"Dracula" - читать интересную книгу автора (Stoker Bram)12 mai Qu’on me permette d’exposer des faits – dans toute leur nudité, leur nudité, leur crudité, tels qu’on peut les vérifier dans les livres et dont il est impossible de douter. Il me faut prendre garde de ne pas les confondre avec ce que j’ai pu moi-même observer, ou avec mes souvenirs. Hier soir, lorsque le comte a quitté sa chambre pour venir me retrouver, tout de suite, il s’est mis à m’interroger sur des questions de droits et sur la façon de traiter certaines affaires. Justement, ne sachant que faire d’autre et pour m’occuper l’esprit, j’avais passé la journée à consulter plusieurs livres, à revoir divers points que j’avais étudiés à Lincoln’s Inn. Comme, dans les questions que me fit mon hôte, il y avait un certain ordre, je vais essayer de respecter cet ordre en les rappelant ici. Cela me sera peut-être utile un jour. D’abord, il me demanda si, en Angleterre, on pouvait avoir deux – Eh bien! supposons ceci. Notre ami commun, M. Peter Hawkins, à l’ombre de votre belle cathédrale d’Exeter, laquelle se trouve assez loin de Londres, achète pour moi et par votre intermédiaire, une demeure dans cette dernière ville. Bon! Maintenant, laissez-moi vous dire franchement – car vous pourriez trouver bizarre que je me sois adressé pour cette affaire à un homme qui réside aussi loin de Londres, et non pas tout simplement à un Londonien – que je tenais à ce qu’aucun intérêt particulier ne vienne contrecarrer le mien propre. Or un Je lui répondis que, certainement, ce serait plus facile, mais que les – Mais, reprit-il, dans mon cas, pourrais-je moi-même diriger l’affaire? – Naturellement, fis-je; cela se voit bien souvent lorsque l’intéressé ne désire pas que d’autres personnes aient connaissance des transactions en cours. – Bon! dit-il. Puis il s’informa de la façon dont il fallait s’y prendre pour faire des expéditions, me demanda quelles étaient les formalités exigées, et à quelles difficultés on risquait de se buter si l’on n’avait pas songé auparavant à prendre certaines précautions. Je lui donnai toutes les explications dont j’étais capable, et je suis sûr qu’en me quittant, il dut avoir l’impression d’être passé à côté de sa vocation – il aurait rempli à la perfection la profession de Lorsqu’il eut tous les renseignements qu’il désirait et que, de mon côté, j’eus vérifié certains points dans les livres que j’avais sous la main, il se leva brusquement en me demandant: – Depuis votre première lettre, avez-vous de nouveau écrit à notre ami M. Peter Hawkins ou à d’autres personnes? Ce ne fut pas sans quelque amertume que je luis répondis que non, que je n’avais pas encore eu l’occasion d’envoyer aucune lettre à mes amis. – Alors, écrivez maintenant, dit-il, en appuyant sa lourde main sur mon épaule: écrivez à M. Peter Hawkins et à qui vous voulez; et annoncez s’il vous plaît, que vous séjournerez ici encore un mois à partir d’aujourd’hui. – Vous désirez que je reste ici si longtemps? fis-je en frissonnant à cette seule pensée. – Exactement, je le désire, et je n’accepterai aucun refus. Quand votre maître, votre patron… peu importe le nom que vous lui donnez… s’engagea à m’envoyer quelqu’un en son nom, il a été bien entendu que j’emploierais ses services comme bon me semblerait… Pas de refus! Vous êtes d’accord? Que pouvais-je faire, sinon m’incliner? Il y allait de l’intérêt de M. Hawkins, non du mien, et c’est à M. Hawkins que je devais penser, non à moi. En outre, pendant que le comte Dracula parlait, un je ne sais quoi dans son regard et dans tout son comportement me rappelait que j’étais prisonnier chez lui et que, l’aurais-je voulu, je n’aurais pu abréger mon séjour. Il comprit sa victoire à la façon dont je m’inclinai et vit, au trouble qui parut sur mes traits, que, décidément, il était le maître. Aussitôt, il exploita cette double force en poursuivant avec cette douceur de ton habituelle chez lui et à laquelle on ne pouvait résister: – Je vous prie avant tout, mon cher et jeune ami, de ne parler dans vos lettres que d’affaires. Sans doute vos amis aimeront-ils savoir que vous êtes en bonne santé et que vous songez au jour où vous serez de nouveau auprès d’eux. De cela aussi, vous pouvez leur dire un mot. Tout en parlant, il me tendit trois feuilles de papier et trois enveloppes. C’était du papier très mince et, comme mon regard allait des feuilles et des enveloppes au visage du comte qui souriait tranquillement, ses longues dents pointues reposant sur la lèvre inférieure très rouge, je compris, aussi clairement que s’il me l’avait dit, que je devais prendre garde à ce que j’allais écrire car il pourrait lire le tout. Aussi, décidai-je de n’écrire ce soir-là que des lettres brèves et assez insignifiantes, me réservant d’écrire plus longuement, par après et en secret, à M. Hawkins ainsi qu’à Mina. À Mina, il est vrai, je pouvais écrire en sténographie, ce qui, et c’est le moins qu’on puisse dire, embarrasserait bien le comte s’il voyait cet étrange griffonnage. J’écrivis donc deux lettres, puis je m’assis tranquillement pour lire, tandis que le comte s’occupait également de correspondance, s’arrêtant parfois d’écrire pour consulter certains livres qui se trouvaient sur sa table. Son travail terminé, il prit mes deux lettres qu’il joignit aux siennes, plaça le paquet près de l’encrier et des plumes, et sortit. Dès que la porte se fut refermée derrière lui, je me penchai pour regarder les lettres. Ce faisant, je n’éprouvais aucun remords, car je savais qu’en de telles circonstances, je devais chercher mon salut par n’importe quel moyen. Une des lettres était adressée à Samuel F. Bellington, n°7, The Crescent, Whitby; une autre à – Vous voudrez bien m’excuser, je l’espère, mais j’ai beaucoup de travail ce soir. Vous trouverez ici, n’est-ce pas, tout ce dont vous avez besoin. Arrivé à la porte, il se retourna, attendit un moment, et reprit: – Laissez-moi vous donner un conseil, mon cher jeune ami, ou plutôt un avertissement: s’il vous arrivait jamais de quitter ces appartements, nulle part ailleurs dans le château vous ne trouveriez le sommeil. Car ce manoir est vieux, il est peuplé de souvenirs anciens, et les cauchemars attendent ceux qui dorment là où cela ne leur est pas permis. Soyez donc averti. Si, à n’importe quel moment, vous avez sommeil, si vous sentez que vous allez vous endormir, alors regagnez votre chambre au plus vite, ou l’une ou l’autre de ces pièces-ci, et, de la sorte, vous pourrez dormir en toute sécurité. Mais si vous n’y prenez garde… Le ton sur lequel il avait prononcé ces dernières paroles sans même achever sa phrase avait quelque chose de propre à vous faire frémir d’horreur; en même temps, il eut un geste comme pour signifier qu’il s’en lavait les mains. Je compris parfaitement. Un seul doute subsistait à présent pour moi: se pouvait-il qu’un rêve – n’importe lequel – fût plus terrible que ce filet aux mailles sombres et mystérieuses qui se refermait sur moi? Je relis les derniers mots que j’ai écrits, je les approuve, et pourtant aucun doute ne me fait plus hésiter. Nulle part, je ne craindrai de m’endormir, pourvu que le comte n’y soit pas. J’ai accroché la petite croix au-dessus de mon lit; je suppose que, ainsi, mon repos sera calme sans cauchemars. Et la petite croix restera là. Quand le comte m’eut quitté, de mon côté, je me retirai dans ma chambre. Quelques moments se passèrent, puis, comme je n’entendais pas le moindre bruit, je sortis dans le couloir et montai l’escalier de pierre jusqu’à l’endroit d’où j’avais vue sur le sud. Encore que cette vaste étendue me fût inaccessible, comparée à l’étroite cour obscure du château, j’avais en la regardant comme un sentiment de liberté. Au contraire, quand mes regards plongeaient dans la cour, j’avais véritablement l’impression d’être prisonnier, et je ne désirais rien tant que de respirer une bouffée d’air frais, même si c’était l’air nocturne. Et veiller une partie de la nuit, comme je suis obligé de le faire ici, me met à bout. Je sursaute rien qu’à voir mon ombre, et toutes sortes d’idées, plus horribles les unes que les autres, me passent par la tête. Dieu sait, il est vrai, que mes craintes sont fondées! Je contemplai donc le paysage magnifique qui s’étendait, sous le clair de lune, presque aussi distinct que pendant la journée. Sous cette douce lumière, les collines les plus lointaines se confondaient pourtant, et les ombres, dans les vallées et dans les gorges, étaient d’un noir velouté. Cette simple beauté me calmait; chaque souffle d’air apportait avec lui paix et réconfort. Comme je me penchais à la fenêtre, mon attention fut attirée par quelque chose qui bougeait à l’étage en dessous, un peu à ma gauche; par ce que je savais de la disposition des chambres, il me sembla que les appartements du comte pouvaient se trouver précisément à cet endroit. La fenêtre à laquelle je me penchais était haute, d’embrasure profonde, avec des meneaux de pierre; quoique abîmée par les ans et les intempéries, rien d’essentiel n’y manquait. Je me redressai afin de ne pas être vu, mais je continuai à faire le guet. La tête du comte passa par la fenêtre de l’étage en dessous; sans voir son visage, je reconnus l’homme à son cou, à son dos, et aux gestes de ses bras. D’ailleurs, ne fût-ce qu’à cause de ses mains que j’avais eu tant d’occasions d’examiner, je ne pouvais pas me tromper. Tout d’abord, je fus intéressé et quelque peu amusé, puisqu’il ne faut vraiment rien pour intéresser et amuser un homme quand il est prisonnier. Ces sentiments pourtant firent bientôt place à la répulsion et à la frayeur quand je vis le comte sortir lentement par la fenêtre et se mettre à ramper, la tête la première, contre le mur du château. Il s’accrochait ainsi au-dessus de cet abîme vertigineux, et son manteau s’étalait de part et d’autre de son corps comme deux grandes ailes. Je ne pouvais en croire mes yeux. Je pensais que c’était un effet du clair de lune, un jeu d’ombres; mais, en regardant toujours plus attentivement, je compris que je ne me trompais pas. Je voyais parfaitement les doigts et les oreilles qui s’agrippaient aux rebords de chaque pierre dont les années avaient enlevé le mortier, et, utilisant ainsi chaque aspérité, il descendit rapidement, exactement comme un lézard se déplace le long d’un mur. Quel homme est-ce, ou plutôt quel genre de créature sous l’apparence d’un homme? Plus que jamais, je sens l’horreur de ce lieu; j’ai peur… j’ai terriblement peur… et il m’est impossible de m’enfuir. |
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