"Enfer d’un paradis" - читать интересную книгу автора (Voutcho Vouk)

IX. Petit Loup. Ignace le vampire.

Même un ustensile aussi simple qu’un carafon vide pouvait devenir quelque chose de précieux s’il se trouvait en de bonnes mains. En l’occurrence, c’étaient les miennes qui, depuis peu, s’affairaient avec adresse. Après m’être servi de son fond comme d’un télescope et d’une loupe, pour étudier le disque lunaire et mon entourage le plus proche, la vérité se mit peu à peu à me crever les yeux.


Nous ne trouverions le salut qu’en renonçant au sérieux de l’âge mûr, qui menaçait de nous faire cuire à petit feu et de nous affliger d’un abcès qui n’arrivera jamais à percer.


Si Sandrine, Prosper et moi ressemblions à ces trois singes orientaux soucieux, Prosper était celui qui se cachait les yeux pour ne pas revoir notre oiseau de mauvais augure, Sandrine celui qui se bouchait les oreilles pour ne pas entendre de nouveau ses croassements, et moi celui qui fermait la bouche pour ne pas trahir notre crainte secrète. Il ne nous manquait que le quatrième singe, celui que mon père avait trouvé chez un antiquaire de Calcutta. Sage au-dessus des sages, des deux mains, il se couvrait le bas-ventre.


Après avoir échangé quelques caresses rapides avec Suzanne dans le maquis, au pied du cimetière, une méchante épine d’un arbrisseau, restée plantée dans ma cuisse, me rappela la sagesse du quatrième singe, modèle d’une perfection que je n’avais jamais atteinte. Si j’avais pris exemple sur lui une petite heure plus tôt, la vue du profil laiteux de Sandrine ne m’aurait pas été à présent si douloureuse, pareille à une fissure intérieure irréparable, signe précurseur du naufrage de mon beau navire et de son capitaine.


«Garce! murmurai-je dans la carafe. La pire des garces!…»


En même temps que de l’amertume, je déchiffrai sur mon camée la trace indéniable d’un plaisir tout récent, ce plaisir hors de pair, ressenti uniquement dans le lit d’un ennemi politique.


«Garce!» susurrai-je dans la carafe.


Hélas! les oreilles bouchées, Sandrine ne pouvait rien entendre.


Ce fut notre bon Prosper, plus gris encore que moi, qui me tira de ces pensées amères. Il se pendit à mon cou, et pendant dix minutes me souffla au visage les émanations d’un mélange de vin corse et de bile stomacale canadienne, qui auraient pu nous faire sauter si quelqu’un avait allumé une allumette.


«Tu es un vrai danger pour ton entourage, lui dis-je.


– Parfaitement exact, reconnut-il en se rengorgeant. Mais je suis avant tout un danger pour moi-même.»


De son verbiage embrouillé, tout ce que je compris était qu’un monsieur courtois m’avait cherché, il y avait à peine une demi-heure, se présentant comme un collègue de l’armée, un homme d’une politesse rare dont il me fallait sans faute attendre le retour.


La dernière chose dont j’avais besoin, c’était bien de ce genre de souvenirs.


«J’en ai plein les bottes des vieux amis!» dis-je aimablement à Prosper en le repoussant pour mieux examiner cette trace de plaisir charnel sur le profil de Sandrine.


Le malheureux se redressa comme il put et s’éloigna vers le môle, me laissant enfin en tête-à-tête avec moi-même, la meilleure des compagnies. Je marmonnais toujours dans la carafe, la tournant entre mes mains comme la lampe merveilleuse d’Aladin, quand derrière moi retentirent des cris de femmes, des rires et le hurlement de Willi le Long:


«Un homme à la mer!»


C’était bien plus qu’un homme, c’était Prosper.


Nous serrant les uns contre les autres au bord du débarcadère, admiratifs et horrifiés, nous observions dans l’eau cette forme humaine mi-couchée, à une profondeur d’environ deux mètres. Au lieu de nager ou de faire quoi que ce soit pour remonter à la surface, Prosper, dépourvu de tout instinct de conservation, se prélassait entre deux ancres rouillées, nous souriant d’un air diabolique, tel un amphibien. Malgré sa peur obsédante d’être contaminé par toutes sortes de saletés, il se portait comme un charme dans son nouvel élément.


De toutes parts, de petits poissons étonnés se précipitaient sur l’intrus, faisant cercle autour de lui, pour le dévisager avec le plus grand sérieux. Deux ou trois d’entre eux, un peu plus téméraires que les autres, osèrent même nager jusqu’à sa moustache rousse, aguichés par des miettes de nourriture.


Combien de temps cela dura-t-il? Il me sembla toute une éternité. Après un certain laps de temps, sous la moustache de Prosper, au bord de ses lèvres, apparurent de petites bulles d’air qui, en grappe, remontèrent à la surface de l’eau. Quelques secondes plus tard, les bulles se firent plus nombreuses, et le corps fragile, niché de plus en plus confortablement dans la vase, entre deux vieilles ancres, se mit à lâcher à intervalles réguliers grappe après grappe.


«À l’aide! Faites quelque chose! braillaient les femmes. Au secours!»


À leur clameur se joignirent les glapissements de César, posé sur une table de la buvette. C’était la peur de perdre son maître qui avait dû déclencher ses haut-parleurs stridents. Une foule de curieux nous poussait dans le dos, juste au-dessus de l’eau, persuadée que les horribles Dents de la mer avaient fait leur apparition dans la crique d’Ouf. Pour ajouter à la confusion, des autochtones, réveillés par le bruit, se mirent à maudire tous ces touristes ivres par-dessus leurs clôtures, mais la voix de Willi le Long l’emporta sur tous les autres cris.


«Cet homme est en train de se noyer!» se démenait le grand escogriffe.


Je demeurai bouche cousue pour ne pas trahir le secret de notre confrère. Prosper ne se noyait nullement: il avait tout simplement pris une décision, un peu extravagante pour une créature terrestre, et il la mettait à exécution avec la rigueur qui était la sienne. Il avait choisi un autre monde, probablement moins fou et plus juste.


Au lieu de nous élancer à son secours et d’arracher le futur noyé à la vase, Sandrine et moi, ses meilleurs amis, nous échangeâmes un regard entendu et continuâmes, comme pétrifiés, à suivre sa longue agonie. Les bulles d’air remontaient à la surface à intervalles de plus en plus espacés, mais le sourire vengeur de Prosper ne quittait pas son visage. Ses lèvres s’ouvraient, découvrant deux rangées de dents serrées qui, sous l’eau, devaient grincer.


Au milieu de tout ce désordre, l’un des jeunes gens que nous avions taquinés durant la soirée eut la présence d’esprit de sauter dans le canot le plus proche, d’en retirer une ligne de pêcheur, de la jeter adroitement à l’eau et d’attraper le col du veston de Prosper pour le ramener tout doucement à la surface, tel un énorme poulpe.


Lorsque sa tête émergea, à l’étonnement général, Prosper ne montra pas le moindre signe d’essoufflement, comme si sous l’eau il avait aspiré de l’oxygène en abondance. Il roula vers les spectateurs son œil sain, éternua à travers sa moustache et prononça avec son fort accent québécois une phrase inoubliable:


«Pourquoi me dérangez-vous?»


Pendant qu’on le transportait jusqu’à la paillote de Napo, tandis qu’on essorait sa veste et versait un peu d’eau-de-vie dans sa bouche et dans son cou, pendant qu’on le secouait en dégageant quelques saletés de ses oreilles, Prosper ne cessait d’observer, avec une nostalgie inexprimable, cet endroit entre deux barques où avait été si brutalement interrompue son idylle sous-marine.


«Pourquoi? bredouillait-il, tout retourné, comme si l’on venait tout juste de le réveiller. Pourquoi m’avez-vous?…»


Les badauds, très déçus, se dispersèrent en grommelant. Nulle trace des Dents de la mer dans la douce crique d’Ouf. L’émotion retomba et la fatigue s’abattit sur les participants du drame. Nous devions aller nous reposer, en cette veille de croisière sur l’Arche de Noé. Seul César hoquetait tristement, comme s’il ne pouvait se remettre de la frayeur qu’il venait d’endurer. Il ne se tut qu’au moment où son maître, de méchante humeur, lui donna une chiquenaude.


Mes amis s’éloignèrent chacun de leur côté, le Capitaine Carcasse traînant les jambes dans ses espadrilles usées, Willi le Long sur ses échasses mal assurées, Suzanne dandinant son derrière sur des cuisses bronzées, Sandrine avec César sous le bras, et Prosper avec sa copine Gertrude sur son épaule. Après avoir aussi refusé de suivre Alpha, Inès et son Bobo, enfin seul, je laissai échapper un soupir de soulagement, tout en tombant de sommeil.


Les yeux mi-clos, j’assistai au départ des deux derniers clients de la buvette, deux pauvres diables pris de boisson, qui s’éloignèrent en titubant, bras dessus, bras dessous, et disparurent sur la plage voisine comme engloutis par des sables mouvants. Leurs bras, d’un blanc sale, ressemblaient à s’y méprendre aux ailes fanées de mes vieilles connaissances, anges de l’amour et de la mort, roués de fatigue eux aussi, après notre festin qui avait épuisé leurs forces physiques et morales. Leur apparition et leur disparition à cette frontière incertaine entre le réel et le rêve furent les signes avant-coureurs d’une autre vision, celle de papa, à qui j’avais donné le coup de grâce, mon papa corse sur son lit de mort, cette fois au fond de la mer, prononçant ses ultimes paroles: «Prenons notre vol!»


«Chose étrange, lui dis-je, maman ne s’est pas rendue ici te souhaiter la bienvenue.»


Lorsque je rouvris les yeux, la première chose que je vis fut sa casquette extraordinairement grande, qui lui cachait le visage jusqu’à son bec de lièvre. Sa bouche fendue me sourit cordialement, ainsi que ses petits yeux à l’ombre de la visière.


«Bonsoir, dit-il à mi-voix avec un moelleux accent du Midi. Ou bien, si vous préférez, bonjour, vieux camarade de combat.


– Je n’ai jamais combattu nulle part», grondai-je.


À en juger d’après la position de la lune blafarde, j’avais dû sommeiller au moins une heure ou deux après le départ de mes amis.


«Petit Loup? me demanda l’homme sous la casquette. Ai-je le plaisir de me trouver devant mon vieil ami de l’armée, surnommé Petit Loup?


– Peut-être, si vous le dites, marmonnai-je, caressant mon carafon, au fond duquel scintillaient encore quelques gouttes d’un liquide guérisseur. Voulez vous que nous partagions? demandai-je du bout des lèvres.


– Non, me remercia-t-il. Je ne bois pas.


– Bravo, dis-je, et je lapai le reste du vin.


– Je ne bois pas et je ne fume pas», se vanta-t-il.


La carafe vide me resservit de loupe. Grâce à ces dernières gouttes qui me réchauffèrent la poitrine, je vis certaines choses un peu plus clairement. L’individu ressemblait à un lézard ou à un autre reptile à sang froid. Tandis que je le dévisageais attentivement à travers mon verre agrandisseur, je songeai qu’un mammifère supérieur devait se sentir relativement malheureux dans cette peau, s’il s’agissait, bien évidemment, d’un mammifère supérieur.


«Je ne bois pas et je ne fume pas!» répéta-t-il d’une voix gutturale qui contrastait avec son visage pointu et décharné.


Soudain j’eus pitié de lui et lui demandai:


«Depuis quand?


– Depuis la fin de notre service militaire, à Draguignan, se hâta-t-il de répondre. Ne vous souvenez-vous donc pas de moi?


– Non, reconnus-je.


– RIMA de Draguignan, régiment d’infanterie, deuxième compagnie.


– Je ne me rappelle pas.


– Le dortoir du premier étage!


– Vraiment, je ne me souviens pas.


– Le deuxième lit à gauche, sous la fenêtre!


– J’ai un trou de mémoire, monsieur.»


Il enfonça jusqu’au coude son bras dans la poche de son lourd caban, qui le protégeait du petit vent tiède de cette nuit d’août. Il y fouilla longuement avec un sourire qui promettait une surprise agréable, et en retira enfin un livret militaire tout chiffonné portant une photo jaunie.


«Ignace! dit-il triomphalement. Celui qui a eu l’appendice perforé pendant une marche.»


À travers le fond du carafon, je considérai la photographie. La tête rasée du cliché pouvait être la sienne, la mienne ou bien celle de ma défunte grand-mère, chauve comme une boule de billard. À la fin, je haussai les épaules en signe de capitulation.


«J’ai dû boire un peu trop hier soir, dis-je.


– L’alcool nuit à la santé, me réprimanda-t-il amicalement. Moi, personnellement, j’ai arrêté de boire et de fumer le jour où j’ai quitté Draguignan. Je ne mange de la viande qu’une seule fois par semaine, et uniquement cuite à la braise.


– Certains nutritionnistes affirment que la viande grillée sur la braise n’est pas bonne pour l’appendice, dis-je.


– Je n’ai pas d’appendice! s’exclama-t-il avec fierté.


– Pas possible, protestai-je. Vous ne ressemblez pas du tout à une personne privée d’appendice.»


L’étrange personnage redevint sérieux, fronçant plus encore les sourcils dans l’ombre de sa casquette.


«Je ne tiens jamais des propos contraires à la vérité. Malheureusement, je n’ai pas sur moi le certificat de sortie de l’hôpital.


– Vous êtes un cas tout à fait original», le complimentai-je à travers le fond de ma carafe.


Nous nous tûmes pendant quelques instants, comme des gens qui ont épuisé tous les sujets de conversation et qui laissent le silence parler à leur place. J’ai toujours considéré que le silence était ce qu’il y avait de plus éloquent entre deux personnes qui n’avaient rien à se dire.


«Pouvons-nous nous tutoyer?» demanda-t-il subitement.


J’eus peur, si j’acceptais, qu’il ne me demande aussitôt de lui prêter cent euros, mais je craignais bien plus qu’il ne m’en demande deux cents si je refusais. C’est pourquoi j’acceptai.


«Ce serait un immense plaisir pour moi», dis-je.


Ses petits yeux se mirent à briller, et son bec de lièvre s’étira d’une oreille à l’autre, signe de joie et d’émotion. Il se pencha par-dessus la table et, trempant les deux manches de son caban dans la flaque de vin rouge qui nous séparait, me tapota paternellement la joue trois fois de suite.


«J’en étais sûr! dit-il. Les vieux camarades de régiment ne s’oublient pas comme ça! Ce sont des souvenirs qui restent gravés dans la mémoire pour toute la vie!»


Il continua à me tapoter avec bienveillance jusqu’à ce que je reconnaisse que c’était vrai de vrai, que je n’avais pas de souvenirs plus beaux ni plus chers que ceux du service militaire.


«Tu passes tes vacances ici?» me demanda-t-il.


Je m’empressai d’acquiescer, craignant qu’il ne me tapote la joue une fois de plus.


«Quel beau village, dit-il dans un soupir. Hélas! moi, personnellement, je n’y suis que de passage. Figure-toi que je n’ai même pas où passer la nuit.»


Je pris cela pour un prélude à une demande de lui prêter cent euros, et tâtai mon habit aux endroits où les gens ont généralement des poches.


«Je n’ai pas un rond sur moi, dis-je. Je n’ai même pas de poches.»


Pour le convaincre de la véracité de mes dires, je déversai sur la table le contenu de mon baise-en-ville: un paquet de cigarettes, un briquet et un trousseau de clefs accroché à ce fameux porte-clefs dont dépendait ma vie, qui ne tenait qu’à un fil.


Mon vieil ami, avec qui je venais tout juste de faire connaissance, se mit à rire de bon cœur, si jovialement que j’eus peur de voir son bec de lièvre se fendre sous ses moustaches duveteuses.


«Camarade, pouffa-t-il, n’aie pas peur, je ne suis pas de cette espèce-là. Moi, personnellement, je séjourne à Ouf aux frais de ma famille.


– Veinard, dis-je.


– En fait, je suis en service commandé, continua-t-il d’une voix éteinte, comme s’il allait me confier un important secret. On m’a payé ce beau voyage aller-retour pour te rencontrer et t’interviewer.»


Soudainement, je me sentis très flatté.


«Quelqu’un est donc prêt à payer pour ça?


– Oui, la famille», répondit-il d’un ton grave.


Le bonhomme me paraissait de plus en plus sympathique. S’il était difficile d’affirmer qu’il éveillait des sentiments esthétiques, il fallait néanmoins reconnaître qu’il n’était pas sans un certain charme, et que son bec de lièvre seyait bien à son nez crochu et à son menton imberbe.


Je me demandais s’il était de la famille de presse écrite ou de la télévision. Je me demandais également, avec ma modestie innée, pourquoi un journal ou une chaîne de télé m’intervieweraient. Autant que je me souvenais, au cours de ces dernières années, je n’avais rien fait d’héroïque, ni battu aucun record, sinon celui qui consistait à ruminer des idées noires.


Mais peut-être s’intéressaient-ils à notre émission dominicale destinée aux étrangers, à mon travail de réalisateur de documentaires et aux reportages inoubliables de trois minutes que j’avais tournés sur les ménagères illettrées d’Afrique noire, le hockey portugais sur béton, les fabricants marocains de boyaux pour saucisses alsaciennes… Ou alors!… Ou alors, on avait enfin entendu parler du roman que je préparais, qui devait me rendre célèbre, et dont le titre était déjà tout prêt: La Mort , sa vie, son œuvre!


Pendant que je remuais fiévreusement ces pensées, le gaillard enfonça de nouveau le bras jusqu’au coude dans sa poche, y fouillant longuement, probablement à la recherche d’un calepin de journaliste. Mais à la place d’un carnet, les yeux luisants, il en retira une photo aux bords chiffonnés.


«Je bosse pour Pico, chef de notre famille. Récemment, il m’a nommé capitaine», dit-il d’une voix étouffée.


La carafe sur les yeux, j’examinai avec soin sa photo, un petit paysage paradisiaque au bord de l’eau, à la sortie sud d’Ouf, la pinède et la plage couverte de galets où papa m’avait appris à nager, où j’avais vécu ma première étreinte amoureuse, le bout de terre appartenant à mon père, dont il avait voulu protéger la virginité et la pureté coûte que coûte toute sa vie durant.


«Je bosse pour la famille toulousaine de Pico, dit-il d’une voix encore plus sourde.


– Une famille nombreuse? demandai-je ne quittant pas de l’œil la photo féerique.


– Sois pas trop curieux. La curiosité est un vilain défaut.


– Pour le bien-être de family business, il faut mettre la main à la pâte, plaisantai-je.


– Restons sérieux, dit le bonhomme en se renfrognant. Il s’agit d’une affaire sérieuse. Je suis chargé de transmettre à mon patron ta réponse mot pour mot.»


Il creusa une fois de plus dans le gouffre de sa poche, et en extirpa, comme du chapeau d’un magicien, un magnétophone antédiluvien, de la même marque et du même modèle que celui dont se servait mon père autrefois.


«Une pièce de collection! Puis-je la voir? demandai-je.


– C’est hors de question!» rétorqua-t-il en essayant de mettre en marche la petite boîte moisie.


Je fus brusquement pris d’une crise de fou rire irrésistible que j’étouffai dans un accès de toux.


I g n a c e!!!


Le prénom de cette recrue insipide ressurgit enfin dans ma mémoire, ainsi que l’image de ce jeune paysan apeuré, occupant le deuxième lit sous la fenêtre du dortoir du premier étage, un petit gars effacé que la chance n’avait pas gâté durant ce long hiver à Draguignan. Il s’était traîné pendant deux mois avec un bras dans le plâtre, avant qu’on lui arrache sa dent de sagesse infectée et qu’on lui fasse un lavage d’estomac à la suite d’un empoisonnement, pour enfin se retrouver avec un appendice perforé. À son dernier retour de l’hôpital, je l’avais vu, de mes yeux, tomber sous les chenilles d’un char pour se faire écraser comme une mouche, puis être ramassé dans deux sacs de plastique et emporté dans une ambulance vers le pays du non-retour.


Et voilà! Ce soir, un miracle s’était produit! Le fantôme d’Ignace était revenu de l’autre monde, sans appendice, mais avec des épaulettes de capitaine d’un gang de mafieux. C’était bien la preuve que les exploits des vampires existaient toujours et qu’il y avait une justice macabre sur Terre.


De vagues souvenirs d’une lecture du Dictionnaire infernal de Plancy me revinrent des descriptions de vampires actifs et passifs, ceux qui sucent et ceux qui meurent sucés, devenant vampires à leur tour. Étant capable d’infester tout un pays, si la pègre varoise se décidait à mettre la Corse dans sa poche, ce ne serait pas la mer à boire. Je serais certainement le premier à être sucé, la première des victimes vampirisées, avant même mes amis corses au sang si chaud et appétissant.


Pour fuir cette horreur, je me remis à rire comme un bossu. Mon hilarité était si forte et si contagieuse qu’elle gagna aussi Ignace. Il commença d’abord à hoqueter, probablement nerveusement, car il peinait à mettre en marche son magnétophone. Il se mit ensuite à ricaner bêtement, comme si une main espiègle lui caressait le dos sous son caban, pour éclater enfin, de même que moi, d’un rire irrépressible qui remplit nos yeux de grosses larmes.


«I-gnace! I-gnace! scandai-je entre deux étranglements. Sois bé-ni, cher I-gnace!»


Péniblement, nous reprîmes nos esprits, et essayâmes, tant bien que mal, d’essuyer nos larmes, mais mon camarade revenant hoqueta encore longtemps, et ceci dans les règles, précisément là où un homme lettré aurait ponctué des phrases noueuses. Il était certain qu’entre le service militaire et sa mission sur l’île de Beauté il avait fait de grands progrès.


Il y a des choses qu’Ignace de sa vie n’oubliera jamais. L’une de celles-ci était son service militaire à Draguignan et les amis qu’il y avait rencontrés. Lui, personnellement, se souvenait encore du goût de la saucisse alsacienne que Petit Loup avait partagée avec lui. Ignace, le lieutenant de Pico, qui avait toujours respecté les ordres de ses supérieurs, cette fois-ci s’y était énergiquement opposé. Au lieu de ramener son vieil ami de force à Toulon pour une interrogation musclée, au lieu de le cribler de balles et l’envoyer au royaume des taupes comme tous ces pourris d’Armata corsa, lui, Ignace, avait proposé à son patron de partir à la rencontre de son vieil ami, et de discuter avec lui ouvertement, comme avec un vieil ami.


«Qui est ce vieil ami?» demandai-je.


Tout à coup, Ignace cessa de hoqueter.


«C’est toi», lâcha-t-il.


Ce fut alors à mon tour d’être secoué de hoquets, vraisemblablement à cause de la saucisse alsacienne mal digérée que nous avions partagée il y a un quart de siècle.


«Criblé de balles, moi? dis-je d’une voix qui n’était plus la mienne.


– Oui, confirma Ignace. Une dénonciation sérieuse te concernant est arrivée au siège de la famille à Toulon.


– Quelle dénonciation? demandai-je d’une voix éraillée.


– Il semblerait que tu aies entretenu des liens étroits avec les membres d’Armata qui ont fait tout leur possible pour torpiller notre commerce et nous mettre des bâtons dans les roues. Tes amis nationalistes te font porter le chapeau.


– Je n’ai pas d’amis, dis-je, qui pourraient porter une telle accusation contre moi.»


Ignace étira son bec de lièvre dans l’ombre de sa visière:


«Alors il s’agit d’ennemis. De la souche de ceux auxquels tu as rendu hommage il y a peu de temps, en t’inclinant respectueusement devant leurs trois tombes. Ceux qui tu avais salué l’année dernière, le jour d’un enterrement, au pied de la statue de Paoli, le prétendu père de nation corse.»


En me voyant de plus en plus pris dans un étau, je trempai mon index dans la flaque de vin qui séparait deux amis de l’armée malgré leurs beaux souvenirs communs, et je me mis à calligraphier sur la table la première lettre de son nom, l’embellissant d’arabesques, comme une enluminure. La beauté de mon tracé enthousiasma Ignace, qui se sentait flatté de voir la première lettre de son nom dessinée avec tant d’application et de tendresse.


«Néanmoins, continua-t-il de sa voix la plus moelleuse, pour toi tout n’est pas perdu. Loin s’en faut. Tu pourrais toujours te racheter aux yeux de la famille, par un beau geste adressé à son chef, monsieur Pico, et tous nos braves oncles, fils, petits-fils, cousins, neveux et gendres.


– Une famille… très nombreuse», bégayai-je.


Imperceptiblement, il se tissait entre nous une sorte de relation presque amoureuse, du genre de celles auxquelles on doit les noms de jeunes filles gravés sur les troncs d’arbre. Je dessinais en roulant tout ça dans mon esprit, et je me demandais si je n’allais pas régurgiter cette lointaine saucisse alsacienne qu’il avait fallu digérer un quart de siècle avant qu’elle ne devienne cause d’un vomissement.


«Vous ne vous êtes jamais demandé, dis-je d’une voix étouffée, si vos indicateurs ne faisaient pas parfois beaucoup trop de zèle, brassant des informations qui n’existeraient même pas?


– Moi, personnellement, je me suis demandé, reconnut Ignace.


– Crains-tu de te retrouver sans boulot?»


Ignace éternua soudain avec colère, et s’empressa de sortir un paquet de mouchoirs de son caban.


«Ici, c’est moi, personnellement, qui interroge, gronda-t-il, et il continua à tripoter son antique magnétophone. C’est pour cette raison que je suis venu ici, pour te poser quelques questions amicales. Sois heureux que mon chef l’ait accepté, car en ce moment tu te trouverais entre quatre planches.


– Ton patron avait bien fait, dis-je. Crois-moi, j’ai la tête dure comme une noix.»


Ignace claqua des dents comme d’un casse-noisettes, étirant de nouveau son bec de lièvre jusqu’aux oreilles. Ce bruit ne promettait rien qui vaille, pas même pour la noix la plus dure, ce que je prétendais être.


«Je serais franc avec toi, franc comme l’or, marmonna-t-il en caressant de son index la photo de la plage paradisiaque de papa. Je vais jouer franc jeu. Le permis de construction offert à ton père est toujours valable. Deux ou trois modifications mineures de l’acte notarial permettraient à mon patron de bâtir ici en toute discrétion sa résidence secondaire, un joli petit hôtel avec une salle de jeu et une jetée pour des accostages nocturnes, à la condition, bien entendu, que tes amis nationalistes n’incendient pas cette magnifique pinède. Dans cette affaire, il n’y a qu’un détail qui manque, de moindre importance…


– Ma signature.


– Comment as-tu deviné, espèce de rusé?


– Et si je refusais?


– Si tu refusais, je serais contraint, à mon grand regret, de t’envoyer dormir sous les draps verts.»


Par manque d’un pieu d’aubépine, arme fatale aux vampires, j’attrapai mon carafon-télescope-microscope où se trouvaient déjà trois mouchoirs en papier usés, et je serrai son anse si violemment que mes doigts bleuirent. J’hésitai quelques secondes, avant de le jeter de toutes mes forces dans la mer, au lieu de le lancer à la gueule d’Ignace.


Il me sourit d’un air complice, comme s’il avait deviné mes pensées meurtrières. J’ouvris la bouche pour l’envoyer se faire voir chez un régiment de Sénégalais, mais la cloche des pompiers, du côté opposé de la baie, m’arrêta. Un instant plus tard, de la mer nous parvinrent des cris et les hurlements d’une sirène d’incendie.


Inquiets tous les deux, nous levâmes les yeux vers les pins sombres aux alentours d’Ouf. Nous aperçûmes au nord-ouest, loin derrière le cimetière, une auréole d’un rouge laiteux, reflet d’un feu de forêt.


«Ça devrait être la pinède au-dessus du sentier qui longe la côte», murmurai-je, envoûté par ce feu d’artifice céleste de fort mauvais augure.


Ignace se pencha par-dessus la table afin de me tapoter la joue une fois de plus.


«Comprends-tu maintenant? me demanda-t-il d’un ton paternel. Comprends-tu enfin pourquoi je porte tant d’intérêt aux insulaires, prêts à incendier les résidences secondaires de braves allogènes?


– Qui te dit que c’est l’un d’entre eux qui a mis le feu?»


Ignace se tut et me dévisagea avec défiance.


«N’aurais-tu pas décidé de défendre les incendiaires? me demanda-t-il à brûle-pourpoint.


– Ça ne me serait jamais venu à esprit! m’emportai-je. En ce qui me concerne, je les pendrais à l’arbre le plus proche, sans aucun procès.


– Ça, c’est bien, mon p’tit gars! me loua Ignace, très content, puis il plongea de nouveau son bras jusqu’à l’épaule dans son caban. J’ai quelque chose pour toi, une chose qui nous aidera à mettre fin à toutes ces petites contradictions dans lesquelles nous nous sommes empêtrés, et que la famille pourrait voir d’un très mauvais œil.»


Sur ces mots, il sortit de sa poche magique un objet qui fit s’échapper de ma poitrine un soupir de ravissement, une demi-bouteille de vodka finlandaise. Je m’emparai de ce précieux médicament, et regardai à travers le flacon les lueurs du feu de forêt. Je ne l’écartai de mes lèvres que lorsque le liquide dans ce télescope divin fut ramené au niveau de l’étiquette.


«Quelle descente! s’étonna Ignace. Veux-tu que nous nous dégourdissions les jambes?


– Avec plaisir.»


J’espérais que ma mauvaise fortune ne nous ferait pas rencontrer l’un de mes compagnons, qui ne cacherait pas sa méfiance à l’égard de mes vieilles amitiés de l’armée. Comme s’il lisait dans mes pensées, Ignace sourit.


«J’ai eu le plaisir de faire connaissance, ce soir, de tes amis parisiens, dit-il. Agréable compagnie.


– Très agréable,» approuvai-je, la langue pâteuse.


Ignace se tut, et pendant un certain temps nous cheminâmes sans mot dire comme des gens qui se comprennent si bien qu’ils n’ont pas besoin de troubler un silence éloquent. Pour la première fois, j’eus l’occasion d’examiner son profil. Se profilant sur la surface scintillante de l’eau derrière lui, son visage se retrouvait dans l’obscurité: la ligne accusée du front, prolongée par un nez recouvrant la noirceur de sa lèvre supérieure et de son menton pointu, une puissante mâchoire aux dents serrées sous une peau transparente et une longue cicatrice sous l’oreille droite, trace de sa décapitation sous les chenilles d’un blindé.


Sur ce visage laid et vulgaire, il y avait quelque chose qui le rendait saugrenu, presque diabolique, quelque chose que je n’arrivais pas à définir. Il me fallut attendre de passer sous l’un des rares réverbères borgnes plantés sur le sentier pour que mon regarde atteigne enfin la marque du Malin. C’était son oreille droite. Sa vue me donna des frissons dans le dos: un énorme pavillon noir se terminant sous la casquette par une pointe satanique.


Diable, songeai-je, il est grand temps de réduire ta consommation d’alcool. Sinon, dans quelques mois tu risques d’avoir la visite de Lucifer en personne, qui viendra à ta rencontre à califourchon sur une souris géante.


La voix gutturale d’Ignace me tira de ces pensées, une voix si profonde qu’elle me fit de nouveau frémir:


«Revenons sur notre affaire, dit-il. Notre avocat a déjà rédigé un contrat approprié. Tu n’as qu’à déposer ta signature.


– Et si je refusais? demandai-je en ricanant.


– Je te le déconseille vivement. Si tu refusais, je serais forcé de t’envoyer en paradis.


– Chien qui aboie ne mord pas, dis-je. Le diable en prendrait les armes. Je te montrerai de quel bois on se chauffe.


Ignace sursauta en agitant son magnétophone sous mon nez.


«Peux-tu répéter ça un peu plus fort, mon brave? s’écria-t-il.


– Je le peux», dis-je.


Le destin voulut, cependant, que je ne le redise jamais, car le vieil engin, dans la main d’Ignace, poussa un son rauque, son dernier râle.


«Crotte de bique! se fâcha son propriétaire. Regarde avec quoi on me fait travailler!


– C’est du mauvais matériel, approuvai-je.


– De la vraie merde!» gronda Ignace, et dans un juste courroux il lança le magnétophone loin dans la mer.


Je restai bouche bée.


Soudain, Ignace s’assombrit terriblement.


«Tu te payes ma tête», lâcha-t-il entre ses dents.


À cet instant, le sentier déboucha sur un plateau rocailleux d’où l’on avait une vue magnifique sur le feu de forêt du côté opposé de la crique. Deux ou trois hectares de maquis et de pinède étaient déjà transformés en un tourbillon de flammes. Il descendait de la route vers la mer et les habitations, dont les façades aveugles réfléchissaient la lueur de l’incendie. Elle papillotait sur le visage d’Ignace comme une brûlure, pendant qu’il grattait son oreille diabolique.


«Tonnerre de Dieu! murmurai-je. Il faudrait vraiment pendre celui qui a commis ce crime!»


Il semblait, cependant, que cet enfer de flammes n’était pas au centre des préoccupations d’Ignace.


«J’ai l’impression, mec, que tu te payes ma tête, répéta-t-il d’une voix caverneuse.


– Que veux-tu dire par là? bredouillai-je, en portant la demi-bouteille de vodka à mes lèvres.


– Revenons à notre affaire.


– Va te faire voir chez un régiment de Sénégalais!» lui dis-je, m’enhardissant grâce à une gorgée de boisson finlandaise.


Tandis que l’incendie se calmait pour un moment à l’autre bout de la crique, nous replongeâmes dans l’obscurité.


«C’est pas juste de m’injurier, prononça Ignace avec une étrange douceur. J’ai montré des preuves de ma bonne volonté, je suis venu jusque-là pour que nous discutions comme de vieux amis de l’armée, et j’ai décidé de ne pas utiliser de moyens à conviction. En échange, on m’injurie. Ça pourrait me mettre très en colère.


– J’aimerais bien voir à quoi ça ressemble, ricanai-je, avalant de nouveau une gorgée de courage.


– Ça va mal tourner, dit Ignace et, éclairé par un nouvel assaut de flammes, il étira vers moi son bec de lièvre.


– J’aimerais bien voir ça!» répétai-je, entêté.


Ignace m’interrompit, posant avec douceur le bout de son index sur mes lèvres. Il fit la moue et hocha la tête, au-dessus de son maigre cou, coupant l’air de ses oreilles pointues.


«Cher Pascal Paoli, père de la corsitude, murmurai-je en moi-même, prends garde aux revenants, ils vampiriseront ta belle île. C’est le moment de t’en mêler, de faire sortir ton humble admirateur de ce bourbier où il est englué jusqu’au cou!»


Ignace soupira, me tourna le dos, et se plongea dans l’observation du feu qui, porté par la brise matinale, fuyait dans le maquis devant les pompiers. Tout cela ressemblait à un rêve pénible, ces oreilles pointues qui se découpaient sur un arrière-plan fantomatique, ce tourbillon de flammes lointain, tout cela rappelait un de ces cauchemars où le désespéré prie pour qu’il se réveille, cherchant en vain une issue dans la réalité.


Hélas! le cauchemar était plus fort que le dormeur malheureux dans le corps duquel je me trouvais, un corps étranger et inhospitalier, avec une tête vide sur des épaules brisées. Seules ses mains gardaient encore un peu de force, ces mains qui saisirent le goulot de ma bouteille, s’élevèrent et assenèrent au spectre un coup violent sur la tête, juste entre les deux oreilles.


Ignace tomba à genoux, et resta ainsi, devant moi, comme dans une prière muette. Le long de sa nuque coulait un filet de sang qui disparaissait sous le col de son caban.


Mais cet horrible rêve n’était pas terminé.


Les mains cruelles de mon double tâtèrent par terre une lourde pierre, et la levèrent au-dessus de moi: elle s’abattit de tout son poids sur la tête penchée d’Ignace. Du coup, sa casquette glissa sur le côté et découvrit un grand trou au sommet de son crâne.


Nous le saisîmes ensuite, moi et mon sosie à sang froid, nous le prîmes sous les bras et le traînâmes dans le maquis jusqu’à l’endroit où, quelques années plus tôt, j’avais découvert l’entrée à demi obturée d’une grotte, où j’étais même descendu jusqu’à une profondeur de quelques mètres, avant de me précipiter vers la sortie, effrayé par les relents de renfermé et le craquement de voûtes douteuses. Ce fut le lieu où le corps malingre d’Ignace trouva un repos bien mérité.


Nous revînmes ensuite prendre la casquette et la bouteille, qui, par miracle, s’était à peine fendillée sous le choc. Nous les jetâmes aussi dans la grotte, et nous allâmes chercher la pierre ensanglantée. Sa chute provoqua un étrange murmure souterrain, et, peu après, à l’aurore, devant nos yeux émerveillés, l’entrée de la caverne s’effondra dans un bruit sourd, fermant à jamais la dernière demeure d’Ignace.


Nous courûmes ensuite à perdre haleine, à travers le maquis, vers la maison de papa, vers le paradis sur cette terre infernale et vers les bras chaleureux de Sandrine et Prosper. Nous nous arrêtâmes pour vomir notre bile, rampâmes à quatre pattes et de nouveau nous relevâmes, jusqu’à ce que ne tombe sur nous la douceur de l’oubli.