"Lettres et textes divers" - читать интересную книгу автора (Leibniz Gottfried Wilhelm)

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Version 1.1, Aout 1999

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<TITRE Lettres et textes divers>
<GENRE prose>
<AUTEUR Leibnitz>
<COPISTE Eric Dubreucq ([email protected])>
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</NOTESPROD>
----------------------- FIN DE L'EN-TETE --------------------------------

------------------------- DEBUT DU FICHIER leibnitzdiv1 --------------------------------

TABLE

1) Sur le livre d'un antitrinitaire anglais

2) Systиme nouveau de la nature et de la communication des substances aussi bien que de l'union qu'il y a entre l'вme et le corps.

3) Lettre а M. Arnauld, docteur en sorbonne, oщ il lui expose ses sentiments particuliers sur la mйtaphysique et la physique

4) Extrait d'une lettre pour soutenir ce qu'il y a de lui dans le journal des savants du 18 juin 1691.

5) Lettre sur la question si l'essence du corps consiste dans l'йtendue

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SUR LE LIVRE D'UN ANTITRINITAIRE ANGLAIS,

Qui contient des considйrations sur plusieurs explications de la Trinitй;

Publiй l'an 1693-4.


Premiиrement je demeure d'accord que le commandement du culte suprкme d'un seul Dieu est le plus important de temps, et doit кtre considйrй comme le plus inviolable. C'est pourquoi je ne crois pas qu'on doive admettre trois substances absolues, dont chacune soit infinie, toute- puissante, йternelle, souverainement parfaite. Il parait aussi que c'est une chose trиs dangereuse pour le moins de concevoir le Verbe et le Saint-Esprit comme deux substances intellectuelles infйrieures au grand Dieu, et nйanmoins dignes d'un culte qui approche du culte que les paпens rendaient а leurs dieux, ou qui le surpasse plutфt. Ainsi je crois qu'on ne doit rendre des honneurs divins qu'а une seule substance individuelle, absolue, souveraine et infinie.

Cependant l'opinion Sabellienne, qui ne considиre le Pиre, le Fils et le Saint-Esprit, que comme trois noms, comme trois regards d'un mкme кtre, ne saurait s'accorder avec les passages de la sainte Йcriture, sans les violenter d'une йtrange maniиre. Aussi faut-il avouer que de mкme les explications que les Sociniens donnent aux passages, sont trиs violentes. Quant а nous, lorsqu'on dit: Le Pиre est Dieu, le Fils est Dieu, et le Saint-Esprit est Dieu, et l'un de ces trois n'est pas l'autre, et avec tout cela, il n'y a pas trois dieux, mais un seul; cela pourrait paraоtre une contradiction manifeste; car c'est juste ment en cela que consiste la notion de la pluralitй. Si A est C, et B est C, et si A n'est pas B, ni B n'est pas A, il faut dire qu'il y a deux C, c'est-а-dire: si Jean est homme et si Pierre est homme, et Jean n'est pas Pierre, et Pierre n'est pas Jean, il y Jura deux hommes, ou bien il faut avouer que nous ne savons pas ce que c'est que deux. Ainsi, si dans le Symbole attribuй а S. Athanase, ou il est dit que le Pиre est Dieu, que le Fils est Dieu, et que le Saint-Esprit est Dieu, et que cependant il n'y a qu'un Dieu, le mot ou terme de Dieu йtait toujours pris au mкme sens, tant en en nommant trois dont chacun est Dieu, qu'en disant qu'il n'y a qu'un Dieu; ce serait une contradiction insoutenable. Il faut donc dire que dans le premier cas il est pris pour une personne de la Divinitй, dont il y en a trois, et dans le second pour une substance absolue, qui est unique. Je sais qu'il y a des auteurs scolastiques qui croient que ce principe de logique ou de mйtaphysique: Qua a sunt eadem uni tertio, sunt eadem inter se, n'a point de lieu dans la Trinitй. Mais je crois que ce serait donner cause gagnйe aux Sociniens en renversant un des premiers principes du raisonnement humain, sans lequel on ne saurait plus raisonner sur rien, ni assurer aucune chose. C'est pourquoi j'ai йtй fort surpris de voir que des habiles gens parmi les thйologiens scolastiques ont avouй que ce qu'on dit de la Trinitй serait une contradiction formelle dans les crйatures. Car je crois que ce qui est contradiction dans les termes, l'est partout. (on pourrait sans doute se contenter d'en demeurer lа, et de dire seulement qu'on ne reconnaоt et n'adore qu'un seul et unique Dieu tout-puissant, et que dans l'essence unique de Dieu il y a trois per sonnes, le Pиre, le Fils ou Verbe, et le Saint Esprit; que ces trois personnes ont cette relation entre elles, que le Pиre est le principe des deux autres; que la production йternelle du Fils est appelйe naissance dans l'Йcriture, et celle du Saint-Esprit est appelйe procession; mais que leurs actions extйrieures sont communes, exceptй la fonction de l'incarnation avec ce qui en dйpend, qui est propre au Fils, et celle de la sanctification, qui est propre au Saint-Esprit d'une maniиre toute particuliиre.

Cependant les objections des adversaires ont fait qu'on est allй plus avant, et qu'on a voulu expliquer ce que c'est que personne. En quoi il a ctй d'autant plus difficile de rйussir, que les explications dйpendent des dйfinitions. Or ceux qui nous donnent des sciences ont coutume aussi de nous donner aussi des dйfinitions; mais il n'en est pas ainsi des lйgislateurs, et encore moins de la Religion. Ainsi la sainte Йcriture aussi bien que la tradition nous fournissant certains termes, et ne nous en donnant pas en mкme temps les dйfinitions prйcises, cela fait qu'en voulant expliquer les choses, nous sommes rйduits а faire des hypothиses possibles, а peu prиs comme on en fait dans l'astronomie. Et souvent les jurisconsultes sont obligйs d'en faire autant, cherchant а donner au mot un sens qui puisse satisfaire en mкme temps a tous les passages et а la raison. La diffйrence est que l'explication des mystиres de la Religion n'est point nйcessaire, au lieu que celle des lois est nйcessaire pour juger les diffйrents. Ainsi en matiиre de mystиre, le meilleur serait de s'en tenir prйcisйment aux; termes rйvйlйs, autant qu'on peut. Je ne sais pas assez comment s'expliquent MM. Cudworth et Sherlock; mais leur йrudition, qui est si connue, fait que je ne doute point qu'ils n'aient donnй un bon sens а ce qu'ils ont avancй. Cependant j'oserais bien dire que trois esprits infinis, йtant posйs, comme des substances absolues, ce seraient trois dieux, nonobstant la parfaite intelligence, qui ferait que l'on entendrait tout ce qui se passe dans l'autre. Il faut quelque chose de plus pour une unitй numйrique; autrement Dieu, qui entend parfaitement nos pensйes, serait aussi uni essentiellement avec nous, jusqu'а faire un mкme individu. De plus ce serait une union de plusieurs natures, si chaque personne a la sienne, savoir, si elle a sa propre infinitй, sa science, sa toute-puissance: et ce ne serait nullement l'union de trois personnes qui ont une mкme nature individuelle, ce qui devrait pourtant кtre.

Je n'ai point vu non plus ce que M. Wallis et le docteur S-ht, qui ont йtй citйs ici, ont йcrit sur ce sujet, et je ne doute point qu'ils ne se soient expliquйs d'une maniиre con forme а l'orthodoxie; car je connais la pйnйtration de M. Wallis, qui est un des plus grands gйomиtres du siиcle, et qui ne se dйmentira jamais, de quelque cфtй que son esprit se puisse tourner, outre que l'auteur de ce livre avoue que l'explication de M. Wallis a eu l'approbation publique. Cependant j'ose dire qu'une personnalitй semblable а celle dont Cicйron a parlй, quand il a dit: Tres personas unus sustineo, ne suffit pas. Ainsi suis-je comme assurй que M. Wallis aura encore ajoutй autre chose. Il ne suffit pas non plus de dire que le Pиre, le Fils et le Saint- Esprit diffиrent par des relations semblables aux modes, tels que sont les postures, les prйsences ou les absences. Ces sortes de rapports attribuйs а une mкme substance ne feront jamais trois personnes diverses existantes en mкme temps. Ainsi je m'imagine que ce M. S-ht, quel qu'il puisse кtre, ne se sera point contentй de cela. Il faut donc dire qu'il y a des relations dans la substance divine, qui distinguent les per sonnes, puisque ces personnes ne sauraient кtre des substances absolues. Mais il faut dire aussi que ces relations doivent кtre substantielles, qui ne s'expliquent pas assez par de simples modalitйs. De plus il faut dire que les personnes divines ne sont pas le mкme concret sous diffйrentes dйnominations ou relations, comme serait un mкme homme, qui est poиte et orateur, mais trois diffйrents concrets respectifs dans un seul concret absolu. Il faut dire aussi que les trois personnes ne sont pas des substances aussi absolues que le tout.

Il faut avouer qu'il n'y a aucun exemple dans la nature, qui rйponde assez а cette notion des personnes divines. Mais il n'est point nйcessaire qu'on en puisse trouver, et il suffit que ce qu'on en vient de dire n'implique aucune contradiction ni absurditй. La substance divine a sans doute des privilиges qui passent toutes les autres substances. Cependant, comme nous ne connaissons pas assez toute la nature, nous ne pouvons pas assurer non plus qu'il n'y a, et qu'il n'y peut avoir aucune substance absolue, qui en contienne plusieurs respectives.

Cependant, pour rendre ces notions plus aisйes par quelque chose d'approchant, je ne trouve rien dans les crйatures de plus propre а illustrer ce sujet, que la rйflexion des esprits, lorsqu'un mкme esprit est son propre objet immйdiat et agit sur soi-mкme, en pensant а soi-mкme et а ce qu'il fait. Car le redoublement donne une image ou ombre de deux substances respectives dans une mкme substance absolue, savoir de celle qui entend, et de celle qui est entendue; L'un et l'autre de ces кtres est substantiel, L'un et l'autre est un concret individu, et ils diffиrent par des relations mutuelles, mais ils ne font qu'une seule et mкme substance individuelle absolue. Je n'ose pour tant pas porter la comparaison assez loin, et je n'entreprends point d'avancer que la diffйrence qui est entre les trois personnes divines, n'est plus grande que celle qui est entre ce qui entend et ce qui est entendu, lorsqu'un esprit fini pense а soi, d'autant plus que ce qui est modal, accidentel, imparfait, et mutable en nous, est rйel, essentiel, achevй et immutable en Dieu. C'est assez que ce redoublement est comme une trace des personnalitйs divines. Ce pendant la S. Йcriture, appelant le Fils, Verbe ou Logos, c'est-а-dire verbe mental, paraоt nous donner а entendre que rien n'est plus propre а nous йclaircir ces choses, que l'analogie des opйrations mentales. C'est aussi pour cela que les Pиres ont rapporlй sa volontй au Saint Esprit, comme ils ont rapportй l'entendenment au Fils, et la puissance au Pиre, en distinguant le pouvoir, le savoir et le vouloir, ou bien le Pиre, le Verbe et l'Amour.


SYSTИME NOUVEAU DE LA NATURE ET DE LA COMMUNICATION

DES SUBSTANCES AUSSI BIEN QUE DE L'UNION QU'IL Y A ENTRE

L'ВME ET LE CORPS.


1. Il y a plusieurs annйes que j'ai conзu ce systиme, et que j'en ai communiquй avec des savants hommes, et surtout avec un des plus grands Thйologiens et Philosophes de notre temps, qui ayant appris quelques-uns de mes sentiments par une personne de la plus haute qualitй, les avait trouvйs fort paradoxes. Mais ayant reзu mes йclaircissements, il se rйtracta de la maniиre la plus gйnйreuse et la plus йdifiante du monde, et ayant approuvй une partie de mes propositions, il fit cesser sa censure а l'йgard des autres dont il ne demeurait pas encore d'accord. Depuis ce temps-lа j'ai continuй mes mйditations selon les occasions, pour ne donner au public que des opinions bien examinйes: et j'ai tвchй aussi de satisfaire aux objections faites contre mes essais de Dynamique qui ont de la liaison avec ceci. Enfin des personnes considйrables ayant dйsirй de voir mes sentiments plus йclaircis, j'ai hasardй ces mйditations, quoiqu'elles ne soient nullement populaires, ni propres а кtre goыtйes de toute sorte d'esprits. Je m'y suis portй principalement pour profiter des jugements de ceux qui sont йclairйs en ces matiиres, puisqu'il serait trop embarrassant de chercher et de sommer en particulier ceux qui seraient disposйs а me donner des instructions, que je serai toujours bien aise de recevoir, pourvu que l'amour de la vйritй y paraisse plutфt que la passion pour les opinions dont on est prйvenu.

2. Quoique je sois un de ceux qui ont fort travaillй sur les Mathйmatiques, je n'ai pas laissй de mйditer sur la philosophie dиs ma jeunesse, car il me paraissait toujours qu'il y avait moyen d'y йtablir quelque chose de solide par des dйmonstrations claires. J'avais pйnйtrй bien avant dans le pays des scolastiques, lorsque les Mathйmatiques et les Auteurs modernes m'en firent sortir encore bien jeune. Leurs belles maniиres d'expliquer la nature mйcaniquement me charmиrent, et je mйprisais avec raison la mйthode de ceux qui n'emploient que des formes ou des facultйs dont on n'apprend rien. Mais depuis, ayant tвchй d'approfondir les principes mкmes de la Mйcanique, pour rendre raison des lois de la nature que l'expйrience faisait connaоtre, je m'aperзus que la seule considйration d'une masse йtendue ne suffisait pas, et qu'il fallait employer encore la notion de la force, qui est trиs intelligible, quoiqu'elle soit du ressort de la Mйtaphysique. Il me paraissait aussi, que l'opinion de ceux qui transforment ou dйgradent les bкtes en pures machines, quoiqu'elle semble possible, est hors d'apparence, et mкme contre l'ordre des choses.

3. Au commencement, lorsque je m'йtais affranchi du joug d'Aristote, j'avais donnй dans le vide et dans les Atomes, car c'est ce qui remplit le mieux l'imagination. Mais en йtant revenu, aprиs bien des mйditations, je m'aperзus qu'il est impossible de trouver les principes d'une vйritable Unitй dans la matiиre seule ou dans ce qui n'est que passif, puisque tout n'y est que collection ou amas de parties jusqu'а l'infini. Or la multitude ne pouvant avoir sa rйalitй que des unitйs vйritables qui viennent d'ailleurs et sont tout autre chose que les points dont il est constant que le continu ne saurait кtre composй; donc pour trouver ces unitйs rйelles, je fus contraint de recourir а un atome formel, puisqu'un кtre matйriel ne saurait кtre en mкme temps matйriel et parfaitement indivisible, ou douй d'une vйritable unitй. Il fallut donc rappeler et comme rйhabiliter les formes substantielles, si dйcriйes aujourd'hui, mais d'une maniиre qui les rendоt intelligibles et qui sйparвt l'usage qu'on en doit faire de l'abus qu'on en a fait. Je trouvai donc que leur nature consiste dans la force et que de cela s'ensuit quelque chose d'analogique au sentiment et а l'appйtit; et qu'ainsi il fallait les concevoir а l'imitation de la notion que nous avons des вmes. Mais comme l'вme ne doit pas кtre employйe pour rendre raison du dйtail de l'йconomie du corps de l'animal, je jugeai de mкme qu'il ne fallait pas employer ces formes pour expliquer les problиmes particuliers de la nature, quoiqu'elles soient nйcessaires pour йtablir des vrais principes gйnйraux. Aristote les appelle entйlйchies premiиres, je les appelle peut-кtre plus intelligiblement forces primitives, qui ne contiennent pas seulement l'acte ou le complйment de la possibilitй, mais encore une activitй originale.

4. Je voyais que ces formes et ces вmes devaient кtre indivisibles, aussi bien que notre Esprit, comme en effet je me souvenais que c'йtait le sentiment de saint Thomas а l'йgard des вmes des bкtes. Mais cette vйritй renouvelait les grandes difficultйs de l'origine et de la durйe des вmes et des formes. Car toute substance simple qui a une vйritable unitй, ne pouvant avoir son commencement ni sa fin que par miracle, il s'ensuit qu'elles ne sauraient commencer que par crйation ni finir que par annihilation. Ainsi (exceptй les Вmes que Dieu veut encore crйer exprиs) j'йtais obligй de reconnaоtre qu'il faut que les formes constitutives des substances aient йtй crййes avec le monde, et qu'elles subsistent toujours. Aussi quelques Scolastiques, comme Albert le Grand et Jean Bachon, avaient entrevu une partie de la vйritй sur leur origine. Et la chose ne doit point paraоtre extraordinaire, puisqu'on ne donne aux formes que la durйe, que les Gassendistes accordent а leurs Atomes.

5. Je jugeais pourtant qu'il n'y fallait point mкler indiffйremment ou confondre avec les autres formes ou вmes les Esprits ni l'вme raisonnable, qui sont d'un ordre supйrieur, et ont incomparablement plus de perfection que ces formes enfoncйes dans la matiиre qui se trouvent partout а mon avis, йtant comme des petits Dieux au prix d'elles, faits а l'image de Dieu, et ayant en eux quelque rayon des lumiиres de la Divinitй. C'est pourquoi Dieu gouverne les Esprits, comme un Prince gouverne ses sujets, et mкme comme un pиre a soin de ses enfants; au lieu qu'il dispose des autres substances, comme un Ingйnieur manie ses machines. Ainsi les esprits ont des lois particuliиres, qui les mettent au dessus des rйvolutions de la matiиre par l'ordre mкme que Dieu y a mis, et on peut dire que tout le reste n'est fait que pour eux, ces rйvolutions mкmes йtant accommodйes а la fйlicitй des bons, et au chвtiment des mйchants.

6. Cependant, pour revenir aux formes ordinaires, ou aux Вmes brutes, cette durйe qu'il leur faut attribuer, а la place de celle qu'on avait attribuйe aux atomes, pourrait faire douter si elles ne vont pas de corps en corps, ce qui serait la Mйtempsycose, а peu prиs comme quelques Philosophes ont cru la transmission du mouvement et celle des espиces. Mais cette imagination est bien йloignйe de la nature des choses. Il n'y a point de tel passage, et c'est ici oщ les transformations de Messieurs Swammerdam, Malpighi et Leewenhoeck, qui sont des plus excellents observateurs de notre temps, sont venues а mon secours, et m'ont fait admettre plus aisйment, que l'animal et toute autre substance organisйe ne commence point, lorsque nous le croyons, et que sa gйnйration apparente n'est qu'un dйveloppement, et une espиce d'augmentation. Aussi ai-je remarquй que l'Auteur de La Recherche de la Vйritй, M. Regis, M. Hartsoeker et d'autres habiles hommes n'ont pas йtй fort йloignйs de ce sentiment.

7. Mais il restait encore la plus grande question de ce que ces вmes ou ces formes deviennent par la mort de l'animal, ou par la destruction de l'individu de la substance organisйe. Et c'est ce qui embarrasse le plus, d'autant qu'il paraоt peu raisonnable que les вmes restent inutilement dans un chaos de matiиre confuse. Cela m'a fait juger enfin qu'il n'y avait qu'un seul parti raisonnable а prendre; et c'est celui de la conservation non seulement de l'вme, mais encore de l'animal mкme et de sa machine organique; quoique la destruction des parties grossiиres l'ait rйduit а une petitesse qui n'йchappe pas moins а nos sens que celle oщ il йtait avant que de naоtre. Aussi n'y a-t-il personne qui puisse bien marquer le vйritable temps de la mort, laquelle peut passer longtemps pour une simple suspension des actions notables, et dans le fond n'est jamais autre chose dans les simples animaux: tйmoin les ressuscitations des mouches noyйes et puis ensevelies sous de la craie pulvйrisйe, et plusieurs exemples semblables qui font assez connaоtre qu'il y aurait bien d'autres ressuscitations, et de bien plus loin, si les hommes йtaient en йtat de remettre la machine. Et il y a de l'apparence que c'est de quelque chose d'approchant que le grand Dйmocrite a parlй, tout Atomiste qu'il йtait, quoique Pline s'en moque. Il est donc naturel que l'animal ayant toujours йtй vivant et organisй (comme des per sonnes de grande pйnйtration commencent а le reconnaоtre) il le demeure aussi toujours. Et puisque ainsi il n'y a point de premiиre naissance ni de gйnйration entiиrement nouvelle de l'animal, il s'ensuit qu'il n'y en aura point d'extinction finale, ni de mort entiиre prise а la rigueur mйtaphysique; et que par consйquent au lieu de la transmigration des вmes, il n'y qu'une transformation d'un mкme animal, selon que les organes sont pliйs diffйremment, et plus ou moins dйveloppйs.

8. Cependant les Вmes raisonnables suivent des lois bien plus relevйes, et sont exemptes de tout ce qui leur pourrait faire perdre la qualitй de citoyens de la sociйtй des esprits, Dieu y ayant si bien pourvu, que tous les changements de la matiиre ne leur sauraient faire perdre les qualitйs morales de leur personnalitй. Et on peut dire que tout tend а la perfection non seulement de l'Univers en gйnйral, mais encore de ces crйatures en particulier, qui sont destinйes а un tel degrй de bon heur, que l'Univers s'y trouve intйressй en vertu de la bontй divine qui se communique а un chacun autant que la souveraine Sagesse le peut permettre.

9. Pour ce qui est du corps ordinaire des animaux et d'autres substances corporelles, dont on a cru jusqu'ici l'extinction entiиre et dont les changements dйpendent plutфt des rиgles mйcaniques que des lois morales, je remarquai avec plaisir que l'ancien auteur du livre de la Diиte qu'on attribue а Hippocrate, avait entrevu quel que chose de la vйritй, lorsqu'il a dit en termes exprиs, que les animaux ne naissent et ne meurent point, et que les choses qu'on croit commencer et pйrir, ne font que paraоtre et disparaоtre. C'йtait aussi le sentiment de Parmйnide et de Mйlisse chez Aristote. Car ces anciens йtaient plus solides qu'on ne croit.

10. Je suis le mieux disposй du monde а rendre justice aux modernes; cependant je trouve qu'ils ont portй la rйforme trop loin, entre autres en confondant les choses naturelles avec les artificielles, pour n'avoir pas eu assez grandes Idйes de la majestй de la nature. Ils conзoivent que la diffйrence qu'il y a entre ses machines et les nфtres, n'est que du grand au petit. Ce qui a fait dire depuis peu а un trиs habile homme, qu'en regardant la nature de prиs, on la trouve moins admirable qu'on n'avait cru, n'йtant que comme la boutique d'un ouvrier. Je crois que ce n'est pas en donner une idйe assez juste ni assez digne d'elle, et il n'y a que notre systиme qui fasse connaоtre enfin la vйritable et immense distance qu'il y a entre les moindres productions et mйcanismes de la sagesse divine, et entre les plus grands chefs-d'oeuvre de l'art d'un esprit bornй; cette diffйrence ne consistant pas seulement dans le degrй, mais dans le genre mкme. Il faut donc savoir que les Machines de la nature ont un nombre d'organes vйritablement infini, et sont si bien munies et а l'йpreuve de tous les accidents, qu'il n'est pas possible de les dйtruire. Une machine naturelle demeure encore machine dans ses moindres parties, et qui plus est, elle demeure toujours cette mкme machine qu'elle a йtй, n'йtant que transformйe par des diffйrents plis qu'elle reзoit, et tantфt йtendue, tantфt resserrйe et comme concentrйe lorsqu'on croit qu'elle est perdue.

11. De plus, par le moyen de l'вme ou forme, il y a une vйritable unitй qui rйpond а ce qu'on appelle moi en nous; ce qui ne saurait avoir lieu ni dans les machines de l'art, ni dans la simple masse de la matiиre, quelque organisйe qu'elle puisse кtre; qu'on ne peut considйrer que comme une armйe ou un troupeau, ou comme un йtang plein de poissons, ou comme une montre composйe de ressorts et de roues. Cependant s'il n'y avait point de vйritables unitйs substantielles, il n'y aurait rien de substantiel ni de rйel dans la collection. C'йtait ce qui avait forcй M. Cordemoy а abandonner Descartes, en embrassant la doctrine des Atomes de Dйmocrite, pour trouver une vйritable unitй. Mais les Atomes de matiиre sont contraires а la raison: outre qu'ils sont encore composйs de parties, puisque l'attachement invincible d'une partie а l'autre (quand on le pourrait concevoir ou supposer avec raison) ne dйtruirait point leur diversitй. Il n'y a que les Atomes de substance, c'est-а-dire les unitйs rйelles et absolument destituйes de parties, qui soient les sources des actions, et les premiers principes absolus de la composition des choses, et comme les derniers йlйments de l'analyse des choses substantielles. On les pourrait appeler points mйtaphysiques: ils ont quelque chose de vital et une espиce de perception, et les points mathйmatiques sont leurs points de vue, pour exprimer l'univers. Mais quand les substances corporelles sont resserrйes, tous leurs organes ensemble ne font qu'un point physique а notre йgard. Ainsi les points physiques ne sont indivisibles qu'en apparence: les points mathйmatiques sont exacts, mais ce ne sont que des modalitйs: il n'y a que les points mйtaphysiques ou de substance (constituйs par les formes ou вmes) qui soient exacts et rйels, et sans eux il n'y aurait rien de rйel, puisque sans les vйritables unitйs il n'y aurait point de multitude.

12. Aprиs avoir йtabli ces choses, je croyais entrer dans le port; mais lorsque je me mis а mйditer sur l'union de l'вme avec le corps, je fus comme rejetй en pleine mer. Car je ne trouvais aucun moyen d'expliquer comment le corps fait passer quelque chose dans l'вme ou vice versa, ni comment une substance peut communiquer avec une autre substance crййe. M. Descartes avait quittй la partie lа-dessus, autant qu'on le peut connaоtre par ses йcrits: mais ses disciples voyant que l'opinion commune est inconcevable, jugиrent que nous sentons les qualitйs des corps, parce que Dieu fait naоtre des pensйes dans l'вme а l'occasion des mouvements de la matiиre; et lorsque notre вme veut remuer le corps а son tour, ils jugиrent que c'est Dieu qui le remue pour elle. Et comme la communication des mouvements leur paraissait encore inconcevable, ils ont cru que Dieu donne du mouvement а un corps а l'occasion du mouvement d'un autre corps. C'est ce qu'ils appellent le Systиme des Causes occasionnelles, qui a йtй fort mis en vogue par les belles rйflexions de l'Auteur de La Recherche de la Vйritй.

13. Il faut avouer qu'on a bien pйnйtrй dans la difficultй, en disant ce qui ne se peut point; mais il ne paraоt pas qu'on l'ait levйe en expliquant ce qui se fait effective ment. Il est bien vrai qu'il n'y a point d'influence rйelle d'une substance crййe sur l'autre, en parlant selon la rigueur mйtaphysique, et que toutes les choses, avec toutes leurs rйalitйs, sont continuellement produites par la vertu de Dieu: mais pour rйsoudre des problиmes, il n'est pas assez d'employer la cause gйnйrale, et de faire venir ce qu'on appelle Deum ex machina. Car lorsque cela se fait sans qu'il y ait autre explication qui se puisse tirer de l'ordre des causes secondes, c'est proprement recourir au miracle. En Philosophie il faut tвcher de rendre raison, en faisant connaоtre de quelle faзon les choses s'exйcutent par la sagesse divine, conformйment а la notion du sujet dont il s'agit.

14. Йtant donc obligй d'accorder qu'il n'est pas possible que l'вme ou quelque autre vйritable substance puisse recevoir quelque chose par dehors, si ce n'est pas la toute-puissance divine, je fus conduit insensiblement а un sentiment qui me surprit, mais qui paraоt inйvitable, et qui en effet a des avantages trиs grands et des beautйs bien considйrables. C'est qu'il faut donc dire que Dieu a crйй d'abord l'вme, ou toute autre unitй rйelle de telle sorte, que tout lui doit naоtre de son propre fonds, par une parfaite spontanйitй а l'йgard d'elle-mкme, et pour tant avec une parfaite conformitй aux choses de dehors. Et qu'ainsi nos sentiments intйrieurs (c'est-а-dire, qui sont dans l'вme mкme, et non pas dans le cerveau, ni dans les parties subtiles du corps) n'йtant que des phйnomиnes suivis sur les кtres externes, ou bien des apparences vйritables, et comme des songes bien rйglйs, il faut que ces perceptions internes dans l'вme mкme lui arrivent par sa propre constitution originale, c'est-а-dire par la nature reprйsentative (capable d'exprimer les кtres hors d'elle par rapport а ses organes) qui lui a йtй donnйe dиs sa crйation, et qui fait son caractиre individuel. Et c'est ce qui fait que chacune de ces substances, reprйsentant exactement tout l'univers а sa maniиre et suivant un certain point de vue, et les perceptions ou expressions des choses externes arrivant а l'вme а point nommй, en vertu de ses propres lois, comme dans un monde а part, et comme s'il n'existait rien que Dieu et elle (pour me servir de la maniиre de parler d'une certaine personne d'une grande йlйvation d'esprit, dont la saintetй est cйlйbrйe), il y aura un parfait accord entre toutes ces substances, qui fait le mкme effet qu'on remarquerait si elles communiquaient ensemble par une transmission des espиces, ou des qualitйs que le vulgaire des Philosophes s'imagine. De plus, la masse organisйe, dans laquelle est le point de vue de l'вme, йtant exprimйe plus prochainement par elle, et se trouvant rйciproque ment prкte а agir d'elle-mкme, suivant les lois de la machine corporelle, dans le moment que l'вme le veut, sans que l'un trouble les lois de l'autre, les esprits et le sang ayant justement alors les mouvements qu'il leur faut pour rйpondre aux passions et aux perceptions de l'вme, c'est ce rapport mutuel rйglй par avance dans chaque substance de l'univers, qui produit ce que nous appelons leur communication, et qui fait uniquement l'union de l'вme et du corps. Et l'on peut entendre par lа comment l'вme a son siиge dans le corps par une prйsence immйdiate, qui ne saurait кtre plus grande, puisqu'elle y est comme l'unitй est dans le rйsultat des unitйs qui est la multitude.

15. Cette hypothиse est trиs possible. Car pourquoi Dieu ne pourrait-il pas donner d'abord а la substance une nature ou force interne qui lui puisse produire par ordre (comme dans un Automate spirituel ou formel, mais libre en celle qui a la raison en partage) tout ce qui lui arrivera, c'est-а-dire, toutes les apparences ou expressions qu'elle aura, et cela sans le secours d'aucune crйature? D'autant plus que la nature de la substance demande nйcessairement et enveloppe essentiellement un progrиs ou un changement, sans lequel elle n'aurait point de force d'agir. Et cette nature de l'вme йtant reprйsentative de l'univers d'une maniиre trиs exacte (quoique plus ou moins distincte), la suite des reprйsentations que l'вme se produit, rйpondra naturellement а la suite des changements de l'univers mкme: comme en йchange le corps a aussi йtй accommodй а l'вme, pour les rencontres oщ elle est conзue comme agissante au-dehors: ce qui est d'autant plus raisonnable, que les corps ne sont faits que pour les esprits seuls capables d'entrer en sociйtй avec Dieu, et de cйlйbrer sa gloire. Ainsi dиs qu'on voit la possibilitй de cette Hypothиse des accords, on voit aussi qu'elle est la plus raisonnable, et qu'elle donne une merveilleuse idйe de l'harmonie de l'univers et de la perfection des ouvrages de Dieu.

16. Il s'y trouve aussi ce grand avantage, qu'au lieu de dire, que nous ne sommes libres qu'en apparence et d'une maniиre suffisante а la pratique, comme plu sieurs personnes d'esprit ont cru, il faut dire plutфt que nous ne sommes entraоnйs qu'en apparence, et que dans la rigueur des expressions mйtaphysiques, nous sommes dans une parfaite indйpendance а l'йgard de l'influence de toutes les autres crйatures. Ce qui met encore dans un jour merveilleux l'immortalitй de notre вme, et la conservation toujours uniforme de notre individu, parfaitement bien rйglйe par sa propre nature, а l'abri de tous les accidents de dehors, quelque apparence qu'il y ait du contraire. Jamais systиme n'a mis notre йlйvation dans une plus grande йvidence. Tout Esprit йtant comme un Monde а part, suffisant а lui-mкme, indйpendant de toute autre crйature, enveloppant l'infini, exprimant l'univers, il est aussi durable, aussi subsistant, et aussi absolu que l'univers lui-mкme des crйatures. Ainsi on doit juger qu'il y doit toujours faire figure de la maniиre la plus propre а contribuer а la perfection de la sociйtй de tous les esprits, qui fait leur union morale dans la Citй de Dieu. On y trouve aussi une nouvelle preuve de l'existence de Dieu, qui est d'une clartй surprenante. Car ce parfait accord de tant de substances qui n'ont point de communication ensemble, ne saurait venir que de la cause commune.

17. Outre tous ces avantages qui rendent cette Hypothиse recommandable, on peut dire que c'est quelque chose de plus qu'une Hypothиse, puisqu'il ne paraоt guиre possible d'expliquer les choses d'une autre maniиre intelligible, et que plusieurs grandes difficultйs qui ont jusqu'ici exercй les esprits, semblent disparaоtre d'elles-mкmes quand on l'a bien comprise. Les maniиres de parler ordinaires se sauvent encore trиs bien. Car on peut dire que la substance dont la disposition rend raison du changement, d'une maniиre intelligible, en sorte qu'on peut juger que c'est а elle que les autres ont йtй accommodйes en ce point dиs le commencement, selon l'ordre des dйcrets de Dieu, est celle qu'on doit concevoir en cela, comme agissante ensuite sur les autres. Aussi l'action d'une substance sur l'autre n'est pas une йmission ni une transplantation d'une entitй, comme le vulgaire le conзoit, et ne saurait кtre prise raisonnablement que de la maniиre que je viens de dire. Il est vrai qu'on conзoit fort bien dans la matiиre et des йmissions et des rйceptions des parties, par les quelles on a raison d'expliquer mйcaniquement tous les phйnomиnes de Physique; mais comme la masse matйrielle n'est pas une substance, il est visible que l'action а l'йgard de la substance mкme ne saurait кtre que ce que je viens de dire.

18. Ces considйrations, quelque mйtaphysiques qu'elles paraissent, ont encore un merveilleux usage dans la Physique pour йtablir les lois du mouvement, comme nos Dynamiques le pourront faire connaоtre. Car on peut dire que dans le choc des corps chacun ne souffre que par son propre ressort, cause du mouvement qui est dйjа en lui. Et quant au mouvement absolu, rien ne peut le dйterminer mathйmatiquement, puisque tout se termine en rapports: ce qui fait qu'il y a toujours une parfaite йquivalence des Hypothиses, comme dans l'Astronomie, en sorte que quelque nombre de corps qu'on prenne, il est arbitraire d'assigner le repos ou bien un tel degrй de vitesse а celui qu'on en voudra choisir, sans que les phйnomиnes du mouvement droit, circulaire, ou composй, le puissent rйfuter. Cependant il est raisonnable d'attribuer aux corps des vйritables mouvements, suivant la supposition qui rend raison des phйnomиnes, de la maniиre la plus intelligible, cette dйnomination йtant conforme а la notion de l'Action, que nous venons d'йtablir.


LETTRE А M. ARNAULD, DOCTEUR EN SORBONNE, OЩ IL LUI

EXPOSE SES SENTIMENTS PARTICULIERS SUR LA MЙTAPHYSIQUE ET

LA PHYSIQUE


Monsieur,

Je suis maintenant sur le point de retourner chez moi aprиs un grand voyage entrepris par ordre de mon prince, servant pour des recherches historiques oщ j'ai trouvй des diplфmes, titres et preuves indubitables, propres а justifier la commune origine des sйrйnissimes maisons de Brunswick et d'Este que MM. Justel, du Cange et autres avaient grande raison de rйvoquer en doute, parce qu'il y avait des contradictions et faussetйs dans les historiens d'Este а cet йgard avec une entiиre confusion des temps et des personnes. A prйsent, je pense а me remettre et а reprendre le premier train; et vous ayant йcrit il y a deux ans, un peu avant mon dйpart, je prends cette mкme libertй pour m'informer de votre santй et pour vous faire connaоtre combien les idйes de votre mйrite йminent me sont toujours prйsentes dans l'esprit. Quand j'йtais а Rome, je vis la dйnonciation d'une nouvelle lettre qu'on attribuait а vous ou а vos amis. Et depuis, je vis la lettre du R. P. Mabillon а un de mes amis, oщ il y avait que l'Apologie du R. P. Le Tellier pour les missionnaires contre La Morale Pratique des Jйsuites avait donnй а plusieurs des impressions favorables а ces Pиres, mais qu'il avait entendu que vous y aviez rйpliquй, et qu'on disait que vous y aviez annihilй gйomйtriquement les raisons de ce Pиre. Tout cela m'a fait juger que vous кtes encore en йtat de rendre service au public, et je prie Dieu que ce soit pour longtemps. Il est vrai qu'il y va de mon intйrкt; mais c'est un intйrкt louable, qui me peut donner moyen d'apprendre, soit en commun avec tous les autres qui liront vos ouvrages, soit en particulier, lorsque vos jugements m'instruiront, si le peu de loisir que vous avez me permet d'espйrer encore quelquefois cet avantage.

Comme ce voyage a servi en partie а me dйlasser l'esprit des occupations ordinaires, j'ai eu la satisfaction de converser avec plusieurs habiles gens, en matiиre de sciences et d'йrudition et j'ai communiquй, а quelques-uns mes pensйes particuliиres, que vous savez, pour profiter de leurs doutes et difficultйs; et il y en a eu qui, n'йtant pas satisfaits des doctrines communes, ont trouvй une satisfaction extraordinaire dans quelques-uns de mes sentiments; ce qui m'a portй а les coucher par йcrit, afin qu'on les puisse communiquer plus aisйment; et peut-кtre en ferai-je imprimer un jour quelques exemplaires sans mon nom, pour en faire part а des amis seulement, afin d'en avoir leur jugement. Je voudrais que vous les puissiez examiner premiиrement, et c'est pour cela que j'en ai fait l'abrйgй que voici.

Le corps est un agrйgй de substances, et ce n'est pas une substance а proprement parler. Il faut, par consйquent, que partout dans le corps il se trouve des substances indivisibles, ingйnйrables et incorruptibles, ayant quelque chose de rйpondant aux вmes. Que toutes ces substances ont toujours йtй et seront toujours unies а des corps organiques diversement transformables. Que chacune de ces substances contient dans sa nature legem continuationis seriei suarum operationum et tout ce qui lui est arrivй et arrivera. Que toutes ses actions viennent de son propre fond, exceptй la dйpendance de Dieu. Que chaque substance exprime l'univers tout entier, mais l'une plus distincte ment que l'autre, surtout chacune а l'йgard de certaines choses et selon son point de vue. Que l'union de l'вme avec le corps, et mкme l'opйration d'une substance sur l'autre, ne consiste que dans ce parfait accord mutuel йtabli exprиs par l'ordre de la premiиre crйation, en vertu duquel chaque substance, suivant ses propres lois, se rencontre dans ce que demandent les autres; et les opйrations de l'une suivent ou accompagnent ainsi l'opйration ou le changement de l'autre. Que les intelligences ou вmes capables de rйflexion et de la connaissance des vйritйs йternelles et de Dieu ont bien des privilиges qui les exemptent des rйvolutions des corps. Que pour elles il faut joindre les lois morales aux physiques. Que toutes les choses sont faites pour elles principalement. Qu'elles forment ensemble la rйpublique de l'univers, dont Dieu est le monarque. Qu'il y a une parfaite justice et police observйe dans cette citй de Dieu, et qu'il n'y a point de mauvaise action sans chвtiment, ni de bonne sans une rйcompense proportionnйe. Que plus on connaоtra les choses, plus on les trouvera belles et conformes aux souhaits qu'un sage pourrait former. Qu'il faut toujours кtre content de l'ordre du passй, parce qu'il est conforme а la volontй de Dieu absolue, qu'on connaоt par l'йvйnement; mais qu'il faut tвcher de rendre l'avenir, autant qu'il dйpend de nous, conforme а la volontй de Dieu prйsomptive ou а ses commandements, orner notre Sparte et travailler а faire du bien, sans se chagriner pourtant lorsque le succиs y manque, dans la ferme crйance que Dieu saura trouver le temps le plus propre aux changements en mieux. Que ceux qui ne sont pas contents de l'ordre des choses ne sauraient se vanter d'aimer Dieu comme il faut. Que la justice n'est autre chose que la charitй du sage. Que la charitй est une bienveillance universelle, dont le sage dispense l'exйcution conformйment aux mesures de la raison, afin d'obtenir le plus grand bien. Et que la sagesse est la science de la fйlicitй ou des moyens de parvenir au contentement durable, qui consiste dans un acheminement continuel а une plus grande perfection, ou au moins dans la variation d'un mкme degrй de perfection.

A l'йgard de la physique, il faut entendre la nature de la force toute diffйrente du mouvement, qui est quelque chose de plus relatif. Qu'il faut mesurer cette force par la quantitй de l'effet. Qu'il y a une force absolue, une force directive et une force respective. Que chacune de ces forces se conserve dans le mкme degrй dans l'univers ou dans chaque machine non communicante avec les autres et que les deux derniиres forces, prises ensemble, composent la premiиre ou l'absolue. Mais qu'il ne se conserve pas la mкme quantitй de mouvement, puisque je montre qu'autrement le mouvement perpйtuel serait tout trouvй, et que l'effet serait plus puissant que sa cause.

Il y a dйjа quelque temps que j'ai publiй dans les Actes de Leipsig un Essai physique, pour trouver les causes physiques des mouvements des astres. Je pose pour fondement que tout mouvement d'un solide dans le fluide, qui se fait en ligne courbe, ou dont la vйlocitй est continuellement difforme, vient du mouvement du fluide mкme. D'oщ je tire cette consйquence que les astres ont des orbes dйfйrents, mais fluides. J'ai dйmontrй une proposition importante gйnйrale que tout corps qui se meut d'une circulation harmonique (c'est-а-dire en sorte que les distances du centre йtant en progression arithmйtique, les vйlocitйs soient en progression harmonique, ou rйciproques aux distances), et qui a de plus un mouvement paracentrique, c'est-а-dire de gravitй ou de lйvitй а l'йgard du mкme centre (quelque loi que garde cette attraction ou rйpulsion), a les aires nйcessairement comme les temps, de la maniиre que Kйpler l'a observйe dans les planиtes. Puis considйrant, ex observationibus, que ce mouvement est elliptique, je trouve que la loi du mouvement paracentrique, lequel, joint а la circulation harmonique, dйcrit des ellipses, doit кtre telle que les gravitations soient rйciproquement comme les carrйs des distances, c'est-а- dire comme les illuminations ex sole.

Je ne vous dirai rien de mon calcul des incrйments ou diffйrences, par lequel je donne les touchantes sans lever les irrationalitйs et fractions, lors mкme que l'inconnue y est enveloppйe, et j'assujettis les quadratures et problиmes transcendants а l'analyse. Et je ne parlerai pas non plus d'une analyse toute nouvelle, propre а la gйomйtrie, et diffйrente entiиrement de l'algиbre; et moins encore de quelques autres choses, dont je n'ai pas encore eu le temps de donner des essais, que je souhaiterais de pouvoir toutes expliquer en peu de mots, pour en avoir votre sentiment, qui me servirait infiniment, si vous aviez autant de loisir que j'ai de dйfйrence pour votre jugement. Mais votre temps est trop prйcieux, et ma lettre est dйjа assez prolixe.

C'est pourquoi je finis ici, et je suis avec passion,

Monsieur,

Votre trиs humble et trиs obйissant serviteur,

Leibniz.

А Venise, ce 23 mars 1690


EXTRAIT D'UNE LETTRE POUR SOUTENIR CE QU'IL Y A DE LUI

DANS LE JOURNAL DES SAVANTS DU 18 JUIN 1691.


Pour prouver que la nature du corps ne consiste pas dans l'йtendue, je m'йtais servi d'un argument expliquй dans le Journal des Savants du 18 juin 1691, dont le fonde ment est, qu'on ne saurait rendre raison par la seule йtendue de l'inertie naturelle des corps, c'est-а-dire de ce qui fait que la matiиre rйsiste au mouvement, ou bien de ce qui fait qu'un corps qui se meut dйjа, ne saurait emporter avec soi un autre qui repose, sans en кtre retardй. Car l'йtendue en elle-mкme йtant indiffйrente au mouvement et au repos, rien ne devrait empкcher les deux corps d'aller de compagnie, avec toute la vitesse du premier, qu'il tвche d'imprimer au second. A cela on rйpond dans le Journal du 16 juillet de la mкme annйe (comme je n'ai appris que depuis peu) qu'effectivement le corps doit кtre indiffйrent au mouvement et au repos, supposй que son essence consiste а кtre seulement йtendu mais que nйanmoins un corps qui va pousser un autre corps, en doit кtre retardй (non pas а cause de l'йtendue, mais а cause de la force), parce que la mкme force qui йtait appliquйe а un des corps, est maintenant appliquйe а tous les deux. Or la force qui meut un des corps avec une certaine vitesse, doit mouvoir les deux ensembles avec moins de vitesse. C'est comme si on disait en d'autres termes, que le corps, s'il consiste dans l'йtendue, doit кtre indiffйrent au mouvement, mais qu'effectivement n'y йtant pas indiffйrent (puisqu'il rйsiste а ce qui lui en doit donner), il faut outre la notion de l'йtendue, employer celle de la force. Ainsi cette rйponse m'accorde justement ce que je veux. Et en effet ceux qui sont pour le systиme des causes occasionnelles, se sont dйjа fort bien aperзus que la force et les lois du mouvement qui en dйpendent, ne peuvent кtre tirйes de la seule йtendue, et comme ils ont pris pour accordй qu'il n'y a que de l'йtendue dans la matiиre, ils ont йtй obligйs de lui refuser la force et l'action, et d'avoir recours а la seule cause gйnйrale, qui est la pure volontй et action de Dieu. En quoi on peut dire qu'ils ont trиs bien raisonnй ex hypothesi. Mais l'hypothиse n'a pas encore йtй dйmontrйe, et comme la conclusion paraоt peu convenable en Physique, il y a plus d'apparence de dire qu'il y a du dйfaut dans l'Hypothиse (qui d'ailleurs souffre bien d'autres difficultйs) et qu'on doit reconnaоtre dans la matiиre quelque chose de plus que ce qui consiste dans le seul rapport а l'йtendue, laquelle (tout comme l'espace) est incapable d'action et de rйsistance, qui n'appartient qu'aux substances. Ceux qui veulent que l'йtendue mкme est une substance, renversent l'ordre des paroles aussi bien que des pensйes. Outre l'йtendue il faut avoir un sujet, qui soit йtendu, c'est-а-dire une substance а laquelle il appartienne d'кtre rйpйtйe ou continuйe. Car l'йtendue ne signifie qu'une rйpйtition ou multiplicitй continuйe de ce qui est rйpandu, une pluralitй, continuitй et coexistence des parties; et par consйquent elle ne suffit point pour expliquer la nature mкme de la substance rйpandue ou rйpйtйe, dont la notion est antйrieure а celle de sa rйpйtition.


LETTRE SUR LA QUESTION SI L'ESSENCE DU CORPS CONSISTE

DANS L'ЙTENDUE


Vous me demandez, Monsieur, les raisons que j'ai de croire que l'Idйe du Corps ou de la matiиre est autre que celle de l'йtendue. Il est vrai, comme vous dites que bien d'habiles gens sont prйvenus aujourd'hui de ce sentiment, que l'essence du corps consiste dans la longueur, largeur et profondeur. Cependant il y en a encore, qu'on ne peut pas accuser de trop d'attachement а la scolastique, qui n'en sont pas contents.

M. Nicole dans un endroit de ses essais tйmoigne d'кtre de ce nombre, et il lui semble qu'il y a plus de prйvention que de lumiиre dans ceux qui ne paraissent pas effrayйs des difficultйs, qui s'y trouvent.

Il faudrait un discours fort ample pour expliquer bien distinctement ce que je pense lа-dessus; cependant voici quelques considйrations que je soumets а votre jugement dont je vous supplie de me faire part.

Si l'essence du corps consistait dans l'йtendue, cette йtendue seule devait suffire pour rendre raison de toutes les affections du corps: mais cela n'est point. Nous remarquons dans la matiиre une qualitй, que quelques-uns ont appelйe l'inertie Naturelle, par laquelle le corps rйsiste en quelque faзon au mouvement, en sorte qu'il faut employer quelque force pour l'y mettre (faisant mкme abstraction de la pesanteur) et qu'un grand corps est plus difficilement йbranlй qu'un petit corps. Par exemple fig. 1:

[La figure mise ici reprйsente un cercle, indexй de la lettre A et un carrй indйxй de la lettre B]

Si le corps A en mouvement rencontre le corps B en repos, il est clair que si le corps B йtait indiffйrent au mouvement ou au repos, il se laisserait pousser par le corps A, sans lui rйsister et sans diminuer la vitesse ou changer la direction du corps A; et aprиs le concours, A continuerait son chemin et B irait avec lui de compagnie, en le devanзant. Mais il n'en est pas ainsi dans la nature; plus le corps B est grand, plus diminuera-t-il la vitesse, avec laquelle vient le corps A, jusqu'а l'obliger mкme de rйflйchir si B est plus grand que A. Or s'il n'y avait dans les corps que l'йtendue, ou la situation, c'est-а-dire que ce que les Gйomиtres y connaissent; joint а la seule notion du changement, cette йtendue serait entiиrement indiffйrente а l'йgard de ce changement, et les rйsultats du concours des corps s'expliqueraient par la seule composition Gйomйtrique des mouvements, c'est-а-dire le corps aprиs le concours irait toujours d'un mouvement composй de l'impression qu'il avait avant le choc et de celle qu'il recevrait du corps concourant, pour ne le pas empкcher, c'est-а-dire, en ce cas de rencontre, il irait avec la diffйrence des deux vitesses et du cфtй de la direction.

[Il y a ici dans l'йdition d'A. Jacques, une coupure]

Lorsque le plus prompt atteindrait un plus lent, qui le devance, le plus lent recevrait la vitesse de l'autre, et gйnйralement; ils iraient toujours de compagnie aprиs le concours, et particuliиre ment (comme j'ai dit au commencement) celui qui est en mouvement emporterait avec lui celui qui est en repos, sans recevoir aucune diminution de sa vitesse, et sans qu'en tout ceci la grandeur, йgalitй ou inйgalitй des deux corps puisse rien changer; ce qui est entiиrement irrйconciliable avec les expйriences. Et quand on supposerait que la grandeur doit faire un changement au mouvement, on n'aurait point de principe pour dйterminer le moyen de l'estimer en dйtail, et pour savoir la direction et la vitesse rйsultante. En tout cas on penche rait а l'opinion de la conservation du mouvement, au lieu que je crois avoir dйmontrй, que la mкme force se conserve, et que sa quantitй est diffйrente de la quantitй du mouvement.

Tout cela fait connaоtre, qu'il y a dans la nature quelque autre chose que ce qui est purement Gйomйtrique, c'est-а-dire que l'йtendue et son changement tout nu. Et а le bien considйrer, on s'aperзoit qu'il y faut joindre quelque notion supйrieure ou mйtaphysique, savoir celle de la substance, action et force; et ces notions portent que tout ce qui pвtit, doit agir rйciproquement, et que tout ce qui agit, doit pвtir quelque rйaction, et par consйquent qu'un corps en repos ne doit кtre emportй par un autre en mouvement sans changer quelque chose de la direction et de la vitesse de l'agent.

Je demeure d'accord que naturelle ment tout corps est йtendu, et qu'il n'y a point d'йtendue sans corps; il ne faut pas nйanmoins confondre les notions du lieu, de l'espace ou de l'йtendue toute pure avec la notion de la substance, qui outre l'йtendue renferme aussi la rйsistance, c'est-а-dire l'action et passion.

Cette considйration me paraоt importante non seulement pour connaоtre la nature de la substance йtendue, mais aussi pour ne pas mйpriser dans la Physique les Principes supйrieurs et immatйriels, au prйjudice de la piйtй. Car quoique je sois persuadй que tout se fait mйcaniquement dans la nature corporelle, je ne laisse pas de croire aussi, que les Principes mкmes de la Mйcanique, c'est-а-dire les premiиres lois du mouvement, ont une origine plus sublime que celle que les pures Mathйmatiques peuvent fournir. Et je m'imagine que si cela йtait plus connu, ou mieux considйrй, bien des personnes de piйtй n'auraient pas si mauvaise opinion de la Philosophie corpusculaire, et les Philosophes modernes joindraient mieux la connaissance de la nature avec celle de son Auteur.

Je ne m'йtends pas sur d'autres raisons touchant la nature du corps, car cela me mиnerait trop loin.



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   l'adjonction d'une autre variante connue du texte, qui devra donc
   comporter la prйsente notice.

----------------------- FIN DE LA LICENCE ABU --------------------------------

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<IDENT leibnitzdiv>
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<IDENT_COPISTES dubreucqe>
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<TITRE Lettres et textes divers>
<GENRE prose>
<AUTEUR Leibnitz>
<COPISTE Eric Dubreucq ([email protected])>
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</NOTESPROD>
----------------------- FIN DE L'EN-TETE --------------------------------

------------------------- DEBUT DU FICHIER leibnitzdiv1 --------------------------------

TABLE

1) Sur le livre d'un antitrinitaire anglais

2) Systиme nouveau de la nature et de la communication des substances aussi bien que de l'union qu'il y a entre l'вme et le corps.

3) Lettre а M. Arnauld, docteur en sorbonne, oщ il lui expose ses sentiments particuliers sur la mйtaphysique et la physique

4) Extrait d'une lettre pour soutenir ce qu'il y a de lui dans le journal des savants du 18 juin 1691.

5) Lettre sur la question si l'essence du corps consiste dans l'йtendue

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SUR LE LIVRE D'UN ANTITRINITAIRE ANGLAIS,

Qui contient des considйrations sur plusieurs explications de la Trinitй;

Publiй l'an 1693-4.


Premiиrement je demeure d'accord que le commandement du culte suprкme d'un seul Dieu est le plus important de temps, et doit кtre considйrй comme le plus inviolable. C'est pourquoi je ne crois pas qu'on doive admettre trois substances absolues, dont chacune soit infinie, toute- puissante, йternelle, souverainement parfaite. Il parait aussi que c'est une chose trиs dangereuse pour le moins de concevoir le Verbe et le Saint-Esprit comme deux substances intellectuelles infйrieures au grand Dieu, et nйanmoins dignes d'un culte qui approche du culte que les paпens rendaient а leurs dieux, ou qui le surpasse plutфt. Ainsi je crois qu'on ne doit rendre des honneurs divins qu'а une seule substance individuelle, absolue, souveraine et infinie.

Cependant l'opinion Sabellienne, qui ne considиre le Pиre, le Fils et le Saint-Esprit, que comme trois noms, comme trois regards d'un mкme кtre, ne saurait s'accorder avec les passages de la sainte Йcriture, sans les violenter d'une йtrange maniиre. Aussi faut-il avouer que de mкme les explications que les Sociniens donnent aux passages, sont trиs violentes. Quant а nous, lorsqu'on dit: Le Pиre est Dieu, le Fils est Dieu, et le Saint-Esprit est Dieu, et l'un de ces trois n'est pas l'autre, et avec tout cela, il n'y a pas trois dieux, mais un seul; cela pourrait paraоtre une contradiction manifeste; car c'est juste ment en cela que consiste la notion de la pluralitй. Si A est C, et B est C, et si A n'est pas B, ni B n'est pas A, il faut dire qu'il y a deux C, c'est-а-dire: si Jean est homme et si Pierre est homme, et Jean n'est pas Pierre, et Pierre n'est pas Jean, il y Jura deux hommes, ou bien il faut avouer que nous ne savons pas ce que c'est que deux. Ainsi, si dans le Symbole attribuй а S. Athanase, ou il est dit que le Pиre est Dieu, que le Fils est Dieu, et que le Saint-Esprit est Dieu, et que cependant il n'y a qu'un Dieu, le mot ou terme de Dieu йtait toujours pris au mкme sens, tant en en nommant trois dont chacun est Dieu, qu'en disant qu'il n'y a qu'un Dieu; ce serait une contradiction insoutenable. Il faut donc dire que dans le premier cas il est pris pour une personne de la Divinitй, dont il y en a trois, et dans le second pour une substance absolue, qui est unique. Je sais qu'il y a des auteurs scolastiques qui croient que ce principe de logique ou de mйtaphysique: Qua a sunt eadem uni tertio, sunt eadem inter se, n'a point de lieu dans la Trinitй. Mais je crois que ce serait donner cause gagnйe aux Sociniens en renversant un des premiers principes du raisonnement humain, sans lequel on ne saurait plus raisonner sur rien, ni assurer aucune chose. C'est pourquoi j'ai йtй fort surpris de voir que des habiles gens parmi les thйologiens scolastiques ont avouй que ce qu'on dit de la Trinitй serait une contradiction formelle dans les crйatures. Car je crois que ce qui est contradiction dans les termes, l'est partout. (on pourrait sans doute se contenter d'en demeurer lа, et de dire seulement qu'on ne reconnaоt et n'adore qu'un seul et unique Dieu tout-puissant, et que dans l'essence unique de Dieu il y a trois per sonnes, le Pиre, le Fils ou Verbe, et le Saint Esprit; que ces trois personnes ont cette relation entre elles, que le Pиre est le principe des deux autres; que la production йternelle du Fils est appelйe naissance dans l'Йcriture, et celle du Saint-Esprit est appelйe procession; mais que leurs actions extйrieures sont communes, exceptй la fonction de l'incarnation avec ce qui en dйpend, qui est propre au Fils, et celle de la sanctification, qui est propre au Saint-Esprit d'une maniиre toute particuliиre.

Cependant les objections des adversaires ont fait qu'on est allй plus avant, et qu'on a voulu expliquer ce que c'est que personne. En quoi il a ctй d'autant plus difficile de rйussir, que les explications dйpendent des dйfinitions. Or ceux qui nous donnent des sciences ont coutume aussi de nous donner aussi des dйfinitions; mais il n'en est pas ainsi des lйgislateurs, et encore moins de la Religion. Ainsi la sainte Йcriture aussi bien que la tradition nous fournissant certains termes, et ne nous en donnant pas en mкme temps les dйfinitions prйcises, cela fait qu'en voulant expliquer les choses, nous sommes rйduits а faire des hypothиses possibles, а peu prиs comme on en fait dans l'astronomie. Et souvent les jurisconsultes sont obligйs d'en faire autant, cherchant а donner au mot un sens qui puisse satisfaire en mкme temps a tous les passages et а la raison. La diffйrence est que l'explication des mystиres de la Religion n'est point nйcessaire, au lieu que celle des lois est nйcessaire pour juger les diffйrents. Ainsi en matiиre de mystиre, le meilleur serait de s'en tenir prйcisйment aux; termes rйvйlйs, autant qu'on peut. Je ne sais pas assez comment s'expliquent MM. Cudworth et Sherlock; mais leur йrudition, qui est si connue, fait que je ne doute point qu'ils n'aient donnй un bon sens а ce qu'ils ont avancй. Cependant j'oserais bien dire que trois esprits infinis, йtant posйs, comme des substances absolues, ce seraient trois dieux, nonobstant la parfaite intelligence, qui ferait que l'on entendrait tout ce qui se passe dans l'autre. Il faut quelque chose de plus pour une unitй numйrique; autrement Dieu, qui entend parfaitement nos pensйes, serait aussi uni essentiellement avec nous, jusqu'а faire un mкme individu. De plus ce serait une union de plusieurs natures, si chaque personne a la sienne, savoir, si elle a sa propre infinitй, sa science, sa toute-puissance: et ce ne serait nullement l'union de trois personnes qui ont une mкme nature individuelle, ce qui devrait pourtant кtre.

Je n'ai point vu non plus ce que M. Wallis et le docteur S-ht, qui ont йtй citйs ici, ont йcrit sur ce sujet, et je ne doute point qu'ils ne se soient expliquйs d'une maniиre con forme а l'orthodoxie; car je connais la pйnйtration de M. Wallis, qui est un des plus grands gйomиtres du siиcle, et qui ne se dйmentira jamais, de quelque cфtй que son esprit se puisse tourner, outre que l'auteur de ce livre avoue que l'explication de M. Wallis a eu l'approbation publique. Cependant j'ose dire qu'une personnalitй semblable а celle dont Cicйron a parlй, quand il a dit: Tres personas unus sustineo, ne suffit pas. Ainsi suis-je comme assurй que M. Wallis aura encore ajoutй autre chose. Il ne suffit pas non plus de dire que le Pиre, le Fils et le Saint- Esprit diffиrent par des relations semblables aux modes, tels que sont les postures, les prйsences ou les absences. Ces sortes de rapports attribuйs а une mкme substance ne feront jamais trois personnes diverses existantes en mкme temps. Ainsi je m'imagine que ce M. S-ht, quel qu'il puisse кtre, ne se sera point contentй de cela. Il faut donc dire qu'il y a des relations dans la substance divine, qui distinguent les per sonnes, puisque ces personnes ne sauraient кtre des substances absolues. Mais il faut dire aussi que ces relations doivent кtre substantielles, qui ne s'expliquent pas assez par de simples modalitйs. De plus il faut dire que les personnes divines ne sont pas le mкme concret sous diffйrentes dйnominations ou relations, comme serait un mкme homme, qui est poиte et orateur, mais trois diffйrents concrets respectifs dans un seul concret absolu. Il faut dire aussi que les trois personnes ne sont pas des substances aussi absolues que le tout.

Il faut avouer qu'il n'y a aucun exemple dans la nature, qui rйponde assez а cette notion des personnes divines. Mais il n'est point nйcessaire qu'on en puisse trouver, et il suffit que ce qu'on en vient de dire n'implique aucune contradiction ni absurditй. La substance divine a sans doute des privilиges qui passent toutes les autres substances. Cependant, comme nous ne connaissons pas assez toute la nature, nous ne pouvons pas assurer non plus qu'il n'y a, et qu'il n'y peut avoir aucune substance absolue, qui en contienne plusieurs respectives.

Cependant, pour rendre ces notions plus aisйes par quelque chose d'approchant, je ne trouve rien dans les crйatures de plus propre а illustrer ce sujet, que la rйflexion des esprits, lorsqu'un mкme esprit est son propre objet immйdiat et agit sur soi-mкme, en pensant а soi-mкme et а ce qu'il fait. Car le redoublement donne une image ou ombre de deux substances respectives dans une mкme substance absolue, savoir de celle qui entend, et de celle qui est entendue; L'un et l'autre de ces кtres est substantiel, L'un et l'autre est un concret individu, et ils diffиrent par des relations mutuelles, mais ils ne font qu'une seule et mкme substance individuelle absolue. Je n'ose pour tant pas porter la comparaison assez loin, et je n'entreprends point d'avancer que la diffйrence qui est entre les trois personnes divines, n'est plus grande que celle qui est entre ce qui entend et ce qui est entendu, lorsqu'un esprit fini pense а soi, d'autant plus que ce qui est modal, accidentel, imparfait, et mutable en nous, est rйel, essentiel, achevй et immutable en Dieu. C'est assez que ce redoublement est comme une trace des personnalitйs divines. Ce pendant la S. Йcriture, appelant le Fils, Verbe ou Logos, c'est-а-dire verbe mental, paraоt nous donner а entendre que rien n'est plus propre а nous йclaircir ces choses, que l'analogie des opйrations mentales. C'est aussi pour cela que les Pиres ont rapporlй sa volontй au Saint Esprit, comme ils ont rapportй l'entendenment au Fils, et la puissance au Pиre, en distinguant le pouvoir, le savoir et le vouloir, ou bien le Pиre, le Verbe et l'Amour.


SYSTИME NOUVEAU DE LA NATURE ET DE LA COMMUNICATION

DES SUBSTANCES AUSSI BIEN QUE DE L'UNION QU'IL Y A ENTRE

L'ВME ET LE CORPS.


1. Il y a plusieurs annйes que j'ai conзu ce systиme, et que j'en ai communiquй avec des savants hommes, et surtout avec un des plus grands Thйologiens et Philosophes de notre temps, qui ayant appris quelques-uns de mes sentiments par une personne de la plus haute qualitй, les avait trouvйs fort paradoxes. Mais ayant reзu mes йclaircissements, il se rйtracta de la maniиre la plus gйnйreuse et la plus йdifiante du monde, et ayant approuvй une partie de mes propositions, il fit cesser sa censure а l'йgard des autres dont il ne demeurait pas encore d'accord. Depuis ce temps-lа j'ai continuй mes mйditations selon les occasions, pour ne donner au public que des opinions bien examinйes: et j'ai tвchй aussi de satisfaire aux objections faites contre mes essais de Dynamique qui ont de la liaison avec ceci. Enfin des personnes considйrables ayant dйsirй de voir mes sentiments plus йclaircis, j'ai hasardй ces mйditations, quoiqu'elles ne soient nullement populaires, ni propres а кtre goыtйes de toute sorte d'esprits. Je m'y suis portй principalement pour profiter des jugements de ceux qui sont йclairйs en ces matiиres, puisqu'il serait trop embarrassant de chercher et de sommer en particulier ceux qui seraient disposйs а me donner des instructions, que je serai toujours bien aise de recevoir, pourvu que l'amour de la vйritй y paraisse plutфt que la passion pour les opinions dont on est prйvenu.

2. Quoique je sois un de ceux qui ont fort travaillй sur les Mathйmatiques, je n'ai pas laissй de mйditer sur la philosophie dиs ma jeunesse, car il me paraissait toujours qu'il y avait moyen d'y йtablir quelque chose de solide par des dйmonstrations claires. J'avais pйnйtrй bien avant dans le pays des scolastiques, lorsque les Mathйmatiques et les Auteurs modernes m'en firent sortir encore bien jeune. Leurs belles maniиres d'expliquer la nature mйcaniquement me charmиrent, et je mйprisais avec raison la mйthode de ceux qui n'emploient que des formes ou des facultйs dont on n'apprend rien. Mais depuis, ayant tвchй d'approfondir les principes mкmes de la Mйcanique, pour rendre raison des lois de la nature que l'expйrience faisait connaоtre, je m'aperзus que la seule considйration d'une masse йtendue ne suffisait pas, et qu'il fallait employer encore la notion de la force, qui est trиs intelligible, quoiqu'elle soit du ressort de la Mйtaphysique. Il me paraissait aussi, que l'opinion de ceux qui transforment ou dйgradent les bкtes en pures machines, quoiqu'elle semble possible, est hors d'apparence, et mкme contre l'ordre des choses.

3. Au commencement, lorsque je m'йtais affranchi du joug d'Aristote, j'avais donnй dans le vide et dans les Atomes, car c'est ce qui remplit le mieux l'imagination. Mais en йtant revenu, aprиs bien des mйditations, je m'aperзus qu'il est impossible de trouver les principes d'une vйritable Unitй dans la matiиre seule ou dans ce qui n'est que passif, puisque tout n'y est que collection ou amas de parties jusqu'а l'infini. Or la multitude ne pouvant avoir sa rйalitй que des unitйs vйritables qui viennent d'ailleurs et sont tout autre chose que les points dont il est constant que le continu ne saurait кtre composй; donc pour trouver ces unitйs rйelles, je fus contraint de recourir а un atome formel, puisqu'un кtre matйriel ne saurait кtre en mкme temps matйriel et parfaitement indivisible, ou douй d'une vйritable unitй. Il fallut donc rappeler et comme rйhabiliter les formes substantielles, si dйcriйes aujourd'hui, mais d'une maniиre qui les rendоt intelligibles et qui sйparвt l'usage qu'on en doit faire de l'abus qu'on en a fait. Je trouvai donc que leur nature consiste dans la force et que de cela s'ensuit quelque chose d'analogique au sentiment et а l'appйtit; et qu'ainsi il fallait les concevoir а l'imitation de la notion que nous avons des вmes. Mais comme l'вme ne doit pas кtre employйe pour rendre raison du dйtail de l'йconomie du corps de l'animal, je jugeai de mкme qu'il ne fallait pas employer ces formes pour expliquer les problиmes particuliers de la nature, quoiqu'elles soient nйcessaires pour йtablir des vrais principes gйnйraux. Aristote les appelle entйlйchies premiиres, je les appelle peut-кtre plus intelligiblement forces primitives, qui ne contiennent pas seulement l'acte ou le complйment de la possibilitй, mais encore une activitй originale.

4. Je voyais que ces formes et ces вmes devaient кtre indivisibles, aussi bien que notre Esprit, comme en effet je me souvenais que c'йtait le sentiment de saint Thomas а l'йgard des вmes des bкtes. Mais cette vйritй renouvelait les grandes difficultйs de l'origine et de la durйe des вmes et des formes. Car toute substance simple qui a une vйritable unitй, ne pouvant avoir son commencement ni sa fin que par miracle, il s'ensuit qu'elles ne sauraient commencer que par crйation ni finir que par annihilation. Ainsi (exceptй les Вmes que Dieu veut encore crйer exprиs) j'йtais obligй de reconnaоtre qu'il faut que les formes constitutives des substances aient йtй crййes avec le monde, et qu'elles subsistent toujours. Aussi quelques Scolastiques, comme Albert le Grand et Jean Bachon, avaient entrevu une partie de la vйritй sur leur origine. Et la chose ne doit point paraоtre extraordinaire, puisqu'on ne donne aux formes que la durйe, que les Gassendistes accordent а leurs Atomes.

5. Je jugeais pourtant qu'il n'y fallait point mкler indiffйremment ou confondre avec les autres formes ou вmes les Esprits ni l'вme raisonnable, qui sont d'un ordre supйrieur, et ont incomparablement plus de perfection que ces formes enfoncйes dans la matiиre qui se trouvent partout а mon avis, йtant comme des petits Dieux au prix d'elles, faits а l'image de Dieu, et ayant en eux quelque rayon des lumiиres de la Divinitй. C'est pourquoi Dieu gouverne les Esprits, comme un Prince gouverne ses sujets, et mкme comme un pиre a soin de ses enfants; au lieu qu'il dispose des autres substances, comme un Ingйnieur manie ses machines. Ainsi les esprits ont des lois particuliиres, qui les mettent au dessus des rйvolutions de la matiиre par l'ordre mкme que Dieu y a mis, et on peut dire que tout le reste n'est fait que pour eux, ces rйvolutions mкmes йtant accommodйes а la fйlicitй des bons, et au chвtiment des mйchants.

6. Cependant, pour revenir aux formes ordinaires, ou aux Вmes brutes, cette durйe qu'il leur faut attribuer, а la place de celle qu'on avait attribuйe aux atomes, pourrait faire douter si elles ne vont pas de corps en corps, ce qui serait la Mйtempsycose, а peu prиs comme quelques Philosophes ont cru la transmission du mouvement et celle des espиces. Mais cette imagination est bien йloignйe de la nature des choses. Il n'y a point de tel passage, et c'est ici oщ les transformations de Messieurs Swammerdam, Malpighi et Leewenhoeck, qui sont des plus excellents observateurs de notre temps, sont venues а mon secours, et m'ont fait admettre plus aisйment, que l'animal et toute autre substance organisйe ne commence point, lorsque nous le croyons, et que sa gйnйration apparente n'est qu'un dйveloppement, et une espиce d'augmentation. Aussi ai-je remarquй que l'Auteur de La Recherche de la Vйritй, M. Regis, M. Hartsoeker et d'autres habiles hommes n'ont pas йtй fort йloignйs de ce sentiment.

7. Mais il restait encore la plus grande question de ce que ces вmes ou ces formes deviennent par la mort de l'animal, ou par la destruction de l'individu de la substance organisйe. Et c'est ce qui embarrasse le plus, d'autant qu'il paraоt peu raisonnable que les вmes restent inutilement dans un chaos de matiиre confuse. Cela m'a fait juger enfin qu'il n'y avait qu'un seul parti raisonnable а prendre; et c'est celui de la conservation non seulement de l'вme, mais encore de l'animal mкme et de sa machine organique; quoique la destruction des parties grossiиres l'ait rйduit а une petitesse qui n'йchappe pas moins а nos sens que celle oщ il йtait avant que de naоtre. Aussi n'y a-t-il personne qui puisse bien marquer le vйritable temps de la mort, laquelle peut passer longtemps pour une simple suspension des actions notables, et dans le fond n'est jamais autre chose dans les simples animaux: tйmoin les ressuscitations des mouches noyйes et puis ensevelies sous de la craie pulvйrisйe, et plusieurs exemples semblables qui font assez connaоtre qu'il y aurait bien d'autres ressuscitations, et de bien plus loin, si les hommes йtaient en йtat de remettre la machine. Et il y a de l'apparence que c'est de quelque chose d'approchant que le grand Dйmocrite a parlй, tout Atomiste qu'il йtait, quoique Pline s'en moque. Il est donc naturel que l'animal ayant toujours йtй vivant et organisй (comme des per sonnes de grande pйnйtration commencent а le reconnaоtre) il le demeure aussi toujours. Et puisque ainsi il n'y a point de premiиre naissance ni de gйnйration entiиrement nouvelle de l'animal, il s'ensuit qu'il n'y en aura point d'extinction finale, ni de mort entiиre prise а la rigueur mйtaphysique; et que par consйquent au lieu de la transmigration des вmes, il n'y qu'une transformation d'un mкme animal, selon que les organes sont pliйs diffйremment, et plus ou moins dйveloppйs.

8. Cependant les Вmes raisonnables suivent des lois bien plus relevйes, et sont exemptes de tout ce qui leur pourrait faire perdre la qualitй de citoyens de la sociйtй des esprits, Dieu y ayant si bien pourvu, que tous les changements de la matiиre ne leur sauraient faire perdre les qualitйs morales de leur personnalitй. Et on peut dire que tout tend а la perfection non seulement de l'Univers en gйnйral, mais encore de ces crйatures en particulier, qui sont destinйes а un tel degrй de bon heur, que l'Univers s'y trouve intйressй en vertu de la bontй divine qui se communique а un chacun autant que la souveraine Sagesse le peut permettre.

9. Pour ce qui est du corps ordinaire des animaux et d'autres substances corporelles, dont on a cru jusqu'ici l'extinction entiиre et dont les changements dйpendent plutфt des rиgles mйcaniques que des lois morales, je remarquai avec plaisir que l'ancien auteur du livre de la Diиte qu'on attribue а Hippocrate, avait entrevu quel que chose de la vйritй, lorsqu'il a dit en termes exprиs, que les animaux ne naissent et ne meurent point, et que les choses qu'on croit commencer et pйrir, ne font que paraоtre et disparaоtre. C'йtait aussi le sentiment de Parmйnide et de Mйlisse chez Aristote. Car ces anciens йtaient plus solides qu'on ne croit.

10. Je suis le mieux disposй du monde а rendre justice aux modernes; cependant je trouve qu'ils ont portй la rйforme trop loin, entre autres en confondant les choses naturelles avec les artificielles, pour n'avoir pas eu assez grandes Idйes de la majestй de la nature. Ils conзoivent que la diffйrence qu'il y a entre ses machines et les nфtres, n'est que du grand au petit. Ce qui a fait dire depuis peu а un trиs habile homme, qu'en regardant la nature de prиs, on la trouve moins admirable qu'on n'avait cru, n'йtant que comme la boutique d'un ouvrier. Je crois que ce n'est pas en donner une idйe assez juste ni assez digne d'elle, et il n'y a que notre systиme qui fasse connaоtre enfin la vйritable et immense distance qu'il y a entre les moindres productions et mйcanismes de la sagesse divine, et entre les plus grands chefs-d'oeuvre de l'art d'un esprit bornй; cette diffйrence ne consistant pas seulement dans le degrй, mais dans le genre mкme. Il faut donc savoir que les Machines de la nature ont un nombre d'organes vйritablement infini, et sont si bien munies et а l'йpreuve de tous les accidents, qu'il n'est pas possible de les dйtruire. Une machine naturelle demeure encore machine dans ses moindres parties, et qui plus est, elle demeure toujours cette mкme machine qu'elle a йtй, n'йtant que transformйe par des diffйrents plis qu'elle reзoit, et tantфt йtendue, tantфt resserrйe et comme concentrйe lorsqu'on croit qu'elle est perdue.

11. De plus, par le moyen de l'вme ou forme, il y a une vйritable unitй qui rйpond а ce qu'on appelle moi en nous; ce qui ne saurait avoir lieu ni dans les machines de l'art, ni dans la simple masse de la matiиre, quelque organisйe qu'elle puisse кtre; qu'on ne peut considйrer que comme une armйe ou un troupeau, ou comme un йtang plein de poissons, ou comme une montre composйe de ressorts et de roues. Cependant s'il n'y avait point de vйritables unitйs substantielles, il n'y aurait rien de substantiel ni de rйel dans la collection. C'йtait ce qui avait forcй M. Cordemoy а abandonner Descartes, en embrassant la doctrine des Atomes de Dйmocrite, pour trouver une vйritable unitй. Mais les Atomes de matiиre sont contraires а la raison: outre qu'ils sont encore composйs de parties, puisque l'attachement invincible d'une partie а l'autre (quand on le pourrait concevoir ou supposer avec raison) ne dйtruirait point leur diversitй. Il n'y a que les Atomes de substance, c'est-а-dire les unitйs rйelles et absolument destituйes de parties, qui soient les sources des actions, et les premiers principes absolus de la composition des choses, et comme les derniers йlйments de l'analyse des choses substantielles. On les pourrait appeler points mйtaphysiques: ils ont quelque chose de vital et une espиce de perception, et les points mathйmatiques sont leurs points de vue, pour exprimer l'univers. Mais quand les substances corporelles sont resserrйes, tous leurs organes ensemble ne font qu'un point physique а notre йgard. Ainsi les points physiques ne sont indivisibles qu'en apparence: les points mathйmatiques sont exacts, mais ce ne sont que des modalitйs: il n'y a que les points mйtaphysiques ou de substance (constituйs par les formes ou вmes) qui soient exacts et rйels, et sans eux il n'y aurait rien de rйel, puisque sans les vйritables unitйs il n'y aurait point de multitude.

12. Aprиs avoir йtabli ces choses, je croyais entrer dans le port; mais lorsque je me mis а mйditer sur l'union de l'вme avec le corps, je fus comme rejetй en pleine mer. Car je ne trouvais aucun moyen d'expliquer comment le corps fait passer quelque chose dans l'вme ou vice versa, ni comment une substance peut communiquer avec une autre substance crййe. M. Descartes avait quittй la partie lа-dessus, autant qu'on le peut connaоtre par ses йcrits: mais ses disciples voyant que l'opinion commune est inconcevable, jugиrent que nous sentons les qualitйs des corps, parce que Dieu fait naоtre des pensйes dans l'вme а l'occasion des mouvements de la matiиre; et lorsque notre вme veut remuer le corps а son tour, ils jugиrent que c'est Dieu qui le remue pour elle. Et comme la communication des mouvements leur paraissait encore inconcevable, ils ont cru que Dieu donne du mouvement а un corps а l'occasion du mouvement d'un autre corps. C'est ce qu'ils appellent le Systиme des Causes occasionnelles, qui a йtй fort mis en vogue par les belles rйflexions de l'Auteur de La Recherche de la Vйritй.

13. Il faut avouer qu'on a bien pйnйtrй dans la difficultй, en disant ce qui ne se peut point; mais il ne paraоt pas qu'on l'ait levйe en expliquant ce qui se fait effective ment. Il est bien vrai qu'il n'y a point d'influence rйelle d'une substance crййe sur l'autre, en parlant selon la rigueur mйtaphysique, et que toutes les choses, avec toutes leurs rйalitйs, sont continuellement produites par la vertu de Dieu: mais pour rйsoudre des problиmes, il n'est pas assez d'employer la cause gйnйrale, et de faire venir ce qu'on appelle Deum ex machina. Car lorsque cela se fait sans qu'il y ait autre explication qui se puisse tirer de l'ordre des causes secondes, c'est proprement recourir au miracle. En Philosophie il faut tвcher de rendre raison, en faisant connaоtre de quelle faзon les choses s'exйcutent par la sagesse divine, conformйment а la notion du sujet dont il s'agit.

14. Йtant donc obligй d'accorder qu'il n'est pas possible que l'вme ou quelque autre vйritable substance puisse recevoir quelque chose par dehors, si ce n'est pas la toute-puissance divine, je fus conduit insensiblement а un sentiment qui me surprit, mais qui paraоt inйvitable, et qui en effet a des avantages trиs grands et des beautйs bien considйrables. C'est qu'il faut donc dire que Dieu a crйй d'abord l'вme, ou toute autre unitй rйelle de telle sorte, que tout lui doit naоtre de son propre fonds, par une parfaite spontanйitй а l'йgard d'elle-mкme, et pour tant avec une parfaite conformitй aux choses de dehors. Et qu'ainsi nos sentiments intйrieurs (c'est-а-dire, qui sont dans l'вme mкme, et non pas dans le cerveau, ni dans les parties subtiles du corps) n'йtant que des phйnomиnes suivis sur les кtres externes, ou bien des apparences vйritables, et comme des songes bien rйglйs, il faut que ces perceptions internes dans l'вme mкme lui arrivent par sa propre constitution originale, c'est-а-dire par la nature reprйsentative (capable d'exprimer les кtres hors d'elle par rapport а ses organes) qui lui a йtй donnйe dиs sa crйation, et qui fait son caractиre individuel. Et c'est ce qui fait que chacune de ces substances, reprйsentant exactement tout l'univers а sa maniиre et suivant un certain point de vue, et les perceptions ou expressions des choses externes arrivant а l'вme а point nommй, en vertu de ses propres lois, comme dans un monde а part, et comme s'il n'existait rien que Dieu et elle (pour me servir de la maniиre de parler d'une certaine personne d'une grande йlйvation d'esprit, dont la saintetй est cйlйbrйe), il y aura un parfait accord entre toutes ces substances, qui fait le mкme effet qu'on remarquerait si elles communiquaient ensemble par une transmission des espиces, ou des qualitйs que le vulgaire des Philosophes s'imagine. De plus, la masse organisйe, dans laquelle est le point de vue de l'вme, йtant exprimйe plus prochainement par elle, et se trouvant rйciproque ment prкte а agir d'elle-mкme, suivant les lois de la machine corporelle, dans le moment que l'вme le veut, sans que l'un trouble les lois de l'autre, les esprits et le sang ayant justement alors les mouvements qu'il leur faut pour rйpondre aux passions et aux perceptions de l'вme, c'est ce rapport mutuel rйglй par avance dans chaque substance de l'univers, qui produit ce que nous appelons leur communication, et qui fait uniquement l'union de l'вme et du corps. Et l'on peut entendre par lа comment l'вme a son siиge dans le corps par une prйsence immйdiate, qui ne saurait кtre plus grande, puisqu'elle y est comme l'unitй est dans le rйsultat des unitйs qui est la multitude.

15. Cette hypothиse est trиs possible. Car pourquoi Dieu ne pourrait-il pas donner d'abord а la substance une nature ou force interne qui lui puisse produire par ordre (comme dans un Automate spirituel ou formel, mais libre en celle qui a la raison en partage) tout ce qui lui arrivera, c'est-а-dire, toutes les apparences ou expressions qu'elle aura, et cela sans le secours d'aucune crйature? D'autant plus que la nature de la substance demande nйcessairement et enveloppe essentiellement un progrиs ou un changement, sans lequel elle n'aurait point de force d'agir. Et cette nature de l'вme йtant reprйsentative de l'univers d'une maniиre trиs exacte (quoique plus ou moins distincte), la suite des reprйsentations que l'вme se produit, rйpondra naturellement а la suite des changements de l'univers mкme: comme en йchange le corps a aussi йtй accommodй а l'вme, pour les rencontres oщ elle est conзue comme agissante au-dehors: ce qui est d'autant plus raisonnable, que les corps ne sont faits que pour les esprits seuls capables d'entrer en sociйtй avec Dieu, et de cйlйbrer sa gloire. Ainsi dиs qu'on voit la possibilitй de cette Hypothиse des accords, on voit aussi qu'elle est la plus raisonnable, et qu'elle donne une merveilleuse idйe de l'harmonie de l'univers et de la perfection des ouvrages de Dieu.

16. Il s'y trouve aussi ce grand avantage, qu'au lieu de dire, que nous ne sommes libres qu'en apparence et d'une maniиre suffisante а la pratique, comme plu sieurs personnes d'esprit ont cru, il faut dire plutфt que nous ne sommes entraоnйs qu'en apparence, et que dans la rigueur des expressions mйtaphysiques, nous sommes dans une parfaite indйpendance а l'йgard de l'influence de toutes les autres crйatures. Ce qui met encore dans un jour merveilleux l'immortalitй de notre вme, et la conservation toujours uniforme de notre individu, parfaitement bien rйglйe par sa propre nature, а l'abri de tous les accidents de dehors, quelque apparence qu'il y ait du contraire. Jamais systиme n'a mis notre йlйvation dans une plus grande йvidence. Tout Esprit йtant comme un Monde а part, suffisant а lui-mкme, indйpendant de toute autre crйature, enveloppant l'infini, exprimant l'univers, il est aussi durable, aussi subsistant, et aussi absolu que l'univers lui-mкme des crйatures. Ainsi on doit juger qu'il y doit toujours faire figure de la maniиre la plus propre а contribuer а la perfection de la sociйtй de tous les esprits, qui fait leur union morale dans la Citй de Dieu. On y trouve aussi une nouvelle preuve de l'existence de Dieu, qui est d'une clartй surprenante. Car ce parfait accord de tant de substances qui n'ont point de communication ensemble, ne saurait venir que de la cause commune.

17. Outre tous ces avantages qui rendent cette Hypothиse recommandable, on peut dire que c'est quelque chose de plus qu'une Hypothиse, puisqu'il ne paraоt guиre possible d'expliquer les choses d'une autre maniиre intelligible, et que plusieurs grandes difficultйs qui ont jusqu'ici exercй les esprits, semblent disparaоtre d'elles-mкmes quand on l'a bien comprise. Les maniиres de parler ordinaires se sauvent encore trиs bien. Car on peut dire que la substance dont la disposition rend raison du changement, d'une maniиre intelligible, en sorte qu'on peut juger que c'est а elle que les autres ont йtй accommodйes en ce point dиs le commencement, selon l'ordre des dйcrets de Dieu, est celle qu'on doit concevoir en cela, comme agissante ensuite sur les autres. Aussi l'action d'une substance sur l'autre n'est pas une йmission ni une transplantation d'une entitй, comme le vulgaire le conзoit, et ne saurait кtre prise raisonnablement que de la maniиre que je viens de dire. Il est vrai qu'on conзoit fort bien dans la matiиre et des йmissions et des rйceptions des parties, par les quelles on a raison d'expliquer mйcaniquement tous les phйnomиnes de Physique; mais comme la masse matйrielle n'est pas une substance, il est visible que l'action а l'йgard de la substance mкme ne saurait кtre que ce que je viens de dire.

18. Ces considйrations, quelque mйtaphysiques qu'elles paraissent, ont encore un merveilleux usage dans la Physique pour йtablir les lois du mouvement, comme nos Dynamiques le pourront faire connaоtre. Car on peut dire que dans le choc des corps chacun ne souffre que par son propre ressort, cause du mouvement qui est dйjа en lui. Et quant au mouvement absolu, rien ne peut le dйterminer mathйmatiquement, puisque tout se termine en rapports: ce qui fait qu'il y a toujours une parfaite йquivalence des Hypothиses, comme dans l'Astronomie, en sorte que quelque nombre de corps qu'on prenne, il est arbitraire d'assigner le repos ou bien un tel degrй de vitesse а celui qu'on en voudra choisir, sans que les phйnomиnes du mouvement droit, circulaire, ou composй, le puissent rйfuter. Cependant il est raisonnable d'attribuer aux corps des vйritables mouvements, suivant la supposition qui rend raison des phйnomиnes, de la maniиre la plus intelligible, cette dйnomination йtant conforme а la notion de l'Action, que nous venons d'йtablir.


LETTRE А M. ARNAULD, DOCTEUR EN SORBONNE, OЩ IL LUI

EXPOSE SES SENTIMENTS PARTICULIERS SUR LA MЙTAPHYSIQUE ET

LA PHYSIQUE


Monsieur,

Je suis maintenant sur le point de retourner chez moi aprиs un grand voyage entrepris par ordre de mon prince, servant pour des recherches historiques oщ j'ai trouvй des diplфmes, titres et preuves indubitables, propres а justifier la commune origine des sйrйnissimes maisons de Brunswick et d'Este que MM. Justel, du Cange et autres avaient grande raison de rйvoquer en doute, parce qu'il y avait des contradictions et faussetйs dans les historiens d'Este а cet йgard avec une entiиre confusion des temps et des personnes. A prйsent, je pense а me remettre et а reprendre le premier train; et vous ayant йcrit il y a deux ans, un peu avant mon dйpart, je prends cette mкme libertй pour m'informer de votre santй et pour vous faire connaоtre combien les idйes de votre mйrite йminent me sont toujours prйsentes dans l'esprit. Quand j'йtais а Rome, je vis la dйnonciation d'une nouvelle lettre qu'on attribuait а vous ou а vos amis. Et depuis, je vis la lettre du R. P. Mabillon а un de mes amis, oщ il y avait que l'Apologie du R. P. Le Tellier pour les missionnaires contre La Morale Pratique des Jйsuites avait donnй а plusieurs des impressions favorables а ces Pиres, mais qu'il avait entendu que vous y aviez rйpliquй, et qu'on disait que vous y aviez annihilй gйomйtriquement les raisons de ce Pиre. Tout cela m'a fait juger que vous кtes encore en йtat de rendre service au public, et je prie Dieu que ce soit pour longtemps. Il est vrai qu'il y va de mon intйrкt; mais c'est un intйrкt louable, qui me peut donner moyen d'apprendre, soit en commun avec tous les autres qui liront vos ouvrages, soit en particulier, lorsque vos jugements m'instruiront, si le peu de loisir que vous avez me permet d'espйrer encore quelquefois cet avantage.

Comme ce voyage a servi en partie а me dйlasser l'esprit des occupations ordinaires, j'ai eu la satisfaction de converser avec plusieurs habiles gens, en matiиre de sciences et d'йrudition et j'ai communiquй, а quelques-uns mes pensйes particuliиres, que vous savez, pour profiter de leurs doutes et difficultйs; et il y en a eu qui, n'йtant pas satisfaits des doctrines communes, ont trouvй une satisfaction extraordinaire dans quelques-uns de mes sentiments; ce qui m'a portй а les coucher par йcrit, afin qu'on les puisse communiquer plus aisйment; et peut-кtre en ferai-je imprimer un jour quelques exemplaires sans mon nom, pour en faire part а des amis seulement, afin d'en avoir leur jugement. Je voudrais que vous les puissiez examiner premiиrement, et c'est pour cela que j'en ai fait l'abrйgй que voici.

Le corps est un agrйgй de substances, et ce n'est pas une substance а proprement parler. Il faut, par consйquent, que partout dans le corps il se trouve des substances indivisibles, ingйnйrables et incorruptibles, ayant quelque chose de rйpondant aux вmes. Que toutes ces substances ont toujours йtй et seront toujours unies а des corps organiques diversement transformables. Que chacune de ces substances contient dans sa nature legem continuationis seriei suarum operationum et tout ce qui lui est arrivй et arrivera. Que toutes ses actions viennent de son propre fond, exceptй la dйpendance de Dieu. Que chaque substance exprime l'univers tout entier, mais l'une plus distincte ment que l'autre, surtout chacune а l'йgard de certaines choses et selon son point de vue. Que l'union de l'вme avec le corps, et mкme l'opйration d'une substance sur l'autre, ne consiste que dans ce parfait accord mutuel йtabli exprиs par l'ordre de la premiиre crйation, en vertu duquel chaque substance, suivant ses propres lois, se rencontre dans ce que demandent les autres; et les opйrations de l'une suivent ou accompagnent ainsi l'opйration ou le changement de l'autre. Que les intelligences ou вmes capables de rйflexion et de la connaissance des vйritйs йternelles et de Dieu ont bien des privilиges qui les exemptent des rйvolutions des corps. Que pour elles il faut joindre les lois morales aux physiques. Que toutes les choses sont faites pour elles principalement. Qu'elles forment ensemble la rйpublique de l'univers, dont Dieu est le monarque. Qu'il y a une parfaite justice et police observйe dans cette citй de Dieu, et qu'il n'y a point de mauvaise action sans chвtiment, ni de bonne sans une rйcompense proportionnйe. Que plus on connaоtra les choses, plus on les trouvera belles et conformes aux souhaits qu'un sage pourrait former. Qu'il faut toujours кtre content de l'ordre du passй, parce qu'il est conforme а la volontй de Dieu absolue, qu'on connaоt par l'йvйnement; mais qu'il faut tвcher de rendre l'avenir, autant qu'il dйpend de nous, conforme а la volontй de Dieu prйsomptive ou а ses commandements, orner notre Sparte et travailler а faire du bien, sans se chagriner pourtant lorsque le succиs y manque, dans la ferme crйance que Dieu saura trouver le temps le plus propre aux changements en mieux. Que ceux qui ne sont pas contents de l'ordre des choses ne sauraient se vanter d'aimer Dieu comme il faut. Que la justice n'est autre chose que la charitй du sage. Que la charitй est une bienveillance universelle, dont le sage dispense l'exйcution conformйment aux mesures de la raison, afin d'obtenir le plus grand bien. Et que la sagesse est la science de la fйlicitй ou des moyens de parvenir au contentement durable, qui consiste dans un acheminement continuel а une plus grande perfection, ou au moins dans la variation d'un mкme degrй de perfection.

A l'йgard de la physique, il faut entendre la nature de la force toute diffйrente du mouvement, qui est quelque chose de plus relatif. Qu'il faut mesurer cette force par la quantitй de l'effet. Qu'il y a une force absolue, une force directive et une force respective. Que chacune de ces forces se conserve dans le mкme degrй dans l'univers ou dans chaque machine non communicante avec les autres et que les deux derniиres forces, prises ensemble, composent la premiиre ou l'absolue. Mais qu'il ne se conserve pas la mкme quantitй de mouvement, puisque je montre qu'autrement le mouvement perpйtuel serait tout trouvй, et que l'effet serait plus puissant que sa cause.

Il y a dйjа quelque temps que j'ai publiй dans les Actes de Leipsig un Essai physique, pour trouver les causes physiques des mouvements des astres. Je pose pour fondement que tout mouvement d'un solide dans le fluide, qui se fait en ligne courbe, ou dont la vйlocitй est continuellement difforme, vient du mouvement du fluide mкme. D'oщ je tire cette consйquence que les astres ont des orbes dйfйrents, mais fluides. J'ai dйmontrй une proposition importante gйnйrale que tout corps qui se meut d'une circulation harmonique (c'est-а-dire en sorte que les distances du centre йtant en progression arithmйtique, les vйlocitйs soient en progression harmonique, ou rйciproques aux distances), et qui a de plus un mouvement paracentrique, c'est-а-dire de gravitй ou de lйvitй а l'йgard du mкme centre (quelque loi que garde cette attraction ou rйpulsion), a les aires nйcessairement comme les temps, de la maniиre que Kйpler l'a observйe dans les planиtes. Puis considйrant, ex observationibus, que ce mouvement est elliptique, je trouve que la loi du mouvement paracentrique, lequel, joint а la circulation harmonique, dйcrit des ellipses, doit кtre telle que les gravitations soient rйciproquement comme les carrйs des distances, c'est-а- dire comme les illuminations ex sole.

Je ne vous dirai rien de mon calcul des incrйments ou diffйrences, par lequel je donne les touchantes sans lever les irrationalitйs et fractions, lors mкme que l'inconnue y est enveloppйe, et j'assujettis les quadratures et problиmes transcendants а l'analyse. Et je ne parlerai pas non plus d'une analyse toute nouvelle, propre а la gйomйtrie, et diffйrente entiиrement de l'algиbre; et moins encore de quelques autres choses, dont je n'ai pas encore eu le temps de donner des essais, que je souhaiterais de pouvoir toutes expliquer en peu de mots, pour en avoir votre sentiment, qui me servirait infiniment, si vous aviez autant de loisir que j'ai de dйfйrence pour votre jugement. Mais votre temps est trop prйcieux, et ma lettre est dйjа assez prolixe.

C'est pourquoi je finis ici, et je suis avec passion,

Monsieur,

Votre trиs humble et trиs obйissant serviteur,

Leibniz.

А Venise, ce 23 mars 1690


EXTRAIT D'UNE LETTRE POUR SOUTENIR CE QU'IL Y A DE LUI

DANS LE JOURNAL DES SAVANTS DU 18 JUIN 1691.


Pour prouver que la nature du corps ne consiste pas dans l'йtendue, je m'йtais servi d'un argument expliquй dans le Journal des Savants du 18 juin 1691, dont le fonde ment est, qu'on ne saurait rendre raison par la seule йtendue de l'inertie naturelle des corps, c'est-а-dire de ce qui fait que la matiиre rйsiste au mouvement, ou bien de ce qui fait qu'un corps qui se meut dйjа, ne saurait emporter avec soi un autre qui repose, sans en кtre retardй. Car l'йtendue en elle-mкme йtant indiffйrente au mouvement et au repos, rien ne devrait empкcher les deux corps d'aller de compagnie, avec toute la vitesse du premier, qu'il tвche d'imprimer au second. A cela on rйpond dans le Journal du 16 juillet de la mкme annйe (comme je n'ai appris que depuis peu) qu'effectivement le corps doit кtre indiffйrent au mouvement et au repos, supposй que son essence consiste а кtre seulement йtendu mais que nйanmoins un corps qui va pousser un autre corps, en doit кtre retardй (non pas а cause de l'йtendue, mais а cause de la force), parce que la mкme force qui йtait appliquйe а un des corps, est maintenant appliquйe а tous les deux. Or la force qui meut un des corps avec une certaine vitesse, doit mouvoir les deux ensembles avec moins de vitesse. C'est comme si on disait en d'autres termes, que le corps, s'il consiste dans l'йtendue, doit кtre indiffйrent au mouvement, mais qu'effectivement n'y йtant pas indiffйrent (puisqu'il rйsiste а ce qui lui en doit donner), il faut outre la notion de l'йtendue, employer celle de la force. Ainsi cette rйponse m'accorde justement ce que je veux. Et en effet ceux qui sont pour le systиme des causes occasionnelles, se sont dйjа fort bien aperзus que la force et les lois du mouvement qui en dйpendent, ne peuvent кtre tirйes de la seule йtendue, et comme ils ont pris pour accordй qu'il n'y a que de l'йtendue dans la matiиre, ils ont йtй obligйs de lui refuser la force et l'action, et d'avoir recours а la seule cause gйnйrale, qui est la pure volontй et action de Dieu. En quoi on peut dire qu'ils ont trиs bien raisonnй ex hypothesi. Mais l'hypothиse n'a pas encore йtй dйmontrйe, et comme la conclusion paraоt peu convenable en Physique, il y a plus d'apparence de dire qu'il y a du dйfaut dans l'Hypothиse (qui d'ailleurs souffre bien d'autres difficultйs) et qu'on doit reconnaоtre dans la matiиre quelque chose de plus que ce qui consiste dans le seul rapport а l'йtendue, laquelle (tout comme l'espace) est incapable d'action et de rйsistance, qui n'appartient qu'aux substances. Ceux qui veulent que l'йtendue mкme est une substance, renversent l'ordre des paroles aussi bien que des pensйes. Outre l'йtendue il faut avoir un sujet, qui soit йtendu, c'est-а-dire une substance а laquelle il appartienne d'кtre rйpйtйe ou continuйe. Car l'йtendue ne signifie qu'une rйpйtition ou multiplicitй continuйe de ce qui est rйpandu, une pluralitй, continuitй et coexistence des parties; et par consйquent elle ne suffit point pour expliquer la nature mкme de la substance rйpandue ou rйpйtйe, dont la notion est antйrieure а celle de sa rйpйtition.


LETTRE SUR LA QUESTION SI L'ESSENCE DU CORPS CONSISTE

DANS L'ЙTENDUE


Vous me demandez, Monsieur, les raisons que j'ai de croire que l'Idйe du Corps ou de la matiиre est autre que celle de l'йtendue. Il est vrai, comme vous dites que bien d'habiles gens sont prйvenus aujourd'hui de ce sentiment, que l'essence du corps consiste dans la longueur, largeur et profondeur. Cependant il y en a encore, qu'on ne peut pas accuser de trop d'attachement а la scolastique, qui n'en sont pas contents.

M. Nicole dans un endroit de ses essais tйmoigne d'кtre de ce nombre, et il lui semble qu'il y a plus de prйvention que de lumiиre dans ceux qui ne paraissent pas effrayйs des difficultйs, qui s'y trouvent.

Il faudrait un discours fort ample pour expliquer bien distinctement ce que je pense lа-dessus; cependant voici quelques considйrations que je soumets а votre jugement dont je vous supplie de me faire part.

Si l'essence du corps consistait dans l'йtendue, cette йtendue seule devait suffire pour rendre raison de toutes les affections du corps: mais cela n'est point. Nous remarquons dans la matiиre une qualitй, que quelques-uns ont appelйe l'inertie Naturelle, par laquelle le corps rйsiste en quelque faзon au mouvement, en sorte qu'il faut employer quelque force pour l'y mettre (faisant mкme abstraction de la pesanteur) et qu'un grand corps est plus difficilement йbranlй qu'un petit corps. Par exemple fig. 1:

[La figure mise ici reprйsente un cercle, indexй de la lettre A et un carrй indйxй de la lettre B]

Si le corps A en mouvement rencontre le corps B en repos, il est clair que si le corps B йtait indiffйrent au mouvement ou au repos, il se laisserait pousser par le corps A, sans lui rйsister et sans diminuer la vitesse ou changer la direction du corps A; et aprиs le concours, A continuerait son chemin et B irait avec lui de compagnie, en le devanзant. Mais il n'en est pas ainsi dans la nature; plus le corps B est grand, plus diminuera-t-il la vitesse, avec laquelle vient le corps A, jusqu'а l'obliger mкme de rйflйchir si B est plus grand que A. Or s'il n'y avait dans les corps que l'йtendue, ou la situation, c'est-а-dire que ce que les Gйomиtres y connaissent; joint а la seule notion du changement, cette йtendue serait entiиrement indiffйrente а l'йgard de ce changement, et les rйsultats du concours des corps s'expliqueraient par la seule composition Gйomйtrique des mouvements, c'est-а-dire le corps aprиs le concours irait toujours d'un mouvement composй de l'impression qu'il avait avant le choc et de celle qu'il recevrait du corps concourant, pour ne le pas empкcher, c'est-а-dire, en ce cas de rencontre, il irait avec la diffйrence des deux vitesses et du cфtй de la direction.

[Il y a ici dans l'йdition d'A. Jacques, une coupure]

Lorsque le plus prompt atteindrait un plus lent, qui le devance, le plus lent recevrait la vitesse de l'autre, et gйnйralement; ils iraient toujours de compagnie aprиs le concours, et particuliиre ment (comme j'ai dit au commencement) celui qui est en mouvement emporterait avec lui celui qui est en repos, sans recevoir aucune diminution de sa vitesse, et sans qu'en tout ceci la grandeur, йgalitй ou inйgalitй des deux corps puisse rien changer; ce qui est entiиrement irrйconciliable avec les expйriences. Et quand on supposerait que la grandeur doit faire un changement au mouvement, on n'aurait point de principe pour dйterminer le moyen de l'estimer en dйtail, et pour savoir la direction et la vitesse rйsultante. En tout cas on penche rait а l'opinion de la conservation du mouvement, au lieu que je crois avoir dйmontrй, que la mкme force se conserve, et que sa quantitй est diffйrente de la quantitй du mouvement.

Tout cela fait connaоtre, qu'il y a dans la nature quelque autre chose que ce qui est purement Gйomйtrique, c'est-а-dire que l'йtendue et son changement tout nu. Et а le bien considйrer, on s'aperзoit qu'il y faut joindre quelque notion supйrieure ou mйtaphysique, savoir celle de la substance, action et force; et ces notions portent que tout ce qui pвtit, doit agir rйciproquement, et que tout ce qui agit, doit pвtir quelque rйaction, et par consйquent qu'un corps en repos ne doit кtre emportй par un autre en mouvement sans changer quelque chose de la direction et de la vitesse de l'agent.

Je demeure d'accord que naturelle ment tout corps est йtendu, et qu'il n'y a point d'йtendue sans corps; il ne faut pas nйanmoins confondre les notions du lieu, de l'espace ou de l'йtendue toute pure avec la notion de la substance, qui outre l'йtendue renferme aussi la rйsistance, c'est-а-dire l'action et passion.

Cette considйration me paraоt importante non seulement pour connaоtre la nature de la substance йtendue, mais aussi pour ne pas mйpriser dans la Physique les Principes supйrieurs et immatйriels, au prйjudice de la piйtй. Car quoique je sois persuadй que tout se fait mйcaniquement dans la nature corporelle, je ne laisse pas de croire aussi, que les Principes mкmes de la Mйcanique, c'est-а-dire les premiиres lois du mouvement, ont une origine plus sublime que celle que les pures Mathйmatiques peuvent fournir. Et je m'imagine que si cela йtait plus connu, ou mieux considйrй, bien des personnes de piйtй n'auraient pas si mauvaise opinion de la Philosophie corpusculaire, et les Philosophes modernes joindraient mieux la connaissance de la nature avec celle de son Auteur.

Je ne m'йtends pas sur d'autres raisons touchant la nature du corps, car cela me mиnerait trop loin.



------------------------- FIN DU FICHIER leibnitzdiv1 --------------------------------