intellective n’a pas de matiиre par laquelle elle existe, elle a cependant une matiиre en laquelle elle est, а savoir le corps ; selon leur multiplication, les вmes intellectives sont multipliйes. En sens contraire, une fois retirйe la cause,  l’effet est retirй. Si donc la multiplication des corps est la cause de la pluralitй des вmes, une fois retirй les corps, beaucoup d’вmes ne peuvent pas demeurer.

3. Sed dicebat quod etsi anima intellectiva non habeat materiam ex qua sit, habet tamen materiam in qua est, scilicet corpus, secundum quorum multiplicationem multiplicantur animae intellectivae.- Sed contra, remota causa removetur effectus. Si igitur multiplicatio corporum est causa multitudinis animarum, remotis corporibus, non possunt multae animae remanere.

 

4. L’individuation se fait selon la dйterminations des principes essentiels, car de mкme qu’il est de la nature de l’homme d’кtre composй d’une вme et d’un corps, il est de la nature de Socrate d’кtre composй de cette вme et de ce corps, comme le fait voir le philosophe (Mйtaphysique, VII, 10, 1035b 29[179]). Mais le corps n’est pas de l’essence de l’вme. Donc il est impossible que l’вme soit individuйe par le corps, et ainsi les вmes ne sont pas multipliйes selon la multiplicitй des corps.

4. Praeterea, individuatio fit secundum determinationem principiorum essentialium; sicut enim de ratione hominis est ut componatur ex anima et corpore, ita de ratione Socratis est ut componatur ex hac anima et hoc corpore, ut patet per philosophum in VII Metaph. Sed corpus non est de essentia animae. Ergo impossibile est quod anima individuetur per corpus, et ita non multiplicabuntur animae secundum multiplicationem corporum. 

 

5. Augustin dit dans Contra Felicianum (XII, PL. 42, 1167[180]): : « Si nous recherchons l’origine de la puissance qui donne la vie, d’abord, l’вme est avant la mиre, aprиs elle semble nйe d’elle avec la descendance » et il parle de : «l’вme par laquelle la mиre est animйe », comme il l’ajoute aussitфt. Par cela il semble dire que c’est la mкme вme dans la mиre et le fils, et d’une mкme nature dans tous les hommes.

5 Praeterea, Augustinus dicit contra Felicianum: si originem animantis potentiae requiramus, prior est anima matre, et ex hac rursus nata videtur cum sobole; et loquitur de anima per quam animata est mater, ut statim subdit. Ex quo videtur dicere quod sit eadem anima in matre et filio, et eadem ratione in omnibus hominibus.

 

6. Si l’intellect possible йtait diffйrent en moi et en toi, il faudrait que l’intellection soit diffйrente en moi et en toi, puisqu’elle est dans l’intellect, et ainsi l’intellect est comptй par le nombre des hommes individuels. Mais tout ce qui est comptй par le nombre des individus a une intellection commune, et ainsi une intellection viendra d’une intellection а l’infini, ce qui est impossible. Donc il n’y a pas un autre intellect possible en moi et en toi.

6. Praeterea, si intellectus possibilis esset alius in me et alius in te, oporteret quod res intellecta esset alia in me et alia in te, cum res intellecta sit in intellectu; et ita res intellecta numeraretur per numerationem individuorum hominum. Sed omnia quae numerantur per numerationem individuorum, habent rem intellectam communem; et sic rei intellectae erit aliqua res intellecta in infinitum; quod est impossibile. Non ergo est alius intellectus possibilis in me et in te. 

 

7. S’il n’y avait pas un seul intellect possible dans tous les hommes, quand il arrive que la science est causйe dans l’йlиve par le maоtre, il faudrait que, ou bien la mкme science en nombre, qui est dans le maоtre passe dans l’йlиve, ou bien que la science du maоtre cause la science de l’йlиve, comme la chaleur du feu cause la chaleur dans le bois, sinon apprendre ne serait plus autre chose que se remйmorer. Car si l’йlиve possйdait avant d’apprendre la science qu’il apprend, apprendre serait se remйmorer[181]. Mais s’il ne l’a pas d’abord, ou bien il acquiert celle qui existe avant dans un autre, а savoir dans le maоtre ou bien qui n’existe pas avant dans un autre, et ainsi il faut que ce qui est en lui de nouveau soit causй par un autre. Mais ces trois solutions sont impossibles. En effet la science qui est un accident, ne peut pas la mкme  en nombre passer d’un sujet dans un autre, parce que, comme Boиce (Categ. T, PL 64, 173) le dit, les accidents peuvent se corrompre, ils ne peuvent pas кtre transportйs ailleurs. De la mкme maniиre aussi il est impossible que la science du maоtre cause la science dans l’йlиve, d’une part, parce que la science n’est pas une qualitй active, d’autre part, parce que les paroles que le maоtre profиre incitent seulement l’йlиve а comprendre, comme Augustin le dit (La maоtre, passim) Mais que le fait d’apprendre soit se remйmorer, est contre le philosophe (I Posterior. 1. 71a). Donc il n’y pas un intellect possible diffйrent dans tous les hommes.

7. Praeterea, si non esset unus intellectus possibilis in omnibus hominibus, cum contingit scientiam a magistro in discipulo causari, oporteret quod vel eadem numero scientia quae est in magistro deflueret ad discipulum, vel quod scientia magistri causaret scientiam discipuli, sicut calor ignis causat calorem in lignis, vel quod addiscere non esset aliud quam reminisci. Si enim discipulus habeat ante addiscere scientiam quam addiscit, addiscere est reminisci. Si vero non habeat eam prius, aut acquirit eam existentem prius in alio, scilicet in magistro, aut non existentem prius in alio, et sic oportet quod in eo de novo causetur ab alio. Haec autem tria sunt impossibilia. Cum enim scientia accidens, non potest eadem numero transire de subiecto in subiectum, quia ut Boetius dicit, accidentia corrumpi possunt, transmutari non possunt. Similiter etiam impossibile est quod scientia magistri causet scientiam in discipulo, tum quia scientia non est qualitas activa, tum quia verba quae magister profert solum excitant discipulum ad intelligendum, ut Augustinus dicit in libro de magistro. Quod autem addiscere sit reminisci, est contra philosophum in I Poster. Non est ergo alius et alius intellectus possibilis in omnibus hominibus.

 

8. Tout pouvoir de connaоtre qui est dans une matiиre corporelle[182], connaоt seulement ce qui a une affinitй avec la matiиre en laquelle elle est, ainsi la vue connaоt seulement les couleurs qui ont une affinitй avec la pupille, qui reзoit les couleurs а cause de sa transparence. Mais l’intellect possible ne peut pas recevoir ce qui a seulement affinitй avec tout le corps, ou bien avec chacune de ses parties. Donc l’intellect possible n’est pas un pouvoir cognitif dans la matiиre corporelle, ni dans tout le corps, ni dans l’une de ses parties. Donc il n’est pas multipliй selon la multiplication des corps.

8. Praeterea, omnis virtus cognoscitiva quae est in materia corporali, cognoscit ea tantum quae habent affinitatem cum materia in qua est; sicut visus cognoscit tantum colores qui habent affinitatem cum pupilla, quae est susceptiva colorum propter suam diaphaneitatem. Sed intellectus possibilis non est susceptivus eorum tantum quae habent affinitatem vel cum toto corpore, vel cum quacumque parte eius. Intellectus ergo possibilis non est virtus cognoscitiva in materia corporali, neque in toto corpore neque in aliqua parte eius. Ergo non multiplicatur secundum multiplicationem corporum.

 

9. Si l’вme intellective ou intellect possible est multipliйe selon la multiplication des corps, ce n’est que parce qu’elle est la forme du corps. Mais elle ne peut pas кtre la forme du corps, puisqu’elle est composйe de matiиre et de forme, comme beaucoup le pensent ; car le composй de matiиre et de forme ne peut pas кtre la forme de quelque chose. Donc l’вme intellective, ou intellect possible, ne peut pas кtre multipliйe selon la multiplicitй des corps

9. Praeterea, si anima intellectiva vel intellectus possibilis multiplicatur secundum multiplicationem corporum, hoc non est nisi quia est corporis forma. Sed non potest esse corporis forma, cum sit composita ex materia et forma, ut a multis ponitur; compositum enim ex materia et forma non potest esse alicuius forma. Ergo anima intellectiva, sive intellectus possibilis, non potest multiplicari secundum multitudinem corporum.

 

10. Comme Cyprien le dit (Epist. ad Magnum, PL. 3, 1143), le Seigneur a  empкchй ses disciples d’entrer dans la citй des  Samaritains, а cause du pйchй [causй par le] schisme, parce que depuis le rиgne de David, ils se sont sйparйs des dix tribus, йtablissant par la suite un royaume pour eux en Samarie. Et c’йtait le mкme peuple du temps du Christ que celui avait existй auparavant. Mais ainsi le peuple se comporte vis-а-vis du peuple, comme l’homme vis-а-vis de l’homme et l’вme vis-а-vis de l’вme. Donc pour la mкme raison une seule вme est dans celui qui a йtй avant, et dans l’autre qui a suivi aprиs, et ainsi par la mкme raison la mкme вme sera dans chaque homme.

10. Praeterea, sicut Cyprianus dicit, dominus prohibuit discipulis ne in civitatem Samaritanorum intrarent propter peccatum schismatis; quia a regno David recesserunt decem tribus, in Samaria caput sibi regni postmodum statuentes. Idem autem populus erat tempore Christi qui prius fuerat. Sic autem se habet populus ad populum sicut homo ad hominem, et anima ad animam. Ergo eadem ratione una anima est in eo qui prius fuit, et in alio qui post sequitur; et sic per eamdem rationem eadem anima erit in singulis hominibus.

 

11. L’accident dйpend plus du substrat que la  forme de la matiиre, puisque la forme donne l’кtre а la matiиre absolument, mais l’accident ne donne absolument pas l’кtre au substrat. Mais un seul accident peut кtre dans de nombreuses substances, de mкme qu’un seul temps est dans de nombreux mouvements, comme Anselme le dit (Dialogus de veritate, fin., PL. 158, 486[183]). Donc beaucoup plus une seule вme peut кtre celle de nombreux corps, et ainsi il ne faut pas qu’il y ait de nombreux intellects possibles.

11. Praeterea, magis dependet accidens a subiecto quam forma a materia; cum forma det esse materiae simpliciter, accidens autem non dat esse simpliciter subiecto. Sed unum accidens potest esse in multis substantiis, sicut unum tempus est in multis motibus, ut Anselmus dicit. Ergo multo magis una anima potest esse multorum corporum; et sic non oportet esse multos intellectus possibiles.

 

12. L’вme intellective est plus puissante que l’вme vйgйtative. Mais l’вme vйgйtative a la puissance d’animer quelque chose hors du corps dont elle est la forme ; car Augustin dit (La musique, VI, VIII, 21[184]) que les rayons visuels sont par l’вme de celui qui voit, mкme produit au loin jusqu’а la chose vue. Donc beaucoup plus l’вme intellective peut achever d’autres corps en plus du corps oщ elle est.

12. Praeterea, anima intellectiva virtuosior est quam vegetativa. Sed anima vegetativa est potens vegetare aliquid extra corpus cuius est forma; dicit enim Augustinus in VI musicae, quod radii visuales vegetantur ab anima videntis, etiam longe producti usque ad rem visam. Ergo multo magis anima intellectiva potest perficere alia corpora praeter corpus in quo est.

 

13. Si l’intellect possible est multipliй avec la multiplication des corps, il faut que les espиces intelligibles qui sont dans l’intellect possible en moi et en toi, soient multipliйes selon la multiplication des corps. Mais de toutes les formes multipliйes selon la multiplication de la matiиre corporelle, on peut en abstraire une application commune. Donc, on peut abstraire par les formes saisies par l’intellect possible une application intellectuelle commune, et par la mкme raison, comme cette application saisie est multipliйe en rapport avec la multiplication de l’intellect possible ce sera abstraire а l’infini une autre application saisie. Mais cela est impossible. Donc Il n’y a qu’un seul intellect possible dans tous.

13. Praeterea, si intellectus possibilis multiplicatur secundum multiplicationem corporum, oportet quod species intelligibiles quae sunt in intellectu possibili in me et in te, secundum multiplicationem corporum multiplicentur. Sed ab omnibus formis multiplicatis secundum multiplicationem materiae corporalis, potest abstrahi aliqua intentio communis. Ergo a formis intellectis per intellectum possibilem potest abstrahi aliqua intentio intellecta communis; et eadem ratione, cum illa intentio intellecta multiplicetur secundum multiplicationem intellectus possibilis, erit abstrahere aliam intentionem intellectam in infinitum. Hoc autem est impossibile. Est igitur unus intellectus possibilis in omnibus.

 

14. Tous les hommes s’accordent sur les premiers principes. Mais cela ne serait [possible] que si ce par quoi ils connaissent les premiers principes йtait unique et commun а tous les hommes. Or l’intellect possible est de ce genre. Donc il y a un seul intellect possible en tous.

14. Praeterea, omnes homines consentiunt in primis principiis. Sed hoc non esset, nisi id quo cognoscunt prima principia esset unum commune in omnibus hominibus. Huiusmodi autem est intellectus possibilis. Est igitur unus intellectus possibilis in omnibus.

 

15. Aucune forme individuйe et multipliйe par la matiиre n’est comprise en acte. Mais quand l’intellect possible comprend en acte, il est un intellect en acte, et l’intellect en acte se comprend en acte, comme il est dit (L’вme, III, 7, 431 a 1[185]) comme le sens en acte est senti en acte. Donc l’intellect possible n’est pas individuй ni multipliй par la matiиre corporelle, et ainsi il est un en tous.

15. Praeterea, nulla forma individuata et multiplicata per materiam est intellecta in actu. Sed intellectus possibilis, cum actu intelligit, est intellectus in actu; et intellectus in actu est intellectum in actu, ut dicitur III de anima, sicut sensus in actu est sensatum in actu. Ergo intellectus possibilis non est individuatus, neque multiplicatus per materiam corporalem; et ita est unus in omnibus.

 

16. Ce qui est reзu est dans celui qui reзoit selon le mode du receveur. Mais l’espиce intelligible est reзue dans l’intellect comme comprise en acte et non individuйe par la matiиre. Donc l’intellect possible n’est pas individuй par la matiиre. Donc il n’est pas multipliй par la multiplication de la matiиre corporelle.

16 Praeterea, receptum est in recipiente per modum recipientis. Sed species intelligibilis recipitur in intellectu ut intellecta in actu, et non individuata per materiam. Ergo intellectus possibilis non est individuatus per materiam. Ergo neque multiplicatur per multiplicationem materiae corporalis.

 

17. L’intellect possible de Socrate ou de Platon comprend leur essence, puisque l’intellect se reflйchit sur lui-mкme. Donc l’essence mкme de l’intellect possible est comprise en acte. Mais aucune forme individuйe et multipliйe par la matiиre n’est comprise en acte. Donc l’intellect possible n’est pas individuй et multipliй par la matiиre corporelle, et ainsi il reste qu’il y a un seul intellect possible en tous.

17 Praeterea, intellectus possibilis Socratis vel Platonis intelligit essentiam suam, cum intellectus in seipsum reflectatur. Ergo ipsa essentia intellectus possibilis est intellecta in actu. Sed nulla forma individuata et multiplicata per materiam est intellecta in actu. Ergo intellectus possibilis non individuatur et multiplicatur per materiam corporalem; et sic relinquitur quod sit unus intellectus possibilis in omnibus.

 

En sens contraire

1. Il y a ce qui est dit dans l’Apocalypse 7, 9 : « Aprиs cela j’ai vu une grande foule que personne ne pouvait compter ». Mais cette foule, ce ne sont pas des hommes qui vivent corporellement, mais des вmes sйparйes du corps. Donc les вmes intellectives sont nombreuses, non seulement maintenant, quand elles sont unies au corps, mais aussi quand elles en sont dйlivrйes.

1. Sed contra. Est quod dicitur Apocal. cap. VII: post haec vidi turbam magnam quam dinumerare nemo poterat. Turba autem illa non erat hominum corporaliter viventium, sed animarum a corpore absolutarum. Ergo sunt multae animae intellectivae, non solum nunc cum corpori uniuntur, sed etiam a corporibus absolutae.

 

2. Augustin dit (Contra Felicianum, XII, PL 42, 1166-1167) : « Concevons, comme la plupart le veulent, qu’il y a dans le monde une вme gйnйrale[186] », et ensuite il ajoute : « Quand nous exposons de telles choses, nous proclamons qu’il faut les combattre ». Donc il est improbable qu’il y ait une seule вme pour tous.

2. Praeterea, Augustinus dicit contra Felicianum: fingamus, sicut plerique volunt, esse in mundo animam generalem; et postea subdit: cum talia proponimus, oppugnanda praedicamus. Est ergo improbabile quod sit una anima omnium.

 

3. L’вme intellective est liйe au corps humain plus que le moteur au corps cйleste. Mais le Commentateur dit (L’вme, III, comm. 5, f. 166r) au sujet de l’вme que, s’il y avait plusieurs corps mobiles, il y aurait plusieurs moteurs dans les sphиres cйlestes. Donc plus il y a de corps humains, plus les вmes intellectives seront nombreuses, et non un seul intellect possible seulement.

3. Praeterea, magis est alligata anima intellectiva corpori humano, quam corpori caelesti motor eius. Sed Commentator dicit in III de anima quod si essent plura corpora mobilia, essent plures motores in orbibus caelestibus. Ergo magis cum sint multa corpora humana, erunt multae animae intellectivae, et non unus tantum intellectus possibilis.

 

Rйponse

Pour йclairer cette question, il faut comprendre d’abord ce qu’on entend par le nom d’intellect possible et d’intellect agent. Il faut savoir qu’Aristote (De anima, III, 4, 429 a 13[187]) a procйdй en examinant l’intellect par ressemblance avec la sensation. Du cфtй de la sensation, quand nous nous trouvons quelquefois en train de sentir en puissance, quelquefois en acte, il faut placer en nous une puissance sensitive, par laquelle nous sentirions en puissance, qui doit кtre en puissance par la forme sensible, et n’avoir aucune forme d’elle en acte dans son essence, autrement si le sens avait en acte les sensibles, comme les anciens philosophes le pensaient, il en dйcoulerait que nous serions toujours en train de sentir en acte. De la mкme maniиre comme nous nous trouvons quelquefois en train de comprendre[188] en acte, quelquefois en puissance, il est nйcessaire de placer une puissance par laquelle nous comprenons en puissance, qui dans son essence et sa nature n’a rien de la nature des choses sensibles, que nous pouvons comprendre, mais est en puissance а tout ; et pour cela on l’appelle l’intellect possible, de mкme que le sens, selon qu’il est en puissance pourrait кtre appelйs  le sens possible. Mais le sens qui est en puissance est ramenй en acte par les sensibles en acte, qui sont hors de l’вme ; c'est pourquoi il n’est pas nйcessaire de placer un sens agent. Et de la mкme maniиre il ne serait pas nйcessaire de placer un intellect agent, si les universaux, qui sont intelligibles en acte,  subsistaient par soi hors de l’вme comme l’a pensй Platon. Mais parce qu’Aristote a pensй qu’il ne subsistait que dans les sensibles, qui ne sont pas intelligibles en acte, il a jugй nйcessaire de placer une puissance qui ferait des intelligibles en puissance des intelligibles en acte, en abstrayant la forme des choses de la matiиre et des conditions individuantes, et on appelle cette puissance l’intellect agent.

Respondeo. Dicendum quod ad evidentiam huius quaestionis, oportet praeintelligere quid intelligatur nomine intellectus possibilis et agentis. Sciendum est autem, quod Aristoteles, processit ad considerandum de intellectu per similitudinem sensus. Ex parte autem sensus, cum inveniamur quandoque sentientes in potentia, quandoque in actu, oportet ponere in nobis aliquam virtutem sensitivam per quam simus sentientes in potentia; quam oportet esse in potentia ad species sensibilium, et nullam earum habere actu in sua essentia; alioquin si sensus haberet in actu sensibilia, sicut antiqui philosophi posuerunt, sequeretur quod semper essemus sentientes in actu. Similiter cum inveniamur quandoque intelligentes in actu, quandoque in potentia, necesse est ponere aliquam virtutem per quam simus intelligentes in potentia, quae quidem in sua essentia et natura non habet aliquam de naturis rerum sensibilium, quas intelligere possumus, sed sit in potentia ad omnia; et propter hoc vocatur possibilis intellectus; sicut et sensus, secundum quod est in potentia, posset vocari sensus possibilis. Sensus autem qui est in potentia, reducitur in actum per sensibilia actu, quae sunt extra animam; unde non est necesse ponere sensum agentem. Et similiter non esset necesse ponere intellectum agentem, si universalia quae sunt intelligibilia actu, per se subsisterent extra animam, sicut posuit Plato[189]. Sed quia Aristoteles posuit ea non subsistere nisi in sensibilibus, quae non sunt intelligibilia actu, necesse habuit ponere aliquam virtutem quae faceret intelligibilia in potentia esse intelligibilia actu, abstrahendo species rerum a materia et conditionibus individuantibus; et haec virtus vocatur intellectus agens.

 

Donc au sujet de l’intellect possible, Averroиs, dans son commentaire (De Anima, III, comm. f. 1264) a pensй qu’il y avait une substance sйparйe des corps humains selon l’кtre mais qui serait joint а nous par les images ; et а nouveau que ce serait une seul intellect possible pour tous. Mais il est facile de voir que cette opinion est contraire а la foi ; car elle supprime les rйcompenses et les peines de la vie future[190]. Mais il faut montrer que cette position est en soi impossible par les vrais principes de la philosophie. On a montrй ci-dessus comme il s’agissait de l’union de la substance spirituelle au corps, que selon cette opinion, il en dйcoulerait qu’aucun homme particulier ne comprendrait rien. Mais cela donnй, grвce а la discussion, qu’un homme particulier par son intellect ainsi sйparй pourrait comprendre, il en dйcoule trois inconvйnients, si on pense qu’il n’y a qu’un seul intellect possible pour tous par lequel tous les hommes comprennent.

De intellectu ergo possibili Averroes in commento III de anima posuit quod esset quaedam substantia separata secundum esse a corporibus hominum, sed quod continuaretur nobiscum per phantasmata; et iterum quod esset unus intellectus possibilis omnium. Quod autem haec positio sit contraria fidei facile est videre: tollit enim praemia et poenas futurae vitae. Sed ostendendum est hanc positionem esse secundum se impossibilem per vera principia philosophiae. Ostensum est autem supra cum de unione substantiae spiritualis ad corpus ageretur, quod secundum hanc positionem sequeretur quod nullus homo particularis intelligeret aliquid. Sed dato, disputationis gratia, quod aliquis homo particularis per intellectum sic separatum intelligere posset, sequuntur tria inconvenientia, si ponatur quod sit unus intellectus possibilis omnium quo omnes intelligant.

 

1. Parce qu’il n’est pas possible qu’il y ait en mкme temps et en une fois plusieurs actions d’une seule puissance, par rapport au mкme objet. Mais il arrive que deux hommes en mкme temps et en une fois comprennent un seul et mкme intelligible. Si donc l’un et l’autre comprennent par un seul intellect possible, il en йcoulerait qu’une seule et mкme opйration en nombre serait l’opйration intellectuelle de l’un et de l’autre, comme si deux hommes voyaient d’un seul њil, il en dйcoulerait que ce serait la mкme vision pour tous les deux ; ce qui paraоt кtre tout а fait impossible. Et on ne peut pas dire mon intellection est diffйrente de la tienne par la diversitй des images, parce que l’image est dans l’intellect en acte, mais c’est ce qui en est abstrait qui est comptй кtre l’expression. C'est pourquoi la diversitй des images est hors de l’opйration intellectuelle, et ainsi elle ne peut pas la diversifier.

Primo quidem, quia non est possibile unius virtutis simul et semel esse plures actiones respectu eiusdem obiecti. Contingit autem duos homines simul et semel unum et idem intelligibile intelligere. Si igitur uterque intelligit per unum intellectum possibilem, sequeretur quod una et eadem numero esset intellectualis operatio utriusque; sicut si duo homines viderent uno oculo, sequeretur quod eadem esset visio utriusque; quod patet esse omnino impossibile. Nec potest dici quod intelligere meum sit aliud ab intelligere tuo per diversitatem phantasmatum; quia phantasma non est intellectum in actu, sed id quod est ab eo abstractum, quod ponitur esse verbum. Unde diversitas phantasmatum est extrinseca ab intellectuali operatione; et sic non potest diversificare ipsam.

 

2.  Parce qu’il est impossible qu’il y en ait un seul [intellect] en nombre par quoi ils reзoivent l’espиce. Car si deux chevaux se rencontrent dans la mкme [rйalitй] en nombre par laquelle ils auraient l’espиce du cheval, il en dйcoulerait que les deux chevaux seraient un seul cheval, ce qui est impossible. Et pour cela en Mйtaphysique (VIII, 10, 1035 b 30[191]) il est dit que les principes de l’espиce, selon qu’ils sont dйterminйs, constituent l’individu, pour que, si c’est la nature de l’homme d’кtre [composй] d’une вme et d’un corps, il est de la nature de cet homme, qu’il soit [composй] de cette вme et de ce corps. C'est pourquoi il faut que les principes de n’importe quelle espиce soient pluralisйs en plusieurs individus d’une mкme espиce. Ce par quoi quelque chose reзoit l’espиce est connu par sa propre opйration qui suit l’espиce. Car nous jugeons qu’est vrai l’or qui a l’opйration propre de l’or. Mais la propre opйration de l’espиce humaine c’est comprendre, c'est pourquoi le philosophe place l’ultime bonheur de l’homme selon cette opйration en Йthique (X, 7, 1177 a 11[192]). Le principe de cette opйration n’est pas l’intellect passif, c'est-а-dire la puissance cognitive, ou la puissance sensitive appйtitive, qui participe en  raison de quelque maniиre, puisque ces puissances n’ont d’opйration que par un organe naturel. Mais comprendre (penser) ne peut pas exister par un organe corporel, comme c’est prouvй L’вme (III, 4) Et ainsi il reste que l’intellect possible est ce par quoi cet homme reзoit l’espиce humaine ; mais pas l’intellect passif, comme Averroиs (De anima, III, comm. 20) l’imagine. Il reste donc qu’il est impossible qu’il y ait un seul intellect possible dans tous les hommes.

Secundo, quia impossibile est esse unum numero in individuis eiusdem speciei illud per quod speciem sortiuntur. Si enim duo equi convenirent in eodem secundum numerum quo speciem equi haberent, sequeretur quod duo equi essent unus equus; quod est impossibile. Et propter hoc in VII Metaph. dicitur, quod principia speciei, secundum quod sunt determinata, constituunt individuum; ut si ratio hominis est ut sit ex anima et corpore, de ratione huius hominis est quod sit ex hac anima et ex hoc corpore. Unde principia cuiuslibet speciei oportet plurificari in pluribus individuis eiusdem speciei. A quo autem aliquid speciem sortiatur, cognoscitur a propria operatione speciem consequente. Diiudicamus enim esse verum aurum, quod habet propriam operationem auri. Propria autem operatio humanae speciei est intelligere; unde secundum hanc operationem ponit philosophus ultimam hominis felicitatem in X Ethic. Huius autem operationis principium non est intellectus passivus, id est vis cogitativa, vel vis appetitiva sensitiva, quae participat aliqualiter ratione; cum hae vires non habeant operationem nisi per organum corporale. Intelligere autem non potest esse per organum corporale, ut in III de anima probatur. Et sic relinquitur quod intellectus possibilis sit quo hic homo speciem humanam sortitur; non autem intellectus passivus, ut Averroes fingit. Relinquitur ergo quod impossibile sit unum intellectum possibilem in omnibus hominibus esse.

 

3. Troisiиmement il en dйcoulerait que l’intellect possible ne recevrait aucune forme abstraite de nos  images, s’il n’y avait qu’un seul intellect possible pour tous ceux qui existent et qui ont existй. Parce  dйjа comme beaucoup d’hommes nous ont prйcйdй en comprenant beaucoup de choses, il en dйcoulerait que par rapport а  tout ce qu’il ont su, [l’intellect possible] serait en acte et non en puissance pour recevoir ; parce que rien ne reзoit ce qu’il a dйjа. De lа par la suite il en dйcoulerait que si nous sommes en train de comprendre et de savoir par l’intellect possible, savoir en nous ne serait que se remйmorer. Quoiqu’il paraisse ne pas convenir en soi que l’intellect possible, s’il йtait une substance sйparйe selon l’кtre devienne en acte par les images, puisque les кtre supйrieurs n’ont pas besoin des infйrieurs pour leur perfection. Car de mкme qu’il ne convient pas de dire que les corps cйlestes deviennent en acte en recevant des corps infйrieurs, de la mкme maniиre et beaucoup plus, il est impossible qu’une substance sйparйe devienne en acte en recevant des images.

Tertio sequeretur quod intellectus possibilis non reciperet aliquas species a phantasmatibus nostris abstractas, si sit unus intellectus possibilis omnium qui sunt et qui fuerunt. Quia iam cum multi homines praecesserint multa intelligentes, sequeretur quod respectu omnium illorum quae illi sciverunt, sit in actu et non sit in potentia ad recipiendum; quia nihil recipit quod iam habet. Ex quo ulterius sequeretur quod si nos sumus intelligentes et scientes per intellectum possibilem, quod scire in nobis non sit nisi reminisci. Quamvis et hoc ipsum secundum se inconveniens videatur, quod intellectus possibilis, si sit substantia separata secundum esse, efficiatur in actu per phantasmata, cum superiora in entibus non indigeant inferioribus ad sui perfectionem. Sicut enim inconveniens esset dicere quod corpora caelestia perficiantur in actu accipiendo a corporibus inferioribus; similiter, et multo amplius, est impossibile quod aliqua substantia separata perficiatur in actu, accipiendo a phantasmatibus.

 

Il est йvident aussi que cette position est en contradiction avec les paroles d’Aristote (L’вme, III, 4, 429 a 23). En effet quand il commence sa recherche sur l’intellect possible, aussitфt dиs le commencement il dйsigne cette partie de l’вme en disant : « La partie par laquelle l’вme connaоt et juge[193] ». Mais en voulant chercher la nature de l’intellect possible, il йmet un doute, la partie intellective est-elle sйparable des autres parties de l’вme dans un substrat, comme Platon l’a pensй, ou en raison seulement et c’est ce qu’il dit (L’вme, III, 4, 429 a 1) : « Ou par une existence sйparйe, ou insйparable selon la grandeur mais selon la raison ». Par lа il apparaоt que si on place n’importe lequel des deux, sa proposition qui concerne l’intellect possible est valable. Mais il ne serait pas valable qu’elle soit sйparйe en raison seulement, si la position susdite йtait vraie. C'est pourquoi cette opinion n’est pas celle d’Aristote. Mais il ajoute ensuite que l’intellect possible est ce par quoi l’вme  pense et comprend et [accomplit] beaucoup d’autres choses de ce genre. Par cela йvidemment il donne а comprendre que l’intellect possible est quelque chose de l’вme et n’est pas une substance sйparйe.

Manifestum est etiam quod haec positio repugnat verbis Aristotelis. Cum enim incipit inquirere de intellectu possibili, statim a principio nominat eum partem animae, dicens: de parte autem animae, qua cognoscit anima et sapit. Volens autem inquirere de natura intellectus possibilis, praemittit quamdam dubitationem, scilicet utrum pars intellectiva sit separabilis ab aliis partibus animae subiecto, ut Plato posuit, vel ratione tantum; et hoc est quod dicit: sive separabili existente, sive inseparabili secundum magnitudinem, sed secundum rationem. Ex quo apparet quod si utrumlibet horum ponatur, stabit sententia sua, quam intendit de intellectu possibili. Non autem staret quod esset separata secundum rationem tantum, si praedicta positio vera esset. Unde praedicta opinio non est sententia Aristotelis. Postmodum etiam subdit, quod intellectus possibilis est quo opinatur et intelligit anima; et multa alia huiusmodi. Ex quibus manifeste dat intelligere quod intellectus possibilis sit aliquid animae, et non sit substantia separata.

 

Solutions

1. Augustin comprend qu’il est risible de placer de nombreuses вmes d’hommes diffйrents, de sorte cependant qu’ils diffиrent pas en nombre et en espиce, et surtout selon l’opinion des Platoniciens, qui au-dessus de tout ce qui est d’une seule espиce, ont pensй qu’il y avait un [кtre] commun subsistant.

1 Ad primum ergo dicendum quod Augustinus intelligit derisibile esse quod ponantur diversorum hominum animae multae, tamen ita quod numero et specie differant; et praecipue secundum opinionem Platonicorum, qui supra omnia quae sunt unius speciei, posuerunt unum aliquod commune subsistens.

 

2. De mкme que les anges n’ont pas de matiиre par laquelle ils existent, de mкme ils n’ont pas de matiиre en laquelle ils sont, mais l’вme a la matiиre en laquelle elle est et c'est pourquoi les anges ne peuvent pas кtre nombreux dans une seule espиce, mais les вmes d’une seule espиce peuvent кtre nombreuses[194].

2. Ad secundum dicendum, quod Angeli sicut non habent materiam ex qua sunt, ita non habent materiam in qua sunt; anima vero habet materiam in qua est: et ideo Angeli non possunt esse multi in una specie, sed animae possunt esse multae unius speciei.

 

3. Le corps se comporte vis-а-vis de l’вme, comme il se comporte pour l’individuation ; parce que chaque chose а l’identique est une et un йtant. Mais l’кtre de l’вme lui est acquis selon qu’elle est unie а un corps, avec lequel elle a constituй en mкme temps une seule nature, dont l’un et l’autre est une partie. Et cependant parce que l’вme intellective est une forme qui transcende la capacitй du corps, elle a son кtre йlevй au-dessus du corps ; c'est pourquoi une fois le corps dйtruit, il reste encore l’кtre de l’вme. Et de la mкme maniиre, les вme sont multipliйes selon les corps et cependant une fois retirйs les corps, il reste encore la multitude des вmes.

3. Ad tertium dicendum, quod sicut corpus se habet ad esse animae, ita ad eius individuationem; quia unumquodque secundum idem est unum et ens. Esse autem animae acquiritur ei secundum quod unitur corpori, cum quo simul constituit naturam unam, cuius utrumque est pars. Et tamen quia anima intellectiva est forma transcendens corporis capacitatem, habet esse suum elevatum supra corpus; unde destructo corpore adhuc remanet esse animae. Et similiter secundum corpora multiplicantur animae, et tamen remotis corporibus adhuc remanet multitudo animarum.

 

4. Bien que le corps ne soit pas de l’essence de l’вme, cependant l’вme selon son essence  a un rapport au corps, en tant qu’il lui est essentiel qu’elle soit la forme du corps, et c'est pourquoi dans la dйfinition de l’вme on place le corps. Donc de mкme qu’il est de la nature de l’вme qu’elle soit la forme du corps, de mкme il est de la nature de cette вme, en tant que telle, qu’elle ait un rapport avec ce corps.

4. Ad quartum dicendum quod licet corpus non sit de essentia animae, tamen anima secundum suam essentiam habet habitudinem ad corpus, in quantum hoc est ei essentiale quod sit corporis forma; et ideo in definitione animae ponitur corpus. Sicut igitur de ratione animae est quod sit forma corporis, ita de ratione huius animae, in quantum est haec anima, est quod habeat habitudinem ad hoc corpus.

 

5. Augustin parle ainsi en rapportant l’opinion de ceux qu’il pensent qu’il y a une seule вme universelle, comme on le voit par ce qui a prйcйdй.

5. Ad quintum dicendum quod Augustinus ibi loquitur ex suppositione opinionis ponentium esse unam animam universalem, ut ex praecedentibus patet.

 

6. Dans cette opinion Averroиs semble placer une puissance importante (De anima, III, comm. 5 f. 166) ; parce que, apparemment, il en dйcoulerait, comme il le dit lui-mкme, que, si l’intellect possible n’йtait pas unique dans tous les hommes, la chose comprise serait individuйe et nombrйe par l’individuation en comptant les hommes particuliers ; et ainsi elle serait comprise en puissance et non en acte. Il faut donc montrer d’abord que ces inconvenances dйcoulent de ceux qui pensent que l’intellect possible est un, pas moins que ceux qui pensent qu’il est multipliй en trиs grand nombre. Et d’abord quant а l’individuation, il est йvident que la forme qui existe dans une individu est individuйe par la mкme raison par lui, soit qu’elle soit une seulement, dans une seule espиce, comme le soleil, soit quelles soient nombreuses en une seule espиce, comme les perles. Car dans les deux la clartй est individualisйe. Car il faut dire que l’intellect possible est une chose individuelle particuliиre ; car les actes des particuliers existent. Donc qu’il soit un dans une seule espиce ou bien qu’il y en ait beaucoup, pour la mкme raison ce qui est conзu en lui sera individuйe.

6. Ad sextum dicendum quod in hac ratione praecipuam vim videtur Averroes constituere: quia videlicet sequeretur, ut ipse dicit, si intellectus possibilis non esset unus in omnibus hominibus, quod res intellecta individuaretur et numeraretur per individuationem et numerationem singularium hominum; et sic esset intellecta in potentia, et non in actu. Ostendendum est igitur primo quod ista inconvenientia non minus sequuntur ponentibus intellectum possibilem esse unum quam ponentibus ipsum multiplicari in multis. Et primo quidem quantum ad individuationem, manifestum est quod forma existens in aliquo individuo eadem ratione individuatur per ipsum, sive sit unum tantum in una specie, sicut sol, sive multa in una specie, sicut margaritae. In utrisque enim est claritas individuata. Oportet enim dicere quod intellectus possibilis sit quoddam individuum singulare; actus enim singularium sunt. Sive igitur sit unus in una specie, sive multi, eadem ratione individuabitur res intellecta in ipso.

 

Quant а la multiplication il est йvident que, s’il n’y a pas de nombreux intellects possibles dans l’espиce humaine, il y a cependant de nombreux intellects dans l’univers, dont beaucoup comprennent l’un et le mкme. Il restera donc un mкme doute : ce qui est compris est-il un ou plusieurs dans les diffйrents [intellects]. Donc on ne peut pas le prouver, parce qu’une fois sa position donnйe, il restera encore la mкme inconvenance.

Quantum vero ad multiplicationem, manifestum est quod, si non sint multi intellectus possibiles in specie humana, sunt tamen multi intellectus in universo, quorum multi intelligunt unum et idem. Remanebit ergo eadem dubitatio, utrum res intellecta sit una vel plures in diversis. Non ergo potest per hoc probare suam intentionem; quia, sua positione posita, adhuc eadem inconvenientia remanebunt.

 

Et c’est pourquoi pour sa solution il faut considйrer que, s’il faut parler pour l’intellect de ressemblance avec la sensation, comme cela se voit par le raisonnement d’Aristote dans L’вme, (III), il faut dire que ce qui est compris ne se comporte pas vis-а-vis de l’intellect possible comme une espиce intelligible, par laquelle l’intellect possible serait en acte, mais cette espиce se comporte comme principe formel par lequel l’intellect comprend. Mais le concept ou ce qui est compris se comporte comme placй ou formй par l’opйration de l’intellect, ou bien c’est la quidditй simple, ou bien la composition et la division de la proposition.

Et ideo ad huius solutionem considerandum est quod si de intellectu loqui oporteat secundum similitudinem sensus, ut patet ex processu Aristotelis in III de anima, oportet dicere quod res intellecta non se habet ad intellectum possibilem ut species intelligibilis, qua intellectus possibilis sit actu; sed illa species se habet ut principium formale quo intellectus intelligit. Intellectum autem, sive res intellecta, se habet ut constitutum vel formatum per operationem intellectus: sive hoc sit quidditas simplex, sive sit compositio et divisio propositionis.

 

Car, Aristote signale ces deux opйrations de l’intellect, dans L’вme (III, 6, 430 a 26 ss.). L’une qu’il appelle intelligence indivisible, par laquelle apparemment l’intellect apprйhende la nature d’une chose, et celle-ci les arabes l’appellent formation ou imagination par l’intellect. Il place l’autre, а savoir la composition et la division des concepts que les Arabes appelle crйdulitй ou foi. Mais pour l’une et l’autre de ces opйrations, est comprise d’avance l’espиce intelligible, par laquelle l’intellect possible devient acte ; parce que l’intellect possible n’opиre que selon qu’il est en acte ; comme la vision ne voit que par ce qui est devenu en acte par l’espиce visible. C'est pourquoi la forme visible ne se comporte pas comme ce qui est vu mais comme ce par quoi il est vu. Et il en est de mкme pour l’intellect possible, а moins qu’il ne se rйflйchisse sur lui-mкme et sur sa forme, mais pas la vue.

Has enim duas operationes intellectus Aristoteles assignat in III de anima. Unam scilicet quam vocat intelligentiam indivisibilem, qua videlicet intellectus apprehendit quod quid est alicuius rei, et hanc Arabes vocant formationem, vel imaginationem per intellectum. Aliam vero ponit, scilicet compositionem et divisionem intellectuum, quam Arabes vocant credulitatem vel fidem. Utrique autem harum operationum praeintelligitur species intelligibilis, qua fit intellectus possibilis in actu; quia intellectus possibilis non operatur nisi secundum quod est in actu, sicut nec visus videt nisi per hoc quod est factus in actu per speciem visibilem. Unde species visibilis non se habet ut quod videtur, sed ut quo videtur. Et simile est de intellectu possibili; nisi quod intellectus possibilis reflectitur supra seipsum et supra speciem suam, non autem visus.

 

Donc ce qui est compris par les deux intellects est d’une certaine maniиre un et identique, et d’une certaine maniиre multiple : parce que du cфtй de la chose, ce qui est connu est un et identique, mais du cфtй de la connaissance il est diffйrent. De mкme si deux personnes voient un mur, c’est la mкme chose vue du cфtй de la chose qui est vue, cependant elle est diffйrente selon les diffйrentes visions ; et ce serait tout а fait la mкme chose du cфtй de l’intellect, si ce qui est compris subsistait hors de l’вme comme ce qui est vu, comme les Platoniciens l’ont pensй. Mais selon l’opinion d’Aristote il semble avoir une plus grande difficultй, bien que ce soit la mкme raison, si quelqu’un l’examine avec droiture.

Res igitur intellecta a duobus intellectibus est quodammodo una et eadem, et quodammodo multae: quia ex parte rei quae cognoscitur est una et eadem, ex parte vero ipsius cognitionis est alia et alia. Sicut si duo videant unum parietem, est eadem res visa ex parte rei quae videtur, alia tamen et alia secundum diversas visiones; et omnino simile esset ex parte intellectus, si res quae intelligitur subsisteret extra animam sicut res quae videtur, ut Platonici posuerunt. Sed secundum opinionem Aristotelis videtur habere maiorem difficultatem, licet sit eadem ratio, si quis recte inspiciat.

 

Car il n’y a de diffйrence entre Aristote et Platon qu’en ce que Platon a pensй, que ce qui est compris d’une mкme maniиre a un кtre hors de l’вme ; de cette maniиre l’intellect le comprend, c'est-а-dire comme abstrait et gйnйral ; mais Aristote a pensй que ce qui est compris est hors de l’вme, mais d’une autre maniиre, parce qu’il est compris abstraitement et il a un кtre concret. Et de mкme que selon Platon ce qui est compris est hors de l’вme mкme, de mкme selon Aristote ; ce qui est clair du fait que ni l’un ni l’autre n’a pensй que les sciences viennent de ce qui est dans notre intellect, comme des substances. Mais Platon a dit que les connaissances viennent de formes sйparйes, mais Aristote de la quidditй des choses qui existent en elles. Mais la nature de l’universalitй qui consiste en gйnйralitй et abstraction, suit un seul mode de comprйhension, en tant que nous comprenons de faзon abstraite et gйnйrale, selon Platon il suit aussi le mкme mode d’existence des formes abstraites ; et c'est pourquoi Platon a pensй que les universaux йtaient subsistants. Mais Aristote non. Ainsi donc on voit comment la multitude des intellects ne prйjuge ni de l’universalitй, ni du la gйnйralitй, ni de l’unitй de ce qui est compris.

Non enim est differentia inter Aristotelem et Platonem, nisi in hoc quod Plato posuit quod res quae intelligitur eodem modo habet esse extra animam quo modo eam intellectus intelligit, idest ut abstracta et communis; Aristoteles vero posuit rem quae intelligitur esse extra animam, sed alio modo, quia intelligitur abstracte et habet esse concrete. Et sicut secundum Platonem ipsa res quae intelligitur est extra ipsam animam, ita secundum Aristotelem: quod patet ex hoc quod neuter eorum posuit scientias esse de his quae sunt in intellectu nostro, sicut de substantiis; sed Plato quidem dixit scientias esse de formis separatis, Aristoteles vero de quidditatibus rerum in eis existentibus. Sed ratio universalitatis, quae consistit in communitate et abstractione, sequitur solum modum intelligendi, in quantum intelligimus abstracte et communiter; secundum Platonem vero sequitur etiam modum existendi formarum abstractarum: et ideo Plato posuit universalia subsistere, Aristoteles autem non. Sic igitur patet quomodo multitudo intellectuum non praeiudicat neque universitati, neque communitati, neque unitati rei intellectae.

 

7. La science est causйe par le maоtre dans le disciple, non pas comme la chaleur dans le bois par le feu, mais comme la santй dans le malade par le mйdecin, qui cause la santй en tant qu’il procure une aide, dont se sert la nature pour causer la santй, et c'est pourquoi le mйdecin procиde en soignant de la mкme maniиre que la nature soignerait. Car de mкme que ce qui soigne le plus c’est la nature intйrieure, de mкme le principe qui cause principalement la science est intйrieur, а savoir la lumiиre de l’intellect agent, par quoi est causйe en nous la science que nous recevons par expйrience en cherchant. Et de la mкme maniиre, le Maоtre amиne les principes universels а des conclusions spйciales, c'est pourquoi Aristote dit Posteriorum (I, 2, 71 b) que la dйmonstration est un syllogisme qui fait connaоtre.

7. Ad septimum dicendum quod scientia a magistro causatur in discipulo, non sicut calor in lignis ab igne, sed sicut sanitas in infirmo a medico: qui causat sanitatem, in quantum subministrat aliqua adminicula, quibus natura utitur ad sanitatem causandam, et ideo eodem ordine medicus procedit in sanando, sicut natura sanaret. Sicut enim principalius sanans est natura interior, sic principium principaliter causans scientiam est intrinsecum, scilicet lumen intellectus agentis, quo causatur scientia in nobis, dum devenimus per applicationem universalium principiorum ad aliqua specialia, quae per experientiam accipimus in inveniendo. Et similiter Magister deducit principia universalia in conclusiones speciales; unde dicit Aristoteles in I Poster., quod demonstratio est syllogismus faciens scire.

 

8. Averroиs aussi a йtй trompй par cette raison : car il a pensй que, parce qu’Aristote a dit que l’intellect possible йtait sйparй, il йtait sйparй selon l’кtre, par consйquent il ne serait pas multipliй selon la multiplication des corps. Mais Aristote montre que l’intellect possible est un pouvoir de l’вme qui n’est pas l’acte d’un organe, comme s’il avait son opйration par un organe corporel, comme la puissance visuelle est le pouvoir d’un organe qui opиre par un organe corporel, et parce que l’intellect possible n’a pas d’opйration par un organe corporel, il ne faut pas qu’il connaisse ce qui seulement a une affinitй avec tout le corps ou avec une de ses parties.

8. Ad octavum dicendum quod ex hac etiam ratione deceptus fuit Averroes: putavit enim quod quia Aristoteles dixit intellectum possibilem esse separatum, quod esset separatus secundum esse, et per consequens quod non multiplicaretur secundum multiplicationem corporum. Sed Aristoteles intendit quod intellectus possibilis est virtus animae, quae non est actus alicuius organi, quasi habeat operationem suam per organum corporale, sicut potentia visiva est virtus organi habens operationem per organum corporale; et quia non habet operationem intellectus possibilis per organum corporale, ideo non oportet quod cognoscat ea tantum quae habent affinitatem vel cum toto corpore, vel cum parte corporis.

 

9. L’opinion qui prйtend que l’вme est composйe de matiиre et de forme est tout а fait fausse, et improbable. Car elle ne pourrait pas кtre la forme d’un corps, si elle йtait composйe de matiиre et de forme. Car si l’вme йtait la forme du corps selon sa forme seulement, il en dйcoulerait qu’une seule et mкme forme achиverait diffйrentes matiиres de diffйrents genres, а savoir la matiиre spirituelle de l’вme et la matiиre corporelle, ce qui est impossible, puisque l’acte plus particulier est d’une puissance plus particuliиre. Et en outre ce composй de matiиre et de forme ne serait pas l’вme mais sa forme. Car lorsque nous parlons de l’вme, nous comprenons ce qui est la forme du corps. Mais ainsi la forme de l’вme serait la forme du corps par l’intermйdiaire d’une matiиre propre, comme la couleur est l’acte du corps par l’intermйdiaire de la surface, pour qu’ainsi toute l’вme puisse кtre appelйe forme du corps ; cela est impossible : parce que par la matiиre nous comprenons ce qui est en puissance seulement, mais ce qui est en puissance seulement ne peut pas кtre l’acte de quelque chose, c'est-а-dire кtre forme. Mais si quelqu’un sous le nom de matiиre comprend un acte, il ne faut pas а y faire attention, parce que rien n’empкche que ce que nous appelons acte, quelqu’un l’appelle matiиre, comme ce nous appelons pierre quelqu’un peut l’appeler вne[195].

9. Ad nonum dicendum quod opinio ponens animam esse compositam ex materia et forma, est omnino falsa et improbabilis. Non enim posset esse corporis forma, si esset ex materia et forma composita. Si enim anima esset forma corporis secundum formam suam tantum, sequeretur quod una et eadem forma perficeret diversas materias diversorum generum, scilicet materiam spiritualem animae et materiam corporalem; quod est impossibile, cum proprius actus sit propriae potentiae. Et praeterea illud compositum ex materia et forma non esset anima, sed forma eius. Cum enim dicimus animam, intelligimus id quod est corporis forma. Si vero forma animae esset forma corporis mediante materia propria, sicut color est actus corporis mediante superficie, ut sic tota anima possit dici corporis forma, hoc est impossibile: quia per materiam intelligimus id quod est in potentia tantum; quod autem est in potentia tantum, non potest esse alicuius actus, quod est esse formam. Si vero aliquis nomine materiae intelligat aliquem actum, non est curandum: quia nihil prohibet quod id quod vocamus actum, aliquis vocet materiam; sicut quod nos vocamus lapidem, aliquis potest vocare asinum.

 

10. De mкme que la Seine n’est pas ce fleuve а cause de cette eau qui coule, mais а cause de cette origine, et de son lit, c'est pourquoi on parle toujours du mкme fleuve, bien que ce soit une autre eau qui coule ; de mкme c’est le mкme peuple, non pas а cause de l’identitй de l’вme ou des hommes, mais а cause d’un mкme territoire, ou plus а cause des mкmes lois et du mкme mode de vie, comme le dit Aristote (Politique, III, 1).

10. Ad decimum dicendum quod sicut fluvius Sequana non est hic fluvius propter hanc aquam fluentem, sed propter hanc originem et hunc alveum, unde semper dicitur idem fluvius, licet sit alia aqua defluens; ita est idem populus non propter identitatem animae aut hominum, sed propter eamdem habitationem, vel magis propter easdem leges et eumdem modum vivendi, ut Aristoteles dicit in III Politic.

 

11. Le temps est comparй а un seul mouvement seulement comme l’accident au substrat, c'est-а-dire pour le mouvement du premier mobile, par quoi sont mesurйs tous les autres mouvements. Pour les autres le mouvements est comparй comme la mesure au mesurй, de mкme la brasse[196] est comparйe а une baguette de bois, comme а un substrat, а une piиce d’йtoffe qui est mesurйe par elle, comme ce qui est mesurй seulement et c'est pourquoi il n’en dйcoule pas qu’il n’y ait qu’un seul accident dans de nombreux substrats.

11. Ad undecimum dicendum quod tempus comparatur ad unum tantum motum, sicut accidens ad subiectum; scilicet ad motum primi mobilis, quo mensurantur omnes alii motus. Ad alios autem motus comparatur sicut mensura ad mensuratum; sicut ulna comparatur ad virgam ligneam sicut ad subiectum, ad pannum autem qui per eam mensuratur, sicut ad mensuratum tantum; et ideo non sequitur quod unum accidens sit in multis subiectis.

 

12. L’action de voir ne se fait pas par les  rayons envoyйs en dehors selon la vйritй de la chose, mais Augustin en parle selon l’opinion d’autres personnes. Cependant cela йtabli, l’вme meut les rayons dans toute la mesure oщ ils sont envoyйs dehors, non pas comme des corps extйrieurs, mais en tant qu’ils se continuent avec leur propre corps.

12. Ad duodecimum dicendum quod visus non fit per radios extra missos secundum veritatem rei; sed Augustinus hoc dicit secundum opinionem aliorum. Hoc tamen posito, anima vegetaret radios quantumcumque extra missos, non quasi extranea corpora, sed in quantum continuantur cum corpore proprio.

 

13. Comme cela paraоt de ce qui a йtй dit, ce qui est compris n’est individuй et multipliй que du cфtй de l’opйration intellectuelle. Mais il n’est pas inconvenant que par ce qui est compris, en tant que tel, ce qui est compris soit en plus abstrait simplement ; de mкme le concept est simplement abstrait par celui qui comprend. Et cela ne prйjuge pas de la nature de l’universalitй. Car il arrive а l’homme ou au concept d’espиce, ce qui est compris par moi. C'est pourquoi il ne faut pas que, au sujet de l’intellect de l’homme ou du concept d’espиce, il arrive que c’est compris par moi ou par quelqu’un d’autre.

13. Ad decimumtertium dicendum quod sicut ex praedictis patet, res intellecta non individuatur nec multiplicatur nisi ex parte operationis intellectualis. Non est autem inconveniens quod a re intellecta, in quantum est intellecta, adhuc abstrahitur res intellecta simpliciter; sicut ab hoc intelligente abstrahitur intellectus simpliciter. Nec hoc praeiudicat rationi universalitatis. Accidit enim homini aut intentioni speciei, quod intelligatur a me. Unde non oportet quod de intellectu hominis aut intentione speciei sit quod intelligatur a me vel ab illo.

 

14. L’accord n’est pas causй dans les premiers principes par l’unitй de l’intellect possible mais par la ressemblance de la nature, par quoi nous tous nous tendons а la mкme chose, comme toutes les brebis sont d’accord dans le fait qu’elles estiment le loup comme un ennemi, personne cependant ne dirait qu’il n’y a en elles qu’une seule вme seulement.

14. Ad decimumquartum dicendum quod consensus in prima principia non causatur ex unitate intellectus possibilis, sed ex similitudine naturae, ex qua omnes in idem inclinamur; sicut omnes oves consentiunt in hoc quod existimant lupum inimicum, nullus tamen diceret in eis unam tantum animam esse.

 

15. L’кtre individuel ne s’oppose pas а ce qui est l’кtre compris en acte, parce que les substances sйparйes sont comprises en acte, alors que cependant elles sont individuйes, autrement elles n'auraient pas d’actions, qui viennent des particuliers. Mais avoir l’кtre matйriel, s’oppose а ce qui n’est pas l’кtre conзu en acte, c'est pourquoi les formes individuelles qui sont individuйes par la matiиre ne sont pas comprises en acte mais en puissance seulement. Mais l’вme intellective n’est pas individuйe ainsi par la matiиre, pour devenir une forme matйrielle, surtout quant а l’intellect, selon lequelle elle transcende le rapport а la matiиre corporelle, mais par ce moyen elle est individuйe selon la matiиre corporelle, comme on l’a dit, en tant qu’elle a l’apparence d’кtre la forme de ce corps. C’est pourquoi par cela on ne supprime pas que l’intellect possible de cet homme soit un intellect en acte, et de la mкme maniиre  ce qui est reзu en lui. Et par lа apparaоt la solution pour les deux objections suivantes.

15. Ad decimumquintum dicendum quod esse individuale non repugnat ei quod est esse intellectum in actu: quia substantiae separatae sunt intellectae in actu, cum tamen sint individuae; alioquin non haberent actiones, quae sunt singularium. Sed habere esse materiale, repugnat ei quod est esse intellectum in actu; et ideo formae individuales quae individuantur per materiam, non sunt intellectae in actu, sed in potentia tantum. Anima autem intellectiva non sic individuatur per materiam ut fiat forma materialis, praecipue secundum intellectum, secundum quem transcendit materiae corporalis proportionem; sed eo modo individuatur secundum materiam corporalem ut dictum est, in quantum scilicet habet habitudinem ut sit forma huius corporis. Unde per hoc non tollitur quin intellectus possibilis hominis huius sit intellectum in actu, et similiter ea quae recipiuntur in ipso. Et per hoc patet solutio ad duo sequentia.

 

 

Article 10 : L’intellect agent est-il unique pour tous les hommes ? Articulus 10tit. 1 Decimo quaeritur utrum intellectus agens sit unus omnium hominum

 

Il semble que oui[197].

Et videtur quod sic.

 

Objections

1. Car йclairer les hommes est le propre de Dieu, selon cette parole de Jean, 1, 9 : « Il йtait la vraie lumiиre qui йclaire le monde… ». Mais cela convient а l’intellect agent, comme on le voit (L’вme, III, 5, 439 a 14[198]; Mais l’intellect agent est Dieu. Et Dieu est unique. Donc il n’y qu’un seul intellect agent.

1. Illuminare enim homines est proprium Dei, secundum illud Ioan. I: erat lux vera quae illuminat et cetera. Sed hoc pertinet ad intellectum agentem, ut patet in III de anima. Ergo intellectus agens est Deus. Deus autem est unus. Ergo intellectus agens est unus tantum.

 

2. Ce qui est sйparй du corps est multipliй selon la multiplicitй des corps. Mais l’intellect agent est sйparй du corps, comme il est dit dans L’вme, (III, 5, 430 a 22[199]). Donc l’intellect agent n’est pas multipliй selon la multiplicitй des corps et par consйquent selon la multiplicitй des hommes non plus.

2. Praeterea, nihil quod est a corpore separatum multiplicatur secundum multiplicationem corporum. Sed intellectus agens est a corpore separatum, ut dicitur in III de anima. Ergo intellectus agens non multiplicatur secundum multiplicationem corporum; et per consequens neque secundum multiplicationem hominum.

 

3. Rien n’est dans notre вme qui soit en йtat de comprendre toujours. Mais cela convient а l’intellect agent, car il est dit dans l’вme (III, 5, 430 a  22) [qu’il ne faut pas croire]  que quelquefois il comprend, quelquefois non. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de l’вme et ainsi il n’est pas multipliй selon la multiplicitй des вmes et des hommes.

3. Praeterea, nihil est in anima nostra quod semper intelligat. Sed hoc convenit intellectui agenti; dicitur enim in III de anima quod non aliquando quidem intelligit, aliquando autem non. Ergo intellectus agens non est aliquid animae; et ita non multiplicatur secundum multiplicationem animarum et hominum.

 

4. Rien ne se ramиne soi-mкme de la puissance а l’acte. Mais l’intellect possible est ramenй а l’acte par l’intellect agent, comme on le voit (L’вme III, 5, 430 a 14). Donc l’intellect agent ne s’enracine pas dans l’essence de l’вme, en qui s’enracine l’intellect possible, et ainsi de mкme que ci-dessus.

4. Praeterea, nihil reducit se de potentia in actum. Sed intellectus possibilis reducitur in actum per intellectum agentem, ut patet III de anima. Ergo intellectus agens non radicatur in essentia animae, in qua radicatur intellectus possibilis; et sic idem quod prius.

 

5. Toute multiplicitй dйcoule d’une distinction. Mais l’intellect agent ne peut pas кtre distinguй par la matiиre, puisqu’il en est sйparй, ni par la forme, parce qu’ainsi qu’il serait diffйrent en espиce. Donc l’intellect agent n’est pas multipliй dans les hommes.

5. Praeterea, omnis multiplicatio consequitur aliquam distinctionem. Sed intellectus agens non potest distingui per materiam, cum sit separatus; neque per formam, quia sic differret specie. Ergo intellectus agens non multiplicatur in hominibus.

 

6. Ce qui est cause de sйparation est tout а fait sйparй. Mais l’intellect agent est une cause de sйparation car il abstrait la forme de la matiиre. Donc il en est sйparй et ainsi il n’est pas multipliй selon la multiplicitй des hommes.

6. Praeterea, id quod est causa separationis est maxime separatum. Sed intellectus agens est causa separationis; abstrahit enim species a materia. Ergo est separatus; et ita non multiplicatur secundum multiplicationem hominum.

 

7. Aucune puissance, qui peut opйrer plus qu’elle opиre, n’a de limite а son opйration. Mais l’intellect agent est de ce genre ; parce que, quand nous comprenons une chose fortement intelligible, nous ne pouvons pas moins comprendre, mais plus, comme il est dit dans L’вme (III,.3, 429 b 2[200]). Donc l’intellect agent n’a pas de limite а son opйration. Mais l’кtre crйй a une limite а son opйration, puisqu’il est d’une puissance finie. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de crйй, et ainsi il n’y en a qu’un seulement.

7. Praeterea, nulla virtus quae tanto magis potest operari quanto magis operatur, habet terminum suae operationis. Sed intellectus agens est huiusmodi; quia cum intelligimus aliquid magnum intelligibile, non minus possumus intelligere, sed magis, ut dicitur III de anima. Ergo intellectus agens non habet aliquem terminum suae operationis. Esse autem creatum habet terminum suae operationis, cum sit finitae virtutis. Ergo intellectus agens non est aliquid creatum; et sic est unus tantum.

 

8. Augustin dit dans le livre des 83 questions (IX, PL 40, 13:) : « Toute ce qui atteint les sens corporels, change sans cesse (). Mais on ne peut pas comprendre ce qui change sans cesse. Donc il ne faut pas s’attendre а la sincйritй et а la vйritй des sens corporels ». Et ensuite il ajoute : « On ne peut rien percevoir sans quelque chose qui ressemble а l’erreur.  Donc le critиre de la vйritй ne rйside pas dans les sens ». Ainsi donc il prouve que nous ne pouvons pas juger de la vйritй sur rien de ce qui est sensible, d’une part parce qu’ils sont changeants, d’une part parce qu’ils ont quelque ressemblance avec l’erreur. Mais cela  convient а n’importe quelle crйature. Donc nous ne pouvons juger de la vйritй pour rien de crйй. Mais avec l’intellect agent nous jugeons de la vйritй. Donc celui-ci n’est pas quelque chose de crйй ; et ainsi de mкme que ci-dessus.

8. Praeterea, Augustinus dicit in libro LXXXIII quaestionum: omne quod corporeos sensus attingit, sine ulla intermissione temporis commutatur (...). Comprehendi autem non potest quod sine ulla intermissione mutatur. Non est expectanda ergo sinceritas veritatis a sensibus corporis. Et postmodum subdit: nihil est sensibile, quod non habeat simile falso, ut internosci non possit (...). Nihil autem percipi potest, quod a falso non discernitur. Non est igitur constitutum iudicium veritatis in sensibus. Sic ergo probat quod sensibilia de veritate iudicare non possumus, tum propter hoc quod sunt mutabilia, tum propter hoc quod habeant aliquid simile falso. Sed hoc convenit cuilibet creaturae. Ergo secundum nihil creatum possumus iudicare de veritate. Sed secundum intellectum agentem iudicamus de veritate. Ergo intellectus agens non est aliquid creatum; et sic idem quod prius.

 

9. Augustin dit (La Trinitй, XIV, 15, 21) que « Les impies reprennent et louent justement  beaucoup de choses dans la conduite des hommes. Selon quelle rиgle  jugent-ils sinon selon celle oщ ils voient comment chacun doit vivre, mкme si eux-mкmes ne vivent pas de la mкme maniиre ? Oщ les voient-ils ? Car ce n’est pas dans leur propre nature (…) il est йvident que leur esprit  est changeant,  mais ces rиgles sont immuables. (…) Et ce n’est pas non plus dans une maniиre d’кtre de leur esprit, puisque ces rиgles sont rиgles de justice alors qu’il clair que leur esprit est injuste (…) Oщ donc ces [rиgles] sont-elles йcrites,(…) sinon dans le livre de cette lumiиre qu’on appelle la vйritй[201] ? Par lа on voit que juger de ce qui est juste et injuste, nous convient par la lumiиre qui est au-dessus de nos esprits.Mais le jugement, tant dans le spйculatif que dans le pratique, nous convient selon l’intellect agent. Donc celui-ci est une lumiиre au-dessus de notre esprit. Donc il n’est pas multipliй selon la multiplication des вmes et des hommes.

9. Praeterea, Augustinus dicit in IV de Trinit. quod impii multa recte reprehendunt recteque laudant in hominum moribus. Quibus ea tandem regulis iudicant, nisi in quibus vident quemadmodum quisque vivere debeat, etiamsi nec ipsi eodem modo vivant? Ubi eas vident? Non enim in sua natura cum (...) eorum mentes constet esse mutabiles, has vero regulas immutabiles (...). Nec in habitu suae mentis, cum illae regulae sint iustitiae, mentes vero eorum constet esse iniustas (...). Ubi ergo scriptae sunt, nisi in libro lucis illius quae veritas dicitur? Ex quo videtur quod iudicare de iusto et iniusto, nobis competit secundum lucem quae est supra mentes nostras. Iudicium autem tam in rebus speculativis quam practicis nobis convenit secundum intellectum agentem. Ergo intellectus agens est lux aliqua supra mentem nostram. Non ergo multiplicatur secundum multiplicationem animarum et hominum.

 

10. Augustin dit, dans le livre de La vraie Religion (XXXI-XXXII), que de deux choses dont ni l’une ni l’autre n’est la meilleure, nous ne pouvons pas juger quelle est celle qui est meilleure que l’autre, а moins que ce soit par quelque chose qui est meilleur que les deux. Mais nous jugeons que l’ange est meilleur que l’вme[202] encore que cependant aucun d’entre eux ne soit le meilleur. Donc il faut que ce jugement se fasse par ce qui est meilleur que l’un et l’autre ; ce qui n’est rien d’autre que Dieu. Donc comme nous jugeons par l’intellect agent, il semble que c’est lui qui est Dieu, et ainsi de mкme que ci-dessus.

10. Praeterea, Augustinus dicit in libro de vera religione, quod de aliquibus duobus quorum neutrum est optimum, non possumus iudicare quid eorum sit altero melius, nisi per aliquid quod sit melius utroque. Iudicamus autem quod Angelus est melior anima, cum tamen neutrum eorum sit optimum. Ergo oportet quod hoc iudicium fiat per aliquid quod est melius utroque; quod nihil aliud est quam Deus. Cum ergo iudicemus per intellectum agentem, videtur quod intellectus agens sit Deus; et sic idem quod prius.

 

11. Le philosophe dit (L’вme III, 5, 430 a 12) que l’intellect agent se comporte vis-а-vis  de l’intellect possible comme l’art vis-а-vis de la matiиre. Mais en aucun genre l’art de l’artisan et la matiиre ne se  rencontrent dans le mкme et dans l’universel[203] l’agent et la matiиre ne tombent pas dans le mкme numйriquement, comme il est dit en Physique (II, 7, 198 a 35). Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose dans l’essence de l’вme, en qui il y a l’intellect possible, et ainsi il n’est pas multipliй selon la multiplication des вmes et des hommes.

11. Praeterea, philosophus dicit III de anima quod intellectus agens se habet ad possibilem sicut ars ad materiam. Sed in nullo genere artificii ars et materia in idem coincidunt; neque universaliter agens et materia incidunt in idem numero, ut dicitur in II Physic. Ergo intellectus agens non est aliquid in essentia animae, in qua est intellectus possibilis; et sic non multiplicatur secundum multiplicationem animarum et hominum.

 

12. Augustin dit dans Le libre Arbitre  (II, 8, 20 PL 32, 1251) que « La raison (nature) et la vйritй du nombre est а la disposition de tous ceux qui raisonnent ». Mais la raison et la vйritй du nombre sont uniques. Donc il faut qu’il y ait quelque chose d’unique selon qu’il est а la disposition de tous. Mais c’est l’intellect agent, par la puissance duquel nous abstrayons les raisons (formes) universelles de la rйalitй. Donc l’intellect agent est unique en tous.

12. Praeterea, Augustinus dicit II de libero Arbit., quod ratio et veritas numeri omnibus ratiocinantibus praesto est. Sed ratio et veritas numeri est una. Ergo oportet esse aliquid unum secundum quod praesto sit omnibus. Hoc autem est intellectus agens, cuius virtute rationes universales a rebus abstrahimus. Ergo intellectus agens est unus in omnibus.

 

13. Dans le mкme livre (II, XI, 27): « Si le bien suprкme est  unique pour tous, il faut aussi que la vйritй en laquelle il est vu et reconnu soit une rйalitй unique commune а  tous ». Mais le bien suprкme est vu et reconnu par nous par l’intellect, et surtout l’intellect agent. Donc l’intellect agent est unique en tous.

13. Praeterea, in eodem libro: si summum bonum omnibus unum est, oportet etiam veritatem in qua cernitur et tenetur, id est sapientiam, omnibus unam esse communem. Sed summum bonum cernitur et tenetur a nobis per intellectum, et praecipue per agentem. Ergo intellectus agens est unus in omnibus.

 

14. Le mкme est destinй а faire le mкme. Mais ce qui est universel est unique en tous. Donc comme le propre de l’intellect agent c’est de faire de l’universel, il semble que celui-ci aussi est unique en tous.

14. Praeterea, idem natum est facere idem. Sed universale est unum in omnibus. Cum ergo intellectus agentis sit universale facere, videtur quod etiam intellectus agens sit unus in omnibus.

 

15. Si l’intellect agent est quelque chose de l’вme, il faut que, ou bien il soit crййe ‘vкtu’ ou riche de ‘formes’, et ainsi il place ces formes aussi dans l’intellect possible, et il n’a pas besoin d’abstraire des images les formes intelligibles, ou bien il a йtй crйй  ‘nu ‘et sans forme, et ainsi il ne sera pas efficace pour abstraire les formes des images, parce qu’il ne connaоtra celle qu’il cherche, aprиs l’avoir abstraite, que si d’abord il a eu une certaine raison, comme celui qui cherche un serviteur fugitif, ne le connaоt quand il l’a trouvй que s’il ne l’a pas connu auparavant. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de l’вme, et ainsi il n’est pas multipliй selon les вmes et les hommes.

15. Praeterea, si intellectus agens est aliquid animae, oportet quod vel sit creatus vestitus seu opulentus speciebus, et sic illas species ponit etiam in intellectum possibilem, et non indigebit abstrahere species intelligibiles a phantasmatibus; aut creatus est nudus et carens speciebus, et sic non erit efficax ad abstrahendum species a phantasmatibus, quia non cognoscet illam quam quaerit, postquam eam abstraxerit, nisi prius aliquam rationem habuerit; sicut ille qui quaerit servum fugitivum, non cognoscit eum cum invenerit, nisi prius aliquam eius notitiam habuerit. Non est ergo aliquid animae intellectus agens; et sic non multiplicatur secundum animas et homines.

 

16. Si on place une cause suffisante, il est superflu d’en placer une autre pour un mкme effet. Mais il y a une cause extrinsиque suffisante pour йclairer les hommes, а savoir Dieu. Donc il ne faut pas placer l’intellect agent dont l’office est d’йclairer. Donc ce n’est pas quelque chose dans l’вme de l’homme, et ainsi il n’est pas multipliй selon les вmes et les hommes.

16. Praeterea, posita causa sufficienti, superfluum est aliam causam ponere ad eumdem effectum. Sed est aliqua causa extrinseca sufficiens ad illuminationem hominum, scilicet Deus. Ergo non oportet ponere intellectum agentem, cuius officium est illuminare. Non est ergo aliquid in anima hominis; et sic non multiplicatur secundum animas et homines.

 

17. Si l’intellect agent est placй comme une partie de l’вme humaine, il faut qu’il apporte quelque chose а l’homme, parce que rien n’est inutile, ni vain dans ce qui est crйй par Dieu. Mais l’intellect agent n’aide pas l’homme de connaоtre, en tant qu’il йclaire l’intellect possible ; parce que, quand celui-ci est devenu en acte, par la forme l’intelligible suffit par soi pour opйrer, de mкme que n’importe quel autre porteur de forme. De la mкme maniиre, il n’aide pas pour ce qui йclaire les images, en abstrayant d’elles les espиces intelligible,  parce que de mкme que l’espиce qui est reзue dans le sens imprime sa ressemblance dans l’imagination ; de mкme il semble que, puisque la forme qui est dans l’imagination, est plus spirituelle et par lа plus puissante, elle pourrait imprimer sa ressemblance dans une puissance ultйrieure, а savoir dans l’intellect possible. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de l’вme, et ainsi il n’est pas multipliй dans les hommes.

17. Praeterea, si intellectus agens ponitur aliquid animae hominis, oportet quod aliquid homini conferat; quia nihil est otiosum et frustra in rebus a Deo creatis. Sed intellectus agens non confert homini ad cognoscendum, quantum ad hoc quod illuminat intellectum possibilem; quia intellectus possibilis, cum fuerit factus in actu per speciem intelligibilem, per se sufficit ad operandum, sicut et quodlibet aliud habens formam. Similiter non confert quantum ad hoc quod illustret phantasmata, abstrahens species intelligibiles ab eis: quia sicut species quae est recepta in sensu, imprimit sui similitudinem in imaginatione; ita videtur quod forma quae est in imaginatione, cum sit spiritualior, ac per hoc virtuosior, possit imprimere suam similitudinem in ulteriorem potentiam, scilicet in intellectum possibilem. Non ergo intellectus agens est aliquid animae; et sic non multiplicatur in hominibus.

 

En sens contraire

1. Il y a ce que dit le philosophe (L’вme, III, 5, 430 a 13) que l’intellect agent est une partie de l’вme. Donc il est multipliй selon la multiplication des вmes.

1. Sed contra. Est quod philosophus dicit III de anima, quod intellectus agens est aliquid animae. Ergo multiplicatur secundum multiplicationem animarum.

 

2. Augustin dit (La Trinitй, IV, XVI, 21[204]) que des philosophes meilleurs que d’autres, n’ont pas considйrй intellectuellement dans ces raisons souveraines et йternelles ce qu’ils ont exposй historiquement et ainsi il semble qu’ils l’ont considйrй dans une lumiиre qui leur est connaturelle. Mais la lumiиre, en laquelle nous considйront la vйritй, est l’intellect agent. Donc celui-ci est quelque chose de l’вme et ainsi de mкme que plus haut.

2. Praeterea, Augustinus dicit IV de Trin. quod philosophi ceteris meliores non sunt in illis summis aeternisque rationibus intellectu contemplati ea quae historice disseruerunt; et ita videtur quod in aliqua luce eis connaturali sint ea contemplati. Lux autem in qua contemplamur veritatem est intellectus agens. Ergo intellectus agens est aliquid animae; et sic idem quod prius.

 

3. Augustin dit (La Trinitй, XII, XV, 24[205]) : « Il faut croire que la nature de l’esprit  intellectuel est crйй pour voir les rйalitйs  dans une certaine lumiиre incorporelle de son genre, de mкme que l’њil de la chair voit alentour dans cette lumiиre corporelle ». Mais cette lumiиre par laquelle notre esprit comprend, est l’intellect agent. Donc celui-ci est quelque chose du genre de l’вme ; ainsi il est multipliй par la multiplication des вmes et des hommes.

3. Praeterea, Augustinus dicit XII de Trin.: credendum est mentis intellectualis ita conditam esse naturam,(…) ut subiuncta ista sic videat in quadam luce sui generis incorporea, quemadmodum oculus carnis videt quae in hac corporea luce circumiacent. Lux autem ista qua mens nostra intelligit, est intellectus agens. Ergo intellectus agens est aliquid de genere animae; et ita multiplicatur per multiplicationem animarum et hominum.

 

Rйponse

Il faut dire que, comme il a йtй dit auparavant, il est nйcessaire pour Aristote de placer un intellect agent,  parce qu’il ne pensait pas que les natures des choses sensibles subsistaient par soi sans matiиre, pour qu’elles soient intelligibles en acte, et c'est pourquoi il a fallu qu’il y ait un pourvoir qui les rende intelligibles en acte, en les abstrayant de la matiиre individuelle ; et ce pouvoir est appelй l’intellect agent. Certains ont pensй que c’йtait une substance sйparйe, non multipliйe selon la multitude des hommes[206] ; mais certains on pensй que c’йtait un pouvoir de l’вme, multipliй en de nombreux hommes, ces deux solutions йtant йgalement vraies.

Respondeo. Dicendum quod sicut prius dictum fuit, necesse est ponere intellectum agentem Aristoteli: quia non ponebat naturas rerum sensibilium per se subsistere absque materia, ut sint intelligibilia actu; et ideo oportuit esse aliquam virtutem quae faceret eas intelligibiles actu, abstrahendo a materia individuali; et haec virtus vocatur intellectus agens. Quem quidam posuerunt quamdam substantiam separatam, non multiplicatam secundum multitudinem hominum; quidam vero posuerunt ipsum esse quamdam virtutem animae, et multiplicari in multis hominibus; quod quidem utrumque aliqualiter est verum.

 

Car il faut qu’au-dessus de l’вme humaine il y ait un intellect d’oщ dйpend sa comprйhension, ce qui peut кtre йvident de trois maniиres.

Oportet enim quod supra animam humanam sit aliquis intellectus a quo dependeat suum intelligere; quod quidem ex tribus potest esse manifestum.

 

1. Parce que tout ce qui convient а quelque chose par participation, est substantiellement avant en quelque chose, comme si le fer est chauffй, il faut qu’il y ait dans les choses quelque chose qui soit le feu, selon leur substance et leur nature. Mais l’вme humaine est intellective par participation ; car elle ne comprend pas selon une quelconque partie d’elle-mкme, mais selon la partie supйrieure seulement. Il faut donc qu’il y ait quelque chose de supйrieur а l’вme qui soit intellect selon toute sa nature, d’oщ dйrive l’intellectualitй de l’вme et d’oщ dйpend son intellection.

Primo quidem, quia omne quod convenit alicui per participationem, prius est in aliquo substantialiter; sicut si ferrum est ignitum, oportet esse in rebus aliquid quod sit ignis secundum suam substantiam et naturam. Anima autem humana est intellectiva per participationem; non enim secundum quamlibet sui partem intelligit, sed secundum supremam tantum. Oportet igitur esse aliquid superius anima quod sit intellectus secundum totam suam naturam, a quo intellectualitas animae derivetur, et a quo eius intelligere dependeat.

 

2. Deuxiиmement, parce qu’il est nйcessaire qu’avant tout mobile on trouve quelque chose d’immobile en rapport а ce mouvement ; de mкme qu’au-dessus des кtres changeants il y a quelque chose qui ne l’est pas, comme le corps cйleste ; car tout mouvement est causй par quelque chose d’immobile. Mais l’intellection de l’вme humaine opиre par mode de mouvement, car elle comprend en passant des effets aux causes et des causes aux effets, et du semblable au semblable et des opposйs aux opposйs. Il faut donc qu’il y ait au-dessus de l’вme un intellect dont l’intellection soit fixe et en repos sans passage de ce genre.

Secundo, quia necesse est quod ante omne mobile inveniatur aliquid immobile secundum motum illum: sicut supra alterabilia est aliquid non alterabile, ut corpus caeleste; omnis enim motus causatur ab aliquo immobili. Ipsum autem intelligere animae humanae est per modum motus; intelligit enim anima discurrendo de effectibus in causas, et de causis in effectus, et de similibus in similia, et de oppositis in opposita. Oportet igitur esse supra animam aliquem intellectum cuius intelligere sit fixum et quietum absque huiusmodi discursu.

 

3. Troisiиmement parce qu’il est nйcessaire, bien que dans un seul et mкme кtre, la puissance soit avant l’acte, cependant l’acte prйcиde dans l’absolu la puissance dans un autre, et de la mкme maniиre avant tout imparfait il n’est nйcessaire qu’il en y ait un autre parfait. Mais l’вme humaine se trouve au commencement dans la puissance pour les intelligibles, et se trouve imparfaite en comprenant, parce que jamais elle n’atteint en cette vie toute la vйritй des intelligibles. Il faut donc qu’il y ait au-dessus de l’вme un intellect qui existe toujours en acte, et totalement parfait par l’intelligence de la vйritй .

Tertio, quia necesse est quod, licet in uno et eodem potentia sit prior quam actus, tamen simpliciter actus praecedat potentiam in altero; et similiter ante omne imperfectum necesse est esse aliud perfectum. Anima autem humana invenitur in principio in potentia ad intelligibilia, et invenitur imperfecta in intelligendo; quia nunquam consequetur in hac vita omnem intelligibilium veritatem. Oportet igitur supra animam esse aliquem intellectum semper in actu existentem, et totaliter perfectum intelligentia veritatis. 

 

Mais on ne peut pas dire que cet intellect supйrieur rende les intelligibles en acte immйdiatement en nous, sans un pouvoir que notre вme partage avec lui. Car cela se trouve communйment aussi dans ce qui est corporel, parce que dans les choses infйrieures on trouve des pouvoirs particuliers, actifs pour des effets dйterminйes, au-delа des pouvoirs agents universels, ainsi les animaux parfaits n’engendrent pas par le seul pouvoir universel du soleil, mais par un pouvoir particulier qui est dans la semence, bien que certains animaux imparfaits soient engendrйs sans semence par le pouvoir du soleil, quoique aussi dans leur gйnйration ne manque pas l’action d’un pouvoir particulier qui change et dispose la matiиre.

Non autem potest dici quod iste intellectus superior faciat intelligibilia actu in nobis immediate, absque aliqua virtute quam ab eo anima nostra participet. Hoc enim communiter invenitur etiam in rebus corporalibus, quod in rebus inferioribus inveniuntur virtutes particulares activae ad determinatos effectus, praeter virtutes universales agentes; sicut animalia perfecta non generantur ex sola universali virtute solis, sed ex virtute particulari quae est in semine; licet quaedam animalia imperfecta generentur absque semine ex virtute solis: quamvis etiam in horum generatione non desit actio particularis virtutis alterantis et disponentis materiam.

 

Mais l’вme humaine est la plus parfaite de celles qui sont dans les choses infйrieures. C'est pourquoi il faut qu’en dehors du pouvoir universel de l’intellect supйrieur, en elle participe un pouvoir quasi particulier pour cet effet dйterminй, pour qu’ils deviennent naturellement des intelligibles en acte. Et que cela soit vrai apparaоt а l’expйrience. Car un homme particulier, comme Socrates ou Platon, fait quand il veut, des intelligibles en acte en apprйhendant naturellement l’universel а partir du particulier, pendant qu’il sйpare ce qui est commun а tous les hommes individuels, de ce qui est propre а chacun. Donc ainsi l’action de l’intellect agent, qui est d’abstraire l’universel, est l’action de cet homme, de mкme que considйrer ou juger de la nature commune est l’action de l’intellect possible. Mais tout ce qui produit n’importe quelle action a formellement en lui le pouvoir qui en est le principe. C'est pourquoi de mкme qu’il est nйcessaire que l’intellect possible soit quelque chose qui adhиre comme une forme а l’homme, comme on l’a montrй d’abord, de mкme il est nйcessaire que l’intellect agent soit quelque chose qui adhиre comme une forme а l’homme.

Anima autem humana est perfectissima eorum quae sunt in rebus inferioribus. Unde oportet quod praeter virtutem universalem intellectus superioris participetur in ipsa aliqua virtus quasi particularis ad hunc effectum determinatum, ut scilicet fiant intelligibilia actu. Et quod hoc verum fit experimento apparet. Unus enim homo particularis, ut Socrates vel Plato, facit cum vult intelligibilia in actu, apprehendendo scilicet universale a particularibus, dum secernit id quod est commune omnibus individuis hominum, ab his quae sunt propria singulis. Sic igitur actio intellectus agentis, quae est abstrahere universale, est actio huius hominis, sicut et considerare vel iudicare de natura communi, quod est actio intellectus possibilis. Omne autem agens quamcumque actionem, habet formaliter in seipso virtutem quae est talis actionis principium Unde sicut necessarium est quod intellectus possibilis sit aliquid formaliter inhaerens homini, ut prius ostendimus; ita necessarium est quod intellectus agens sit aliquid formaliter inhaerens homini.

 

Et cette continuitй par les images comme Averroиs l’imagine n’y suffit pas, comme on l’a montrй ci-dessus de l’intellect possible(a. 2, 10). Et cela, de maniиre йvidente, Aristote semble l’avoir senti quand il dit (L’вme, III, 5, 430 a 13) qu’il est nйcessaire que dans l’вme il y ait ces diffйrences, а savoir l’intellect possible et l’intellect agent, et а nouveau il dit (430 a 15[207]) que l’intellect agent est comme la lumiиre, qui est une lumiиre participйe[208]. Mais Platon, comme Themistius le dit dans son Commentaire de l’вme (III, 5), considйrant l’intellect sйparй, et non la puissance participйe de l’вme, l’a comparй au soleil.

Nec ad hoc sufficit continuatio per phantasmata, ut Averroes fingit, sicut etiam supra de intellectu possibili ostensum est. Et hoc manifeste videtur Aristotelem sensisse, cum dicit quod necesse est in anima esse has differentias, scilicet intellectum possibilem et agentem; et iterum dicit quod intellectus agens est sicut lumen, quod est lux participata. Plato vero, ut Themistius dicit in commento de anima, ad intellectum separatum attendens et non ad virtutem animae participatam, comparavit ipsum soli

 

Mais il faut considйrer ce qu’est cet intellect sйparй, d’oщ dйpend l’intellection de l’вme humaine. Certains ont dit, en effet,  que cet intellect est la plus petite des substances sйparйes qui est unie а nos вmes. Mais cela s’oppose de nombreuses maniиres а la vйritй de la foi .

1. Parce que, comme cette lumiиre intellectuelle convient а la nature de l’вme, elle existe par celui-lа seul par qui la nature de l’вme est crййe. Mais seul Dieu est crйateur de l’вme, et ce n’est pas par une substance sйparйe, que nous appelons ange ; c'est pourquoi il est dit de maniиre significative dans la Genиse (2, 7) que Dieu lui-mкme souffla sur la face de l'homme le souffle de vie. C’est pourquoi il reste que la lumiиre de l’intellect agent n’est pas causйe dans l’вme par une autre substance sйparйe, mais immйdiatement par Dieu.

. Quis autem sit iste intellectus separatus, a quo intelligere animae humanae dependet, considerandum est.Quidam enim dixerunt hunc intellectum esse infimam substantiarum separatarum, quae suo lumine continuatur cum animabus nostris. Sed hoc multipliciter repugnat veritati fidei.- Primo quidem, quia cum istud lumen intellectuale ad naturam animae pertineat, ab illo solo est a quo animae natura creatur. Solus autem Deus est creator animae, non autem aliqua substantia separata, quam Angelum dicimus; unde significanter dicitur Gen. quod ipse Deus in faciem hominis spiravit spiraculum vitae. Unde relinquitur quod lumen intellectus agentis non causatur in anima ab aliqua alia substantia separata, sed immediate a Deo

2. Parce que l’ultime perfection de chaque agent est qu’il puisse atteindre son principe. Mais l’utime perfection ou la bйatitude de l’homme dйpend de l’opйration intellectuelle, comme le philosophe le dit aussi (Йthique X, 7, 1177 a 11). Si donc le principe et la cause de l’intellectualitй des hommes йtait une autre substance sйparйe, il faudrait que la bйatitude ultime de l’homme se situe dans cette substance crййe, et ils pensent cela йvidemment en prenant cette position : car ils pensent que la fйlicitй ultime de l’homme est d’кtre reliй а l’intellect agent. Mais la foi droite place l’ultime bйatitude de l’homme en Dieu seul selon cette parole de Jean (XVII, 3) : « C’est la vie йternelle qu’ils te connaissent toi le seul vrai Dieu » ; et dans la participation а cette bйatitude, les hommes sont йgaux aux anges, comme on le voit chez Luc (20, 36[209])

.- Secundo, quia ultima perfectio uniuscuiusque agentis est quod possit pertingere ad suum principium. Ultima autem perfectio sive beatitudo hominis est secundum intellectualem operationem, ut etiam philosophus dicit X, Ethic. Si igitur principium et causa intellectualitatis hominum esset aliqua alia substantia separata, oporteret quod ultima hominis beatitudo esset constituta in illa substantia creata; et hoc manifeste ponunt ponentes hanc positionem: ponunt enim quod ultima hominis felicitas est continuari intellectui agenti. Fides autem recta ponit ultimam beatitudinem hominis esse in solo Deo, secundum illud Ioan. XVII,: haec est vita aeterna, ut cognoscant te solum verum Deum; et in huius beatitudinis participatione homines esse Angelis aequales, ut habetur Lucae XX.

 

3. Parce que si un homme participait а la lumiиre intelligible  par l’ange, il en dйcoulerait que l’homme ne serait pas quant а son l’esprit а l’image de Dieu lui-mкme  mais а l’image des anges, contrairement а ce qui est dit dans la Genиse : « Faisons l’homme а notre image et а notre ressemblance » c'est-а-dire а l’image commune de la Trinitй, non а l’image des anges. 

- Tertio, quia si homo participet lumen intelligibile ab Angelo, sequeretur quod homo secundum mentem non esset ad imaginem ipsius Dei, sed ad imaginem Angelorum, contra id quod dicitur Gen. I: faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram, idest ad communem Trinitatis imaginem, non ad imaginem Angelorum.

 

C'est pourquoi nous disons que la lumiиre de l’intellect agent, dont parle Aristote est directement imprimйe en nous par Dieu et par lа nous discernons le vrai du faux, et le bien du mal. Et а ce sujet, il est dit dans le Ps. (4, 6-7) : « Beaucoup disent qui nous montrera ces biens (le bonheur) ? La lumiиre de ton visage, Seigneur,  s’est illuminйe sur nous », а savoir par le fait que les biens nous sont montrйs.

Unde dicimus, quod lumen intellectus agentis, de quo Aristoteles loquitur, est nobis immediate impressum a Deo, et secundum hoc discernimus verum a falso, et bonum a malo. Et de hoc dicitur in Psal.: multi dicunt: quis ostendet nobis bona? Signatum est super nos lumen vultus tui, domine, scilicet per quod nobis bona ostenduntur.

 

Ainsi donc ce qui rend en nous l’intelligible en acte par le moyen de la lumiиre participйe, est quelque chose de l’вme, et s’est multipliйe selon la multitude des вmes et des hommes. Mais ce qui rend intelligible а la maniиre du soleil illuminateur est un [кtre] sйparй qui est Dieu. C'est pourquoi Augustin dit (les soliloques, I, VI, 12) : « La raison promet а mon esprit qu’elle dйmontrera Dieu, comme le soleil se montre а mes yeux, car les yeux de l’esprit sont pour ainsi dire les sens de l’вme. Mais chacune de ces connaissances trиs certaines sont telles que celles qui sont illuminйes  par le soleil,  pour pouvoir кtre vu. Mais Dieu est celui qui йclaire ». Mais cet кtre unique sйparй du principe de notre connaissance peut кtre compris par l’intellect agent, dont parle le philosophe, comme Thйmestius (L’вme, III, 5) le dit, parce que Dieu n’est pas dans la nature de l’вme, mais l’intellect agent est appelй par Aristote la lumiиre reзue de Dieu dans notre вme. Et ainsi il reste simplement а dire que l’intellect agent n’est pas unique en tous.

Sic igitur id quod facit in nobis intelligibilia actu per modum luminis participati, est aliquid animae, et multiplicatur secundum multitudinem animarum et hominum. Illud vero quod facit intelligibilia per modum solis illuminantis, est unum separatum, quod est Deus. Unde Augustinus dicit in I Soliloquiorum: promittit ratio (...) se demonstraturam Deum meae menti, ut oculis sol demonstratur; nam mentis quasi oculi sunt sensus animae. Disciplinarum autem quaeque certissima talia sunt qualia illa quae sole illustrantur, ut videri possint. Deus autem est ipse qui illustrat. Non autem potest hoc unum separatum nostrae cognitionis principium intelligi per intellectum agentem, de quo philosophus loquitur, ut Themistius dicit quia Deus non est in natura animae; sed intellectus agens ab Aristotele nominatur lumen receptum in anima nostra a Deo. Et sic relinquitur simpliciter dicendum, quod intellectus agens non est unus in omnibus.

 

Solutions

1. Donc il faut dire que le propre de Dieu est d’illuminer les hommes en introduisant en eux la lumiиre naturelle de l’intellect agent, et au-dessus de cela la lumiиre de la grвce et de la gloire, mais l’intellect agent йclaire les images, comme la lumiиre introduite par Dieu.

1. Ad primum ergo dicendum quod proprium est Dei illuminare homines, imprimendo eis lumen naturale intellectus agentis, et super hoc lumen gratiae et gloriae; sed intellectus agens illustrat phantasmata, sicut lumen a Deo impressum.

 

2. L’intellect agent est appelй par Aristote ‘sйparй’, non comme si c’йtait une substance qui a l’кtre hors de son corps, mais parce qu’il n’est pas l’acte d’une partie du corps, de sorte que son opйration ne dйpend pas d’un organe corporel comme on l’a dit  de l’intellect possible.

2. Ad secundum dicendum quod intellectus agens dicitur ab Aristotele separatus, non quasi sit quaedam substantia habens esse extra corpus; sed quia non est actus alicuius partis corporis, ita quod eius operatio sit per aliquod organum corporale, sicut et de intellectu possibili dictum est.

 

3. Aristote n’emploie pas ce mot d’intellect agent, mais d’intellect en acte. En effet il a parlй d’abord de l’intellect possible et ensuite de l’intellect agent ; et cependant il commence а parler de l’intellect en acte, lа oщ il dit (L’вme, III, 5, 430 a 20) : « C’est la mкme chose la science en acte et son objet [210]», et il distingua l’intellect en acte de l’intellect en puissance de trois maniиres.

a. Parce que l’intellect en puissance n’est pas ce qui est compris en puissance, mais l’intellect en acte ou la science en acte est ce qui est compris ou connu en acte. De sorte qu’autour de ce sens il avait dit que la sensation est puissance et le sensible en puissance sont diffйrents.

 ad 3 Ad tertium dicendum quod istud verbum non dicit Aristoteles de intellectu agente, sed de intellectu in actu. Primo enim locutus est de intellectu possibili, et postea de intellectu agente, et tandem incipit loqui de intellectu in actu, ubi dicit: idem est autem secundum actum scientia rei, et distinguit intellectum in actu ab intellectu in potentia tripliciter.- Primo quidem, quia intellectus in potentia non est intellectum in potentia; sed intellectus in actu, sive scientia in actu, est res intellecta vel scita in actu. Ita et circa sensum dixerat quod sensus in potentia et sensibile in potentia sunt diversa.`

 

b. Il compare l’intellect en acte а l’intellect en puissance parce que l’intellect en puissance est dans le temps en un seul et mкme [homme] avant l’intellect en acte ; car un intellect est en puissance dans le temps avant d’кtre en acte. Mais l’acte est naturellement avant la puissance, absolument parlant, aussi il faut placer un intellect en acte dans le temps avant l’intellect en puissance qui est ramenй en acte par un intellect en acte, et c’est ce qu’il ajoute (l’вme, III, 5, 430 a 21[211] : « ce qui est selon la puissance antйrieur  dans le temps en un seul [ individu], mais il ne l’est pas tout а fait dans le temps » et il se sert de cette comparaison entre la puissance et l’acte aussi en Mйtaphysique, ( IX, 8, 1049 b 10[212])  et en plusieurs autres lieux.

- Secundo comparat intellectum in actu ad intellectum in potentia, quia intellectus in potentia est prior tempore in uno et eodem quam intellectus in actu; prius enim tempore aliquis est intellectus in potentia quam in actu. Sed naturaliter est prius actus quam potentia; et simpliciter loquendo, etiam prius tempore oportet ponere aliquem intellectum in actu quam intellectum in potentia, qui reducitur in actum per aliquem intellectum in actu, et hoc est quod subdit: quae vero secundum potentiam, tempore prior in uno; omnino autem neque in tempore; et ista comparatione utitur inter potentiam et actum etiam in IX Metaphysic. et in pluribus aliis locis.

 

c. Il montre la diffйrence qu’il y a а ce que l’intellect en puissance ou intellect possible se trouve quelquefois en train de comprendre, quelquefois non. Mais on ne peut pas le dire de l’intellect en acte, de mкme que la puissance visuelle quelquefois voit, quelquefois ne voit pas. Car la vision en acte c’est voir en acte, et c’est ce qu’il dit (L’вme, 430 a 22[213] : « Mais quelquefois il comprend, quelquefois non ».Et aprиs il ajoute[214] : «Seulement ce qui est sйparй est vrai », ce qui ne peut кtre compris ni de l’intellect agent ni de l’intellect possible, puisque il a dit plus haut que l’un et l’autre йtaient sйparйs, mais il faut qu’il soit compris de tout ce qui est requis pour l’intellect en acte, c'est-а-dire de toute la partie intellective. C'est pourquoi il ajoute : « Et cela seul est immortel et perpйtuel » ;  si c’est exposй de l’intellect agent, il en dйcoule que l’intellect possible est corruptible, comme Alexandre[215] l’a compris. Mais cela est contre ce qu’Aristote avait dit plus haut de l’intellect possible. Mais il a йtй nйcessaire d’exposer ici  ces paroles d’Aristote, pour que ne soit pas pour quelqu’un une occasion de se tromper.

- Tertio ostendit differentiam quantum ad hoc quod intellectus in potentia, sive possibilis, quandoque invenitur intelligens, quandoque non intelligens. Sed hoc non potest dici de intellectu in actu; sicut et potentia visiva quandoque videt quandoque non videt. Sed visus in actu est in ipso videre actu; et hoc est quod dicit: sed non aliquando quidem intelligit, aliquando autem non. Et postmodum subdit: separatum autem hoc solum quod vere est; quod non potest intelligi nec de intellectu agente, nec de intellectu possibili cum utrumque supra dixerit separatum; sed oportet quod intelligatur de omni eo quod requiritur ad intellectum in actu, idest de tota parte intellectiva. Unde et subdit: et hoc solum immortale et perpetuum est; quod si exponatur de intellectu agente, sequetur quod intellectus possibilis sit corruptibilis, ut Alexander intellexit. Sed hoc est contra ea quae Aristoteles superius dixerat de intellectu possibili. Haec autem verba Aristotelis hic exponere necessarium fuit, ne esset alicui occasio errandi.

 

4. Rien n’empкche que deux choses comparйes entre elles se comportent de sorte que l’une et l’autre soit comme la puissance et comme l’acte en rapport avec l’autre selon diffиrents aspects, de mкme que le feu est froid en puissance et chaud en acte, mais l’eau c’est l’inverse, et c'est pourquoi ces agents naturels supportent, et agissent en mкme temps. Si donc on compare la partie intellective aux images, autant elle se comportera en puissance pour l’un et en acte pour l’autre par rapport а elles. L’image en acte a la ressemblance d’une nature dйterminйe, mais cette ressemblance а d’une espиce dйterminйedans l’image est en puissance peut кtre abstraite des conditions matйrielles. Mais dans la partie intellective c’est le contraire, car elle n’a pas en acte les ressemblances des diffйrentes choses mais seulement elle a en acte la lumiиre immatйrielle qui a le pouvoir d’abstraire ce qui peut кtre abstrait en puissance. Et ainsi rien n’empкche de trouver dans une mкme essence de l’вme un intellect possible, qui est en puissance en rapport aux formes qui sont abstraites des images, et l’intellect agent qui abstrait la forme des images. Et ce serait la mкme chose s’il y avait un seul et mкme corps, qui serait transparent, existant en puissance pour toutes les couleurs, et comme il aurait la lumiиre, par laquelle il pourrait йclairer les couleurs, comme de quelque maniиre cela apparaоt dans l’њil du chat.

4. Ad quartum dicendum quod nihil prohibet aliqua duo ad invicem comparata sic se habere quod utrumque sit et ut potentia et ut actus respectu alterius secundum diversa; sicut ignis est potentia frigidus et actu calidus, aqua vero e converso; et propter hoc agentia naturalia simul patiuntur et agunt. Si igitur comparetur pars intellectiva ad phantasmata; quantum ad aliquid se habebit in potentia, et quantum ad aliquid in actu respectu eorum. Phantasma actu quidem habet similitudinem determinatae naturae; sed illa similitudo determinatae speciei est in phantasmate in potentia abstrahibilis a materialibus conditionibus. In parte vero intellectiva est e converso: nam non habet actu similitudines distinctarum rerum; sed tamen actu habet lumen immateriale habens virtutem abstrahendi quae sunt abstrahibilia in potentia. Et sic nihil prohibet in eadem essentia animae inveniri intellectum possibilem, qui est in potentia respectu specierum quae abstrahuntur a phantasmatibus, et intellectum agentem, qui abstrahit speciem a phantasmatibus. Et esset simile, si esset aliquod unum et idem corpus, quod esset diaphanum, existens in potentia ad omnes colores, et cum hoc haberet lucem, qua posset illuminare colores; sicut aliquo modo apparet in oculo cati.

 

5. La lumiиre de l’intellect agent est multipliйe immйdiatement par la multiplication des вmes, qui participent а la lumiиre de l’intellect agent. Mais les вmes sont multipliйes selon les corps, comme on l’a dit ci-dessus.

5. Ad quintum dicendum quod lumen intellectus agentis multiplicatur immediate per multiplicationem animarum, quae participant ipsum lumen intellectus agentis. Animae autem multiplicantur secundum corpora, sicut supra dictum est.

 

6. Cela mкme que la lumiиre de l’intellect agent n’est pas l’acte d’une organe corporel par laquelle il opиre, suffit pour pouvoir sйparer les espиce intelligibles des images, puisque la sйparation des espиces intelligible qui sont reзues dans l’intellect possible n’est pas plus grande que la sйparation de l’intellect agent.

6. Ad sextum dicendum quod hoc ipsum quod lumen intellectus agentis non est actus alicuius organi corporei per quod operetur, sufficit ad hoc quod possit separare species intelligibiles a phantasmatibus; cum separatio specierum intelligibilium quae recipiuntur in intellectu possibili, non sit maior quam separatio intellectus agentis.

 

7. Cette raison conviendrait plus pour l’intellect possible que pour l’intellect agent. Car cela le philosophe l’applique а l’intellect possible, qui, quand il aura compris ce qui est le plus intelligible,ne comprendra pas moins ce qui est le moins intelligible[216]. Cependant de tout ce qu’il comprend, il n’en dйcoule pas que le pouvoir de l’intellect par lequel nous comprenons est absolument infini, mais qu’il serait infini par rapport а un genre. Car rien n’empкche qu’une puissance qui est finie en soi, n’ait pas une limite dans un genre dйterminй, mais cependant elle a une limite en tant qu’elle ne peut pas s’йtendre au genre supйrieur, de mкme que la vision n’a pas de limite dans le genre de la couleur, parce que si elles йtaient multipliйes а l’infini, toutes pourraient кtre connues par la vue, cependant elle ne peut pas connaоtre ce qui est d’un genre supйrieur, comme ce qui est universel. De la mкme  maniиre notre intellect n’a pas de limite par rapport aux intelligibles qui lui sont connaturels, qui sont abstraits par les sens, mais cependant il a une limite, parce qu’il est en dйfaut sur les intelligibles supйrieurs qui sont les substances sйparйes ; car il se comporte pour les plus йvidentes des choses, comme l’њil de la chouette а la lumiиre du soleil,  comme il est dit en Mйtaphysique (II, 1, 993 b 9).

7. Ad septimum dicendum quod ratio illa magis concluderet de intellectu possibili quam de intellectu agente. Hoc enim philosophus inducit de intellectu possibili, quod cum intellexerit maximum intelligibile, non minus intelliget minimum. De quocumque tamen intelligatur, non sequitur ex hoc quod virtus intellectus quo intelligimus sit infinita simpliciter, sed quod sit infinita respectu alicuius generis. Nihil enim prohibet aliquam virtutem quae in se finita est, non habere terminum in aliquo genere determinato; sed tamen habet terminum in quantum ad superius genus se extendere non potest: sicut visus non habet terminum in genere coloris, quia si in infinitum multiplicarentur, omnes possent a visu cognosci; non tamen potest cognoscere ea quae sunt superioris generis sicut universalia. Similiter intellectus noster non habet terminum respectu intelligibilium sibi connaturalium, quae a sensibus abstrahuntur; sed tamen terminum habet, quia circa superiora intelligibilia, quae sunt substantiae separatae, deficit: habet enim se ad manifestissima rerum sicut oculus noctuae ad lucem solis, ut dicitur in II Metaph.

 

8. Cet argument ne convient pas. Car nous parlons de jugement sur la vйritй de deux maniиres.

a. La premiиre, comme par un intermйdiaire, de mкme que nous jugeons des conclusions par les principe et de ce qui est rйgulй par la rиgle. Et ainsi les raisons d’Augustin paraissent valables. Car ce qui est changeant ou qui a une ressemblance avec ce qui est faux peut кtre une rиgle infaillible de vйritй.

8. Ad octavum dicendum quod ratio illa non est ad propositum. Iudicare enim aliquo de veritate dicimur dupliciter. Uno modo, sicut medio; sicut iudicamus de conclusionibus per principia, et de regulatis per regulam; et sic videntur rationes Augustini procedere. Non enim illud quod est mutabile, vel quod habet similitudinem falsi, potest esse infallibilis regula veritatis.

 

b. D’une autre maniиre on dit que nous jugeons d’une vйritй, comme par un pouvoir apte а juger et nous jugeons de la vйritй de cette maniиre par l’intellect agent.

Alio modo dicimur aliquo iudicare de veritate aliqua, sicut virtute iudicativa; et hoc modo per intellectum agentem iudicamus de veritate.

 

Mais cependant pour scruter plus profondйment l’intention d’Augustin et comment se comporte la vйritй а ce sujet, il faut savoir que certains philosophes anciens qui ne pensaient pas qu’il y avait une autre puissance cognitive en dehors des sens, ni des йtants au-delа du sensible, ont dit qu’on ne pouvait avoir aucune certitude  et pour deux raisons : a. Parce qu’ils pensaient que les sensibles йtaient toujours en mouvement ( ?) et que rien dans les choses n’йtait stable. b. Parce qu’ils trouvaient que certains en йtat de veille, d’autres en dormant jugeaient diffйremment, et aussi le malade [jugeait] autrement que celui en en bonne santй. Et on ne peut pas accepter ce par quoi on discerne celui d’entre eux qui pense plus vrai а ce sujet, puisque cela ressemble а la vйritй. Et ce sont les deux raisons qu’Augustin traite, pour lesquelles les anciens ont dit que nous ne pouvions pas connaоtre la vйritй. C’est pourquoi Socrate aussi, dйsespйrant de capter la vйritй des choses, s’engagea tout entier dans la philosophie morale.

Sed tamen ut profundius intentionem Augustini scrutemur, et quomodo se habeat veritas circa hoc, sciendum est quod quidam antiqui philosophi, non ponentes aliam vim cognoscitivam praeter sensum, neque aliqua entia praeter sensibilia, dixerunt, quod nulla certitudo de veritate a nobis haberi potest; et hoc propter duo. Primo quidem, quia ponebant sensibilia semper esse in fluxu, et nihil in rebus esse stabile. Secundo, quia inveniuntur circa idem aliqui diversimode iudicantes, sicut aliter vigilans et aliter dormiens; et aliter infirmus, aliter sanus. Nec potest accipi aliquid quo discernatur quis horum verius existimet, cum quilibet aliquam similitudinem veritatis habeat. Et hae sunt duae rationes quas Augustinus tangit, propter quas antiqui dixerunt veritatem non posse cognosci a nobis. Unde et Socrates, desperans de veritate rerum capessenda, totum se ad moralem philosophiam contulit.

 

Mais Platon son disciple, d’accord avec les philosophes anciens que les sensibles sont toujours en mouvement et en йcoulement et que le pouvoir [sensitif] n’a pas de jugement certain sur les choses pour йtablir la certitude de la science, a pensй d’une part qu’il existait des espиces, sйparйes des sensibles et immobiles, dont il a dit que les sciences existaient, d’autre part il a placй une puissance cognitive dans l’homme au-dessus de la sensation а savoir l’esprit, ou l’intellect йclairй par un soleil supйrieur intelligible, comme la vue est йclairйe par soleil visible.

Plato vero discipulus eius consentiens antiquis philosophis quod sensibilia semper sunt in motu et fluxu, et quod virtus non habet certum iudicium de rebus, ad certitudinem scientiae stabiliendam, posuit quidem ex una parte species rerum separatas a sensibilibus et immobiles, de quibus dixit esse scientias; ex alia parte posuit in homine virtutem cognoscitivam supra sensum scilicet mentem vel intellectum illustratum a quodam superiori sole intelligibili, sicut illustratur visus a sole visibili.

 

Augustin, suivant Platon, autant que la foi catholique le supportait, n’a pas pensй qu’il y avait des espиces subsistantes par soi, mais а leur place il a йrigй les raison des choses dans l’esprit divin[217], et parce que, par elles, selon l’intellect illuminй par la lumiиre divine, nous jugeons de tout non de sorte а voir les raisons elles-mкmes, car cela serait impossible а moins que de voir l’essence de Dieu, mais selon ce que ces raisons suprкmes impriment dans nos esprits. Car ainsi Platon a pensй que les sciences concernaient les espиces sйparйes, non parce qu’on les voyait elles-mкmes, mais selon elles notre esprit y participe, il en a la connaissance.

Augustinus autem, Platonem secutus quantum fides Catholica patiebatur, non posuit species rerum per se subsistentes; sed loco earum posuit rationes rerum in mente divina, et quod per eas secundum intellectum illustratum a luce divina de omnibus iudicamus: non quidem sic quod ipsas rationes videamus, hoc enim esset impossibile, nisi Dei essentiam videremus; sed secundum quod illae supremae rationes imprimunt in mentes nostras. Sic enim Plato posuit scientias de speciebus separatis esse, non quod ipsae viderentur; sed secundum eas mens nostra participat, de rebus scientiam habet.

 

C'est pourquoi dans une glose sur ces paroles ; les vйritйs ont йtй diminuйes par les fils des hommes, il est dit (Enarrationes in ps. XI, 1, 3) que de mкme que beaucoup de ressemblances d’une seule face brillent dans les miroirs, de mкme d’un seule premiиre vйritй rйsultent de nombreuses vйritйs dans nos esprits. Aristote a procйdй par une autre voie.

a. Car premiиrement il montre de multiples maniиres qu’il y a dans les sensibles quelque chose de stable.

b. Deuxiиmement que le jugement de la sensation est vrai sur les sensibles propres, mais est trompй sur les sensibles communs, mais plus а propos pour les sensibles par accident.

c. Troisiиmement qu’au-dessus du sens il y a le pouvoir intellectuel qui juge de la vйritй, non par des intelligibles qui existe au dehors, mais par la lumiиre de l’intellect agent qui les rend intelligibles. Mais il n’est pas important de dire que les intelligibles sont participйs par Dieu, ou que la lumiиre qui les rend intelligibles est participйe.

Unde et in quadam Glossa super illud: diminutae sunt veritates a filiis hominum, dicitur, quod sicut ab una facie resplendent multae similitudines in speculis, ita ex una prima veritate resultant multae veritates in mentibus nostris. Aristoteles autem per aliam viam processit. Primo enim, multipliciter ostendit in sensibilibus esse aliquid stabile. Secundo, quod iudicium sensus verum est de sensibilibus propriis, sed decipitur circa sensibilia communia, magis autem circa sensibilia per accidens. Tertio, quod supra sensum est virtus intellectiva, quae iudicat de veritate, non per aliqua intelligibilia extra existentia, sed per lumen intellectus agentis, quod facit intelligibilia. Non multum autem refert dicere, quod ipsa intelligibilia participentur a Deo, vel quod lumen faciens intelligibilia participetur.

 

9. Ces rиgles que les impies considиrent sont les premiers principes pour agir, qui sont aperзus par la lumiиre de l’intellect agent participй par Dieu, de mкme aussi que les premiers principes des sciences spйculatives.

9. Ad nonum dicendum quod regulae illae quas impii conspiciunt, sunt prima principia in agendis, quae conspiciuntur per lumen intellectus agentis a Deo participati, sicut etiam prima principia scientiarum speculativarum.

 

10. Ce par quoi on juge qu’elle est la meilleure de deux choses doit кtre meilleur que l’une et l’autre, si c’est jugй comme  rиgle et mesure.Car ainsi le blanc est la rиgle et la mesure de toutes les autres couleurs, et Dieu de tous les йtants ; parce que chaque chose est d’autant meilleure qu’elle approche davantage de ce qui est le meilleur. Mais ce par quoi nous jugeons qu’une chose est meilleure que l’autre, par exemple par le pouvoir cognitif, ne doit pas  кtre meilleur que l’une et l’autre. Mais ainsi par l’intellect agent nous jugeons que l’ange est meilleur que l’вme.

10. Ad decimum dicendum quod illud quo iudicatur de duobus quid sit melius, oportet esse utroque melius, si eo iudicetur ut regula et mensura. Sic enim album est regula et mensura omnium aliorum colorum, et Deus omnium entium: quia unumquodque tanto melius est, quanto magis optimo appropinquat. Illud autem quo iudicamus aliquid esse melius altero ut virtute cognoscitiva, non oportet esse utroque melius. Sic autem per intellectum agentem iudicamus Angelum esse anima meliorem.

 

11. La solution est йclairйe par ce qui a йtй dit. Car ainsi l’intellect agent est comparй au possible comme l’art qui met en mouvement [est comparй] а la matiиre en tant qu’il rend l’intelligible en acte, pour ce qui est l’intellect possible en puissance. Mais il a йtй dit comment les deux parties pourraient кtre fondйes dans une seule substance de l’вme.

11. Ad undecimum patet solutio ex dictis. Sic enim intellectus agens comparatur ad possibile ut ars movens ad materiam, in quantum facit intelligibilia in actu, ad quae est intellectus possibilis in potentia. Dictum est autem quomodo haec duo in una substantia animae fundari possint.

 

12. De mкme qu’il y a une seule nature des nombres dans tous les esprits, de mкme il y a une seule nature de la pierre, qui est une du cфtй de ce qui est compris, mais non du cфtй de l’acte d’intellection, parce que ce n’est de la nature de la choses comprise ; car ce n’est de la nature de la pierre d’кtre comprise. C'est pourquoi une telle unitй de la nature des nombres ou de la pierre ou de n’importe quoi, ne fait rien pour l’unitй de l’intellect possible ou de l’intellect agent comme on l’exposй ci-dessus.

12. Ad duodecimum dicendum quod sic est una ratio numerorum in omnibus mentibus, sicut et una ratio lapidis; quae quidem est una ex parte rei intellectae, non autem ex parte actus intelligendi, quod non est de ratione rei intellectae: non enim est de ratione lapidis quod intelligatur. Unde talis unitas rationis numerorum vel lapidum vel cuiuscumque rei, nihil facit ad unitatem intellectus possibilis vel agentis, ut supra magis expositum est.

 

13. Cette vйritй en quoi consiste le bien suprкme est commune  а tous les esprits, en raison d’une unitй de la chose ou en raison de l’unitй de la premiиre lumiиre qui s’йcoule dans tous les esprits.

13. Ad decimumtertium dicendum quod veritas illa in qua tenetur summum bonum, est communis omnibus mentibus vel ratione unitatis rei, vel ratione unitatis primae lucis in omnes mentes influentis.

 

14. L’universel que fait l’intellect agent est un en tous ceux par lesquels il est lui-mкme abstrait. C'est pourquoi l’intellect agent n’est pas diversifiй selon leur diversitй. Mais il est diversifiй selon la diversitй des intellects, parce que l’universel n’a pas son unitй par cette partie l’unitй par laquelle je la comprends ou tu la comprends; car mon intellection ou la tienne arrive а l’universel.C'est pourquoi la diversitй des esprits n’empкche par l’unitй de l’universel.

14. Ad decimumquartum dicendum quod universale quod facit intellectus agens, est unum in omnibus a quibus ipsum abstrahitur; unde intellectus agens non diversificatur secundum eorum diversitatem. Diversificatur autem secundum diversitatem intellectuum: quia et universale non ex ea parte habet unitatem qua est a me et a te intellectum; intelligi enim a me et a te accidit universali. Unde diversitas intellectuum non impedit unitatem universalis.

 

15. Il n’est pas convenable de dire que l’intellect agent est nu ou entiиrement ‘vкtu’ d’espиces ou vide. Car кtre empli de formes est de l’intellect possible, mais les produire vient de l’intellect agent. Mais il ne faut pas dire que l’intellect agent comprend sйparйment de l’intellect possible, l’homme comprend par l’un et l’autre, qui a la connaissance dans le particulier par les puissances sensitives, dont elles sont abstraites par l’intellect agent.

15. Ad decimumquintum dicendum quod inconvenienter dicitur intellectus agens nudus vel vestitus plenus speciebus vel vacuus. Impleri enim speciebus est intellectus possibilis sed facere eas est intellectus agentis. Non est autem dicendum quod intellectus agens seorsum intelligat ab intellectu possibili: sed homo intelligit per utrumque; qui quidem habet cognitionem in particulari, per sensitivas potentias, eorum quae per intellectum agentem abstrahuntur.

 

16. Ce n’est pas par une insuffisance de Dieu que les pouvoir de l’action sont attribuйs aux crйatures, mais par sa plйnitude la plus parfaite, qui suffit pour communiquer а tous.

16. Ad decimumsextum dicendum quod non est ex Dei insufficientia quod rebus creatis virtutes actionis attribuit, sed ex eius perfectissima plenitudine, quae sufficit ad omnibus communicandum.

 

17. La forme qui est dans l’imagination est du mкme genre que la forme qui est dans le sens, parce que l’une et l’autre sont individuelles et matйrielles, mais la forme qui est dans l’intellect, est d’un autre genre, parce qu’elle est universelle. Et c'est pourquoi la forme imaginaire ne peut pas imprimer la forme intelligible, de mкme que la forme sensible imprime la forme de l’image ; pour cela le pouvoir intellectif actif est nйcessaire, mais par le pouvoir sensitif actif.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod species quae est in imaginatione, est eiusdem generis cum specie quae est in sensu, quia utraque est individualis et materialis; sed species quae est in intellectu, est alterius generis, quia est universalis. Et ideo species imaginaria non potest imprimere speciem intelligibilem, sicut species sensibilis imprimit speciem imaginariam; propter quod necessaria est virtus intellectiva activa, non autem virtus sensitiva activa.

 

 

 

 



[1] Parall. : Ia,  qu. 50, a. 2 – qu. 75, a 5 – De Ente et ess. 5 -  I sent. D. 8 ; qu. 5, a. 2 -  II Sent  D 3, qu. 1, a. 1 — D. 17, qu. 1, a. 2 — In Boлt. De Trin. 5, a. 4, ad 4. – De Pot. qu. 6, a. 6 ; ad 4 – Quodlib.  III, qu. 8, IX, qu. 4, a. 4 – De anim.  A. 6 – De subst. sep. 5-8 – Opus. XV,  De angelis., 5 et ss. – Comp. Theol. 74.

[2] « Les formes ne peuvent pas кtre substrats. … Mais la forme qui est sans matiиre ne pourra pas кtre substrat… » (Trad.  H. Merle, Boиce, Courts traitйs de thйologie p. 132). Thomas dit ailleurs, en se rйfйrant toujours а Boиce : « La forme simple qui est acte pur, ne peut кtre le subtrat d’aucun accident ».parce que le substrat est comparй а l’accident, comme la puissance а l’acte » (Ia.  Qu. 54, a. 3, ad 2m). il ne s’agit donc pas de la substance spirituelle, mais de Dieu.

[3] Ces trois facultйs sont donc considйrйes comme des accidents qui appartiennent а la nature spйcifique de la crйature sprituelle. Cf. De Finance, Кtre et agir, p. 159.

[4] A comprendre comme sans forme. La matiиre sans forme (qui ne peut pas exister en rйalitй) est pure puissance.

[5] A quelques dйtails prиs, l’objection est la mкme dans les QD De anima, a. 6, obj. 1.

[6] « Il n’y a que les corps qui sont mus ». (Ia, qu. 50, a. 1, obj. 2. Cf. Physique, IV, 4, 234 b 10-20)

[7] « Mais il est nйcessaire de concevoir aussi la matiиre comme engagйe dans une chose en mouvement » H. Tricot note « texte inintelligible » (p. 116) Le commentaire de Thomas (n. 328) « Dans tout ce qui est mы, il est nйcessaire de comprendre la matiиre. Car tout ce qui est mы est en puissance, mais l’йtant en puissance c’est la matiиre ».

[8] « Le ciel et la terre ? Voilа bien une appellation qui ne convient pas trop mal pour dйsigner la nature, invisible et visible; dиs lors ces deux termes embrassent l’ensemble de la crйation… » Trad. P. Cambrone (Йd de la Plйiade). Augustin n’emploie pas le mot matiиre, mais le mot nature. On peut trouver une explication а cette matiиre de ce qui est visible (la matiиre ordinaire ou celle que l’on trouve dans le corps (Thomas parle plusieurs fois de matiиre corporelle, qui n’est pas la matiиre brute) et la matiиre de l’invisible : Dans le De Ente et essentia (II, 1) il parle pour les substances simples « de composition de forme et d’exister ». « Si on appelle matйrialitй en un sens trиs large toute sorte de potentialitй а savoir une potentialitй par rapport а l’existence » (on peut parler de) « matйrialitй des intelligences finies » D. J. Lallement, Commentaire du De ente et essentia… p. 417).

[9] La matiиre commune aux crйatures sprituelles et aux crйaturesz corporelles est attribuйe а Avicebron (La Fontaine de vie)), mais aussi aprиs Augustin а saint Bonaventure.

[10] « Quant aux choses qui n’ont pas de matiиre, soit intelligible, soit sensible, c’est immйdiatement et essentiellement que chacune d’elle est une unitй, comme c’est essentiellement qu’elle est un кtre, soit substance, soit qualitй, soit quantitй ». (Trad J. Tricot p. 476). Thomas, (n. 1760) : Il s’agit de mathйmatiques : « Il rйsoud le doute dйjа dit а propos des mathйmatiques. La matiиre est double, sensible et intelligible ; sensible, elle gouverne les qualitйs sensibles, chaud et froid, rare et dense…on dit que la matiиre est intelligible, si elle est reзue sans qualitйs sensibles, ou sans diffйrences… ».

[11] L’unitй convient а la substance.

[12] Ce par quoi il est vient de la forme qui donne l’кtre au composй, et ce qu’il est est la matiиre.

[13] Thomas, lectio 1.

[14] Par exemple l’homme n’est pas son humanitй.

[15] Il s’agit lа d’une intellection seconde. Pot. qu. 1, a. 1, sol. 10 : « Ce qui rйpond а l’esprit… d’une autre maniиre, indirectement, quand par exemple, un concept dйcoule de l’acte d’intellection et que l’esprit le considиre, en rйflйchissant sur lui. C'est pourquoi, cela correspond а cette considйration de l’esprit indirectement, c’est-а-dire par le moyen de l’intellection de la chose: par exemple, l’esprit comprend la nature de l’animal dans l’homme, dans le cheval et dans beaucoup d’autres espиces. Il en dйcoule que l’esprit les comprend comme genre. A cette conception par laquelle l’esprit comprend le genre, rien ne correspond immйdiatement dans l’objet extйrieur qui soit un genre, mais pour l’esprit d’oщ dйcoule cette intention rйpond une rйalitй ».

[16] Avйrroиs.

[17] « Est-il vraisemblable (…) que Dieu, ait non seulement crйй la raison causale du corps humain futur, mais encore la matiиre dont il devait кtre tirй – je veux dire la terre, du limon et de la poussiиre de laquelle il fut faзonnй – et que par contre Dieu ait seulement crйй la raison causale d’aprиs laquelle l’вme devait кtre faite et non pas aussi une certaine matiиre spйciale en son genre а partir de laquelle l’вme devait кtre faite ».  (Trad. BA. 7, p. 521).

[18] C'est-а-dire ‘n’est en acte ou en puissance’.

[19] C'est-а-dire Dieu, la matiиre en tant que telle, les crйatures.

[20] Un traducteur d’Augustin, qui reprend le mкme texte traduit ainsi : « Il sont indissolubles parce que je le veux ».

[21] « Rйgle 4 : ‘ce qui est’ peut avoir quelque chose en dehors de ce qu’il est lui-mкme, mais l’кtre en soi n’a en dehors de lui, rien d’autre qui lui soit ajoutй » (Trad. H. Merle).

[22] Le concret peut avoir des accidents, l’abstrait non.

[23] Comprendre ne rien perdre de sa vraie nature.

[24] Cf. Mйtaphysique,  VII, 3, 1029 a 3.- Cf. Les Catйgories, 5. La substance est la premiиre des dix catйgories.

[25] Il s’agit de la participation.

[26] Йd. Marietti, n° 99, p, 86 (PG. 695 C) : « Ils sont compris comme incorporels et immatйriels ».

[27] « Aucune recherche  ne serait constituйe sur le lieu, s’il n’y pas une espиce de mouvement selon le lieu » (Trad. H. Carteron)

[28] « Il y a six espиces de mouvement : la gйnйration, la corruption, l’accroissement, le dйcroissement, l’altйritй et le changement local » (Les Catйgories, 14, 15 a 13).

[29] L’opinion de saint Bonaventure : « Et si tu m’objectes que Dieu peut faire que la forme accidentelle soit sans matiиre, comme dans le sacrement de l’autel, il faut dire qu’il ne l’a jamais fait sans que toujours elle soit destinйe а кtre dans la matiиre et elle a une inclination pour elle en tant de sa nature ». (II Sent. p.I, a. 1, qu. 1, ad 3).

[30] En Ia, qu. 50, a. 2, il prйcise qu’il agit de l’opinion d’Avicebron dans La Fontaine de vie. Id.  II Sent,. D. 3, qu. 1, a. 1, c. Il faut ajouter saint Bonaventure. Cf. introduction.

[31] « Ce n’est pas que la matiиre infirme soit temporellement antйrieure aux choses formйes… »

[32] « J’appelle matiиre ce qui n’est par soi, ni existence dйterminйe, ni d’une certaine quantitй, ni d’aucune autres des catйgories par lesquelle l’Кtre est dйterminй… »

[33] Dieu, l’acte pur.

[34] « Il est clair que ces essences-lа sont plus proches de la Dйitй, puisque leur participation se fait selon plusieurs modes » (Trad. M. de Gandillac)

[35] La forme apporte des limites а la matiиre en en faisant un йtant limitй en genre et en espиce.

[36] C’est une concession de Thomas.

[37] A cette mкme objection dans l’article 6, obj. 1 des QD sur l’вme, Thomas rйpond : « Boиce parle lа de la forme qui est absolument simple, а savoir de l'essence divine, dans laquelle, puisque rien ne sort de la puissance et qu'elle est acte pur, un sujet [distinct de l'acte] ne peut кtre en aucune faзon. Les autres formes simples, si elles sont subsistantes, comme les anges et les вmes, peuvent cependant кtre des substrats pour autant qu'elles comportent de la puissance, en fonction de quoi il leur revient de recevoir quelque chose (trad.  Genuy).

[38] Pas d’accidents en Dieu.

[39] Cf. Pot.  qu. 4, a. 1, sc 5 : « 5. La crйature spirituelle et la crйature corporelle ont est crййes en mкme temps, comme cela a йtй montrй dans la question 3, article 18. Mais, dans la crйature spirituelle, l'absence de forme a prйcйdй sa mise en forme mкme en durйe. Donc, pour la mкme raison, dans la crйature corporelle aussi. Preuve intermйdiaire : on comprend la mise en forme de la crйature spirituelle selon qu'elle se tourne vers le Verbe qui est son illumination. Mais en mкme temps que la lumiиre a йtй faite, il y eut la division entre la lumiиre et les tйnиbres. Et par les tйnиbres, on comprend le pйchй dans la crйature spirituelle. Mais le pйchй n'a pas pu exister au premier instant de la crйation des anges, parce que, alors, les dйmons n'auraient jamais йtй bons..Donc la crйature spirituelle n'a pas йtй mise en forme au premier instant de la crйation. »

[40] Ou cause efficiente.

[41]  « La forme simple qui est acte pur ne peut кtre le sujet d’aucun accident, parce que le sujet est vis-а-vis de l’accident en rapport de puissance а acte. En ce sens-lа, Dieu seul est forme simple, et c’est de cela que parle Boиce. Mais la forme simple qui n’est pas son existence, et qui est а l’existence ce que la puissance est а l’acte, peut кtre le sujet d’accidents, notamment de ceux qui suivent l’espиce, car ils appartiennent а la forme : quant aux accidents individuels, ils ne suivent pas l’espиce, mais la matiиre, qui est principe d’individuation. L’ange n’est forme simple qu’en ce dernier sens ». (Ia, qu. 54, a. 3, ad 2) (Trad. Cerf)

[42] Le texte se trouve aussi dans le de Ente et Essentia, 4, 7 : « Certain disent que ces substances sont composйes de par quoi c’est et de ce qui est, (ex quo est et quod est ou bien de ce qui est et d’кtre comme le dit Boиce (de hebdomabidus, rиgle 7 et 8) (Trad.  A. de Libera)

[43] Cf. Rиgle 2.

[44] Sur Aliquid,  voir la note art. 2, c.

[45] tel qu’il se trouve dans l’esprit qui le pense.

[46] C’est l’opinion de Jean Damascиne, mais aussi celui de saint Bonaventure. (Й. Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, p. 201).

[47] L’acte pur c’est Dieu, la puissance pure c’est la matiиre.

[48] Parall.: Ia, qu. 76, a. 1 – II sent. D. 1, qu. 2, a. 4 — D. 17, qu. 2, a. 1 — CG. II, 56, 57, 69-70 — De anim, a. 1 et 2 — De anima,II, lectio 4, De anima III, lect. 7 — De unit. Intell., 3 — Comp. Thйol., 80, 87.

[49] « …les intelligibles ne sauraient кtre saisis ni comtempйs par les sensibles » (PL 588 B) (Trad. M. de Gandillac)

[50] On trouvera plus loin (respondeo de l’article) une dйfinition de la substance spirituelle. Elle est forme mais « en pouvant subsister et opйrer par elle-mкme, l’вme est une substance spirituelle ».

[51] « Intelliger », c’est l’acte de l’intellect (cf. en c.). « L’intellect est cette partie de l’вme par laquelle l’вme connaоt » Aristote De anima, III, 4, 429 a 10. Trad. E . Barbotin). C’est а la fois acquйrir la connaissance, penser, comprendre, concevoir. Pour simplifier la traduction nous employons ‘comprendre’.

[52] « La forme [sans la matiиre] n’est pas crййe. Elle est contenue en puissance dans la matiиre, il y a une ordination naturelle а la forme. “Qu’on ne croie pas davantage qu’en passant а l’acte de cette forme, la matiиre reзoit quelque chose du dehors. le fieri de la forme n’est donc trиs proprement que la transformation du sujet; elle-mкme n’a de sort indйpendant aucun et elle n’a donc pas besoin ni d’кtre crййe, ni d’кtre amenйe ». Sertillange, Thomas, II, p. 18.

[53] Thomas sait que ce livre n’est pas d’Augustin. Cf. a. 3, sol. 6. Il est d’Alcher de Claivaux. Dans l’esprit de l’auteur, il ne s’agit pas d’un miracle tel que nous l’entendons, mais d’une chose admirable, йtonnante, de mкme que l’union de Dieu (Le Christ) au ’limon’. C’est ainsi que le comprend Thomas dans la solution 6.

[54] « Tout ralentissement se produit (…) par suite d’une impuissance, et l’impuissance est contraire а la nature. Chez les animaux, tous les manques de force, comme la vieillesse et l’affaiblissement sont, eux aussi, contraires а la nature ». (Trad. P. Moraux, 69-70).

[55] Averroиs.

[56] C’est la quatriиme dйfinition de la nature que donne Boиce.

[57] Cela sera dйmontrй plus loin, a. 4.

[58] « Il n’en est pas moins vrai que pour certaines autres parties, rien n’empкche la sйparation, parce qu’elles ne sont l’entйlйchie d’aucune organe corporel ». (Trad. E. Barbotin).

[59] « Les contraires йtant diffйrents spйcifiquement, et le corruptible et l’incorruptible йtant des contraires (car la privation est une impuissance dйterminйe, le corruptible et l’incorruptible …sont nйcessairement diffйrents par le genre ». (Cf. Thomas, Mйtaphysique, X, XII, n.2137)

[60] Aristote donne trois dйfinitions. Il s’agit ici de la premiиre: « L’вme est substance au sens de forme d’un corps naturel possйdant la vie en puissance ». Les deux autres II, 1, 412 a 24 et II, 1 412 b 5 insistent sur la fait que l’вme est l’йntйlйchie premiиre d’un corps naturel organisй

[61] Le De natura hominis, њuvre de Nйmйsius, йvкque d’Йmиse en Phйnicie, (dйbut du Ve siиcle). Њuvre d’inspiration nйoplatonicienne, dont un fragment a йtй placй а tort dans les њuvres de Grйgoire de Nysse.

[62] « L’intellect… (j’entends par intellect ce par quoi l’вme pense discursivement et conзoit) n’est pas par l’acte des йtants avant de penser. C'est pourquoi l’on ne peut, non plus, dire raisonnablement qu’il soit mкlй au corps » (Trad. E. Barbotin, modifiйe).

[63] Le problиme de l’Unitй de l’intellect sera traitй aux articles 9 et 10.

[64] L’imagination n’est pas la sensation, car on peut imaginer sans vue ou vision. « les sensation sont vraies… les images le plus souvent sont fallacieuses ». Cf. Aristote, De anima, III, 8, 428 a.

[65] « Quant а la pensйe discursive de l’вme, les images lui tiennent lieu de sensation… C'est pourquoi l’вme ne pense jamais sans image ». (Trad. E. Barbotin).

[66]Species et phantasma sonr des termes techniques, difficiles а traduire.

[67] Voir note ci-dessus.

[68] « …les corps en mouvements mettent en mouvement а peu prиs tout ce qui se trouve sur leur chemin…Du fait que ces corps en mouvement mettrent en mouvement des corps de mкme nature, on a l’impression que le contact est nйcessairement rйciproque, mais si un moteur lui-mкme immobile met en mouvement un objet nous sommes en prйsence d’un cas oщ le moteur touche ce qu’il meut, mais rien ne le touche lui-mкme ».

[69]: « On peut comprendre " quelque chose " (aliquid) soit de toute rйalitй subsistante, soit d'une rйalitй subsistante complиte, d'espиce dйterminйe. Le premier sens exclut tout ce qui est accident, ou forme matйrielle, le second exclut encore cette imperfection d'кtre une partie d'un tout. Ainsi la main est " quelque chose " au premier sens, mais non au second. De la mкme maniиre l'вme, qui est une partie de la nature humaine, n'est " quelque chose ", rйalitй subsistante, qu'au premier sens. C'est pourquoi il faut concйder que le composй d'вme et de corps peut кtre dйsignй comme " quelque chose ". (Ia, qu. 75,a. 2, ad 1m)

[70] « L’вme n’est donc pas sйparable du corps ».

[71] « (Platon) affirmait en effet que la nature de l'espиce est tout entiиre dans l'вme, disant que l'homme n'est pas quelque chose de composй d'une вme et d'un corps, mais une вme usant d'un corps, de telle sorte qu'elle serait comparable au corps comme le pilote а son navire, ou le vкtu au vкtement. … Il est manifeste que l'вme est ce par quoi le corps vit… que l'вme est donc ce par quoi le corps humain a l'кtre en acte, ce qui est le fait d'une forme. L'вme humaine est donc la forme du corps.… L'вme s'йtant retirйe, aucune partie du corps ne retient plus le nom qu'elle avait, sinon de maniиre йquivoque. Car l'њil d'un mort est dit par йquivoque un њil, et de mкme l'њil peint ou sculptй, et il en va ainsi des autres parties du corps. De plus, si l'вme йtait dans le corps comme le pilote dans le navire, il s'ensuivrait que l'union de l'вme et du corps serait accidentelle et la mort, qui signifie leur sйparation, ne serait plus une corruption substantielle, ce qui est manifestement faux ». QD De anima, qu. 1, c.

[72] « C’est aussi ce que le philosophe appelle frйquemment le ce que c’йtait d’кtre <un> quelque chose. On l’appelle aussi « forme » dans la mesure oщ c’est par la forme qu’est signifiйe la certitude de chaque chose, comme le dit Avicenne au livre II de sa Mйtaphysique (II, 2, et 1, 6) . On l’appelle aussi autrement « nature », en l’entendant au premier des quatre sens que Boиce lui assigne dans son livre Des deux natures, c'est-а-dire au sens oщ on appelle nature tout ce qui peut кtre saisi de quelque faзon par l’intellect… » (de ente et essentia, I, 3). (Trad. A. de Libera, Cyrille Michon).

[73] « Au dessus sont les formes des corps mixtes qui, outre les opйrations susdites, ont quelque opйration consйcutive а l'espиce qu'elles reзoivent des corps cйlestes: que l'aimant attire le fer, c'est а cause, non pas de la chaleur ou du froid ou de quelque autre qualitй, mais de la participation d'une force cйleste ». (QD De anima, a. 1 c.) Commentaire du De anima I, lect. 5, n. 6: selon Thalиs, « il dit que ce qui possиde la puissance motrice est l’вme; par consйquent une certaine pierre, mouvant le fer , il affirma qu’elle possиde (une) l’вme ». (Trad. J.-M. Vernier, p. 55)

[74] « Qu’est-il besoin pour les esprits des dйfunts de rencontrer leur corps а la rйsurrection…question trop ardue… Cependant il est indubitable que l’вme intellectuelle de l’homme… ne peut voir la substance de Dieu comme le voient les saints anges ». (Trad. BA p. 451).

[75] Selon l’opinion d’Aristote, rapportйe dans l’objection.

[76] Corruptible (BJ).

[77] « Les saints ordres des essences cйlestes l’emportent donc et sur les кtres matйriels… sur les animaux sans raison, et aussi sur notre raison humaine». (Trad. M. de Gandillac).

[78] Ia, qu. 76, a. 6, 7 — II Sent. D. 1, q. 2, a. 4, ad 3 — CG. II, 71 — De anima.a. 9 — II De anima, lect. 1 — VIII Mйtaph., lect. 5 — Quodl., 1, a. 6 — XII, a. 9 — Compend. Theol. 91, 92.

[79] « Aussi l’вme est-elle l’entйlйchie premiиre d’un corps naturel possйdant la vie en puissance ».(Trad. E. Barbotin).

[80] Il y a le mкme rapport entre les deux sйries. L’вme pour les кtres animйs, la forme pour les autres. L’objection revient а assimiler le corps organique а la matiиre au moment de sa constitution.

[81] « …unir dans la dйfinition, а la fois la puissance et l’acte, c’est parler de la troisiиme espиce de substance, а savoir le composй de la matiиre et de la forme (Il semble bien que la dйfinition par les diffйrences relиve de la forme) » (Trad. J. Tricot).

[82] L’њuvre n’est pas d’Augustin (Thomas le dit sol. 6) mais d’Alcher (PL. XL, 789). Thomas le redit dans les QD de anima, a. 9, sol. 1.

[83] Phantasiticum semble devoir кtre comme une puissance de l’вme qui reзoit l’image (phantasma) d’oщ l’intellect tire le concept: l’imagination « La pensйe « comprend а la fois, semble-il, l’imagination et le jugement » (Aristote De anima III, 3, 427 b 32) « Si donc l’imagination est cette fonction qui, dit-on produit en nous l’image, tout usage mйtaphorique йtant exclu, elle est, parmi d’autres, une facultй ou une disposition qui permet de juger… (III, 3, 428 b). « L’imagination est, semble-t-il, un mouvement (qui) ne peut se produire sans la sensation… (428 b 11).

[84] Suite du texte: « … qui sont aussi en ce monde des corps йminents et plus semblables а l’esprit ».

[85] « …quand ces fonctions qui sont comme au service de l’вme dйfaillent complиtement, par suite d’une corruption ou d’une perturbation quelconque, les messagers du sens et les agents du mouvement faisant dйfaut, l’вme qui en quelque sorte n’a plus de raison d’кtre prйsente au corps, s’en йloignйe (Trad. BA 48, p. 545). Augustin montre bien ce qui est considйrй comme intermйdiaire dans cette objection.

[86] Cf. a. 2, obj. 16.

[87] Costa Ben Luca (XIIe siиcle).

[88] « Pour tout ce qui a pluralitй de parties et dont la totalitй n’est pas une juxtaposition… il y a une cause d’unitй… ce principe d’unitй tantфt le contact, tantфt l’agglutination ou quelque autre dйtermination de cette nature ». Trad.. J. Tricot)

[89] Notre intellect ne peut comprendre en acte qu’en se tournant vers les images ( phantasmata) (Ia, qu. 8, a. 8 c, etc.) Les fonctions de l’вme ne peuvent s’accomplir que par les sens corporels. C’est pourquoi elle a besoin de son corps.

[90] 193 b 33: « C’est pourquoi, encore, il (le mathйmaticien) les sйpare; et en effet, ils sont, par la pensйe, sйparables du mouvement: peu importe d’ailleurs cette sйparation: elle n’est cause d’aucune erreur. » (Trad. H. Carteron).

[91] 1036 a 27: « …il n’est pas possible de dйfinir quelque chose, puisque c’est seulement de l’universel et de la forme qu’il y a dйfinition ». 1036 a 31: Suit l’exemple d’un cercle d’airain, de pierre ou de bois. Les matiиres ne font parties de l’essence du cercle car il a une existence sйparйe. 1036 b 3: « La forme de l’homme nous apparaоt rйsider toujours dans la chair, les os et les parties analogues. Seraient-ce donc lа des parties de la forme et par suite de la dйfinition.…La sйparation de la forme apparaоt donc possible mais on ne voit pas toujours clairement dans quel cas. » VII, 10, 1035 a: « Si donc on a d’une part, la matiиre et de l’autre la forme, et en troisiиme lieu la forme et le composй sont substances, alors mкme la matiиre est, en un autre sens, dite partie d’une chose, tandis que, en un autre sens, elle ne l’est pas, et dans ce dernier cas, sont seulement parties les йlйments qui entrent dans la dйfinition de la forme ». (Trad. J. Tricot).

[92] Aristote dйfinit la qualitй ainsi: « J’appelle qualitй ce en vertu de quoi on est dit кtre tel ». Pour lui il y a quatre espиces de qualitй: 1) l’йtat ou la disposition (Catйgorie,VIII 8, b 26); 2) Les bonnes dispositions « On parle de bon lutteur, bon … » (9 a 28). 3) Les qualitйs affectives et les affections (9 a, 28): douceur, amertume, вcretй. 4) La figure ou la forme qui appartiennent а tout l’кtre (10 a 11).

[93] « Si Dieu a pu joindre la nature si diffйrente du corps et de l'вme dans une union unique et les joindre en une telle amitiй, il ne lui est jamais impossible d'йlever l'humilitй future de la crйature raisonnable, bien que de loin infйrieure, а la participation а sa gloire » (Texte du De spiritu et anima, XIV, citй par Pierre Lombard).

[94] « Qu’est-ce qui contient donc l’вme si elle est apte par nature а кtre divisible ? En effet ce n’est pas le corps, car il semble au contraire que l’вme le contient davantage qu’il ne la contient; elle, l’ayant quittй, il expire et s’йvanouit. ». (Trad. J.-M. Vernier)

[95] Ia, qu. 76, a. 6, c.: « La puissance du cфtй de l’вme pour mouvoir le corps et une aptitude du cфtй du corps par laquelle le corps pourrait кtre mы ». Le sed contra prйcise qu’alors l’вme serait un accident, il n’y a pas dans le corps de forme accidentelle avant la forme substantielle.

[96] Cf. Aristote, Mйtaphysique, (5, 7, 1017 a 6 sq.) L’кtre est « par accident, quand, par exemple, nous disons que le juste est musicien… L’кtre par essence reзoit toutes les acceptions qui sont indiquйes par les types de l’кtre, car les sens de l’Etre sont en nombre йgal а ces catйgories (substance, qualitй, relation…) (Trad. J. Tricot).

[97] Philosophe, VI6e siиcle p.c. A йcrit des commantaires sur les њuvres d’Aristote.

[98] Il s’agit de la participation, а l’origine chez Platon. Par exemple: « La participation est le principe а partir duquel s’expliquent les degrйs de perfection. En effet, ce qui est parfait est ce qui est cause de tous les degrйs de perfection que l’on rencontre dans un genre donnй, c’est donc ce qui ne tient pas sa perfection d’une cause mais de lui-mкme. » Laurence Renault, Dieu et les crйatures selon Thomas d’Aquin, p. 36. « … quand des choses diverses on trouve de l'unitй, il faut que ces choses diverses reзoivent cette unitй d'une seule cause. Ainsi divers corps chauds tiennent la chaleur du feu. L'esse se trouve communйment en toutes choses encore qu'elles soient diverses.( CG. II, 16, § 9 - Cf. I, 45, 5. c).

[99] « S’ils ne sont un que spйcifiquement, rien ne sera un numйriquement, pas mкme l’Un en soi et l’Кtre en soi » III, 4, 999 b 25- « Qu’est-ce donc qui fait l’homme un, et pourquoi est-il un et non plusieurs, animal et bipиde par exemple; surtout si l’animal et le bipиde sont, comme l’assurent certains philosophes, Animal en soi et Bipиde en soi ? Pourquoi, en effet l’Homme ne serait-il pas ces deux idйes elles-mкmes.» Mйtaphysique, VIII, 6, 1045 a 14) (Trad. J. Tricot).

[100] Qui est une substance accidentelle.

[101] « Il est donc manifeste aussi que si les substances sont assimilables, en quelque maniиre aux nombres… », c'est-а-dire en tant la substance est la forme distincte des йlйments. (Trad. et note J. Tricot).

[102] « Toujours en effet, le terme postйrieur contient le terme antйrieur, qu’il s’agisse des figures ou des кtres animйs…la facultй sensitive contient la facultй nutritive ». (Trad. E. Barbotin).

[103] L’exemple de Thomas est dans le texte d’Aristote ibid.

[104] « Un corps peut bien кtre en quelque faзon principe vital, le cњur par exemple, mais non pas premier principe ». (Ia,qu. 75, a. 1, c).

[105] Le De spiritu et anima.

[106] C'est-а-dire l’image abstraite.

[107] Il semble en effet qu’il ne soit pas d’Aristote.

[108] « Il y a des philosophes qui admettent l’existence de ces кtres dits intermйdiaires entre les Idйes et le monde sensible, mais ils ne les sйparent cependant point des choses sensibles, et disent qu’ils sont immanents au sensible. Toutes les impossibilitйs qu’entraоne une telle doctrine, il serait trop long de les expliquer. » (Trad. J. Tricot)

[109] Parall. : Ia, qu. 76, a. 8 — I sent. D. 8, qu. 5, a. 3 — CG. II, 72 — QD De anima, a. 10, — I de anima, lectio 14.

[110] La citation est quelque peut diffйrente en Ia, qu. 76, a 8. Il ajoute : « pour faire vivre les autres. Car chacune d’elle est capable par nature d’exйcuter un mouvement qui lui est propre. »

[111] « Quid ergo amplius quaeris quanta sit anima, cum videas esse tantam quantam ipsa spatia corporis patiuntur? » - Pourquoi donc chercher encore la mesure de l'вme, puisque tu la vois aussi grande que le comporte l'espace occupй par le corps?

[112] Averroиs.

[113] Il s’agit de l’ange qui meut le corps cйleste.

[114] « Dиs lors il est nйcessaire que le moteur soit ou au centre, ou а la pйriphйrie : car ce sont lа les principes (de la sphиre). Or ce sont les choses les plus proches du moteur qui se meuvent le plus rapidement, et tel est le mouvement de l’univers (tou olou) ; c’est donc а la pйriphйrie qu’est le moteur ». Trad.  H. Carteron.

[115] « Ce qui est l’entйlйchie premiиre d’un corps naturel organisй »

[116] Il semble qu’il s’agit des infimes parties du corps, supposйes non divisibles, en un nombre potentiellement infini.

[117] Absque quantitate dimensiva : Thomas, aprиs Aristote, place la dimension parmi les catйgories, la quantitй en l’occurrence. (Catйgories, 6).

[118] Certaines puissances sont en rapport avec des organes (vue, audition, etc. ) d’autres non (l’intellection).

[119] Les chiffres indiquent les trois parties du syllogisme.

[120] La preuve est celle de la deuxiиme proposition du syllogisme, ici le fait que l’вme est composйe de matiиre et de forme. (Le contraire, est dйmontrйe en Ia,qu. 75, a. 5. Mais ici il s’agit d’une objection).

[121] Pour Aristote il s’agit des philosophes « pour qui l’univers est un et qui admettent une seule nature comme sa matiиre ». (Les premiers physiologues. J. Tricot)

[122] Cf. a. 5, c, premier §.

[123] « La chose qui n’a plus rien au-delа est achevйe et entiиre, car nous dйfinissons l’entier ce d’oщ rien n’est absent ». (Traf. H. Carteron)

[124] « Elle est dans chaque corps, toute entiиre, dans le tout, tout entiиre en chaque partie ».(BA. 15, p. 489) Ici Augustin s’inspire de Plotin (Enn. IV, II, 1) pour qui l’вme est le principe actif du monde.

[125] Exemples particulier, parce que certaines formes ne sont pas dans toutes les parties. Il repend l’exemple de la maison (obj. 4).

[126] Le dйbut du texte est assez proche de QD. de anima, a. 10, c.

[127] Thomas s’inspire du De anima, II, 1, 412 b 9-17) et tout particuliиrement de 428 b 20 (pour l’њil). Il signale son emprunt en Ia,qu. 76, a. 8, c.

[128] Il s’agit des formes ordinaires qui sont dans la matiиre.

[129] Il s’agit ici du cњur : « quoique qu’un corps puisse кtre un certain principe de vue, comme le cњur est principe de vie dans l’animal ; cependant il ne peut pas кtre le premier principe de vie » (Ia, qu. 76, a. 1, c).

[130] Pot.. qu. 3, a. 12 sol. 5 « La coupure du ver est violente et contre nature, parce que la partie coupйe йtait une partie en acte, parfaite par l’вme; c'est pourquoi quand on coupe le corps, l’вme demeure dans l’une et l’autre partie, qui йtait une en acte dans le tout et plusieurs en puissance. Ce qui arrive parce que de tels animaux sont presque semblables dans le tout et dans la partie; parce que leurs вmes sont plus imparfaites que les autres, elles demandent peu de diversitй dans leurs organes. Et de lа vient qu'une partie coupйe peut recevoir l’вme, comme ayant seulement pour les organes autant qu'il suffit pour recevoir une telle вme, comme cela arrive dans les autres corps semblables, comme le bois et la pierre, l’eau et l’air. Cf. II Sent.  d18q2a3.

[131] Parall. : Ia,  qu. 50, a. 1 – CG. II, 46, 91, 92 – De  Pot.qu. 6, a. 6 — De causis, comm. 7 — De subst. Sep., 18 — Compend. Thйol., 74, 75

[132] « Or comme nous avons sous les yeux un terme extrкme, qui peut кtre mы mais n’a pas en soi de principe de mouvement, ensuite un moteur qui est mы par autre chose et non par soi, il est raisonnable, pour ne pas dire nйcessaire que le troisiиme terme existe, а savoir ce qui meut йtant immobile ».(Trad. H. Carteron).

[133] C’est un raisonnement logique que l’on retrouve plusieurs foi, qui n’a de valeur que si on suppose que Dieu a comblй toutes les possibilitйs qui s’offraient. Cf. Rйponse 1. : «…telle semble la perfection de l’univers qu’il ne lui manque aucune nature qui a la possibilitй d’exister ». On trouve chez Aristote un raisonnement semblable. Cf. ci-dessus en note la citation de Physique VIII, 5, 256 b 20.

[134] Sectareurs de AUDIUS( ?) qui fonda une secte en Mйsopotamie († 372). Ils interprйtaient l’Йcriture littйralement.

[135] « En йtat de comprendre, d’intelliger ».

[136] Il s’agit de la participation.

[137] Le pape Paschaire ne parle pas d’кtres spirituels, comme l’objection pourrait le laisser croire.

[138] L’aevum est entre l’йternitй et le temps. Il n’a ni avant ni aprиs. C’est le mesure des crйatures spirituelles. (Cf. Ia, qu. 10, a. 5).

[139] Parall. : Ia, qu. 70, a. 3- CG. II, 70, III, 23, 24 — II sent. Q. 14, qu. 1, a. 3 — de Verit., qu. 5, a. 9, ad 14 — De Pot. qu. 6, a. 6. — De anim. A. 8, ad 3, 17 et 18 — Quodl., 12, a. 8 — De caelo et Mund. II, lect. 3, 13.

[140] Dйjа exprimй dans l’rrticle 2, c.

[141] Cf. Ia, qu. 70, a. 3, obj. 1 : « Ce qui convient pour l’ornement des corps infйrieurs, est animй, а savoir, les poissons, les oiseaux, et les animaux terrestres. Donc les ‘luminaires’ aussi qui appartiennent а l’ornement du ciel ».

[142] Il s’agit de Dieu, chez Augustin.

[143] « L’effet est plus parfait quand il revient а son principe. C'est pourquoi le cercle parmi toutes les figures et le mouvement circulaire parmi tous les mouvements est le plus parfait parce qu’ils reviennent а leur principe ».. (CG II, 46 § 2).

[144] En Ia, qu. 70, a. 3, seul de sed contra a йtй retenu.

[145] « C’est plutфt l’вme (…) qui semble faire l’unitй du corps. Quand elle se retire, il se dissipe et se corrompt ».

[146] On retrouve ce mкme dйveloppement dans les QDP De anima qu. 8 sol. 3.

[147] Ia, qu. 70, a 3 c. Il ajoute « Il nia aussi la divinitй ».

[148] «Qo 1, 6. « Le vent part au midi, tourne au nord, il tourne, tourne et va, et sur son parcours retourne le vent ». (B.J.)

[149] « On se demande encore si ces brillants luminaires du ciel sont seulement des corps ou s’ils ont pour les rйgir des esprits attachйs а chacun d’eux. Dans cette hypothиse, ces esprits vont-ils jusqu’а leur communiquer la vie… ? »

[150] Cf. Pot. qu. 5, a. 5, obj/sol. 5-6.

[151] Traduction BA. 48, p. 211.

[152] Il s’agit d’un infini potentiel.

[153] Le mouvement circulaire.

[154] « …il est nйccesaire que le moteur soit, ou au centre, ou а la pйriphйrie ;… ce sont les choses les plus proches qui se meuvent le plus rapidement, et tel est le mouvement de l’univers ; c’est donc а la pйriphйrie qu’est le moteur ». (Trad ; H. Carteron)

[155] Parall. : Ia, qu. 51, a. 1 – CG.  II, 90, 91 – II Sent. D. 8,qu. 1, a. 1 – De pot. qu. 6, a. 6 – De malo qu. 16, a. 1 — De Subst. Sep.  18, 19.

[156] Comprendre moins matйriel. Cf.  obj. Suivante.

[157] « L’вme йtant incorporelle, elle agit d’abord dans un corps qui a des affinitйs avec l’incorporel comme sont le feu ou plus prйcisйment la lumiиre et l’air »  (XV, 21) – L’вme « se sert toutefois de l’air et de la lumiиre qui eux aussi sont des corps supйrieurs aux autres corps de ce monde… » (XIX, 25). (Trad. BA48).

[158] C'est-а-dire lui attribuer une figure ou une forme. Cf. Rйponse : la substance ne peut pas donner forme а l’air.

[159] « Il est impossible qu’un corps soit douй d’une вme et d’une intelligence capable de juger, sans possйder la sensation ».(Trad. E. Barbotin).

[160] Parall. : Ia, qu. 50, a. 4 — de Ente et Ess. 5 – II Sent. D. 3, qu. 1, aa. 4-5 — CG. II, 93, 95 — De Unitate Intell. 5 — De Subst. sep. 8 – Quodl. 2, a. 4­

[161] « Il n’en est pas de mкme de l’autre groupe des crйatures raisonnables (le premier йtait celui des anges) qui se compose des hommes. Ces derniers ayant tous pйri sous le coup du pйchй et des supplices, soit originel, soit personnel, qui pesaient sur eux, une partie en serait relevйe, qui comblerait les vides creusйs dans la sociйtй angйlique… » (Trad. BA. 9, p. 157)

[162] C’est l’кtre qui reprйsente la forme de l’ange.

[163] Repris en Ia, qu. 50, a. 4, ad 1 : « Sans la diffйrence (apportйe par l’espиce), tous les animaux seraient d’une seule espиce ».

[164] Les diffйrences sйparent le genre en espиce.

[165] « C’est en puissance, d’une certaine maniиre, que l’intellect est identique aux intelligibles, mais aucun d’eux n’est en entйlйchie avant de penser » (Trad. de E. Barbotin, modifiйe).

[166] « Pour chaque hiйrarchie les ordres et les puissances se distribuent en trois degrйs, premier, moyen et dernier ». (Trad. M. de Gandillac, p. 202).

[167] « Dans les choses oщ il y a de l’antйrieur et du postйrieur, il n’est pas possible que ce qui est attribuй а ces choses existe en dehors d’elles » ; (rad. H. Tricot, p. 144).

[168] En Ia, qu. 50, a. 4, Thomas s’oppose а trois opinions diffйrentes : 1. Toutes les substances spirituelles, mais aussi les вmes, sont d’une seule espиce. 2. Les anges sans les вmes sont d’une seule espиce. 3. Ils sont d’une seule hiйrachie..

[169] « La forme et la matiиre diffиrent par le genre ».

[170] « Le genre est pris de ce qui est matйriel dans la chose ». (De ente et essentia, V, 6)

[171] « La distinction… non selon la division de quantitй, puisqu’ils sont incorporels, mais selon la diversitй des puissances. Cette diversitй de la matiиre cause non seulement celle de l’espиce, mais aussi du genre ». Ia, qu. 50, a. 4, c.

[172] « 1 - Que chacun se soumette aux autoritйs en charge. Car il n'y a point d'autoritй qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituйes par Dieu ».(BJ.).

[173] Ces extrйmitйs sont ce qui est le plus haut et le plus bas dans la hiйrarchie des кtres.

[174] C’est l’кtre qui individualise

[175] La forme plus la matiиre (ou le substrat) devienent l’кtre qui individualise le tout.

[176] Parall. : Ia, 76, a. 2 —II Sent.D. 17,qu. 2, a. 1 — CG. II, 59, 73, 75 — De anima, a. 3 — III De anima, lectio 7, 8 — De unitate intell., 4, 5 — Comp. Theol. 85.

[177] Sur la traduction de quantitate par dimension, voir Augustin, les Confessions… йd. de la Plйiade, p. 1243.

[178] « Mais si je dis seulement qu’elle est multiple, moi-mкme je rirai de moi et je supportrai moins de me mйpriser que si c’йtait toi qui me mйprisais ». (Trad.  S. Depuy-Trudelle йd de la Plйiade).

[179] A l’opposй de ce qui est gйnйral…  « en ce qui concerne l’individu, sitфt aprиs la matiиre derniиre particuliиre, Socrate existe ; et de mкme pour tous les autres cas ».

[180] Cet њuvre n’est pas d’Augustin.

[181] Allusion au platonisme.Voir, par exemple, ce qu’en dit Augustin, de trinitate, XII, XV, 24.

[182] La matiиre corporelle s’oppose а la matiиre indйterminйe. (De Ente et Essentia, IV, 2).

[183] « Quemadmodum dicitur tempus hujus, vel illius rei, cum unum et idem sit tempus omnium, qui sunt in eodem tempore simul… » (« Comment parler du temps de cette chose ou de cette autre, puisque c’est un seul temps pour tout ce qui est dans le mкme temps. ») (Le temps est un accident)

[184] « De mкme donc que pour percevoir les dimensions spйciales, nous sommes aidйs par l’йmission de rayons lumineux qui jaillissent par la fente de nos pupilles, et qui appartiennent si bien а notre corps que, mкme dйposйs sur les choses lointaines, que nous voyons, ils sont vivifiйs par notre вme » (Trad. J.-L. Dumas, йd de la Plйiade, qui renvoie а Plotin, Ennйades, IV, 5 L’њil est considйrй comme source de lumiиre. Cf. Pot. qu. 3, a. 7, c : « …nos sens : puisque en effet, ils ne perзoivent que par ce qu’ils reзoivent du sensible (mкme si pour la vue, il y a un doute а cause de ceux qui disent que la vue fonctionne en se projetant а l’extйrieur, pour le toucher et les autres sens c’est clair) ». Il s'agit aussi de la « Sunaugeia» platonicienne, c'est-а-dire la thйorie de la rencontre des rayons йmanant de l'objet extйrieur et des rayons venant de l'њil (Timйe, 45 b—46 c et 67 c - 68 d).

[185] « C’est une mкme chose que la science en acte et son objet. Sans doute la science en puissance est-elle antйrieure selon le temps dans l’individu… ».

[186] Allusion а l’вme du monde.

[187] « Si donc l’intellection est analogue а la sensation, il faut examiner quel est son caractиre distinctif ».(Trad. E. Barbotin).

[188] En certains cas, on pourrait, comme certains le font, traduire intelligere par intelliger ou penser. Que le lecteur ait а l’esprit ces diffйrents sens.

[189] L’йdition Marietti donne comme texte : « …animam sicut sumus, sed in potentia ad omnia ; et proposuit Plato… »

[190] De Unit. I, 2. « Il s’ensuivra qu’aprиs la mort rien ne restera des вmes humaines que l’unique substance d’un seul intellect ; vous supprimez ainsi la rйpartition des recompences et des peines jusqu’а la diffйrence qui est distingue. » (Trad. A de Libera).

[191] « Mais l’homme en gйnйral, le cheval en gйnйral, et les autres termes de ce genre, qui sont affirmйs d’une multiplicitй d’individus, а titre de prйdicat universel, ne sont pas une substance, mais un composй dйterminй d’une certaine forme et d’une certaine matiиre prise universellement ; mais ce qui concerne l’individu, sitфt aprиs la matiиre derniиre particuliиre, Socrate existe ; et de mкme pour tous les autres cas »( Trad. H Tricot, p. 406-407).

[192] « Mais si le bonheur est une activitй conforme а la vertu, il est rationnel qu’il soit activitй conforme а la plus haute vertu, et celle-ci sera la vertu de la pa       rtie len plus noble de nous-mкmes. Que ce soit donc l’intellect … ».

[193] « J’entends par intellect ce par quoi l’вme penser discursivement et conзoit ».

[194] Parce qu’elles peuvent кtre individuйe par la matiиre.

[195] Thomas considиre ici le signe linguistique sous son aspect convention.

[196] Mesure de longueur. La baguette sert а mesurer.

[197] Parall. : Ia, qu. 79, aa. 4, 5 – II Sent.  D. 17, qu. 2, a. 1 — De Verit. Qu. 10, a. 6 — CG. II, 76-78 — De anim. a. 4, 5, 16 ­ III De anim. lect. 10, — Comp. Theol.  86.    

[198] « …l’intellect capable de les produire (toutes choses), semblable а une sorte d’йtat commme la lumiиre. ». (Trad. E. Barbotin).

[199] « Il ne faut pas croire que cet intellect tantфt pense et tantфt ne pense pas : c’est lorsqu’il est sйparй qu’il est seulement ce qu’il est en propre, et cela seul est immortel et йternel ».

[200] « …l’intellect, quand il a pensй un objet fortement intelligible n’est pas moins capable de penser les intelligibles infйrieurs, mais il en est au contraire plus capable ».

[201] Traduction inspirйe en partie de BA. 16, p. 403.

[202] L’ange est meilleur, parce que, pour Thomas, l’вme est la plus basse des formes intellibibles. « Intellectus autem humanus, qui est infimus in ordine intellectuum, et maxime remotus a perfectione divini intellectus, est in potentia respectu intelligibilium, et in principio est sicut tabula rasa in qua nihil est scriptum » Ia, qu. 79, a. 2, c. Cf. ici rйponse : « Elle est la plus parfaite de celles qui sont dans les choses infйrieures ». L’вme demeure aussi la premiиre dans l’ordre des formes matйrielles. St. Bonaventure considиre que l’вme est capable d’intuition intellectuelle, donc elle est analogue aux substances sйparйes. Cf.  Й. Gilson, la philosophie de saint Bonaventure, p. 194.

[203] C'est-а-dire dans l’abstrait.

[204] « …nec isti philosophi  ceteris meliores in ills… talia contemplati sunt : alioquin non ejusdem generis praeterita quae potuerunt historici inquirerent…». « Ces philosophes d’йlite n’en ont pas eu non plus la vision intellectuelle dans ces souveraines et йternelles raisons, autrement ils ne fouilleraient pas le passй comme peuvent faire les historiens…» (Trad. BA16) Historice а la lumiиre du texte d’Augustin pourrait кtre traduit « comme des historiens ».

[205] « Il faut plutфt croire que l’вme intellectuelle, par sa nature mкme, voit les rйalitйs qui relиvent naturellement, d’aprиs le dessein du Crйateur, de l’ordre intelligible : elle les voit dans une lumiиre immatйrielle qui a sa nature propre comme l’њil de la chair voit dans la lumiиre corporelle les objets d’alentour ».  (Trad.  BA 16)

[206] C’est l’opinion d’Avйrroиs qu’il combat.

[207] «…l’intellect capable de les produire toutes (les choses), semblable а une sorte d’йtat comme la lumiиre : d’une certaine maniиre, en effet, la lumiиre elle aussi fait passer les couleurs de l’йtat de puissance а l’acte… » (Trad. E. Barbotin).

[208] Les dictionnaires ne permettent pas de distinguer les deux mots (lumen et lux) qui semblent de parfaits synonymes.

[209] « Mais ceux qui auront йtй jugйs dignes d'avoir part а ce monde-lа et а la rйsurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari, - aussi bien ne peuvent-ils plus mourir, car ils sont pareils aux anges, et ils sont fils de Dieu, йtant fils de la rйsurrection.(Lc, 20, 35-36).

[210] Traduction inspirй de celle de E. Barbotin, dans L’вme, (Les belles Lettres).

[211] « Sans doute la science en puissance est-elle antйrieure selon le temps dans l’individu, mais absolument parlant, elle n’est pas mкme antйrieure selon le temps ; pourtant il ne faut pas croire que cet intellect tantфt pense et tantфt ne pense pas ».(Trad. E. Barbotin).

[212] « Pour toute puissance ainsi entendue, l’acte lui est antйrieur, tant selon la notion que selon l’essence ; mais, selon le temps, l’acte, en un sens, est antйrieur, et, en un autre sens, il ne l’est pas ».  (Trad.  J. Tricot).

[213] « …cet intellect tantфt pense et tantфt ne pense pas ».  Le non s’explique par le fait qu’Aristote dit : « il ne faut pas croire que…

[214] « C’est lorsqu’il est sйparй qu’il est seulement ce qu’il est en propre, et cela seul est immortel et йternel ».

[215] Alexandre d'Aphrodise, philosophe pйripatйticien,. Commentateur d’Aristote, il a dirigй de Lycйe de 198 а 211.

[216] Cf. de l’вme, III, 4, 429 b 3 : « L’intellect quand il a pensй un objet fortement intelligible, n’est pas moins capable de penser les intelligibles infйrieurs ».  (Trad. E. Barbotin)

[217] Les idйes en Dieu.


Question disputйe sur les crйatures spirituelles

Question disputйe sur les crйatures spirituelles

quaestio disputata de spiritualibus creaturis

Saint Thomas d’Aquin

© Traduction Cйcile Wattiaux et Raymond Berton, janvier 2005, article 1,

© Raymond Berton, fйvrier 2005, article 2 а 10 (pour le moment).

Edition numйrique http://docteurangelique.free.fr 2005

Les њuvres complиtes de saint Thomas d'Aquin

 

Le texte latin reproduit avec la traduction est celui de l'йdition latine numйrisйe par le Pиre Busa, s.j. et le Professeur Enrique Alacхn Moreno http://www.corpusthomisticum.org/

 

Prologue du traducteur

 

          L’йtude de l’вme et des anges se retrouve dans toutes les grandes њuvres de Thomas. D’abord le Commentaire des Sentences  (I Sent.  D. 3 et D. 8, II Sent. D.7 etc), le Contra gentiles. Si l’on s’en tient aux renseignements que fournit J.-P. Torell, (Initiation а saint thomas d’Aquin) , on constate que pendant une courte pйriode, lors de son sйjour а Rome, Thomas s’intйresse tout particuliиrement au problиme.

          En 1265-1266, il йcrit d’abord les Questions disputйes sur l’вme, avant de rйdiger les question 75 а 89 de la prima pars de la Somme thйologique.

          En 1267-1268, (entre novembre 67 et septembre 68) il rйdige les Questions disputйes sur les crйatures spirituelles. Le sujet en est quelque peu diffйrent puisqu’il йlargit le problиme aux anges.

          Entre 1267 (fin de l’annйe) et l’йtй 1268, il rйdige le Sententia libri De anima qui est le commentaire de l’њuvre d’Aristote sur l’вme. Cette њuvre est aussi contemporaine de la rйdaction des question 75 а 89 de la prima pars.

          En 1270 il rйdige le De unitate intellectus contra Averoistas.

          Il faut ajouter qu’entre temps, en 1265-1266 il rйdige les Questions disputйes sur la Puissance, oщ l’on retrouve des articles qui concernent l’вme et les anges (qu. 3, a. 9 а 12 et 18-19)

          Enfin il йcrit, dans la deuxiиme moitiй de 1271, les Substances sйparйes.

*

L’њuvre comprend 11 articles.

 

Prologue du traducteur 1

Article 1: La substance spirituelle est-elle composйe de matiиre et de forme? Articulus 1: Utrum substantia spiritualis creata sit composita ex materia et forma_ 2

Article 2: La substance spirituelle peut-elle est unie а un corps ? Articulus 2: Utrum substantia spiritualis possit uniri corpori 22

Article 3: La substance spirituelle qu’est l’вme humaine est-elle unie au corps par un intermйdiaire ? Tertio quaeritur utrum substantia spiritualis quae est anima humana, uniatur corporis per medium_ 36

Article 4 : L’вme est-elle tout entiиre dans chaque partie du corps ? Quarto quaeritur utrum tota anima sit in qualibet parte corporis. 55

Article 5 : Existe-t-il quelque substance spirituelle crййe non unie а un corps. Quinto quaeritur utrum aliqua substantia spiritualis creata sit non unita corpori. 66

Article  6 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps cйleste ? Sexto quaeritur utrum substantia spiritualis caelesti corpori uniatur. 75

Article 7 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps aйrien ? Articulus 7 : Septimo quaeritur utrum substantia spiritualis corpori aereo uniatur. 86

Article 8 : Tous les anges diffиrent-ils par l’espиce entre eux ? Articulus 8 : Octavo quaeritur utrum omnes Angeli differant specie ab invicem. 89

Article 9 : L’intellect possible est-il unique dans tous les hommes ? Articulus 9 : Nono quaeritur utrum intellectus possibilis sit unus in omnibus hominibus 103

Article 10 : L’intellect agent est-il unique pour tous les hommes ? Articulus 10tit. 1 Decimo quaeritur utrum intellectus agens sit unus omnium hominum_ 119

 

Les crйatures sont en gйnйral composйes de matiиre et de forme. La matiиre est ce qui permet d’individuer la forme. Pour les substances spirituelles, la position de Thomas est claire : en elles il n’y a pas de matiиre. Il s’oppose en cela а ceux qui affirment le contraire.  Avicebron dans la Fontaine de vie, mais dans les Sent. II, qu. 3, qu.1, a. 1, il prйcise : «… que beaucoup ont suivi » en pensant sans doute а saint Bonaventure. Celui-ci considиre que les anges sont constituйs de forme et de matiиre (IISent.   D3, 1, 1, 1) pour sauver leur principe de mutabilitй. Pour lui la matiиre est une, qu’elle soit matiиre physique ou matiиre spirituelle. Thomas rejette cette solution, mais on peut se demander comment une forme simple peut кtre susceptible d’une nouvelle dйtermination, ce qui revient а nier ce que dit Boиce dans la premiиre objection : « C’est nier chez un кtre la composition hylйmorphique, c’est nier du mкme coup la composition de substance et d’accidents et supprimer le devenir ». (J. de Finance, Кtre et agir, p. 158). La crйature spirituelle n’est pas dйpourvue de potentialitй « puisque l’essence en elle diffиre rйellement de l’esse qui l’active… Une forme simple qui participe а l’esse, joue а son йgard le rфle de puissance, et peut recevoir de nouvelles actuations » (Ibid. p. 159).

            « Cest pourquoi ni dans l’вme ni dans l’intelligence, il n’y a en aucune maniиre composition de matiиre et de forme, de telle sorte que l’essence y serait reзue de la mкme faзon que dans les substances corporelles. Mais dans l’вme et l’intelligence, il y a composition de forme et d’кtre ; c'est pourquoi dans le commentaire de la proposition 9 du Livre des Causes il dit que l’intelligence a la forme et l’кtre ; en entendant ici  par forme la quidditй ou nature simple ».  De Ente et Essentia, 4, 2 (Trad. A. de Libera).

Dans ses autres њuvres, Thomas pose le problиme de la composition de matiиre et de forme, sйparйment pour l’вme et pour les anges.

 

Article 1: La substance spirituelle est-elle composйe de matiиre et de forme? Articulus 1: Utrum substantia spiritualis creata sit composita ex materia et forma


Il semble que oui[1].

Et videtur quod sic.

 

Objections:

1. En effet Boиce affirme dans son livre De la Trinitй (II PL. 64, 1250 D[2]]: « Une forme simple ne peut pas кtre un substrat. ». Mais la substance spirituelle crййe est le substrat de la connaissance, de la veru  et de l'indulgence[3]. Donc elle n'est pas une forme simple. Mais elle n'est pas non plus une matiиre simple[4] car, en ce cas, elle serait seulement en puissance, sans avoir une quelconque activitй. Donc elle est composйe de matiиre et de forme[5].

1. Dicit enim Boetius in Lib. de Trin.: forma simplex, subiectum esse non potest. Sed substantia spiritualis creata, est subiectum scientiae et virtutis et gratiae. Ergo non est forma simplex. Sed nec est materia simplex, quia sic esset in potentia tantum, non habens aliquam operationem. Ergo est composita ex materia et forma.

 

2. En outre, n'importe quelle forme crййe est limitйe et finie. La forme est limitйe par la matiиre. Donc toute forme crййe est une forme dans la matiиre. Donc aucune substance crййe n'est une forme sans matiиre.

2. Praeterea, quaelibet forma creata est limitata et finita. Sed forma limitatur per materiam. Ergo quaelibet forma creata est forma in materia. Ergo nulla substantia creata est forma sine materia.

 

3. De plus, le principe de la mutabilitй est la matiиre[6]: c’est pourquoi, selon le Philosophe (Mйtaphysique II, 2, 994b 26[7]), il est nйcessaire d’imaginer de la matiиre dans ce qui est en mouvement. Or la substance spirituelle crййe est muable; car seul Dieu est par nature immuable. Donc la substance spirituelle possиde de la matiиre.

3. Praeterea, principium mutabilitatis est materia; unde, secundum philosophum, necesse est ut materia imaginetur in re mota. Sed substantia spiritualis creata est mutabilis; solus enim Deus naturaliter immutabilis est. Ergo substantia spiritualis creata habet materiam.

 

4. En outre, Augustin dit dans Les Confessions (XII, XVII, 25[8]) que Dieu a fait la matiиre commune aux choses visibles et invisibles[9]. Or les substances spirituelles sont invisibles. Donc la substance spirituelle possиde de la matiиre.

4. Praeterea, Augustinus dicit, XII confessionum, quod Deus fecit materiam communem visibilium et invisibilium. Invisibilia autem sunt substantiae spirituales. Ergo substantia spiritualis habet materiam.

 

5. En outre, le Philosophe dйclare en VIII Mйtaphysique (6, 1045a 36[10]) que, si une substance est sans matiиre, elle est immйdiatement un йtant et une[11] ; il n'y a pas pour elle d’autre cause pour кtre un йtant et une unitй. Mais toute crйature dйtient la cause de son кtre et de son unitй. Donc aucune crйature n'est substance sans matiиre. Donc toute substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

5. Praeterea, philosophus dicit in VIII Metaphys., quod si qua substantia est sine materia, statim est ens et unum; et non est ei alia causa ut sit ens et unum. Sed omne creatum habet causam sui esse et unitatis. Ergo nullum creatum est substantia sine materia. Omnis ergo substantia spiritualis creata, est composita ex materia et forma.

 

6. En outre, Augustin dit dans son livre Des questions sur l'Ancien et le Nouveau Testament [qu. 23, PL 35, 2229] que le corps d'Adam fut formй avant que l'вme y fыt introduite: car il est nйcessaire que la demeure soit faite avant que l'occupant y soit introduit. Or l'вme a le mкme rapport au corps que l'occupant а la demeure. Mais l'occupant est subsistant par soi; donc l'вme est subsistante par elle-mкme et l'ange bien plus encore. Toutefois la substance qui subsiste par elle-mкme ne paraоt pas кtre uniquement une forme: elle est donc composйe de matiиre et de forme.

6. Praeterea, Augustinus dicit in libro de quaestionibus veteris et novi testamenti, quod prius fuit formatum corpus Adae quam anima ei infunderetur: quia prius est necesse fieri habitaculum quam habitatorem introduci. Comparatur autem anima ad corpus sicut habitator ad habitaculum. Sed habitator est per se subsistens; anima igitur est per se subsistens, et multo fortius Angelus. Sed substantia per se subsistens non videtur esse forma tantum. Ergo substantia spiritualis creata non est forma tantum: est ergo composita ex materia et forma.

 

7. De plus, il est йvident que l'вme est capable de recevoir des contraires. Or cela semble кtre le propre d'une substance composйe. Donc l'вme est une substance composйe et l'ange, aussi pour la mкme raison.

7. Praeterea, manifestum est quod anima est susceptiva contrariorum. Hoc autem videtur esse proprium substantiae compositae. Ergo anima est substantia composita, et eadem ratione Angelus.

 

8. En outre, la forme est ce par quoi une chose existe. Donc tout ce qui est composй de « ce par quoi il est » et de « ce qu'il est » est composй de matiиre et de forme[12]. Or toute substance spirituelle crййe est composйe de ce par quoi elle est et de ce qu'elle est, comme l'atteste clairement Boиce dans le livre Des Semaines [PL 64, 1311B[13]]. Donc toute substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

8. Praeterea, forma est quo aliquid est. Quidquid ergo compositum est ex quo est et quod est, est compositum ex materia et forma. Omnis autem substantia spiritualis creata composita est ex quo est et quod est, ut patet per Boetium in libro de hebdomadibus. Ergo omnis substantia spiritualis creata est composita ex materia et forma.

 

9. En outre, il y a deux sortes de "communautйs" : - a)  l'une en Dieu, du fait que l'essence est commune aux trois Personnes; - b) l'autre dans les crйatures du fait que ce qui est universel est commun а ce qui lui est infйrieur. Il semble que ce qui est particulier dans la premiиre communautй, c’est que ce par quoi se distingue ce qui se rassemble en ce qui est commun n’est pas rйellement autre que ce qui est commun : en effet, la paternitй par laquelle le Pиre se distingue du Fils est elle-mкme l'essence commune au Pиre et au Fils. Tandis que dans la communautй de ce qui est universel, il faut que ce par quoi se distingue ce qui est contenu sous l'йlйment commun soit diffйrent de l'йlйment commun lui-mкme[14]. Donc, dans les crйatures, il est nйcessaire que ce qui est contenu sous un genre commun soit la composition de ce qui est commun et de ce par quoi l'йlйment commun lui-mкme est limitй. Or la substance spirituelle crййe est dans un genre. Il faut donc que, dans la substance spirituelle crййe, il y ait composition d'une nature commune et de ce par quoi la nature commune est limitйe. Et cela semble bien кtre une composition de forme et de matiиre. Donc, dans une substance spirituelle crййe, il y a composition de matiиre et de forme.

 9 Praeterea, duplex est communitas: una in divinis, secundum quod essentia est communis tribus personis; alia in rebus creatis, secundum quod universale est commune suis inferioribus. Singulare autem videtur primae communitatis, ut id quo distinguuntur ea quae communicant in illo communi, non sit aliud realiter ab ipso communi: paternitas enim qua pater distinguitur a filio, est ipsa essentia, quae est patri et filio communis. In communitate autem universalis oportet quod id quo distinguuntur ea quae continentur sub communi, sit aliud ab ipso communi. In omni ergo creato quod continetur sub aliquo genere communi, necesse est esse compositionem eius quod commune est, et eius per quod commune ipsum restringitur. Substantia autem spiritualis creata est in aliquo genere. Oportet ergo quod in substantia spirituali creata, sit compositio naturae communis, et eius per quod natura communis coarctatur. Haec autem videtur esse compositio formae et materiae. Ergo in substantia spirituali creata, est compositio formae et materiae.

 

10. De plus, la forme du genre ne peut exister que dans l'intellect ou la matiиre[15]. Or la substance spirituelle crййe, comme l'ange, est dans un genre. Donc la forme de ce genre est soit dans l'intellect seulement, soit dans la matiиre. Or, si l'ange n'avait pas de matiиre, il ne serait pas dans la matiиre, donc il serait dans l'intellect seulement ; et ainsi, а supposer que personne ne pense а l'ange, il s'ensuivrait qu’il n'existerait pas, ce qui est absurde. Il faut donc dire, semble-t-il, que la substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

10. Praeterea, forma generis non potest esse nisi in intellectu vel materia. Sed substantia spiritualis creata, ut Angelus, est in aliquo genere. Forma igitur generis illius vel est in intellectu tantum, vel in materia. Sed si Angelus non haberet materiam, non esset in materia. Ergo esset in intellectu tantum; et sic, supposito quod nullus intelligeret Angelum, sequeretur quod Angelus non esset; quod est inconveniens. Oportet igitur dicere, ut videtur, quod substantia spiritualis creata sit composita ex materia et forma.

 

11. En outre, si la substance spirituelle crййe йtait seulement une forme, il en dйcoulerait qu'une seule substance spirituelle serait prйsente а une autre. En effet, si un seul ange en comprend un autre, ou bien cela se fait par l'essence de l'ange compris – il faudra alors que la substance de l'ange compris soit prйsente dans l'intellect de l'ange qui le comprend ; ou bien c'est par sa forme et alors la consйquence est la mкme, si forme par laquelle un ange est compris par un autre, ne diffиre pas de la substance mкme de l'ange compris. Et il ne paraоt pas possible d’exposer en quoi rйside la diffйrence si la substance de l'ange est sans matiиre, comme l'est aussi sa forme intelligible. Or il ne convient pas qu'un seul ange soit prйsent dans un autre par sa substance: parce que seule la Trinitй peut pйnйtrer l’esprit raisonnable. Donc, la premiиre opinion, d'oщ il dйcoule que la substance spirituelle crййe est immatйrielle ne convient pas.

11. Praeterea, si substantia spiritualis creata esset forma tantum, sequeretur quod una substantia spiritualis esset praesens alteri. Si enim unus Angelus intelligit alium, aut hoc est per essentiam Angeli intellecti, et sic oportebit quod substantia Angeli intellecti sit praesens in intellectu Angeli intelligentis ipsum; aut per speciem, et tunc idem sequitur, si species per quam Angelus ab alio intelligitur, non differt ab ipsa substantia Angeli intellecti. Nec videtur posse dari in quo differat, si substantia Angeli est sine materia, sicut et eius species intelligibilis. Hoc autem est inconveniens quod unus Angelus per sui substantiam sit praesens in alio: quia sola Trinitas mente rationali illabitur. Ergo et primum, ex quo sequitur, est inconveniens, scilicet quod substantia spiritualis creata sit immaterialis.

 

12. En outre, le Commentateur[16] affirme  (Mйtaphysique XII comm. 36) que, s'il existait un coffre sans matiиre, il serait identique au coffre qui est dans l'intellect et ainsi la conclusion semble la mкme que prйcйdemment.

12. Praeterea, Commentator dicit in XI Metaph., quod si esset arca sine materia, idem esset cum arca quae est in intellectu; et sic videtur idem quod prius.

 

13. De plus, Augustin dit (La Genиse au sens littйral, VII, VI,9[17]) que, de mкme que la chair a eu une matiиre, а savoir la terre d'oщ elle a йtй faite, peut-кtre a-t-il pu se faire que, mкme avant cette nature qu'on appelle "вme", ne soit faite, celle-ci avait une matiиre spirituelle conforme а son genre, qui n'йtait pas encore une вme. Donc l'вme semble кtre composйe de matiиre et de forme, et pour la mкme raison l'ange aussi.

13. Praeterea, Augustinus dicit, VII super Genes. ad litteram, quod sicut caro habuit materiam, id est terram, de qua fieret, sic fortasse potuit, et antequam ea ipsa natura fieret quae anima dicitur, habere aliquam materiam pro suo genere spiritualem, quae nondum esset anima. Ergo anima videtur esse composita ex materia et forma; et eadem ratione Angelus.

 

14. En outre, Damascиne dit (De la foi orthodoxe II, 3 et 12) que seul Dieu est par essence immatйriel et incorporel. Donc la substance spirituelle crййe ne l'est pas.

14. Praeterea, Damascenus dicit, quod solus Deus essentialiter immaterialis est et incorporeus. Non ergo substantia spiritualis creata.

 

15. Toute substance circonscrite par les limites de sa nature a un кtre limitй et restreint. Or toute substance crййe est circonscrite par les limites de sa nature. Donc toute substance crййe a un кtre limitй et restreint. Mais tout ce qui est limitй l'est par quelque chose. Donc, dans n'importe quelle substance crййe, il y a quelque chose qui limite et quelque chose qui est limitй; et cela semble кtre la forme et la matiиre. Donc toute substance spirituelle est composйe de matiиre et de forme.

15. Praeterea, omnis substantia naturae suae limitibus circumscripta, habet esse limitatum et coarctatum. Sed omnis substantia creata est naturae suae limitibus circumscripta. Ergo omnis substantia creata habet esse limitatum et coarctatum. Sed omne quod coarctatur, aliquo coarctatur. Ergo in qualibet substantia creata est aliquid coarctans, et aliquid coarctatum; et hoc videtur esse forma et materia. Ergo omnis substantia spiritualis est composita ex materia et forma.

 

16. De plus, rien n’agit et ne subit sous le mкme angle[18]. Chaque chose agit par sa forme et subit par sa matiиre. Or la substance spirituelle crййe, comme l'ange, agit en йclairant l’ange qui lui est infйrieur et elle subit pendant qu’elle est йclairйe par un ange qui lui est supйrieur. De la mкme maniиre, il existe dans l'вme un intellect agent et un intellect possible. Donc l'ange comme l'вme est composй de matiиre et de forme.

16. Praeterea, nihil secundum idem agit et patitur; sed agit unumquodque per formam, patitur autem per materiam. Sed substantia spiritualis creata, ut Angelus, agit dum illuminat inferiorem Angelum, et patitur dum illuminatur a superiori: similiter in anima est intellectus agens et possibilis. Ergo tam Angelus quam anima componitur ex materia et forma.

 

17. En outre, tout ce qui est, est acte pur, ou puissance pure, ou un composй d'acte et de puissance[19]. Or la substance spirituelle n'est pas acte pur, car ceci est le propre de Dieu seul, et elle n'est pas non plus puissance pure. Elle est donc un composй de puissance et d'acte, ce qui semble identique а ce qui est composй de matiиre et de forme.

17. Praeterea, omne quod est, aut est actus purus, aut potentia pura, aut compositum ex actu et potentia. Sed substantia spiritualis non est actus purus, hoc enim solius Dei est; nec etiam potentia pura. Ergo est compositum ex potentia et actu; quod videtur idem ei quod est componi ex materia et forma.

 

18. En outre, Platon, dans le Timйe (41 AB), reprйsente le Dieu suprкme s'adressant aux dieux crййs et il leur dit: « Ma volontй est plus grande que votre entrelacement[20] ». Augustin aussi rapporte ces mots La citй de Dieu (XIII, 16, 1). Or, les dieux crййs semblent кtre les anges. Donc, dans les anges, il y a entrelacement ou composition.

18. Praeterea, Plato in Timaeo inducit Deum summum loquentem diis creatis et dicentem: voluntas mea maior est nexu vestro; et inducit haec verba Augustinus in Lib. de Civit. Dei. Dii autem creati videntur esse Angeli. Ergo in Angelis est nexus, sive compositio.

corr

19. Dans ce qui se dйnombre et qui diffиre par  essence, il y a la matiиre: parce qu’elle est numйriquement principe de la distinction. Or les substances spirituelles se dйnombrent et diffиrent par leur essence. Donc elles ont de la matiиre.

19. Praeterea, in his quae numerantur et essentialiter differunt, est materia: quia materia est principium distinctionis secundum numerum. Sed substantiae spirituales numerantur et essentialiter differunt. Ergo habent materiam.

 

20. Rien ne peut subir l’action d’un corps sans avoir de matiиre. Or les substances spirituelles crййes supportent l'action venant du feu corporel, comme le montre clairement Augustin dans La Citй de Dieu (XXI, 10). Donc les substances spirituelles crййes ont une matiиre.

20. Praeterea, nihil patitur a corpore nisi habens materiam. Sed substantiae spirituales creatae patiuntur ab igne corporeo, ut patet per Augustinum, de Civit. Dei. Ergo substantiae spirituales creatae habent materiam.

 

21. De plus, Boиce, dans son livre De l'unitй et de l'un (PL 13, 1076-77) dit formellement que l'ange est composй de matiиre et de forme.

21. Praeterea, Boetius in Lib. de unitate et uno, expresse dicit, quod Angelus est compositus ex materia et forma.

 

22. En outre, Boиce dit dans son livre Des semaines (PL 12, 1, 1311) que ce qui est peut avoir aussi quelque chose d'autre mкlй а lui[21]. Or l’кtre n'a absolument rien d'autre qui lui est mкlй; et nous pouvons dire la mкme chose pour tout ce qui est abstrait et concret. En effet, dans un homme, il peut y avoir autre chose que l'humanitй, comme la blancheur ou quelque chose de ce genre; mais dans l'humanitй en soi, il ne peut y avoir autre chose que ce qui convient а sa nature[22]. Si donc les substances spirituelles sont des formes abstraites, il ne pourra pas y avoir en elles quelque chose qui ne convient pas а leur espиce. Mais un fois enlevй  ce qui convient а l'espиce, la  chose est dйtruite. Donc, puisque toute substance spirituelle est incorruptible, elle ne pourra rien perdre de ce qui est dans la substance spirituelle crййe[23] et, par consйquent, elle sera tout а fait immobile, ce qui ne convient pas.

22. Praeterea, Boetius dicit in libro de Hebdomad., quod id quod est, aliquid aliud potest habere admixtum. Sed ipsum esse nihil omnino aliud habet admixtum; et idem possumus dicere de omnibus abstractis et concretis. Nam in homine potest aliquid aliud esse quam humanitas, utpote albedo, vel aliquid huiusmodi; sed in ipsa humanitate non potest aliud esse nisi quod ad rationem humanitatis pertinet. Si ergo substantiae spirituales sunt formae abstractae, non poterit in eis esse aliquid quod ad eorum speciem non pertineat. Sed sublato eo quod pertinet ad speciem rei, corrumpitur res. Cum ergo omnis substantia spiritualis sit incorruptibilis, nihil quod inest substantiae spirituali creatae, poterit amittere; et ita erit omnino immobilis; quod est inconveniens.

 

23. De plus, tout ce qui est dans un genre participe aux principes de ce genre. Or la substance spirituelle crййe se situe dans la catйgorie de la substance. Mais les principes de cette catйgorie sont la matiиre et la forme, ce qui apparaоt clairement par Boиce, Commentaire des catйgories (PL. 64, 184), qui dit qu'Aristote, ayant abandonnй les extrкmes, а savoir la matiиre et la forme, traite de l’intermйdiaire, а savoir du composй, donnant а entendre que la substance, qui est une catйgorie, dont il s’agit ici, serait composй de matiиre et de forme[24]. Donc la substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme.

23. Praeterea, omne quod est in genere participat principia generis. Substantia autem spiritualis creata, est in praedicamento substantiae. Principia autem huius praedicamenti sunt materia et forma, quod patet per Boetium in Comment. praedicamentorum, qui dicit quod Aristoteles relictis extremis, scilicet materia et forma, agit de medio, scilicet de composito; dans intelligere quod substantia quae est praedicamentum, de qua ibi agit, sit composita ex materia et forma. Ergo substantia spiritualis creata, est composita ex materia et forma.

 

24. De plus, ce qui est premier dans n'importe quel genre est la cause de ce qui vient aprиs[25], comme l’acte premier est cause de tout йtant en acte. Donc, par la mкme raison, tout ce qui est en puissance de quelque faзon, tient cela d'une puissance premiиre qui est puissance pure, а savoir de la matiиre premiиre. Mais il y a une puissance dans les substances spirituelles crййes, parce que seul Dieu est acte pur. Donc la substance spirituelle crййe tient de la matiиre qu’elle ne pourrait exister que si la matiиre йtait une partie d’elle-mкme. La substance spirituelle est donc composйe de matiиre et de forme.

25 Praeterea, id quod est primum in quolibet genere, est causa eorum quae sunt post; sicut primus actus est causa omnis entis in actu. Ergo eadem ratione omne illud quod est in potentia quocumque modo, habet hoc a potentia prima, quae est potentia pura, scilicet a prima materia. Sed aliqua potentia est in substantiis spiritualibus creatis; quia solus Deus est actus purus. Ergo substantia spiritualis creata habet hoc a materia: quod non posset esse, nisi materia esset pars eius. Est ergo composita ex materia et forma.

 

En sens contraire

1. Il y a ce que dit Denys dans le chapitre IV Des noms divins (lect. 1[26]) а propos des anges, а savoir qu'ils sont dйpourvus de corps et de matiиre.

1. Sed contra. Est quod Dionysius dicit IV cap. de Divin. Nomin. de Angelis, quod sunt incorporei et immateriales.

 

2. Mais on pourrait dire qu’on les appelle immatйriels, parce qu'ils n'ont pas une matiиre soumise а la quantitй et au changement. En sens contraire lui-mкme prйvient qu'ils sont dйpourvus de toute matiиre universelle.

2. Sed dices, quod dicuntur immateriales, quia non habent materiam subiectam quantitati et transmutationi.- Sed contra est quod ipse praemittit, quod ab universa materia sunt mundi.

 

3. En outre, selon le Philosophe (Physique IV, 4, 211a 12[27]), on ne fait des recherches sur le lieu qu’а cause du mouvement, et de la mкme maniиre, la matiиre ne serait recherchйe qu’а cause du mouvement. Donc dans la mesure oщ certains ont du mouvement, il faut rechercher en eux la matiиre. C'est pourquoi ce qui peut кtre engendrй ou corrompu а une matiиre pour exister[28] ; ce qui peut changer de lieu a une matiиre pour le lieu. Mais les substances spirituelles ne peuvent pas changer selon l’кtre. Donc il n’y a pas en elles de matiиre pour кtre et ainsi elles ne sont pas composйes de matiиre et de forme.

3. Praeterea, secundum philosophum in IV Physic., locus non quaeritur nisi propter motum; et similiter nec materia quaereretur nisi propter motum. Secundum ergo quod aliqua habent motum, secundum hoc quaerenda est in eis materia; unde illa quae sunt generabilia et corruptibilia, habent materiam ad esse; quae autem sunt transmutabilia secundum locum habent materiam ad ubi. Sed substantiae spirituales non sunt transmutabiles secundum esse. Ergo non est in eis materia ad esse; et sic non sunt compositae ex materia et forma.

 

4. De plus, Hugues de saint Victor dit, а propos de La hiйrarchie cйleste de Denys [PL. 175, 10, 108], que, dans les substances spirituelles, ce qui vivifie est identique а ce qui est vivifiй. Or ce qui vivifie c’est la forme, et ce qui est vivifiй c’est la matiиre: car la forme donne l'кtre а la matiиre, et la vie pour les vivants, c'est кtre. Donc, chez les anges, il n'y a pas de diffйrence entre matiиre et forme.

4. Praeterea, Hugo de sancto Victore dicit super angelicam hierarchiam Dionysii, quod in substantiis spiritualibus idem est quod vivificat et quod vivificatur. Sed id quod vivificat est forma; quod autem vivificatur, est materia: forma enim dat esse materiae, vivere autem viventibus est esse. Ergo in Angelis non differt materia et forma.

 

5. De plus, Avicenne (Mйtaphysique IX, 4) et Algazel (I, tr. IV, 3) disent que les substances sйparйes, qu'on appelle substances spirituelles sont tout а fait dйpourvues de matiиre.

Praeterea, Avicenna et Algazel dicunt quod substantiae separatae, quae spirituales substantiae dicuntur, sunt omnino a materia denudatae.

 

6. En outre, le Philosophe dit au chapitre III De l'вme (8, 431 b 29), que la pierre n'existe pas dans l'вme mais c’est sa forme, ce qui semble venir de la simplicitй de l'вme, de sorte qu’en elle, des йlйments matйriels ne peuvent pas exister. Donc l'вme n'est pas composйe de matiиre et de forme.

6. Praeterea, philosophus dicit in III de anima, quod lapis non est in anima, sed species lapidis: quod videtur esse propter simplicitatem animae, ut scilicet in ea materialia esse non possint. Ergo anima non est composita ex materia et forma.

 

7. De plus dans le Livre des Causes (Prop. 6), il est dit que l'intelligence est une substance qui ne se divise pas. Or tout ce qui est composй se divise. Donc l'intelligence n'est pas une substance composйe.

7. Praeterea, in libro de causis dicitur, quod intelligentia est substantia quae non dividitur. Sed omne quod componitur, dividitur. Ergo intelligentia non est substantia composita.

 

8. En outre, dans ce qui est sans matiиre, ce qui comprend et ce qui est compris est identique. Or, ce qui est compris, c'est la forme intelligible tout а fait immatйrielle. Donc la substance en йtat de comprendre est dйpourvue de matiиre.

8. Praeterea, in his quae sunt sine materia, idem est intellectus et quod intelligitur. Sed id quod intelligitur, est forma intelligibilis omnino immaterialis. Ergo substantia intelligens est absque materia.

 

9. De plus, Augustin dit, dans son livre sur La Trinitй (IX, IV, 7), que l'вme se comprend toute entiиre. Mais elle ne comprend pas la matiиre, donc la matiиre n’est pas une partie d’elle-mкme.

9. Praeterea, Augustinus dicit in libro de Trinit., quod anima se tota intelligit. Non autem intelligit per materiam: ergo materia non est aliquid eius.

 

10. En outre, Jean Damascиne (La foi orthodoxe II, 12) dit que l'вme est simple. Donc elle n'est pas composйe de matiиre et de forme.

10. Praeterea, Damascenus dicit, quod anima est simplex. Non ergo composita ex materia et forma.

 

11. De plus, l'esprit douй de raison se rapproche du premier кtre tout а fait simple, c'est-а-dire Dieu, plus que l'esprit de l’animal. Mais celui-ci n'est pas composй de matiиre et de forme. Donc la substance de l'ange ne l'est pas non plus.

11. Praeterea, spiritus rationalis magis appropinquat primo simplicissimo, scilicet Deo, quam spiritus brutalis. Sed spiritus brutalis non est compositus ex materia et forma. Ergo multo minus spiritus rationalis.

 

12. De plus, la substance des anges s’approche plus du premier [кtre] simple que la forme dans la matiиre. Mais elle n'est pas composйe de matiиre et de forme. Donc la substance angйlique non plus.

12. Praeterea, plus appropinquat primo simplici substantia angelica quam forma materialis. Sed forma materialis non est composita ex materia et forma. Ergo nec substantia angelica.

 

13. En outre, une forme accidentelle est dans l’ordre de la dignitй au-dessous la substance. Mais, Dieu fait qu'une forme accidentelle subsiste sans matiиre comme il apparaоt dans le sacrement de l'autel[29]. Donc, а plus forte raison, il fait qu’une forme subsiste sans matiиre dans le genre de la substance; et cela semble кtre tout а fait le propre de la substance spirituelle.

13. Praeterea, forma accidentalis est ordine dignitatis infra substantiam. Sed Deus facit aliquam formam accidentalem subsistere sine materia, ut patet in sacramento altaris. Ergo fortius facit aliquam formam in genere substantiae subsistere sine materia; et hoc maxime videtur substantiae spiritualis.

 

14. En outre, Augustin affirme Les Confessions (XII, VII, 7): « Tu as fait deux choses, Seigneur: l'une proche de toi, c'est la substance de l'ange; l'autre proche du nйant », а savoir la matiиre. Ainsi donc, il n'y a pas de matiиre dans un ange puisqu’elle lui est opposйe.

14.

Praeterea, Augustinus dicit, XII Confess.: duo fecisti, domine: unum prope te, id est substantiam angelicam; aliud prope nihil, scilicet materiam. Sic ergo materia non est in Angelo, cum contra ipsum dividatur.

 

Rйponse:

 Il faut dire а propos de cette question, que certains ont pensй le contraire des autres. Car certains soutiennent que la substance spirituelle crййe est composйe de matiиre et de forme[30], mais d'autres le nient. C'est pourquoi, pour rechercher la vйritй sans procйder de maniиre ambiguл, il faut considйrer ce qui est signifiй par le mot matiиre. Il est йvident en effet que, puisque la puissance et l’acte divisent l’йtant et puisque n'importe quel genre est divisй en puissance et en acte, on appelle communйment matiиre premiиre ce qui est dans le genre de la substance, comme une puissance comprise au-delа de toute espиce et de toute forme et ainsi au-delа de leur privation; cependant, cette puissance est susceptible de recevoir formes et privations, comme Augustin l’exprime clairement dans ses Confessions XIII [VII, VIII, XV] et dans La Genиse au sens littйral, I [XIV, XV, 29[31]], ainsi que le Philosophe dans la Mйtaphysique [VII, 3, 1029 a 20[32]]. Il est impossible que la matiиre ainsi  comprise, (et c'est lа son acception propre et courante), soit dans les substances spirituelles.

co. Respondeo. Dicendum quod circa hanc quaestionem contrarie aliqui opinantur. Quidam enim asserunt, substantiam spiritualem creatam, esse compositam ex materia et forma; quidam vero hoc negant. Unde ad huius veritatis inquisitionem, ne in ambiguo procedamus, considerandum est quid nomine materiae significetur. Manifestum est enim quod cum potentia et actus dividant ens, et cum quodlibet genus per actum et potentiam dividatur; id communiter materia prima nominatur quod est in genere substantiae, ut potentia quaedam intellecta praeter omnem speciem et formam, et etiam praeter privationem; quae tamen est susceptiva et formarum et privationum, ut patet per August. XII Confess. et I super Genes. ad litteram, et per philosophum in VII Metaph. Sic autem accepta materia (quae est propria eius acceptio et communis), impossibile est quod materia sit in substantiis spiritualibus.

 

En effet, bien que dans une seule et mкme chose qui est quelquefois en acte quelquefois en puissance, la puissance est temporellement avant l’acte, celui-ci cependant est par nature avant la puissance. Et ce qui est avant ne dйpend pas de ce qui vient aprиs, mais c'est l'inverse. Voilа pourquoi on trouve un premier acte sans aucune puissance[33] mais on ne trouve jamais dans la nature une puissance qui ne soit pas achevйe par un acte et c'est pour cette raison qu'il y a toujours une forme dans la matiиre premiиre.

Licet enim in uno et eodem, quod quandoque est in actu quandoque in potentia, prius tempore sit potentia quam actus; actus tamen naturaliter est prior potentia. Illud autem quod est prius, non dependet a posteriori, sed e converso. Et ideo invenitur aliquis primus actus absque omni potentia; nunquam tamen invenitur in rerum natura potentia quae non sit perfecta per aliquem actum; et propter hoc semper in materia prima est aliqua forma.

 

Par le premier acte absolument parfait, qui possиde en lui toute la plйnitudes de la perfection est causй l’кtre en acte dans tout mais cependant selon un certain ordre. En effet, aucun acte causй ne possиde toute la plйnitude de la perfection;  mais par rapport а l’acte premier, tout acte causй est imparfait. Cependant, plus un acte est parfait, plus il est proche de Dieu. Or, parmi toutes les crйatures, les substances spirituelles sont trиs proches de Dieu, comme l'affirme clairement Denys au chapitre IV de la Hiйrarchie cйleste (IV, 5, 117 D[34]) ; c'est pourquoi ce sont elles qui s'approchent le plus de la perfection du premier acte, si on les compare aux crйatures infйrieures comme le parfait а l'imparfait et comme l'acte а la puissance. Donc, cette raison de l'ordre des choses n'implique pas que les substances spirituelles aient besoin pour кtre d'une matiиre premiиre qui est la plus incomplиte de tous les йtants: mais, elles sont йlevйes loin au-dessus de toute matiиre et de tout ce qui est matйriel.

A primo autem actu perfecto simpliciter, qui habet in se omnem plenitudinem perfectionis, causatur esse actu in omnibus; sed tamen secundum quemdam ordinem. Nullus enim actus causatus habet omnem perfectionis plenitudinem; sed respectu primi actus, omnis actus causatus est imperfectus. Quanto tamen aliquis actus est perfectior, tanto est Deo propinquior. Inter omnes autem creaturas Deo maxime appropinquant spirituales substantiae, ut patet per Dionysium IV cap. caelestis Hierar.; unde maxime accedunt ad perfectionem primi actus, cum comparentur ad inferiores creaturas sicut perfectum ad imperfectum, et sicut actus ad potentiam. Nullo ergo modo haec ratio ordinis rerum habet quod substantiae spirituales ad esse suum requirant materiam primam, quae est incompletissimum inter omnia entia: sed sunt longe supra totam materiam et omnia materialia elevatae.

 

Cela apparaоt aussi йvident si l'on considиre l'activitй propre des substances spirituelles. En effet, toutes sont intellectuelles. Or la puissance de chaque chose est telle qu’on y trouve sa perfection. Car un acte plus particulier requiert une puissance particuliиre: et la perfection de n'importe quelle substance intellectuelle, en tant que telle, est intelligible dans la mesure oщ elle existe dans l'intellect.

Hoc etiam manifestum apparet, si quis propriam operationem substantiarum spiritualium consideret. Omnes enim spirituales substantiae intellectuales sunt. Talis autem est uniuscuiusque rei potentia, qualis reperitur perfectio eius; nam proprius actus propriam potentiam requirit: perfectio autem cuiuslibet intellectualis substantiae, in quantum huiusmodi, est intelligibile prout est in intellectu.

 

Donc il faut rechercher dans les substances spirituelles une telle puissance qui est proportionnйe а la rйception de la forme intelligible. Mais la puissance de la matiиre premiиre n'est pas de ce genre: en effet, la matiиre premiиre reзoit sa forme en se limitant elle-mкme а un кtre individuel[35];  la forme intelligible existe dans l'intellect sans limitation de ce genre. Car ainsi l'intellect comprend n'importe quel intelligible selon que sa forme est en lui. L'intellect comprend l'intelligible surtout en fonction d'une nature commune et universelle; et ainsi la forme intelligible se trouve dans l'intellect selon la nature de la communautй (avec elle). Il n'y a donc pas de substance intellectuelle capable de recevoir une forme en raison de la matiиre premiиre mais plutфt pour une raison opposйe.

Talem igitur potentiam oportet in substantiis spiritualibus requirere, quae sit proportionata ad susceptionem formae intelligibilis. Huiusmodi autem non est potentia materiae primae: nam materia prima recipit formam contrahendo ipsam ad esse individuale; forma vero intelligibilis est in intellectu absque huiusmodi contractione. Sic enim intelligit intellectus unumquodque intelligibile, secundum quod forma eius est in eo. Intelligit autem intellectus intelligibile praecipue secundum naturam communem et universalem; et sic forma intelligibilis in intellectu est secundum rationem suae communitatis. Non est ergo substantia intellectualis receptiva formae ex ratione materiae primae, sed magis per oppositam quamdam rationem.

 

C'est pourquoi il devient йvident que, dans les substances spirituelles, cette matiиre premiиre, privйe de soi de toute espиce, ne peut кtre une de ses parties. Cependant, si deux choses se comportent entre elles comme puissance et acte, elles sont appelйes matiиre et forme, rien n'empкche de dire, pour ne pas faire violence aux mots, qu'il y a matiиre et forme dans les substances spirituelles[36]. Il faut en effet que, dans la substance spirituelle crййe, il y ait deux choses dont l'une se compare а l'autre comme la puissance а l'acte. Ce qui paraоt ainsi.

Unde manifestum fit quod in substantiis spiritualibus illa prima materia quae de se omni specie caret, eius pars esse non potest. Si tamen quaecumque duo se habent ad invicem ut potentia et actus, nominentur materia et forma, nihil obstat dicere, ut non fiat vis in verbis, quod in substantiis spiritualibus est materia et forma. Oportet enim in substantia spirituali creata esse duo, quorum unum comparatur ad alterum ut potentia ad actum. Quod sic patet.

Il est clair en effet que le premier йtant, qui est Dieu, est un acte infini en tant qu’il possиde, en lui-mкme de toute la plйnitude de l'кtre, non limitйe а la nature d’un genre ou d’une espиce. C'est pourquoi, il faut que son кtre mкme ne soit pas un кtre introduit en quelque sorte dans une nature qui ne serait pas son кtre mкme, parce qu’ainsi son кtre serait limitй а cette nature. C'est pourquoi nous disons que Dieu est son кtre propre. Et on ne peut pas le dire d'un autre; car, de mкme qu'il est impossible de comprendre qu'il y ait plusieurs blancheurs sйparйes mais que s'il existait une blancheur sйparйe de tout substrat et de tout rйcepteur, il n'en existerait qu'une, de mкme est-il impossible qu'il y ait un кtre subsistant sinon un seul.

 Manifestum est enim quod primum ens, quod Deus est, est actus infinitus, utpote habens in se totam essendi plenitudinem, non contractam ad aliquam naturam generis vel speciei. Unde oportet quod ipsum esse eius non sit esse quasi inditum alicui naturae quae non sit suum esse; quia sic finiretur ad illam naturam. Unde dicimus, quod Deus est ipsum suum esse. Hoc autem non potest dici de aliquo alio: sicut enim impossibile est intelligere quod sint plures albedines separatae; sed si esset albedo separata ab omni subiecto et recipiente, esset una tantum; ita impossibile est quod sit ipsum esse subsistens nisi unum tantum.

 

Donc tout ce qui est aprиs l’йtant premier, puisqu'il n'est pas son кtre, possиde un кtre reзu dans une chose par laquelle l'кtre lui-mкme est limitй et il en est ainsi dans n'importe quelle crйature, la nature qui participe а l’кtre est diffйrente de l’кtre participй. Et puisque chaque chose participe par ressemblance а l’acte premier dans la mesure oщ elle possиde l’кtre, il est nйcessaire que l’кtre participй en chaque chose soit comparй а la nature qui le participe, comme l'acte а la puissance.

 Omne igitur quod est post primum ens, cum non sit suum esse, habet esse in aliquo receptum, per quod ipsum esse contrahitur; et sic in quolibet creato aliud est natura rei quae participat esse, et aliud ipsum esse participatum. Et cum quaelibet res participet per assimilationem primum actum in quantum habet esse, necesse est quod esse participatum in unoquoque comparetur ad naturam participantem ipsum, sicut actus ad potentiam.

 

Donc dans la nature de ce qui est corporel, la matiиre ne participe pas а l'кtre par soi,  mais par la forme: car la forme, en advenant а la matiиre, la fait кtre en acte, comme l'вme le fait pour le corps. C'est pourquoi, dans les composйs, il faut prendre en considйration un acte double et une puissance double. Car en premier lieu, la matiиre est comme une puissance en rapport а la forme et la forme est son acte; а nouveau la nature constituйe de matiиre et de forme est comme une puissance а l'йgard de son кtre dans la mesure oщ elle est capable de le recevoir.

In natura igitur rerum corporearum materia non per se participat ipsum esse, sed per formam; forma enim adveniens materiae facit ipsam esse actu, sicut anima corpori. Unde in rebus compositis est considerare duplicem actum, et duplicem potentiam. Nam primo quidem materia est ut potentia respectu formae, et forma est actus eius; et iterum natura constituta ex materia et forma, est ut potentia respectu ipsius esse, in quantum est susceptiva eius.

 

Donc, une fois йcartй le fondement de la matiиre, s'il reste une forme d'une nature dйterminйe subsistant par soi sans кtre dans une matiиre, elle sera comparйe а son кtre propre comme la puissance а l'acte: je ne dis pas comme une puissance sйparable de l'acte, mais celle que  son acte accompagne toujours.

Remoto igitur fundamento materiae, si remaneat aliqua forma determinatae naturae per se subsistens, non in materia, adhuc comparabitur ad suum esse ut potentia ad actum: non dico autem ut potentiam separabilem ab actu, sed quam semper suus actus comitetur.

 

De cette maniиre, la nature de la substance spirituelle, qui n'est pas composйe de matiиre et de forme, est comme une puissance par rapport а son кtre et c'est ainsi que, dans une substance spirituelle, il y a composition de puissance et d'acte et par consйquent de forme et de matiиre si cependant toute puissance est appelйe matiиre et tout acte forme. Cependant, ce n'est pas а proprement parler l'usage courant de ces mots.

Et hoc modo natura spiritualis substantiae, quae non est composita ex materia et forma, est ut potentia respectu sui esse; et sic in substantia spirituali est compositio potentiae et actus, et per consequens formae et materiae; si tamen omnis potentia nominetur materia et omnis actus nominetur forma. Sed tamen hoc non est proprie dictum secundum communem usum nominum.

 

Solutions

1. La nature de la forme s'oppose а la nature du substrat[37]. En effet, toute forme, en tant que telle, est un acte ; mais tout substrat se compare а ce dont il est le substrat, comme la puissance se compare а l’acte. Si donc il existe une forme qui soit acte seulement comme l'essence divine, elle ne peut en aucune maniиre кtre un substrat[38] ; et c'est de cette forme dont parle Boиce. Mais s’il y avait une forme qui soit sous tel rapport en acte et sous tel autre en puissance, elle ne serait un substrat que dans la mesure oщ elle est en puissance. Mais bien que les puissances spirituelles soient des formes subsistantes, elles sont cependant en puissance dans la mesure oщ elles ont un кtre fini et limitй. Et parce que l'intellect est capable de tout connaоtre en fonction de sa nature et parce que la volontй a la capacitй d'aimer le bien universel, il reste toujours, dans l'intellect et la volontй de la substance crййe, une puissance en rapport а ce qui est hors d’elle. C'est pourquoi si on le considиre droitement, on ne trouve pas de substances spirituelles comme substrats sauf des accidents qui concernent l'intellect et la volontй.

1. Ad primum ergo dicendum, quod ratio formae opponitur rationi subiecti. Nam omnis forma, in quantum huiusmodi, est actus; omne autem subiectum comparatur ad id cuius est subiectum, ut potentia ad actum. Si quae ergo forma est quae sit actus tantum, ut divina essentia, illa nullo modo potest esse subiectum; et de hac Boetius loquitur. Si autem aliqua forma sit quae secundum aliquid sit in actu, et secundum aliquid in potentia; secundum hoc tantum erit subiectum, secundum quod est in potentia. Substantiae autem spirituales, licet sint formae subsistentes, sunt tamen in potentia, in quantum habent esse finitum et limitatum. Et quia intellectus est cognoscitivus omnium secundum sui rationem, et voluntas est amativa universalis boni; remanet semper in intellectu et voluntate substantiae creatae potentia ad aliquid quod est extra se. Unde si quis recte consideret, substantiae spirituales non inveniuntur esse subiectae nisi accidentium quae pertinent ad intellectum et voluntatem.

 

2. La limitation de la forme est double.- a)  L'une du fait que la forme de l'espиce est limitйe а l'individu et une telle limitation de la forme se fait par la matiиre. -b) L’autre du fait que la forme du genre est limitйe а la nature de l'espиce et une telle limitation de la forme ne se fait pas par la matiиre mais par une forme plus limitйe d'oщ provient la diffйrence. En effet la diffйrence, ajoutйe au genre, le limite jusqu'а l'espиce. Une telle limitation existe dans les substances spirituelles dans la mesure, йvidemment, oщ elles sont des formes d'espиces dйterminйes.

2. Ad secundum dicendum quod duplex est limitatio formae. Una quidem secundum quod forma speciei limitatur ad individuum, et talis limitatio formae est per materiam. Alia vero secundum quod forma generis limitatur ad naturam speciei; et talis limitatio formae non fit per materiam, sed per formam magis determinatam, a qua sumitur differentia; differentia enim addita super genus contrahit ipsum ad speciem. Et talis limitatio est in substantiis spiritualibus, secundum scilicet quod sunt formae determinatarum specierum.

 

3. La mutabilitй ne se trouve pas dans les substances spirituelles selon leur кtre mais selon leur intellect et de leur volontй. Toutefois une telle mutabilitй ne vient pas de la matiиre mais de la potentialitй de l'intellect et de la volontй.

3. Ad tertium dicendum quod mutabilitas non invenitur in substantiis spiritualibus secundum earum esse, sed secundum intellectum et voluntatem. Sed talis mutabilitas non est ex materia, sed ex potentialitate intellectus et voluntatis.

 

4. Ce n’est l’intention d’Augustin de dire que la matiиre de ce qui visible et ce qui est invisible est identique en nombre, puisqu’il dit lui-mкme qu’on comprend deux absences de forme par le ciel et la terre qu’on dit crййs en premier : par ciel, on comprend la substance spirituelle encore sans forme et par terre, la matiиre des choses corporelles, qui, considйrйe en soi, est dйpourvue de forme, puisqu'elle est pour ainsi dire sans aucune espиce : c'est pourquoi on la dit aussi vide et dйserte ou invisible et non-composйe selon une autre version. Le ciel, lui, n'est pas dйcrit comme vide et dйsert. Par lui, il apparaоt clairement que la matiиre, qui est dйpourvue de toute espиce, n’est pas une partie de la substance de l'ange. Mais l'absence de forme de la substance spirituelle est due au fait qu'elle n'a pas encore йtй tournйe vers le Verbe  par laquelle elle est йclairйe et qui convient а sa puissance intelligible[39]. Ainsi donc Augustin les appelle tous les deux matiиre commune de ce qui est visible et de ce qui invisible, du fait que l'un et l'autre а leur maniиre  sont dйpourvus de forme.

4. Ad quartum dicendum quod non est intentio Augustini dicere, quod sit eadem numero materia visibilium et invisibilium, cum ipse dicat duplicem informitatem intelligi per caelum et terram, quae dicuntur primo creata; ut per caelum intelligatur substantia spiritualis adhuc informis, per terram autem materia rerum corporalium, quae in se considerata informis est, quasi omni specie carens: unde etiam dicitur inanis et vacua, vel invisibilis et incomposita secundum aliam litteram. Caelum autem non describitur inane et vacuum. Per quod manifeste apparet quod materia, quae caret omni specie, non est pars substantiae angelicae. Sed informitas substantiae spiritualis est secundum quod nondum est conversa ad verbum a quo illuminatur, quod pertinet ad potentiam intelligibilem. Sic ergo materiam communem visibilium et invisibilium nominat utrumque, prout est informe suo modo.

 

5. Le Philosophe parle а cet endroit, non pas de la cause agente[40] mais de la cause formelle. En effet, ce qui est composй de matiиre et de forme n'est pas aussitфt йtant et unitй mais la matiиre est un йtant en puissance et devient un йtant en acte par l'arrivйe de la forme qui est pour elle cause d'кtre. Mais la forme n'a pas l’кtre par une autre forme. C'est pourquoi, s'il y a une forme subsistante, aussitфt il y a йtant et unitй et elle n'a pas la cause formelle de son кtre; cependant elle a une cause qui fait passer l’кtre en elle mais pas de cause motrice qui l'amиnerait d'une puissance prйexistante а l'acte.

5. Ad quintum dicendum quod philosophus loquitur ibi non de causa agente, sed de causa formali. Illa enim quae sunt composita ex materia et forma, non statim sunt ens et unum, sed materia est ens in potentia et fit ens actu per adventum formae, quae est ei causa essendi. Sed forma non habet esse per aliam formam. Unde si sit aliqua forma subsistens, statim est ens et unum, nec habet causam formalem sui esse; habet tamen causam influentem ei esse, non autem causam moventem, quae reducat ipsam de potentia praeexistenti in actum.

 

6. Bien que l'вme soit subsistante par elle-mкme, il ne s'ensuit pas qu'elle est composйe de matiиre et de forme, parce que le fait de subsister par soi peut convenir aussi а une forme dйpourvue de matiиre. En effet, puisque la matiиre tient son кtre par la forme et pas l'inverse, rien n'empкche une forme de subsister sans matiиre, bien que la matiиre ne puisse exister sans forme.

6. Ad sextum dicendum quod licet anima sit per se subsistens, non tamen sequitur quod sit composita ex materia et forma, quia per se subsistere potest convenire etiam formae absque materia. Cum enim materia habeat esse per formam, et non e converso; nihil prohibet aliquam formam sine materia subsistere, licet materia sine forma esse non possit.

 

7. L’кtre susceptible [de recevoir] des contraires est le propre d'une substance qui existe en quelque sorte en puissance, qu’elle soit composйe de matiиre et de forme, ou qu’elle soit simple. Or la substance des choses spirituelles n'est le substrat de contraires[41], que de celles qui concernent la volontй et l'intellect, selon qu’elle est en puissance comme cela apparaоt clairement de ce qui a йtй dit.

7. Ad septimum dicendum quod esse susceptivum contrariorum est substantiae in potentia aliqualiter existentis, sive sit composita ex materia et forma, sive sit simplex. Substantia autem spiritualium non est subiectum contrariorum, nisi pertinentium ad voluntatem et intellectum, secundum quae est in potentia, ut ex dictis patet.

 

8. Кtre composй de ce qui est et et de ce par quoi c’est[42], n'est pas la mкme chose qu’кtre composй de matiиre et de forme. En effet, bien que l'on puisse appeler forme ce par quoi une chose est, cependant on ne peut pas appeler au sens propre  la matiиre ce qui est, puisqu’elle n’est qu’en puissance. Mais ce qui est est ce qui subsiste dans l’кtre qui, dans les substances corporelles, et est lui-mкme composй de matiиre et de forme mais dans les substances incorporelles c’est une forme simple. Mais ce par quoi c’est est l'кtre mкme participй, parce que toute chose n'est qu’en tant qu’elle participe de l’кtre. Et c’est pourquoi, Boиce aussi utilise ces mots dans son livre Des semaines lorsqu'il dit que, dans les autres кtres autres sauf [l’Кtre] premier, ce qui est n'est pas identique а l’кtre[43].

8. Ad octavum dicendum quod non idem est componi ex quo est et quod est, et ex materia et forma. Licet enim forma possit dici quo aliquid est, tamen materia non proprie potest dici quod est, cum non sit nisi in potentia. Sed quod est, est id quod subsistit in esse, quod quidem in substantiis corporeis est ipsum compositum ex materia et forma, in substantiis autem incorporeis est ipsa forma simplex; quo est autem, est ipsum esse participatum, quia in tantum unumquodque est, in quantum ipse esse participat. Unde et Boetius sic utitur istis vocabulis in libro de Hebdomad., dicens, quod in aliis praeter primum, non idem est quod est et esse.

 

9. Sous ce qui est commun, quelque chose est pris de deux maniиres : d'une premiиre maniиre, comme un individu sous l’espиce; d'une autre maniиre, comme une espиce sous le  genre. Donc, chaque fois que sous une espиce commune, il y a de nombreux individus, leur distinction se fait la matiиre individuelle, qui est au-delа de la nature de l’espиce et cela dans les crйatures. Mais quand il y a de nombreuses espиces sous un seul genre, il ne faut pas que les formes par lesquelles se distinguent les espиces entre elles, soient diffйrentes en rйalitй de la forme commune du genre. Car, par une seule et mкme forme cet individu est placй dans le genre de la substance et dans le genre du corps et ainsi de suite jusqu'а son espиce la plus spйcifique. En effet, si selon une forme cet individu  est substance, il faut nйcessairement que les autres formes qui lui arrivent, selon lesquelle  il est placй dans des genres et espиces infйrieurs soient des formes accidentelles.

9. Ad nonum dicendum quod sub aliquo communi est aliquid dupliciter: uno modo sicut individuum sub specie; alio modo sicut species sub genere. Quandocumque igitur sub una communi specie sunt multa individua, distinctio multorum individuorum est per materiam individualem, quae est praeter naturam speciei; et hoc in rebus creatis. Quando vero sunt multae species sub uno genere, non oportet quod formae quibus distinguuntur species ad invicem, sint aliud secundum rem a forma communi generis. Per unam enim et eamdem formam hoc individuum collocatur in genere substantiae, et in genere corporis, et sic usque ad specialissimam speciem. Si enim secundum aliquam formam hoc individuum habeat quod sit substantia, de necessitate oportet quod aliae formae supervenientes, secundum quas collocatur in inferioribus generibus et speciebus, sint formae accidentales.

 

Ce qui apparaоt clairement ainsi. Car une forme accidentelle diffиre d'une forme substantielle, parce qu'une forme substantielle fait ce quelque chose[44] mais la forme accidentelle advient comme quelque chose а ce qui existe dйjа. Si donc la premiиre forme, par laquelle elle est placйe dans un genre, fait que cet individu est ce quelque chose, toutes les autres forment adviennent а un individu subsistant en acte et ainsi elles seront des formes accidentelles. Il s'ensuivra aussi que par l'arrivйe des formes postйrieures, par lesquelles est placй ce quelque chose dans une espиce trиs particuliиre ou subalterne, il n’y aurait pas gйnйration ou corruption par soustraction au sens absolu  mais sous un certain rapport. En effet, comme la gйnйration est un changement pour l’кtre de la chose, on dit qu’est engendrй, au sens absolu, ce qui devient absolument un йtant  du non йtant en acte mais de l’йtant en puissance seulement. Si donc quelque chose se fait de quelque chose qui prйexiste en acte, l’йtant ne sera absolument pas engendrй, mais ce sera cet йtant et c’est la mкme raison pour la corruption.

Quod ex hoc patet. Forma enim accidentalis a substantiali differt, quia forma substantialis facit hoc aliquid, forma autem accidentalis advenit rei iam hoc aliquid existenti. Si igitur prima forma, per quam collocatur in genere, facit individuum esse hoc aliquid; omnes aliae formae advenient individuo subsistenti in actu, et ita erunt formae accidentales. Sequetur etiam quod per adventum posteriorum formarum, quibus collocatur aliquid in specie specialissima vel subalterna, non sit generatio, neque per subtractionem corruptio, simpliciter, sed secundum quid. Cum enim generatio sit transmutatio ad esse rei, illud simpliciter generari dicitur quod simpliciter fit ens de non ente in actu, sed ente in potentia tantum. Si igitur aliquid fiat de praeexistenti in actu, non generabitur simpliciter ens, sed hoc ens; et eadem ratio est de corruptione.

 

Il faut donc dire que les formes des choses sont ordonnйes et que l'une ajoute sur l’autre en perfection. Cela apparaоt clairement chez le Philosophe dans la Mйtaphysique VIII (3, 1043 b 33), qui dйclare que les dйfinitions et les espиces sont comme des nombres, en qui les espиces se multiplient par addition d’une unitй; et, dans ce cas aussi par induction, il apparaоtrait que les espиces se multiplient graduellement selon le  parfait et l’imparfait. Ainsi donc est rejetйe la position d'Avicebron dans son livre La Fontaine de vie : la matiиre premiиre, considйrйe comme totalement  sans forme, reзoit d'abord sa forme de la substance et, une fois cette forme ajoutйe dans une partie d'elle-mкme, elle reзoit, sur la forme de la substance, une autre forme par laquelle elle devient un corps; et ainsi de suite jusqu'а son espиce ultime. Et dans cette partie oщ elle ne reзoit pas une forme corporelle, elle est une substance incorporelle : cette matiиre, non soumise а la quantitй, certains l’appellent matiиre spirituelle.

Est ergo dicendum quod formae rerum sunt ordinatae, et una addit super alteram in perfectione. Et hoc patet per philosophum in VIII Metaph., qui dicit quod definitiones et species rerum sunt sicut numeri, in quibus species multiplicantur per additionem unitatis; tum etiam hoc per inductionem appareat gradatim species rerum multiplicari secundum perfectum et imperfectum. Sic igitur per hoc excluditur positio Avicebron in Lib. fontis vitae, quod materia prima, quae omnino sine forma consideratur, primo recipit formam substantiae; qua quidem supposita in aliqua sui parte, super formam substantiae recipit aliam formam, per quam fit corpus; et sic deinceps usque ad ultimam speciem. Et in illa parte in qua non recipit formam corpoream, est substantia incorporea, cuius materiam non subiectam quantitati aliqui nominant materiam spiritualem.

Il dit que la matiиre mкme, dйjа achevйe par la forme de la substance, qui est  le substrat de la quantitй et d'autres accidents, est la clй pour comprendre les substances incorporelles (La Fontaine de vie, II, 6). Par lа il n’arrive pas qu’un individu soit  un corps inanimй et un autre un corps animй, par le fait que l’individu animй a une forme а laquelle est subordonnйe la forme substantielle du corps, mais parce que l’individu animй a une forme plus parfaite par laquelle non seulement il subsiste et est un corps, mais aussi par laquelle il vit, mais l’autre a une forme imparfaite, par laquelle il n’arrive pas la vie, mais seulement а subsister corporellement.

Ipsam autem materiam iam perfectam per formam substantiae, quae est subiectum quantitatis et aliorum accidentium, dicit esse clavem ad intelligendum substantias incorporeas. Non enim ex hoc contingit quod aliquod individuum sit corpus inanimatum et aliud corpus animatum, per hoc quod individuum animatum habet formam aliquam, cui substernatur forma substantialis corporis; sed quia hoc individuum animatum habet formam perfectiorem, per quam habet non solum subsistere et corpus esse, sed etiam vivere, aliud autem habet formam imperfectiorem, per quam non attingit ad vitam, sed solum ad subsistere corporaliter.

 

10. La forme d'un genre dont la matiиre est sa nature, ne peut exister en dehors de l'intellect que dans la matiиre, comme la forme d'une plante ou d'un mйtal. Mais ce genre de substance n'est pas tel que la matiиre en soit la nature; autrement, il ne serait pas conзu par l’esprit mais naturel. C'est pourquoi une forme de ce genre ne dйpend pas de la matiиre selon son кtre, mais on peut aussi la trouver en dehors de la matiиre.

10. Ad decimum dicendum quod forma generis de cuius ratione est materia, non potest esse extra intellectum nisi in materia, ut forma plantae aut metalli. Sed hoc genus substantiae, non est tale de cuius ratione sit materia; alioquin non esset metaphysicum, sed naturale. Unde forma huius generis non dependet a materia secundum suum esse, sed potest inveniri etiam extra materiam.

 

11. L'espиce intelligible, qui se trouve dans l'intellect de l'ange qui comprend, est diffйrente de l'ange compris, non pas selon qu’il est abtrait de la matiиre, mais un objet concret de la matiиre, mais de mкme qu’un йtant intentionnel diffиre de l’йtant qui a un кtre йtabli dans la nature, de mкme la forme de la couleur est diffйrente dans l’њil de la couleur qui est sur le mur.

11. Ad undecimum dicendum quod species intelligibilis quae est in intellectu Angeli intelligentis, differt ab Angelo intellecto non secundum abstractum a materia et materiae concretum, sed sicut ens intentionale ab ente quod habet esse ratum in natura; sicut differt species coloris in oculo a colore qui est in pariete.

 

12. Si un coffre subsistait par lui-mкme sans matiиre, il serait en йtat de se comprendre lui-mкme car le manque de matiиre est la raison de l’intellectualitй. Et en fonction de cela, un coffre sans matiиre ne diffиrerait pas d'un coffre intelligible[45].

12. Ad duodecimum dicendum quod si arca esset sine materia per se subsistens, esset intelligens seipsam; quia immunitas a materia est ratio intellectualitatis. Et secundum hoc arca sine materia non differret ab arca intelligibili.

 

13. Augustin inscrit cela dans sa recherche: ce qui apparaоt clairement du fait qu'il rejette cette opinion.

13. Ad decimumtertium dicendum quod Augustinus inducit illud inquirendo: quod patet ex hoc quod illam positionem improbat.

 

14. On dit que seul Dieu est immatйriel et incorporel[46] car toutes choses comparйes а sa simplicitй peuvent кtre considйrйes comme des corps matйriels bien qu’en soi, ils soient incorporels et immatйriels.

14. Ad decimumquartum dicendum quod solus Deus dicitur immaterialis et incorporeus, quia omnia eius simplicitati comparata, possunt reputari quasi corpora materialia, licet in se sint incorporea et immaterialia.

 

15. L'кtre de la substance spirituelle crййe est rйduit et limitй, non pas par la matiиre, mais par ce qui est reзu et participй dans une nature d'espиce dйterminйe, comme cela a йtй dit.

15. Ad decimumquintum dicendum quod esse substantiae spiritualis creatae est coarctatum et limitatum non per materiam, sed per hoc quod est receptum et participatum in natura determinatae speciei, ut dictum est.

16. La substance spirituelle crййe agit et supporte, non pas par la forme et la matiиre, mais parce qu'elle est en acte ou en puissance.

16. Ad decimumsextum dicendum, quod agit et patitur substantia spiritualis creata, non secundum formam vel materiam, sed secundum quod est in actu vel potentia.

 

17. La substance spirituelle n'est ni acte pur, ni puissance pure[47] mais elle a une puissance en  acte, elle n'est pas composйe de matiиre et de forme, comme cela ressort clairement de ce qui a йtй dit.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod substantia spiritualis nec est actus purus, nec potentia pura, sed habens potentiam cum actu; non tamen composita ex materia et forma, ut ex dictis patet.

 

18. Platon appelle "dieux secondaires" non pas les anges mais les corps cйlestes.

18. Ad decimumoctavum dicendum quod Plato appellat deos secundos, non Angelos, sed corpora caelestia.

 

19. La matiиre est principe de distinction selon le nombre dans une mкme espиce, mais pas principe de distinction des espиces. D'autre part, les anges ne sont pas nombreux dans une mкme espиce mais leur multitude est semblable aux nombreuses natures d'espиces subsistant par elles-mкmes.

19. Ad decimumnonum dicendum quod materia est principium distinctionis secundum numerum in eadem specie, non autem distinctionis specierum. Angeli autem non sunt multi numero in eadem specie; sed multitudo eorum est sicut multae naturae specierum per se subsistentes.

 

20. Les substances spirituelles ne subissent pas l'action du feu corporel а la maniиre d’une altйration matйrielle, mais а la maniиre d’un lien comme le dit saint Augustin (La citй de Dieu, XXI, 10, 1). C'est pourquoi, il n'est pas nйcessaire pour elles d'avoir une matiиre.

20. Ad vicesimum dicendum quod substantiae spirituales non patiuntur ab igne corporeo per modum alterationis materialis, sed per modum alligationis, ut Augustinus dicit. Unde non oportet quod habeant materiam.

 

21. Le livre De l'unitй et de l'un n'est pas de Boиce, comme l'indique le style lui-mкme.

21. Ad vicesimumprimum dicendum quod liber de unitate et uno non est Boetii, ut ipse stilus indicat.

 

22. Une forme sйparйe, en tant qu'acte, ne peut avoir rien d'extйrieur qui lui soit mкlй, mais seulement en tant qu’elle est en puissance. Et, de cette maniиre, les substances spirituelles, en tant qu'elles sont en puissance selon l'intellect et la volontй, reзoivent des accidents.

22. Ad vicesimumsecundum dicendum quod forma separata, in quantum est actus, non potest aliquid extraneum habere admixtum, sed solum in quantum est in potentia. Et hoc modo substantiae spirituales, in quantum sunt in potentia secundum intellectum et voluntatem, recipiunt aliqua accidentia.

 

23. L'intention de Boиce n'est pas de dire que d'aprиs la nature de la substance, ce qui est un genre serait composй de matiиre et de forme, puisque la substance est du domaine du mйtaphysicien, non du naturaliste; mais il veut dire que, puisque la forme et la matiиre ne conviennent pas au genre de substance comme l'espиce, seule la substance qui est un composй est placйe dans un genre comme l’espиce.

23. Ad vicesimumtertium dicendum quod intentio Boetii non est dicere, quod de ratione substantiae, quod est genus, sit esse compositum ex materia et forma, cum substantia sit de consideratione metaphysici, non naturalis; sed intendit dicere, quod cum forma et materia non pertineant ad genus substantiae tamquam species; sola substantia, quae est compositum, collocatur in genere ut species.

 

24. Dans ce qui est composй de matiиre et de forme, le genre est pris de la matiиre et la diffйrence de la forme, de telle faзon cependant que par la matiиre on ne comprenne pas la matiиre premiиre, mais selon que par la forme elle reзoit un кtre imparfait et matйriel en rapport avec l’кtre specifique, comme l’кtre de l’animal est imparfait et matйriel par rapport а celui de l’homme. Cependant, cet кtre double ne dйpend pas d’une forme diffйrente, mais d’une seule, qui donne а l’homme non seulement ce qui est кtre animal, mais ce qui est кtre homme. Mais l’вme d’un autre animal lui donne seulement d’кtre animal ; c'est pourquoi l’animal commun n’est pas un en nombre, mais en raison seulement, parce que l’homme n’est pas par une seule et mкme forme animal et вne. Donc, une fois la matiиre enlevйe des substances spirituelles, il y restera le genre et la diffйrence non pas selon la matiиre et la forme, mais du fait qu’est considиrй dans la substance spirituelle autant ce qui lui est commun avec les substances plus imparfaites que ce qui lui est propre.

24. Ad vicesimumquartum dicendum quod in rebus compositis ex materia et forma, genus sumitur a materia, et differentia a forma; ita tamen quod per materiam non intelligatur materia prima, sed secundum quod per formam recipit quoddam esse imperfectum et materiale respectu esse specifici; sicut esse animalis est imperfectum et materiale respectu hominis. Tamen illud duplex esse non est secundum aliam et aliam formam, sed secundum unam formam, quae homini dat non solum hoc quod est esse animal, sed hoc quod est esse hominem. Anima autem alterius animalis dat ei solum esse animal; unde animal commune non est unum numero, sed ratione tantum; quia non ab una et eadem forma homo est animal et asinus. Subtracta ergo materia a substantiis spiritualibus, remanebit ibi genus et differentia non secundum materiam et formam, sed secundum quod consideratur in substantia spirituali tam id quod est commune sibi et imperfectioribus substantiis, quam etiam id quod est sibi proprium.

 

25. Plus une chose est en acte, plus elle est parfaite, mais plus une chose est en puissance, plus elle est imparfaite. Or ce qui est imparfait tirent son origine de ce qui est parfait et non l'inverse. C'est pourquoi il ne faut pas que tout ce qui est de quelque maniиre en puissance le tienne d'une puissance pure qui est la matiиre. Et sur ce point, il semble qu'Avicebron s'est trompй dans son livre La source de vie, en croyant que tout ce qui est en puissance ou est substrat,  le tient en quelque sorte de la matiиre premiиre.

25 Ad vicesimumquintum dicendum quod quanto aliquid est plus in actu, tanto perfectius est; quanto autem aliquid est plus in potentia, tanto est imperfectius. Imperfecta autem a perfectis sumunt originem, et non e converso. Unde non oportet quod omne quod quocumque modo est in potentia, hoc habeat a pura potentia quae est materia. Et in hoc videtur fuisse deceptus Avicebron in libro fontis vitae, dum credidit quod omne illud quod est in potentia vel subiectum, quodammodo hoc habeat ex prima materia.

 

 

 

Article 2: La substance spirituelle peut-elle est unie а un corps ? Articulus 2: Utrum substantia spiritualis possit uniri corpori

 

Il semble que non[48].

Et videtur quod non.

 

Objections

1. Car Denys (Les Noms divins, I, 1[49]) dit que les incorporels sont insaisissables par les corps. Mais toute forme est saisie par la matiиre, puisqu’elle est son acte. Donc la substance spirituelle incorporelle ne peut pas кtre la forme du corps[50].

1. Dicit enim Dionysius cap. I de Divin. Nomin., quod incorporalia sunt incomprehensibilia a corporalibus. Sed omnis forma comprehenditur a materia, cum sit actus eius. Ergo substantia spiritualis incorporea non potest esse forma corporis.

 

2. Selon le philosophe (Le sommeil et la veille I, 454 a 8) l’acte vient de ce qui a la puissance. Mais l’opйration propre de la substance spirituelle est de comprendre[51], ce qui ne peut venir du corps, parce qu’il n’arrive pas qu’on comprenne par un organe corporel, comme c’est prouvй dans L’вme, (III, 4, 429 a 25); donc la puissance intellective ne peut pas кtre la forme du corps, la substance spirituelle, en quoi est йtablie une telle puissance ne peut pas non plus кtre la forme du corps.

2. Praeterea, secundum philosophum in libro de somno et vigilia cuius est potentia eius est actio. Sed operatio propria substantiae spiritualis est intelligere, quae non potest esse corporis: quia non contingit intelligere per organum corporeum, ut probatur in III de anima. Ergo potentia intellectiva non potest esse forma corporis; ergo neque substantia spiritualis, in qua fundatur talis potentia, potest esse forma corporis.

 

3. Ce qui advient а quelque chose aprиs l’кtre complet lui arrive en tant qu’accident. Mais la substance spirituelle a en elle un кtre subsistant. Si donc, un corps lui advient, il adviendra comme accident. Donc elle ne peut pas lui кtre unie comme forme substantielle.

3. Praeterea, quod advenit alicui post esse completum, advenit ei accidentaliter. Sed substantia spiritualis habet in se esse subsistens. Si igitur adveniat ei corpus, adveniet ei accidentaliter. Non ergo potest ei uniri ut forma substantialis.

 

4. Mais on pourrait dire que l’вme en tant qu’esprit est subsistante par elle-mкme; en tant qu’elle est вme, elle est unie comme forme. En sens contraire, l’вme selon son essence est un esprit, ou bien donc elle est forme du corps par son essence, ou bien par quelque autre chose ajoutйe а l’essence. Mais si c’est le cas, puisque tout ce qui advient en plus а l’essence est un accident, il en dйcoule que l’вme est unie au corps par un accident, et ainsi l’homme est un йtant par accident, ce qui ne convient pas. Donc elle lui est unie par son essence, en tant qu’esprit

4. Sed dicebat, quod anima, in quantum est spiritus, est per se subsistens; in quantum autem est anima, unitur ut forma.- Sed contra, anima secundum suam essentiam est spiritus; aut igitur secundum suam essentiam est forma corporis, aut secundum aliquid additum essentiae. Si autem secundum aliquid additum essentiae, cum omne illud quod advenit alicui supra essentiam suam sit accidentale, sequitur quod anima per aliquod accidens uniatur corpori; et sic homo est ens per accidens, quod est inconveniens. Ergo unitur ei per suam essentiam, in quantum est spiritus.

 

5. La forme n’est pas pour la matiиre, mais la matiиre pour la forme. C'est pourquoi l’вme n’est pas unie а un corps pour le complйter, mais c’est plutфt le corps; si l’вme est une forme, elle lui est unie pour la perfection de l’вme. Mais l’вme pour sa perfection n’a pas besoin du corps, puisqu’elle peut exister et comprendre sans lui. Donc l’вme n’est pas unie а un corps comme forme.

5. Praeterea, forma non est propter materiam, sed materia propter formam. Unde anima non unitur corpori ut perficiatur corpus; sed magis corpus, si anima est forma, unitur ei propter animae perfectionem. Sed anima ad sui perfectionem non indiget corpore, cum sine corpore possit esse et intelligere. Ergo anima non unitur corpori ut forma.

 

6. L’union de la forme et de la matiиre est naturelle[52]. Mais l’union de l’вme au corps n’est pas naturelle, mais miraculeuse, car il est dit dans le livre L’esprit et l’вme (14, PL XL, 790[53]): « C’est tout а fait par miracle que des [кtres] si diffйrents et si sйparйs entre eux ont pu s’unir ».Donc l’вme n’est pas unie au corps comme forme.

6. Praeterea, unio formae et materiae est naturalis. Sed unio animae ad corpus non est naturalis, sed miraculosa; dicitur enim in libro de spiritu et anima: plenum fuit miraculo quod tam diversa et tam divisa ad invicem potuerunt coniungi. Ergo anima non unitur corpori ut forma.

 

7. Selon le philosophe dans le livre Du ciel (II, 6, 288 b 14[54]) tout affaiblissement est au-delа de la nature. Donc tout ce qui affaiblit quelque chose ne lui est pas uni naturellement. Mais l’вme est affaiblie par l’union au corps; et quant а l’кtre, parce le corps appesantit l’вme, comme il est dit dans le livre L’esprit et l’вme (XIV) et quant а l’opйration, parce qu’elle ne peut se connaоtre qu’en se retirant de toutes les йtreintes corporelles, comme il est dit dans le mкme livre. Donc l’union de l’вme au corps n’est pas naturelle et ainsi de mкme que plus haut.

7. Praeterea, secundum philosophum in libro de caelo, omnis debilitatio est praeter naturam. Quidquid ergo debilitat aliquid, non unitur ei naturaliter. Sed anima debilitatur per unionem corporis; et quantum ad esse, quia corpus praegravat animam, ut dicitur in libro de spiritu et anima, et quantum ad operationem; quia non potest se cognoscere, nisi retrahendo se ab omnibus corporeis nexibus, ut in eodem libro dicitur. Ergo unio animae ad corpus non est naturalis; et sic idem quod prius.

 

8. Le Commentateur[55] (Mйtaphysique, VIII, comm. 16) dit que quand ce qui est en puissance devient acte, cela ne se fait pas par quelque addition. Mais comme l’вme est unie au corps, quelque chose d’extйrieur est ajoutй au corps, parce que l’вme est crййe par Dieu et infusйe dans le corps. Donc l’вme n’est pas un acte ou une forme du corps.

8. Praeterea, Commentator dicit in VIII Metaph., quod cum id quod est in potentia, fit actu, hoc non fit per aliquod additum. Sed cum anima unitur corpori, additur corpori aliquod extrinsecum; quia anima creatur a Deo, et corpori infunditur. Ergo anima non est actus seu forma corporis.

 

9. La forme est йduite de la puissance de la matiиre. Mais la substance spirituelle ne peut pas кtre йduite de la puissance de la matiиre corporelle. Donc la substance spirituelle n’est pas unie au corps comme forme.

9. Praeterea, forma educitur de potentia materiae. Sed substantia spiritualis non potest educi de potentia materiae corporalis. Ergo substantia spiritualis non potest uniri corpori ut forma.

 

10. Plus grande est l’harmonie de l’esprit а l’esprit que de l’esprit au corps. Mais l’esprit ne peut pas кtre forme d’un autre esprit. Donc la substance spirituelle ne peut pas кtre forme du corps.

10. Praeterea, maior est convenientia spiritus ad spiritum quam spiritus ad corpus. Sed spiritus non potest esse forma alterius spiritus. Ergo neque substantia spiritualis potest esse forma corporis.

 

11. Augustin (De libero arbitrio, III, 11, 32) dit que l’вme et l’ange sont йgaux par leur nature, diffйrents par leur fonction. Mais l’ange ne peut pas кtre la forme d’un corps. L’вme non plus.

11. Praeterea, Augustinus dicit, quod anima et Angelus sunt natura pares, officio dispares. Sed Angelus non potest esse forma corporis. Ergo neque anima.

 

12. Boиce dit (les deux natures I, PL LXIV, 1342): « La nature est une diffйrence spйcifique qui donne sa forme a chaque chose[56] ». Mais la diffйrence spйcifique de l’вme et de l’ange est la mкme, а savoir la raison. Donc une mкme nature pour l’un et l’autre et ainsi de mкme que ci-dessus.

12. Praeterea, Boetius dicit in libro de duabus naturis: natura est unumquodque informans specifica differentia. Sed eadem est specifica differentia animae et Angeli, scilicet rationale. Ergo eadem natura utriusque; et sic idem quod prius.

 

13. L’вme se comporte de la mкme maniиre pour le tout et les parties, parce qu’elle est toute entiиre dans le tout, et toute entiиre en chaque partie[57]. Mais la substance spirituelle qui est l’intellect, n’est l’acte d’aucune partie du corps, comme il est dit dans L’вme, (II, 1, 413 a 7[58]). Donc la substance spirituelle n’est pas la forme de tout le corps.

13. Praeterea, anima eodem modo se habet ad totum et partes; quia est tota in toto, et tota in qualibet parte. Sed substantia spiritualis, quae est intellectus, nullius partis corporis est actus, ut dicitur in III de anima. Ergo substantia spiritualis non est forma totius corporis.

 

14. La forme naturelle qui existe dans un corps n’opиre pas hors de lui. Mais l’вme qui existe dans un corps opиre au-dehors du corps: car il est dit au Concile d’Ancyre, au sujet des femmes qui pensent qu’elles vont а Diane la nuit qu’il leur arrive en esprit ce qu’elles pensent souffrir dans le corps; et ainsi leur esprit aussi opиre hors du corps. Donc la substance spirituelle n’est pas unie au corps comme sa forme naturelle.

14. Praeterea, forma naturalis existens in corpore, non operatur extra corpus. Sed anima existens in corpore operatur extra corpus: dicitur enim in Concilio Anquirensi de mulieribus quae putant se ad Dianam de nocte ire, quod eis advenit in spiritu quod putant se in corpore pati; et sic etiam spiritus eorum extra corpus operatur. Non ergo substantia spiritualis unitur corpori ut forma naturalis eius.

 

15. Dans le livre Les articles de la foi (Alain de Lille, I, 4) il est dit: « La forme n’est pas sans matiиre et la matiиre sans forme ne peut pas кtre un substrat ». Mais le corps est le substrat des accidents. Donc le corps n’est pas une matiиre sans forme. Si donc la substance spirituelle lui advenait comme forme, il en dйcoulerait que deux formes seraient dans un unique et mкme (substrat), ce qui est impossible.

15. Praeterea, in libro de articulis fidei dicitur: neque forma sine materia, neque materia sine forma subiectum esse potest. Sed corpus est subiectum aliquorum accidentium. Ergo corpus non est materia sine forma. Si igitur substantia spiritualis advenit ei ut forma, sequeretur quod duae formae erunt in uno et eodem; quod est impossibile.

 

16. Le corruptible et l’incorruptible diffиrent en genre, et on ne peut rien dire d’univoque а leur sujet, comme on montre le philosophe et son Commentateur (Mйtaphysique, X, 10, 1058 b 28[59]). Donc le corruptible et l’incorruptible sont plus diffйrents que deux contraires, qui sont une espиce d’un seul genre. Boиce (Catйgories, PL. LXIX, 282), en effet, dit qu’un des contraires n’aide pas l’autre а exister. Donc comme la substance spirituelle est incorruptible, elle n’aide pas le corps corruptible а exister, et sa forme non plus, puisque la forme donne l’кtre а la matiиre.

16. Praeterea, corruptibile et incorruptibile differunt genere, nec aliquid de eis dicitur univoce, ut patet per philosophum et Commentatorem eius in X Metaph. Plus ergo differt corruptibile et incorruptibile quam duo contraria, quae sunt species unius generis. Boetius enim dicit quod unum contrarium non iuvat aliud ad esse. Ergo substantia spiritualis cum sit incorruptibilis, non iuvat corpus corruptibile ad esse, et ita non est forma eius, cum forma det esse materiae.

 

17. Tout ce qui est uni а un autre par ce qui n’est pas de son essence, ne lui est pas uni comme une forme. Mais l’intellect est uni au corps par les images, ce qui ne vient pas de la substance intellectuelle, comme le dit le Commentateur (L’вme, III, comm. 5, 36). Donc la substance spirituelle qui est l’intellect, n’est pas unie au corps comme une forme.

17. Praeterea, quidquid unitur alteri per id quod non est de essentia eius, non unitur ei ut forma. Sed intellectus unitur corpori per phantasmata, quod non est de substantia intellectus, ut Commentator dicit in III de anima. Ergo substantia spiritualis, quae est intellectus, non unitur corpori ut forma.

 

18. Toute substance spirituelle est intellectuelle. Mais toute substance intellectuelle est abstraite de la matiиre puisque par exemption ce qui est intellectuel en est affranchi. Donc aucune substance spirituelle n’est forme dans la matiиre et ainsi elle ne peut pas кtre unie а un corps comme forme.

18. Praeterea, omnis substantia spiritualis est intellectualis. Omnis autem substantia intellectualis est abstracta a materia, cum per immunitatem a materia sit aliquid intellectuale. Nulla ergo substantia spiritualis est forma in materia; et ita non potest uniri corpori ut forma.

 

19. L’un se fait de la matiиre et de la forme. Si donc la substance spirituelle est unie а un corps comme forme, il faut que l’un se fasse de la substance spirituelle et du corps. Mais les formes intelligibles qui sont reзues dans l’intellect, seraient reзues dans une matiиre corporelle, ce qui est impossible: parce que les formes reзues dans cette matiиre sont intelligibles seulement en puissance. Donc la substance spirituelle n’est pas unie а un corps comme forme.

19. Praeterea, ex materia et forma fit unum. Si igitur substantia spiritualis unitur corpori ut forma, oportet quod ex substantia spirituali et corpore fiat unum. Formae intelligibiles quae recipiuntur in intellectu, reciperentur in materia corporali; quod est impossibile: quia formae receptae in materia corporali, sunt intelligibiles tantum in potentia. Non ergo substantia spiritualis unitur corpori ut forma.

 

En sens contraire

Denys dit (les noms divins, 4, lectio 1) que l’вme est une substance spirituelle qui a une vie inaltйrable. Mais l’вme est la forme du corps, comme on le voit dans la dйfinition qui est dans L’вme (II, 1, 412 a 19-21[60]). Donc une substance spirituelle ou intellectuelle est unie au corps comme forme.

De spiritualibus creaturis, a. 2 s. c. Sed contra, est quod Dionysius dicit IV cap. de Divin. Nomin., quod anima est substantia intellectualis habens vitam indeficientem. Sed anima est forma corporis, ut patet per eius definitionem, quae ponitur in II de anima. Ergo aliqua substantia spiritualis, sive intellectualis, unitur corpori ut forma.

 

Rйponse

La difficultй de cette question vient du fait que la substance spirituelle est une certaine chose qui subsiste par elle-mкme. Il est dы а la forme d’кtre dans un autre, c'est-а-dire dans la matiиre, dont elle est l’acte et la perfection. Aussi il semble contre la nature de la substance spirituelle qu’elle soit la forme du corps, et pour cela Grйgoire de Nysse, dans son livre de l’вme (Ch. 2 et 3[61]) a imputй а Aristote le fait qu’il a pensй que l’вme ne subsiste pas par elle-mкme et qu’elle se corrompt quand le corps se corrompt, parce qu’il a pensequ’elle йtait l’entйlйchie, c'est-а-dire l’acte ou la perfection du corps physique.

De spiritualibus creaturis, a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod difficultas huius quaestionis ex hoc accidit, quia substantia spiritualis est quaedam res per se subsistens. Formae autem debetur esse in alio, id est in materia, cuius est actus et perfectio. Unde contra rationem substantiae spiritualis esse videtur quod sit corporis forma; et propter hoc Gregorius Nyssenus in suo libro quem de anima fecit, imposuit Aristoteli quod posuit animam non per se subsistentem esse, et corrumpi corrupto corpore, quia posuit eam entelechiam, idest actum vel perfectionem physici corporis.

 

Mais cependant, si quelqu’un considиre attentivement le sujet, il apparaоt de maniиre йvidente qu’il est nйcessaire qu’une substance soit la forme du corps humain. Car il est йvident qu’il convient de comprendre а cet homme particulier, que ce soit Socrate ou Platon. Mais aucune opйration ne lui convient que par une forme qui existe en lui, substantielle ou accidentelle, parce que rien n’agit ou n’opиre que selon qu’il est en acte. Mais chaque chose est en acte par une forme ou substantielle ou accidentelle, puisque la forme est l’acte; ainsi le feu est en acte de feu par l’ignйitй, le chaud en acte par la chaleur. Il faut donc que le principe de cette opйration qui est de comprendre, soit sous une forme dans cet homme. Mais le principe de cette opйration n’est pas une forme dont l’кtre dйpend du corps, et liйe а la matiиre ou immergйe en elle, parce que cette opйration ne se fait pas par le corps, comme c’est prouve dans L’вme, (III, 4, 429 a 23[62]), c'est pourquoi le principe de cette opйration a une opйration sans communication avec la matiиre corporelles. Mais ainsi chacun opиre selon ce qu’il est; c'est pourquoi il faut que l’кtre de ce principe soit un кtre йlevй au-dessus de la matiиre corporelle, et qu’il n’en dйpende pas. Mais cela est le propre de la substance spirituelle. Il faut donc dire, si on joint ce qui a йtй dit, qu’une substance spirituelle est la forme du corps humain.

Sed tamen si quis diligenter consideret, evidenter apparet quod necesse est aliquam substantiam formam humani corporis esse. Manifestum est enim quod huic homini singulari, ut Socrati vel Platoni, convenit intelligere. Nulla autem operatio convenit alicui nisi per aliquam formam in ipso existentem, vel substantialem vel accidentalem; quia nihil agit aut operatur nisi secundum quod est actu. Est autem unumquodque actu per formam aliquam vel substantialem vel accidentalem, cum forma sit actus; sicut ignis est actu ignis per igneitatem, actu calidus per calorem. Oportet igitur principium huius operationis quod est intelligere, formaliter inesse huic homini. Principium autem huius operationis non est forma aliqua cuius esse sit dependens a corpore, et materiae obligatum sive immersum; quia haec operatio non fit per corpus, ut probatur in III de anima; unde principium huius operationis habet operationem sine communicatione materiae corporalis. Sic autem unumquodque operatur secundum quod est; unde oportet quod esse illius principii sit esse elevatum supra materiam corporalem, et non dependens ab ipsa. Hoc autem proprium est spiritualis substantiae. Oportet ergo dicere, si praedicta coniungantur, quod quaedam spiritualis substantia, sit forma humani corporis.

 

[L’opinion d’Averroиs]

Certains qui concиdent que comprendre est l’acte de la substance spirituelle, ont niй qu’elle йtait unie au corps comme forme. Parmi eux Averroиs[63] a placй l’intellect possible, quant а l’кtre, sйparй du corps. Cependant il voit que s’il n’y avait pas une union а cet homme, son action ne pourrait pas le concerner. Car s’il y a deux substances tout а fait dйsunies, l’une йtant celle qui agit ou qui opиre, on ne dit pas que l’autre opиre. C'est pourquoi il a pensй que cet intellect, qu’il disait tout а fait sйparй du corps quant а son кtre, йtait reliй а cet homme par les images, pour cette raison que l’espиce intelligible qui est la perfection de l’intellect possible, est йtablie dans les images (phantasma) d’oщ elle est abstraite. Donc ainsi il a un кtre double, l’un dans l’intellect possible, dont il est la forme et l’autre dans les images, d’oщ il est abstrait Mais les images sont dans cet homme, parce que la puissance imaginative est puissance dans le corps, c'est-а-dire qu’elle a un organe corporel[64]. Donc la forme intelligible elle-mкme est un intermйdiaire qui unit l’intellect possible а un homme particulier.

Quidam vero concedentes quod intelligere sit actus spiritualis substantiae, negaverunt illam spiritualem substantiam uniri corpori ut forma. Quorum Averroes posuit intellectum possibilem, secundum esse, separatum a corpore. Vidit tamen quod nisi esset aliqua unio eius ad hunc hominem, actio eius ad hunc hominem pertinere non posset. Si enim sint duae substantiae omnino disiunctae, una agente vel operante, alia non dicitur operari. Unde posuit intellectum illum, quem dicebat separatum omnino secundum esse a corpore, continuari cum hoc homine per phantasmata, hac ratione, quia species intelligibilis, quae est perfectio intellectus possibilis, fundatur in phantasmatibus a quibus abstrahitur. Sic ergo habet duplex esse: unum in intellectu possibili, cuius est forma; et aliud in phantasmatibus, a quibus abstrahitur. Phantasmata autem sunt in hoc homine, quia virtus imaginativa est virtus in corpore, id est habens organum corporale. Ipsa ergo species intelligibilis est medium coniungens intellectum possibilem homini singulari.

 

Mais cette union ne suffit absolument pas pour que cet homme particulier comprenne. Car comme Aristote le dit (L’вme, III, 7, 431 a 14[65]), les images sont en relation avec l’intellect possible, comme la couleur а la vision. De mкme donc que la forme[66] intelligible abstraite des imagesest dans l’intellect possible, comme la forme de la couleur dans le sens de la vue, de mкme la forme intelligible est dans les images comme la forme visible est dans la couleur du mur. Mais le fait que la forme visible, qui est la forme de la vue, est йtablie dans la couleur du mur, la vue n’est pas jointe au mur, comme а ce qui voit mais comme ce qui est vu, car ce n’est pas par cela que le mur voit, mais est vu. Car qu’en lui soit la forme dont la ressemblance est dans la puissance connaissante, cela ne fait pas que l’homme connaоt, mais que la puissance connaissante est en lui. Et donc cet homme par cela ne comprendra pas qu’il y a en lui les images, dont la ressemblance qui est la forme intelligible est dans l’intellect possible, mais il en dйcoule que ses images des autres sont comprises. Mais il faut que l’intellect possible, qui est la puissance qui comprend, soit formellement en cette homme pour qu’il comprenne.

Sed haec continuatio nullo modo sufficit ad hoc quod hic homo singularis intelligat. Ut enim Aristoteles dicit in Lib. III de anima, phantasmata comparantur ad intellectum possibilem sicut color ad visum. Sic igitur species intelligibilis a phantasmatibus abstracta, est in intellectu possibili, sicut species coloris in sensu visus; sic autem est in phantasmatibus intelligibilis species sicut species visibilis est in colore parietis. Per hoc autem quod species visibilis, quae est forma visus, fundatur in colore parietis, non coniungitur visus parieti ut videnti, sed ut viso; non enim per hoc paries videt, sed videtur. Non enim hoc facit cognoscentem, ut sit in eo forma cuius similitudo est in potentia cognoscente; sed ut sit in ipso cognoscitiva potentia. Neque igitur hic homo per hoc erit intelligens quod sunt in eo phantasmata, quorum similitudo, quae est species intelligibilis, est in intellectu possibili; sed sequitur per hoc quod sua phantasmata sint aliorum intellecta. Sed oportet ipsum intellectum possibilem, qui est potentia intelligens, formaliter inesse huic homini ad hoc quod hic homo intelligat.

 

Il semble aussi qu’il s’est trompй dans la nature de l’union, puisque la forme intelligible n’est une avec l’intellect possible qu’en tant qu’elle est abstraite des images: car ainsi il est seulement compris en acte, mais selon qu’il est dans les images, il est compris seulement en puissance. Par cela donc la sйparation de l’intellect possible des images est mieux dйmontrйe que leur union. Car il faut qu’elle soit tout а fait sйparйe, quand une chose ne peut кtre unie а l’un d’eux, sans avoir йtй sйparйe d’un autre.

Videtur etiam in ipsa ratione continuationis defecisse; cum species intelligibilis non sit unum cum intellectu possibili, nisi in quantum est abstracta a phantasmatibus: sic enim solum est intellecta in actu; secundum autem quod est in phantasmatibus, est intellecta solum in potentia. Per hoc igitur magis demonstratur disiunctio intellectus possibilis a phantasmatibus quam continuatio. Oportet enim illa esse omnino disiuncta, quorum uni aliquid uniri non potest, nisi fuerit ab altero separatum.

 

[L’opinion de Platon]

Mais une fois йcartйe cette opinion, comme impossible, il faut considйrer que Platon a pensй plus efficacement que ‘cet homme’ comprenait, et cependant que la substance spirituelle n’йtait pas unie а un corps comme forme. Comme le raconte Grйgoire de Nysse (De anima, PG. XLV, 216[67]) le raconte, Platon a pensй que la substance intellective, qui est appelйe вme, йtait unie au corps par un contact spirituel: ce qui est compris selon que le moteur ou l’agent touche ce qui est mы ou ce qui subit, mкme s’il est incorporel. Par cette raison, Aristote (La gйnйration, I, 6, 323 a 28[68]) dit que certains touchent et ne sont pas touchйs, parce qu’ils agissent et ne supportent pas. C'est pourquoi Platon disait, comme Grйgoire le rapporte, que l’homme n’est pas quelque chose[69] composй d’вme et de corps, mais que l’вme se sert du corps pour comprendre qu’elle est dans un corps d’une certaine maniиre comme un marin dans son bateau. Ce dont semble parler Aristote dans L’вme, (II, 1, 413 a 8). Donc ainsi cet homme comprend en tant qu’il est sa propre substance spirituelle, qui est l’вme, dont l’acte est plus proprement de comprendre, alors que cependant cette substance n’existe pas comme la forme du corps.

Hac igitur opinione reiecta tanquam impossibili, considerandum est quod Plato efficacius posuit hunc hominem intelligere, nec tamen substantiam spiritualem uniri corpori ut formam. Ut enim Gregorius Nyssenus narrat, Plato posuit substantiam intellectivam, quae dicitur anima, uniri corpori per quemdam spiritualem contactum: quod quidem intelligitur secundum quod movens vel agens tangit motum aut passum, etiam si sit incorporeum. Ex qua ratione dicit Aristoteles in I de generatione quod quaedam tangunt et non tanguntur, quia agunt et non patiuntur. Unde dicebat Plato, ut dictus Gregorius refert, quod homo non est aliquid compositum ex anima et corpore, sed est anima utens corpore, ut intelligatur esse in corpore quodammodo sicut nauta in navi. Quod videtur tangere Aristoteles in II de anima. Sic igitur et hic homo intelligit in quantum hic homo est ipsa substantia spiritualis, quae est anima, cuius actus proprius est intelligere; hac tamen substantia forma corporis non existente.

 

Mais pour rйfuter cette raison il suffit d’un argument qu’Aristote (L’вme, II 1, 412 a 4[70]) introduit directement contre cette opinion. Car si l’вme n’йtait pas unie au corps comme forme, il en dйcoulerait que le corps et ses parties n’aurait pas un кtre spйcifique par l’вme, ce qui apparaоt manifestement comme faux[71]: parce que si l’вme s’en va, on ne parle que de maniиre йquivoque de l’њil, de la chair, ou de l’os, comme l’њil peint ou de pierre. C'est pourquoi il est clair que l’вme est une forme et la nature[72] de ce corps, c'est-а-dire par ce corps elle a la nature de son espиce. Mais il faut chercher comment cela est possible.

Sed ad huius rationis improbationem unum sufficiat, quod Aristoteles in II de anima inducit directe contra hanc positionem. Si enim anima non uniretur corpori ut forma, sequeretur quod corpus et partes eius non haberent esse specificum per animam; quod manifeste falsum apparet: quia recedente anima non dicitur oculus aut caro et os nisi aequivoce, sicut oculus pictus vel lapideus. Unde manifestum est quod anima est forma et quod quid erat esse huius corporis, id est a qua hoc corpus habet rationem suae speciei. Qualiter autem hoc esse possit inquirendum est.

 

Il faut considйrer que plus une forme est parfaite, plus elle dйpasse la matiиre corporelle, ce qui est manifeste pour ce qui induit dans diffйrents ordres de formes. Car la forme de l’йlйment n’a d’opйration que celle qui est faite par les qualitйs actives et passives, qui sont les dispositions de la matiиre corporelle. Mais la forme du corps minйral a une opйration qui dйpasse les qualitйs organiques actives et passives, qui suit l’espиce par l’influence du corps cйleste, pour que l’aimant attire le fer[73], et que le saphir soigne les abcиs. En plus l’вme vйgйtative a une opйration, qui dйpasse les qualitйs organiques actives et passives; mais cependant au-dessus du pouvoir des qualitйs de ce genre, l’вme a son propre effets en nourrissant et faisant croоtre jusqu’а un terme dйterminй, et l’autre de ce genre en complйtant. Mais l’вme sensitive a au-delа une opйration а laquelle en aucune maniиre ne s’йtendent les qualitйs actives et passives, si ce n’est dans la mesure oщ elles sont exigйes pour la composition de l’organe par lequel s’exerce une telle opйration, comme voir, entendre, dйsirer, etc.

Considerandum est autem quod quanto aliqua forma est perfectior, tanto magis supergreditur materiam corporalem; quod patet inducenti in diversis formarum ordinibus. Forma enim elementi non habet aliquam operationem nisi quae fit per qualitates activas et passivas; quae sunt dispositiones materiae corporalis. Forma autem corporis mineralis habet aliquam operationem excedentem qualitates activas et passivas, quae consequitur speciem ex influentia corporis caelestis; ut quod magnes attrahit ferrum, et quod sapphyrus curat apostema. Ulterius autem anima vegetabilis habet operationem, cui quidem deserviunt qualitates activae et passivae organicae; sed tamen supra posse huiusmodi qualitatum, ipsa effectum proprium sortitur nutriendo et augendo usque ad determinatum terminum, et alia huiusmodi complendo. Anima autem sensitiva ulterius habet operationem, ad quam nullo modo se extendunt qualitates activae et passivae, nisi quatenus exiguntur ad compositionem organi per quod talis operatio exercetur, ut videre, audire, appetere et huiusmodi.

 

Mais la plus parfaite des formes, c'est-а-dire l’вme humaine, qui est la limite de toutes les formes naturelles a une opйration qui dйpasse largement la matiиre, qui ne se fait pas par un organe corporel, а savoir comprendre (intelliger). Et parce que l’кtre de la chose est proportionnйe а son opйration, comme on l’a dit, puisque chacun opиre selon qu’il est un йtant, il faut que l’кtre de l’вme humaine surpasse la matiиre corporelle, et ne soit pas totalement apprйhendйe par elle, mais cependant d’une certaine maniиre, qu’elle soit atteinte par elle. Donc en tant qu’elle surpasse l’кtre de la matiиre corporelle, en pouvant subsister et opйrer par elle-mкme, l’вme humaine est une substance spirituelle; en tant qu’elle est atteinte par la matiиre et que son кtre communique avec elle, elle est forme du corps. Mais elle est atteinte par la matiиre corporelle par cette raison que le plus haut de l’ordre le plus petit ordre atteint toujours le plus bas de l’ordre le plus haut, comme on le voit chez Denys (La hierarchie cйleste, XIII, 3, passim); et c'est pourquoi l’вme humaine qui est la plus petite dans l’ordre des substances spirituelles peut communiquer son кtre au corps humain, qui en est trиs digne, pour devenir un par l’вme et le corps comme par la forme et la matiиre. Mais si la substance spirituelle йtait composйe de matiиre et de forme, il serait impossible, qu’elle soit une forme corporelle, parce qu’il est de la nature de la matiиre de ne pas кtre dans un autre, mais d’кtre le premier substrat.

Perfectissima autem formarum, id est anima humana, quae est finis omnium formarum naturalium, habet operationem omnino excedentem materiam, quae non fit per organum corporale, scilicet intelligere. Et quia esse rei proportionatur eius operationi, ut dictum est, cum unumquodque operetur secundum quod est ens; oportet quod esse animae humanae superexcedat materiam corporalem, et non sit totaliter comprehensum ab ipsa, sed tamen aliquo modo attingatur ab ea. In quantum igitur supergreditur esse materiae corporalis, potens per se subsistere et operari, anima humana est substantia spiritualis; in quantum vero attingitur a materia, et esse suum communicat illi, est corporis forma. Attingitur autem a materia corporali ea ratione quod semper supremum infimi ordinis attingit infimum supremi, ut patet per Dionysium VII cap. de Divin. Nomin.; et ideo anima humana quae est infima in ordine substantiarum spiritualium, esse suum communicare potest corpori humano, quod est dignissimum, ut fiat ex anima et corpore unum sicut ex forma et materia. Si vero substantia spiritualis esset composita ex materia et forma, impossibile esset quod esset forma corporalis: quia de ratione materiae est quod non sit in alio, sed quod ipsa sit primum subiectum.

 

Solutions

1. Bien que la substance spirituelle ne soit pas enfermйe par le corps, cependant elle est atteinte en quelque maniиre par lui, comme on l’a dit.

1. Ad primum ergo dicendum quod substantia spiritualis, licet non comprehendatur a corpore, attingitur tamen aliqualiter ab eo, ut dictum est.

 

2. Comprendre est l’opйration de l’вme humaine, selon qu’elle dйpasse la proportion de la matiиre corporelle, et c’est pourquoi cela ne se fait pas par un organe corporel. On peut cependant dire que ce qui est joint, c'est-а-dire l’homme, comprend, en tant que l’вme qui est sa partie formelle, a cette opйration propre, de mкme que l’opйration de n’importe quelle partie est attribuйe au tout: car l’homme voit par l’њil, se promиne par ses pieds et de la mкme maniиre il comprend par l’вme.

2. Ad secundum dicendum quod intelligere est operatio animae humanae secundum quod superexcedit proportionem materiae corporalis, et ideo non fit per aliquod organum corporale. Potest tamen dici, quod ipsum coniunctum, id est homo, intelligit, in quantum anima, quae est pars eius formalis, habet hanc operationem propriam, sicut operatio cuiuslibet partis attribuitur toti; homo enim videt oculo, ambulat pede, et similiter intelligit per animam.

 

3. L’вme a un кtre subsistant, en tant que celui-ci ne dйpend pas du corps, puisqu’elle est йlevйe au-dessus de la matiиre corporelle. Et cependant pour cette communion а cet кtre elle reзoit le corps, pour qu’ainsi soit un l’кtre de l’вme et du corps, ce qui est l’кtre de l’homme. Mais si le corps lui йtait uni selon un autre кtre, il en dйcoulerait que se serait une union accidentelle.

3. Ad tertium dicendum quod anima habet esse subsistens, in quantum esse suum non dependet a corpore, utpote supra materiam corporalem elevatum. Et tamen ad huius esse communionem recipit corpus, ut sic sit unum esse animae et corporis, quod est esse hominis. Si autem secundum aliud esse uniretur sibi corpus, sequeretur quod esset unio accidentalis.

 

4. L’вme en son essence est la forme du corps mais pas comme quelque chose d’ajoutй. Cependant en tant qu’elle est en rapport avec le corps, elle est sa forme, en tant qu’elle surpasse la relation au corps, on l’appelle esprit ou substance spirituelle.

4. Ad quartum dicendum quod anima secundum suam essentiam est forma corporis, et non secundum aliquid additum. Tamen in quantum attingitur a corpore, est forma; in quantum vero superexcedit corporis proportionem, dicitur spiritus, vel spiritualis substantia.

 

5. Aucune partie sйparйe du tout n’a la perfection de la nature. C'est pourquoi comme l’вme est une partie de la nature humaine, elle n’a la perfection de sa nature que dans son union au corps. Ce qui se voit du fait qu’il y a dans la puissance de cette вme que des puissances qui ne sont pas les actes des organes corporels qui dйcoulent d’elle qui, en tant qu’elle dйpasse la relation au corps, et en plus des puissances qui sont les actes des organes dйcoulent d’elle, en tant que la matiиre corporelle la concerne. Mais rien n’est parfait dans sa nature а moins qu’on puisse l’expliquer par l’acte qui y est contenu par puissance. C'est pourquoi bien que l’вme puisse exister et comprendre quand elle est sйparйe du corps, cependant dans ce cas elle n’a pas la perfection de sa nature, comme Augustin le dit (Le Genиse au sens littйral, XII, 35, 68[74]).

5. Ad quintum dicendum quod nulla pars habet perfectionem naturae separata a toto. Unde anima, cum sit pars humanae naturae, non habet perfectionem suae naturae nisi in unione ad corpus. Quod patet ex hoc quod in virtute ipsius animae est quod fluant ab ea quaedam potentiae quae non sunt actus organorum corporalium, secundum quod excedit corporis proportionem; et iterum quod fluant ab ea potentiae quae sunt actus organorum, in quantum potest contingi a materia corporali. Non est autem aliquid perfectum in sua natura, nisi actu explicari possit quod in eo virtute continetur. Unde anima, licet possit esse et intelligere a corpore separata, tamen non habet perfectionem suae naturae cum est separata a corpore ut Augustinus dicit, XII super Genes. ad litteram.

 

6. On ne considиre pas ici que le miracle selon qu’il est opposй а l’opйration naturelle, mais selon qu’on dit que les miracles sont des њuvres naturelles, dans la mesure oщ ils procиdent de la puissance incomprйhensible de Dieu. Et de cette maniиre Augustin dit (Sur Jean, 24, 11) que Dieu produise avec quelques grains une si grande rйcolte, qui suffit pour rassasier tout le genre humain, est plus admirable que rassasier cinq mille hommes avec cinq pains.

6. Ad sextum dicendum quod miraculum non accipitur ibi secundum quod dividitur contra naturalem operationem, sed secundum quod etiam ipsa naturalia opera miracula dicuntur, prout ab incomprehensibili divina virtute procedunt. Et hoc modo dicit Augustinus super Ioan., quod mirabilius est quod Deus ex paucis granis tantam segetum multitudinem producit, quae sufficiat ad totius humani generis satietatem, quam quod ex quinque panibus quinque millia hominum satiavit.

 

7. Ce qui affaiblit quelque chose, une fois prйcisйe sa nature, n’est pas naturel[75]; cependant il arrive le plus souvent que quelque chose convient а la nature de quelqu’un, d’oщ cependant dйcoule en lui la faiblesse et la corruption, ainsi кtre composй de contraires est naturel pour l’animal; par eux cependant dйcoulent en lui la mort et la corruption. Et de la mкme maniиre c’est le propre а l’вme d’avoir besoin des images pour comprendre; cependant il en dйcoule qu’elle est amoindrie par rapport aux substances supйrieures. Mais dire que l’вme alourdit le corps, n’appartient pas non plus а sa nature, mais а la corruption, selon ce verset de la Sagesse (9, 15): « Le corps corrompu[76] alourdit l’вme ». Ce qu’on dit parce qu’elle se dйtache des йtreintes corporelles, pour se comprendre, il faut comprendre qu’elle se dйtache de ce qui est comme des obstacles, parce que l’вme comprend par йloignement de toute corporйitй, cependant elle ne se dйtache pas d’eux selon l’кtre. Bien plus, quand certains organes corporels sont blessйs, l’вme ne peut directement  comprendre, ni elle-mкme, ni autre chose, comme quand le cerveau est blessй.

7. Ad septimum dicendum quod illud per quod debilitatur aliquid, praeintellecta sua natura, non est naturale. Contingit tamen plerumque quod aliquid est pertinens ad naturam alicuius, ex quo tamen sequitur in eo aliqua debilitatio aut defectus: sicut componi ex contrariis est naturale animali, ex quo sequitur in eo mors et corruptio. Et similiter naturale est animae quod indigeat phantasmatibus ad intelligendum; ex quo tamen sequitur quod diminuatur in intelligendo a substantiis superioribus. Quod autem dicitur, quod anima a corpore praegravatur, hoc non est ex eius natura, sed ex eius corruptione, secundum illud Sapient. IX: corpus quod corrumpitur aggravat animam. Quod vero dicitur quod abstrahit se a nexibus corporalibus ut se intelligat, intelligendum est quod abstrahit se ab eis quasi ab obiectis, quia anima intelligitur per remotionem omnis corporeitatis; non tamen ab eis abstrahitur secundum esse. Quinimmo, quibusdam corporeis organis laesis, non potest anima directe nec se nec aliud intelligere, ut quando laeditur cerebrum.

 

8. Plus une forme est йlevйe, plus elle a besoin d’кtre produite par un agent puissant. Aussi comme l’вme humaine est la plus haute de toutes les formes, elle est produite par l’agent le plus puissant, c'est-а-dire Dieu; d’une autre maniиre cependant que les autres formes par n’importe quel agent. Car les autres formes ne sont pas subsistantes. C'est pourquoi l’кtre n’est pas d’elles, mais certains sont pour elles; aussi leur devenir est selon que la matiиre ou le substrat sont ramenйs de la puissance а l’acte et c’est йduire la forme de la puissance de la matiиre sans addition de quelque chose d’extйrieur. Mais l’вme a un кtre subsistant; c'est pourquoi le devenir lui est proprement dы, et le corps est tirй vers son кtre. Et а cause de cela on dit qu’elle existe par l’extйrieur et qu’elle n’est pas йduite de la puissance de la matiиre. C’est ainsi qu’apparaоt la solution а la neuviиme objection.

8. Ad octavum dicendum quod quanto aliqua forma est altior, tanto plus indiget a potentiori agente produci. Unde cum anima humana sit altissima omnium formarum, producitur a potentissimo agente, scilicet Deo; alio tamen modo quam aliae formae a quibuscumque agentibus. Nam aliae formae non sunt subsistentes: unde esse non est earum, sed eis aliqua sunt; unde fieri earum est secundum quod materia vel subiectum reducitur de potentia in actum: et hoc est educi formam de potentia materiae absque additione alicuius extrinseci. Sed ipsa anima habet esse subsistens; unde sibi proprie debetur fieri, et corpus trahitur ad esse eius. Et propter hoc dicitur quod est ab extrinseco, et quod non educitur de potentia materiae. Unde patet solutio ad nonum.

 

10. L’esprit se rencontre plus avec un esprit qu’avec un corps par accord de nature, mais par l’accord de relation requis entre la forme et la matiиre, l’esprit se rencontre plus avec le corps qu’avec l’esprit puisque deux esprits sont deux actes, mais le corps est comparй а l’вme, comme la puissance а l’acte.

10. Ad decimum dicendum quod spiritus magis convenit cum spiritu quam corpore convenientia naturae; sed convenientia proportionis, quae requiritur inter formam et materiam, magis convenit spiritus cum corpore quam spiritus cum spiritu: cum duo spiritus sint duo actus, corpus autem comparetur ad animam sicut potentia ad actum.

 

11. L’ange et l’вme sont йgaux par la nature du genre, en tant que l’un et l’autre sont une substance intellectuelle. Mais l’ange est supйrieur par la nature de l’espиce, comme Denys le montre (La Hiйrarchie cйleste, IV, 2, 180 A[77]).

11. Ad undecimum dicendum quod Angelus et anima sunt pares natura generis, in quantum utrumque est intellectualis substantia. Sed Angelus natura speciei est superior, ut patet per Dionysium, IV cap. Caelest. hierarchiae.

 

12. Le raisonnable est pris au sens propre comme diffйrence de l’вme, non de l’ange, mais plus intellectuel, comme Denys se sert du mot; parce que l’ange ne connaоt pas la vйritй par raisonnement discursif, mais d’un simple regard, ce qui est proprement comprendre. Cependant si le raisonnable est largement reзu, alors il faut dire, que ce n’est pas l’ultime diffйrence spйcifique, mais il est divisй par d’autres diffйrences spйcifiques, а cause des divers degrйs de l’intellection.

12. Ad duodecimum dicendum quod rationale proprie acceptum est differentia animae, non Angeli, sed magis intellectuale, ut Dionysius utitur; quia Angelus non cognoscit veritatem per discursum rationis, sed simplici intuitu, quod est proprie intelligere. Si tamen rationale large accipiatur tunc dicendum est, quod non est ultima differentia specifica, sed dividitur per alias specificas differentias, propter diversos gradus intelligendi.

 

13. On ne dit pas que l’intellect est l’acte d’une partie du corps, en tant qu’il est une puissance qui ne se sert pas d’organe; cependant la substance mкme de l’вme est unie au corps comme forme, comme on l’a dit.

13. Ad decimumtertium dicendum quod intellectus non dicitur esse actus partis alicuius corporis, in quantum est potentia non utens organo; ipsa tamen substantia animae unitur corpori ut forma, sicut dictum est.

 

14. On dit que le dйplacement pour ces femmes arrive en esprit, non parce que l’esprit, c'est-а-dire la substance de l’вme opиre hors du corps, mais parce que dans l’esprit, c'est-а-dire dans l’imagination de l’вme, se forment des vues de ce genre.

14. Ad decimumquartum dicendum quod illis mulieribus discursus dicitur accidere in spiritu; non quod spiritus, id est substantia animae, extra corpus operetur; sed quia in spiritu, hoc est in phantastico animae, huiusmodi visa formantur.

 

15. La matiиre sans forme, а proprement parler, ne peut pas кtre un substrat, selon que celui-ci est proprement appelй ‘quelque chose’ en acte, mais selon que le corps animй est un йtant en acte, pour pouvoir кtre substrat, il ne l’a pas par une autre forme que par l’вme, comme on le verra plus loin.

15. Ad decimumquintum dicendum quod materia sine forma, proprie loquendo non potest esse subiectum, secundum quod subiectum proprie dicitur aliquid ens actu; sed quod corpus animatum sit ens actu, ut possit esse subiectum, non habet ab alia forma quam ab anima, ut infra patebit.

 

16. Le corruptible et l’incorruptible ne se rencontrent pas dans un genre selon une considйration naturelle, а cause de la maniиre diffйrente d’кtre, et de la nature diffйrente de la puissance dans les deux, bien qu’ils puissent se rencontrer dans le genre logique, qui est compris selon l’intensitй intelligible seulement. Mais bien que l’вme soit incorruptible, cependant elle n’est pas dans un autre genre que le corps, parce que, comme elle est une partie de la nature humaine, il ne lui convient pas d’кtre dans un autre genre ou une autre espиce, ou кtre une personne, une hypostase, mais un composй. C’est pourquoi elle ne peut pas кtre appelй ‘ce quelque chose’, si par cela on comprend l’hypostase, la personne, ou l’individu, placй dans un genre ou une espиce. Mais si on dit que ‘ce quelque chose’ est tout ce qui peut subsister par soi, alors l’вme est ce ‘quelque chose’.

16. Ad decimumsextum dicendum quod corruptibile et incorruptibile non conveniunt in genere secundum considerationem naturalem, propter diversum modum essendi, et diversam rationem potentiae in utroque; licet possint convenire in genere logico, quod accipitur secundum intentionem intelligibilem solum. Anima autem, licet sit incorruptibilis, non tamen est in alio genere quam corpus; quia cum sit pars humanae naturae, non competit sibi esse in genere vel specie, vel esse personam aut hypostasim, sed composito. Unde etiam nec hoc aliquid dici potest, si per hoc intelligatur hypostasis vel persona, vel individuum in genere aut specie collocatum. Sed si hoc aliquid dicatur omne quod potest per se subsistere, sic anima est hoc aliquid.

 

17. Cette opinion du Commentateur est impossible, comme on l’a montrй.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod illa positio Commentatoris est impossibilis, ut ostensum est.

 

18. Il est de la nature de la substance intellectuelle qu’elle soit exempte de matiиre dont dйpendrait son кtre, en tant que totalement liй а la matiиre. C'est pourquoi rien n’empкche que l’вme soit substance intellectuelle et forme du corps, comme on l’a dit ci-dessus.

 

18. Ad decimumoctavum dicendum quod de ratione substantiae intellectualis est, quod sit immunis a materia a qua dependeat eius esse, sicut totaliter comprehensum a materia. Unde nihil prohibet animam esse substantiam intellectualem et formam corporis, ut supra dictum est.

 

19. L’un se fait de l’вme humaine et du corps, parce que cependant l’вme surpasse la relations au corps et de cette partie par laquelle elle surpasse le corps, on lui attribue une puissance intellective. C'est pourquoi il ne faut pas que les espиces intelligibles qui sont dans l’intellect soient reзues dans la matiиre corporelle.

19. Ad decimumnonum dicendum quod ex anima humana et corpore ita fit unum, quod tamen anima superexcedat corporis proportionem; et ex ea parte qua corpus excedit, attribuitur ei potentia intellectiva. Unde non oportet quod species intelligibiles quae sunt in intellectu, recipiantur in materia corporali.

 

Article 3: La substance spirituelle qu’est l’вme humaine est-elle unie au corps par un intermйdiaire ? Tertio quaeritur utrum substantia spiritualis quae est anima humana, uniatur corporis per medium

 

Note du traducteur: Thomas semble ici traiter deux sujets: Y a-t-il un intermйdiaire entre l’вme et le corps. Les objections en prйsentent plusieurs possible. A cela s’ajoute le problиme de l’arrivйe de l’вme raisonnable. Que se passe-t-il dans l’embryon avant l’arrivйe de l’вme raisonnable. Y a-t-il succession d’вmes (voir а partir de l’objection 12) Il est admis que l’вme raisonnable n’est pas au dйbut dans l’embryon, mais le corps existe dйjа et doit avoir une forme. Laquelle et comment ?

« Mais comme certains soutenaient, selon l'opinion de Platon, que l'вme est unie au corps comme une substance а une autre, ils furent dans la nйcessitй de poser des mйdiations par lesquelles l'вme s'unit au corps. En effet, des substances diverses et distantes ne sont rйunies que si quelque lien les unit. Ainsi donc certains soutinrent que les esprits animaux vitaux et l'humeur intervenaient en mйdiateurs entre l'вme et le corps, pour d'autres c'йtait la lumiиre, pour d'autre encore les puissances de l'вme ou quelque chose de ce genre. Mais aucune de ces mйdiations n'est nйcessaire si l'вme est la forme du corps, car tout ce qui est, au titre d'йtant, est un. Voilа pourquoi, puisque la forme donne par elle-mкme l'кtre а la matiиre, elle est unie par elle-mкme а sa matiиre propre, et non par quelque autre lien ».(QDP de anima, qu. 9, c.) .

« Et il n'y a pas lieu d'imaginer un intermйdiaire ayant pour rфle d'opйrer cette union: soit les images, suivant l'opinion d'Averroиs; soit les puissances, comme certains le disent; soit encore un esprit corporel, d'aprиs l'avis de quelques autres. Il a йtй montrй en effet que l'вme est unie au corps comme sa forme. Or la forme s'unit а la matiиre sans aucun intermйdiaire. » CG. II, 71 §1-2

 

Il semble que oui[78].

Et videtur quod sic.

 

Objections:

1. Denys dit (La hiйrarchie cйleste, XIII, 3) que le plus haut est uni au plus bas par des intermйdiaires. Mais entre la substance spirituelle et le corps les intermйdiaires sont l’вme vйgйtative et l’вme sensitive. Donc la substance spirituelle, qu’est l’вme raisonnable est unie au corps par un intermйdiaire vйgйtatif et sensible.

1. Dionysius enim dicit, quod suprema coniunguntur infimis per media. Sed inter substantiam spiritualem et corpus sunt media anima vegetabilis et sensibilis. Ergo substantia spiritualis, quae est anima rationalis, unitur corpori mediante vegetabili et sensibili.

 

2. Le philosophe dit (L’вme, II, 1, 412 b 5[79]) qu’« Elle est l’acte du corps organique qui a la vie en puissance ». Donc le corps physique organique qui a par puissance la vie, est comparй а une вme comme la matiиre а la forme[80]. Mais cela, c'est-а-dire le corps physique organique n’existe que par une forme substantielle. Donc cette forme substantielle, quelle qu’elle soit, prйcиde dans la matiиre la substance spirituelle, qui est l’вme raisonnable, et pour la mкme raison les autres formes qui en dйcoulent, qui sont l’вme sensible et l’вme vйgйtative.

2. Praeterea, philosophus dicit in II de anima, quod est actus corporis organici potentia vitam habentis. Corpus ergo physicum organicum potentia vitam habens comparatur ad animam ut materia ad formam. Sed hoc, scilicet corpus physicum organicum, non est nisi per aliquam formam substantialem. Ergo illa forma substantialis, quaecumque sit, praecedit in materia substantiam spiritualem, quae est anima rationalis; et eadem ratione aliae formae consequentes, quae sunt anima sensibilis et vegetabilis.

 

3. En outre, quoique la matiиre ne soit pas un genre, ni la diffйrence une forme, parce que ni l’une ni l’autre ne sont attribuйes au composй, le genre et la diffйrence sont attribuйs а l’espиce; cependant, selon le philosophe (Mйtaphysique, VIII, 2, 1043 a 19[81]; 3, 1043 b 30) le genre est assumй par la matiиre et la diffйrence par la forme. Mais le genre de l’homme c’est animal, qui est assumй par la nature sensitive; et la diffйrence est le raisonnable, qui est assumй par l’вme raisonnable. Donc la nature sensitive se comporte vis-а-vis de l’вme raisonnable comme la matiиre vis-а-vis de la forme. Mais la nature sensitive est achevйe par l’вme sensitive. Donc cette вme prйexiste а l’вme raisonnable dans la nature et par la mкme raison toutes les autres formes qui prйcиdent.

3. Praeterea, quamvis materia non sit genus nec differentia forma, quia neutrum eorum praedicatur de composito, genus autem et differentia de specie praedicantur; tamen, secundum philosophum in VIII Metaphys. genus sumitur a materia et differentia a forma. Sed genus hominis est animal, quod sumitur a natura sensitiva; differentia vero rationale, quod sumitur ab anima rationali. Natura ergo sensitiva se habet ad animam rationalem ut materia ad formam. Sed natura sensitiva perficitur per animam sensitivam. Ergo anima sensitiva praeexistit animae rationali in natura; et eadem ratione omnes aliae formae praecedentes.

 

4. De plus, comme c’est prouvй en Physique (III, 4, 254 b 24-32) tout moteur se divise en deux parties, dont l’une est le moteur et l’autre le mы. Mais l’homme et n’importe quel animal est moteur de lui-mкme; et sa partie qui est le moteur, c’est l’вme, et la partie mue ne peut pas кtre la matiиre nue, mais il faut que ce soit un corps, parce que tout ce est mы est un corps, comme c’est prouvй en Physique (VI, 4, 10). Mais le corps existe par une forme. Donc une forme a prйexistй dans la matiиre avant l’вme et ainsi de mкme que ci-dessus.

4. Praeterea, ut probatur in VIII Phys., omne movens seipsum dividitur in duas partes, quarum una est movens et alia mota. Sed homo et quodlibet animal est movens seipsum; pars autem eius movens est anima: pars autem mota non potest esse materia nuda, sed oportet esse corpus; quia omne quod movetur est corpus, ut probatur VI Phys. Corpus autem est per aliquam formam. Praeexistit ergo aliqua forma in materia ante animam; et sic idem quod prius.

 

5. Jean Damascиne (La foi orthodoxe, III, 6, PG XCIV, 1006) dit que la simplicitй de l’essence divine est telle qu’il ne convient que le Verbe soit uni а la chair que par l’intermйdiaire de l’вme. Donc la distinction selon le simple et le composй empкche que certaines choses puissent s’unir sans intermйdiaire. Mais l’вme raisonnable et le corps sont trиs йloignйs selon le simple et le composй. Donc il faut qu’ils soient unis par un intermйdiaire.

5. Pra eterea, Damascenus dicit, quod tanta est simplicitas divinae essentiae, ut non congruat verbum uniri carni nisi mediante anima. Distinctio ergo secundum simplex et compositum impedit quod aliqua non possunt coniungi sine medio. Sed anima rationalis et corpus maxime distant secundum simplex et compositum. Ergo oportet quod uniantur per medium.

 

6. Augustin dit dans le livre L’esprit et l’вme[82], (ch. 14, PL XL. 789) que l’вme qui est vraiment esprit et la chair qui est vraiment corps, en leurs extrйmitйs se joignent facilement et de maniиre convenable c'est-а-dire dans l’imagination[83] de l’вme, qui n’est pas un corps, mais semblable а un corps et а la sensualitй, du corps, elle est vraiment esprit, parce que sans вme elle ne peut pas кtre faite. L’вme s’unit au corps par deux intermйdiaires, а savoir par l’imagination et la sensualitй.

6. Praeterea, Augustinus dicit in libro de spiritu et anima, quod anima quae vere spiritus est, et caro quae vere corpus est, in suis extremitatibus facile et convenienter coniunguntur idest in phantastico animae, quod corpus non est sed simile corpori et sensualitate corporis, quae vere spiritus est, quia sine anima fieri non potest. Coniungitur anima corpori per duo media, scilicet per phantasticum et sensualitatem.

 

7. Dans le mкme livre (ch. XV[84]), il est dit: « Comme l’вme est incorporelle, par la nature plus subtile de son corps, c'est-а-dire par le feu et l’air (…) ».Pour la mкme raison elle gouverne le corps par oщ elle lui est unie: car si est dйficient ce par quoi elle gouverne le corps, l’вme s’en sйpare, comme Augustin le dit (La Genиse au sens littйral, VII, XX, 26[85]). Donc l’вme est unie au corps par un intermйdiaire.

7. Praeterea, in eodem libro dicitur: cum anima sit incorporea, per subtiliorem naturam corporis sui, id est per ignem et aerem (...) corpus administrat. Eadem autem ratione corpus administrat qua ei unitur: deficientibus enim his quibus administrat corpus, anima discedit a corpore, ut Augustinus dicit, VII super Genes. ad Litt. Ergo anima unitur corpori per medium.

 

8. Les choses qui sont tout а fait diffйrentes ne sont unies que par un intermйdiaire. Mais le corruptible et l’incorruptible sont trиs diffйrents, comme il est dit (Mйtaphysique,X, 10, 1058 b 28[86]). Donc l’вme humaine qui est incorruptible n’est unie а un corps corruptible que par un intermйdiaire.

8. Praeterea, ea quae maxime differunt, non coniunguntur nisi per medium. Sed corruptibile et incorruptibile maxime differunt, ut dicitur in X Metaphys. Anima ergo humana, quae est incorruptibilis, non unitur corpori corruptibili nisi per medium.

 

9. Un philosophe dit dans un livre (La diffйrence du corps et de l’esprit[87]), que l’вme est unie au corps par l’intermйdiaire de l’esprit. Donc elle lui est unie par un intermйdiaire.

9. Praeterea, philosophus quidam dicit in libro de differentia spiritus et animae, quod anima unitur corpori mediante spiritu. Unitur ergo ei per medium.

 

10. Ce qui diffйre par essence n’est pas uni sans intermйdiaire. Il faut donc que quelque chose l’unifie, comme cela se voit (Mйtaphysique, VIII, 6, 1045 a 10[88]). Mais l’вme et le corps diffиrent par essence. Donc ils ne peuvent кtre unis que par un intermйdiaire.

10. Praeterea, quae sunt diversa per essentiam non uniuntur sine medio. Oportet enim aliquid esse quod faciat ea unum, ut patet VIII Metaph. Sed anima et corpus differunt per essentiam. Ergo non possunt uniri nisi per medium.

 

11. L’вme est unie au corps, pour кtre achevйe par une union de ce genre, parce que la forme n’est pas pour la matiиre, mais la matiиre pour la forme. Mais l’une est achevйe par l’union du corps, surtout pour comprendre les ‘images’, en tant qu’elle comprend en abstrayant des images[89]. Donc elle est unie au corps par les images, qui ne sont ni de l’essence du corps ni de celle de l’вme. Donc l’вme est unie au corps par un intermйdiaire.

11. Praeterea, anima unitur corpori, ut perficiatur per huiusmodi unionem: quia forma non est propter materiam, sed materia propter formam. Perficitur autem anima ex unione corporis praecipue quantum ad intelligere phantasticum; in quantum scilicet intelligit abstrahendo a phantasmatibus. Ergo unitur corpori per phantasmata, quae non sunt neque de essentia corporis, neque de essentia animae. Ergo anima unitur corpori per medium.

 

12. Le corps avant la venue de l’вme raisonnable dans le sein maternel a une forme. Mais quand arrive l’вme raisonnable on ne peut pas dire que cette forme disparaоt, parce qu’elle ne tombe pas dans le nйant, et elle ne serait pas а donner en quoi elle reviendrait. Donc une forme prйexiste dans la matiиre avant l’вme raisonnable.

12. Praeterea, corpus ante adventum animae rationalis in materno utero habet aliquam formam. Adveniente autem anima rationali, non est dicere quod illa forma deficiat; quia neque cedit in nihilum, neque esset dare in quid rediret. Ergo forma aliqua praeexistit in materia ante animam rationalem.

 

13. Dans l’embryon, avant la venue de l’вme raisonnable apparaissent des opйrations vitales, comme on le voit dans Les animaux XVI (La gйnйration des animaux, II, 3, 736 b 12) Mais les opйrations vitales ne sont que dans l’вme. Donc une autre вme prйexiste dans le corps avant la venue de l’вme raisonnable et ainsi il semble que l’вme raisonnable est unie au corps par l’intermйdiaire d’une autre вme.

13. Praeterea, in embryone ante adventum animae rationalis apparent opera vitae, ut patet in XVI de animalibus. Sed opera vitae non sunt nisi ab anima. Ergo alia anima praeexistit in corpore ante adventum animae rationalis; et sic videtur quod anima rationalis uniatur corpori mediante alia anima.

 

14. Comme il n’y a pas d’erreur dans ce qui est abstrait, comme il est dit en Physique (II, 2, 193 b 33[90]), il faut que le corps dont parlent les mathйmaticiens existe de quelque maniиre. Donc comme il n’est pas sйparй des objets sensibles, il en dйcoule qu’il est dans les sensibles; mais pour qu’il soit corps, il lui faut une forme de corporйitй. Donc on comprend au moins cette forme de corporйitй avant dans le corps humain, qui est un corps sensible, avant l’вme humaine.

14. Praeterea, cum abstrahentium non sit mendacium, ut dicitur in II Physic., oportet corpus de quo mathematici loquuntur, aliqualiter esse. Cum ergo non sit separatum a sensibilibus, sequitur quod sit in sensibilibus. Sed ad hoc quod sit corpus, requiritur forma corporeitatis. Ergo forma corporeitatis ad minus praeintelligitur in corpore humano, quod est corpus sensibile, ante animam humanam.

 

15. De plus dans la Mйtaphysique (VII, 11, 1036 a 27[91]) il est dit que toute dйfinition a des parties et que ces parties de la dйfinition sont des formes. Donc en tout ce qui est dйfini, il faut qu’il y ait plusieurs formes. Donc comme l’homme est quelque chose de dйfini, il est nйcessaire de placer en lui plusieurs formes, et ainsi une forme prйexiste avant l’вme raisonnable.

15. Praeterea, in VII Metaph., dicitur quod omnis definitio habet partes, et quod partes definitionis sunt formae. In quolibet ergo definito oportet esse plures formas. Cum ergo homo sit quoddam definitum, necesse est in eo ponere plures formas; et ita aliqua forma praeexistit ante animam rationalem.

 

16.Rien ne donne ce qu’il n’a pas. Mais l’вme raisonnable n’a pas de corporйitй, puisqu’elle est incorporelle. Donc elle ne donne pas а l’homme sa corporйitй, et ainsi il faut que l’homme l’ait d’une autre forme.

16. Praeterea, nihil dat quod non habet. Sed anima rationalis non habet corporeitatem, cum sit incorporea. Ergo non dat homini corporeitatem; et ita oportet quod homo habeat hoc ab alia forma.

 

17. Le Commentateur dit (Mйtaphysique, I, comm. 17) que la matiиre premiиre reзoit les formes universelles avant les formes particuliиres, puisque la forme du corps est avant la forme du corps animй et ainsi а la suite. Donc comme l’вme humaine est une forme ultime et trиs spйcifique, il semble qu’elle prйsuppose d’autres formes universelles dans la matiиre.

17. Praeterea, Commentator dicit, quod materia prima prius recipit formas universales quam particulares, utpote prius formam corporis quam formam animati corporis; et sic deinceps. Cum ergo anima humana, sit ultima forma et maxime specifica, videtur quod praesupponat alias formas universales in materia.

 

18. Le Commentateur dit au livre Les substances du monde, que les dimensions prйexistent dans la matiиre avant les formes йlйmentaires. Mais les dimensions sont des accidents, et prйsupposent une forme substantielle dans la matiиre; sans cela l’кtre accidentel prйcиderait l’кtre substantiel. Donc avant la forme de l’йlйment simple prйexiste dans la matiиre une autre forme substantielle; donc beaucoup plus avant l’вme raisonnable.

18. Praeterea, Commentator dicit in libro de substantia orbis, quod dimensiones praeexistunt in materia ante formas elementares. Sed dimensiones sunt accidentia, et praesupponunt aliquam formam substantialem in materia; alioquin esse accidentale praecederet esse substantiale. Ergo ante formam simplicis elementi praeexistit in materia aliqua alia forma substantialis; multo igitur fortius ante animam rationalem.

 

19. De plus, selon, le philosophe dans le livre de La gйnйration (III, 4, 331 a 26) l’air est plus facilement converti en feu que l’eau, parce qu’il se rencontre avec lui dans une seule qualitй, а savoir la chaleur. Donc comme le feu se fait par l’air, il faut que la mкme chaleur demeure en espиce, parce que si le feu et la chaleur de l’air diffйraient en espиce, il y aurait huit qualitйs premiиre et non quatre seulement[92]. Car ce serait la mкme nature pour les autres qualitйs, dont certaines se trouvent en deux йlйments. Si donc on dit qu’il demeure le mкme en espиce mais diffйrent en nombre, la conversion de l’air en feu ne sera pas plus facile que celle de l’eau dans l’air. Il reste donc que c’est la mкme chaleur en nombre. Mais cela n’est possible que si prйexiste une forme substantielle, qui dans l’un des deux endroits demeure une et conserve le substrat unique de la chaleur; car il ne peut y avoir une seul accident en nombre que si le substrat a йtй unique. Donc il faut dire que, avant la forme du corps simple, on comprend dans une matiиre une forme substantielle. Donc beaucoup plus avant l’вme raisonnable.

19. Praeterea, secundum philosophum in libro de generatione facilius aer convertitur in ignem quam aqua, propter hoc quod convenit cum eo in una qualitate, scilicet calore. Cum ergo ex aere fit ignis, oportet quod maneat idem calor specie: quia si differret specie calor ignis et calor aeris, essent octo qualitates primae, et non quatuor tantum. Eadem enim ratio esset de aliis qualitatibus, quarum quaelibet in duobus elementis invenitur. Si ergo dicatur quod remaneat idem specie sed differens numero, non erit facilior conversio aeris in ignem quam aquae in ignem; quia forma ignis habebit corrumpere duas qualitates in aere sicut in aqua. Relinquitur ergo quod sit idem calor numero. Sed hoc non potest esse nisi praeexistente aliqua forma substantiali, quae utrobique remanet una et conservat subiectum caloris unum: non enim potest esse accidens unum numero, nisi subiectum fuerit unum. Oportet ergo dicere quod ante formam corporis simplicis, praeintelligatur in materia aliqua forma substantialis. Multo igitur magis ante animam rationalem.

 

2.0. La matiиre premiиre, quant а elle, se comporte indiffйremment vis-а-vis de toutes les formes. Si donc certaines formes et certaines dispositions ne prйexistent pas avant les autres, par lequelles elle devient apte а cette forme ou а cette autre, cette forme n’est pas plus reзue dans celle-ci que dans celle-lа.

2.0. Praeterea, materia prima, quantum est de se, indifferenter se habet ad omnes formas. Si igitur non praeexistant quaedam formae et dispositiones ante alias per quas approprietur ad hanc formam vel ad illam, non magis recipietur in ea haec forma quam illa.

 

2.1. La matiиre est unie а la forme par la puissance par laquelle elle peut кtre placйe sous elle. Mais cette puissance n’est pas identique а l’essence de la matiиre: car elle serait d’une simplicitй йgale а celle de Dieu qui est sa propre puissance. Donc il arrive quelque chose intermйdiaire entre la matiиre et l’вme, et n’importe quelle autre forme.

2.1. Praeterea, materia unitur formae per potentiam qua ei potest subesse. Sed potentia illa non est idem quod essentia materiae: sic enim esset aequalis simplicitatis cum Deo, qui est sua potentia. Cadit ergo aliquid medium inter materiam et animam, et quamlibet aliam formam.

 

En sens contraire

1. Il y a dans le livre des dogmes ecclйsiastiques (XV, PL. XLII, 1216): « Nous ne disons pas qu’il y a deux вmes dans l’homme, l’une animale qui vivifie le corps, l’autre spirituelle qui gouverne la raison. » A partir de lа on prouve ainsi. L’homme est dans le genre animal, il est aussi dans le genre du corps animй et de la substance. Mais par une et mкme forme, qui est l’вme, il est homme et animal, comme cela est montrй par une autoritй dйjа signalйe. Donc par une seule et mкme raison et par une mкme forme unique il est placй dans tous les genres supйrieurs, et ainsi avant l’вme il ne prйexiste aucune forme dans la matiиre.

1. Sed contra. Est in libro de ecclesiasticis dogmatibus: neque duas in homine animas dicimus, unam animalem, quae corpus vivificet; aliam spiritualem, quae rationem ministret. Ex hoc sic arguitur. Sicut homo est in genere animalis, ita est in genere animati corporis et substantiae. Sed per unam et eamdem formam, quae est anima, est homo et animal, ut ex praedicta auctoritate patet. Ergo eadem ratione per unam et eamdem formam collocatur in omnibus generibus superioribus; et sic non praeexistit ante animam aliqua forma in materia.

 

2. Dieu et l’вme sont plus йloignйs que l’вme et le corps. Mais dans le mystиre de l’Incarnation le Verbe a йtй uni а une вme sans intermйdiaire. Donc l’вme beaucoup plus peut кtre unie а un corps sans intermйdiaire.

2. Praeterea, plus distat Deus et anima, quam anima et corpus. Sed in mysterio incarnationis verbum unitum est animae immediate. Ergo multo fortius anima potest uniri corpori immediate.

 

3. Il faut que l’intermйdiaire participe des deux extrкmes. Mais rien ne peut exister qui soit en partie corporel et en partie spirituel. Donc rien ne peut advenir en intermйdiaire entre l’вme et le corps.

3. Praeterea, medium oportet participare cum utroque extremorum. Sed non potest esse aliquid quod partim sit corporale et partim spirituale. Ergo non potest aliquid cadere medium inter animam et corpus.

 

4. Le maоtre dit dans la premiиre distinction du livre II des sentences[93], que l’union de l’вme et du corps est un exemple de cette bienheureuse union par laquelle l’вme bienheureuse s’unit а Dieu. Mais cette union se fait sans intermйdiaire. Donc celle-ci aussi.

4. Praeterea, Magister dicit in prima distinctione II libri sententiarum, quod unio animae ad corpus est exemplum illius beatae unionis qua anima beata coniungitur Deo. Sed illa coniunctio fit sine medio. Ergo et ista unio.

 

5. Le philosophe dit (L’вme, I, 6, 411 b 6[94]) que le corps ne contient pas l’вme, mais c’est plutфt l’вme qui contient le corps et le Commentateur dit au mкme endroit que l’вme est la cause de la durйe du corps; mais cette durйe dйpend de la forme substantielle, par laquelle le corps est un corps. Donc l’вme raisonnable elle-mкme est un forme dans l’homme, par laquelle le corps est un corps.

5. Praeterea, philosophus dicit in I de anima, quod corpus non continet animam, sed magis anima corpus; et dicit ibidem Commentator, quod anima est causa continuitatis corporis. Sed continuitas corporis dependet a forma substantiali, per quam corpus est corpus. Ergo ipsa anima rationalis est forma in homine, qua corpus est corpus.

 

6. L’вme raisonnable est plus efficace et plus puissante que la forme d’un йlйment simple. Mais par la forme d’un йlйment simple le corps simple a tout ce qui est substantiel. Donc beaucoup plus le corps humain par l’вme et ainsi aucune forme ni aucun intermйdiaire ne prйexiste.

6. Praeterea, efficacior est et virtuosior anima rationalis quam forma simplicis elementi. Sed a forma simplicis elementi habet corpus simplex quidquid substantialiter est. Ergo multo fortius ab anima corpus humanum; et sic non praeexistit aliqua forma vel aliquid medium.

 

Rйponse.

La vйritй de cette question dйpend de quelque maniиre de ce qui a йtй dit. Car si l’вme raisonnable est unie а un corps seulement par un contact virtuel, comme moteur, comme certains l’ont pensй, rien n’empкcheraоt de dire qu’il y a de nombreux intermйdiaires entre l’вme et le corps, et plus entre l’вme et la matiиre premiиre[95]. Mais si on pense que l’вme est unie au corps comme une forme, il est nйcessaire de dire qu’elle lui est unie sans intermйdiaire. Car toute forme ou substantielle ou accidentelle, est unie а une matiиre ou а un substrat Car chacun est un, en tant qu’йtant.

Respondeo. Dicendum quod huius quaestionis veritas aliqualiter dependet ex praemissa. Si enim anima rationalis unitur corpori solum per contactum virtualem, ut motor, ut aliqui posuerunt, nihil prohibebat dicere quod sunt multa media inter animam et corpus; et magis inter animam et materiam primam. Si vero ponatur anima uniri corpori ut forma, necesse est dicere, quod uniatur ei immediate. Omnis enim forma sive substantialis sive accidentalis, unitur materiae vel subiecto. Unumquodque enim secundum hoc est unum, secundum quod est ens.

 

Mais chaque йtant est en acte par la forme, soit selon l’кtre substantiel, soit selon l’кtre accidentel[96]. C'est pourquoi toute forme est un acte, et par consйquent c’est la raison de l’unitй, par laquelle quelque chose est un. Donc de mкme qu’on ne doit pas dire qu’il y a un autre intermйdiaire, par lequel la matiиre a l’кtre par sa forme, de mкme on ne peut pas dire qu’il y a quelque autre intermйdiaire qui unit la forme а la matiиre ou au substrat. Donc selon que l’вme est la forme du corps, il ne peut pas y avoir un intermйdiaire entre l’вme et le corps. Mais selon qu’elle est un moteur, rien n’empкche de penser qu’il y a de nombreux intermйdiaires, car manifestement l’вme meut les autres membres par le cњur, et meut aussi le corps par l’esprit.

Est autem unumquodque ens actu per formam, sive secundum esse substantiale, sive secundum esse accidentale: unde omnis forma est actus; et per consequens est ratio unitatis, qua aliquid est unum. Sicut igitur non est dicere quod sit aliquod aliud medium quo materia habeat esse per suam formam, ita non potest dici quod sit aliquod aliud medium uniens formam materiae vel subiecto. Secundum igitur quod anima est forma corporis, non potest esse aliquid medium inter animam et corpus. Secundum vero quod est motor, sic nihil prohibet ponere ibi multa media; manifeste enim anima per cor movet alia membra, et etiam per spiritum movet corpus.

 

Mais alors un doute subsiste, quel est le propre substrat de l’вme, comparй а elle comme la matiиre а la forme. A ce sujet il y a deux opinions. 1) Car certains disent qu’il y a de nombreuses formes substantielles dans un mкme individu, dont l’une est soumise а l’autre; et ainsi la matiиre premiиre n’est pas le substrat immйdiat de la forme substantielle ultime, mais elle lui est soumise par l’entremise de formes intermйdiaires, de mкme la matiиre selon qu’elle est sous sa forme premiиre, est le substrat le plus proche de la seconde forme; et ainsi de suite jusqu’а la forme ultime. Donc ainsi le substrat le plus proche de l’вme raisonnable est le corps complйtй par l’вme sensitive, et l’вme raisonnable lui est unie comme forme.

Sed tunc dubium restat, quid sit proprium subiectum animae, quod comparetur ad ipsam sicut materia ad formam. Circa hoc est duplex opinio. Quidam enim dicunt, quod sunt multae formae substantiales in eodem individuo, quarum una substernitur alteri; et sic materia prima non est immediatum subiectum ultimae formae substantialis, sed subiicitur ei mediantibus formis mediis; ita quod ipsa materia, secundum quod est sub forma prima, est subiectum proximum formae secundae; et sic deinceps usque ad ultimam formam. Sic igitur subiectum animae rationalis proximum, est corpus perfectum anima sensitiva; et huic unitur anima rationalis ut forma.

 

2.) L’autre opinion est que dans un seul individu il n’y a qu’une forme substantielle et selon cela il faut dire que par la forme substantielle, qui est la forme humaine cet individu non seulement est homme, mais encore animal, vivant, corps, substance et йtant. Et ainsi aucune autre forme substantielle prйcиde en cet homme l’вme humaine et par consйquent, l’вme accidentelle non plus, parce qu’alors il faudrait dire que la matiиre est achevйe par la forme accidentelle avant la substance substantielle, ce qui est impossible; il faut en effet que tout accident soit йtabli dans la substance.

Alia opinio est, quod in uno individuo non est nisi una forma substantialis et secundum hoc oportet dicere quod per formam substantialem, quae est forma humana, habet hoc individuum non solum quod sit homo, sed quod sit animal, et quod sit vivum, et quod sit corpus, et substantia et ens. Et sic nulla alia forma substantialis praecedit in hoc homine animam humanam, et per consequens nec accidentalis; quia tunc oporteret dicere, quod materia prius perficiatur per formam accidentalem quam substantialem, quod est impossibile; oportet enim omne accidens fundari in substantia.

 

La diffйrence entre les deux opinions vient du fait que certains pour chercher la vйritй sur la nature des choses, sont partis de raisons intelligibles, et ce fut le propre des Platoniciens; certains [sont partis] des choses sensibles et cela fut le propre de la philosophie d’Aristote, comme le dit Simplicius[97] dans son commentaire sur les Catйgories. Les Platoniciens ont considйrй un certain ordre des genres et des espиces, et ce qui est supйrieur peut toujours кtre compris sans l’infйrieur, ainsi l’homme sans cet homme, et l’animal sans l’homme, et ainsi de suite. Ils ont pensй aussi que tout ce qui est abstrait dans l’intellect est abstrait dans la rйalitй, il leur semblait autrement que l’esprit qui abstrait serait faux ou vain, si aucune chose abstraite ne leur correspondait, c'est pourquoi aussi ils ont cru que les mathйmatiques йtaient abstraites des choses sensibles, parce qu’elles sont comprises sans elles. C'est pourquoi ils ont placй l’homme abstrait de ces hommes, et ainsi de suite jusqu’а l’йtant un et bon, qu’ils ont placй comme le pouvoir suprкme des choses. Car ils ont vu que toujours l’infйrieur est plus particulier que ce qui lui est supйrieur, et que la nature du supйrieur est participйe dans l’infйrieur: mais ce qui participe se comporte comme la matiиre pour le participй[98]; c'est pourquoi ils ont pensй que parmi les abstractions, plus quelque chose est universel, plus il est formel.

Harum autem duarum opinionum diversitas ex hoc procedit, quod quidam ad inquirendam veritatem de natura rerum, processerunt ex rationibus intelligibilibus, et hoc fuit proprium Platonicorum; quidam vero ex rebus sensibilibus, et hoc fuit proprium philosophiae Aristotelis, ut dicit Simplicius in commento super praedicamenta. Consideraverunt Platonici ordinem quemdam generum et specierum, et quod semper superius potest intelligi sine inferiori; sicut homo sine hoc homine, et animal sine homine, et sic deinceps. Existimaverunt etiam quod quidquid est abstractum in intellectu, sit abstractum in re; alias videbatur eis quod intellectus abstrahens esset falsus aut vanus, si nulla res abstracta ei responderet; propter quod etiam crediderunt mathematica esse abstracta a sensibilibus, quia sine eis intelliguntur. Unde posuerunt hominem abstractum ab his hominibus; et sic deinceps usque ad ens et unum et bonum, quod posuerunt summam rerum virtutem. Viderunt enim quod semper inferius particularius est suo superiori, et quod natura superioris participatur in inferiori: participans autem se habet ut materiale ad participatum; unde posuerunt quod inter abstracta quanto aliquid est universalius, tanto est formalius.

 

Certains, suivant le mкme chemin, ont pensй а l’opposй que plus une forme est universelle plus elle est matйrielle. Et c’est la position d’Avicebron dans le livre La fontaine de vie, il a pensй en effet que la matiиre premiиre йtait sans aucune forme, ce qu’il a appelй la matiиre universelle et il a dit qu’elle йtait commune aux substances spirituelles et corporelles, il a dit qu’а cette matiиre s’ajoutait la forme universelle qui est la forme de la substance. Mais il a dit que la matiиre qui existe ainsi sous forme de substance recevait en quelque partie d’elle-mкme la forme de la corporйitй, pendant qu’une autre partie qui appartient aux substances spirituelles, demeure sans forme de ce genre, et ainsi а la suite il a placй dans la matiиre la forme sous une forme selon l’ordre des genres et des espиces jusqu’а la derniиre espиce la plus spйciale. Et quoique cette position semble en dйsaccord avec la premiиre, cependant selon la vйritй de la chose elle est en accord avec elle et est sa consйquence. Car les Platoniciens ont pensй que plus une cause est universelle et formelle, plus sa perfection est abaissйe dans un individu; c'est pourquoi ils ont pensй que l’effet du premier abstrait qui est le bien, c’йtait la matiиre premiиre, pour que le premier sujet corresponde а l’agent suprкme et par la suite selon l’ordre des causes abstraites, et des formes participйes dans la matiиre, de mкme que l’abstrait plus universel est plus formel, ainsi la forme plus universelle participйe est plus matйrielle.

Quidam vero secundum eamdem viam ingredientes, ex opposito posuerunt quod quanto aliqua forma est universalior, tanto est magis materialis. Et haec est positio Avicebron in libro fontis vitae; posuit enim materiam primam absque omni forma, quam vocavit materiam universalem, et dixit eam communem substantiis spiritualibus et corporalibus, cui dixit advenire formam universalem quae est forma substantiae. Materiam autem sic sub forma substantiae existentem in aliquo suo dixit recipere formam corporeitatis, alia parte eius, quae pertinet ad spirituales substantias, sine huiusmodi forma remanente; et sic deinceps posuit in materia formam sub forma secundum ordinem generum et specierum usque ad ultimam speciem specialissimam. Et haec positio, quamvis videatur discordare a prima, tamen secundum rei veritatem cum ea concordat, et est sequela eius. Posuerunt enim Platonici quod quanto aliqua causa est universalior et formalior, tanto eius perfectio in aliquo individuo magis est substrata; unde effectum primi abstracti, quod est bonum, posuerunt materiam primam, ut supremo agenti respondeat primum subiectum; et sic deinceps secundum ordinem causarum abstractarum et formarum participatarum in materia, sicut universalius abstractum est formalius, ita universalior forma participata est materialior.

 

Mais cette position, selon les vrais principes de la philosophie, qu’Aristote a considйrйs, est impossible.

Sed haec positio, secundum vera philosophiae principia, quae consideravit Aristoteles, est impossibilis.

 

1) Parce qu’aucune substance individuelle ne serait simplement une. Car elle ne devient pas simplement une par deux actes, mais par la puissance et l’acte, en tant que ce qui est puissance devient en acte, et pour cela l’homme blanc n’est pas simplement un mais l’animal bipиde est simplement un, parce que cela mкme qui est animal est bipиde. Mais si l’animal йtait sйparйment animal, et sйparйment bipиde, l’homme ne serait pas un mais plusieurs, comme le philosophe le dйmontre (Mйtaphysique, III, 4, 999 b 25[99] et VIII, 6, 1045 a 14). Donc il est clair que si les nombreuses formes substantielles йtait multipliйes dans une seule unitй individuelle de substance, il ne serait pas simplement un, mais а certains йgards comme l’homme blanc[100].

Primo quidem, quia nullum individuum substantiae esset simpliciter unum. Non enim fit simpliciter unum ex duobus actibus, sed ex potentia et actu, in quantum id quod est potentia fit actu; et propter hoc homo albus non est simpliciter unum, sed animal bipes est simpliciter unum, quia hoc ipsum quod est animal est bipes. Si autem esset seorsum animal et seorsum bipes, homo non esset unum sed plura, ut philosophus argumentatur in III et VIII Metaph. Manifestum est ergo, quod si multiplicarentur multae formae substantiales in uno individuo substantiae, individuum substantiae non esset unum simpliciter, sed secundum quid, sicut homo albus.

 

2.) Parce que la nature de l’accident consiste а кtre dans un substrat, de sorte cependant que par substrat on entende un йtant en acte et non en puissance seulement; de cette maniиre la forme substantielle n’est pas dans le substrat mais dans la matiиre. Donc en n’importe quelle forme est subordonnйe un йtant en acte de quelque maniиre, cette forme est un accident. Mais il est йvident que n’importe quelle forme substantielle, quelle qu’elle soit fait devenir l’йtant en acte et le constitue; c'est pourquoi il en dйcoule que seule la premiиre forme qui advient а la matiиre est substantielle, toutes celles qui adviennent ensuite sont accidentelles. Et cela n’exclut pas que certains disent que la forme premiиre est en puissance pour la seconde parce que tout substrat est comparй а son accident, comme la puissance а l’acte. Mais la forme du corps qui surpasserait la rйception de la vie, serait plus complиte que celle qui ne la surpasserait pas. C'est pourquoi si la forme du corps animй le fait devenir substrat, beaucoup plus, la forme qui a la vie en puissance, le fait devenir substrat et ainsi l’вme serait la forme dans le substrat, qui est la raison de l’accident.

 

Secundo vero, quia in hoc consistit ratio accidentis quod sit in subiecto, ita tamen quod per subiectum intelligatur aliquod ens actu, et non in potentia tantum; secundum quem modum forma substantialis non est in subiecto sed in materia. Cuicumque ergo formae substernitur aliquod ens actu quocumque modo, illa forma est accidens. Manifestum est autem quod quaelibet forma substantialis, quaecumque sit, facit ens actu et constituit; unde sequitur quod sola prima forma quae advenit materiae sit substantialis, omnes vero subsequenter advenientes sint accidentales. Nec hoc excluditur per hoc quod quidam dicunt, quod prima forma est in potentia ad secundam; quia omne subiectum comparatur ad suum accidens ut potentia ad actum. Completior etiam esset forma corporis quae praestaret susceptibilitatem vitae, quam illa quae non praestaret. Unde si forma corporis inanimati facit ipsum esse subiectum, multo magis forma potentia vitam habentis facit ipsum esse subiectum; et sic anima esset forma in subiecto, quod est ratio accidentis.

 

3.) Parce qu’il en dйcoulerait que dans l’adoption de la derniиre forme il n’y aurait pas simplement gйnйration mais а certains йgards seulement. En effet comme la gйnйration est un changement du non кtre а l’кtre, ce qui est simplement engendrй, qui devient йtant, en parlant simplement, а partir du non йtant simplement. Mais l’йtant qui a prйexistй en acte ne peut pas devenir un йtant simplement, mais il peut devenir cet йtant, comme blanc ou grand, ce qui est devenir а certains йgards. Donc comme la forme qui prйcиde dans la matiиre fait кtre en acte, la forme suivante ne ferait pas кtre simplement, mais кtre cela, comme кtre homme ou вne ou plante, et ainsi ce ne sera pas simplement une gйnйration. Et а cause de cela, tous les anciens qui ont pensй que la matiиre premiиre йtait quelque chose en acte, comme le feu, l’air ou l’eau, ou quelque intermйdiaire, ont dit que devenir ce n’йtait rien d’autre qu’кtre changй; et Aristote rйsolut leur doute en pensant que la matiиre йtait en puissance seulement, qu’il dit кtre simplement le substrat de la gйnйration et de la corruption. Et parce que la matiиre jamais n’est dйnudйe de toute forme, quelquefois elle reзoit une forme, perd l’autre et inversement.

Tertio, quia sequeretur quod in adeptione postremae formae non esset generatio simpliciter, sed secundum quid tantum. Cum enim generatio sit transmutatio de non esse in esse, id simpliciter generatur quod fit ens simpliciter loquendo, de non ente simpliciter. Quod autem praeexistit ens actu non potest fieri ens simpliciter, sed potest fieri ens hoc, ut album vel magnum, quod est fieri secundum quid. Cum igitur forma praecedens in materia faciat esse actu, subsequens forma non faciet esse simpliciter, sed esse hoc, ut esse hominem vel asinum vel plantam; et sic non erit generatio simpliciter. Et propter hoc omnes antiqui, qui posuerunt materiam primam esse aliquid actu, ut ignem, aerem aut aquam, aut aliquid medium, dixerunt quod fieri nihil erat nisi alterari; et Aristoteles eorum dubitationem solvit ponendo materiam esse in potentia tantum, quam dicit esse subiectum generationis et corruptionis simpliciter. Et quia materia nunquam denudatur ab omni forma, propter hoc quandocumque recipit unam formam, perdit aliam, et e converso.

 

Donc ainsi nous disons que dans cet homme il n’y a pas d’autre forme substantielle que l’вme raisonnable, et que par celle-ci l’homme est non seulement homme, mais animal, vivant, corps et substance et йtant. Ce qu’on peut considйrer ainsi. La forme, en effet, est la ressemblance de l’agent dans la matiиre. Mais dans les pouvoirs actifs et opйratifs, on trouve que plus un pouvoir est йlevй, plus il saisit en lui de choses, non de maniиre composйe , mais selon l’unitй, de mкme que selon un seul pouvoir le sens commun s’йtend а tous les sensibles, que selon diffйrentes puissances les sens propres apprйhendent. L’agent plus parfait a а induire une forme plus parfaite. C'est pourquoi une forme plus parfaite fait par un seul [pouvoir] tout ce que les formes infйrieures font par diffйrents [pouvoirs] et en outre plus ample: par exemple, si la forme du corps inanimй donne а la matiиre d’exister et est un corps, la forme de la plante lui donnera en plus de vivre, l’вme sensitive, en plus l’кtre sensible, et l’вme raisonnable en plus l’кtre raisonnable.

Sic ergo dicimus quod in hoc homine non est alia forma substantialis quam anima rationalis; et quod per eam homo non solum est homo, sed animal et vivum et corpus et substantia et ens. Quod quidem sic considerari potest. Forma enim est similitudo agentis in materia. In virtutibus autem activis et operativis hoc invenitur quod quanto aliqua virtus est altior, tanto in se plura comprehendit, non composite sed unite; sicut secundum unam virtutem sensus communis se extendit ad omnia sensibilia, quae secundum diversas potentias sensus proprii apprehendunt. Perfectioris autem agentis est inducere perfectiorem formam. Unde perfectior forma facit per unum omnia quae inferiores faciunt per diversa, et adhuc amplius: puta, si forma corporis inanimati dat materiae esse et esse corpus, forma plantae dabit ei et hoc et insuper vivere; anima vero sensitiva et hoc, insuper et sensibile esse; anima vero rationalis et hoc, et insuper rationale esse.

 

Ainsi en effet on trouve que les formes de choses naturelles sont diffйrentes selon parfait et plus parfait, comme c’est clair pour celui qui l’examine. C’est pour cela que les espиces sont comparйes а des nombres comme il est dit en Mйtaphysique, (VIII, 3, 1043 b 33[101]), dont les espиces varient par addition et soustraction de l’unitй. C'est pourquoi aussi Aristote dans L’вme, (II, 3, 414 b 31[102]) dit que le vйgйtatif est dans le sensitif, et le sensitif dans l’intellectif, de mкme que le triangle est dans le carrй, et le carrй dans le pentagone, car le pentagone contient en puissance le carrй[103]: car il le possиde et plus encore, mais non qu’il y ait sйparйment dans le pentagone ce qui est au carrй, et ce qui propre au pentagone, comme deux figures [distinctes]. Ainsi l’вme intellective contient en puissance l’вme sensitive, parce qu’elle l’a et en plus; non cependant de sorte qu’il y ait deux вmes. Mais si on disait que l’вme intellective diffиre par essence de l’вme sensitive dans l’homme, on ne pourrait attribuer une raison pour l’union de l’вme intellective au corps, puisque nulle opйration propre de l’вme intellective n’existe par un organe corporel.

Sic enim inveniuntur differre formae rerum naturalium secundum perfectum et magis perfectum, ut patet intuenti. Propter quod species comparantur numeris, ut dicitur in VIII Metaph.: quorum species per additionem et subtractionem unitatis variantur. Unde etiam Aristoteles in II de anima dicit, quod vegetativum est in sensitivo, et sensitivum in intellectivo, sicut trigonum in tetragono, et tetragonum in pentagono; pentagonum enim virtute continet tetragonum: habet enim hoc et adhuc amplius; non autem quod seorsum in pentagono sit id quod est tetragoni, et id quod est pentagoni proprium, tanquam duae figurae. Sic etiam anima intellectiva virtute continet sensitivam, quia habet hoc et adhuc amplius; non tamen ita quod sint duae animae. Si autem diceretur quod anima intellectiva differret per essentiam a sensitiva in homine, non posset assignari ratio unionis animae intellectivae ad corpus, cum nulla operatio propria animae intellectivae sit per organum corporale.

 

Solutions:

1. L’autoritй de Denys (Hierarchie cйleste, XIII) est а comprendre des causes agentes, et non des causes formelles.

1. Ad primum ergo dicendum quod auctoritas Dionysii intelligenda est de causis agentibus, non de causis formalibus.

 

2. Comme la forme la plus parfaite donne tout ce que donnent les formes plus imparfaites, et encore plus, la matiиre, dans la mesure oщ elle l’achиve par ce mode de perfection, par laquelle les formes plus imparfaites l’achиvent, est considйrйe comme la matiиre propre, aussi d’une perfection de ce genre que la forme plus parfaite ajoute sur les autres, de sorte cependant que cette distinction n’est pas comprise dans les formes selon l’essence, mais seulement selon la raison intelligible. Donc ainsi la matiиre, selon qu’elle est comprise comme parfaite dans un кtre corporel susceptible de vie, est le substrat propre de l’вme.

2. Ad secundum dicendum quod cum forma perfectissima det omnia quae dant formae imperfectiores, et adhuc amplius; materia, prout ab ea perficitur eo modo perfectionis quo perficitur a formis imperfectioribus, consideratur ut materia propria, etiam illiusmodi perfectionis quam addit perfectior forma super alias; ita tamen quod non intelligatur haec distinctio in formis secundum essentiam, sed solum secundum intelligibilem rationem. Sic ergo ipsa materia secundum quod intelligitur ut perfecta in esse corporeo susceptivo vitae, est proprium subiectum animae.

 

3. Comme l’animal est ce qu’est vraiment l’homme, la distinction de la nature animale de l’homme n’est pas selon la diversitй rйelle des formes, comme s’il y avait une forme par laquelle il sera animal, et une autre surajoutйe par laquelle il serait homme, mais selon les raisons intelligibles. Car selon que le corps parfait est compris dans l’кtre sensible par l’вme, elle est ainsi comparйe а la perfection ultime qui est par l’вme raisonnable en tant que de ce genre, comme le matйriel pour le formel. En effet comme le genre et l’espиce signifient certains concepts intelligibles, la distinction rйelle des formes pour la distinction de l’espиce et du genre n’est pas requise mais la distinction intelligible seulement

3. Ad tertium dicendum quod cum animal sit id quod vere est homo, distinctio naturae animalis ab homine non est secundum diversitatem realem formarum, quasi alia forma sit per quam sit animal, et superaddatur altera per quam sit homo; sed secundum rationes intelligibiles. Secundum enim quod intelligitur corpus perfectum in esse sensibili ab anima, sic comparatur ad perfectionem ultimam quae est ab anima rationali in quantum huiusmodi, ut materiale ad formale. Cum enim genus et species significent quasdam intentiones intelligibiles, non requiritur ad distinctionem speciei et generis distinctio realis formarum, sed intelligibilis tantum.

 

4. L’вme meut le corps par la connaissance et l’appйtit, mais le pouvoir sensitif et le pouvoir appйtitif dans l’animal ont un organe dйterminй, et ainsi le mouvement de l’animal commence par cet organe qui est le cњur selon Aristote[104]. Ainsi donc une partie de l’animal est moteur et l’autre est mue, pour que la partie moteur reзoive le premier organe de l’вme appйtitive, et le reste du corps est mы. Mais parce que dans un homme la volontй et l’intellect qui ne sont pas l’acte d’un organe, mettent en mouvement, l’вme elle-mкme sera moteur selon la partie intellective, mais le corps mы selon qu’il est achevй par l’вme mкme dans un кtre corporel.

4. Ad quartum dicendum quod anima movet corpus per cognitionem et appetitum; vis autem sensitiva et appetitiva in animali habent determinatum organum; et sic ab illo organo incipit motus animalis, quod est cor secundum Aristotelem. Sic igitur una pars animalis est movens, et altera est mota; ut pars movens accipiatur primum organum animae appetitivae, et reliquum corpus sit motum. Sed quia in homine movent voluntas et intellectus, quae non sunt alicuius organi actus, movens erit ipsa anima secundum partem intellectivam; motum autem corpus secundum quod est perfectum ab ipsa anima in esse corporeo.

 

5. Dans l’Incarnation du Verbe, l’вme est placйe comme intermйdiaire entre le Verbe et la chair, non par nйcessitй mais par convenance; c'est pourquoi aussi l’вme sйparйe de la chair, dans la mort du Christ, demeura Verbe immйdiatement unie а la chair.

5. Ad quintum dicendum quod in incarnatione verbi anima ponitur medium inter verbum et carnem, non necessitatis sed congruentiae; unde etiam separata anima a carne in morte Christi, remansit verbum immediate carni unitum.

 

6. Ce livre[105] n’est pas d’Augustin et n’est pas trиs authentique, et dans cette parole il parle assez improprement. Car l’un et l’autre conviennent а l’вme, а l’imagination et а la sensualitй, cependant on dit que la sensualitй est en rapport avec la chair en tant qu’appйtit des choses qui conviennent au corps; l’imagination [convient] а l’вme, en tant qu’en elle il y a les ressemblances des corps sans corps[106]. Mais on dit que cela est intermйdiaire entre l’вme et la chair, non selon que l’вme est forme du corps mais selon qu’elle en est le moteur.

6. Ad sextum dicendum quod liber ille non est Augustini, nec est multum authenticus, et in hoc verbo satis improprie loquitur. Utrumque enim ad animam pertinet, et phantasticum et sensualitas; tamen dicitur sensualitas ad carnem referri, in quantum est appetitus rerum ad corpus pertinentium; phantasticum autem ad animam, in quantum in eo sunt similitudines corporum sine corporibus. Haec autem dicuntur esse media inter animam et carnem, non prout anima est forma corporis, sed prout est motor.

 

7. La gestion du corps convient а l’вme en tant que moteur, non en tant que forme. Et bien que ce par quoi l’вme conduit le corps soit nйcessaire pour qu’elle soit dans le corps, comme dispositions propres d’une telle matiиre, ce n’est pas cependant а cause de cela qu’il en dйcoule que la raison de la gestion et celle de l’union formelle sont les mкmes. Car c’est la mкme вme qui est moteur et forme, c’est la mкme en substance, mais elle diffиre en raison; ainsi de la mкme maniиre ce qui est nйcessaire est le mкme pour l’union formelle et pour la gestion bien que ce ne soit pas pour la mкme raison.

7. Ad septimum dicendum quod administratio corporis pertinet ad animam in quantum est motor, non in quantum est forma. Et licet ea quibus anima administrat corpus sint necessaria ad hoc quod anima sit in corpore, ut propriae dispositiones talis materiae, non tamen propter hoc sequitur quod eadem sit ratio administrationis et formalis unionis. Sicut enim eadem est, secundum substantiam, anima quae est motor et forma, sed differt ratione; ita et eadem sunt quae sunt necessaria ad unionem formalem et ad administrationem, licet non secundum eamdem rationem.

 

8. Le fait que l’вme diffиre du corps, en tant que corruptible et incorruptible, n’enlиve pas qu’elle est sa forme, comme on le voit dans ce qui a йtй dit plus haut, c'est pourquoi il en dйcoule qu’elle est unie au corps sans intermйdiaire.

8. Ad octavum dicendum quod per hoc quod anima differt a corpore ut corruptibile ab incorruptibili, non tollitur quin sit forma eius, ut ex supradictis patet; unde sequitur quod immediate corpori uniatur.

 

9. On dit que l’вme est unie au corps par l’esprit, en tant qu’il est moteur, parce que le premier qui est mis en mouvement par l’вme dans le corps c’est l’esprit, comme Aristote le dit au Livre de la cause du mouvement des animaux (10), cependant aussi ce livre n’est pas d’une grande autoritй[107].

9. Ad nonum dicendum quod anima dicitur uniri corpori per spiritum, in quantum est motor, quia primum quod movetur ab anima in corpore est spiritus, ut Aristoteles dicit in libro de causa motus animalium, tamen etiam ille liber non est magnae auctoritatis.

 

10. Si deux choses sont diffйrentes par essence, de sorte que l’une et l’autre ont une nature complиte de leur espиce, elles ne peuvent кtre unies que par un intermйdiaire qui les lie et les unit. Mais l’вme et le corps ne sont pas de ce genre, puisque l’un et l’autre sont une partie de l’homme, mais ils sont comparйs entre eux comme la matiиre а la forme, dont l’union est sans intermйdiaire, comme on l’a montrй.

10. Ad decimum dicendum quod si aliqua duo sunt diversa per essentiam, ita quod utrumque habeat naturam suae speciei completam, non possunt uniri nisi per aliquod medium ligans et uniens. Anima autem et corpus non sunt huiusmodi, cum utrumque naturaliter sit pars hominis; sed comparantur ad invicem ut materia ad formam, quarum unio est immediata, ut ostensum est.

 

11. L’вme est unie au corps pour qu’elle soit achevйe, non seulement pour comprendre les images, mais aussi pour la nature de l’espиce, et pour les autres opйrations qu’elle exerce par le corps. Cependant, une fois donnй qu’elle lui est unie seulement  pour comprendre les images, il n’en dйcoulerait pas que l’union serait par l’intermйdiaire de l’image: car ainsi l’вme est unie au corps pour comprendre, pour que l’homme comprenne par elle, ce qui n’existerait pas si l’union se faisait par les images, comme on l’a montrй plus haut.

11. Ad undecimum dicendum quod anima unitur corpori ut perficiatur non solum quantum ad intelligere phantasticum, sed etiam quantum ad naturam speciei, et quantum ad alias operationes quas exercet per corpus. Tamen, dato quod solum propter intelligere phantasticum ei uniretur, non sequeretur quod unio esset mediante phantasmate: sic enim unitur anima corpori propter intelligere, ut per eam homo intelligat; quod non esset, si fieret unio per phantasmata, ut ostensum est supra.

 

12. Avant d’кtre animй le corps a une forme, mais cette forme ne demeure pas а la venue de l’вme. Car la venue de l’вme se fait par une certaine gйnйration, mais la gйnйration de l’une n’est pas sans corruption de l’autre, comme quand la forme du feu est reзue dans la matiиre de l’air, cette forme de l’air cesse d’кtre en acte en elle et demeure en puissance seulement. Et il ne faut pas dire que la forme se fait ou se corrompt, parce que c’est pour elle le devenir et la corruption de ce dont elle est l’кtre, ce qui n’appartient pas а la forme comme quelque chose qui existe, mais comme ce par quoi quelque chose existe. C'est pourquoi on dit qu’il n’y a que le composй qui devient, en tant qu’il est ramenй de la puissance а l’acte.

12. Ad duodecimum dicendum quod corpus antequam animetur habet aliquam formam; illa autem forma non manet anima adveniente. Adventus enim animae est per quamdam generationem, generatio autem unius est non sine corruptione alterius; sicut cum recipitur forma ignis in materia aeris, desinit esse actu in ea forma aeris, et remanet in potentia tantum. Nec est dicendum quod forma fiat vel corrumpatur, quia eius est fieri et corrumpi, cuius est esse; quod non est formae ut existentis, sed sicut eius quo aliquid est. Unde et fieri non dicitur nisi compositum, in quantum reducitur de potentia in actum.

 

13. Dans l’embryon apparaissent certaines њuvres vitales, mais certains ont dit que les њuvres de ce genre venaient de l’вme de la mиre. Mais c’est impossible, parce qu’il est de la nature des њuvres vitales qu’elles viennent d’un principe intrinsиque, qui est l’вme. Mais certains ont dit qu’au commencement il y a l’вme vйgйtative, et quand elle a йtй plus parfaite, elles devient l’вme sensitive, et enfin elle devient intellective, mais par l’action d’un agent extйrieur qui est Dieu. Mais cela est impossible. 1) Parce qu’il en dйcoulerait que la forme substantielle recevrait plus et moins, et la gйnйration serait un mouvement continu. 2) Parce qu’il en dйcoulerait que l’вme raisonnable serait corruptible, puisque l’вme vйgйtative et l’вme sensibles sont corruptibles, pour autant qu’on pense que le fondement de l’вme raisonnable est une substance vйgйtative et sensible. Mais on ne peut pas dire qu’il y a trois вmes, dans un seul homme, comme on l’a montrй. Il reste donc qu’il faut dire que dans la gйnйration de l’homme ou de l’animal il y a des nombreuses gйnйrations et corruptions qui se succиdent entre elles. En effet а l’arrivйe d’une forme plus parfaite, la moins parfaite disparaоt. Et ainsi comme dans l’embryon, il y a en premier l’вme vйgйtative seulement, quand elle sera parvenue а une plus grande perfection, la forme imparfaite est enlevйe et une forme plus parfaite lui succиde, qui est l’вme vйgйtative et sensitive en mкme temps, et quand la derniиre s’en va, lui succиde la derniиre forme tout а fait complиte, qui est l’вme raisonnable.

13. Ad decimumtertium dicendum quod in embryone apparent quaedam opera vitae; sed quidam dixerunt, huiusmodi opera esse ab anima matris. Sed hoc est impossibile, quia de ratione operum vitae est quod sint a principio intrinseco, quod est anima. Quidam vero dixerunt quod a principio inest anima vegetabilis; et illa eadem cum fuerit magis perfecta fit anima sensitiva, et tandem fit anima intellectiva, sed per actionem exterioris agentis quod est Deus. Sed hoc est impossibile. Primo, quia sequeretur quod forma substantialis reciperet magis et minus, et quod generatio esset motus continuus. Secundo, quia sequeretur animam rationalem esse corruptibilem, cum vegetabilis et sensibilis corruptibiles sint, dum ponitur fundamentum animae rationalis esse substantia vegetabilis et sensibilis. Non autem dici potest quod sint tres animae in uno homine, ut ostensum est. Relinquitur ergo dicendum quod in generatione hominis vel animalis sunt multae generationes et corruptiones sibi invicem succedentes. Adveniente enim perfectiori forma, deficit imperfectior. Et sic cum in embryone primo sit anima vegetativa tantum, cum perventum fuerit ad maiorem perfectionem, tollitur forma imperfecta, et succedit forma perfectior, quae est anima vegetativa et sensitiva simul; et ultimo cedente, succedit ultima forma completissima, quae est anima rationalis.

 

14. Le corps mathйmatique est appellй corps abstrait; c'est pourquoi dire que le corps mathйmatique est dans le sensible c’est dire deux choses opposйes en mкme temps, comme Aristote le dйmontre (Mйtaphysique, III, 2, 998 a 7[108]) contre certains Platoniciens qui le pensaient. Et cependant il n’en dйcoule pas que ce qui est abstrait soit une falsification, si le corps mathйmatique йtait dans l’intellect seulement, parce que l’intellect en abstrayant ne comprend pas qu’un corps ne soit pas dans le sensible, mais il le comprend, sans comprendre le sensible comme si quelqu’un comprend l’homme sans comprendre sa risibilitй, il ne ment pas, mais il mentirait s’il comprenait que l’homme ne peut pas rire. Je dis cependant que si un corps mathйmatique йtait dans un corps sensible, comme le corps mathйmatique aurait des dimensions, il conviendrait seulement pour le genre de la quantitй; c'est pourquoi il n’en dйcoulerait pas pour lui une forme substantielle. Mais le corps qui est dans le genre de la substance, a une forme substantielle qui est appelйe corporйitй, qui n’a pas trois dimensions, mais une quelconque forme substantielle d’oщ dйcoulent trois dimensions dans la matiиre, et cette forme dans le feu est l’ignйitй, dans l’animal l’вme sensitive et dans l’homme l’вme intellective.

14. Ad decimumquartum dicendum quod corpus mathematicum dicitur corpus abstractum; unde dicere corpus mathematicum esse in sensibilibus, est dicere duo opposita simul, ut Aristoteles argumentatur in III Metaph. contra quosdam Platonicos hoc ponentes. Nec tamen sequitur quod abstrahentium sit mendacium, si corpus mathematicum sit in intellectu tantum: quia non intelligit intellectus abstrahens corpus aliquod esse non in sensibilibus, sed intelligit ipsum, non intelligendo sensibilia; sicut si quis intelligat hominem, non intelligendo eius risibilitatem, non mentitur; mentiretur autem, si intelligeret hominem non esse risibilem. Dico tamen quod si corpus mathematicum esset in corpore sensibili, cum corpus mathematicum sit dimensionale, tantum pertineret ad genus quantitatis; unde non requireretur ad ipsum aliqua forma substantialis. Corpus autem quod est in genere substantiae, habet formam substantialem quae dicitur corporeitas, quae non est tres dimensiones, sed quaecumque forma substantialis ex qua sequuntur in materia tres dimensiones; et haec forma in igne est igneitas, in animali anima sensitiva, et in homine anima intellectiva.

 

15. Les parties de la dйfinition sont les parties de la forme ou de l’espиce, non pour une rйelle diffйrence des formes, mais selon une distinction intelligible comme on l’a dit а la troisiиme solution.

15. Ad decimumquintum dicendum quod partes definitionis sunt partes formae vel speciei, non propter realem differentiam formarum, sed secundum distinctionem intelligibilem, ut dictum est ad tertium.

 

16. Bien que l’вme n’ait pas de corporйitй en acte, elle l’a cependant en puissance, comme le soleil a la chaleur.

16. Ad decimumsextum dicendum quod licet anima non habeat corporeitatem in actu, habet tamen virtute, sicut sol calorem.

 

17. Cet ordre, dont parle le Commentateur, est selon la raison intelligible seulement, parce que la matiиre est comprise comme achevйe selon la nature de la forme universelle avant la forme spйciale, comme on comprend un йtant avant le vivant et le vivant avant l’animal et l’animal avant l’homme.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod ordo ille quem Commentator tangit, est secundum rationem intelligibilem tantum; quia prius intelligitur materia perfici secundum rationem formae universalis quam specialis; sicut prius intelligitur aliquid ens quam vivum, et vivum quam animal, et animal quam homo.

 

18. N’importe quel кtre de genre ou d’espиce rejoint les accidents propres de ce genre ou de cette espиce. C'est pourquoi quand dйjа la matiиre est comprise comme parfaite selon la nature de ce genre qui est le corps, les dimensions peuvent кtre comprises en elle, qui sont les accidents propre de ce genre et rejoignent ainsi l’ordre intelligible dans la matiиre, selon ses diffйrentes parties, ses diffйrentes formes йlйmentaires.

18. Ad decimumoctavum dicendum quod quodlibet esse generis vel speciei consequuntur propria accidentia illius generis vel speciei. Unde quando iam materia intelligitur perfecta secundum rationem huius generis quod est corpus, possunt in ea intelligi dimensiones, quae sunt propria accidentia huius generis: et sic consequentur ordinem intelligibilem in materia, secundum diversas eius partes, diversae formae elementares.

 

19. Il faut dire que la mкme chaleur en espиce est dans le feu et dans l’air, parce que n’importe qualitй est attribuйe spйcialement а un йlйment, en qui il est parfaitement, et par accompagnement ou dйrivation а un autre, cependant plus imparfaitement. Donc comme de l’air se fait le feu, la chaleur demeure la mкme en espиce, mais plus forte mais pas seulement la mкme en nombre, parce que le substrat ne demeure pas le mкme. Et il n’a pas fait cela pour la difficultй du changement, puisqu’il est corrompu par accident par la corrpution du substrat et pas par contrariйtй de l’agent.

19. Ad decimumnonum dicendum quod idem specie calor est in igne et aere, quia quaelibet qualitas specialiter attribuitur uni elemento in quo est perfecte, et per concomitantiam vel derivationem alteri, tamen imperfectius. Cum ergo ex hoc aere fit hic ignis, calor manet idem specie, sed augmentatus; non tamen idem numero, quia non manet idem subiectum. Nec hoc facit ad difficultatem conversionis, cum corrumpatur per accidens ex corruptione subiecti, et non ex contrarietate agentis.

 

2.0. La matiиre dans la mesure oщ elle est considйrйe comme nue, se comporte indiffйremment pour toutes les formes, mais elle est dйterminйe pour des formes spйciales par le pouvoir du moteur, comme c’est rapportй dans La gйnйration (II, 9 335 b). Et selon l’ordre intelligible des formes dans la matiиre, c’est l’ordre des agents naturels. Car entre les corps cйlestes eux-mкmes l’un est actif plus universellement qu’un autre, et l’agent plus universel n’agit pas en dehors des agents infйrieurs, mais l’agent ultime propre agit dans le pouvoir de tous les [agents] supйrieurs. C'est pourquoi les diverses formes sont introduites par des agents diffйrents, dans un seul individu, mais une forme est ce qui est imprimй par l’agent le plus proche, elle contient en soi par pouvoir toutes les formes prйcйdentes, et la matiиre, selon qu’elle est considйrйe comme parfaite, sous la nature de la forme plus universelle et des accidents qui en dйcoulent, elle devient propre pour la perfection suivante.

2.0. Ad vicesimum dicendum quod materia prout nuda consideratur, se habet indifferenter ad omnes formas; sed determinatur ad speciales formas per virtutem moventis, ut traditur in II de generatione. Et secundum ordinem intelligibilem formarum in materia, est ordo agentium naturalium. Inter ipsa enim corpora caelestia unum est universalius activum quam alterum; nec universalius agens agit seorsum ab inferioribus agentibus, sed ultimum agens proprium agit in virtute omnium superiorum. Unde non imprimuntur a diversis agentibus diversae formae in uno individuo, sed una forma est quae imprimitur a proximo agente, continens in se virtute omnes formas praecedentes; et materia, secundum quod consideratur perfecta sub ratione formae universalioris et accidentium consequentium, fit propria ad subsequentem perfectionem.

 

2.1. Comme chaque genre est divisй en puissance et acte, la puissance elle-mкme qui est dans le genre de la substance, est matiиre comme la forme de l’acte. C'est pourquoi la matiиre n’est pas soumise а la forme par l’intermйdiaire d’une puissance.

2.1. Ad vicesimumprimum dicendum quod cum unumquodque genus dividatur per potentiam et actum, ipsa potentia, quae est in genere substantiae, materia est, sicut forma actus. Unde materia non subest formae mediante aliqua potentia.

 

 

Article 4 : L’вme est-elle tout entiиre dans chaque partie du corps ? Quarto quaeritur utrum tota anima sit in qualibet parte corporis.

 

Il semble que non[109].

 tit. 2 Et videtur quod non.

`

Objections

1. Car Aristote dit dans le livre (La cause du mouvement des animaux, 10, 703 a 36 –b 2) : « Il n’y a aucun besoin qu’il y ait une вme dans chaque [partie] du corps, mais {il suffit] qu’elle existe dans la partie supйrieur du corps[110]». Mais rien n’est vain dans la nature. Donc l’вme n’est pas dans chaque partie du corps.

1. Dicit enim Aristoteles in libro de causa motus animalium: nihil opus est in unoquoque corporis esse animam, sed in quodam corporis principio existere. In natura autem nihil est frustra. Non est ergo anima in qualibet parte corporis.

 

2. L’animal est constituй d’un corps et d’une вme. Donc, si dans chaque partie du corps il y avait une вme, chaque partie de l’animal serait un animal, ce qui ne convient pas.

2. Praeterea, ex corpore et anima constituitur animal. Si igitur in qualibet parte corporis esset anima, quaelibet pars animalis esset animal; quod est inconveniens.

 

3. En chaque chose il y a un substrat et sa propriйtй. Mais toutes ces puissances de l’вme sont dans son l’essence, comme les propriйtйs dans le substrat. Donc si l’вme йtait en chaque partie du corps, il en dйcoulerait que dans chaque partie il y aurait toutes les puissances de l’вme et ainsi l’audition serait dans l’њil et la vision dans l’oreille, ce qui ne convient pas.

3. Praeterea, in quocumque est subiectum et proprietas subiecti. Sed omnes potentiae animae sunt in essentia animae, sicut et proprietates in subiecto. Ergo si anima esset in qualibet parte corporis, sequeretur quod in qualibet parte corporis essent omnes potentiae animae, et sic auditus erit in oculo et visus in aure; quod est inconveniens.

 

4. Aucune forme qui requiert une diffйrence des parties ne se trouve en chaque partie ; ainsi il est clair que la forme de la maison n’est pas en chaque partie de la maison, mais dans la maison toute entiиre. Mais les formes qui ne requiиrent pas une diffйrence des parties sont dans chaque partie, comme la forme de l’air et du feu. Mais l’вme est une forme qui requiert une diffйrence des parties, comme on le voit dans tous les кtres animйs. Donc l’вme n’est pas dans chaque partie du corps.

4. Praeterea, nulla forma quae requirit dissimilitudinem partium invenitur in qualibet parte; ut patet de forma domus, quae non est in quacumque parte domus, sed in tota domo. Formae vero quae non requirunt dissimilitudinem partium, sunt in singulis partibus, ut forma aeris et ignis. Anima autem est forma requirens dissimilitudinem partium, ut patet in omnibus animatis. Ergo anima non est in qualibet parte corporis.

 

5. Aucune forme, qui s’йtend selon l’extension de la matiиre, n’est toute entiиre dans chaque partie de sa matiиre. Mais l’вme s’йtend selon l’extension de la matiиre ; car il est dit dans le livre ([Augustin] La quantitй de l’вme V, 7[111]) : «  J’estime que l’вme est, aussi grande que les espaces du corps la supportent ». Donc l’вme n’est pas en toute partie du corps.

5. Praeterea, nulla forma quae extenditur secundum extensionem materiae, est tota in qualibet parte suae materiae. Sed anima extenditur secundum extensionem materiae; dicitur enim in libro de quantitate animae: tantam aestimo esse animam, quantam eam spatia corporis esse patiuntur. Ergo anima non est tota in qualibet parte corporis.

 

6. Que l’вme soit dans chaque partie du corps, cela se voit surtout du fait qu’elle agit dans chaque partie. Mais l’вme opиre oщ elle n’est pas, parce que, comme Augustin le dit (Lettre а Volusianus, 137, 5) l’вme sent et voit dans le ciel oщ elle n’est pas. Donc il n’est pas nйcessaire que l’вme soit dans chaque partie du corps.

6. Praeterea, quod anima sit in qualibet corporis parte, praecipue videtur ex hoc quod in qualibet corporis parte agit. Sed anima operatur ubi non est: quia, ut Augustinus dicit ad Volusianum, anima sentit et videt in caelo, ubi non est. Non est ergo necessarium animam esse in qualibet corporis parte.

 

7. Selon le philosophe (De anima, I, 3, 406 b) quand nous nous mouvons, est mы ce qui est en nous. Mais il arrive qu’une partie du corps soit mue, pendant que l’autre se repose. Si donc l’вme est en chaque partie du corps, il en dйcoule qu’elle est mue et se repose en mкme temps, ce qui ne convient pas.

7. Praeterea, secundum philosophum, moventibus nobis, moventur ea quae in nobis sunt. Contingit autem unam partem corporis moveri, alia quiescente. Si ergo anima est in qualibet parte corporis, sequitur quod simul moveatur et quiescat; quod videtur inconveniens.

 

8. Si l’вme est en n’importe quelle partie du corps, chaque partie aura un rapport immйdiat а l’вme et ainsi les autres parties ne dйpendront pas du cњur, ce qui est contre Jйrфme, dans son commentaire de Matthieu (ch. 15, PL XXVI, 109) qui dit : « La partie principale de l’homme n’est pas dans le cerveau selon Platon, mais dans le cњur selon le Christ. »

8. Praeterea, si anima est in qualibet parte corporis, unaquaeque pars corporis immediatum ordinem habebit ad animam, et sic non dependent aliae partes a corde; quod est contra Hieronymum super Matthaeum, qui dicit quod principale hominis non est in cerebro secundum Platonem, sed in corde secundum Christum.

 

9. Aucune  forme qui requiert un aspect dйterminй, ne peut кtre lа oщ il n’y a pas cet aspect. Mais l’вme est dans le corps selon un aspect dйterminй : car le Commentateur[112] dit dans le mкme  livre (L’вme comm. 53) que n’importe quel corps animal a une aspect propre. Et cela est йvident dans les espиces animales : les membres en effet du lion ne diffиrent des membres du cerf qu’а cause de la diversitй de l’вme. Donc comme dans une partie on ne trouve pas l’aspect du tout, l’вme ne sera pas dans cette partie. Et c’est cela que dit le mкme Commentateur dans le mкme livre  (comm. 94, f. 1262) : si le cњur a une nature pour recevoir l’вme parce qu’il a tel aspect, il est clair que sa partie ne reзoit pas cette вme, parce qu’il n’a pas un tel aspect.

9. Praeterea, nulla forma quae requirit determinatam figuram, potest esse ubi non est illa figura. Sed anima est in corpore secundum determinatam figuram: dicit enim Commentator in I de anima, quod quodlibet corpus animalis habet figuram propriam. Et hoc manifestatur in speciebus animalium: membra enim leonis non differunt a membris cervi nisi propter diversitatem animae. Ergo cum in parte non inveniatur figura totius, anima non erit in parte. Et hoc est quod idem Commentator dicit in eodem libro, quod si cor habet naturam recipiendi animam quia habet talem figuram, manifestum est quod pars eius non recipit illam animam, quia non habet talem figuram.

 

10. Plus quelque chose est abstrait, moins il est dйterminй а quelque chose de corporel. Mais l’ange est plus abstrait que l’вme. Mais il est limitй а une partie du mobile qu’il meut[113], et il n’est pas dans chaque partie, comme le montre le philosophe en Physique (VIII, 10, 267 b 7[114]), oщ il dit que le moteur du ciel n’est pas au centre, mais en chaque partie de la circonfйrence. Donc l’вme est beaucoup moins en chaque partie de son corps.

10 Praeterea, quanto aliquid est magis abstractum, tanto minus determinatur ad aliquid corporale. Sed Angelus est magis abstractus quam anima. Determinatur autem Angelus ad aliquam partem mobilis quod movet, et non est in qualibet parte eius, ut patet per philosophum in IV Physic., ubi dicit quod motor caeli non est in centro, sed in quadam parte circumferentiae. Multo minus igitur anima est in qualibet parte sui corporis.

 

11. Si en chaque partie du corps il y a une opйration de l’вme, а raison йgale dans chaque partie du corps il y a l’opйration de la puissance visuelle, lа oщ est la puissance visuelle. Mais l’opйration de cette puissance serait dans le pied, s’il y avait lа une organe de puissance visuelle; c'est pourquoi si l’opйration de voir vient а manquer, ce sera а cause d’une dйfection de l’organe seulement. Donc il y aura une puissance visuelle lа oщ il y a l’вme.

11. Praeterea, si in quacumque parte corporis est operatio animae, est ipsa anima; pari ratione in quacumque parte corporis est operatio visivae potentiae, ibi est visiva potentia. Sed operatio visivae potentiae esset in pede, si ibi esset organum visivae potentiae; unde quod desit operatio visiva, erit propter defectum organi tantum. Erit igitur ibi potentia visiva, si ibi sit anima.

 

12. Si l’вme est en chaque partie du corps, il faut que partout oщ il y a une partie du corps, il y ait l’вme. Mais les parties de l’enfant qui grandit commencent а exister avec la croissance lа oщ d’abord elles n’йtaient pas ; donc son вme commence а кtre lа oщ avant elle n’йtait pas. Mais cela paraоt impossible. Car quelque chose commence а exister de trois maniиres.1. Ou par ce qui est fait de nouveau, comme lorsque l’вme est crййe et infusйe dans le corps. 2. Ou par un changement propre, comme quand le corps est transfйrй d’un lieu dans un autre. 3. Ou par changement d’un autre en lui-mкme, comme lorsque le corps du Christ commence а кtre sur l’autel.  On ne peut dire cela d’aucun. Donc l’вme n’est pas dans chaque partie du corps.

12. Praeterea, si anima est in qualibet parte corporis, oportet quod ubicumque sit aliqua pars corporis, ibi sit anima. Sed pueri crescentis partes incipiunt esse per augmentum ubi prius non erant; ergo et anima eius incipit esse ubi prius non erat. Sed hoc videtur impossibile. Tribus enim modis aliquid incipit esse ubi prius non erat. Aut per hoc quod de novo fit, sicut cum anima creatur et infunditur corpori. Aut per propriam transmutationem, sicut cum corpus transfertur de loco ad locum. Aut per transmutationem alterius in ipsum, sicut cum corpus Christi incipit esse in altari. Quorum nullum hic dici potest. Ergo anima non est in qualibet parte corporis.

 

13. L’вme n’est que dans le corps dont elle est l’acte. Mais c’est l’acte du corps organique, comme il est dit dans L’вme (II, 1, 412 b 5[115]). Donc comme n’importe quelle partie du corps n’est pas un corps organique, elle ne sera pas dans chaque partie du corps.

13. Praeterea, anima non est nisi in corpore cuius est actus. Est autem actus corporis organici, ut dicitur II de anima. Cum igitur non quaelibet pars corporis sit corpus organicum, non erit in qualibet parte corporis.

 

14. La chair et l’os d’un seul homme diffиrent plus que les deux chairs de deux hommes. Mais une вme ne peut pas кtre dans deux corps diffйrents. Donc elle ne peut pas кtre dans toutes les parties d’un seul homme.

14. Praeterea, plus differunt caro et os unius hominis quam duae carnes duorum hominum. Sed anima una non potest esse in duobus corporibus diversorum. Ergo non potest esse in omnibus partibus unius hominis.

 

15. Si l’вme est en chaque partie du corps, il faut, une fois enlevйe n’importe quelle partie, ou bien que l’вme soit enlevйe, ce qui paraоt faux, puisque l’homme demeure vivant ou bien qu’elle soit transfйrйe de cette partie dans d’autres, ce qui est impossible, puisque l’вme est simple, et par consйquent immobile. Donc elle n’est pas dans n’importe quelle partie du corps.

15. Praeterea, si anima est in qualibet parte corporis, oportet quod ablata quacumque parte corporis, vel auferatur anima, quod patet esse falsum, cum remaneat homo vivens, vel transferatur de illa parte ad alias; quod est impossibile, cum anima sit simplex, et per consequens immobilis. Non ergo est in qualibet parte corporis.

 

16. Tout ce qui est indivisible ne peut кtre que dans l’indivisible, puisqu’il faut que le lieu soit commensurable а ce qui y est placй. Mais il arrive que dans le corps on distingue des [parties] infinies indivisibles[116]. Donc si l’вme est dans n’importe quelle partie du corps, il en dйcoule qu’elle est dans des parties infinies en nombre ; ce qui n’est pas possible, puisque sa puissance est finie.

16. Praeterea, nullum indivisibile potest esse nisi in indivisibili, cum locum oporteat aequari locato. In corpore autem contingit signare infinita indivisibilia. Si igitur anima sit in qualibet parte corporis, sequetur quod sit in infinitis: quod esse non potest, cum sit finitae virtutis.

 

17. Comme l’вme est simple et sans dimension[117], aucune totalitй ne semble pouvoir lui кtre attribuйe sinon celle de sa puissance. Mais l’вme n’est pas dans n’importe quelle partie du corps selon ses puissances[118], en qui on considиre la totalitй de sa puissance. Donc toute l’вme n’est pas dans n’importe quelle partie du corps.

17. Praeterea, cum anima sit simplex et absque quantitate dimensiva, nulla totalitas videtur posse ei attribui nisi virtutis. Sed non est in qualibet parte corporis secundum suas potentias, in quibus consideratur totalitas virtutis eius. Non ergo in qualibet parte corporis est tota anima.

 

18. (1[119]) Que quelque chose pourrait кtre tout entier dans un tout avec toutes les parties, semble provenir de sa simplicitй ;  car nous voyons que cela ne peut pas arriver dans les corps. (2) Mais l’вme n’est pas simple, mais composйe de matiиre et de forme. (3) Donc elle n’est pas dans n’importe quelle partie du corps. Preuve intermйdiaire[120]. Le philosophe  dans la Mйtaphysique (II, 1, 8, 988 b 24[121]) critique ceux qui placent la matiиre premiиre comme premier principe, parce qu’ils plaзaient seulement les йlйments des corps, et non de ceux qui n’avaient pas de corps[122]. Donc il y a aussi l’йlйment des incorporels. Mais l’йlйment est un principe matйriel. Donc les substances incorporelles aussi, comme l’Ange et l’вme, ont un principe matйriel.

18. Praeterea, quod aliquid possit esse totum in toto cum omnibus partibus, videtur provenire ex eius simplicitate; in corporibus enim hoc videmus non posse accidere. Sed anima non est simplex, sed composita ex materia et forma. Ergo non est in qualibet parte corporis. Probatio mediae: philosophus in II Metaph., reprehendit ponentes materiam corporalem primum principium, quia ponebant solum elementa corporum, non corporum autem non. Est igitur etiam incorporeorum aliquod elementum. Sed elementum est materiale principium. Ergo etiam substantiae incorporeae, ut Angelus et anima, habent materiale principium.

 

19. Certains animaux coupйs [continuent а ] vivre. Mais ce n’est pas dire que l’autre partie vit par toute l’вme. Donc avant le coupure toute l’вme n’йtait pas dans cette partie, mais une partie de l’вme.

19. Praeterea, quaedam animalia decisa vivunt. Non est autem dicere quod altera pars vivat per totam animam. Ergo nec ante decisionem tota anima erat in illa parte, sed pars animae.

 

2.0 Toute entier et parfait c’est la mкme chose  comme il est dit en Physique, (III, 6, 207 a 8[123]). Mais la pouvoir propre de l’вme humaine selon l’intellect n’est pas un acte d’une partie du corps. Donc l’вme n’est pas toute entiиre dans n’importe quelle partie du corps.

2.0 Praeterea, totum et perfectum idem est, dicitur in III Physic. Perfectum autem est quod attingit propriam virtutem, ut dicitur etiam in VI Physic. Propria autem virtus animae humanae secundum intellectum non est actus alicuius partis corporis. Non ergo anima est tota in qualibet parte corporis.

 

En sens contraire

1. Mais il y a ce que dit Augustin dans le livre (La Trinitй, VI, VI, 8[124]), que l’вme est toute entiиre dans tout le corps, et toute entiиre en chacune de ses parties.

 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicit Augustinus in III de Trinit., quod anima in toto tota est, et in qualibet parte eius, tota.

 

2. Jean Damascиne [La Foi orthodoxe, I, 13 – II, 3] dit que l’ange est lа oщ il opиre, l’вme а raison йgale aussi. Mais l’вme opиre dans n’importe quelle partie du corps, parce que n’importe quelle partie du corps se nourrit, croоt et йprouve des sensations. Donc l’вme est dans n’importe quelle partie du corps.

 s. c. 2 Praeterea, Damascenus dicit, quod Angelus ibi est ubi operatur; pari ergo ratione et anima. Sed anima operatur in qualibet parte corporis, quia quaelibet pars corporis nutritur, augetur et sentit. Ergo anima est in qualibet parte corporis.

 

3. L’вme est d’un plus grand pouvoir que les formes matйrielles. Mais ces derniиres, comme celle du feu ou de l’air sont en n’importe quelle partie, et l’вme beaucoup plus[125].

 s. c. 3 Praeterea, anima est maioris virtutis quam formae materiales. Sed formae materiales, ut ignis aut aeris, sunt in qualibet parte; multo magis anima.

 

4. Dans le livre L’esprit et l’вme (XVIII, PL. XL 793), il est dit que l’вme par sa prйsence vivifie le corps. Mais n’importe quelle partie du corps est vivifiйe par l’вme. Donc l’вme est prйsente en n’importe quelle partie du corps.

 s. c. 4 Praeterea, in libro de spiritu et anima dicitur, quod anima praesentia sua corpus vivificat. Sed quaelibet pars corporis vivificatur ab anima. Ergo anima est cuilibet parti corporis praesens.

 

Rйponse[126]

La vйritй de cette question dйpend de ce qui a dйjа йtй dit. Car on a montrй d’abord que l’вme est unie au corps non seulement comme moteur, mais comme forme. Mais plus tard on a montrй que l’вme ne prйsuppose pas d’autres formes substantielles dans la matiиre qui donnerait l’кtre substantiel au corps et а ses parties ; mais le corps tout entier et toutes ses parties ont un кtre substantiel et spйcifique par l’вme, si elle s’en va de mкme que l’homme ne demeure ni animal, ni vivant, de mкme  la main, ou l’њil ou la chair ou la bouche ne demeurent que de maniиre йquivoque, comme ce qui est peint ou fait en pierre[127]. Ainsi donc, comme tout acte est en cette partie dont elle est l’acte, il faut que l’вme qui est l’acte de tout le corps et de toutes ses parties soit dans tout le corps, et en n’importe quelle partie.

 co. Respondeo. Dicendum quod veritas huius quaestionis ex praecedentibus dependet. Ostensum est enim prius quod anima unitur corpori non solum ut motor, sed ut forma. Posterius vero ostensum est quod anima non praesupponit alias formas substantiales in materia, quae dent esse substantiale corpori aut partibus eius; sed et totum corpus et omnes eius partes habent esse substantiale et specificum per animam, qua recedente, sicut non manet homo aut animal aut vivum, ita non manet manus aut oculus aut caro aut os nisi aequivoce, sicut depicta aut lapidea. Sic igitur, cum omnis actus sit in eo cuius est actus, oportet animam, quae est actus totius corporis et omnium partium, esse in toto corpore et in qualibet eius parte

 

Mais cependant le tout se comporte pour l’вme autrement que ses parties. Car l’вme est l’acte du corps entier d’abord et par soi, et des parties par rapport au tout. Pour le dйmontrer il faut considйrer que, comme la matiиre est pour la forme, il faut qu’une telle matiиre convienne а la forme. Dans ce qui est corruptible, les formes plus imparfaites qui sont d’une puissance plus faible, ont des opйrations moins importantes, pour lesquelles la diffйrence des parties n’est pas requise ; comme cela se voit dans tous les corps inanimйs.

Sed tamen aliter se habet totum ad animam, et aliter ad partes eius. Anima enim totius quidem corporis actus est primo et per se, partium vero in ordine ad totum. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod, cum materia sit propter formam, talem oportet esse materiam ut competit formae. In istis rebus corruptibilibus formae imperfectiores, quae sunt debilioris virtutis, habent paucas operationes, ad quas non requiritur partium dissimilitudo; sicut patet in omnibus inanimatis corporibus.

 

Mais comme l’вme est  une forme d’une puissance plus haute et plus grande, elle peut кtre le principe d’opйrations diverses dont les diffйrentes parties du corps demandent l’exйcution. Et c'est pourquoi toute вme requiert la diversitй des organes dans les parties du corps dont elle est l’acte, et plus la diversitй est grande et plus l’вme aura йtй parfaite. Donc ainsi les formes plus petites[128] perfectionnent leur matiиre uniformйment ; mais l’вme [perfectionne] de diffйrentes formes, pour que par ses parties diffйrentes se constitue l’intйgritй du corps, dont d’abord l’вme est l’acte par soi.

Anima vero, cum sit forma altioris et maioris virtutis, potest esse principium diversarum operationum, ad quarum executionem requiruntur dissimiles partes corporis. Et ideo omnis anima requirit diversitatem organorum in partibus corporis cuius est actus; et tanto maiorem diversitatem, quanto anima fuerit perfectior. Sic igitur formae infimae uniformiter perficiunt suam materiam; sed anima difformiter, ut ex dissimilibus partibus constituatur integritas corporis, cuius primo et per se anima est actus.

 

Mais il reste а chercher ce qui a йtй dit : que toute l’вme est en tout et toute entiиre dans chaque partie. Pour le montrer il faut considйrer qu’on trouve trois totalitй.

Sed restat inquirendum quod dicitur, totam animam esse in toto, et totam in singulis partibus. Ad cuius evidentiam considerandum est quod triplex totalitas invenitur.

 

1. La premiиre est plus йvidente selon la quantitй, dans la mesure oщ le tout, autant qu’on le dit, est destinй est а кtre divisй en parties quantitatives; et cette totalitй ne peut кtre attribuйe aux formes que par accident, en tant qu’elles se divisent par accident d’une division de quantitй, comme le blanc par la division de la surface. Mais cela concerne seulement ces formes qui sont coextensives  а la quantitй ; ce qui convient а certaines formes, parce qu’elles ont une matiиre semblable ou presque semblable dans le tout et dans la partie. C'est pourquoi les formes qui requiиrent une grande diffйrence dans les parties, n’ont pas d’extension de ce genre ni de totalitй, comme les вmes des animaux parfaits surtout.

Prima quidem est manifestior secundum quantitatem, prout totum quantum dicitur quod natum est dividi in partes quantitatis: et haec totalitas non potest attribui formis nisi per accidens, in quantum scilicet per accidens dividuntur divisione quantitatis, sicut albedo divisione superficiei. Sed hoc est illarum tantum formarum quae coextenduntur quantitati; quod ex hoc competit aliquibus formis, quia habent materiam similem aut fere similem et in toto et in parte. Unde formae quae requirunt magnam dissimilitudinem in partibus, non habent huiusmodi extensionem et totalitatem, sicut animae, praecipue animalium perfectorum.

 

2. La seconde totalitй est considйrйe selon la perfection de l’essence ; а cette totalitй correspondent les parties de l’essence, physiquement dans les composйs, la matiиre et la forme, soit logiquement le genre et la diffйrence : cette perfection reзoit dans les formes accidentelles le plus et le moins, mais non dans les formes substantielles.

Secunda autem totalitas attenditur secundum perfectionem essentiae, cui totalitati etiam respondent partes essentiae, physice quidem in compositis materia et forma, logice vero genus et differentia; quae quidem perfectio in formis accidentalibus recipit magis et minus, non autem in substantialibus.

 

3. La troisiиme totalitй dйpend de la puissance. Si donc nous parlions d’une forme qui a une extension dans la matiиre, par exemple la blancheur, nous pourrions dire qu’elle est toute en chaque partie par la totalitй de l’essence et de la puissance, mais non par la premiиre sorte de  totalitй, qui est pour elle par accident, mais sa partie dans une partie.

Tertia autem totalitas est secundum virtutem. Si ergo loqueremur de aliqua forma habente extensionem in materia, puta de albedine, possemus dicere quod est tota in qualibet parte totalitate essentiae et virtutis, non autem totalitate prima, quae est ei per accidens; sicut tota ratio speciei albedinis invenitur in qualibet parte superficiei, non autem tota quantitas quam habet per accidens, sed pars in parte

 

Mais l’вme, et surtout l’вme humaine, n’a pas d’extension dans la matiиre ; c'est pourquoi en elle la premiиre totalitй n’a pas place. Il reste donc que selon la totalitй de l’essence on peut йnoncer simplement qu’elle est toute entiиre dans chaque partie du corps, non selon la totalitй de la puissance, parce qu’elle achиve les parties de faзon diffйrente pour les diffйrentes opйrations et une certaine opйration lui appartient, а savoir comprendre, qu’elle n’exйcute par aucune partie du corps. C'est pourquoi si on accepte ainsi la totalitй de l’вme selon la puissance, non seulement elle n’est pas toute dans chaque partie, mais elle n’est pas toute dans le tout parce que la puissance de l’вme surpasse la capacitй du corps, comme on l’a dit ci-dessus.

. Anima autem, et praecipue humana, non habet extensionem in materia; unde in ea prima totalitas locum non habet. Relinquitur ergo quod secundum totalitatem essentiae simpliciter enuntiari possit esse tota in qualibet corporis parte, non autem secundum totalitatem virtutis; quia partes difformiter perficiuntur ab ipsa ad diversas operationes; et aliqua operatio est eius, scilicet intelligere, quam per nullam partem corporis exequitur. Unde sic accepta totalitate animae secundum virtutem, non solum non est tota in qualibet parte, sed nec tota in toto: quia virtus animae capacitatem corporis excedit, ut supra dictum est.

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Solutions

1. le philosophe parle ici de l’вme quant а sa puissance pour mouvoir qui est fondйe en premier dans le cњur.

1. Ad primum ergo dicendum quod philosophus ibi loquitur de anima quantum ad potentiam motivam, quae primo fundatur in corde.

 

2. L’вme n’est pas  dans chaque partie du corps en premier et par soi, mais en rapport avec le tout, comme on l’a dit, et c'est pourquoi n’importe quelle partie de l’animal n’est pas l’animal.

2. Ad secundum dicendum quod anima non est in qualibet parte corporis primo et per se, sed in ordine ad totum, ut dictum est; et ideo non quaelibet pars animalis est animal.

 

3. Selon le philosophe dans le livre Le sommeil et la veille, l’action vient de celui qui a la puissance. C'est pourquoi ces puissances, dont les opйrations ne sont pas de la seule вme mais de l’ensemble joint, sont dans l’organe comme dans un substrat, mais dans l’вme comme dans sa racine. Mais seules ces puissances sont dans l’вme comme dans un substrat, dont l’вme n’exйcute pas par un organe du corps les opйrations, qui sont cependant de l’вme selon qu’elle dйpasse le corps. C'est pourquoi il n’en dйcoule pas que dans chaque partie du corps il y a toutes les puissances de l’вme.

3. Ad tertium dicendum quod secundum philosophum in libro de somno et vigilia, cuius est potentia, eius est actio. Unde potentiae illae, quarum operationes non sunt solius animae sed coniuncti, sunt in organo sicut in subiecto, in anima autem sicut in radice. Solum autem illae potentiae sunt in anima sicut in subiecto, quarum operationes anima non per organum corporis exequitur; quae tamen sunt animae secundum quod excedit corpus. Unde non sequitur quod in qualibet parte corporis sint omnes potentiae animae.

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4. Comme la forme de la maison est accidentelle, elle ne donne pas un кtre spйcifique а chaque partie de la maison, comme l’вme le donne а chaque partie du corps, c'est pourquoi ce n’est pas pareil.

4. Ad quartum dicendum quod forma domus, cum sit accidentalis, non dat esse specificum singulis partibus domus, sicut dat anima singulis partibus corporis; et ideo non est simile.

 

5. Cette autoritй n’est pas comprise de sorte que l’вme humaine s’йtende selon l’extension au corps, mais parce que la quantitй de l’вme virtuelle n’est pas dйveloppйe dans une plus grande quantitй que le corps.

5. Ad quintum dicendum quod auctoritas illa non sic intelligitur quod anima humana extendatur secundum extensionem corporis, sed quia virtualis animae quantitas non porrigitur in maiorem quantitatem quam corporis.

 

6. Toute opйration est reзue d’une certaine maniиre comme intermйdiaire entre celui qui opиre et l’objet de l’opйration ; ou bien rйellement, comme dans ses actions qui procиdent de l’agent dans quelque chose d’extйrieur а transformer, ou bien selon la maniиre de la comprendre, comme comprendre et vouloir etc., qui bien que ce soient des actions qui demeurent dans l’agent, comme il est dit en Mйtaphysique (IX, 8, 1050 a 35), sont signalйes cependant au moyen d’autres actions, comme s’йtendant de l’une а l’autre. Donc ainsi, quand quelqu'un dit qu’il opиre ici ou lа, on peut le comprendre de deux maniиres. 1. D’une premiиre maniиre parce que le mot est dйterminй par des adverbes de ce genre, par lequel l’opйration sort de l’agent, et ainsi c’est vrai que l’вme opиre partout lа oщ elle est. 2. D’une autre maniиre, de ce cфtй par lequel l’opйration est comprise comme se terminant а un autre, et ainsi elle n’opйre pas partout oщ elle est ; car elle sent, et voit dans le ciel dans la mesure oщ elle le sent et le voit.

6. Ad sextum dicendum quod omnis operatio aliquo modo accipitur ut media inter operantem et obiectum operationis; vel realiter, sicut in illis actionibus quae procedunt ab agente in aliquod extrinsecum transmutandum; vel secundum modum intelligendi, sicut intelligere et velle et huiusmodi, quae licet sint actiones in agente manentes, ut dicitur in IX Metaph., tamen significantur per modum aliarum actionum, ut ab uno tendentes in aliud. Sic ergo, cum dicitur aliquis operari hic vel ibi, dupliciter potest intelligi. Uno modo, quod per huiusmodi adverbia determinetur verbum, ex quo operatio exit ab agente; et sic verum est quod anima ubicumque operatur, ibi est. Alio modo, ex ea parte qua operatio intelligitur terminari ad alterum; et sic non ubicumque operatur, ibi est: sic enim sentit et videt in caelo, in quantum caelum sentitur et videtur ab ea.

 

7. Quand le corps est mы l’вme se meut par accident et non par soi. Mais il n’est pas inconvenant que quelque chose en mкme temps soit mы et se repose par accident selon diffйrents aspects. Mais cela ne conviendrait pas si elle se reposait et se mouvait par elle-mкme  en mкme temps.

7. Ad septimum dicendum quod anima moto corpore movetur per accidens, et non per se. Non est autem inconveniens quod aliquid simul moveatur et quiescat per accidens secundum diversa. Esset autem inconveniens, si per se simul quiesceret et moveretur.

 

8. Bien que l’вme soit l’acte de n’importe quelle partie du corps, cependant toutes les parties du corps ne sont pas achevйes uniformйment par elle, comme on l’a dit ; mais l’une est supйrieure et plus parfaite que l’autre[129].

8. Ad octavum dicendum quod licet anima sit actus cuiuslibet partis corporis, non tamen uniformiter omnes partes corporis perficiuntur ab ea, ut dictum est; sed una altera principalius et perfectius.

 

9. On dit que l’вme est dans le corps avec un aspect dйterminй, non qu’il soit la cause pour laquelle elle est dans le corps mais plutфt l’aspect du corps dйpend de l’вme ; c'est pourquoi lа oщ il n’y a pas un aspect qui convient а cette вme, elle ne peut pas кtre cette вme. Mais l’вme requiert une autre aspect dans tout le corps, dont elle est l’acte en premier, et un autre dans une partie, dont l’acte est en rapport avec le tout, comme on l’a dit. C'est pourquoi dans les animaux en qui l’aspect de la partie est presque conforme а l’aspect du tout, la partie reзoit l’вme comme un certain tout, c’est pourquoi, si elle est coupйe elle [continue а] vivre. Cependant dans les animaux parfaits, en qui l’aspect de la partie diffиre beaucoup de l’aspect du tout, la partie ne reзoit pas l’вme comme un tout et le premier perfectible pour que ce qui a йtй coupй vive ; cependant elle reзoit l’вme en rapport au tout, pour que ce qui est uni vive[130].

9. Ad nonum dicendum quod anima per determinatam figuram dicitur esse in corpore, non quod figura sit causa quare sit in corpore, sed potius figura corporis est ex anima; unde ubi non est figura conveniens huic animae, non potest esse haec anima. Sed aliam figuram requirit anima in toto corpore, cuius per prius est actus, et aliam in parte, cuius est actus in ordine ad totum, sicut dictum est. Unde in animalibus in quibus figura partis fere est conformis figurae totius, pars recipit animam ut quoddam totum: quare decisa vivit. In animalibus tamen perfectis, in quibus figura partis multum differt a figura totius, pars non recipit animam sicut totum et primum perfectibile ut decisa vivat; recipit tamen animam in ordine ad totum, ut coniuncta vivat.

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10. L’Ange est accouplй au corps cйleste qu’il meut, non comme une forme mais comme un moteur ; c'est pourquoi ce n’est pas pareil pour lui et pour l’вme qui est la forme du tout et de chacune des parties.

10 Ad decimum dicendum quod Angelus comparatur ad corpus caeleste quod movet, non sicut forma, sed sicut motor; unde non est simile de ipso et de anima, quae est forma totius et cuiuslibet partis.

 

11. Si l’њil йtait dans le pied, lа serait la puissance visuelle, parce que cette puissance est l’acte de tel organe animй. Mais si on retire l’organe, l’вme y demeure mais cependant sans la puissance visuelle.

11. Ad undecimum dicendum quod si esset oculus in pede, esset ibi potentia visiva, quia haec potentia est actus talis organi animati. Remoto autem organo, remanet ibi anima, non tamen potentia visiva.

 

12. La croissance ne se fait pas sans mouvement local, comme le dit le philosophe Physique (IV 1, 209 a 28 – 6, 213 b 4) : c'est pourquoi lorsque l’enfant a grandi, de mкme qu’une partie du corps commence а exister lа oщ par soi elle n’йtait pas auparavant, de mкme l’вme [l’вme commence а exister] par accident et par son changement en tant qu’elle est mue par accident quand le corps est mы.

12. Ad duodecimum dicendum quod augmentum non fit sine motu locali, ut dicit philosophus IV Physic.; unde augmentato puero, sicut aliqua pars corporis incipit esse per se ubi prius non erat, ita anima per accidens, et per transmutationem suam, in quantum per accidens movetur moto corpore.

 

13. Le corps organique est perfectible par l’вme en premier et par soi : mais chaque organe et les parties d’organes sont perfectibles, comme dans l’ordre au tout, comme il a йtй dit.

13. Ad decimumtertium dicendum quod corpus organicum est perfectibile ab anima primo et per se; singula autem organa et organorum partes, ut in ordine ad totum, sicut dictum est.

 

14. Mais ma chair avec ta chair se conviennent plus selon la nature de l’espиce, que ma chair avec mon os ; mais selon l’analogie pour le tout et inversement ; car ma chair et mon os peuvent кtre en rapport а un seul tout а constituer, non ma chair et ta chair.

14. Ad decimumquartum dicendum quod caro mea cum carne tua magis convenit secundum rationem speciei, quam caro mea cum osse meo; sed secundum analogiam ad totum e converso. Nam caro mea et os meum possunt ordinari ad unum totum constituendum, non autem caro mea et caro tua.

 

15. Une fois une partie coupйe, il n’en dйcoule pas que l’вme est enlevйe, ou qu’elle soit dйplacйe dans une autre partie, а moins qu’on pense que l’вme serait dans cette seule partie, mais il en dйcoule que cette partie cesse d’кtre achevйe par l’вme du tout.

15. Ad decimumquintum dicendum quod praecisa parte non sequitur quod auferatur anima, vel quod ad aliam partem transmutetur, nisi poneretur quod in illa sola parte anima esset; sed sequitur quod illa pars desinat perfici ab anima totius.

 

16. L’вme n’est pas indivisible, comme le point qui a une place dans le continu, ce serait contre sa nature d’кtre dans un lieu divisible. Mais l’вme est indivisible par abstraction de tout genre du ‘continu’ ; c'est pourquoi ce n’est pas contre sa nature si elle est dans un tout quelconque divisible.

16. Ad decimumsextum dicendum quod anima non est indivisibilis ut punctum habens situm in continuo, contra cuius rationem esset in loco divisibili esse. Sed anima est indivisibilis per abstractionem a toto genere continui; unde non est contra eius rationem si sit in aliquo divisibili toto.

 

17. Du fait que l’вme est indivisible, il en dйcoule qu’elle n’a pas de totalitй quantitative. Et ce n’est pas а cause de cela qu’on accorde qu’il y ait en elle la totalitй de la quantitй : car il y a en elle la totalitй selon la nature de l’essence, comme on l’a dit.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod anima ex hoc quod est indivisibilis, sequitur quod non habeat totalitatem quantitatis. Nec propter hoc relinquitur quod sit in ea sola totalitas potentiarum: est enim in ea totalitas secundum essentiae rationem, ut dictum est.

 

18. Dans ce livre le philosophe tend а chercher les principes de tous les йtants, non seulement principes matйriels, mais aussi formels, efficients et finaux. Et c'est pourquoi il rйfute les anciens naturalistes, qui plaзaient telle cause matйrielle, qui n’a pas place dans les choses incorporelles, et ainsi ils ne pouvaient pas placer les principes de tous les кtres. Donc il ne tend pas а dire qu’il y a un йlйment matйriel des choses incorporelles, mais que sont а blвmer ceux qui ont nйgligй les principes des choses incorporelles, plaзant une cause matйrielle seulement.

18. Ad decimumoctavum dicendum quod philosophus in libro illo intendit inquirere de principiis omnium entium, non solum materialibus, sed etiam formalibus et efficientibus et finalibus. Et ideo redarguuntur ab ipso antiqui naturales, qui posuerunt tantum causam materialem, quae non habet locum in rebus incorporalibus; et sic non poterant ponere principia omnium entium. Non ergo intendit dicere quod sit aliquod elementum materiale rerum incorporalium; sed quod illi sunt reprehendendi qui principia rerum incorporalium neglexerunt, ponentes causam materialem tantum.

 

19. Dans ces animaux qui une fois coupй [en deux] continuent а vivre, il y a une seule вme en acte et plusieurs en puissance. Par la coupure elles sont ramenйes а l’acte de la pluralitй, comme cela arrive dans toutes les formes qui ont une extension dans la matiиre.

19. Ad decimumnonum dicendum quod in illis animalibus quae decisa vivunt, est una anima in actu, et multae in potentia. Per decisionem autem reducuntur in actum multitudinis, sicut contingit in omnibus formis quae habent extensionem in materia.

 

2.0. Quand on dit que l’вme est toute entiиre dans chacune des parties, on accepte le tout et le parfait selon la nature de l’essence et non selon la nature de la puissance ou du pouvoir, comme on voit par ce qui a йtй dit plus haut.

2.0 Ad vicesimum dicendum quod cum dicitur anima esse tota in qualibet parte, accipitur totum et perfectum secundum rationem essentiae, et non secundum rationem potentiae seu virtutis, ut ex supradictis patet.

 

 

Article 5 : Existe-t-il quelque substance spirituelle crййe non unie а un corps. Quinto quaeritur utrum aliqua substantia spiritualis creata sit non unita corpori.

 

Il semble que non[131].

Et videtur quod non.

 

Objections

1. Car Origиne dit dans le Periarchon (IV, PG. XI, 170) : «  Le propre de Dieu seul, c'est-а-dire du Pиre, du Fils et de l’Esprit saint, est qu’on comprend qu’il existe sans aucune adjonction corporelle en participation». Donc aucune substance spirituelle crййe ne peut кtre unie а un corps.

1. Dicit enim Origenes in I periarchon: solius Dei, id est patris et filii et spiritus sancti, proprium est ut absque ulla corporea societatis adiectione intelligatur existere. Nulla ergo substantia spiritualis creata potest esse corpori non unita.

 

2. Le pape Paschase dit que les [кtres] spirituels sans corps ne peuvent pas subsister. Donc il n’est pas possible que les substances spirituelles ne soient pas unies а un corps.

2. Praeterea, Paschasius Papa dicit quod spiritualia sine corporalibus subsistere non possunt. Non est ergo possibile spirituales substantias non unitas corporibus esse.

 

3. Bernard (Sur le Cantique, sermon 5, PL CLXXX, 800) dit : « Il est йvident que tout esprit crйй a besoin de l’aide d’un corps». Il est clair aussi que, comme la nature ne fait pas dйfection dans ce qui est nйcessaire, Dieu fait dйfection beaucoup moins, Donc on ne trouve pas d’esprit crйй sans corps.

3. Praeterea, Bernardus super canticum inquit: liquet omnem spiritum creatum corporeo indigere solatio. Manifestum est autem quod cum natura non deficiat in necessariis, multo minus deficit Deus. Non ergo spiritus creatus sine corpore invenitur.

 

4. Si une substance spirituelle crййe est entiиrement sйparйe d’un corps il est nйcessaire qu’elle soit au-dessus du temps ; car le temps ne va pas au-delа des [кtres] corporels. Mais les substances spirituelles crййes ne sont pas entiиrement au-dessus du temps. Comme en effet elles ont йtй crййes de rien, et par consйquence qu’elles commencent par le non кtre, il est nйcessaire qu’elles puissent changer, pour pouvoir retomber dans le non кtre а moins qu’elles ne soient contenues par un autre. Mais ce qui peut retourner au non кtre, n’est pas tout а fait au-dessus du temps ; car il peut кtre dans un temps et ne pas y кtre dans un autre. Donc il n’est pas possible que des substances crййes soient sans corps.

4. Praeterea, si aliqua substantia spiritualis creata est omnino corpori non unita, necesse est quod sit supra tempus; tempus enim corporalia non excedit. Sed substantiae spirituales creatae non omnino sunt supra tempus. Cum enim ex nihilo creatae sint, et per consequens a non esse incipiant, necesse est eas vertibiles esse, ut possint deficere in non esse, nisi ab alio continerentur. Quod autem potest in non esse deficere, non omnino est supra tempus; potest enim nunc esse, et in alio nunc non esse. Non est ergo possibile aliquas creatas substantias absque corporibus esse.

 

5. Les Anges assument certains corps. Mais le corps assumй par un ange est mы par lui. Donc comme кtre mы localement prйsuppose la sensation et la vie, comme on le voit dans L’вme, (II, 2 et 3), il semble que les corps assumйs par les anges sentent et vivent et ainsi qu’ils soient naturellement unis а des corps ; [alors que] cependant il semble qu’ils sont tout а fait  libйrйs des corps. Donc il n’y a aucune substance spirituelle crййe qui ne soit pas unie а un corps.

5. Praeterea, Angeli corpora quaedam assumunt. Corpus autem assumptum ab Angelo, movetur ab eo. Cum igitur moveri secundum locum praesupponat sentire et vivere, ut patet in II de anima, videtur quod corpora assumpta ab Angelis sentiant et vivant, et ita sint corporibus naturaliter uniti de quibus tamen maxime videtur quod sint a corporibus absoluti. Nulla ergo spiritualis substantia creata est corpori non unita.

 

6. L’ange est naturellement plus parfait que l’вme. Mais ce qui vit et donne la vie, est plus parfait que ce qui vit seulement. Donc comme l’вme vit et donne la vie а un corps par le fait qu’elle est sa forme, il semble que l’ange, bien plus non seulement vit, mais il est aussi uni а un corps а qui il donne la vie et ainsi de mкme que plus haut.

6. Praeterea, Angelus naturaliter est perfectior quam anima. Perfectius autem est quod vivit et dat vitam, quam illud quod vivit tantum. Cum igitur anima vivat, et det vitam corpori per hoc quod est forma eius, videtur quod multo fortius Angelus non solum vivat, sed etiam uniatur alicui corpori cui det vitam; et sic idem quod prius.

 

7. Il est clair que les anges connaissent les singuliers, autrement ce serait en vain qu’ils seraient destinйs а la garde des hommes. Mais il ne peuvent pas connaоtre les singuliers par les formes universelles, parce qu’ainsi leur connaissance se comporterait de maniиre йgale pour le passй et le futur, alors que cependant connaоtre le futur appartient а Dieu seul. Donc les anges connaissent les choses particuliиres par des formes particuliиres, qui requiиrent des organes corporels unis а ceux en qui elles sont reзues. Donc les anges ont des organes corporels unis а eux et ainsi aucune substance crййe ne semble кtre tout а fait libйrйe d’un corps.

7. Praeterea, manifestum est quod Angeli singularia cognoscunt; alioquin frustra hominibus in custodiam deputarentur. Non possunt autem singularia cognoscere per formas universales: quia sic aequaliter se haberet eorum cognitio ad praeteritum et futurum, cum tamen futura cognoscere solius Dei sit. Cognoscunt igitur Angeli singularia per formas particulares, quae requirunt organa corporalia sibi unita in quibus recipiantur. Ergo Angeli habent organa corporalia sibi unita; et sic nullus spiritus creatus videtur esse omnino a corpore absolutus.

 

8. Le principe d’individualisation est la matiиre. Mais les anges sont des individus, autrement ils n’auraient pas leurs propres actions ; car agir est le propre des individus. Donc comme ils n’ont pas de matiиre d’origine, comme on l’a dit ci-dessus, il semble qu’ils ont une matiиre en laquelle ils sont, c'est-а-dire des corps auxquels ils sont unis.

8. Praeterea, principium individuationis est materia. Angeli autem sunt quaedam individua, alioquin non haberent proprias actiones; agere enim particularium est. Cum igitur non habeant materiam ex qua sint, ut supra dictum est, videtur quod habeant materiam in qua, scilicet corpora quibus uniuntur.

 

9. Comme les esprits crййs sont des substances finies, il est nйcessaire qu’ils soient dans un genre et une espиce dйterminйs. Donc il faut trouver en eux la nature universelle de l’espиce. Mais par cette nature universelle ils n’ont pas ce qui les individualisent. Donc il faut qu’il y ait quelque chose d’ajoutй par quoi ils sont individualisйs. Mais cela ne peut pas кtre quelque chose de matйriel, qui pйnиtre la composition de l’ange, puisqu’ils sont des substances immatйrielles, comme on l’a dit ci-dessus. Donc il est nйcessaire d’ajouter une matiиre corporelle, par laquelle ils sont individualisйs et ainsi de mкme que ci-dessus.

9. Praeterea, cum spiritus creati sint substantiae finitae, necesse est quod sint in determinato genere et specie. Est igitur in eis invenire naturam universalem speciei. Ex ipsa autem natura universali non habent quod individuentur. Ergo oportet esse aliquid additum per quod individuentur. Hoc autem non potest esse aliquid materiale, quod intret compositionem Angeli, cum Angeli sint immateriales substantiae, ut supra dictum est. Necesse est ergo quod addatur eis aliqua materia corporalis, per quam individuantur; et sic idem quod prius.

 

10. Les substances spirituelles crййes ne sont pas matiиre seulement, parce qu’ainsi elles seraient en puissance seulement, et n’auraient aucune action, et en plus elles ne seraient pas composйes de matiиre et de forme, comme on l’a montrй plus haut. Il reste donc qu’elles sont des formes seulement. Mais il est de la nature de la forme qu’elle soit l’acte de la matiиre а laquelle elle est unie. Donc il semble que les substance spirituelles crййes sont unies а la matiиre d’un corps.

10 Praeterea, substantiae spirituales creatae non sunt materia tantum, quia sic essent in potentia solum, et non haberent aliquam actionem; nec iterum sunt compositae ex materia et forma, ut supra ostensum est. Relinquitur igitur quod sint formae tantum. De ratione autem formae est quod sit actus materiae cui unitur. Videtur ergo quod spirituales substantiae creatae uniantur materiae corporali.

 

11. Le jugement est semblable pour ce qui est semblable. Mais quelques substances spirituelles crййes sont unies а des corps. Donc toutes.

11. Praeterea, de similibus simile est iudicium. Sed aliquae spirituales substantiae creatae sunt unitae corporibus. Ergo omnes.

 

En sens contraire

1Denys (Les Noms divins, IV, lectio 1, 693 C) dit que les anges n’ont ni corps ni matiиre.

 s. c. 1 Sed contra. Est quod Dionysius dicit in IV cap. de Div. Nom., quod Angeli sunt incorporales et immateriales.

 

2. Selon le philosophe (Physique,VIII, 5, 256 b 20[132]), si deux choses se trouvent jointes, dont l’une peut кtre trouvйe sans l’autre, il faut les trouver l’une sans l’autre. Car on trouve un moteur mы, c'est pourquoi si quelque chose est mы et non moteur, on trouve aussi  un moteur non mы. Mais on trouve quelque chose de composй de substance corporelle et spirituelle. Donc comme on trouve un corps sans esprit, il semble qu’on peut trouver quelque esprit sans corps.

 s. c. 2 Praeterea, secundum philosophum in VIII Physic., si aliqua duo inveniuntur coniuncta, quorum unum sine altero inveniri potest, oportet et alterum sine altero inveniri. Invenitur enim aliquid movens motum; unde si aliquid est motum non movens, invenitur etiam aliquid movens non motum. Sed invenitur aliquid compositum ex substantia corporali et spirituali. Cum igitur inveniatur aliquod corpus sine spiritu, videtur quod aliquis spiritus inveniri possit corpori non unitus.

 

3. Richard de Saint Victor (La Trinitй, III, 9 PL. CXCVI, 921) argumente ainsi : En Dieu on trouve plusieurs personnes dans une seule nature. Mais dans les choses humaines [on trouve] une seule personne dans deux natures ; а savoir l’вme et le corps. Donc on trouve un intermйdiaire, а savoir ce qui serait une seule personne dans une seule nature, ce qui n’existerait pas, si la nature spirituelle йtait unie а un corps[133].

 s. c. 3 Praeterea, Richardus de s. Victore sic argumentatur. In divinis plures inveniuntur personae in una natura. In rebus autem humanis una persona in duabus naturis, scilicet anima et corpore. Ergo et invenitur medium, scilicet quod sit una persona in una natura: quod non esset, si natura spiritualis corpori uniretur.

 

4. L’ange est dans un corps assumй. Donc si un autre corps lui йtait uni naturellement, il en dйcoulerait que deux corps seraient ensemble dans un mкme [кtre], ce qui est impossible. Donc il y a des substances spirituelles crййes qui sont sans corps uni naturellement а eux.

 s. c. 4 Praeterea, Angelus est in corpore assumpto. Si ergo corpus aliud sibi naturaliter uniretur, sequeretur quod duo corpora simul essent in eodem; quod est impossibile. Sunt ergo aliquae spirituales substantiae creatae non habentes corpora naturaliter sibi unita.

 

Rйponse

Parce que notre connaissance commence par les sens, et que la sensation est pour ce qui est corporel, au commencement les hommes qui cherchaient la vйritй ne purent saisir  seulement que  la nature corporelle, en tant que les premiers philosophes naturalistes pensaient qu’il n’existait que des corps ; c'est pourquoi ils disaient que l’вme йtait un corps. Les hйrйtiques manichйens semblent les avoir suivis, eux qui pensaient que Dieu йtait une certaine lumiиre corporelle йtendue sur d’infinis espaces. Ainsi aussi les Anthropomorphites[134] qui ajoutaient que Dieu йtait figurй avec les traits d’un corps humain, considйraient qu’il n’existait rien que des corps.

 co. Respondeo. Dicendum quod quia nostra cognitio a sensu incipit, sensus autem corporalium est, a principio homines de veritate inquirentes solum naturam corpoream capere potuerunt, in tantum quod primi naturales philosophi nihil esse nisi corpora aestimabant; unde et ipsam animam corpus esse dicebant. Quos etiam secuti videntur Manichaei haeretici, qui Deum lucem quamdam corpoream per infinita distensam spatia esse existimabant. Sic etiam et Anthropomorphitae, qui Deum lineamentis humani corporis figuratum esse astruebant, nihil ultra corpora esse suspicabantur.

 

Mais les philosophes suivants, transcendant rationnellement par l’esprit ce qui est corporel, parvinrent а la connaissances des substances incorporelles. Parmi eux Anaxagore le premier parce qu’il plaзait par principe que tous les corps йtaient mкlйs entre eux, il fut forcй de placer au-dessus de ce qui corporel un кtre incorporel sans mйlange, qui distinguerait ce qui est corporel et le mettrait en mouvement. Nous l’appelons Dieu. Platon a suivi un autre chemin pour placer des substances incorporelles. Car il a pensй qu’avant tout кtre participant, il est nйcessaire de placer quelque chose d’abstrait et de participй. C'est pourquoi comme tous les corps sensibles participent а ce qui leur est attribuй, а savoir la nature des genres et des espиces, et autres universellement, d’aprиs ses paroles, il a placй des natures de ce genre abstraites du sensible et subsistantes par soi, qu’il appelait les substances sйparйes.

Sed posteriores philosophi rationabiliter per intellectum corporalia transcendentes, ad cognitionem incorporeae substantiae pervenerunt. Quorum Anaxagoras primus, quia ponebat a principio omnia corporalia invicem esse immixta, coactus fuit ponere supra corporalia aliquod incorporeum non mixtum, quod corporalia distingueret et moveret. Et hoc vocabat intellectum distinguentem et moventem omnia, quem nos dicimus Deum. Plato vero est alia via usus ad ponendum substantias incorporeas. Existimavit enim quod ante omne esse participans, necesse est ponere aliquid abstractum participatum. Unde cum omnia corpora sensibilia participent ea quae de ipsis praedicantur, scilicet naturas generum et specierum et aliorum universaliter de ipsis dictorum, posuit huiusmodi naturas abstractas a sensibilibus per se subsistentes, quas substantias separatas nominabat.

 

Aristote (Mйtaphysique, XII, 8, 1073 a) a progressй : il a pensй qu’il existait des substances sйparйes par la perpйtuitй du mouvement cйleste. Car il faut penser que les mouvements cйlestes ont une finalitй. Mais si la fin d’un mouvement ne se comporte pas toujours de la mкme maniиre, mais est mы par soi ou par accident, il est nйcessaire que ce mouvement ne se comporte pas toujours uniformйment, c'est pourquoi le mouvement naturel des corps lourds et lйgers devient plus intense, quand il approche de cet йtat : ‘кtre dans son lieu propre’. Mais nous voyons dans les mouvements des corps cйlestes que toujours l’uniformitй est conservйe ; а partir de lа il a pensй а la perpйtuitй de ce mouvement uniforme. Donc il fallait penser que la fin de ce moteur n’est pas d’кtre mы, ni par soi, ni par accident. Mais tout corps ou ce qui est dans un corps est mobile par soi ou par accident. Ainsi donc il a йtй nйcessaire de placer une substance tout а fait sйparйe du corps, qui est la finalitй du mouvement cйleste.

Aristoteles vero processit ad ponendum substantias separatas ex perpetuitate caelestis motus. Oportet enim caelestis motus aliquem finem ponere. Si autem finis alicuius motus non semper eodem modo se habeat, sed moveatur per se vel per accidens, necesse est illum motum non semper uniformiter se habere; unde motus naturalis gravium et levium magis intenditur cum appropinquat ad hoc quod est esse in loco proprio. Videmus autem in motibus caelestium corporum semper uniformitatem servari; ex quo existimavit huius uniformis motus perpetuitatem. Oportebat igitur ut poneret finem huius motus non moveri nec per se nec per accidens. Omne autem corpus vel quod est in corpore, mobile est per se vel per accidens. Sic ergo necessarium fuit quod poneret aliquam substantiam omnino a corpore separatam, quae esset finis motus caelestis.

 

A ce sujet on voit que ces trois opinions, dont on a parlй, sont diffиrentes, Anaxagore n’a  considйrй comme nйcessaire de poser selon les principes qu’il avait supposйs qu’une seule substance incorporelle. Mais Platon a considйrй comme nйcessaire d’en placer beaucoup et ordonnйes entre elles, selon la pluralitй et l’ordre des genres, des espиces et autres, qu’il pensait abstraits, car il a placй un premier abstrait, qui serait essentiellement bon et unique et par la suite diffйrentes ordres d’intelligibles et d’intellects. Mais Aristote a placй plusieurs substance sйparйes. En effet comme dans le ciel apparaissent de nombreux mouvements, dont il pensait que n’importe lequel йtait uniforme, et perpйtuel, mais il fallait que leur mouvement soit une fin propre, par laquelle la fin d’un tel mouvement doit кtre est une substance incorporelle, la consйquence en a йtй  qu’il a placй de nombreuses substances incorporelles ordonnйes entre elles, selon la nature et l’ordre des mouvements cйlestes. Et il n’est pas allй au-delа en les plaзant, parce que c’est le propre de sa philosophie de ne pas s’йloigner de ce qui йvident.

In hoc autem videtur tres praedictae positiones differre, quod Anaxagoras non habuit necesse ponere secundum principia ab eo supposita nisi unam substantiam incorpoream. Plato autem necesse habuit ponere multas et ad invicem ordinatas, secundum multitudinem et ordinem generum et specierum et aliorum, quae abstracta ponebat; posuit enim primum abstractum, quod essentialiter esset bonum et unum, et consequenter diversos ordines intelligibilium et intellectuum. Aristoteles autem posuit plures substantias separatas. Cum enim in caelo appareant multi motus, quorum quemlibet ponebat esse uniformem et perpetuum; cuiuslibet autem motus oportet esse aliquem proprium finem, ex quo finis talis motus debet esse substantia incorporea, consequens fuit ut poneret multas substantias incorporeas ad invicem ordinatas secundum naturam et ordinem caelestium motuum. Nec ultra in eis ponendis processit, quia proprium philosophiae eius fuit a manifestis non discedere.

 

Mais ces voies ne sont pas pour nous trиs appropriйes parce que nous ne pensons pas qu’il y ait le mйlange des sensibles avec Anaxagore, ni l’abstrait des universels avec Platon, ni la perpйtuitй du mouvement avec Aristote. C'est pourquoi il faut que nous procйdions pas d’autres chemins pour йclairer notre propos.

Sed istae viae non sunt nobis multum accommodae: quia neque ponimus mixtionem sensibilium cum Anaxagora, neque abstractionem universalium cum Platone, neque perpetuitatem motus cum Aristotele. Unde oportet nos aliis viis procedere ad manifestationem propositi.

 

1. Il apparaоt qu’il y a des substances tout а fait sans corps de par la perfection de l’univers.  Car telle semble кtre la perfection de l’univers, qu’il ne lui manque aucune nature qui a la possibilitй d’exister, c’est pour cela que les choses particuliиres sont dites bonnes, mais tout l’ensemble trиs bon (Genиse, 1). Il est йvident que s’il y a deux choses, dont l’une ne dйpend pas de l’autre, selon sa propre nature, il est possible de la trouver sans l’autre ; ainsi l’animal selon sa nature ne dйpend pas de la rationalitй; c'est pourquoi il est possible de trouver des animaux sans raison. Il est aussi de la nature de la substance qu’elle subsiste par soi, ce qui ne dйpend en aucune maniиre de la nature du corps, puisque pour cette nature il y a des accidents : а savoir les dimensions, elle regarde d’une certaine maniиre ce par quoi sa subsistance n’est pas causйe. Il reste donc que, aprиs Dieu qui n’est contenu dans aucune genre, on  trouve dans le genre de la substance des substances sans corps.

Primo igitur apparet esse aliquas substantias omnino a corporibus absolutas ex perfectione universi. Talis enim videtur esse universi perfectio, ut non desit ei aliqua natura quam possibile sit esse; propter quod singula dicuntur bona, omnia autem simul valde bona. Manifestum est autem quod si aliqua duo sunt, quorum unum ex altero non dependeat secundum suam rationem, possibile est illud sine alio inveniri: sicut animal secundum suam rationem non dependet a rationali; unde possibile est inveniri animalia non rationalia. Est autem de ratione substantiae quod per se subsistat; quod nullo modo dependet a corporis ratione, cum ratio corporis quaedam accidentia, scilicet dimensiones, aliquo modo respiciat, a quibus non causatur subsistere. Relinquitur igitur quod post Deum, qui non continetur in aliquo genere, inveniantur in genere substantiae aliquae substantiae a corporibus absolutae.

 

2. On peut faire la mкme constatation  dans l’ordre des choses, qui se trouve кtre tel qu’on ne parvient d’un extrкme а un autre que par des intermйdiaires ; ainsi on trouve immйdiatement du feu sous le corps cйleste, sous lequel il y a l’air, sous lequel il y a l’eau sous laquelle il y a la terre, d’aprиs l’enchaоnement de la noblesse et de la subtilitй de ces corps. Mais il y a au tout sommet des choses ce qui est un et simple, de toutes les maniиres et qui est Dieu. Donc il n’est pas possible que sous Dieu on place immйdiatement la substance corporelle, qui est tout а fait composйe et divisible. Mais il faut placer beaucoup d’intermйdiaires, par lesquels on en vient de la simplicitй divine suprкme а la pluralitй corporelle. Les intermйdiaires sont des substances incorporelles non unies а des corps, mais certaines des substance incorporelles sont unies а des corps.

2. Secundo potest idem considerari ex ordine rerum, qui talis esse invenitur ut ab uno extremo ad alterum non perveniatur nisi per media: sicut sub corpore caelesti invenitur immediate ignis, sub quo aer, sub quo aqua, sub quo terra, secundum scilicet consequentiam nobilitatis et subtilitatis horum corporum. Est autem in summo rerum vertice id quod est omnibus modis simplex et unum, scilicet Deus. Non igitur possibile est quod immediate sub Deo collocetur corporalis substantia, quae est omnino composita et divisibilis. Sed oportet ponere multa media per quae deveniatur a summa simplicitate divina ad corpoream multiplicitatem; quorum mediorum aliqua sunt substantiae incorporeae corporibus non unitae, aliqua vero substantiae incorporeae corporibus unitae.

 

3. La mкme chose apparaоt par les propriйtйs de l’intellect. Car il est clair que comprendre est une opйration qui ne peut pas se faire par le corps, comme c’est prouvй dans L’вme, (III, 4, 429 ab). C'est pourquoi il faut que la substance dont c’est l’opйration, ait un кtre qui ne dйpende pas du corps, mais qu’elle soit йlevйe au-dessus de lui ; en effet chaque chose opиre de la maniиre dont elle existe. Donc si quelque substance intelligente[135] est unie а un corps, cela ne sera pour lui en tant qu’il est intelligent, mais selon quelque chose d’autre ; comme on a dit ci-dessus, qu’il est nйcessaire que l’вme humaine soit unie а un corps, en tant qu’elle a besoin des opйrations exercйes par lui pour complйter l’opйration intellectuelle, dans la mesure oщ elle comprend en abstrayant des images. Cela arrive а l’opйration intellectuelle, et il convient а son imperfection, qu’elle tire sa connaissance seulement de ce qui est intelligible en puissance ; ainsi l’imperfection de la vue de la chouette nйcessite qu’elle voit dans le noir. Ce qui est joint par accident а quelque chose  ne se trouve pas avec lui dans tous les cas. Il faut aussi qu’avant qu’il y ait  quelque chose d’imparfait dans un genre, on trouve ce qui est parfait dans ce genre[136] ; parce que le parfait est par nature avant l’imparfait, comme l’acte avant le puissance. Il reste donc qu’il faut placer des substances incorporelles, qui ne soient pas unies а un corps, sans qu’elles n’aient besoin d’un corps pour leur opйration intellectuelle.

3. Tertio, apparet idem ex proprietate intellectus. Manifestum est enim quod intelligere est operatio quae per corpus fieri non potest, ut probatur in III de anima. Unde oportet quod substantia cuius est haec operatio, habeat esse non dependens a corpore, sed supra corpus elevatum; sicut enim est unumquodque, ita operatur. Si ergo aliqua substantia intelligens corpori uniatur, hoc non erit ei in quantum est intelligens, sed secundum aliquid aliud; sicut supra dictum est, quod necessarium est, animam humanam uniri corpori, in quantum indiget operationibus per corpus exercitis ad complementum intellectualis operationis, prout intelligit a phantasmatibus abstrahendo. Quod quidem accidit intellectuali operationi, et pertinet ad imperfectionem ipsius, ut ex his quae sunt intelligibilia solum in potentia scientiam capiat; sicut est de imperfectione visus vespertilionis, quod necesse habeat videre in obscuro. Quod autem per accidens adiungitur alicui, non in omnibus cum eo invenitur. Oportet etiam quod ante esse imperfectum in aliquo genere, inveniatur id quod est perfectum in genere illo; quia perfectum est naturaliter prius imperfecto, sicut actus potentia. Relinquitur igitur quod oportet ponere aliquas substantias incorporeas corpori non unitas, utpote non indigentes aliquo corpore ad intellectualem operationem.

 

Solutions

1. Sur ce sujet il ne faut pas recevoir l’autoritй d’Origиne, parce qu’il parle de beaucoup de choses erronйes en suivant les opinions des anciens philosophes.

1. Ad primum ergo dicendum quod in hoc non est auctoritas Origenis recipienda; quia multa in illo libro erronee loquitur, sequens opiniones antiquorum philosophorum.

 

2. Paschaise parle des choses spirituelles[137] qui sont en liaison avec des choses temporelles. Par leur vente et leur achat on comprend que des choses spirituelles sont achetйes ou vendues. Car les droits spirituels ou les consйcrations ne subsistent pas sйparйment par elles-mкmes, par les choses corporelles ou temporelles qui leur sont attachйes.

2. Ad secundum dicendum quod Paschasius loquitur de spiritualibus quibus sunt annexa temporalia, cum quorum venditione vel emptione ipsa spiritualia emi vel vendi intelliguntur. Iura enim spiritualia vel consecrationes non per se seorsum subsistunt a corporalibus vel temporalibus, quae eis annectuntur.

 

3. Tout esprit crйй a besoin de l’aide d’un corps; certains pour eux, comme l’вme raisonnable, d’autres pour nous comme les anges, qui nous apparaissent dans des corps assumйs.

3. Ad tertium dicendum quod omnis spiritus creatus indiget solatio corporeo: quidam propter se, ut anima rationalis; quidam propter nos, ut Angeli qui in corporibus assumptis nobis apparent.

 

4. On pense que les substances spirituelles crййes, quant а leur кtre sont mesurйes par l’aevum[138], bien que leur mouvement soit mesurй par le temps, selon ce mot d’Augustin (La Genиse au sens litt. VIII, 22, 43), que Dieu meut la crйature spirituelle par le temps. Mais dire qu’elles peuvent retourner au non кtre, ne convient pas а une puissance qui existe par elles, mais а la puissance de l’agent. Car de mкme qu’avant qu’elles existent, elles pouvaient exister par le seule puissance de l’agent, de mкme quand elles existent, elles peuvent ne pas кtre par la seule puissance de Dieu, qui peut retirer la main qui les conserve. Mais en elles il n’y a aucune puissance au non кtre, de mкme qu’elles sont mesurйes par le temps, comme celles qui peuvent кtre mues. Bien qu’elles ne soient pas mues, cependant elles sont mesurйes par le temps.

4. Ad quartum dicendum quod substantiae spirituales creatae quantum ad suum esse ponuntur mensurari aevo, licet eorum motus tempore mensurentur, secundum illud Augustini, IV super Gen. ad litteram, quod Deus movet creaturam spiritualem per tempus. Quod autem dicitur quod possint verti in non esse, non pertinet ad aliquam potentiam in eis existentem, sed ad potentiam agentis. Sicut enim antequam essent, poterant esse per solam potentiam agentis, ita cum sunt possunt non esse per solam potentiam Dei, qui potest subtrahere manum conservantem. In eis vero nulla est potentia ad non esse, ut sic tempore mensurentur, sicut quae possunt moveri. Licet autem non moveantur, tamen tempore mensurantur.

 

5. Etre mы localement par un mouvement intrinsиque et joint, prйsuppose la sensation et la vie. Mais ainsi les corps ne sont pas mus par des corps assumйs par les anges. C’est pourquoi la raison n’est pas valable.

5. Ad quintum dicendum quod moveri secundum locum a movente intrinseco et coniuncto, praesupponit sentire et vivere. Sic autem non moventur corpora ab Angelis assumpta. Unde ratio non sequitur.

 

6. Vivre et donner la vie effectivement est plus noble que vivre seulement ; mais donner la vie formellement cela est d’une substance plus basse que ce qui vit en subsistant par soi sans corps. Car l’кtre de cette substance intellectuelle qui est la forme du corps est plus petit et plus prиs d’une nature corporelle, en tant qu’elle peut lui кtre communiquйe.

6. Ad sextum dicendum quod vivere et dare vitam effective, nobilius est quam vivere tantum. Sed dare vitam formaliter, hoc est ignobilioris substantiae quam ea quae vivit per se subsistendo sine corpore. Esse enim illius intellectualis substantiae quae est forma corporis, est magis infimum et affine corporeae naturae, in tantum ut possit ei communicari.

 

7. Les anges connaissent les formes particuliиres par les formes universelles qui sont les images des raisons idйales par lesquelles Dieu connaоt les universels et les particuliers. Et cependant il faut qu’ils connaissent les futurs particuliers, qui n’ont pas encore participй а la matiиre et а la forme, qui est reprйsentйe par les espиces de l’intellect angйlique. Mais il en est autrement de l’intellect divin йtabli dans un prйsent йternel, il voit la totalitй du temps d’un simple regard.

7. Ad septimum dicendum quod Angeli cognoscunt particularia per formas universales quae sunt similitudines rationum idealium, quibus Deus et universalia et singularia cognoscit. Nec tamen oportet quod cognoscant singularia futura, quae nondum participaverunt materiam et formam, quae repraesentatur per species intellectus angelici. Secus est autem de intellectu divino, qui in nunc aeternitatis constitutus, totum tempus uno intuitu circumspicit.

 

8. Il faut dire que la matiиre est le principe d’individualisation en tant qu’elle est destinйe а кtre reзue dans un autre. Mais les formes qui sont destinйes а кtre reзues dans un autre, ne peuvent pas кtre individualisйes par elles-mкmes, parce que, autant qu’il en est de sa nature, il est indiffйrent pour ceux qui sont reзus dans un ou dans beaucoup. Mais s’il existe une forme qui ne peut pas кtre reзue en quelque chose par cela mкme elle a son individuation, parce qu’elle ne peut pas кtre en plusieurs, mais elle demeure seule en elle-mкme. C’est pourquoi Aristote (Mйtaphysique VII, 14 1039 a 30) dйmontre contre Platon que si les formes des choses sont abstraites, il faut qu’elles soient singuliиres.

8. Ad octavum dicendum quod materia est individuationis principium, in quantum non est nata in alio recipi. Formae vero, quae natae sunt recipi in aliquo subiecto, de se individuatae esse non possunt; quia quantum est de sui ratione, indifferens est eis quod recipiantur in uno vel pluribus. Sed si aliqua forma sit quae non sit in aliquo receptibilis, ex hoc ipso individuationem habet, quia non potest in pluribus esse, sed ipsa sola manet in seipsa. Unde Aristoteles, in VII Metaph., contra Platonem arguit, quod si formae rerum sint abstractae, oportet quod sint singulares.

 

9. Dans les composйs de matiиre et de forme, l’individu ajoute а la nature de l’espиce la disposition de la matiиre et les accidents individuels. Mais dans les formes abstraites, l’individu n’ajoute pas sur la nature de l’espиce quelque chose en rйalitй, parce qu’en de tels individus l’essence est elle-mкme individu subsistant, comme le philosophe le montre (Mйtaphysique,  VII, ibid.). Il ajoute cependant quelque chose selon sa nature, а savoir ce qui est ne peut pas exister dans plusieurs. 

9. Ad nonum dicendum quod in compositis ex materia et forma, individuum addit supra naturam speciei designationem materiae et accidentia individualia. Sed in formis abstractis non addit individuum supra naturam speciei aliquid secundum rem, quia in talibus essentia eius est ipsummet individuum subsistens, ut patet per philosophum in VII Metaph. Addit tamen aliquid secundum rationem, scilicet hoc quod est non posse existere in pluribus.

 

10. Les substances qui sont sйparйes des corps, sont des formes seulement, elles ne sont pas cependant les actes d’une matiиre. Car bien que la matiиre ne puisse pas кtre sans forme, cependant la forme peut exister sans matiиre, parce que celle-ci a l’кtre par la forme et non pas le contraire.

10. Ad decimum dicendum quod substantiae quae sunt a corporibus separatae, sunt formae tantum, non tamen sunt actus alicuius materiae. Licet enim materia non possit esse sine forma, tamen forma potest esse sine materia, quia materia habet esse per formam, et non e converso.

 

11. Parce que l’вme est la plus petite parmi les substances spirituelles, elle a une plus grande affinitй avec la nature corporelle pour pouvoir кtre sa forme que les substances supйrieures.

11. Ad undecimum dicendum quod anima, quia est infima inter substantias spirituales, maiorem habet affinitatem cum natura corporea, ut possit esse eius forma, quam superiores substantiae.

 

 

Article  6 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps cйleste ? Sexto quaeritur utrum substantia spiritualis caelesti corpori uniatur.

 

Il semble que oui.

Et videtur quod sic.

 

Objections[139]

1. Car Denys dit (les Noms divins 7, lectio 4) que la sagesse divine joint les limites des premiers au commencemet des seconds[140]. Par lа on peut comprendre que la nature infйrieure en son niveau le plus haut touche le supйrieur en son niveau le plus bas. Mais dans la nature corporelle le plus haut c’est le corps cйleste, et le plus bas dans la nature spirituelle est l’вme. Donc le corps cйleste est animй.

1. Dicit enim Dionysius cap. VII de divinis nominibus, quod divina sapientia coniungit fines primorum principiis secundorum. Ex quo potest accipi quod natura inferior in sui summo attingat superiorem in sui infimo. Supremum autem in natura corporea est corpus caeleste, infimum autem in natura spirituali est anima. Ergo corpus caeleste est animatum.

 

2. La forme d’un corps plus noble est plus noble[141]. Mais le corps cйleste est le plus noble des corps, et l’вme est la plus noble des formes. Si donc des corps infйrieurs sont animйs le corps cйleste le sera beaucoup plus.

2. Praeterea, nobilioris corporis nobilior est forma. Corpus autem caeleste est nobilissimum corporum, et anima est nobilissima formarum. Si ergo aliqua inferiora corpora sunt animata, multo magis corpus caeleste animatum erit.

 

3. Mais on pourrait dire que, bien que le corps cйleste ne soit pas animй, cependant la forme, par laquelle ce corps est un corps est plus noble que la forme par laquelle le corps de l’homme est un corps. – En sens contraire  ou bien dans le corps humain, il y a une autre forme substantielle en plus de l’вme raisonnable, qui donne l’кtre au corps, ou non. Si c’est non, alors l’вme donne l’кtre substantiel au corps, puisque l’вme est la plus noble des formes, il en dйcoule que la forme par laquelle le corps humain est corps est plus noble que la forme par laquelle le corps cйleste est corps. Mais s’il y a une autre forme substantielle dans l’homme, qui donne l’кtre au corps en plus de l’вme raisonnable, il est йvident que par cette forme le corps humain est susceptible d’avoir l’вme raisonnable. Mais ce qui est susceptible d’avoir une bontй parfaite, est meilleur que ce qui n’en est pas susceptible, comme il est dit (Le ciel et le monde, II, 12, 292 b). Donc si le corps cйleste n’est pas susceptible d’avoir une вme raisonnable, il en dйcoule que la forme par laquelle le corps humain est corps est plus noble que la forme par laquelle le corps cйleste est corps, ce qui paraоt ne pas convenir.

3. Sed dicebat, quod licet corpus caeleste non sit animatum, tamen forma qua illud corpus est corpus, est nobilior quam forma qua corpus hominis est corpus.- Sed contra, aut in corpore humano est alia forma substantialis praeter animam rationalem quae dat esse corpori, aut non. Si non, sed ipsa anima dat esse substantiale corpori, cum anima sit nobilissima formarum, sequetur quod forma per quam corpus humanum est corpus, sit nobilior quam forma per quam corpus caeleste est corpus. Si autem sit alia forma substantialis in homine dans esse corpori praeter animam rationalem, manifestum est quod per illam formam corpus humanum sit susceptivum animae rationalis. Quod autem est susceptivum perfectae bonitatis, est melius eo quod non est susceptivum, ut dicitur II de caelo et mundo. Si ergo corpus caeleste non est susceptivum animae rationalis, adhuc sequetur quod forma per quam corpus humanum est corpus, est nobilior quam forma per quam corpus caeleste est corpus; quod videtur inconveniens.

 

4. La perfection de l’univers requiert qu’а aucun corps ne soit refusй ce vers quoi il  tend naturellement. Mais tout corps a une inclination naturelle, vers ce dont il a besoin pour son opйration. Mais l’opйration propre du corps cйleste est le mouvement circulaire pour lequel il a besoin d’une substance spirituelle. Car ce moteur ne peut pas acquйrir une forme corporelle, de mкme que le mouvement du lourd et du lйger, parce qu’il faudrait que le mouvement cesse quand il serait parvenu а un certain point dйterminй, comme cela arrive dans le lourd et le lйger, ce qui paraоt faux. Il reste donc que les corps cйlestes ont ces substances spirituelles qui leur sont unies.

4. Praeterea, perfectio universi requirit ut nulli corpori denegetur id ad quod naturaliter inclinatur. Omne autem corpus habet naturalem inclinationem ad id quo indiget ad suam operationem. Operatio autem propria corporis caelestis est motus circularis, ad quam indiget substantia spirituali. Non enim hic motus potest consequi aliquam formam corporalem, sicut motus gravium et levium; quia oporteret quod motus cessaret cum perveniretur ad aliquod ubi determinatum, sicut accidit in gravibus et levibus; quod patet esse falsum. Relinquitur ergo quod corpora caelestia habent substantias spirituales sibi unitas.

 

5. Tout ce qui existe dans un certain arrangement est mы naturellement, ce qui existe dans un mкme arrangement ne peut pas s’arrкter sinon avec violence, comme le corps lourd ou le corps lйger qui se trouvent hors de leur assise. Mais si le mouvement du ciel dйpend d’une forme naturelle, il faut que ce qui se trouve en n’importe quel lieu, soit mы naturellement. Donc en n’importe quel lieu, oщ il est placй pour s’arrкter, il ne se s’arrкte que par violence. Mais rien de violent ne peut кtre perpйtuel. Donc le ciel ne s’arrкtera pas йternellement aprиs le jour du jugement, comme nous le pensons selon notre foi. Donc comme cela ne conviendrait pas, il semble nйcessaire de dire que le ciel est mы par un mouvement volontaire ; et ainsi il en dйcoule que le ciel est animй.

5. Praeterea, omne quod in aliqua dispositione existens movetur naturaliter, in eadem dispositione existens non potest quiescere nisi violenter, sicut corpus grave aut leve extra suum ubi existens. Sed si motus caeli sit a forma naturali, oportet quod in quolibet ubi existens naturaliter moveatur. Ergo in quolibet ubi ponatur quiescere, non quiescet nisi per violentiam. Nullum autem violentum potest esse perpetuum. Non ergo in perpetuum quiescet caelum post diem iudicii, ut secundum fidem ponimus. Cum ergo hoc sit inconveniens necesse videtur dicere quod caelum movetur motu voluntario; et sic sequitur quod caelum sit animatum.

 

6. Dans chaque genre, ce qui est par soi est avant ce qui est par un autre. Mais le ciel est premier dans le genre des mobiles. Donc il est mы par soi comme se mouvant lui-mкme. Mais tout ce qui se meut soi-mкme est divisй en deux parties, dont l’une et le moteur par appйtit, comme l’вme et l’autre le mы, comme le corps. Donc le corps cйleste est animй.

6. Praeterea, in quolibet genere, quod est per se prius est eo quod est per aliud. Sed caelum est primum in genere mobilium. Ergo est per se motum tamquam movens seipsum. Omne autem movens seipsum dividitur in duas partes, quarum una est movens per appetitum, ut anima, et alia mota, ut corpus. Corpus igitur caeleste est animatum.

 

7. Rien de ce qui est mы par un moteur totalement extйrieur, n’a un mouvement naturel. Donc comme le mouvement du ciel est [produit] par une substance spirituelle, selon Augustin (La Trinitй, III, IV, 9[142]) Dieu gouverne la substance corporelle par la substance spirituelle ; si cette substance ne lui йtait pas unie, et si elle йtait totalement extйrieure, le mouvement du ciel ne serait pas naturel, ce qui est contre le philosophe, (Le ciel I, 8, 276 b 4).

7. Praeterea, nihil quod movetur a motore totaliter extrinseco, habet motum naturalem. Cum ergo motus caeli sit a substantia spirituali, quia secundum Augustinum, III de Trinit., Deus administrat corporalem substantiam per spiritualem; si illa substantia non uniretur ei, sed esset totaliter extrinseca, motus caeli non esset naturalis; quod est contra philosophum in I de caelo.

 

8. Si cette substance spirituelle qui meut le ciel йtait extйrieure seulement, on ne pourrait pas dire qu’elle mettrait en mouvement le seul ciel par sa volontй, parce qu’ainsi sa volontй serait son action, ce qui n’appartient qu’а Dieu seul. Donc il faudrait que quelque chose soit introduit pour le mouvoir, et ainsi, comme son pouvoir serait infini, il en dйcoulerait que la fatigue lui arriverait  dans son mouvement pendant une longue pйriode de temps; ce qui ne convient pas, et surtout selon ceux qui placent l’йternitй du temps. Donc la substance spirituelle qui meut le ciel lui est unie.

8. Praeterea, substantia illa spiritualis movens caelum si esset extrinseca tantum, non posset dici quod moveret caelum solum volendo; quia sic eius velle esset eius agere, quod est solius Dei. Oporteret igitur quod aliquid immitteret ad movendum; et sic, cum eius virtus sit finita, sequeretur quod accideret ei fatigatio in movendo per diuturnitatem temporis; quod est inconveniens, et maxime secundum ponentes aeternitatem motus. Ergo substantia spiritualis quae movet caelum, est ei unita.

 

9. Comme on le voit en (Physique, IV, 8, 5 ( ?)) les moteurs des sphиres infйrieures sont mus par accident, mais pas les moteurs de la sphиre supйrieure. Mais le moteur de la sphиre supйrieure est uni а sa sphиre comme moteur. Donc les moteurs des sphиres infйrieures leur sont unies non seulement comme moteur, mais comme formes et ainsi au moins les sphиres infйrieures sont animйes.

9. Praeterea, sicut habetur in IV Physic., motores inferiorum orbium moventur per accidens, non autem motor superioris orbis. Sed motor superioris orbis unitur suo orbi ut motor. Ergo motores inferiorum orbium uniuntur eis non solum ut motores, sed ut formae; et sic ad minus inferiores orbes sunt animati.

 

10. Comme en Mйtaphysique, IX (XII, comm. 48), le commentateur dit que les substances sйparйes sont dans la meilleure disposition, en laquelle ils peuvent se trouver ; cela est pour que chacune d’elles meuve le corps cйleste, comme agent et comme fin. Mais cela n’existerait que si elles йtaient unies de quelque maniиre. Donc les substances incorporelles sont unies aux corps cйlestes, ainsi ceux-ci paraissent кtre animйs.

10. Praeterea, ut in XI Metaph. Commentator dicit, substantiae separatae sunt in optima dispositione in qua esse possunt; et hoc est ut unaquaeque earum moveat corpus caeleste et ut agens, et ut finis. Non autem hoc esset, nisi aliquo modo eis unirentur. Ergo corporibus caelestibus sunt unitae substantiae incorporeae; et sic corpora caelestia videntur esse animata.

 

11. Le Commentateur dans le mкme livre (comm. 25) dit expressйment  que les corps cйlestes sont animйs.

11. Praeterea, Commentator in eodem libro expresse dicit, corpora caelestia animata esse.

 

12. Rien n’agit hors de son espиce ; car l’effet ne peut pas кtre plus puissant que sa cause ; Mais la substance vivante est meilleure que celle sans vie, comme le dit Augustin (La vraie religion, LV, 109). Donc comme les corps cйlestes causent la vie et surtout dans les animaux, engendrйs par la putrйfaction, il semble que les corps cйlestes vivent et sont animйs.

12. Praeterea, nihil agit extra suam speciem; effectus enim non potest esse potior sua causa. Substantia autem vivens est melior non vivente, ut dicit Augustinus, de vera religione. Cum ergo corpora caelestia causent vitam, maxime in animalibus, ex putrefactione generatis, videtur quod corpora caelestia vivant et sint animata.

 

13. Le Commentateur dit dans le livre de La substance des sphиres (II) que le moteur circulaire est plus propre pour l’вme. Donc ces corps pour lesquels il est naturel d’кtre mы de faзon circulaire semblent tout а fait animйs[143]. Mais tels sont les corps cйlestes. Donc ils sont animйs.

13. Praeterea, Commentator dicit in libro de substantia orbis, quod motus circularis proprius est animae. Maxime ergo videntur illa corpora esse animata quibus est naturale circulariter moveri. Talia autem sunt corpora caelestia. Ergo corpora caelestia sunt animata.

 

14. Louer, raconter et exulter, ne conviennent qu’а un кtre animй et douй de connaissance. Mais les prйmisses sont attribuйes au ciel dans l’Йcriture sainte, selon ce verset du Ps. (148, 4) « Louez-le cieux des cieux » et (18, 1) : « Les cieux proclament la gloire de Dieu », et Apo., 18, 20 : « Exaltez le ciel au-dessus d’elle ». Donc les cieux sont animйs.

14. Praeterea, laudare, narrare et exultare, non convenit nisi rei animatae et cognoscenti. Sed praemissa attribuuntur caelis in sacra Scriptura, secundum illud Ps.: laudate eum caeli caelorum; et: caeli enarrant gloriam Dei; et Apoc. XIV: exulta super eam caelum. Ergo caeli sunt animati.

 

En sens contraire

1. Il y a ce que dit Jean Damescиne (La foi orthodoxe, II, 6) : « Personne ne pense que les cieux et les luminaires sont animйs, car ils sont inanimйs et insensibles[144] ».

1. Sed contra. Est quod Damascenus dicit II libro: nullus animatos caelos vel luminaria existimet; inanimati sunt enim et insensibiles.

 

2. L’вme unie а un corps ne se sйpare de lui que par la mort. Mais les corps cйlestes ne peuvent pas кtre mortels, puisqu’ils sont incorruptibles. Donc si des substances spirituelles leur sont unies comme des вmes, elles seront liйes а eux pour toujours et il ne semble pas convenir que  des anges soient destinйs perpйtuellement а certains corps.

2. Praeterea, anima unita corpori non separatur ab eo nisi per mortem. Sed corpora caelestia non possunt esse mortalia, cum sint incorruptibilia. Ergo si substantiae spirituales aliquae uniantur eis ut animae, perpetuo erunt eis alligatae; et hoc videtur inconveniens, quod aliqui Angeli perpetuo aliquibus corporibus deputentur.

 

3. La sociйtй cйleste des bienheureux est composйe des anges et des вmes. Mais les вmes des cieux, si les cieux sont animйs, ne sont contenues sous aucune des deux parties. Donc il y aurait certaines crйatures raisonnables qui ne pourraient pas participer а la bйatitude, ce qui semble ne pas convenir.

3. Praeterea, caelestis societas beatorum ex Angelis et animis constat. Sed caelorum animae, si sunt caeli animati, sub neutra parte continentur. Ergo aliquae creaturae rationales essent quae non possent esse participes beatitudinis; quod videtur inconveniens.

 

4. Toute crйature raisonnable considйrйe en sa nature peut pйcher. Donc si certaines crйatures raisonnables sont unies а des corps cйlestes, rien n’empкche que l’une d’elle ait pйchй, et ainsi il en dйcoulerait que  l’un des corps cйlestes serait mы par un esprit mauvais, ce qui paraоt absurde.

4. Praeterea, omnis creatura rationalis secundum suam naturam considerata potest peccare. Si igitur aliquae rationales creaturae sunt corporibus caelestibus unitae, nihil prohibuit aliquam earum peccasse; et sic sequeretur quod aliquod caelestium corporum moveretur a malo spiritu: quod videtur absurdum.

 

5. Nous devons implorer la faveur des bons esprits. Si donc des esprits sont unis aux corps cйlestes, comme il ne convient pas de placer ceux qui sont mauvais, mais qu’il faut placer les bons, vu qu’ils servent Dieu dans le gouvernement des natures corporelles, il en dйcoulerait qu’il faudrait implorer leur faveur. Mais il semblerait absurde que quelqu’un dise :  Soleil, et lune, priez pour nous. Donc il ne faut pas penser qu’il y a des esprits  unis а des corps cйlestes.

5. Praeterea, bonorum spirituum suffragia implorare debemus. Si igitur spiritus aliqui corporibus caelestibus sunt uniti, cum non sit conveniens ponere eos malos, sed oporteat eos bonos ponere, utpote in administratione naturae corporeae Deo servientes, sequeretur quod eorum suffragia essent imploranda. Videretur autem absurdum, si quis diceret: sol, et luna, ora pro me. Non est ergo ponendum spiritus aliquos corporibus caelestibus esse unitos.

 

6. L’вme contient un corps auquel elle est unie selon le philosophe (L’вme, I,   411 b 7[145]). Si donc les corps cйlestes sont animйs il en dйcoulerait qu’une substance spirituelle crййe contiendrait tout le ciel, ce qui est absurde, puisque c’est le propre de la seule Sagesse incrййe : de sa personne il est dit dans l’Eccl. (Si. 24, 5) dit : « Seule, j’ai fait le tour du cercle du ciel ».

6. Praeterea, anima continet corpus cui unitur, secundum philosophum in I de anima. Si igitur corpora caelestia sunt animata, sequeretur quod aliqua substantia spiritualis creata contineat totum caelum: quod est absurdum; cum hoc solius sapientiae increatae sit, ex cuius persona dicitur Eccli. XXIV: gyrum caeli circuivi sola.

 

Rйponse

Il faut dire sur cette question qu’il y a eu des opinons diffйrentes tant parmi les philosophes anciens que par les docteur ecclйsiastiques[146]. Anaxagore a pensй que les corps cйlestes йtaient inanimйs, c'est pourquoi il fut tuй pas les Athйniens car il avait dit que le soleil йtait une pierre йchauffйe[147]. Platon et Aristote et leurs disciples, ont pensй que les corps cйlestes йtaient animйs. De la mкme maniиre, parmi les docteurs de l’Йglise, Origиne a pensй que les corps cйlestes йtaient animйs.  Jйrфme l’a suivi, comme on le voit dans une glose sur ce verset de Eccl. I, 6[148] « Le vent s’achemine, purifiant tout autour de lui. » Jean Damascиne a assurй que les corps cйlestes йtaient inanimйs, comme on le voit dans l’autoritй citйe. Mais Augustin reste dans le doute dans Le De Genesis ad litteram (II, XVIII, 38[149]) et l’Enchiridion (LVIII).

Respondeo. Dicendum quod circa hanc quaestionem fuerunt diversae opiniones tam inter antiquos philosophos, quam etiam inter ecclesiasticos doctores. Anaxagoras autem existimavit corpora caelestia esse inanimata; unde ab Atheniensibus occisus est: dixit enim solem esse lapidem accensum. Plato vero et Aristoteles et eorum sequaces posuerunt corpora caelestia esse animata. Similiter et inter doctores Ecclesiae, Origenes posuit corpora caelestia animata; quem secutus est Hieronymus, ut patet in quadam Glossa super illud Eccle. I: lustrans universa in circuitu pergit spiritus. Damascenus vero astruit corpora caelestia inanimata esse, ut patet in auctoritate inducta. Augustinus vero relinquit sub dubio, in II super Gen. ad litteram, et in Enchir.

 

Les deux opinions ont un caractиre de probabilitй. Car la considйration de la noblesse des corps cйlestes amиne а penser qu’ils sont animйs, puisqu’on prйfйre, dans le genre des choses, les vivants а tout ce qui est sans vie; mais la considйration de la noblesse des substances spirituelles nous amиne а penser le contraire. Car les substances spirituelles supйrieures ne peuvent avoir pour les opйrations de l’вme, que ce qui concerne l’intellect, parce que les autres opйrations vitales sont des actes de l’вme en tant qu’elle est la forme d’un corps corruptible et changeant, quand elles existent avec un certain changement et une altйration, et l’intellect des substances supйrieures ne semble pas avoir besoin de recevoir la connaissance des sensibles, comme notre intellect. Si donc il n’y a en eux aucune des opйrations vitales sinon comprendre et vouloir, qui n’ont pas besoin d’un organe corporel, leur dignitй ne semble pas dйpasser leur union а un corps.

Utraque autem opinio rationem probabilitatis habet. Consideratio enim nobilitatis corporum caelestium inducit ad ponendum ea esse animata, cum in rerum genere viventia omnibus non viventibus praeferantur; sed consideratio nobilitatis substantiarum spiritualium ad contrarium nos inducit. Non enim superiores spirituales substantiae habere possunt de operibus animae, nisi quae pertinent ad intellectum: quia aliae operationes vitae sunt actus animae in quantum est forma corporis corruptibilis et transmutabilis; cum quadam enim transmutatione et alteratione corporali sunt; nec intellectus superiorum substantiarum indigere videtur ut a sensibilibus cognitionem accipiat, sicut intellectus noster. Si ergo nulla est in eis de operationibus vitae nisi intelligere et velle, quae non indigent organo corporali, earum dignitas unionem ad corpus excedere videtur.

 

De ces deux considйrations, la seconde est plus efficace que la premiиre. Car l’union du corps et de l’вme n’est pas pour le corps, pour qu’il soit ennobli, mais pour l’вme, qui a besoin du corps pour sa perfection, comme on l’a dit ci-dessus. Mais si quelqu’un considиre le sujet avec plus d’attention, il trouvera peut-кtre dans ces deux opinions, qu’il n’y a aucune dissonance ou alors peu importante, ce qu’il faut comprendre ainsi. Car on ne peut pas dire que le mouvement du corps cйleste se conforme а une forme corporelle, comme le mouvement en haut se conforme а la forme du feu. Car il est йvident qu’une forme naturelle ne tend а une seul but. Mais la nature du mouvement s’oppose а l’unitй, parce qu’il est de sa nature que quelque chose se comporte autrement maintenant et avant ; c'est pourquoi la forme naturelle ne tend pas au mouvement pour lui-mкme, mais а кtre dans un certain endroit, celui-ci une fois atteint, le mouvement s’arrкte, et ainsi cela arriverait dans le mouvement du ciel  s’il suit une forme naturelle.

Harum autem duarum considerationum, secunda efficacior est quam prima. Unio enim corporis et animae non est propter corpus, ut corpus scilicet nobilitetur; sed propter animam, quae indiget corpore ad sui perfectionem, sicut supra dictum est. Si quis autem magis intime consideret, forte inveniet in his duabus opinionibus aut nullam aut modicam dissonantiam esse: quod sic intelligendum est. Non enim potest dici quod motus corporis caelestis consequatur aliquam formam corpoream, sicut motus sursum consequitur formam ignis. Manifestum est enim quod una forma naturalis non inclinat nisi ad unum. Ratio autem motus repugnat unitati, quia de ratione motus est quod aliquid aliter se habeat nunc et prius; unde non inclinat forma naturalis ad motum propter ipsum motum, sed propter esse in aliquo ubi, quo adepto quiescit motus; et sic accideret in motu caeli, si consequeretur aliquam formam naturalem. (no §)

 

Il faut donc dire que le mouvement du ciel existe par une substance intelligente. Car la fin de ce mouvement ne peut кtre qu’un bien intelligible abstrait, parce qu’il meut la substance intelligente qui meut le ciel, pour acquйrir sa ressemblance, en opйrant et pour produire en acte ce qui est contenu en puissance dans ce bien intelligible, et surtout l’achиvement du nombre des йlus, pour lesquels tout le reste semble exister[150]. Ainsi donc, il y aura un ordre double des substances spirituelles. Certaines d’entre elles seront les moteurs des corps cйlestes, qui sont tout а fait abstraits et leur sont unies comme moteurs mobiles, comme Augustin le dit (La Trinitй, III, IV, 9) : tous les corps sont gouvernйs par Dieu par l’intermйdiaire de l’esprit raisonnable de vie ; et la mкme chose chez Grйgoire [le Grand] (Les dialogues, IV VI, PL LXXVII, 329). Certains seront la finalitй de ces moteurs, qui sont tout а fait abstraits et non unis а des corps. Mais d’autres sont unis а des corps cйlestes de la mкme maniиre que le moteur est uni а un mobile. Et cela semble suffire pour sauver les opinions de Platon et d’Aristote. Et c’est йvident pour Platon, car comme on l’a dit ci-dessus, il n’a dit que le corps humain йtait animй autrement qu’en tant que l’вme est unie au corps comme moteur. Mais par les paroles d’Aristote il est йvident qu’il n’a placй dans les corps cйlestes au sujet des puissances qu’une вme qu’intellective. Mais l’intellect selon lui, n’est l’acte d’aucun corps.

Oportet igitur dicere, quod motus caeli sit ab aliqua substantia intelligente. Nam finis huius motus non potest esse nisi quoddam bonum intelligibile abstractum, propter quod movet substantia intelligens quae movet caelum, ut scilicet assequatur eius similitudinem, in operando, et ut explicet in actu id quod virtute continetur in illo intelligibili bono; et praecipue completio numeri electorum, propter quos omnia alia esse videntur. Sic igitur erit duplex ordo substantiarum spiritualium. Quarum quaedam erunt motores caelestium corporum, et unientur eis sicut motores mobilibus, sicut et Augustinus dicit in III de Trinitate, quod omnia corpora reguntur a Deo per spiritum vitae rationalem; et idem a Gregorio habetur in IV dialogorum. Quaedam vero erunt fines horum motuum, quae sunt omnino abstractae, et corporibus non unitae. Aliae vero uniuntur corporibus caelestibus per modum quo motor unitur mobili. Et hoc videtur sufficere ad salvandum intentionem Platonis et Aristotelis. Et de Platone quidem manifestum est; Plato enim, sicut supra dictum est, etiam corpus humanum non dixit aliter animatum, nisi in quantum anima unitur corpori ut motor. Ex dictis vero Aristotelis manifestum est quod non posuit in corporibus caelestibus de virtutibus animae nisi intellectivam. Intellectus vero, secundum ipsum, nullius corporis actus est.

 

Mais dire en plus que les corps cйlestes sont animйs de la mкme maniиre que les corps infйrieurs qui sont mus et rendus sensibles par l’вme, s’oppose а l’incorruptibilitй des corps cйlestes. Donc ainsi il faut nier que les corps cйlestes sont animйs de la maniиre dont les corps infйrieurs sont animйs. Cependant il ne faut pas nier que les corps cйlestes sont animйs, si par animation on ne comprend rien d’autre que l’union d’un moteur а un mobile. Et Augustin semble en parler de ces deux maniиres dans la La Genиse au sens littйral (II, XVIII, 38). Il dit en effet : « On se demande encore si ces brillants luminaires du ciel sont seulement des corps ou s’ils ont pour les rйgir des esprits attachйs а chacun d’eux. Dans cette hypothиse, ces esprits vont-ils jusqu’а leur communiquer la vie comme l’вme animale anime la chair[151] ». Mais bien que lui-mкme laisse l’une et l’autre solution dans le doute, comme on le voit par ce qui suit, il faut dire selon ce qui йtй dit avant, qu’ils ont des esprit qui les dirigent, par lesquels cependant ils ne sont pas animйs de la mкme maniиre que les animaux infйrieurs par leurs вmes.

Dicere autem ulterius, quod corpora caelestia hoc modo sint animata sicut inferiora corpora quae per animam vegetantur et sensificantur, repugnat incorruptibilitati caelestium corporum. Sic igitur negandum est corpora caelestia esse animata eo modo quo ista inferiora corpora animantur. Non est tamen negandum corpora caelestia esse animata, si per animationem nihil aliud intelligatur quam unio motoris ad mobile. Et istos duos modos videtur Augustinus tangere in super Gen. ad litteram. Dicit enim: solet quaeri, utrum caeli luminaria ista conspicua corpora sola sint, aut habeant rectores quosdam spiritus suos; et si habent, utrum ab eis etiam vitaliter inspirentur, sicut animantur carnes per animas animalium. Sed licet ipse sub dubio utrumque relinquat, ut per sequentia patet, secundum praemissa dicendum est quod habent rectores spiritus, a quibus tamen non sic animantur sicut inferiora animalia a suis animabus.

 

Solutions

1. Le corps cйleste atteint les substances spirituelles en tant que l’ordre infйrieur des substances spirituelles est uni aux corps cйlestes par mode de moteur. 

1. Ad primum ergo dicendum quod corpus caeleste attingit substantias spirituales, in quantum inferior ordo substantiarum spiritualium corporibus caelestibus unitur per modum motoris.

 

2. Selon l’opinion d’Averroиs, le ciel est composй de matiиre et de forme, comme l’animal dans les [corps] infйrieurs. Mais cependant on parle de la matiиre de part et d’autre de maniиre йquivoque, car dans les [corps] supйrieurs il n’y a pas de puissance а кtre comme dans les [corps] infйrieurs, mais [la puissance] pour un lieu seulement. C'est pourquoi le corps lui-mкme qui existe en acte est la matiиre, et il n’a pas besoin d’une forme qui lui donne l’кtre, puisqu’il est un йtant en acte, mais elle lui donne le mouvement seulement. Et ainsi le corps cйleste a une forme plus noble que le corps humain, mais d’une autre maniиre. Mais si on dit comme d’autres l’ont dit, que le corps cйleste mкme est composй de matiиre et de forme corporelle, alors on pourra dire encore que cette forme corporelle sera la plus noble en tant qu’elle est la forme et l’acte, qui emplit toute la potentialitй de la matiиre, pour qu’elle ne demeure pas en elle pour une autre forme.

2. Ad secundum dicendum quod secundum opinionem Averrois caelum est compositum ex materia et forma, sicut animal in inferioribus. Sed tamen materia utrobique aequivoce dicitur: nam in superioribus non est potentia ad esse sicut in inferioribus, sed ad ubi tantum. Unde ipsum corpus actu existens est materia, nec indiget forma quae det ei esse, cum sit ens actu, sed quae det ei motum solum. Et sic corpus caeleste habet nobiliorem formam quam corpus humanum, sed alio modo. Si autem dicatur, sicut alii dicunt, quod ipsum corpus caeleste est compositum ex materia et forma corporali, tunc adhuc dici poterit, quod illa forma corporalis erit nobilissima in quantum est forma et actus, quae implet totam potentialitatem materiae, ut non remaneat in ea potentialitas ad aliam formam.

 

3. Et par lа paraоt la solution а la troisiиme objection.

3. Et per hoc etiam patet solutio ad tertium.

 

4. Le corps cйleste est mы par une substance spirituelle, il en dйcoule qu’il a une inclination pour elle, comme pour le moteur et pas autrement.

4. Ad quartum dicendum quod corpus caeleste ex hoc quod movetur a spirituali substantia, sequitur quod habeat inclinationem ad ipsam sicut ad motorem et non aliter.

 

5. 6.  Il faut parler de la mкme maniиre pour les objections 5 et 6.

5. Et similiter dicendum ad quintum et sextum.

 

7. La substance spirituelle qui meut le ciel a un pouvoir naturel limitй au mouvement d’un tel corps. Et de la mкme maniиre le corps du ciel a une aptitude naturelle pour кtre mы par un tel mouvement. Et ainsi ce mouvement du ciel est naturel, bien qu’il vienne d’une substance intelligente.

7. Ad septimum dicendum, quod substantia spiritualis quae movet caelum, habet virtutem naturalem determinatam ad talis corporis motum. Et similiter corpus caeli habet naturalem aptitudinem ut tali motu moveatur. Et per hoc motus caeli est naturalis, licet sit a substantia intelligente.

 

 8. On dit avec probabilitй que par le pouvoir de la volontй, la substance spirituelle meut le corps cйleste. Car, quoique la matiиre corporelle selon un changement formel n’obйisse pas au premier signe de l’esprit crйй, mais а Dieu seul, comme Augustin le dit (La Trinitй, III, VIII, 13) cependant  qu’elle puisse lui obйir au premier signe selon le changement local, apparaоt aussi en nous, au commandement de la volontй en qui aussitфt dйcoule le mouvement des membres corporels. Si cependant au pouvoir de la volontй on ajoute aussi l’influence  de la puissance, ce n’est pas pour cela que dйcoule l’йpuisement par l’infini de la puissance, car n’importe quelle puissance d’ordre supйrieur, bien qu’elle soit finie en soi et en rapport а son supйrieur, est cependant infinie[152] en rapport а ses infйrieurs, ainsi par la puissance du soleil est infini en rapport avec ce qui est engendrй ou corruptible, par la production desquels, mкme si elle йtait dans l’infini, elle ne serait pas diminuйe. Et de la mкme maniиre la puissance de l’intellect est infinie en rapport avec les formes sensibles, et ainsi la puissance mкme de la substance spirituelle qui meut le ciel, est infinie en rapport avec un mouvement corporel,  c’est pour cela qu’il en dйcoule un йpuisement.

8. Ad octavum dicendum, quod probabiliter dicitur quod imperio voluntatis substantia spiritualis movet corpus caeleste. Quamvis enim materia corporalis secundum formalem transmutationem non obediat ad nutum spiritui creato, sed soli Deo, ut Augustinus dicit in III de Trin.; tamen quod ei obedire ad nutum possit secundum transmutationem localem, etiam in nobis apparet, in quibus statim ad imperium voluntatis sequitur motus corporalium membrorum. Si tamen supra imperium voluntatis addatur etiam influxus virtutis, non propter hoc sequitur fatigatio ex finitate virtutis; quaelibet enim virtus superioris ordinis, licet sit finita in se et respectu sui superioris, est tamen infinita respectu suorum inferiorum; sicut etiam virtus solis est infinita respectu generabilium et corruptibilium, per quorum productionem, etiamsi in infinitum esset, non minoraretur. Et similiter virtus intellectus est infinita respectu formarum sensibilium; et sic etiam virtus substantiae spiritualis quae movet caelum, est infinita respectu motus corporalis; unde non sequitur in ea fatigatio.

 

9. L’вme qui meut les animaux corruptibles leur est unie selon l’кtre, mais la substance spirituelle qui meut les corps cйlestes, leur est unie seulement pour le mouvement. C'est pourquoi кtre mы par accident est attribuй а l’вme corruptible de l’animal par sa nature propre; car il faut que, une fois le corps en mouvement, avec lequel elle forme un seul кtre, elle soit par accident. Mais кtre mы par accident est attribuй au moteur de la sphиre infйrieure, pas par sa nature, mais par la nature du mobile ; en tant que la sphиre infйrieure est mыe par accident, comme dйtruite par le mouvement du supйrieur Mais le moteur de la sphиre supйrieure n’est mы en aucune maniиre par accident, parce que sa sphиre n’est pas dйtournйe, mais dйtourne les autres.

9. Ad nonum dicendum, quod anima quae movet animalia corruptibilia, unitur eis secundum esse; sed substantia spiritualis, quae movet caelestia corpora, unitur eis secundum moveri tantum. Unde moveri per accidens attribuitur animae corruptibilis animalis ratione sui ipsius; oportet enim quod moto corpore, cum quo est unum secundum esse, ipsamet per accidens moveatur. Sed moveri per accidens attribuitur motori inferioris orbis non ratione sui ipsius, sed ratione mobilis; in quantum scilicet inferior orbis movetur per accidens, ut delatus motu superioris. Motor vero superioris orbis neutro modo per accidens movetur; quia orbis eius non defertur, sed alios defert.

 

10. A ce sujet on trouve qu’Averroиs a parlй de plusieurs maniиres. Car dans le livre La substance du monde, il a dit que c’est la mкme chose de mouvoir les corps cйlestes comme agent et comme finalitй, ce qui est tout а fait erronй, surtout selon cette opinion par la quelle il pense que la premiиre cause n’est pas au-dessus des substances qui meuvent le premier ciel. Car ainsi il en dйcoule que Dieu est l’вme premiиre du ciel selon que la substance qui meut le premier ciel comme agent, est appelйe son вme. Et la raison pour laquelle il dit cela est tout а fait insuffisante, parce qu’en effet dans les substances sйparйes de la matiиre ce qui comprend et ce qui est compris est identique, il a pensй qu’est identique celui qui dйsire et ce qui est dйsirй, ce qui n’est pas semblable. Car la connaissance de n’importe quoi se fait selon que le connu est dans celui qui connaоt, mais le dйsir se fait selon le changement de celui qui dйsire vis-а-vis de la chose dйsirйe. Mais si le bien dйsirй йtait dans celui qui dйsire, par lui-mкme, il ne conviendrait pas а ce qui le mettrait en mouvement pour obtenir le bien dйsirй. C'est pourquoi il faut dire que le bien dйsirй, qui meut comme une fin, est autre par celui qui dйsire, qui meut comme agent. Et le Commentateur (Mйtaphysique, (XI), XII comm. 38) dit que cela est identique, car il place lа deux moteurs : l’un joint qu’il appelle l’вme et l’autre sйparй qui meut comme fin. Cependant par tout cela il n’y a pas plus le fait que la substance spirituelle est unie а un corps cйleste comme moteur.

10. Ad decimum dicendum quod super hoc invenitur Averroes varie locutus. In libro enim de substantia orbis dixit, quod idem est quod movet corpora caelestia ut agens et finis; quod quidem est valde erroneum, praesertim secundum eius opinionem qua ponit quod prima causa non est supra substantias moventes primum caelum. Sic enim sequitur quod Deus sit anima prima caeli, secundum quod substantiam quae movet primum caelum ut agens, dicitur anima eius. Et ratio qua hoc dixit est valde insufficiens: quia enim in substantiis separatis a materia est idem intellectus et intellectum, existimavit quod sit idem desiderans et desideratum; quod non est simile. Nam cognitio cuiuslibet rei fit secundum quod cognitum est in cognoscente; desiderium autem fit secundum conversionem desiderantis ad rem desideratam. Si autem bonum desideratum inesset desideranti ex seipso, non competeret ei quod moveret ad consequendum bonum desideratum. Unde oportet dicere quod bonum desideratum, quod movet ut finis, est aliud a desiderante, quod movet ut agens. Et hoc etiam idem dicit Commentator in XI Metaph.; ponit enim ibi duos motores: unum coniunctum, quem vocat animam, et alium separatum, qui movet ut finis. Tamen ex toto hoc non habetur amplius quam quod substantia spiritualis unitur corpori caelesti ut motor.

 

11. Les corps cйlestes sont animйs, parce que les substances spirituelles leur sont unies comme des moteurs, et non comme des formes. C'est pourquoi dans la Mйtaphysique, VII), il (Averroиs) dit que le pouvoir de donner forme а la semence n’agit que par la chaleur qui est en elle, non de sorte qu’elle soit forme en lui, comme l’вme dans la chaleur naturelle, mais de sorte qu’elle y soit incluse, comme l’вme est incluse dans les corps cйlestes.

11. Ad undecimum dicendum quod corpora caelestia dicit esse animata, quia substantiae spirituales uniuntur eis ut motores, et non ut formae. Unde super VII Metaph., dicit quod virtus formativa seminis non agit nisi per calorem qui est in semine; non ita quod sit forma in eo, sicut anima in calore naturali, sed ita quod sit ibi inclusa, sicut anima est inclusa in corporibus caelestibus.

 

12. Le corps cйleste, en tant que mы par la substance spirituelle, est son instrument, et ainsi il meut en vertu de la substance spirituelle pour causer la vie dans les infйrieurs, comme la scie agit dans le pouvoir de l’art pour causer un coffre.

12. Ad duodecimum dicendum quod corpus caeleste, in quantum movetur a substantia spirituali, est instrumentum eius; et ita movet in virtute substantiae spiritualis ad causandum vitam in istis inferioribus, sicut serra agit in virtute artis ad causandam arcam.

 

13. Par cette raison[153] on ne peut pas considиrer davantage que les corps cйlestes sont mus par les substances spirituelles.

13. Ad decimumtertium dicendum quod ex illa ratione amplius haberi non potest quam quod corpora caelestia a substantiis spiritualibus moveantur.

 

14. Selon Jean Damascиne, il est dit que les cieux chantent la gloire de Dieu, louent, exultent, matйriellement, en tant qu’ils sont pour les hommes, la matiиre pour louer, raconter ou exalter. Car on trouve les mкmes choses dans les Йcriture au sujet des montagnes et des collines et d’autres crйatures inanimйes.

14. Ad decimumquartum dicendum quod secundum Damascenum caeli dicuntur enarrare gloriam Dei, laudare, exultare, materialiter, in quantum sunt hominibus materia laudandi vel enarrandi vel exultandi. Similia enim inveniuntur in Scripturis de montibus et collibus et aliis inanimatis creaturis.

 

Solutions en sens contraire

1. De ce qui est objectй en sens contraire, il faut dire que Jean Damascиne йcarte le fait que les corps cйlestes soient animйs, de sorte que les substances spirituelles leur sont unies comme des formes, comme pour les animaux corruptibles.

s. c. 1 Ad primum vero eorum quae in contrarium obiiciuntur, dicendum quod Damascenus removet corpora caelestia esse animata, ita quod substantiae spirituales uniantur eis ut formae, sicut corruptibilibus animalibus.

 

2. Un ange est destinй а la garde d’un homme tant que celui-ci vit. C'est pourquoi il n’est pas inconvenant s’il est destinй а mouvoir un corps cйleste aussi longtemps qu’il est mы.

s. c. 2 Ad secundum dicendum quod unus Angelus deputastur ad custodiam unius hominis quamdiu vivit. Unde non est inconveniens si deputatur ad movendum caeleste corpus quamdiu movetur.

 

3. Si les corps cйlestes sont animйs, les esprits qui les surveillent sont comptйs dans la sociйtй des anges. C'est pourquoi Augustin dit dans l’Enchiridion (ch. 58) : « Et je ne considиre pas comme certain que si le soleil et la lune et tous les astres, conviennent а la sociйtй des anges ; quoique pour certains les corps semblent brillants, sans cependant la sensation ou l’intelligence ».

s. c. 3 Ad tertium dicendum quod si corpora caelestia sunt animata, spiritus eis praesidentes in societate Angelorum computantur. Unde Augustinus dicit in Enchir.: nec illud certum habeo, utrum ad societatem Angelorum pertineant sol et luna et cuncta sidera; quamvis nonnullis lucida esse corpora, non tamen cum sensu vel intelligentia, videantur.

 

4. En cela il n’y a aucun doute, si nous suivons l’opinion de Jean Damascиne (La foi orthodoxe, II, 4) qui pense que les anges qui ont pйchй ont йtй du nombre de ceux qui sont prйfйrйs aux les corps corruptibles. Mais si, selon l’opinion de Grйgoire mкme au sujet des supйrieurs certains ont pйchй, il faut dire que Dieu qui les a destinйs а cette fonction, les a gardй de la chute comme beaucoup d’autres.

4. Ad quartum dicendum quod in hoc nulla est dubitatio, si sequamur opinionem Damasceni ponentis Angelos qui peccaverunt de numero eorum fuisse, qui corporibus corruptibilibus praeferuntur. Si vero, secundum sententiam Gregorii, etiam de superioribus aliqui peccaverunt, dicendum quod Deus eos quos ad hoc ministerium deputavit, custodivit a casu, sicut et plures aliorum.

 

5. Nous ne disons pas : ‘Prie pour moi, soleil’, d’une part parce que la substance spirituelle n’est pas unie а un corps comme forme, mais comme moteur seulement, d’autre part pour йviter une occasion d’idolвtrie.

s. c. 5 Ad quintum dicendum quod non dicimus: ora pro me, sol, tum quia substantia spiritualis non unitur corpori caeli ut forma, sed ut motor tantum, tum ut auferatur idololatriae occasio.

 

6. Selon le philosophe (Physique, VIII, 10, 267 b 7[154]) le moteur du ciel est dans une de ses parties, et non dans le tout, et ainsi il ne fait pas le tour du cercle du ciel. Il en est autrement de l’вme qui donne l’кtre au corps selon le tout et les parties.

s. c. 6 Ad sextum dicendum quod secundum philosophum in IV physicorum, motor caeli est in aliqua parte eius, et non in toto; et sic non circuit gyrum caeli. Secus autem est de anima, quae dat esse corpori secundum totum et partes.

 

 

Article 7 : La substance spirituelle est-elle unie а un corps aйrien ? Articulus 7 : Septimo quaeritur utrum substantia spiritualis corpori aereo uniatur.

 

Il semble que non[155].

De spiritualibus creaturis, a. 7 tit. 2 Et videtur quod sic.

 

Objections

1. Car Augustin dit (La Genиse au sens littйral (X, 14) et La citй de Dieu, IV, VIII, 16 – XV, 23) que les dйmons ont des corps aйriens ? Mais les dйmons sont des substances spirituelles. Donc celles-ci sont unies а un corps aйrien.

1. Dicit enim Augustinus III super Genes. ad litteram et IV de Civit. Dei, quod Daemones habent corpora aerea. Sed Daemones sunt substantiae spirituales. Ergo substantia spiritualis corpori aereo unitur.

 

2. Augustin dans le livre La divination des dйmons (III, 7, PL XL, 584) dit que les dйmons par la subtilitй du corps aйrien surpassent les sens humains. Mais cela ne serait possible que s’ils йtaient unis а un corps aйrien. Donc les substances spirituelles sont unies а un corps aйrien.

2. Praeterea, Augustinus in libro de divinatione Daemonum dicit quod Daemones subtilitate aerei corporis sensum humanum transcendunt. Hoc autem non esset, nisi aereo corpori naturaliter unirentur. Ergo substantiae spirituales aereo corpori uniuntur.

 

3. L’intermйdiaire est diffйrent des extrкmes. Mais dans la rйgion des corps cйlestes on trouve la vie, selon qu’on place des corps cйlestes animйs ; et dans la rйgion de la terre on trouve la vie dans les animaux et les plantes. Donc aussi dans la rйgion intermйdiaire qui est celle de l’air, on trouve la vie. Et cela ne peut pas кtre rapportй а la vie des oiseaux, parce qu’ils s’йlиvent au-dessus de la terre dans un petit espace de l’air, et il ne semble pas convenable que tout cet autre espace de l’air demeure vide de vie. Il faut donc placer, а ce qu’il semble, qu’il y a des animaux aйriens, d’oщ il dйcoule que des substances spirituelles sont unies а des corps aйriens.

3. Praeterea, medium non discrepat ab extremis. Sed in regione caelestium corporum invenitur vita, secundum ponentes corpora caelestia animata; in regione autem terrae invenitur vita in animalibus et plantis. Ergo et in regione media, quae est aeris, invenitur vita. Nec hoc potest referri ad vitam avium, quia aves ad modicum spatium aeris supra terram elevantur; nec videtur conveniens quod totum aliud spatium aeris vacuum vita remaneret. Oportet igitur ponere, ut videtur, ibi esse aliqua aerea animalia; ex quo sequitur quod aliquae substantiae spirituales aereo corpori uniantur.

 

4. La forme d’un corps plus noble est elle-mкme plus noble. Mais l’air est un corps plus noble que la terre, puisqu’il est plus formel[156] ou plus subtil. Donc si la substance spirituelle qui est l’вme est unie а un corps terrestre, par exemple un corps humain, elle sera unie beaucoup plus а un corps aйrien.

4. Praeterea, nobilioris corporis nobilior est forma. Sed aer est nobilior corpus quam terra, cum sit formalius et subtilius. Si igitur corpori terrestri, scilicet humano, unitur substantia spiritualis, quae est anima, multo fortius corpori aereo uniretur.

 

5. L’union est plus facile avec ce qui s’accorde plus. Mais l’air semble mieux s’accorder avec l’вme qu’avec un corps mixte, tel que le corps humain parce que, comme Augustin le dit (La Genиse au sens littйral, VII, XV, 21 et VII, XIX, 25[157]) l’вme administre la corps par l’air. Donc l’вme est  plus destinйe а кtre unie а un  corps aйrien qu’а un corps mixte.

5. Praeterea, eorum quae magis conveniunt facilior est unio. Sed aer magis videtur convenire cum anima quam corpus commixtum, quale est corpus hominis; quia, ut Augustinus dicit super Gen. ad Litter., anima per aerem administrat corpus. Ergo magis nata est uniri anima corpori aereo, quam etiam corpori commixto.

 

6. Il est dit dans le livre De Substantia orbis (Averroиs II) : « Le mouvement circulaire est plus propre pour l’вme ». et cela parce que l’вme en tant que de soi, est indiffйrente pour mouvoir en toute partie. Mais cela semble convenir aussi а l’air, parce qu’il est lйger avec ce qui est lйger et lourd avec ce qui est lourd. Donc l’вme semble surtout кtre unie а l’air.

6. Praeterea, dicitur in libro de substantia orbis: motus circularis proprius est animae; et hoc ideo quia anima, quantum est de se, indifferens est ut moveat in omnem partem. Sed hoc etiam videtur aeri convenire, quia est cum levibus levis et cum gravibus gravis. Ergo anima maxime videtur aeri uniri.

 

En sens contraire

L’вme est l’acte du corps organique ; mais le corps aйrien ne peut pas кtre organique, parce qu’il ne se termine pas а un terme propre mais seulement а un lieu йtranger, on ne peut pas le figurer[158]. Donc la substance spirituelle qu’est l’вme ne peut pas кtre unie а un corps aйrien.

De spiritualibus creaturis, a. 7 s. c. Sed contra, anima est actus corporis organici. Sed corpus aereum non potest esse organicum; quia cum non sit terminabilis termino proprio, sed solum alieno, non est figurabilis. Ergo substantia spiritualis, quae est anima, non potest corpori aereo uniri.

 

Rйponse

Il faut dire qu’il est impossible que la substance spirituelle soit unie а un corps aйrien. Ce qu’on peut montrer de trois maniиres.

De spiritualibus creaturis, a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod impossibile est substantiam spiritualem corpori aereo uniri. Quod potest manifestari tripliciter.

 

1. Parce que, parmi tous les autres corps, les corps simples des йlйments sont plus imparfaits, puisqu’ils sont matйriels par rapport а tous les autres corps ; c'est pourquoi il n’est pas convenable selon la nature de l’ordre des choses que quelque corps simple йlйmentaire soit uni а une substance spirituelle comme forme.

Primo quidem, quia inter omnia alia corpora, corpora simplicia elementorum sunt imperfectiora, cum sint materialia respectu omnium aliorum corporum; unde non est conveniens secundum rationem ordinis rerum, quod aliquod simplex corpus elementare spirituali substantiae uniatur ut forma.

 

2. Deuxiиme raison : parce que l’air est un corps simple en son ensemble et dans toutes ses parties ; c'est pourquoi si une substance spirituelle est unie а une partie de l’air, pour la mкme raison, elle serait unie а tout l’air, et de la mкme maniиre а n’importe quel autre йlйment, ce qui semble absurde.

2. Secunda ratio est, quia aer est corpus simile in toto et in omnibus suis partibus; unde si alicui parti aeris unitur aliqua spiritualis substantia, eadem ratione et toti aeri unietur, et similiter cuilibet alteri elemento; quod videtur absurdum.

 

3. Troisiиme raison : parce que la substance spirituelle se trouve unie de deux maniиres а un corps. D’une maniиre pour produire le mouvement du corps, de mкme on a dit que les substances spirituelles sont unies  а des corps cйlestes. D’une autre maniиre pour que la substance spirituelle soit aidйe  par le corps pour sa propre opйration, qui est comprendre, de mкme l’вme humaine est unie а un corps pour acquйrir les connaissances par les sens corporels. Mais la substance spirituelle ne peut pas кtre unie а l’air, ni en raison du mouvement, parce que le mouvement est connaturel а l’air qui suit sa forme anturelle, et on ne trouve pas de mouvement ou dans tout l’air ou en quelqu’une de ses parties, qui ne pourraient кtre ramenй а une cause corporelle. C'est pourquoi, il n’apparaоt pas par son mouvement qu’une substance spirituelle lui soit unie. Et la substance spirituelle non plus n’est pas unie а un corps aйrien pour la perfection de l’opйration intellectuelle : car le corps simple ne peut pas кtre un instrument de la sensation, comme il est prouvй dans L’вme (III, 12, 434 b 10[159]). C'est pourquoi il reste que la substance spirituelle n’est unie en aucune maniиre а un corps aйrien.

 

3. Tertia ratio est, quia substantia spiritualis dupliciter alicui corpori invenitur uniri. Uno modo ad exhibendum corpori motum; sicut dictum est, quod corporibus caelestibus spirituales substantiae uniuntur. Alio modo ut substantia spiritualis per corpus iuvetur ad propriam suam operationem, quae est intelligere; sicut anima humana unitur corpori, ut per sensus corporeos scientias acquirat. Aeri autem substantia spiritualis non potest uniri neque ratione motus, quia aeri est connaturalis motus quidam, qui consequitur formam eius naturalem; nec invenitur aliquis motus aut in toto aere aut in aliqua eius parte, qui non possit reduci in aliquam causam corporalem. Unde ex motu eius non apparet quod aliqua substantia spiritualis et uniatur. Neque etiam unitur spiritualis substantia corpori aereo propter perfectionem intellectualis operationis: corpus enim simplex non potest esse instrumentum sensus, ut probatur in libro de anima. Unde relinquitur quod spiritualis substantia nullo modo aereo corpori uniatur.

 

Solutions

1. Il faut donc dire que partout oщ Augustin dit que les dйmons ont des corps aйriens, il n’en  parle pas avec assurance, comme une pensйe personnelle, mais selon l’opinion d’autres ; c'est pourquoi il dit au livre XXI (ou XII, 1) de La Citй de Dieu  « Les dйmons ont leur corps comme certains savants l’ont vu ; par cet air йpais et humide. Mais si quelqu’un assure que les dйmons n’ont pas de corps, ce n’est pas de cela qu’il faut s’occuper par une recherche laborieuse, ou lutter par un dйbat chicaneur  ».

1. Ad primum ergo dicendum quod ubicumque Augustinus dicit Daemones habere aerea corpora, non loquitur asserendo quasi ex sententia propria, sed secundum opinionem aliorum; unde ipse dicit in XXI de Civit. Dei: sunt quaedam sua etiam Daemonibus corpora, sicut doctis hominibus visum est, ex isto aere crasso atque humido. Si autem nulla quisquam habere corpora Daemones asserat, non est de hac re aut laborandum operosa inquisitione, aut contentiosa disputatione certandum.

 

2. Ainsi s’йclaire la solution а la deuxiиme objection.

2. Et per hoc patet solutio ad secundum.

 

3. Il faut dire que dans la rйgion infйrieure, c'est-а-dire autour de la terre, il y a un lieu de mйlange des йlйments. Mais plus les corps mixtes, parviennent а un niveau de mйlange, plus ils s'йloignent des extrкmitйs des contraires ; et ainsi ils acquiиrent une certaine ressemblance avec les corps cйlestes, qui sont sans contraires. Et ainsi il apparaоt que la vie peut кtre plus dans la plus haute et la plus basse rйgion qu’au milieu ; surtout quand dans ces infйrieurs, plus un corps est prкt pour la vie, plus il aura йtй proche de l’йgalitй de la constitution.

3. Ad tertium dicendum quod in inferiori regione, scilicet circa terram, est locus mixtionis elementorum. Corpora autem mixta, quanto magis ad aequalitatem mixtionis perveniunt, tanto magis recedunt ab extremis contrariorum; et sic quamdam similitudinem consequuntur caelestium corporum, quae sunt sine contrarietate. Et sic patet quod vita magis potest esse in suprema et infima regione quam in media: praesertim cum in istis inferioribus tanto paratius est corpus ad vitam, quanto propinquius fuerit aequalitati complexionis.

 

4. Le corps de l’air est plus noble que la terre, mais le corps d’une constitution йgale est plus noble que les deux, comme s’il est loin des contraires, кtre uni se trouve seulement pour les substances spirituelles. En quoi cependant il est plus nйcessaire que  les йlйments infйrieurs abondent matйriellement pour parvenir а l’йgalitй, а cause de l’excиs de pouvoir actif dans les autres йlйments.

4. Ad quartum dicendum quod corpus aeris est nobilius quam terra, sed corpus aequalis complexionis est nobilius utroque, quasi magis elongatum a contrarietate; et hoc solum invenitur substantiae spirituali uniri. In quo tamen inferiora elementa plus necesse est abundare materialiter ad aequalitatem constituendam, propter excessum activae virtutis in aliis elementis.

 

5. On dit que l’вme gouverne son corps par l’air, pour le mouvement, parce que le mouvement ne peut pas exister pour les autres corps йpais.

5. Ad quintum dicendum quod anima dicitur administrare corpus suum per aerem, quantum ad motum; quia est susceptibilior motus aliis corporibus spissis.

 

6. L’air n’est pas indiffйrent а tout mouvement, mais par rapport а certains il est lйger, par rapport а d’autres il est lourd ; c'est pourquoi on ne peut en conclure qu’il est perfectible par l’вme.

6. Ad sextum dicendum quod aer non est indifferens ad omnem motum, sed respectu quorumdam est levis, respectu aliorum gravis; unde ex hoc non habetur quod sit perfectibile per animam.

 

 

Article 8 : Tous les anges diffиrent-ils par l’espиce entre eux ? Articulus 8 : Octavo quaeritur utrum omnes Angeli differant specie ab invicem.

 

Il semble que non[160].

Et videtur quod non.

 

Objections

1. Car Augustin dit dans l’Enchiridion (IX, 29[161]) : « Puisque la crйature raisonnable qui йtait dans les hommes avait pйri toute entiиre par les pйchйs et les chвtiments, elle a mйritй d’кtre rйparйe en partie ». Par lа on argumente ainsi. Si tous les anges diffйrent entre eux selon la nature de l’espиce, plusieurs anges s’йtant йloignй de faзon irrйparable, auraient pйri. Mais la providence de Dieu n’a pas supportй qu’une nature raisonnable pйrisse tout entiиre, comme on le voit par l’autoritй rapportйe. Donc tous les anges ne diffиrent pas entre eux selon la nature de l’espиce.

1. Dicit enim Augustinus in Enchir.: creatura rationalis quae in hominibus erat, quoniam peccatis atque suppliciis tota perierat, ex parte reparari meruit. Ex quo sic arguitur. Si omnes Angeli ab invicem differunt secundum naturam speciei, pluribus Angelis irreparabiliter cedentibus, plures naturae irreparabiliter periissent. Sed hoc non patitur divina providentia ut aliqua natura rationalis ex toto pereat, ut patet ex auctoritate inducta. Ergo non omnes Angeli differunt ab invicem secundum naturam speciei.

 

2. Plus certaines choses sont proches de Dieu, en qui il n’y a aucune diversitй, moins elles sont diffйrentes. Mais les anges selon l’ordre de la nature sont plus proches de Dieu que les hommes. Ces choses qui diffиrent en nombre et en espиce sont plus diffйrentes que ce qui diffиre en nombre et se rencontre dans l’espиce. Donc comme les hommes ne diffиrent pas en espиce, mais en nombre seulement, il semble que les anges, non plus, ne diffиrent pas en espиce.

2. Praeterea, quanto sunt aliqua propinquiora Deo, in quo nulla est diversitas, tanto minus sunt diversa. Angeli autem secundum ordinem naturae propinquiores sunt Deo quam homines. Magis vero diversa sunt ab invicem quae differunt numero et specie, quam quae differunt numero et conveniunt in specie. Cum ergo homines non differant specie, sed numero solum, videtur quod nec Angeli specie differant.

 

3. La conformitй des individus dans le principe formel rend semblable en espиce, mais la diffйrence dans le principe matйriel fait diffйrer en nombre seulement. Dans les anges l’кtre mкme se comporte comme formel pour l’essence de l’ange[162] comme on l’a dit ci-dessus. Donc comme tous les anges se rassemblent dans l’кtre, mais diffиrent par l’essence, il semble qu’ils ne diffиrent pas en espиce, mais en nombre seulement.

3. Praeterea, convenientia aliquorum in formali principio facit aliqua idem esse specie; differentia vero in principio materiali facit differre numero solum. In Angelis autem ipsum esse se habet ut formale ad essentiam Angeli, ut supra dictum est. Cum igitur omnes Angeli conveniant in esse, differant vero secundum essentiam, videtur quod Angeli non differant specie, sed numero solo.

 

4. Toute substance subsistante crййe est un individu contenu sous une nature commune d’une espиce, de sorte que si l’individu est composй, la nature de l’espиce lui est attribuйe selon la nature du composй : mais si l’individu a йtй simple, la nature de l’espиce lui est attribuйe selon des natures simples. L’ange est une substance crййe subsistante. Donc qu’il soit composй de matiиre et de forme, ou qu’il soit simple, il faut qu’il soit contenu sous la nature d’une espиce. Mais cela ne dйroge pas а la nature de l’espиce, qu’elle puisse avoir plusieurs suppфts, de la mкme maniиre non plus cela ne dйroge pas а l’individu qui existe sous elle, s’il a quelque chose qui lui est йgal dans la mкme espиce. Donc il semble qu’il est possible qu’il y ait plusieurs anges d’une seule espиce. Dans ce qui est perpйtuel il n’y a pas de diffйrence entre кtre et pouvoir comme il est dit en Physique, III, 4, 203 b 30). Donc chez l’ange, il y a plusieurs individus d’une mкme espиce.

4. Praeterea, omnis substantia subsistens creata est individuum contentum sub aliqua natura communi speciei; ita quod si individuum sit compositum, natura speciei praedicabitur de eo secundum rationem compositi; si vero individuum fuerit simplex, natura speciei praedicabitur de eo secundum simplices rationes. Angelus autem est substantia creata subsistens. Sive igitur sit compositus ex materia et forma, sive simplex, oportet quod contineatur sub aliqua natura speciei. Sed naturae speciei non derogat quod possit habere plura supposita; similiter etiam nec individuo sub ea existenti derogat, si habeat aliquod secum compar in eadem specie. Ergo videtur quod possibile sit esse plures Angelos unius speciei. In perpetuis autem non differunt esse et posse, ut dicitur in III Physic. Ergo in Angelis sunt plura individua unius speciei.

 

5. Chez les anges, il y a un amour parfait. Donc rien n’est а retirer en eux, qui concerne la perfection de l’amour. Mais qu’ils soient plusieurs d’une mкme espиce, convient а la perfection de l’amour ; parce que tous les кtres vivants d’une seule espиce s’aiment naturellement entre eux, selon ce mot de l’Ecc.(13, 15) « Tout кtre vivant aime son semblable ». Donc dans les anges il y a plusieurs [individus] d’une mкme espиce.

5. Praeterea, in Angelis est perfecta dilectio. Nihil igitur eis subtrahendum est quod ad perfectionem dilectionis pertineat. Sed quod sint plures unius speciei, pertinet ad perfectionem dilectionis; quia omnia animalia unius speciei naturaliter se invicem diligunt, secundum illud Eccli. XIV: omne animal diligit simile sibi. Ergo in Angelis sunt plures unius speciei.

 

6. Comme l’espиce seule a une dйfinition, selon Boиce (In Porphyr., PL LXIV 79D), tout ce qui se rencontre dans la dйfinition semble se rencontrer dans l’espиce. Mais tous les anges se rencontrent dans cette dйfinition que Jean Damascиne place dans La Foi orthodoxe, livre II, 3, PG. XCIV, 866) : « L’ange est une substance intellectuelle, toujours mobile, douй de libre arbitre, incorporel, servant Dieu, recevant l’immortalitй selon la grвce et non la nature ». Donc tous les anges sont d’une seule espиce.

6. Praeterea, cum sola species definiatur, secundum Boetium, quaecumque in definitione conveniunt, videntur in specie convenire. Sed omnes Angeli conveniunt in illa definitione quam Damascenus ponit in III libro: Angelus est substantia intellectualis, semper mobilis, arbitrio libera, incorporea, Deo ministrans, secundum gratiam (non natura) immortalitatem suscipiens. Ergo omnes Angeli sunt unius speciei.

 

7. Les anges selon l’ordre de la nature sont plus proches de Dieu que les hommes. Mais en Dieu il y a trois personnes d’une seule nature selon le nombre. Donc, comme dans les hommes il y plusieurs personnes d’une seule nature selon l’espиce, il semble que beaucoup plus dans les anges il y a plusieurs personnes rassemblйes dans une seule nature de l’espиce.

7. Praeterea, Angeli secundum ordinem naturae sunt propinquiores Deo quam homines. Sed in Deo sunt tres personae unius naturae secundum numerum. Cum igitur in hominibus sint plures personae unius naturae secundum speciem, videtur quod multo fortius in Angelis sint plures personae in una natura speciei convenientes.

 

8.Grйgoire [le Grand] (Homйlie sur l’Йvangile, XXXIV, PL LXXVI, 1255 G) dit que dans cette patrie cйleste oщ il y a la plйnitude du bien, encore que certains [biens] soient donnйs йminemment, rien cependant n’est possйdй personnellement, car tout est en tous, non pas de maniиre йgale, parce que certains possиdent plus sublimement que d’autres ce que cependant tous possиdent. Donc il n’y a de diffйrences dans l’ange que selon le plus et le moins. Mais le plus et le moins ne diversifient pas l’espиce. Donc les anges ne diffиrent pas en espиce.

8. Praeterea, Gregorius dicit quod in illa caelesti patria, ubi plenitudo boni est, licet quaedam data sint excellenter, nihil tamen possidetur singulariter; omnia enim in omnibus sunt, non quidem aequaliter, quia aliqui aliis sublimius possident quae tamen omnes habent. Non est ergo differentia in Angelis, nisi secundum magis et minus. Sed magis et minus non diversificant speciem. Ergo Angeli non differunt specie.

 

9. Tout ce qui se rencontre dans ce qui est le plus noble se rencontre dans une espиce[163] ; parce que plus noble est ce qui est placй sous l’espиce que ce qui est placй sous le genre. Car il y a une diffйrence spйcifique formelle par rapport au genre. Mais tous les anges se rencontrent dans le plus noble qui est en eux dans la nature intellectuelle. Donc tous les anges se rencontrent dans une espиce.

9. Praeterea, quaecumque conveniunt in nobilissimo, conveniunt in specie; quia nobilius est quod ponitur sub specie quam quod ponitur sub genere. Est enim differentia specifica formalis respectu generis. Sed omnes Angeli conveniunt in nobilissimo quod in eis est, scilicet in natura intellectuali. Ergo omnes Angeli conveniunt in specie.

 

10. Si un genre est sйparй par deux diffйrences[164], dont l’une est plus imparfaite que l’autre, le diffйrence la plus imparfaite est plus multipliable que la plus parfaite comme le non raisonnable est multipliй par plus d’espиces, que le raisonnable. Mais la substance spirituelle est divisйe par ce qui peut кtre uni et non uni ; mais ce qui peut кtre uni а un corps est plus imparfait dans les substances spirituelles. Donc comme la substance spirituelle qui peut кtre unie а un corps, c'est-а-dire l’вme humaine, n’est pas distinguйe en multiples espиces, beaucoup plus celle qui ne peut pas кtre unie, c'est-а-dire l’ange, n’est pas multipliйe en de nombreuses espиces.

10. Praeterea, si aliquod genus dividatur per duas differentias, quarum una altera sit imperfectior, differentia imperfectior magis est multiplicabilis quam perfectior; sicut irrationale per plures species multiplicatur quam rationale. Substantia autem spiritualis dividitur per unibile et non unibile; unibile autem corpori est imperfectius in spiritualibus substantiis. Cum igitur substantia spiritualis unibilis corpori, scilicet anima humana, non distinguatur in multas species, multo fortius substantia spiritualis non unibilis, scilicet Angelus, non multiplicatur per multas species.

 

11. Le pape Boniface (Epist. II, PL. LXV, 43-44) dit que les fonctions ministйrielles dans l’Йglise militante sont а l’exemple de la milice cйleste en laquelle les anges diffиrent en ordre et en puissance. Mais dans l’Йglise la diffйrence de l’ordre et du pouvoir ne rend pas les hommes diffйrents selon l’espиce. Donc dans la milice cйleste des anges non plus. Les anges diffиrent en espиce, mкme ceux qui sont de diffйrents ordres ou hierarchies.

11. Praeterea, Bonifacius Papa dicit quod ministrationes in Ecclesia militante sunt ad exemplum caelestis militiae, in qua Angeli differunt in ordine et potestate. Sed in Ecclesia militante differentia ordinis et potestatis non facit homines differre secundum speciem. Ergo nec in caelesti militia Angelorum, Angeli specie differunt, etiam qui sunt diversorum ordinum vel hierarchiarum.

 

12. De mкme que les йlйments infйrieurs sont ornйs de plantes et d’animaux, le ciel йtoilй est ornй du soleil et de la lune, de mкme le ciel Empyrйe est ornй d’anges. Mais on trouve dans les plantes et les animaux beaucoup [d’individus] d’une mкme espиce ; de la mкme maniиre il semble que toutes les йtoiles sont une seule espиce, parce qu’elles s’accordent dans une seule forme trиs noble, qui est la lumiиre. Donc il semble, а raison йgale, que ou bien tous les anges ou bien certains se rencontrent dans une seule espиce.

12. Praeterea, sicut inferiora elementa sunt ornata plantis et animalibus, et caelum sidereum stellis et sole et luna; ita etiam caelum Empyreum ornatum est Angelis. Sed in plantis et animalibus inveniuntur multa eiusdem speciei: similiter etiam videtur quod omnes stellae sint unius speciei, quia communicant in una forma nobilissima, quae est lux. Ergo videtur, pari ratione, quod vel omnes Angeli vel aliqui conveniant in una specie.

 

13. Si on pense que plusieurs anges ne se rencontrent pas dans une seule espиce, cela n’est que parce qu’en eux il n’y a pas de matiиre. Mais l’йloignement de la matiиre non seulement enlиve la pluralitй des individus, mais aussi l’unitй, parce que l’individu n’est placй sous l’espиce que par la matiиre, parce que la matiиre est le principe d’individuation. Si donc il est nйcessaire que penser que les anges sont des individus, а raison йgale, on pourra penser qu’ils sont plusieurs dans une seule espиce.

13. Praeterea, si plures Angeli non ponantur convenire in una specie, hoc non est nisi quia in eis non est materia. Sed remotio materiae non solum tollit pluralitatem individuorum, sed etiam unitatem: quia individuum non ponitur sub specie nisi per materiam; quia materia est individuationis principium. Si ergo necesse est poni Angelos esse individua quaedam, pari etiam ratione poni poterit quod sint plures in una specie.

 

14. En ce qui est sйparй de la matiиre, ce qui est compris et de qui comprend est identique, selon le philosophe (L’вme, III, 4, 430 a 3[165]). Si donc les anges йtaient sans matiиre, l’ange qui comprend et l’ange qui est compris seraient le mкme ; mais n’importe quel ange comprend n’importe quel ange. Donc il en dйcoulerait qu’il n’y aurait qu’un seul ange, ce qui est faux. Donc il ne faut pas penser que les anges sont sans matiиre, et ainsi il ne faut pas penser que tous les anges diffиrent en espиce.

14. Praeterea, in his quae sunt separata a materia, idem est intellectum et intelligens, secundum philosophum. Si igitur Angeli essent sine materia, idem esset Angelus intellectus et Angelus intelligens. Sed quilibet Angelus intelligit Angelum quemlibet. Ergo sequeretur quod non esset nisi unus Angelus, quod est falsum. Non est ergo ponendum quod Angeli sint sine materia; et ita neque ponendum est quod omnes Angeli differant specie.

 

15. Le nombre est une espиce de quantitй, qui n’est pas sans matiиre. Si donc dans les anges il n’y avait pas de matiиre, il n’y aurait pas de nombre en eux, ce qui est faux. Donc le mкme chose que plus haut.

15. Praeterea, numerus est species quantitatis, quae non est sine materia. Si igitur in Angelis non esset materia, non esset in eis numerus; quod est falsum. Ergo idem quod prius.

 

16. En ce qui est sans matiиre, il n’y a de multiplication que selon la cause et l’effet, comme Rabbi Moyses (Dux perplex, I, 79) le dit. Si donc les anges sont sans matiиre ou bien il n’y a pas en eux de pluralitй, ou bien l’un est cause de l’autre ; l’une et l’autre [solutions] sont fausses. Donc la mкme chose que plus haut.

16. Praeterea, in his quae sunt sine materia, non est multiplicatio nisi secundum causam et causatum, ut Rabbi Moyses dicit. Si igitur Angeli sunt sine materia, aut non est in eis multitudo, aut unum est causa alterius; quorum utrumque est falsum. Ergo idem quod prius.

 

17. Les crйatures sont crййes par Dieu, pour que la divine bontй soit reprйsentйe en eux. Mais dans une seule espиce d’anges est reprйsentйe la bontй divine plus parfaitement que dans la seule espиce de l’homme. Donc il ne faut pas penser qu’il y a plusieurs espиces d’anges.

17. Praeterea, creaturae a Deo sunt conditae, ut in eis divina bonitas repraesentetur. Sed in una specie Angeli repraesentatur divina bonitas perfectius quam in una specie hominis. Non ergo oportet ponere plures species Angelorum.

 

18. Les diverses espиces qui sont divisйes par opposition diffиrent selon des diffйrences spйcifiques. On ne peut pas disposer autant de diffйrences spйcifiques opposйes que la multitude des anges. Donc tous les anges ne diffиrent pas en espиce.

18. Praeterea, diversae species secundum differentias specificas differunt, quae ex opposito dividuntur. Non possunt autem designari tot differentiae specificae oppositae, quanta ponitur multitudo Angelorum. Non ergo omnes Angeli differunt specie.

icic

En sens contraire

1. Si certains anges se rencontrent dans l’espиce, cela paraоt surtout pour ceux qui sont d’un seul ordre. Mais ceux qui sont d’un seul ordre ne se rencontrent pas dans une espиce, puisqu’il y a dans un mкme ordre les premiers, les intermйdiaires, et les derniers, comme Denys le dit (La Hiйrarchie angйlique IV, 18[166]). Mais l’espиce n’est pas attribuйe aux individus (qui ne font partie) selon le premier et le suivant, comme il est dit en Mйtaphysique, (III, 4, 999 a 6[167]). Donc il n’y a pas plusieurs anges d’une seule espиce.

1. Sed contra. Si aliqui Angeli in specie conveniant, maxime hoc videtur de illis qui sunt unius ordinis. Sed illi qui sunt unius ordinis non conveniunt in specie, cum in eodem ordine sint primi, medii et ultimi, ut Dionysius dicit X cap. angelicae Hierar. Species autem non praedicatur de suis individuis secundum prius et posterius, ut dicitur in III Metaph. Non ergo sunt plures Angeli unius speciei.

 

2. C’est seulement ce qui est corruptible qui est multipliй en nombre en une seule espиce ce qui est corruptible ; pour que la nature de l’espиce, qui ne peut pas кtre considйrйe dans un seul, soit conservйe en plusieurs. Mais les anges sont incorruptibles. Donc il n’y a pas plusieurs anges d’une seule espиce.

2. Praeterea, illa sola videntur multiplicari secundum numerum in una specie, quae sunt corruptibilia; ut natura speciei, quae non potest considerari in uno, conservetur in pluribus. Sed Angeli sunt incorruptibiles. Ergo non sunt plures Angeli unius speciei.

 

3. La multiplication des individus en une seule espиce s’opиre par la division de la matiиre. Mais les anges sont immatйriels, parce que, comme le dit Augustin (Les confessions, XII, VII, 7)), la matiиre est proche du nйant, mais les anges proches de Dieu. Donc dans les anges il n’y a pas de multiplication des individus dans une mкme espиce.

3. Praeterea, multiplicatio individuorum in una specie est per divisionem materiae. Sed Angeli sunt immateriales: quia, ut Augustinus dicit XII ConfesVII, materia est prope nihil, Angeli autem prope Deum. Ergo in Angelis non est multiplicatio individuorum in eadem specie.

 

Rйponse

Il faut dire que certains ont parlй de cette question de diffйrentes maniиres. Car les uns ont dit que toutes les substances spirituelles sont d’une seule espиce, mais d’autres que tous les anges sont d’une seule hiйrarchie, ou aussi d’un seul ordre ; mais d’autres que tous les anges diffиrent en espиce entre eux[168] : et ce pour trois raisons, me semble-t-il.

Respondeo. Dicendum quod circa hanc quaestionem diversimode aliqui sunt locuti. Quidam enim dixerunt quod omnes spirituales substantiae sunt unius speciei; alii vero, quod omnes Angeli unius hierarchiae, aut etiam unius ordinis; alii autem, quod omnes Angeli ab invicem specie differunt; quod et mihi videtur, propter tres rationes.

 

1. La premiиre raison est prise de la condition de leur substance. Car il est nйcessaire de dire que, ou bien ce sont des formes simples subsistantes sans matiиre, comme on l’a vu plus haut, ou bien que ce sont des formes composйes de matiиre et de forme. Mais si l’ange est une forme simple abstraite de la matiиre, il est impossible aussi de concevoir qu’il y a plusieurs anges d’une seule espиce, parce que chaque forme, qu’elle soit matйrielle ou petite, si on la pense abstraite, selon l’кtre ou selon l’intellect, ne demeure que si elle est unique en son espиce. Car si on comprend la blancheur subsistante sans aucun substrat, il ne sera pas possible de placer plusieurs blancheurs, puisque nous voyons que cette blancheur ne diffиre d’une autre que par le fait qu’elle est en ce substrat ou en cet autre. Et de la mкme maniиre, s’il y avait une humanitй abstraite, elle ne serait qu’une seulement. Mais si l’ange est une substance composйe de matiиre et de forme, on dit nйcessairement que les matiиres des diffйrents anges seraient distinguйes de quelque maniиre. Mais on ne distingue la matiиre de la matiиre que de deux maniиres.

Prima sumitur ex conditione substantiae eorum. Necesse est enim dicere, quod vel sint formae simplices subsistentes absque materia, ut supra habitum est; vel sint formae compositae ex materia et forma. Si autem Angelus est forma simplex abstracta a materia, impossibile est etiam fingere quod sint plures Angeli unius speciei: quia quaecumque forma, quantumcumque materialis et infima, si ponatur abstracta vel secundum esse vel secundum intellectum, non remanet nisi una in specie una. Si enim intelligatur albedo absque omni subiecto subsistens, non erit possibile ponere plures albedines; cum videamus quod haec albedo non differt ab alia nisi per hoc quod est in hoc vel in illo subiecto. Et similiter si esset humanitas abstracta, non esset nisi una tantum. Si vero Angelus sit substantia ex materia et forma composita, necesse est dicere quod materiae diversorum Angelorum sint aliquo modo distinctae. Distinctio autem materiae a materia non invenitur nisi duplex.

 

a. L’une selon la nature propre de la matiиre, et c’est selon la relation а diffйrents actes : en effet comme la matiиre en sa nature propre est en puissance, qu’on parle de la puissance pour l’acte, il est nйcessaire que selon l’ordre des actes la distinction soit atteinte dans les puissances et les matiиres. Et de cette maniиre la matiиre des corps infйrieurs, qui est puissance а кtre, diffиre de la matiиre des corps cйlestes, qui est puissance pour le lieu.

Una secundum propriam rationem materiae, et haec est secundum habitudinem ad diversos actus: cum enim materia secundum propriam rationem sit in potentia, potentia autem ad actum dicatur, necesse est quod secundum ordinem actuum attendatur distinctio in potentiis et materiis. Et hoc modo materia inferiorum corporum, quae est potentia ad esse, differt a materia caelestium corporum, quae est potentia ad ubi.

b. La seconde distinction de la matiиre dйpend de la division de la quantitй dans la mesure oщ la matiиre qui existe sous ses dimensions est distinguйe par ce qui est sous d’autres dimensions.

Secunda distinctio materiae est secundum divisionem quantitatis; prout materia existens sub his dimensionibus distinguitur ab ea quae est sub aliis dimensionibus.

 

Et la premiиre distinction de la matiиre produit la diversitй selon le genre, parce que, selon le philosophe (Mйtaphysique, V, 28, 1024 b 12[169]) les diffйrenteschoses diffиrent en genre selon la matiиre[170]. Mais la seconde distinction de la matiиre produit aussi la diversitй des individus dans une mкme espиce. Mais cette seconde distinction de la matiиre ne peut pas exister dans les diffйrents anges, puisqu’ils sont sans corps, et tout а fait sans dimensions quantitatives. Il reste donc que, s’il y a plusieurs anges composйs de matiиre et de forme, la distinction des matiиres est en eux selon la premiиre maniиre et ainsi il en dйcoule qu’ils diffиrent non seulement en espиce mais aussi en genre[171].

Et prima quidem materiae distinctio facit diversitatem secundum genus: quia, secundum philosophum in V Metaph., genere differunt secundum materiam diversa. Secunda autem distinctio materiae facit diversitatem individuorum in eadem specie. Haec autem secunda distinctio materiae non potest esse in diversis Angelis, cum Angeli sint incorporei, et omnino absque dimensionibus quantitativis. Relinquitur ergo, quod si sint plures Angeli compositi ex materia et forma, quod sit in eis distinctio materiarum secundum primum modum; et ita sequitur quod non solum specie, sed etiam genere differunt.

 

2. La seconde raison est prise de l’ordre de l’univers. Car il est йvident que le bien de l’univers est double : quelque chose de sйparй, а savoir Dieu, qui est comme le gйnйral en son armйe, et quelque chose dans les choses mкmes, et c’est l’ordre des parties de l’univers, comme l’ordre des parties de l’armйe est le bien de l’armйe. C'est pourquoi l’Apфtre dit (Rm. 13) « Ce qui est de Dieu est ordonnй[172] ».

Secunda ratio sumitur ex ordine universi. Manifestum est enim quod duplex est bonum universi: quoddam separatum, scilicet Deus, qui est sicut dux in exercitu; et quoddam in ipsis rebus, et hoc est ordo partium universi, sicut ordo partium exercitus est bonum exercitus. Unde apostolus dicit Rom. XIII: quae a Deo sunt, ordinata sunt.

 

Mais il faut que les parties supйrieures de l’univers participent plus au bien de l’univers, qui est l’ordre. Mais participent plus parfaitement а l’ordre ce en quoi il y a un ordre par soi, que ce en quoi il y a un ordre par accident seulement. Il est йvident que dans tous les individus d’une seule espиce, il n’y a d’ordre que par accident : car ils se rencontrent dans la nature de l’espиce et diffиrent selon les principes d’individuation et les diffйrents accidents, qui se comportent par accident pour la nature de l’espиce. Mais ce qui diffиre en espиce a un ordre par soi et selon les principes essentiels. Car on en trouve dans les espиces une qui dйpasse les autres, comme dans les espиces des nombres, comme il est dit (Mйtaphysique, VIII, 3, 1043 b 36). Dans ces choses infйrieures qui peuvent кtre gйnйrйes et corrompues, et [qui constituent] une infime partie de l’univers, qui participent moins de l’ordre, on trouve que tout ce qui est diffйrent n’a pas d’ordre par soi, mais certains ont un ordre par accident seulement comme les individus d’une seule espиce. Mais la partie supйrieure de l’univers, а savoir dans les corps cйlestes, on ne trouve pas d’ordre par accident, mais seulement par soi, puisque tout les corps cйlestes diffиrent entre eux en espиce, et il n’y a pas en eux plusieurs individus d’une seule espиce, mais seulement un seul soleil et une seule lune, etc.. Donc beaucoup plus dans la partie suprкme de l’univers on ne trouve pas de choses ordonnйes par accident et non par soi. Et ainsi il reste que tous les anges diffиrent entre eux en espиce, selon une plus ou moins grande perfection des formes simples, d’une plus ou moins grande proximitй de Dieu qui est l’acte pur et d’une perfection infinie.

Oportet autem quod superiores universi partes magis de bono universi participent, quod est ordo. Perfectius autem participant ordinem ea in quibus est ordo per se, quam ea in quibus est ordo per accidens tantum. Manifestum est autem quod in omnibus individuis unius speciei non est ordo nisi secundum accidens: conveniunt enim in natura speciei, et differunt secundum principia individuantia, et diversa accidentia, quae per accidens se habent ad naturam speciei. Quae autem specie differunt, ordinem habent per se et secundum essentialia principia. Invenitur enim in speciebus rerum una abundare super aliam, sicut et in speciebus numerorum, ut dicitur in VIII Metaph. In istis autem inferioribus, quae sunt generabilia et corruptibilia, et infima pars universi, et minus participant de ordine, invenitur non omnia diversa habere ordinem per se; sed quaedam habent ordinem per accidens tantum, sicut individua unius speciei. In superiori autem parte universi, scilicet in corporibus caelestibus, non invenitur ordo per accidens, sed solum per se; cum omnia corpora caelestia ab invicem specie differant, nec sint in eis plura individua unius speciei, sed unus tantum sol et una luna, et sic de aliis. Multo ergo magis in suprema parte universi non invenitur aliqua ordinata per accidens et non per se. Et sic relinquitur quod omnes Angeli ab invicem specie differunt secundum maiorem et minorem perfectionem formarum simplicium, ex maiori vel minori propinquitate ad Deum, qui est actus purus, et infinitae perfectionis.

 

3. La troisiиme raison est prise de la perfection de la nature angйlique. Car on appelle parfait ce а quoi rien ne manque de ce qui lui convient; et le degrй de cette perfection peut кtre йvaluй par les extrкmitйs des choses[173]. Car а Dieu qui est au degrй suprкme de la perfection, il ne manque rien de ce qui lui convient pour la nature de tout son кtre ; car il a d’avance en lui toutes les perfections des choses absolument et de faзon excellente, comme Denys le dit (Les Noms divins, V, lectio 1). Mais un individu dans la plus petite partie des choses, qui contient ce qui peut кtre engendrй ou corrompu, se trouve parfait du fait qu’il a ce qui lui convient selon la nature de son individuation, mais non ce qui convient а la nature de son espиce, puisque cette nature aussi se trouve dans les autres individus. Ce qui manifestement paraоt convenir а l’imperfection, non seulement dans les animaux qui engendrent, en qui l’un a besoin d’un autre de son espиce, pour la vie commune, mais aussi dans tous les animaux engendrйs de quelque maniиre que ce soit par la semence, en quoi le mвle a besoin d’une femelle de son espиce pour engendrer.

Tertia vero ratio sumitur ex perfectione naturae angelicae. Perfectum enim dicitur unumquodque quando nihil deest ei eorum quae ad ipsum pertinent; et huius quidem perfectionis gradus ex extremis rerum perpendi potest. Deo enim, qui est in supremo perfectionis, nihil deest eorum quae pertinent ad rationem totius esse: praehabet enim in se omnes rerum perfectiones simpliciter et excellenter, ut Dionysius dicit. Individuum autem aliquod in infima parte rerum, quae continet generabilia et corruptibilia, perfectum invenitur ex eo quod habet quidquid ad se pertinet secundum rationem individuationis suae; non autem quidquid pertinet ad naturam suae speciei, cum natura suae speciei etiam in aliis individuis inveniatur. Quod manifeste ad imperfectionem pertinere apparet, non solum in animalibus generabilibus, in quibus unum indiget alio suae speciei ad convictum; sed etiam in omnibus animalibus ex semine qualitercumque generatis, in quibus mas indiget femina suae speciei ad generandum.

 

Et en plus dans tout ce qui peut кtre engendrй ou corrompu en qui est nйcessaire la pluralitй des individus d’une seule espиce, qui ne peut pas кtre conservйe perpйtuellement dans un seul individu du fait de sa corruptibilitй, est conservйe en plusieurs. Mais dans la partie supйrieure de l’univers, on trouve un degrй plus йlevй de perfection, en qui un seul individu, comme le soleil, est parfait de sorte que rien ne lui manque de ce qui convient а sa propre espиce.C'est pourquoi toute la nature de l’espиce est incluse dans un seul individu, et il en est de la mкme maniиre pour les autres corps cйlestes. Donc beaucoup plus dans la partie suprкme des crйatures, qui est trиs proche de Dieu, c'est-а-dire dans les anges, cette perfection se trouve pour que dans un individu rien ne manque ce qui convient а l’espиce entiиre et ainsi il n’y a pas plusieurs individus dans une seule espиce. Mais comme Dieu qui est au sommet des la perfection, il ne se rencontre avec aucun autre [кtre], non seulement en espиce, mais en genre et en un autre prйdicat univoque.

Et ulterius in omnibus generabilibus et corruptibilibus, in quibus necessaria est multitudo individuorum unius speciei, ut natura speciei, quae non potest perpetuo conservari in uno individuo propter eius corruptibilitatem, conservetur in pluribus. In parte autem superiori universi invenitur altior gradus perfectionis, in quibus unum individuum, ut sol, sic est perfectum, ut nihil ei desit eorum quae ad propriam speciem pertinent. Unde et tota natura speciei concluditur sub uno individuo; et similiter est de aliis corporibus caelestibus. Multo ergo magis in suprema parte rerum creatarum, quae est Deo propinquissima, scilicet in Angelis, haec perfectio invenitur ut uni individuo nihil desit eorum quae ad totam speciem pertinent; et sic non sunt plura individua in una specie. Deus vero, qui est in summo perfectionis, cum nullo alio convenit non solum in specie, sed nec in genere nec in alio praedicato univoco.

 

Solutions

1. Augustin parle ici de la nature angйlique et de la nature humaine, non pas selon qu’elles sont considйrйes dans leur кtre naturel, mais selon qu’elles sont ordonnйes а la bйatitude ; car certains ont pйri dans la nature angйlique et la nature humaine. Quant а l’ordre de la bйatitude, la nature humaine est opposйe а toute la nature angйlique, parce que celle-ci est destinйe а parvenir а la bйatitude d’une seule maniиre, ou bien а y renoncer de faзon irrйparable, aussitфt а la premiиre йlection, mais la nature humaine [y est destinйe] au cours du temps. Et c'est pourquoi Augustin parle lа de tous les anges comme d’une seule nature, а cause d’un certain rapport а la bйatitude, bien qu’ils diffиrent selon l’espиce de la nature.

1. Ad primum ergo dicendum quod Augustinus loquitur ibi de natura angelica et humana, non secundum quod considerantur in esse naturali, sed secundum quod ordinantur ad beatitudinem: sic enim aliqui in natura angelica et humana perierunt. Quantum autem ad ordinem beatitudinis, natura humana dividitur contra totam naturam angelicam: quia tota natura angelica uno modo nata est pervenire ad beatitudinem, vel ab ea deficere irreparabiliter, scilicet statim ad primam electionem; natura vero humana per decursum temporis. Et ideo loquitur ibi Augustinus de omnibus Angelis sicut de una natura, propter unum modum ordinis ad beatitudinem, licet differant secundum speciem naturae.

 

2. Il faut dire que quand on cherche la diffйrence ou la convenance de l’espиce, la considйration dйpend de leurs natures. Et lа ce sujet, il ne faut pas parler de tous les anges, comme d’une seule nature trиs proche de Dieu, mais seul le premier ange йtait de la plus proche nature de Dieu ; en cette nature la diversitй est minime, parce qu’elle ne dйpend ni de l’espиce ni du nombre.

2. Ad secundum dicendum quod cum inquiritur de differentia vel convenientia speciei, est consideratio de rebus secundum naturas ipsarum. Et secundum hoc non est loquendum de omnibus Angelis, sicut de natura una Deo propinquissima; sed solus primus Angelus erat secundum hoc natura Deo propinquissima: in qua quidem natura est minima diversitas, quia nec secundum speciem nec secundum numerum.

 

3. L’кtre mкme se comporte comme acte tant pour les natures composйes, que pour les natures simples[174]. Ainsi dans les natures composйes l’espиce n’est pas prise de l’кtre mais de la forme, parce que l’espиce est attribuйe а ce qui est, l’кtre semble rйpondre а la question : est-il ?; c’est pourquoi dans les substances angйliques l’espиce n’est pas prise selon l’кtre mкme, mais selon les formes simples subsistantes, dont la diffйrence dйpend de la nature de la perfection comme on l’a dit.

3. Ad tertium dicendum quod ipsum esse se habet ut actus tam ad naturas compositas, quam ad naturas simplices. Sicut ergo in naturis compositis species non sumitur ab ipso esse sed a forma, quia species praedicatur in quid est, esse autem pertinere videtur ad quaestionem an est; unde nec in substantiis angelicis species sumitur secundum ipsum esse, sed secundum formas simplices subsistentes; quarum differentia est secundum ordinem perfectionis ut dictum est.

 

4. De mкme que la forme qui est dans un substrat ou dans une matiиre est individualisйe par ce qui en est l’кtre[175] : de mкme la forme sйparйe est individualisйe parce qu’elle est destinйe naturellement а un кtre. Car de mкme que l’кtre en cela exclut la participation а l’universel, qui est attribuй а beaucoup, de mкme il ne peut pas кtre dans quelque chose. Donc de mкme que cette blancheur n’est pas empкchйe de s’йtendre а de nombreux individus du fait que c’est la blancheur qui convient а la nature de l’espиce, mais du fait qu’elle est en ce qui convient а la nature de l’individu ; de mкme la nature de cet ange n’est pas empкchйe d’кtre en beaucoup, du fait que c’est la nature dans un tel ordre des choses, qui convient а la nature de l’espиce, mais du fait qu’elle n’est pas destinйe а кtre reзue dans un substrat, qui convient а la nature de l’individu.

4. Ad quartum dicendum quod sicut forma quae est in subiecto vel materia, individuatur per hoc quod est esse in hoc; ita forma separata individuatur per hoc quod est nata in aliquo esse. Sicut enim esse in hoc excludit communitatem universalis quod praedicatur de multis, ita non posse esse in aliquo. Sicut igitur haec albedo non prohibetur habere sub se multa individua ex hoc quod est albedo, quod pertinet ad rationem speciei, sed ex hoc quod est in hoc, quod pertinet ad rationem individui; ita natura huius Angeli non prohibetur esse in multis ex hoc quod est natura in tali ordine rerum, quod pertinet ad rationem speciei; sed ex hoc quod non est nata recipi in aliquo subiecto, quod pertinet ad rationem individui.

 

5. L’affection suit le connaissance ; plus la connaissance est universelle, plus l’affection qui en dйcoule concerne le bien commun et plus la connaissance est particuliиre, plus l’affection qui en dйcoule concerne le bien privй ; c'est pourquoi en nous aussi l’amour individuel tire son origine de la connaissance sensible, mais l’amour particulier du bien absolu tire son origine de la connaissance intellectuelle. Donc, parce que, plus les anges sont йlevйs, plus ils ont une science universelle, comme Denys le dit (La Hiйrarchie angйlique, XII, 2, PG. 1, 298), leur amour concerne tout а fait le bien commun. Donc plus ils s’aiment entre eux, s’ils diffиrent en espиce, cela convient а la perfection de l’univers, comme on l’a montrй, que s’ils se rassemblent plus dans une espиce qui convient au bien privй d’une seule espиce.

5. Ad quintum dicendum quod, cum affectio sequatur cognitionem, quanto cognitio est universalior, tanto affectio eam sequens magis respicit commune bonum; et quanto cognitio est magis particularis, tanto affectio ipsam sequens magis respicit privatum bonum; unde et in nobis privata dilectio ex cognitione sensitiva exoritur, dilectio vero communis et absoluti boni ex cognitione intellectiva. Quia igitur Angeli quanto sunt altiores, tanto habent scientiam magis universalem, ut Dionysius dicit, XII cap. Angel. Hierar., ideo eorum dilectio maxime respicit commune bonum. Magis igitur diligunt se invicem, si specie differunt, quod magis pertinet ad perfectionem universi, ut ostensum est, quam si in specie convenirent, quod pertineret ad bonum privatum unius speciei.

 

6. Notre вme unie а un corps ne peut pas comprendre les substances sйparйes en leurs essences, pour savoir ce qu’elle sont, parce que leurs essences excluent le genre des natures sensibles et leur rapport, par lesquelles notre intellect en prend connaissance. Et c'est pourquoi les substances sйparйes ne peuvent pas кtre dйfinies par nous au sens propre, mais seulement par йloignement ou par leur opйration. Et de cette maniиre Jean Damascиne ne donne pas de l’ange une dйfinition qui convient а une espиce trиs spйciale, mais а un genre subalterne, qui est le genre et l’espиce par oщ il peut recevoir une dйfinition.

6. Ad sextum dicendum quod substantias separatas non potest anima nostra corpori unita secundum essentias earum intelligere, ut sciat de eis quid sunt; quia earum essentiae excedunt genus sensibilium naturarum et earum proportionem, ex quibus intellectus noster cognitionem capit. Et ideo substantiae separatae non possunt definiri a nobis proprie, sed solum per remotionem, vel aliquam operationem ipsarum. Et hoc modo Damascenus definit Angelum non definitione pertinente ad speciem specialissimam, sed ad genus subalternum, quod est genus et species, unde definiri potest.

 

7. La maniиre de distinguer les personnes divines se fait sans la diversitй de l’essence, ce que la nature crййe ne supporte pas, et c'est pourquoi cela ne peut pas tirer а consйquence dans les crйatures.

7. Ad septimum dicendum quod modus distinctionis personarum divinarum est absque essentiae diversitate, quod non patitur natura creata; et ideo non est hoc ad consequentiam trahendum in creaturis.

 

8. On comprend le plus et le moins de deux maniиres. 1. D’une premiиre maniиre selon le mode diffйrent de la participation d’une seule et mкme forme, comme on dit que plus blanc est plus clair que moins blanc, et ainsi plus et moins ne diffйrencient pas l’espиce. 2. D’une autre maniиre on parle du plus et du moins selon le degrй des diffйrentes formes, comme on dit que le blanc est plus clair que le rouge et le vert ; et ainsi plus et moins diffйrencient l’espиce ; de cette maniиre les anges diffиrent en dons naturels selon le plus et le moins.

8. Ad octavum dicendum quod magis et minus dupliciter accipitur. Uno modo secundum diversum modum participationis unius et eiusdem formae, sicut magis album dicitur magis clarum quam minus album; et sic magis et minus non diversificant speciem. Alio modo dicitur magis et minus secundum gradum diversarum formarum, sicut album dicitur magis clarum quam rubeum aut viride; et sic magis et minus diversificant speciem; et hoc modo Angeli differunt in donis naturalibus secundum magis et minus.

 

9. Ce qui a йtabli en espиce est plus noble que ce qui a йtabli en genre, comme le dйterminй [est plus noble que] l’indйterminй ; car le dйterminй se comporte vis-а-vis de l’indйterminй comme l’acte vis-а-vis de la puissance. Mais pas toujours de sorte que ce qui a йtabli dans une espиce qui convient а une plus noble nature, comme on le voit, dans les espиces animales sans raison ; car des espиces de ce genre ne sont pas йtablies par addition d’une autre nature plus noble au-dessus de la nature sensitive, qui est la plus noble en elles, mais par la limitation aux diffйrents degrйs dans cette nature. Et il faut parler de la mкme maniиre au sujet de [la partie] intellectuelle qui est commune dans les anges.

9. Ad nonum dicendum quod id quod constituit in specie est nobilius eo quod constituit in genere, sicut determinatum indeterminato: habet enim se determinatum ad indeterminatum ut actus ad potentiam. Non autem ita quod semper illud quod constituit in specie, ad nobiliorem naturam pertineat, ut patet in speciebus animalium irrationalium: non enim constituuntur huiusmodi species per additionem alterius naturae nobilioris supra naturam sensitivam, quae est nobilissima in eis, sed per determinationem ad diversos gradus in illa natura. Et similiter dicendum est de intellectuali, quod est commune in Angelis.

 

10. Il ne semble pas universellement vrai qu’une diffйrence de genre plus imparfaite se multiplie en beaucoup d’espиces. Car on divise les corps en animй et inanimй : plus nombreuses cependant paraissent кtre les espиces de corps animйs que celles des inanimйs, surtout si les corps cйlestes sont animйs, et si toutes les йtoiles sont diffйrentes en espиce entre elles. Mais c’est aussi dans les plantes et les animaux qu’il y a la plus grande diversitй d’espиces. Pour en rechercher cependant une vйritй, il faut considйrer que Denys semble йmettre une opinion contraire aux Platoniciens. Car ceux-ci disent que plus les substances sont proches d’un premier UN, moins elles sont nombreuses. Mais Denys dit (La Hiйrarchie des anges, (XIV PG. 321), que les anges surpassent toute multitude matйrielle. Mais que les deux opinions soient vraies, on peut le concevoir par ce qui est corporel, en qui plus on trouve un corps supйrieur, moins il a de matiиre, mais il s’йtend dans un plus grande quantitй. C'est pourquoi comme le nombre est d’une certaine maniиre la cause de la quantitй continue, selon que le point constitue une unitй, et le point constitue la ligne, pour parler а la maniиre des Platoniciens, ainsi aussi dans toute l’universalitй des choses, plus certaines sont supйrieures dans les йtants, plus elles ont de multitude formelle, qui est atteinte selon la distinction des espиces et en cela on conserve la parole de Denys, mais moins dans la multitude matйrielle qui est atteinte selon la distinction des individus dans une mкme espиce, ce qui conserve l’opinion des Platoniciens. Mais une seule espиce animale raisonnable est constituйe, avec beaucoup d’espиces d’animaux sans raison, d’oщ provient que l’animal raisonnable est constituй de ce que la nature corporelle atteint en son degrй suprкme, la nature des substances spirituelles dans leur plus bas degrй. Mais le degrй suprкme d’une nature ou bien aussi le plus bas, est unique seulement : quoiqu’on puisse dire qu’il y a de nombreuses espиces d’animaux douйs de raison si quelqu’un pensait que les corps cйlestes sont animйs.

10. Ad decimum dicendum quod hoc non videtur esse universaliter verum, quod imperfectior differentia generis in plures species multiplicetur. Corpus enim dividitur per animatum et inanimatum: plures tamen videntur esse species animatorum corporum quam inanimatorum, praecipue si corpora caelestia sint animata, et omnes stellae ab invicem specie differant. Sed et in plantis et animalibus est maxima diversitas specierum. Ut tamen huius rei veritas investigetur, considerandum est quod Dionysius Platonicis contrariam sententiam proferre videtur. Dicunt enim Platonici quod substantiae quo sunt primo uni propinquiores, eo sunt minoris numeri. Dionysius vero dicit in XIV cap. angelicae hierarchiae, quod Angeli omnem materialem multitudinem transcendunt. Utrumque autem verum esse aliquis potest ex rebus corporalibus percipere; in quibus quanto corpus aliquod invenitur superius, tanto minus habet de materia, sed in maiorem quantitatem extenditur. Unde cum numerus quodammodo sit causa quantitatis continuae, secundum quod punctum constituit unitas, et punctus lineam, ut more Platonicorum loquamur: ita est etiam in tota rerum universitate, quod quanto aliqua sunt superiora in entibus, tanto plus habent de formali multitudine, quae attenditur secundum distinctionem specierum: et in hoc salvatur dictum Dionysii: minus autem de multitudine materiali quae attenditur secundum distinctionem individuorum in eadem specie; in quo salvatur dictum Platonicorum. Quod autem est una sola species animalis rationalis, multis existentibus speciebus irrationalium animalium, ex hoc provenit, quia animal rationale constituitur ex hoc quod natura corporea attingit in sui supremo naturam substantiarum spiritualium in sui infimo. Supremus autem gradus alicuius naturae, vel etiam infimus, est unus tantum: quamvis posset dici plures esse species rationalium animalium, si quis poneret corpora caelestia animata.

 

11. Les hommes font partie des crйatures corruptibles, qui sont une partie infinie de l’univers, en laquelle on trouve certaines choses ordonnйes non seulement par soi mais aussi par accident. Et c’est pourquoi dans l’Йglise militante la diversitй selon la puissance et l’ordre ne diffйrencie pas l’espиce ; c’est autrement dans les anges, qui sont la partie supйrieure de l’univers, comme on l’a dit. Mais dans les hommes, la ressemblance des anges n’est pas parfaite, mais il arrive qu’elle est telle, comme on l’a dit.

11. Ad undecimum dicendum quod homines continentur inter creaturas corruptibiles, quae sunt infinita pars universi, in qua inveniuntur aliqua ordinata non solum per se, sed etiam per accidens. Et ideo in Ecclesia militanti diversitas secundum potentiam et ordinem non diversificat speciem; secus autem est in Angelis, qui sunt suprema pars universi, ut dictum est. Est autem in hominibus Angelorum similitudo non perfecta, sed qualem esse contingit, ut dictum est.

 

12. Parce que les ornements de la terre et de l’eau sont corruptibles, ils requiиrent la pluralitй dans une mкme espиce, comme on l’a dit. Mais les corps cйlestes sont aussi de diffйrentes espиces, comme on l’a dit, car la lumiиre n’est pas leur forme susbtantielle, puisqu’elle est qualitй sensible par soi ; ce qu’on ne peut dire d’aucune forme substantielle. Et ensuite la lumiиre n’est pas de la mкme nature en toutes choses, ce qui paraоt du fait que les rayons des diffйrents corps supйrieurs ont des effets diffйrents.

12. Ad duodecimum dicendum quod ornamenta terrae et aquae, quia corruptibilia sunt, requirunt multitudinem in eadem specie, ut dictum est. Corpora autem caelestia etiam sunt diversarum specierum, ut dictum est: lux enim non est forma substantialis eorum, cum sit qualitas per se sensibilis; quod de nulla forma substantiali dici potest. Et praeterea non est eiusdem rationis lux in omnibus; quod patet ex hoc quod diversorum corporum superiorum radii diversos habent effectus.

 

13. L’individuation dans les anges ne se fait pas par la matiиre, mais par le fait qu’ils sont les formes subsistantes par soi, qui ne sont pas destinйes а кtre dans un substrat ou une matiиre, comme on la dit.

13. Ad decimumtertium dicendum quod individuatio in Angelis non est per materiam, sed per hoc quod sunt formae per se subsistentes, quae non sunt natae esse in subiecto vel materia, ut dictum est.

 

14. Les anciens philosophes ont pensй que ce qui connaоt doit кtre de la nature de ce qui est connu ; c'est pourquoi Empйdocle a dit (L’вme, I, 2, 404 b 13) que nous connaissons la terre par la terre et l’eau par l’eau. Mais pour s’y opposer Aristote (L’вme, III, 4, 429 a 21) a pensй que la puissance cognitive en nous, dans la mesure oщ elle est en puissance, est vide de la nature des connaissables, comme la pupille est vide de couleur, mais cependant le sens en acte est senti en acte, en tant qu’il devient sens en acte, par le fait qu’il est mis en forme par une espиce sensible, et par la mкme raison l’intellect en acte est ce qui est compris en acte, en tant qu’il est mis en forme par l’espиce intelligible : car la pierre n’est pas dans l’вme, mais la forme de la pierre, comme il le dit lui-mкme (L’вme, III, 8, 431 b 29). De ce fait il y a quelque chose d’intelligible en acte qui est sйparй de la matiиre et c’est pourquoi il dit (L’вme, III, 4, 430 a 2) que dans ce qui est sans matiиre, ce qui comprend et ce qui est compris sont identiques. Donc il ne faut pas que l’ange qui pense soit le mкme en substance que l’ange qui est pensй s’ils sont immatйriels, mais il faut que l’intellect de l’un soit mis en forme par la ressemblance de l’autre.

14. Ad decimumquartum dicendum quod antiqui philosophi posuerunt quod cognoscens debet esse de natura rei cognitae; unde Empedocles dixit quod terram terra cognoscimus, et aquam aqua. Sed ad hoc excludendum Aristoteles posuit quod virtus cognoscitiva in nobis, prout est in potentia, est denudata a natura cognoscibilium, sicut pupilla a colore; sed tamen sensus in actu est sensatum in actu, in quantum fit sensus in actu per hoc quod informatur specie sensibili; et eadem ratione intellectus in actu est intellectum in actu, in quantum informatur per speciem intelligibilem: non enim lapis est in anima, sed species lapidis, ut ipse dicit. Ex hoc autem est aliquid intelligibile in actu, quod est a materia separatum; et ideo dicit quod in his quae sunt sine materia, idem est intellectus et quod intelligitur. Non ergo oportet quod Angelus intelligens sit idem in substantia quod Angelus intellectus, si sunt immateriales; sed oportet quod intellectus unius formetur per similitudinem alterius.

 

15. Le nombre qui est causй par la division du continu est une espиce de quantitй, et est seulement dans les substances matйrielles. Mais dans les substances immatйrielles il y a la multitude qui vient des transcendantaux, selon que l’un et beaucoup divisent l’йtant, et cette pluralitй suit la distinction formelle.

15. Ad decimumquintum dicendum quod numerus qui causatur ex divisione continui est species quantitatis, et est tantum in substantiis materialibus. Sed in substantiis immaterialibus est multitudo quae est de transcendentibus, secundum quod unum et multa dividunt ens; et haec multitudo consequitur distinctionem formalem.

 

16. La diffйrence entre la cause et l’effet est placйe par certains pour multiplier les substances sйparйes ; en tant qu’ils pensent que c’est de cela que proviennent les diffйrents degrйs, en eux ; dans la mesure oщ l’effet est en dessous de sa cause. C'est pourquoi si nous pensons qu’il y a diffйrents degrйs dans les substances, immatйrielles, par l’ordre de la sagesse divine qui les cause, il restera une mкme raison de distinction, mкme si l’une d’elles n’est pas la cause de l’autre.

16. Ad decimumsextum dicendum quod differentia secundum causam et causatum ponitur a quibusdam multiplicare substantias separatas, in quantum per hoc ponunt provenire diversos gradus in eis, prout causatum est infra suam causam. Unde si ponimus diversos gradus in substantiis immaterialibus ex ordine divinae sapientiae causantis, remanebit eadem distinctionis ratio, etiam si una earum non sit causa alterius.

 

17. Comme n’importe quelle nature crййe est finie, elle ne reprйsente pas parfaitement la bontй divine comme la multitude des natures, parce que ce qui est contenu de multiples faзons en de nombreuses natures est reзu en Dieu sous l’unitй et ainsi il a fallu qu’il y ait de nombreuses natures dans l’univers, et ainsi que dans les substances angйliques.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod quaelibet natura creata, cum sit finita, non ita perfecte repraesentat divinam bonitatem sicut multitudo naturarum: quia quod in multis naturis multipliciter continetur, comprehenditur in Deo unite; et ideo oportuit esse plures naturas in universo, et etiam in substantiis angelicis.

 

18. On considиre l’opposition des diffйrences qui constituent les espиces angйliques en tant que parfait et imparfait ou ce qui excиde ou ce qui est excйdй, comme c’est aussi dans les nombres, et comme se comportent l’animй et l’inanimй, etc..

18. Ad decimumoctavum dicendum, quod oppositio differentiarum constituentium angelicas species, accipitur secundum perfectum et imperfectum, vel excedens et excessum; sicut est etiam in numeris, et sicut se habent animatum et inanimatum, et alia huiusmodi.

 

 

Article 9 : L’intellect possible est-il unique dans tous les hommes ? Articulus 9 : Nono quaeritur utrum intellectus possibilis sit unus in omnibus hominibus

 

Il semble que oui[176].

Et videtur quod sic.

 

 Objections

1. Augustin dit dans le livre La Dimension[177] de l’вme (XXXII, 69. PL. 33, 1073[178]) : « Si j’avais dit que les вmes sont nombreuses, je me serais moquй de moi ». Donc il semble risible de dire qu’il y a beaucoup d’вmes intellectives.

1. Dicit enim Augustinus in libro de quantitate animae: si dixero multas esse animas, ipse me ridebo. Derisibile ergo videtur dicere multas animas intellectivas esse.

 

2. En ce qui est sans matiиre, il y a un seul individu par espиce, comme on l’a montrй (art. 8). Mais comme l’intellect possible, ou вme intellective est une substance spirituelle, elle n’est pas composйe de matiиre et de forme, comme on l’a montrй plus haut (art. 1). Donc il y a seulement un вme intellective, ou intellect possible dans toute l’espиce humaine.

2. Praeterea, in his quae sunt sine materia, est unum individuum in una specie, ut ostensum est. Sed intellectus possibilis, sive anima intellectiva, cum sit substantia spiritualis, non est compositus ex materia et forma, ut prius ostensum est. Ergo est una tantum anima intellectiva, sive intellectus possibilis, in tota specie humana.

 

3. Mais on pourrait dire que mкme si l’вme intellective n’a pas de matiиre par laquelle elle existe, elle a cependant une matiиre en laquelle elle est, а savoir le corps ; selon leur multiplication, les вmes intellectives sont multipliйes. En sens contraire, une fois retirйe la cause,  l’effet est retirй. Si donc la multiplication des corps est la cause de la pluralitй des вmes, une fois retirй les corps, beaucoup d’вmes ne peuvent pas demeurer.

3. Sed dicebat quod etsi anima intellectiva non habeat materiam ex qua sit, habet tamen materiam in qua est, scilicet corpus, secundum quorum multiplicationem multiplicantur animae intellectivae.- Sed contra, remota causa removetur effectus. Si igitur multiplicatio corporum est causa multitudinis animarum, remotis corporibus, non possunt multae animae remanere.

 

4. L’individuation se fait selon la dйterminations des principes essentiels, car de mкme qu’il est de la nature de l’homme d’кtre composй d’une вme et d’un corps, il est de la nature de Socrate d’кtre composй de cette вme et de ce corps, comme le fait voir le philosophe (Mйtaphysique, VII, 10, 1035b 29[179]). Mais le corps n’est pas de l’essence de l’вme. Donc il est impossible que l’вme soit individuйe par le corps, et ainsi les вmes ne sont pas multipliйes selon la multiplicitй des corps.

4. Praeterea, individuatio fit secundum determinationem principiorum essentialium; sicut enim de ratione hominis est ut componatur ex anima et corpore, ita de ratione Socratis est ut componatur ex hac anima et hoc corpore, ut patet per philosophum in VII Metaph. Sed corpus non est de essentia animae. Ergo impossibile est quod anima individuetur per corpus, et ita non multiplicabuntur animae secundum multiplicationem corporum. 

 

5. Augustin dit dans Contra Felicianum (XII, PL. 42, 1167[180]): : « Si nous recherchons l’origine de la puissance qui donne la vie, d’abord, l’вme est avant la mиre, aprиs elle semble nйe d’elle avec la descendance » et il parle de : «l’вme par laquelle la mиre est animйe », comme il l’ajoute aussitфt. Par cela il semble dire que c’est la mкme вme dans la mиre et le fils, et d’une mкme nature dans tous les hommes.

5 Praeterea, Augustinus dicit contra Felicianum: si originem animantis potentiae requiramus, prior est anima matre, et ex hac rursus nata videtur cum sobole; et loquitur de anima per quam animata est mater, ut statim subdit. Ex quo videtur dicere quod sit eadem anima in matre et filio, et eadem ratione in omnibus hominibus.

 

6. Si l’intellect possible йtait diffйrent en moi et en toi, il faudrait que l’intellection soit diffйrente en moi et en toi, puisqu’elle est dans l’intellect, et ainsi l’intellect est comptй par le nombre des hommes individuels. Mais tout ce qui est comptй par le nombre des individus a une intellection commune, et ainsi une intellection viendra d’une intellection а l’infini, ce qui est impossible. Donc il n’y a pas un autre intellect possible en moi et en toi.

6. Praeterea, si intellectus possibilis esset alius in me et alius in te, oporteret quod res intellecta esset alia in me et alia in te, cum res intellecta sit in intellectu; et ita res intellecta numeraretur per numerationem individuorum hominum. Sed omnia quae numerantur per numerationem individuorum, habent rem intellectam communem; et sic rei intellectae erit aliqua res intellecta in infinitum; quod est impossibile. Non ergo est alius intellectus possibilis in me et in te. 

 

7. S’il n’y avait pas un seul intellect possible dans tous les hommes, quand il arrive que la science est causйe dans l’йlиve par le maоtre, il faudrait que, ou bien la mкme science en nombre, qui est dans le maоtre passe dans l’йlиve, ou bien que la science du maоtre cause la science de l’йlиve, comme la chaleur du feu cause la chaleur dans le bois, sinon apprendre ne serait plus autre chose que se remйmorer. Car si l’йlиve possйdait avant d’apprendre la science qu’il apprend, apprendre serait se remйmorer[181]. Mais s’il ne l’a pas d’abord, ou bien il acquiert celle qui existe avant dans un autre, а savoir dans le maоtre ou bien qui n’existe pas avant dans un autre, et ainsi il faut que ce qui est en lui de nouveau soit causй par un autre. Mais ces trois solutions sont impossibles. En effet la science qui est un accident, ne peut pas la mкme  en nombre passer d’un sujet dans un autre, parce que, comme Boиce (Categ. T, PL 64, 173) le dit, les accidents peuvent se corrompre, ils ne peuvent pas кtre transportйs ailleurs. De la mкme maniиre aussi il est impossible que la science du maоtre cause la science dans l’йlиve, d’une part, parce que la science n’est pas une qualitй active, d’autre part, parce que les paroles que le maоtre profиre incitent seulement l’йlиve а comprendre, comme Augustin le dit (La maоtre, passim) Mais que le fait d’apprendre soit se remйmorer, est contre le philosophe (I Posterior. 1. 71a). Donc il n’y pas un intellect possible diffйrent dans tous les hommes.

7. Praeterea, si non esset unus intellectus possibilis in omnibus hominibus, cum contingit scientiam a magistro in discipulo causari, oporteret quod vel eadem numero scientia quae est in magistro deflueret ad discipulum, vel quod scientia magistri causaret scientiam discipuli, sicut calor ignis causat calorem in lignis, vel quod addiscere non esset aliud quam reminisci. Si enim discipulus habeat ante addiscere scientiam quam addiscit, addiscere est reminisci. Si vero non habeat eam prius, aut acquirit eam existentem prius in alio, scilicet in magistro, aut non existentem prius in alio, et sic oportet quod in eo de novo causetur ab alio. Haec autem tria sunt impossibilia. Cum enim scientia accidens, non potest eadem numero transire de subiecto in subiectum, quia ut Boetius dicit, accidentia corrumpi possunt, transmutari non possunt. Similiter etiam impossibile est quod scientia magistri causet scientiam in discipulo, tum quia scientia non est qualitas activa, tum quia verba quae magister profert solum excitant discipulum ad intelligendum, ut Augustinus dicit in libro de magistro. Quod autem addiscere sit reminisci, est contra philosophum in I Poster. Non est ergo alius et alius intellectus possibilis in omnibus hominibus.

 

8. Tout pouvoir de connaоtre qui est dans une matiиre corporelle[182], connaоt seulement ce qui a une affinitй avec la matiиre en laquelle elle est, ainsi la vue connaоt seulement les couleurs qui ont une affinitй avec la pupille, qui reзoit les couleurs а cause de sa transparence. Mais l’intellect possible ne peut pas recevoir ce qui a seulement affinitй avec tout le corps, ou bien avec chacune de ses parties. Donc l’intellect possible n’est pas un pouvoir cognitif dans la matiиre corporelle, ni dans tout le corps, ni dans l’une de ses parties. Donc il n’est pas multipliй selon la multiplication des corps.

8. Praeterea, omnis virtus cognoscitiva quae est in materia corporali, cognoscit ea tantum quae habent affinitatem cum materia in qua est; sicut visus cognoscit tantum colores qui habent affinitatem cum pupilla, quae est susceptiva colorum propter suam diaphaneitatem. Sed intellectus possibilis non est susceptivus eorum tantum quae habent affinitatem vel cum toto corpore, vel cum quacumque parte eius. Intellectus ergo possibilis non est virtus cognoscitiva in materia corporali, neque in toto corpore neque in aliqua parte eius. Ergo non multiplicatur secundum multiplicationem corporum.

 

9. Si l’вme intellective ou intellect possible est multipliйe selon la multiplication des corps, ce n’est que parce qu’elle est la forme du corps. Mais elle ne peut pas кtre la forme du corps, puisqu’elle est composйe de matiиre et de forme, comme beaucoup le pensent ; car le composй de matiиre et de forme ne peut pas кtre la forme de quelque chose. Donc l’вme intellective, ou intellect possible, ne peut pas кtre multipliйe selon la multiplicitй des corps

9. Praeterea, si anima intellectiva vel intellectus possibilis multiplicatur secundum multiplicationem corporum, hoc non est nisi quia est corporis forma. Sed non potest esse corporis forma, cum sit composita ex materia et forma, ut a multis ponitur; compositum enim ex materia et forma non potest esse alicuius forma. Ergo anima intellectiva, sive intellectus possibilis, non potest multiplicari secundum multitudinem corporum.

 

10. Comme Cyprien le dit (Epist. ad Magnum, PL. 3, 1143), le Seigneur a  empкchй ses disciples d’entrer dans la citй des  Samaritains, а cause du pйchй [causй par le] schisme, parce que depuis le rиgne de David, ils se sont sйparйs des dix tribus, йtablissant par la suite un royaume pour eux en Samarie. Et c’йtait le mкme peuple du temps du Christ que celui avait existй auparavant. Mais ainsi le peuple se comporte vis-а-vis du peuple, comme l’homme vis-а-vis de l’homme et l’вme vis-а-vis de l’вme. Donc pour la mкme raison une seule вme est dans celui qui a йtй avant, et dans l’autre qui a suivi aprиs, et ainsi par la mкme raison la mкme вme sera dans chaque homme.

10. Praeterea, sicut Cyprianus dicit, dominus prohibuit discipulis ne in civitatem Samaritanorum intrarent propter peccatum schismatis; quia a regno David recesserunt decem tribus, in Samaria caput sibi regni postmodum statuentes. Idem autem populus erat tempore Christi qui prius fuerat. Sic autem se habet populus ad populum sicut homo ad hominem, et anima ad animam. Ergo eadem ratione una anima est in eo qui prius fuit, et in alio qui post sequitur; et sic per eamdem rationem eadem anima erit in singulis hominibus.

 

11. L’accident dйpend plus du substrat que la  forme de la matiиre, puisque la forme donne l’кtre а la matiиre absolument, mais l’accident ne donne absolument pas l’кtre au substrat. Mais un seul accident peut кtre dans de nombreuses substances, de mкme qu’un seul temps est dans de nombreux mouvements, comme Anselme le dit (Dialogus de veritate, fin., PL. 158, 486[183]). Donc beaucoup plus une seule вme peut кtre celle de nombreux corps, et ainsi il ne faut pas qu’il y ait de nombreux intellects possibles.

11. Praeterea, magis dependet accidens a subiecto quam forma a materia; cum forma det esse materiae simpliciter, accidens autem non dat esse simpliciter subiecto. Sed unum accidens potest esse in multis substantiis, sicut unum tempus est in multis motibus, ut Anselmus dicit. Ergo multo magis una anima potest esse multorum corporum; et sic non oportet esse multos intellectus possibiles.

 

12. L’вme intellective est plus puissante que l’вme vйgйtative. Mais l’вme vйgйtative a la puissance d’animer quelque chose hors du corps dont elle est la forme ; car Augustin dit (La musique, VI, VIII, 21[184]) que les rayons visuels sont par l’вme de celui qui voit, mкme produit au loin jusqu’а la chose vue. Donc beaucoup plus l’вme intellective peut achever d’autres corps en plus du corps oщ elle est.

12. Praeterea, anima intellectiva virtuosior est quam vegetativa. Sed anima vegetativa est potens vegetare aliquid extra corpus cuius est forma; dicit enim Augustinus in VI musicae, quod radii visuales vegetantur ab anima videntis, etiam longe producti usque ad rem visam. Ergo multo magis anima intellectiva potest perficere alia corpora praeter corpus in quo est.

 

13. Si l’intellect possible est multipliй avec la multiplication des corps, il faut que les espиces intelligibles qui sont dans l’intellect possible en moi et en toi, soient multipliйes selon la multiplication des corps. Mais de toutes les formes multipliйes selon la multiplication de la matiиre corporelle, on peut en abstraire une application commune. Donc, on peut abstraire par les formes saisies par l’intellect possible une application intellectuelle commune, et par la mкme raison, comme cette application saisie est multipliйe en rapport avec la multiplication de l’intellect possible ce sera abstraire а l’infini une autre application saisie. Mais cela est impossible. Donc Il n’y a qu’un seul intellect possible dans tous.

13. Praeterea, si intellectus possibilis multiplicatur secundum multiplicationem corporum, oportet quod species intelligibiles quae sunt in intellectu possibili in me et in te, secundum multiplicationem corporum multiplicentur. Sed ab omnibus formis multiplicatis secundum multiplicationem materiae corporalis, potest abstrahi aliqua intentio communis. Ergo a formis intellectis per intellectum possibilem potest abstrahi aliqua intentio intellecta communis; et eadem ratione, cum illa intentio intellecta multiplicetur secundum multiplicationem intellectus possibilis, erit abstrahere aliam intentionem intellectam in infinitum. Hoc autem est impossibile. Est igitur unus intellectus possibilis in omnibus.

 

14. Tous les hommes s’accordent sur les premiers principes. Mais cela ne serait [possible] que si ce par quoi ils connaissent les premiers principes йtait unique et commun а tous les hommes. Or l’intellect possible est de ce genre. Donc il y a un seul intellect possible en tous.

14. Praeterea, omnes homines consentiunt in primis principiis. Sed hoc non esset, nisi id quo cognoscunt prima principia esset unum commune in omnibus hominibus. Huiusmodi autem est intellectus possibilis. Est igitur unus intellectus possibilis in omnibus.

 

15. Aucune forme individuйe et multipliйe par la matiиre n’est comprise en acte. Mais quand l’intellect possible comprend en acte, il est un intellect en acte, et l’intellect en acte se comprend en acte, comme il est dit (L’вme, III, 7, 431 a 1[185]) comme le sens en acte est senti en acte. Donc l’intellect possible n’est pas individuй ni multipliй par la matiиre corporelle, et ainsi il est un en tous.

15. Praeterea, nulla forma individuata et multiplicata per materiam est intellecta in actu. Sed intellectus possibilis, cum actu intelligit, est intellectus in actu; et intellectus in actu est intellectum in actu, ut dicitur III de anima, sicut sensus in actu est sensatum in actu. Ergo intellectus possibilis non est individuatus, neque multiplicatus per materiam corporalem; et ita est unus in omnibus.

 

16. Ce qui est reзu est dans celui qui reзoit selon le mode du receveur. Mais l’espиce intelligible est reзue dans l’intellect comme comprise en acte et non individuйe par la matiиre. Donc l’intellect possible n’est pas individuй par la matiиre. Donc il n’est pas multipliй par la multiplication de la matiиre corporelle.

16 Praeterea, receptum est in recipiente per modum recipientis. Sed species intelligibilis recipitur in intellectu ut intellecta in actu, et non individuata per materiam. Ergo intellectus possibilis non est individuatus per materiam. Ergo neque multiplicatur per multiplicationem materiae corporalis.

 

17. L’intellect possible de Socrate ou de Platon comprend leur essence, puisque l’intellect se reflйchit sur lui-mкme. Donc l’essence mкme de l’intellect possible est comprise en acte. Mais aucune forme individuйe et multipliйe par la matiиre n’est comprise en acte. Donc l’intellect possible n’est pas individuй et multipliй par la matiиre corporelle, et ainsi il reste qu’il y a un seul intellect possible en tous.

17 Praeterea, intellectus possibilis Socratis vel Platonis intelligit essentiam suam, cum intellectus in seipsum reflectatur. Ergo ipsa essentia intellectus possibilis est intellecta in actu. Sed nulla forma individuata et multiplicata per materiam est intellecta in actu. Ergo intellectus possibilis non individuatur et multiplicatur per materiam corporalem; et sic relinquitur quod sit unus intellectus possibilis in omnibus.

 

En sens contraire

1. Il y a ce qui est dit dans l’Apocalypse 7, 9 : « Aprиs cela j’ai vu une grande foule que personne ne pouvait compter ». Mais cette foule, ce ne sont pas des hommes qui vivent corporellement, mais des вmes sйparйes du corps. Donc les вmes intellectives sont nombreuses, non seulement maintenant, quand elles sont unies au corps, mais aussi quand elles en sont dйlivrйes.

1. Sed contra. Est quod dicitur Apocal. cap. VII: post haec vidi turbam magnam quam dinumerare nemo poterat. Turba autem illa non erat hominum corporaliter viventium, sed animarum a corpore absolutarum. Ergo sunt multae animae intellectivae, non solum nunc cum corpori uniuntur, sed etiam a corporibus absolutae.

 

2. Augustin dit (Contra Felicianum, XII, PL 42, 1166-1167) : « Concevons, comme la plupart le veulent, qu’il y a dans le monde une вme gйnйrale[186] », et ensuite il ajoute : « Quand nous exposons de telles choses, nous proclamons qu’il faut les combattre ». Donc il est improbable qu’il y ait une seule вme pour tous.

2. Praeterea, Augustinus dicit contra Felicianum: fingamus, sicut plerique volunt, esse in mundo animam generalem; et postea subdit: cum talia proponimus, oppugnanda praedicamus. Est ergo improbabile quod sit una anima omnium.

 

3. L’вme intellective est liйe au corps humain plus que le moteur au corps cйleste. Mais le Commentateur dit (L’вme, III, comm. 5, f. 166r) au sujet de l’вme que, s’il y avait plusieurs corps mobiles, il y aurait plusieurs moteurs dans les sphиres cйlestes. Donc plus il y a de corps humains, plus les вmes intellectives seront nombreuses, et non un seul intellect possible seulement.

3. Praeterea, magis est alligata anima intellectiva corpori humano, quam corpori caelesti motor eius. Sed Commentator dicit in III de anima quod si essent plura corpora mobilia, essent plures motores in orbibus caelestibus. Ergo magis cum sint multa corpora humana, erunt multae animae intellectivae, et non unus tantum intellectus possibilis.

 

Rйponse

Pour йclairer cette question, il faut comprendre d’abord ce qu’on entend par le nom d’intellect possible et d’intellect agent. Il faut savoir qu’Aristote (De anima, III, 4, 429 a 13[187]) a procйdй en examinant l’intellect par ressemblance avec la sensation. Du cфtй de la sensation, quand nous nous trouvons quelquefois en train de sentir en puissance, quelquefois en acte, il faut placer en nous une puissance sensitive, par laquelle nous sentirions en puissance, qui doit кtre en puissance par la forme sensible, et n’avoir aucune forme d’elle en acte dans son essence, autrement si le sens avait en acte les sensibles, comme les anciens philosophes le pensaient, il en dйcoulerait que nous serions toujours en train de sentir en acte. De la mкme maniиre comme nous nous trouvons quelquefois en train de comprendre[188] en acte, quelquefois en puissance, il est nйcessaire de placer une puissance par laquelle nous comprenons en puissance, qui dans son essence et sa nature n’a rien de la nature des choses sensibles, que nous pouvons comprendre, mais est en puissance а tout ; et pour cela on l’appelle l’intellect possible, de mкme que le sens, selon qu’il est en puissance pourrait кtre appelйs  le sens possible. Mais le sens qui est en puissance est ramenй en acte par les sensibles en acte, qui sont hors de l’вme ; c'est pourquoi il n’est pas nйcessaire de placer un sens agent. Et de la mкme maniиre il ne serait pas nйcessaire de placer un intellect agent, si les universaux, qui sont intelligibles en acte,  subsistaient par soi hors de l’вme comme l’a pensй Platon. Mais parce qu’Aristote a pensй qu’il ne subsistait que dans les sensibles, qui ne sont pas intelligibles en acte, il a jugй nйcessaire de placer une puissance qui ferait des intelligibles en puissance des intelligibles en acte, en abstrayant la forme des choses de la matiиre et des conditions individuantes, et on appelle cette puissance l’intellect agent.

Respondeo. Dicendum quod ad evidentiam huius quaestionis, oportet praeintelligere quid intelligatur nomine intellectus possibilis et agentis. Sciendum est autem, quod Aristoteles, processit ad considerandum de intellectu per similitudinem sensus. Ex parte autem sensus, cum inveniamur quandoque sentientes in potentia, quandoque in actu, oportet ponere in nobis aliquam virtutem sensitivam per quam simus sentientes in potentia; quam oportet esse in potentia ad species sensibilium, et nullam earum habere actu in sua essentia; alioquin si sensus haberet in actu sensibilia, sicut antiqui philosophi posuerunt, sequeretur quod semper essemus sentientes in actu. Similiter cum inveniamur quandoque intelligentes in actu, quandoque in potentia, necesse est ponere aliquam virtutem per quam simus intelligentes in potentia, quae quidem in sua essentia et natura non habet aliquam de naturis rerum sensibilium, quas intelligere possumus, sed sit in potentia ad omnia; et propter hoc vocatur possibilis intellectus; sicut et sensus, secundum quod est in potentia, posset vocari sensus possibilis. Sensus autem qui est in potentia, reducitur in actum per sensibilia actu, quae sunt extra animam; unde non est necesse ponere sensum agentem. Et similiter non esset necesse ponere intellectum agentem, si universalia quae sunt intelligibilia actu, per se subsisterent extra animam, sicut posuit Plato[189]. Sed quia Aristoteles posuit ea non subsistere nisi in sensibilibus, quae non sunt intelligibilia actu, necesse habuit ponere aliquam virtutem quae faceret intelligibilia in potentia esse intelligibilia actu, abstrahendo species rerum a materia et conditionibus individuantibus; et haec virtus vocatur intellectus agens.

 

Donc au sujet de l’intellect possible, Averroиs, dans son commentaire (De Anima, III, comm. f. 1264) a pensй qu’il y avait une substance sйparйe des corps humains selon l’кtre mais qui serait joint а nous par les images ; et а nouveau que ce serait une seul intellect possible pour tous. Mais il est facile de voir que cette opinion est contraire а la foi ; car elle supprime les rйcompenses et les peines de la vie future[190]. Mais il faut montrer que cette position est en soi impossible par les vrais principes de la philosophie. On a montrй ci-dessus comme il s’agissait de l’union de la substance spirituelle au corps, que selon cette opinion, il en dйcoulerait qu’aucun homme particulier ne comprendrait rien. Mais cela donnй, grвce а la discussion, qu’un homme particulier par son intellect ainsi sйparй pourrait comprendre, il en dйcoule trois inconvйnients, si on pense qu’il n’y a qu’un seul intellect possible pour tous par lequel tous les hommes comprennent.

De intellectu ergo possibili Averroes in commento III de anima posuit quod esset quaedam substantia separata secundum esse a corporibus hominum, sed quod continuaretur nobiscum per phantasmata; et iterum quod esset unus intellectus possibilis omnium. Quod autem haec positio sit contraria fidei facile est videre: tollit enim praemia et poenas futurae vitae. Sed ostendendum est hanc positionem esse secundum se impossibilem per vera principia philosophiae. Ostensum est autem supra cum de unione substantiae spiritualis ad corpus ageretur, quod secundum hanc positionem sequeretur quod nullus homo particularis intelligeret aliquid. Sed dato, disputationis gratia, quod aliquis homo particularis per intellectum sic separatum intelligere posset, sequuntur tria inconvenientia, si ponatur quod sit unus intellectus possibilis omnium quo omnes intelligant.

 

1. Parce qu’il n’est pas possible qu’il y ait en mкme temps et en une fois plusieurs actions d’une seule puissance, par rapport au mкme objet. Mais il arrive que deux hommes en mкme temps et en une fois comprennent un seul et mкme intelligible. Si donc l’un et l’autre comprennent par un seul intellect possible, il en йcoulerait qu’une seule et mкme opйration en nombre serait l’opйration intellectuelle de l’un et de l’autre, comme si deux hommes voyaient d’un seul њil, il en dйcoulerait que ce serait la mкme vision pour tous les deux ; ce qui paraоt кtre tout а fait impossible. Et on ne peut pas dire mon intellection est diffйrente de la tienne par la diversitй des images, parce que l’image est dans l’intellect en acte, mais c’est ce qui en est abstrait qui est comptй кtre l’expression. C'est pourquoi la diversitй des images est hors de l’opйration intellectuelle, et ainsi elle ne peut pas la diversifier.

Primo quidem, quia non est possibile unius virtutis simul et semel esse plures actiones respectu eiusdem obiecti. Contingit autem duos homines simul et semel unum et idem intelligibile intelligere. Si igitur uterque intelligit per unum intellectum possibilem, sequeretur quod una et eadem numero esset intellectualis operatio utriusque; sicut si duo homines viderent uno oculo, sequeretur quod eadem esset visio utriusque; quod patet esse omnino impossibile. Nec potest dici quod intelligere meum sit aliud ab intelligere tuo per diversitatem phantasmatum; quia phantasma non est intellectum in actu, sed id quod est ab eo abstractum, quod ponitur esse verbum. Unde diversitas phantasmatum est extrinseca ab intellectuali operatione; et sic non potest diversificare ipsam.

 

2.  Parce qu’il est impossible qu’il y en ait un seul [intellect] en nombre par quoi ils reзoivent l’espиce. Car si deux chevaux se rencontrent dans la mкme [rйalitй] en nombre par laquelle ils auraient l’espиce du cheval, il en dйcoulerait que les deux chevaux seraient un seul cheval, ce qui est impossible. Et pour cela en Mйtaphysique (VIII, 10, 1035 b 30[191]) il est dit que les principes de l’espиce, selon qu’ils sont dйterminйs, constituent l’individu, pour que, si c’est la nature de l’homme d’кtre [composй] d’une вme et d’un corps, il est de la nature de cet homme, qu’il soit [composй] de cette вme et de ce corps. C'est pourquoi il faut que les principes de n’importe quelle espиce soient pluralisйs en plusieurs individus d’une mкme espиce. Ce par quoi quelque chose reзoit l’espиce est connu par sa propre opйration qui suit l’espиce. Car nous jugeons qu’est vrai l’or qui a l’opйration propre de l’or. Mais la propre opйration de l’espиce humaine c’est comprendre, c'est pourquoi le philosophe place l’ultime bonheur de l’homme selon cette opйration en Йthique (X, 7, 1177 a 11[192]). Le principe de cette opйration n’est pas l’intellect passif, c'est-а-dire la puissance cognitive, ou la puissance sensitive appйtitive, qui participe en  raison de quelque maniиre, puisque ces puissances n’ont d’opйration que par un organe naturel. Mais comprendre (penser) ne peut pas exister par un organe corporel, comme c’est prouvй L’вme (III, 4) Et ainsi il reste que l’intellect possible est ce par quoi cet homme reзoit l’espиce humaine ; mais pas l’intellect passif, comme Averroиs (De anima, III, comm. 20) l’imagine. Il reste donc qu’il est impossible qu’il y ait un seul intellect possible dans tous les hommes.

Secundo, quia impossibile est esse unum numero in individuis eiusdem speciei illud per quod speciem sortiuntur. Si enim duo equi convenirent in eodem secundum numerum quo speciem equi haberent, sequeretur quod duo equi essent unus equus; quod est impossibile. Et propter hoc in VII Metaph. dicitur, quod principia speciei, secundum quod sunt determinata, constituunt individuum; ut si ratio hominis est ut sit ex anima et corpore, de ratione huius hominis est quod sit ex hac anima et ex hoc corpore. Unde principia cuiuslibet speciei oportet plurificari in pluribus individuis eiusdem speciei. A quo autem aliquid speciem sortiatur, cognoscitur a propria operatione speciem consequente. Diiudicamus enim esse verum aurum, quod habet propriam operationem auri. Propria autem operatio humanae speciei est intelligere; unde secundum hanc operationem ponit philosophus ultimam hominis felicitatem in X Ethic. Huius autem operationis principium non est intellectus passivus, id est vis cogitativa, vel vis appetitiva sensitiva, quae participat aliqualiter ratione; cum hae vires non habeant operationem nisi per organum corporale. Intelligere autem non potest esse per organum corporale, ut in III de anima probatur. Et sic relinquitur quod intellectus possibilis sit quo hic homo speciem humanam sortitur; non autem intellectus passivus, ut Averroes fingit. Relinquitur ergo quod impossibile sit unum intellectum possibilem in omnibus hominibus esse.

 

3. Troisiиmement il en dйcoulerait que l’intellect possible ne recevrait aucune forme abstraite de nos  images, s’il n’y avait qu’un seul intellect possible pour tous ceux qui existent et qui ont existй. Parce  dйjа comme beaucoup d’hommes nous ont prйcйdй en comprenant beaucoup de choses, il en dйcoulerait que par rapport а  tout ce qu’il ont su, [l’intellect possible] serait en acte et non en puissance pour recevoir ; parce que rien ne reзoit ce qu’il a dйjа. De lа par la suite il en dйcoulerait que si nous sommes en train de comprendre et de savoir par l’intellect possible, savoir en nous ne serait que se remйmorer. Quoiqu’il paraisse ne pas convenir en soi que l’intellect possible, s’il йtait une substance sйparйe selon l’кtre devienne en acte par les images, puisque les кtre supйrieurs n’ont pas besoin des infйrieurs pour leur perfection. Car de mкme qu’il ne convient pas de dire que les corps cйlestes deviennent en acte en recevant des corps infйrieurs, de la mкme maniиre et beaucoup plus, il est impossible qu’une substance sйparйe devienne en acte en recevant des images.

Tertio sequeretur quod intellectus possibilis non reciperet aliquas species a phantasmatibus nostris abstractas, si sit unus intellectus possibilis omnium qui sunt et qui fuerunt. Quia iam cum multi homines praecesserint multa intelligentes, sequeretur quod respectu omnium illorum quae illi sciverunt, sit in actu et non sit in potentia ad recipiendum; quia nihil recipit quod iam habet. Ex quo ulterius sequeretur quod si nos sumus intelligentes et scientes per intellectum possibilem, quod scire in nobis non sit nisi reminisci. Quamvis et hoc ipsum secundum se inconveniens videatur, quod intellectus possibilis, si sit substantia separata secundum esse, efficiatur in actu per phantasmata, cum superiora in entibus non indigeant inferioribus ad sui perfectionem. Sicut enim inconveniens esset dicere quod corpora caelestia perficiantur in actu accipiendo a corporibus inferioribus; similiter, et multo amplius, est impossibile quod aliqua substantia separata perficiatur in actu, accipiendo a phantasmatibus.

 

Il est йvident aussi que cette position est en contradiction avec les paroles d’Aristote (L’вme, III, 4, 429 a 23). En effet quand il commence sa recherche sur l’intellect possible, aussitфt dиs le commencement il dйsigne cette partie de l’вme en disant : « La partie par laquelle l’вme connaоt et juge[193] ». Mais en voulant chercher la nature de l’intellect possible, il йmet un doute, la partie intellective est-elle sйparable des autres parties de l’вme dans un substrat, comme Platon l’a pensй, ou en raison seulement et c’est ce qu’il dit (L’вme, III, 4, 429 a 1) : « Ou par une existence sйparйe, ou insйparable selon la grandeur mais selon la raison ». Par lа il apparaоt que si on place n’importe lequel des deux, sa proposition qui concerne l’intellect possible est valable. Mais il ne serait pas valable qu’elle soit sйparйe en raison seulement, si la position susdite йtait vraie. C'est pourquoi cette opinion n’est pas celle d’Aristote. Mais il ajoute ensuite que l’intellect possible est ce par quoi l’вme  pense et comprend et [accomplit] beaucoup d’autres choses de ce genre. Par cela йvidemment il donne а comprendre que l’intellect possible est quelque chose de l’вme et n’est pas une substance sйparйe.

Manifestum est etiam quod haec positio repugnat verbis Aristotelis. Cum enim incipit inquirere de intellectu possibili, statim a principio nominat eum partem animae, dicens: de parte autem animae, qua cognoscit anima et sapit. Volens autem inquirere de natura intellectus possibilis, praemittit quamdam dubitationem, scilicet utrum pars intellectiva sit separabilis ab aliis partibus animae subiecto, ut Plato posuit, vel ratione tantum; et hoc est quod dicit: sive separabili existente, sive inseparabili secundum magnitudinem, sed secundum rationem. Ex quo apparet quod si utrumlibet horum ponatur, stabit sententia sua, quam intendit de intellectu possibili. Non autem staret quod esset separata secundum rationem tantum, si praedicta positio vera esset. Unde praedicta opinio non est sententia Aristotelis. Postmodum etiam subdit, quod intellectus possibilis est quo opinatur et intelligit anima; et multa alia huiusmodi. Ex quibus manifeste dat intelligere quod intellectus possibilis sit aliquid animae, et non sit substantia separata.

 

Solutions

1. Augustin comprend qu’il est risible de placer de nombreuses вmes d’hommes diffйrents, de sorte cependant qu’ils diffиrent pas en nombre et en espиce, et surtout selon l’opinion des Platoniciens, qui au-dessus de tout ce qui est d’une seule espиce, ont pensй qu’il y avait un [кtre] commun subsistant.

1 Ad primum ergo dicendum quod Augustinus intelligit derisibile esse quod ponantur diversorum hominum animae multae, tamen ita quod numero et specie differant; et praecipue secundum opinionem Platonicorum, qui supra omnia quae sunt unius speciei, posuerunt unum aliquod commune subsistens.

 

2. De mкme que les anges n’ont pas de matiиre par laquelle ils existent, de mкme ils n’ont pas de matiиre en laquelle ils sont, mais l’вme a la matiиre en laquelle elle est et c'est pourquoi les anges ne peuvent pas кtre nombreux dans une seule espиce, mais les вmes d’une seule espиce peuvent кtre nombreuses[194].

2. Ad secundum dicendum, quod Angeli sicut non habent materiam ex qua sunt, ita non habent materiam in qua sunt; anima vero habet materiam in qua est: et ideo Angeli non possunt esse multi in una specie, sed animae possunt esse multae unius speciei.

 

3. Le corps se comporte vis-а-vis de l’вme, comme il se comporte pour l’individuation ; parce que chaque chose а l’identique est une et un йtant. Mais l’кtre de l’вme lui est acquis selon qu’elle est unie а un corps, avec lequel elle a constituй en mкme temps une seule nature, dont l’un et l’autre est une partie. Et cependant parce que l’вme intellective est une forme qui transcende la capacitй du corps, elle a son кtre йlevй au-dessus du corps ; c'est pourquoi une fois le corps dйtruit, il reste encore l’кtre de l’вme. Et de la mкme maniиre, les вme sont multipliйes selon les corps et cependant une fois retirйs les corps, il reste encore la multitude des вmes.

3. Ad tertium dicendum, quod sicut corpus se habet ad esse animae, ita ad eius individuationem; quia unumquodque secundum idem est unum et ens. Esse autem animae acquiritur ei secundum quod unitur corpori, cum quo simul constituit naturam unam, cuius utrumque est pars. Et tamen quia anima intellectiva est forma transcendens corporis capacitatem, habet esse suum elevatum supra corpus; unde destructo corpore adhuc remanet esse animae. Et similiter secundum corpora multiplicantur animae, et tamen remotis corporibus adhuc remanet multitudo animarum.

 

4. Bien que le corps ne soit pas de l’essence de l’вme, cependant l’вme selon son essence  a un rapport au corps, en tant qu’il lui est essentiel qu’elle soit la forme du corps, et c'est pourquoi dans la dйfinition de l’вme on place le corps. Donc de mкme qu’il est de la nature de l’вme qu’elle soit la forme du corps, de mкme il est de la nature de cette вme, en tant que telle, qu’elle ait un rapport avec ce corps.

4. Ad quartum dicendum quod licet corpus non sit de essentia animae, tamen anima secundum suam essentiam habet habitudinem ad corpus, in quantum hoc est ei essentiale quod sit corporis forma; et ideo in definitione animae ponitur corpus. Sicut igitur de ratione animae est quod sit forma corporis, ita de ratione huius animae, in quantum est haec anima, est quod habeat habitudinem ad hoc corpus.

 

5. Augustin parle ainsi en rapportant l’opinion de ceux qu’il pensent qu’il y a une seule вme universelle, comme on le voit par ce qui a prйcйdй.

5. Ad quintum dicendum quod Augustinus ibi loquitur ex suppositione opinionis ponentium esse unam animam universalem, ut ex praecedentibus patet.

 

6. Dans cette opinion Averroиs semble placer une puissance importante (De anima, III, comm. 5 f. 166) ; parce que, apparemment, il en dйcoulerait, comme il le dit lui-mкme, que, si l’intellect possible n’йtait pas unique dans tous les hommes, la chose comprise serait individuйe et nombrйe par l’individuation en comptant les hommes particuliers ; et ainsi elle serait comprise en puissance et non en acte. Il faut donc montrer d’abord que ces inconvenances dйcoulent de ceux qui pensent que l’intellect possible est un, pas moins que ceux qui pensent qu’il est multipliй en trиs grand nombre. Et d’abord quant а l’individuation, il est йvident que la forme qui existe dans une individu est individuйe par la mкme raison par lui, soit qu’elle soit une seulement, dans une seule espиce, comme le soleil, soit quelles soient nombreuses en une seule espиce, comme les perles. Car dans les deux la clartй est individualisйe. Car il faut dire que l’intellect possible est une chose individuelle particuliиre ; car les actes des particuliers existent. Donc qu’il soit un dans une seule espиce ou bien qu’il y en ait beaucoup, pour la mкme raison ce qui est conзu en lui sera individuйe.

6. Ad sextum dicendum quod in hac ratione praecipuam vim videtur Averroes constituere: quia videlicet sequeretur, ut ipse dicit, si intellectus possibilis non esset unus in omnibus hominibus, quod res intellecta individuaretur et numeraretur per individuationem et numerationem singularium hominum; et sic esset intellecta in potentia, et non in actu. Ostendendum est igitur primo quod ista inconvenientia non minus sequuntur ponentibus intellectum possibilem esse unum quam ponentibus ipsum multiplicari in multis. Et primo quidem quantum ad individuationem, manifestum est quod forma existens in aliquo individuo eadem ratione individuatur per ipsum, sive sit unum tantum in una specie, sicut sol, sive multa in una specie, sicut margaritae. In utrisque enim est claritas individuata. Oportet enim dicere quod intellectus possibilis sit quoddam individuum singulare; actus enim singularium sunt. Sive igitur sit unus in una specie, sive multi, eadem ratione individuabitur res intellecta in ipso.

 

Quant а la multiplication il est йvident que, s’il n’y a pas de nombreux intellects possibles dans l’espиce humaine, il y a cependant de nombreux intellects dans l’univers, dont beaucoup comprennent l’un et le mкme. Il restera donc un mкme doute : ce qui est compris est-il un ou plusieurs dans les diffйrents [intellects]. Donc on ne peut pas le prouver, parce qu’une fois sa position donnйe, il restera encore la mкme inconvenance.

Quantum vero ad multiplicationem, manifestum est quod, si non sint multi intellectus possibiles in specie humana, sunt tamen multi intellectus in universo, quorum multi intelligunt unum et idem. Remanebit ergo eadem dubitatio, utrum res intellecta sit una vel plures in diversis. Non ergo potest per hoc probare suam intentionem; quia, sua positione posita, adhuc eadem inconvenientia remanebunt.

 

Et c’est pourquoi pour sa solution il faut considйrer que, s’il faut parler pour l’intellect de ressemblance avec la sensation, comme cela se voit par le raisonnement d’Aristote dans L’вme, (III), il faut dire que ce qui est compris ne se comporte pas vis-а-vis de l’intellect possible comme une espиce intelligible, par laquelle l’intellect possible serait en acte, mais cette espиce se comporte comme principe formel par lequel l’intellect comprend. Mais le concept ou ce qui est compris se comporte comme placй ou formй par l’opйration de l’intellect, ou bien c’est la quidditй simple, ou bien la composition et la division de la proposition.

Et ideo ad huius solutionem considerandum est quod si de intellectu loqui oporteat secundum similitudinem sensus, ut patet ex processu Aristotelis in III de anima, oportet dicere quod res intellecta non se habet ad intellectum possibilem ut species intelligibilis, qua intellectus possibilis sit actu; sed illa species se habet ut principium formale quo intellectus intelligit. Intellectum autem, sive res intellecta, se habet ut constitutum vel formatum per operationem intellectus: sive hoc sit quidditas simplex, sive sit compositio et divisio propositionis.

 

Car, Aristote signale ces deux opйrations de l’intellect, dans L’вme (III, 6, 430 a 26 ss.). L’une qu’il appelle intelligence indivisible, par laquelle apparemment l’intellect apprйhende la nature d’une chose, et celle-ci les arabes l’appellent formation ou imagination par l’intellect. Il place l’autre, а savoir la composition et la division des concepts que les Arabes appelle crйdulitй ou foi. Mais pour l’une et l’autre de ces opйrations, est comprise d’avance l’espиce intelligible, par laquelle l’intellect possible devient acte ; parce que l’intellect possible n’opиre que selon qu’il est en acte ; comme la vision ne voit que par ce qui est devenu en acte par l’espиce visible. C'est pourquoi la forme visible ne se comporte pas comme ce qui est vu mais comme ce par quoi il est vu. Et il en est de mкme pour l’intellect possible, а moins qu’il ne se rйflйchisse sur lui-mкme et sur sa forme, mais pas la vue.

Has enim duas operationes intellectus Aristoteles assignat in III de anima. Unam scilicet quam vocat intelligentiam indivisibilem, qua videlicet intellectus apprehendit quod quid est alicuius rei, et hanc Arabes vocant formationem, vel imaginationem per intellectum. Aliam vero ponit, scilicet compositionem et divisionem intellectuum, quam Arabes vocant credulitatem vel fidem. Utrique autem harum operationum praeintelligitur species intelligibilis, qua fit intellectus possibilis in actu; quia intellectus possibilis non operatur nisi secundum quod est in actu, sicut nec visus videt nisi per hoc quod est factus in actu per speciem visibilem. Unde species visibilis non se habet ut quod videtur, sed ut quo videtur. Et simile est de intellectu possibili; nisi quod intellectus possibilis reflectitur supra seipsum et supra speciem suam, non autem visus.

 

Donc ce qui est compris par les deux intellects est d’une certaine maniиre un et identique, et d’une certaine maniиre multiple : parce que du cфtй de la chose, ce qui est connu est un et identique, mais du cфtй de la connaissance il est diffйrent. De mкme si deux personnes voient un mur, c’est la mкme chose vue du cфtй de la chose qui est vue, cependant elle est diffйrente selon les diffйrentes visions ; et ce serait tout а fait la mкme chose du cфtй de l’intellect, si ce qui est compris subsistait hors de l’вme comme ce qui est vu, comme les Platoniciens l’ont pensй. Mais selon l’opinion d’Aristote il semble avoir une plus grande difficultй, bien que ce soit la mкme raison, si quelqu’un l’examine avec droiture.

Res igitur intellecta a duobus intellectibus est quodammodo una et eadem, et quodammodo multae: quia ex parte rei quae cognoscitur est una et eadem, ex parte vero ipsius cognitionis est alia et alia. Sicut si duo videant unum parietem, est eadem res visa ex parte rei quae videtur, alia tamen et alia secundum diversas visiones; et omnino simile esset ex parte intellectus, si res quae intelligitur subsisteret extra animam sicut res quae videtur, ut Platonici posuerunt. Sed secundum opinionem Aristotelis videtur habere maiorem difficultatem, licet sit eadem ratio, si quis recte inspiciat.

 

Car il n’y a de diffйrence entre Aristote et Platon qu’en ce que Platon a pensй, que ce qui est compris d’une mкme maniиre a un кtre hors de l’вme ; de cette maniиre l’intellect le comprend, c'est-а-dire comme abstrait et gйnйral ; mais Aristote a pensй que ce qui est compris est hors de l’вme, mais d’une autre maniиre, parce qu’il est compris abstraitement et il a un кtre concret. Et de mкme que selon Platon ce qui est compris est hors de l’вme mкme, de mкme selon Aristote ; ce qui est clair du fait que ni l’un ni l’autre n’a pensй que les sciences viennent de ce qui est dans notre intellect, comme des substances. Mais Platon a dit que les connaissances viennent de formes sйparйes, mais Aristote de la quidditй des choses qui existent en elles. Mais la nature de l’universalitй qui consiste en gйnйralitй et abstraction, suit un seul mode de comprйhension, en tant que nous comprenons de faзon abstraite et gйnйrale, selon Platon il suit aussi le mкme mode d’existence des formes abstraites ; et c'est pourquoi Platon a pensй que les universaux йtaient subsistants. Mais Aristote non. Ainsi donc on voit comment la multitude des intellects ne prйjuge ni de l’universalitй, ni du la gйnйralitй, ni de l’unitй de ce qui est compris.

Non enim est differentia inter Aristotelem et Platonem, nisi in hoc quod Plato posuit quod res quae intelligitur eodem modo habet esse extra animam quo modo eam intellectus intelligit, idest ut abstracta et communis; Aristoteles vero posuit rem quae intelligitur esse extra animam, sed alio modo, quia intelligitur abstracte et habet esse concrete. Et sicut secundum Platonem ipsa res quae intelligitur est extra ipsam animam, ita secundum Aristotelem: quod patet ex hoc quod neuter eorum posuit scientias esse de his quae sunt in intellectu nostro, sicut de substantiis; sed Plato quidem dixit scientias esse de formis separatis, Aristoteles vero de quidditatibus rerum in eis existentibus. Sed ratio universalitatis, quae consistit in communitate et abstractione, sequitur solum modum intelligendi, in quantum intelligimus abstracte et communiter; secundum Platonem vero sequitur etiam modum existendi formarum abstractarum: et ideo Plato posuit universalia subsistere, Aristoteles autem non. Sic igitur patet quomodo multitudo intellectuum non praeiudicat neque universitati, neque communitati, neque unitati rei intellectae.

 

7. La science est causйe par le maоtre dans le disciple, non pas comme la chaleur dans le bois par le feu, mais comme la santй dans le malade par le mйdecin, qui cause la santй en tant qu’il procure une aide, dont se sert la nature pour causer la santй, et c'est pourquoi le mйdecin procиde en soignant de la mкme maniиre que la nature soignerait. Car de mкme que ce qui soigne le plus c’est la nature intйrieure, de mкme le principe qui cause principalement la science est intйrieur, а savoir la lumiиre de l’intellect agent, par quoi est causйe en nous la science que nous recevons par expйrience en cherchant. Et de la mкme maniиre, le Maоtre amиne les principes universels а des conclusions spйciales, c'est pourquoi Aristote dit Posteriorum (I, 2, 71 b) que la dйmonstration est un syllogisme qui fait connaоtre.

7. Ad septimum dicendum quod scientia a magistro causatur in discipulo, non sicut calor in lignis ab igne, sed sicut sanitas in infirmo a medico: qui causat sanitatem, in quantum subministrat aliqua adminicula, quibus natura utitur ad sanitatem causandam, et ideo eodem ordine medicus procedit in sanando, sicut natura sanaret. Sicut enim principalius sanans est natura interior, sic principium principaliter causans scientiam est intrinsecum, scilicet lumen intellectus agentis, quo causatur scientia in nobis, dum devenimus per applicationem universalium principiorum ad aliqua specialia, quae per experientiam accipimus in inveniendo. Et similiter Magister deducit principia universalia in conclusiones speciales; unde dicit Aristoteles in I Poster., quod demonstratio est syllogismus faciens scire.

 

8. Averroиs aussi a йtй trompй par cette raison : car il a pensй que, parce qu’Aristote a dit que l’intellect possible йtait sйparй, il йtait sйparй selon l’кtre, par consйquent il ne serait pas multipliй selon la multiplication des corps. Mais Aristote montre que l’intellect possible est un pouvoir de l’вme qui n’est pas l’acte d’un organe, comme s’il avait son opйration par un organe corporel, comme la puissance visuelle est le pouvoir d’un organe qui opиre par un organe corporel, et parce que l’intellect possible n’a pas d’opйration par un organe corporel, il ne faut pas qu’il connaisse ce qui seulement a une affinitй avec tout le corps ou avec une de ses parties.

8. Ad octavum dicendum quod ex hac etiam ratione deceptus fuit Averroes: putavit enim quod quia Aristoteles dixit intellectum possibilem esse separatum, quod esset separatus secundum esse, et per consequens quod non multiplicaretur secundum multiplicationem corporum. Sed Aristoteles intendit quod intellectus possibilis est virtus animae, quae non est actus alicuius organi, quasi habeat operationem suam per organum corporale, sicut potentia visiva est virtus organi habens operationem per organum corporale; et quia non habet operationem intellectus possibilis per organum corporale, ideo non oportet quod cognoscat ea tantum quae habent affinitatem vel cum toto corpore, vel cum parte corporis.

 

9. L’opinion qui prйtend que l’вme est composйe de matiиre et de forme est tout а fait fausse, et improbable. Car elle ne pourrait pas кtre la forme d’un corps, si elle йtait composйe de matiиre et de forme. Car si l’вme йtait la forme du corps selon sa forme seulement, il en dйcoulerait qu’une seule et mкme forme achиverait diffйrentes matiиres de diffйrents genres, а savoir la matiиre spirituelle de l’вme et la matiиre corporelle, ce qui est impossible, puisque l’acte plus particulier est d’une puissance plus particuliиre. Et en outre ce composй de matiиre et de forme ne serait pas l’вme mais sa forme. Car lorsque nous parlons de l’вme, nous comprenons ce qui est la forme du corps. Mais ainsi la forme de l’вme serait la forme du corps par l’intermйdiaire d’une matiиre propre, comme la couleur est l’acte du corps par l’intermйdiaire de la surface, pour qu’ainsi toute l’вme puisse кtre appelйe forme du corps ; cela est impossible : parce que par la matiиre nous comprenons ce qui est en puissance seulement, mais ce qui est en puissance seulement ne peut pas кtre l’acte de quelque chose, c'est-а-dire кtre forme. Mais si quelqu’un sous le nom de matiиre comprend un acte, il ne faut pas а y faire attention, parce que rien n’empкche que ce que nous appelons acte, quelqu’un l’appelle matiиre, comme ce nous appelons pierre quelqu’un peut l’appeler вne[195].

9. Ad nonum dicendum quod opinio ponens animam esse compositam ex materia et forma, est omnino falsa et improbabilis. Non enim posset esse corporis forma, si esset ex materia et forma composita. Si enim anima esset forma corporis secundum formam suam tantum, sequeretur quod una et eadem forma perficeret diversas materias diversorum generum, scilicet materiam spiritualem animae et materiam corporalem; quod est impossibile, cum proprius actus sit propriae potentiae. Et praeterea illud compositum ex materia et forma non esset anima, sed forma eius. Cum enim dicimus animam, intelligimus id quod est corporis forma. Si vero forma animae esset forma corporis mediante materia propria, sicut color est actus corporis mediante superficie, ut sic tota anima possit dici corporis forma, hoc est impossibile: quia per materiam intelligimus id quod est in potentia tantum; quod autem est in potentia tantum, non potest esse alicuius actus, quod est esse formam. Si vero aliquis nomine materiae intelligat aliquem actum, non est curandum: quia nihil prohibet quod id quod vocamus actum, aliquis vocet materiam; sicut quod nos vocamus lapidem, aliquis potest vocare asinum.

 

10. De mкme que la Seine n’est pas ce fleuve а cause de cette eau qui coule, mais а cause de cette origine, et de son lit, c'est pourquoi on parle toujours du mкme fleuve, bien que ce soit une autre eau qui coule ; de mкme c’est le mкme peuple, non pas а cause de l’identitй de l’вme ou des hommes, mais а cause d’un mкme territoire, ou plus а cause des mкmes lois et du mкme mode de vie, comme le dit Aristote (Politique, III, 1).

10. Ad decimum dicendum quod sicut fluvius Sequana non est hic fluvius propter hanc aquam fluentem, sed propter hanc originem et hunc alveum, unde semper dicitur idem fluvius, licet sit alia aqua defluens; ita est idem populus non propter identitatem animae aut hominum, sed propter eamdem habitationem, vel magis propter easdem leges et eumdem modum vivendi, ut Aristoteles dicit in III Politic.

 

11. Le temps est comparй а un seul mouvement seulement comme l’accident au substrat, c'est-а-dire pour le mouvement du premier mobile, par quoi sont mesurйs tous les autres mouvements. Pour les autres le mouvements est comparй comme la mesure au mesurй, de mкme la brasse[196] est comparйe а une baguette de bois, comme а un substrat, а une piиce d’йtoffe qui est mesurйe par elle, comme ce qui est mesurй seulement et c'est pourquoi il n’en dйcoule pas qu’il n’y ait qu’un seul accident dans de nombreux substrats.

11. Ad undecimum dicendum quod tempus comparatur ad unum tantum motum, sicut accidens ad subiectum; scilicet ad motum primi mobilis, quo mensurantur omnes alii motus. Ad alios autem motus comparatur sicut mensura ad mensuratum; sicut ulna comparatur ad virgam ligneam sicut ad subiectum, ad pannum autem qui per eam mensuratur, sicut ad mensuratum tantum; et ideo non sequitur quod unum accidens sit in multis subiectis.

 

12. L’action de voir ne se fait pas par les  rayons envoyйs en dehors selon la vйritй de la chose, mais Augustin en parle selon l’opinion d’autres personnes. Cependant cela йtabli, l’вme meut les rayons dans toute la mesure oщ ils sont envoyйs dehors, non pas comme des corps extйrieurs, mais en tant qu’ils se continuent avec leur propre corps.

12. Ad duodecimum dicendum quod visus non fit per radios extra missos secundum veritatem rei; sed Augustinus hoc dicit secundum opinionem aliorum. Hoc tamen posito, anima vegetaret radios quantumcumque extra missos, non quasi extranea corpora, sed in quantum continuantur cum corpore proprio.

 

13. Comme cela paraоt de ce qui a йtй dit, ce qui est compris n’est individuй et multipliй que du cфtй de l’opйration intellectuelle. Mais il n’est pas inconvenant que par ce qui est compris, en tant que tel, ce qui est compris soit en plus abstrait simplement ; de mкme le concept est simplement abstrait par celui qui comprend. Et cela ne prйjuge pas de la nature de l’universalitй. Car il arrive а l’homme ou au concept d’espиce, ce qui est compris par moi. C'est pourquoi il ne faut pas que, au sujet de l’intellect de l’homme ou du concept d’espиce, il arrive que c’est compris par moi ou par quelqu’un d’autre.

13. Ad decimumtertium dicendum quod sicut ex praedictis patet, res intellecta non individuatur nec multiplicatur nisi ex parte operationis intellectualis. Non est autem inconveniens quod a re intellecta, in quantum est intellecta, adhuc abstrahitur res intellecta simpliciter; sicut ab hoc intelligente abstrahitur intellectus simpliciter. Nec hoc praeiudicat rationi universalitatis. Accidit enim homini aut intentioni speciei, quod intelligatur a me. Unde non oportet quod de intellectu hominis aut intentione speciei sit quod intelligatur a me vel ab illo.

 

14. L’accord n’est pas causй dans les premiers principes par l’unitй de l’intellect possible mais par la ressemblance de la nature, par quoi nous tous nous tendons а la mкme chose, comme toutes les brebis sont d’accord dans le fait qu’elles estiment le loup comme un ennemi, personne cependant ne dirait qu’il n’y a en elles qu’une seule вme seulement.

14. Ad decimumquartum dicendum quod consensus in prima principia non causatur ex unitate intellectus possibilis, sed ex similitudine naturae, ex qua omnes in idem inclinamur; sicut omnes oves consentiunt in hoc quod existimant lupum inimicum, nullus tamen diceret in eis unam tantum animam esse.

 

15. L’кtre individuel ne s’oppose pas а ce qui est l’кtre compris en acte, parce que les substances sйparйes sont comprises en acte, alors que cependant elles sont individuйes, autrement elles n'auraient pas d’actions, qui viennent des particuliers. Mais avoir l’кtre matйriel, s’oppose а ce qui n’est pas l’кtre conзu en acte, c'est pourquoi les formes individuelles qui sont individuйes par la matiиre ne sont pas comprises en acte mais en puissance seulement. Mais l’вme intellective n’est pas individuйe ainsi par la matiиre, pour devenir une forme matйrielle, surtout quant а l’intellect, selon lequelle elle transcende le rapport а la matiиre corporelle, mais par ce moyen elle est individuйe selon la matiиre corporelle, comme on l’a dit, en tant qu’elle a l’apparence d’кtre la forme de ce corps. C’est pourquoi par cela on ne supprime pas que l’intellect possible de cet homme soit un intellect en acte, et de la mкme maniиre  ce qui est reзu en lui. Et par lа apparaоt la solution pour les deux objections suivantes.

15. Ad decimumquintum dicendum quod esse individuale non repugnat ei quod est esse intellectum in actu: quia substantiae separatae sunt intellectae in actu, cum tamen sint individuae; alioquin non haberent actiones, quae sunt singularium. Sed habere esse materiale, repugnat ei quod est esse intellectum in actu; et ideo formae individuales quae individuantur per materiam, non sunt intellectae in actu, sed in potentia tantum. Anima autem intellectiva non sic individuatur per materiam ut fiat forma materialis, praecipue secundum intellectum, secundum quem transcendit materiae corporalis proportionem; sed eo modo individuatur secundum materiam corporalem ut dictum est, in quantum scilicet habet habitudinem ut sit forma huius corporis. Unde per hoc non tollitur quin intellectus possibilis hominis huius sit intellectum in actu, et similiter ea quae recipiuntur in ipso. Et per hoc patet solutio ad duo sequentia.

 

 

Article 10 : L’intellect agent est-il unique pour tous les hommes ? Articulus 10tit. 1 Decimo quaeritur utrum intellectus agens sit unus omnium hominum

 

Il semble que oui[197].

Et videtur quod sic.

 

Objections

1. Car йclairer les hommes est le propre de Dieu, selon cette parole de Jean, 1, 9 : « Il йtait la vraie lumiиre qui йclaire le monde… ». Mais cela convient а l’intellect agent, comme on le voit (L’вme, III, 5, 439 a 14[198]; Mais l’intellect agent est Dieu. Et Dieu est unique. Donc il n’y qu’un seul intellect agent.

1. Illuminare enim homines est proprium Dei, secundum illud Ioan. I: erat lux vera quae illuminat et cetera. Sed hoc pertinet ad intellectum agentem, ut patet in III de anima. Ergo intellectus agens est Deus. Deus autem est unus. Ergo intellectus agens est unus tantum.

 

2. Ce qui est sйparй du corps est multipliй selon la multiplicitй des corps. Mais l’intellect agent est sйparй du corps, comme il est dit dans L’вme, (III, 5, 430 a 22[199]). Donc l’intellect agent n’est pas multipliй selon la multiplicitй des corps et par consйquent selon la multiplicitй des hommes non plus.

2. Praeterea, nihil quod est a corpore separatum multiplicatur secundum multiplicationem corporum. Sed intellectus agens est a corpore separatum, ut dicitur in III de anima. Ergo intellectus agens non multiplicatur secundum multiplicationem corporum; et per consequens neque secundum multiplicationem hominum.

 

3. Rien n’est dans notre вme qui soit en йtat de comprendre toujours. Mais cela convient а l’intellect agent, car il est dit dans l’вme (III, 5, 430 a  22) [qu’il ne faut pas croire]  que quelquefois il comprend, quelquefois non. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de l’вme et ainsi il n’est pas multipliй selon la multiplicitй des вmes et des hommes.

3. Praeterea, nihil est in anima nostra quod semper intelligat. Sed hoc convenit intellectui agenti; dicitur enim in III de anima quod non aliquando quidem intelligit, aliquando autem non. Ergo intellectus agens non est aliquid animae; et ita non multiplicatur secundum multiplicationem animarum et hominum.

 

4. Rien ne se ramиne soi-mкme de la puissance а l’acte. Mais l’intellect possible est ramenй а l’acte par l’intellect agent, comme on le voit (L’вme III, 5, 430 a 14). Donc l’intellect agent ne s’enracine pas dans l’essence de l’вme, en qui s’enracine l’intellect possible, et ainsi de mкme que ci-dessus.

4. Praeterea, nihil reducit se de potentia in actum. Sed intellectus possibilis reducitur in actum per intellectum agentem, ut patet III de anima. Ergo intellectus agens non radicatur in essentia animae, in qua radicatur intellectus possibilis; et sic idem quod prius.

 

5. Toute multiplicitй dйcoule d’une distinction. Mais l’intellect agent ne peut pas кtre distinguй par la matiиre, puisqu’il en est sйparй, ni par la forme, parce qu’ainsi qu’il serait diffйrent en espиce. Donc l’intellect agent n’est pas multipliй dans les hommes.

5. Praeterea, omnis multiplicatio consequitur aliquam distinctionem. Sed intellectus agens non potest distingui per materiam, cum sit separatus; neque per formam, quia sic differret specie. Ergo intellectus agens non multiplicatur in hominibus.

 

6. Ce qui est cause de sйparation est tout а fait sйparй. Mais l’intellect agent est une cause de sйparation car il abstrait la forme de la matiиre. Donc il en est sйparй et ainsi il n’est pas multipliй selon la multiplicitй des hommes.

6. Praeterea, id quod est causa separationis est maxime separatum. Sed intellectus agens est causa separationis; abstrahit enim species a materia. Ergo est separatus; et ita non multiplicatur secundum multiplicationem hominum.

 

7. Aucune puissance, qui peut opйrer plus qu’elle opиre, n’a de limite а son opйration. Mais l’intellect agent est de ce genre ; parce que, quand nous comprenons une chose fortement intelligible, nous ne pouvons pas moins comprendre, mais plus, comme il est dit dans L’вme (III,.3, 429 b 2[200]). Donc l’intellect agent n’a pas de limite а son opйration. Mais l’кtre crйй a une limite а son opйration, puisqu’il est d’une puissance finie. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de crйй, et ainsi il n’y en a qu’un seulement.

7. Praeterea, nulla virtus quae tanto magis potest operari quanto magis operatur, habet terminum suae operationis. Sed intellectus agens est huiusmodi; quia cum intelligimus aliquid magnum intelligibile, non minus possumus intelligere, sed magis, ut dicitur III de anima. Ergo intellectus agens non habet aliquem terminum suae operationis. Esse autem creatum habet terminum suae operationis, cum sit finitae virtutis. Ergo intellectus agens non est aliquid creatum; et sic est unus tantum.

 

8. Augustin dit dans le livre des 83 questions (IX, PL 40, 13:) : « Toute ce qui atteint les sens corporels, change sans cesse (). Mais on ne peut pas comprendre ce qui change sans cesse. Donc il ne faut pas s’attendre а la sincйritй et а la vйritй des sens corporels ». Et ensuite il ajoute : « On ne peut rien percevoir sans quelque chose qui ressemble а l’erreur.  Donc le critиre de la vйritй ne rйside pas dans les sens ». Ainsi donc il prouve que nous ne pouvons pas juger de la vйritй sur rien de ce qui est sensible, d’une part parce qu’ils sont changeants, d’une part parce qu’ils ont quelque ressemblance avec l’erreur. Mais cela  convient а n’importe quelle crйature. Donc nous ne pouvons juger de la vйritй pour rien de crйй. Mais avec l’intellect agent nous jugeons de la vйritй. Donc celui-ci n’est pas quelque chose de crйй ; et ainsi de mкme que ci-dessus.

8. Praeterea, Augustinus dicit in libro LXXXIII quaestionum: omne quod corporeos sensus attingit, sine ulla intermissione temporis commutatur (...). Comprehendi autem non potest quod sine ulla intermissione mutatur. Non est expectanda ergo sinceritas veritatis a sensibus corporis. Et postmodum subdit: nihil est sensibile, quod non habeat simile falso, ut internosci non possit (...). Nihil autem percipi potest, quod a falso non discernitur. Non est igitur constitutum iudicium veritatis in sensibus. Sic ergo probat quod sensibilia de veritate iudicare non possumus, tum propter hoc quod sunt mutabilia, tum propter hoc quod habeant aliquid simile falso. Sed hoc convenit cuilibet creaturae. Ergo secundum nihil creatum possumus iudicare de veritate. Sed secundum intellectum agentem iudicamus de veritate. Ergo intellectus agens non est aliquid creatum; et sic idem quod prius.

 

9. Augustin dit (La Trinitй, XIV, 15, 21) que « Les impies reprennent et louent justement  beaucoup de choses dans la conduite des hommes. Selon quelle rиgle  jugent-ils sinon selon celle oщ ils voient comment chacun doit vivre, mкme si eux-mкmes ne vivent pas de la mкme maniиre ? Oщ les voient-ils ? Car ce n’est pas dans leur propre nature (…) il est йvident que leur esprit  est changeant,  mais ces rиgles sont immuables. (…) Et ce n’est pas non plus dans une maniиre d’кtre de leur esprit, puisque ces rиgles sont rиgles de justice alors qu’il clair que leur esprit est injuste (…) Oщ donc ces [rиgles] sont-elles йcrites,(…) sinon dans le livre de cette lumiиre qu’on appelle la vйritй[201] ? Par lа on voit que juger de ce qui est juste et injuste, nous convient par la lumiиre qui est au-dessus de nos esprits.Mais le jugement, tant dans le spйculatif que dans le pratique, nous convient selon l’intellect agent. Donc celui-ci est une lumiиre au-dessus de notre esprit. Donc il n’est pas multipliй selon la multiplication des вmes et des hommes.

9. Praeterea, Augustinus dicit in IV de Trinit. quod impii multa recte reprehendunt recteque laudant in hominum moribus. Quibus ea tandem regulis iudicant, nisi in quibus vident quemadmodum quisque vivere debeat, etiamsi nec ipsi eodem modo vivant? Ubi eas vident? Non enim in sua natura cum (...) eorum mentes constet esse mutabiles, has vero regulas immutabiles (...). Nec in habitu suae mentis, cum illae regulae sint iustitiae, mentes vero eorum constet esse iniustas (...). Ubi ergo scriptae sunt, nisi in libro lucis illius quae veritas dicitur? Ex quo videtur quod iudicare de iusto et iniusto, nobis competit secundum lucem quae est supra mentes nostras. Iudicium autem tam in rebus speculativis quam practicis nobis convenit secundum intellectum agentem. Ergo intellectus agens est lux aliqua supra mentem nostram. Non ergo multiplicatur secundum multiplicationem animarum et hominum.

 

10. Augustin dit, dans le livre de La vraie Religion (XXXI-XXXII), que de deux choses dont ni l’une ni l’autre n’est la meilleure, nous ne pouvons pas juger quelle est celle qui est meilleure que l’autre, а moins que ce soit par quelque chose qui est meilleur que les deux. Mais nous jugeons que l’ange est meilleur que l’вme[202] encore que cependant aucun d’entre eux ne soit le meilleur. Donc il faut que ce jugement se fasse par ce qui est meilleur que l’un et l’autre ; ce qui n’est rien d’autre que Dieu. Donc comme nous jugeons par l’intellect agent, il semble que c’est lui qui est Dieu, et ainsi de mкme que ci-dessus.

10. Praeterea, Augustinus dicit in libro de vera religione, quod de aliquibus duobus quorum neutrum est optimum, non possumus iudicare quid eorum sit altero melius, nisi per aliquid quod sit melius utroque. Iudicamus autem quod Angelus est melior anima, cum tamen neutrum eorum sit optimum. Ergo oportet quod hoc iudicium fiat per aliquid quod est melius utroque; quod nihil aliud est quam Deus. Cum ergo iudicemus per intellectum agentem, videtur quod intellectus agens sit Deus; et sic idem quod prius.

 

11. Le philosophe dit (L’вme III, 5, 430 a 12) que l’intellect agent se comporte vis-а-vis  de l’intellect possible comme l’art vis-а-vis de la matiиre. Mais en aucun genre l’art de l’artisan et la matiиre ne se  rencontrent dans le mкme et dans l’universel[203] l’agent et la matiиre ne tombent pas dans le mкme numйriquement, comme il est dit en Physique (II, 7, 198 a 35). Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose dans l’essence de l’вme, en qui il y a l’intellect possible, et ainsi il n’est pas multipliй selon la multiplication des вmes et des hommes.

11. Praeterea, philosophus dicit III de anima quod intellectus agens se habet ad possibilem sicut ars ad materiam. Sed in nullo genere artificii ars et materia in idem coincidunt; neque universaliter agens et materia incidunt in idem numero, ut dicitur in II Physic. Ergo intellectus agens non est aliquid in essentia animae, in qua est intellectus possibilis; et sic non multiplicatur secundum multiplicationem animarum et hominum.

 

12. Augustin dit dans Le libre Arbitre  (II, 8, 20 PL 32, 1251) que « La raison (nature) et la vйritй du nombre est а la disposition de tous ceux qui raisonnent ». Mais la raison et la vйritй du nombre sont uniques. Donc il faut qu’il y ait quelque chose d’unique selon qu’il est а la disposition de tous. Mais c’est l’intellect agent, par la puissance duquel nous abstrayons les raisons (formes) universelles de la rйalitй. Donc l’intellect agent est unique en tous.

12. Praeterea, Augustinus dicit II de libero Arbit., quod ratio et veritas numeri omnibus ratiocinantibus praesto est. Sed ratio et veritas numeri est una. Ergo oportet esse aliquid unum secundum quod praesto sit omnibus. Hoc autem est intellectus agens, cuius virtute rationes universales a rebus abstrahimus. Ergo intellectus agens est unus in omnibus.

 

13. Dans le mкme livre (II, XI, 27): « Si le bien suprкme est  unique pour tous, il faut aussi que la vйritй en laquelle il est vu et reconnu soit une rйalitй unique commune а  tous ». Mais le bien suprкme est vu et reconnu par nous par l’intellect, et surtout l’intellect agent. Donc l’intellect agent est unique en tous.

13. Praeterea, in eodem libro: si summum bonum omnibus unum est, oportet etiam veritatem in qua cernitur et tenetur, id est sapientiam, omnibus unam esse communem. Sed summum bonum cernitur et tenetur a nobis per intellectum, et praecipue per agentem. Ergo intellectus agens est unus in omnibus.

 

14. Le mкme est destinй а faire le mкme. Mais ce qui est universel est unique en tous. Donc comme le propre de l’intellect agent c’est de faire de l’universel, il semble que celui-ci aussi est unique en tous.

14. Praeterea, idem natum est facere idem. Sed universale est unum in omnibus. Cum ergo intellectus agentis sit universale facere, videtur quod etiam intellectus agens sit unus in omnibus.

 

15. Si l’intellect agent est quelque chose de l’вme, il faut que, ou bien il soit crййe ‘vкtu’ ou riche de ‘formes’, et ainsi il place ces formes aussi dans l’intellect possible, et il n’a pas besoin d’abstraire des images les formes intelligibles, ou bien il a йtй crйй  ‘nu ‘et sans forme, et ainsi il ne sera pas efficace pour abstraire les formes des images, parce qu’il ne connaоtra celle qu’il cherche, aprиs l’avoir abstraite, que si d’abord il a eu une certaine raison, comme celui qui cherche un serviteur fugitif, ne le connaоt quand il l’a trouvй que s’il ne l’a pas connu auparavant. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de l’вme, et ainsi il n’est pas multipliй selon les вmes et les hommes.

15. Praeterea, si intellectus agens est aliquid animae, oportet quod vel sit creatus vestitus seu opulentus speciebus, et sic illas species ponit etiam in intellectum possibilem, et non indigebit abstrahere species intelligibiles a phantasmatibus; aut creatus est nudus et carens speciebus, et sic non erit efficax ad abstrahendum species a phantasmatibus, quia non cognoscet illam quam quaerit, postquam eam abstraxerit, nisi prius aliquam rationem habuerit; sicut ille qui quaerit servum fugitivum, non cognoscit eum cum invenerit, nisi prius aliquam eius notitiam habuerit. Non est ergo aliquid animae intellectus agens; et sic non multiplicatur secundum animas et homines.

 

16. Si on place une cause suffisante, il est superflu d’en placer une autre pour un mкme effet. Mais il y a une cause extrinsиque suffisante pour йclairer les hommes, а savoir Dieu. Donc il ne faut pas placer l’intellect agent dont l’office est d’йclairer. Donc ce n’est pas quelque chose dans l’вme de l’homme, et ainsi il n’est pas multipliй selon les вmes et les hommes.

16. Praeterea, posita causa sufficienti, superfluum est aliam causam ponere ad eumdem effectum. Sed est aliqua causa extrinseca sufficiens ad illuminationem hominum, scilicet Deus. Ergo non oportet ponere intellectum agentem, cuius officium est illuminare. Non est ergo aliquid in anima hominis; et sic non multiplicatur secundum animas et homines.

 

17. Si l’intellect agent est placй comme une partie de l’вme humaine, il faut qu’il apporte quelque chose а l’homme, parce que rien n’est inutile, ni vain dans ce qui est crйй par Dieu. Mais l’intellect agent n’aide pas l’homme de connaоtre, en tant qu’il йclaire l’intellect possible ; parce que, quand celui-ci est devenu en acte, par la forme l’intelligible suffit par soi pour opйrer, de mкme que n’importe quel autre porteur de forme. De la mкme maniиre, il n’aide pas pour ce qui йclaire les images, en abstrayant d’elles les espиces intelligible,  parce que de mкme que l’espиce qui est reзue dans le sens imprime sa ressemblance dans l’imagination ; de mкme il semble que, puisque la forme qui est dans l’imagination, est plus spirituelle et par lа plus puissante, elle pourrait imprimer sa ressemblance dans une puissance ultйrieure, а savoir dans l’intellect possible. Donc l’intellect agent n’est pas quelque chose de l’вme, et ainsi il n’est pas multipliй dans les hommes.

17. Praeterea, si intellectus agens ponitur aliquid animae hominis, oportet quod aliquid homini conferat; quia nihil est otiosum et frustra in rebus a Deo creatis. Sed intellectus agens non confert homini ad cognoscendum, quantum ad hoc quod illuminat intellectum possibilem; quia intellectus possibilis, cum fuerit factus in actu per speciem intelligibilem, per se sufficit ad operandum, sicut et quodlibet aliud habens formam. Similiter non confert quantum ad hoc quod illustret phantasmata, abstrahens species intelligibiles ab eis: quia sicut species quae est recepta in sensu, imprimit sui similitudinem in imaginatione; ita videtur quod forma quae est in imaginatione, cum sit spiritualior, ac per hoc virtuosior, possit imprimere suam similitudinem in ulteriorem potentiam, scilicet in intellectum possibilem. Non ergo intellectus agens est aliquid animae; et sic non multiplicatur in hominibus.

 

En sens contraire

1. Il y a ce que dit le philosophe (L’вme, III, 5, 430 a 13) que l’intellect agent est une partie de l’вme. Donc il est multipliй selon la multiplication des вmes.

1. Sed contra. Est quod philosophus dicit III de anima, quod intellectus agens est aliquid animae. Ergo multiplicatur secundum multiplicationem animarum.

 

2. Augustin dit (La Trinitй, IV, XVI, 21[204]) que des philosophes meilleurs que d’autres, n’ont pas considйrй intellectuellement dans ces raisons souveraines et йternelles ce qu’ils ont exposй historiquement et ainsi il semble qu’ils l’ont considйrй dans une lumiиre qui leur est connaturelle. Mais la lumiиre, en laquelle nous considйront la vйritй, est l’intellect agent. Donc celui-ci est quelque chose de l’вme et ainsi de mкme que plus haut.

2. Praeterea, Augustinus dicit IV de Trin. quod philosophi ceteris meliores non sunt in illis summis aeternisque rationibus intellectu contemplati ea quae historice disseruerunt; et ita videtur quod in aliqua luce eis connaturali sint ea contemplati. Lux autem in qua contemplamur veritatem est intellectus agens. Ergo intellectus agens est aliquid animae; et sic idem quod prius.

 

3. Augustin dit (La Trinitй, XII, XV, 24[205]) : « Il faut croire que la nature de l’esprit  intellectuel est crйй pour voir les rйalitйs  dans une certaine lumiиre incorporelle de son genre, de mкme que l’њil de la chair voit alentour dans cette lumiиre corporelle ». Mais cette lumiиre par laquelle notre esprit comprend, est l’intellect agent. Donc celui-ci est quelque chose du genre de l’вme ; ainsi il est multipliй par la multiplication des вmes et des hommes.

3. Praeterea, Augustinus dicit XII de Trin.: credendum est mentis intellectualis ita conditam esse naturam,(…) ut subiuncta ista sic videat in quadam luce sui generis incorporea, quemadmodum oculus carnis videt quae in hac corporea luce circumiacent. Lux autem ista qua mens nostra intelligit, est intellectus agens. Ergo intellectus agens est aliquid de genere animae; et ita multiplicatur per multiplicationem animarum et hominum.

 

Rйponse

Il faut dire que, comme il a йtй dit auparavant, il est nйcessaire pour Aristote de placer un intellect agent,  parce qu’il ne pensait pas que les natures des choses sensibles subsistaient par soi sans matiиre, pour qu’elles soient intelligibles en acte, et c'est pourquoi il a fallu qu’il y ait un pourvoir qui les rende intelligibles en acte, en les abstrayant de la matiиre individuelle ; et ce pouvoir est appelй l’intellect agent. Certains ont pensй que c’йtait une substance sйparйe, non multipliйe selon la multitude des hommes[206] ; mais certains on pensй que c’йtait un pouvoir de l’вme, multipliй en de nombreux hommes, ces deux solutions йtant йgalement vraies.

Respondeo. Dicendum quod sicut prius dictum fuit, necesse est ponere intellectum agentem Aristoteli: quia non ponebat naturas rerum sensibilium per se subsistere absque materia, ut sint intelligibilia actu; et ideo oportuit esse aliquam virtutem quae faceret eas intelligibiles actu, abstrahendo a materia individuali; et haec virtus vocatur intellectus agens. Quem quidam posuerunt quamdam substantiam separatam, non multiplicatam secundum multitudinem hominum; quidam vero posuerunt ipsum esse quamdam virtutem animae, et multiplicari in multis hominibus; quod quidem utrumque aliqualiter est verum.

 

Car il faut qu’au-dessus de l’вme humaine il y ait un intellect d’oщ dйpend sa comprйhension, ce qui peut кtre йvident de trois maniиres.

Oportet enim quod supra animam humanam sit aliquis intellectus a quo dependeat suum intelligere; quod quidem ex tribus potest esse manifestum.

 

1. Parce que tout ce qui convient а quelque chose par participation, est substantiellement avant en quelque chose, comme si le fer est chauffй, il faut qu’il y ait dans les choses quelque chose qui soit le feu, selon leur substance et leur nature. Mais l’вme humaine est intellective par participation ; car elle ne comprend pas selon une quelconque partie d’elle-mкme, mais selon la partie supйrieure seulement. Il faut donc qu’il y ait quelque chose de supйrieur а l’вme qui soit intellect selon toute sa nature, d’oщ dйrive l’intellectualitй de l’вme et d’oщ dйpend son intellection.

Primo quidem, quia omne quod convenit alicui per participationem, prius est in aliquo substantialiter; sicut si ferrum est ignitum, oportet esse in rebus aliquid quod sit ignis secundum suam substantiam et naturam. Anima autem humana est intellectiva per participationem; non enim secundum quamlibet sui partem intelligit, sed secundum supremam tantum. Oportet igitur esse aliquid superius anima quod sit intellectus secundum totam suam naturam, a quo intellectualitas animae derivetur, et a quo eius intelligere dependeat.

 

2. Deuxiиmement, parce qu’il est nйcessaire qu’avant tout mobile on trouve quelque chose d’immobile en rapport а ce mouvement ; de mкme qu’au-dessus des кtres changeants il y a quelque chose qui ne l’est pas, comme le corps cйleste ; car tout mouvement est causй par quelque chose d’immobile. Mais l’intellection de l’вme humaine opиre par mode de mouvement, car elle comprend en passant des effets aux causes et des causes aux effets, et du semblable au semblable et des opposйs aux opposйs. Il faut donc qu’il y ait au-dessus de l’вme un intellect dont l’intellection soit fixe et en repos sans passage de ce genre.

Secundo, quia necesse est quod ante omne mobile inveniatur aliquid immobile secundum motum illum: sicut supra alterabilia est aliquid non alterabile, ut corpus caeleste; omnis enim motus causatur ab aliquo immobili. Ipsum autem intelligere animae humanae est per modum motus; intelligit enim anima discurrendo de effectibus in causas, et de causis in effectus, et de similibus in similia, et de oppositis in opposita. Oportet igitur esse supra animam aliquem intellectum cuius intelligere sit fixum et quietum absque huiusmodi discursu.

 

3. Troisiиmement parce qu’il est nйcessaire, bien que dans un seul et mкme кtre, la puissance soit avant l’acte, cependant l’acte prйcиde dans l’absolu la puissance dans un autre, et de la mкme maniиre avant tout imparfait il n’est nйcessaire qu’il en y ait un autre parfait. Mais l’вme humaine se trouve au commencement dans la puissance pour les intelligibles, et se trouve imparfaite en comprenant, parce que jamais elle n’atteint en cette vie toute la vйritй des intelligibles. Il faut donc qu’il y ait au-dessus de l’вme un intellect qui existe toujours en acte, et totalement parfait par l’intelligence de la vйritй .

Tertio, quia necesse est quod, licet in uno et eodem potentia sit prior quam actus, tamen simpliciter actus praecedat potentiam in altero; et similiter ante omne imperfectum necesse est esse aliud perfectum. Anima autem humana invenitur in principio in potentia ad intelligibilia, et invenitur imperfecta in intelligendo; quia nunquam consequetur in hac vita omnem intelligibilium veritatem. Oportet igitur supra animam esse aliquem intellectum semper in actu existentem, et totaliter perfectum intelligentia veritatis. 

 

Mais on ne peut pas dire que cet intellect supйrieur rende les intelligibles en acte immйdiatement en nous, sans un pouvoir que notre вme partage avec lui. Car cela se trouve communйment aussi dans ce qui est corporel, parce que dans les choses infйrieures on trouve des pouvoirs particuliers, actifs pour des effets dйterminйes, au-delа des pouvoirs agents universels, ainsi les animaux parfaits n’engendrent pas par le seul pouvoir universel du soleil, mais par un pouvoir particulier qui est dans la semence, bien que certains animaux imparfaits soient engendrйs sans semence par le pouvoir du soleil, quoique aussi dans leur gйnйration ne manque pas l’action d’un pouvoir particulier qui change et dispose la matiиre.

Non autem potest dici quod iste intellectus superior faciat intelligibilia actu in nobis immediate, absque aliqua virtute quam ab eo anima nostra participet. Hoc enim communiter invenitur etiam in rebus corporalibus, quod in rebus inferioribus inveniuntur virtutes particulares activae ad determinatos effectus, praeter virtutes universales agentes; sicut animalia perfecta non generantur ex sola universali virtute solis, sed ex virtute particulari quae est in semine; licet quaedam animalia imperfecta generentur absque semine ex virtute solis: quamvis etiam in horum generatione non desit actio particularis virtutis alterantis et disponentis materiam.

 

Mais l’вme humaine est la plus parfaite de celles qui sont dans les choses infйrieures. C'est pourquoi il faut qu’en dehors du pouvoir universel de l’intellect supйrieur, en elle participe un pouvoir quasi particulier pour cet effet dйterminй, pour qu’ils deviennent naturellement des intelligibles en acte. Et que cela soit vrai apparaоt а l’expйrience. Car un homme particulier, comme Socrates ou Platon, fait quand il veut, des intelligibles en acte en apprйhendant naturellement l’universel а partir du particulier, pendant qu’il sйpare ce qui est commun а tous les hommes individuels, de ce qui est propre а chacun. Donc ainsi l’action de l’intellect agent, qui est d’abstraire l’universel, est l’action de cet homme, de mкme que considйrer ou juger de la nature commune est l’action de l’intellect possible. Mais tout ce qui produit n’importe quelle action a formellement en lui le pouvoir qui en est le principe. C'est pourquoi de mкme qu’il est nйcessaire que l’intellect possible soit quelque chose qui adhиre comme une forme а l’homme, comme on l’a montrй d’abord, de mкme il est nйcessaire que l’intellect agent soit quelque chose qui adhиre comme une forme а l’homme.

Anima autem humana est perfectissima eorum quae sunt in rebus inferioribus. Unde oportet quod praeter virtutem universalem intellectus superioris participetur in ipsa aliqua virtus quasi particularis ad hunc effectum determinatum, ut scilicet fiant intelligibilia actu. Et quod hoc verum fit experimento apparet. Unus enim homo particularis, ut Socrates vel Plato, facit cum vult intelligibilia in actu, apprehendendo scilicet universale a particularibus, dum secernit id quod est commune omnibus individuis hominum, ab his quae sunt propria singulis. Sic igitur actio intellectus agentis, quae est abstrahere universale, est actio huius hominis, sicut et considerare vel iudicare de natura communi, quod est actio intellectus possibilis. Omne autem agens quamcumque actionem, habet formaliter in seipso virtutem quae est talis actionis principium Unde sicut necessarium est quod intellectus possibilis sit aliquid formaliter inhaerens homini, ut prius ostendimus; ita necessarium est quod intellectus agens sit aliquid formaliter inhaerens homini.

 

Et cette continuitй par les images comme Averroиs l’imagine n’y suffit pas, comme on l’a montrй ci-dessus de l’intellect possible(a. 2, 10). Et cela, de maniиre йvidente, Aristote semble l’avoir senti quand il dit (L’вme, III, 5, 430 a 13) qu’il est nйcessaire que dans l’вme il y ait ces diffйrences, а savoir l’intellect possible et l’intellect agent, et а nouveau il dit (430 a 15[207]) que l’intellect agent est comme la lumiиre, qui est une lumiиre participйe[208]. Mais Platon, comme Themistius le dit dans son Commentaire de l’вme (III, 5), considйrant l’intellect sйparй, et non la puissance participйe de l’вme, l’a comparй au soleil.

Nec ad hoc sufficit continuatio per phantasmata, ut Averroes fingit, sicut etiam supra de intellectu possibili ostensum est. Et hoc manifeste videtur Aristotelem sensisse, cum dicit quod necesse est in anima esse has differentias, scilicet intellectum possibilem et agentem; et iterum dicit quod intellectus agens est sicut lumen, quod est lux participata. Plato vero, ut Themistius dicit in commento de anima, ad intellectum separatum attendens et non ad virtutem animae participatam, comparavit ipsum soli

 

Mais il faut considйrer ce qu’est cet intellect sйparй, d’oщ dйpend l’intellection de l’вme humaine. Certains ont dit, en effet,  que cet intellect est la plus petite des substances sйparйes qui est unie а nos вmes. Mais cela s’oppose de nombreuses maniиres а la vйritй de la foi .

1. Parce que, comme cette lumiиre intellectuelle convient а la nature de l’вme, elle existe par celui-lа seul par qui la nature de l’вme est crййe. Mais seul Dieu est crйateur de l’вme, et ce n’est pas par une substance sйparйe, que nous appelons ange ; c'est pourquoi il est dit de maniиre significative dans la Genиse (2, 7) que Dieu lui-mкme souffla sur la face de l'homme le souffle de vie. C’est pourquoi il reste que la lumiиre de l’intellect agent n’est pas causйe dans l’вme par une autre substance sйparйe, mais immйdiatement par Dieu.

. Quis autem sit iste intellectus separatus, a quo intelligere animae humanae dependet, considerandum est.Quidam enim dixerunt hunc intellectum esse infimam substantiarum separatarum, quae suo lumine continuatur cum animabus nostris. Sed hoc multipliciter repugnat veritati fidei.- Primo quidem, quia cum istud lumen intellectuale ad naturam animae pertineat, ab illo solo est a quo animae natura creatur. Solus autem Deus est creator animae, non autem aliqua substantia separata, quam Angelum dicimus; unde significanter dicitur Gen. quod ipse Deus in faciem hominis spiravit spiraculum vitae. Unde relinquitur quod lumen intellectus agentis non causatur in anima ab aliqua alia substantia separata, sed immediate a Deo

2. Parce que l’ultime perfection de chaque agent est qu’il puisse atteindre son principe. Mais l’utime perfection ou la bйatitude de l’homme dйpend de l’opйration intellectuelle, comme le philosophe le dit aussi (Йthique X, 7, 1177 a 11). Si donc le principe et la cause de l’intellectualitй des hommes йtait une autre substance sйparйe, il faudrait que la bйatitude ultime de l’homme se situe dans cette substance crййe, et ils pensent cela йvidemment en prenant cette position : car ils pensent que la fйlicitй ultime de l’homme est d’кtre reliй а l’intellect agent. Mais la foi droite place l’ultime bйatitude de l’homme en Dieu seul selon cette parole de Jean (XVII, 3) : « C’est la vie йternelle qu’ils te connaissent toi le seul vrai Dieu » ; et dans la participation а cette bйatitude, les hommes sont йgaux aux anges, comme on le voit chez Luc (20, 36[209])

.- Secundo, quia ultima perfectio uniuscuiusque agentis est quod possit pertingere ad suum principium. Ultima autem perfectio sive beatitudo hominis est secundum intellectualem operationem, ut etiam philosophus dicit X, Ethic. Si igitur principium et causa intellectualitatis hominum esset aliqua alia substantia separata, oporteret quod ultima hominis beatitudo esset constituta in illa substantia creata; et hoc manifeste ponunt ponentes hanc positionem: ponunt enim quod ultima hominis felicitas est continuari intellectui agenti. Fides autem recta ponit ultimam beatitudinem hominis esse in solo Deo, secundum illud Ioan. XVII,: haec est vita aeterna, ut cognoscant te solum verum Deum; et in huius beatitudinis participatione homines esse Angelis aequales, ut habetur Lucae XX.

 

3. Parce que si un homme participait а la lumiиre intelligible  par l’ange, il en dйcoulerait que l’homme ne serait pas quant а son l’esprit а l’image de Dieu lui-mкme  mais а l’image des anges, contrairement а ce qui est dit dans la Genиse : « Faisons l’homme а notre image et а notre ressemblance » c'est-а-dire а l’image commune de la Trinitй, non а l’image des anges. 

- Tertio, quia si homo participet lumen intelligibile ab Angelo, sequeretur quod homo secundum mentem non esset ad imaginem ipsius Dei, sed ad imaginem Angelorum, contra id quod dicitur Gen. I: faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram, idest ad communem Trinitatis imaginem, non ad imaginem Angelorum.

 

C'est pourquoi nous disons que la lumiиre de l’intellect agent, dont parle Aristote est directement imprimйe en nous par Dieu et par lа nous discernons le vrai du faux, et le bien du mal. Et а ce sujet, il est dit dans le Ps. (4, 6-7) : « Beaucoup disent qui nous montrera ces biens (le bonheur) ? La lumiиre de ton visage, Seigneur,  s’est illuminйe sur nous », а savoir par le fait que les biens nous sont montrйs.

Unde dicimus, quod lumen intellectus agentis, de quo Aristoteles loquitur, est nobis immediate impressum a Deo, et secundum hoc discernimus verum a falso, et bonum a malo. Et de hoc dicitur in Psal.: multi dicunt: quis ostendet nobis bona? Signatum est super nos lumen vultus tui, domine, scilicet per quod nobis bona ostenduntur.

 

Ainsi donc ce qui rend en nous l’intelligible en acte par le moyen de la lumiиre participйe, est quelque chose de l’вme, et s’est multipliйe selon la multitude des вmes et des hommes. Mais ce qui rend intelligible а la maniиre du soleil illuminateur est un [кtre] sйparй qui est Dieu. C'est pourquoi Augustin dit (les soliloques, I, VI, 12) : « La raison promet а mon esprit qu’elle dйmontrera Dieu, comme le soleil se montre а mes yeux, car les yeux de l’esprit sont pour ainsi dire les sens de l’вme. Mais chacune de ces connaissances trиs certaines sont telles que celles qui sont illuminйes  par le soleil,  pour pouvoir кtre vu. Mais Dieu est celui qui йclaire ». Mais cet кtre unique sйparй du principe de notre connaissance peut кtre compris par l’intellect agent, dont parle le philosophe, comme Thйmestius (L’вme, III, 5) le dit, parce que Dieu n’est pas dans la nature de l’вme, mais l’intellect agent est appelй par Aristote la lumiиre reзue de Dieu dans notre вme. Et ainsi il reste simplement а dire que l’intellect agent n’est pas unique en tous.

Sic igitur id quod facit in nobis intelligibilia actu per modum luminis participati, est aliquid animae, et multiplicatur secundum multitudinem animarum et hominum. Illud vero quod facit intelligibilia per modum solis illuminantis, est unum separatum, quod est Deus. Unde Augustinus dicit in I Soliloquiorum: promittit ratio (...) se demonstraturam Deum meae menti, ut oculis sol demonstratur; nam mentis quasi oculi sunt sensus animae. Disciplinarum autem quaeque certissima talia sunt qualia illa quae sole illustrantur, ut videri possint. Deus autem est ipse qui illustrat. Non autem potest hoc unum separatum nostrae cognitionis principium intelligi per intellectum agentem, de quo philosophus loquitur, ut Themistius dicit quia Deus non est in natura animae; sed intellectus agens ab Aristotele nominatur lumen receptum in anima nostra a Deo. Et sic relinquitur simpliciter dicendum, quod intellectus agens non est unus in omnibus.

 

Solutions

1. Donc il faut dire que le propre de Dieu est d’illuminer les hommes en introduisant en eux la lumiиre naturelle de l’intellect agent, et au-dessus de cela la lumiиre de la grвce et de la gloire, mais l’intellect agent йclaire les images, comme la lumiиre introduite par Dieu.

1. Ad primum ergo dicendum quod proprium est Dei illuminare homines, imprimendo eis lumen naturale intellectus agentis, et super hoc lumen gratiae et gloriae; sed intellectus agens illustrat phantasmata, sicut lumen a Deo impressum.

 

2. L’intellect agent est appelй par Aristote ‘sйparй’, non comme si c’йtait une substance qui a l’кtre hors de son corps, mais parce qu’il n’est pas l’acte d’une partie du corps, de sorte que son opйration ne dйpend pas d’un organe corporel comme on l’a dit  de l’intellect possible.

2. Ad secundum dicendum quod intellectus agens dicitur ab Aristotele separatus, non quasi sit quaedam substantia habens esse extra corpus; sed quia non est actus alicuius partis corporis, ita quod eius operatio sit per aliquod organum corporale, sicut et de intellectu possibili dictum est.

 

3. Aristote n’emploie pas ce mot d’intellect agent, mais d’intellect en acte. En effet il a parlй d’abord de l’intellect possible et ensuite de l’intellect agent ; et cependant il commence а parler de l’intellect en acte, lа oщ il dit (L’вme, III, 5, 430 a 20) : « C’est la mкme chose la science en acte et son objet [210]», et il distingua l’intellect en acte de l’intellect en puissance de trois maniиres.

a. Parce que l’intellect en puissance n’est pas ce qui est compris en puissance, mais l’intellect en acte ou la science en acte est ce qui est compris ou connu en acte. De sorte qu’autour de ce sens il avait dit que la sensation est puissance et le sensible en puissance sont diffйrents.

 ad 3 Ad tertium dicendum quod istud verbum non dicit Aristoteles de intellectu agente, sed de intellectu in actu. Primo enim locutus est de intellectu possibili, et postea de intellectu agente, et tandem incipit loqui de intellectu in actu, ubi dicit: idem est autem secundum actum scientia rei, et distinguit intellectum in actu ab intellectu in potentia tripliciter.- Primo quidem, quia intellectus in potentia non est intellectum in potentia; sed intellectus in actu, sive scientia in actu, est res intellecta vel scita in actu. Ita et circa sensum dixerat quod sensus in potentia et sensibile in potentia sunt diversa.`

 

b. Il compare l’intellect en acte а l’intellect en puissance parce que l’intellect en puissance est dans le temps en un seul et mкme [homme] avant l’intellect en acte ; car un intellect est en puissance dans le temps avant d’кtre en acte. Mais l’acte est naturellement avant la puissance, absolument parlant, aussi il faut placer un intellect en acte dans le temps avant l’intellect en puissance qui est ramenй en acte par un intellect en acte, et c’est ce qu’il ajoute (l’вme, III, 5, 430 a 21[211] : « ce qui est selon la puissance antйrieur  dans le temps en un seul [ individu], mais il ne l’est pas tout а fait dans le temps » et il se sert de cette comparaison entre la puissance et l’acte aussi en Mйtaphysique, ( IX, 8, 1049 b 10[212])  et en plusieurs autres lieux.

- Secundo comparat intellectum in actu ad intellectum in potentia, quia intellectus in potentia est prior tempore in uno et eodem quam intellectus in actu; prius enim tempore aliquis est intellectus in potentia quam in actu. Sed naturaliter est prius actus quam potentia; et simpliciter loquendo, etiam prius tempore oportet ponere aliquem intellectum in actu quam intellectum in potentia, qui reducitur in actum per aliquem intellectum in actu, et hoc est quod subdit: quae vero secundum potentiam, tempore prior in uno; omnino autem neque in tempore; et ista comparatione utitur inter potentiam et actum etiam in IX Metaphysic. et in pluribus aliis locis.

 

c. Il montre la diffйrence qu’il y a а ce que l’intellect en puissance ou intellect possible se trouve quelquefois en train de comprendre, quelquefois non. Mais on ne peut pas le dire de l’intellect en acte, de mкme que la puissance visuelle quelquefois voit, quelquefois ne voit pas. Car la vision en acte c’est voir en acte, et c’est ce qu’il dit (L’вme, 430 a 22[213] : « Mais quelquefois il comprend, quelquefois non ».Et aprиs il ajoute[214] : «Seulement ce qui est sйparй est vrai », ce qui ne peut кtre compris ni de l’intellect agent ni de l’intellect possible, puisque il a dit plus haut que l’un et l’autre йtaient sйparйs, mais il faut qu’il soit compris de tout ce qui est requis pour l’intellect en acte, c'est-а-dire de toute la partie intellective. C'est pourquoi il ajoute : « Et cela seul est immortel et perpйtuel » ;  si c’est exposй de l’intellect agent, il en dйcoule que l’intellect possible est corruptible, comme Alexandre[215] l’a compris. Mais cela est contre ce qu’Aristote avait dit plus haut de l’intellect possible. Mais il a йtй nйcessaire d’exposer ici  ces paroles d’Aristote, pour que ne soit pas pour quelqu’un une occasion de se tromper.

- Tertio ostendit differentiam quantum ad hoc quod intellectus in potentia, sive possibilis, quandoque invenitur intelligens, quandoque non intelligens. Sed hoc non potest dici de intellectu in actu; sicut et potentia visiva quandoque videt quandoque non videt. Sed visus in actu est in ipso videre actu; et hoc est quod dicit: sed non aliquando quidem intelligit, aliquando autem non. Et postmodum subdit: separatum autem hoc solum quod vere est; quod non potest intelligi nec de intellectu agente, nec de intellectu possibili cum utrumque supra dixerit separatum; sed oportet quod intelligatur de omni eo quod requiritur ad intellectum in actu, idest de tota parte intellectiva. Unde et subdit: et hoc solum immortale et perpetuum est; quod si exponatur de intellectu agente, sequetur quod intellectus possibilis sit corruptibilis, ut Alexander intellexit. Sed hoc est contra ea quae Aristoteles superius dixerat de intellectu possibili. Haec autem verba Aristotelis hic exponere necessarium fuit, ne esset alicui occasio errandi.

 

4. Rien n’empкche que deux choses comparйes entre elles se comportent de sorte que l’une et l’autre soit comme la puissance et comme l’acte en rapport avec l’autre selon diffиrents aspects, de mкme que le feu est froid en puissance et chaud en acte, mais l’eau c’est l’inverse, et c'est pourquoi ces agents naturels supportent, et agissent en mкme temps. Si donc on compare la partie intellective aux images, autant elle se comportera en puissance pour l’un et en acte pour l’autre par rapport а elles. L’image en acte a la ressemblance d’une nature dйterminйe, mais cette ressemblance а d’une espиce dйterminйedans l’image est en puissance peut кtre abstraite des conditions matйrielles. Mais dans la partie intellective c’est le contraire, car elle n’a pas en acte les ressemblances des diffйrentes choses mais seulement elle a en acte la lumiиre immatйrielle qui a le pouvoir d’abstraire ce qui peut кtre abstrait en puissance. Et ainsi rien n’empкche de trouver dans une mкme essence de l’вme un intellect possible, qui est en puissance en rapport aux formes qui sont abstraites des images, et l’intellect agent qui abstrait la forme des images. Et ce serait la mкme chose s’il y avait un seul et mкme corps, qui serait transparent, existant en puissance pour toutes les couleurs, et comme il aurait la lumiиre, par laquelle il pourrait йclairer les couleurs, comme de quelque maniиre cela apparaоt dans l’њil du chat.

4. Ad quartum dicendum quod nihil prohibet aliqua duo ad invicem comparata sic se habere quod utrumque sit et ut potentia et ut actus respectu alterius secundum diversa; sicut ignis est potentia frigidus et actu calidus, aqua vero e converso; et propter hoc agentia naturalia simul patiuntur et agunt. Si igitur comparetur pars intellectiva ad phantasmata; quantum ad aliquid se habebit in potentia, et quantum ad aliquid in actu respectu eorum. Phantasma actu quidem habet similitudinem determinatae naturae; sed illa similitudo determinatae speciei est in phantasmate in potentia abstrahibilis a materialibus conditionibus. In parte vero intellectiva est e converso: nam non habet actu similitudines distinctarum rerum; sed tamen actu habet lumen immateriale habens virtutem abstrahendi quae sunt abstrahibilia in potentia. Et sic nihil prohibet in eadem essentia animae inveniri intellectum possibilem, qui est in potentia respectu specierum quae abstrahuntur a phantasmatibus, et intellectum agentem, qui abstrahit speciem a phantasmatibus. Et esset simile, si esset aliquod unum et idem corpus, quod esset diaphanum, existens in potentia ad omnes colores, et cum hoc haberet lucem, qua posset illuminare colores; sicut aliquo modo apparet in oculo cati.

 

5. La lumiиre de l’intellect agent est multipliйe immйdiatement par la multiplication des вmes, qui participent а la lumiиre de l’intellect agent. Mais les вmes sont multipliйes selon les corps, comme on l’a dit ci-dessus.

5. Ad quintum dicendum quod lumen intellectus agentis multiplicatur immediate per multiplicationem animarum, quae participant ipsum lumen intellectus agentis. Animae autem multiplicantur secundum corpora, sicut supra dictum est.

 

6. Cela mкme que la lumiиre de l’intellect agent n’est pas l’acte d’une organe corporel par laquelle il opиre, suffit pour pouvoir sйparer les espиce intelligibles des images, puisque la sйparation des espиces intelligible qui sont reзues dans l’intellect possible n’est pas plus grande que la sйparation de l’intellect agent.

6. Ad sextum dicendum quod hoc ipsum quod lumen intellectus agentis non est actus alicuius organi corporei per quod operetur, sufficit ad hoc quod possit separare species intelligibiles a phantasmatibus; cum separatio specierum intelligibilium quae recipiuntur in intellectu possibili, non sit maior quam separatio intellectus agentis.

 

7. Cette raison conviendrait plus pour l’intellect possible que pour l’intellect agent. Car cela le philosophe l’applique а l’intellect possible, qui, quand il aura compris ce qui est le plus intelligible,ne comprendra pas moins ce qui est le moins intelligible[216]. Cependant de tout ce qu’il comprend, il n’en dйcoule pas que le pouvoir de l’intellect par lequel nous comprenons est absolument infini, mais qu’il serait infini par rapport а un genre. Car rien n’empкche qu’une puissance qui est finie en soi, n’ait pas une limite dans un genre dйterminй, mais cependant elle a une limite en tant qu’elle ne peut pas s’йtendre au genre supйrieur, de mкme que la vision n’a pas de limite dans le genre de la couleur, parce que si elles йtaient multipliйes а l’infini, toutes pourraient кtre connues par la vue, cependant elle ne peut pas connaоtre ce qui est d’un genre supйrieur, comme ce qui est universel. De la mкme  maniиre notre intellect n’a pas de limite par rapport aux intelligibles qui lui sont connaturels, qui sont abstraits par les sens, mais cependant il a une limite, parce qu’il est en dйfaut sur les intelligibles supйrieurs qui sont les substances sйparйes ; car il se comporte pour les plus йvidentes des choses, comme l’њil de la chouette а la lumiиre du soleil,  comme il est dit en Mйtaphysique (II, 1, 993 b 9).

7. Ad septimum dicendum quod ratio illa magis concluderet de intellectu possibili quam de intellectu agente. Hoc enim philosophus inducit de intellectu possibili, quod cum intellexerit maximum intelligibile, non minus intelliget minimum. De quocumque tamen intelligatur, non sequitur ex hoc quod virtus intellectus quo intelligimus sit infinita simpliciter, sed quod sit infinita respectu alicuius generis. Nihil enim prohibet aliquam virtutem quae in se finita est, non habere terminum in aliquo genere determinato; sed tamen habet terminum in quantum ad superius genus se extendere non potest: sicut visus non habet terminum in genere coloris, quia si in infinitum multiplicarentur, omnes possent a visu cognosci; non tamen potest cognoscere ea quae sunt superioris generis sicut universalia. Similiter intellectus noster non habet terminum respectu intelligibilium sibi connaturalium, quae a sensibus abstrahuntur; sed tamen terminum habet, quia circa superiora intelligibilia, quae sunt substantiae separatae, deficit: habet enim se ad manifestissima rerum sicut oculus noctuae ad lucem solis, ut dicitur in II Metaph.

 

8. Cet argument ne convient pas. Car nous parlons de jugement sur la vйritй de deux maniиres.

a. La premiиre, comme par un intermйdiaire, de mкme que nous jugeons des conclusions par les principe et de ce qui est rйgulй par la rиgle. Et ainsi les raisons d’Augustin paraissent valables. Car ce qui est changeant ou qui a une ressemblance avec ce qui est faux peut кtre une rиgle infaillible de vйritй.

8. Ad octavum dicendum quod ratio illa non est ad propositum. Iudicare enim aliquo de veritate dicimur dupliciter. Uno modo, sicut medio; sicut iudicamus de conclusionibus per principia, et de regulatis per regulam; et sic videntur rationes Augustini procedere. Non enim illud quod est mutabile, vel quod habet similitudinem falsi, potest esse infallibilis regula veritatis.

 

b. D’une autre maniиre on dit que nous jugeons d’une vйritй, comme par un pouvoir apte а juger et nous jugeons de la vйritй de cette maniиre par l’intellect agent.

Alio modo dicimur aliquo iudicare de veritate aliqua, sicut virtute iudicativa; et hoc modo per intellectum agentem iudicamus de veritate.

 

Mais cependant pour scruter plus profondйment l’intention d’Augustin et comment se comporte la vйritй а ce sujet, il faut savoir que certains philosophes anciens qui ne pensaient pas qu’il y avait une autre puissance cognitive en dehors des sens, ni des йtants au-delа du sensible, ont dit qu’on ne pouvait avoir aucune certitude  et pour deux raisons : a. Parce qu’ils pensaient que les sensibles йtaient toujours en mouvement ( ?) et que rien dans les choses n’йtait stable. b. Parce qu’ils trouvaient que certains en йtat de veille, d’autres en dormant jugeaient diffйremment, et aussi le malade [jugeait] autrement que celui en en bonne santй. Et on ne peut pas accepter ce par quoi on discerne celui d’entre eux qui pense plus vrai а ce sujet, puisque cela ressemble а la vйritй. Et ce sont les deux raisons qu’Augustin traite, pour lesquelles les anciens ont dit que nous ne pouvions pas connaоtre la vйritй. C’est pourquoi Socrate aussi, dйsespйrant de capter la vйritй des choses, s’engagea tout entier dans la philosophie morale.

Sed tamen ut profundius intentionem Augustini scrutemur, et quomodo se habeat veritas circa hoc, sciendum est quod quidam antiqui philosophi, non ponentes aliam vim cognoscitivam praeter sensum, neque aliqua entia praeter sensibilia, dixerunt, quod nulla certitudo de veritate a nobis haberi potest; et hoc propter duo. Primo quidem, quia ponebant sensibilia semper esse in fluxu, et nihil in rebus esse stabile. Secundo, quia inveniuntur circa idem aliqui diversimode iudicantes, sicut aliter vigilans et aliter dormiens; et aliter infirmus, aliter sanus. Nec potest accipi aliquid quo discernatur quis horum verius existimet, cum quilibet aliquam similitudinem veritatis habeat. Et hae sunt duae rationes quas Augustinus tangit, propter quas antiqui dixerunt veritatem non posse cognosci a nobis. Unde et Socrates, desperans de veritate rerum capessenda, totum se ad moralem philosophiam contulit.

 

Mais Platon son disciple, d’accord avec les philosophes anciens que les sensibles sont toujours en mouvement et en йcoulement et que le pouvoir [sensitif] n’a pas de jugement certain sur les choses pour йtablir la certitude de la science, a pensй d’une part qu’il existait des espиces, sйparйes des sensibles et immobiles, dont il a dit que les sciences existaient, d’autre part il a placй une puissance cognitive dans l’homme au-dessus de la sensation а savoir l’esprit, ou l’intellect йclairй par un soleil supйrieur intelligible, comme la vue est йclairйe par soleil visible.

Plato vero discipulus eius consentiens antiquis philosophis quod sensibilia semper sunt in motu et fluxu, et quod virtus non habet certum iudicium de rebus, ad certitudinem scientiae stabiliendam, posuit quidem ex una parte species rerum separatas a sensibilibus et immobiles, de quibus dixit esse scientias; ex alia parte posuit in homine virtutem cognoscitivam supra sensum scilicet mentem vel intellectum illustratum a quodam superiori sole intelligibili, sicut illustratur visus a sole visibili.

 

Augustin, suivant Platon, autant que la foi catholique le supportait, n’a pas pensй qu’il y avait des espиces subsistantes par soi, mais а leur place il a йrigй les raison des choses dans l’esprit divin[217], et parce que, par elles, selon l’intellect illuminй par la lumiиre divine, nous jugeons de tout non de sorte а voir les raisons elles-mкmes, car cela serait impossible а moins que de voir l’essence de Dieu, mais selon ce que ces raisons suprкmes impriment dans nos esprits. Car ainsi Platon a pensй que les sciences concernaient les espиces sйparйes, non parce qu’on les voyait elles-mкmes, mais selon elles notre esprit y participe, il en a la connaissance.

Augustinus autem, Platonem secutus quantum fides Catholica patiebatur, non posuit species rerum per se subsistentes; sed loco earum posuit rationes rerum in mente divina, et quod per eas secundum intellectum illustratum a luce divina de omnibus iudicamus: non quidem sic quod ipsas rationes videamus, hoc enim esset impossibile, nisi Dei essentiam videremus; sed secundum quod illae supremae rationes imprimunt in mentes nostras. Sic enim Plato posuit scientias de speciebus separatis esse, non quod ipsae viderentur; sed secundum eas mens nostra participat, de rebus scientiam habet.

 

C'est pourquoi dans une glose sur ces paroles ; les vйritйs ont йtй diminuйes par les fils des hommes, il est dit (Enarrationes in ps. XI, 1, 3) que de mкme que beaucoup de ressemblances d’une seule face brillent dans les miroirs, de mкme d’un seule premiиre vйritй rйsultent de nombreuses vйritйs dans nos esprits. Aristote a procйdй par une autre voie.

a. Car premiиrement il montre de multiples maniиres qu’il y a dans les sensibles quelque chose de stable.

b. Deuxiиmement que le jugement de la sensation est vrai sur les sensibles propres, mais est trompй sur les sensibles communs, mais plus а propos pour les sensibles par accident.

c. Troisiиmement qu’au-dessus du sens il y a le pouvoir intellectuel qui juge de la vйritй, non par des intelligibles qui existe au dehors, mais par la lumiиre de l’intellect agent qui les rend intelligibles. Mais il n’est pas important de dire que les intelligibles sont participйs par Dieu, ou que la lumiиre qui les rend intelligibles est participйe.

Unde et in quadam Glossa super illud: diminutae sunt veritates a filiis hominum, dicitur, quod sicut ab una facie resplendent multae similitudines in speculis, ita ex una prima veritate resultant multae veritates in mentibus nostris. Aristoteles autem per aliam viam processit. Primo enim, multipliciter ostendit in sensibilibus esse aliquid stabile. Secundo, quod iudicium sensus verum est de sensibilibus propriis, sed decipitur circa sensibilia communia, magis autem circa sensibilia per accidens. Tertio, quod supra sensum est virtus intellectiva, quae iudicat de veritate, non per aliqua intelligibilia extra existentia, sed per lumen intellectus agentis, quod facit intelligibilia. Non multum autem refert dicere, quod ipsa intelligibilia participentur a Deo, vel quod lumen faciens intelligibilia participetur.

 

9. Ces rиgles que les impies considиrent sont les premiers principes pour agir, qui sont aperзus par la lumiиre de l’intellect agent participй par Dieu, de mкme aussi que les premiers principes des sciences spйculatives.

9. Ad nonum dicendum quod regulae illae quas impii conspiciunt, sunt prima principia in agendis, quae conspiciuntur per lumen intellectus agentis a Deo participati, sicut etiam prima principia scientiarum speculativarum.

 

10. Ce par quoi on juge qu’elle est la meilleure de deux choses doit кtre meilleur que l’une et l’autre, si c’est jugй comme  rиgle et mesure.Car ainsi le blanc est la rиgle et la mesure de toutes les autres couleurs, et Dieu de tous les йtants ; parce que chaque chose est d’autant meilleure qu’elle approche davantage de ce qui est le meilleur. Mais ce par quoi nous jugeons qu’une chose est meilleure que l’autre, par exemple par le pouvoir cognitif, ne doit pas  кtre meilleur que l’une et l’autre. Mais ainsi par l’intellect agent nous jugeons que l’ange est meilleur que l’вme.

10. Ad decimum dicendum quod illud quo iudicatur de duobus quid sit melius, oportet esse utroque melius, si eo iudicetur ut regula et mensura. Sic enim album est regula et mensura omnium aliorum colorum, et Deus omnium entium: quia unumquodque tanto melius est, quanto magis optimo appropinquat. Illud autem quo iudicamus aliquid esse melius altero ut virtute cognoscitiva, non oportet esse utroque melius. Sic autem per intellectum agentem iudicamus Angelum esse anima meliorem.

 

11. La solution est йclairйe par ce qui a йtй dit. Car ainsi l’intellect agent est comparй au possible comme l’art qui met en mouvement [est comparй] а la matiиre en tant qu’il rend l’intelligible en acte, pour ce qui est l’intellect possible en puissance. Mais il a йtй dit comment les deux parties pourraient кtre fondйes dans une seule substance de l’вme.

11. Ad undecimum patet solutio ex dictis. Sic enim intellectus agens comparatur ad possibile ut ars movens ad materiam, in quantum facit intelligibilia in actu, ad quae est intellectus possibilis in potentia. Dictum est autem quomodo haec duo in una substantia animae fundari possint.

 

12. De mкme qu’il y a une seule nature des nombres dans tous les esprits, de mкme il y a une seule nature de la pierre, qui est une du cфtй de ce qui est compris, mais non du cфtй de l’acte d’intellection, parce que ce n’est de la nature de la choses comprise ; car ce n’est de la nature de la pierre d’кtre comprise. C'est pourquoi une telle unitй de la nature des nombres ou de la pierre ou de n’importe quoi, ne fait rien pour l’unitй de l’intellect possible ou de l’intellect agent comme on l’exposй ci-dessus.

12. Ad duodecimum dicendum quod sic est una ratio numerorum in omnibus mentibus, sicut et una ratio lapidis; quae quidem est una ex parte rei intellectae, non autem ex parte actus intelligendi, quod non est de ratione rei intellectae: non enim est de ratione lapidis quod intelligatur. Unde talis unitas rationis numerorum vel lapidum vel cuiuscumque rei, nihil facit ad unitatem intellectus possibilis vel agentis, ut supra magis expositum est.

 

13. Cette vйritй en quoi consiste le bien suprкme est commune  а tous les esprits, en raison d’une unitй de la chose ou en raison de l’unitй de la premiиre lumiиre qui s’йcoule dans tous les esprits.

13. Ad decimumtertium dicendum quod veritas illa in qua tenetur summum bonum, est communis omnibus mentibus vel ratione unitatis rei, vel ratione unitatis primae lucis in omnes mentes influentis.

 

14. L’universel que fait l’intellect agent est un en tous ceux par lesquels il est lui-mкme abstrait. C'est pourquoi l’intellect agent n’est pas diversifiй selon leur diversitй. Mais il est diversifiй selon la diversitй des intellects, parce que l’universel n’a pas son unitй par cette partie l’unitй par laquelle je la comprends ou tu la comprends; car mon intellection ou la tienne arrive а l’universel.C'est pourquoi la diversitй des esprits n’empкche par l’unitй de l’universel.

14. Ad decimumquartum dicendum quod universale quod facit intellectus agens, est unum in omnibus a quibus ipsum abstrahitur; unde intellectus agens non diversificatur secundum eorum diversitatem. Diversificatur autem secundum diversitatem intellectuum: quia et universale non ex ea parte habet unitatem qua est a me et a te intellectum; intelligi enim a me et a te accidit universali. Unde diversitas intellectuum non impedit unitatem universalis.

 

15. Il n’est pas convenable de dire que l’intellect agent est nu ou entiиrement ‘vкtu’ d’espиces ou vide. Car кtre empli de formes est de l’intellect possible, mais les produire vient de l’intellect agent. Mais il ne faut pas dire que l’intellect agent comprend sйparйment de l’intellect possible, l’homme comprend par l’un et l’autre, qui a la connaissance dans le particulier par les puissances sensitives, dont elles sont abstraites par l’intellect agent.

15. Ad decimumquintum dicendum quod inconvenienter dicitur intellectus agens nudus vel vestitus plenus speciebus vel vacuus. Impleri enim speciebus est intellectus possibilis sed facere eas est intellectus agentis. Non est autem dicendum quod intellectus agens seorsum intelligat ab intellectu possibili: sed homo intelligit per utrumque; qui quidem habet cognitionem in particulari, per sensitivas potentias, eorum quae per intellectum agentem abstrahuntur.

 

16. Ce n’est pas par une insuffisance de Dieu que les pouvoir de l’action sont attribuйs aux crйatures, mais par sa plйnitude la plus parfaite, qui suffit pour communiquer а tous.

16. Ad decimumsextum dicendum quod non est ex Dei insufficientia quod rebus creatis virtutes actionis attribuit, sed ex eius perfectissima plenitudine, quae sufficit ad omnibus communicandum.

 

17. La forme qui est dans l’imagination est du mкme genre que la forme qui est dans le sens, parce que l’une et l’autre sont individuelles et matйrielles, mais la forme qui est dans l’intellect, est d’un autre genre, parce qu’elle est universelle. Et c'est pourquoi la forme imaginaire ne peut pas imprimer la forme intelligible, de mкme que la forme sensible imprime la forme de l’image ; pour cela le pouvoir intellectif actif est nйcessaire, mais par le pouvoir sensitif actif.

17. Ad decimumseptimum dicendum quod species quae est in imaginatione, est eiusdem generis cum specie quae est in sensu, quia utraque est individualis et materialis; sed species quae est in intellectu, est alterius generis, quia est universalis. Et ideo species imaginaria non potest imprimere speciem intelligibilem, sicut species sensibilis imprimit speciem imaginariam; propter quod necessaria est virtus intellectiva activa, non autem virtus sensitiva activa.

 

 

 

 



[1] Parall. : Ia,  qu. 50, a. 2 – qu. 75, a 5 – De Ente et ess. 5 -  I sent. D. 8 ; qu. 5, a. 2 -  II Sent  D 3, qu. 1, a. 1 — D. 17, qu. 1, a. 2 — In Boлt. De Trin. 5, a. 4, ad 4. – De Pot. qu. 6, a. 6 ; ad 4 – Quodlib.  III, qu. 8, IX, qu. 4, a. 4 – De anim.  A. 6 – De subst. sep. 5-8 – Opus. XV,  De angelis., 5 et ss. – Comp. Theol. 74.

[2] « Les formes ne peuvent pas кtre substrats. … Mais la forme qui est sans matiиre ne pourra pas кtre substrat… » (Trad.  H. Merle, Boиce, Courts traitйs de thйologie p. 132). Thomas dit ailleurs, en se rйfйrant toujours а Boиce : « La forme simple qui est acte pur, ne peut кtre le subtrat d’aucun accident ».parce que le substrat est comparй а l’accident, comme la puissance а l’acte » (Ia.  Qu. 54, a. 3, ad 2m). il ne s’agit donc pas de la substance spirituelle, mais de Dieu.

[3] Ces trois facultйs sont donc considйrйes comme des accidents qui appartiennent а la nature spйcifique de la crйature sprituelle. Cf. De Finance, Кtre et agir, p. 159.

[4] A comprendre comme sans forme. La matiиre sans forme (qui ne peut pas exister en rйalitй) est pure puissance.

[5] A quelques dйtails prиs, l’objection est la mкme dans les QD De anima, a. 6, obj. 1.

[6] « Il n’y a que les corps qui sont mus ». (Ia, qu. 50, a. 1, obj. 2. Cf. Physique, IV, 4, 234 b 10-20)

[7] « Mais il est nйcessaire de concevoir aussi la matiиre comme engagйe dans une chose en mouvement » H. Tricot note « texte inintelligible » (p. 116) Le commentaire de Thomas (n. 328) « Dans tout ce qui est mы, il est nйcessaire de comprendre la matiиre. Car tout ce qui est mы est en puissance, mais l’йtant en puissance c’est la matiиre ».

[8] « Le ciel et la terre ? Voilа bien une appellation qui ne convient pas trop mal pour dйsigner la nature, invisible et visible; dиs lors ces deux termes embrassent l’ensemble de la crйation… » Trad. P. Cambrone (Йd de la Plйiade). Augustin n’emploie pas le mot matiиre, mais le mot nature. On peut trouver une explication а cette matiиre de ce qui est visible (la matiиre ordinaire ou celle que l’on trouve dans le corps (Thomas parle plusieurs fois de matiиre corporelle, qui n’est pas la matiиre brute) et la matiиre de l’invisible : Dans le De Ente et essentia (II, 1) il parle pour les substances simples « de composition de forme et d’exister ». « Si on appelle matйrialitй en un sens trиs large toute sorte de potentialitй а savoir une potentialitй par rapport а l’existence » (on peut parler de) « matйrialitй des intelligences finies » D. J. Lallement, Commentaire du De ente et essentia… p. 417).

[9] La matiиre commune aux crйatures sprituelles et aux crйaturesz corporelles est attribuйe а Avicebron (La Fontaine de vie)), mais aussi aprиs Augustin а saint Bonaventure.

[10] « Quant aux choses qui n’ont pas de matiиre, soit intelligible, soit sensible, c’est immйdiatement et essentiellement que chacune d’elle est une unitй, comme c’est essentiellement qu’elle est un кtre, soit substance, soit qualitй, soit quantitй ». (Trad J. Tricot p. 476). Thomas, (n. 1760) : Il s’agit de mathйmatiques : « Il rйsoud le doute dйjа dit а propos des mathйmatiques. La matiиre est double, sensible et intelligible ; sensible, elle gouverne les qualitйs sensibles, chaud et froid, rare et dense…on dit que la matiиre est intelligible, si elle est reзue sans qualitйs sensibles, ou sans diffйrences… ».

[11] L’unitй convient а la substance.

[12] Ce par quoi il est vient de la forme qui donne l’кtre au composй, et ce qu’il est est la matiиre.

[13] Thomas, lectio 1.

[14] Par exemple l’homme n’est pas son humanitй.

[15] Il s’agit lа d’une intellection seconde. Pot. qu. 1, a. 1, sol. 10 : « Ce qui rйpond а l’esprit… d’une autre maniиre, indirectement, quand par exemple, un concept dйcoule de l’acte d’intellection et que l’esprit le considиre, en rйflйchissant sur lui. C'est pourquoi, cela correspond а cette considйration de l’esprit indirectement, c’est-а-dire par le moyen de l’intellection de la chose: par exemple, l’esprit comprend la nature de l’animal dans l’homme, dans le cheval et dans beaucoup d’autres espиces. Il en dйcoule que l’esprit les comprend comme genre. A cette conception par laquelle l’esprit comprend le genre, rien ne correspond immйdiatement dans l’objet extйrieur qui soit un genre, mais pour l’esprit d’oщ dйcoule cette intention rйpond une rйalitй ».

[16] Avйrroиs.

[17] « Est-il vraisemblable (…) que Dieu, ait non seulement crйй la raison causale du corps humain futur, mais encore la matiиre dont il devait кtre tirй – je veux dire la terre, du limon et de la poussiиre de laquelle il fut faзonnй – et que par contre Dieu ait seulement crйй la raison causale d’aprиs laquelle l’вme devait кtre faite et non pas aussi une certaine matiиre spйciale en son genre а partir de laquelle l’вme devait кtre faite ».  (Trad. BA. 7, p. 521).

[18] C'est-а-dire ‘n’est en acte ou en puissance’.

[19] C'est-а-dire Dieu, la matiиre en tant que telle, les crйatures.

[20] Un traducteur d’Augustin, qui reprend le mкme texte traduit ainsi : « Il sont indissolubles parce que je le veux ».

[21] « Rйgle 4 : ‘ce qui est’ peut avoir quelque chose en dehors de ce qu’il est lui-mкme, mais l’кtre en soi n’a en dehors de lui, rien d’autre qui lui soit ajoutй » (Trad. H. Merle).

[22] Le concret peut avoir des accidents, l’abstrait non.

[23] Comprendre ne rien perdre de sa vraie nature.

[24] Cf. Mйtaphysique,  VII, 3, 1029 a 3.- Cf. Les Catйgories, 5. La substance est la premiиre des dix catйgories.

[25] Il s’agit de la participation.

[26] Йd. Marietti, n° 99, p, 86 (PG. 695 C) : « Ils sont compris comme incorporels et immatйriels ».

[27] « Aucune recherche  ne serait constituйe sur le lieu, s’il n’y pas une espиce de mouvement selon le lieu » (Trad. H. Carteron)

[28] « Il y a six espиces de mouvement : la gйnйration, la corruption, l’accroissement, le dйcroissement, l’altйritй et le changement local » (Les Catйgories, 14, 15 a 13).

[29] L’opinion de saint Bonaventure : « Et si tu m’objectes que Dieu peut faire que la forme accidentelle soit sans matiиre, comme dans le sacrement de l’autel, il faut dire qu’il ne l’a jamais fait sans que toujours elle soit destinйe а кtre dans la matiиre et elle a une inclination pour elle en tant de sa nature ». (II Sent. p.I, a. 1, qu. 1, ad 3).

[30] En Ia, qu. 50, a. 2, il prйcise qu’il agit de l’opinion d’Avicebron dans La Fontaine de vie. Id.  II Sent,. D. 3, qu. 1, a. 1, c. Il faut ajouter saint Bonaventure. Cf. introduction.

[31] « Ce n’est pas que la matiиre infirme soit temporellement antйrieure aux choses formйes… »

[32] « J’appelle matiиre ce qui n’est par soi, ni existence dйterminйe, ni d’une certaine quantitй, ni d’aucune autres des catйgories par lesquelle l’Кtre est dйterminй… »

[33] Dieu, l’acte pur.

[34] « Il est clair que ces essences-lа sont plus proches de la Dйitй, puisque leur participation se fait selon plusieurs modes » (Trad. M. de Gandillac)

[35] La forme apporte des limites а la matiиre en en faisant un йtant limitй en genre et en espиce.

[36] C’est une concession de Thomas.

[37] A cette mкme objection dans l’article 6, obj. 1 des QD sur l’вme, Thomas rйpond : « Boиce parle lа de la forme qui est absolument simple, а savoir de l'essence divine, dans laquelle, puisque rien ne sort de la puissance et qu'elle est acte pur, un sujet [distinct de l'acte] ne peut кtre en aucune faзon. Les autres formes simples, si elles sont subsistantes, comme les anges et les вmes, peuvent cependant кtre des substrats pour autant qu'elles comportent de la puissance, en fonction de quoi il leur revient de recevoir quelque chose (trad.  Genuy).

[38] Pas d’accidents en Dieu.

[39] Cf. Pot.  qu. 4, a. 1, sc 5 : « 5. La crйature spirituelle et la crйature corporelle ont est crййes en mкme temps, comme cela a йtй montrй dans la question 3, article 18. Mais, dans la crйature spirituelle, l'absence de forme a prйcйdй sa mise en forme mкme en durйe. Donc, pour la mкme raison, dans la crйature corporelle aussi. Preuve intermйdiaire : on comprend la mise en forme de la crйature spirituelle selon qu'elle se tourne vers le Verbe qui est son illumination. Mais en mкme temps que la lumiиre a йtй faite, il y eut la division entre la lumiиre et les tйnиbres. Et par les tйnиbres, on comprend le pйchй dans la crйature spirituelle. Mais le pйchй n'a pas pu exister au premier instant de la crйation des anges, parce que, alors, les dйmons n'auraient jamais йtй bons..Donc la crйature spirituelle n'a pas йtй mise en forme au premier instant de la crйation. »

[40] Ou cause efficiente.

[41]  « La forme simple qui est acte pur ne peut кtre le sujet d’aucun accident, parce que le sujet est vis-а-vis de l’accident en rapport de puissance а acte. En ce sens-lа, Dieu seul est forme simple, et c’est de cela que parle Boиce. Mais la forme simple qui n’est pas son existence, et qui est а l’existence ce que la puissance est а l’acte, peut кtre le sujet d’accidents, notamment de ceux qui suivent l’espиce, car ils appartiennent а la forme : quant aux accidents individuels, ils ne suivent pas l’espиce, mais la matiиre, qui est principe d’individuation. L’ange n’est forme simple qu’en ce dernier sens ». (Ia, qu. 54, a. 3, ad 2) (Trad. Cerf)

[42] Le texte se trouve aussi dans le de Ente et Essentia, 4, 7 : « Certain disent que ces substances sont composйes de par quoi c’est et de ce qui est, (ex quo est et quod est ou bien de ce qui est et d’кtre comme le dit Boиce (de hebdomabidus, rиgle 7 et 8) (Trad.  A. de Libera)

[43] Cf. Rиgle 2.

[44] Sur Aliquid,  voir la note art. 2, c.

[45] tel qu’il se trouve dans l’esprit qui le pense.

[46] C’est l’opinion de Jean Damascиne, mais aussi celui de saint Bonaventure. (Й. Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, p. 201).

[47] L’acte pur c’est Dieu, la puissance pure c’est la matiиre.

[48] Parall.: Ia, qu. 76, a. 1 – II sent. D. 1, qu. 2, a. 4 — D. 17, qu. 2, a. 1 — CG. II, 56, 57, 69-70 — De anim, a. 1 et 2 — De anima,II, lectio 4, De anima III, lect. 7 — De unit. Intell., 3 — Comp. Thйol., 80, 87.

[49] « …les intelligibles ne sauraient кtre saisis ni comtempйs par les sensibles » (PL 588 B) (Trad. M. de Gandillac)

[50] On trouvera plus loin (respondeo de l’article) une dйfinition de la substance spirituelle. Elle est forme mais « en pouvant subsister et opйrer par elle-mкme, l’вme est une substance spirituelle ».

[51] « Intelliger », c’est l’acte de l’intellect (cf. en c.). « L’intellect est cette partie de l’вme par laquelle l’вme connaоt » Aristote De anima, III, 4, 429 a 10. Trad. E . Barbotin). C’est а la fois acquйrir la connaissance, penser, comprendre, concevoir. Pour simplifier la traduction nous employons ‘comprendre’.

[52] « La forme [sans la matiиre] n’est pas crййe. Elle est contenue en puissance dans la matiиre, il y a une ordination naturelle а la forme. “Qu’on ne croie pas davantage qu’en passant а l’acte de cette forme, la matiиre reзoit quelque chose du dehors. le fieri de la forme n’est donc trиs proprement que la transformation du sujet; elle-mкme n’a de sort indйpendant aucun et elle n’a donc pas besoin ni d’кtre crййe, ni d’кtre amenйe ». Sertillange, Thomas, II, p. 18.

[53] Thomas sait que ce livre n’est pas d’Augustin. Cf. a. 3, sol. 6. Il est d’Alcher de Claivaux. Dans l’esprit de l’auteur, il ne s’agit pas d’un miracle tel que nous l’entendons, mais d’une chose admirable, йtonnante, de mкme que l’union de Dieu (Le Christ) au ’limon’. C’est ainsi que le comprend Thomas dans la solution 6.

[54] « Tout ralentissement se produit (…) par suite d’une impuissance, et l’impuissance est contraire а la nature. Chez les animaux, tous les manques de force, comme la vieillesse et l’affaiblissement sont, eux aussi, contraires а la nature ». (Trad. P. Moraux, 69-70).

[55] Averroиs.

[56] C’est la quatriиme dйfinition de la nature que donne Boиce.

[57] Cela sera dйmontrй plus loin, a. 4.

[58] « Il n’en est pas moins vrai que pour certaines autres parties, rien n’empкche la sйparation, parce qu’elles ne sont l’entйlйchie d’aucune organe corporel ». (Trad. E. Barbotin).

[59] « Les contraires йtant diffйrents spйcifiquement, et le corruptible et l’incorruptible йtant des contraires (car la privation est une impuissance dйterminйe, le corruptible et l’incorruptible …sont nйcessairement diffйrents par le genre ». (Cf. Thomas, Mйtaphysique, X, XII, n.2137)

[60] Aristote donne trois dйfinitions. Il s’agit ici de la premiиre: « L’вme est substance au sens de forme d’un corps naturel possйdant la vie en puissance ». Les deux autres II, 1, 412 a 24 et II, 1 412 b 5 insistent sur la fait que l’вme est l’йntйlйchie premiиre d’un corps naturel organisй

[61] Le De natura hominis, њuvre de Nйmйsius, йvкque d’Йmиse en Phйnicie, (dйbut du Ve siиcle). Њuvre d’inspiration nйoplatonicienne, dont un fragment a йtй placй а tort dans les њuvres de Grйgoire de Nysse.

[62] « L’intellect… (j’entends par intellect ce par quoi l’вme pense discursivement et conзoit) n’est pas par l’acte des йtants avant de penser. C'est pourquoi l’on ne peut, non plus, dire raisonnablement qu’il soit mкlй au corps » (Trad. E. Barbotin, modifiйe).

[63] Le problиme de l’Unitй de l’intellect sera traitй aux articles 9 et 10.

[64] L’imagination n’est pas la sensation, car on peut imaginer sans vue ou vision. « les sensation sont vraies… les images le plus souvent sont fallacieuses ». Cf. Aristote, De anima, III, 8, 428 a.

[65] « Quant а la pensйe discursive de l’вme, les images lui tiennent lieu de sensation… C'est pourquoi l’вme ne pense jamais sans image ». (Trad. E. Barbotin).

[66]Species et phantasma sonr des termes techniques, difficiles а traduire.

[67] Voir note ci-dessus.

[68] « …les corps en mouvements mettent en mouvement а peu prиs tout ce qui se trouve sur leur chemin…Du fait que ces corps en mouvement mettrent en mouvement des corps de mкme nature, on a l’impression que le contact est nйcessairement rйciproque, mais si un moteur lui-mкme immobile met en mouvement un objet nous sommes en prйsence d’un cas oщ le moteur touche ce qu’il meut, mais rien ne le touche lui-mкme ».

[69]: « On peut comprendre " quelque chose " (aliquid) soit de toute rйalitй subsistante, soit d'une rйalitй subsistante complиte, d'espиce dйterminйe. Le premier sens exclut tout ce qui est accident, ou forme matйrielle, le second exclut encore cette imperfection d'кtre une partie d'un tout. Ainsi la main est " quelque chose " au premier sens, mais non au second. De la mкme maniиre l'вme, qui est une partie de la nature humaine, n'est " quelque chose ", rйalitй subsistante, qu'au premier sens. C'est pourquoi il faut concйder que le composй d'вme et de corps peut кtre dйsignй comme " quelque chose ". (Ia, qu. 75,a. 2, ad 1m)

[70] « L’вme n’est donc pas sйparable du corps ».

[71] « (Platon) affirmait en effet que la nature de l'espиce est tout entiиre dans l'вme, disant que l'homme n'est pas quelque chose de composй d'une вme et d'un corps, mais une вme usant d'un corps, de telle sorte qu'elle serait comparable au corps comme le pilote а son navire, ou le vкtu au vкtement. … Il est manifeste que l'вme est ce par quoi le corps vit… que l'вme est donc ce par quoi le corps humain a l'кtre en acte, ce qui est le fait d'une forme. L'вme humaine est donc la forme du corps.… L'вme s'йtant retirйe, aucune partie du corps ne retient plus le nom qu'elle avait, sinon de maniиre йquivoque. Car l'њil d'un mort est dit par йquivoque un њil, et de mкme l'њil peint ou sculptй, et il en va ainsi des autres parties du corps. De plus, si l'вme йtait dans le corps comme le pilote dans le navire, il s'ensuivrait que l'union de l'вme et du corps serait accidentelle et la mort, qui signifie leur sйparation, ne serait plus une corruption substantielle, ce qui est manifestement faux ». QD De anima, qu. 1, c.

[72] « C’est aussi ce que le philosophe appelle frйquemment le ce que c’йtait d’кtre <un> quelque chose. On l’appelle aussi « forme » dans la mesure oщ c’est par la forme qu’est signifiйe la certitude de chaque chose, comme le dit Avicenne au livre II de sa Mйtaphysique (II, 2, et 1, 6) . On l’appelle aussi autrement « nature », en l’entendant au premier des quatre sens que Boиce lui assigne dans son livre Des deux natures, c'est-а-dire au sens oщ on appelle nature tout ce qui peut кtre saisi de quelque faзon par l’intellect… » (de ente et essentia, I, 3). (Trad. A. de Libera, Cyrille Michon).

[73] « Au dessus sont les formes des corps mixtes qui, outre les opйrations susdites, ont quelque opйration consйcutive а l'espиce qu'elles reзoivent des corps cйlestes: que l'aimant attire le fer, c'est а cause, non pas de la chaleur ou du froid ou de quelque autre qualitй, mais de la participation d'une force cйleste ». (QD De anima, a. 1 c.) Commentaire du De anima I, lect. 5, n. 6: selon Thalиs, « il dit que ce qui possиde la puissance motrice est l’вme; par consйquent une certaine pierre, mouvant le fer , il affirma qu’elle possиde (une) l’вme ». (Trad. J.-M. Vernier, p. 55)

[74] « Qu’est-il besoin pour les esprits des dйfunts de rencontrer leur corps а la rйsurrection…question trop ardue… Cependant il est indubitable que l’вme intellectuelle de l’homme… ne peut voir la substance de Dieu comme le voient les saints anges ». (Trad. BA p. 451).

[75] Selon l’opinion d’Aristote, rapportйe dans l’objection.

[76] Corruptible (BJ).

[77] « Les saints ordres des essences cйlestes l’emportent donc et sur les кtres matйriels… sur les animaux sans raison, et aussi sur notre raison humaine». (Trad. M. de Gandillac).

[78] Ia, qu. 76, a. 6, 7 — II Sent. D. 1, q. 2, a. 4, ad 3 — CG. II, 71 — De anima.a. 9 — II De anima, lect. 1 — VIII Mйtaph., lect. 5 — Quodl., 1, a. 6 — XII, a. 9 — Compend. Theol. 91, 92.

[79] « Aussi l’вme est-elle l’entйlйchie premiиre d’un corps naturel possйdant la vie en puissance ».(Trad. E. Barbotin).

[80] Il y a le mкme rapport entre les deux sйries. L’вme pour les кtres animйs, la forme pour les autres. L’objection revient а assimiler le corps organique а la matiиre au moment de sa constitution.

[81] « …unir dans la dйfinition, а la fois la puissance et l’acte, c’est parler de la troisiиme espиce de substance, а savoir le composй de la matiиre et de la forme (Il semble bien que la dйfinition par les diffйrences relиve de la forme) » (Trad. J. Tricot).

[82] L’њuvre n’est pas d’Augustin (Thomas le dit sol. 6) mais d’Alcher (PL. XL, 789). Thomas le redit dans les QD de anima, a. 9, sol. 1.

[83] Phantasiticum semble devoir кtre comme une puissance de l’вme qui reзoit l’image (phantasma) d’oщ l’intellect tire le concept: l’imagination « La pensйe « comprend а la fois, semble-il, l’imagination et le jugement » (Aristote De anima III, 3, 427 b 32) « Si donc l’imagination est cette fonction qui, dit-on produit en nous l’image, tout usage mйtaphorique йtant exclu, elle est, parmi d’autres, une facultй ou une disposition qui permet de juger… (III, 3, 428 b). « L’imagination est, semble-t-il, un mouvement (qui) ne peut se produire sans la sensation… (428 b 11).

[84] Suite du texte: « … qui sont aussi en ce monde des corps йminents et plus semblables а l’esprit ».

[85] « …quand ces fonctions qui sont comme au service de l’вme dйfaillent complиtement, par suite d’une corruption ou d’une perturbation quelconque, les messagers du sens et les agents du mouvement faisant dйfaut, l’вme qui en quelque sorte n’a plus de raison d’кtre prйsente au corps, s’en йloignйe (Trad. BA 48, p. 545). Augustin montre bien ce qui est considйrй comme intermйdiaire dans cette objection.

[86] Cf. a. 2, obj. 16.

[87] Costa Ben Luca (XIIe siиcle).

[88] « Pour tout ce qui a pluralitй de parties et dont la totalitй n’est pas une juxtaposition… il y a une cause d’unitй… ce principe d’unitй tantфt le contact, tantфt l’agglutination ou quelque autre dйtermination de cette nature ». Trad.. J. Tricot)

[89] Notre intellect ne peut comprendre en acte qu’en se tournant vers les images ( phantasmata) (Ia, qu. 8, a. 8 c, etc.) Les fonctions de l’вme ne peuvent s’accomplir que par les sens corporels. C’est pourquoi elle a besoin de son corps.

[90] 193 b 33: « C’est pourquoi, encore, il (le mathйmaticien) les sйpare; et en effet, ils sont, par la pensйe, sйparables du mouvement: peu importe d’ailleurs cette sйparation: elle n’est cause d’aucune erreur. » (Trad. H. Carteron).

[91] 1036 a 27: « …il n’est pas possible de dйfinir quelque chose, puisque c’est seulement de l’universel et de la forme qu’il y a dйfinition ». 1036 a 31: Suit l’exemple d’un cercle d’airain, de pierre ou de bois. Les matiиres ne font parties de l’essence du cercle car il a une existence sйparйe. 1036 b 3: « La forme de l’homme nous apparaоt rйsider toujours dans la chair, les os et les parties analogues. Seraient-ce donc lа des parties de la forme et par suite de la dйfinition.…La sйparation de la forme apparaоt donc possible mais on ne voit pas toujours clairement dans quel cas. » VII, 10, 1035 a: « Si donc on a d’une part, la matiиre et de l’autre la forme, et en troisiиme lieu la forme et le composй sont substances, alors mкme la matiиre est, en un autre sens, dite partie d’une chose, tandis que, en un autre sens, elle ne l’est pas, et dans ce dernier cas, sont seulement parties les йlйments qui entrent dans la dйfinition de la forme ». (Trad. J. Tricot).

[92] Aristote dйfinit la qualitй ainsi: « J’appelle qualitй ce en vertu de quoi on est dit кtre tel ». Pour lui il y a quatre espиces de qualitй: 1) l’йtat ou la disposition (Catйgorie,VIII 8, b 26); 2) Les bonnes dispositions « On parle de bon lutteur, bon … » (9 a 28). 3) Les qualitйs affectives et les affections (9 a, 28): douceur, amertume, вcretй. 4) La figure ou la forme qui appartiennent а tout l’кtre (10 a 11).

[93] « Si Dieu a pu joindre la nature si diffйrente du corps et de l'вme dans une union unique et les joindre en une telle amitiй, il ne lui est jamais impossible d'йlever l'humilitй future de la crйature raisonnable, bien que de loin infйrieure, а la participation а sa gloire » (Texte du De spiritu et anima, XIV, citй par Pierre Lombard).

[94] « Qu’est-ce qui contient donc l’вme si elle est apte par nature а кtre divisible ? En effet ce n’est pas le corps, car il semble au contraire que l’вme le contient davantage qu’il ne la contient; elle, l’ayant quittй, il expire et s’йvanouit. ». (Trad. J.-M. Vernier)

[95] Ia, qu. 76, a. 6, c.: « La puissance du cфtй de l’вme pour mouvoir le corps et une aptitude du cфtй du corps par laquelle le corps pourrait кtre mы ». Le sed contra prйcise qu’alors l’вme serait un accident, il n’y a pas dans le corps de forme accidentelle avant la forme substantielle.

[96] Cf. Aristote, Mйtaphysique, (5, 7, 1017 a 6 sq.) L’кtre est « par accident, quand, par exemple, nous disons que le juste est musicien… L’кtre par essence reзoit toutes les acceptions qui sont indiquйes par les types de l’кtre, car les sens de l’Etre sont en nombre йgal а ces catйgories (substance, qualitй, relation…) (Trad. J. Tricot).

[97] Philosophe, VI6e siиcle p.c. A йcrit des commantaires sur les њuvres d’Aristote.

[98] Il s’agit de la participation, а l’origine chez Platon. Par exemple: « La participation est le principe а partir duquel s’expliquent les degrйs de perfection. En effet, ce qui est parfait est ce qui est cause de tous les degrйs de perfection que l’on rencontre dans un genre donnй, c’est donc ce qui ne tient pas sa perfection d’une cause mais de lui-mкme. » Laurence Renault, Dieu et les crйatures selon Thomas d’Aquin, p. 36. « … quand des choses diverses on trouve de l'unitй, il faut que ces choses diverses reзoivent cette unitй d'une seule cause. Ainsi divers corps chauds tiennent la chaleur du feu. L'esse se trouve communйment en toutes choses encore qu'elles soient diverses.( CG. II, 16, § 9 - Cf. I, 45, 5. c).

[99] « S’ils ne sont un que spйcifiquement, rien ne sera un numйriquement, pas mкme l’Un en soi et l’Кtre en soi » III, 4, 999 b 25- « Qu’est-ce donc qui fait l’homme un, et pourquoi est-il un et non plusieurs, animal et bipиde par exemple; surtout si l’animal et le bipиde sont, comme l’assurent certains philosophes, Animal en soi et Bipиde en soi ? Pourquoi, en effet l’Homme ne serait-il pas ces deux idйes elles-mкmes.» Mйtaphysique, VIII, 6, 1045 a 14) (Trad. J. Tricot).

[100] Qui est une substance accidentelle.

[101] « Il est donc manifeste aussi que si les substances sont assimilables, en quelque maniиre aux nombres… », c'est-а-dire en tant la substance est la forme distincte des йlйments. (Trad. et note J. Tricot).

[102] « Toujours en effet, le terme postйrieur contient le terme antйrieur, qu’il s’agisse des figures ou des кtres animйs…la facultй sensitive contient la facultй nutritive ». (Trad. E. Barbotin).

[103] L’exemple de Thomas est dans le texte d’Aristote ibid.

[104] « Un corps peut bien кtre en quelque faзon principe vital, le cњur par exemple, mais non pas premier principe ». (Ia,qu. 75, a. 1, c).

[105] Le De spiritu et anima.

[106] C'est-а-dire l’image abstraite.

[107] Il semble en effet qu’il ne soit pas d’Aristote.

[108] « Il y a des philosophes qui admettent l’existence de ces кtres dits intermйdiaires entre les Idйes et le monde sensible, mais ils ne les sйparent cependant point des choses sensibles, et disent qu’ils sont immanents au sensible. Toutes les impossibilitйs qu’entraоne une telle doctrine, il serait trop long de les expliquer. » (Trad. J. Tricot)

[109] Parall. : Ia, qu. 76, a. 8 — I sent. D. 8, qu. 5, a. 3 — CG. II, 72 — QD De anima, a. 10, — I de anima, lectio 14.

[110] La citation est quelque peut diffйrente en Ia, qu. 76, a 8. Il ajoute : « pour faire vivre les autres. Car chacune d’elle est capable par nature d’exйcuter un mouvement qui lui est propre. »

[111] « Quid ergo amplius quaeris quanta sit anima, cum videas esse tantam quantam ipsa spatia corporis patiuntur? » - Pourquoi donc chercher encore la mesure de l'вme, puisque tu la vois aussi grande que le comporte l'espace occupй par le corps?

[112] Averroиs.

[113] Il s’agit de l’ange qui meut le corps cйleste.

[114] « Dиs lors il est nйcessaire que le moteur soit ou au centre, ou а la pйriphйrie : car ce sont lа les principes (de la sphиre). Or ce sont les choses les plus proches du moteur qui se meuvent le plus rapidement, et tel est le mouvement de l’univers (tou olou) ; c’est donc а la pйriphйrie qu’est le moteur ». Trad.  H. Carteron.

[115] « Ce qui est l’entйlйchie premiиre d’un corps naturel organisй »

[116] Il semble qu’il s’agit des infimes parties du corps, supposйes non divisibles, en un nombre potentiellement infini.

[117] Absque quantitate dimensiva : Thomas, aprиs Aristote, place la dimension parmi les catйgories, la quantitй en l’occurrence. (Catйgories, 6).

[118] Certaines puissances sont en rapport avec des organes (vue, audition, etc. ) d’autres non (l’intellection).

[119] Les chiffres indiquent les trois parties du syllogisme.

[120] La preuve est celle de la deuxiиme proposition du syllogisme, ici le fait que l’вme est composйe de matiиre et de forme. (Le contraire, est dйmontrйe en Ia,qu. 75, a. 5. Mais ici il s’agit d’une objection).

[121] Pour Aristote il s’agit des philosophes « pour qui l’univers est un et qui admettent une seule nature comme sa matiиre ». (Les premiers physiologues. J. Tricot)

[122] Cf. a. 5, c, premier §.

[123] « La chose qui n’a plus rien au-delа est achevйe et entiиre, car nous dйfinissons l’entier ce d’oщ rien n’est absent ». (Traf. H. Carteron)

[124] « Elle est dans chaque corps, toute entiиre, dans le tout, tout entiиre en chaque partie ».(BA. 15, p. 489) Ici Augustin s’inspire de Plotin (Enn. IV, II, 1) pour qui l’вme est le principe actif du monde.

[125] Exemples particulier, parce que certaines formes ne sont pas dans toutes les parties. Il repend l’exemple de la maison (obj. 4).

[126] Le dйbut du texte est assez proche de QD. de anima, a. 10, c.

[127] Thomas s’inspire du De anima, II, 1, 412 b 9-17) et tout particuliиrement de 428 b 20 (pour l’њil). Il signale son emprunt en Ia,qu. 76, a. 8, c.

[128] Il s’agit des formes ordinaires qui sont dans la matiиre.

[129] Il s’agit ici du cњur : « quoique qu’un corps puisse кtre un certain principe de vue, comme le cњur est principe de vie dans l’animal ; cependant il ne peut pas кtre le premier principe de vie » (Ia, qu. 76, a. 1, c).

[130] Pot.. qu. 3, a. 12 sol. 5 « La coupure du ver est violente et contre nature, parce que la partie coupйe йtait une partie en acte, parfaite par l’вme; c'est pourquoi quand on coupe le corps, l’вme demeure dans l’une et l’autre partie, qui йtait une en acte dans le tout et plusieurs en puissance. Ce qui arrive parce que de tels animaux sont presque semblables dans le tout et dans la partie; parce que leurs вmes sont plus imparfaites que les autres, elles demandent peu de diversitй dans leurs organes. Et de lа vient qu'une partie coupйe peut recevoir l’вme, comme ayant seulement pour les organes autant qu'il suffit pour recevoir une telle вme, comme cela arrive dans les autres corps semblables, comme le bois et la pierre, l’eau et l’air. Cf. II Sent.  d18q2a3.

[131] Parall. : Ia,  qu. 50, a. 1 – CG. II, 46, 91, 92 – De  Pot.qu. 6, a. 6 — De causis, comm. 7 — De subst. Sep., 18 — Compend. Thйol., 74, 75

[132] « Or comme nous avons sous les yeux un terme extrкme, qui peut кtre mы mais n’a pas en soi de principe de mouvement, ensuite un moteur qui est mы par autre chose et non par soi, il est raisonnable, pour ne pas dire nйcessaire que le troisiиme terme existe, а savoir ce qui meut йtant immobile ».(Trad. H. Carteron).

[133] C’est un raisonnement logique que l’on retrouve plusieurs foi, qui n’a de valeur que si on suppose que Dieu a comblй toutes les possibilitйs qui s’offraient. Cf. Rйponse 1. : «…telle semble la perfection de l’univers qu’il ne lui manque aucune nature qui a la possibilitй d’exister ». On trouve chez Aristote un raisonnement semblable. Cf. ci-dessus en note la citation de Physique VIII, 5, 256 b 20.

[134] Sectareurs de AUDIUS( ?) qui fonda une secte en Mйsopotamie († 372). Ils interprйtaient l’Йcriture littйralement.

[135] « En йtat de comprendre, d’intelliger ».

[136] Il s’agit de la participation.

[137] Le pape Paschaire ne parle pas d’кtres spirituels, comme l’objection pourrait le laisser croire.

[138] L’aevum est entre l’йternitй et le temps. Il n’a ni avant ni aprиs. C’est le mesure des crйatures spirituelles. (Cf. Ia, qu. 10, a. 5).

[139] Parall. : Ia, qu. 70, a. 3- CG. II, 70, III, 23, 24 — II sent. Q. 14, qu. 1, a. 3 — de Verit., qu. 5, a. 9, ad 14 — De Pot. qu. 6, a. 6. — De anim. A. 8, ad 3, 17 et 18 — Quodl., 12, a. 8 — De caelo et Mund. II, lect. 3, 13.

[140] Dйjа exprimй dans l’rrticle 2, c.

[141] Cf. Ia, qu. 70, a. 3, obj. 1 : « Ce qui convient pour l’ornement des corps infйrieurs, est animй, а savoir, les poissons, les oiseaux, et les animaux terrestres. Donc les ‘luminaires’ aussi qui appartiennent а l’ornement du ciel ».

[142] Il s’agit de Dieu, chez Augustin.

[143] « L’effet est plus parfait quand il revient а son principe. C'est pourquoi le cercle parmi toutes les figures et le mouvement circulaire parmi tous les mouvements est le plus parfait parce qu’ils reviennent а leur principe ».. (CG II, 46 § 2).

[144] En Ia, qu. 70, a. 3, seul de sed contra a йtй retenu.

[145] « C’est plutфt l’вme (…) qui semble faire l’unitй du corps. Quand elle se retire, il se dissipe et se corrompt ».

[146] On retrouve ce mкme dйveloppement dans les QDP De anima qu. 8 sol. 3.

[147] Ia, qu. 70, a 3 c. Il ajoute « Il nia aussi la divinitй ».

[148] «Qo 1, 6. « Le vent part au midi, tourne au nord, il tourne, tourne et va, et sur son parcours retourne le vent ». (B.J.)

[149] « On se demande encore si ces brillants luminaires du ciel sont seulement des corps ou s’ils ont pour les rйgir des esprits attachйs а chacun d’eux. Dans cette hypothиse, ces esprits vont-ils jusqu’а leur communiquer la vie… ? »

[150] Cf. Pot. qu. 5, a. 5, obj/sol. 5-6.

[151] Traduction BA. 48, p. 211.

[152] Il s’agit d’un infini potentiel.

[153] Le mouvement circulaire.

[154] « …il est nйccesaire que le moteur soit, ou au centre, ou а la pйriphйrie ;… ce sont les choses les plus proches qui se meuvent le plus rapidement, et tel est le mouvement de l’univers ; c’est donc а la pйriphйrie qu’est le moteur ». (Trad ; H. Carteron)

[155] Parall. : Ia, qu. 51, a. 1 – CG.  II, 90, 91 – II Sent. D. 8,qu. 1, a. 1 – De pot. qu. 6, a. 6 – De malo qu. 16, a. 1 — De Subst. Sep.  18, 19.

[156] Comprendre moins matйriel. Cf.  obj. Suivante.

[157] « L’вme йtant incorporelle, elle agit d’abord dans un corps qui a des affinitйs avec l’incorporel comme sont le feu ou plus prйcisйment la lumiиre et l’air »  (XV, 21) – L’вme « se sert toutefois de l’air et de la lumiиre qui eux aussi sont des corps supйrieurs aux autres corps de ce monde… » (XIX, 25). (Trad. BA48).

[158] C'est-а-dire lui attribuer une figure ou une forme. Cf. Rйponse : la substance ne peut pas donner forme а l’air.

[159] « Il est impossible qu’un corps soit douй d’une вme et d’une intelligence capable de juger, sans possйder la sensation ».(Trad. E. Barbotin).

[160] Parall. : Ia, qu. 50, a. 4 — de Ente et Ess. 5 – II Sent. D. 3, qu. 1, aa. 4-5 — CG. II, 93, 95 — De Unitate Intell. 5 — De Subst. sep. 8 – Quodl. 2, a. 4­

[161] « Il n’en est pas de mкme de l’autre groupe des crйatures raisonnables (le premier йtait celui des anges) qui se compose des hommes. Ces derniers ayant tous pйri sous le coup du pйchй et des supplices, soit originel, soit personnel, qui pesaient sur eux, une partie en serait relevйe, qui comblerait les vides creusйs dans la sociйtй angйlique… » (Trad. BA. 9, p. 157)

[162] C’est l’кtre qui reprйsente la forme de l’ange.

[163] Repris en Ia, qu. 50, a. 4, ad 1 : « Sans la diffйrence (apportйe par l’espиce), tous les animaux seraient d’une seule espиce ».

[164] Les diffйrences sйparent le genre en espиce.

[165] « C’est en puissance, d’une certaine maniиre, que l’intellect est identique aux intelligibles, mais aucun d’eux n’est en entйlйchie avant de penser » (Trad. de E. Barbotin, modifiйe).

[166] « Pour chaque hiйrarchie les ordres et les puissances se distribuent en trois degrйs, premier, moyen et dernier ». (Trad. M. de Gandillac, p. 202).

[167] « Dans les choses oщ il y a de l’antйrieur et du postйrieur, il n’est pas possible que ce qui est attribuй а ces choses existe en dehors d’elles » ; (rad. H. Tricot, p. 144).

[168] En Ia, qu. 50, a. 4, Thomas s’oppose а trois opinions diffйrentes : 1. Toutes les substances spirituelles, mais aussi les вmes, sont d’une seule espиce. 2. Les anges sans les вmes sont d’une seule espиce. 3. Ils sont d’une seule hiйrachie..

[169] « La forme et la matiиre diffиrent par le genre ».

[170] « Le genre est pris de ce qui est matйriel dans la chose ». (De ente et essentia, V, 6)

[171] « La distinction… non selon la division de quantitй, puisqu’ils sont incorporels, mais selon la diversitй des puissances. Cette diversitй de la matiиre cause non seulement celle de l’espиce, mais aussi du genre ». Ia, qu. 50, a. 4, c.

[172] « 1 - Que chacun se soumette aux autoritйs en charge. Car il n'y a point d'autoritй qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituйes par Dieu ».(BJ.).

[173] Ces extrйmitйs sont ce qui est le plus haut et le plus bas dans la hiйrarchie des кtres.

[174] C’est l’кtre qui individualise

[175] La forme plus la matiиre (ou le substrat) devienent l’кtre qui individualise le tout.

[176] Parall. : Ia, 76, a. 2 —II Sent.D. 17,qu. 2, a. 1 — CG. II, 59, 73, 75 — De anima, a. 3 — III De anima, lectio 7, 8 — De unitate intell., 4, 5 — Comp. Theol. 85.

[177] Sur la traduction de quantitate par dimension, voir Augustin, les Confessions… йd. de la Plйiade, p. 1243.

[178] « Mais si je dis seulement qu’elle est multiple, moi-mкme je rirai de moi et je supportrai moins de me mйpriser que si c’йtait toi qui me mйprisais ». (Trad.  S. Depuy-Trudelle йd de la Plйiade).

[179] A l’opposй de ce qui est gйnйral…  « en ce qui concerne l’individu, sitфt aprиs la matiиre derniиre particuliиre, Socrate existe ; et de mкme pour tous les autres cas ».

[180] Cet њuvre n’est pas d’Augustin.

[181] Allusion au platonisme.Voir, par exemple, ce qu’en dit Augustin, de trinitate, XII, XV, 24.

[182] La matiиre corporelle s’oppose а la matiиre indйterminйe. (De Ente et Essentia, IV, 2).

[183] « Quemadmodum dicitur tempus hujus, vel illius rei, cum unum et idem sit tempus omnium, qui sunt in eodem tempore simul… » (« Comment parler du temps de cette chose ou de cette autre, puisque c’est un seul temps pour tout ce qui est dans le mкme temps. ») (Le temps est un accident)

[184] « De mкme donc que pour percevoir les dimensions spйciales, nous sommes aidйs par l’йmission de rayons lumineux qui jaillissent par la fente de nos pupilles, et qui appartiennent si bien а notre corps que, mкme dйposйs sur les choses lointaines, que nous voyons, ils sont vivifiйs par notre вme » (Trad. J.-L. Dumas, йd de la Plйiade, qui renvoie а Plotin, Ennйades, IV, 5 L’њil est considйrй comme source de lumiиre. Cf. Pot. qu. 3, a. 7, c : « …nos sens : puisque en effet, ils ne perзoivent que par ce qu’ils reзoivent du sensible (mкme si pour la vue, il y a un doute а cause de ceux qui disent que la vue fonctionne en se projetant а l’extйrieur, pour le toucher et les autres sens c’est clair) ». Il s'agit aussi de la « Sunaugeia» platonicienne, c'est-а-dire la thйorie de la rencontre des rayons йmanant de l'objet extйrieur et des rayons venant de l'њil (Timйe, 45 b—46 c et 67 c - 68 d).

[185] « C’est une mкme chose que la science en acte et son objet. Sans doute la science en puissance est-elle antйrieure selon le temps dans l’individu… ».

[186] Allusion а l’вme du monde.

[187] « Si donc l’intellection est analogue а la sensation, il faut examiner quel est son caractиre distinctif ».(Trad. E. Barbotin).

[188] En certains cas, on pourrait, comme certains le font, traduire intelligere par intelliger ou penser. Que le lecteur ait а l’esprit ces diffйrents sens.

[189] L’йdition Marietti donne comme texte : « …animam sicut sumus, sed in potentia ad omnia ; et proposuit Plato… »

[190] De Unit. I, 2. « Il s’ensuivra qu’aprиs la mort rien ne restera des вmes humaines que l’unique substance d’un seul intellect ; vous supprimez ainsi la rйpartition des recompences et des peines jusqu’а la diffйrence qui est distingue. » (Trad. A de Libera).

[191] « Mais l’homme en gйnйral, le cheval en gйnйral, et les autres termes de ce genre, qui sont affirmйs d’une multiplicitй d’individus, а titre de prйdicat universel, ne sont pas une substance, mais un composй dйterminй d’une certaine forme et d’une certaine matiиre prise universellement ; mais ce qui concerne l’individu, sitфt aprиs la matiиre derniиre particuliиre, Socrate existe ; et de mкme pour tous les autres cas »( Trad. H Tricot, p. 406-407).

[192] « Mais si le bonheur est une activitй conforme а la vertu, il est rationnel qu’il soit activitй conforme а la plus haute vertu, et celle-ci sera la vertu de la pa       rtie len plus noble de nous-mкmes. Que ce soit donc l’intellect … ».

[193] « J’entends par intellect ce par quoi l’вme penser discursivement et conзoit ».

[194] Parce qu’elles peuvent кtre individuйe par la matiиre.

[195] Thomas considиre ici le signe linguistique sous son aspect convention.

[196] Mesure de longueur. La baguette sert а mesurer.

[197] Parall. : Ia, qu. 79, aa. 4, 5 – II Sent.  D. 17, qu. 2, a. 1 — De Verit. Qu. 10, a. 6 — CG. II, 76-78 — De anim. a. 4, 5, 16 ­ III De anim. lect. 10, — Comp. Theol.  86.    

[198] « …l’intellect capable de les produire (toutes choses), semblable а une sorte d’йtat commme la lumiиre. ». (Trad. E. Barbotin).

[199] « Il ne faut pas croire que cet intellect tantфt pense et tantфt ne pense pas : c’est lorsqu’il est sйparй qu’il est seulement ce qu’il est en propre, et cela seul est immortel et йternel ».

[200] « …l’intellect, quand il a pensй un objet fortement intelligible n’est pas moins capable de penser les intelligibles infйrieurs, mais il en est au contraire plus capable ».

[201] Traduction inspirйe en partie de BA. 16, p. 403.

[202] L’ange est meilleur, parce que, pour Thomas, l’вme est la plus basse des formes intellibibles. « Intellectus autem humanus, qui est infimus in ordine intellectuum, et maxime remotus a perfectione divini intellectus, est in potentia respectu intelligibilium, et in principio est sicut tabula rasa in qua nihil est scriptum » Ia, qu. 79, a. 2, c. Cf. ici rйponse : « Elle est la plus parfaite de celles qui sont dans les choses infйrieures ». L’вme demeure aussi la premiиre dans l’ordre des formes matйrielles. St. Bonaventure considиre que l’вme est capable d’intuition intellectuelle, donc elle est analogue aux substances sйparйes. Cf.  Й. Gilson, la philosophie de saint Bonaventure, p. 194.

[203] C'est-а-dire dans l’abstrait.

[204] « …nec isti philosophi  ceteris meliores in ills… talia contemplati sunt : alioquin non ejusdem generis praeterita quae potuerunt historici inquirerent…». « Ces philosophes d’йlite n’en ont pas eu non plus la vision intellectuelle dans ces souveraines et йternelles raisons, autrement ils ne fouilleraient pas le passй comme peuvent faire les historiens…» (Trad. BA16) Historice а la lumiиre du texte d’Augustin pourrait кtre traduit « comme des historiens ».

[205] « Il faut plutфt croire que l’вme intellectuelle, par sa nature mкme, voit les rйalitйs qui relиvent naturellement, d’aprиs le dessein du Crйateur, de l’ordre intelligible : elle les voit dans une lumiиre immatйrielle qui a sa nature propre comme l’њil de la chair voit dans la lumiиre corporelle les objets d’alentour ».  (Trad.  BA 16)

[206] C’est l’opinion d’Avйrroиs qu’il combat.

[207] «…l’intellect capable de les produire toutes (les choses), semblable а une sorte d’йtat comme la lumiиre : d’une certaine maniиre, en effet, la lumiиre elle aussi fait passer les couleurs de l’йtat de puissance а l’acte… » (Trad. E. Barbotin).

[208] Les dictionnaires ne permettent pas de distinguer les deux mots (lumen et lux) qui semblent de parfaits synonymes.

[209] « Mais ceux qui auront йtй jugйs dignes d'avoir part а ce monde-lа et а la rйsurrection d'entre les morts ne prennent ni femme ni mari, - aussi bien ne peuvent-ils plus mourir, car ils sont pareils aux anges, et ils sont fils de Dieu, йtant fils de la rйsurrection.(Lc, 20, 35-36).

[210] Traduction inspirй de celle de E. Barbotin, dans L’вme, (Les belles Lettres).

[211] « Sans doute la science en puissance est-elle antйrieure selon le temps dans l’individu, mais absolument parlant, elle n’est pas mкme antйrieure selon le temps ; pourtant il ne faut pas croire que cet intellect tantфt pense et tantфt ne pense pas ».(Trad. E. Barbotin).

[212] « Pour toute puissance ainsi entendue, l’acte lui est antйrieur, tant selon la notion que selon l’essence ; mais, selon le temps, l’acte, en un sens, est antйrieur, et, en un autre sens, il ne l’est pas ».  (Trad.  J. Tricot).

[213] « …cet intellect tantфt pense et tantфt ne pense pas ».  Le non s’explique par le fait qu’Aristote dit : « il ne faut pas croire que…

[214] « C’est lorsqu’il est sйparй qu’il est seulement ce qu’il est en propre, et cela seul est immortel et йternel ».

[215] Alexandre d'Aphrodise, philosophe pйripatйticien,. Commentateur d’Aristote, il a dirigй de Lycйe de 198 а 211.

[216] Cf. de l’вme, III, 4, 429 b 3 : « L’intellect quand il a pensй un objet fortement intelligible, n’est pas moins capable de penser les intelligibles infйrieurs ».  (Trad. E. Barbotin)

[217] Les idйes en Dieu.