"Ensemble, c’est tout" - читать интересную книгу автора (Gavalda Anne)2— Paulette ? Paulette, vous êtes là ? Yvonne pestait. Elle avait froid, resserrait son châle contre sa poitrine et pestait de nouveau. Elle n'aimait pas l'idée d'arriver en retard au supermarché. Ça non. Elle retourna vers sa voiture en soupirant, coupa le contact et prit son bonnet. La Paulette devait être au fond du jardin. La Paulette était toujours au fond de son jardin. Assise sur un banc près de ses clapiers vides. Elle se tenait là, des heures entières, du matin jusqu'au soir peut-être, droite, immobile, patiente, les mains posées sur les genoux et le regard absent. La Paulette causait toute seule, interpellait les morts et priait les vivants. Parlait aux fleurs, à ses pieds de salades, aux mésanges et à son ombre. La Paulette perdait la tête et ne reconnaissait plus les jours. Aujourd'hui, c'était mercredi et le mercredi c'était les courses. Yvonne, qui passait la prendre toutes les semaines depuis plus de dix ans, soulevait le loquet du portillon en gémissant : « Si c'est pas malheureux ça... » Si c'est pas malheureux de vieillir, si c'est pas malheureux d'être si seule et si c'est pas malheureux d'arriver en retard à l'Inter et de ne plus trouver de Caddies près des caisses... Mais non. Le jardin était vide. La mégère commençait à s'inquiéter. Elle alla derrière la maison et mit ses mains en œillères contre le carreau pour s'enquérir du silence. « Doux Jésus ! » s'exclama-t-elle, en apercevant le corps de son amie étendu sur le carrelage de la cuisine. Sous le coup de l'émotion, la bonne femme se signa n'importe comment, confondit le Fils avec le Saint-Esprit, jura aussi un peu et alla chercher un outil dans la remise. C'est avec une binette qu'elle brisa la vitre et au prix d'un effort magnifique qu'elle se hissa jusque sur le rebord de la fenêtre. Elle eut du mal à traverser la pièce, s'agenouilla et souleva le visage de la vieille dame qui baignait dans une flaque rose où le lait et le sang s'étaient déjà mélangés. — Ho ! Paulette ! Vous êtes morte ? Vous êtes morte, là? Le chat lapait le sol en ronronnant, se moquant bien du drame, des convenances et des éclats de verre tout autour. |
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