"Lettre a Pythocles" - читать интересную книгу автора (Epicurus)

Lettre а Pythoclиs

Йpicure

Lettre а Pythoclиs

(Traduction anonyme)

 

Йpicure а Pythoclиs, salut.

 

Clйon m’a apportй ta lettre, dans laquelle tu te montrais а mon йgard plein de sentiments d’amitiй, dignes du soin que je prends de toi ; tu as essayй de faзon convaincante de te remйmorer les arguments qui tendent а la vie bienheureuse, et tu m’as demandй pour toi-mкme de t’envoyer une argumentation rйsumйe et bien dйlimitйe touchant les rйalitйs cйlestes, afin de te la remйmorer facilement ; en effet, ce que j’ai йcrit ailleurs est malaisй а se remйmorer, bien que, me dis-tu, tu l’aies continuellement en mains. En ce qui me concerne, j’ai reзu avec plaisir ta demande, et j’ai йtй rempli de plaisants espoirs. Aussi, aprиs avoir йcrit tout le reste, je rassemble tels que tu les as souhaitйs, ces arguments qui seront utiles а beaucoup d’autres, et tout spйcialement а ceux qui ont depuis peu goыtй а l’authentique йtude de la nature, ainsi qu’а ceux qui sont pris dans des occupations plus accaparantes que l’une des occupations ordinaires. Saisis-les distinctement et, les gardant en mйmoire, parcours-les avec acuitй ainsi que tous les autres que, dans le petit abrйgй, j’ai envoyйs а Hйrodote.

Tout d’abord, il ne faut pas penser que la connaissance des rйalitйs cйlestes, qu’on les examine en relation а autre chose, ou pour elles-mкmes, ait une autre fin que l’ataraxie et la certitude ferme, ainsi qu’il en est pour tout le reste. Il ne faut pas non plus faire violence а l’impossible, ni tout observer de la mкme faзon que dans les raisonnements qui portent sur les modes de vie, ni dans ceux qui nous donnent une solution aux autres problиmes physiques, comme le fait que le tout est corps et nature intangible, ou que les йlйments sont insйcables, et toutes les propositions de ce genre qui sont seules а s’accorder avec ce qui apparaоt; cela n’est pas le cas pour les rйalitйs cйlestes : au contraire se prйsente une multiplicitй de causes pour leur production, et d’assertions relatives а leur кtre mкme, en accord avec les sensations. Car il ne faut pas pratiquer l’йtude de la nature en s’appuyant sur des principes vides et des dйcrets de loi, mais comme le rйclame ce qui apparaоt. En effet, notre mode de vie ne requiert pas une recherche qui nous serait propre, et une opinion vide, bien plutфt une vie sans trouble. Tout devient inйbranlable pour tout ce que l’on rйsout entiиrement selon le mode multiple en accord avec ce qui apparaоt, lorsqu’on conserve, comme il convient, ce qu’а propos de ces rйalitйs on йnonce avec vraisemblance ; mais lorsqu’on admet une explication et qu’on rejette telle autre, qui se trouve кtre en un semblable accord avec ce qui apparaоt, il est clair que l’on sort du domaine de l’йtude de la nature, pour se prйcipiter dans le mythe.

Certaines des choses qui apparaissent prиs de nous fournissent des signes de ce qui s’accomplit dans les rйgions cйlestes, car on les observe comme elles sont, а la diffйrence de celles qui apparaissent dans les rйgions cйlestes ; il est en effet possible que ces derniиres arrivent de multiples faзons. Il faut toutefois conserver l’image de chacune des rйalitйs cйlestes, et en rendre compte par ce qui lui est rattachй, ce dont la rйalisation multiple n’est pas infirmйe par les choses qui arrivent prиs de nous.

Un monde est une enveloppe du ciel, qui enveloppe astres, terre et tout ce qui apparaоt, qui s’est scindйe de l’illimitй, et qui se termine par une limite ou rare ou dense, dont la dissipation bouleversera tout ce qu’elle contient ; et elle se termine sur une limite soit en rotation soit en repos, avec un contour rond, triangulaire ou quel qu’il soit ; car tous sont possibles : rien de ce qui apparaоt ne s’y oppose dans ce monde-ci, oщ il n’y a pas moyen de saisir ce qui le termine. Mais il y a moyen de saisir qu’а la fois de tels mondes sont en nombre illimitй, et qu’aussi un tel monde peut survenir tant dans un monde que dans un inter-monde, comme nous appelons l’intervalle entre des mondes, dans un lieu comportant beaucoup de vide, mais pas dans un vaste lieu, pur et vide, comme le disent certains, et ce, dans la mesure oщ des semences appropriйes s’йcoulent d’un seul monde, ou inter-monde, ou bien de plusieurs, produisant peu а peu des adjonctions, des articulations et des dйplacements vers un autre lieu, selon les hasards, et des arrosements provenant de rйserves appropriйes, jusqu’а parvenir а un йtat d’achиvement et de permanence, pour autant que les fondations posйes permettent de les recevoir. Car il ne suffit pas que se produise un agrйgat, ou un tourbillon dans le vide oщ il est possible qu’un monde surgisse, d’aprиs ce que l’on croit кtre par nйcessitй, et qu’il s’accroisse jusqu’а ce qu’il heurte а un autre monde, ainsi que l’un des rйputйs physiciens le dit ; car cela est en conflit avec ce qui apparaоt.

Le soleil, la lune et les autres astres, qui se formaient par eux-mкmes, йtaient ensuite enveloppйs par le monde, ainsi йvidemment que tout ce qu’il prйserve, mais dиs le dйbut ils se faзonnaient et s’accroissaient (de la mкme faзon que la terre et la mer) grвce а des accrйtions et des tournoiements de fines particules, qu’elles soient de nature ventйe ou ignйe, ou bien les deux ; la sensation nous indique en effet que cela se fait ainsi.

La grandeur du soleil et des autres astres, considйrйe par rapport а nous, est telle qu’elle apparaоt, car il n’y a pas d’autre distance qui puisse mieux correspondre а cette grandeur. Si on le considиre en lui-mкme, sa grandeur est ou plus grande que ce que l’on voit, ou un peu plus petite, ou identique (pas en mкme temps). C’est ainsi йgalement que les feux, qu’auprиs de nous l’on observe а distance, sont observйs selon la sensation. Et on rйsoudra aisйment tout ce qui fait obstacle dans cette partie, si l’on s’applique aux йvidences, ce que nous montrons dans les livres Sur la nature.

Levers et couchers du soleil, dй la lune et des autres astres peuvent rйsulter respectivement d’une inflammation et d’une extinction, Si l’environnement est tel - et ce en chacun des deux lieux correspondants - que ce qui vient d’кtre dit s’accomplisse ; car rien de ce qui apparaоt ne l’infirme ; et c’est encore par une йmergence au-dessus de la terre, puis au contraire par une interposition, que levers et couchers pourraient se produire ; car rien de ce qui apparaоt ne l’infirme.

Pour leurs mouvements, il n’est pas impossible qu’ils rйsultent soit d’une rotation du ciel tout entier soit du fait que, si celui-ci est en repos, eux connaissent une rotation engendrйe а l’orient suivant la nйcessitй а l’њuvre а l’origine, lors de la naissance du monde, ensuite, prenant en compte la chaleur, du fait d’une certaine propagation du feu qui progresse toujours vers des lieux contigus.

Les rйtrogradations du soleil et de la lune peuvent survenir en raison de l’obliquitй du ciel qui se trouve par moments contraint а obliquer ; йgalement parce que de l’air les repousse, ou bien aussi parce que la matiиre dont ils ont constamment besoin, et qui s’enflamme progressivement, les a abandonnйs ; ou il se peut aussi que dиs le dйbut un tourbillon ait enveloppй ces astres, un tourbillon que leur mouvement soit comme celui d’une spirale. Car toutes ces raisons et celles qui leur sont apparentйes ne sont en dйsaccord avec aucune des йvidences si, pour de tels aspects particuliers, s’attachant au possible, l’on peut ramener chacune d’elles а un accord avec ce qui apparaоt, sans redouter les artifices des astronomes, qui rendent esclave.

Les йvidements et les remplissements de la lune pourraient se produire aussi bien en raison du tour qu’effectue ce corps qu’en raison йgalement des configurations de l’air, mais encore en raison d’interpositions, et de tous les modes par lesquels ce qui apparaоt auprиs de nous, nous appelle а rendre compte de cet aspect-lа, а condition que l’on ne se satisfasse pas du mode unique et que l’on ne repousse pas de faзon vaine les autres modes, n’ayant pas observй ce qu’il йtait possible et ce qu’il йtait impossible а un homme d’observer, et dйsireux en consйquence d’observer l’impossible.

En outre, il se peut que la lune soit lumineuse par elle-mкme, possible aussi qu’elle le soit grвce au soleil. De fait, autour de nous, l’on voit beaucoup de choses qui sont lumineuses par elles-mкmes, et beaucoup qui le sont grвce а d’autres. Et rien de ce qui apparaоt dans le ciel ne fait obstacle а cela, Si l’on garde toujours en mйmoire le mode multiple et si l’on considиre ensemble les hypothиses et les causes qui sont conformes а ce qui apparaоt, si l’on ne considиre pas ce qui ne lui est pas conforme, que l’on grossit en vain, et si l’on n’incline pas d’une maniиre ou d’une autre vers le mode unique.

L’apparent visage en elle peut rйsulter aussi bien de la diffйrence de ses parties successives que d’une interposition, ainsi que de tous les modes dont, en tous points, l’on observerait l’accord avec ce qui apparaоt ; pour toutes les rйalitйs cйlestes en effet, il ne faut pas renoncer а suivre une telle piste ; car si l’on entre en conflit avec les йvidences, jamais il ne sera possible d’avoir part а l’ataraxie authentique.

Une йclipse de soleil et de lune peut rйsulter aussi bien d’une extinction - comme auprиs de nous l’on voit cela arriver - qu’йgalement d’une interposition d’autres corps, soit la terre, soit le ciel, ou un autre du mкme type ; et c’est de cette faзon qu’il faut considйrer ensemble les modes apparentйs les uns aux autres, et voir que le concours simultanй de certains modes n’est pas impensable.

En outre, comprenons l’ordre rйgulier de la rйvolution а la faзon dont certaines choses se produisent prиs de nous, et que la nature divine ne soit en aucun cas poussйe dans cette direction, mais qu’on la conserve dйpourvue de charge et dans une entiиre fйlicitй ; car si l’on ne procиde pas ainsi, toute l’йtude des causes touchant les rйalitйs cйlestes sera vaine, comme cela est dйjа arrivй а certains qui ne se sont pas attachйs au mode possible, mais sont tombйs dans la vanitй pour avoir cru que cela arrivait seulement selon un seul mode, et avoir rejetй tous les autres qui йtaient compatibles avec le possible, emportйs vers l’impensable et incapables d’observer ensemble tout ce qui apparaоt, qu’il faut recueillir comme ses signes.

Les longueurs changeantes des nuits et des jours peuvent venir soit des mouvements rapides et inversement, lents, du soleil au-dessus de la terre, parce qu’il change les longueurs des espaces parcourus, soit parce qu’il parcourt certains espaces plus vite ou plus lentement, comme on observe aussi des cas prиs de nous, avec lesquels il faut s’accorder lorsqu’on parle des rйalitйs cйlestes. Mais ceux qui se saisissent de l’unitй entrent en conflit, avec ce qui apparaоt et йchouent а se demander si la considйrer est possible а l’homme.

Les signes prйcurseurs peuvent apparaоtre soit а la faveur de concours de circonstances, comme dans le cas des animaux qui en manifestent prиs de nous, soit en raison d’altйrations de l’air et des changements ; car ces deux explications ne sont pas en conflit avec ce qui apparaоt ; mais dans quels cas elles se produisent pour telle ou telle cause, il n’est pas facile de le voir йgalement.

Les nuages peuvent se constituer et s’assembler soit par le foulage de l’air dы а la compression des vents, soit par des enchevкtrements d’atomes concatйnйs et propres а produire ce rйsultat, soit en raison de la rйunion de courants issus de la terre et des eaux ; mais il n’est pas impossible que les assemblages de tels йlйments se rйalisent selon bien d’autres modes. Par suite, les eaux peuvent se former en eux pour autant que les nuages se pressent, et changent, et aussi parce que des vents, s’exhalant des lieux appropriйs, se dйplacent dans l’air, l’averse plus violente se produisant а partir de certains agrйgats convenant pour de telles prйcipitations.

Il est possible que les coups de tonnerre se produisent en raison du roulement du vent dans les cavitйs des nuages, comme c’est le cas dans nos viscиres, йgalement par le grondement du feu qu’un vent, dans les nuages, alimente, aussi en raison des dйchirures et des йcartements des nuages, et aussi en raison des frottements et des ruptures des nuages s’ils se sont congelйs comme de la glace ; ce qui apparaоt nous appelle а reconnaоtre qu’au mкme titre que l’ensemble, cette rйalitй particuliиre se produit selon plusieurs modes.

Et les йclairs, de mкme, se produisent selon plusieurs modes ; en effet, c’est par le frottement et le choc des nuages que la configuration du feu propre а produire cet effet, lorsqu’elle s’en йchappe, produit l’йclair ; йgalement par l’attisement, sous l’action des vents, de corps de ce genre arrachйs aux nuages, qui disposent l’йclat que l’on voit ; йgalement par pressurage, si les nuages sont comprimйs, soit les uns par les autres, soit par les vents; йgalement par l’enveloppement de la lumiиre qui s’est rйpandue depuis les astres, car ensuite elle est contractйe par le mouvement des nuages et des vents, et elle s’йchappe а travers les nuages ; ou bien par le filtrage, dы aux nuages, de la lumiиre la plus fine, et par le mouvement de cette lumiиre ; ou encore par l’embrasement du vent, qui se produit en raison de la forte tension du mouvement et d’un violent enroulement ; aussi par les dйchirures des nuages sous l’effet des vents et l’expulsion des atomes producteurs de feu, qui produisent l’image de l’йclair. Et il sera facile de voir distinctement cela en suivant bien d’autres modes, si l’on s’en tient toujours а ce qui apparaоt, et si l’on est capable de considйrer ensemble ce qui est semblable.

L’йclair prйcиde le tonnerre dans une disposition nuageuse de ce genre, soit parce qu’en mкme temps que le vent tombe sur les nuages, la configuration produisant l’йclair est expulsйe, et ensuite le vent qui est roulй produit ce grondement ; soit, en raison de la chute de l’un et de l’autre en mкme temps, l’йclair vient jusqu’а nous grвce а une vitesse plus soutenue, et le tonnerre arrive avec du retard, comme c’est le cas pour certaines choses vues de loin, qui produisent des coups.

Il est possible que les foudres se produisent en raison de rйunions de vents en plus grand nombre, d’un puissant enroulement et d’un embrasement, et d’une dйchirure d’une partie suivie d’une expulsion de celle-ci plus puissante encore, en direction des lieux infйrieurs - la dйchirure survient parce que les lieux attenants sont plus denses, en raison du foulage des nuages ; aussi en raison du feu comprimй qui est expulsй, comme il est possible aussi que le tonnerre se produise, lorsqu’il est devenu plus important, que le vent l’a puissamment alimentй et qu’il a rompu le nuage, du fait qu’il ne peut se retirer dans les lieux attenants, а cause du foulage (le plus souvent contre une montagne йlevйe, sur laquelle les foudres tombent avant tout), qui se fait toujours entre les nuages. Et il est possible que les foudres se produisent selon bien d’autres modes ; que seulement soit banni le mythe ! Et il sera banni si l’on procиde а des infйrences sur ce qui n’apparaоt pas, en s’accordant correctement avec ce qui apparaоt.

Il est possible que les cyclones se produisent d’une part en raison de la descente d’un nuage dans des lieux infйrieurs, qui change de forme en йtant poussй par un vent dense, et se trouve emportй en masse du fait de ce vent abondant, en mкme temps qu’un vent extйrieur pousse le nuage de proche en proche ; et aussi bien en raison d’une disposition circulaire du vent, lorsque de l’air se trouve poussй par en haut, et qu’un fort flux de vent se crйe, incapable de s’йcouler sur les cфtйs, а cause du foulage de l’air tout autour. Et si le cyclone descend jusqu’а la terre, se forment des tornades, quelle que soit la faзon dont leur naissance a lieu selon le mouvement du vent ; s’il descend jusqu’а la mer, ce sont des tourbillons qui se constituent.

Il est possible que les sйismes se produisent en raison de l’interception de vent dans la terre, de sa disposition le long de petites masses de cette derniиre, et de son mouvement continu, ce qui provoque un tremblement dans la terre. Et ce vent, la terre l’embrasse ou bien parce qu’il vient de l’extйrieur, ou bien parce que s’effondrent des fonds intйrieurs qui chassent l’air capturй dans les lieux caverneux de la terre. Et en raison de la communication mкme du mouvement par suite de l’effondrement de nombreux fonds et de leur renvoi en sens inverse, quand ils rencontrent des concentrations plus fortes de terre - il est possible que se produisent les sйismes. Et il est possible que ces mouvements de la terre se produisent selon plusieurs autres modes.

Il arrive que les vents surviennent au bout d’un certain temps, lorsqu’un йlйment йtranger s’introduit, rйguliиrement et petit а petit, et aussi par le rassemblement d’eau en abondance ; et les autres vents se produisent, mкme si ce sont de faibles quantitйs qui tombent dans les nombreuses cavitйs, lorsqu’elles se diffusent.

Le grкle se forme а la fois en raison d’une congйlation assez forte, du rassemblement de certains йlйments venteux venus de tous cфtйs, et d’une division en parties, et aussi par la congйlation assez modйrйe de certains йlйments aqueux, en mкme temps que leur rupture, qui produisent а la fois leur compression et leur йclatement, conformйment au fait que lorsqu’ils gиlent ils se condensent par parties et en masse. Et la rondeur, il n’est pas impossible qu’elle tienne au fait que de tous cфtйs les extrйmitйs fondent, et que lors de sa condensation, de. tous cфtйs, comme on dit, se disposent autour de maniиre йgale, partie par partie, des йlйments aqueux ou venteux.

Il est possible que la neige se forme d’une part lorsqu’une eau fine s’йcoule а la suite de l’adaptation de nuages diffйrents, de la pression des nuages appropriйs, et de sa, dissйmination par le vent, et qu’ensuite cette eau gиle se dйplaзant, parce que, dans les rйgions situйes au-dessous des nuages, il y a un fort refroidissement ; et aussi, en raison d’une congйlation dans les nuages qui prйsentent une densitй faible et rйguliиre, pourrait se produire une йmission, hors des nuages qui se pressent les uns contre les autres, d’йlйments aqueux disposйs cфte а cфte, lesquels, s’ils subissent une sorte de compression, produisent finalement de la grкle, chose qui arrive surtout dans l’air. Et aussi en raison du frottement des nuages qui ont gelй, cet agrйgat de neige pourrait, en retour, s’йlancer. Et il est possible que la neige se forme selon d’autres modes.

Le rosйe se forme d’une. part en raison de la rйunion mutuelle d’йlйments en provenance de l’air, de nature а produire une humiditй de cette sorte ; et c’est d’autre part en raison d’un mouvement qui part des lieux humides ou des lieux qui contiennent de l’eau, que la rosйe se forme dans les lieux oщ elle apparaоt : ensuite ces йlйments se rйunissent au mкme point, produisent l’humiditй, et vont en sens inverse vers le bas, ainsi que souvent, mкme prиs de nous, se forme de maniиre semblable ce genre de choses. Et la gelйe blanche se forme lorsque ces rosйes connaissent une sorte de congйlation, а cause d’une disposition d’air froid.

La glace se forme aussi bien par l’expression hors de l’eau de la forme arrondie, et la compression des йlйments inйgaux et а angle aigu qui se trouvent dans l’eau, que par le rapprochement, а partir de l’extйrieur, d’йlйments de cette nature qui, rйunis, font geler l’eau, une fois qu’ils ont exprimй une certaine quantitй d’йlйments ronds.

L’arc-en-ciel survient en raison de l’йclairement par le soleil d’un air aqueux, ou bien en raison d’une nature particuliиre de l’air, qui tient а la fois de la lumiиre et de l’air, qui produira les particularitйs de ces couleurs, soit toutes ensemble, soit sйparйment ; et а partir de cet air-lа, d’oщ se sйpare а, nouveau en brillant, la lumiиre, les parties limitrophes de l’air prendront cette coloration, telle que nous la voyons par l’йclairement des parties ; quant а sa forme arrondie, cette image se forme parce que la vision voit un intervalle partout йgal, ou parce que les sections dans l’air se compriment de la sorte, ou bien parce que dans les nuages, les atomes йtant emportйs а partir d’un mкme air, un certain arrondi se dйpose dans ce composй.

Le halo autour de la lune se produit parce que de l’air se porte de tous cфtйs vers la lune, et que, ou bien il renvoie йgalement les йcoulements qui sont йmanйs d’elle, jusqu’а disposer en un cercle la nйbulositй que l’on voit, sans opйrer une sйparation complиte, ou bien il renvoie de faзon proportionnйe, de tous cфtйs, l’air qui est autour de la lune, pour disposer ce qui entoure cette derniиre en une pйriphйrie ayant une йpaisseur. Cela se produit seulement en certaines parties soit parce qu’un йcoulement venu de l’extйrieur exerce une violente pression, soit parce que la chaleur s’empare des passages appropriйs pour rйaliser cet effet.

Les astres chevelus naissent soit parce qu’apparaоt la disposition qui fait que du feu prend consistance dans les rйgions cйlestes, en certains lieux, а certains moments, soit parce que le ciel, par moments, adopte au-dessus de nous un mouvement particulier, propre а faire apparaоtre de tels astres, ou encore ils s’йlancent а certains moments en raison d’une disposition donnйe, se dirigent vers les lieux que nous occupons, et deviennent visibles. Et leur disparition survient par suite de causes opposйes а celles-lа.

Certains astres tournent sur p1ace : cela arrive non seulement parce que cette partie monde autour de laquelle le reste tourne, est immobile, comme le disent certains, mais aussi parce qu’un tourbillon d’air tourne autour de lui en cercle, et l’empкche de faire un parcours identique а celui des autres ; ou bien parce qu’а proximitй ils n’ont pas la matiиre appropriйe, tandis qu’ils l’ont dans le lieu oщ on les voit demeurer. Et il est possible que cela arrive selon bien d’autres modes, si l’on peut rassembler par le raisonnement ce qui est en accord avec ce qui apparaоt.

Que certains astres soient errants, s’il arrive qu’ils aient des mouvements de cette sorte, tandis que d’autres ne se meuvent pas ainsi, il est possible d’une part que cela tienne а ce qu’ils ont йtй contraints dиs le commencement а se mouvoir en cercle, si bien que les uns sont transportйs par le mкme tourbillon parce qu’il est йgal, tandis que les autres le sont par un tourbillon qui comporte en mкme temps des inйgalitйs. Mais il est possible йgalement que selon les lieux oщ ils sont transportйs, il se trouve des йtendues d’air йgales qui les poussent successivement dans la mкme direction et les enflamment de faзon йgale, tandis que d’autres sont assez inйgales pour que puissent s’accomplir les changements que l’on observe. Mais donner de ces faits une seule cause, alors que ce qui apparaоt en appelle une multiplicitй, est dйlirant et se trouve mis en њuvre, au rebours de ce qu’il convient de faire, par les zйlateurs de la vaine astronomie, qui donnent de certains faits des causes dans le vide, dиs lors qu’ils ne dйlivrent pas la nature divine de ces charges-lа.

Il arrive d’observer que certains astres sont laissйs en arriиre par d’autres, soit parce que, tout en parcourant le mкme cercle, ils sont transportйs autour de lui plus lentement, soit parce qu’ils sont mus selon un mouvement contraire, et sont tirйs en sens inverse par le mкme tourbillon, soit parce qu’ils sont transportйs, tantфt sur un espace plus grand, tantфt plus petit, tout en tournant en cercle autour du mкme tourbillon. Et se prononcer de faзon simple sur ces faits ne convient qu’а ceux qui veulent raconter des prodiges а la foule.

Les astres que l’on dit tomber, et par parties, peuvent se constituer, soit par leur propre usure, et par leur chute, lа oщ se produit un dйgagement de souffle, ainsi que nous l’avons dit pour les йclairs aussi ; soit par la rйunion d’atomes producteurs de feu, lorsque apparaоt un regroupement susceptible de produire cela, et par un mouvement lа oщ l’йlan a surgi depuis le commencement, lors de leur rйunion ; soit par le rassemblement de souffle dans les amas nйbuleux et par leur embrasement dы а l’enroulement qu’ils subissent, ensuite par la dйsintйgration des parties enveloppantes ; et l’endroit vers lequel entraоne l’йlan, c’est vers lа que le mouvement se porte. Et il y a d’autres modes permettant а cela de s’accomplir, en un nombre que je ne saurais dire.

Les signes prйcurseurs qui se produisent en certains animaux, se produisent par un concours de circonstances ; car les animaux n’introduisent aucune nйcessitй qui ferait se rйaliser le mauvais temps, et nulle nature divine ne trфne surveillant les sorties de ces animaux, ni, ensuite, n’accomplit ce que ces signes annoncent ; car ce n’est pas sur le premier animal venu, mкme un peu plus sensй, qu’une telle folie pourrait tomber, encore moins sur celui qui dispose du parfait bonheur.

Remйmore-toi tous ces points, Pythoclиs, car tu t’йcarteras de beaucoup du mythe, et tu seras capable de concevoir ce qui est du mкme genre. Mais surtout, consacre-toi а l’observation des principes, de l’illimitй et de ce qui leur est apparentй, et encore des critиres et des affections, et de ce en vue de quoi nous rendons compte de ces questions. Car ce sont eux surtout ; lorsqu’on les observe ensemble, qui feront concevoir facilement les causes des rйalitйs particuliиres ; mais ceux qui ne ressentent pas pour eux le plus vif attachement, ne pourront pas correctement observer ensemble ces йlйments mкmes, ni obtenir ce en vue de quoi il faut les observer.


Lettre а Pythoclиs

Йpicure

Lettre а Pythoclиs

(Traduction anonyme)

 

Йpicure а Pythoclиs, salut.

 

Clйon m’a apportй ta lettre, dans laquelle tu te montrais а mon йgard plein de sentiments d’amitiй, dignes du soin que je prends de toi ; tu as essayй de faзon convaincante de te remйmorer les arguments qui tendent а la vie bienheureuse, et tu m’as demandй pour toi-mкme de t’envoyer une argumentation rйsumйe et bien dйlimitйe touchant les rйalitйs cйlestes, afin de te la remйmorer facilement ; en effet, ce que j’ai йcrit ailleurs est malaisй а se remйmorer, bien que, me dis-tu, tu l’aies continuellement en mains. En ce qui me concerne, j’ai reзu avec plaisir ta demande, et j’ai йtй rempli de plaisants espoirs. Aussi, aprиs avoir йcrit tout le reste, je rassemble tels que tu les as souhaitйs, ces arguments qui seront utiles а beaucoup d’autres, et tout spйcialement а ceux qui ont depuis peu goыtй а l’authentique йtude de la nature, ainsi qu’а ceux qui sont pris dans des occupations plus accaparantes que l’une des occupations ordinaires. Saisis-les distinctement et, les gardant en mйmoire, parcours-les avec acuitй ainsi que tous les autres que, dans le petit abrйgй, j’ai envoyйs а Hйrodote.

Tout d’abord, il ne faut pas penser que la connaissance des rйalitйs cйlestes, qu’on les examine en relation а autre chose, ou pour elles-mкmes, ait une autre fin que l’ataraxie et la certitude ferme, ainsi qu’il en est pour tout le reste. Il ne faut pas non plus faire violence а l’impossible, ni tout observer de la mкme faзon que dans les raisonnements qui portent sur les modes de vie, ni dans ceux qui nous donnent une solution aux autres problиmes physiques, comme le fait que le tout est corps et nature intangible, ou que les йlйments sont insйcables, et toutes les propositions de ce genre qui sont seules а s’accorder avec ce qui apparaоt; cela n’est pas le cas pour les rйalitйs cйlestes : au contraire se prйsente une multiplicitй de causes pour leur production, et d’assertions relatives а leur кtre mкme, en accord avec les sensations. Car il ne faut pas pratiquer l’йtude de la nature en s’appuyant sur des principes vides et des dйcrets de loi, mais comme le rйclame ce qui apparaоt. En effet, notre mode de vie ne requiert pas une recherche qui nous serait propre, et une opinion vide, bien plutфt une vie sans trouble. Tout devient inйbranlable pour tout ce que l’on rйsout entiиrement selon le mode multiple en accord avec ce qui apparaоt, lorsqu’on conserve, comme il convient, ce qu’а propos de ces rйalitйs on йnonce avec vraisemblance ; mais lorsqu’on admet une explication et qu’on rejette telle autre, qui se trouve кtre en un semblable accord avec ce qui apparaоt, il est clair que l’on sort du domaine de l’йtude de la nature, pour se prйcipiter dans le mythe.

Certaines des choses qui apparaissent prиs de nous fournissent des signes de ce qui s’accomplit dans les rйgions cйlestes, car on les observe comme elles sont, а la diffйrence de celles qui apparaissent dans les rйgions cйlestes ; il est en effet possible que ces derniиres arrivent de multiples faзons. Il faut toutefois conserver l’image de chacune des rйalitйs cйlestes, et en rendre compte par ce qui lui est rattachй, ce dont la rйalisation multiple n’est pas infirmйe par les choses qui arrivent prиs de nous.

Un monde est une enveloppe du ciel, qui enveloppe astres, terre et tout ce qui apparaоt, qui s’est scindйe de l’illimitй, et qui se termine par une limite ou rare ou dense, dont la dissipation bouleversera tout ce qu’elle contient ; et elle se termine sur une limite soit en rotation soit en repos, avec un contour rond, triangulaire ou quel qu’il soit ; car tous sont possibles : rien de ce qui apparaоt ne s’y oppose dans ce monde-ci, oщ il n’y a pas moyen de saisir ce qui le termine. Mais il y a moyen de saisir qu’а la fois de tels mondes sont en nombre illimitй, et qu’aussi un tel monde peut survenir tant dans un monde que dans un inter-monde, comme nous appelons l’intervalle entre des mondes, dans un lieu comportant beaucoup de vide, mais pas dans un vaste lieu, pur et vide, comme le disent certains, et ce, dans la mesure oщ des semences appropriйes s’йcoulent d’un seul monde, ou inter-monde, ou bien de plusieurs, produisant peu а peu des adjonctions, des articulations et des dйplacements vers un autre lieu, selon les hasards, et des arrosements provenant de rйserves appropriйes, jusqu’а parvenir а un йtat d’achиvement et de permanence, pour autant que les fondations posйes permettent de les recevoir. Car il ne suffit pas que se produise un agrйgat, ou un tourbillon dans le vide oщ il est possible qu’un monde surgisse, d’aprиs ce que l’on croit кtre par nйcessitй, et qu’il s’accroisse jusqu’а ce qu’il heurte а un autre monde, ainsi que l’un des rйputйs physiciens le dit ; car cela est en conflit avec ce qui apparaоt.

Le soleil, la lune et les autres astres, qui se formaient par eux-mкmes, йtaient ensuite enveloppйs par le monde, ainsi йvidemment que tout ce qu’il prйserve, mais dиs le dйbut ils se faзonnaient et s’accroissaient (de la mкme faзon que la terre et la mer) grвce а des accrйtions et des tournoiements de fines particules, qu’elles soient de nature ventйe ou ignйe, ou bien les deux ; la sensation nous indique en effet que cela se fait ainsi.

La grandeur du soleil et des autres astres, considйrйe par rapport а nous, est telle qu’elle apparaоt, car il n’y a pas d’autre distance qui puisse mieux correspondre а cette grandeur. Si on le considиre en lui-mкme, sa grandeur est ou plus grande que ce que l’on voit, ou un peu plus petite, ou identique (pas en mкme temps). C’est ainsi йgalement que les feux, qu’auprиs de nous l’on observe а distance, sont observйs selon la sensation. Et on rйsoudra aisйment tout ce qui fait obstacle dans cette partie, si l’on s’applique aux йvidences, ce que nous montrons dans les livres Sur la nature.

Levers et couchers du soleil, dй la lune et des autres astres peuvent rйsulter respectivement d’une inflammation et d’une extinction, Si l’environnement est tel - et ce en chacun des deux lieux correspondants - que ce qui vient d’кtre dit s’accomplisse ; car rien de ce qui apparaоt ne l’infirme ; et c’est encore par une йmergence au-dessus de la terre, puis au contraire par une interposition, que levers et couchers pourraient se produire ; car rien de ce qui apparaоt ne l’infirme.

Pour leurs mouvements, il n’est pas impossible qu’ils rйsultent soit d’une rotation du ciel tout entier soit du fait que, si celui-ci est en repos, eux connaissent une rotation engendrйe а l’orient suivant la nйcessitй а l’њuvre а l’origine, lors de la naissance du monde, ensuite, prenant en compte la chaleur, du fait d’une certaine propagation du feu qui progresse toujours vers des lieux contigus.

Les rйtrogradations du soleil et de la lune peuvent survenir en raison de l’obliquitй du ciel qui se trouve par moments contraint а obliquer ; йgalement parce que de l’air les repousse, ou bien aussi parce que la matiиre dont ils ont constamment besoin, et qui s’enflamme progressivement, les a abandonnйs ; ou il se peut aussi que dиs le dйbut un tourbillon ait enveloppй ces astres, un tourbillon que leur mouvement soit comme celui d’une spirale. Car toutes ces raisons et celles qui leur sont apparentйes ne sont en dйsaccord avec aucune des йvidences si, pour de tels aspects particuliers, s’attachant au possible, l’on peut ramener chacune d’elles а un accord avec ce qui apparaоt, sans redouter les artifices des astronomes, qui rendent esclave.

Les йvidements et les remplissements de la lune pourraient se produire aussi bien en raison du tour qu’effectue ce corps qu’en raison йgalement des configurations de l’air, mais encore en raison d’interpositions, et de tous les modes par lesquels ce qui apparaоt auprиs de nous, nous appelle а rendre compte de cet aspect-lа, а condition que l’on ne se satisfasse pas du mode unique et que l’on ne repousse pas de faзon vaine les autres modes, n’ayant pas observй ce qu’il йtait possible et ce qu’il йtait impossible а un homme d’observer, et dйsireux en consйquence d’observer l’impossible.

En outre, il se peut que la lune soit lumineuse par elle-mкme, possible aussi qu’elle le soit grвce au soleil. De fait, autour de nous, l’on voit beaucoup de choses qui sont lumineuses par elles-mкmes, et beaucoup qui le sont grвce а d’autres. Et rien de ce qui apparaоt dans le ciel ne fait obstacle а cela, Si l’on garde toujours en mйmoire le mode multiple et si l’on considиre ensemble les hypothиses et les causes qui sont conformes а ce qui apparaоt, si l’on ne considиre pas ce qui ne lui est pas conforme, que l’on grossit en vain, et si l’on n’incline pas d’une maniиre ou d’une autre vers le mode unique.

L’apparent visage en elle peut rйsulter aussi bien de la diffйrence de ses parties successives que d’une interposition, ainsi que de tous les modes dont, en tous points, l’on observerait l’accord avec ce qui apparaоt ; pour toutes les rйalitйs cйlestes en effet, il ne faut pas renoncer а suivre une telle piste ; car si l’on entre en conflit avec les йvidences, jamais il ne sera possible d’avoir part а l’ataraxie authentique.

Une йclipse de soleil et de lune peut rйsulter aussi bien d’une extinction - comme auprиs de nous l’on voit cela arriver - qu’йgalement d’une interposition d’autres corps, soit la terre, soit le ciel, ou un autre du mкme type ; et c’est de cette faзon qu’il faut considйrer ensemble les modes apparentйs les uns aux autres, et voir que le concours simultanй de certains modes n’est pas impensable.

En outre, comprenons l’ordre rйgulier de la rйvolution а la faзon dont certaines choses se produisent prиs de nous, et que la nature divine ne soit en aucun cas poussйe dans cette direction, mais qu’on la conserve dйpourvue de charge et dans une entiиre fйlicitй ; car si l’on ne procиde pas ainsi, toute l’йtude des causes touchant les rйalitйs cйlestes sera vaine, comme cela est dйjа arrivй а certains qui ne se sont pas attachйs au mode possible, mais sont tombйs dans la vanitй pour avoir cru que cela arrivait seulement selon un seul mode, et avoir rejetй tous les autres qui йtaient compatibles avec le possible, emportйs vers l’impensable et incapables d’observer ensemble tout ce qui apparaоt, qu’il faut recueillir comme ses signes.

Les longueurs changeantes des nuits et des jours peuvent venir soit des mouvements rapides et inversement, lents, du soleil au-dessus de la terre, parce qu’il change les longueurs des espaces parcourus, soit parce qu’il parcourt certains espaces plus vite ou plus lentement, comme on observe aussi des cas prиs de nous, avec lesquels il faut s’accorder lorsqu’on parle des rйalitйs cйlestes. Mais ceux qui se saisissent de l’unitй entrent en conflit, avec ce qui apparaоt et йchouent а se demander si la considйrer est possible а l’homme.

Les signes prйcurseurs peuvent apparaоtre soit а la faveur de concours de circonstances, comme dans le cas des animaux qui en manifestent prиs de nous, soit en raison d’altйrations de l’air et des changements ; car ces deux explications ne sont pas en conflit avec ce qui apparaоt ; mais dans quels cas elles se produisent pour telle ou telle cause, il n’est pas facile de le voir йgalement.

Les nuages peuvent se constituer et s’assembler soit par le foulage de l’air dы а la compression des vents, soit par des enchevкtrements d’atomes concatйnйs et propres а produire ce rйsultat, soit en raison de la rйunion de courants issus de la terre et des eaux ; mais il n’est pas impossible que les assemblages de tels йlйments se rйalisent selon bien d’autres modes. Par suite, les eaux peuvent se former en eux pour autant que les nuages se pressent, et changent, et aussi parce que des vents, s’exhalant des lieux appropriйs, se dйplacent dans l’air, l’averse plus violente se produisant а partir de certains agrйgats convenant pour de telles prйcipitations.

Il est possible que les coups de tonnerre se produisent en raison du roulement du vent dans les cavitйs des nuages, comme c’est le cas dans nos viscиres, йgalement par le grondement du feu qu’un vent, dans les nuages, alimente, aussi en raison des dйchirures et des йcartements des nuages, et aussi en raison des frottements et des ruptures des nuages s’ils se sont congelйs comme de la glace ; ce qui apparaоt nous appelle а reconnaоtre qu’au mкme titre que l’ensemble, cette rйalitй particuliиre se produit selon plusieurs modes.

Et les йclairs, de mкme, se produisent selon plusieurs modes ; en effet, c’est par le frottement et le choc des nuages que la configuration du feu propre а produire cet effet, lorsqu’elle s’en йchappe, produit l’йclair ; йgalement par l’attisement, sous l’action des vents, de corps de ce genre arrachйs aux nuages, qui disposent l’йclat que l’on voit ; йgalement par pressurage, si les nuages sont comprimйs, soit les uns par les autres, soit par les vents; йgalement par l’enveloppement de la lumiиre qui s’est rйpandue depuis les astres, car ensuite elle est contractйe par le mouvement des nuages et des vents, et elle s’йchappe а travers les nuages ; ou bien par le filtrage, dы aux nuages, de la lumiиre la plus fine, et par le mouvement de cette lumiиre ; ou encore par l’embrasement du vent, qui se produit en raison de la forte tension du mouvement et d’un violent enroulement ; aussi par les dйchirures des nuages sous l’effet des vents et l’expulsion des atomes producteurs de feu, qui produisent l’image de l’йclair. Et il sera facile de voir distinctement cela en suivant bien d’autres modes, si l’on s’en tient toujours а ce qui apparaоt, et si l’on est capable de considйrer ensemble ce qui est semblable.

L’йclair prйcиde le tonnerre dans une disposition nuageuse de ce genre, soit parce qu’en mкme temps que le vent tombe sur les nuages, la configuration produisant l’йclair est expulsйe, et ensuite le vent qui est roulй produit ce grondement ; soit, en raison de la chute de l’un et de l’autre en mкme temps, l’йclair vient jusqu’а nous grвce а une vitesse plus soutenue, et le tonnerre arrive avec du retard, comme c’est le cas pour certaines choses vues de loin, qui produisent des coups.

Il est possible que les foudres se produisent en raison de rйunions de vents en plus grand nombre, d’un puissant enroulement et d’un embrasement, et d’une dйchirure d’une partie suivie d’une expulsion de celle-ci plus puissante encore, en direction des lieux infйrieurs - la dйchirure survient parce que les lieux attenants sont plus denses, en raison du foulage des nuages ; aussi en raison du feu comprimй qui est expulsй, comme il est possible aussi que le tonnerre se produise, lorsqu’il est devenu plus important, que le vent l’a puissamment alimentй et qu’il a rompu le nuage, du fait qu’il ne peut se retirer dans les lieux attenants, а cause du foulage (le plus souvent contre une montagne йlevйe, sur laquelle les foudres tombent avant tout), qui se fait toujours entre les nuages. Et il est possible que les foudres se produisent selon bien d’autres modes ; que seulement soit banni le mythe ! Et il sera banni si l’on procиde а des infйrences sur ce qui n’apparaоt pas, en s’accordant correctement avec ce qui apparaоt.

Il est possible que les cyclones se produisent d’une part en raison de la descente d’un nuage dans des lieux infйrieurs, qui change de forme en йtant poussй par un vent dense, et se trouve emportй en masse du fait de ce vent abondant, en mкme temps qu’un vent extйrieur pousse le nuage de proche en proche ; et aussi bien en raison d’une disposition circulaire du vent, lorsque de l’air se trouve poussй par en haut, et qu’un fort flux de vent se crйe, incapable de s’йcouler sur les cфtйs, а cause du foulage de l’air tout autour. Et si le cyclone descend jusqu’а la terre, se forment des tornades, quelle que soit la faзon dont leur naissance a lieu selon le mouvement du vent ; s’il descend jusqu’а la mer, ce sont des tourbillons qui se constituent.

Il est possible que les sйismes se produisent en raison de l’interception de vent dans la terre, de sa disposition le long de petites masses de cette derniиre, et de son mouvement continu, ce qui provoque un tremblement dans la terre. Et ce vent, la terre l’embrasse ou bien parce qu’il vient de l’extйrieur, ou bien parce que s’effondrent des fonds intйrieurs qui chassent l’air capturй dans les lieux caverneux de la terre. Et en raison de la communication mкme du mouvement par suite de l’effondrement de nombreux fonds et de leur renvoi en sens inverse, quand ils rencontrent des concentrations plus fortes de terre - il est possible que se produisent les sйismes. Et il est possible que ces mouvements de la terre se produisent selon plusieurs autres modes.

Il arrive que les vents surviennent au bout d’un certain temps, lorsqu’un йlйment йtranger s’introduit, rйguliиrement et petit а petit, et aussi par le rassemblement d’eau en abondance ; et les autres vents se produisent, mкme si ce sont de faibles quantitйs qui tombent dans les nombreuses cavitйs, lorsqu’elles se diffusent.

Le grкle se forme а la fois en raison d’une congйlation assez forte, du rassemblement de certains йlйments venteux venus de tous cфtйs, et d’une division en parties, et aussi par la congйlation assez modйrйe de certains йlйments aqueux, en mкme temps que leur rupture, qui produisent а la fois leur compression et leur йclatement, conformйment au fait que lorsqu’ils gиlent ils se condensent par parties et en masse. Et la rondeur, il n’est pas impossible qu’elle tienne au fait que de tous cфtйs les extrйmitйs fondent, et que lors de sa condensation, de. tous cфtйs, comme on dit, se disposent autour de maniиre йgale, partie par partie, des йlйments aqueux ou venteux.

Il est possible que la neige se forme d’une part lorsqu’une eau fine s’йcoule а la suite de l’adaptation de nuages diffйrents, de la pression des nuages appropriйs, et de sa, dissйmination par le vent, et qu’ensuite cette eau gиle se dйplaзant, parce que, dans les rйgions situйes au-dessous des nuages, il y a un fort refroidissement ; et aussi, en raison d’une congйlation dans les nuages qui prйsentent une densitй faible et rйguliиre, pourrait se produire une йmission, hors des nuages qui se pressent les uns contre les autres, d’йlйments aqueux disposйs cфte а cфte, lesquels, s’ils subissent une sorte de compression, produisent finalement de la grкle, chose qui arrive surtout dans l’air. Et aussi en raison du frottement des nuages qui ont gelй, cet agrйgat de neige pourrait, en retour, s’йlancer. Et il est possible que la neige se forme selon d’autres modes.

Le rosйe se forme d’une. part en raison de la rйunion mutuelle d’йlйments en provenance de l’air, de nature а produire une humiditй de cette sorte ; et c’est d’autre part en raison d’un mouvement qui part des lieux humides ou des lieux qui contiennent de l’eau, que la rosйe se forme dans les lieux oщ elle apparaоt : ensuite ces йlйments se rйunissent au mкme point, produisent l’humiditй, et vont en sens inverse vers le bas, ainsi que souvent, mкme prиs de nous, se forme de maniиre semblable ce genre de choses. Et la gelйe blanche se forme lorsque ces rosйes connaissent une sorte de congйlation, а cause d’une disposition d’air froid.

La glace se forme aussi bien par l’expression hors de l’eau de la forme arrondie, et la compression des йlйments inйgaux et а angle aigu qui se trouvent dans l’eau, que par le rapprochement, а partir de l’extйrieur, d’йlйments de cette nature qui, rйunis, font geler l’eau, une fois qu’ils ont exprimй une certaine quantitй d’йlйments ronds.

L’arc-en-ciel survient en raison de l’йclairement par le soleil d’un air aqueux, ou bien en raison d’une nature particuliиre de l’air, qui tient а la fois de la lumiиre et de l’air, qui produira les particularitйs de ces couleurs, soit toutes ensemble, soit sйparйment ; et а partir de cet air-lа, d’oщ se sйpare а, nouveau en brillant, la lumiиre, les parties limitrophes de l’air prendront cette coloration, telle que nous la voyons par l’йclairement des parties ; quant а sa forme arrondie, cette image se forme parce que la vision voit un intervalle partout йgal, ou parce que les sections dans l’air se compriment de la sorte, ou bien parce que dans les nuages, les atomes йtant emportйs а partir d’un mкme air, un certain arrondi se dйpose dans ce composй.

Le halo autour de la lune se produit parce que de l’air se porte de tous cфtйs vers la lune, et que, ou bien il renvoie йgalement les йcoulements qui sont йmanйs d’elle, jusqu’а disposer en un cercle la nйbulositй que l’on voit, sans opйrer une sйparation complиte, ou bien il renvoie de faзon proportionnйe, de tous cфtйs, l’air qui est autour de la lune, pour disposer ce qui entoure cette derniиre en une pйriphйrie ayant une йpaisseur. Cela se produit seulement en certaines parties soit parce qu’un йcoulement venu de l’extйrieur exerce une violente pression, soit parce que la chaleur s’empare des passages appropriйs pour rйaliser cet effet.

Les astres chevelus naissent soit parce qu’apparaоt la disposition qui fait que du feu prend consistance dans les rйgions cйlestes, en certains lieux, а certains moments, soit parce que le ciel, par moments, adopte au-dessus de nous un mouvement particulier, propre а faire apparaоtre de tels astres, ou encore ils s’йlancent а certains moments en raison d’une disposition donnйe, se dirigent vers les lieux que nous occupons, et deviennent visibles. Et leur disparition survient par suite de causes opposйes а celles-lа.

Certains astres tournent sur p1ace : cela arrive non seulement parce que cette partie monde autour de laquelle le reste tourne, est immobile, comme le disent certains, mais aussi parce qu’un tourbillon d’air tourne autour de lui en cercle, et l’empкche de faire un parcours identique а celui des autres ; ou bien parce qu’а proximitй ils n’ont pas la matiиre appropriйe, tandis qu’ils l’ont dans le lieu oщ on les voit demeurer. Et il est possible que cela arrive selon bien d’autres modes, si l’on peut rassembler par le raisonnement ce qui est en accord avec ce qui apparaоt.

Que certains astres soient errants, s’il arrive qu’ils aient des mouvements de cette sorte, tandis que d’autres ne se meuvent pas ainsi, il est possible d’une part que cela tienne а ce qu’ils ont йtй contraints dиs le commencement а se mouvoir en cercle, si bien que les uns sont transportйs par le mкme tourbillon parce qu’il est йgal, tandis que les autres le sont par un tourbillon qui comporte en mкme temps des inйgalitйs. Mais il est possible йgalement que selon les lieux oщ ils sont transportйs, il se trouve des йtendues d’air йgales qui les poussent successivement dans la mкme direction et les enflamment de faзon йgale, tandis que d’autres sont assez inйgales pour que puissent s’accomplir les changements que l’on observe. Mais donner de ces faits une seule cause, alors que ce qui apparaоt en appelle une multiplicitй, est dйlirant et se trouve mis en њuvre, au rebours de ce qu’il convient de faire, par les zйlateurs de la vaine astronomie, qui donnent de certains faits des causes dans le vide, dиs lors qu’ils ne dйlivrent pas la nature divine de ces charges-lа.

Il arrive d’observer que certains astres sont laissйs en arriиre par d’autres, soit parce que, tout en parcourant le mкme cercle, ils sont transportйs autour de lui plus lentement, soit parce qu’ils sont mus selon un mouvement contraire, et sont tirйs en sens inverse par le mкme tourbillon, soit parce qu’ils sont transportйs, tantфt sur un espace plus grand, tantфt plus petit, tout en tournant en cercle autour du mкme tourbillon. Et se prononcer de faзon simple sur ces faits ne convient qu’а ceux qui veulent raconter des prodiges а la foule.

Les astres que l’on dit tomber, et par parties, peuvent se constituer, soit par leur propre usure, et par leur chute, lа oщ se produit un dйgagement de souffle, ainsi que nous l’avons dit pour les йclairs aussi ; soit par la rйunion d’atomes producteurs de feu, lorsque apparaоt un regroupement susceptible de produire cela, et par un mouvement lа oщ l’йlan a surgi depuis le commencement, lors de leur rйunion ; soit par le rassemblement de souffle dans les amas nйbuleux et par leur embrasement dы а l’enroulement qu’ils subissent, ensuite par la dйsintйgration des parties enveloppantes ; et l’endroit vers lequel entraоne l’йlan, c’est vers lа que le mouvement se porte. Et il y a d’autres modes permettant а cela de s’accomplir, en un nombre que je ne saurais dire.

Les signes prйcurseurs qui se produisent en certains animaux, se produisent par un concours de circonstances ; car les animaux n’introduisent aucune nйcessitй qui ferait se rйaliser le mauvais temps, et nulle nature divine ne trфne surveillant les sorties de ces animaux, ni, ensuite, n’accomplit ce que ces signes annoncent ; car ce n’est pas sur le premier animal venu, mкme un peu plus sensй, qu’une telle folie pourrait tomber, encore moins sur celui qui dispose du parfait bonheur.

Remйmore-toi tous ces points, Pythoclиs, car tu t’йcarteras de beaucoup du mythe, et tu seras capable de concevoir ce qui est du mкme genre. Mais surtout, consacre-toi а l’observation des principes, de l’illimitй et de ce qui leur est apparentй, et encore des critиres et des affections, et de ce en vue de quoi nous rendons compte de ces questions. Car ce sont eux surtout ; lorsqu’on les observe ensemble, qui feront concevoir facilement les causes des rйalitйs particuliиres ; mais ceux qui ne ressentent pas pour eux le plus vif attachement, ne pourront pas correctement observer ensemble ces йlйments mкmes, ni obtenir ce en vue de quoi il faut les observer.