"Dracula" - читать интересную книгу автора (Stoker Bram)

28 mai

Peut-être trouverai-je le moyen de m’échapper, ou, au moins, d’envoyer des nouvelles chez moi. Des tziganes sont venus au château, ils campent dans la cour. Je vais écrire quelques lettres, puis j’essaierai de les leur donner afin qu’ils les mettent à la poste. Je leur ai déjà parlé de ma fenêtre, nous avons fait connaissance. Ils se sont découverts en s’inclinant profondément et m’on fait toutes sortes d’autres signes que je ne comprends pas plus, je l’avoue, que ce qu’ils disent…


Ces lettres sont prêtes. Celle pour Mina est sténographiée et quant à M. Hawkins, je lui demande simplement de se mettre en rapport avec Mina. Je l’ai mise au courant de ma situation sans toutefois lui parler des horreurs que somme toute, je ne fais encore que soupçonner. Elle mourrait de peur si je lui dévoilais toutes mes craintes. Ainsi, si même les lettres n’arrivent pas à destination, le comte ne pourra pas se douter à quel point j’ai pénétré ses intentions…


J’ai donné les lettres; je les ai jetées, accompagnées d’une pièce d’or, d’entre les barreaux de ma fenêtre et, par signes, j’ai fait comprendre aux tziganes que je leur demandai de les mettre à la poste. Celui qui les a prises les a pressées contre son cœur en s’inclinant plus encore que de coutume, puis les a placées sous son chapeau. Qu’aurais-je pu faire d’autre? Je n’avais plus qu’à attendre. J’allai dans la bibliothèque où je me mis à lire. Puis, comme le comte ne venait pas, j’ai écrit ces lignes…


Pourtant, je ne suis pas resté longtemps seul; le comte est venu s’installer près de moi et m’a dit d’une voix très douce cependant qu’il ouvrait deux lettres:


– Les tziganes m’ont remis ces plis; bien que j’ignore d’où ils viennent, j’en prendrai soin, naturellement! Voyez… (il avait donc dû les examiner!) Celui-ci est de vous, adressé à mon ami Peter Hawkins; l’autre… (en ouvrant la seconde enveloppe il considéra les caractères insolites, et il prit son air le plus sombre, et ses yeux brillèrent d’indignation et de méchanceté à la fois)… l’autre représente à mes yeux une chose odieuse, il trahit une amitié hospitalière! Et, de plus, il n’est pas signé… Donc, au fond, il ne peut pas nous intéresser.


Avec le plus grand calme, il approcha de la lampe la feuille et l’enveloppe, les présentant à la flamme jusqu’à ce quelles fussent entièrement brûlées. Il reprit alors:


– La lettre à Hawkins, celle-là, bien entendu, je l’enverrai puisque c’est vous qui l’avez écrite. Vos lettres sont pour moi choses sacrées. Vous voudrez bien, n’est-ce pas, mon ami, me pardonner de l’avoir ouverte, j’ignorais de qui elle était. Vous allez la remettre sous enveloppe, j’espère?


Et, s’inclinant courtoisement, il me tendit la lettre avec une nouvelle enveloppe. Je ne pouvais, en effet, que rédiger à nouveau l’adresse et lui remettre le tout sans faire la moindre remarque. Lorsqu’il me quitta, dès qu’il eut refermé la porte, j’entendis la clef tourner doucement dans la serrure. Je laissai passer quelques instants, puis j’allai essayer d’ouvrir la porte; elle était fermée à clef.


Quand, une ou deux heures plus tard, le comte, toujours très calme, rentra dans la bibliothèque, je me réveillai en sursaut, car je m’étais endormi sur le sofa. Le constatant, il me dit sur un ton très poli et enjoué à la fois:


– Vous êtes fatigué, mon ami? Mais allez donc vous mettre au lit. C’est là que l’on se repose le mieux. D’ailleurs, je n’aurai pas le plaisir de faire la conversation avec vous ce soir, car j’ai beaucoup de travail. Mais allez dormir, je vous prie…


Je passai dans ma chambre, me couchai, et, aussi étrange que cela puisse paraître, je dormis paisiblement, sans rêver. Le désespoir porte en lui son propre calmant.