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Михаил Юрьевич Лермонтов

Письма к Лермонтову

ПИСЬМА К ЛЕРМОНТОВУ

От М. А. Лопухиной
Le 12 Octobre, Moscou "1832 г.·
Votre lettre, datee de trois de ce mois, vient de me parvenir, je ne
savais pas, que ce jour-la fut celui de votre naissance, je vous en
felicite, mon cher, quoique un peu tard. Je ne saurai vous exprimer le
chagrin que m'a cause la mauvaise nouvelle que vous me donnez. Comment,
apres tant de peines et de travail se voir entierement frustre de
l'esperance d'en recueillir les fruits, et se voir oblige de recommencer
tout un nouveau genre de vie? ceci est veritablement desagreable. Je ne
sais, mais je crois toujours que vous avez agi avec trop de precipitation,
et si je ne me trompe ce parti a du vous etre suggere par M-r Alexis
Stolipine, n'est ce pas?
Je concois aisement, combien vous devez etre deroute par ce changement,
car vous n'avez jamais ete habitue au service militaire; mais a present,
comme toujours, l'homme propose et Dieu dispose, et soyez fortement persuade
que ce qu'il propose, dans sa sagesse infinie, est certainement pour notre
bien. Dans la carriere militaire vous avez tout aussi bien les moyens de
vous distinguer; avec de l'esprit et de la capacite on sait se rendre
heureux partout; d'ailleurs combien de fois ne m'avez-vous pas dit, que si
la guerre s'allumait, vous ne voudriez pas rester oisif, eh bien! vous voila
pour ainsi dire jete par le sort dans le chemin qui vous offre les moyens de
vous distinguer et de devenir un jour un guerrier celebre. Ceci ne peut pas
empecher que vous vous occupiez de poesie; pourquoi donc? l'un n'empeche pas
l'autre, au contraire, vous ne ferez qu'un plus aimable militaire.
Voici, mon cher, maintenant le moment le plus critique pour vous, pour
Dieu, rapellez-vous autant que possible la promesse que vous m'avez faite
avant de partir. Prenez garde de vous lier trop tot avec vos camarades,
connaissez les bien avant de le faire. Vous etes d'un bon caractere, et avec
votre c?ur aimant vous serez pris tout d'abord; surtout evitez cette
jeunesse qui se fait merveilles de toutes sortes de bravades, et une espece
de merite de sottes fanfaronnades. Un homme d'esprit doit etre au-dessus de
toutes ces petitesses; ce n'est pas la du merite, tout au contraire, ce
n'est bon que pour les petits esprits; laissez leur cela, et suivez votre
chemin.
Pardon, mon cher ami, si je m'avise de vous donner de ces conseils;
mais ils me sont dictes par l'amitie la plus pure, et l'attachement que je
vous porte fait, que je vous desire tout le bien possible; j'espere que vous
ne vous facherez pas contre dame-preche-morale, et que tout au contraire
vous lui en saurez gre, je vous connais trop pour en douter.
Vous ferez bien de m'envoyer comme vous le dites, tout ce que vous avez
ecrit jusqu'a present; vous etes bien sur que je garderai fidelement ce
depot, que vous serez enchante de retrouver un jour. Si vous continuez
d'ecrire, ne le faites jamais a l'ecole, et n'en faites rien voir a vos
compagnons, car quelque fois la chose la plus innocente occasionne notre