"Les particules elementaires" - читать интересную книгу автора (Houellebecq Michel)12 REGIME STANDARD« (Auguste Comte - Le milieu des annees soixante-dix fut marque en France par le succes de scandale qu'obtinrent Plus generalement, le mouvement favorable a la liberation des m?urs connut en 1974 d'importants succes. Le 20 mars ouvrit a Paris le premier club Vitatop, qui devait jouer un role de pionnier dans le domaine de la forme physique et du culte du corps. Le 5 juillet fut adoptee la loi sur la majorite civique a dix-huit ans, le 11 celle sur le divorce par consentement mutuel - l'adultere disparut du Code penal. Enfin, le 28 novembre, la loi Veil autorisant l'avortement fut adoptee, grace a l'appui de la gauche, a l'issue d'un debat houleux - qualifie d'«historique» par la plupart des commentateurs. En effet l'anthropologie chretienne, longtemps majoritaire dans les pays occidentaux, accordait une importance illimitee a toute vie humaine, de la conception a la mort; cette importance est a relier au fait que les chretiens croyaient a l'existence, a l'interieur du corps humain, d'une L'agnosticisme de principe de la Republique francaise devait faciliter le triomphe hypocrite, progressif, et meme legerement sournois, de l'anthropologie materialiste. Jamais ouvertement evoques, les problemes de Pour Bruno, qui venait d'avoir dix-huit ans, l'ete 1974 fut une periode importante, et meme cruciale. Ayant entrepris, bien des annees plus tard, de consulter un psychiatre, il devait y revenir a de nombreuses reprises, modifiant tel ou tel detail - le psychiatre, en fait, semblait apprecier enormement ce recit. Voici la version canonique qu'aimait a en donner Bruno: «Cela s'est passe vers la fin du mois de juillet. J'etais parti une semaine chez ma mere sur la Cote. Il y avais toujours du passage, beaucoup de monde. Cet ete-la, elle faisait l'amour avec un Canadien - un jeune type tres costaud, un vrai physique de bucheron. Le matin de mon depart, je me suis reveille tres tot. Le soleil etait deja chaud. Je suis entre dans leur chambre, ils dormaient tous les deux. J'ai hesite quelques secondes, pute j'ai tire le drap. Ma mere a bouge, j'ai cru un instant que ses yeux allaient s'ouvrir; ses cuisses se sont legerement ecartees. Je me suis agenouille devant sa vulve. J'ai approche ma main a quelques centimetres, mais je n'ai pas ose la toucher. Je suis ressorti pour me branler. Elle recueillait de nombreux chats, tous plus ou moins sauvages. Je me suis approche d'un jeune chat noir qui se chauffait sur une pierre. Le sol autour de la maison etait caillouteux, tres blanc, d'un blanc impitoyable. Le chat m'a regarde a plusieurs reprises pendant que je me branlais, mais il a ferme les yeux avant que j'ejacule. Je me suis baisse, j'ai ramasse une grosse pierre. Le crane du chat a eclate, un peu de cervelle a gicle autour. J'ai recouvert le cadavre de pierres, puis je suis rentre dans la maison; personne n'etait encore reveille. Dans la matinee ma mere m'a conduit chez mon pere, c'etait a une cinquantaine de kilometres. Dans la voiture, pour la premiere fois, elle m'a parle de di Meola. Lui aussi avait quitte la Californie, quatre ans auparavant; il avait achete une grande propriete pres d'Avignon, sur les pentes du Ventoux. L'ete il recevait des jeunes qui venaient de tous les pays d'Europe, et egalement d'Amerique du Nord. Elle pensait que je pourrais y aller un ete, que ca m'ouvrirait des horizons. L'enseignement de di Meola etait surtout centre sur la tradition brahmanique, mais, selon elle, sans fanatisme ni exclusive. Il tenait egalement compte des acquis de la cybernetique, de la PNL et des techniques de deprogrammation mises au point a Esalen. Il s'agissait avant tout de liberer l'individu, son potentiel creatif profond. "Nous n'utilisons que 10 % de nos neurones." "En plus, ajouta Jane (ils traversaient alors une foret de pins), la-bas, tu pourras rencontrer des jeunes de ton age. Pendant ton sejour avec nous, on a tous eu l'impression que tu avais des difficultes sur le plan sexuel." La maniere occidentale de vivre la sexualite, ajouta-t-elle, etait completement deviee et pervertie. Dans beaucoup de societes primitives l'initiation se faisait naturellement, au debut de l'adolescence, sous le controle des adultes de la tribu. "Je suis ta mere" precisa-t-elle encore. Elle s'abstint d'ajouter qu'elle avait elle-meme initie David, le fils de di Meola, en 1963. David avait alors treize ans. La premiere apres-midi, elle s'etait devetue devant lui avant de l'encourager dans sa masturbation. La seconde apres-midi, elle avait elle-meme masturbe et suce. Enfin, le troisieme jour, il avait pu la penetrer. C'etait pour Jane un tres greable souvenir; la bite du jeune garcon etait rigide et semblait indefiniment disponible dans sa rigidite, meme apres plusieurs ejaculations; c'est sans doute a partir de ce moment qu'elle s'etait definitivement tournee vers les hommes jeunes. "Cependant, ajouta-t-elle, l'initiation se fait toujours en dehors du systeme familial direct. C'est indispensable pour permettre l'ouverture au monde." Bruno sursauta, se demanda si elle s'etait effectivement reveillee ce meme matin, au moment ou il plongeait son regard dans sa vulve. La remarque de sa mere, cependant, n'avait rien de tres surprenant; le tabou de l'inceste est deja atteste chez les oies cendrees et les mandrills. La voiture approchait de Sainte-Maxime. «En arrivant chez mon pere, poursuivait Bruno, je me suis rendu compte qu'il n'allait pas tres bien. Cet ete-la, il n'avait pu prendre que deux semaines de vacances. Je n'en avais pas conscience a l'epoque mais il avait des problemes d'argent, pour la premiere fois ses affaires commencaient a tourner mal. Plus tard, il m'a tout raconte. Il avait completement rate le marche emergent des seins silicones. Pour lui c'etait une mode passagere, qui ne depasserait pas le marche americain; c'etait evidemment idiot. Il n'y a aucun exemple qu'une mode venue des Etats-Unis n'ait pas reussi a submerger l'Europe occidentale quelques annees plus tard; aucun. Un de ses jeunes associes avait saisi l'opportunite, s'etait installe a son compte et lui avait pris une grande part de sa clientele en utilisant les seins silicones comme produit d'appel.» Au moment de cette confession le pere de Bruno avait soixante-dix ans, et devait prochainement succomber a une attaque de cirrhose. «L'histoire se repete, ajoutait-il sombrement en faisant tinter les glacons dans son verre. Ce con de Poncet (il s'agissait du jeune chirurgienplein d'elan qui, vingt ans auparavant, avait ete a l'origine de sa ruine), ce con de Poncet vient de refuser d'investir dans l'allongement des bites. Il trouve que ca fait charcuterie, il ne pense pas que le marche masculin va suivre en Europe. Le con. Aussi con que moi a l'epoque. Si j'avais trente ans aujourd'hui, ah oui je me lancerais dans l'allongement des bites!» Ce message delivre il retombait en general dans une reverie obscure, a la limite de la somnolence. La conversation pietinait un peu, forcement, a cet age. En ce mois de juillet 1974, le pere de Bruno n'en etait encore qu'au tout premier stade de sa decheance. Il s'enfermait l'apres-midi dans sa chambre avec une pile de San-Antonio et une bouteille de bourbon. Il ressortait vers sept heures, preparait un plat cuisine d'une main tremblante. Il n'avait pas tout a fait renonce a parler a son fils mais il n'y arrivait pas, il n'y arrivait vraiment pas. Au bout de deux jours, l'atmosphere devint reellement oppressante. Bruno se mit a sortir, des apres-midi entieres; il allait tout betement a la plage. Le psychiatre appreciait moins la partie suivante du recit, mais Bruno y tenait beaucoup, il n'avait aucune envie de la passer sous silence. Apres tout ce connard etait la pour ecouter, c'etait un employe, non? «Elle etait seule, poursuivait donc Bruno, elle etait seule toutes les apres-midi sur la plage. Une pauvre petite gosse de riches, comme moi; elle avait dix-sept ans. Elle etait vraiment boulotte, un petit tas avec un visage timide, une peau trop blanche et des boutons. Le quatrieme apres-midi, juste la veille de mon depart en fait, j'ai pris ma serviette et je me suis assis a cote d'elle. Elle etait allongee sur le ventre, elle avait degrafe le soutien-gorge de son maillot. La seule chose que j'ai trouve a dire, je me souviens, c'est: "Tu es en vacances?" Elle a leve les yeux: elle ne s'attendait surement pas a un truc brillant, peut-etre quand meme pas a quelque chose de si con. Ensuite on a echange nos prenoms, elle s'appelait Annick. A un moment donne il a fallu qu'elle se releve, et je me demandais: est-ce qu'elle allait essayer de reagrafer le soutien-gorge par-derriere? est-ce qu'elle allait au contraire se relever en me montrant ses seins? Elle a fait quelque chose d'intermediaire: elle s'est retournee en tenant a moitie les bouts du soutien-gorge. Dans la position finale les bonnets etaient un peu de travers, ils ne la recouvraient qu'a moitie. Elle avait vraiment une grosse poitrine, meme deja un peu flasque, ca a du terriblement s'aggraver par la suite. Je me suis dit qu'elle avait beaucoup de courage. J'ai approche ma main et je l'ai passee sous le bonnet, decouvrant le sein au fur et a mesure. Elle n'a pas bouge mais elle s'est un peu raidie, elle a ferme les yeux. J'ai continue a passer ma main, ses mamelons etaient durs. Ca reste un des plus beaux moments de ma vie. Ensuite, c'est devenu plus difficile. Je l'ai emmenee chez moi, on est tout de suite montes dans ma chambre. J'avais peur que mon pere la voie; c'est quand meme un homme qui avait eu de tres belles femmes, dans sa vie. Mais il dormait, en fait cette apres-midi-la il etait completement ivre, il ne s'est reveille qu'a dix heures du soir. Bizarrement, elle n'a pas accepte que je lui retire son slip. Elle ne l'avait jamais fait, m'a-t-elle dit; elle n'avait jamais rien fait avec un garcon, a vrai dire. Mais elle m'a branle sans hesitation, avec beaucoup d'enthousiasme; je me souviens qu'elle souriait. Ensuite, j'ai approche ma bite de sa bouche; elle a tete quelques petits coups, mais elle n'a pas tellement aime. Je n'ai pas insiste, je me suis mis a califourchon sur elle. Quand j'ai serre mon sexe entre ses seins j'ai senti qu'elle etait vraiment heureuse, elle a pousse un petit gemissement. Ca m'a terriblement excite, je me suis releve et j'ai fait glisser son slip. Cette fois elle n'a pas proteste, elle a meme releve les jambes pour m'aider. Ce n'etait vraiment pas une jolie fille, mais sa chatte etait attirante, aussi attirante que celle de n'importe quelle femme. Elle avait ferme les yeux. Au moment ou j'ai glisse mes mains sous ses fesses, elle a completement ecarte les cuisses. Ca m'a fait un tel effet que j'ai ejacule aussitot, avant meme d'avoir pu entrer en elle. Il y avait un peu de sperme sur ses poils pubiens. J'etais terriblement desole, mais elle m'a dit que ca ne faisait rien, qu'elle etait contente. Nous n'avons pas tellement eu le temps de parler, il etait deja huit heures, elle devait rentrer tout de suite chez ses parents. Elle m'a dit, je ne sais trop pourquoi, qu'elle etait fille unique. Elle avait l'air tellement heureuse, tellement fiere d'avoir une raison d'etre en retard pour le diner que j'ai failli me mettre a pleurer. On s'est embrasses tres longuement dans le jardin devant la maison. Le lendemain matin, je suis reparti a Paris.» A l'issue de ce mini-recit, Bruno marquait un temps d'arret. Le therapeute s'ebrouait avec discretion, puis disait en general: «Bien.» Suivant l'horaire ecoule il prononcait une phrase de redemarrage, ou se contentait d'ajouter: «On en reste la pour aujourd'hui?», montant legerement sur le |
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