"La Révolution des fourmis" - читать интересную книгу автора (Werber Bernard)

5. UN SIGNE

De la tête, elle accomplit un mouvement en forme de triangle. La feuille de peuplier se déchire. La vieille fourmi rousse en attrape une autre et la déguste au bas de l'arbre, sans prendre le temps de la laisser fermenter. Si le repas n'a pas bon goût, au moins il est roboratif. De toute façon, elle n'apprécie pas spécialement les feuilles de peuplier, elle préfère la viande, mais comme elle n'a encore rien mangé depuis son évasion, ce n'est pas le moment de faire la difficile.

Le mets avalé, elle n'oublie pas de se nettoyer. Du bout de sa griffe, elle s'empare de sa longue antenne droite et la courbe en avant jusqu'à l'amener au niveau de ses labiales. Puis, sous ses mandibules, elle la dirige vers son tube buccal et elle suçote la tige pour la débarbouiller.

Ses deux antennes une fois enduites de la mousse de sa salive, elle les lisse dans la fente de la petite brosse placée sous ses tibias.

La vieille fourmi rousse fait jouer les articulations de son abdomen, de son thorax et de son cou jusqu'à leur point extrême de torsion. Avec ses griffes, elle décrasse ensuite les centaines de facettes de ses yeux. Les fourmis ne disposent pas de paupières pour protéger et humidifier leurs yeux; si elles ne pensent pas à récurer en permanence leurs lentilles oculaires, au bout d'un moment elles ne distinguent plus que des images floues.

Plus ses facettes retrouvent leur propreté, mieux elle voit ce qui se trouve face à elle. Tiens, il y a quelque chose. C'est grand, c'est même immense, c'est plein de piquants, ça bouge.

Attention, danger: un hérisson énorme sort d'une caverne!

Détaler, et vite. Le hérisson, boule imposante recouverte de dards acérés, la charge, gueule béante.