"Les 10 questions disputées sur la puissance" - читать интересную книгу автора (Aquinas St. Thomas)Les 10 QUESTIONS DISPUTЙES SUR LA
PUISSANCE (DE POTENTIA) Saint Thomas d'Aquin Docteur de l'Eglise Texte,
traduction et notes © Raymond
Berton, Docteur en Philosophie Premiиre йdition numйrique, http://www.tradere.org Fйvrier 2004 Deuxiиme йdition numйrique http://docteurangelique.free.fr Janvier 2005 Les њuvres complиtes de saint Thomas d'Aquin
Question 1: La puissance en
Dieu Article 1: Y a-t-il de la puissance en Dieu? Article 2: La puissance de Dieu est-elle infinie? Article 3: Ce qui est impossible а la nature
est-il possible а Dieu? Article 4: Faut-il juger le possible et
l'impossible selon les causes infйrieures ou supйrieures? Article 5: Dieu peut-il faire ce qu'il ne fait pas
et abandonner ce qu'il fait? Article 6: Dieu peut-il faire ce qui est possible
а d'autres, comme pйcher, marcher etc.? Article 7: Pourquoi dit-on que Dieu est
tout-puissant? Question 2: La puissance gйnйrative en Dieu. Article 1: Y a-t-il une puissance gйnйrative en
Dieu? Article 2: Parle-t-on de la puissance gйnйrative
en Dieu selon l'essence ou la notion ? Article 4: Peut-il y avoir plusieurs Fils en Dieu? Article 5: La puissance d'engendrer est-elle
comprise dans la toute puissance? Article 6: La puissance d'engendrer et celle de
crйer sont-elles identiques? Question 3: La crйation qui est le premier effet
de la puissance divine. Article 1: Dieu peut-il crйer de rien? Article 2: La crйation est-elle un changement? Article 3: La crйation est-elle une rйalitй dans
la crйature et si oui, quelle est-elle? Article 4: Le pouvoir ou mкme l'acte de crйer
peut-il кtre communiquй а une crйature? Article 5: Est-il possible que quelque chose ne
soit pas crйй par Dieu? Article 6: N'y a-t-il qu'un seul principe de
crйation? Article 7: Dieu agit-il dans l'opйration de
nature? Article 10: L'вme rationnelle est-elle crййe dans
le corps ou hors du corps? Article 13: Un кtre qui dйpend d'un autre peut-il
кtre йternel? Article 14: Ce qui est diffиrent de Dieu par
essence peut-il кtre йternel? Article 16: La pluralitй peut-elle procйder d'un
premier кtre unique? Article 17: Le monde a-t-il toujours existй? Article 18: Les anges ont-ils йtй crййs avant le
monde visible? Article 19: Les anges ont-ils pu exister avant le
monde visible? Question 4: La crйation de la matiиre sans forme Article 1: La crйation de la matiиre sans forme
a-t-elle prйcйdй la crйation dans la durйe? Article 2: La mise en forme de la matiиre a-t-elle
eu lieu toute en mкme temps ou successivement? Question 5: La conservation des crйatures dans
l'кtre par Dieu. Article 3: Dieu peut-il ramener la crйature au
nйant? Article 4: Une crйature doit-elle retourner au
nйant, ou mкme y retournera-t-elle? Article 5: Le mouvement du ciel cessera-t-il un
jour? Article 6: L'homme peut-il savoir quand le
mouvement du ciel s'arrкtera? Article 7: Quand cessera le mouvement du ciel, les
йlйments demeureront-ils? Article 9: Les plantes, les animaux et les
minйraux demeureront-ils aprиs la fin du monde? Article 10: Les corps humains demeureront-ils
quand cessera le mouvement du ciel? Article 3: Les crйatures spirituelles peuvent-elles
accomplir des miracles par leur pouvoir naturel? Article 4: Les bons anges et les hommes
peuvent-ils faire des miracles par un don de la grвce?_ Article 5: Les dйmons aussi travaillent-ils а
faire des miracles? Article 6: Les anges et les dйmons ont-ils des
corps qui leur sont unis naturellement? Article 7: Les anges ou les dйmons peuvent-ils
assumer un corps? Article 9: Faut-il attribuer le miracle а la foi? Question 7: La simplicitй de l’essence divine Article 1:
Dieu est-il simple? Article 2: La substance ou l’essence en Dieu
sont-elles la mкme chose que son кtre Article 3: Dieu est-il dans un genre Article 4: 'Bon', 'sage', 'juste' etc.
attribuent-ils un accident а Dieu? Article 5: Ces noms attribuйs а Dieu
signifient-ils sa substance? Article 6: Ces noms sont-ils synonymes? Article 7: Les noms sont-ils utilisйs pour Dieu et
les crйatures de maniиre univoque ou йquivoque? Article 8: Y a-t-il une relation entre Dieu et la
crйature? Article 9: De telles relations entre les crйatures
et Dieu sont-elles rйellement en elles? i Article 11: Ces relations temporelles en Dieu
sont-elles de raison? Question 8: Ce qu'on appelle relations йternelles
en Dieu Article 2: La relation en Dieu est-elle sa
substance? Article 3: Si on exclut en esprit la relation,
l'hypostase demeure-t-elle en Dieu? Article 4: Si on exclut en esprit la relation,
l'hypostase demeure-t-elle en Dieu? Question 9: Les personnes divines Article 2: Qu'est-ce que la personne? Article 3: Peut-il y avoir une personne en Dieu? Article 4: Ce nom "personne"
signifie-t-il en Dieu, le relatif ou l'absolu1? Article 5: Le nombre des personnes est-il en Dieu? Article 6: Le nom de personne peut-il кtre
convenablement attribuй а Dieu au pluriel? Article 8: Y a-t-il de la diversitй en Dieu? Article 9: En Dieu, y a-t-il trois personnes, ou
plus, ou moins? Question 10: Les processions des Personnes divines Article 1: Y a-t-il une procession dans les
personnes divines? Article 2: En Dieu n'y a-t-il qu'une seule
procession ou plusieurs? Article 3: L’ordre de la procession а la relation
en Dieu Article 4: L’Esprit saint procиde-t-il du Fils? Question 1:
La puissance en Dieu
q.
1 pr. 1 Et primo quaeritur utrum in Deo sit potentia. 1. Y a-t-il de la puissance en Dieu? q. 1
pr. 2 Secundo utrum potentia Dei sit infinita. 2. La puissance de Dieu est-elle infinie? q. 1 pr. 3 Tertio
utrum ea quae sunt naturae impossibilia, Deo sint possibilia. 3. Ce qui est impossible а la nature est-il possible а Dieu? q. 1 pr. 4 Quarto
utrum iudicandum sit aliquid possibile vel impossibile, secundum causas
inferiores vel superiores. 4. Faut-il juger du possible ou de l'impossible selon les causes
infйrieures ou les causes supйrieures? q. 1 pr. 5 Quinto
utrum Deus possit facere quae non facit, et dimittere quae facit. 5. Dieu pourrait-il faire ce qu'il ne fait pas et dйfaire ce qu'il fait? q. 1 pr. 6 Sexto
utrum Deus possit facere quae alii faciunt, ut peccare, ambulare, et cetera. 6. Peut-il faire ce que d'autres font, c'est-а-dire pйcher, marcher,
etc.? q. 1 pr. 7 Septimo
utrum Deus dicatur omnipotens. 7. Dit-on que Dieu est tout-puissant?
Article 1: Y a-t-il de la puissance en Dieu?
q. 1 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum in Deo sit potentia. Et videtur quod non.
Il semble que non[1].
Objections q. 1 a. 1 arg. 1
Potentia enim est operationis principium. Sed operatio Dei, quae est eius
essentia, non habet principium, quia neque est genita neque procedens. Ergo in
Deo non est potentia. 1. La puissance est en effet le principe[2] de l'opйration. Mais
l’opйration de Dieu, qui est son essence, n’a pas de principe[3], parce qu’elle
n'est ni engendrйe, ni dйpendante. Donc en Dieu il n’y a pas de puissance.
q. 1 a. 1 arg. 2
Praeterea, omne perfectissimum est Deo attribuendum, secundum Anselmum. Ergo
quod respicit aliquid se perfectius, non debet Deo attribui. Sed omnis potentia
respicit se perfectius, scilicet passiva formam et activa operationem. Ergo
potentia Deo attribui non potest.
2. On doit attribuer а Dieu tout ce qu'il y a de plus parfait, selon
Anselme (Monologium, XV[4]). Donc, on
ne doit pas lui attribuer ce qui trouve plus parfait que soi. Mais toute
puissance trouve plus parfait qu’elle, а savoir la forme pour la puissance
passive, et l’opйration pour la puissance active (Mйtaphysique, IX, 9, 1051 a 4-15). Donc on ne peut attribuer la
puissance а Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 3
Praeterea, potentia est principium transmutandi in aliud secundum quod est
aliud: secundum philosophum; sed principium relatio quaedam est; et est relatio
Dei ad creaturas, prout significatur in potentia creandi vel movendi. Nulla
autem talis relatio est in Deo secundum rem, sed solum secundum rationem. Ergo
potentia non est in Deo secundum rem.
3. La puissance est le principe de changement dans un autre кtre en
tant qu’autre, selon le Philosophe[5], (Mйtaphysique,
V, 12, 1019 a 15-16[6]), mais ce principe est une relation et c’est la relation
de Dieu а ses crйatures, telle qu'elle est signifiйe dans sa puissance а crйer
ou а mouvoir. Mais en Dieu, il n’y a aucune relation de ce genre en rйalitй,
mais seulement en raison[7]. Donc, il n'y a pas rйellement de puissance en
Dieu.
q. 1
a. 1 arg. 4 Praeterea, habitus est perfectior potentia, utpote operanti
propinquior. Sed habitus non ponitur in Deo. Ergo nec potentia 4. L'habitus[8] est plus parfait que la puissance, en tant que plus
proche de celui qui opиre, mais on n’admet pas d’habitus en Dieu. Donc pas de
puissance non plus.
. q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, nihil debet in Deo significari per quod
derogetur eius primitiae vel simplicitati. Sed Deus, in quantum est simplex, et
primum agens, agit per essentiam suam. Ergo non debet significari agere per
potentiam, quae saltem secundum modum significandi super essentiam addit. 5. On ne doit rien signaler en Dieu qui dйrogerait а sa prййminence ou
а sa simplicitй. Mais Dieu, en tant qu'кtre simple et agent premier, agit par
son essence. Donc, on ne doit pas signifier qu’il agit par une puissance qui,
au moins, selon la maniиre de la signifier, ajoute а son essence.
q. 1 a. 1 arg. 6
Praeterea, secundum philosophum, in perpetuis non differt esse et posse: multo
minus ergo in divinis. Sed ubi est eadem res, debet esse idem nomen a digniori
sumptum. Dignius autem est essentia quam potentia: quia potentia essentiae
advenit. Ergo in Deo debet nominari essentia tantum, non autem potentia.
6. Selon le Philosophe (Physique,
III, 4, 203 b 28[9]), dans ce qui est йternel, кtre et pouvoir ne diffиrent pas
toujours; donc encore beaucoup moins en Dieu. Mais lа oщ plusieurs choses sont
identiques, il doit y avoir un nom identique pris de la plus digne. L’essence
est plus digne que la puissance, parce que cette derniиre s’ajoute а l’essence.
Donc en Dieu, on ne doit dйsigner que l’essence seule et non la puissance [10].
q. 1
a. 1 arg. 7 Praeterea, sicut materia prima est pura potentia, ita Deus est
purus actus. Sed prima materia secundum essentiam suam considerata, est
denudata ab omni actu. Ergo Deus in essentia sua consideratus,
est absque omnipotentia. 7. De mкme que la matiиre premiиre[11] est puissance pure, de mкme Dieu
est acte pur. Mais la matiиre premiиre, considйrйe en son essence, est dйnuйe
de tout acte. Donc Dieu, considйrй en son essence, est dйnuй de toute
puissance.
q. 1 a. 1 arg. 8
Praeterea, omnis potentia ab actu separata est imperfecta: et ita, cum nihil
imperfectum Deo conveniat, talis potentia in Deo esse non potest. Si ergo in
Deo est potentia, oportet quod semper sit actui coniuncta: et ita potentia
creandi est coniuncta actui semper; et sic sequitur quod ab aeterno creavit res;
quod est haereticum. 8. Toute puissance sйparйe de l'acte est imparfaite et ainsi, comme
rien d’imparfait ne convient а Dieu, une telle puissance ne peut pas exister en
lui[12]. Si donc il y a une puissance en Dieu, il faut qu’elle soit toujours
jointe а l’acte, et si la puissance de crйer est toujours jointe а son acte, il
en dйcoule alors qu’il a crйй de toute йternitй, ce qui est hйrйtique.
q. 1 a. 1 arg. 9 Praeterea, quando aliquid
sufficit ad aliquid agendum, superflue aliquid superadditur. Sed essentia Dei
sufficit ad hoc quod Deus per eam aliquid agat. Ergo superflue
ponitur in eo potentia per quam agat. 9. Quand quelque chose suffit pour agir, il est superflu d’ajouter
autre chose. Mais l’essence de Dieu est suffisante pour qu’il agisse par elle.
Donc il est superflu de lui ajouter une puissance pour agir.
q. 1 a. 1 arg. 10
Sed dices, quod potentia non est aliud quam essentia secundum rem; sed solum
secundum modum intelligendi.- Sed contra, omnis intellectus cui non respondet
aliquid in re est cassus et vanus. 10. Mais on pourrait dire que la puissance n’est pas en rйalitй autre
chose que l’essence; mais seulement selon la maniиre de la comprendre. — En
sens contraire, tout concept а quoi rien ne correspond dans la rйalitй est vide
et vain.
q. 1 a. 1 arg. 11
Praeterea, praedicamentum substantiae est nobilius aliis praedicamentis. Sed
Deo non attribuitur, ut Augustinus dicit. Multo ergo minus praedicamentum
qualitatis. Sed potentia est in secunda specie qualitatis. Ergo Deo attribui
non debet.
11. La catйgorie de substance[13] est plus noble que les autres
catйgories. Mais on ne l’attribue pas а Dieu, comme le dit Augustin (La
Trinitй. VII, 5, 10[14]). Donc on lui attribue encore moins la catйgorie de
qualitй. Mais la puissance est dans la seconde espиce de qualitй[15]. Donc on
ne doit pas l’attribuer а Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 12
Sed dices, quod potentia quae Deo attribuitur, non est qualitas, sed Dei
essentia, sola ratione differens.- Sed contra, aut isti rationi aliquid respondet
in re, aut nihil. Si nihil ratio vana est. Si autem aliquid in re ei respondet,
sequitur quod aliquid in Deo sit potentia praeter essentiam, sicut ratio
potentiae est praeter rationem essentiae 12. Mais on pourrait dire que la puissance, attribuйe а Dieu, n’est pas
une qualitй mais son essence qui diffиre en raison seulement. En sens
contraire, а cette notion (ratio[16]), quelque chose correspond en rйalitй ou
rien. Si ce n’est rien, la notion est vaine. Mais si quelque chose lui
correspond en rйalitй, il s’ensuit que quelque chose serait en Dieu puissance
en plus de l’essence, ainsi la notion de puissance est en plus de celle
d’essence.
q. 1 a. 1 arg. 13
Praeterea, secundum philosophum, omnis potestas et omne effectivum est propter
aliud eligendum. Nullum autem huiusmodi Deo convenit: quia ipse non est propter
aliud. Ergo potentia Deo non convenit.
13. Selon le Philosophe (Les Topiques, IV, 5, 126 b 5[17]) tout pouvoir
et tout ce qui agit est en vue d'autre chose. Rien de ce genre ne convient а
Dieu, parce qu’il n’est pas lui-mкme en vue d’une autre chose. Donc la
puissance ne convient pas а Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 14
Praeterea, virtus a Dionysio ponitur media inter substantiam et operationem.
Sed Deus non agit per aliquod medium. Ergo non agit per virtutem; et ita nec
per potentiam: et sic potentia non est in Deo.
14. Le pouvoir[18] est considйrй par Denys (La hiйrarchie cйleste, XI, 284 D[19]) comme intermйdiaire entre la
substance et l'opйration, Mais Dieu n’agit pas par un intermйdiaire. Donc il
n’agit pas par pouvoir, ni en consйquence par puissance. Et ainsi il n’y a pas
de puissance en Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 15
Praeterea, secundum philosophum potentia activa, quae soli Deo potest
competere, est principium transmutationis in aliud, secundum quod est aliud.
Sed Deus agit sine transmutatione, sicut patet in creatione. Ergo Deo potentia
activa attribui non potest.
15. Selon le Philosophe (Mйtaphysique
IX, 1, 1046 a 10 - et V, 12, 1019 a 15-16) la puissance active, la seule qui
peut convenir а Dieu, est le principe d’un changement en autre chose en tant
qu’autre. Mais Dieu opиre sans changement, comme cela apparaоt dans la
crйation[20] . Donc on ne peut pas lui attribuer la puissance.
q. 1 a. 1 arg. 16
Praeterea, philosophus dicit, quod eiusdem est potentia actionis et passionis.
Sed potentia passionis Deo non convenit. Ergo nec potentia actionis.
16. Le Philosophe (Mйtaphysique,
IX, 1, 1046 a 19) dit que la puissance active et la puissance passive sont de
mкme nature. Mais cette derniиre ne convient pas а Dieu. En consйquence la
puissance active non plus.
q. 1 a. 1 arg. 17
Praeterea, philosophus dicit, quod potentiae activae est contraria privatio.
Sed contraria nata sunt fieri circa idem. Cum ergo in Deo nullo modo sit
privatio, non erit ibi potentia.
17. Le Philosophe (Mйtaphysique,
IX, 1, 1046 a 29) dit que la privation est le contraire de la puissance active.
Mais les contraires concernent un mкme genre. Donc, comme en Dieu il n’y a en
aucune maniиre de privation, il n’y aura pas de puissance.
q. 1 a. 1 arg. 18
Praeterea, Magister dicit quod agere non proprie competit Deo. Sed ubi non est
actio, ibi non potest esse potentia activa nec passiva, ut patet. Ergo nulla.
18. Le Maоtre des Sentences (II Sent., Dist. 1[21]) dit qu’agir
n’appartient pas au sens propre а Dieu. Mais lа oщ il n’y a pas d’action, il ne
peut y avoir de puissance, ni active, ni passive, c'est йvident. Donc pas de
puissance en Dieu.
En sens contraire: q. 1 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur in Psalm. LXXXVIII, 9: potens es, domine, et
veritas tua in circuitu tuo. 1. On lit dans le Ps. 88, 9: "Tu es puissant, Seigneur et ta
Vйritй t’entoure[22] ."
1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Matth. III, 9: potens est Deus de lapidibus
istis suscitare filios Abrahae. 2. Mt. 3, 9: "Dieu a le pouvoir de faire naоtre de ces pierres des
enfants а Abraham."
q. 1
a. 1 s. c. 3 Praeterea, omnis operatio ab aliqua potentia procedit. Sed Deo
maxime convenit operari. Ergo Deo maxime potentia convenit. 3. Toute opйration procиde d’une puissance. Mais il convient tout а
fait а Dieu d’agir. Donc, la puissance lui convient tout а fait[23].
Rйponse
q. 1 a. 1 co.
Respondeo. Ad huius quaestionis evidentiam sciendum, quod potentia dicitur ab
actu: actus autem est duplex: scilicet primus, qui est forma; et secundus, qui
est operatio: et sicut videtur ex communi hominum intellectu, nomen actus primo
fuit attributum operationi: sic enim quasi omnes intelligunt actum; secundo
autem exinde fuit translatum ad formam, in quantum forma est principium
operationis et finis. Pour йclairer cette question, il faut savoir qu’on parle de la
puissance а partir de l’acte. Or celui-ci est double: d'abord une forme et
ensuite une opйration[24]. Et d’aprиs la maniиre gйnйrale de le comprendre[25],
le nom d’acte a d’abord йtй attribuй а l’opйration. En effet, c’est ainsi que
presque tout le monde comprend l’acte, mais ensuite il fut transmis а la forme,
dans la mesure oщ elle est le principe de l’opйration et sa fin.
Unde et similiter duplex est potentia: una activa cui respondet actus,
qui est operatio; et huic primo nomen potentiae videtur fuisse attributum: alia
est potentia passiva, cui respondet actus primus, qui est forma, ad quam
similiter videtur secundario nomen potentiae devolutum. Sicut autem nihil
patitur nisi ratione potentiae passivae, ita nihil agit nisi ratione actus
primi, qui est forma. Dictum est enim, quod ad ipsum primo nomen actus ex
actione devenit. Deo autem convenit esse actum purum et primum; unde ipsi
convenit maxime agere, et suam similitudinem in alias diffundere, et ideo ei
maxime convenit potentia activa; nam potentia activa dicitur secundum quod est
principium actionis.
De la mкme maniиre, il y a aussi deux sortes de puissances: l’une est
active, а quoi correspond l’acte en tant qu’opйration; c’est а celle-ci d’abord
que le nom de puissance paraоt avoir йtй attribuй; l’autre est la puissance
passive а quoi correspond l’acte premier qui est la forme, а qui de la mкme
maniиre le nom de puissance paraоt avoir йtй dйvolu en second. De mкme que rien
ne subit sinon en raison de la puissance passive, de mкme rien n’agit qu’en
raison de l’acte premier qui est la forme. Car il a йtй dit que le nom d’acte
vient d'abord de l’action. Mais il convient а Dieu d'кtre acte pur et premier:
il lui convient donc йminemment d’agir et de diffuser sa ressemblance dans les
autres[26] et c’est pourquoi la puissance active lui convient tout а fait; car
on l’appelle ainsi parce qu’elle est le principe de l’action.
Sed et sciendum, quod intellectus noster Deum exprimere nititur sicut
aliquid perfectissimum. Et quia in ipsum devenire non potest nisi ex effectuum
similitudine; neque in creaturis invenit aliquid summe perfectum quod omnino
imperfectione careat: ideo ex diversis perfectionibus in creaturis repertis,
ipsum nititur designare, quamvis cuilibet illarum perfectionum aliquid desit;
ita tamen quod quidquid alicui istarum perfectionum imperfectionis adiungitur,
totum a Deo amoveatur. Verbi gratia esse significat aliquid completum et
simplex sed non subsistens; substantia autem aliquid subsistens significat sed
alii subiectum. Mais il faut savoir que notre esprit s'efforce d’exprimer Dieu comme un
кtre absolument parfait. Et parce qu'il ne peut parvenir а lui que par une
ressemblance dans ses effets et que dans les crйatures, il ne trouve rien
d'absolument parfait, exempt de toute imperfection, а partir des diffйrentes
perfections qu'il trouve dans les crйatures, il s’efforce de le reprйsenter,
bien qu'il y ait quelque manque а chacune de ces perfections[27]. De sorte
cependant qu'on exclut de Dieu entiиrement ce qui d'imparfait est ajoutй а une
de ces perfections. Par exemple l’кtre dйsigne quelque chose de complet et de
simple, mais de non subsistant; mais la substance signifie quelque chose de
subsistant mais substrat pour un autre.
Ponimus ergo in Deo substantiam et esse, sed substantiam ratione
subsistentiae non ratione substandi; esse vero ratione simplicitatis et
complementi, non ratione inhaerentiae, qua alteri inhaeret. Et similiter
attribuimus Deo operationem ratione ultimi complementi, non ratione eius in
quod operatio transit. Potentiam vero attribuimus ratione eius quod permanet et
quod est principium eius, non ratione eius quod per operationem completur. Nous plaзons donc en Dieu la substance et l’кtre, mais la substance en
raison de sa subsistance, non du fait d’кtre substrat[28], l’кtre en raison de
sa simplicitй et de sa perfection, non en raison de l’inhйrence а un sujet[29].
Et de mкme nous attribuons а Dieu l’opйration en raison de sa perfection
ultime, non en raison de ce en quoi elle passe. Nous attribuons la puissance du
fait qu'elle demeure et est son principe, mais non pas parce qu'elle est
complйtйe par l'opйration.
Solutions: q. 1 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod potentia non solum est operationis principium, sed
etiam effectus; unde non oportet, quod si potentia in Deo ponitur quae sit
effectus principium, quod essentiae divinae quae est operatio, sit aliquod
principium. Vel dicendum, et melius, quod in divinis invenitur duplex relatio.
Una realis, illa scilicet qua personae ad invicem distinguuntur, ut
paternitas et filiatio; alias personae divinae non realiter sed ratione
distinguerentur, ut Sabellius dixit.
Alia rationis tantum, quae significatur, cum dicitur quod operatio
divina est ab essentia divina, vel quod Deus operatur per essentiam suam.
Praepositiones enim quasdam habitudines designant. Et hoc ideo contingit, quia
cum attribuitur Deo operatio secundum suam rationem quae requirit aliquod
principium, attribuitur etiam ei relatio existentis a principio, unde ista
relatio non est nisi rationis tantum. Est autem de ratione operationis habere
principium, non de ratione essentiae; unde licet essentia divina non habeat
aliquod principium neque re neque ratione, tamen operatio divina habet aliquod
principium secundum rationem. # 1. La puissance est non seulement le principe de l’opйration, mais
aussi de l'effet[30]; c'est pourquoi, il ne faut pas, si on place en Dieu une
puissance qui est le principe de l’effet, qu’elle soit un principe de l’essence
divine, qui est l’opйration. Ou pour mieux dire, on trouve en Dieu une double
relation[31]:
a) une premiиre relation rйelle, c’est-а-dire celle par laquelle on
distingue les personnes entre elles, comme la paternitй et la filiation;
autrement les personnes divines ne seraient pas distinguйes rйellement mais en
raison, comme l'a dit Sabellius[32].
b) L’autre relation de raison[33] seulement, qu'on dйsigne, quand on
dit que l’opйration divine vient de (ab) son essence ou que Dieu opиre par
(per) son essence. Car ces prйpositions dйsignent des relations. Et cela
arrive, parce que, quand on attribue а Dieu une opйration selon sa nature qui
requiert un principe, on lui attribue une relation avec ce qui existe par ce
principe. C'est pourquoi, cette relation n’est qu’en raison seulement. Mais il
est de la nature de l’opйration d’avoir un principe, non de celle de l’essence;
c'est pourquoi, bien que l’essence divine n’ait pas de principe, ni en rйalitй,
ni en raison, cependant l’opйration divine a un principe en raison[34].
q. 1 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod licet omne perfectissimum sit Deo attribuendum, non
tamen oportet quod omne illud quod Deo attribuitur, sit perfectissimum; sed
oportet quod sit conveniens ad designationem perfectissimi, ad quod competit
aliquid ratione suae perfectionis quod habet aliquid se perfectius, cui tamen
deest illa quam aliud habet. # 2. Bien qu'il faille attribuer tout ce qu'il y a de trиs parfait а
Dieu, il ne faut pas cependant que tout ce qui lui est attribuй le soit absolument[35],
mais il faut que cela convienne pour dйsigner ce qui est trиs parfait, а quoi
correspond une rйalitй en raison de sa perfection qui a plus parfait que lui, а
qui cependant manque celle que l'autre possиde[36].
q. 1 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod potentia dicitur principium non quia sit ipsa relatio
quam significat nomen principii sed quia est id quod est principium. # 3. La puissance est appelйe principe, non pas parce qu’elle est la
relation mкme que signifie ce nom, mais parce qu’elle est ce qu'est un principe
q. 1 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod habitus numquam est in potentia activa, sed solum in
passiva, et ea est perfectior: talis autem potentia Deo non attribuitur. # 4. L’habitus n’est jamais dans la puissance active, mais seulement
dans la puissance passive[37] et il est plus parfait qu’elle, aussi on
n’attribue pas une telle puissance а Dieu.
q. 1 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ista sunt impossibilia, quod Deus ponatur agere per
essentiam suam, et quod non sit in Deo potentia: hoc enim quod est actionis
principium, potentia est: unde essentia divina ex hoc ipso quod ponitur Deus
per ipsam agere, ponitur esse potentia. Et sic ratio potentiae in Deo non
derogat neque simplicitati neque primitiae eius, quia non ponitur quasi aliquid
additum essentiae. # 5. Il est impossible de penser que Dieu agit par son essence sans
penser qu’il y a de puissance en lui[38]. Car le principe de son action, c’est
sa puissance; c'est pourquoi du fait qu’on pense que Dieu agit par son essence,
on la pense comme puissance. Et ainsi la nature de la puissance en Dieu ne
dйroge ni а sa simplicitй[39] ni а sa prййminence, parce qu’on ne la pense pas
comme ajoutйe а son essence.
q. 1 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod cum dicitur, quod in perpetuis non differt esse et posse,
intelligitur passiva; et sic nihil facit ad propositum, quia talis potentia non
est in Deo. Tamen quia verum est quod potentia activa est idem in Deo quod eius
essentia, ideo dicendum, quod licet essentia divina et potentia sint idem
secundum rem, tamen quia potentia maxime modum significandi addit, ideo
speciale nomen requirit: nam nomina respondent intellectibus, secundum
philosophum.
# 6. Quand on dit que кtre et pouvoir ne diffиrent pas dans ce qui est
йternel, on le comprend de la puissance passive et ainsi, cela ne change rien а
notre propos, puisqu’une telle puissance n’existe pas en Dieu. Cependant parce
qu’il est vrai que la puissance active en Dieu est identique а son essence, il
faut dire que, bien que l’essence divine et sa puissance soient identiques en
rйalitй, cependant, parce que la puissance ajoute surtout une maniиre de
signifier, elle requiert un nom spйcial, car les noms rйpondent а ce que
l’esprit conзoit, selon le philosophe (L'Interprйtation[40], I, 16 a 4).
q. 1 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ratio illa probat quod in Deo non sit potentia passiva,
et hoc concedimus. # 7. Cet argument prouve qu'en Dieu il n’y a pas de puissance passive
et cela nous le concйdons.
q. 1 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod potentia Dei semper est coniuncta actui, id est
operationi (nam operatio est divina essentia); sed effectus sequuntur secundum
imperium voluntatis et ordinem sapientiae. Unde non oportet quod semper sit
coniuncta effectui; sicut nec quod creaturae fuerint ab aeterno. # 8. La puissance de Dieu est toujours jointe а un acte, c'est-а-dire а
son opйration (car l'opйration est l’essence divine), mais les effets en
dйcoulent selon le pouvoir de sa volontй et l’ordre de sa sagesse. C'est
pourquoi, il ne faut pas qu’elle soit toujours jointe а l’effet; ainsi les
crйatures n’auront pas existй йternellement.
q. 1 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod essentia Dei sufficit ad hoc quod per eam Deus agat, nec
tamen superfluit potentia: quia potentia intelligitur quasi quaedam res addita
supra essentiam, sed superaddit secundum intellectum solam relationem principii:
ipsa enim essentia ex hoc quod est principium agendi, habet rationem potentiae. # 9. L’essence suffit а Dieu pour agir et cependant sa puissance n’est
pas superflue, parce qu’elle est comprise comme ajoutйe а l’essence, mais elle
surajoute seulement, en esprit, une relation de principe, car, l’essence
elle-mкme, du fait qu’elle est le principe d’action, a nature de puissance.
q. 1 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod intellectui respondet aliquid in re dupliciter. Uno modo
immediate, quando videlicet intellectus concipit formam rei alicuius extra
animam existentis, ut hominis vel lapidis. # 10. Quelque chose rйpond а l’esprit dans la rйalitй de deux
maniиres[41]:
a) D’abord immйdiatement, quand, par exemple, l’esprit[42] conзoit la
forme de ce qui existe hors de l’вme comme celle d’homme ou de pierre.
Alio modo mediate, quando videlicet aliquid sequitur actum
intelligendi, et intellectus reflexus supra ipsum considerat illud. Unde res
respondet illi considerationi intellectus mediate, id est mediante
intelligentia rei: verbi gratia, intellectus intelligit naturam animalis in
homine, in equo, et multis aliis speciebus: ex hoc sequitur quod intelligit eam
ut genus. Huic intellectui quo intellectus intelligit genus, non respondet
aliqua res extra immediate quae sit genus; sed intelligentiae, ex qua
consequitur ista intentio, respondet aliqua res. Et similiter est de relatione
principii quam addit potentia supra essentiam: nam ei respondet aliquid in re
mediate, et non immediate. Intellectus enim noster intelligit creaturam cum
aliqua relatione et dependentia ad creatorem: et ex hoc ipso quia non potest
intelligere aliquid relatum alteri, nisi e contrario reintelligat relationem ex
opposito, ideo intelligit in Deo quamdam relationem principii, quae consequitur
modum intelligendi, et sic refertur ad rem mediate.
b) D’une autre maniиre, indirectement, quand par exemple, un concept
dйcoule de l’acte d’intellection et que l’esprit le considиre, en rйflйchissant
sur lui. C'est pourquoi, la chose correspond а cette considйration de l’esprit
indirectement, c’est-а-dire par le moyen de l’intellection de la chose: par
exemple, l’esprit comprend la nature de l’animal dans l’homme, dans le cheval
et dans beaucoup d’autres espиces. Il en dйcoule que l’esprit les comprend
comme genre. A cette conception par laquelle l’esprit comprend le genre, rien
ne correspond immйdiatement dans l’objet extйrieur qui soit un genre, mais pour
l’intelligence d’oщ dйcoule ce concept rйpond une rйalitй. Et il en est de mкme
de la relation de principe que la puissance ajoute а l'essence; car quelque
chose lui correspond dans la rйalitй indirectement et non immйdiatement. Car
notre esprit comprend la crйature en relation et en dйpendance au crйateur[43]
et du fait qu'il ne peut comprendre une chose en rapport а une autre, а moins
au contraire de comprendre de nouveau la relation, а son opposй, il comprend
ainsi en Dieu une relation de principe, qui accompagne le mode de comprйhension
et ainsi notre esprit est indirectement en relation avec la rйalitй[44].
q. 1 a. 1 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod potentia, quae est in secunda specie qualitatis, non
attribuitur Deo: haec enim est creaturarum, quae non immediate per formas suas
essentiales agunt, sed mediantibus formis accidentalibus: Deus autem immediate
agit per suam essentiam. # 11. Cette puissance, qui est dans la seconde espиce de qualitй[45],
n’est pas attribuйe а Dieu, car c'est celle des crйatures qui agissent non pas
immйdiatement par leurs formes essentielles, mais par l'intermйdiaire de formes
accidentelles. Mais Dieu agit par son essence sans intermйdiaire.
q. 1 a. 1 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod diversis rationibus attributorum respondet aliquid in
re divina, scilicet unum et idem. Quia rem simplicissimam, quae Deus est,
propter eius incomprehensibilitatem, intellectus noster cogitur diversis formis
repraesentare; et ita istae diversae formae quas intellectus concipit de Deo,
sunt quidem in Deo sicut in causa veritatis, in quantum ipsa res quae Deus est,
est repraesentabilis per omnes istas formas; sunt tamen in intellectu nostro
sicut in subiecto. # 12. Aux diverses notions d'attributs correspond rйellement quelque
chose en Dieu, а savoir l'un et le mкme. Parce que notre esprit est forcй de
reprйsenter cet кtre absolument simple qu’est Dieu, а cause de son
incomprйhensibilitй, par des formes diverses, et ainsi ces formes, que l’esprit
conзoit а son sujet, sont en lui comme dans la cause de la vйritй[46], en tant
que ce qui est Dieu est reprйsentable par toutes ces formes; elles sont
cependant dans notre esprit comme dans un substrat.
q. 1 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod philosophus intelligit de potentiis activis et
effectivis, et huiusmodi, quae sunt in artificialibus et in rebus humanis: nam
nec etiam in rebus naturalibus verum est quod potentia activa sit semper
propter suos effectus. Ridiculum enim est dicere, quod potentia solis sit
propter vermes, qui eius virtute generantur; multo minus divina potentia est
propter suos effectus. # 13. Le Philosophe comprend au sujet des puissances actives et
pratiques etc., celles qui sont dans les rйalisations artistiques et les
affaires humaines, car, dans les choses naturelles, il n’est pas vrai que la
puissance active soit toujours en vue de ses effets. Il est ridicule de dire en
effet que la puissance du soleil est pour les vers qui sont engendrйs par son
pouvoir[47]: la puissance divine est, beaucoup moins en vue de ses effets.
q. 1 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum quod potentia Dei non est media secundum rem, quia non
distinguitur ab essentia, nisi ratione; et ex hoc habetur quod significetur ut
medium. Deus autem non agit per medium realiter differens a se ipso: unde ratio
non sequitur. # 14. La puissance de Dieu n’est pas rйellement un intermйdiaire, parce
qu’elle n’est distinguйe de l’essence qu'en raison et de lа vient qu’on la
signifie comme intermйdiaire. Mais Dieu n’agit pas par un intermйdiaire
diffйrent rйellement de lui-mкme. C'est pourquoi l’argument n’a pas de valeur
pas.
q. 1 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod duplex est actio. Una quae est cum transmutatione
materiae; alia est quae materiam non praesupponit; ut patet in creatione: et
utroque modo Deus agere potest, ut infra patebit. Unde patet quod Deo recte
potentia activa potest attribui, licet non semper agat transmutando. # 15. L’action est double. L’une, avec changement de la matiиre,
l’autre ne prйsuppose pas de matiиre, comme on le voit dans la crйation et Dieu
peut agir de deux maniиres, comme cela apparaоtra plus loin[48]. Donc il est
clair qu'on peut lui attribuer une puissance active, bien qu’il n’agisse pas
toujours en opйrant des changements.
q. 1 a. 1 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod philosophus non loquitur universaliter, sed
particulariter, quando scilicet aliquid movet se ipsum, sicut animal. Quando
autem aliquid movetur ab altero, tunc non est eadem potentia passionis et
actionis. # 16. Le philosophe ne parle pas de maniиre universelle mais
particuliиre[49], quand par exemple quelque chose se meut lui-mкme comme
l’animal. Quand un кtre est mы par un autre, alors ce n’est pas la mкme
puissance pour la passion et l’action.
q. 1 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod potentiae dicitur esse contraria privatio,
scilicet impotentia; non tamen de contrarietate facienda est circa Deum mentio,
quia nihil quod est in Deo, habet contrarium, cum non sit in genere. # 17. On dit que la privation est le contraire de la puissance,
c'est-а-dire que c'est l'impuissance: cependant on ne doit pas faire mention de
contradiction en Dieu, parce que rien en lui n’a de contraire, puisqu’il n’est
pas dans un genre.
q. 1 a. 1 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod
agere non removetur a Deo simpliciter, sed per modum rerum naturalium, quae
agunt et patiuntur simul. # 18. Agir n'est absolument pas refusй а Dieu, mais seulement par
comparaison aux кtres naturels qui agissent et subissent en mкme temps.
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[1] Parall.: Ia, 25, 1, — CG. I,
16; II, 7-10 — 1 Sent. d42q1a1.— Pot.
7, 1 — In Mйta 5, texte 17 — In Phys. III, texte 32.
[2]
C’est le premier sens donnй par Aristote (Mйtaphysique,
V, 1, 1012 b 33): "Point de dйpart du mouvement (ici de l'opйration),
origine". "Le principe est ce dont quelque chose procиde, de quelque
maniиre que ce soit" (J. Elders, La Philosophie de la nature de saint
Thomas d’Aquin, p. 45), soit donc dans l'ordre logique, ontologique ou
chronologique.
[3]
En Ia, 25, 1, obj.4, Thomas nous dit: "La cause et le principe sont une
mкme chose." Mais prйcise-t-il (Pot. qu. 10, a. 1, ad 9) "le principe
est plus commun que la cause; car la premiиre partie du mouvement ou de la
ligne est appelйe principe mais pas cause. En quoi il apparaоt qu’on peut dire
que le principe est quelque chose qui n’est pas distinct de l’essence, comme le
point de la ligne, mais non pas la cause, surtout si nous parlons de la cause
d’origine qu’est la cause efficiente." Pour Dieu, avoir un principe
supposerait qu'il dйpendrait d'un кtre supйrieur а lui. De plus l'opйration est
son essence: "Donc rien n'est principe de son essence parce qu'elle n'est
pas engendrйe, et ne procиde de rien" Cf. I Sent, d42qa1, obj. 4. Le mot
principe йvoque une idйe de relation entre deux termes, alors que la cause
exprime surtout une activitй efficiente.
[4]
"Il est impie (nefas) de penser que quelque chose de la nature suprкme
soit en quelque maniиre meilleur et il est nйcessaire qu'elle soit absolument
meilleure que ce qui n'est pas elle, car elle est la seule dont rien n'est tout
а fait meilleur.." Monologium
XV. Citй aussi par Bonaventure. L'axiome se retrouve plusieurs fois dans
l'њuvre. Dans les derniиres questions il est citй sans rйfйrence а Anselme. Ia,
qu. 13, a. 3, donne les modalitйs propres а cette attribution.
[5]
Pour Thomas et ses contemporains, par antonomase, le philosophe (par
excellence) c'est Aristote.
[6]
Dйfinition classique de la puissance. (Mйtaphysique,
Thomas, V, lectio 14). C’est а cette dйfinition que se rattache la notion de
toutes les puissances, en leur sens premier (Mйtaphysique, IX, 1, 1046 a 10).
[7]
Il n’y a pas de relation rйelle de Dieu а la crйature, mais il y en a de la
crйature а Dieu. Thomas revient plusieurs fois dans cet article sur ce point de
vue. Ce genre de relation sera explicitй en Pot. qu. 7, a. 8, 9, 10, qu. 8. Cf.
CG. II, 11 а 14.
[8]
Habitus fait partie de ces mots difficiles а traduire en franзais (Cf. Ia/IIж,
qu. 49, et 50). Il n'est pas l'йquivalent d'habitude, ni de possession. C'est
une puissance plus achevйe, intermйdiaire entre l’acte et la puissance (Ia, qu.
14, a. 1, obj. 1), parce qu'elle vient parfaire la puissance. Or en Dieu, il
n'y a pas de puissance passive. "On compare ceux qui ont des habitus а des
gens qui dorment." (CG. I, 92, § 3) C'est en effet une possibilitй, qui
n'a pas toujours le pouvoir de passer de la puissance а l'acte. Les vertus et
les vices sont des habitus. C'est la derniиre catйgorie de l'кtre et le
neuviиme et dernier accident. "Mais en Dieu l'acte est absolument parfait.
Donc pas d'habitus". (CG. I, 56). En un autre sens (tirй de habere et non
se habere comme le premier sens) c'est la possession.
[9]
"…entre le possible et l'кtre il n'y a aucune diffйrence, dans les choses
йternelles." (Trad. H. Carteron) Thomas (n° 285) ajoute pas toujours.
Texte citй а nouveau en Pot. 3, 14 et 9, 9, obj. 1.
[10]
Si l’essence et la puissance sont identiques, on ne doit conserver que le nom
de la plus noble, c'est-а-dire de l’essence. On supprime ainsi la distinction.
[11]
La matiиre premiиre est puissance passive seulement; le parallйlisme entre la
matiиre premiиre (prima potentia) et l’acte pur est plus marquй en I Sent.
d42q1a1, obj. 1: "L’acte premier se comporte vis-а-vis de la puissance
comme la puissance premiиre vis-а-vis de l’acte".
[12]
L'objection est reprise en Pot. 2, 1, obj. 4, avec des consйquences
diffйrentes.
[13]
Les catйgories comprennent la substance et les neuf accidents. La substance
n'est pas dans les accidents.
[14]
"Dieu ne sert pas de sujet а quelque chose en lui…Donc il est interdit de
dire qu'il subsiste" . § 2: appeler Dieu substance est une impropriйtй… "il
est essence, terme juste et propre au point d'ailleurs que peut-кtre, le terme
d'essence appartient а Dieu seul." (Trad. BA. 15 ). Car les substances les
plus simples "sont la cause de ce qui est composй, au moins la substance
premiиre et simple qui est Dieu.". Dans la solution, Thomas ne rйpond pas
directement au texte d'Augustin.
[15]
Cf. Aristote, Catйgories, 8, 9 a 13 ss. . Cf. Ia/IIж, qu. 49, a. 1. La qualitй
est un accident et il n’y a pas d’accident en Dieu.
[16]
Ratio a de nombreux sens (Thomas les йnumиre dans le Commentaire sur les Noms
divins, ch. VII, lectio 5, n° 735). Il semble meilleur ici de distinguer deux
traductions: la raison (pouvoir de connaissance quaedam cognoscitiva virtus) et
la notion (la notion de puissance aliquid simplex abstractum a multis…), pour
mieux comprendre la pensйe de Thomas, mкme si c'est dans un mкme paragraphe.
[17]
"Car toute puissance, tout possible et tout facteur de production n'est
dйsirable qu'en vue d'autre chose." (Trad. J. Tricot, p.143, §1).
[18]
Le sens de virtus est trиs proche de celui de puissance (active). (IIIa, qu. 1,
a. 1, sc.: "…potentia Dei vel virtus…") "Il signifie la
puissance а son plus haut degrй." (A. Krempel, La doctrine de la relation
chez saint Thomas, Paris, Vrin, 1952,, p. 183 et 213.) Il renvoie а l’Op de
occultis operationibus naturae, n° 444, "…potentia secundum refertur ad
ultimum in quo aliquid potest, acceptit nomen et rationem virtutis." Nous
le traduisons le plus souvent par pouvoir, puisque Thomas emploie les deux mots
quelquefois dans une mкme phrase ou un mкme paragraphe comme ici. Mais а cause
de cet emploi, on a l’impression que par la suite, il ne parle plus tellement
de puissance parce que la puissance divine correspond plus а virtus qu’а
potentia. Ici le texte de Denys suggиre le terme de puissance (voir note
suivante).
[19]
"Au sens de toutes les intelligence divines, on distingue en effet… trois
qualitйs: l'essence, la puissance et l'acte" (Trad. M. de Gandillac).
[20]
Bonaventure (I sent, d42a1q1.) donne а ce sujet plus d'importance que Thomas.
Et pourtant l’objection est importante. La puissance telle que dйfinit par
Aristote ne convient pas а la crйation, puisqu’il n’y a pas de changement. La
solution n’est pas convaincante.
[21]
"Mais il faut savoir que ces mots: crйer, faire, agir, ne peuvent кtre
employйs pour Dieu de la mкme maniиre qu'ils sont employйs pour les crйatures".
L'argument se sert d'un texte interprйtй tendancieusement. Cf. Augustin, La Genиse au sens littйral, I, XVIII, 36:
"…Dieu n'agit pas comme l'homme ou l'ange, par mouvements spirituels ou
corporels qui se dйveloppent dans le temps" (Trad. P. Agaлsse et A.
Solignac; BA. 48.) L'action n'est pas refusйe а Dieu mais seulement par
comparaison aux crйatures. – Pierre Lombard, йvкque de Paris, a publiй les
Sentences entre 1145-1150.
[22]
L’autoritй tirйe du Ps 88, 9 concerne plus la toute puissance, telle qu'elle
est conзue dans l'AT que la puissance active, notion fortement imprйgnйe
d'aristotйlisme.
[23]
Cf. le sed contra de I Sent. d42q1a1: "Tout effet est produit par la
puissance de la cause efficiente. Mais Dieu est la cause efficiente des crйatures.
Donc il faut placer en lui la puissance". Il y a lа un rapport qui n’est
pas йvoquй ici.
[24]
Les deux sens de l'acte: forme, l'acte entitatif, et l'opйration, l'acte
opйratif considйrй comme second.
[25]
Ex communi hominum intellectu: Emploi particulier du terme intellectus. Cf. J.
Pesghaire, Intellectus et ratio d’aprиs saint Thomas, p. 24.
[26]
Ce sont deux consйquences de l'acte pur.
[27]
Il y a ici un rapprochement йvident avec la quatriиme voie des preuves de
l'existence de Dieu (Ia, qu. 2, a. 3). Le plus et le moins dans l'ordre
qualitatif se dit par rapport а un maximum. Ici raisonnement sur la perfection,
plus ou moins grande dans les crйatures, maximale, absolue en Dieu.
[28]
La substance n'est attribuйe а Dieu que par analogie. Dieu est nйcessaire et ne
sert de support а aucun accident..
[29]
L'inhйrence est le propre de l'accident.
[30]
Pour approfondir le sens de cette solution, on lira CG. II, 8, 9 et surtout 10
§ 1. Thomas ajoute en Ia, qu. 25, a. 1, ad 3: "Donc ainsi on sauvegarde en
Dieu la raison de la puissance du fait qu'elle est principe de l'effet, mais
non du fait qu'elle est principe de l'action qui est son essence." Ce qui
veut dire que la puissance est ce qui permet а Dieu d'йtendre son action ad
extra.
[31]
L'action ad intra et ad extra est envisagйe ici sous l'angle de la relation. La
premiиre en Dieu est rйelle. Elle est par nйcessitй, l'autre est volontaire. La
relation de Dieu а la crйature est de raison et celle de la crйature а Dieu est
rйelle (qu. 7, etc.).
[32]
Sabellius est un Libyen, qui est а Rome vers 217. Il prкche le modalisme, et
est condamnй par le Pape Callixte. Le Sabellianisme, hйrйsie du IIIe et IVe
siиcle, est apparentй au Modalisme. Il dйsigne un mкme et unique Dieu sous
trois noms diffйrents. C’est dans les modalitйs de son action extйrieure que
Dieu prend une forme trinitaire.
[33]
C’est le raisonnement qui la dйcouvre mais elle n'est pas rйelle.
[34]
En Dieu il y a l’essence (sans principe), la puissance et l'opйration Les deux
derniиres appartiennent а l'essence ("la puissance de Dieu est son essence",
dйmontrй en CG. II, 8). La puissance est son action et Dieu est acte lui-mкme,
parce que la puissance n'est pas participйe. Il n'y a rien de participй en Dieu
(CG. II, 8, § 3), parce que la puissance est son кtre. Dieu est son кtre. Donc
il est sa puissance (§4).
La
puissance a une double relation: a) interne, en quelque sorte, а Dieu,
puisqu'elle est principe de l'opйration (qui est l'essence mкme de Dieu) b)
externe, puisqu'elle est principe de l'effet produit par l'opйration de Dieu en
tant que cause. D'oщ la distinction entre l'action ad intra et ad extra par la
puissance, йtant donnй la relation quasiment causale de la puissance а l'effet
(le principe est proche de la cause et en relation avec l'effet.) Il distingue
donc une relation rйelle en Dieu (Trinitй) et une relation "de
raison" avec les crйatures.
[35]
C'est-а-dire ce qui n'est pas tout а fait parfait dans les crйatures, mais peut
l'кtre en Dieu.
[36]
L’esprit humain se sert de ce qui est plus ou moins parfait pour concevoir une
qualitй absolument parfaite en Dieu, а condition que le terme le supporte, ou
si cela correspond а une rйalitй en lui.
[37]
Parce que par nature l'habitus n'est pas en acte.
[38]
L'essence quand elle agit est aussi puissance (Cf. note 34).
[39]
L'essence et la puissance sont une mкme chose, car Dieu est absolument simple.
Cf. Pot. qu. 7, a. 1. Chaque fois que Thomas parle de simplicitй, il faut
considйrer son texte comme une rйponse а Avicenne.
[40]
C'est-а-dire le Perihermeneias.
[41]
L'esprit conзoit la rйalitй de trois maniиres.
a)
Le concept rйpond immйdiatement (sans intermйdiaire) а l’objet extйrieur.
L’esprit conзoit l’image de cet objet, ou sa forme, "ce qui est conзu de
ce nom ‘homme’". Le fondement est la chose rйelle. "Une telle
conception… par sa conformitй avec l’esprit, fait que celle-ci est vraie et que
le nom qui signifie ce concept est dit de la chose elle-mкme" (I Sent. d
2q1 a1) "Ce sont des йtants complets comme l’homme ou la pierre." (I
Sent. d19q5a1). Rapport avec la substance premiиre et la substance seconde,
Pot. 9, 1, note 4.
b)
Le concept rйpond par l’intermйdiaire d’une rйflexion (conception seconde). Ce
qui est conзu c'est l'abstraction, le genre, les concepts universels de temps,
d’espace, de vйritй, de substance, etc..
c)
Le concept est complиtement йtranger au monde rйel: c’est le fruit de
l’imagination comme la chimиre.
Ces
trois conceptions sont йvoquйes en I Sent. d19q 5a1 et d30q1a3. Ici la
troisiиme est omise, comme inutile. On retrouve les deux premiиres en Pot. qu.
7, a. 6 et la deuxiиme conception est signalйe en Pot. qu. 7, a. 11: "…l’esprit
dйcouvre ces relations en considйrant l’ordre qui est dans l’esprit pour ce qui
est а l'extйrieur, ou l’ordre des conceptions entre elles. (Cf. A. Krempel, La
doctrine de la relation chez Thomas, p. 313 ss).
[42]
Le mot qui peut le mieux traduire intellectus est intellect. Celui-ci est la
facultй des кtres intellectuels sur le plan naturel (Cf. Ia, qu. 79, a. 10). "Intelligere
enim est simpliciter veritatem intelligibilem apprehendere" C'est de
l'extйrieur que vient l'intelligible.par lequel l'intellectus possibilis est
informй. (Cf. Floucat, L'intime fйconditй de l'intelligence, p. 23.Mais c'est
un mot peu facile а employer. Aussi nous le rйservons en quelques cas а Dieu et
nous traduisons le plus souvent par esprit, ce qui peut faciliter la lecture du
texte. Mais il faut se souvenir de cette distinction. Dans le Commentaire des
Sentences, Thomas emploie le plus souvent mens, ici dans des raisonnements
semblables, il emploie exclusivement intellectus.
[43]
"Notre maniиre humaine de connaоtre l'exigence d'une relation rйelle entre
Dieu et les crйatures, relation descendante qui rйpondrait а une relation
ascendante." (Geiger, La participation dans la philosophie de st Thomas
d'Aquin, p. 182, note 1)
[44]
"Ce passage fait comprendre "pourquoi nos concepts des relations de
Dieu а nous manque de fondement objectif immйdiat." A. Krempel, op.cit. p.
318.
[45]
Cf. Ia / IIж, qu. 49, a. 2, Cf. CG II, 8, § 5: La puissance en Dieu n'est pas
celle qui appartient а la catйgorie de qualitй, qui est celle des crйatures.
Elle ne lui convient pas. Cf. Aristote , Les
Catйgories, 8, Les qualitйs, 9 a 15-20. Dans les crйatures oщ la puissance
n'appartient pas а la substance, elle est un accident.
[46]
La vйritй prend sa source en Dieu. "Omnis alia veritas est a prima
veritate quae est Deus." (Verit. qu. 1, a. 8, sc 2.)
[47]
Il s'agit de la gйnйration dite spontanйe, qui a une grande importance dans la
science de l’йpoque.
[48]
La premiиre action, avec changement, est l'action naturelle, qui n'est jamais
crйation pure, mais modification (l’њuvre artisanale), l'autre est la crйation
ex nihilo par Dieu.
[49]
Il semble qu'il faille entendre cette maniиre particuliиre comme celle qui
s'applique aux crйatures. De maniиre universelle elle s'appliquerait а Dieu et
aux crйatures. S'il y a puissance en Dieu, elle ne peut qu'кtre active, а la
diffйrence de la puissance dans les crйatures.
Article 2: La puissance de Dieu est-elle infinie?
q. 1 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum potentia Dei sit infinita Et videtur quod non. Il semble que non. Objections[1]: 1 q. 1 a. 2 arg. 1 Quia, ut dicitur in IX Metaph., frustra
esset in natura aliqua potentia activa cui non responderet aliqua passiva. Sed
potentiae infinitae divinae non respondet aliqua passiva in natura. Ergo
frustra esset divina potentia infinita. 1. Parce que, comme il est dit en Mйtaphysique
(IX, 1, 1046 a 18[2]), une puissance active
serait vaine dans la nature si ne lui correspondait pas une puissance passive.
Mais а la puissance divine infinie ne correspond pas de puissance passive dans
la nature. Donc la puissance divine infinie serait sans raison. q. 1 a. 2 arg. 2
Praeterea philosophus probat, non esse potentiam infinitam magnitudine infinita:
quia sequeretur quod ageret in non tempore. Nam maior virtus agit in minori
tempore: unde quanto virtus est maior, tanto tempus est minus. Sed potentiae
infinitae ad finitam nulla est proportio. Ergo nec temporis in quo agit
potentia infinita, ad tempus in quo agit potentia finita. Cuiuslibet autem
temporis ad quodlibet tempus est proportio. Ergo cum potentia finita moveat in
tempore, potentia infinita movebit in non tempore. Eadem ratione si potentia
Dei est infinita, semper operabitur in non tempore; quod falsum est. 2. Le Philosophe prouve (Physique,
VIII, 10, 266 a 24 Р b 5) qu'il n'y a pas de puissance infinie de grandeur
infinie, parce qu'il s'ensuivrait qu'elle n'agirait pas dans le temps. Car un
plus grand pouvoir agit dans un temps plus court; aussi, plus le pouvoir est
grand, plus le temps est court. Mais il n'y a aucune proportion d'une puissance
infinie а une puissance finie. Donc, non plus du temps dans lesquels agit la
puissance infinie au temps dans lequel agit une puissance finie. Or d'un temps
а un autre, il y a une proportion. Donc comme une puissance finie meut dans le
temps, la puissance infinie le fera hors du temps. Par la mкme raison, si la
puissance de Dieu est infinie, il opйrera toujours hors du temps, ce qui est
faux. q. 1 a. 2 arg. 3 Sed
dices, quod voluntas divina non determinat quanto tempore velit effectum suum
compleri; et sic non oportet quod potentia divina semper agat in non tempore.-
Sed contra, voluntas divina non potest immutare eius potentiam. Sed de ratione
potentiae infinitae est quod agat in non tempore. Ergo hoc per voluntatem
divinam immutari non potest. 3. Mais on pourrait dire que la volontй divine ne dйtermine pas en
combien de temps elle veut que son effet soit accompli; et ainsi il ne faut pas
que le puissance divine agisse toujours hors du temps. – En sens contraire, la
volontй de Dieu ne peut pas modifier sa puissance. Mais il est de la nature
d'une puissance infinie d'agir hors du temps. Donc cela ne peut pas кtre changй
par la volontй divine. q. 1 a. 2 arg. 4
Praeterea, omnis potentia manifestatur per suum effectum. Sed Deus non potest
facere effectum infinitum. Ergo potentia Dei non est infinita. 4. Toute puissance se manifeste par son effet. Mais Dieu ne peut pas
produire un effet infini. Donc la puissance de Dieu n'est pas infinie. q. 1 a. 2 arg. 5
Praeterea, potentia proportionatur operationi. Sed operatio Dei est simplex.
Ergo et potentia. Simplex autem et infinitum ad invicem repugnant. Ergo ut
prius. 5. La puissance est proportionnйe а l'opйration. Mais l'opйration de
Dieu est simple. Donc sa puissance aussi. Mais le simple et l'infini s'opposent
l'un а l'autre. Donc comme ci-dessus. q. 1 a. 2 arg. 6
Praeterea, infinitum est passio quantitatis, ut philosophus dicit. Sed Deus est
absque quantitate et magnitudine. Ergo eius potentia non potest esse infinita. 6. L'infini est le support de la quantitй, comme le dit Aristote (Physique, I, 2, 185 a 15 - b 33-34[3]), mais Dieu est sans quantitй ni grandeur.
Donc sa puissance ne peut pas кtre infinie. q. 1 a. 2 arg. 7
Praeterea, omne quod est distinctum est finitum. Sed potentia Dei est distincta
a rebus aliis. Ergo est finita. 7. Tout ce qui est distinct est fini. Mais la puissance de Dieu est
distincte des autres choses. Donc elle est finie. q. 1 a. 2 arg. 8
Praeterea, infinitum dicitur per remotionem finis. Finis autem est triplex;
scilicet magnitudinis, ut punctus; perfectionis, ut forma; intentionis, ut
causa finalis. Haec autem duo ultima, cum sint
perfectionis, a Deo removeri non debent. Ergo divina potentia non debet
dici infinita. 8. 0n parle d'infini si on exclut la fin. Mais la fin est triple:
c'est-а-dire celle de la grandeur, comme le point; de la perfection comme la
forme; de la fin comme la cause finale. Ces deux derniиres, puisqu'elles
concernent la perfection ne doivent pas кtre exclues de Dieu. Donc on ne peut
pas dire que la puissance divine est infinie. q. 1 a. 2 arg. 9
Praeterea, si potentia Dei est infinita, hoc non potest esse nisi quia est
effectuum infinitorum. Sed multa alia sunt quae habent effectus infinitos in
potentia, ut intellectus, qui potest intelligere infinita in potentia, et sol
qui potest producere effectus infinitos. Si ergo potentia Dei dicatur infinita,
pari ratione et multae aliae erunt infinitae; quod est impossibile. 9. Si la puissance de Dieu est infinie, cela n'est possible que parce
qu'il s'agit d'effets infinis. Mais il y a beaucoup d'autres choses qui ont des
effets infinis en puissance, comme l'esprit, qui peut comprendre l'infini en
puissance et le soleil qui peut produire des effets infinis. Donc, si on dit
que la puissance de Dieu est infinie, а raison йgale, beaucoup d'autres choses
seront infinies, ce qui est impossible. q. 1 a. 2 arg. 10 Praeterea, finis est quoddam
ad nobilitatem pertinens. Sed omne quod est huiusmodi, rebus
divinis debet attribui. Ergo potentia divina debet dici finita. 10. La fin a quelque rapport avec la noblesse. Mais tout ce qui est de
ce genre doit кtre attribuй а Dieu. Donc on doit dire que la puissance divine
est finie. q. 1 a. 2 arg. 11
Praeterea, infinitum, secundum philosophum, est partis, et materiae: quae
imperfectionis sunt, et Deo non conveniunt. Ergo nec infinitum est in potentia
divina. 11. L'infini, selon le Philosophe (Physique,
III, 6, 207 a 26[4]), concerne la partie et la
matiиre, qui sont imparfaites et ne conviennent pas а Dieu. Donc il n'y a pas
d'infini dans la puissance divine. q. 1 a. 2 arg. 12
Praeterea, secundum philosophum, terminus neque finitus neque infinitus est.
Sed divina potentia est omnium rerum terminus. Ergo non est infinita. 12. Selon le Philosophe (Physique,
I, 2, 185 b 16-18[5]), le terme n'est ni fini,
ni infini. Mais la puissance divine est le terme de tout. Donc elle n'est pas
infinie. q. 1 a. 2 arg. 13
Praeterea, Deus agit tota potentia sua. Si ergo potentia eius est infinita,
semper effectus eius erit infinitus; quod erat impossibile. 13. Dieu agit par toute sa puissance. Si donc elle est infinie, son
effet sera toujours infini; ce qui йtait impossible. En sens contraire q. 1 a. 2 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicit Damascenus, quod infinitum est quod neque tempore
neque loco neque comprehensione finitur. Hoc autem convenit
divinae potentiae. Ergo divina potentia est infinita. 1. Il y a ce que dit Jean Damascиne (La foi orthodoxe, I, 4[6]): l'infini est ce qui est sans limite, ni dans
le temps, ni le lieu, ni dans son apprйhension[7].
Cela convient а la puissance divine. Donc la puissance divine est infinie. q. 1 a. 2 s. c. 2
Praeterea, Hilarius dicit: Deus immensae virtutis, vivens potestas, quae
nusquam non adsit nec usquam desit. Omne autem immensum est infinitum. Ergo
potentia Dei est infinita. 2. Hilaire dit (La Trinitй, VIII,
24[8]): "Dieu d'immense pouvoir, puissance
vivante, qui jamais n'est absente ni jamais ne manque". Tout ce qui est
immense est infini. Donc la puissance de Dieu est infinie[9]. Rйponse q. 1 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod infinitum dicitur dupliciter. Uno modo privative; et
sic dicitur infinitum quod natum est habere finem et non habet: tale autem
infinitum non invenitur nisi in quantitatibus. Alio modo dicitur infinitum
negative, id est quod non habet finem. On parle de l'infini de deux maniиres. a) D'une maniиre privative et ainsi on appelle infini ce qui est
destinй а avoir une fin et n'en a pas; un tel infini ne se trouve que dans les
quantitйs. b) D'une autre maniиre, on parle d'infini de maniиre nйgative, c'est-а-dire
de ce qui n'a pas de fin. Infinitum primo modo acceptum Deo convenire non potest, tum
quia Deus est absque quantitate, tum quia omnis privatio imperfectionem
designat, quae longe a Deo est. L'infini reзu en Dieu de la premiиre maniиre ne peut pas convenir,
d'une part parce qu'il n'y a pas de quantitй en lui, d'autre part parce que
toute privation dйsigne une imperfection, ce qui ne convient pas а Dieu. Infinitum autem
dictum negative convenit Deo quantum ad omnia quae in ipso sunt. Quia nec ipse
aliquo finitur, nec eius essentia, nec sapientia, nec potentia, nec bonitas;
unde omnia in ipso sunt infinita. Sed de infinitate eius potentiae specialiter
sciendum est, quod cum potentia activa sequatur actum, quantitas potentiae
sequitur quantitatem actus; unumquodque enim tantum abundat in virtute agendi
quantum est in actu. L'infini exprimй nйgativement convient а Dieu pour tout ce qui est en
lui. Parce que lui-mкme n'est fini par rien, ni son essence, ni sa sagesse, ni
sa puissance, ni sa bontй, non plus; c'est pourquoi tout en lui est infini.
Mais а propos de l'infinitй de sa puissance, il faut savoir spйcialement que,
puisque la puissance active suit l'acte, la grandeur de la puissance suit la
grandeur de l'acte; car chaque chose est riche en pouvoir d'agir qu'autant
qu'il est en acte. Deus autem est actus infinitus, quod patet ex hoc quod actus
non finitur nisi dupliciter. Uno modo ex parte agentis; sicut ex voluntate
artificis recipit quantitatem et terminum pulchritudo domus. Alio modo ex parte
recipientis; sicut calor in lignis terminatur et quantitatem recipit secundum
dispositionem lignorum. Dieu est aussi acte infini, ce qui paraоt du fait que l'acte n'est fini
que de deux maniиres: a) Du cфtй de l'agent; ainsi la beautй de la maison reзoit de la
volontй de l'artisan sa grandeur et sa destination. b) Du cфtй de celui qui reзoit; ainsi la chaleur s'achиve dans les
morceaux de bois et reзoit son intensitй de leur disposition[10].
Ipse autem divinus actus non finitur ex aliquo agente, quia
non est ab alio, sed est a se ipso; neque finitur ex alio recipiente, quia cum
nihil potentiae passivae ei admisceatur, ipse est actus purus non receptus in
aliquo; est enim Deus ipsum esse suum in nullo receptum. Mais l'acte divin mкme n'est limitй par aucun agent, parce qu'il ne
dйpend pas d'un autre mais de lui-mкme, et il n'est pas limitй par un autre qui
le reзoit, parce que, rien en lui n'est mкlй а une puissance passive, il est
acte pur, reзu en rien; car Dieu est son кtre mкme, reзu en rien[11]. Unde patet quod Deus est infinitus; quod sic videri potest.
Esse enim hominis terminatum est ad hominis speciem, quia est receptum in
natura speciei humanae; et simile est de esse equi, vel cuiuslibet creaturae.
Esse autem Dei, cum non sit in aliquo receptum, sed sit esse purum, non
limitatur ad aliquem modum perfectionis essendi, sed totum esse in se habet; et
sic sicut esse in universali acceptum ad infinita se potest extendere, ita
divinum esse infinitum est; et ex hoc patet quod virtus vel potentia sua
activa, est infinita. Par lа, il apparaоt que Dieu est infini: ce qu'on peut montrer ainsi:
l'кtre de l'homme, en effet, se termine а son espиce, parce qu'il est reзu dans
la nature de l'espиce humaine; et c'est pareil pour l'кtre du cheval ou celui
de n'importe quelle crйature. Mais comme l'кtre de Dieu n'est reзu en rien,
mais qu'il est pur, il n'est pas limitй а un mode de perfection d'кtre, mais il
possиde tout l'кtre en lui; et ainsi de mкme que l'кtre reзu en son sens
universel peut s'йtendre а l'infini, de mкme l'кtre divin est infini; et cela
montre que son pouvoir ou sa puissance active[12]
est infinie. Sed sciendum quod quamvis potentia habeat infinitatem ex
essentia, tamen ex hoc ipso quod comparatur ad ea quorum est principium,
recipit quemdam modum infinitatis quem essentia non habet. Nam in obiectis
potentiae, quaedam multitudo invenitur; in actione etiam invenitur quaedam
intensio secundum efficaciam agendi, et sic potest potentiae activae attribui
quaedam infinitas secundum conformitatem ad infinitatem quantitatis et
continuae et discretae. Discretae quidem secundum quod quantitas potentiae
attenditur secundum multa vel pauca obiecta; et haec vocatur quantitas
extensiva: continuae vero, secundum quod quantitas potentiae attenditur in hoc
quod remisse vel intense agit; et haec vocatur quantitas intensiva. Prima autem
quantitas convenit potentiae respectu obiectorum, secunda vero respectu
actionis. Istorum enim duorum activa potentia est principium. Mais il faut savoir que, quoique la puissance possиde l'infinitй par
l'essence, cependant du fait qu'elle est comparйe а ce dont elle est le
principe, elle reзoit un mode d'infinitй que l'essence ne possиde pas. Car dans
ce qui prйsente de la puissance, on trouve une certaine pluralitй; mais dans
l'action aussi, on trouve un accroissement selon l'efficacitй de l'action et
ainsi on peut attribuer а la puissance active une infinitй en conformitй а
l'infini d'une quantitй continue et discrиte. Discrиte[13]
selon que la quantitй de la puissance est dirigйe vers beaucoup ou peu d'objets;
on l'appelle quantitй extensive; continue, selon que la quantitй de la
puissance est poussйe а agir doucement ou intensйment et on l'appelle la
quantitй intensive. La premiиre quantitй convient а la puissance par rapport
aux objets, la seconde par rapport а l'action. Car la puissance active est le
principe des deux. Utroque autem modo divina potentia est infinita. Nam nunquam
tot effectus facit quin plures facere possit, nec unquam ita intense operatur
quin intensius operari possit. Intensio autem in operatione divina non est
attendenda secundum quod operatio est in operante, quia sic semper est
infinita, cum operatio sit divina essentia; sed attendenda est secundum quod
attingit effectum; sic enim a Deo moventur quaedam efficacius, quaedam minus
efficaciter. Des deux maniиres la puissance divine est infinie. Car jamais elle ne
produit tant d'effets qu'elle ne puisse en produire davantage, et jamais elle
n'opиre de faзon si intense qu'elle ne puisse opйrer plus intensйment. Mais
l'intensitй ne doit pas кtre йtablie dans l'opйration divine selon que
l'opйration est dans celui qui opиre, parce qu'elle est toujours infinie,
puisque l'opйration est l'essence divine; mais elle doit кtre йtablie selon
qu'elle arrive а un effet; car certaines choses sont ainsi mues par Dieu plus
efficacement, d'autres moins. Solutions: q. 1 a. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod nihil quod est in Deo, potest dici frustra, quia
frustra est quod est ad aliquem finem quem non potest attingere; Deus autem et
quae in ipso sunt, non sunt ad finem, sed sunt finis. Vel dicendum, quod
philosophus loquitur activa naturali. Res enim naturales coordinatae sunt ad
invicem, et etiam omnes creaturae: Deus autem est extra hunc ordinem; ipse enim
est ad quem totus hic ordo ordinatur, sicut ad bonum extrinsecum, ut exercitus
ad ducem, secundum philosophum. Et ideo non oportet ut ei quod est in Deo,
aliquid in creaturis respondeat. # 1. Rien de ce qui est en Dieu ne peut кtre considйrй comme vain,
parce qu'est vain ce qui est en vue d'une fin qu'il ne peut atteindre. Mais
Dieu, ainsi que ce qui est en lui, n'est pas en vue d'une fin, mais est la fin.
Ou bien il faut dire que le Philosophe parle de puissance active naturelle. Car
les choses naturelles sont coordonnйes entre elles, toutes les crйatures aussi:
mais Dieu est hors de cet ordre; car lui-mкme est celui а quoi tout cet ordre
est ordonnй comme а un bien extrinsиque, comme l'armйe est ordonnйe au gйnйral,
selon le Philosophe (Mйtaphysique,
XII, 10, 1075 a 13). Et c'est pourquoi il ne faut pas que quelque chose dans
les crйatures corresponde а ce qui est en Dieu. q. 1 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod secundum Commentatorem in VIII Physic., demonstratio
illa de proportione temporis et potentia moventis procedit infinita in
magnitudine, quae proportionatur infinito temporis cum sint unius generis
determinati, scilicet continuae quantitatis, non autem tenet de infinito extra
magnitudinem, quod non est proportionale infinito temporis, utpote alterius
rationis existens. Vel dicendum, ut tactum est in obiiciendo, quod Deus quia
agit voluntarie, mensurat motum eius quod ab eo movetur, sicut vult. # 2. Il faut dire que, pour le Commentateur[14]
(Physique, VIII, 10[15]),
cette dйmonstration au sujet de la proportionnalitй du temps et de la puissance
du moteur, procиde d'une puissance infinie en grandeur, proportionnйe а un
infini de temps, puisqu'ils sont d'un seul genre dйterminй, а savoir de la
quantitй continue, mais elle ne tient pas d'un infini hors grandeur, qui est
sans proportion avec l'infini du temps, du fait qu'il existe d'une autre
maniиre. Ou il faut dire, comme cependant on l'a signalй dans l'objection, que
parce qu'il agit volontairement, Dieu mesure le mouvement de ce qu'il meut,
comme il le veut. q. 1 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod licet voluntas Dei non possit mutare eius potentiam,
potest tamen determinare eius effectum. Nam voluntas potentiam movet. # 3. Quoique la volontй de Dieu ne puisse pas modifier sa puissance, il
peut cependant dйterminer son effet. Car c'est la volontй qui met en mouvement
la puissance. q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ipsa ratio
facti vel creati repugnat infinito. Nam ex hoc ipso
quod fit ex nihilo, habet aliquem defectum, et est in potentia, non actus purus;
et ideo non potest aequari primo infinito ut sit infinitum. # 4. La nature de l'objet fabriquй ou de la crйature rйpugne а
l'infini. En effet, ce qui est fait de rien a une imperfection et est en
puissance et non acte pur; et c'est pourquoi, cela ne peut кtre йgalй au
premier infini pour кtre infini. q. 1 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod infinitum privative dictum, quod est passio quantitatis,
repugnat simplicitati, non autem infinitum quod est negative dictum. # 5. L'infini dit privatif qui est ce qui supporte la quantitй,
s'oppose а la simplicitй mais pas l'infini dit nйgatif. q. 1 a. 2 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod illa ratio procedit de infinito privative dicto. # 6. Cette raison procиde de l'infini dit privatif. q. 1 a. 2 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod aliquid potest esse distinctum dupliciter. Uno modo per
aliud sibi adiunctum, sicut homo distinguitur per rationalem differentiam ab
asino, et tale distinctum oportet esse finitum, quia illud adiunctum determinat
ipsum ad aliquid. Alio modo per se ipsum; et sic Deus est distinctus ab
omnibus rebus, et hoc eo ipso quia nihil addi ei est possibile; unde non
oportet quod sit finitus neque ipse neque aliquid quod in ipso significatur. # 7. Quelque chose peut кtre distinct de deux faзons: a) Par ce qui d'autre lui est ajoutй, ainsi l'homme est distinguй de
l'вne par la raison et ce qui est distinct de cette faзon doit кtre fini, parce
que ce qui est ajoutй, le limite а une chose. b) Par soi-mкme. Ainsi Dieu est distinguй de tout, et cela parce qu'il
est impossible de rien lui ajouter; c'est pourquoi il ne faut pas qu'il soit
fini, ni lui-mкme ni rien de ce qui est signifiй en lui. q. 1 a. 2 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod finis cum sit perfectionis, Deo nobilissimo modo
attribuitur, scilicet ut ipse essentialiter sit finis, non denominative
finitus. # 8. Il faut dire que, comme la fin concerne la perfection, elle est
attribuйe а Dieu par le mode le plus noble, а savoir pour qu'il soit lui-mкme
essentiellement la fin et qu'on ne le dйsigne pas comme fini. q. 1 a. 2 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut in quantitatibus potest considerari infinitum
secundum unam dimensionem et non secundum aliam, et iterum infinitum secundum
omnem dimensionem, ita et in effectibus. Possibile est enim aliquam creaturam
posse producere effectus infinitos quantum est de se, secundum aliquid, utpote
secundum numerum in eadem specie; et sic omnium illorum effectuum natura est
finita, utpote ad unam speciem determinata, ut si accipiamus homines vel asinos
infinitos. Non est autem possibile ut sit aliqua creatura quae possit in
effectus infinitos omnibus modis et secundum numerum et secundum species et secundum
genera; sed hoc solius Dei est, et ideo sola eius potentia est simpliciter
infinita. # 9. Dans les quantitйs, on peut considйrer l'infini selon une
dimension et non selon une autre, et а nouveau l'infini selon toute dimension;
il en est de mкme pour les effets. Car il est possible qu'une crйature puisse
produire des effets infinis quant а elle, sous un rapport, par exemple, selon
le nombre dans la mкme espиce; et ainsi la nature de tous ces effets est finie,
en tant que limitйe а une seule espиce, comme si nous admettions des hommes ou
des вnes infinis. Mais il n'est pas possible qu'il y ait une crйature qui
puisse avoir des effets infinis de toutes les maniиres, selon le nombre,
l'espиce et le genre; cela n'appartient qu'а Dieu seul et c'est pourquoi seule
sa puissance est absolument infinie. q. 1 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, sicut ad
octavum. # 10. Il faut dire comme pour la solution 8. q. 1 a. 2 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod ratio illa procedit de infinito privative dicto. # 11. Cette raison procиde de l'infini dit privatif. q. 1 a. 2 ad 12 Et
similiter dicendum ad duodecimum. # 12. Il faut dire de mкme. q. 1 a. 2 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod Deus semper agit tota sua potentia; sed effectus
terminatur secundum imperium voluntatis, et ordinem rationis. # 13. Dieu agit toujours par toute sa puissance, mais son effet est
limitй selon le pouvoir de sa volontй et l'ordre de la raison.
[1] Parall.: Ia, qu. 25, a. 2- CG. I, 43
- I Sent. d43q1a1 – Comp. 18 - Phys. 8, lectio 23 - Mйtaphysique XII, lectio 8. [2]
"Il est donc manifeste que la puissance active et la puissance passive ne
sont, en un sens, qu'une seule puissance (car un кtre est puissant, soit parce
qu'il a lui-mкme la puissance d'кtre modifiй, soit parce qu'un autre кtre a la
puissance d'кtre modifiй par lui), tandis que, en un autre sens, elles sont
diffйrentes." Trad. J. Tricot. Diffйrentes parce que situй diffйremment.
Cf. Thomas, lect. 21, n° 1146 ss. [3]
Physique, 1, 2, 185 a 32: "Or
Mйlissos dit que l'кtre est infini; l'кtre est donc une quantitй; car l'infini
est dans la quantitй, mais la substance ne peut кtre infinie, ni la qualitй, ni
l'affection, si ce n'est par accident, existant а titre de telle ou telle
quantitй, car, dans la dйfinition de l'infini, la quantitй intervient...."
(Trad. H. Carteron). Cf. Thomas I, lectio 3, n° 21. [4]
"...Il apparaоt que l'infini rentre plutфt dans la notion de la partie que
dans celle du tout; car la matiиre est partie du tout, comme l'airain l'est
dans la statue d'airain." (Trad. H. Carteron). [5]
"...Maintenant si l'un est indivisible, on supprime quantitй et qualitй,
alors l'кtre ne sera ni infini, comme le voulait Mйlissos, ni fini comme le
voulait Parmйnide." (Trad. H. Carteron). [6]
PG. 94, 79. [7]
Maniиre de le comprendre sous tous ses aspects. L'infini est insaisissable par
l'esprit,en rapport avec le fait qu'on ne peut savoir qui est Dieu. [8]
PL. 10, 253 B. [9]
On trouve un Sed contra, basйe sur le Ps. 144, 3: "Le Seigneur est grand
et digne de toute louange et sa grandeur n'a pas de fin". en I Sent.
D43q1a1 et CG. I, 43, § 16. [10]
"La distinction affirmйe dans ce texte de deux maniиres au moins
d'expliquer la limitation de l'acte, montre assez avec quels discernement il
convient d'user du principe: actus finitur per potentiam. Non seulement il faut
distinguer dans la notion d'acte par oщ elle s'oppose а la puissance dans
l'ordre existentiel et l'aspect par lequel elle exprime une certaine plйnitude
dans l'ordre quodditatif, mais encore le rфle du sujet peut varier
considйrablement suivant son indйpendance plus ou moins grande а l'йgard de la
cause productrice et l'action qu'il est capable d'exercer sur l'acte qu'il est
censй concevoir." G.L.Geiger . La participation dans la philosophie de st
Thomas d'Aquin, Paris, Vrin 1953, p. 394, note 1 et 2. [11]
"Ce qui a un esse absolu, en aucune maniиre reзu en quelque chose
est tout а fait son кtre, cet кtre est absolument infini, et ses attributs sont
infinis" (I Sent. d43q1a1.) "Tout acte, inhйrent а un autre, reзoit
sa limite... L'acte qui n'existe en rien n'est dйterminй par rien. C'est le cas
de Dieu, donc il est infini." (CG. I, 43, § 2). Cf. Les Noms divins, V, 1,
n° 629. La dйmonstration fait appel а l'acte pur, reзu en rien sans dйpendance. [12]
Un cas parmi d'autres oщ potentia et virtus sont employйs dans une mкme
phrase, tout en йtant pratiquement synonymes. [13]
Quantitй discrиte: composйe d'йlйments sйparйs. [14]
Averroиs. Nй а Cordoue en 1126, mort а Marrakech en 1198. Il йcrivit de
nombreux commentaires sur Aristote, en essayant de revenir а la pure doctrine,
sans le platonisme d'Avicenne. [15]
Cf. Aristote, Physique, VIII, 266 a
24 - b 5.
Article 3: Ce qui est impossible а la nature est-il possible а Dieu?
q. 1 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum ea quae sunt naturae impossibilia, sint Deo possibilia.
Et videtur quod non.
Il semble que non.
Objections[1]: q. 1 a. 3 arg. 1
Dicit enim quaedam Glossa, Rom. XI, vers. 24, quod Deus cum sit auctor naturae
non potest facere contra naturam. Sed ea quae sunt impossibilia naturae sunt
contra naturam. Ergo Deus ea facere non potest. 1. Une glose[2], au sujet de Rm. 11, 24: ("Greffй contre nature..."),
dit que, puisque Dieu est l'auteur de la nature, il ne peut pas agir contre
elle. Mais ce qui est impossible а la nature est contre elle. Donc Dieu ne peut
pas le faire.
q. 1 a. 3 arg. 2
Praeterea, sicut omne in natura necessarium est demonstrabile, ita omne
impossibile in natura, est improbabile per demonstrationem. Sed in omni
conclusione demonstrationis includuntur demonstrationis principia; in omnibus
autem demonstrationis principiis includitur hoc principium, quod affirmatio et
negatio non sunt simul vera. Ergo istud principium includitur in quolibet
impossibili naturae. Sed Deus non potest facere quod negatio et affirmatio sint
simul vera, ut respondens dicebat. Ergo nullum impossibile in natura potest
facere. . 2. Tout ce qui est nйcessaire dans la nature peut кtre dйmontrй, de
mкme tout ce qui y est impossible ne peut pas кtre prouvй par dйmonstration.
Mais les principes sont inclus dans toute conclusion d'une dйmonstration; donc
dans toutes est inclus ce principe: "L'affirmation et la nйgation ne sont
pas vraies en mкme temps". Donc ce principe est inclus dans tout ce qui
est impossible dans la nature. Mais Dieu ne peut faire que la nйgation et
l'affirmation soient vraies en mкme temps, comme un objecteur le disait. Donc
il ne peut rien faire d'impossible dans la nature.
q. 1
a. 3 arg. 3 Praeterea, sub Deo sunt duo principia, ratio et natura. Sed Deus
ea quae sunt impossibilia rationi, facere non potest, sicut quod genus non
praedicetur de specie. Ergo nec illa quae sunt impossibilia naturae. 3. Il y a deux principes sous Dieu: la raison[3] et la nature. Mais
Dieu ne peut pas faire ce qui est impossible pour la raison, par exemple que le
genre ne soit pas attribuй а l'espиce. Donc il ne peut pas faire ce qui est
impossible а la nature
q. 1 a. 3 arg. 4
Praeterea, sicut se habet falsum et verum ad cognitionem, ita se habet
possibile et impossibile ad operationem. Sed illud quod est falsum in natura,
Deus scire non potest. Ergo quod est impossibile in natura, Deus non potest
operari. 4. De la mкme maniиre que le faux et le vrai se comportent par rapport
а la connaissance, le possible et l'impossible le font par rapport а
l'opйration. Mais Dieu ne peut pas connaоtre ce qui est faux dans la nature[4].
Donc Dieu ne peut pas faire ce qui est impossible dans la nature.
q. 1 a. 3 arg. 5
Praeterea, quando est simile de uno et omnibus, quod probatur de uno,
intelligitur de omnibus esse probatum; sicut si probatur de uno triangulo,
demonstrato quod habeat tres aequales duobus rectis, de omnibus intelligitur
esse probatum. Sed similis ratio videtur de omni impossibili, quod Deus illud
possit et non possit; tum ex parte facientis, quia divina potentia infinita est:
tum ex parte facti, quia omnis res habet potentiam obedientiae ad Deum. Ergo si
aliquod impossibile est naturae quod facere non possit, ut respondens dicebat,
videtur quod nullum impossibile facere possit. 5. Quand la partie et le tout sont semblables, ce qui est prouvй pour
la partie est compris comme prouvй pour le tout. Ainsi si on prouve, aprиs
dйmonstration, qu'un triangle a trois angles йgaux а deux droits, on comprend
que c'est prouvй pour tous les triangles. Mais une raison semblable paraоt
s'appliquer а tout ce qui est impossible, que Dieu le puisse ou ne le puisse
pas; d'une part du cфtй de celui qui agit, parce que la puissance divine est
infinie, d'autre part du cфtй de ce qui est fait, parce que toute chose a une
puissance obйdientielle а Dieu. Donc s'il y a quelque chose d'impossible а la
nature qu'il ne puisse pas faire, comme celui qui a rйpondu le disait, il
semble qu'il ne puisse rien faire d'impossible.
q. 1 a. 3 arg. 6 Praeterea, II Timoth. II, 13,
dicitur: fidelis Deus, qui se ipsum negare non potest. Negaret autem se ipsum,
ut dicit Glossa, si promissum non impleret. Sicut autem promissum Dei est a Deo,
ita omne verum est a Deo: quia, ut dicit Glossa Ambrosii I Cor. XII, 3, super
illud: nemo potest dicere, dominus Iesus, omne verum, a quocumque dicatur, a
spiritu sancto est. Ergo non potest facere contra aliquod verum. Faceret autem
contra verum, si faceret aliquid impossibile. Ergo Deus non potest facere
aliquid impossibile in natura. 6. En 2 Tm. 2,13, il est dit: "Le Dieu fidиle qui ne peut pas se
nier lui-mкme...". Il se nierait lui-mкme, comme le dit la glose
[interlinйaire[5]], s'il n'accomplissait pas ce qu'il a promis. De mкme que la
promesse de Dieu vient de lui, de mкme toute vйritй vient de lui, parce que,
comme le dit la glose d'Ambroise (Ambrosiaster) au sujet de I Co. 12, 3: "Personne
ne peut dire, Seigneur Jйsus...", toute vйritй, qui que soit celui qui la
dise, vient de l'Esprit Saint. Donc il ne peut pas agir contre la vйritй. Il
agirait contre elle, s'il faisait quelque chose d'impossible. Donc Dieu ne peut
rien faire d'impossible dans la nature.
q. 1 a. 3 arg. 7
Praeterea, Anselmus dicit, quod minimum inconveniens Deo est impossibile. Sed
inconveniens esset quod affirmatio et negatio essent simul vera, quia
intellectus esset ligatus. Ergo Deus non potest facere hoc; et ita non potest
facere omnia impossibilia in natura. 7. Anselme dit (Cur Deus homo, livre 1, ch. 20[6]) que la plus petite
inconvenance est impossible а Dieu. Mais il serait inconvenant que
l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme temps, parce que l'esprit
aurait йtй liй. Donc Dieu ne peut pas le faire; et ainsi il ne peut pas faire
tout ce qui est impossible dans la nature.
q. 1 a. 3 arg. 8
Praeterea, nullus artifex potest operari contra artem suam: quia principium
suae operationis est ars. Sed Deus faceret contra artem suam, si faceret
aliquid impossibile in natura: quia naturae ordo, secundum quem illud est
impossibile, est secundum artem divinam. Ergo Deus et cetera. 8. Aucun artisan ne peut opйrer contre son art, parce que celui-ci est
le principe de son opйration. Mais Dieu agirait contre son art, s'il faisait
quelque chose d'impossible dans la nature; parce que l'ordre de la nature, qui
entraоne l'impossibilitй, dйpend de l'art divin. Donc Dieu, etc..
q. 1 a. 3 arg. 9
Praeterea, magis est impossibile quod est impossibile per se quam quod est
impossibile per accidens. Sed Deus non potest facere quod est impossibile per
accidens, scilicet quod id quod fuit non fuerit, ut patet per Hieronymum qui
dicit, quod cum cetera Deus possit, non potest facere virginem de corrupta; et
per Augustinum, et per philosophum. Ergo Deus non potest facere id quod est
impossibile per se in natura.
9. Plus est impossible ce qui est impossible en soi que ce qui l'est
par accident. Mais Dieu ne peut pas faire ce qui est impossible par
accident[7], par exemple que ce qui a existй ne l'ait pas йtй, comme on le voit
chez Jйrфme (Lettre а Eustochium sur la sauvegarde de la virginitй) qui dit
qu'encore que Dieu puisse toutes les autres choses, il ne peut pas rendre
vierge celle qui est dйflorйe. Augustin (C. Faust. 26[8]) et le philosophe (Йthique,
VI, 2, 1139 b 10[9]) le montrent aussi. Donc Dieu ne peut pas faire ce qui est
impossible en soi dans la nature[10].
En sens contraire[11]. q. 1 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Lucae I, 37: non erit impossibile apud Deum omne
verbum. 1. En Lc (1, 37) il est dit: "Aucune parole[12] ne sera impossible
а Dieu."
q. 1 a. 3 s. c. 2
Praeterea, omnis potentia quae potest facere hoc et non illud, est potentia
limitata. Si ergo Deus potest facere possibilia in natura, et non impossibilia,
vel haec impossibilia et non illa, videtur quod Dei potentia sit limitata, quod
est contra supra determinata. Ergo et cetera. 2. Toute puissance qui peut faire ceci et non cela est une puissance
limitйe. Si donc Dieu peut faire dans la nature ce qui est possible et ne pas
faire ce qui y est impossible, ou certaines choses impossibles et non d'autres,
sa puissance semble limitйe, ce qui est contre ce qui a йtй expliquй
ci-dessus[13] . Donc...
q. 1 a. 3 s. c. 3
Praeterea, omne illud quod non limitatur per aliquid quod est in re, per nihil
quod est in re impediri potest. Sed Deus non limitatur per aliquid quod est in
re. Ergo per nihil quod est in re potest impediri; et ita veritas huius
principii: affirmatio et negatio non possunt esse simul, non potest impedire quin
Deus possit facere. Et pari ratione de omnibus aliis. 3. Tout ce qui n'est pas limitй par quelque chose de rйel, ne peut кtre
empкchй par rien de rйel. Mais Dieu n'est limitй par rien de rйel. Donc il ne
peut кtre empкchй par rien en rйalitй et ainsi la vйritй de ce principe: "L'affirmation
et la nйgation ne peuvent exister simultanйment", ne peut pas empкcher que
Dieu puisse agir. Et а raison йgale pour tout le reste.
q. 1 a. 3 s. c. 4
Praeterea, privationes non suscipiunt magis et minus. Sed impossibile dicitur
secundum privationem potentiae. Si ergo unum impossibile est quod Deus facere
potest, ut caecum illuminare, videtur pari ratione quod potest facere omnia. 4. Les privations ne reзoivent ni plus ni moins. Mais on parle
d'impossible en raison de la privation de puissance. Si donc il y a une seule
chose impossible que Dieu peut faire, comme rendre la vue а un aveugle, а
raison йgale, il semble qu'il peut tout faire.
q. 1 a. 3 s. c. 5
Praeterea, omne quod resistit alicui, resistit in ratione alicuius
oppositionis. Sed potentiae divinae nihil est oppositum, ut ex supra dictis
patet. Ergo ei nihil potest resistere; et ita potest facere omnia impossibilia. 5. Tout ce qui rйsiste а quelque chose, lui rйsiste en raison d'une
opposition. Mais rien n'est opposй а la puissance divine, comme on le voit dans
ce qui a йtй dit ci-dessus. Donc rien ne peut lui rйsister et ainsi il peut
accomplir tout ce qui est impossible.
q. 1
a. 3 s. c. 6 Praeterea, sicut caecitas opponitur visioni, ita virginitas
partui. Sed Deus fecit quod virgo, manens virgo, pareret. Ergo pari ratione
potest facere quod caecus, manens caecus, videat, et potest facere quod
affirmatio et negatio sint simul vera, et per consequens omnia impossibilia. 6. La cйcitй est opposйe а la vision, comme la virginitй а
l'enfantement. Mais Dieu a fait qu'une vierge enfante, en demeurant vierge.
Donc а raison йgale, il peut faire que l'aveugle voit tout en demeurant aveugle
et que l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme temps et par
consйquence il peut faire tout ce qui est impossible.
q. 1 a. 3 s. c. 7
Praeterea, difficilius est coniungere formas substantiales disparatas quam
formas accidentales. Sed Deus coniunxit in unum formas substantiales maxime
disparatas, scilicet divinam et humanam, quae differunt secundum creatum et
increatum. Ergo multo amplius potest coniungere duas formas accidentales in
unum, ut faciat quod idem sit album et nigrum: et sic idem quod prius. 7. Il est plus difficile d'unir des formes substantielles diffйrentes
que des formes accidentelles. Mais Dieu a rйuni en un кtre les formes
substantielles les plus йloignйes, c'est-а-dire la forme divine et la forme
humaine qui diffиrent en tant que crййe et incrййe. Donc il peut bien davantage
unir deux formes accidentelles en une seule, pour faire qu'une mкme chose soit blanche
et noire, et ainsi de mкme que plus haut[14].
q. 1 a. 3 s. c. 8
Praeterea, posito quod a definito removeatur aliquid quod cadat in eius
definitione, sequitur contraria esse simul, sicut quod homo non sit rationalis.
Sed terminari ad duo puncta est in definitione
lineae rectae. Ergo si quis hoc removeat a linea recta, sequitur
quod duo contraria sint simul. Sed Deus hoc fecit quando intravit ianuis
clausis ad discipulos: tunc enim fuerunt duo corpora simul, et sic sequitur
quod duae lineae fuerunt terminatae ad duo puncta tantum, et unaquaeque ad duo
puncta. Ergo Deus potest facere quod affirmatio et negatio sint simul vera, et
per consequens potest facere omnia impossibilia. 8. Supposй qu'on exclut de ce qui est dйfini quelque chose qui tombe
dans sa dйfinition, il en dйcoule que les contraires sont ensemble; ainsi que
l'homme ne soit pas raisonnable. Mais la ligne droite est par dйfinition
terminйe par deux points. Donc si on exclut cela de la ligne droite, il
s'ensuit que deux contraires sont ensemble. Mais Dieu le fit quand il entra
chez les disciples, les portes fermйes: car il y eut deux corps en mкme temps,
et ainsi il s'ensuit que deux lignes se sont terminйes а deux points seulement,
et chacune а deux points. Donc Dieu peut faire que l'affirmation et la nйgation
soit vraies en mкme temps et par consйquence il peut faire tout ce qui est
impossible.
Rйponse q. 1 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum, quod, secundum philosophum, possibile et impossibile
dicuntur tripliciter.
Uno modo secundum aliquam potentiam activam vel passivam;
sicut dicitur homini possibile ambulare secundum potentiam gressivam, volare
vero impossibile.
Alio modo non secundum aliquam potentiam, sed secundum se
ipsum, sicut dicimus possibile quod non est impossibile esse, et impossibile
dicimus quod necesse est non esse. Il faut dire que, selon le Philosophe (Mйtaphysique, V, 12, 1019 b 23 ss.), on parle de possible et
d'impossible de trois maniиres[15]:
a) Selon une puissance active ou passive; ainsi on dit qu'il est
possible а un homme de marcher selon qu'il en a le pouvoir, mais voler lui est
impossible.
b) Hors puissance mais en soi; ainsi nous appelons possible ce qui n'a
pas l'impossibilitй d'кtre et nous appelons impossible ce qui a nйcessitй de ne
pas кtre.
Sciendum est ergo quod impossibile quod dicitur secundum
nullam potentiam, sed secundum se ipsum, dicitur ratione discohaerentiae
terminorum. Omnis autem discoherentia terminorum est in ratione alicuius
oppositionis; in omni autem oppositione includitur affirmatio et negatio, ut
probatur X Metaph.; unde in omni tali impossibili implicatur affirmationem et
negationem esse simul. Hoc autem nulli activae potentiae attribui potest; quod
sic patet. Omnis activa potentia consequitur actualitatem et entitatem eius
cuius est.
Donc il faut savoir que l'impossible dont on parle hors puissance, mais
en soi, est dйfini en raison de la contradiction des termes. Toute
contradiction des termes vient d'une opposition: dans toute opposition sont
incluses l'affirmation et la nйgation, comme c'est prouvй en Mйtaphysique (IV, 3, 1005 b 18[16]).
C'est pourquoi en toute impossibilitй de ce genre est impliquй que
l'affirmation et la nйgation soient en mкme temps. Cela ne peut кtre attribuй а
aucune puissance active; ce qui paraоt ainsi: toute puissance active suit
l'actualitй et l'entitй de ce dont elle dйpend.
Unumquodque autem agens est natum agere sibi simile; unde
omnis actio activae potentiae terminatur ad esse. Etsi enim aliquando fit per
actionem non esse, ut in corruptione patet, tamen hoc non est nisi in quantum
esse unius non compatitur esse alterius, sicut esse calidi non compatitur esse
frigidi; et ideo calor ex principali intentione generat calidum, sed quod
corrumpat frigidum, hoc est ex consequenti. Hoc autem quod est affirmationem et
negationem esse simul, rationem entis habere non potest, nec etiam non entis,
quia esse tollit non esse, et non esse tollit esse: unde nec principaliter nec
ex consequenti potest esse terminus alicuius actionis potentiae activae.
Tout agent est destinй а faire du semblable а soi: c'est pourquoi toute
action d'une puissance active se termine а l'кtre. Car mкme si quelquefois par
son action, cela devient du non кtre, comme cela se voit dans la corruption, cependant
cela n'arrive que dans la mesure oщ l'кtre de l'un ne supporte pas celui de
l'autre; ainsi l'кtre du chaud ne supporte pas celui du froid; et c'est
pourquoi la chaleur tend principalement а engendrer le chaud, mais elle dйtruit
le froid, en consйquence. Le fait que l'affirmation et la nйgation soient
ensemble, ne peut avoir nature d'кtre, ni mкme de non кtre, parce que l'кtre
enlиve le non кtre et le non кtre enlиve l'кtre: c'est pourquoi ni
principalement, ni par consйquence, cela ne peut pas кtre le terme de l'action
d'une puissance active.
Impossibile vero quod dicitur secundum aliquam potentiam
potest attendi dupliciter.
Uno modo propter defectum ipsius potentiae ex se ipsa, quia
videlicet ad illum effectum non potest se extendere, utpote quando non potest
agens naturale transmutare aliquam materiam. Ce qu'on dйsigne comme impossible selon la puissance peut
кtre atteint de deux maniиres:
1) A cause de la dйfaillance de la puissance mкme par soi, parce qu'il
est clair qu'elle ne peut parvenir а cet effet; par exemple quand l'agent
naturel ne peut pas opйrer un changement dans la matiиre.
alio modo ab extrinseco, utpote cum potentia
alicuius impeditur vel ligatur. Sic ergo aliquid dicitur impossibile fieri
tribus modis.
Uno modo propter defectum activae potentiae,
sive in transmutando materiam, sive in quocumque alio;
alio modo propter aliquod resistens vel
impediens;
tertio modo propter hoc quod id quod dicitur impossibile
fieri, non potest esse terminus actionis. 2) De l'extйrieur, par exemple, quand la puissance est empкchйe ou
liйe. Ainsi donc, on dit qu'une chose devient impossible de trois maniиres:
a) A cause de la dйfaillance de la puissance active, soit dans la
transformation de la matiиre, soit en tout autre chose d'autre.
b) A cause d'une rйsistance ou d'un empкchement.
c) Parce que ce qu'on dit impossible а rйaliser ne peut pas кtre le
terme de l'action.
Ea ergo quae sunt impossibilia in natura primo
vel secundo modo, Deus facere potest. Quia eius potentia, cum sit infinita, in
nullo defectum patitur, nec est aliqua materia quam transmutare non possit ad
libitum; eius enim potentiae resisti non potest. Sed id quod tertio modo dicitur
impossibile, Deus facere non potest, cum Deus sit actus maxime, et principale
ens. Unde eius actio non nisi ad ens terminari potest principaliter, et ad non
ens consequenter. Et ideo non potest facere quod affirmatio et negatio sint
simul vera, nec aliquod eorum in quibus hoc impossibile includitur. Nec hoc
dicitur non posse facere propter defectum suae potentiae: sed propter defectum
possibilis, quod a ratione possibilis deficit; propter quod dicitur a quibusdam
quod Deus potest facere, sed non potest fieri.
Donc ce qui est impossible dans la nature de la premiиre ou de la
deuxiиme maniиre, Dieu peut le faire. Parce que, comme sa puissance est
infinie, elle ne souffre de dйfaillance en rien et il n'y pas de matiиre qu'il
ne puisse transformer а sa guise, car elle ne peut rйsister а sa puissance.
Mais pour l'impossible de la troisiиme maniиre, Dieu ne peut pas le faire,
parce qu'il est acte au plus haut point et l'кtre principe. C'est pourquoi son
action ne peut se terminer qu'а l'йtant, et en consйquence au non йtant. Et
c'est pourquoi il ne peut pas faire que l'affirmation et la nйgation soient
vraies en mкme temps, ni rien dans ce en quoi cette impossibilitй est inclue.
Et on ne peut pas dire qu'il ne peut pas le faire а cause de la dйfaillance de
sa puissance: mais а cause de la dйfaillance du possible, parce que celui-ci a
perdu sa raison de possible, c'est pour cela que certains ont dit que Dieu peut
le faire, mais cela ne peut pas кtre fait.
Solutions q. 1 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod verbum Augustini in Glossa illa non est
intelligendum quod Deus non possit facere aliter quam natura faciat, cum ipse
frequenter faciat contra consuetum cursum naturae; sed quia quidquid in rebus
facit, non est contra naturam, sed est eis natura, eo quod ipse est conditor et
ordinator naturae. Sic enim in rebus naturalibus videtur, quod quando aliquod
corpus inferius a superiori movetur, est ei ille motus naturalis, quamvis non
videatur conveniens motui quem naturaliter habet ex seipso; sicut mare movetur
secundum fluxum et refluxum a luna; et hic motus est ei naturalis, ut
Commentator dicit, licet aquae secundum se ipsum motus naturalis sit ferri
deorsum; et hoc modo omnes creaturae quasi pro naturali habent quod a Deo in
eis fit. Et propter hoc in eis distinguitur potentia duplex: una naturalis ad
proprias operationes vel motus; alia quae obedientiae dicitur, ad ea quae a Deo
recipiunt.
# 1. Par la parole d'Augustin dans cette glose, on ne doit pas
comprendre que Dieu ne pourrait pas agir autrement que la nature, puisque
lui-mкme frйquemment agit contre son cours habituel; mais parce que tout ce qu'il
fait dans les choses n'est pas contre leur nature, mais c'est leur nature, du
fait qu'il en est lui-mкme le crйateur et l'ordonnateur. Ainsi dans ce qui est
naturel, il semble que, quand un corps infйrieur est mis en mouvement par un
corps supйrieur, ce mouvement lui est naturel, quoiqu'il ne paraisse pas
convenir au mouvement qu'il possиde naturellement de lui-mкme; ainsi la mer est
mise en mouvement, selon le flux et le reflux, par la lune, et ce mouvement lui
est naturel[17], comme le dit le Commentateur (Le ciel et le monde, III, com. 20), bien que le mouvement naturel
de l'eau en lui-mкme la porte vers le bas et de cette maniиre ce que Dieu
accomplit dans les crйatures est pour ainsi dire naturel en elles. Et а cause
de cela on distingue en elles une double puissance: l'une, naturelle pour les
opйrations ou les mouvements propres; l'autre qui est appelйe obйdientielle,
pour ce qu'elles reзoivent de Dieu.
q. 1 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in quolibet impossibili implicatur affirmationem et negationem
esse simul secundum hoc quod est impossibile; sed ea quae sunt impossibilia
propter defectum potentiae naturalis, ut caecum, videntem fieri, vel aliquid
huiusmodi, cum non sint impossibilia secundum se ipsa, non implicant huiusmodi
impossibile secundum se ipsa, sed per comparationem ad potentiam naturalem cui
sunt impossibilia, ut si dicamus, natura potest facere caecum videntem,
implicatur praedictum impossibile, quia naturae potentia est terminata ad
aliquid, ultra quod est id quod ei attribuitur. # 2. N'importe quel impossible implique que l'affirmation et la
nйgation sont ensemble, du fait que c'est impossible; mais ce qui est
impossible а cause de la dйfaillance de la puissance naturelle, ainsi rendre la
vue а un aveugle, ou autre chose de ce genre, puisque ce n'est pas impossible
en soi, n'implique pas une telle impossibilitй en soi, mais par comparaison а
la puissance naturelle pour qui cela est impossible; comme si on disait: la
Nature peut rendre la vue а un aveugle, cela implique une affirmation
impossible, parce que la puissance de la nature est limitйe а une chose au-delа
de laquelle il y a ce qui lui est attribuй.
q. 1 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod impossibilia rationalis philosophiae non sunt secundum
aliquam potentiam, sed secundum se ipsa: quia ea quae sunt in rationali
philosophia, non sunt applicata ad materiam, vel ad aliquas potentias
naturales. # 3. Ce qui est impossible pour la philosophie rationnelle ne l'est pas
selon une puissance, mais de soi, parce que ce qui est en cette philosophie
n'est pas appliquй а la matiиre ou а des puissances naturelles.
q. 1 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod illud quod est falsum in natura, est falsum simpliciter,
et ideo non est simile. # 4. Ce qui est faux dans la nature est faux absolument et c'est
pourquoi ce n'est pas pareil.
q. 1 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod non est eadem ratio de omni impossibili: quia quaedam
sunt impossibilia per se, quaedam per respectum ad aliquam potentiam, ut supra
dictum est. Nec hoc quod dissimiliter se habent ad divinam potentiam, impedit
infinitatem divinae potentiae, vel obedientiam creaturae. # 5. Toute impossibilitй n'est pas identique; parce que certaines
choses sont impossibles en soi, certaines par rapport а une puissance, comme on
l'a dit ci-dessus. Et ce qui se comporte diffйremment vis-а-vis de la puissance
divine, n'entrave pas l'infinitй de sa puissance, ni l'obйdience de la
crйature.
q. 1 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus id quod iam verum est, non destruit; quia non facit
ut quod verum fuit, non fuerit; sed facit quod aliquod non sit verum, quod
alias verum esset. Sicut cum suscitat mortuum, facit quod non sit verum eum
esse mortuum, quod aliter verum esset. Vel aliter dicendum, quod non est
simile, quia ex hoc quod Deus non impleret promissum, sequeretur eum non esse
veracem: ex hoc autem quod aliquem suum effectum destruit, hoc non sequitur:
quia non ordinavit ut suus effectus perpetuo maneret, sicut ordinavit quod
promissum impleret. # 6. Dieu ne dйtruit pas ce qui est dйsormais vrai; parce qu'il ne fait
pas que ce qui a йtй vrai n'ait pas йtй; mais il fait que quelque chose ne soit
pas vrai, qui autrement serait vrai. Ainsi quand il ressuscite un mort, il fait
que ce ne soit pas vrai qu'il soit mort, ce qui autrement serait vrai. Ou bien
il faut dire autrement, ce qui n'est pas pareil; parce que du fait que Dieu
n'accomplirait pas ce qu'il a promis, il en dйcoulerait qu'il n'est pas
vйridique; mais cela ne dйcoule pas du fait qu'il dйtruit un de ses effets,
parce qu'il n'a pas disposй son effet pour demeurer toujours, de mкme qu'il a
disposй qu'il accomplirait sa promesse.
q. 1 a. 3 ad s. c. 7
Ad septimum dicendum, quod illa opposita, creatum et increatum, non fuerunt in
Christo secundum idem, sed secundum diversas naturas; unde non sequitur quod
Deus potest facere opposita inesse eidem secundum idem. # 7. Ces opposйs, le crйй et l'incrйй, ne furent pas dans le Christ
selon le mкme ordre, mais selon des natures diffйrentes. C'est pourquoi il n'en
dйcoule pas que Dieu peut faire que des opposйs soient dans le mкme кtre sous
un mкme rapport.
q. 1 a. 3 ad s. c. 8
Ad octavum dicendum, quod quando Christus intravit ianuis clausis, et duo
corpora fuerunt simul, non est aliquid factum contra geometriae principia. Nam ad duo puncta diversorum corporum ex una parte, non terminabatur una
linea, sed duae. Quamvis enim duae lineae mathematicae non sint distinguibiles
nisi secundum situm, ita quod intelligi non potest duas lineas tales simul esse;
tamen duae naturales distinguuntur in subiecto; ita quod, posito quod duo
corpora sint simul, sequitur quod duae lineae sint simul, et duo puncta, et
duae superficies. # 8. Quand le Christ est entrй, les portes йtant closes, deux corps
furent ensemble, ce n'est pas quelque chose de fait contre les principes de la
gйomйtrie. Car en deux points des corps diffйrents d'un cфtй se terminait une
ligne mais pas deux. Car, quoique deux lignes mathйmatiques ne puisent pas кtre
distinguйes, sinon par le lieu, de sorte qu'on ne peut pas comprendre que deux
lignes telles soient ensemble, cependant on distingue deux [lignes] naturelles
dans le sujet, de sorte que, une fois les deux corps placйs ensemble, il en
dйcoule que deux lignes sont ensemble, ainsi que deux points et deux surfaces.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia, q. 25, a. 4 –CG.
Il, 25 – I Sent. d42q2 – Qudl., V,
q. 2 a, l – Йth., VI, 1. 2.
[2]
Le texte en est donnй en Pot. 6, 1, obj. 1: "Dieu, le crйateur de toutes
les natures, ne peut rien faire contre la nature."
[3]
Il s'agit ici de logique en opposition а la rйalitй, les deux йtant considйrйes
comme parallиles.
[4]
L'impossible, le faux, c'est-а-dire le non кtre, sont inconnaissables. Seul
l'кtre est connaissable.
[5]
Cet argument est repris en Pot. 3, 15, obj. 12, а propos de la bontй de Dieu.
[6]
"Ce qui est impossible si Dieu n'a rien laissй sans ordre en son rиgne,
mais cela est limitй parce que n'importe quelle petite inconvenance est
impossible en Dieu." PL 158, 392 A.
[7]
Le syllogisme se trouve dйjа en I Sent. d42q2a2: A propos de l'impossible par
soi et l'impossible par accident; le premier est plus impossible que le second,
mais, Dieu ne peut pas faire le deuxiиme. Donc encore plus le premier. C'est un
argument contre Pierre Damien qui reconnaissait а Dieu le pouvoir de faire que
ce qui a existй n'ait jamais existй. De divina omnipotentia, PL. 145, 620.
[8]
C. Faustum, 26: "Celui qui dit: Dieu est tout puissant, qu'il fasse que ce
qui est fait ne le soit pas, ne voit-il pas qu'en disant cela, il fait que ce
qui est vrai par le fait mкme que cela est vrai, est faux."
[9]
"Cela seul manque а Dieu, de faire que ce qui a йtй n'existe pas."
[10]
Cf. Ia, qu. 25, a. 4, obj. 3. et I Sent. d42q2a3, obj. 3. On y lit: "Il
est clair... que donner une conception а une vierge est impossible par nature."
Problиmedйjа examinй par Pierre Damien. Quodl. V, qu. 2, Sed contra.
[11]
Contrairement aux habitudes, certains des Sed contra ne reprйsentent pas la
pensйe dйfinitive de Thomas. On verra plus loin les limites а ces affirmations
(Rйponses
aux arguments en sens contraire), qui peuvent paraоtre surprenantes au premier
abord. On peut supposer que Thomas avait de bonnes raisons pour prйsenter ces
objections, pour pouvoir en dйmontrer leur faussetй.
[12]
Aucune parole, aucun "verbe". A propos de cette traduction, voir les Rйponses aux
arguments en sens contraire.
[13]
a. 2. Sa puissance est infinie.
[14]
C'est la liaison des deux propositions qui est mise en avant ici. Si Dieu peut
unir deux formes aussi йloignйes que la forme divine et la forme humaine, il
peut faire la mкme chose pour le blanc et le noir. Mais la solution: l'union
forme divine, forme humaine est diffйrente de ce qui est annoncй. Donc la
deuxiиme proposition: deux contraires ensemble n'est pas valable.
[15]
Apparemment, il faut compter la puissance pour deux: puissance active et
puissance passive.
[16]
En Ia/IIж, qu. 94, a. 2, on lit: "Ce qui est apprйhendй en premier (par
l'esprit), c'est l'йtant dont l'intellection est incluse dans tout ce qu'on
apprйhende. Et c'est pourquoi le premier principe indйmontrable est que
affirmer et nier en mкme temps est impossible, ce qui se fonde sur la nature de
l'йtant et du non йtant et tout le reste est fondй sur ce principe, comme il
est dit en Mйtaphysique IV." Cf.
I Sent. d42q2a3. c. § 1 Cf. Pot.1, 4. obj. 5, sol. 5. Cf. P.-C. Courtиs, L'кtre
et le non кtre, p. 134-135.
[17]
Mкme argument en Pot. 4, 1, sol. 20.
Article 4: Faut-il juger le possible et l'impossible selon les causes
infйrieures ou supйrieures?
q. 1 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum sit iudicandum aliquid possibile vel impossibile
secundum causas inferiores aut secundum causas superiores Et videtur quod secundum superiores. Il semble que ce soit selon les causes supйrieures: Objections [1]: q. 1 a. 4 arg. 1
Quia sicut dicit quaedam Glossa I Cor. I, 20: stultitia sapientium mundi fuit,
quia iudicaverunt possibile et impossibile secundum quod videbant in rerum
natura. Ergo non est iudicandum de possibili et impossibili secundum causas
inferiores, sed secundum superiores. 1. Comme le dit la glose (interlinйaire) а
propos de 1 Co. 1, 20: La sottise des sages de ce monde fut qu'ils jugиrent du
possible et de l'impossible selon ce qu'ils voyaient dans la nature. Donc on ne
doit pas en juger selon les causes infйrieures, mais selon les causes
supйrieures. q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea,
secundum philosophum, illud quod est primum in omni genere, est mensura omnium
quae sunt illius generis. Sed divina potentia est prima potentia. Ergo secundum
eam debet aliquid iudicari possibile et impossibile. 2. Selon le philosophe (Mйtaphysique X, 1, 1052 b 18[2])
ce qui est premier en tout genre est la mesure de tout ce qui appartient а ce
genre. Mais la puissance divine est la premiиre puissance. Donc c'est selon
elle qu'on doit juger du possible et de l'impossible[3]. q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, quanto
causa magis influit in effectum, tanto secundum eam magis debet iudicium sumi. Sed causa prima magis influit in effectum quam causa secunda. Ergo
secundum causam primam magis debet iudicari de effectu. Effectus ergo iudicandi
sunt possibiles vel impossibiles secundum causas superiores. 3. Plus une cause a d'influence sur l'effet,
plus c'est sur elle qu'on doit baser son jugement. Mais la cause premiиre
influe plus sur l'effet que la cause seconde[4].
Donc c'est plus sur la cause premiиre qu'on doit juger de l'effet. Donc les
effets doivent кtre jugйs possibles ou impossibles selon les causes
supйrieures. q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea,
illuminare caecum est impossibile secundum causas inferiores; et tamen hoc est
possibile, cum quandoque fiat. Ergo non est iudicandum si aliquid impossibile
sit, secundum causas inferiores, sed secundum superiores. 4. Rendre la vue а un aveugle est impossible
par les causes infйrieures et cependant cela est possible puisque cela arrive
quelquefois. Donc il ne faut pas juger si quelque chose est impossible selon
les causes infйrieures mais selon les causes supйrieures. q. 1 a. 4 arg. 5 Praeterea, mundum
fore fuit possibile antequam mundus esset. Non autem fuit possibile secundum
causas inferiores. Ergo idem quod prius. 5. Que le monde existe a dы кtre possible
avant qu'il existe[5]. Mais il ne fut pas possible selon les
causes infйrieures. Donc de mкme que ci-dessus.
En sens contraire: q. 1 a. 4 s. c. 1
Sed contra. Secundum illam causam effectus debet iudicari possibilis a qua
recipit possibilitatem. Sed effectus recipit possibilitatem vel contingentiam,
aut etiam necessitatem, a causa proxima, non autem a remota; sicut meritum
recipit contingentiam a libero arbitrio, quod est causa proxima; non autem
necessitatem a praedestinatione divina, quae est causa remota. Ergo secundum causas inferiores, quae sunt proximae, debet iudicari
aliquid possibile vel impossibile. 1. L'effet doit кtre jugй possible selon la
cause dont il reзoit sa possibilitй. Mais l'effet reзoit sa possibilitй, sa
contingence ou mкme sa nйcessitй de la cause la plus proche, et non d'une cause
йloignйe; ainsi le mйrite reзoit sa contingence du libre arbitre qui est la
cause la plus proche; mais il ne reзoit pas sa nйcessitй de la prйdestination
divine qui est sa cause йloignйe. Donc c'est selon les causes infйrieures, qui
sont les plus proches, qu'on doit juger du possible ou de l'impossible. q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, quod
est possibile secundum causas inferiores, est etiam possibile secundum causas
superiores, et ita est possibile secundum omnem modum. Sed quod est possibile
secundum omnem modum, est possibile simpliciter. Ergo secundum causas
inferiores est aliquid iudicandum possibile simpliciter. 2. Ce qui est possible selon les causes
infйrieures est aussi possible selon les cause supйrieures, et ainsi c'est
possible de toute maniиre. Mais ce qui est possible de toute maniиre est
possible dans l'absolu. Donc il faut juger dans l'absolu du possible selon les
causes infйrieures. q. 1 a. 4 s. c. 3 Praeterea,
causae superiores sunt necessariae. Si ergo secundum eas essent iudicandi
effectus, omnes effectus erunt necessarii: quod est impossibile. 3. Les causes supйrieures sont nйcessaires.
Donc si les effets devaient кtre jugйs selon elles, tous les effets seraient
nйcessaires, ce qui est impossible. q. 1 a. 4 s. c. 4
Praeterea, Deo sunt omnia possibilia. Si ergo secundum ipsum possibile
et impossibile iudicetur, omnino nihil est impossibile: quod est inconveniens. 4. Tout est possible а Dieu. Si donc on juge
selon lui du possible ou de l'impossible, il n'y a absolument rien d'impossible;
ce qui ne convient pas. q. 1 a. 4 s. c. 5 Praeterea,
nominibus utendum est secundum quod plures loquuntur. Sed hoc modo homines
loquuntur, quod sint ita ordinatae, potentia, dispositio, necessitas et actus.
Haec autem inveniuntur in causis inferioribus non superioribus. Ergo non est iudicandum de possibilitate rerum secundum causas
superiores, sed secundum inferiores. 5. Il faut utiliser les noms que la plupart
des hommes emploient. Mais les hommes parlent de la puissance de maniиre que la
puissance, la disposition, la nйcessitй et l'acte soient ordonnйs de telle
sorte. Cela se trouve dans les causes infйrieures et non dans les causes
supйrieures. Donc il ne faut pas juger de la possibilitй selon les causes
supйrieures, mais selon les causes infйrieures.
Rйponse q. 1 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod iudicium de
possibili et impossibili potest considerari dupliciter: uno modo ex parte
iudicantium; alio modo ex parte eius de quo iudicatur. On peut juger du possible et de l'impossible de deux maniиres: d'abord du
cфtй de ceux qui jugent, d'autre part de cфtй de ce qui est jugй. Quantum ad primum, sciendum est, quod si sunt duae
scientiae, quarum una considerat causas altiores, et alia minus altas; iudicium
in utraque non eodem modo sumetur, sed secundum causas quas utraque considerat,
ut patet in medico et astrologo; quorum astrologus considerat causas supremas,
medicus autem causas proximas. Unde medicus dabit iudicium de sanitate vel
morte infirmi secundum causas proximas, id est virtutem naturae et virtutem
morbi; astrologus vero secundum causas remotas, scilicet secundum positionem
siderum. 1) Pour le premier cas, il faut savoir que s'il y a
deux sciences, dont l'une considиre les causes les plus hautes, et l'autre les
moins hautes, le jugement en l'une et l'autre n'est pas pris de la mкme
maniиre, mais selon les causes que chacune considиre, comme on le voit chez le
mйdecin et l'astronome[6]; ce dernier considиre
les causes suprкmes, mais le mйdecin les causes les plus proches. Donc le
mйdecin donnera son jugement sur la santй ou la mort du malade selon les causes
les plus proches, c'est-а-dire le pouvoir de la nature et celui de la maladie;
l'astronome jugera selon les causes йloignйes, c'est-а-dire selon la position
des astres. Eodem modo est in
proposito. Est enim duplex sapientia: scilicet mundana, quae dicitur
philosophia, quae considerat causas inferiores, scilicet causas causatas, et
secundum eas iudicat; et divina, quae dicitur theologia, quae considerat causas
superiores, id est divinas, secundum quas iudicat. Dicuntur autem superiores
causae, divina attributa, ut sapientia, bonitas, et voluntas divina, et
huiusmodi. Il en est de mкme pour notre sujet. Car la sagesse est
double: c'est-а-dire celle du monde, qu'on appelle philosophie, qui considиre
les causes infйrieures, c'est-а-dire les causes causйes[7],
et qui juge selon elles; et (la sagesse) divine qu'on appelle thйologie qui
considиre les causes supйrieures, c'est-а-dire divines, selon lesquelles elle
juge. On appelle causes supйrieures les attributs divins, comme la sagesse, la
bontй, et la volontй[8], etc. Sciendum tamen, quod ista quaestio frustra
movetur de affectibus qui non possunt esse nisi superiorum causarum, id est
quos solus Deus facere potest; illos enim non convenit dici possibiles vel
impossibiles secundum causas inferiores. Sed haec quaestio movetur de illis
effectibus qui sunt causarum inferiorum: hi enim effectus sunt inferiorum et
superiorum: sic enim potest in dubitationem verti. Similiter etiam ista
quaestio non habet locum in illis possibilibus et impossibilibus, quae non
dicuntur secundum aliquam potentiam, sed secundum se ipsa. Effectus autem
causarum secundarum, de quibus est quaestio, secundum iudicium theologi,
dicuntur possibiles et impossibiles secundum causas superiores; secundum autem
iudicium philosophi, dicuntur possibiles vel impossibiles secundum causas
inferiores. Cependant il faut savoir qu'on traite en vain cette
question pour les effets qui ne peuvent кtre que par des causes supйrieures,
c'est-а-dire celles que Dieu seul peut faire; car il ne convient pas de les
appeler possibles ou impossibles selon les causes infйrieures. Mais on traite
cette question pour ces effets qui viennent des causes infйrieures; ainsi, en
effet, elle peut кtre mise en doute. De la mкme maniиre cette question n'a pas
place dans ce genre de possible ou d'impossible, dont on ne parle pas selon une
puissance mais en soi. Les effets des causes secondes, dont il est question,
selon le jugement du thйologien, sont appelйes possibles et impossibles selon
les causes supйrieures; mais selon le jugement du philosophe, elles sont
appelйes possibles ou impossibles selon les causes infйrieures. Si autem consideretur istud iudicium
quantum ad naturam eius de quo iudicatur, sic patet quod effectus debent
iudicari possibiles secundum causas proximas, cum actio causarum remotarum,
secundum causas proximas determinetur, quas praecipue effectus imitantur: et
ideo secundum eas praecipue iudicium de effectibus sumitur. Et hoc patet etiam
per simile passiva. Nam materia non dicitur, proprie loquendo, in potentia ad
aliquid, quae est remota, sicut terra ad scyphum; sed quae est propinqua, uno
motore potens exire in actum, ut patet per philosophum, sicut aurum est
potentia scyphus sola arte educente in actum. Et similiter effectus, in quantum
est ex sui natura, non nisi propinquis causis possibiles vel impossibiles
dicuntur. 2) Mais si on considиre ce jugement quant а la nature
de ce dont on le juge, il est clair ainsi que les effets doivent кtre jugйs
possibles selon les causes les plus proches, puisque l'action des causes
йloignйes est limitйe par les causes les plus proches, que les effets imitent
surtout et c'est pourquoi c'est а partir de ces effets qu'on tire surtout le
jugement. Et il apparaоt que c'est la mкme chose pour la puissance passive. Car
on ne dit pas, а proprement parler, que la matiиre est en puissance а quelque
chose, si elle en est йloignйe comme l'argile pour une coupe, mais elle l'est
pour celle qui est proche, qui peut par un moteur passer en acte[9]
, comme on le voit chez le philosophe (Mйtaphysique IX, 1, 1046 a 12[10]).
Ainsi l'or est une coupe en puissance par le seul art qui la conduit а l'acte.
Et de mкme les effets, autant qu'il en est de leur nature, ne sont appelйs
possibles ou impossibles que par les causes proches. Solutions: q. 1 a. 4 ad 1 Ad
primum dicendum, quod sapientes mundi propter hoc stulti vocantur, quia quae
secundum causas inferiores sunt impossibilia simpliciter et absolute
impossibilia iudicabant, etiam Deo. # 1. Les sages de ce monde sont appelйs des
sots, parce qu'ils jugeaient simplement et absolument impossible mкme pour Dieu
ce qui йtait impossible selon les causes infйrieures. q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod comparatio possibilis ad
potentiam, non est sicut mensurati ad mensuram, sed sicut obiecti ad potentiam.
Contingit tamen divinam potentiam omnium potentiarum esse mensuram. 2. La comparaison du possible а la puissance
n'est pas comme celle du mesurйe а la mesure, mais comme celle de l'objet а la
puissance. Cependant il arrive que la puissance divine soit la mesure de toutes
les puissances[11]. q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod licet causa prima maxime influat in effectum, tamen eius
influentia per causam proximam determinatur et specificatur; et ideo eius
similitudinem imitatur effectus. # 3. Bien que la cause premiиre soit celle
qui influe le plus sur l'effet, cependant son influence est dйterminйe et
spйcifiйe par la cause la plus proche; et c'est pourquoi l'effet est а sa
ressemblance. q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod quamvis illuminare caecum sit Deo possibile, non tamen potest
dici omnino possibile. # 4. Quoique rendre la vue а l'aveugle soit
possible а Dieu, on ne peut cependant le dire comme tout а fait possible[12]. q. 1 a. 4 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod mundum fore, fuit possibile respectu causarum superiorum: unde
hoc non pertinet ad quaestionem praesentem. Et propterea istud dictum: mundum
fore, est possibile non solum secundum divinam potentiam activam, sed secundum
se ipsum, quia termini non sunt discohaerentes. # 5. Il faut dire que le monde а venir a йtй
possible par rapport aux causes supйrieures: c'est pourquoi cela ne concerne
pas la prйsente question. Et а cause de cela, cette parole: le monde а venir
est possible non seulement selon la puissance divine active, mais en soi, parce
que les termes ne sont pas contradictoires.
Rйponses aux
arguments contraires q. 1 a. 4 ad s. c. 1 Ad primum
quod in contrarium obiicitur, dicendum, quod ratio illa procedit quantum ad
naturam effectus de quo iudicatur. ## 1. Cette raison procиde de la nature de l'effet sur
lequel porte le jugement. q. 1 a. 4 ad s. c. 2
Ad secundum dicendum, quod licet illud quod est possibile secundum causas
inferiores, sit etiam possibile secundum superiores, non tamen est ita de impossibili,
immo magis e contrario; unde non sequitur quod iudicium debeat sumi universale
sive universaliter secundum causas inferiores de possibili et impossibili. ## 2. Bien que ce qui est possible, selon les
causes infйrieures, soit aussi possible selon les causes supйrieures, cependant
il n'en est pas de mкme pour l'impossible, bien au contraire. C'est pourquoi il
n'en dйcoule pas que le jugement doit кtre pris comme universel ou
universellement selon les causes infйrieures au sujet du possible et de
l'impossible. q. 1 a. 4 ad s. c. 3 Ad tertium
dicendum, quod non iudicantur aliqua impossibilia vel possibilia secundum
aliquas causas, quia sint similes illis causis in possibilitate vel in
impossibilitate, sed quia causis illis sunt possibiles vel impossibiles. ## 3. Le possible et l'impossible ne sont pas
jugйs selon des causes, parce qu'ils leur seraient semblables en possibilitй et
impossibilitй, mais parce qu'ils sont possibles ou impossibles par ces causes. q. 1 a. 4 ad s. c. 4 Ad quartum
dicendum, quod secundum considerationem theologi, omnia illa quae non sunt in
se impossibilia, possibilia dicuntur, secundum illud, Marc. IX, 22: omnia
possibilia sunt credenti; et: non est impossibile apud Deum omne verbum: Luc.
I, 37. ## 4. Selon la considйration du thйologien,
tout ce qui n'est pas en soi impossible est appelй possible, selon ce mot de Mc
(9, 22): "Tout est possible а celui qui croit" et "Aucune parole
n'est impossible а Dieu" (Lc 1, 37). q. 1 a. 4 ad s. c. 5 Ad quintum
dicendum, quod licet omnia illa in causis superioribus non inveniantur, tamen
causis superioribus sunt subiecta; et propterea obiectio illa procedit passiva,
non de activa de qua nunc loquimur. # 5. Bien qu'on ne trouve pas tout cela[13] dans les causes supйrieures, cependant cela est soumis а
des causes supйrieures et c'est pourquoi cette objection procиde de la
puissance passive et non de la puissance active dont nous parlons maintenant.
[1] Parall.: I Sent. d42q2a3 –Ia, 25,
a.3, ad 4. [2] L'essence
de l'Un..."enfin et surtout, c'est кtre la mesure premiиre de chaque
genre." Cf. Thomas, lectio 2, n° 1938. [3] Selon cet argument, la puissance divine serait la mesure
de la possibilitй. Cf. G Stolarski, La possibilitй et l'кtre, p. 99. [4] C'est
la proposition I du De causis. [5] Cela sera repris en Pot. qu. 3, a. 3 qui traite de la
crйation. Les causes infйrieures ne jouent pas puisque la crйation se fait а
partir du nйant. La solution ajoute cependant une condition supplйmentaire. [6] "Les
astronomes (astrologus ou astrologues) peuvent prйdire l'avenir en gйnйral mais
pas dans les cas particuliers." (Ia, qu. 115, a. 4, ad 3) (Ils prйvoient
ce qui concerne l'astronomie, et pour le reste, les hommes peuvent rйsister а
l'influence des astres). [7] Ou causes secondes. [8] Parce
que c'est sa sagesse et sa bontй qui incitent Dieu а crйer et il le fait selon
sa volontй. [9] Cf. I Sent. d42q2a3,
c. [10] "...la
puissance passive c'est-а-dire dans l'кtre passif le principe du changement qui
est susceptible de subir par l'action d'un autre кtre, ou de lui-mкme en tant
qu'autre." (Cf. Thomas, lectio 1, n° 1773 ss.) [11] "La puissance divine ne peut pas кtre la mesure des
objets des autres puissances, parce que c'est l'objet de la puissance qui est
appelй possible selon cette puissance. L'objet de la puissance est mesurй par
elle-mкme, et jamais par l'autre puissance, mкme la puissance divine".
Stolarski, p. 100 § 1. [12] Cf.
Pot. qu. 6, a. 1. [13] C'est-а-dire puissance, disposition, nйcessitй (voir Sed
contra).
Article 5: Dieu peut-il faire ce qu'il ne fait pas et abandonner ce
qu'il fait?
q. 1 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum Deus possit facere quae non facit et dimittere quae
facit. Et videtur quod non.
Il semble que non.`
Objections[1]. q. 1 a. 5 arg. 1
Deus non potest facere nisi quod praescit se facturum. Sed non praescit se
facturum nisi quod facit. Ergo Deus non potest facere nisi quod facit. 1. Dieu ne peut faire que ce qu'il prйvoit de faire. Mais il ne prйvoit
de faire que ce qu'il fait. Donc Dieu ne peut faire que ce qu'il fait .
q. 1 a. 5 arg. 2 Sed
dicit respondens, quod ratio ista procedit de potentia in ordine ad
praescientiam, non de potentia absoluta.- Sed contra, immobiliora sunt divina
humanis. Sed apud nos quae fuerunt, non possunt non fuisse. Ergo multo minus
quae Deus praescivit, non potest non praescivisse. Sed praescientia manente,
non potest alia facere. Ergo Deus, absolute loquendo, non potest alia facere
quam quae facit. 2. Mais, dit celui qui rйpond: cette raison procиde de la puissance en
rapport avec la prescience, mais pas de puissance absolue. – En sens contraire,
le divin est plus immuable que l'humain. Mais pour nous ce qui a йtй ne peut
pas ne pas avoir йtй. Donc encore beaucoup moins ce que Dieu a prйvu, il ne
peut pas ne pas l'avoir prйvu. Mais si la prescience demeure, il ne peut pas
faire autre chose. Donc Dieu, absolument parlant, ne peut faire autre chose que
ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 3
Praeterea, sicut divina natura est immutabilis, ita et divina sapientia. Sed
ponentes Deum agere ex necessitate naturae ponebant eum non posse alia quam
quae fecit. Ergo similiter et nos debemus ponere, qui dicimus Deum agere
secundum ordinem sapientiae. 3. La nature de Dieu est immuable, sa sagesse aussi. Mais ceux[2] qui
pensaient que Dieu agissait par nйcessitй de nature pensaient qu'il ne peut
faire autre chose que ce qu'il a fait. Donc, de la mкme faзon, nous devons
aussi le penser, nous qui disons que Dieu agit selon l'ordre de sa sagesse[3].
q. 1 a. 5 arg. 4 Sed
dicet respondens, quod ratio ista procedit de potentia regulata per sapientiam,
non de potentia absoluta. - Sed contra, illud quod non potest fieri secundum
ordinem sapientiae absolute homini Christo impossibile dicitur; quamvis illud
potuerit absoluta. Dicitur enim Ioan. VIII, 55: si dixero quod non novi eum,
ero similis vobis mendax. Poterat enim Christus haec verba pronuntiare; sed
quia contra ordinem sapientiae erat, dicitur absolute, quod Christus non
potuerit mentiri. Ergo multo amplius quod non est secundum ordinem sapientiae,
absolute loquendo, Deus non potest. 4. Mais dira celui qui nous rйpond: cette raison procиde de la
puissance ordonnйe par la sagesse, non de la puissance absolue. – En sens
contraire, on dit que ce qui ne peut pas кtre fait selon l'ordre de la sagesse
est absolument impossible pour le Christ en tant qu'homme, bien qu'il l'aurait
pu en puissance absolue. Car il est dit en Jn (8, 55): "Si je vous avais
dit que je ne le connais pas, je serais menteur, comme vous". Le Christ
pouvait, en effet, prononcer ces paroles; mais parce que c'йtait contre l'ordre
de la sagesse, on dit de faзon absolue qu'il n'a pas pu mentir. Donc beaucoup
plus, Dieu ne peut pas, absolument parlant, ce qui n'est pas selon l'ordre de
la sagesse.
q. 1 a. 5 arg. 5
Praeterea, in Deo duo contradictoria simul esse non possunt. Sed absolutum et
regulatum contradictionem implicant; nam absolutum est quod secundum se
consideratur; illud vero quod regulatur, ordinem ad aliud habet. Ergo in Deo non debet poni potentia absoluta et regulata. 5. Deux contradictoires ne peuvent exister en Dieu en mкme temps. Mais
l'absolu et l'ordonnй impliquent contradiction, car l'absolu est ce qui est
considйrй en soi, mais ce qui est ordonnй a rapport а un autre. Donc en Dieu on
ne doit pas poser une puissance absolue et une puissance ordonnйe.
q. 1
a. 5 arg. 6 Praeterea, potentia et sapientia Dei sunt aequales. Una ergo aliam
non excedit; potentia ergo absque sapientia esse non potest; et ita potentia
divina semper est sapientia regulata. 6. La puissance et la sagesse de Dieu sont йgales. Donc l'une n'excиde
pas l'autre; donc la puissance ne peut exister sans la sagesse et ainsi la
puissance divine est toujours ordonnйe а la sagesse.
q. 1 a. 5 arg. 7
Praeterea, quod Deus fecit, est iustum. Sed non potest facere nisi iustum. Ergo
non potest facere nisi quod fecit vel faciet. 7. Ce que Dieu a fait est juste. Mais il ne peut faire que ce qui est
juste. Donc il ne peut faire que ce qu'il a fait ou fera.
q. 1 a. 5 arg. 8
Praeterea, bonitatis divinae est ut non solum se communicet, sed ordinatissime
se communicet. Sic ergo ea quae
fiunt a Deo, ordinate fiunt. Sed praeter ordinem Deus facere non potest. Ergo non
potest facere alia quam quae fecit. 8. Le propre de la bontй divine est non seulement de se communiquer,
mais de le faire avec beaucoup d'ordre. Ainsi donc ce qui est fait par Dieu est
fait de maniиre ordonnйe. Mais il ne peut pas le faire contre l'ordre. Donc il
ne peut faire autre chose que ce qu'il a fait.
q. 1 a. 5 arg. 9 Praeterea, Deus non potest
facere nisi quod vult; quia in agentibus per voluntatem potentia sequitur
voluntatem, velut imperantem. Sed non vult nisi quae facit. Ergo
non potest facere nisi quod facit. 9. Dieu ne peut faire que ce qu'il veut, parce que, pour celui qui agit
par volontй, la puissance suit la volontй, en tant qu'elle gouverne. Mais il ne
veut que ce qu'il fait. Donc il ne peut faire que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 10
Praeterea, Deus, cum sit sapientissimus operator, nihil agit sine ratione.
Rationes autem quibus Deus agit, Dionysius dicit esse productivas existentium;
existentia autem sunt quae sunt; et sic Deus rationes non habet nisi eorum quae
sunt. Ergo non potest facere nisi ea quae facit. 10. Puisque Dieu est un "ouvrier" suprкmement sage, il ne
fait rien sans raison. Denys (Les noms
divins, 5) dit que les raisons[4] pour lesquelles Dieu agit, produisent ce
qui existe; mais ce qui existe est ce qui est, et ainsi Dieu n'a de raisons que
de ce qui est. Donc il ne peut faire que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 11
Praeterea, secundum philosophos, res naturales sunt in primo motore, qui Deus
est, sicut artificiata in artifice; et sic Deus operatur tamquam artifex. Sed
artifex non operatur sine forma vel idea sui operis; domus enim quae est in
materia, est a domo quae est in mente artificis, secundum philosophum. Sed Deus
non habet ideas nisi eorum quae fecit, vel facit, vel facturus est. Ergo
praeter hoc Deus nihil agere potest. 11. Selon les philosophes, les кtres naturels sont dans le premier
moteur qui est Dieu, comme les oeuvres dans [l'esprit de] l'artisan et ainsi
Dieu opиre comme un artisan. Mais l'artisan n'opиre pas sans forme ni idйe de
son oeuvre; car la maison qui est dans la matiиre tire son origine de la maison
qui est dans l'esprit de l'artisan, selon le Philosophe (La gйnйration des animaux, II, 1). Mais Dieu n'a d'idйes que de ce
qu'il a fait, de ce qu'il fait ou fera. Donc, en dehors de cela, Dieu ne peut
rien faire.
q. 1 a. 5 arg. 12
Praeterea, Augustinus in Lib. de symbolo dicit: hoc solum Deus non potest nisi
quod non vult. Sed non vult nisi quae fecit. Ergo non potest nisi quae facit. 12. Augustin dans Le symbole, dit: "Dieu ne peut pas que ce qu'il
ne veut pas". Mais il ne veut que ce qu'il a fait. Donc il ne peut faire que
ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 13
Praeterea, Deus mutari non potest. Ergo non se habet ad utrumlibet contrariorum;
et sic sua potentia est determinata ad unum. Ergo non potest facere nisi quae
facit. 13. Dieu ne peut pas subir de changement. Donc il n'a а faire а aucun
de deux contraires; et ainsi sa puissance est limitйe а un seul objet. Donc il
ne peut faire que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 14
Praeterea, quidquid Deus facit aut dimittit, facit aut dimittit optima ratione.
Sed Deus non potest facere aliquid aut dimittere nisi optima ratione. Ergo non
potest facere nec dimittere, nisi quod facit aut dimittit. 14. Tout ce que Dieu fait ou omet, il le fait ou l'omet pour la
meilleure raison. Mais Dieu ne peut le faire ou l'omettre que pour la meilleure
raison. Donc il ne peut faire ni abandonner que ce qu'il fait ou abandonne.
q. 1 a. 5 arg. 15 Praeterea, optimi est optima
adducere, secundum Platonem, et sic Deus, cum sit optimus, optimum facit. Sed
optimum cum sit superlativum, uno modo est. Ergo Deus non potest facere alio modo vel alia quam quae fecit. 15. C'est au meilleur d'кtre cause du meilleur selon Platon[5], et
ainsi comme Dieu est le meilleur, il fait le meilleur. Mais comme le meilleur
est un superlatif, il n'existe que d'une seule maniиre. Donc Dieu ne peut pas
faire d'autre maniиre ou d'autre choses que ce qu'il a fait.
En sens contraire. q. 1 a. 5 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicit Christus Deus et homo: Matth. XXVI, 53: an non
possum rogare patrem? Poterat ergo Christus aliquid quod non faciebat. 1. Il y a ce que dit le Christ, Dieu et homme: (Mt. 26, 53): "Ne
puis-je pas prier mon Pиre?" Donc le Christ pouvait faire ce qu'il ne
faisait pas.
q. 1 a. 5 s. c. 2
Praeterea, Ephes. III, 20, dicitur: ei qui potest omnia facere superabundanter
quam intelligimus aut petimus. Non tamen omnia
facit. Ergo potest alia facere quam quae facit. 2. En Ep. 3, 20, il est dit: "A celui qui peut tout faire bien
au-delа de ce que nous pensons et demandons". C'est donc qu'il ne fait pas
tout. Donc il peut faire d'autres choses que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 s. c. 3
Praeterea, potentia Dei est infinita. Hoc autem non esset si determinaretur ad
ea tantum quae facit: ergo potest alia facere quam quae facit. 3. La puissance de Dieu est infinie. Mais cela ne serait pas si elle
йtait dйterminйe seulement а ce qu'il fait; donc il peut faire autre chose que
ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 s. c. 4
Praeterea, Hugo de sancto Victore dicit, quod omnipotentiae Dei non adaequatur
opus. Ergo potentia excedit opus: et ita plura potest facere quam quae facit. 4. Hugues de Saint Victor dit que l'oeuvre de Dieu n'йgale pas sa
toute-puissance. Donc sa puissance excиde son oeuvre et ainsi il peut faire
plus que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 s. c. 5
Praeterea, potentia Dei est actus non finitus, quia non per aliquid finitur.
Hoc autem non esset, si limitaretur ad ea quae facit. Ergo idem quod prius. 5. La puissance de Dieu est un acte infini, parce qu'elle n'est limitйe
par rien. Cela ne serait pas, si elle se limitait а ce qu'il fait. Donc de mкme
que ci-dessus.
Rйponse. q. 1 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum quod hic error, scilicet Deum non posse facere nisi quae
facit, duorum fuit: Cette erreur, que Dieu ne peut faire que ce qu'il fait, vient de deux
opinions:
primo fuit quorumdam philosophorum dicentium Deum agere ex
necessitate naturae. Quod si esset, cum natura sit determinata ad unum, divina
potentia ad alia agenda se extendere non posset quam ad ea quae facit. 1. D'abord elle fut celle de certains philosophes[6] qui disaient que
Dieu agit par nйcessitй de nature. Si c'йtait vrai, comme sa nature serait
limitйe а un seul objet, la puissance divine ne pourrait parvenir а faire
d'autres choses, que ce qu'il fait.
Secundo fuit quorumdam theologorum considerantium ordinem
divinae iustitiae et sapientiae, secundum quem res fiunt a Deo, quem Deum
praeterire non posse dicebant; et incidebant in hoc, ut dicerent, quod Deus non
potest facere nisi quae facit. Et imponitur hic error magistro Petro Almalareo.
2. Ensuite, elle fut celle de certains thйologiens qui, considйrant
l'ordre de sa justice et de sa sagesse selon laquelle les choses sont faites
par Dieu, disaient qu'il ne pouvait passer outre, et ils en arrivaient а dire
qu'il ne peut faire que ce qu'il fait. Et on attribue cette erreur au maоtre
Pierre Abйlard[7].
Harum ergo positionum veritatem inquiramus, vel falsitatem;
et primo primae. Quod enim Deus non agat ex necessitate naturae planum est
videre. Omne enim agens agit propter finem, quia omnia optant bonum. Actio
autem agentis, ad hoc quod sit conveniens fini, oportet quod ei adaptetur et
proportionetur quod non potest fieri nisi ab aliquo intellectu, qui finem et
rationem finis cognoscat, et proportionem finis ad id quod est ad finem; aliter
convenientia actionis ad finem casualis esset. Sed intellectus praeordinans in
finem, quandoque quidem est coniunctus agenti vel moventi, ut homo in sua
actione; quandoque separatus, ut patet in sagitta, quae ad determinatum finem
tendit, non per intellectum sibi coniunctum, sed per intellectum hominis ipsam
dirigentem. Impossibile est autem, id quod agit ex naturae necessitate, sibi
ipsi determinare finem: quia quod est tale, est ex se agens; et quod est agens
vel motum ex se ipso, in ipso est agere vel non agere, moveri vel non moveri,
ut dicitur VIII Physic., et hoc non potest competere ei quod ex necessitate
movetur, cum sit determinatum ad unum. A) Cherchons donc la vйritй ou la faussetй de ces positions et d'abord
de la premiиre. Il est aisй de voir que Dieu n'agit pas par nйcessitй de
nature. Car tout agent agit en vue d'une fin, parce que tout aspire au bien.
L'action de l'agent du fait qu'elle s'accorde а une fin, doit lui кtre adaptйe
et proportionnйe, ce qui ne peut se faire que par un esprit qui connaоt la fin,
sa nature et son rapport avec la fin qui la concerne; autrement la conformitй
de l'action а sa fin serait fortuite. Mais l'esprit qui prй-ordonne а une fin,
quelquefois est joint а l'agent ou au moteur, comme l'homme dans son action;
quelquefois il en est sйparй, comme cela apparaоt dans la flиche qui tend а un
but dйterminй, non par un esprit qui lui est ajoutй, mais par celui de l'homme
qui la dirige. Il est impossible que ce qui agit par nйcessitй de nature,
dйtermine une fin pour soi, parce que ce qui est tel est agent par soi, et ce
qui est agent ou mы par soi agit ou pas, se meut ou pas, comme il est dit en Physique (VIII), et cela ne peut
convenir а ce qui est mы par nйcessitй, puisqu'il est limitй а un seul objet.
Unde oportet quod omni ei quod agit ex necessitate naturae,
determinetur finis ab aliquo quod sit intelligens. Propter quod dicitur a
philosophis, quod opus naturae est opus intelligentiae. Unde si aliquando
aliquod corpus naturale adiungitur alicui intellectui, sicut in homine patet,
quantum ad illas actiones quibus intellectus illius finem determinat, obedit
natura voluntati, sicut ex motu locali hominis patet: quantum vero ad illas
actiones in quibus ei finem non determinat, non obedit, sicut in actu
nutrimenti et augmenti. Ex his ergo colligitur quod id quod ex necessitate
natura agit, impossibile est esse principium agens, cum determinetur sibi finis
ab alio. Et sic patet quod impossibile est Deum agere ex necessitate naturae;
et ita radix primae positionis falsa est.
C'est pourquoi il faut que, pour tout ce qui agit par nйcessitй de
nature, la fin soit programmйe par un кtre intelligent. En raison de quoi les
philosophes disent que l'oeuvre de la nature est l'oeuvre d'une intelligence.
C'est pourquoi, si quelquefois un corps naturel est uni а un esprit, comme on
le voit dans l'homme, pour ces actions pour lesquelles son esprit dйtermine une
fin, la nature obйit а la volontй, comme cela apparaоt dans ses dйplacements:
mais pour les actions pour lesquelles il ne dйtermine pas de fin, elle n'obйit
pas, comme pour la nourriture ou la croissance. Par lа on comprend que pour ce
que fait la nature par nйcessitй il est impossible que ce soit un principe
agent puisque sa fin est dйterminйe par un autre. Donc il est clair qu'il est
impossible que Dieu agisse par nйcessitй de nature; ainsi le fondement de la
premiиre proposition est fausse.
Sic autem restat investigare de secunda positione. Circa
quod sciendum est, quod dupliciter dicitur aliquis non posse aliquid.
Uno modo absolute; quando scilicet aliquid principiorum,
quod sit necessariam actioni, ad actionem illam non se extendit; ut si pes sit
confractus, homo non potest ambulare. Il reste а faire des recherches sur la seconde proposition: а ce sujet
il faut savoir qu'on dit que quelqu'un ne peut pas quelque chose de deux maniиres:
a) L'une, de maniиre absolue, quand par exemple un des principes, qui
serait nйcessaire pour l'action, ne s'йtend pas jusqu'а lа; ainsi avec un pied
cassй, l'homme ne peut pas marcher.
Alio modo ex suppositione; posito enim opposito alicuius actionis,
actio fieri non potest; non enim possum ambulare dum sedeo. Cum autem Deus sit
agens per voluntatem et intellectum, ut probatum est, oportet in ipso tria
actionis principia considerare; et primo intellectum, secundo voluntatem,
tertio potentiam naturae. Intellectus ergo voluntatem dirigit, voluntas vero
potentiae imperat quae exequitur. Sed intellectus non movet nisi in quantum
proponit voluntati suum appetibile; unde totum movere intellectum est in
voluntate.
b) L'autre par hypothиse, car si on йtablit ce qui s'oppose а l'action,
celle-ci ne peut кtre accomplie; en effet, je ne peux pas marcher tant que je
suis assis. Comme Dieu est un agent par volontй et esprit, comme on l'a prouvй,
il faut considйrer en lui trois principes d'action; l'intellect, la volontй, et
la puissance de sa nature. Donc l'esprit dirige la volontй, et la volontй
commande а la puissance qui l'exйcute. Mais l'esprit ne met en mouvement que
dans la mesure oщ il propose а la volontй ce qui est dйsirable pour elle; donc
mouvoir tout l'esprit dйpend de la volontй.
Sed dupliciter dicitur Deum absolute non posse aliquid. Mais on dit que Dieu ne peut absolument pas quelque chose de deux
maniиres:
Uno modo quando potentia Dei non se extendit in illud: sicut
dicimus quod Deus non potest facere quod affirmatio et negatio sint simul vera,
ut ex supra dictis patet. Sic autem non potest dici quod Deus non potest facere
nisi quod facit; constat enim quod potentia Dei ad multa alia potest se
extendere.
a) D'une premiиre maniиre quand sa puissance ne vas pas jusqu'а lа;
ainsi nous disons qu'il ne peut pas faire que l'affirmation et la nйgation
soient vraies en mкme temps, comme c'est clair d'aprиs de ce qu'on a dit plus
haut. Mais on ne peut pas dire que Dieu ne peut faire que ce qu'il fait; car il
est clair que sa puissance peut s'йtendre а beaucoup d'autres effets.
Alio modo quando voluntas Dei ad illud se
extendere non potest. Oportet enim quod quaelibet voluntas habeat aliquem finem
quem naturaliter velit, et cuius contrarium velle non possit; sicut homo
naturaliter et de necessitate vult beatitudinem, et miseriam velle non potest.
Cum hoc autem quod voluntas velit necessario finem suum naturalem, vult etiam
de necessitate ea sine quibus finem habere non potest, si hoc cognoscat; et haec
sunt quae sunt commensurata fini; sicut si volo vitam, volo cibum. Ea vero sine quibus finis haberi
potest, quae non sunt fini commensurata; non de necessitate vult.
b) D'une autre maniиre, quand la volontй de Dieu ne peut pas s'йtendre
jusqu'а lа. Car il faut que n'importe quelle volontй ait une fin qu'elle veut
naturellement, et qu'elle ne puisse pas vouloir le contraire; ainsi l'homme
naturellement et par nйcessitй veut son bonheur et il ne peut pas vouloir le
malheur. Mais comme la volontй veut nйcessairement sa fin naturelle, elle veut
aussi par nйcessitй ce sans quoi elle ne peut obtenir cette fin, si elle la
connaоt; et c'est ce qui est proportionnй а la fin; ainsi si on veut la vie, on
veut la nourriture. Mais ce sans quoi on ne peut atteindre la fin qui n'est pas
proportionnй а cette fin, elle ne le veut pas par nйcessitй.
Finis ergo naturalis divinae voluntatis est eius bonitas,
quam non velle non potest. Sed fini huic non commensurantur creaturae, ita quod
sine his divina bonitas manifestari non possit; quod Deus intendit ex
creaturis. Sicut enim manifestatur divina bonitas per has res quae nunc sunt et
per hunc rerum ordinem, ita potest manifestari per alias creaturas et alio modo
ordinatas: et ideo divina voluntas absque praeiudicio bonitatis, iustitiae et
sapientiae, potest se extendere in alia quam quae facit. Et in hoc fuerunt
decepti errantes: aestimaverunt enim ordinem creaturarum esse quasi
commensuratum divinae bonitati quasi absque eo esse non posset.
Donc la fin naturelle de la volontй de Dieu est sa bontй, qu'il ne peut
pas ne pas vouloir. Mais les crйatures ne sont pas proportionnйes а cette fin,
de sorte que la bontй divine ne puisse pas manifester sans elles ce que Dieu
atteint par elles. Car, de mкme que la bontй divine se manifeste par ce qui est
maintenant et par cet ordre des choses, de mкme elle peut se manifester par
d'autres crйatures, ordonnйes autrement; et c'est pourquoi la volontй divine,
sans prйjudice de sa bontй, de sa justice et de sa sagesse, peut s'йtendre а
d'autres choses que ce qu'il fait. Et c'est en cela que ceux qui sont dans
l'erreur se sont trompйs: car ils ont pensй que l'ordre des crйatures йtait
proportionnй а la bontй divine comme si, sans lui, cet ordre ne pouvait pas
exister.
Patet ergo quod absolute Deus potest facere
alia quam quae fecit. Sed quia ipse non potest facere quod contradictoria sint
simul vera, ex suppositione potest dici, quod Deus non potest alia facere quam
quae fecit: supposito enim quod ipse non velit alia facere, vel quod praesciverit
se non alia facturum, non potest alia facere, ut intelligatur composite, non
divisim.
Il est donc clair que Dieu peut absolument faire d'autres choses que ce
qu'il fait. Mais, parce qu'il ne peut pas faire que les contradictoires soient
vrais en mкme temps, on peut dire par hypothиse que Dieu ne peut pas faire
autre chose que ce qu'il a fait: car supposй que lui-mкme ne veuille pas faire
autre chose ou qu'il ait prйvu qu'il ne ferait rien d'autre, il ne peut pas
faire autre chose, pour qu'on le comprenne avec ordre et non sйparйment.
Solutions q. 1 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod haec locutio, Deus non potest facere nisi quod
praescit se facturum, est duplex: quia exceptio potest referri ad potentiam
quae importatur per ly potest, vel ad actum, qui importatur per ly facere. Si
primo modo, tunc locutio est falsa. Plura enim potest facere quam praesciat se
facturum; et in hoc sensu ratio procedebat. Si autem secundo modo, sic locutio
est vera; et est sensus, quod non potest esse quod aliquid fiat a Deo, et non
sit a Deo praescitum. Sed hic sensus non est ad propositum. # 1. Cette proposition: "Dieu ne peut faire que ce qu'il prйvoit
de faire", a deux sens. La restriction peut porter sur la puissance
dйsignйe par potest (peut), ou sur l'acte dйsignй par facere (faire[8]). Selon
le premier sens la proposition est fausse. Car il peut faire plus qu'il ne
prйvoit de faire; et c'est en ce sens que l'objection йtait avancйe. Si c'est
l'autre sens, la proposition est vraie, et le sens est qu'il n'est pas possible
que quelque chose soit fait par Dieu sans qu'il l'ait prйvu. Mais ce sens ne
convient pas а notre propos.
q. 1 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in Deo non cadit praeteritum et futurum; sed quidquid
est in eo, est totum in praesenti aeternitatis. Nec praeteritum vel futurum in
eo verbum significatur, nisi per respectum ad nos; unde non habet hic locum
obiectio de necessitate praeteriti. Nihilominus dicendum est, quod obiectio non
est ad propositum: quia praescientia non commensuratur potentiae faciendi, de
qua est quaestio; sed solum divinae actioni, ut dictum est. # 2. En Dieu, il n'y a ni passй ni futur, mais tout ce qui est en lui
est tout entier dans un prйsent d'йternitй. Le mot de passй et de futur n'a de
sens en lui que par rapport а nous. C'est pourquoi l'objection sur la nйcessitй
du passй n'a pas d'objet ici. Cependant il faut dire que l'objection est hors
sujet: parce que la prescience n'est pas proportionnйe а la puissance d'agir
dont il est question; mais seulement а l'action divine, comme on l'a dit.
q. 1 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod illi qui dicebant Deum agere ex necessitate naturae,
ponebant positionem de qua agitur, non solum ratione immutabilitatis naturae,
sed ratione determinationis naturae ad unum. Sapientia autem divina non est
determinata ad unum, sed se habet ad multa scienda; unde non est simile. # 3. Ceux qui disaient que Dieu agit par nйcessitй de nature, prenaient
cette position, non seulement en raison de l'immutabilitй de sa nature[9], mais
de sa dйtermination а un seul objet. La sagesse de Dieu n'est pas limitйe а un
seul objet mais elle est pour connaоtre beaucoup de choses. C'est pourquoi ce
n'est pas pareil.
q. 1 a. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Christus non poterat velle dicere illa verba absolute,
quae mendacium important, sine praeiudicio suae bonitatis. Sic autem non est in
proposito, ut ex dictis patet; et ideo non sequitur. # 4. Le Christ ne pouvait pas, dans l'absolu, vouloir dire ces paroles,
qui apportent un mensonge, sans prйjudice pour sa bontй. Mais ce n'est pas
notre sujet, comme on le voit par ce qui a йtй dit, et c'est pourquoi cela ne
vaut pas.
q. 1 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod absolutum et regulatum non attribuuntur divinae
potentiae nisi ex nostra consideratione: quae potentiae Dei in se consideratae,
quae absoluta dicitur, aliquid attribuit quod non attribuit ei secundum quod ad
sapientiam comparatur, prout dicitur ordinata. # 5. L'absolu et ce qui est ordonnй ne sont attribuйs а la puissance
divine que par notre rйflexion. A cette puissance de Dieu, considйrйe en soi,
qu'on appelle absolue, elle attribue quelque chose qu'elle ne lui a pas
attribuй selon qu'elle est comparйe а la sagesse, dans la mesure oщ on la dit
ordonnйe.
q. 1 a. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod potentia
Dei numquam est in re sine sapientia: sed a nobis consideratur sine ratione
sapientiae. # 6. La puissance de Dieu n'est jamais en rйalitй sans sagesse; mais
c'est nous qui la considйrons sans rapport avec elle.
q. 1 a. 5 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Deus fecit quidquid est iustum in actu, non autem
quidquid est iustum in potentia; potest enim aliquid facere quod nunc non est
iustum, quia non est: tamen si esset, faceret iustum. # 7. Dieu a fait tout ce qui est juste en acte, mais pas tout ce qui
est juste en puissance; car il peut faire une chose qui maintenant n'est pas
juste, parce qu'elle n'existe pas: cependant si elle existait, il la ferait
juste.
q. 1 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod divina bonitas potest se communicare ordinate, non solum
isto modo quo res operatur, sed multis aliis. # 8. La divine bontй peut se communiquer avec ordre, non seulement de
la maniиre dont elle opиre, mais de nombreuses autres maniиres.
q. 1 a. 5 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet Deus non velit facere nisi quae facit, potest tamen
alia velle; et ideo, absolute loquendo, potest alia facere. # 9. Bien que Dieu ne veuille faire que ce qu'il fait, il peut
cependant vouloir d'autres choses, et c'est pourquoi, absolument parlant, il
peut en faire d'autres.
q. 1 a. 5 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod rationes illas, de quibus Dionysius loquitur, intelligit
esse productivas existentium absolute, non solum autem eorum quae nunc sunt in
actu. # 10. Denys comprend que ces raisons dont il parle sont productives
d'кtres dans l'absolu, mais pas seulement de ceux qui sont en acte maintenant.
q. 1 a. 5 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in hac quaestione versatur, utrum eorum quae nec sunt,
nec erunt, nec fuerunt, quae tamen Deus facere potest, sit idea. Videtur
dicendum, quod si idea secundum completam rationem accipiatur, scilicet
secundum quod idea nominat formam artis, non solum intellectu excogitatam, sed
etiam per voluntatem ad opus ordinatam, sic praedicta non habent ideam; si vero
accipiatur secundum imperfectam rationem, prout scilicet est solum excogitata
in intellectu artificis, sic habent ideam. Patet enim in artifice creato quod
excogitat aliquas operationes quas nunquam operari intendit. In Deo vero
quidquid ipse cognoscit, est in eo per modum excogitati; cum in ipso non differat
cognoscere actu et habitu. Ipse enim novit totam potentiam suam, et quidquid
potest: unde omnium quae potest habet rationes quasi excogitatas.
# 11. Dans cette question, on cherche а savoir s'il y a une idйe de ce
qui n'est pas, ne sera pas et n'a pas йtй, et que cependant Dieu peut rйaliser.
Il semble qu'il faut dire que, si on conзoit l'idйe, selon sa pleine acception,
c'est-а-dire selon que l'idйe dйsigne une forme de l'art, non seulement pensйe
par l'esprit, mais aussi ordonnйe а l'oeuvre par la volontй, ce dont on parle
n'a pas d'idйe, mais si on le prend selon une acception imparfaite dans la
mesure oщ elle est seulement pensйe dans l'esprit de l'artisan, alors ce dont
on parle a une idйe. Car on voit dans l'oeuvre crййe qu'il invente des opйrations
qu'il n'a jamais l'intention de faire. Mais ce qu'il connaоt lui-mкme est en
lui par mode de pensйe; puisqu'il n'y a pas en lui de diffйrence entre
connaоtre en acte et en habitus. Car il connaоt lui-mкme toute sa puissance, et
tout ce qu'il peut. C'est pourquoi il possиde les raisons de tout ce qu'il
peut, en tant qu'elles sont pensйes.
q. 1 a. 5 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod intelligendum est hoc Deum non posse quod non vult se
posse: et sic non facit ad propositum. # 12. Il faut comprendre que Dieu ne peut pas ce qu'il ne veut pas
pouvoir et c'est а dessein qu'il ne le fait pas.
q. 1 a. 5 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet Deus sit immutabilis, tamen eius voluntas
non est determinata ad unum in his quae facienda sunt: et ideo habet liberum
arbitrium. # 13. Bien que Dieu soit immuable, cependant sa volontй n'est pas
dйterminйe а un seul objet parmi ce qu'il doit faire et c'est pourquoi il a le
libre arbitre.
q 1 a. 5 ad 14 Ad decimumquartum dicen. dum, quod optima ratio, qua
Deus omnia facit, est sua bonitas et sua sapientia: quae maneret, etiam si
alia, vel alio modo faceret. # 14. La meilleure raison, par laquelle Dieu fait tout, c'est sa bontй
et sa sagesse, qui demeureraient mкme s'il faisait d'autres choses ou d'une
autre maniиre.
q. 1 a. 5 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod illud quod facit, est optimum per ordinem ad Dei
bonitatem: et ideo quidquid aliud est ordinabile ad eius bonitatem secundum
ordinem suae sapientiae, est optimum. # 15. Ce que Dieu fait est le meilleur par rapport а sa bontй et c'est
pourquoi toute autre chose qui peut кtre ordonnйe а sa bontй selon l'ordre de
sa sagesse est le meilleur.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia, qu. 25, a. 5 –
CG. II, 23, 26-27 – III, 98 – I Sent. d43q2a2.
[2]
Parmi ces auteurs inconnus, il faut compter Avicenne.
[3]
Assimilation de la soumission а la sagesse а une nйcessitй de nature.
[4]
Le sens de ratio est proche de "idйe". Il s'agit des idйes divines.
Voir objection suivante.
[5]
Cf. Pot. 5, 1, obj. 14, oщ il prйcise que cet axiome vient du Timйe.
[6]
Hйraclite, les stoпciens, les Nйoplatoniciens et quelques auteurs attachйs au
dйterminisme ou а l'optimisme. Il faut ajouter Avicenne.
[7]
On lit sur les mns Petro Almalareo. On peut vraisemblablement conjecturer qu'il
s'agit d'Abйlard, car cela correspond а ce qu'il dit dans son Introduction а la
Thйologie, III, 5. PL 178, 1096. Denz. 726.
[8]
Soit Dieu ne peut pas faire, ou il peut ne pas faire.
[9]
Pour certains, dont Avicenne, l'immutabilitй entraоne la nйcessitй de nature.
Cf. ad 13.
Article 6: Dieu peut-il faire ce qui est possible а d'autres, comme
pйcher, marcher etc.?
q. 1 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum Deus possit facere quae sunt aliis possibilia, ut
peccare, ambulare et huiusmodi. Et videtur quod sic. Il semble que oui: Objections[1]: q. 1 a. 6 arg. 1
Quia Augustinus dicit, quod melior est natura quae potest peccare, quam quae
peccare non potest. Sed omne quod est optimum, est Deo attribuendum. Ergo Deus
potest peccare. 1. Parce que Augustin (Enchiridium,
105[2]) dit que meilleure est la nature qui peut pйcher
que celle qui ne le peut pas[3]. Mais tout ce qui est le
meilleur doit кtre attribuй а Dieu. Donc il peut pйcher. q. 1 a. 6 arg. 2
Praeterea, illud quod est laudabilitatis, non debet Deo subtrahi. Sed in laudem
viri dicitur Eccli. XXXI, 10: qui potuit transgredi et non est transgressus.
Ergo posse transgredi et non transgredi Deo debet attribui. 2. Ce qui est louable ne doit pas кtre retirй а Dieu. Mais а la louange
de l'homme, l'Ecclйsiaste (Si 31, 10) dit: "Qui a pu pйcher et n'a pas pйchй..."
Donc le pouvoir de pйcher et ne pas pйcher doit кtre attribuй а Dieu. q. 1 a. 6 arg. 3
Praeterea, philosophus dicit: potest Deus et studiosus prava agere. Ergo Deus
potest peccare. 3. Le Philosophe dit (Topique.
IV, 5, 126 a 37-39[4]): "Dieu peut et avec zиle faire de mauvaises actions". Donc Dieu
peut pйcher. q. 1 a. 6 arg. 4
Praeterea, quicumque consentit in peccatum mortale, peccat mortaliter. Sed
quicumque praecipit peccatum mortale, consentit, immo quodammodo principaliter
facit. Cum ergo Deus praeceperit peccatum mortale Abrahae, scilicet quod
interficeret filium innocentem; et Oseae, quo acciperet mulierem fornicariam,
et faceret ex ea filios fornicationis, et Semei, ut malediceret David, ut
habetur II Reg. XVI, 7, quem constat peccasse ex poena sibi inflicta III Reg.
II, 36, videtur quod ipse peccaverit mortaliter. 4. Quiconque consent а un pйchй mortel, pиche mortellement. Mais
quiconque l'ordonne consent; bien plus d'une certaine maniиre c'est surtout lui
qui l'accomplit. Donc, comme Dieu a ordonnй un pйchй mortel а Abraham, а savoir
tuer son fils innocent; а Osйe (Os.1,
2), de prendre pour йpouse une prostituйe et d'avoir d'elle des enfants de
prostitution et а Shimeп (II Sam. 16,
7) de maudire David, lequel est reconnu avoir pйchй vu le chвtiment qui lui fut
infligй (I Rois 2, 36[5]),
il semble que Dieu a lui-mкme pйchй mortellement. q. 1 a. 6 arg. 5
Praeterea, quicumque cooperatur peccanti mortaliter, ipse peccat mortaliter.
Sed Deus cooperatur peccanti mortaliter: ipse enim operatur in omni operatione,
et per consequens in omni eo qui mortaliter peccat. Ergo Deus peccat. 5. Quiconque coopиre avec qui pиche mortellement, pиche mortellement
lui aussi. Mais Dieu coopиre ainsi car il agit lui-mкme dans toute opйration[6] et par consйquent dans tout homme qui pиche mortellement.
Donc Dieu pиche. q. 1 a. 6 arg. 6
Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus operatur in cordibus hominum, inclinando
voluntates eorum in quodcumque voluerit, sive in bonum, sive in malum. Sed inclinare voluntatem hominis in malum, est
peccatum. Ergo Deus peccat. 6. Augustin dit (De la grвce et
du libre arbitre, ch. 21), comme on le voit dans la glose, (Rm 1) que Dieu opиre dans le coeur des
hommes, en inclinant leur volontй vers tout ce qu'il aura voulu, soit en bien,
soit en mal. Mais incliner la volontй de l'homme au mal est un pйchй. Donc Dieu
pиche. q. 1 a. 6 arg. 7
Praeterea, homo factus est ad imaginem Dei, ut habetur Gen. I, 26. Sed quod
invenitur in imagine oportet inveniri in exemplari. Hominis autem voluntas est
ad utrumlibet. Ergo et voluntas Dei; et ita potest peccare et non peccare. 7. L'homme a йtй crйй а l'image de Dieu (Gn. 1, 26). Mais ce qu'on trouve dans l'image, on doit le trouver
dans l'exemplaire[7]. Mais la volontй de l'homme penche
vers le bien et vers le mal. Donc la volontй de Dieu aussi. Et ainsi il peut
pйcher et ne pas pйcher. q. 1 a. 6 arg. 8
Praeterea, quidquid potest virtus inferior, potest et superior. Sed homo cuius
virtus est inferior divina virtute, potest ambulare, peccare et alia huiusmodi
facere. Ergo et Deus. 8. Ce que peut un pouvoir infйrieur, un pouvoir supйrieur le peut aussi.
Mais l'homme dont le pouvoir est infйrieur au pouvoir divin peut marcher,
pйcher et accomplir d'autres actes de ce genre. Donc Dieu aussi. q. 1 a. 6 arg. 9
Praeterea, tunc aliquis omittit quando non facit bona quae potest. Sed Deus
potest multa bona facere quae non facit. Ergo omittit, et ita peccat. 9. Quelqu'un commet une nйgligence, quand il ne fait pas le bien qu'il
peut faire. Mais Dieu peut faire beaucoup de bien qu'il ne fait pas. Donc, il
commet une nйgligence et ainsi il pиche. q. 1 a. 6 arg. 10
Praeterea, quicumque potest prohibere peccatum et non prohibet, videtur
peccare. Sed Deus potest prohibere omnia peccata. Cum ergo non prohibeat,
videtur quod peccet. 10. Qui peut empкcher le pйchй et ne le fait pas, semble pйcher. Mais
Dieu peut empкcher tous les pйchйs. Donc, comme il ne le fait pas, il semble
qu'il pиche. q. 1 a. 6 arg. 11
Praeterea, Amos III, 6, habetur: non est malum in civitate quod Deus non
faciat. Hoc autem non potest intelligi de malo poenae: nam dicitur Sap. I, 13,
quod Deus mortem non fecit. Ergo oportet intelligi de malo culpae; et sic Deus
est auctor mali culpae. 11. On lit dans Amos ((3, 6[8]): "Il n'y a pas de mal dans la citй sans que
Dieu ne le fasse". Mais cela ne peut pas кtre compris du mal du chвtiment.
Car il est dit (Sg 1, 13) que "Dieu n'a pas fait la mort". Donc il
faut le comprendre du mal de la faute et ainsi Dieu est l'auteur de ce mal. En sens contraire: q. 1 a. 6 s. c. 1
Sed contra. I Ioan. I, 5, dicitur: Deus lux est, et tenebrae in eo non sunt
ullae. Sed peccata sunt tenebrae spirituales. Ergo peccatum
in Deo esse non potest. 1. Il est dit en I Jean 1, 5
que "Dieu est lumiиre et il n'y a
pas de tйnиbres en lui". Mais les pйchйs sont des tйnиbres
spirituelles. Donc le pйchй ne peut pas exister en Dieu. q. 1 a. 6 s. c. 2
Praeterea, princeps propriis legibus astrictus non tenetur. Sed omne peccatum
est contra legem divinam, ut Augustinus dicit. Ergo Deus peccato astringi non
potest. 2. Le prince n'est pas assujetti а ses propres lois. Mais tout pйchй
est contre la loi divine, comme Augustin le dit (Contre. Fauste, XXII, 27). Donc Dieu ne peut y кtre assujetti. Rйponse q. 1 a. 6 co. Respondeo. Dicendum, quod sicut supra dictum est, Deum absolute aliquid
non posse dicitur dupliciter: uno modo ex parte voluntatis; alio modo ex parte
potentiae. Comme on l'a indiquй ci-dessus, on dit que Dieu ne peut absolument pas
quelque chose, de deux maniиres: 1) du cфtй de sa volontй, 2) du cфtй de sa
puissance. Ex parte siquidem voluntatis, Deus non potest facere quod
non potest velle. Cum autem nulla voluntas possit velle contrarium eius quod
naturaliter vult, sicut voluntas hominis non potest velle miseriam; constat
quod voluntas divina non potest velle contrarium suae bonitatis, quam
naturaliter vult. Peccatum autem est defectus quidam a divina bonitate: unde
Deus non potest velle peccare. Et ideo absolute concedendum est, quod Deus
peccare non potest. 1) Du cфtй de sa volontй:
Dieu ne peut pas faire ce qu'il ne peut pas vouloir. Puisque aucune volontй ne
peut vouloir le contraire de ce qu'elle veut naturellement, – ainsi la volontй
de l'homme ne peut pas vouloir le malheur –, il est clair que la volontй divine
ne peut vouloir le contraire de sa bontй qu'il veut naturellement. Mais le
pйchй est un manquement а la divine bontй; c'est pourquoi Dieu ne peut pas
vouloir pйcher. Et c'est pourquoi il faut absolument concйder que Dieu ne peut
pas pйcher. Ex parte vero potentiae dicitur Deum non posse
aliquid, dupliciter: uno modo ratione ipsius potentiae; alio modo ratione
possibilis. 2) Du cфtй de sa puissance,
on dit que Dieu ne peut pas une chose pour deux raisons: a) en raison de la
puissance mкme; b) en raison de la possibilitй. Potentia siquidem eius quantum in se est, cum sit infinita,
in nullo deficiens invenitur quod ad potentiam pertineat. Sed quaedam sunt quae
secundum nomen potentiam important, quae secundum rem sunt potentiae defectus;
sicut multae negationes sunt, quae in affirmationibus includuntur; ut cum
dicitur posse deficere, videtur secundum modum loquendi, quaedam potentia
importari, cum magis potentiae defectus importetur. Et propter hoc potentia
aliqua dicitur esse perfecta, secundum philosophum, quando ista non potest. Sicut enim
illae affirmationes habent vim negationum secundum rem, ita istae negationes
habent vim affirmationum. Et propter hoc dicimus, Deum non posse deficere, et per consequens
non posse moveri (quia motus et defectus quamdam imperfectionem important) et
per consequens non posse eum ambulare, nec alios actus corporeos exercere, qui
sine motu non fiunt. a) Sa puissance, quant а elle, йtant infinie, on ne la
trouve dйfaillante en rien qui la concerne. Mais il y a des choses qui sous le
nom de puissance apportent ce qui en rйalitй est une dйfaillance de la
puissance. Ainsi il y a de nombreuses nйgations incluses dans les affirmations;
comme quand on dit 'pouvoir dйfaillir', il semble, selon la maniиre de parler,
qu'on apporte une puissance, alors que c'est plutфt sa dйfaillance. Et c'est
pour cela qu'on dit qu'une puissance est parfaite, selon le Philosophe (Mйtaphysique V, 17, 1021 b 25 ss.),
quand elle ne le peut pas. Car de mкme que ces affirmations ont force de
nйgation en rйalitй, ainsi ces nйgations ont force d'affirmation. Et c'est pour
cela que nous disons que Dieu ne peut pas avoir de dйfaillance et par
consйquent, ne peut кtre mы (parce que le mouvement et la dйfaillance apportent
une imperfection) et par consйquence, il ne peut pas marcher, ni accomplir
d'autres actes corporels qui ne se font pas sans mouvement[9]. Ratione vero possibilis dicitur Deum aliquid non posse
facere quia id contradictionem implicat, ut ex supra dictis, art. 5, patet; et
per hunc modum dicitur quod non potest facere alium Deum aequalem sibi.
Implicatur enim contradictio ex eo quod factum oportet esse in potentia aliquo
modo, cum recipiat esse ab alio, et sic non potest esse actus purus, quod est
proprium ipsius Dei. b) En raison de la possibilitй,
on dit que Dieu ne peut pas faire une chose parce qu'elle implique contradiction,
comme on l'a dit а l'article 5 et c'est pourquoi on dit qu'il ne peut faire un
autre Dieu йgal а lui. Car cela implique contradiction: il faut que ce qui est
fait soit en puissance d'une certaine maniиre, puisqu'il reзoit l'кtre d'un
autre et ainsi il ne peut pas кtre acte pur, ce qui est le propre de Dieu
lui-mкme. Solutions: q. 1 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod illa comparatio non est intelligenda universaliter,
sed solum inter hominem et animalia bruta. # 1. Cette comparaison ne doit pas кtre comprise universellement, mais
seulement de l'homme et de l'animal. q. 1 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod id quod dicitur in laudem hominis non semper est
congruum laudi divinae, immo esset blasphemia; ut si dicerem Deum poenitere et
huiusmodi. Aliquid enim, ut dicit Dionysius est in inferiori natura laudabile
quod in superiori natura vituperatur. # 2. Ce qu'on dit а la louange de l'homme ne convient pas toujours а la
louange divine. Bien plus ce serait un blasphиme; ainsi si je disais que Dieu
se repend, etc.. Car, comme le dit Denys (Les
noms divins 4), est louable dans une nature infйrieure ce qui est blвmй
dans une nature supйrieure. q. 1 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod verbum philosophi est intelligendum sub conditione
voluntatis. Haec enim conditionalis est vera: Deus potest prava agere si vult:
nihil enim prohibet conditionalem esse veram, licet antecedens et consequens
sint impossibilia; ut patet in hac: si homo volat, habet alas. # 3. Il faut comprendre le mot du Philosophe sous condition de volontй.
Car, si elle est conditionnelle, elle est vraie: Dieu peut commettre des choses
perverses s'il le veut: car rien n'empкche la condition d'кtre vraie, bien que
l'antйcйdent et la consйquence soient impossibles, comme cela paraоt dans cet
exemple: si un homme vole, il a des ailes. q. 1 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod nihil prohibet aliquem actum qui in se esset peccatum
mortale, aliqua circumstantia addita fieri virtuosum: occidere enim hominem
absolute peccatum mortale est; sed ministro iudicis occidere hominem propter
iustitiam ex praecepto iudicis, non est peccatum, sed actus iustitiae. Sicut
autem princeps civitatis habet disponere de hominibus quantum ad vitam et
mortem, et alia quaecumque pertinent ad finem sui regiminis, qui est iustitia,
ita Deus habet omnia in sui dispositione dirigere ad finem sui regiminis quod
est eius bonitas. Et ideo licet occidere filium innocentem, de se possit esse
peccatum mortale, tamen si hoc fiat ex praecepto Dei propter finem quem Deus
praevidit et ordinavit, licet etiam sit homini ignotus, non est peccatum, sed
meritum. Et similiter etiam dicendum est de fornicatione Oseae, cum constet
Deum esse ordinatorem totius humanae generationis: quamvis quidam dicant, quod
hoc non acciderit secundum veritatem rei, sed secundum visionem prophetiae. De
praecepto autem Semei est dicendum aliter. Dicitur enim Deus dupliciter
praecipere. # 4. Rien n'empкche qu'un acte qui serait en soi un pйchй mortel, si on
ajoute les circonstances, ne devienne vertueux; car tuer un homme est
absolument un pйchй mortel; mais pour l'assistant du juge tuer un homme а cause
de la justice et sur l'ordre du juge, ce n'est pas un pйchй, mais un acte de
justice. De mкme que le prince d'une citй doit disposer des hommes а la vie et
а la mort, et [prendre] d'autres dйcisions qui concernent le but de son
gouvernement, qui est la justice; de mкme Dieu a tout а sa disposition pour
parvenir а la finalitй de son gouvernement qui est sa bontй. Et c'est pourquoi,
bien que tuer son fils innocent puisse кtre en soi un pйchй mortel, cependant
si cela se fait sur l'ordre de Dieu en vue d'une fin qu'il a lui-mкme prйvue et
ordonnйe, mкme si elle est ignorйe de l'homme, ce n'est pas un pйchй mais un
mйrite. Et il faut parler de la fornication d'Osйe de la mкme maniиre, puisque
il est clair que Dieu est celui qui ordonne toute la gйnйration humaine.
Cependant certains disent que cela ne serait pas arrivй en rйalitй mais selon
une vision prophйtique. Pour ce qui est prescrit а Shimйп, il faut parler
autrement. Car on dit que Dieu donne ses prescriptions de deux maniиres: Uno modo loquendo spiritualiter vel corporaliter per
substantiam creatam; et sic praecepit Abrahae et prophetis. Alio modo inclinando, sicut dicitur praecepisse vermi ut
comederet hederam, Ionae I. Et per hunc modum praecepit Semei ut malediceret
David, in quantum cor eius inclinavit; et hoc per modum qui infra in solutione
ad sextum, dicetur. a) La premiиre, en parlant spirituellement ou corporellement par une
substance crййe, et ainsi il commande а Abraham et aux prophиtes. b) En inclinant: ainsi on dit qu'il prescrivit aux vers de manger le
lierre (Jonas 4, 7). Et de cette mкme
maniиre il prescrivit а Shimeп de maudire David, dans la mesure oщ il y inclina
son coeur et par le moyen signalй ci-dessous, а la solution six. q. 1 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod operatio peccati, quantum ad id quod habet de entitate
et actualitate, refertur in Deum sicut in causam; quantum vero ad id quod habet
de deformitate peccati, refertur in liberum arbitrium, non in Deum; sicut
quidquid motus est in claudicatione, est a virtute gressiva; deformitas autem
eius est a curvitate cruris. # 5. L'action pйcheresse quant а ce qui concerne son entitй et son
actualitй, se rйfиre а Dieu comme а sa cause; mais on rapporte l'infamie du
pйchй au libre arbitre, non а Dieu; ainsi tout mouvement dans la claudication
vient du pouvoir de marcher, mais la difformitй vient de la courbure de la
jambe. q. 1 a. 6 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus non dicitur inclinare voluntates hominum in malum,
immittendo malitiam, vel ad malitiam commovendo; sed permittendo et ordinando,
ut videlicet qui crudelitatem exercere consentiunt, in illos exerceant quos
dignos Deus iudicat. # 6. On ne dit pas que Dieu incline la volontй de l'homme au mal, en
envoyant la malice ou en les y incitant, mais en permettant et en ordonnant;
pour qu'assurйment ceux qui consentent а exercer la cruautй, l'exercent contre
ceux que Dieu en juge dignes. q. 1 a. 6 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod non est necessarium, quidquid in homine invenitur,
quamvis sit ad imaginem Dei, in Deo inveniri; et tamen in proposito voluntas
Dei est ad utrumlibet, quia non est ad unum obiectum determinata. Potest enim
hoc facere vel non facere, aut facere hoc vel illud: non tamen sequitur quod
aliquid istorum possit male facere, quod est peccare. # 7. Il n'est pas nйcessaire que ce qu'on trouve dans l'homme, quoique
qu'il soit а l'image de Dieu, se retrouve en Dieu et cependant dans le propos,
la volontй de Dieu concerne deux aspects, parce qu'elle n'est pas dйterminйe а
un seul objet. Car il peut faire ou ne pas faire, faire ceci ou cela; cependant
il n'en dйcoule pas qu'il puisse mal faire l'une d'elle, ce qui est pйcher. q. 1 a. 6 ad 8 Ad octavum dicendum, quod
obiectio illa tenet in his quae pertinent ad potestatis perfectionem, non autem
in his quae important potestatis defectum. # 8. Cette objection tient а ce qui concerne la perfection de la
puissance, mais non а ce qui en cause la dйfaillance. q. 1 a. 6 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet Deus possit multa bona facere quae non facit, non
tamen omittit: quia non debet illa facere, quod requiritur ad rationem
omissionis. # 9. Bien que Dieu puisse faire beaucoup de bien qu'il ne fait pas,
cependant il ne commet pas d'omission, parce qu'il ne doit pas le faire,
condition requise pour dйfinir une omission. q. 1 a. 6 ad 10 Et
similiter dicendum est ad decimum; nam non est reus peccati qui peccatum non
impedit nisi quando impedire debet. # 10. Ici il faut dire la mкme chose, car celui qui n'empкche pas un
pйchй n'est coupable de pйchй que quand il doit l'empкcher . q. 1
a. 6 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod verbum Amos intelligitur de malo poenae.
Quod autem dicitur Sap. I, 13: Deus mortem non fecit intelligitur quantum ad
ipsam causam mortis, quae est meritum culpae, vel quantum ad primam naturae
institutionem, qua fecit hominem suo modo immortalem. # 11. Le mot d'Amos est а comprendre comme la peine du chвtiment. Ce
qui est dit en Sagesse (1, 13): "Dieu n'a pas fait la mort" est
compris quant а la cause mкme de la mort, qui est la consйquence de la faute;
ou quant а la premiиre institution de la nature, par laquelle il rendit l'homme
immortel а sa maniиre.
[1] Parall.: C. G. II, 25 – I Sent. d4q2a1 – Ia, q.
25, a. 3, ad 2. [2]
"Mais il ne fallait pas renoncer а l'ordre d'aprиs lequel Dieu voulait
faire voir quel bien reprйsente cet animal raisonnable qui est mкme capable de
ne pas pйcher, bien qu'il fыt mieux encore (pour lui) d'кtre incapable de
pйcher." BA. 9, trad. J. Riviиre. Le traducteur note que "beaucoup
d'йditions anciennement omettent la nйgation. Mais elle figure dans les
manuscrits et d'ailleurs est indispensable au sens". [3]
Ce qui peut pйcher est douй de raison. [4]
"...puisque mкme Dieu et l'honnкte homme ont la capacitй de faire de
mauvaises actions, et pourtant ce n'est pas leur caractиre..." (Trad. J.
Tricot) [5]
Il fut tuй sur ordre de Salomon pour ne pas avoir obйi а son ordre de ne pas
quitter Jйrusalem. [6]
Cette notion, le concours divin, sera expliquйe longuement en Pot. qu. 3, a. 7. [7]
A comprendre comme un modиle. [8]
"Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que Yahvй en soit l'auteur?"
(B.J.) [9]
Il y a deux sortes de mouvements: le mouvement physique, imparfait (parce
qu'inachevй), et le mouvement parfait qui est le propre du vivant: la chose se
meut elle-mкme. La sensation et l'intellection sont des mouvements parfaits
considйrйs comme d'une autre espиce par Aristote (De anima, III, 7, 431 a 5 ss.); le mouvement a йtй dйfini comme
l'acte de ce qui est inachevй, tandis que l'acte au sens absolu est diffйrent (Pot. qu. 10, a. 1, c.).
Article 7: Pourquoi dit-on que Dieu est tout-puissant?
q. 1 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur quare Deus dicatur omnipotens. Et videtur quod dicatur
omnipotens quia simpliciter omnia possit. On le dit tout puissant, semble-t-il, parce qu'il peut absolument tout. Objections[1]: q. 1 a. 7 arg. 1
Sicut enim Deus dicitur omnipotens, ita dicitur omnisciens. Sed dicitur
omnisciens, quia simpliciter omnia scit. Ergo et omnipotens dicitur, quia
simpliciter omnia potest. 1. Car de mкme qu'on dit Dieu tout-puissant, on le dit omniscient. Mais
on le dit omniscient parce qu'il connaоt absolument tout. Donc on le dit tout
puissant parce qu'il peut absolument tout. q. 1 a. 7 arg. 2
Praeterea, si non ideo dicatur omnipotens quia simpliciter omnia possit, tunc
haec distributio importata, non est absoluta, sed accommodata. Talis autem
distributio non est universalis, sed determinatur ad aliquid. Ergo divina
potentia esset ad aliquid determinata, et non esset infinita. 2. Si on ne le dit pas tout puissant parce qu'il pourrait absolument
tout, alors cette attribution ajoutйe n'est pas absolue, mais appropriйe. Or
une telle attribution n'est pas universelle, elle est limitйe а un objet. Donc
la puissance divine serait limitйe а un objet et ne serait pas infinie. Sed contra, Deus non potest facere, sicut dictum est, art. 3
et 5, ut affirmatio et negatio sint simul vera; nec potest peccare nec mori.
Haec autem includuntur in hac distributione, si absolute sumatur. Ergo non
debet absolute sumi; et ita Deus non potest dici omnipotens quia omnia possit
absolute. En sens contraire: Dieu ne peut pas faire, comme on l'a dit, aux
articles 3 et 5, que l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme temps;
et il ne peut pas pйcher ni mourir. Cela est inclus dans cette attribution, si
elle est prise dans l'absolu. Donc elle ne doit pas кtre prise dans l'absolu,
et ainsi on ne peut pas dire que Dieu soit tout-puissant parce qu'il peut absolument
tout. q. 1 a. 7 arg. 3
Item videtur quod dicatur omnipotens quia potest omnia quae vult: dicit enim
Augustinus in Enchiridion: non ob
aliud vocatur omnipotens, nisi quia quidquid vult, potest. 3. Il semble qu'on le dit tout-puissant "parce qu'il peut tout ce
qu'il veut". Car Augustin dit (Enchiridion
ch. 96): "Il n'est appelй tout-puissant pour rien d'autre sinon qu'il peut
tout ce qu'il veut". Sed contra, beati possunt quidquid volunt: aliter voluntas
eorum non esset perfecta. Non tamen dicuntur omnipotentes. Ergo hoc non
sufficit ad rationem omnipotentiae, quod Deus possit quidquid vult. Praeterea,
voluntas sapientis non est de impossibili: unde nullus sapiens vult nisi quod
potest; nec tamen quilibet sapiens est omnipotens. Ergo idem quod prius. En sens contraire: Les bienheureux peuvent ce qu'ils veulent,
autrement leur volontй ne serait pas parfaite[2].
Cependant on ne dit pas qu'ils sont tout-puissants. Donc cela ne suffit pas а
la nature de la toute-puissance, que Dieu puisse tout ce qu'il veut. En plus la
volontй du sage ne concerne pas l'impossible. C'est pourquoi aucun sage ne veut
que ce qu'il peut; et cependant n'importe quel sage n'est pas tout-puissant.
Donc de mкme que ci-dessus. q. 1 a. 7 arg. 4
Item videtur quod dicatur omnipotens, quia possit omnia possibilia. Dicitur
enim omnisciens, quia scit omnia scibilia. Ergo pari ratione dicitur
omnipotens, quia potest omnia possibilia. 4. Il semble qu'on l'appelle tout-puissant "parce qu'il peut tout
ce qui est possible". On l'appelle en effet omniscient, parce qu'il
connaоt tout ce qui peut кtre connu. Donc а raison йgale, on l'appelle
tout-puissant parce qu'il peut tout ce qui est possible. Sed contra, si dicitur omnipotens quia potest omnia
possibilia; aut hoc est quia potest omnia possibilia sibi, aut quia potest
omnia possibilia naturae. Si quia potest omnia possibilia naturae, tunc eius
omnipotentia naturae potentiam non excedit; quod est absurdum. Si vero quia
potest omnia possibilia sibi, tunc pari ratione quilibet dicetur omnipotens,
quia quilibet potest omnia possibilia sibi. Et praeterea est ibi quaedam
expositio per circumlocutionem, quae non est conveniens. En sens contraire: si on l'appelle tout-puissant parce qu'il peut
tout ce qui est possible, ou bien c'est parce qu'il peut tout ce qui est
possible pour lui, ou parce qu'il peut tout ce qui est possible а la nature. Si
c'est parce qu'il peut tout ce qui est possible а la nature, alors sa
toute-puissance n'excиde pas la puissance de la nature, ce qui est absurde.
Mais si c'est parce qu'il peut tout ce qui est possible pour lui, alors а
raison йgale, n'importe qui est appelй tout-puissant parce qu'il peut ce qui
est possible pour lui. Et en plus il y a lа une exposition par une
circonlocution qui ne convient pas. q. 1 a. 7 arg. 5
Item quaeritur quare Deus dicitur omnipotens et omnisciens, et non omnivolens. 5. De mкme, on cherche pourquoi Dieu est appelй celui qui peut tout,
qui sait tout et pas celui qui veut tout. Rйponse. q.
1 a. 7 co. Respondeo. Dicendum, quod quidam volentes rationem
omnipotentiae assignare, quaedam acceperunt quae ad rationem omnipotentiae non
pertinent, sed magis sunt causa omnipotentiae, vel pertinentia ad perfectionem
omnipotentiae, vel pertinentia ad rationem potentiae, vel ad modum habendi
potentiam. Certains voulant assigner une dйfinition а la toute-puissance ont
acceptй des notions qui ne conviennent pas а sa dйfinition; mais qui en sont
plutфt la cause ou ce qui appartient а la perfection de la toute puissance ou а
celle de la puissance ou а son mode de possession. Quidam enim dixerunt, quod ideo Deus est omnipotens, quia
habet potentiam infinitam. Qui non dicunt rationem omnipotentiae, sed causam;
sicut anima rationalis est causa hominis, sed non est eius definitio. Quidam
vero ideo dixerunt Deum omnipotentem, quia non potest aliquid pati nec potest
deficere, nec aliquid potest in ipsum, et alia huiusmodi, quae ad perfectionem
potentiae pertinent. Certains, en effet, ont dit que Dieu est tout-puissant, parce qu'il a
une puissance infinie. Ils n'en donnent pas la raison mais la cause; ainsi
l'вme raisonnable est cause de l'homme, mais ce n'est pas sa dйfinition.
Certains aussi ont dit que Dieu est tout-puissant, parce qu'il ne peut rien
subir, ni кtre dйfaillant et il ne peut rien en lui ni autres choses de ce
genre qui concernent la perfection de sa puissance. Quidam etiam dixerunt, quod ideo dicitur omnipotens, quia
potest quidquid vult; et hoc habet a se et per se; quod pertinet ad modum
habendi potentiam. Certains mкme ont dit qu'on l'appelle tout-puissant parce qu'il peut
tout ce qu'il veut, et cela il l'a de lui et par lui, ce qui concerne sa
maniиre de possйder la puissance. Hae autem rationes omnes ideo sunt insufficientes, quia
praetermittunt rationes operationum ad obiecta, quas implicat omnipotentia. Et
ideo dicendum est, quod accipienda est aliqua trium viarum quae tactae sunt in
obiiciendo, et dicunt comparationem ad obiecta. Mais toutes ces raisons sont insuffisantes, parce qu'elles omettent les
raisons des opйrations pour les objets qu'implique la toute-puissance. Et c'est
pourquoi on doit dire qu'il faut accepter l'une des trois voies qui ont йtй
avancйes en objections et qui apportent une comparaison avec les objets. Dicendum ergo est, quod, sicut supra dictum est, potentia
Dei, quantum est de se, ad omnia illa obiecta se extendit quae contradictionem
non implicant. Nec etiam instantia de illis est quae defectum important, vel
corporalem motum; quia posse ea, Deo est non posse. Ea vero quae
contradictionem implicant Deus non potest; quae quidem sunt impossibilia
secundum se. Relinquitur ergo quod Dei potentia ad ea se extendat quae sunt possibilia
secundum se. Haec autem sunt quae contradictionem non implicant. Constat ergo
quod Deus ideo dicitur omnipotens quia potest omnia quae sunt possibilia
secundum se. Il faut donc dire, comme on l'a dit plus haut, que la puissance de
Dieu, quant а elle, s'йtend а tout ces objets qui n'impliquent pas
contradiction. Et cela ne concerne pas ce qui apporte une dйfaillance ou un mouvement
corporel, parce que ce pouvoir, Dieu ne l'a pas. Ce qui implique une
contradiction Dieu ne le peut pas; cela est impossible en soi. Donc il reste
que la puissance de Dieu s'йtend а ce qui est possible en soi. C'est ce qui
n'implique pas contradiction. Donc il est clair qu'on dit que Dieu est
tout-puissant parce qu'il peut tout ce qui est possible en soi[3]. Solutions q. 1 a. 7 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Deus dicitur omnisciens quia scit omnia scibilia;
falsa autem, quae non sunt scibilia, nescit. Impossibilia autem secundum se
comparantur ad potentiam sicut falsa ad scientiam. # 1. Dieu est appelй omniscient parce qu'il connaоt tout ce qui peut
кtre connu; il ignore l'erreur qui n'est pas connaissable. Ce qui est impossible
en soi est comparй pour la puissance а l'erreur pour la science. q. 1 a. 7 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ratio illa procederet, si distributio terminaretur
infra genus possibilium hoc modo quod non se extenderet ad omnia possibilia. # 2. Cette raison conviendrait si l'attribution se terminait а
l'intйrieur du genre des possibles; de telle maniиre qu'elle ne s'йtendrait pas
а tous les possibles. Ad illud quod quaeritur de alia ratione omnipotentiae,
dicendum, quod posse quidquid vult facere non est sufficiens ratio
omnipotentiae, sed est sufficiens signum omnipotentiae; et sic intelligendum
est verbum Augustini. Pour ce qu'on cherche au sujet de l'autre raison de la toute-puissance,
il faut dire que pouvoir ce qu'on veut faire n'est pas une raison suffisante de
toute puissance, mais en est un signe suffisant. C'est ainsi qu'il faut
comprendre la parole d'Augustin. q. 1 a. 7 ad 3 Ad
illud quod arguitur de tertia ratione, dicendum, quod Deus dicitur omnipotens,
quia potest omnia possibilia absolute; et ideo obiectio non recte procedit de
possibilibus Deo vel naturae. # Pour le troisiиme argument, il faut dire qu'on appelle Dieu le
tout-puissant, parce qu'il peut absolument tout ce qui est possible et c'est
pourquoi l'objection ne procиde pas correctement[4]
ce qui possible pour Dieu ou pour la nature. q. 1 a. 7 ad 5 Ad
illud quod ultimo quaeritur, dicendum, quod in his quae aguntur per voluntatem,
ut dicitur IX Metaph., potentia et scientia determinantur ad opus per
voluntatem; et ideo scientia et potentia in Deo quasi non determinata
universaliter pronuntiantur, ut cum dicitur omnisciens vel omnipotens, sed
voluntas quae determinat, non potest esse omnium, sed eorum tantum ad quae
potentiam et scientiam determinat; et ideo Deus non potest dici omnivolens. # 5. Pour ce qu'on cherche а la derniиre objection, il faut dire que
dans ce qui est fait par volontй, comme il est dit (Mйtaphysique IX, 5, 1048 a 10), la puissance et la connaissance
sont limitйes а une oeuvre par la volontй; et c'est pourquoi la science et la
puissance sont annoncйes en Dieu comme non limitйes universellement, comme
quand on le dit omniscient ou tout puissant, mais la volontй qui limite ne peut
pas кtre pour tout, mais seulement pour ce а quoi elle limite sa puissance et
sa connaissance et c'est pourquoi on ne peut pas dire que Dieu veuille tout.
[1] Parall.: Ia, qu. 25, a. 3 - IIIa,
13, 1 – CG. II, 22, 25 – I Sent.
d42q2a2 – III Sent. d1q2a3 – Pot. 5, 3 – Qudl III, qu. 1, a. 1 – XII, qu. 2, a.
1 – Йth.,V, lectio 2. [2]
"En effet, si tu dis qu'il est appelй tout-puissant parce qu'il peut tout
ce qu'il veut pouvoir, Pierre aussi peut de mкme кtre dit tout-puissant (ou n'importe
lequel des saints bienheureux) car il peut tout ce qu'il veut pouvoir, et il
peut faire tout ce qu'il veut faire." Pierre Lombard, I Sent. d42, ch. 3,
4. [3]
La nuance est minime entre tout ce qui est possible en soi et ce qui est
possible pour lui (obj. 4). La grammaire du reste permet les deux traductions:
possible en soi, possible pour lui. [4]
Elle ne tient pas compte de ce qui est impossible. Question 2:
La puissance gйnйrative en Dieu.
q. 2 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum in divinis sit generativa potentia. 1. Y a-t-il une puissance gйnйrative en Dieu? q. 2 pr. 2 Secundo
utrum potentia generativa in divinis dicatur essentialiter vel notionaliter. 2. Parle-t-on de la puissance gйnйrative en Dieu selon l'essence ou la
notion? q. 2 pr. 3 Tertio
utrum potentia generativa in actum generationis procedat per imperium
voluntatis. 3. La puissance gйnйrative en son acte dйpend-elle par le pouvoir de la
volontй? q. 2 pr. 4 Quarto
utrum in divinis possint esse plures filii. 4. En Dieu peut-il y avoir plusieurs fils? q. 2 pr. 5 Quinto
utrum potentia generandi sub omnipotentia comprehendatur. 5. La puissance d'engendrer est-elle incluse dans la toute puissance? q. 2 pr. 6 Sexto
utrum potentia generandi et potentia creandi sint idem. 6. La puissance d'engendrer et celle de crйer sont-elles une mкme
puissance? Article 1: Y a-t-il une puissance gйnйrative en Dieu?
q. 2 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum in divinis sit potentia generativa. Et videtur quod non. Il semble que non[1]:
Objections. q. 2 a. 1 arg. 1
Omnis enim potentia vel est activa vel passiva. Sed in divinis non potest esse
potentia passiva aliqua; nec ibi generativa potentia potest esse activa; quia
sic filius esset actus vel factus, quod est contra fidem. Ergo in divinis non
est potentia generativa. 1. Car toute puissance est active ou passive. Mais en Dieu il ne peut
pas y avoir de puissance passive, et la puissance gйnйrative ne peut pas y кtre
active, parce que le Fils de Dieu serait un acte ou un produit[2]; ce qui est
contre la foi. Donc, en Dieu, il n'y a pas de puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 2
Praeterea, secundum philosophum, cuius est potentia, eius est actio. Sed generatio non est in divinis. Ergo nec generativa potentia. Probatio
mediae. Ubicumque est generatio ibi est communicatio naturae, et receptio
eiusdem. Sed cum recipere sit materiae, vel passivae potentiae, quae in divinis
non est, receptio Deo competere non potest. Ergo in divinis non potest esse
generatio. 2. Selon le philosophe (Le Sommeil et Veille ch.1), l'action vient de
celui qui a la puissance [1]. Mais il n'y a pas de gйnйration en Dieu [2]. Donc
pas de puissance gйnйrative [3]. Preuve intermйdiaire[3]: Partout oщ il y a
gйnйration, il y a communication d'une nature et sa rйception. Mais comme
recevoir est propre а la matiиre ou а la puissance passive, qui (toutes deux)
n'existent pas en Dieu, la rйception ne peut lui convenir. Donc en Dieu il ne
peut pas y avoir de gйnйration.
q. 2 a. 1 arg. 3
Praeterea, generans oportet esse distinctum a genito. Non autem secundum illud
quod generans communicat genito, quia in hoc potius conveniunt. Ergo debet esse
in genito aliquid aliud ab eo quod est sibi per generationem communicatum; et
ita oportet omne genitum esse compositum, ut videtur. In divinis autem non est
aliqua compositio. Ergo non potest esse genitus Deus; et sic non est ibi
generatio; et ita ut prius. 3. L'engendeur doit кtre distinct de l'engendrй. Mais pas sur ce que
communique l'engendreur а l'engendrй, parce que c'est en cela qu'ils se
rencontrent le plus. Donc il doit y avoir dans l'engendrй quelque chose d'autre
que ce qui lui est communiquй par gйnйration; et ainsi il faut, comme on le
voit, que tout ce qui est engendrй soit composй. Mais en Dieu il n'y a pas de
composition. Donc il ne peut y avoir un Dieu engendrй; et ainsi il n'y a pas de
gйnйration. Et de mкme que ci-dessus.
q. 2 a. 1 arg. 4
Praeterea, nihil imperfectionis est Deo attribuendum. Sed omnis potentia respectu sui actus, imperfecta est, tam activa quam
passiva. Ergo potentia generativa in Deo ponenda non est. 4. Il ne faut rien attribuer d'imparfait а Dieu[4]; mais toute
puissance, tant active que passive, est imparfaite par rapport а son acte[5].
Donc on ne doit pas attribuer de puissance gйnйrative а Dieu.
q. 2 a. 1 arg. 5 Sed
dicit respondens, quod hoc est verum de potentia non coniuncta actui.- Sed
contra, omne quod perficitur per alterum est minus perfectum eo per quod
perficitur. Sed potentia coniuncta actui perficitur per actum. Ergo actus est
ea perfectior; et sic etiam potentia actui coniuncta, respectu actus,
imperfecta est. 5. Mais celui qui rйpond dit que c'est vrai de la puissance qui n'est
pas jointe а un acte l'acte – Mais en sens contraire, tout ce qui est achevй
par un autre est moins parfait que ce par quoi il est achevй. Mais la puissance
jointe а l'acte est achevйe par lui. Donc l'acte est plus parfait qu'elle, et
ainsi mкme la puissance jointe а l'acte, par rapport а lui, est imparfaite.
q. 2
a. 1 arg. 6 Praeterea, natura divina est efficacior in agendo quam natura
creata. Sed in creaturis invenitur natura aliqua quae non operatur per aliquam
potentiam mediam sed per se ipsam, sicut sol illuminat aerem et anima vivificat
corpus. Ergo multo fortius divina natura non per aliquam potentiam, sed per se
ipsam est principium generationis; et ita in divinis non est ponenda potentia
generativa. 6. La nature divine est plus efficace en agissant que la nature crййe.
Mais on trouve dans les crйatures une nature qui n'opиre pas par une puissance
intermйdiaire mais par elle-mкme; ainsi le soleil illumine l'air et l'вme donne
vie au corps. Donc la nature divine, beaucoup plus intensйment est principe de
gйnйration, non pas par quelque puissance, mais par elle-mкme, et ainsi il ne
faut pas placer en Dieu de puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 7
Praeterea, generativa potentia aut attestatur dignitati aut indignitati. Non
autem attestatur dignitati, quia sic in superioribus creaturis esset magis quam
in infimis, scilicet in Angelis et caelestibus corporibus magis vel potius quam
in animalibus et in plantis. Ergo attestatur indignitati, et sic non est in Deo
ponenda. 7. La puissance gйnйrative rйvиle sa dignitй ou son indignitй. Mais
elle ne rйvиle pas sa dignitй, sinon elle serait plus dans les crйatures
supйrieures que dans les crйatures infйrieures, c'est-а-dire dans les anges et
les corps cйlestes, plus ou mieux que dans les animaux et les plantes. Donc
elle rйvиle son indignitй et il ne faut pas la placer en Dieu.
q. 2 a. 1 arg. 8 Praeterea, in rebus
inferioribus duplex invenitur generativa potentia: scilicet completa ut in his
quorum generatio est per sexuum commixtionem; et incompleta quae est sine
sexuum commixtione ut in plantis. Cum ergo completa Deo non attribuatur, quia
non potest poni in divinis sexuum commixtio, videtur quod nullo modo sit ibi
potentia generativa. 8. Dans les кtres infйrieurs, on trouve deux sortes de puissance
gйnйrative; а savoir une puissance complиte, comme dans ceux dont la gйnйration
s'accomplit par union des sexes; et incomplиte, sans union des sexes comme dans
les plantes. Donc, comme la gйnйration complиte n'est pas attribuйe а Dieu,
parce qu'il n'est pas possible de placer en lui l'union des sexes, on voit bien
qu'en aucune maniиre il n'y a en lui de puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 9
Praeterea, sub potentia non cadit nisi possibile, cum potentia respectu
possibilis dicatur. Sed generationem esse in divinis, non est possibile vel
contingens, cum sit aeternum. Ergo respectu eius, potentia in divinis dici non
potest; et sic non est ibi generativa potentia. 9. Sous la puissance ne tombe que le possible, puisqu'on dit que la
puissance est en rapport avec lui[6]. Mais qu'il y ait de la gйnйration en Dieu
n'est ni possible, ni contingent, puisqu'il est йternel. Donc on ne peut parler
de puissance en rapport avec lui et ainsi il n'y a pas de puissance gйnйrative
en lui.
q. 2 a. 1 arg. 10
Praeterea, potentia Dei cum sit infinita, non finitur neque ad actum neque ad
obiectum. Sed si sit in Deo potentia generativa, eius actus erit generatio,
effectus vero filius. Ergo potentia patris non se habebit tantum ad unum filium
generandum, sed ad plures; quod est absurdum. 10. Comme la puissance de Dieu est infinie, elle ne se termine ni а
l'acte, ni а l'objet. Mais s'il y a en Dieu une puissance gйnйrative, son
action sera la gйnйration, et son effet un fils. Donc la puissance du Pиre ne
consistera pas а engendrer seulement un fils, mais plusieurs, ce qui est
absurde.
q. 2 a. 1 arg. 11 Praeterea,
secundum Avicennam quando res aliqua habet aliquid tantum ab altero, ei
secundum se consideratae attribuitur oppositum eius, sicut aer qui non habet
lumen nisi ab alio secundum se consideratus est tenebrosus, et per hunc modum
omnes creaturae, quae habent ab alio esse, veritatem et necessitatem, secundum
se consideratae, sunt non entes, falsae et impossibiles. Sed nihil tale potest
esse in divinis. Ergo non potest ibi esse aliquis qui tantum habeat esse ab
altero; et ita non potest ibi esse aliquis genitus; et per consequens nec
generatio nec generativa potentia. 11. Selon Avicenne[7], quand une chose ne possиde quelque chose que
d'une autre, c'est son contraire qui lui est attribuй[8], considйrйe en soi;
ainsi l'air sans lumiиre, а moins de la recevoir d'une autre chose, considйrй
en soi, est tйnйbreux et de cette maniиre toutes les crйatures qui tiennent
d'un autre l'кtre, la vйritй et la nйcessitй, considйrйes en soi, sont des non
йtants, des crйatures fausses et impossibles. Mais il ne peut y avoir rien de
tel en Dieu. Donc il ne peut y avoir en lui quelqu'un qui tienne son кtre
seulement d'un autre, et ainsi il ne peut y avoir quelqu'un d'engendrй, et par
consйquent ni gйnйration, ni puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 12
Praeterea, in divinis filius non habet aliquid nisi quod a patre accipit;
aliter sequeretur quod esset ibi compositio. Sed a patre accepit essentiam.
Ergo in filio non est nisi essentia. Si ergo est ibi generatio, vel filius est
genitus, oportebit essentiam esse genitam; quod est falsum, quia sic essentia
distingueretur in divinis. 12. En Dieu, le Fils n'a rien d'autre que ce qu'il reзoit du Pиre,
autrement il s'ensuivrait qu'il y aurait composition. Mais du Pиre il a reзu
l'essence. Donc en lui, il n'y a que l'essence. Si donc il y a gйnйration, ou
si le Fils est engendrй, il faudra que l'essence soit engendrйe, ce qui est
faux, parce qu'ainsi elle serait diffйrente.
q. 2 a. 1 arg. 13
Praeterea, si pater generat in divinis, oportet quod ei conveniat secundum suam
naturam. Sed eadem est natura in patre et filio et spiritu sancto. Ergo eadem
ratione et filius et spiritus sanctus generabunt; quod est contra fidei
documenta. 13. Si, en Dieu, le Pиre engendre, il faut que cela convienne а sa
nature. Mais la nature est identique dans le Pиre, le Fils et l'Esprit Saint.
Donc pour la mкme raison, le Fils et l'Esprit Saint engendreront, ce qui est
contre les dogmes de la foi.
q. 2 a. 1 arg. 14
Praeterea, natura quae perpetuo et perfecte in uno supposito invenitur, non
communicatur alteri supposito. Sed natura divina perfecte invenitur in patre,
et perpetuo, cum sit incorruptibilis. Ergo alteri supposito non communicatur;
et ita non est ibi generatio. 14. La nature qui se trouve de faзon perpйtuelle et parfaitement dans
un suppфt unique, n'est pas communiquйe а un autre. Mais la nature divine se
trouve parfaitement dans le Pиre, et perpйtuellement, puisqu'elle est
incorruptible. Donc elle n'est pas communiquйe а un autre suppфt et ainsi il
n'y a pas lа de gйnйration.
q. 2 a. 1 arg. 15 Praeterea,
generatio est species mutationis. Sed in divinis non est aliqua mutatio. Ergo
nec generatio: ergo nec generativa potentia. 15. La gйnйration est une espиce de changement. Mais en Dieu il n'y pas
de changement: donc pas de gйnйration, donc pas de puissance gйnйrative.
En sens contraire: q. 2 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Secundum philosophum perfectum unumquodque est quando potest
alterum tale facere quale ipsum est. Sed Deus pater est perfectus. Ergo potest
alterum talem facere qualis ipse est; et sic potest filium generare. 1. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
V, 16, 1022 a 2[9]) un кtre est parfait quand il peut faire un autre tel que
lui. Mais Dieu le Pиre est parfait. Donc il peut faire une autre tel que lui et
ainsi il peut engendrer un Fils.
q. 2 a. 1 s. c. 2
Praeterea, Augustinus dicit quod si pater generare non potuit, impotens fuit.
Sed in Deo nullo modo est impotentia. Ergo potuit generare: et sic est ibi
potentia generandi. 2. Augustin (Contre Maximinien, III,
ch. 7[10]) dit que, si le Pиre n'a pu engendrer, il a йtй impuissant. Mais, en
Dieu, il n'y a absolument pas d'impuissance. Donc il a pu engendrer et ainsi il
a la puissance d'engendrer.
Rйponse q. 2 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum, quod natura cuiuslibet actus est, quod seipsum communicet
quantum possibile est. Unde unumquodque agens agit secundum quod in actu est.
Agere vero nihil aliud est quam communicare illud per quod agens est actu,
secundum quod est possibile. Natura autem divina maxime et purissime actus est.
Unde et ipsa seipsam communicat quantum possibile est. Communicat autem se
ipsam per solam similitudinem creaturis, quod omnibus patet; nam quaelibet
creatura est ens secundum similitudinem ad ipsam. Sed fides Catholica etiam
alium modum communicationis ipsius ponit, prout ipsamet communicatur
communicatione quasi naturali: ut sicut ille cui communicatur humanitas, est
homo, ita ille cui communicatur deitas, non solum sit Deo similis, sed vere sit
Deus. Il est de la nature de n'importe quel acte de se communiquer autant que
possible. C'est pourquoi chaque agent agit selon qu'il est en acte. Mais agir
n'est rien d'autre que communiquer ce par quoi l'agent est acte, dans la mesure
du possible. Mais la nature divine est au plus haut point et trиs exclusivement
un acte[11]. C'est pourquoi elle se communique dans la mesure du possible[12].
Elle se communique par sa seule ressemblance aux crйatures, ce qui se voit en
toutes, car une crйature est un йtant а sa ressemblance. Mais la foi catholique
aussi place un autre moyen de communication selon qu'elle est communiquйe d'une
maniиre pour ainsi dire naturelle[13]; ainsi de mкme que celui а qui est
communiquйe l'humanitй est un homme, de mкme celui а qui est communiquйe la
divinitй, non seulement est semblable а Dieu, mais il est vraiment Dieu.
Oportet autem circa hoc advertere, quod natura divina a formis
materialibus in duobus differt: Mais а ce sujet, il faut faire attention que la nature divine est
diffйrente des formes matйrielles de deux maniиres:
primo quidem per hoc quod formae materiales non sunt subsistentes; unde
humanitas in homine non est idem quod homo qui subsistit: deitas autem est idem
quod Deus; unde ipsa natura divina est subsistens. 1) Du fait que ces derniиres ne sont pas subsistantes; c'est pourquoi
l'humanitй dans l'homme n'est pas identique а l'homme qui subsiste; mais la
divinitй est identique а Dieu, c'est pourquoi sa nature propre est subsistante.
Aliud est quod nulla forma vel natura creata est suum esse; sed ipsum
esse Dei est eius natura et quidditas; et inde est quod proprium nomen ipsius
est: qui est, ut patet Exod. cap. III, 14, quia sic denominatur quasi a propria
sua forma. 2) Nulle forme ou nature crййe n'est son кtre, mais l'кtre mкme de Dieu
est sa nature et sa quidditй[14]; et pour cela son nom propre est Qui est,
comme on le voit en Ex. 3,14[15], parce qu'il est ainsi dйfini comme par sa
propre forme.
Forma ergo in istis inferioribus, quia per se non subsistit, oportet
quod in eo cui communicatur, sit aliquid aliud per quod forma vel natura subsistentiam
recipiat: et haec est materia, quae subsistit formis materialibus et naturis.
Quia vero natura materialis vel forma, non est suum esse, recipit esse per hoc
quod in alio suscipitur; unde secundum quod in diversis est, de necessitate
habet diversum esse: unde humanitas non est una in Socrate et Platone secundum
esse, quamvis sit una secundum propriam rationem. Donc, parce que la forme dans les кtres infйrieurs ne subsiste pas par
elle-mкme, il faut que ce en quoi elle est communiquйe soit quelque chose
d'autre par laquelle la forme ou la nature reзoit sa subsistance[16]; et c'est
la matiиre qui subsiste par les formes et les natures matйrielles. Mais, parce
que la nature matйrielle ou la forme n'est pas son кtre, elle le reзoit du fait
qu'elle est reзue dans un autre. C'est pourquoi, selon qu'elle est dans ce qui
est diffйrent, elle a nйcessairement un кtre diffйrent. Ainsi l'humanitй n'est
pas une dans Socrate et Platon selon l'кtre, bien qu'elle le soit selon sa
propre dйfinition.
In communicatione vero qua divina natura communicatur, quia ipsa est
per se subsistens, non requiritur aliquid materiale per quod subsistentiam
recipiat; unde non recipitur in aliquo quasi in materia, ut sic genitus, ex
materia et forma inveniatur compositus. Et quia iterum ipsa essentia est suum
esse, non accipit esse per supposita in quibus est: unde per unum et idem esse
est in communicante et in eo qui communicatur; et sic manet eadem secundum
numerum in utroque. Dans l'acte par lequel la nature divine se communique, parce qu'elle
est subsistante par soi, elle n'a pas besoin de quelque chose de matйriel pour
recevoir sa subsistance; donc elle n'est pas reзue dans quelque chose comme
dans la matiиre, de sorte que ce qui est engendrй se trouverait composй de
matiиre et de forme. Et parce que, а nouveau, sa propre essence est son кtre,
elle ne le reзoit pas par les suppфts en qui elle est; c'est pourquoi par un
seul et mкme кtre, elle est dans celui qui communique et dans celui qui est
communiquй et ainsi elle demeure la mкme selon le nombre dans les deux.
Huius autem communicationis exemplum in operatione intellectus
congruentissime invenitur. Nam ipsa divina natura spiritualis est, unde per
exempla spiritualia melius manifestatur. Cum enim alicuius rei extra animam per
se subsistentis noster intellectus concipit quidditatem, fit quaedam
communicatio rei quae per se existit, prout a re exteriori intellectus noster
eius formam aliquo modo recipit; quae quidem forma intelligibilis, in
intellectu nostro existens, aliquo modo a re exteriori progreditur. Sed quia
res exterior diversa a natura intelligentis est; aliud est esse formae
intellectus comprehensae, et rei per se subsistentis. L'exemple de cette communication, on le trouve de maniиre trиs
pertinente dans l'opйration de l'esprit[17]. Car la nature divine est
spirituelle; c'est pourquoi elle est plus facilement rйvйlйe par des exemples
spirituels. Car lorsque notre esprit conзoit la quidditй de ce qui subsiste par
soi hors de l'вme, ce qui existe par soi se communique dans la mesure oщ notre
esprit reзoit sa forme d'une certaine maniиre de la rйalitй extйrieure; cette
forme intelligible, qui existe dans notre esprit, vient de la rйalitй
extйrieure d'une certaine maniиre. Mais parce que cela est diffйrent de la
nature de celui qui la pense, l'кtre de la forme pensйe par l'intellect et de
ce qui subsiste par soi est diffйrent.
Cum vero intellectus noster sui ipsius quidditatem concipit, utrumque
servatur: quia videlicet et ipsa forma intellecta ab intelligente in intellectum
aliquo modo progreditur cum intellectus eam format; et unitas quaedam servatur
inter formam conceptam quae progreditur et rem unde progreditur, quia utrumque
habet intelligibile esse, nam unum est intellectus, et aliud est intelligibilis
forma, quae dicitur verbum intellectus. Quia tamen intellectus noster non est
secundum suam essentiam in actu perfecto intellectualitatis, nec idem est
intellectus hominis quod humana natura; sequitur quod verbum praedictum etsi
sit in intellectu, et ei quodammodo conforme, non tamen sit idem quod ipsa
essentia intellectus, sed eius expressa similitudo. Nec iterum in conceptione
huiusmodi formae intelligibilis, natura humana communicatur, ut generatio
proprie dici possit, quae communicationem naturae importat. Mais quand notre esprit conзoit sa propre quidditй, l'un et l'autre
sont conservйs, parce que la forme mкme pensйe par celui qui la pense en son
esprit sort en quelque maniиre quand l'esprit lui donne forme et une certaine
unitй est conservйe entre la forme conзue qui sort et ce dont elle sort, parce
que les deux ont un кtre intelligible, car l'un est l'esprit et l'autre la
forme intelligible qu'on appelle le verbe de l'esprit. Cependant parce que
notre esprit n'est pas, en son essence, en acte parfait d'intelligibilitй, et
que l'esprit de l'homme n'est pas identique а la nature humaine, il en dйcoule
que ce verbe, mкme s'il est dans l'esprit et de mкme forme d'une certaine
maniиre, n'est cependant pas le mкme que l'essence mкme de l'esprit, mais sa
ressemblance exprimйe. Et а nouveau, dans la conception d'une forme
intelligible de ce genre, la nature humaine n'est pas communiquйe, comme on
pourrait le dire а proprement parler de la gйnйration qui apporte communication
de la nature.
Sicut autem in nostro intellectu seipsum intelligente invenitur quoddam
verbum progrediens, eius a quo progreditur similitudinem gerens; et ita in
divinis invenitur verbum similitudinem eius a quo progreditur habens. Cuius
processione in duobus verbi nostri processionem superat. Dans notre esprit qui se comprend lui-mкme, on trouve un verbe qui
sort, portant ressemblance de ce dont il sort; et de mкme, en Dieu, on trouve
un verbe qui a ressemblance de celui dont il sort. Par sa procession il dйpasse
en deux points celle de notre verbe.
Primo in hoc quod verbum nostrum est diversum ab essentia intellectus,
ut dictum est; intellectus vero divinus qui in perfecto actu intellectualitatis
est secundum suam essentiam, non potest aliquam formam intelligibilem recipere
quae non sit sua essentia; unde verbum eius unius essentiae cum ipso est, et
iterum ipsa divina natura eius intellectualitas est; et sic communicatio quae
fit per modum intelligibilem, est etiam per modum naturae, ut generatio dici
possit; 1) Premiиrement, en ce que notre verbe est diffйrent de l'essence de
l'esprit comme on l'a dit; mais l'esprit divin qui est, selon son essence, en
acte parfait d'intelligibilitй, ne peut recevoir une forme intelligible qui ne
soit pas son essence. C'est pourquoi son verbe est d'une seule essence avec lui
et en plus la nature divine elle-mкme est son intellectualitй et ainsi la
communication qui se fait par mode intelligible est aussi par mode de nature
pour qu'on puisse l'appeler gйnйration.
in quo secundo processionem verbi nostri Dei verbum excedit.
Et hunc modum generationis
Augustinus assignat. 2) Deuxiиmement, le verbe de Dieu dйpasse la procession de notre verbe.
Et c'est ce mode de gйnйration qu'Augustin attribue а Dieu (La Trinitй).
Quia vero de divinis loquimur secundum modum nostrum,- quem intellectus
noster capit ex rebus inferioribus, ex quibus scientiam sumit,- ideo sicut in
rebus inferioribus cuicumque attribuitur actio, attribuitur aliquod actionis
principium, quod potentia nominatur; ita et in divinis, quamvis in Deo non sit
differentia potentiae et actionis, sicut in rebus creatis. Et propter hoc,
generatione in Deo posita, quae per modum actionis significatur, oportet ibi
concedere potentiam generandi, vel potentiam generativam. Parce que nous parlons de Dieu а notre maniиre: notre esprit prend des
choses infйrieurs, et il en tire sa connaissance, –aussi de mкme que dans les
кtres infйrieurs, а qui que ce soit qu'on attribue l'action, on attribue un
principe d'action, qu'on appelle puissance; de mкme on l'attribue а Dieu,
quoique en lui il n'y ait pas, comme dans les crйatures, de diffйrence entre la
puissance et l'action. Et c'est pour cela qu'une fois йtablie la gйnйration en
Dieu qui est signifiйe par son mode d'action, il faut lui accorder la puissance
d'engendrer ou puissance gйnйrative.
Solutions q. 2 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod potentia quae in Deo ponitur nec proprie activa nec
passiva est, cum in ipso non sit nec praedicamentum actionis nec passionis, sed
sua actio est sua substantia; sed ibi est potentia per modum potentiae activae
significata. Nec tamen oportet quod filius sit actus vel factus, sicut nec
oportet quod proprie sit ibi actio vel passio. # 1. La puissance qu'on place en Dieu n'est, а proprement parler, ni
active ni passive, puisqu'il n'y a pas en lui les catйgories d'action ou de
passion[18], mais son action est sa substance, mais c'est lа qu'est la
puissance signifiйe par le mode de puissance active. Cependant il ne faut que
le Fils soit ni un acte ou un produit, de mкme qu'il ne faut pas qu'il y ait lа
proprement action ou passion.
q. 2 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod cum recipere terminetur ad habere, sicut ad finem;
dupliciter dicitur aliquid esse recipiens, sicut dupliciter est, habens. # 2. Comme la rйception se termine а la possession en tant qu'elle en
est la fin, on parle de deux maniиres de ce qui reзoit, de mкme que de ce qui
possиde.
Habet enim uno modo materia formam suam, et subiectum accidens, vel
qualitercumque habitum est extra essentiam habentis; a) Car la matiиre possиde d'une seule maniиre sa forme et le sujet son
accident, mкme de quelque maniиre que ce qui est possйdй soit hors de l'essence
de celui qui le possиde.
habet autem alio modo suppositum naturam, ut hic homo humanitatem; quae
quidem non est extra essentiam habentis, immo est eius essentia. Socrates enim
est vere id quod homo est. Genitus ergo in humanis etiam non recipit formam
generantis sicut materia formam, vel sicut subiectum accidens sed sicut
suppositum vel hypostasis habet naturam speciei; et similiter est in divinis.
Unde non oportet quod sit in Deo genito aliqua materia vel subiectum naturae
divinae: sed quod ipse filius subsistens sit qui naturam divinam habeat. b) Mais le suppфt possиde sa nature d'une autre maniиre, comme cet
homme possиde l'humanitй, qui n'est pas hors de l'essence de son possesseur,
mais est tout а fait son essence. Car Socrate est vйritablement ce qu'est un
homme. Donc celui qui est engendrй chez les hommes, ne reзoit pas la forme de
celui qui l'engendre, comme la matiиre reзoit sa forme, ou comme le sujet
l'accident, mais comme le suppфt ou l'hypostase possиde la nature de l'espиce;
il en est de mкme en Dieu. C'est pourquoi il ne faut pas qu'il y ait en ce Dieu
qui est engendrй de la matiиre ou un substrat de nature divine: mais que le
Fils subsistant soit lui-mкme celui qui possиde la nature divine[19].
q. 2 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod Deus genitus non distinguitur a Deo generante per
aliquam essentiam additam, cum, sicut dictum est, non requiratur aliqua materia
in qua recipiatur natura divina. Distinguitur autem per ipsam relationem, quae
est ab alio habere naturam, ita quod in filio ipsa relatio filiationis tenet
locum omnium principiorum individuantium in rebus creatis (propter quod dicitur
proprietas personalis), ipsa autem natura divina tenet locum naturae speciei.
Quia autem ipsa relatio secundum rem a natura divina non differt, non fit ibi
aliqua compositio, sicut apud nos ex principio speciei et ex individuantibus
quaedam compositio relinquitur. # 3. Dieu engendrй n'est pas distinct du Dieu qui engendre par une
essence ajoutйe, puisque, comme on le dit (dans le corps de l'article), il n'a
pas besoin de matiиre dans laquelle serait reзue la nature divine. Mais il est
distinguй par la relation qui consiste а possйder sa nature d'un autre, de
sorte que dans le Fils la relation de filiation tient lieu de tous les
principes qui individualisent dans les crйatures (c'est pour cela qu'on
l'appelle propriйtй personnelle), mais la nature divine mкme tient lieu de la
nature de forme (species). Parce que la relation en rйalitй ne diffиre pas de
la nature divine; il ne se fait lа aucune composition, comme chez nous, une
certaine composition demeure par le principe de l'espиce et ce qui
l'individualise.
q. 2 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod ratio illa procedit, quando potentia illa ab actu
differt, sive sit coniuncta actui, sive non; hoc autem non habet locum in
divinis. # 4. Cette raison[20] est valable quand cette puissance est diffйrente
de l'acte, qu'elle lui soit jointe, ou non, mais cela n'a pas de place en Dieu.
q. 2 a. 1 ad 5 Et
sic patet solutio ad quintum. # 5. Et ainsi la solution а l'objection 5 est йvidente.
q. 2 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod omne illud quod est principium actionis, ut quo agitur,
habet potentiae rationem; sive sit essentia, sive aliquod accidens medium, puta
qualitas quaedam inter essentiam et actionem. In creaturis tamen corporalibus
vel vix vel nunquam invenitur aliqua actio alicuius naturae substantialis nisi
mediante aliquo accidente: sol enim mediante luce quae in ipso est, illuminat.
Quia vero anima vivificat corpus est per essentiam animae. Sed vivificare,
licet per modum actionis dicatur, non tamen est in genere actionis, cum sit
actus primus magis quam secundus. # 6. Tout ce qui est principe d'action, comme par quoi il subit, a
valeur de puissance; que ce soit l'essence, ou quelque accident intermйdiaire;
par exemple une qualitй entre l'essence et l'action. Cependant dans les
crйatures corporelles, rarement ou jamais, on ne trouve une action d'une nature
substantielle, sinon par quelque accident intermйdiaire. Le soleil, en effet,
йclaire а l'aide de la lumiиre, qui est en lui. Ainsi parce que l'вme donne vie
au corps c'est par son essence. Mais donner vie, bien qu'on le dise par mode d'action,
n'est cependant pas dans le genre de l'action, puisque c'est un acte premier
plus qu'un acte second[21].
q. 2 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod in creaturis non potest esse generatio sine divisione
essentiae vel naturae secundum esse, cum natura non sit suum esse; et ideo in
creaturis est generatio cum aliqua indignitate: et propter hoc in creaturis
nobilioribus non competit generatio. Sed in Deo potest esse generatio huiusmodi
sine huiusmodi vel alia imperfectione; et ideo nihil prohibet generationem ibi
ponere. # 7. Dans les crйatures il ne peut y avoir gйnйration sans division de
l'essence ou de la nature selon l'кtre, puisque la nature n'est pas son кtre et
c'est pourquoi en elles, il y a une gйnйration avec une certaine indignitй et
c'est pour cela que la gйnйration ne convient pas aux crйatures plus nobles.
Mais en Dieu il peut y avoir une telle gйnйration sans imperfection de ce genre
ou autre et c'est pourquoi rien n'empкche de placer la gйnйration en lui.
q. 2 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod illa ratio procedit de generatione materiali; unde ad
propositum, locum non habet. # 8. Cette raison procиde de la gйnйration matйrielle; donc elle n'a
pas place dans notre propos.
q. 2 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod illud quod est obiectum potentiae activae vel passivae
cuius actio vel passio est cum motu, oportet esse possibile et contingens, cum
omne mobile huiusmodi sit. Talis autem non est potentia generativa in Deo, ut
dictum est; unde ratio non sequitur. # 9. Ce qui est l'objet d'une puissance active ou passive, dont
l'action ou la passion est avec mouvement, doit кtre possible et contingent,
puisque tout ce qui est mobile est de ce genre. Mais telle n'est pas la
puissance gйnйrative en Dieu, comme on l'a dit; donc cette raison ne convient
pas.
q. 2 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod filius Dei non se habet ad potentiam generativam sicut
effectus, cum eum genitum, non factum confiteamur. Si tamen esset effectus,
potentia generantis non finiretur ad ipsum, quamvis alius generari filius non
possit, quia ipse infinitus est. Quod autem alius filius in divinis esse non
potest, contingit, quia ipsa filiatio est proprietas personalis ipsius; et hoc
quo, ut ita dicam, individuatur. Cuilibet autem individuo principia
individuantia sunt soli sibi; alias sequeretur quod persona vel individuum
esset communicabile ratione. # 10. Le Fils de Dieu ne se comporte pas vis-а-vis de la puissance
gйnйrative comme un effet, puisque nous confessons qu'il est engendrй et non
crйй. Si cependant il йtait un effet, la puissance de celui qui engendre ne se
terminerait pas а lui bien qu'un autre fils ne puisse кtre engendrй, puisqu'il
est lui-mкme infini. Mais le fait qu'un autre fils ne puisse pas exister en
Dieu, arrive parce que la filiation mкme est sa propriйtй personnelle et ce par
quoi il est personalisй pour ainsi dire. Pour n'importe quel individu les
principes qui individualisent sont pour lui seul; autrement il s'ensuivrait que
la personne ou l'individu serait communicable en raison.
q. 2 a. 1 ad 11 Ad undecimum
dicendum, quod verbum illud Avicennae intelligendum est, quando id quod
recipitur ab alio, non idem numero est in recipiente et dante, sicut accidit in
creaturis respectu Dei. Unde omne receptum in creatura, est quasi unitas
respectu esse divini: quia creatura non potest esse recipere secundum illam
perfectionem quae in Deo est. Sed filius in divinis accipit a patre eamdem
naturam numero quam pater habet: et ideo non procedit. # 11. Il faut comprendre que ce mot d'Avicenne s'applique quand ce qui
est reзu d'un autre n'est pas identique en nombre dans celui qui reзoit et
celui qui donne, comme cela arrive pour les crйatures par rapport а Dieu. C'est
pourquoi tout ce qui est reзu dans la crйature est comme une unitй par rapport
а l'кtre divin; parce que la crйature ne peut pas recevoir l'кtre selon cette
perfection qui est en Dieu. Mais le Fils reзoit du Pиre une nature identique en
nombre а celle du Pиre; et c'est pourquoi, cette objection n'est pas valable.
q. 2 a. 1 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod filius non habet aliquid realiter divisum ab essentia
quam a patre recipit: sed hoc ipso quod a patre recipit, oportet in ipso esse
relationem qua ad patrem referatur, et per quam ab eo distinguatur. Ipsa tamen
relatio realiter ab essentia non differt. # 12. Le Fils n'a rien qui soit rйellement sйparй de l'essence qu'il
reзoit du Pиre; mais il faut que ce qu'il reзoit du Pиre soit en lui une
relation par laquelle il se rйfиre au Pиre, et par laquelle il est distinguй de
lui. Cependant cette relation n'est pas rйellement diffйrente de l'essence[22].
q. 2 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet eadem natura sit in patre et filio, est
tamen secundum alium modum existendi, scilicet cum alia relatione et ideo non
oportet quod quidquid convenit patri per naturam suam, conveniat filio. #13. Bien que la nature soit la mкme dans le Pиre et le Fils, elle
prйsente un autre mode d'existence, c'est-а-dire avec une autre relation et
c'est pourquoi il ne faut pas que ce qui convient au Pиre par sa nature convienne
au Fils.
q. 2 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod creaturae per hoc quod participant naturam
speciei, pertingunt ad divinam similitudinem: unde quod aliquod suppositum
creatum subsistat in natura creata, est ordinatum ad alterum tamquam ad finem;
et ideo ex quo sufficienter pervenitur ad finem per unum individuum, secundum
perfectam et propriam participationem naturae speciei, non oportet aliud
individuum in illa natura subsistere. Sed natura divina est finis: et non
propter aliquem finem. Fini autem congruit ut communicetur secundum omnem
possibilem modum. Unde quamvis ibi in uno supposito perfecte et proprie
inveniatur; nihil prohibet quin etiam inveniatur in alio. # 14. En participant а la nature de l'espиce, les crйatures parviennent
а la ressemblance divine: c'est pourquoi le fait qu'un suppфt crйй subsiste
dans la nature crййe est ordonnй а un autre comme а sa fin, et ainsi du fait
qu'on parvient avec suffisance а la fin par un individu, selon la participation
parfaite et propre de la nature de l'espиce, il ne faut pas qu'un autre
individu demeure dans cette nature. Mais la nature divine est la fin et non en
vue d'une fin. Il convient а une fin d'кtre communiquйe, de toute maniиre
possible. C'est pourquoi, quoique lа on le trouve dans un suppфt parfaitement
et en propre, rien n'empкche qu'on le trouve dans un autre.
q. 2 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod generatio est species mutationis ex parte illa
qua natura per generationem communicata recipitur in aliqua materia, quae est
mutationis subiectum. Hoc autem non accidit in divina generatione; ideo ratio
non sequitur. # 15. La gйnйration est une espиce de changement du cфtй oщ la nature
communiquйe par gйnйration est reзue dans une matiиre qui est le sujet du
changement. Mais cela n'arrive pas dans la gйnйration divine, c'est pourquoi
l'argument ne convient pas.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: Ia. qu. 27. a. 2 – Ia, q. 41, a. 4 –1 Sent., d7q1a1. Contra Graecos,
3, Compendium 40, 43 – (Ad Col. 1, lectio 4).
[2]
La puissance active est comprise ici comme dans la question I, comme puissance
crйatrice, puissance de faire, qui aboutit а une crйature.
[3]
Dйmonstration de la deuxiиme proposition du syllogisme. Les propositions sont
ici numйrotйes. La gйnйration est ici conзue а l'image de la gйnйration des
crйatures oщ il y a communication et rйception dans la matiиre.
[4]Anselme, Monologium, XV. Cf. Pot. 1, 1, obj. 2.
[5]Vient
d'Aristote. Mйtaphysique, IX, 9, 1051
a 4-15. L'argument est utilisй pour la puissance en gйnйral. "Toute
puissance trouve plus parfait qu'elle, а savoir la forme pour la puissance
passive et l'opйration pour la puissance active." Cf. obj. suivante.
[6]
Cela a йtй dйmontrй qu. 1, a. 3.
[7]
Avicenne, Ibn Sina, 980-1037, mйdecin, philosophe et thйologien arabe. Il vйcut
en Perse de 980 а 1037. Son oeuvre a eu une influence importante sur la
philosophie chrйtienne de l'вge scolastique. Il est souvent citй dans le De
potentia. Son influence y est importante."...l'ordre du De potentia
s'explique bien si on l'oppose а une philosophie йmanatiste, analogue а celle
d'Avicenne..." Maurice Bouyges, l'idйe gйnйratrice du De potentia de saint
Thomas, p. 267.
L'objection
courantes des Musulmans contre la Trinitй est qu'elle est impossible а cause de
la simplicitй de Dieu. Ici c'est une seconde objection.
[8]
La gйnйration s'opиre dans l'opposй.
[9]
De Finance, p. 187, note 1. Les rйfйrences en Pot. 3, 9, obj. 25, sont Mйtйores
IV, 3, 380 a 11-15 - L'вme, II, 4, 415
a 33. Cf. Ia, qu. 4, a. 1.
[10]
PL 42, 762.
[11]
Il est acte pur.
[12]
Il s'agit du possible dans ce qui reзoit. Cf. Rosemann, P.W. Omne ens est
aliquid Louvain, Paris 1996. "Puisque "l'autre" sur lequel porte
l'opйration porte aussi une tendance а s'йpanouir qui s'opposera а celle de
l'agent, aucun action ne parviendra а s'assimiler tout а fait
"l'autre" avec lequel elle entre en contact." p. 66.
L'argumentation
est la mкme que chez Albert. Cf. P. Vanier, Thйologie trinitaire chez saint
Thomas d'Aquin, Montrйal, Paris, 1953, p. 46.
[13]
Thomas dйmontrera que la crйation dйpend de la volontй et la gйnйration est de
la nature (a. 3). En I Sent, d7q1a1, en parallиle а la puissance naturelle chez
l'homme, il place en Dieu une puissance rationnelle (potentia rationalis), et
en Ia,qu. 27,a. 2, c, un modus intelligibilis actionis (mode d'activitй
intellectuelle, Trad. Йd. des Jeunes). La conception de l'esprit est la
ressemblance de la chose conзue, mais ici il ne parle pas de puissance, mais de
communication.
[14]
Quidditй: nature d'une chose telle qu'elle est exprimйe par sa dйfinition.
[15]
Cf. note de la solution 9 en Pot. qu. 10, a. 1. Ce nom est considйrй comme
celui qui convient le mieux.
[16]
Au sens scolastique du terme. "Car selon que la substance existe par soi
et non dans un autre, elle est appelйe subsistance, car nous disons que
subsiste ce qui n'est pas dans un autre, mais qui existe en soi" (Ia, qu.
29, a. 2, Cf. Pot. 9, 1, c). La subsistance est "le mode substantiel
terminant l'essence individuelle et la rendant incommunicable", (Gardeil, Mйtaphysique, p. 231). Elle est
diffйrente de l'essence et de l'existence.
[17]
Thomas emploie ici presque exclusivement dans le de Potentia, le terme
intellectus, mais dans les passages parallиles des Sentences, il se sert plutфt
du mot mens.
[18]
La substance est la premiиre catйgories, mais elle n'est pas un accident.
[19]
On peut rйsumer ainsi la sol. 2: Deux rйceptions, c'est-а-dire 1. Le devenir en
acte: la matiиre reзoit la forme, le sujet l'accident. 2. La gйnйration: le
suppфt reзoit la nature de son espиce qui est son essence. C'est identique en
Dieu oщ il n'y a pas de matiиre. Le Fils reзoit la nature divine.
[20]
La puissance est imparfaite par rapport а l'acte. "Toute puissance trouve
plus parfait qu'elle ..." Cf. Pot. qu. 1, a. 1. qui renvoie а Mйtaphysique, IX, 9,1051 a 4-15.
[21]
Il s'agit d'une mise en forme et non d'une action rйelle.
[22]
Cf. qu. 8, a. 2.
Article 2: Parle-t-on de la puissance gйnйrative en Dieu selon
l'essence ou la notion ?
q. 2 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur utrum potentia generativa in
divinis dicatur essentialiter vel notionaliter. Et videtur quod notionaliter
tantum. Il semble que c'est selon la notion seulement. Objections[1][1]: q. 2 a. 2 arg. 1 Potentia enim rationem principii habet, ut patet
per definitiones positas V Metaph. Sed principium in divinis respectu divinae
personae notionaliter dicitur. Cum ergo potentia generandi hoc modo principium
importet, videtur quod notionaliter dicatur. 1.
Car la puissance a raison de principe, comme on le voit dans les dйfinitions
donnйes au livre V de la Mйtaphysique (V, 12, 1019 a 15-16[2][2]). Mais on parle de principe en Dieu
en rapport avec la personne divine selon la notion. Donc comme la puissance
d'engendrer de cette maniиre apporte un principe, il semble qu'on en parle
selon la notion. q. 2 a. 2 arg. 2 Sed dicitur, quod significat simul essentiam et
notionem. Sed contra, in divinis,
secundum Boetium, sunt haec duo praedicamenta; substantia, ad quam pertinet
essentia; et ad aliquid, ad quod pertinent notionalia. Non potest autem aliquid esse in duobus
praedicamentis, quia homo albus non est aliquid unum nisi per accidens, ut
habetur V Metaph. Ergo potentia generandi non potest in sua ratione utrumque
complecti, scilicet substantiam et notionem. 2.
Mais on dit que la puissance signifie en mкme temps l'essence et la notion. – En
sens contraire en Dieu, selon Boиce[3][3] (la Trinitй, V), il y a ces
deux catйgories: la substance а laquelle se rattache l'essence; et la relation
а laquelle se rattachent les notions[4][4]. Mais rien ne peut кtre dans deux
catйgories, parce que l'homme blanc n'est quelque chose d'unique que par
accident, comme on le dit (Cf. Mйtaphysique V, 7, 1017 a 8 ss[5][5].). Donc la puissance d'engendrer ne
peut pas par dйfinition embrasser les deux, c'est-а-dire la substance et la
notion. q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, principium in
divinis distinguitur ab eo cuius est principium. Sed essentia non debet
distingui. Ergo non competit ei ratio principii: et ita potentia, quae rationem
principii includit, non significat essentiam. 3. En Dieu, on distingue le principe de ce dont il est
le principe. Mais on ne doit pas faire de distinctions pour l'essence. Donc la
raison de principe ne lui convient pas, et ainsi la puissance, qui inclut la
raison du principe, ne signifie pas l'essence[6][6].
q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, in divinis quod
est proprium, est relativum et notionale; quod vero est commune, est essentiale
et absolutum. Potentia autem generandi non est communis patri et filio, sed
propria patris. Ergo dicitur relative sive notionaliter, non essentialiter nec
absolute. 4. En Dieu, ce qui est en propre est relatif et
notionnel[7][7], et ce qui est commun, essentiel et
absolu. Mais la puissance d'engendrer n'est pas commune au Pиre et au Fils,
mais propre au Pиre. Donc on la dйfinit comme relative ou notionnelle, mais non
comme essentielle ou absolue. q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea, propriae
actionis est principium propria forma, non communis; sicut homo per intellectum
intelligit: nam haec actio est sibi propria respectu animalium aliorum, sicut
et forma rationalitatis sive intellectualitatis. Sed generatio est propria
operatio patris in quantum est pater. Ergo eius principium est paternitas, quae
est propria forma patris, et non deitas, quae est forma communis. Paternitas
vero ad aliquid dicitur. Ergo potentia generandi non solum quantum ad rationem
principii, sed etiam quantum ad id quod est principium, dicitur ad aliquid. 5. Le principe de l'action propre est la forme propre,
non commune; ainsi l'homme comprend par son esprit; car cette action lui est
propre par rapport aux autres кtres animaux, de mкme que la forme de la
rationalitй ou de l'intellectualitй. Mais la gйnйration est l'opйration propre
du Pиre en tant que tel. Donc son principe est la paternitй qui est la forme
propre du Pиre et non la divinitй qui est la forme commune. Et la paternitй est
dйsignйe comme une relation. Donc la puissance d'engendrer, non seulement quant
а la nature du principe, mais aussi quant а ce pour quoi elle est principe, est
appelйe relation. q. 2 a. 2 arg. 6 Praeterea, sicut potentia
generandi realiter ab essentia divina non differt, ita nec etiam paternitas.
Sed hoc non obstante paternitas dicitur tantum ad aliquid. Ergo nec propter hoc
debet dici quod potentia generandi, cum relatione significet essentiam. 6. La puissance d'engendrer ne diffиre pas rйellement
de l'essence divine, la paternitй non plus. Cependant cela n'empкche pas que la
paternitй ne soit dйfinie qu'en tant que relation. Donc ce n'est pas а cause de
cela qu'on doit dire que la puissance d'engendrer signifie l'essence avec une
relation. q. 2 a. 2 arg. 7 Praeterea, in divinis tria
invenimus quae rationem principii habent, scilicet potentiam et scientiam et
voluntatem, quae essentialiter dicuntur in Deo. Sed scientia et voluntas non
simul significantur cum aliqua relatione vel notione in divinis. Ergo pari
ratione nec potentia; et sic non potest dici quod potentia generandi significet
simul essentiam ex parte potentiae, et notionem ex parte generationis; sed
videtur quod significet tantum notionem per rationes inductas. 7. En Dieu, nous trouvons trois attributs qui ont
raison de principe, а savoir la puissance, la science et la volontй, dont on
parle en lui en rapport avec l'essence. Mais on ne signifie pas la science et
la volontй en mкme temps avec une relation ou une notion. Donc, а raison йgale,
la puissance non plus, et ainsi on ne peut pas dire que la puissance
d'engendrer signifie en mкme temps l'essence du cфtй de la puissance et la
notion du cфtй de la gйnйration, mais il semble qu'elle signifie seulement la
notion pour les raisons invoquйes. q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra. Est quod
Magister dicit, 7 dist., I Senten., quod potentia generandi in patre est ipsa
divina essentia. 1. Il y a ce que dit la Maоtre des sentences (I Sent.
d7[8][8]) que la puissance d'engendrer dans le Pиre est
l'essence divine mкme. q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, Hilarius
dicit, quod pater generat virtute naturae divinae. Ergo ipsa natura est
generationis principium; et sic rationem potentiae habet. 2. Hilaire dit (Les synodes[9][9])
que le Pиre engendre par le pouvoir de sa nature divine. Donc sa propre nature
est le principe de la gйnйration et ainsi elle a raison de puissance. q. 2 a. 2 s. c. 3 Praeterea, Damascenus
dicit, quod generatio est opus naturae existens; et sic idem quod prius. 3. Jean Damascиne (La foi orthodoxe, 1, 8[10][10]) dit que la gйnйration est l'oeuvre
de la nature et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 2 s. c. 4 Praeterea, in divinis est tantum una potentia.
Sed potentia creandi dicitur essentialis. Ergo et potentia generandi. 4.
En Dieu, il n'y a qu'une seule puissance[11][11].
Mais on dit que la puissance de crйer est essentielle[12][12].
Donc la puissance d'engendrer aussi. q. 2 a. 2
co. Respondeo. Dicendum quod circa hoc est multiplex opinio. Quidam
enim dixerunt, quod potentia generandi in divinis dicitur tantum ad aliquid: et
movebantur hac ratione: quia potentia secundum suam rationem est principium
quoddam; principium autem relative dicitur et est notionale, si referatur ad
divinam potentiam et non ad creaturas. Sed in hac ratione videntur fuisse
decepti propter duo: ` Sur ce sujet les
opinions sont nombreuses. A)
Car certains ont dit qu'on parle de la puissance d'engendrer en Dieu
seulement comme relation[13][13], et ils y йtaient poussйs parce que
la puissance par nature est un principe; on dit d'un principe qu'il est relatif
et il est notionnel, si on le rapporte а la puissance divine et non aux crйatures.Mais
dans ce raisonnement, ils paraissent s'кtre trompйs pour deux raisons: primo, quia licet potentiae conveniat ratio principii, quod in
genere relationis est, tamen id quod est principium actionis vel passionis, non
est relatio, sed aliqua forma absoluta; et id est essentia potentiae; et inde
est quod philosophus ponit potentiam non in genere relationis, sed qualitatis,
sicut et scientiam, quamvis utrique aliqua relatio accidat. a)
Parce que, bien que la nature du principe, qui est dans le genre de la
relation, convienne а la puissance, cependant ce qui est principe d'action ou
de passion n'est pas une relation mais une forme absolue; et c'est l'essence de
la puissance; et de lа vient que le philosophe place la puissance non pas dans
le genre de la relation mais dans celui de qualitй comme la connaissance aussi,
quoique en chacune des deux on trouve une relation[14][14]. Secundo, quia ea quae in divinis important principium respectu
operationis, non dicuntur notionaliter, sed solum ea quae dicunt principium
respectu eius quod est operationis terminus: principium enim quod notionaliter
dicitur in divinis, est respectu personae subsistentis; operatio autem non
significatur ut subsistens: unde ea quae respectu operationis rationem
principii habent, non oportet in divinis notionaliter dici; alias voluntas et
scientia et intellectus et omnia huiusmodi notionaliter dicerentur. b)
Parce qu'on ne dйsigne pas comme notion ce qui apporte en Dieu un principe en
rapport avec l'opйration, mais seulement de ce qu'ils appellent le principe en
rapport avec le terme de l'opйration[15][15];
car le principe qu'on dйsigne comme notion en Dieu, est en rapport avec une
personne subsistante; mais l'opйration n'est pas signifiйe comme subsistante.
C'est pourquoi ce qui a raison de principe en rapport avec l'opйration ne doit
pas кtre signifiй en Dieu comme une notion, autrement la volontй, la
connaissance, l'esprit et tout ce qui est de ce genre serait signifiй comme
notions. Potentia autem, licet sit principium quandoque et actionis et eius
quod est per actionem productum, tamen unum accidit ei, alterum vero competit
ei per se: non enim potentia activa semper, per suam actionem, aliquam rem
producit quae sit terminus actionis, cum sint multae operationes quae non
habent aliquid operatum, ut philosophus dicit; semper enim potentia est
actionis vel operationis principium. Unde non oportet quod propter relationem
principii, quam nomen potentiae importat, relative dicatur in divinis. Mais
bien que la puissance soit parfois principe de l'action et de ce qu'elle
produit, cependant une seule chose lui arrive, et l'autre lui convient par soi;
car la puissance active, par son action, ne produit pas toujours ce qui est le
terme de l'action, puisqu'il y a de nombreuses opйrations qui n'ont aucun
rйsultat, comme le philosophe le dit (Йthique I, 1, 1094 a 4 et Mйtaphysique
IX, 8, 1050 a 3[16][16]), car la puissance est toujours
principe de l'action ou de l'opйration. Donc il ne faut pas que, а cause de la
relation de principe qu'introduit le nom de puissance, on en parle selon la
relation en Dieu. Ipsa etiam positio veritati consona non videtur. Nam si id quod est
potentia, est ipsa res quae est principium actionis, oportet naturam divinam
esse id quod est principium in divinis: cum enim omne agens, in quantum
huiusmodi, agat simile sibi, illud est principium generationis in generante
secundum quod genitus generanti similatur, homo enim virtute humanae naturae
generat filium, qui sibi in natura humana similis invenitur: Deo autem patri
conformis est Deus genitus in natura divina: unde natura divina est
generationis principium, ut cuius virtute generat pater, sicut Hilarius dicit,
loc. cit. Cette
position ne semble pas non plus en accord avec la vйritй. Car si ce qui est la
puissance est ce qui est principe de l'action, il faut que la nature divine
soit ce qui est le principe en Dieu; puisque, en effet, tout agent, en tant que
tel, fait du semblable а lui; c'est cela le principe de la gйnйration dans
celui qui engendre selon que l'engendrй lui ressemble, car l'homme par le
pouvoir de sa nature, engendre un fils qui se trouve lui ressembler dans la
nature humaine, mais le Dieu engendrй dans la nature divine est conforme а Dieu
le Pиre. C'est pourquoi la nature divine est principe de gйnйration, comme de
ce que le Pиre engendre par son pouvoir, comme le dit Hilaire (Loc. cit.). et propter hoc alii dixerunt, quod potentia generandi significat
essentiam tantum. Sed illud etiam conveniens non videtur: actio enim quae fit
virtute naturae communis per aliquid sub natura communi contentum, aliquem
modum accipit ex propriis illius principiis; sicut actio quae debetur naturae
animalis, fit in homine secundum quod competit principiis speciei humanae: unde
et homo perfectius habet actum virtutis imaginativae quam alia animalia,
secundum quod competit eius rationalitati. Similiter etiam actio hominis
invenitur in hoc et in illo homine secundum quod competit principiis
individualibus huius vel illius, ex quibus contingit quod unus homo clarius
alio intelligit. Et ideo oportet quod si natura communis sit principium
alicuius operationis quae solum patri convenit, oportet quod sit principium,
secundum quod competit proprietati personali patri. Et propter hoc in ratione
potentiae includitur quodammodo paternitas, etiam quantum ad id quod est
generationis principium. B)
Et c'est pour cela que d'autres ont dit que la puissance d'engendrer
signifie l'essence seulement. Mais mкme cela ne paraоt pas convenir. Car
l'action qui se fait par le pouvoir d'une nature commune par quelque chose
contenu dans la nature commune, reзoit un mode par ses propres principes; de
mкme que l'action, due а la nature de l'animal est accomplie dans l'homme selon
qu'elle rйpond aux principes de l'espиce humaine: c'est pourquoi l'homme a un
acte de son pouvoir imaginatif plus
parfait que les autre animaux, selon qu'il rйpond а sa rationalitй. De la mкme
maniиre, on trouve l'action de l'homme dans cet homme et dans celui-lа, selon
qu'il rйpond aux principes individuels de celui-ci ou celui-lа, par lesquels il
se trouve qu'un homme pense plus clairement qu'un autre. Et c'est pourquoi, si
la nature commune est le principe d'une opйration qui convient seulement au
Pиre, il faut qu'elle soit le principe, selon qu'elle convient par la propriйtй
personnelle du Pиre. Et а cause de cela la paternitй est incluse d'une certaine
maniиre aussi dans la nature de la puissance, pour ce qui est aussi le principe
de la gйnйration. Et propter hoc cum aliis dicendum est, quod potentia generandi
simul essentiam et notionem significat. C)
Et c'est pour cela qu'il faut le dire avec d'autres[17][17],
la puissance d'engendrer signifie en mкme temps essence et notion. q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod potentia importat
rationem principii respectu operationis, quae notionaliter non dicitur in
divinis, ut dictum est. #
1. La puissance apporte une raison de principe en rapport avec l'opйration dont
on ne parle pas comme une notion en Dieu, comme on l'a dit[18][18]. q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in rebus creatis unum
praedicamentum accidit alteri, propter quod non potest ex duobus fieri unum,
nisi unum per accidens; sed in divinis relatio est realiter ipsa essentia: et
ideo non est simile. #
2. Dans les crйatures, il n'y a qu'une seule catйgorie qui arrive dans
une autre, parce qu'on ne peut de deux en faire une а moins qu'elle ne soit
une, par accident[19][19]; mais en Dieu, la relation est
rйellement l'essence mкme et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in rebus creatis
principium generationis est duplex, scilicet generans et quo generatur: sed
generans quidem per generationem distinguitur a genito, cum nulla res generet
se ipsam; sed id quod generans generat, non distinguitur, sed est commune
utrique, ut dictum est, in corp. art. unde non oportet naturam divinam
distingui, sicut potentia generandi, cum potentia sit principium ut quo. #
3. Dans les crйatures, le principe de la gйnйration est double: celui qui
engendre et ce par quoi il est engendrй; mais celui qui engendre est diffйrent
de l'engendrй par la gйnйration, puisque rien ne s'engendre soi-mкme; mais ce
que ce qui engendre engendre n'est pas diffйrent, mais est commun а l'un et а
l'autre, comme on l'a dit, dans le corps de l'article. C'est pourquoi il ne
faut pas que la nature divine soit diffйrent comme la puissance d'engendrer,
puisque la puissance est le principe d'origine. q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ratione relationis
implicitae, potentia generandi non est communis, sed propria. #
4. Par la nature de la relation implicite, le pouvoir d'engendrer n'est pas
commun, mais personnel. q. 2 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in qualibet generatione
principium generationis principaliter non est aliqua forma individualis, sed
forma quae pertinet ad naturam speciei. Item non oportet quod genitum similetur
generanti quantum ad conditiones individuales, sed quantum ad naturam speciei.
Paternitas autem non est in patre per modum formae speciei, sicut humanitas in
homine, sic enim in eo est divina natura; sed est in eo, ut ita dicam, sicut
principium individuale, est enim proprietas personalis: et ideo non oportet
quod sit generationis principium principaliter, sed quodammodo cointellectum
ratione supradicta: aliter sequeretur quod pater per generationem non solum
deitatem, sed paternitatem communicaret; quod est inconveniens. #
5. Dans n'importe quelle gйnйration, le principe n'est pas
principalement une forme individuelle, mais celle qui rйpond а la nature de
l'espиce. D'autre part, il ne faut pas que l'engendrй ressemble а celui qui
engendre pour les caractиres individuels, mais pour la nature de l'espиce. La
paternitй n'est pas dans le Pиre а la maniиre d'une forme d'espиce, comme
l'humanitй dans l'homme, car ainsi il y a en lui la nature divine; mais elle
est en lui, pour ainsi dire, comme principe individuel, car elle est une
propriйtй personnelle; et c'est pourquoi il ne faut pas qu'elle soit
principalement le principe de la gйnйration mais d'une certaine maniиre,
comprise avec lui pour la raison qu'on a donnйe; autrement il en dйcoulerait
que le Pиre communiquerait non seulement la divinitй par gйnйration mais aussi
sa paternitй, ce qui ne convient pas. q. 2 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod potentia generandi est idem
realiter cum natura divina ita quod natura includitur in ratione ipsius: non
autem sic est de paternitate, unde non est simile. #
6. La puissance d'engendrer est identique en rйalitй а la nature divine, de
sorte que la nature est incluse dans sa raison d'кtre, mais il n'en est pas ainsi
de la paternitй, donc ce n'est pas pareil. q. 2 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod scientia vel voluntas non
est principium generationis, cum generatio sit naturae, quae in quantum est
actionis principium, rationem potentiae habet. Et inde est quod potentia
consignificatur cum eo quod est ad aliquid in divinis, non autem scientia vel
voluntas. #
7. La science ou la volontй n'est pas un principe de gйnйration, puisque
celle-ci vient de la nature, qui, en tant que principe d'action, a raison de
puissance. Et de lа vient que la puissance est signifiйe en mкme temps avec ce
qui est relation en Dieu, mais non la connaissance ou la volontй. q. 2 a. 2 ad s. c. Ad ea autem quae sunt in contrarium de facili
patet responsio ex praedictis. A
partir de ce qui vient d'кtre dit, la rйponse est facile pour les arguments
contraires. [20][1] Parall.: Ia,
qu. 41, a. 1, ad 1 et 2, a.5 – I Sent. d7q1a1, ad 2 et a.2– d6q1a.3 – (Sur les notions voir I
Sent. d33a2 - Ia, 32, a. 2). L'article revient а poser la question suivante:
la puissance gйnйrative procиde-t-elle de l'essence ou bien elle est une
notion, c'est-а-dire la propriйtй caractйristique d'une personne. On dйsigne
les notions en Dieu non comme des rйalitйs mais des raisons formelle par
lesquelles sont connues les personnes, bien que les notions ou les relations
soient rйellement en Dieu » (Ia, qu. 28, a.1). «L'Йcriture n'en fait pas
mention: mais elle signale les personnes en qui on comprend les notions comme
l'abstrait dans le concret.» Ia, qu. 32, a. 2, sol. 1. Les actes qui
dйsignent l'ordre des origines sont appelйs des actes notionnels (notionales) quia
notiones personarum sunt personarum habitudinem ad invicem (Cf. Ia, 32, 2,
3). Les notions personnelles sont au nombre de 3: paternitй, filiation,
procession. «L'origine ne peut кtre dйsignйes que par des actes», C'est
pourquoi il a fallu attribuer des actes notionnels aux personnes. Ia,
qu. 41, a, 1 c2). Cet йlйment doit appartenir aux relation d'origine en dehors
desquelles tout en Dieu est commun. [21][2] . «On appelle puissance le principe du mouvement ou
du changement, qui est dans un autre кtre, ou dans le mкme кtre en tant
qu'autre.» (Trad. J.Tricot, p.
283-284). Dйjа citй qu. 1. a. 1. Ici, et plusieurs fois ailleurs, Thomas ne
retient que la notion de principe parce que le principe suppose une relation. [22][3] . Boиce, philosophe chrйtien, (480- 524 ou
526). Thomas a commentй son De Trinitate, et le De hebdomadibus.
Il cite aussi dans le De potentia les Deux natures du Christ. Ses
opuscules ont йtй lus et commentйs par les scolastiques. Il est le dernier
reprйsentant de la philosophie occidentale avant le Moyen Age. [23][4] . Rappelons que les Catйgories (ou
prйdicaments) genres suprкmes de l'кtre, comprennent la substance et neuf
accidents, la relation est le troisiиme (Aristote
Catйgories, (c. 5 et 7). On parle de substance en Dieu par analogie.
Quant а la relation, vu son peu de rйalitй, et le fait qu'elle renvoie а autre
chose, elle peut-кtre acceptйe pour Dieu, parce qu'elle n'est pas rйellement un
accident. [24][5] . L'кtre par accident: «Il est par accident quand,
par exemple, nous disons que le juste est musicien, ou que l'homme est
musicien...» "L'homme blanc" est un exemple donnй par Boиce. [25][6] . En Pot. qu. 1. a. 1, il a montrй que la
puissance appartient а l'essence. (v.g. ad 5, ad 9. Cf. ici sc. 1) [26][7] . Cela sera montrй plus clairement dans la question
8. En Dieu, ce qui est commun, c'est l'essence ; la personne est signifiйe
par la relation. A ce sujet, il cite Jean Damascиne (la foi orthodoxe)
I, 11. (qu. 8, a. 1, obj. 1). [27][8] . «Le Pиre n'est puissant pour engendrer que par
nature. Car sa puissance est sa nature ou son essence» (§6). [28][9] . PL 10, 520 C, XXIV, 58. [29][10] . I, 8, PG. 94, 813 A. «C'est de la nature du Pиre
que vient la gйnйration.» (Trad. E. Ponsoye). [30][11] . Cette affirmation anticipe l'article 6 de la
question. [31][12] . Concerne l'essence. [32][13] . Cf. Pot. qu. 1 a. 1, obj. 3: Le principe
est une relation. [33][14] . Cf. Aristote,
Catйgories, 8, 9 a 17. Il s'agit de la relation de celui qui connaоt au
connaissable, trиs souvent йvoquйe comme typique. [34][15] . Cf. Pot. qu. 1, a. 1, ad 1, la puissance
est non seulement le principe de l'opйration, mais aussi de l'effet, mais ici
l'effet est diffйrent. [35][16] . Il s'agit de l'action ad intra. Aristote, Йthique « Mais on
observe en fait une certaine diffйrence entre les fins: les unes consistent
dans des activitйs, et les autres dans certaines oeuvres distinctes des
activitйs elles-mкmes.» (Trad. J.
Tricot). [36][17] . Cf. Ia, qu. 41, a. 5, «Il faut dire que la
puissance d'engendrer signifie principalement l'essence divine, comme le
Maоtre des Sentences le dit (I Sent. d7), mais pas la relation
seulement.». [37][18] . Voir Pot.
I, qu. 1, a. 1, ad 3. Cf. I Sent. d42q1a2, ad 1. «La puissance gйnйrative dйsigne ce qui concerne
l'essence joint а ce qui concerne la notion, comme, quand on dit Dieu engendre
... Car le Pиre engendre par la mкme puissance que le Fils naоt, mais la notion
demeure le propre du Pиre». [38][19] . Les catйgories sont ici la substance et la notion.
Article 3: La puissance gйnйrative en son acte de gйnйration
procиde-t-elle du pouvoir de la volontй?
Qu. 2, a. 3q. 2 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur utrum potentia generativa
in actum generationis procedat per imperium voluntatis. Et videtur quod sic. Il semble que oui.
Objections[1]. q. 2 a. 3 arg. 1
Hilarius enim dicit, quod non naturali ductus necessitate pater genuit filium.
Sed si non genuit voluntate, genuit naturali necessitate, quia agens vel est
voluntarium vel naturale. Ergo pater genuit
filium voluntate; et sic potentia generativa per imperium voluntatis exit in
actum generandi. 1. Hilaire dit, en effet, dans Les Synodes (PL. 10, 59[2]) que "ce
n'est pas poussй par une nйcessitй naturelle que le Pиre a engendrй le Fils".
Mais s'il n'a pas engendrй volontairement, il l'a engendrй par nйcessitй
naturelle, parce qu'un agent agit par volontй ou par nature. Donc le Pиre a
engendrй le Fils par volontй, et ainsi la puissance gйnйrative en vient а
l'acte d'engendrer par le pouvoir de la volontй.
q. 2 a. 3 arg. 2 Sed
dicebat, quod pater non genuit filium neque voluntate praecedente, neque
voluntate consequente, sed concomitante.- Sed contra, videtur quod haec ratio
sit insufficiens. Cum enim quidquid est in Deo sit aeternum, nihil quod est in
Deo, potest tempore praecedere aliquid in Deo existens: et tamen invenitur quod
aliquid habet ad aliud rationem principii, sicut voluntas Dei ad electionem qua
eligit iustos ex hoc solo quod ab intellectu procedit. Ergo quamvis voluntas
generationem filii tempore non praecedat, nihilominus, ut videtur, potest poni
principium generationis filii ex hoc quod procedit ab intellectu. 2. Mais on pourrait dire que le Pиre n'a engendrй le Fils, ni par
volontй antйcйdente ni volontй consйquente, mais volontй concomitante. – En
sens contraire, cette raison semble insuffisante. Comme, en effet, tout ce qui
est en Dieu est йternel, rien de ce qui est en lui ne peut prйcйder
chronologiquement ce qui existe en lui et cependant on trouve que quelque chose
a raison de principe pour une autre; comme la volontй de Dieu pour l'йlection
par laquelle il йlit les justes du seul fait que cela procиde de son esprit.
Donc quoique la volontй ne prйcиde pas la gйnйration du Fils chronologiquement,
nйanmoins, а ce qu'il semble, on peut poser le principe de la gйnйration du
Fils du fait qu'il procиde de son esprit.
q. 2 a. 3 arg. 3
Praeterea, filius procedit per actum intellectus cum procedat ut verbum: verbum
enim intellectuale non est nisi cum intelligimus aliquid cogitantes, ut Augustinus
dicit. Sed voluntas est principium intellectualis operationis: imperat enim
actum intellectus, sicut et aliarum potentiarum, ut Anselmus dicit; intelligo
enim quia volo, sicut et ambulo quia volo. Ergo voluntas est principium
processionis filii. 3. Le Fils procиde par un acte de l'esprit, puisqu'il procиde en tant
que Verbe, car le verbe intellectuel n'existe que lorsque nous saisissons
quelque chose par la pensйe, comme Augustin le dit (la Trinitй, IX, VII, 11).
Mais la volontй est le principe de l'opйration intellectuelle; car elle
commande l'acte de l'esprit, comme celui des autres puissances, comme le dit
Anselme (De similit. 2); car je pense, parce que je le veux, de mкme que je me
promиne parce que je le veux. Donc la volontй est le principe de la procession
du Fils.
q. 2 a. 3 arg. 4 Sed
dices, quod in humanis verum est quod voluntas imperat actum intellectus, non
autem in divinis.- Sed contra, praedestinatio quodammodo est actus intellectus:
dicimus enim, quod Deus praedestinavit Petrum quia voluit, secundum illud Rom.
IX, 18: cuius vult miseretur et quem vult indurat. Ergo non solum in humanis
sed etiam in divinis voluntas imperat actum intellectus. 4. Mais on dira que chez l'homme, il est vrai que la volontй commande
l'acte de l'esprit, mais pas en Dieu. – En sens contraire, la prйdestination
est d'une certaine maniиre un acte de l'esprit; car nous disons que Dieu a
prйdestinй Pierre parce qu'il l'a voulu, selon cette parole de Rm. 9,18: "Il
a pitiй de qui il veut et il endurcit qui il veut." Donc non seulement
chez l'homme mais aussi en Dieu, la volontй commande l'acte de l'esprit.
q. 2 a. 3 arg. 5
Praeterea, secundum philosophum, quod movetur ex se ipso potest moveri et non
moveri; et eadem ratione quod agit ex se ipso agere potest et non agere. Sed
natura non potest agere et non agere, cum sit determinata ad unum. Ergo non
agit ex se ipsa, sed quasi mota ab alio. Hoc autem in divinis esse non potest.
Nulla ergo actio in divinis est a natura; et sic nec generatio. Et ita
generatio est a voluntate, cum omnia agentia reducantur in naturam vel
voluntatem, ut patet II Physic. 5. Selon le philosophe (Physique,
VIII, 5, 256 a 13), ce qui se meut de lui-mкme a pouvoir de se mouvoir ou pas;
et pour la mкme raison, ce qui agit de soi-mкme a pouvoir d'agir ou pas. Mais
la nature ne peut pas agir ou ne pas agir, puisqu'elle est dйterminйe а un seul
objet. Donc elle n'agit pas d'elle-mкme, mais comme mue par un autre. Mais cela
ne peut pas exister en Dieu. Donc nulle action en lui ne dйpend de la nature, la
gйnйration non plus. Et ainsi la gйnйration dйpend de la volontй, puisque tous
les agents sont ramenйs а la nature ou а la volontй, comme on le voit en Physique (II, 4, 196 a 28[3]).
q. 2 a. 3 arg. 6
Praeterea, si actio naturae praecedat actionem voluntatis, sequitur
inconveniens, quod scilicet ratio voluntatis tollatur. Nam cum natura sit
determinata ad unum, si voluntatem moveat, eam ad unum tantum movebit; quod est
contra rationem voluntatis, quae secundum quod huiusmodi, libera est. Si vero
voluntas naturam moveat, neque tolletur ratio naturae neque voluntatis, quia
quod se habet ad plura, nihil prohibet quod ad unum moveat. Ergo rationabiliter actio voluntatis praecedit actionem naturae, magis
quam e converso. Sed generatio filii est pura actio sive operatio. Ergo est
a voluntate. 6. Si l'action de la nature prйcиde l'action de la volontй, il en
dйcoule un inconvйnient: on exclut la raison d'кtre de la volontй. Car, puisque
la nature est dйterminйe а un seul objet, si elle meut la volontй, elle la mettra
en mouvement pour un seul objet, ce qui est contre la nature de la volontй,
qui, en tant que telle, est libre. Mais si la volontй meut la nature, et que la
raison d'кtre de la nature et de la volontй n'est pas exclue, parce qu'elle
s'йtend а plusieurs objets, rien n'empкche qu'elle meuve pour un seul objet.
Donc en raison, l'action de la volontй prйcиde l'action de nature, plus que le
contraire. Mais la gйnйration du Fils est pure action ou pure opйration. Donc
elle dйpend de la volontй.
q. 2 a. 3 arg. 7
Praeterea, in Psalm. CXLVIII, 5, dicitur: dixit, et facta sunt, quod Augustinus
exponit: id est, verbum genuit in quo erant ut fierent. Sic ergo processio
verbi a patre, est ratio creaturae producendae. Si ergo filius non procedit a
patre per imperium voluntatis sed naturae, videtur sequi quod omnes creaturae a
Deo naturaliter et non solum voluntarie procedant, quod est erroneum. 7. Dans le Ps. 148,5 il est dit: "Il dit et ce fut fait"
qu'Augustin expose ainsi (La Genиse au
sens littйral, II, VI, 13 et II, VII) "C'est-а-dire il engendra le
Verbe dans lequel il йtait que cela serait fait[4]". Ainsi donc la
procession du Verbe а partir du Pиre est la raison de la production de la
crйature. Si donc le Fils ne procиde pas du Pиre par le pouvoir de la volontй,
mais par celui de la nature, il paraоt en dйcouler que toutes les crйatures
procиdent de Dieu naturellement et pas seulement volontairement, ce qui est une
erreur[5].
q. 2 a. 3 arg. 8
Praeterea, Hilarius dicit in libro de synodis: si quis nolente patre natum
dicat filium, anathema sit. Non ergo pater genuit filium involuntarie; et sic
idem quod prius. 8. Hilaire dit dans le livre des Synodes (57, PL. 10, 520 C, canon 25):
"Si quelqu'un dit que le Fils est nй sans que le Pиre le veuille, qu'il
soit anathиme". Donc le Pиre ne l'a pas engendrй involontairement et ainsi
de mкme que plus haut.
q. 2 a. 3 arg. 9
Praeterea, Ioan. III, 35, dicitur: pater diligit filium, et omnia dedit in manu
eius, quod secundum unam Glossam exponitur de datione generationis aeternae.
Dilectio ergo patris ad filium est signum potius quam ratio generationis
aeternae. Sed dilectio est a voluntate. Ergo voluntas est principium
generationis filii. 9. En Jean 3, 35, il est dit: "Le Pиre aime le Fils et a tout mis
dans sa main", qu'on expose, selon une glose, comme le don de la
gйnйration йternelle. Donc l'amour du Pиre pour le Fils est le signe plus que
la raison de la gйnйration йternelle. Mais l'amour vient de la volontй. Donc la
volontй est le principe de la gйnйration du Fils.
q. 2 a. 3 arg. 10
Praeterea, Dionysius dicit, quod divinus amor non permittit ipsum sine germine
esse. Ex quo etiam videtur idem, scilicet quod amor sit ratio generationis. 10. Denys (Les Noms divins, ch. 4) dit que l'amour de Dieu ne lui
permet pas d'кtre sans descendance. Cela montre la mкme chose, а savoir que
l'amour est la raison de la gйnйration.
q. 2 a. 3 arg. 11 Praeterea, positio ad quam non
sequitur aliquod inconveniens sive error, potest poni in divinis. Sed si
ponatur quod pater genuerit filium voluntate, non sequitur aliquod inconveniens:
neque enim sequitur quod filius non sit aeternus, ut videtur; neque quod non
sit consubstantialis aut aequalis patri: quia spiritus sanctus, qui procedit
per modum voluntatis, coaeternus est, coaequalis et consubstantialis patri et
filio. Ergo videtur quod non sit erroneum dicere, quod pater genuit filium
voluntate. 11. On peut йmettre sur Dieu une hypothиse d'oщ ne dйcoule ni
inconvйnient ni erreur. Si l'on pense que le Pиre a engendrй le Fils par
volontй, il n'en dйcoule aucun d'inconvйnient; en effet il n'en dйcoule pas que
le Fils n'est pas йternel, а l'йvidence; ni qu'il ne soit pas consubstantiel ou
йgal au Pиre, parce que l'Esprit Saint qui procиde par mode de volontй est
coйternel, coйgal et consubstantiel au Pиre et au Fils. Donc il semble que ce
n'est pas une erreur de dire que le Pиre engendre le Fils par volontй.
q. 2 a. 3 arg. 12
Praeterea, voluntas quaelibet non potest non velle suum ultimum finem. Sed
finis divinae voluntatis est communicatio suae bonitatis, quae maxime fit per
generationem. Ergo voluntas patris non potest non velle generationem filii:
voluntate ergo genuit filium. 12. Toute volontй ne peut pas ne pas vouloir sa fin ultime. Mais la fin
de la volontй divine est la communication de sa bontй, ce qui se fait au plus
haut degrй par gйnйration. Donc la volontй du Pиre ne peut pas ne pas vouloir
la gйnйration du Fils; donc il a engendrй le Fils par sa volontй.
q. 2
a. 3 arg. 13 Praeterea, humana generatio a divina extrahitur, secundum illud Ephes.
cap. III, 15: ex quo omnis paternitas in caelo et in terra nominatur. Sed
humana generatio subiacet imperio voluntatis: aliter in actu generationis
peccatum non esset. Ergo etiam divina; et sic idem quod
prius. 13. La gйnйration humaine dйcoule de celle de Dieu, selon cette parole
de Ep. 3,15: "De lui toute paternitй dans le ciel et sur la terre tire son
nom." Mais la gйnйration humaine est soumise au pouvoir de la volontй.
Autrement, dans l'acte de gйnйration, il n'y aurait pas de pйchй. Donc de mкme dans
la gйnйration divine et ainsi de mкme que plus haut.
q. 2
a. 3 arg. 14 Praeterea, omnis actio naturae immutabilis est necessaria. Sed
natura divina omnino est immutabilis. Si ergo generatio sit operatio naturae et
non voluntatis, sequitur quod sit necessaria, et ita quod pater genuit filium
necessitate: quod est contra Augustinum. 14. Toute action d'une nature immuable est nйcessaire. Mais la nature
divine est tout а fait immuable. Si donc la gйnйration est une opйration de
nature et non de la volontй, il s'ensuit qu'elle est nйcessaire et ainsi que le
Pиre a engendrй le Fils par nйcessitй, ce qui s'oppose а Augustin (а Orose, ch.
7[6]).
q. 2 a. 3 arg. 15
Praeterea, Augustinus dicit, quod filius est consilium de consilio et voluntas
de voluntate. Sed haec praepositio de denotat principium. Ergo voluntas est
principium generationis filii, et sic idem quod prius. 15. Augustin dit (la Trinitй, XV, XX, 38) que le Fils est le conseil du
conseil, le volontй de la volontй[7]. Mais cette prйposition de dйsigne un
principe. Donc la volontй est le principe de la gйnйration du Fils et ainsi de
mкme que ci-dessus.
En sens contraire. q. 2 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Est quod Augustinus dicit: pater neque voluntate neque necessitate
genuit filium. 1. Il y a ce que dit Augustin (а Orose[8]): "Le Pиre n'a engendrй
le Fils, ni par volontй, ni par nйcessitй".
q. 2 a. 3 s. c. 2
Praeterea, summa diffusio voluntatis est per modum amoris. Filius autem non
procedit per modum amoris, sed potius spiritus sanctus. Ergo voluntas non est
principium generationis filii. 2. La plus haute diffusion de la volontй s'accomplit par mode d'amour.
Le Fils ne procиde pas par mode d'amour, mais c'est plutфt l'Esprit Saint. Donc
la volontй n'est pas le principe de la gйnйration du Fils.
q. 2 a.
3 s. c. 3 Praeterea, filius procedit a patre ut splendor a luce, secundum illud
Hebr. cap. I, vers. 3: qui cum sit splendor gloriae et figura
substantiae eius. Sed splendor non procedit a luce voluntate
mediante. Ergo nec filius a patre. 3. Le Fils procиde du Pиre comme la splendeur (procиde) de la lumiиre,
selon ce mot de Hйb. 1, 3: "Il est la splendeur de sa gloire et l'effigie
de sa substance[9]". Mais la splendeur ne procиde pas de la lumiиre par
l'intermйdiaire de la volontй. Donc ni le Fils du Pиre.
Rйponse q. 2 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum, quod generatio filii potest se habere ad voluntatem ut
voluntatis obiectum: pater enim et filium voluit et filii generationem ab
aeterno: nullo autem modo voluntas esse potest divinae generationis principium:
quod sic patet. Voluntas, inquantum voluntas,
cum sit libera, ad utrumlibet se habet. Potest enim voluntas agere vel non
agere, sic vel sic facere, velle et non velle. Et si respectu alicuius hoc
voluntati non conveniat, hoc accidet voluntati non in quantum voluntas est, sed
ex inclinatione naturali quam habet ad aliquid, sicut ad finem ultimum, quem
non potest non velle; sicut voluntas humana non potest non velle beatitudinem,
nec potest velle miseriam. Ex quo patet quod omne illud cuius voluntas est
principium, quantum in se est, possibile est esse vel non esse, et esse tale
vel tale, et tunc vel nunc (...) Il faut dire que la gйnйration du Fils se comporte par rapport а la
volontй comme son objet. Car le Pиre a voulu le Fils et sa gйnйration
йternellement. Mais en aucune maniиre, la volontй ne peut кtre le principe de
la gйnйration divine; ce qu'on montre ainsi. Comme la volontй, en tant que
telle, est libre, elle choisit entre deux solutions. Car la volontй peut agir
ou pas, agir ainsi ou diffйremment, vouloir ou ne pas vouloir. Et si par
rapport а quelque chose cela ne convient pas а la volontй, cela lui arrive, non
en tant que telle, mais par l'inclination naturelle qu'elle a pour quelque
chose comme а sa fin ultime qu'elle ne peut pas ne pas vouloir; ainsi la
volontй humaine ne peut pas ne pas vouloir la bйatitude, et elle ne peut
vouloir le malheur. Par lа il est clair que tout ce dont la volontй est le
principe quant а soi, a la possibilitй d'кtre ou ne pas кtre, et кtre tel ou
tel et alors ou maintenant.
omne autem illud quod sic se habet, est creatum: quia in eo quod
increatum est, non est potestas ad esse vel non esse. Sed per se necesse est
esse, ut Avicenna probat. Si ergo ponitur filius voluntate genitus, necessario
sequitur ipsum esse creaturam. Et propter hoc Ariani qui ponebant filium
creaturam, dicebant eum esse genitum voluntate. Catholici autem dicunt filium
non natum voluntate, sed natura. Natura enim ad unum determinata est. Et
secundum hoc ex hoc quod filius est a patre genitus natura, oportet quod ipse
non possit esse non genitus, et quod non possit esse alio modo quam est, aut
patri non consubstantialis; cum quod naturaliter procedit, procedat in
similitudinem eius a quo procedit. Et hoc est quod Hilarius dicit: omnibus
creaturis substantiam Dei voluntas attulit; sed naturam filio dedit perfecta
nativitas; et ideo talia sunt cuncta qualia Deus esse voluit; filius autem
talis est qualis est Deus. Tout ce qui se comporte ainsi est crйй, parce que, en ce qui est
incrйй, le pouvoir d'кtre ou ne pas кtre n'existe pas. Mais il lui est
nйcessaire d'кtre par soi, comme Avicenne le prouve (Mйtaphysique VIII, 4[10]). Donc si on pense que la Fils a йtй
engendrй par volontй, il en dйcoule nйcessairement qu'il est une crйature. Et
c'est pour cela que les Ariens, qui affirmaient que le Christ йtait une
crйature, disaient qu'il avait йtй engendrй par volontй. Mais les Catholiques
disent que le Fils n'est pas nй par volontй mais par nature. Car la nature est
dйterminйe а un seul but. Et du fait que le Fils a йtй engendrй du Pиre par
nature, il faut que lui-mкme ne puisse pas ne pas кtre engendrй, et qu'il ne
puisse pas exister d'une autre maniиre qu'il n'est, ou sans кtre consubstantiel
au Pиre; puisque ce qui procиde naturellement procиde dans la ressemblance de
ce dont il procиde. Et c'est ce que Hilaire dit (Les Synodes, n°58[11]): "La
volontй de Dieu apporte la substance а toutes les crйatures, mais une naissance
parfaite a donnй la nature au Fils"; et ainsi toute chose est telle que
Dieu a voulu qu'elle existe, mais le Fils est tel que Dieu.
Sicut autem dictum est, voluntas licet respectu aliquorum ad utrumlibet
se habeat, tamen respectu finis ultimi naturalem inclinationem habet; et
similiter intellectus respectu cognitionis principiorum primorum, naturalem
quemdam motum habet. Principium autem divinae cognitionis est ipse Deus qui est
finis suae voluntatis; unde illud quod procedit in Deo per actum intellectus
cognoscentis seipsum realiter procedit; et similiter quod procedit per actum
voluntatis diligentis se ipsam. Et propter hoc cum filius procedat ut verbum
per actum intellectus divini in quantum pater cognoscit seipsum et spiritus
sanctus per actum voluntatis in quantum pater diligit filium: sequitur quod tam
filius quam spiritus sanctus naturaliter procedant, et ex hoc ulterius quod
sint consubstantiales et coaequales et coaeterni patri et sibi invicem. Comme on l'a dit, bien que la volontй choisisse entre deux solutions,
cependant elle a une inclination naturelle par rapport а la fin ultime; et semblablement
l'esprit a un mouvement naturel en rapport avec la connaissance des premiers
principes. Mais le principe de la connaissance divine est Dieu lui-mкme qui est
la fin de sa volontй, c'est pourquoi ce qui procиde en Dieu par un acte de
l'esprit qui se connaоt lui-mкme procиde rйellement de lui et il en est de mкme
pour ce qui procиde par un acte de la volontй qui s'aime elle-mкme. Et а cause
de cela, comme le Fils procиde comme Verbe, par un acte de l'esprit divin, dans
la mesure oщ le Pиre se connaоt lui-mкme, et comme l'Esprit Saint procиde par
un acte de la volontй dans la mesure oщ le Pиre aime le Fils, il s'ensuit que
tant le Fils que l'Esprit Saint procиdent naturellement et par lа en plus ils
sont consubstantiels et co-йgaux et coйternels au Pиre et l'un avec l'autre.
Solutions: q. 2 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Hilarius loquitur de necessitate quae importat
violentiam: quod patet per hoc quod subdit: non naturali necessitate ductus,
cum vellet generare filium. # 1. Hilaire parle d'une nйcessitй qui apporte la violence, ce qui
apparaоt par ce qu'il ajoute: "Il n'йtait pas poussй par une nйcessitй
naturelle, quand il voulait engendrer son Fils[12]."
q. 2 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod respectu nullius rei est in Deo voluntas antecedens;
quia quidquid aliquando Deus vult, ab aeterno voluit. Concomitans vero est
respectu omnium bonorum quae sunt tam in ipso quam in creaturis; vult enim se
esse et creaturam esse. Sed praecedens vel antecedens tempore quidem non est
nisi respectu creaturae, quae ab aeterno non fuit; praecedens vero intellectus
est respectu actuum aeternorum qui significantur ad creaturas terminari; sicut
dispositio, praedestinatio et huiusmodi. Generatio vero filii, neque est
creatura, neque ad creaturam significatur terminari. Unde respectu eius non est
voluntas praecedens nec tempore neque intellectu, sed solum voluntas
concomitans. # 2. La volontй antйcйdente en Dieu n'est en rapport avec rien; parce
que tout ce que Dieu veut quelquefois il l'a voulu йternellement. Mais la
volontй concomitante est en rapport avec tous les biens qui sont tant en lui
que dans les crйatures; car il veut кtre et que la crйature soit. Mais la
[volontй] antйcйdente chronologiquement ne peut l'кtre qu'en rapport avec la
crйature qui n'a pas existй йternellement, mais l'esprit prйcйdent est en
rapport avec les actes йternels qui sont dйsignйs comme se terminant aux
crйatures, comme la disposition, la prйdestination, etc.. Mais la gйnйration du
Fils n'est pas une crйature, et n'est pas signifiйe comme se terminant а une
crйature. C'est pourquoi, par rapport а lui, il n'y a pas de volontй
prйcйdente, ni chronologiquement, ni selon l'esprit, mais seulement une volontй
concomitante.
q. 2 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut actus intellectus videtur sequi actum voluntatis,
in quantum a voluntate imperatur; ita e converso actus voluntatis videtur sequi
actum intellectus, in quantum per intellectum praesentatur voluntati suum
obiectum, quod est bonum intellectum. Unde esset procedere in infinitum, nisi
esset ponere statum vel in actu intellectus vel in actu voluntatis. Non autem
potest status poni in actu voluntatis, cum obiectum praesupponatur ad actum;
unde oportet ponere statum in actu intellectus, qui naturaliter intellectum
consequitur; ita quod a voluntate non imperatur. Et per hunc modum procedit
filius Dei ut verbum secundum actum intellectus divini, ut ex dictis, in corp.
art., patet. # 3. De mкme que l'acte de l'esprit paraоt suivre celui de la volontй,
dans la mesure oщ elle le commande, ainsi а l'inverse, l'acte de la volontй
parait suivre celui de l'esprit dans la mesure oщ son objet qui est un bien
conзu est prйsentй а la volontй. C'est pourquoi, il faudrait procйder а
l'infini, sinon il faut placer un arrкt dans l'acte de l'esprit ou dans celui
de la volontй. Mais on ne peut pas le placer dans un acte de la volontй,
puisque l'objet est prйsupposй а l'acte; c'est pourquoi il faut le placer dans
l'acte de la volontй qui suit naturellement la conception de sorte qu'il ne
soit pas commandй par la volontй. Et de cette maniиre, le Fils de Dieu procиde
comme Verbe selon l'acte de l'esprit divin, comme cela apparaоt dans ce qui a
йtй dit dans le corps de l'article.
q. 2 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod actus intellectus divini naturalis est secundum quod ad
ipsum Deum terminatur, qui est principium suae cognitionis; secundum vero quod
significatur ad creaturas terminari, ad quas sic se habet quodammodo ut
intellectus noster ad conclusiones, non naturaliter ab intellectu progreditur sed
voluntarie; et ideo in divinis aliqui actus intellectus significantur ut
imperati a voluntate. # 4. L'acte de l'esprit divin est naturel, dans la mesure oщ il se
termine en Dieu mкme, qui est le principe de sa connaissance; mais selon qu'on
le signifie comme se terminant aux crйatures, envers lesquelles il se comporte
d'une certaine maniиre comme notre esprit vis-а-vis des conclusions, il ne sort
pas de l'esprit naturellement mais volontairement; et c'est pourquoi en Dieu,
certains actes de l'esprit sont dйcrits comme commandйs par la volontй.
q. 2 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quoad
ea ad quae natura potest se extendere secundum propria principia essentialia,
non indiget ut ab alio determinetur, sed ad ea tantum ad quae propria principia
non sufficiunt. Unde philosophi non sunt ducti ut ponerent opus naturae, opus
intelligentiae, ex operibus quae competunt calido et frigido secundum se ipsa;
quia in has, etiam ponentes res naturales ex necessitate materiae accidere,
omnia naturae opera reducebant. Ducti sunt autem ex illis
operationibus ad quas non possunt sufficere virtus calidi et frigidi, et
huiusmodi qualitatum; sicut ex membris ordinatis in corpore animalis tali modo
quod natura salvatur. Quia ergo naturae divinae secundum se opus est generatio
non oportet quod ad hanc actionem ab aliqua voluntate determinetur.- Vel
dicendum, quod natura determinatur ab aliquo, ut in finem. Illi autem naturae
quae est finis, et non ad finem, non competit ab aliquo determinari. # 5. Jusqu'oщ la nature peut s'йtendre selon ses propres principes
essentiels, cela n'a pas besoin d'кtre dйterminй par un autre, mais seulement
pour ce а quoi les principes propres ne suffisent pas. C'est pourquoi les
philosophes par ces opйrations а qui conviennent le chaud et le froid en soi
n'ont pas йtй amenйs а penser l'oeuvre de la nature, comme l'oeuvre d'une
intelligence. Parce que, pensant qu'en elles les choses naturelles arrivent par
nйcessitй de la matiиre, ils y ramenaient toutes les oeuvres de la nature. Mais
ils y ont йtй amenйs par ces opйrations oщ le pouvoir du chaud et du froid et
les qualitйs de ce genre ne peuvent pas suffire; de mкme ils y ont йtй amenйs
par la disposition des membres dans le corps d'un animal de telle sorte que la
nature se conserve. Donc parce que l'oeuvre de la nature divine en soi est la
gйnйration, il ne faut pas qu'elle soit dйterminйe а cette action par une
volontй – Ou bien il faut dire que la nature est dйterminйe par quelque chose
comme а sa fin. Mais а cette nature, qui est la fin, il ne convient pas d'кtre
dйterminйe par quelque chose pour la fin.
q. 2 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod in diversis considerando, actio voluntatis actionem
naturae praecedit. Unde totius naturae inferioris actio ex voluntate
gubernantis procedit. Sed in eodem oportet quod actio naturae praecedat
actionem voluntatis. Natura enim secundum intellectum praecedit voluntatem, cum
natura intelligatur esse principium quo res subsistit, voluntas vero ultimum
quo ad finem ordinatur. Nec tamen sequitur quod tollatur ratio voluntatis.
Quamvis enim ad inclinationem naturae voluntas ad aliquid unum determinetur,
quod est ultimus finis a natura intentus, respectu tamen aliorum indeterminata
manet; sicut patet in homine, qui naturaliter vult beatitudinem et de
necessitate, non autem alia. Sic ergo in Deo naturae actio actionem voluntatis
praecedit natura et intellectu; nam generatio filii est ratio omnium eorum quae
per voluntatem producuntur, scilicet creaturarum. # 6. En prenant en considйration divers йlйments, l'action de la volontй
prйcиde celle de la nature. C'est pourquoi, l'action de toute la nature
infйrieure procиde de la volontй de celui qui gouverne. Mais dans un mкme кtre,
il faut que l'action de la nature prйcиde celle de la volontй. Car la nature
selon l'esprit prйcиde la volontй, puisqu'on comprend la nature comme le
principe par lequel un кtre subsiste, mais la volontй est le principe ultime
par lequel elle est ordonnйe а sa fin. Cependant il n'en dйcoule pas qu'on
exclut la raison d'кtre de la volontй. Car quoique pour l'inclination de la
nature la volontй soit dйterminйe, а un objet unique, qui est sa fin ultime
dйcidйe par la nature, cependant, par rapport aux autres, elle demeure
indйterminйe; comme on le voit chez l'homme qui veut la bйatitude naturellement
et nйcessairement, mais pas autre chose. Ainsi donc en Dieu l'action de la
nature prйcиde celle de la volontй par nature et par l'esprit; car la
gйnйration du Fils est la raison de tout ce qui est produit par la volontй, а
savoir les crйatures[13].
q. 2 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod licet in verbo Dei a patre genito fuerit ut omnes
creaturae fierent, non tamen oportet, si verbum naturaliter procedit, quod
creaturae etiam naturaliter procedant; sicut nec sequitur, si intellectus
noster principia naturaliter cognoscit, quod naturaliter cognoscat ea quae ex
principiis consequuntur: eo enim quod naturaliter habemus, voluntas utitur ad
utramque partem. # 7. Bien que dans le Verbe de Dieu, engendrй par le Pиre, il y ait le
pouvoir de crйer toutes les crйatures, cependant il ne faut pas, si le Verbe
procиde par nature, que les crйatures procиdent aussi par nature, il n'en
dйcoule pas, non plus, si notre esprit connaоt naturellement les principes,
qu'il connaisse naturellement ce qui dйcoule d'eux; car la volontй se sert de
ce que nous avons naturellement pour l'une et l'autre solution.
q. 2 a. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod pater voluntarie genuit; sed in hoc non designatur nisi
voluntas concomitans. # 8. La Pиre a engendrй volontairement, mais on ne dйsigne par lа que
la volontй concomitante.
q. 2 a. 3 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod si verbum illud de generatione aeterna intelligatur,
dilectio patris ad filium non est intelligenda ut ratio illius dationis qua
pater filio aeternaliter omnia dat, ut signum. Similitudo enim ratio est
amoris. # 9. Si cette parole[14] est comprise de la gйnйration йternelle,
l'amour du Pиre pour le Fils ne doit pas кtre compris comme la raison de ce
don, par lequel il donne tout au Fils йternellement, comme un sceau. Car la
ressemblance est la raison de l'amour.
q. 2 a. 3 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod Dionysius loquitur de productione creaturae, non de
generatione filii. # 10. Denys parle de la production de la crйature, non de la gйnйration
du Fils.
q. 2 a. 3 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod spiritus sanctus procedere dicitur per modum
voluntatis, quia procedit per actum qui naturaliter est a voluntate, scilicet
per hoc quod pater amat filium, et e converso. Ipse enim amor est spiritus
sanctus, sicut filius est verbum quo pater dixit se ipsum. # 11. On dit que l'Esprit Saint procиde par mode de volontй, parce
qu'il procиde par un acte qui dйpend naturellement de la volontй[15], а savoir
que le Pиre aime le Fils et inversement. Car l'Esprit Saint est l'amour mкme,
comme le Fils est le Verbe, par lequel le Pиre se dit lui-mкme.
q. 2 a. 3 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod ex illa etiam ratione non sequitur nisi quod pater
rationem filii velit; quod pertinet ad voluntatem concomitantem, quae respicit
generationem sicut obiectum, non sicut id cuius sit principium. # 12. De cette raison[16] il dйcoule seulement que le Pиre veut la
nature du Fils, ce qui convient а la volontй concomitante, qui regarde la
gйnйration comme objet, non comme ce dont elle est le principe.
q. 2 a. 3 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod humana generatio fit per virtutem naturalem,
scilicet generativam potentiam, mediante potentia motiva, quae imperio subiacet
voluntatis, non autem generativa potentia. Hoc autem non accidit in divinis; et
ideo non est simile. # 13. La gйnйration chez l'homme se fait par un pouvoir naturel,
c'est-а-dire la puissance gйnйrative; par l'intermйdiaire de la puissance
motrice, qui est soumise au pouvoir de la volontй, mais pas la puissance
gйnйrative. Mais cela n'arrive pas en Dieu; et c'est pourquoi ce n'est pas
pareil.
q. 2 a. 3 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod
Augustinus non intendit negare necessitatem immutabilitatis, de qua ratio
procedit, sed necessitatem coactionis. # 14. Augustin n'entend pas nier la nйcessitй de l'immutabilitй, d'oщ
procиde cet argument, mais la nйcessitй de coaction[17].
q. 2 a. 3 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod cum dicitur filius esse voluntas de voluntate,
intelligitur esse de patre, qui est voluntas. Unde haec praepositio de notat
generationis principium, quod est generans, non id quo generatur, de quo est
praesens quaestio. # 15. Quand on dit que le Fils est volontй de la volontй, on comprend
qu'il est du Pиre qui est la volontй. C'est pourquoi cette prйposition de
indique le principe de la gйnйration qui est celui qui engendre, non ce par
quoi il est engendrй, ce dont il s'agit dans la prйsente question.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia , qu. 41 a. 2 –
CG. IV, 11 – I Sent. d6q1a1, 2, 3 – Pot. 10, a. 2, ad 4, 5.
[2]
PL 520 C, canon 25 de la premiиre profession de Sirmium (351) n° 140, Denz.
247). A propos de ce texte Ia, 41, 2 ad 1m: "Cette autoritй (celle
d'Hilaire) est contre ceux qui rejetaient la concomitance du vouloir paternel
de la gйnйration du Fils, en disant qu'il avait engendrй le Fils par nature, de
sorte qu'il n'en avait pas la volontй.. de mкme que nous subissons par
nйcessitй naturelle bien des maux contre notre volontй: mort, vieillesse et
autres afflictions. Cette intention de l'auteur ressort clairement du contexte."
[3]
"Les animaux ni les plantes
n'existent ni ne sont engendrйs par fortune (c'est-а-dire par le hasard), la
cause de cette gйnйration йtant nature, intelligence, ou quelque autre chose de
tel." (Trad. H. Carteron)
[4]
Pot. qu. 10, a. 2, obj. 19 et ailleurs: id est, Verbum genuit a quo erant, ut
fierent. Augustin "Dixit: fiat, id est, in Verbo Dei aeterno erat, ut
fieret. ("Il йtait dans le Verbe йternel que cela fut fait." (Trad.
BA. 48, p. 166-167).
[5]
Ce qui sera dйmontrй en Pot. qu. 3, a. 15.
[6]
Dialogue des 65 questions, qu. 7, PL 40, 736 D, "Il n'a engendrй ni par
volontй ni par nйcessitй parce qu'il n'y a pas de nйcessitй en Dieu".
Оuvre attribuйe а Augustin (La Clavis Patrum latinorum n'en parle pas),
composйe d'extraits de son oeuvre. La question 7 serait tirйe du de Trinitate
(PL, Admonitio 734-735).
[7]
Aprиs avoir rйfutй les Eunomiens, qui prйtendaient que le Fils йtait non de la
nature de la substance et l'essence, mais de sa volontй, il ajoute:"Certains,
pour ne pas dire que le verbe unique йtait Fils du conseil et de la volontй de
Dieu, ont dit que le Verbe йtait le conseil mкme, la volontй mкme du Pиre. Il
vaut mieux, а mon sens, dire que le Verbe est conseil du conseil, volontй de la
volontй.", pour йviter "cette opinion absurde... que le Fils
donnerait au Pиre sagesse et vouloir." (Trad. BA. 16).
[8]
Contre les Ariens. (Denz. 71. Formule appelйe Fides Damasi.).
[9]
Mкme citation, Pot. 2, 4, obj. 13, qu. 9, a. 9 obj. 13. en 9, 9. En 2, 3 il est
question de lumiиre, mais prйcise Thomas, qui admet l'image, il ne faut pas
appliquer la comparaison intйgralement.
[10]
Anawati, 345. L'incrйй est nйcessaire; il n'a pas le pouvoir d'кtre ou ne pas
кtre.
[11]
Canon 24 de la profession de Sirmium. PL 10, 520C.
Le
concile de Sirmium: Photin, йvкque de Sirmium, passait pour reproduire les
idйes de Marcel d'Ancyre. Il fut condamnй а Milan en 345 et 347, mais refusa de
se retirer de son siиge йpiscopal. En 351, Constance est а Sirmium. Les
orientaux en profitent, pour convoquer une assemblйe contre Photin. Le concile
йmet une profession de foi pour combattre la doctrine antitrinitaire de Photin
et йtablir la distinction des personnes divines. Photin est dйposй et expulsй.
Ce concile dont les textes sont dans le de Synodis de saint Athanase, (PG. 26,
735 ss.) prйsente un texte а tendance subordinationniste (3e et 4e anathиmes:
nous ne plaзons pas le Fils sur la mкme ligne que le Pиre, mais nous le
subordonnons au Pиre") Mais Hilaire qui rapporte le concile en donne une
interprйtation favorable (PL. 10, 518)
[12]
Canon 25, Sirmium,PL.10, 520 C. Sur la nйcessitй cf. Ia, 41, 2 ad 5: "Il y
a le nйcessaire par soi, et le nйcessaire par un autre. Nйcessaire par un
autre. On peut l'кtre par un autre de deux maniиres. D'abord, par une cause
efficiente et contraignante; on appelle ainsi nйcessaire ce qui est violent.
Ensuite, par la cause finale; ainsi dans ce qui est en vue d'une fin, on
appellera "nйcessaire" ce sans quoi la fin ne peut se rйaliser, ni
bien se rйaliser. Mais la gйnйration divine est nйcessaire d'aucune des deux
maniиres; car Dieu n'est pas ordonnй а une fin, et aucune contrainte n'a prise
sur lui. Le nйcessaire par soi, c'est ce qui ne peut pas ne pas кtre; ainsi
est-il nйcessaire que Dieu existe. Et de cette maniиre il est nйcessaire que le
Pиre engendre le Fils."
[13]
C'est par le Fils que tout est crйй.
[14]
De saint Jean (obj. 9).
[15]
L'amour est volontaire.
[16]
A savoir la communication de la bontй.
[17]
Nйcessitй de coaction: elle ne peut en aucune maniиre arriver а ce qui agit par
volontй, puisqu'elle est liйe а la violence. "La nйcessitй d'inclination
naturelle: Dieu vit nйcessairement et en telle nйcessitй, la volontй veut
quelque chose nйcessairement". (De Ver. qu. 22, a. 5, c ).
Article 4: Peut-il y avoir plusieurs Fils en Dieu?
q. 2 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum in divinis possint esse plures filii. Et videtur quod
sic. Il semble que oui: Objections[1]: q. 2 a. 4 arg. 1
Operatio enim naturae quae convenit uni supposito, convenit etiam omnibus
suppositis eiusdem naturae. Sed generatio, secundum Damascenum, est opus
naturae, et convenit patri. Ergo etiam filio et spiritui sancto qui sunt
supposita eiusdem naturae. Sed filius non generat se ipsum: nam, secundum
Augustinum, nulla res potest generare se ipsam. Ergo generat alium filium, et
sic in divinis possunt esse plures filii. 1.Car l'opйration de nature qui convient а un suppфt, convient aussi а
tous les suppфts de mкme nature. Mais la gйnйration, selon Jean Damascиne (la foi orthodoxe, II, 27) est l'oeuvre
de la nature et convient au Pиre. Donc aussi au Fils et а l'Esprit Saint qui
sont des suppфts de mкme nature. Mais le Fils ne s'engendre pas lui-mкme, car
selon Augustin, rien ne peut s'engendrer soi-mкme. Donc il engendre un autre
fils et ainsi il peut y avoir plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 2 Praeterea, totam virtutem suam
pater in filium transfundit. Sed potentia generandi pertinet ad virtutem
patris. Ergo huiusmodi potentiam habet filius a patre; et sic idem quod prius. 2. Le Pиre a transmis tout son pouvoir au Fils. Mais la puissance
d'engendrer appartient au pouvoir du Pиre. Donc le Fils reзoit du Pиre une
puissance de ce genre, et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 3
Praeterea, filius est perfecta imago patris, ad quod requiritur perfecta
assimilatio; quae non esset si filius non quantum ad omnia patrem imitaretur.
Ergo sicut pater filium generat, ita et filius; et sic idem quod prius. 3. Le Fils est l'image parfaite du Pиre, cela requiert une ressemblance
parfaite, qui n'existerait pas si le Fils n'imitait pas en tout le Pиre. Donc,
comme le Pиre engendre le Fils, le Fils aussi engendre et ainsi de mкme que
ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 4
Praeterea, perfectior est assimilatio ad Deum secundum conformitatem actionis
quam secundum conformitatem alicuius formae, ut patet per Dionysium: sicut soli
magis assimilatur quod lucet et illuminat quam quod lucet tantum. Sed filius
perfectissime assimilatur patri. Ergo est ei conformis non solum in potentia,
sed etiam in actu generandi; et sic idem quod prius. 4. La ressemblance а Dieu est plus parfaite en conformitй avec l'action
qu'avec celle d'une forme, comme le montre Denys (La hiйrarchie cйleste, 3[2]); ainsi ce qui
brille et illumine ressemble plus au soleil que ce qui brille seulement. Mais
le Fils ressemble trиs parfaitement au Pиre. Donc il lui est conforme non
seulement en puissance, mais aussi dans l'acte d'engendrer; et ainsi de mкme
que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 5
Praeterea, ex hoc contingit quod Deus facta una creatura potest facere aliam,
quia eius potentia neque exhauritur neque diminuitur in creando. Sed similiter
potentia patris neque exhauritur neque diminuitur ex hoc quod generat filium.
Ergo per hoc quod generat filium, non prohibetur quin possit alium filium
generare; et sic possunt esse plures filii in divinis. 5. De ce fait il arrive que Dieu, ayant crйй une crйature, peut en
crйer une autre, parce que sa puissance n'est ni augmentйe ni diminuйe en
crйant. Mais de la mкme maniиre la puissance du Pиre n'est ni augmentйe ni
diminuйe du fait qu'il engendre le Fils. Donc par le fait qu'il l'engendre, il
n'est pas empкchй de pouvoir engendrer un autre fils et ainsi il peut y avoir
plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 6 Sed
dices, quod ideo non generat alium filium, quia sequeretur inconveniens quod
Augustinus ponit, scilicet quod infinita esset divina generatio, si pater
plures filios generaret vel filius patri generaret nepotem, et sic de aliis.
Sed contra. In Deo nihil est in potentia quod non sit in actu: esset enim
imperfectus. Si ergo est in potentia patris quod plures filios generet, nullo
inconvenienti prohibente, erunt plures filii in divinis. 6. Mais on pourrait dire qu'il
n'engendre pas un autre fils, parce qu'il en dйcoulerait un inconvйnient
qu'Augustin expose, а savoir que la gйnйration divine serait infinie, soit que
le Pиre engendre plusieurs fils, soit que le Fils engendre un petit-fils au
Pиre, etc.. – En sens contraire: en Dieu rien n'est en puissance qui ne soit en
acte: car il serait imparfait. Si donc il est dans la puissance du Pиre
d'engendrer plusieurs fils, si nul inconvйnient ne l'empкche, il y aura
plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 7
Praeterea, de natura geniti est ut procedat in similitudinem generantis. Sed
sicut filius est similis patri, ita et spiritus sanctus; et ita spiritus
sanctus est filius, et sic sunt plures filii in divinis. 7. Il est de la nature de celui qui est engendrй d'aboutir а la
ressemblance de celui qui l'engendre. Mais le Fils est semblable au Pиre,
l'Esprit Saint aussi et ainsi il est aussi fils et il y a donc plusieurs fils
en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 8
Praeterea, secundum Anselmum, nihil est aliud dicere patrem filium generare,
quam patrem dicere se ipsum. Sed sicut pater potest dicere se ipsum, ita et
filius et spiritus sanctus. Ergo pater et filius et spiritus sanctus possunt
filios generare; et sic idem quod supra. 8. Selon Anselme (Monologium,
62), que le Pиre engendre le Fils, ce n'est rien d'autre que le Pиre se dit
lui-mкme. Mais de mкme que le Pиre peut se dire lui-mкme, le Fils et l'Esprit
Saint aussi. Donc le Pиre, le Fils et l'Esprit saint peuvent engendrer des
fils, et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 9
Praeterea, ex hoc pater dicitur filium generare, quod similitudinem suam in
intellectu suo concipit. Sed hoc idem possunt facere filius et spiritus
sanctus. Ergo idem quod prius. 9. On dit que du fait que le Pиre engendre le Fils, il conзoit sa
ressemblance dans son esprit. Mais le Fils et l'Esprit Saint peuvent faire de
mкme. Donc de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 10
Praeterea, potentia est media inter essentiam et operationem. Sed una est
essentia patris et filii, eademque potentia. Ergo et una operatio; et sic filio
convenit generare; et ita ut prius. 10. La puissance est intermйdiaire entre l'essence et l'opйration. Mais
l'essence du Pиre et du Fils est une, et la puissance est la mкme. Donc il y a
une seule opйration et ainsi il convient au Fils d'engendrer et de mкme que
plus haut. q. 2 a. 4 arg. 11
Praeterea, bonitas est diffusionis principium. Sed sicut est infinita bonitas
in patre et filio, ita etiam in spiritu sancto. Ergo sicut pater infinita
communicatione suam naturam communicat filium generando, ita spiritus sanctus
aliquam divinam personam producendo; non enim infinite communicatur divina
bonitas creaturae; et sic videtur quod possint esse plures filii in divinis. 11. La bontй est le principe de la diffusion. Mais la bontй dans le
Pиre et le Fils est infinie, de mкme aussi dans l'Esprit saint. Donc le Pиre
communique sa nature dans une communication infinie en engendrant le Fils; de
mкme l'Esprit Saint aussi en produisant une personne divine; car la divine
bontй n'est pas communiquйe de maniиre infinie а la crйature et ainsi il semble
qu'il peut y avoir plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 12
Praeterea, nullius boni sine consortio potest esse iucunda possessio. Sed
filiatio est quoddam bonum in filio. Ergo videtur oportere ad perfectam
iucunditatem filii, esse alium filium in divinis. 12. Une possession agrйable ne peut exister sans partage d'aucun bien[3]. Mais la filiation dans le Fils est un bien. Donc on voit
bien qu'il faut pour la joie parfaite du Fils qu'il y ait un autre fils en
Dieu. q. 2 a. 4 arg. 13
Praeterea, filius procedit a patre ut splendor a luce, ut patet Hebr. I, 3: qui
cum sit splendor gloriae, et figura substantiae eius. Sed splendor potest alium
splendorem producere, et ille alium, et alius alium. Ergo similiter videtur
esse in processione divinarum personarum, quod filius possit alium filium
generare, et sic idem ut prius. 13. Le Fils procиde du Pиre comme la splendeur de la lumiиre, comme il
est dit en Hйb. 1,3[4]:
"Il est la splendeur de sa gloire et
l'effigie de sa substance" Mais la splendeur peut produire une autre
splendeur et celle-ci une autre et l'autre une autre. Donc de la mкme maniиre,
il semble que dans la procession des personnes divines, il soit possible que le
Fils puisse engendrer un autre fils et ainsi de mкme que plus haut. q. 2 a. 4 arg. 14 Praeterea, paternitas in patre
ad eius dignitatem pertinet. Sed eadem est dignitas patris et filii.
Ergo paternitas convenit filio; et sic sunt plures filii in divinis. 14. La paternitй dans le Pиre convient а sa dignitй. Mais elle est
identique pour le Pиre et le Fils. Donc la paternitй convient au Fils, et ainsi
il y a plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 15
Praeterea, eius est potentia cuius est actus. Sed potentia generandi est in
filio. Ergo filius generat. 15. La puissance dйpend de ce dont elle est l'acte. Mais la puissance
d'engendrer est dans le Fils. Donc le Fils engendre. En sens contraire. q. 2 a. 4 s. c. 1
Sed contra. Illa sunt perfectissima in creaturis quae ex tota materia sua
constant, et sunt eorum in singulis speciebus singula tantum. Sed sicut
creaturae materiales individuantur per materiam, ita filii persona constituitur
filiatione. Ergo cum Deus filius sit perfectus filius, videtur quod in ipso
solo in divinis filiatio inveniatur. 1. Sont trиs parfaites parmi les crйatures celles qui sont composйes de
toute leur matiиre et sont seules dans leur espиce. Mais de mкme que les
crйatures matйrielles sont individualisйes par la matiиre, de mкme la personne
du Fils est constituйe par la filiation. Donc, comme Dieu le Fils est un fils
parfait, il est clair qu'on ne trouve la filiation en Dieu qu'en lui seul. q. 2 a. 4 s. c. 2
Praeterea, Augustinus dicit, quod si pater posset generare et non generaret,
invidus esset. Sed filius non est invidus. Ergo cum non generet, generare non
potest. Et sic non possunt esse plures filii in divinis. 2. Augustin dit (Contre
Maximinien, III, ch. 7, 18 et 23[5]) que, si le Pиre
pouvait engendrer et n'engendrait pas, il serait envieux, mais le Fils n'est
pas envieux. Donc puisqu'il n'engendre pas, il ne peut engendrer. Et ainsi il
ne peut y avoir plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 s. c. 3
Praeterea, quod perfecte dictum est semel iterum dici non oportet. Sed filius
est verbum perfectum, cui nihil deest, secundum Augustinum. Ergo non oportet
esse plura verba in divinis, et ita nec plures filios. 3. Ce qui est parfaitement
dit une fois n'a pas besoin d'кtre rйpйtй. Mais le Fils est le verbe parfait а
qui rien ne manque, selon Augustin (La
Trinitй VI, 10 et VII, 2). Donc, il ne faut pas qu'il y ait plusieurs
verbes en Dieu, ni plusieurs fils non plus. Rйponse. q. 2 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum, quod in divinis impossibile est esse plures filios; quod
sic patet. Personae namque divinae cum in omnibus absolutis conveniant, utpote
sibi invicem essentiales, distingui non possunt nisi secundum relationes, nec
secundum alias nisi secundum relationes originis. Nam aliarum relationum
quaedam distinctionem praesupponunt, ut aequalitas et similitudo; quaedam vero
inaequalitatem designant, ut dominus et servus, et alia huiusmodi. Relationes
vero originis ex sui ratione conformitatem important: quia quod oritur ex alio,
eius similitudinem retinet in quantum huiusmodi. Il est impossible qu'en Dieu il y ait plusieurs fils, ce qu'on montre
ainsi: les personnes divines, en effet, s'accordent en tous les absolus, dans
la mesure oщ elles sont de la mкme essence l'une et l'autre, elles ne peuvent
кtre distinguйes que par des relations et par rien d'autre que les relations
d'origine. Car certaines prйsupposent qu'on les distinguent des autres
relations comme l'йgalitй et la ressemblance; certaines dйsignent l'inйgalitй,
comme maоtre et esclave, etc.. Mais les relations d'origine apportent une
conformitй par leur propre nature; parce que ce qui sort d'un autre, conserve
sa ressemblance en tant qu'il est de ce genre. Non est igitur aliquid in divinis quo filius distinguatur ab
aliis personis nisi sola relatio filiationis, quae est eius personalis
proprietas, et qua filius non solum est filius, sed est hoc suppositum vel haec
persona. Il n'y a rien en Dieu qui distingue le Fils des autres personnes que la
seule relation de filiation qui est sa propriйtй personnelle, par laquelle il
est non seulement le Fils, mais aussi ce suppфt ou cette personne. Impossibile autem est quod illud quo aliquod suppositum est
hoc in pluribus inveniri: quia sic suppositum ipsum esset communicabile; quod
est contra rationem individui, suppositi, vel personae. Unde nullo modo potest
esse alius filius in divinis quam unus. Non enim potest dici, quod una filiatio
constituat hunc filium et alia alium: quia cum filiationes ratione non
differant, oporteret quod si materia vel quocumque supposito distinguerentur,
esset in divinis materia, aut aliquid aliud distinguens quam relatio. Il est impossible que ce par quoi quelque chose est un suppфt se trouve
en plusieurs; parce qu'ainsi le suppфt mкme serait communicable, ce qui est
contre la notion d'individu, de suppфt ou de personne. Donc en aucune maniиre,
il ne peut y avoir un autre fils en Dieu; il n'y en a qu'un. Car on ne peut pas
dire qu'une filiation constitue ce fils et une autre filiation en constitue un
autre, parce que, comme les filiations ne diffиrent pas en raison, il faudrait
que, si elles sont distinguйes par la matiиre ou un suppфt quelconque, qu'il y
ait de la matiиre en Dieu ou quelque chose d'autre que la relation qui les
distingue. Potest autem et alia ratio specialis assignari, quare pater
tantum unum filium gignere possit. Natura enim ad unum determinatur; unde cum
pater natura generet filium, non potest esse nisi unus filius a patre genitus.
Nec potest dici, quod sint plures numero in eadem specie existentes, sicut apud
nos accidit; cum ibi non sit materia, quae est principium distinctionis
secundum numerum in eadem specie. On peut attribuer une autre raison spйcifique pour laquelle le Pиre ne
peut engendrer qu'un seul fils. Car la nature est dйterminйe а un seul objet,
donc, comme le Pиre engendre le Fils par nature il ne peut y avoir qu'un fils
unique engendrй par le Pиre. Et on ne peut pas dire qu'ils soient plusieurs en nombre
dans une mкme espиce, comme cela arrive pour nous, puisque lа, il n'y a pas la
matiиre qui est le principe de la distinction selon le nombre dans la mкme
espиce. Solutions: q. 2 a. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod generatio quamvis in patre sit quodammodo opus
naturae divinae, est tamen eius cum quadam concomitantia personalis
proprietatis patris, ut supra, art. 2, dictum est; unde non oportet quod
conveniat filio, in quo natura divina sine tali proprietate invenitur. # 1. Quoique d'une certaine maniиre, la gйnйration soit dans le Pиre
l'oeuvre de la nature divine, elle est en mкme temps sa propriйtй personnelle
de Pиre, comme on la dit (a. 2). C'est pourquoi il ne faut pas qu'elle
convienne au Fils en qui la nature divine se trouve sans une telle propriйtй. q. 2 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod pater
totam virtutem suam communicat filio, quae naturam divinam sequitur absolute. Potentia
vere generandi sequitur naturam divinam cum adiunctione proprietatis patris, ut
dictum est. # 2. Le Pиre communique au Fils tout son pouvoir qui dйcoule de la
nature divine dans l'absolu. Mais la puissance d'engendrer suit la nature
divine avec adjonction de la propriйtй du Pиre, comme on l'a dit. q. 2 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod imago
assimilatur ei cuius est imago quantum ad speciem, non quantum ad relationem.
Non enim oportet quod si imago est ab aliquo quod id cuius est imago, sit ab
alio: quia nec similitudo proprie secundum relationem attenditur, sed secundum
formam. # 3. L'image ressemble а celui dont il est l'image quant а la forme,
non quant а la relation. Car il ne faut pas que, si l'image vient de quelque
chose dont elle est l'image, elle vienne d'un autre, parce que la ressemblance
n'est pas atteinte en propre par la relation, mais par la forme[6]. q. 2 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut filius assimilatur patri in natura divina, non in
proprietate personali; ita et assimilatur ei in actione quae concomitatur
naturam, sine concomitantia proprietatis praedictae. Talis autem actio non est
generatio; unde ratio non sequitur. # 4. Le Fils ressemble au Pиre dans sa nature divine, mais pas dans une propriйtй personnelle, et de mкme il lui
ressemble dans l'action qui accompagne la nature, sans кtre accompagnй de cette
propriйtй. Mais une telle action n'est pas la gйnйration; donc l'argument ne
vaut pas. q. 2 a. 4 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod licet potentia generativa patris non exhauriatur neque
minuatur per generationem filii; tamen eius infinitatem adaequat filius, qui est
intellectus infinitus, non autem creatura finita; unde non est simile. # 5. Bien que la puissance gйnйrative du Pиre ne soit ni augmentйe ni
diminuйe par la gйnйration du Fils, cependant le Fils, qui est un esprit
infini, mais non une crйature finie, йgale son infinitй; c'est pourquoi ce
n'est pas pareil. q. 2 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod in ratione ducente ad inconveniens non oportet quod sola
inconvenientis vitatio sit causa removendae positionis ex qua inconveniens
sequitur, sed etiam causae manifestationis inconvenientis; unde non oportet
quod propter hoc solum non sint plures filii in divinis, ne sit generatio
infinita. # 6. Si une raison conduit а un inconvйnient, il ne faut pas que
l'йviter soit une raison pour exclure la position d'oщ il vient, mais aussi la
cause de sa manifestation. C'est pourquoi, il ne faut pas que pour cette seule
raison il n'y ait pas plusieurs fils en Dieu, pour que la gйnйration ne soit
pas infinie. q. 2 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
spiritus sanctus procedit per modum amoris. Amor autem non significat aliquid
figuratum vel specificatum specie amantis vel amati, sicut verbum significat
speciem dicentis et eius quod dicitur habens; et ideo cum filius procedat per
modum verbi, ex ipsa ratione suae processionis habet, ut procedat in similem
speciem generantis, et sic quod sit filius, et eius processio generatio
dicatur. Non autem spiritus sanctus hoc habet ratione suae processionis, sed
magis ex proprietate divinae naturae, quia in Deo non potest esse aliquid quod non
sit Deus; et sic ipse amor divinus Deus est, in quantum quidem divinus, non in
quantum amor. # 7. L'Esprit Saint procиde
par mode d'amour. Mais l'amour ne signifie rien de figurй ou de spйcifiй par la
forme de l'amant et de l'aimй, comme le verbe signifie la forme de celui qui
parle et de celui qui est dit le possйder; et ainsi comme le Fils procиde par
mode de verbe, par la nature mкme de la procession, il peut aboutir а une forme
semblable а celui qui l'engendre et ainsi parce qu'il est le Fils, sa procession
est appelйe gйnйration. Mais l'Esprit saint ne l'a pas en raison de sa
procession, mais plus par la propriйtй de la nature divine, parce qu'en Dieu,
il ne peut rien y avoir qui ne soit pas Dieu, et ainsi l'amour divin mкme est
Dieu, en tant que divin, non en tant qu' amour. q. 2 a. 4 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod hoc verbum dicere potest accipi dupliciter: stricte et
large: stricte accipiendo dicere, idem est quod verbum a se emittere; et sic
est notionale, et convenit tantum patri: et sic accipit dicere Augustinus; unde
ponit in principio VI de Trinitate, quod solus pater dicit se. Alio modo potest
accipi communiter, prout dicere idem est quod intelligere; et sic essentiale.
Et hoc modo Anselmus accipit in Monologio, ubi dicit, quod pater et filius et
spiritus sanctus dicunt se. # 8. Ce mot dire peut кtre compris en deux sens, au
sens strict ou au sens large. En le prenant au sens strict, dire c'est la mкme chose qu'йmettre une
parole de soi, et ainsi il est notionnel et il convient seulement au Pиre. Et
c'est ainsi que le dit Augustin; c'est pourquoi au dйbut du livre VI de La Trinitй (VII) il pense en principe
que seul le Pиre se dit. D'une autre maniиre on peut le prendre communйment,
selon que dire est la mкme chose que
l'intellection; et ainsi cela concerne l'essence. Et c'est de cette maniиre
qu'Anselme le prend dans le Monologium
(62[7]) oщ il dit que le Pиre, le Fils et l'Esprit saint
se disent. q. 2 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut generare soli patri convenit in divinis, ita et
concipere; unde solus pater suam similitudinem concipit in intellectu, quamvis
filius et spiritus sanctus intelligant; quia in intelligendo nulla relatio
exprimitur, nisi forte secundum modum intelligendi tantum; sed in generando et
in concipiendo exprimitur realis origo. # 9. En Dieu, engendrer convient au Pиre seul, concevoir aussi. C'est
pourquoi, seul le Pиre conзoit sa ressemblance dans son esprit, quoique le Fils
et l'Esprit saint pensent (intelligant),
parce que, en pensant, aucune relation n'est exprimйe, sinon par hasard selon
le mode de l'intellection seulement; mais dans le fait d'engendrer et de
concevoir s'exprime l'origine rйelle. q. 2 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod ratio illa recte procedit de actione quae consequitur naturam
absolute sine aliquo respectu ad proprietatem: talis autem non est generatio;
unde ratio non sequitur. # 10. Cette raison procиde directement de l'action qui suit la nature
dans l'absolu sans aucun rapport avec la propriйtй; mais telle n'est pas la
gйnйration, c'est pourquoi la raison ne vaut pas. q. 2 a. 4 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in divinis non potest esse nisi spiritualis processio,
quae quidem est solum secundum intellectum et voluntatem: et ideo non potest a
spiritu sancto alia persona divina procedere; quia ipse procedit per modum
voluntatis ut amor. Filius per modum intellectus ut verbum. # 11. En Dieu, il ne peut y avoir qu'une procession spirituelle, qui
est seulement selon l'esprit et la volontй et c'est pourquoi une autre personne
divine ne peut pas procйder de l'Esprit saint, parce que lui-mкme procиde par
mode de volontй comme (l')amour. Le Fils par l'esprit (intellectus) en tant que verbe. q. 2 a. 4 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod proprietas personalis oportet ut sit incommunicabilis,
ut supra dictum est; unde in ea consortium fieri non requirit iucunditas. # 12. Il faut que la propriйtй personnelle soit incommunicable comme on
l'a dit ci-dessus, donc y participer ne requiert pas la joie. q. 2 a. 4 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod illa similitudo non oportet quod teneat quantum
ad omnia. # 13. Il ne faut qu'il ait une ressemblance totale pour tout[8]. q. 2 a. 4 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod sicut paternitas in patre et filiatio in filio sunt
una essentia: ita et sunt una dignitas et una bonitas. # 14. De mкme que la paternitй dans le Pиre et la filiation dans Fils
sont une seule essence, il y a une seule dignitй et une seule bontй. q. 2 a. 4 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum quod cum dicitur potentia generandi, hoc gerundium
generandi tripliciter potest accipi. # 15. Quand on parle de la
puissance d'engendrer ce gйrondif d'engendrer, peut кtre compris en trois sens: Uno modo prout est gerundium verbi activi; et sic ille habet
potentiam generandi qui habet potentiam ad hoc quod generet a) Selon qu'il est le gйrondif d'un verbe actif, et ainsi a la
puissance d'engendrer celui qui en a la puissance pour le faire . Alio modo prout gerundium est verbi passivi; et sic ille
habet generandi potentiam qui habet potentiam ad hoc ut generetur. b) Selon que le gйrondif est d'un verbe passif; et ainsi a la puissance
(кtre engendrй[9]) celui qui en a la puissance. Tertio modo prout est gerundium verbi impersonalis; et sic
dicitur ille habere potentiam generandi qui habet potentiam illam qua ab alio
generatur. c) Selon qu'il est le gйrondif d'un verbe impersonnel. et ainsi on dit
qu'a la puissance d'кtre engendrй celui qui a cette puissance par laquelle il
est engendrй par un autre. Primo ergo modo potentia generandi non
convenit filio, sed secundo et tertio; unde ratio non sequitur. Selon le premier mode la puissance d'engendrer ne convient pas au Fils,
mais selon le second et le troisiиme, oui. Donc la raison ne vaut pas[10].
Article 5: La puissance d'engendrer est-elle comprise dans la toute
puissance?
q. 2 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum potentia generandi sub omnipotentia comprehendatur. Et
videtur quod non. Il semble que non. Objections[1]: q. 2 a. 5 arg. 1
Omnipotentia enim convenit filio, secundum illud symboli: omnipotens pater,
omnipotens filius, omnipotens spiritus sanctus. Non autem convenit ei potentia
generandi. Ergo sub omnipotentia non comprehenditur. 1. Car la toute puissance convient au Fils selon ce que dit le Symbole[2]: "Le Pиre
tout-puissant, le Fils tout-puissant et l'Esprit saint tout puissant."
Mais la puissance d'engendrer ne lui convient pas. Donc elle n'est pas comprise
sous la toute puissance. q. 2 a. 5 arg. 2
Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus dicitur omnipotens, quia potest omnia
quae vult. Ex quo videtur quod potentia illa ad omnipotentiam pertineat quae a
voluntate imperatur. Potentia autem generandi non est huiusmodi: quia pater non
genuit filium voluntate, ut supra, art. 3, habitum est. Ergo potentia generandi
ad omnipotentiam non pertinet. 2. Augustin dit (Enchiridion,
XXIV, 96[3]) que Dieu est appelй tout-puissant, parce
qu'il peut tout ce qu'il veut. Cela montre que cette puissance concerne la
toute-puissance qui est commandйe par la volontй. Mais la puissance d'engendrer
n'est pas de ce genre; parce que le Pиre n'a pas engendrй le Fils par volontй,
comme on la dit ci-dessus (a. 3). Donc la puissance d'engendrer ne concerne pas
la toute-puissance. q. 2 a. 5 arg. 3
Praeterea, omnipotentia Deo attribuitur, in quantum eius omnipotentia ad omnia
quae sunt in se possibilia se extendit. Sed generatio filii vel ipse filius non
est de possibilibus, sed de necessariis. Ergo potentia generandi sub
omnipotentia non comprehenditur. 3. On attribue la toute puissance а Dieu dans la mesure oщ elle s'йtend
а tout ce qui est possible en soi. Mais la gйnйration du Fils ou le Fils
lui-mкme ne sont pas du domaine du possible mais de celui du nйcessaire. Donc
la puissance d'engendrer n'est pas comprise sous la toute-puissance. q. 2 a. 5 arg. 4
Praeterea, quod convenit pluribus communiter, convenit eis secundum aliquid eis
commune, sicut habere tres aequilatero et gradato, secundum hoc quod triangulus
sunt. Ergo quod convenit alicui soli, convenit ei secundum hoc quod sibi est
proprium. Omnipotentia autem non est propria patris. Cum ergo potentia
generandi soli patri conveniat in divinis, non convenit ei in quantum est
omnipotens; et ita ad omnipotentiam non pertinebit. 4. Ce qui convient en commun а plusieurs leur convient selon ce qui
leur est commun; ainsi avoir trois angles йquilatйraux ou des cфtйs inйgaux
convient en cela au triangle. Donc ce qui convient а un seul, lui convient
selon ce qui lui est propre. Mais la toute-puissance n'est pas le propre du
Pиre. Donc, comme la puissance d'engendrer en Dieu ne convient qu'au Pиre seul,
elle ne lui convient pas en tant que tout-puissant et ainsi elle ne concernera
pas la toute-puissance. q. 2 a. 5 arg. 5
Praeterea, sicut est una essentia patris et filii, ita et una omnipotentia. Sed
ad omnipotentiam filii non reducitur posse generare. Ergo nec ad omnipotentiam
patris; et sic nullo modo potentia generandi ad omnipotentiam pertinet. 5. Il y a une seule essence pour le Pиre et le Fils, de mкme une seule
toute-puissance. Mais pouvoir engendrer n'est pas ramenй а la toute-puissance
du Fils. Donc ni а la toute puissance du Pиre, et ainsi la puissance
d'engendrer ne concerne en aucune maniиre la toute puissance[4]. q. 2 a. 5 arg. 6
Praeterea, ea quae non sunt unius rationis, sub una distributione non cadunt:
non enim cum dicitur omnis canis, distributio sumitur pro latrabili et
caelesti. Sed generatio filii et productio aliorum quae omnipotentiae
subiacent, non sunt unius rationis. Ergo cum dicitur: Deus est omnipotens, non
includitur ibi potentia generandi. 6. Ce qui n'est pas d'une seule nature ne tombe pas sous une seule
rйpartition. En effet, quand on parle de n'importe quel chien, on ne l'attribue ni а celui qui aboie, ni а la
constellation du chien. Mais la gйnйration du Fils et la crйation des autres
qui sont soumis а la toute puissance ne sont pas d'une seule nature. Donc quand
on dit: Dieu est tout puissant, on n'y inclut pas la puissance d'engendrer. q. 2 a. 5 arg. 7
Praeterea, illud ad quod omnipotentia se extendit, est omnipotentiae subiectum.
Sed in divinis nihil est subiectum, ut Hieronymus dicit Damascenus, libro IV,
capit. XIX et libro III, capit. XXI. Ergo nec generatio filii nec filius
omnipotentiae subditur; et sic idem quod prius. 7. Ce а quoi s'йtend la toute-puissance en est le sujet. Mais en Dieu,
rien n'est sujet, comme le dit Jean Damascиne, (IV, 19 et III, 21). Donc ni la
gйnйration du Fils, ni le Fils ne sont soumis а la toute-puissance; et ainsi de
mкme que ci-dessus. q. 2 a. 5 arg. 8 Praeterea,
secundum philosophum relatio non potest esse terminus motus per se, et per
consequens nec actionis; et ita nec potentiae obiectum, quae dicitur respectu
actionis. Sed generatio et filius in divinis relative dicuntur. Ergo Dei
potentia ad ea se non extendit; et sic posse generare non includitur in
omnipotentia. 8 Selon le philosophe (Physique,
V, 2, 225 b 10[5] et prйcйdent), la relation ne peut кtre
le terme du mouvement par soi ni, par consйquence, celui de l'action et non
plus de l'objet de la puissance dont on parle en rapport avec l'action. Mais on
parle de la gйnйration et du Fils en Dieu selon la relation. Donc la puissance
de Dieu ne s'y йtend pas et pouvoir engendrer n'est pas inclus dans la toute
puissance. En sens contraire: q. 2 a. 5 s. c. 1
Sed contra. Est quod Augustinus dicit, si pater non potest generare filium sibi
aequalem, ubi est eius omnipotentia? Ergo omnipotentia ad generationem se
extendit. 1. Augustin dit Contra Maximinien (III, c. 7, 17 et 18): "Si le
Pиre ne peut engendrer un Fils йgal а lui, oщ est sa toute puissance?"
Donc la toute-puissance s'йtend а la gйnйration[6]. q. 2 a. 5 s. c. 2
Praeterea, omnipotentia in Deo dicitur non solum respectu actuum exteriorum, ut
creare, gubernare et huiusmodi, qui ad effectus exterius terminari
significantur; sed etiam respectu actuum interiorum; ut intelligere et velle.
Si quis enim Deum non posse intelligere diceret, eius omnipotentiae derogaret.
Sed filius procedit ut verbum per actum intellectus. Ergo respectu generationis
filii omnipotentia Dei intelligitur. 2. On parle de la toute-puissance en Dieu, non seulement en rapport
avec les actes extйrieurs, comme crйer, gouverner etc., qui sont signifiйs se
terminer aux effets а l'extйrieur, mais aussi en rapport avec les actes
intйrieurs, comme penser et vouloir. Car si quelqu'un disait que Dieu ne peut
pas penser, cela dйrogerait а sa toute-puissance. Mais le Fils procиde en tant
que Verbe par un acte de l'esprit. Donc on comprend la toute-puissance de Dieu
en rapport avec la gйnйration du Fils[7]. q. 2 a. 5 s. c. 3
Praeterea, maius est generare filium quam creare caelum et terram. Sed posse
creare caelum et terram est omnipotentiae. Ergo multo magis posse filium generare. 3. Il est plus grand d'engendrer le Fils que de crйer le ciel et la
terre. Mais pouvoir crйer le ciel et la terre est le propre de la
toute-puissance. Donc beaucoup plus le pouvoir d'engendrer un Fils. q. 2 a. 5 s. c. 4
Praeterea, in quolibet genere est unum principium, ad quod omnia quae sunt
illius generis, reducuntur. In genere autem potentiarum principium est
omnipotentia. Ergo omnis potentia ad omnipotentiam reducitur; ergo et potentia
generandi vel continetur sub omnipotentia, vel in genere potentiarum erunt duo
principia, quod est impossibile. 4. Dans n'importe quel genre, il y a un seul principe auquel est ramenй
tout ce qui est de ce genre. Or dans le genre des puissances, le principe c'est
la toute-puissance. Donc chaque puissance est ramenйe а la toute-puissance.
Donc la puissance d'engendrer, ou bien est contenue sous la toute puissance, ou
bien elle sera dans le genre des puissances, il y aura deux principes, ce qui
est impossible. Rйponse: q. 2 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum, quod potentia generandi pertinet ad omnipotentiam patris,
non autem ad omnipotentiam simpliciter: quod sic patet. Cum enim potentia in
essentia radicari intelligatur, et sit principium actionis, oportet idem esse
iudicium de potentia et actione quod est de essentia. In essentia autem divina
hoc considerandum est, quod propter eius summam simplicitatem quidquid est in
Deo, est divina essentia; unde et ipsae relationes quibus personae ad invicem
distinguuntur, sunt ipsa divina essentia secundum rem. Et quamvis una et eadem
essentia sit communis tribus personis, non tamen relatio unius personae
communis est tribus, propter oppositionem relationum ad invicem. Ipsa enim
paternitas est divina essentia, nec tamen paternitas filio inest, propter
oppositionem paternitatis et filiationis. La puissance d'engendrer convient а la toute-puissance du Pиre, mais
pas la toute-puissance dans l'absolu[8]; ce qui apparaоt
ainsi: йtant donnй que la puissance, en effet, est comprise comme ayant sa
racine dans l'essence, et est ainsi principe d'action, il faut que le jugement
sur la puissance et sur l'action soit identique, parce qu'il concerne
l'essence. Il faut considйrer dans l'essence divine qu'а cause de sa suprкme
simplicitй suprкme, tout ce qui est en Dieu est son essence; c'est pourquoi les
relations mкmes par lesquelles les personnes se distinguent entre elles, sont
rйellement l'essence divine elle-mкme. Et quoiqu'une seule et mкme essence soit
commune aux trois personnes, cependant la relation d'une personne n'est pas
commune aux trois а cause de l'opposition des relations entre elles. Car la
paternitй mкme est l'essence divine et cependant elle n'est pas dans le Fils а
cause de l'opposition de la paternitй et de la filiation. Unde potest dici, quod paternitas est divina essentia prout
est in patre, non prout est in filio: non enim eodem modo est in patre et
filio, sed in filio ut ab altero accepta, in patre autem non. Nec tamen
sequitur quod quamvis paternitatem filius non habeat quam pater habet, aliquid
habeat pater quod non habet filius: nam ipsa relatio secundum rationem sui
generis, in quantum est relatio, non habet quod sit aliquid, sed solum quod sit
ad aliquid. Quod sit vero aliquid secundum rem, habet ex illa parte qua inest,
vel ut idem secundum rem, ut in divinis, vel ut habens causam in subiecto,
sicut in creaturis. Unde cum id quod est absolutum, communiter sit in patre et
filio, non distinguuntur secundum aliquid, sed secundum ad aliquid tantum; unde
non potest dici quod aliquid habet pater quod non habet filius; sed quod
aliquid secundum unum respectum convenit patri, et secundum alium aliquid
filio. C'est pourquoi, on peut dire que la paternitй est l'essence divine
selon qu'elle est dans le Pиre, mais non selon qu'elle est dans le Fils, car
elle n'est pas de la mкme maniиre dans le Pиre et le Fils; elle est dans le
Fils comme reзue d'un autre mais pas dans le Pиre. Et cependant il n'en dйcoule
pas que, quoique le Fils n'ait pas la paternitй qu'a le Pиre, le Pиre a quelque
chose que n'a pas le Fils; car la relation en tant que telle selon la nature de
son genre n'a pas а кtre quelque chose mais seulement а кtre relation. Mais que
ce soit quelque chose en rйalitй vient de cette partie dans laquelle elle est
ou comme identique en rйalitй, comme en Dieu, ou comme ayant sa cause dans le
sujet, comme dans les crйatures. C'est pourquoi puisque ce qui est absolu est
en commun dans le Pиre et dans le Fils, ils ne sont pas distinguйs par leur
nature, mais par la relation seulement. C'est pourquoi on ne peut pas dire que
le Pиre a quelque chose que le Fils n'a pas, mais que quelque chose convient
selon un rapport au Pиre et selon un autre au Fils. Similiter ergo dicendum est de actione et potentia. Nam
generatio significat potentiam cum aliquo respectu, et potentia generandi
significat potentiam cum respectu; unde ipsa generatio est Dei actio, sed prout
est patris tantum; et similiter ipsa potentia generandi est Dei omnipotentia,
sed prout est patris tantum. Nec tamen sequitur quod aliquid possit pater quod
non possit filius. Sed omnia quaecumque potest pater, potest filius, quamvis
generare non possit: nam generare ad aliquid dicitur. Il faut en dire autant de l'action et de la puissance. Car la
gйnйration signifie la puissance avec une certaine relation et la puissance
d'engendrer signifie la puissance avec une relation; c'est pourquoi la
gйnйration mкme est l'action de Dieu, mais en tant qu'il est Pиre seulement, et
semblablement la puissance mкme d'engendrer est la toute-puissance de Dieu
selon qu'elle est du Pиre seulement. Et cependant il n'en dйcoule pas que le
Pиre puisse ce que ne peut pas le Fils. Mais tout ce que peut le Pиre, le Fils
le peut, quoiqu'il ne puisse engendrer, car on dit qu'engendrer est une
relation. Solutions q. 2 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod posse generare, ad omnipotentiam pertinet, sed non
prout est in filio, ut dictum est, in corp. articuli. # 1. Pouvoir engendrer concerne la toute-puissance, mais pas dans la
mesure oщ elle est dans le Fils, comme on l'a dit dans le corps de l'article. q. 2 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Augustinus non intendit ostendere totam rationem
omnipotentiae in verbis illis, sed quoddam omnipotentiae signum. Nec loquitur de omnipotentia nisi secundum quod ad creaturas se extendit. # 2. Augustin n'a pas l'intention de montrer toute la nature de la
toute-puissance dans ces paroles, mais d'en montrer un aspect. Et il n'en parle
que dans la mesure oщ elle s'йtend aux crйatures. q. 2 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod possibile ad quod omnipotentia se extendit, non est
accipiendum solum pro contingenti: quia et necessaria sunt per divinam
potentiam ad esse producta: et sic nihil prohibet generationem filii computari
inter possibilia divinae potentiae. # 3. Le possible а quoi s'йtend la toute-puissance n'est pas а recevoir
seulement pour ce qui est contingent, parce que ce qui est nйcessaire est amenй
а l'кtre par la puissance divine, et ainsi rien n'empкche que la gйnйration du
Fils soit comptйe parmi les possibilitйs de la puissance divine. q. 2 a. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod licet omnipotentia absolute considerata non sit propria
patris, tamen prout cointelligitur ei determinatus modus existendi, sive
determinata relatio, propria fit patri; sicut hoc quod dicitur Deus pater,
patri proprium est, quamvis Deus sit tribus commune. # 4. Quoique la toute-puissance, considйrйe dans l'absolu, ne soit pas
le propre du Pиre, cependant dans la mesure oщ un mode dйterminй d'existence ou
une relation dйterminйe est comprise en lui, elle devient propre au Pиre; ainsi
ce qui est appelй Dieu Pиre est propre au Pиre, quoique Dieu soit commun aux
trois personnes. q. 2 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut una et eadem est essentia trium personarum, non
tamen sub eadem relatione, vel secundum eumdem modum existendi est in tribus
personis; ita est et de omnipotentia. # 5. Une seule et mкme essence pour les trois personnes, non cependant
sous la mкme relation, ou selon le mкme mode d'existence est dans les trois
personnes, il en est de mкme pour la toute-puissance. q. 2 a. 5 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod generatio filii et productio creaturarum non sunt unius
rationis secundum univocationem, sed secundum analogiam tantum. Dicit enim
Basilius quod accipere filius habet commune cum omni creatura; et ratione huius
dicitur primogenitus omnis creaturae et hac ratione potest eius generatio
productionibus creaturae communicari sub una distributione. # 6. La gйnйration du Fils et la production des crйatures ne sont pas
d'une mкme nature selon l'univocitй, mais par analogie seulement. Car Basile
dit (Hom. 15 Sur le foi ) que le fait de recevoir, le Fils l'a eu en commun
avec toute crйature, et sous ce rapport, il est appelй "premier-nй de
toute crйature" (Col. 1, 15) et pour cette raison sa gйnйration peut кtre
attribuйe aux productions de la crйature sous une seule attribution[9]. q. 2 a. 5 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod generatio filii est subiecta omnipotentiae, non hoc
modo quo subiectum inferioritatem designat sed hoc modo quo designat solummodo
potentiae obiectum. # 7. La gйnйration du Fils est soumise а la toute-puissance, non de
cette maniиre oщ elle dйsigne un sujet infйrieur, mais de celle oщ elle dйsigne
seulement l'objet de la puissance. q. 2 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod generatio filii significat relationem per modum
actionis, et filius per modum hypostasis subsistentis; et ideo nihil prohibet
quin respectu horum omnipotentia dicatur. # 8. La gйnйration du Fils signifie une relation par mode d'action[10] et le Fils [est signifiй] par mode d'hypostase
subsistante[11]; et c'est pourquoi rien n'empкche qu'on
dйsigne la toute-puissance en rapport avec cela. q. 2 a. 5 ad s. c. Aliae vero rationes non
concludunt, nisi quod posse generare ad omnipotentiam patris pertineat. Les autres raisons n'apportent pas de conclusions, sinon que le pouvoir
d'engendrer concerne la toute-puissance du Pиre.
[1] . Parall.: Ia, qu. 28, a. 3 – I Sent. d7q1a1. [2]
. Symbole Quicumque, dit d'Athanase. [3]
. Si Dieu le Pиre "reзoit avec raison le nom de tout puissant, c'est
uniquement pour ce motif que tout ce qu'il veut il le peut, sans que la volontй
d'aucune crйature puisse empкcher sa volontй toute puissante de sortir son
effet." Trad. BA. 9 [4]
. Si on considиre ce sur quoi porte la toute puissance, c'est-а-dire la
crйation, elle n'est qu'en rapport avec les crйatures. Mais si on considиre
l'opйration, la toute puissance s'йtend а celui qui engendre (le Pиre). I Sent. d20,q1a1, ad 4. [5]
."Selon la substance, il n'y a pas mouvement, parce qu'il n'y a aucun кtre
qui soit contraire а la substance. Pas davantage pour la relation; car а la
suite du changement de l'un des relatifs, cela peut aussi se vйrifier aussi
pour l'autre sans qu'il ait changй en rien." (Trad. H. Carteron) [6]
. Id. Pot. 2, 1, sed contra. 2. [7]
.Cet argument est prйsentй comme solution en I Sent.d20q1a1. [8]
. Pour la raison que le Fils et l'Esprit saint n'engendrent pas. L'absolu
correspond а l'essence [9]
. "La procession des crйatures а partir d Dieu a pour cause exemplaire la
procession mкme des personnes divines." (Geiger, La participation dans la philosophie de s. Thomas d'Aquin, p. 225 [10]
. Elle signifie l'identitй rйelle de l'action notionnelle et de la relation
divine.(Vanier p. 41) [11]
. "Dans cette relation signifiant l'йmanation de l'action notionnelle et
distincte pour l'esprit de la relation personnelle, il ne faut sans doute voir
qu'une relation de raison (relatio
intellecta in origine) – laissant intacte l'identification rйelle et
d'action notionnelle et de la relation personnelle. Vanier Thйologie trinitaire chez Saint Thomas d'Aquin. p. 47.
Article 6:
q. 2 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum potentia generandi et potentia creandi sint idemq. Et
videtur quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 2 a. 6 arg. 1
Generatio enim est operatio vel opus naturae, sicut Damascenus dicit; creatio
vero est opus voluntatis, ut patet per Hilarium in libro de Synod. sed voluntas
et natura non sunt idem principium, sed ex opposito dividuntur, ut patet II
Phys. Ergo potentia generandi et potentia creandi non sunt idem. 1. Car la gйnйration est l'opйration ou l'oeuvre de la nature, comme
Jean Damascиne le dit (II, 27): mais la crйation est l'oeuvre de la volontй,
comme le montre Hilaire (Les synodes). Mais la volontй et la
nature ne sont pas un mкme principe, mais elles sont divisйes par opposition,
comme on le voit en Physique (II, 4,
196 a 28 et 5, 196 b 18[2]). Donc la puissance d'engendrer
et celle de crйer ne sont pas identiques. q. 2 a. 6 arg. 2
Praeterea, potentiae distinguuntur per actus, ut habetur II de anima. Sed
generatio et creatio sunt actus multum differentes. Ergo et potentia generandi
et potentia creandi non sunt una potentia. 2. On distingue les puissances par les actes, comme il est dit dans L'вme, II, 4, 415 a 20[3].
Mais la gйnйration et la crйation sont des actes trиs diffйrents. Donc la
puissance d'engendrer et celle de crйer ne sont pas une seule puissance. q. 2 a. 6 arg. 3
Praeterea, minor unitas est eorum quae in aliquo univocantur, quam eorum quae
habent idem esse. Sed potentia generandi et potentia creandi in nullo
univocantur; sicut nec generatio et creatio nec filius et creatura. Ergo
potentia generandi et potentia creandi non sunt idem secundum esse. 3. L'unitй de ceux qui sont dйsignйs par un mкme nom est moindre que
celle de ceux qui ont un кtre identique. Mais la puissance d'engendrer et celle
de crйer ne sont univoques en rien, la gйnйration et la crйation, non plus, le
Fils et la crйature, non plus. Donc la puissance d'engendrer et celle de crйer
ne sont pas identiques selon l'кtre. q. 2 a. 6 arg. 4
Praeterea, inter ea quae sunt idem, non cadit ordo. Sed potentia creandi est
prior quam potentia generandi secundum intellectum, sicut essentiale notionali.
Ergo praedictae potentiae non sunt idem. 4. Il n'y a pas d'ordre en ce qui est identique. Mais la puissance de
crйer est avant la puissance d'engendrer selon l'esprit, comme ce qui est de
l'essence est avant ce qui est de la notion. Donc les puissances dont on parle
ne sont pas identiques. En sens contraire: q. 2 a. 6 s. c. 1
Sed contra. In Deo non differt potentia et essentia. Sed una tantum est divina essentia. Ergo et una tantum potentia. Non ergo
praedictae potentiae distinguuntur. 1. En Dieu la puissance et l'essence ne sont pas diffйrentes. Il y a
seulement une seule essence divine. Donc une seule puissance. Donc ces
puissances ne sont pas distinguйes. q. 2 a. 6 s. c. 2
Praeterea, Deus non facit per plura quod potest facere per unum. Sed per unam
potentiam Deus potest generare et creare, praecipue cum generatio filii sit
ratio productionis creaturae; secundum illam Augustini expositionem: dixit, et
facta sunt; id est, verbum genuit, in quo erat ut fierent. Ergo una tantum
potentia est generandi et creandi. 2. Dieu ne fait pas par plusieurs moyens ce qu'il peut faire par un
seul. Mais par une seule puissance Dieu peut engendrer et crйer, surtout parce
que la gйnйration du Fils est la raison de la production de la crйature; selon
ce qu'expose Augustin (La Genиse au sens
littйral, II, 6 et 7): "Il dit
et ce fut fait, c'est-а-dire, il engendra le Verbe en qui йtait ce qui йtait а
faire." Donc la puissance d'engendrer et de crйer est une seulement. Rйponse: q. 2 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum, quod, sicut supra, dictum est, ea quae de potentia
dicuntur in divinis, consideranda sunt ex ipsa essentia. In divinis autem licet
una relatio ab altera distinguatur realiter propter oppositionem relationum,
quae reales in Deo sunt; ipsa tamen relatio non est aliud secundum rem quam
ipsa essentia, sed solum ratione differens: nam relatio ad essentiam
oppositionem non habet. Et ideo non est concedendum quod aliquid absolutum in
divinis multiplicetur, sicut quidam dicunt, quod in divinis est duplex esse,
essentiale et personale. Comme on l'a dit ci-dessus (a. 5) ce qui est dit de la puissance en
Dieu doit кtre considйrй а partir de l'essence mкme. En Dieu, bien qu'une
relation soit distinguйe d'une autre, rйellement а cause de l'opposition des
relations qui sont rйelles en lui, cependant elle n'est pas autre chose en
rйalitй que l'essence mкme, mais diffйrente en raison seulement, car la
relation ne s'oppose pas а l'essence. Et c'est pourquoi il ne faut pas concйder
que ce qui est absolu en Dieu est multipliй, comme certains disent qu'en lui il
y a une кtre double, essentiel et personnel.
Omne enim esse in divinis essentiale est, nec persona est
nisi per esse essentiae. In potentia vero, praeter id quod est ipsa potentia,
consideratur respectus quidam vel ordo ad id quod potentiae subiacet. Si ergo
potentia quae est respectu actus essentialis, sicut potentia intelligendi vel
creandi, comparetur ad potentiam quae est respectu actus notionalis (cuiusmodi
est potentia generandi) secundum id quod est ipsa potentia, invenitur una et
eadem potentia, sicut est unum et idem esse naturae et personae. Sed tamen
utrique potentiae cointelligitur alius et alius respectus, secundum diversos
actus ad quos potentiae dicuntur. Car tout l'кtre en Dieu est essentiel et la personne n'est que par
l'кtre de l'essence. Mais dans la puissance, au-delа de ce qu'elle est
elle-mкme, on considиre un rapport ou un ordre а ce qui lui est soumis. Donc si
la puissance, qui est en rapport avec l'acte essentiel, comme la puissance de
penser (intelligendi) et de crйer, est assimilйe а celle qui est en rapport
avec l'acte notionnel (la puissance d'engendrer est de ce genre) selon ce qui
est la puissance mкme, on trouve une seule et mкme puissance de mкme que l'кtre
de la nature et de la personne est un et identique. Mais cependant, on comprend
avec chaque puissance un rapport diffйrent selon les actes diffйrents pour
lesquels elles sont appelйes puissance. Sic ergo potentia generandi et creandi est una et eadem
potentia, si consideretur id quod est potentia; differunt tamen secundum
diversos respectus ad actus diversos. Donc ainsi la puissance d'engendrer et celle de crйer sont une seule et
mкme puissance, si on considиre ce qu'est la puissance, elles diffиrent
cependant selon des rapports diffйrents а des actes diffйrents. Solutions: q. 2 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet in creaturis differant natura et propositum,
in divinis tamen sunt idem secundum rem. Vel potest dici, quod potentia creandi
non nominat propositum sive voluntatem, sed potentiam prout a voluntate
imperatur. Potentia autem generandi, secundum quod natura inclinat, agit. Hoc autem non facit diversitatem potentiae, nam
nihil prohibet aliquam potentiam ad aliquem actum imperari a voluntate et ad
alium inclinari a natura. Sicut intellectus noster ad credendum
inclinatur a voluntate, ad intelligendum prima principia ducitur ex natura. 1. Bien que, dans les crйatures, la nature et l'intention soient
diffйrentes, cependant en Dieu elles sont identiques en rйalitй. Ou bien, on
peut dire que la puissance de crйer ne dйsigne pas l'intention ou la volontй,
mais une puissance dans la mesure oщ elle est commandйe par la volontй. Mais la
puissance d'engendrer agit selon ce а quoi la nature l'incline. Mais cela ne
crйe pas la diversitй de la puissance, car rien n'empкche qu'une puissance soit
commandйe pour un acte par la volontй et inclinйe а un autre par la nature.
Ainsi notre esprit est poussй а croire par la volontй, il est conduit а
comprendre les premiers principes par la nature. q. 2 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quanto aliqua potentia est superior, tanto ad plura se
extendit, unde minus est distinguibilis per diversitatem obiectorum; sicut
imaginatio una potentia est respectu omnium sensibilium, respectu quorum sensus
proprii distinguuntur. Divina autem potentia est summe elevata: unde
differentia actuum in ipsa potentia, quantum ad id quod est, diversitatem non
inducit, sed secundum unam potentiam Deus omnia potest. 2. Plus une puissance est supйrieure, puis elle s'йtend а de nombreux
objets; c'est pourquoi elle est moins distincte par la diversitй des objets,
ainsi l'imagination est une seule puissance par rapport а tout le sensible, par
le rapport dont les sens propres se distinguent. Mais la puissance divine est
trиs au-dessus; c'est pourquoi la diffйrence des actes dans la puissance mкme,
quant а ce qu'il en est, n'apporte pas de diversitй, mais, Dieu peut tout par
une seule puissance.. q. 2 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod potentia generandi et potentia creandi quantum ad ipsam
(ut ita loquar) potentiae substantiam, non solum univocantur, sed sunt unum.
Sed quod analogice dicantur, hoc est ex ordine actus. 3. La puissance d'engendrer et celle de crйer, quant а la substance de
la puissance, pour ainsi dire, ne sont pas univoques, mais sont une seule mкme
puissance. Mais ce qui est dit analogiquement vient de la nature de l'acte. q. 2 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod praedictae potentiae non ordinantur secundum prius et
posterius, nisi prout distinguuntur. Unde ordo earum non attenditur nisi per respectum ad actus. Et ex hoc
patet quod potentia generandi est prior potentia creandi, sicut generatio
creatione. Quantum vero ad hoc quod ad essentiam comparantur, sunt idem, et non
est in eis ordo 4. Les puissances dont on a parlй ne sont ordonnйes selon l'avant et
l'aprиs, que si on les distingue. Donc leur ordre n'est atteint que par rapport
а l'acte. Cela montre que la puissance d'engendrer reste avant la puissance de
crйer, comme la gйnйration est avant la crйation. Mais dans la mesure oщ on les
compare а l'essence, elles sont identiques et il n'y a pas d'ordre en elles.
Question 3:
La crйation qui est le premier effet de la puissance divine.
q. 3 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum Deus possit aliquid creare. Article 1. Dieu peut-il crйer? q. 3
pr. 2 Secundo utrum creatio sit mutatio. Article 2. La crйation est-elle un changement? q. 3 pr. 3 Tertio
utrum creatio sit aliquid realiter in creatura. Article 3. La crйation est-elle quelque chose de rйel dans la crйature?
q. 3 pr. 4 Quarto
utrum potentia creandi sit creaturae communicabilis. Article 4. La puissance de crйer est-elle communicable а la crйature? q. 3 pr. 5 Quinto
utrum possit esse aliquid quod non sit a Deo creatum. Article 5. Peut-il exister quelque chose qui ne soit pas crйй par Dieu? q. 3 pr. 6 Sexto utrum sit unum tantum
creationis principium. Article 6. N'y a-t-il qu'un seul principe de crйation? q. 3 pr. 7 Septimo
utrum Deus operetur in omni operatione naturae. Article 7. Dieu opиre-t-il dans tout opйration de la nature? q. 3
pr. 8 Octavo utrum creatio operi naturae admisceatur. Article 8. La crйation est-elle mкlйe а l'opйration de nature? q. 3
pr. 9 Nono utrum anima creetur. Article 9. L'вme est-elle crййe? q. 3 pr. 10 Decimo
utrum anima sit creata in corpore, vel extra corpus. Article 10. L'вme est-elle crййe dans le corps ou hors du corps? q. 3 pr. 11 Undecimo
utrum anima sensibilis et vegetabilis sint per creationem. Article 11. L'вme sensitive et l'вme vйgйtative existent-elles par
crйation ou par transmission de la semence? q. 3 pr. 12
Duodecimo utrum sint in semine quando discinditur. Article 12. L'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont-elles dans la
semence dиs le moment oщ elle se sйpare? q. 3 pr. 13
Decimotertio utrum aliquod ens ab alio, possit esse aeternum. Article 13. Un йtant qui dйpend d'un autre peut-il кtre йternel? q. 3 pr. 14
Decimoquarto utrum id quod est divisum a Deo per essentiam, possit semper
fuisse. Article 14. Ce qui est diffйrent de Dieu en essence peut-il avoir
toujours existй? q. 3 pr. 15
Decimoquinto utrum res processerint a Deo per necessitatem naturae. Article 15. Les crйatures procиdent-elles de Dieu par nйcessitй de
nature? q. 3
pr. 16 Decimosexto utrum ab uno primo possit procedere multitudo. Article 16. La pluralitй procиde-t-elle d'une unitй premiиre? q. 3
pr. 17 Decimoseptimo utrum mundus semper fuerit. Article 17. Le monde a-t-il toujours existй? q. 3
pr. 18 Decimoctavo utrum Angeli sint creati ante mundum visibilem. Article 18. Les anges ont-ils йtй crййs avant le monde visible? q. 3 pr. 19
Undevigesimo utrum potuerint esse Angeli ante mundum visibilem. Article 19. Les anges ont-ils pu exister avant le monde visible?
Article 1: Dieu peut-il crйer de rien?
q. 3 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum Deus possit aliquid creare ex nihilo. Et videtur quod
non. Il semble que non[1].
Objections: q. 3 a. 1 arg. 1
Deus enim non potest facere contra communem animi conceptionem, sicut quod
totum non sit maius sua parte. Sed, sicut dicit philosophus [in I Phys.,
text.33], communis conceptio ex sententia philosophorum fuit, quod ex nihilo
nihil fiat. Ergo Deus non potest de nihilo aliquid facere. 1. Dieu ne peut agir contre la conception commune de l'esprit: faire
comme par exemple que le tout ne soit pas plus grand que la partie. Mais, comme
le dit le philosophe (I Phys. 4, 187 a 26), la conception commune: "Rien
ne vient а partir de rien[2]" provient de l'opinion des philosophes[3].
Donc Dieu ne peut rien faire а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 2
Praeterea, omne quod fit, antequam esset, possibile erat esse: si enim erat
impossibile esse, non erat possibile fieri: nihil enim mutatur ad id quod est
impossibile. Sed potentia qua aliquid potest esse, non potest esse nisi in
aliquo subiecto; nisi forte ipsamet sit subiectum; nam accidens absque subiecto
esse non potest. Ergo omne quod fit, fit ex materia vel subiecto. Impossibile
est ergo ex nihilo aliquid fieri. 2. Tout ce qui est fait, avant d'exister, en avait la possibilitй[4]:
car s'il lui йtait impossible d'кtre, il ne pouvait pas кtre fait. Car rien ne
se change en ce qui est impossible. Mais la puissance par laquelle quelque
chose peut exister ne peut кtre que dans un substrat, а moins que par hasard
elle-mкme soit le substrat; car un accident ne peut pas exister sans substrat.
Donc tout ce qui est fait est fait а partir de la matiиre ou d'un substrat. En
consйquence, il est impossible que quelque chose soit fait а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 3
Praeterea, infinitam distantiam non contingit pertransire. Sed non entis
simpliciter ad ens est infinita distantia; quod ex hoc patet, quia quanto
potentia est minus ad actum disposita, tanto magis ab actu distat; unde si
omnino potentia subtrahatur, erit infinita distantia. Ergo impossibile est quod
aliquid transeat simpliciter de non ente ad ens. 3. On ne peut traverser une distance infinie. Mais du non йtant absolu
а l'йtant, la distance est infinie. Ce qui apparaоt ainsi: moins une puissance
est disposйe а l'acte, plus elle en est distante. C'est pourquoi, si on
supprime tout а fait la puissance, la distance sera infinie. Donc il est
impossible que quelque chose passe du non йtant absolu а l'йtant.
q. 3 a. 1 arg. 4
Praeterea, philosophus dicit [in I de Gen.,comm. 48], quod omnifariam
dissimile, non agit in omnifariam dissimile; oportet enim quod agens et patiens
conveniant in genere et in materia. Sed non ens simpliciter et Deus in nullo
conveniunt. Ergo Deus non potest agere in non ens simpliciter, et ita non
potest facere aliquid de nihilo. 4. Le philosophe (De la Gйnйration et de la corruption, I, 10[5]) dit
que des objets tout а fait dissemblables n'interagissent pas entre eux. Car il
faut que l'agent et le patient s'accordent dans le genre et la matiиre. Mais le
non йtant absolu et Dieu ne s'accordent en rien. Donc Dieu ne peut agir sur le
non йtant absolu et ainsi il ne peut pas faire quelque chose de rien.
q. 3 a. 1 arg. 5 Sed
dicebat, quod ratio ista procedit de agente cuius actio differt a sua
substantia, quam oportet in aliquo subiecto recipi.- Sed contra Avicenna dicit
[lib. IX Metaph., cap II] quod si calor esset a materia expoliatus, per se
ipsum ageret absque materia; et tamen eius actio non esset sua substantia. Ergo
hoc quod actio Dei est sua essentia, non est ratio quod materia non indigeat. 5. Mais on pourrait dire que cette raison procиde d'un agent dont
l'action est diffйrente de la substance, qui doit кtre reзue dans un substrat.
En sens contraire, Avicenne (Mйtaphysique,
IX, ch. 2) dit que si la chaleur йtait dйpourvue de matiиre, elle agirait par
elle-mкme, sans matiиre et cependant son action ne serait pas sa substance.
Donc le fait que l'action de Dieu soit son essence n'est pas une raison pour
qu'il n'ait pas besoin de matiиre[6].
q. 3 a. 1 arg. 6
Praeterea, ex nihilo nihil concluditur: quod est quoddam fieri rationis. Sed
esse rationis consequitur esse naturae. Ergo etiam in natura ex nihilo nihil
fieri potest. 6. A partir de rien, on ne conclut rien, ce qui est un certain
cheminement de la raison[7]. Mais l'кtre de raison suit l'кtre de nature. Donc
mкme dans la nature, on ne peut rien faire а partir de rien
q. 3 a. 1 arg. 7
Praeterea, si ex nihilo aliquid fiat, haec praepositio ex aut notat causam, aut
ordinem. Causam autem non videtur notare nisi efficientem, vel materialem.
Nihil autem neque efficiens causa entis esse potest, neque materia; et sic in
proposito non denotat causam; similiter nec ordinem, quia, ut dicit Boetius,
entis ad non ens non est aliquis ordo. Ergo nullo modo ex nihilo potest aliquid
fieri.
7. [Dans la phrase]: “Si quelque chose est fait а partir de (ex) rien,
la prйposition “ex” (de[8]) dйsigne la cause ou une relation. Si c'est la
cause, elle paraоt ne signifier qu'une cause efficiente ou matйrielle. Mais le
nйant ne peut pas кtre la cause efficiente de l'йtant, la matiиre non plus et
ainsi dans cette proposition, elle n'indique pas la cause, ni de la mкme
maniиre la relation, parce que, comme le dit Boиce, de l'кtre au non-кtre, il
n'y a pas de relation. Donc, en aucune maniиre, rien ne peut кtre fait de
rien[9].
q. 3 a. 1 arg. 8
Praeterea, potentia activa secundum philosophum [IV Metaph., com. 17] est
principium transmutationis in aliud, secundum quod est aliud. Potentia autem
Dei non est nisi potentia activa. Ergo requirit aliquod subiectum
transmutationis; et sic non potest ex nihilo aliquid facere. 8. La puissance active, selon le philosophe (Mйtaphysique V, 12, 1019 a 15-16), est le principe d'un changement
en autre chose, en tant qu'autre. Mais la puissance de Dieu est uniquement
active. Donc elle requiert un substrat а transformer et ainsi elle ne peut pas
faire quelque chose а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 9
Praeterea, in rebus invenitur diversitas, prout una res est alia perfectior.
Huius autem diversitatis causa non est ex parte Dei, qui est unus et simplex.
Ergo oportet huius diversitatis causam assignare ex parte materiae. Oportet
ergo ponere res factas esse ex materia et non ex nihilo. 9. Dans les кtres, on trouve la diversitй du fait qu'une chose est plus
parfaite qu'une autre. Mais la cause de cette diversitй ne vient pas de Dieu
qui est un et simple[10]. Donc il faut en assigner la cause а la matiиre. En
consйquence, il faut penser que les crйatures ont йtй faites de matiиre et non
а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 10
Praeterea, quod ex nihilo factum est, habet esse post non esse. Est ergo considerare
aliquod instans in quo ultimo non est, ex quo non esse desinit, et aliquod in
quo primo est, ex quo esse incipit. Aut ergo est unum et idem instans, aut
diversa. Si idem, sequitur duo contradictoria esse in eodem instanti; si
diversa, cum inter duo instantia sit tempus medium, sequitur aliquid esse
medium inter affirmationem et negationem: nam non potest dici non esse post
ultimum instans in quo non fuit, nec esse ante primum instans in quo fuit.
Utrumque autem est impossibile, scilicet contradictionem esse simul, et eam
habere medium. Ergo impossibile est aliquid fieri ex nihilo.
10. Ce qui est fait а partir de rien possиde l'кtre aprиs le non кtre.
Il faut donc considйrer un instant, а la fin duquel il n'existe pas et oщ cesse
le non кtre et un autre instant au dйbut duquel il existe et auquel il commence
а кtre. Donc ou c'est un mкme et unique instant ou ce sont des instants
diffйrents. Si c'est le mкme, il s'ensuit que deux choses contradictoires
existent en mкme temps; s'ils sont diffйrents, comme entre deux instants il y a
un temps intermйdiaire, il s'ensuit que quelque chose est intermйdiaire entre
l'affirmation et la nйgation; car on ne peut pas dire qu'il n'йtait pas aprиs
l'ultime instant en lequel il ne fut pas, ni qu'il est avant le premier dans
lequel il a existй. L'un et l'autre sont impossibles, c'est-а-dire que les deux
termes de la contradiction soient en mкme temps et qu'elle ait un
intermйdiaire. Donc il est impossible que quelque chose soit fait а partir de
rien.
q. 3 a. 1 arg. 11
Praeterea, quod factum est, necesse est aliquando fieri; et quod creatum est,
aliquando creari. Aut ergo simul fit et factum est, quod creatur, aut non
simul. Sed non potest dici quod non simul, quia creatura non est antequam facta
sit. Si ergo fieri eius sit antequam facta sit, oportebit esse aliquod
factionis subiectum, quod est contra creationis rationem. Si autem simul fit et
factum est, sequitur quod simul fit et non fit, quia quod factum est in
permanentibus, est; quod tamen fit, non est. Hoc autem est impossibile. Ergo
impossibile est aliquid fieri ex nihilo, vel creari.
11. Il est nйcessaire que ce qui a йtй fait, le soit dans un temps
donnй et ce qui a йtй crйй aussi. Ou bien donc ce qui est crйй est fait et a
йtй fait en mкme temps ou pas. Mais on ne peut pas dire que ce n'est pas en
mкme temps, parce que la crйature n'existe pas avant d'avoir йtй faite. Si donc
son devenir est avant d'avoir йtй faite, il faudra qu'il y ait quelque substrat
de l'action, ce qui est contre la notion de crйation. S'il se fait et a йtй
fait en mкme temps, il s'ensuit qu'il est fait et non fait en mкme temps, parce
que ce qui a йtй fait dans ce qui demeure existe; ce qui cependant se fait
n'est pas. Mais cela est impossible. Donc il est impossible que quelque chose
soit fait ou crйй а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 12
Praeterea, omne agens agit simile sibi. Omne autem agens agit secundum quod est
in actu. Ergo nihil fit nisi quod est in actu. Sed materia prima non est in
actu. Ergo fieri non potest, praecipue a Deo, qui est purus actus; et sic
quaecumque fiunt, fiunt ex praesupposita materia, et non ex nihilo. 12. Tout agent fait du semblable а lui. Mais tout agent n'agit que
selon qu'il est en acte. Donc rien n'est fait que ce qui est en acte[11]. Mais
la matiиre premiиre n'est pas en acte. Donc elle ne peut pas кtre faite,
surtout par Dieu qui est acte pur; et ainsi tout ce qui est fait, est fait
d'une matiиre prйsupposйe, et non а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 13
Praeterea, quidquid facit Deus, per ideam operatur, sicut artifex agit
artificiata per formas artis. Sed materia prima non habet ideam in Deo: quia
idea forma est, et similitudo ideati. Materia autem prima cum intelligatur
secundum suam essentiam absque omni forma, non potest forma eius esse
similitudo. Ergo materia prima a Deo fieri non potest; et sic idem quod prius. 13. Tout ce que Dieu fait, il l'opиre par l'idйe, comme l'artisan fait
ses oeuvres par les formes de son art. Mais la matiиre premiиre n'a pas d'idйe
en Dieu, parce que l'idйe est une forme, et une ressemblance de l'idйat[12].
Comme on comprend la matiиre premiиre, selon son essence, hors de toute forme,
sa forme ne peut pas en кtre une ressemblance. Donc elle ne peut avoir йtй
faite par Dieu; et de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 1 arg. 14
Praeterea, non potest esse idem perfectionis et imperfectionis principium. In
rebus autem imperfectio invenitur, cum rerum quaedam aliis potiores sint; quod
contingere non potest nisi per inferiorum imperfectionem. Cum ergo perfectionis
principium sit Deus, oportebit imperfectionem in aliud principium reducere. Sed
non nisi in materiam. Ergo oportebit res ex aliqua materia esse factas, et non
ex nihilo.
14. Il ne peut pas y avoir de principe identique pour la perfection et
l'imperfection. On trouve l'imperfection dans des choses, puisque certaines
sont meilleures que d'autres, ce qui ne peut arriver que par l'imperfection des
infйrieures. Donc puisque le principe de la perfection est Dieu, il faudra
ramener l'imperfection а un autre principe. Mais il n'est que dans la matiиre.
Donc il faudra que les choses aient йtй faites d'une matiиre et non а partir de
rien[13].
q. 3 a. 1 arg. 15
Praeterea, si aliquid fit ex nihilo aut fit ex eo sicut ex subiecto, sicut
statua ex aere; aut sicut ex opposito, sicut figuratum ex infigurato; aut ex
composito, sicut statua ex aere infigurato. Sed aliquid non potest fieri ex
nihilo sicut ex subiecto, quia non ens non potest esse entis materia; neque
sicut ex composito, quia sic non ens converteretur in ens, sicut aes
infiguratum convertitur in aes figuratum; et ita oporteret aliquid esse commune
enti et non enti, quod est impossibile; neque etiam sicut ex opposito, cum plus
differant non esse simpliciter et ens quam duo entia diversorum generum, ex
quorum uno non fit aliud, sicut figura non fit color, nisi forte per accidens.
Ergo nullo modo aliquid potest fieri ex nihilo.
15. Si quelque chose est fait а partir de rien ou il en est fait comme
d'un substrat; - ainsi la statue est faite d'airain, ou bien comme d'un
opposй[14], comme ce qui est formй est fait de ce qui est sans forme - ou bien
d'un composй comme la statue est faite de l'airain sans forme. Mais rien ne
peut кtre fait а partir du nйant comme d'un substrat, parce que le non йtant ne
peut кtre la matiиre d'un йtant, ni fait comme d'un composй, parce qu'ainsi le
non йtant serait transformй en йtant, comme l'airain sans forme est transformй
en airain en forme et ainsi il faudrait que quelque chose soit commun а l'йtant
et au non йtant, ce qui est impossible; ni mкme fait comme de l'opposй, puisque
le non йtant absolu et l'йtant diffиrent encore plus que deux йtant de genres
diffйrents; il ne devient pas autre а partir de l'un d'eux; ainsi la figure ne
devient pas couleur, sinon par hasard par accident. Donc en aucune maniиre, quelque
chose ne peut кtre fait а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 16 Praeterea, omne quod est per
accidens, reducitur ad per se. Sed ex opposito fit aliquid per accidens, ex
subiecto autem per se; sicut statua ex infigurato fit per accidens, ex aere
autem per se, quia aeri accidit esse infiguratum. Si ergo aliquid
fiat ex non ente, hoc erit per accidens. Ergo oportet quod fiat per se ex
aliquo subiecto; et ita non fit ex nihilo.
16. Tout ce qui est par accident est ramenй au par soi. A partir de
l'opposй, on fait quelque chose par accident et а partir du substrat, on fait
quelque chose par soi; ainsi la statue est faite а partir de quelque chose sans
forme par accident, mais elle est faite а partir de l'airain par soi, parce
qu'il arrive а l'airain d'кtre sans forme. Si donc quelque chose est fait а
partir du non кtre, il le sera par accident. Donc il faut qu'il soit fait par
soi а partir d'un substrat, et ainsi il n'est pas fait а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 17
Praeterea, ei quod fit faciens dat esse. Si ergo Deus facit aliquid ex nihilo,
Deus alicui dat esse. Aut ergo est aliquid recipiens esse, aut nihil. Si nihil:
ergo nihil constituitur in esse per illam actionem; et sic non fit aliquid. Si
autem est aliquid recipiens esse, hoc erit aliud ab eo quod est Deus; quia non
est idem recipiens et receptum. Ergo Deus facit ex aliquo praeexistenti, et ita
non ex nihilo.
17. Celui qui fait donne l'кtre а ce qui est fait. Si donc Dieu fait
quelque chose а partir de rien, il donne l'кtre а quelque chose. Donc, ou il y
a quelque chose qui reзoit l'кtre, ou il n'y a rien. S'il n'a a rien, donc ce
rien est constituй dans l'кtre par cette action, et ainsi il ne devient pas
quelque chose. Mais s'il y a quelque chose qui reзoit l'кtre, cela sera autre
chose que ce qui est Dieu, parce que celui qui reзoit et ce qui est reзu ne
sont pas identiques. Donc Dieu crйe а partir de quelques chose qui prйexiste,
et non а partir de rien.
En sens contraire: q. 3 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Genes. I, 1: in principio creavit Deus caelum et terram, dicit
Glossa, ex Beda, quod creare est ex nihilo facere aliquid. Ergo Deus potest
facere aliquid ex nihilo. 1. "Au commencement Dieu crйa le ciel et la terre" (Gn. 1,
1). La glose de Bиde dit que “Crйer, c'est faire quelque chose а partir de rien”.
Donc Dieu peut faire quelque chose а partir de rien .
q. 3 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Avicenna dicit quod
agens cui accidit agere, requirit materiam in quam agat. Sed Deo non accidit
agere, immo sua actio est sua substantia. Ergo non requirit materiam in quam
agat, et ita potest ex nihilo aliquid facere. 2. Avicenne (Mйtaphysique
VII, 2) dit que l'agent qui agit par accident a besoin de la matiиre sur
laquelle il agit. Mais Dieu n'agit pas par accident[15], au contraire son
action est sa substance. Donc il n'a pas besoin de matiиre sur laquelle agir et
ainsi il peut faire quelque chose а partir de rien.
q. 3 a. 1 s. c. 3
Praeterea, virtus divina est potentior quam virtus naturae. Sed virtus naturae
facit aliquod ens ex hoc quod erat in potentia. Ergo virtus divina aliquid
amplius facit, et ita facit ex nihilo. 3. La pouvoir de Dieu est plus puissant que celui de la nature. Mais
celui-ci fait un йtant de ce qui йtait en puissance[16]. Donc le pouvoir de
Dieu fait quelque chose de plus et ainsi il le fait а partir de rien.
Rйponse q. 3 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum, quod tenendum est firmiter, quod Deus potest facere
aliquid ex nihilo et facit. Ad cuius evidentiam sciendum est, quod omne agens
agit, secundum quod est actu; unde oportet quod per illum modum actio alicui
agenti attribuatur quo convenit ei esse in actu. Res autem particularis est
particulariter in actu: et hoc dupliciter:
primo ex comparatione sui, quia non tota substantia sua est actus, cum
huiusmodi res sint compositae ex materia et forma; et inde est quod res
naturalis non agit secundum se totam, sed agit per formam suam, per quam est in
actu. Il faut affirmer fermement que Dieu peut faire quelque chose а partir
de rien et qu'il le fait. Pour le mettre en йvidence, il faut savoir que tout agent
agit selon qu'il est en acte. C'est pourquoi il faut que de cette maniиre,
l'action soit attribuйe а un agent а qui il convient d'кtre en acte. Un кtre
particulier est en acte partiellement. Et cela de deux maniиres:
1) Par comparaison а lui-mкme, parce que ce n'est pas toute sa
substance qui est acte, puisque les choses de ce genre sont composйes de
matiиre et de forme et de lа vient qu'une chose naturelle n'agit pas tout
entiиre par soi mais agit par la forme par laquelle elle est en acte.
Secundo in comparatione ad ea
quae sunt in actu. Nam in nulla re naturali includuntur actus et perfectiones
omnium eorum quae sunt in actu; sed quaelibet illarum habet actum determinatum
ad unum genus et ad unam speciem; et inde est quod nulla earum est activa entis
secundum quod est ens, sed eius entis secundum quod est hoc ens, determinatum
in hac vel illa specie: nam agens agit sibi simile. 2) Par comparaison а ce qui est en acte. Car en rien de naturel ne sont
inclus l'acte et les perfections de tout ce qui est en l'acte, mais n'importe
lesquels parmi eux a un acte limitй а un seul genre et а une seule espиce, et
de lа vient qu'aucun n'est actif en son кtre, en tant qu'йtant, mais en cet
йtant, en tant qu'il est, limitй а cette espиce-ci ou а celle-lа, car l'agent
fait quelque chose de semblable а lui.
Et ideo agens naturale non producit simpliciter ens, sed ens
praeexistens et determinatum ad hoc vel ad aliud, ut puta ad speciem ignis, vel
ad albedinem, vel ad aliquid huiusmodi. Et propter hoc, agens naturale agit
movendo; et ideo requirit materiam, quae sit subiectum mutationis vel motus, et
propter hoc non potest aliquid ex nihilo facere. Ipse autem Deus e contrario
est totaliter actus,- et in comparatione sui, quia est actus purus non habens
potentiam permixtam - et in comparatione rerum quae sunt in actu, quia in eo
est omnium entium origo; unde per suam actionem producit totum ens subsistens,
nullo praesupposito, utpote qui est totius esse principium, et secundum se
totum. Et propter hoc ex nihilo aliquid facere potest; et haec eius actio
vocatur creatio. Et c'est pourquoi l'agent naturel ne produit absolument pas un йtant,
mais l'йtant prйexistant et limitй а ceci ou а cela, comme par exemple limitй а
l'espиce du feu, а la blancheur ou а quelque chose de ce genre. Et c'est
pourquoi, l'agent naturel agit en provoquant le mouvement et ainsi il a besoin
de la matiиre qui est le substrat du changement ou du mouvement et, pour cela,
il ne peut pas faire quelque chose а partir de rien. Dieu au contraire est totalement
acte – et par rapport а lui-mкme, parce qu'il est acte pur, sans puissance
mкlйe – et par rapport а ce qui est en acte, parce que l'origine de tous les
кtres est en lui. C'est pourquoi, par son action, il produit l'йtant subsistant
tout entier, sans rien de prйsupposй, йtant donnй qu'il est le principe de
l'кtre entier et tout entier principe en soi. Et а cause de cela il peut faire
quelque chose а partir de rien et cette action est appelйe crйation.
Et inde est quod in Lib. de causis, dicitur, quod esse eius est per
creationem, vivere vero, et caetera huiusmodi, per informationem. Causalitates
enim entis absolute reducuntur in primam causam universalem; causalitas vero
aliorum quae ad esse superadduntur; vel quibus esse specificatur, pertinet ad
causas secundas, quae agunt per informationem, quasi supposito effectu causae
universalis: et inde etiam est quod nulla res dat esse, nisi in quantum est in
ea participatio divinae virtutis. Propter quod etiam dicitur in Lib. de causis,
quod anima nobilis habet operationem divinam in quantum dat esse.
C'est pour cela qu'il est dit dans le Livre des Causes (prop. 18) que l'кtre existe par crйation, mais
que la vie et les autres choses de ce genre existent par mise en forme. Car les
causalitйs de l'кtre sont ramenйes absolument а la cause premiиre universelle,
mais pour ce qui est ajoutй а l'кtre ou ce par quoi il est spйcifiй, la
causalitй appartient aux causes secondes qui agissent par mise en forme,
l'effet de la cause universelle йtant pour ainsi dire supposйe. Et de lа vient
que rien ne donne l'кtre que dans la mesure oщ il y a en lui participation[17]
du pouvoir divin. C'est pour cela qu'on dit aussi dans le Livre des Causes (prop. 3[18]) que l'вme noble a une opйration
divine dans la mesure oщ elle donne l'кtre.
Solutions: q. 3 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ex nihilo nihil fieri, philosophus dicit esse
communem animi conceptionem vel opinionem naturalium, quia agens naturale, quod
ab eis consideratur, non agit nisi per motum; unde oportet esse aliquod
subiectum motus vel mutationis, quod in agente supernaturali non oportet, ut
dictum est. # 1. “Rien ne vient а partir de rien”. Le philosophe dit que c'est la
conception du sens commun ou l'opinion des Naturalistes, parce que l'agent
naturel qu'ils considиrent n'agit que par mouvement. C'est pour cela qu'il faut
qu'il y ait un substrat au mouvement ou au changement, qui n'est pas nйcessaire
pour l'agent surnaturel, comme on l'a dit.
q. 3 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod antequam mundus esset, possibile erat mundum esse; non
tamen oportet quod aliqua materia praeexisteret, in qua potentia fundaretur.
Dicitur enim V Metaph., aliquid aliquando dici possibile, non secundum aliquam
potentiam, sed quia in terminis ipsius enuntiabilis non est aliqua repugnantia,
secundum quod possibile opponitur impossibili. Sic ergo dicitur, antequam
mundus esset, possibile mundum fieri, quia non erat repugnantia inter
praedicatum enuntiabilis et subiectum. Vel potest dici, quod erat possibile
propter potentiam activam agentis, non propter aliquam potentiam passivam
materiae. Philosophus autem utitur hoc argumento, in generationibus naturalibus
contra Platonicos, qui dicebant formas separatas esse naturalis generationis
principia. # 2. Avant que le monde ait existй, son existence йtait possible: il ne
faut pas cependant qu'une matiиre prйexiste dans laquelle serait йtablie la
puissance. Car on lit (Mйtaphysique
V, 3, 1047 a, 24-26[19]), qu'on dit que quelque chose est quelquefois possible,
non en raison d'une puissance, mais parce que, dans les termes de son йnoncй,
il n'y a rien qui s'y oppose, selon que le possible est opposй а l'impossible.
Ainsi donc, on dit qu'avant que le monde ait existй, il йtait possible qu'il
soit fait, parce qu'il n'y avait aucune opposition entre le prйdicat de
l'йnoncй et le sujet. On peut dire aussi qu'il йtait possible а cause d'une
puissance active de l'agent, non а cause de la puissance passive de la matiиre.
Le philosophe use de cet argument (Mйtaphysique
VII, 8, 1033 b 26[20]) dans les gйnйrations naturelles contre les Platoniciens
qui disaient que les formes sйparйes йtaient les principes de la gйnйration
naturelle.
q. 3 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod entis et non entis simpliciter est aliquo modo et semper
infinita distantia, non tamen eodem modo: sed quandoque quidem ex utraque parte
infinita, sicut cum comparatur non esse ad esse divinum quod infinitum est, ac
si comparetur albedo infinita ad nigredinem infinitam; quandoque autem est
finita ex una parte tantum, sicut cum comparatur non esse simpliciter ad esse
creatum quod finitum est, ac si comparetur nigredo infinita ad albedinem
finitam. In illud ergo esse quod est infinitum, non potest fieri transitus ex
non esse; sed in illud esse quod est finitum, talis transitus fieri potest,
prout distantia non esse ad illud esse ex una parte terminatur, quamvis non sit
transitus proprie: sic enim est in motibus continuis, per quos transit pars
post partem. Sic enim contingit nullo modo infinitum transire. # 3. Il faut dire que de l'кtre au non кtre absolu, il y a de quelque
maniиre et toujours une distance infinie, mais pas cependant de la mкme
maniиre. Quelquefois d'une partie infinie а une autre infinie, comme lorsqu'on
compare le non кtre а l'кtre divin qui est infini, comme si on comparait la
blancheur infinie au noir infini. Quelquefois ce n'est fini que d'un cфtй,
comme quand on compare le non кtre absolu а l'кtre crйй qui est fini, comme si
on comparaоt le noir infini а une blancheur finie. Donc en cet кtre qui est
infini, le passage а partir du non кtre ne peut pas se faire, mais dans celui
qui est fini un tel passage peut se faire, selon que la distance du non кtre а
cet кtre est limitйe d'un cфtй, quoique ce ne soit pas а proprement parler un
passage: car c'est ainsi dans les mouvements continus par lesquels passe partie
aprиs partie. Car ainsi, en aucune maniиre, on n'arrive а traverser
l'infini[21].
q. 3 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod cum fit aliquid ex nihilo, non esse, sive nihil, non se
habet per modum patientis nisi per accidens, sed magis per modum oppositi ad id
quod fit per actionem. Nec etiam in naturalibus oppositum se habet per modum
patientis nisi per accidens, sed magis subiectum. # 4. Quand quelque chose est fait а partir de rien, le non кtre ou le
nйant ne joue le rфle de patient que par accident, mais il joue davantage le
rфle de contraire, pour qui se fait par l'action. Et mкme dans ce qui est
naturel, l'opposй ne joue le rфle de patient que par accident, mais c'est
plutфt le substrat qui le joue.
q. 3 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod calor, si esset expoliatus a materia, ageret quidem sine
materia quae requireretur ex parte agentis, sed non sine materia quae
requireretur ex parte patientis. # 5. Si la chaleur йtait exclue de matiиre, elle agirait sans la matiиre
requise du cфtй de l'agent, mais non sans celle nйcessaire du cфtй au patient.
q. 3 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod concludi se habet in actibus rationis sicut moveri in
actibus naturae, eo quod in concludendo ratio ab uno in aliud discurrit; et ideo
sicut motus omnis naturalis est ex aliquo, ita et omnis conclusio rationis.
Sicut vero intelligere principia, quod est concludendi principium, non est ex
aliquo ex quo concludatur, ita creatio, quae est omnis motus principium, non
est ex aliquo. # 6. La conclusion se comporte dans les actions de raison comme le
mouvement dans les actions de la nature, parce qu'en concluant, la raison passe
d'un objet а une autre. Et de mкme que tout mouvement naturel dйpend de quelque
chose, toute conclusion de la raison aussi. De mкme que comprendre les
principes, ce qui est le principe pour conclure, ne dйpend pas de quelque chose
d'oщ l'on conclut, de mкme la crйation, qui est le principe de tout mouvement,
ne dйpend de rien.
q. 3 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod cum dicitur aliquid fieri ex nihilo, duplex est sensus,
ut patet per Anselmum in suo Monologio. Nam negatio importata in nihilo potest
negare praepositionem ex, vel potest includi sub praepositione. Si autem neget
praepositionem, adhuc potest esse duplex sensus # 7. Quand on dit que quelque chose est fait а partir de rien, il y a
deux sens, comme le montre Anselme dans son Monologium
(ch. 5 et 7). Car la nйgation exprimйe par “rien” peut nier la prйposition[22]
ex, ou peut кtre incluse sous elle[23]. Mais si elle nie la prйposition, elle
peut encore avoir deux sens:
unus, ut negatio feratur ad totum, et negetur non solum praepositio,
sed etiam verbum, ut si dicatur aliquid ex nihilo fieri quia non fit, sicut de
tacente possumus dicere quod de nihilo loquitur: et sic de Deo possumus dicere
quod de nihilo fit, quia omnino non fit; quamvis iste modus loquendi non sit
consuetus. a) Comme la nйgation porte sur le tout, non seulement la prйposition
est niйe, mais encore le mot (verbum), comme si on disait quelque chose est
fait а partir de rien, parce qu'il n'est pas fait, comme on peut dire de celui
qui se tait qu'il ne parle de rien (de nihilo[24]): et ainsi nous pouvons dire
de Dieu qu'il est fait de rien (de nihilo), parce qu'il n'est absolument pas
fait: cependant ce mode de parler n'est pas habituel.
Alius sensus est, ut verbum remaneat affirmatum, sed negatio feratur
solum ad praepositionem; et ideo dicatur aliquid ex nihilo fieri, quia fit
quidem, sed non praeexistit aliquid ex quo fiat; sicut dicimus aliquem tristari
ex nihilo, quia non habet tristitiae suae causam: et hoc modo per creationem
dicitur aliquid ex nihilo fieri. Si vero praepositio includit negationem, tunc
est duplex sensus: unus verus, et alius falsus. b) Autre sens: de sorte que le mot (verbum) demeure affirmй, mais la
nйgation porte seulement sur la prйposition et ainsi on dit que quelque chose
est fait а partir de rien parce qu'il est fait, mais rien de ce а partir de
quoi il est fait n'a prйexistй. Ainsi nous disons que quelqu'un s'attriste а
partir de rien parce que sa tristesse n'a pas de cause, et de cette maniиre,
pour la crйation on dit, que quelque chose est fait а partir de rien. Mais si
la prйposition inclut la nйgation, alors le sens est double: l'un est vrai,
l'autre faux.
Falsus quidem, si positio importet habitudinem causae (non ens enim
esse nullo modo potest causa entis); verus autem, si importet ordinem tantum,
ut dicatur aliquid fieri ex nihilo quia fit post nihilum, quod etiam verum est
in creatione. Quod autem Boetius dicit, quod non entis ad ens non est ordo,
intelligendum est de ordine determinatae proportionis, vel de ordine qui sit
realis relatio, quae inter ens et non ens esse non potest, ut Avicenna dicit.
i) Faux si sa position exprime une relation de cause (car le non йtant
ne peut en aucune maniиre кtre cause de l'йtant);
ii) vrai si elle exprime l'ordre seulement, comme on dit que quelque
chose est fait а partir de rien parce qu'il est fait aprиs rien, ce qui est
vrai dans la crйation. Mais quand Boиce dit que du non йtant а l'йtant, il n'y
a pas d'ordre, il faut le comprendre de l'ordre d'un rapport dйterminй ou de
celui d'une relation rйelle, qui ne peut exister entre l'йtant et le non йtant,
comme Avicenne le dit (Mйtaphysique,
III[25]).
q. 3
a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod definitio illa intelligitur de potentia
activa naturali. # 8. Cette dйfinition est comprise de la puissance active naturelle.
q. 3 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod Deus non producit res ex necessitate naturae, sed ex
ordine suae sapientiae. Et ideo diversitas rerum non oportet quod sit ex
materia, sed ex ordine divinae sapientiae; quae ad complementum universi
diversas naturas instituit. # 9. Dieu ne crйe pas par nйcessitй de nature[26], mais selon l'ordre
de sa sagesse. Et c'est pourquoi il ne faut pas que la diversitй des choses[27]
viennent de la matiиre, mais de l'ordre de la sagesse divine, qui institua des
natures diverses pour parfaire l'univers[28] .
q. 3 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod cum fit aliquid ex nihilo, esse quidem eius quod fit,
est primo in aliquo instanti; non esse autem non est in illo instanti nec in
aliquo reali, sed in aliquo imaginario tantum. Sicut enim extra universum non
est aliqua dimensio realis, sed imaginaria tantum, secundum quam possumus dicere
quod Deus potest aliquid facere extra universum tantum, vel tantum distans ab
universo; ita ante principium mundi non fuit aliquod tempus reale, sed
imaginarium; et in illo possibile est imaginari aliquod instans in quo ultimo
fuit non ens. Nec oportet quod inter ista duo instantia sit tempus medium, cum
tempus verum et tempus imaginarium non continuentur.
# 10. Quand une chose est fait а partir de rien, son кtre est d'abord
dans un instant, mais le non кtre n'est ni dans cet instant ni dans un instant
rйel, mais imaginaire seulement, En effet, hors de l'univers, il n'y a pas de
dimension rйelle, mais imaginaire seulement, selon laquelle nous pouvons dire
que Dieu peut faire quelque chose hors de l'univers seulement ou seulement
quelque chose d'йloignй de l'univers: de la mкme maniиre avant le commencement
du monde, il n'y eut pas de temps rйel, mais un temps imaginaire, et en lui il
est possible d'imaginer un instant а la fin duquel il y eut le non йtant. Et il
ne faut pas, qu'entre ces deux instants, il y ait un temps intermйdiaire,
puisque le temps rйel et le temps imaginaire n'ont pas de rapport.
q. 3 a. 1 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod illud quod fit ex nihilo, simul fit et factum est; et
similiter est in omnibus mutationibus momentaneis; simul enim aer illuminatur
et illuminatus est. Ipsum enim factum esse in talibus dicitur fieri, secundum
quod est in primo instanti in quo factum est. Vel potest dici quod id quod fit
ex nihilo, dicitur fieri quando factum est non secundum motum, quod est ab uno termino
in alterum, sed secundum effluxum ab agente in factum. Haec enim duo in
generatione naturali inveniuntur, scilicet transitus de uno termino in alterum,
et effluxus ab agente in factum, quorum alterum tantum proprie est in
creatione. # 11. Ce qui est fait а partir de rien, se fait et est fait en mкme
temps[29]. Et il en est de mкme dans tous les changements instantanйs. Car au
mкme moment l'air s'illumine et est illuminй. Car on dit qu'avoir йtй fait en
telles conditions, c'est кtre fait, selon qu'il est dans le premier instant
dans lequel il a йtй fait. Ou bien on peut dire que ce qui est fait de rien,
est dit fait, quand il a йtй fait non selon le mouvement, qui passe d'un terme
а un autre, mais selon l'йcoulement а partir de l'agent а ce qui est fait. Car
on trouve les deux dans la gйnйration naturelle, а savoir le passage d'un terme
а un autre et l'йcoulement а partir de l'agent dans ce qui est fait, dont l'un
des deux seulement est proprement dans la crйation.
q. 3 a. 1 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod neque materia neque forma neque accidens proprie
dicuntur fieri; sed id quod fit est res subsistens. Cum enim fieri terminetur
ad esse, proprie ei convenit fieri cui convenit per se esse, scilicet rei
subsistenti: unde neque materia neque forma neque accidens proprie dicuntur
creari, sed concreari. Proprie autem creatur res subsistens, quaecumque sit. Si
tamen in hoc vis non fiat, tunc dicendum, quod materia prima habet
similitudinem cum Deo in quantum participat de ente. Sicut enim lapis est similis
Deo in quantum ens, licet non sit intellectualis sicut Deus, ita materia prima
habet similitudinem cum Deo in quantum ens, non in quantum est ens actu. Nam
ens, commune est quodammodo potentiae et actui. # 12. On ne peut pas dire а proprement parler que la matiиre, la forme,
et l'accident sont faits, mais ce qui est fait c'est ce qui subsiste. En effet,
comme le devenir se termine а l'кtre, il convient proprement d'кtre fait а ce а
quoi il convient d'кtre par soi, c'est-а-dire а ce qui subsiste; c'est pourquoi
on dit que ni la matiиre, ni la forme, ni l'accident sont proprement crййs mais
concrййs. Proprement c'est la chose subsistante qui est crййe, quelle qu'elle
soit. Si cependant le caractиre essentiel n'y est pas fait, alors il faut dire
que la matiиre premiиre a une ressemblance avec Dieu dans la mesure oщ elle
participe de l'йtant. Car de mкme que la pierre est semblable а Dieu en tant
qu'йtant, bien qu'elle ne soit pas spirituelle comme lui, de mкme la matiиre
premiиre ressemble а Dieu en tant qu'йtant, non en tant qu'йtant en acte. Car
l'кtre est commun d'un certaine maniиre а la puissance et а l'acte[30].
q. 3 a. 1 ad 13 Et sic etiam patet responsio ad
decimumtertium. # 13. Et ainsi on rйpond а la 13e objection. Car а proprement parler la
matiиre n'a pas d'idйe[31], mais le composй en a une, puisque l'idйe est une
forme qui crйe. Cependant on peut dire qu'il y a une idйe de la matiиre selon
qu'elle imite l'essence divine d'une certaine maniиre.
q. 3 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod non oportet, si duarum creaturarum est aliqua
dignior, quod minus digna habeat aliquam imperfectionem: nam imperfectio
designat carentiam alicuius quod natum est haberi vel debet haberi. Unde et in
gloria, quamvis unus sanctorum alium excedat, nullus tamen imperfectus erit. Si
tamen aliqua imperfectio in creaturis sit, non oportet quod sit ex Deo neque ex
materia; sed in quantum creatura est ex nihilo. # 14. Il ne faut pas, si de deux crйatures l'une est plus digne, que la
moins digne ait une imperfection. Car l'imperfection dйsigne un manque de ce
qu'elle est destinйe а avoir ou qu'elle doit avoir. Donc dans la gloire,
quoique un des saints en dйpasse un autre, cependant aucun ne sera imparfait.
Mais s'il y a quelque imperfection dans les crйatures, il ne faut pas qu'elle
vienne de Dieu ni de la matiиre, mais du fait que la crйature ne vient de rien.
q. 3 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod ex nihilo dicitur aliquid fieri sicut ex opposito
secundum unum sensum superius expositum. Nec tamen oportet quod ex ente unius
generis fiat ens alterius generis, sicut ex colore et figura; ens enim et non
ens non possunt esse simul; color autem et figura simul esse possunt. In autem
ex quo aliquid fit, debet esse in contingens ei quod fit, ut dicitur I Phys.,
quod non contingat simul esse.
15. On dit que quelque chose est fait а partir de rien comme de son
opposй selon le sens exposй plus haut. Cependant il ne faut pas que d'un кtre
d'un genre soit fait un кtre d'un autre genre, comme de la couleur et la
figure. Car l'йtant et le non йtant ne peuvent coexister, mais la couleur et la
figure le peuvent. Mais le "dans" (in) а partir duquel la chose se
fait doit кtre un "dans" (in) qui arrive а qui se fait, comme on le
dit en I Physique, V, (188 a - 188b)
parce qu'il n'arriverait pas а кtre en mкme temps.
q. 3 a. 1 ad 16 Ad decimumsextum
dicendum, quod si ly ex nominet causam, non fit aliquid ex opposito nisi per
accidens, ratione scilicet subiecti. Si vero nominet ordinem, tunc fit aliquid
ex opposito etiam per se; unde et privatio dicitur principium esse fiendi, sed
non essendi. Hoc autem modo dicitur aliquid fieri ex nihilo, ut prius dictum
est, in corp. art. 16. Si la prйposition “ex” (de) dйsigne la cause, ce qui se fait n'est
fait а partir de son opposй que par accident, а savoir en raison du substrat.
Si elle dйsigne l'ordre, alors ce qui est fait est fait de l'opposй mкme par
soi, c'est pourquoi la privation est appelйe principe de l'кtre а faire, mais
non d'кtre. De cette maniиre, on dit que quelque chose est fait а partir de
rien, comme on l'a dit plus haut dans le corps de l'article.
q. 3 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod Deus simul dans esse, producit id quod esse
recipit: et sic non oportet quod agat ex aliquo praeexistenti. 17. Dieu, en mкme temps qu'il donne l'кtre, produit ce qui le reзoit.
Et ainsi il ne faut pas qu'il agisse а partir de quelque chose de prйexistant.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
. Parall.: laq. 45, a. 2 – CG. II 16 –II Sent., dlqla2 – Compendium, c. 69
–Opusc. De quatuor opposit., c. 4 – VIII Phy., I, 2.
[2]
. J'emploie sans enthousiasme cette traduction un peu lourde qui permet de
faire la distinction entre ex nihilo et de nihilo.
[3]
. Thomas puise sa documentation sur l'histoire des philosophies prйsocratiques
chez Aristote. Physique I, 187 a 20: "Anaxagore,
semble-t-il, tient aussi pour l'infinitй, parce qu'il acceptait l'opinion
commune des physiciens, que rien ne peut кtre engendrй de rien." Trad. H.
Carteron.
[4]
. Cette objection se retrouve en Ia, qu. 46, a. 1, obj. 1, а propos de
l'йternitй du monde. On y trouve plus clairement йnoncй que la matiиre paraоt
nйcessaire. "Mais ce qui a possibilitй d'кtre c'est la matiиre qui est en
puissance pour кtre". Si le monde a existй, il y avait la matiиre avant,
dit l'objecteur. Mais ajoute-t-il, la matiиre sans forme ne peut pas exister.
Donc le monde a existй avant de commencer ce qui est impossible. Cf. Pot. qu.
3, a. 17, obj. 10: "S'il йtait possible qu'il existвt, il y avait alors
une puissance par rapport а lui et mкme ainsi il y avait un substrat ou une
matiиre puisque la puissance ne peut exister que dans un substrat."
Il
faut distinguer le possible, conception dans l'esprit qui le conзoit, et qui
n'est pas dans la rйalitй, de l'objet en puissance qui a besoin d'un substrat.
C'est pourquoi la crйation est possible, mais elle n'est pas en puissance.
[5]
. La gйnйration. "La mixtion (le mйlange) exige que les deux corps (qui
doivent se mйlanger) soient dans une condition semblable"(32 7 b 3 ou 4).
– Aristote dйmontre ensuite que certaines "mixtions", certains
mйlanges ne peuvent se faire parce que les йlйments en question sont
dissemblables (ainsi 327 b 11: bois et feu. Conclusion (20): "Tout ne peut
pas кtre mйlangй а tout". b 22: il constate que les кtres en actes et ceux
qui sont en puissance ne peuvent se mйlanger. "On a distinguй par la suite
le corpus mixtum ou les йlйments sont diffйrents du composй (comme l'eau est
diffйrente de l'oxygиne et l'hydrogиne) et la mixtio imperfecta ou mйlange
comme le sucre et l'eau." (Elders, La philosophie de la nature de saint
Thomas, 189-190).
[6]
. "Si une intelligibilitй signifie pour elle-mкme, telle l'humanitй ou la
blancheur, se trouvant кtre subsistante (c'est-а-dire existant par soi et pour
soi, et non point dans autre chose а titre d'attribut) alors elle serait
nйcessairement unique. Ce qui permet de conclure que toutes les choses autres
que Dieu ne sauraient кtre leur propre кtre, mais ne sont qu'en participant а
l'кtre et de l'кtre." (Cf. Ia, qu. 11, a. 3 et 4). Dubarle, Ontologie, p.
204.
[7]
. L'кtre de raison est l'objet de la logique. Il peut y avoir analogie avec la
rйalitй, mais le parallйlisme n'est pas toujours vrai. Thomas en donne des
exemples. "On ne peut pas кtre surpris que les lois des concepts et celles
du langage ne s'appliquent pas toujours aux relations du rйel... Autres sont
les agencements des choses, objet de la science, autres les agencements des
кtres de raison qui sont les moyens de la science.” Sertillanges, Dieu II, (Йd.
des Jeunes) note 42 p. 334. On trouve en de nombreux autres endroits une
analogie entre la dйmarche intellectuelle et les faits naturels.
[8]
. Ex soit "de", soit locution prйpositive "а partir de".
[9]
. Cf. Ia, qu. 45, a. 1, obj. 3: "Cette prйposition " de "
implique un rapport de causalitй, surtout de causalitй matйrielle, comme
lorsque nous disons qu'une statue est faite " de " bronze. Mais rien
ne peut кtre la matiиre de l'кtre, ni en кtre cause d'aucune maniиre. Donc
crйer n'est pas faire quelque chose de rien." (Trad. J-M. Maldamй, Йd du
Cerf).
[10]
. Objection inspirйe d'Avicenne
[11]
L'agent est en acte. Il fait du semblable, donc quelque chose en acte. En
effet, l'apport de la forme met l'йtant en acte.
[12]
. C'est-а-dire а l'effet de l'idйe.
[13]
. L'objecteur suppose deux principes, un bon et un mauvais. Cf. Pot. qu. 3, a.
6.
[14]
La gйnйration et le changement supposent un opposй. L'objecteur pense la
crйation comme un changement. Cf. Pot. qu. 3, a. 2.
[15]
. Il arrive а la crйature d'agir, mais Dieu est acte pur. Il agit toujours.
[16]
. C'est-а-dire un кtre potentiel. Ainsi l'enfant avant sa conception est en
puissance.
[17].
Cette participation, c'est que Dieu donne l'кtre et alors les causes secondes
peuvent agir. Il ne faut pas comprendre que Dieu donne le pouvoir de crйer (Cf.
article 4).
[18].
Prop. 3: "n° 27 – "Toute вme noble a trois opйrations; car parmi ses
opйration il y l'opйration animante, intellectuelle et divine." Cf. Pot.
3, 7, Concours divin; "Rien ne donne l'кtre que... par participation du pouvoir
divin" par l'action de la cause premiиre, et de la cause seconde. Le livre
des causes, prop. 18.
[19]
. Cf. Ia, qu. 45, a. 2, ad 4m: La distance infinie entre l'йtant et le non
йtant: Cette objection procиde d'une fausse imagination. Comme s'il y avait un
intervalle infini entre le nйant et l'кtre. Cela apparaоt comme faux. Cette
fausse imagination vient du fait qu'on dйcrit la crйation comme un changement
entre deux termes qui existent.
"...du
non-кtre а l'кtre il n'y a ni ordre ni proportions, ni relations. On en parle
comme s'il n'y avait entre eux une succession c'est-а-dire une relation rйelle,
mais il ne faut pas se rendre dupe des mots... En rйalitй le nйant ne peut rien
prйcйder, et au nйant rien ne peut suivre" Sertillanges, L'idйe de crйation,
p. 14.
[20]
. "Il est donc йvident que la causalitй des Idйes que certains philosophes
ont coutume d'attribuer aux Idйes, ne peut, en supposant qu'il existe de telles
rйalitйs, distinctes des individus, servir а rien, du moins pour la gйnйration
et la constitution des substances." (Trad. J. Tricot).
[21]
. Cf. De Veritate 27, 3, ad 9m. les trois solutions possibles sont envisagйes;
infini infini, fini fini, infini fini. Puissance passive: ici le possible n'en
dйpend pas puisque cette puissance est la matiиre, qui n'existe pas avant la
crйation, la puissance active: derniиre partie de la rйponse, et enfin en
deuxiиme position le possible sans rapport avec la puissance. C'est ce qu
dйmontre Aristote en Mйtaphysique,
IX, 3, 1047 a 24: "Une chose est possible si son passage а acte dont elle
est dite avoir la puissance n'entraоne aucune impossibilitй." Cf. I
Analytiques, I, 13, 32 a 18. ("Cette dйfinition du possible ...renferme
peut-кtre un cercle vicieux." remarque J. Tricot).
[22]
. Si on s'en tient а la traduction а partir de, il faut parler alors de
locution prйpositionnelle.
[23]
. Voir Pot. qu. 3, a. 8, obj. 4. Ex indique une cause efficiente ou une cause
matйrielle.
[24]
. L'expression de nihilo est employйe en deux endroits dans l'article. la nuance
dans l'objection 4 est minime et n'est plus reprise dans la solution. "Le
rien", le nйant est considйrй par l'objecteur comme un substrat, qui
pourrait кtre "un patient", ce que nie la solution. Ici (sol. 7) le
de nihilo n'est pas appliquй а la crйation: le silencieux parle au sujet de
rien. Il n'y a pas non plus crйation ou passage а partir du nйant pour Dieu
(mode inhabituel de parler, remarque Thomas.
[25]
. "Thomas se persuada que si Avicenne niait la crйation, du moins il
rйfutait bien le concept erronй de crйation des Mokekallim qui imaginaient le
nйant comme une privation ou une puissance." (Chossat, DTC, Dieu, 1224)
[26]
. Cela est dйmontrй plus loin, Pot. 3, 15.
[27]
. L'ultime raison de la multiplicitй et de la vйritй des choses rйside... dans
l'ordo sapientiae. Cf. Pot. 3, 16. La pluralitй peut-elle procйder d'un [кtre]
premier unique? Cf. Ia, qu. 47, a. 1, - Ia , qu. 47, a. 2 - CG II, 26 etc.
M.Seckler, le salut et l'histoire, p. 110. "La distinction et la pluralitй
dйpendent de l'intention du premier agent qui est Dieu." Le principe est
confirmй en Ia, qu. 42, a. 2: "La distinction et l'inйgalitй des choses
viennent de Dieu.". l'inйgalitй dans la perfection parce que les choses
viennent du nйant (Ia, qu. 90, a. 3 ou 3)
[28]
. Il ne faut du reste pas parler de perfection et d'imperfection. Voir Ia, qu.
90, 2 ou 3?
[29]
. Cf. I, qu. 45, a. 2, ad 3m.
[30]
. L'йtant commun est composй de matiиre (en puissance) et de la forme (en
acte).
[31]
. Il s'agit de l'idйe en Dieu. Dans le De veritate qu. 3, a. 5, c, on lit que
1° A la diffйrence de Platon, il est nйcessaire de placer une idйe en Dieu
parce que la matiиre premiиre est crййe et ce qui est causй par Dieu possиde
quelque ressemblance avec lui. 2° Cependant la matiиre n'a pas en Dieu d'idйe
distincte de celle de la forme ou du composй..
Article 2: La crйation est-elle un changement?
q. 3 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum creatio sit mutatio. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 3 a. 2 arg. 1
Mutatio enim secundum nomen suum designat hoc esse post hoc, ut patet V Phys.
Sed hoc habet creatio: nam fit esse post non esse. Ergo creatio est mutatio. 1. Car un changement, d'aprиs son nom, montre qu'une chose est aprиs
l'autre, comme on le dйmontre (Phys.
V, 7, 224 b 35 - 225 a[2]). Mais c'est ainsi que se
comporte la crйation: l'кtre, en effet, est crйй aprиs le non кtre. Donc la
crйation est un changement. q. 3 a. 2 arg. 2
Praeterea, omne quod fit, fit aliquo modo ex non ente; quia quod est, non fit.
Sicut ergo se habet generatio, secundum quam fit res secundum partem
substantiae suae, ad privationem formae, quae est non esse secundum quid; ita
se habet creatio, per quam fit secundum totam substantiam suam, ad non esse
simpliciter. Sed privatio proprie loquendo, est terminus generationis. Ergo et
non esse simpliciter, proprie loquendo, est terminus creationis; et sic
creatio, proprie loquendo, est mutatio. 2. Tout ce qui est fait est fait d'une certaine maniиre а partir du non
кtre, parce que ce qui est ne se fait pas. Donc, de la mкme maniиre que se
comporte la gйnйration, d'aprиs laquelle une chose est faite selon une partie
de sa substance, pour combler la privation de la forme, qui est un non кtre
relatif, de cette mкme maniиre se comporte la crйation par laquelle la chose
est faite selon toute sa substance pour combler le non кtre absolu. Mais la
privation de la forme est а proprement parler le terme de la gйnйration. Donc
le non кtre absolu est proprement le terme de la crйation et ainsi, а vrai
dire, la crйation est un changement. q. 3 a. 2 arg. 3
Praeterea, quanto est maior distantia inter terminos, tanto maior est mutatio.
Maior enim est mutatio de albo in nigrum quam de albo in pallidum. Sed plus
distat non ens simpliciter ab ente quam contrarium a contrario, vel non ens
secundum quid ab ente. Ergo cum transitus de contrario in contrarium, vel de
non ente secundum quid in ens, fit mutatio, multo magis transitus de non ente
simpliciter in ens, quod est creatio, erit mutatio. 3. Plus grande est la distance entre les termes, plus grand est le
changement. Car le changement est plus grand de blanc а noir que de blanc а
blanc pвle. Mais le non кtre absolu est plus distant de l'кtre qu'un contraire
de son contraire ou le non йtant relatif de l'йtant[3].
Donc comme le passage d'un contraire а son contraire, ou du non кtre relatif de
l'кtre, devient changement, le passage du non кtre absolu а l'кtre, qu'est la
crйation, sera beaucoup plus un changement[4]. q. 3 a. 2 arg. 4
Praeterea, quod non similiter habet se nunc et prius, mutatur vel movetur. Sed
quod creatur non similiter se habet nunc et prius: quia prius erat simpliciter
non ens, et postea fit ens. Ergo quod creatur, movetur vel mutatur. 4. Ce qui ne se comporte pas de la mкme maniиre maintenant
qu'auparavant est soumis au changement ou au mouvement. Mais ce qui est crйй ne
se comporte pas de la mкme maniиre maintenant qu'auparavant; parce qu'avant
c'йtait un non йtant absolu et aprиs il est devenu un йtant. Donc, ce qui est
crйй est mы ou changй. q. 3 a. 2 arg. 5
Praeterea, illud quod exit de potentia in actum, mutatur. Sed quod creatur,
exit de potentia in actum; quia ante creationem erat tantum in potentia
facientis, postea autem est in actu. Ergo quod creatur, movetur vel mutatur:
ergo creatio est mutatio. 5. Ce qui passe de la puissance а l'acte subit un changement. Mais ce
qui est crйй passe de la puissance а l'acte; parce qu'avant la crйation il
йtait seulement dans la puissance du crйateur, mais ensuite il est en acte.
Donc ce qui est crйй, a subi un mouvement ou un changement: donc la crйation
est un changement. En sens contraire. q. 3 a. 2 s. c. Sed
contra, species motus vel mutationis sunt sex, secundum philosophum in
praedicamentis. Nulla autem earum est creatio ut patet per singula inducenti.
Ergo creatio non est mutatio. Les espиces de mouvements ou de changements sont au nombre de six,
selon Aristote, dans Les catйgories (chapitre
sur le mouvement). Aucun d'elles n'est crйation, comme cela paraоt а qui les
examine une а une. Donc la crйation n'est pas un changement. Rйponse: q. 3 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod in mutatione qualibet requiritur quod sit aliquid
idem commune utrique mutationis termino. Si enim termini mutationis oppositi in
nullo eodem convenirent, non posset vocari transitus ex uno in alterum. In
nomine enim mutationis et transitus designatur aliquid idem, aliter se habere
nunc et prius; et etiam ipsi mutationis termini non sunt incontingentes, quod
requiritur ad hoc ut sint mutationis termini, nisi in quantum referuntur ad
idem. Nam duo contraria si ad diversa subiecta referantur,
contingit simul esse. Dans un changement, il faut quelque chose de commun а chacun des deux
termes du changement. Car si les termes opposйs du changement ne concordaient
en rien, on ne pourrait pas parler de passage de l'un а l'autre. En effet, sous
le nom de changement et celui de passage, on dйsigne une mкme chose, qui
se comporte autrement maintenant qu'auparavant. Et aussi ces termes du
changement ne sont pas incompatibles, ce qui est requis pour qu'ils en soient
les termes, а moins qu'ils se rapportent а un mкme кtre. Il arrive en effet que
deux contraires soient ensemble s'ils se rapportent а des sujets diffйrents. Quandoque ergo contingit quod utrique mutationis termino est
unum commune subiectum actu existens; et tunc proprie est motus; sicut accidit
in alteratione et augmento et diminutione et loci mutatione. Nam in omnibus his
motibus subiectum unum et idem actu existens, de opposito in oppositum mutatur.
Quandoque vero est idem commune subiectum utrique termino, non quidem ens actu,
sed ens in potentia tantum, sicut accidit in generatione et corruptione
simpliciter. Formae enim substantialis et privationis subiectum est materia
prima, quae non est ens actu: unde nec generatio nec corruptio proprie dicuntur
motus, sed mutationes quaedam.// Donc parfois il arrive que, pour chaque terme du changement, il y a un
seul substrat commun[5] qui existe en acte; c'est alors
proprement un mouvement, comme cela arrive dans l'altйration, la croissance, la
diminution et le changement de lieu. Car dans tous ces mouvements un seul et
mкme substrat, qui existe en acte, est changй en opposй а partir de son. Mais
quelquefois c'est le mкme substrat commun aux deux termes[6],
non un йtant en acte, mais en puissance seulement, comme cela arrive simplement
dans la gйnйration et la corruption. Car le substrat de la forme substantielle
et celui de la privation est la matiиre premiиre qui n'est pas un йtant en
acte. C'est pour cela que ni la gйnйration, ni la corruption ne sont а
proprement parler des mouvements, mais des changements. Quandoque vero non est aliquod subiectum commune neque actu
neque potentia existens; sed est idem tempus continuum, in cuius prima parte
est unum oppositum et in secunda aliud, ut cum dicimus hoc fieri ex hoc, id est
post hoc, sicut ex mane fit meridies. Sed haec non proprie vocatur mutatio, sed
per similitudinem, prout ipsum tempus imaginamur quasi subiectum eorum quae in
tempore aguntur. Mais parfois il n'y a de substrat commun ni en acte ni en puissance:
mais c'est le mкme temps continu, dans la premiиre partie duquel il y a un
opposй et dans la seconde un autre, comme quand on dit que ceci a йtй fait de
cela, c'est-а-dire aprиs cela, comme le midi est fait du matin. Mais on
n'appelle pas cela un changement au sens propre, mais par analogie, dans la
mesure oщ on imagine le temps lui-mкme comme sujet de ce qui se fait dans ce
temps. In creatione autem non est aliquid commune aliquo
praedictorum modorum. Neque enim est aliquod commune subiectum actu existens,
neque potentia. Tempus etiam non est idem, si loquamur de creatione universi;
nam ante mundum tempus non erat. Invenitur tamen aliquod commune subiectum esse
secundum imaginationem tantum, prout scilicet imaginamur unum tempus commune
dum mundus non erat, et postquam mundus in esse productus est. Sicut enim extra
universum non est aliqua realis magnitudo, possumus tamen eam imaginari; ita et
ante principium mundi non fuit aliquod tempus, quamvis sit possibile ipsum
imaginari: et quantum ad hoc creatio secundum veritatem, proprie loquendo, non
habet rationem mutationis, sed solum secundum imaginationem quamdam; non
proprie, sed similitudinarie. Mais dans la crйation, il n'y a rien de commun avec l'un des modes dont
on a parlй. Car il n'y a pas de substrat commun ni en acte ni en puissance. Le
temps non plus n'est pas le mкme, si nous parlons de la crйation de l'univers[7]: car avant le monde, le temps n'existait pas. Cependant
on trouve un sujet commun en imagination seulement, c'est-а-dire dans la mesure
oщ nous imaginons un seul temps commun, pendant lequel le monde n'existait pas
et aprиs lequel il a йtй produit dans l'кtre. Car hors de l'univers il n'y a
pas de grandeur rйelle, nous pouvons cependant en imaginer une; de la mкme
maniиre, avant le commencement du monde, le temps n'a pas existй, quoiqu'il
soit possible de l'imaginer. Et pour cela, la crйation, а proprement parler,
n'est pas vйritablement dйfinie comme un changement mais l'est seulement e n
imagination; non au sens propre, mais par analogie. Solutions: q. 3 a. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod mutatio secundum suum nomen designat hoc esse post
hoc circa aliquid idem, ut praedictum est, in corp. art. Hoc autem in creatione
non est. # 1. Le changement, par son nom, dйsigne un йtat qui existe aprиs un
premier йtat, pour quelque chose de semblable, comme il a йtй dit dans le corps
de l'article. Cela n'existe pas dans la crйation. q. 3 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in generatione, secundum quam fit aliquid secundum
partem substantiae suae, est aliquid commune subiectum privationi et formae, et
non est in actu existens: et ideo sicut proprie ibi accipitur terminus, sic
etiam et proprie accipitur ibi transitus; quod in creatione non est. # 2. Dans la gйnйration, d'aprиs laquelle une chose est faite selon une
partie de sa substance, il y a un substrat commun а la privation et а la forme
et il n'existe pas en acte et c'est pourquoi de mкme qu'on prend ici le terme
au sens propre, on prend aussi le passage au sens propre, ce qui n'existe pas
dans la crйation, comme on l'a dit dans le corps de l'article. q. 3 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ubi est maior distantia terminorum, est maior mutatio,
supposita identitate subiecti. # 3. Plus grande est la distance entre les termes, plus grand est le
changement, si on suppose l'identitй du sujet. q. 3 a. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod id quod non similiter se habet nunc et prius, mutatur,
supposita consistentia subiecti: alias non ens simpliciter mutaretur; quia non
ens simpliciter, non similiter se habet nunc et prius, neque dissimiliter.
Oportet autem ad hoc quod sit mutatio, quod sit aliquid idem dissimiliter se
habens nunc et prius. # 4. Ce qui ne se comporte pas de la mкme maniиre maintenant et avant,
subit un changement, si on suppose la prйservation du substrat. Autrement le
non кtre absolu serait changй, parce qu'il ne se comporte pas d'une maniиre
semblable maintenant et avant ni mкme d'une maniиre diffйrente. Mais il faut,
pour qu'il y ait un changement, qu'il y ait une mкme chose qui se comporte de
maniиre diffйrente maintenant et auparavant. q. 3 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod potentia passiva est subiectum mutationis, non autem
activa; et ideo quod exit de potentia passiva in actum, mutatur, non autem quod
de potentia activa exit: et ideo non valet obiectio. # 5. La puissance passive est substrat de changement, mais pas la
puissance active et c'est pourquoi ce qui passe de la puissance passive а
l'acte est changй, mais non ce qui sort de la puissance active et c'est
pourquoi l'objection ne vaut pas.
[1] Parall.: Ia, 45, 1, ad 2– CG. II,
17, – II Sent. d1q1a 2. [2]
Aristote, Physique, V, 224 b 35- 225
a "Or, puisque tout changement va d'un terme а un autre (c'est aussi ce
que [en grec] montre le mot (metabolк): en effet, il exprime une succession,
c'est-а-dire la distinction d'un antйrieur et d'un postйrieur." [3]
Les contraires appartiennent au mкme genre. Le non йtant relatif est celui du
changement, ce qui n'existe pas encore, mais existera. [4]
Ils sont citйs au resp. § 2. Thomas fait appel а une autoritй. Aristote en
l'occurrence. Sinon il n'y aurait pas de preuve que le crйation ne soit pas un
mouvement.– 6. Il s'agit de potentialitй. Le crйй avant la crйation est
possible. Il n'y a aucune contradiction dans les termes. Cf. Pot. 3, 1 obj.? [5]
Diffйrence entre le changement et le mouvement. [6]
C'est-а-dire celui de dйpart et celui d'arrivйe. [7]
Parce qu'il y a deux sortes de crйation, la premiиre, celle de l'univers, et la
crйation contraire (celle qui se poursuit dans le temps).
Article 3: La crйation est-elle une rйalitй dans la crйature et si oui,
quelle est-elle?
q. 3 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum creatio sit aliquid realiter in creatura, et si est,
quid sit. Et videtur quod non sit aliquid reale in creatura. La crйation n'est pas, semble-t-il, une rйalitй dans la crйature[1].. Objections: q. 3 a. 3 arg. 1 Ut
enim dicitur in libro de causis, omne quod recipitur in aliquo, est in eo per
modum recipientis. Sed actio Dei creantis recipitur simpliciter in
non ente: quia Deus creando ex nihilo aliquid facit. Ergo creatio
nihil reale ponit in creatura. 1. Comme on le dit dans le Livre
des Causes (prop. 10[2]) tout ce qui est
reзu en quelque chose, y est selon le mode de celui qui reзoit. Mais l'action
de Dieu Crйateur est entiиrement reзue dans le non йtant: parce que Dieu en
crйant fait quelque chose а partir de rien. Donc la crйation n'apporte rien de
rйel dans la crйature. q. 3 a. 3 arg. 2
Praeterea, omne quod est in rerum natura, aut est creator aut creatura. Sed
creatio non est creator, quia sic esset ab aeterno; nec etiam creatura, quia
aliqua creatione crearetur; quae etiam creatio, aliqua creatione indigeret
creari, et sic in infinitum. Ergo creatio non est aliquid in rerum natura. 2. Tout ce qui est dans le nature est crйateur ou crйature. Mais la
crйation n'est ni le crйateur, parce qu'ainsi elle serait йternelle, ni non
plus une crйature, parce qu'elle serait crййe par une crйation; laquelle aurait
besoin d'кtre crййe par une crйation et ainsi а l'infini. Donc la crйation
n'est rien dans la nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 3
Praeterea, omne quod est, vel est substantia vel accidens. Sed creatio non est
substantia, cum non sit nec materia neque forma neque compositum, ut de facili
patere potest: nec etiam accidens, quia accidens sequitur suum subiectum;
creatio autem est naturaliter prior creato, quod nullum sibi supponit subiectum.
Ergo creatio non est aliquid in rerum natura. 3. Tout ce qui existe est substance ou accident. Mais la crйation n'est
pas une substance, puisque elle n'est ni matiиre, ni forme, ni composй, comme
on peut le dйcouvrir facilement. Elle n'est pas non plus un accident parce que
celui-ci suit son substrat. Mais la crйation est naturellement antйrieure au
crйй, parce qu'il ne suppose en soi aucun substrat. Donc la crйation n'est rien
dans la nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 4
Praeterea, sicut se habet generatio ad rem generatam, ita se habet creatio ad
rem creatam. Sed generationis subiectum non est res generata, sed magis
terminus; subiectum vero eius est materia prima, ut dicitur in de Generat. et
Corrupt. Ergo nec subiectum creationis est res creata. Nec potest dici quod
subiectum eius sit aliqua materia, cum res creata non creetur ex aliqua
materia. Ergo creatio non habet subiectum aliquod, et ita non est accidens.
Constat autem quod non est substantia. Ergo non est aliquid in rerum natura. 4. La crйation se comporte vis-а-vis de la crйature comme la gйnйration
vis-а-vis de l'engendrй. Mais le substrat de la gйnйration n'est pas ce qui est
engendrй, mais c'est plutфt son terme. Son substrat est la matiиre premiиre,
comme il est dit dans La gйnйration et la
corruption (texte 1). Donc le substrat de la crйation n'est pas la
crйature. Et on ne peut pas dire que son substrat soit une certaine matiиre
puisque la crйature n'est pas crййe а partir de la matiиre. Donc la crйation
n'a pas de substrat et ainsi elle n'est pas un accident. Il est clair qu'elle
n'est pas une substance. Donc elle n'est rien[3]
dans la nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 5
Praeterea, si creatio est aliquid in rerum natura, cum non sit mutatio, ut
supra dictum est, maxime videtur esse relatio. Sed non est relatio, cum in
nulla relationis specie contineri possit. Simpliciter enim non enti, ex quo est
relatio, ens simpliciter neque supponitur neque aequatur. Ergo creatio non est
aliquid in rerum natura. 5. Si la crйation est quelque chose dans la nature des choses, comme
elle n'est pas changement, comme on l'a dit plus haut, elle paraоt кtre surtout
une relation. Mais ce n'en est pas une, puisqu'elle ne peut кtre contenue dans
aucune espиce de relation. Car l'йtant n'est absolument ni soumis, ni йgalй au
non йtant absolu d'oщ part la relation. Donc la crйation n'est rien dans la
nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 6
Praeterea, si creatio importet relationem entis creati ad Deum a quo esse habet;
cum ista relatio semper maneat in creatura, non solum quando incipit esse, sed
quamdiu res est; continue aliquid crearetur: quod videtur absurdum. Ergo
creatio non est relatio: et sic idem quod prius. 6. Si la crйation apporte une relation de l'йtant crйй а Dieu de qui il
tient l'кtre, comme cette relation demeure toujours dans la crйature, non
seulement quand elle commence а кtre, mais aussi longtemps qu'elle existe,
quelque chose serait crйй continuellement, ce qui paraоt absurde. Donc la
crйation n'est pas une relation et ainsi de mкme que plus haut. q. 3 a. 3 arg. 7
Praeterea, omnis relatio realiter in rebus existens, acquiritur ex aliquo quod
est diversum ab ipsa relatione, sicut aequalitas a quantitate, et similitudo a
qualitate. Si ergo creatio sit aliqua relatio in creatura realiter existens,
oportet quod differat ab eo ex quo acquiritur relatio. Hoc autem est quod per
creationem accipitur. Sequitur ergo quod ipsa creatio non sit per creationem
accepta; et ita sequitur quod sit aliquid increatum: quod est impossibile. 7. Toute relation qui existe rйellement dans les choses est acquise de
quelque chose qui est diffйrent de la relation mкme, comme l'йgalitй est
diffйrente de la quantitй et la ressemblance de la qualitй. Donc si la crйation
est une relation qui existe rйellement dans la crйature, il faut qu'elle
diffиre de ce par quoi la relation est acquise. Mais c'est ce qui est reзu par
crйation. Donc il s'ensuit que la crйation mкme ne serait pas reзue par une
crйation et ainsi il en dйcoule qu'elle serait quelque chose d'incrйй, ce qui
est impossible. q. 3 a. 3 arg. 8 Praeterea, omnis mutatio
reducitur ad illud genus ad quod terminatur, sicut alteratio ad qualitatem, et
augmentum ad quantitatem; et propter hoc dicitur, in III Phys., quod quot sunt
species entis, tot sunt species motus. Sed creatio terminatur ad substantiam;
nec tamen potest dici quod sit in genere substantiae, ut supra, argum. 3, dictum
est. Ergo non videtur quod sit aliquid secundum rem. 8. Tout changement est ramenй au genre oщ il se termine, comme
l'altйration а la qualitй et la croissance а la quantitй et а cause de cela il
est dit (III Physique, 201 a 8[4]) qu'il y a autant d'espиces de mouvements qu'il y a
d'espиces d'йtants. Mais la crйation se termine а la substance; et cependant on
ne peut pas dire qu'elle soit dans le genre de la substance, comme on l'a dit
ci-dessus а l'objection 3. Donc il ne paraоt pas que ce soit quelque chose de
rйel. En sens contraire: q. 3 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Si creatio non est aliqua res, ergo nec aliquid realiter creatur.
Hoc autem apparet esse falsum. Ergo creatio aliquid est in rerum natura. 1. Si la crйation n'est rien, donc rien n'est rйellement crйй. Ce qui
paraоt faux. Donc la crйation est quelque chose dans la nature des choses. q. 3 a. 3 s. c. 2
Praeterea, ex hoc Deus est dominus creaturae, quia eam creando in esse
produxit. Sed dominium est quaedam relatio realiter in creatura existens. Ergo
multo fortius creatio. 2. Dieu est le maоtre de la crйature, parce qu'en la crйant, il l'a
fait venir а l'кtre. Mais son pouvoir est une relation, qui existe rйellement
dans la crйature. Donc la crйation encore beaucoup plus. Rйponse: q. 3 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum quod quidam dixerunt creationem aliquid esse in rerum
natura medium inter creatorem et creaturam. Et quia medium neutrum extremorum
est, ideo sequebatur quod creatio neque esset creator neque creatura. Sed hoc a
magistris erroneum est iudicatum, cum omnis res quocumque modo existens non
habeat esse nisi a Deo, et sic est creatura. Certains ont dit que la crйation est quelque chose
dans la nature des choses, intermйdiaire entre le crйateur et la crйature. Et
parce qu'il n'y a aucun intermйdiaire entre les extrкmes, il s'ensuivrait que
la crйation ne serait ni crйateur, ni crйature. Mais cela a йtй jugй faux par
les docteurs, puisque toute chose de quelque maniиre qu'elle existe n'a l'кtre
que de Dieu et est ainsi une crйature. Et ideo alii dixerunt, quod ipsa creatio non ponit aliquid
realiter ex parte creaturae. Sed hoc etiam videtur inconveniens. Nam in omnibus
quae secundum respectum ad invicem referuntur, quorum unum ab altero dependet,
et non e converso, in eo quod ab altero dependet, relatio realiter invenitur,
in altero vero secundum rationem tantum; sicut patet in scientia et scibili, ut
dicit philosophus. Creatura autem secundum nomen refertur ad creatorem.
Dependet autem creatura a creatore, et non e converso. Unde oportet quod
relatio qua creatura ad creatorem refertur, sit realis; sed in Deo est relatio
secundum rationem tantum. Et hoc expresse dicit Magister in I Sent. distinct.
30. A cause de cela, d'autres ont
dit que la crйation elle-mкme n'йtablit rien en rйalitй du cфtй de la crйature.
Mais cela ne paraоt pas convenir. Car dans tout ce qui est mis en relation
rйciproquement sous un rapport dont l'un dйpend de l'autre et non le contraire,
dans ce qui dйpend de l'un, on trouve rйellement une relation, mais dans
l'autre on la trouve en raison seulement, comme cela paraоt dans la science et
le savoir, comme le philosophe le dit, (Mйtaphysique
V, 20, 1022 b 5[5]). La crйature d'aprиs son nom a rapport
au crйateur. Elle dйpend de lui, et non le contraire. Donc il faut que la
relation, par laquelle la crйature est rйfйrйe au crйateur, soit rйelle. Mais
en Dieu ce n'est qu'une relation de raison seulement. Et cela le Maоtre le dit
expressйment (I Sent., d. 30). Et ideo dicendum est, quod creatio potest sumi active et
passive. Si sumatur active, sic designat Dei actionem, quae est eius essentia,
cum relatione ad creaturam; quae non est realis relatio, sed secundum rationem
tantum. Si autem passive accipiatur, cum creatio, sicut iam supra dictum est,
proprie loquendo non sit mutatio, non potest dici quod sit aliquid in genere
passionis, sed est in genere relationis. Et c'est pourquoi il faut
dire que la crйation peut кtre considйrйe de faзon active ou passive. Si on
la considиre comme active, elle dйsigne ainsi l'action de Dieu, qui est son
essence, avec relation а la crйature, qui n'est pas une relation rйelle, mais
de raison seulement. Si on la prend au sens passif, la crйation, comme on l'a
dit plus haut, а proprement parler n'est pas un changement, on ne peut pas dire
qu'elle soit quelque chose (aliquid)
dans le genre de la passivitй, mais elle est dans celui en relation. Quod sic patet. In omni vera mutatione et motu invenitur
duplex processus. Unus ab uno termino motus in alium, sicut ab albedine in
nigredinem; alius ab agente in patiens, sicut a faciente in factum. Sed hi
processus non similiter se habent in ipso moveri, et in termino motus. Nam ipso
moveri, id quod movetur recedit ab uno termino motus et accedit ad alterum;
quod non est in termino motus; ut patet in eo quod movetur de albedine in
nigredinem: quia in ipso termino motus iam non accedit in nigredinem, sed
incipit esse nigrum. Similiter dum est in ipso moveri, patiens vel factum
transmutatur ab agente; cum autem est in termino motus, non ulterius
transmutatur ab agente, sed consequitur factum quamdam relationem ad agentem,
prout habet esse ab ipso, et prout est ei simile quoquomodo, sicut in termino
generationis humanae consequitur natus filiationem. Ce qui apparaоt ainsi: en tout vrai changement et vrai mouvement, on
trouve un double processus. L'un est
le mouvement d'un terme а un autre, comme de la blancheur а la noirceur; l'autre de l'agent au patient, comme de
celui qui fait а ce qui est fait. Mais ces processus ne se comportent pas de la
mкme maniиre, dans le mouvement lui-mкme et au terme du mouvement. Car par la
mise en mouvement mкme, ce qui est mы s'йloigne d'un terme du mouvement et
arrive а un autre, ce qui n'est pas dans le terme
du mouvement; comme cela paraоt dans ce qui passe de la blancheur а la
noirceur; parce qu'au terme mкme du mouvement dйjа, il n'arrive pas encore а la
noirceur, mais il commence а кtre noir. De mкme pendant qu'il est dans le
mouvement mкme, le patient ou ce qui est fait, est changй par l'agent, mais
quand il est au terme du mouvement, il n'est plus changй par l'agent, mais ce
qui est fait reзoit une relation а l'agent dans la mesure oщ il a l'кtre de
lui, et oщ il lui est semblable d'une certaine maniиre, comme au terme de la
gйnйration humaine, l'enfant reзoit la filiation. Creatio autem, sicut dictum est, non potest accipi ut
moveri, quod est ante terminum motus, sed accipitur ut in facto esse; unde in
ipsa creatione non importatur aliquis accessus ad esse, nec transmutatio a
creante, sed solummodo inceptio essendi, et relatio ad creatorem a quo esse
habet; et sic creatio nihil est aliud realiter quam relatio quaedam ad Deum cum
novitate essendi. Mais la crйation, comme on l'a dit (art.
prйcйd.) ne peut кtre reзue comme une mise en mouvement qui est avant le
terme du mouvement, mais elle est reзue comme кtre dans ce qui est fait; c'est
pourquoi dans la crйation mкme, ce n'est pas un accиs а l'кtre qui est apportй,
ni un changement par le crйateur, mais seulement un commencement d'кtre et une
relation au crйateur de qui il tient l'кtre et ainsi la crйation n'est
rйellement rien d'autre qu'une relation а Dieu avec la nouveautй de l'кtre. Solutions: q. 3 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in creatione non ens non se habet sicut recipiens
divinam actionem, sed id quod creatum est, ut supra dictum est. # 1. Dans la crйation, le non йtant ne se comporte pas comme recevant l'action
divine, mais c'est ce qui est crйй, comme on l'a dit ci-dessus[6]. q. 3 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod creatio active accepta significat divinam actionem cum
quadam relatione cointellecta, et sic est increatum; accepta vero passive,
sicut dictum est, realiter relatio quaedam est significata per modum mutationis
ratione novitatis vel inceptionis importatae. Haec autem relatio, creatura
quaedam est, accepto communiter nomine creaturae pro omni eo quod est a Deo.
Nec oportet procedere in infinitum, quia creationis relatio non refertur ad
Deum alia relatione reali, sed seipsa. Nulla enim relatio refertur alia
relatione, ut Avicenna dicit in sua Metaph. Si vero nomen creaturae accipiamus
magis stricte pro eo tantum quod subsistit (quod proprie fit et creatur, sicut
proprie habet esse), tunc relatio praedicta non est quoddam creatum, sed
concreatum, sicut nec est ens proprie loquendo, sed inhaerens. Et simile est de
omnibus accidentibus. # 2. La crйation, prise au sens actif, signifie l'action divine avec
une relation conзue en mкme temps, et ainsi c'est de l'incrйй; mais prise au
sens passif, comme on l'a dit, une relation est rйellement dйsignйe par mode de
changement en raison de la nouveautй, ou du commencement qui est apportй. Mais
cette relation est une crйature; on accepte communйment le nom de crйature pour
tout ce qui vient de Dieu. Et il ne faut pas procйder а l'infini, parce que la
relation de crйation n'est pas en rapport avec Dieu par une autre relation
rйelle, mais par elle-mкme. Car aucune relation n'est en rapport avec une autre
relation, comme Avicenne le dit (Mйtaphysique
l. III, ch. 10). Si nous acceptons le nom de crйature plus strictement pour
autant qu'elle subsiste seulement (ce qui proprement est fait et crйй, comme
ayant proprement l'кtre, alors cette relation n'est pas quelque chose de crйй,
mais quelque chose de concrйй, de mкme qu'elle n'est pas un йtant а proprement
parler, mais quelque chose d'inhйrent. Il en est de mкme de tous les accidents[7]. q. 3 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod illa relatio accidens est, et secundum esse suum
considerata, prout inhaeret subiecto, posterius est quam res creata; sicut
accidens subiecto, intellectu et natura, posterius est; quamvis non sit tale
accidens quod causetur ex principiis subiecti. Si vero consideretur secundum suam rationem, prout ex actione agentis
innascitur praedicta relatio, sic est quodammodo prior subiecto, sicut ipsa
divina actio, est eius causa proxima. # 3. Cette relation est un accident et considйrйe selon son кtre, dans
la mesure oщ elle adhиre au substrat, elle est postйrieure а ce qui est crйй;
comme l'accident est postйrieur au substrat, en esprit et par nature; bien que
ce ne soit pas un accident tel qu'il soit causй а partir des principes du
substrat. Si on la considиre selon sa raison, dans la mesure oщ la relation
susdite naоt de l'action de l'agent, elle est ainsi d'une certaine maniиre
avant le substrat, de mкme que l'action divine mкme, elle est sa cause la plus
proche. q. 3 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod in generatione est et mutatio et relatio, qua refertur
genitum ad generans. Ratione ergo mutationis non habet pro subiecto ipsum
generatum, sed eius materiam; sed ratione relationis habet subiectum ipsum generatum.
In creatione vero est relatio, sed non mutatio proprie, ut dictum est; et ideo
non est simile. # 4. Dans la gйnйration il y a un changement et une relation, par
laquelle l'engendrй est en rapport avec celui qui l'engendre. Donc par sa
raison de changement elle n'a pas pour substrat ce qui est engendrй mais sa
matiиre; mais par sa raison de relation, elle a comme substrat ce qui est
engendrй. Mais dans la crйation, il y a une relation mais pas de changement а
proprement parler, comme on l'a dit; et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 3 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod relatio praedicta non est intelligenda entis ad non ens;
quia talis relatio non potest esse realis, ut Avicenna dicit, sed est entis
creati ad creatorem; unde patet quod est relatio suppositionis. # 5. La relation dont on a parlй, n'est pas а comprendre de l'йtant au
non йtant, parce qu'une telle relation ne peut pas кtre rйelle, comme le dit
Avicenne (Mйtaphysique III, dernier
chapitre) mais elle est de l'йtant crйй au Crйateur. C'est pourquoi il apparaоt
que c'est une relation d'assujettissement. q. 3 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod creatio importat relationem praedictam cum novitate
essendi; unde non oportet quod res, quandocumque est, creetur, licet semper
referatur ad Deum: quamvis non esset inconveniens dicere quod sicut aer quamdiu
lucet, illuminetur a sole, ita creatura, quamdiu habet esse, fiat a Deo, ut
etiam Augustinus dicit super Genes. ad Litt. Sed in hoc non est diversitas nisi
secundum nomen, prout nomen creationis potest accipi cum novitate, vel sine. # 6. La crйation apporte la relation dont on a parlй avec la nouveautй
de l'кtre; c'est pourquoi il ne faut pas que la chose, tant qu'elle existe,
soit crййe, bien qu'elle soit toujours en rapport avec Dieu. Cependant il
n'aurait pas йtй inconvenant de dire que, de mкme que tant que l'air brille, il
est illuminй par le soleil, de mкme la crйature tant qu'elle a l'кtre, est
crййe par Dieu, comme Augustin aussi le dit (La Genиse au sens littйral, VIII, 12). Mais en cela il n'y a
diffйrence que de nom, selon que le nom de crйation peut кtre reзu avec la
nouveautй ou sans elle. q. 3 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod id ex quo acquiritur relatio creationis principaliter,
est res subsistens, a qua differt ipsa creationis relatio, quae et ipsa
creatura est; et non principaliter, sed quasi secundario, sicut quid
concreatum. # 7. Ce dont est acquise la relation de crйation principalement est ce
qui subsiste, dont diffиre la relation mкme de crйation, qui est elle-mкme
crйature; et non principalement, mais comme secondairement, comme quelque chose
de concrйй. q. 3 a. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod motus reducitur ad genus sui termini, in quantum
proceditur de potentia in actum: nam in ipso motu terminus motus est in
potentia, et potentia et actus reducuntur ad idem genus. In creatione autem non
est exitus de potentia in actum; et ideo non est simile. # 8. Le mouvement est ramenй au genre de son terme, dans la mesure oщ
il passe de la puissance а l'acte. Car dans le mouvement mкme, le terme du
mouvement est en puissance et la puissance et l'acte sont ramenй au mкme genre.
Dans la crйation, il n'y a pas de passage de puissance а l'acte et ainsi ce
n'est pas pareil.
[1] . Parall.: Ia, 45, 3 – CG. II, 18 – I Sent. D.
40 q. 1, a 1. – II Sent. D. 1q. 1, a. 2, ad 4-5. La relation Dieu crйature,
envisagйe ici sous l'angle de la crйation, sera йtudiйe plus longuement qu. 7,
a. 8 а 11. [2]
. "Les intelligences secondes jettent leur regard sur la forme universelle
qui est dans les intelligences universelles. Elles la divisent et la sйparent
puisqu'elles ne peuvent recevoir ces formes selon leur unitйs ou leur nйcessitй
que par la maniиre dont elles peuvent les recevoir c'est-а-dire la sйparation
et la division."– De la mкme maniиre, certaine ne reзoit de ce qui est
au-dessus d'elle que par le mode selon lequel elle peut le recevoir, non par le
mode selon lequel la chose est reзue. [3]
. ...n'est pas quelque chose. Cf. dйbut §. [4]
. "Ainsi il y a autant d'espиce de mouvements que d'кtre". [5]
. "...entre l'artiste et son oeuvre s'insиre la crйation. Ainsi entre ce
qui porte un vкtement et le vкtement portй, il y a un intermйdiaire, le port du
vкtement. Il est manifeste que cette sorte d'йtat ne peut avoir lui-mкme un
йtat car on irait ainsi а l'infini...". Commentaire de Thomas ( 1062) "Quelque
chose est intermйdiaire entre celui qui possиde et ce qui est possйdй. Car bien
que possйder ne soit pas une action, cela s'exprimer par maniиre d'action. Et
c'est pourquoi entre les deux, on comprend qu'il y a un avoir intermйdiaire et
comme une action, comme l'йchauffement est compris comme intermйdiaire entre ce
qui chauffe et ce qui est chauffй." [6]
. Cf. Ia, qu. 27, a 2, ad 3: "Tout
ce qui est reзu n'est pas nйcessairement reзu dans un sujet; sans quoi l'on ne
pourrait pas dire que toute la substance de la chose crййe est reзue de Dieu,
puisqu'il n'y a pas de rйcepteur de toute substance." [7]
. La crйation est crййe en mкme temps que la crйature, donc elle est un
accident.
Article 4: Le pouvoir ou mкme l'acte de crйer peut-il кtre communiquй а
une crйature?
q. 3 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum potentia creandi sit alicui creaturae communicabilis,
vel etiam actus creationis Et videtur quod sic. Il semble que oui[1].
Objections: q. 3 a. 4 arg. 1
Eodem enim modo et ordine quo res exeunt a primo principio, reordinantur in
ultimum finem, cum idem sit primum principium et ultimus rerum finis. Sed
inferiores creaturae ordinantur in Deum sicut in finem mediantibus superioribus
creaturis; quia, sicut Dionysius dicit, lex divinitatis est, per prima, ultima
ad se adducere. Ergo et creaturae inferiores exeunt a primo principio per
creationem mediantibus superioribus creaturis; et ita creationis actus
creaturae communicatur.
1. De la mкme maniиre et dans le mкme ordre que les crйatures sortent
du premier principe, elles sont rйordonnйes а leur fin ultime, puisque le
premier principe et la fin ultime des кtres sont identiques. Mais les crйatures
infйrieures sont ordonnйes а Dieu comme а leur fin par l'intermйdiaire des
crйatures supйrieures, parce que, comme le dit Denys (La Hiйrarchie cйleste, 5,1) la loi de la divinitй est de reconduire
а elle les derniиres par les premiиres. Donc les crйatures infйrieures sortent du
premier principe par crйation, par l'intermйdiaire des crйatures supйrieures,
et c'est ainsi que l'acte de crйation est communiquй а la crйature.
q. 3 a. 4 arg. 2
Praeterea, illud quod communicatum creaturae non trahit ipsam extra terminos
creaturae, est alicui creaturae communicabile per potentiam creatoris, qui
potest etiam nova genera condere creaturarum. Sed posse creare, si creaturae
communicaretur, non poneret ipsam extra terminos creaturae. Ergo posse creare
est creaturae communicabile. Probatio mediae. Illud dicitur extra terminos
creaturae rem aliquam ponere quod rationi creaturae repugnat. Posse autem
creare non repugnat rationi creaturae, nisi propter infinitatem virtutis quae
videtur ad creationem requiri. Non autem requiritur, ut videtur; nam
unumquodque tantum distat ab uno oppositorum quantum de natura alterius
participat. Tantum enim aliquid est album, quantum distat a nigro. Ens autem
creatum finite participat naturam entis. Ergo finite distat a non esse
simpliciter. Educere autem aliquid in esse ex distantia finita, non demonstrat
potentiam infinitam; et sic relinquitur quod potentiae finitae possit esse
creationis actus; et sic posse creare rationi creaturae non repugnat, nec ponit
ipsam extra terminos creaturae. 2. [1] Ce qui est communiquй а la crйature et ne l'entraоne pas hors de
ses limites, lui est communicable par la puissance du crйateur, qui peut mкme
crйer de nouveaux genres de crйatures. [2] Mais le pouvoir de crйer, s'il йtait
communiquй а la crйature, ne la mettrait pas hors de ses limites. [3] Donc le
pouvoir de crйer lui est communicable. Preuve intermйdiaire[2]: [2] on dit que
ce qui place une chose hors des limites de la crйature s'oppose а sa nature.
Mais pouvoir crйer ne s'oppose а la nature de la crйature qu'а cause de l'infinitй
du pouvoir qui semble requis pour la crйation. Mais ce n'est pas requis, а ce
qu'il semble, car chaque chose est йloignйe de l'un de ses opposйs qu'autant
qu'elle participe а la nature de l'autre. Car plus un objet est blanc, plus il
est йloignй du noir. Mais l'йtant crйй participe de faзon limitйe а la nature
de l'йtant. Donc, il est йloignй du non кtre absolu de faзon limitйe. Amener
quelque chose а l'кtre а partir d'une distance finie ne rйvиle pas une
puissance infinie et ainsi il reste que l'acte de crйation pourrait appartenir
а une puissance finie et ainsi le pouvoir de crйer n'est pas opposй а la
condition de crйature et il ne la place pas hors de ses limites.
q. 3 a. 4 arg. 3 Sed
diceretur, quod hoc quod dicitur, quod unumquodque tantum distat ab uno
oppositorum quantum participat de alio, locum habet in illis oppositis quorum
utrumque est natura quaedam, sicut sunt contraria; non autem in illis quorum
alterum tantum est natura, sicut in privatione et habitu, affirmatione et
negatione.- Sed contra, praedicta oppositio locum habet in contrariis secundum
hoc quod ad invicem distant; quod quidem eis competit in quantum opposita sunt.
Sed causa oppositionis in contrariis et radix, est oppositio affirmationis et
negationis, ut probatur. Ergo in oppositione affirmationis et negationis maxime
debet locum habere.
3. Mais on pourrait dire que cette assertion: chaque chose est йloignйe
de l'un de ses opposйs qu'autant qu'elle participe de l'autre, trouve sa place
dans ces opposйs dont l'un et l'autre sont une certaine nature, comme le sont
les contraires, mais non dans ceux dont l'un seulement est cette nature, ainsi
dans la privation, et la possession, l'affirmation et la nйgation. En sens
contraire, l'opposition susdite trouve sa place dans les contraires selon
qu'ils sont йloignйs l'un de l'autre, ce qui se rencontre en eux dans la mesure
oщ ils sont opposйs. Mais la cause de l'opposition dans les contraires, ainsi
que sa racine est l'opposition de l'affirmation et de la nйgation, comme on le
prouve (Cf. Mйtaphysique, IV, 6, 1011
b 20[3]). Donc c'est dans l'opposition de l'affirmation et de la nйgation
qu'elle doit avoir lieu.
q. 3
a. 4 arg. 4 Praeterea, secundum Augustinum tripliciter res fieri dicuntur. Uno
modo in verbo, alio modo in angelica cognitione, et tertio modo in propria
natura. Propter quod Genes., I, 1-2, dicit: dixit, fiat, et
factum est. Modus autem quo res dicuntur in angelica intelligentia fieri,
medius est inter illos duos modos. Ergo videtur quod res creatae procedant ut
sint in propria natura a verbo creatoris cognitione angelica mediante; et sic
videtur quod mediantibus Angelis res creentur.
4. Selon Augustin (La Genиse au
sens littйral, II, 8, 16[4]), dit qu'une chose est faite de trois faзons:
1) dans le Verbe, 2) dans la connaissance angйlique, 3) dans sa nature propre.
C'est pour cela que la Genиse (1, 1-2) dit: "Il dit: que cela soit fait et
cela fut fait". Mais la maniиre dont on dit que les choses sont crййes
dans l'intelligence angйlique est intermйdiaire entre ces deux modes. Donc il
semble que les crйatures procиdent, pour venir а l'кtre dans leur propre
nature, du Verbe du Crйateur, par l'intermйdiaire de la connaissance angйlique,
et ainsi il semble que les choses sont crййes par l'intermйdiaire des anges.
q. 3 a. 4 arg. 5
Praeterea, nihil et aliquid plus distant quam aliquid et esse, cum nihil et
aliquid nihil habeant commune, aliquid autem sit entis pars. Deus autem facit
creando, ut quod nihil erat, aliquid fiat, et per consequens quod nulla
potentia fiat aliqua potentia. Ergo multo amplius facere potest quod aliqua
potentia terminata, cuiusmodi est potentia creaturae, fiat omnipotentia, cuius
est creare. Et sic communicari potest creaturae quod creet.
5. Il y a plus de distance entre le nйant et une chose qu'entre une
chose et l'кtre[5], puisque le nйant et la chose n'ont rien de commun[6], alors
que la chose est une partie de l'йtant. Mais Dieu, en crйant, fait que ce qui
йtait nйant devienne quelque chose et par consйquent qu'une puissance nulle
devienne une puissance. Donc il peut faire beaucoup plus, а savoir qu'une
puissance limitйe, de quelque maniиre que soit la puissance de la crйature,
devienne une toute puissance qui crйe. Et ainsi le pouvoir de crйer peut кtre
communiquй а la crйature.
q. 3 a. 4 arg. 6 Praeterea,
lux spiritualis est nobilior et potentior quam corporalis. Sed lux corporalis
se ipsam multiplicat. Ergo Angelus, qui est lux spiritualis secundum
Augustinum, potest se ipsum multiplicare. Sed hoc non potest facere nisi creando. Ergo Angelus potest creare. 6. La lumiиre spirituelle est plus noble et plus puissante que la
lumiиre corporelle. Mais celle-ci se multiplie elle-mкme. Donc l'ange, qui est
lumiиre spirituelle selon Augustin (La
Genиse au sens littйral, II, 8, 17[7]) peut se multiplier lui-mкme. Mais il
ne peut le faire qu'en crйant. Donc l'ange peut crйer.
q. 3 a. 4 arg. 7
Praeterea, cum formae substantiales non generentur, eo quod solum compositum
generatur, ut probat philosophus, non possunt deduci in esse nisi per
creationem. Sed natura creata disponit
materiam ad formam. Ergo ministerio aliquid operatur ad creationem; et sic
communicari potest creaturae, quod habeat in creatione ministerium.
7. Comme les formes substantielles ne sont pas engendrйes, parce que
seul le composй est engendrй, comme le prouve le philosophe (Mйtaphysique VII, 8, 1033 b 5 - 1033b
16[8]), elles ne peuvent venir а l'кtre que par crйation. Mais la nature crййe
dispose la matiиre pour la forme. Donc par fonction, quelque chose travaille
pour la crйation, et ainsi le fait d'avoir cette fonction dans la crйation peut
кtre communiquй а la crйature
q. 3 a. 4 arg. 8
Praeterea, opus iustificationis est nobilius quam creationis, cum gratia sit
supra naturam. Unde et Augustinus dicit quod maius est iustificare impium quam
creare caelum et terram. Sed in iustificatione impii ministerium exhibet
creatura: sacerdos enim dicitur ut minister iustificare, sive peccata
remittere. Ergo multo magis potest creatura ministerium exhibere in creationis
actu. 8. L'oeuvre de justification est plus noble que celle de crйation,
puisque la grвce est au-dessus de la nature. D'oщ ce que dit Augustin (Sur
saint Jean, traitй 34) qu'il est plus important de justifier un impie que de
crйer le ciel et la terre. Mais dans la justification de l'impie, la crйature
rйvиle son ministиre; car on dit que le prкtre justifie ou remet les pйchйs en
tant que ministre. Donc la crйature peut beaucoup plus montrer sa fonction dans
l'acte de crйation
q. 3 a. 4 arg. 9
Praeterea, oportet omne factum simile esse agenti, ut probatur in VII Metaph.
Sed creatura corporalis non est similis Deo neque specie neque genere. Ergo non
potest a Deo per creationem procedere nisi mediante aliqua creatura, quae sit
similis saltem in genere; et sic videtur quod res corporales creentur a Deo
mediantibus superioribus creaturis.
9. Il faut que tout ce qui est fait ressemble а l'agent, comme on le
prouve (Mйtaphysique VII, 8, 1033 b
29[9]). Mais la crйature corporelle n'est semblable а Dieu ni en espиce ni en
genre. Donc elle ne peut procйder de Dieu par crйation que par l'intermйdiaire
d'une crйature, qui serait semblable, au moins en genre. Et ainsi il semble que
ce qui est corporel est crйй par Dieu par l'intermйdiaire des crйatures
supйrieures.
q. 3 a. 4 arg. 10
Praeterea, in Lib. de causis dicitur, quod illa quae est intelligentia secunda,
non recipit ex bonitatibus primis, quae procedunt ex causa prima, nisi mediante
intelligentia superiori. Sed de primis bonitatibus est ipsum esse. Ergo
intelligentia secunda non recipit esse a Deo nisi mediante intelligentia prima;
et sic videtur quod Deus actum creationis alicui creaturae communicet.
10. Dans le Livre des Causes
(prop. 19[10]), il est dit que celle qui est l'intelligence seconde ne reзoit
des perfections premiиres qui procиdent de la cause premiиre, que par
l'intermйdiaire de l'intelligence supйrieure[11]. Mais l'кtre mкme vient des
bontйs premiиres. Donc l'intelligence seconde ne reзoit l'кtre de Dieu que par
l'intermйdiaire de l'intelligence premiиre et ainsi il apparaоt que Dieu
communique l'action de crйer а une crйature.
q. 3 a. 4 arg. 11
Praeterea, in eodem Lib. dicitur, quod intelligentia scit quod sub se est, per
modum substantiae suae, in quantum est ei causa. Sed una intelligentia
cognoscit intelligentiam aliam quae est sub ipsa: ergo est eius causa. Sed non
causatur nisi per creationem, cum non sit composita. Ergo intelligentia creare
potest. 11. Dans le mкme livre (prop. 8[12]), on dit que l'intelligence connaоt
ce qui est sous elle, au moyen de sa substance, dans la mesure oщ elle en est
la cause. Mais une intelligence en connaоt une autre qui est sous elle. Donc
elle en est la cause. Mais elle n'est causйe que par crйation, puisqu'elle
n'est pas composйe. Donc l'intelligence peut crйer.
q. 3 a. 4 arg. 12
Praeterea, Augustinus dicit, quod creatura spiritualis communicat corporali
speciem et esse; et sic videtur quod creaturae corporales creentur mediantibus
spiritualibus.
12. Augustin (L'immortalitй de l'вme, XVI, 25[13]) dit que la crйature
spirituelle communique а la crйature corporelle l'espиce et l'кtre et ainsi il
semble que les crйatures corporelles seraient crййes par l'intermйdiaire des
crйatures spirituelles.
q. 3 a. 4 arg. 13
Praeterea, duplex est cognitionis genus; una siquidem cognitio est ad rem, et
alia quae est a rebus. Angelus autem cognoscit res corporales non cognitione
quae est a rebus, cum careat potentiis sensitivis, quibus mediantibus pervenit
cognitio sensibilium ad intellectum. Ergo cognoscit res cognitione quae est ad
rem, quae est similis divinae cognitioni. Sicut ergo Deus per suam scientiam
est causa rerum, ita et scientia Angeli rerum causa esse videtur. 13. Il y a deux sortes de connaissance: la premiиre va vers l'objet,
l'autre en vient. Or l'ange connaоt ce qui est corporel, non par une
connaissance qui vient de la rйalitй, puisqu'il n'a pas d'organes sensitifs par
l'intermйdiaire desquelles la connaissance du sensible lui parvient а l'esprit.
Donc il le connaоt d'une connaissance qui va vers l'objet et qui est semblable
а la connaissance divine. Donc, comme Dieu, par sa science, est la cause des
choses, ainsi la science de l'ange semble aussi en кtre la cause.
q. 3 a. 4 arg. 14
Praeterea, duplex est modus quo res in esse exeunt: unus secundum quod exeunt
de puro non esse in esse, quod fit per creationem: alius secundum quod exeunt
de potentia in actum. Virtus autem materialis, quae est rerum naturalium,
potest res producere modo secundo, scilicet extrahendo res de potentia in
actum. Ergo virtus immaterialis, quae est potentior, qualis est virtus Angeli,
potest aliquid producere in esse modo primo, quod est maioris virtutis,
scilicet de puro non esse in esse, quod est creare; et sic videtur quod Angelus
possit creare. 14. Le processus par lequel les кtres viennent а l'existence est double:
1) ils passent du pur non кtre а l'кtre, ce qui se fait par crйation; 2) ils
passent de la puissance а l'acte[14]. Mais le pouvoir matйriel des choses
naturelles peut produire des кtres de la seconde maniиre, c'est-а-dire en les
faisant passer de la puissance а l'acte. Donc un pouvoir immatйriel qui est
plus puissant, tel celui de l'ange, peut amener а l'кtre de la premiиre
maniиre, ce qui dйpend d'un plus grand pouvoir, c'est-а-dire [l'amener] du pur
non кtre а l'кtre, ce qui est crйer et ainsi il semble que l'ange puisse crйer.
q. 3 a. 4 arg. 15
Praeterea, infinito non est maius aliquid. Sed infinitae potentiae est educere
aliquid de nihilo in esse: alias nihil prohiberet creaturas creare. Nulla ergo
potentia potest esse maior quam ista. Et sic non est maius facere creaturam ex
nihilo et dare ei potentiam creandi quam creare. Primum autem Deus potest. Ergo
et secundum. 15. Rien n'est plus grand que l'infini. Mais c'est le pouvoir d'une
puissance infinie de faire passer quelque chose du nйant а l'кtre; autrement,
rien n'empкcherait de crйer des crйatures. Donc nulle puissance ne peut кtre
plus grande que celle-la. Et ainsi ce n'est pas plus grand de faire une
crйature de rien et lui donner la puissance de crйer que crйer. Dieu peut le
premier. Donc aussi le second.
q. 3 a. 4 arg. 16
Praeterea, quanto maior est resistentia patientis ad agens, tanto maior est
difficultas in agendo. Sed contrarium magis resistit quam non ens; non ens enim
agere non potest sicut agit contrarium. Cum ergo creatura possit aliquid ex
contrario facere, videtur quod multo magis possit aliquid facere ex nihilo,
quod est creare. Ergo potest creatura creare. 16. Plus grande est la rйsistance du patient а l'agent, plus grande est
la difficultй de celui-ci pour agir. Mais le contraire rйsiste plus que le non
кtre, car le non кtre ne peut agir comme agit le contraire. Comme donc la
crйature pourrait faire quelque chose de contraire, il semble qu'elle puisse
beaucoup plus faire quelque chose de rien, ce qui est crйer. Donc une crйature
peut crйer.
En sens contraire: q. 3 a. 4 s. c. 1
Sed contra. Ens et non ens in infinitum distant. Sed operari aliquid ex
distantia infinita est infinitae virtutis. Ergo creare est infinitae virtutis;
et ita non potest alicui creaturae communicari. 1. L'йtant et le non йtant sont sйparйs par une distance infinie[15].
Mais produire quelque chose а partir d'une distance infinie dйpend d'un pouvoir
infini. Donc crйer est le propre d'un pouvoir infini, et il ne peut кtre
communiquй а aucune crйature.
q. 3 a. 4 s. c. 2
Praeterea, superiores creaturae ut Angeli, secundum Dionysium dividuntur in
essentiam, virtutem, et operationem: ex quo haberi potest quod nullius
creaturae virtus est sua essentia, et sic nulla creatura agit se tota, cum id
quo res agit sit virtus eius. Sed secundum quod agens agit, effectus agitur.
Ergo nulla creatura potest aliquem effectum totum producere; et sic non potest
creare, sed semper in sua actione materiam praesupponit.
2. Les crйatures supйrieures, comme les anges, selon Denys (La hiйrarchie cйleste, XI), sont
divisйes en essence, puissance et opйration: de lа on peut constater que le
pouvoir d'aucune crйature n'est son essence et ainsi aucune crйature n'agit
elle-mкme toute entiиre, puisque ce par quoi quelque chose agit c'est sa puissance[16].
Mais l'effet est produit selon que l'agent agit. Donc aucune crйature ne peut
produire un effet total, et ainsi elle ne peut crйer, mais elle prйsuppose
toujours une matiиre pour son action.
q. 3 a. 4 s. c. 3
Praeterea, Augustinus dicit, quod Angeli non possunt esse creatores alicuius
rei, nec boni nec mali. Inter ceteras vero creaturas
Angelus est nobilior. Ergo multo minus aliqua alia creatura potest creare. 3. Augustin ( (La Trinitй, III,
ch. 8 et 9[17]) dit que les anges ne peuvent кtre crйateurs de rien, ni les
bons ni les mauvais. Parmi les autres crйatures, l'ange est le plus noble. Donc
les autres peuvent encore beaucoup moins crйer.
q. 3 a. 4 s. c. 4
Praeterea, eiusdem virtutis est creare et creaturas in esse conservare. Sed
creaturae non possunt in esse conservari nisi per virtutem divinam, quae si se
rebus subtraheret, in momento deficerent, secundum Augustinum. Ergo res non
possunt creari nisi per virtutem divinam.
4. Crйer et conserver les crйatures dans l'кtre est un mкme pouvoir. Mais
les crйatures ne peuvent кtre conservйes dans l'кtre que par le pouvoir divin;
s'il se retirait des crйatures, elles retourneraient au nйant а l'instant,
selon Augustin (La Genиse au sens
littйral, IV, 12, 22 et 23[18]). Donc les choses ne peuvent кtre crййes que
par la puissance divine.
q. 3 a. 4 s. c. 5
Praeterea, illud quod est alicuius proprie proprium, alteri convenire non
potest. Sed creare dicitur communiter proprium esse Deo. Ergo creare non potest
alteri convenire. 5. Ce qui est vraiment propre а une chose ne peut convenir а un autre.
Mais on dit communйment que crйer est propre а Dieu. Donc crйer ne peut pas
convenir а un autre.
Rйponse: q. 3 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum, quod quorumdam philosophorum fuit positio, quod Deus
creavit creaturas inferiores mediantibus superioribus, ut patet in Lib. de
causis; et in Metaphys. Avicennae, et Algazelis, et movebantur ad hoc opinandum
propter quod credebant quod ab uno simplici non posset immediate nisi unum
provenire, et illo mediante ex uno primo multitudo procedebat. Hoc autem
dicebant, ac si Deus ageret per necessitatem naturae, per quem modum ex uno
simplici non fit nisi unum. La position de certains philosophes fut que Dieu crйa les crйatures
infйrieures par l'intermйdiaire des crйatures supйrieures, comme cela apparaоt
dans le Livre des Causes, prop.
10[19]– Avicenne, Mйtaphysique, IX,
4[20] et Algazel et ils йtaient poussйs а le penser parce qu'ils croyaient que,
d'un кtre unique et simple ne pouvait immйdiatement provenir qu'un кtre unique
et que c'est par son intermйdiaire que la multitude procйdait du premier кtre
unique. Ils disaient cela comme si Dieu agissait par nйcessitй de nature, de
cette maniиre d'un seul кtre simple, il n'est fait qu'un кtre unique.
Nos autem ponimus, quod a Deo procedunt res per modum scientiae et
intellectus, secundum quem modum nihil prohibet ab uno primo et simplici Deo
multitudinem immediate provenire, secundum quod sua sapientia continet
universa. Et ideo secundum fidem Catholicam ponimus, quod omnes substantias
spirituales et materiam corporalium Deus immediate creavit, haereticum
reputantes si dicatur per Angelum vel aliquam creaturam aliquid esse creatum;
unde Damascenus dicit: quicumque dixerit Angelum aliquid creare, anathema sit. Nous, nous pensons que les crйatures procиdent de Dieu par mode de
science et d'intellect[21]; de cette maniиre, rien n'empкche que de Dieu,
unique, premier et simple, provienne la multitude sans intermйdiaire, selon que
sa sagesse contient toutes choses. Et c'est pourquoi, selon la foi catholique,
nous pensons que Dieu a crйй toutes les substances spirituelles et la matiиre
des кtres corporels sans intermйdiaire, considйrant comme hйrйtique de dire que
quelque chose a йtй crйй par un ange ou par quelque crйature. C'est pourquoi Jean
Damascиne dit (La foi orthodoxe, II, 2) que "quiconque aura dit qu'un ange
crйe quelque chose, qu'il soit anathиme".
Quidam tamen Catholici tractatores dixerunt quod, etsi nulla creatura
possit aliquid creare, communicari tamen potuit creaturae ut per eius
ministerium Deus aliquid crearet. Et hoc ponit Magister in 5 dist., IV libro
Sentent. Certains auteurs catholiques cependant ont dit que mкme si aucune
crйature ne peut crйer, Dieu a pu lui communiquer le pouvoir de crйer par son
ministиre. Le maоtre des Sentences le dit (4 Sent. Dist. 5[22]).
Quidam vero e contrario dicunt, quod nullo modo creaturae communicari
potuit ut aliquid crearet; quod etiam communius tenetur. Certains, au contraire, disent que le pouvoir de crйer n'a pu en aucune
maniиre кtre communiquй а la crйature, ce qui est le plus communйment admis.
Ad horum autem evidentiam sciendum est quod creatio nominat activam
potentiam, qua res in esse producuntur; et ideo est absque praesuppositione
materiae praeexistentis et alicuius prioris agentis: hae enim solae causae
praesupponuntur ad actionem. Nam forma geniti est terminus actionis generantis,
et ipsa est etiam finis generationis quae secundum esse non praecedit sed
sequitur actionem. Pour le mettre en йvidence, il faut savoir que la crйation dйsigne une
puissance active par laquelle les choses sont amenйes а l'кtre et sans
prйsupposer une matiиre prйexistante et un agent antйrieur[23]. Car seules, ces
causes[24] sont prйsupposйes pour l'action. En effet la forme de l'engendrй est
le terme de l'action de celui qui engendre et elle-mкme est la fin de la
gйnйration qui, selon l'кtre, ne prйcиde pas mais suit l'action.
Quod enim creatio materiam non praesupponat, patet ex ipsa nominis
ratione. Dicitur enim creari quod ex nihilo fit. Quod etiam non praesupponat
aliquam priorem causam agentem, patet ex hoc quod Augustinus dicit, ubi probat
Angelos non esse creatores, quia operantur ex seminibus naturae inditis quae
sunt virtutes activae in natura.
Que la crйation, en effet, ne prйsuppose pas la matiиre, cela apparaоt
dans la dйfinition mкme du nom. Car on dit que “crйer” c'est faire quelque
chose de rien. Qu'elle ne prйsuppose pas non plus une cause premiиre
efficiente, est йclairй par ce que dit Augustin (La Trinitй, III, 8[25]), lа oщ il prouve que les anges ne sont pas
crйateurs, parce qu'il opиrent а partir des semences introduites dans la
nature, qui sont des pouvoirs actifs en elle[26].
Si igitur sic stricte creatio accipitur, constat quod creatio non
potest nisi primo agenti convenire, nam causa secunda non agit nisi ex
influentia causae primae; et sic omnis actio causae secundae est ex
praesuppositione causae agentis. Donc si on comprend la crйation au sens strict, il est clair qu'elle ne
peut convenir qu'au premier agent, car la cause seconde n'agit que sous
l'influence de la cause premiиre, et ainsi toute action de la cause seconde
prйsuppose une cause efficiente.
Nec etiam ipsi philosophi posuerunt Angelos vel intelligentias aliquid
creare, nisi per virtutem divinam in ipsis existentem, ut intelligamus quod
causa secunda duplicem actionem habere potest; unam ex propria natura, aliam ex
virtute prioris causae. Impossibile est autem quod causa secunda ex propria
virtute sit principium esse in quantum huiusmodi; hoc enim est proprium causae
primae; nam ordo effectuum est secundum ordinem causarum. Et les philosophes eux-mкmes ont pensй que les anges ou les
intelligences ne crйaient que par la puissance divine qui existait en eux, de
sorte que nous comprenons que la cause seconde peut avoir une double action:
l'une de sa propre nature, l'autre du pouvoir de la cause premiиre. Il est
impossible que la cause seconde de son propre pouvoir soit le principe d'кtre
en tant que tel, cela, en effet, est le propre de la cause premiиre, car l'ordre
des effets dйpend de l'ordre des causes.
Primus autem effectus est ipsum esse, quod omnibus aliis effectibus
praesupponitur et ipsum non praesupponit aliquem alium effectum; et ideo
oportet quod dare esse in quantum huiusmodi sit effectus primae causae solius
secundum propriam virtutem; et quaecumque alia causa dat esse, hoc habet in
quantum est in ea virtus et operatio primae causae, et non per propriam
virtutem; sicut et instrumentum efficit actionem instrumentalem non per
virtutem propriae naturae, sed per virtutem moventis; sicut calor naturalis per
virtutem animae generat carnem vivam, per virtutem autem propriae naturae
solummodo calefacit et dissolvit. Le premier effet est l'кtre mкme, qui est prйsupposй а tous les autres
effets; et il n'en prйsuppose pas d'autre; et c'est pourquoi donner l'кtre en
tant que tel doit кtre l'effet de la seule cause premiиre selon son propre
pouvoir; et que toute autre cause donne l'кtre, cela arrive dans la mesure oщ
il y a en elle le pouvoir et l'opйration de la cause premiиre, et non par son
propre pouvoir; de la mкme maniиre, l'instrument effectue l'action
instrumentale, non par le pouvoir de sa propre nature, mais par le pouvoir du
moteur; ainsi la chaleur naturelle, par le pouvoir de l'вme, engendre la chair
vivante mais, par le pouvoir de sa propre nature, seulement elle rйchauffe et
dissout.
Et per hunc modum posuerunt quidam philosophi, quod intelligentiae
primae sunt creatrices secundarum, in quantum dant eis esse per virtutem causae
primae in eis existentem. Nam esse per creationem, bonum vero et vita et
huiusmodi, per informationem, ut in libro de causis habetur. Et hoc fuit
idolatriae principium, dum ipsis creatis substantiis quasi creatricibus
aliarum, latriae cultus exhibebatur. Magister vero in IV sententiarum ponit hoc
esse communicabile creaturae non quidem ut propria virtute creet, quasi
auctoritate, sed ministerio quasi instrumentum.
Et de cette maniиre, certains philosophes ont pensй que les
intelligences premiиres sont crйatrices des secondes dans la mesure oщ elles
leur donnent l'кtre par le pouvoir de la cause premiиre qui existe en
elles[27]. Car l'кtre est par crйation, le bien et la vie etc. sont par mise en
forme, comme on le dit dans le Livre des
Causes. Et cela fut l'origine de l'idolвtrie, puisque, а ces substances
crййes, en tant que crйatrices des autres, on offrait un culte de latrie. Mais
le Maоtre des Sentences (IV Sent.) pense que ce pouvoir est communicable а la
crйature, non pour qu'elle crйe par son propre pouvoir, comme par son autoritй,
mais par fonction en tant qu'instrument.
Sed diligenter consideranti apparet hoc esse impossibile. Nam actio
alicuius, etiamsi sit eius ut instrumenti, oportet ut ab eius potentia
egrediatur. Cum autem omnis creaturae potentia sit finita, impossibile est quod
aliqua creatura ad creationem operetur, etiam quasi instrumentum. Mais pour celui qui examine avec attention, cela paraоt impossible. Car
il faut que l'action de quelqu'un, mкme si elle est comme celle d'un
instrument, vienne de sa puissance. Comme la puissance de toute crйature est
limitйe, il est impossible qu'une crйature agisse pour crйer, mкme comme
instrument. Car la crйation demande un pouvoir infini, а la puissance d'oщ elle
sort: ce qui apparaоt pour cinq raisons.
Prima est ex hoc quod potentia facientis proportionatur distantiae quae
est inter id quod fit et oppositum ex quo fit. Quanto enim frigus est
vehementius, et sic a calore magis distans, tanto maiori virtute caloris opus
est ut ex frigido fiat calidum. Non esse autem simpliciter, in infinitum ab
esse distat, quod ex hoc patet, quia a quolibet ente determinato plus distat
non esse quam quodlibet ens, quantumcumque ab alio ente distans invenitur; et
ideo ex omnino non ente aliquid facere non potest esse nisi potentiae
infinitae. 1. Premiиre raison: la puissance de celui qui agit est proportionnйe а
la distance qui est entre ce qui est fait et l'opposй dont il est fait. En effet
plus le froid est violent, et plus il est йloignй de la chaleur, plus grand
doit кtre le pouvoir de la chaleur qu'il faut pour passer du froid au chaud. Le
non кtre absolu est йloignй de l'кtre а l'infini, ce qui apparaоt du fait que
le non кtre est plus йloignй de quelque йtant dйterminй que n'importe quel
йtant, а quelque distance qu'on le trouve de cet autre йtant et c'est pourquoi,
de ce qui est tout а fait du non йtant, on ne peut absolument rien crйer sans
faire venir l'кtre d'une puissance infinie.
Secunda ratio est, quia hoc modo factum agitur quo faciens agit. Agens
autem agit secundum quod actu est; unde id solum se toto agit quod totum actu
est, quod non est nisi actus infiniti qui est actus primus; unde et rem agere
secundum totam eius substantiam solius infinitae virtutis est. 2. Seconde raison: parce que ce qui est fait de cette maniиre subit
l'action lа oщ celui qui le fait agit. L'agent agit selon qu'il est en acte.
C'est pourquoi seul agit par soi tout entier ce qui est tout entier en acte, ce
qui n'est le propre que de l'acte infini qui est l'acte premier. C'est pourquoi
faire une chose selon toute sa substance est le propre du seul pouvoir infini.
Tertia ratio est, quia cum accidens oporteat esse in subiecto,
subiectum autem actionis sit recipiens actionem; illud solum faciendo aliquid
recipientem materiam non requirit, cuius actio non est accidens, sed ipsa
substantia sua, quod solius Dei est; et ideo solius eius est creare. 3. Troisiиme raison: comme l'accident doit кtre dans le substrat, le
substrat de l'action serait ce qui la reзoit. En faisant cela seulement, il n'a
pas besoin de matiиre pour le recevoir, celui dont l'action n'est pas un
accident, mais sa substance mкme, ce qui est le propre de Dieu seul et ainsi il
est seul а crйer.
Quarta ratio est, quia cum omnes secundae causae agentes a primo agente
habeant hoc ipsum quod agant, ut in Lib. de causis probatur; oportet quod a
primo agente, omnibus secundis agentibus modus et ordo imponatur; ei autem non
imponitur modus vel ordo ab aliquo. Cum autem modus actionis ex materia
dependeat quae recipit actionem agentis, solius primi agentis erit absque
materia praesupposita ab alio agente agere, et aliis omnibus secundis agentibus
materiam ministrare. 4. Quatriиme raison: parce que, comme toutes les causes efficientes
secondes reзoivent du premier agent leur pouvoir d'agir, comme on le prouve
dans le Livre des Causes (prop. 19 et
20[28] ), il faut que le mode et l'ordre soient imposйs par le premier agent а
tous les agents seconds; mais le mode ou l'ordre ne lui sont imposйs par
personne. Comme le mode de l'action dйpend de la matiиre qui reзoit l'action de
l'agent, ce ne sera le propre que du seul premier agent d'agir sans matiиre
prйsupposйe par un autre agent et de fournir la matiиre а tous les autres
agents seconds.
Quinta ratio est ducens ad impossibile. Nam secundum elongationem
potentiae ab actu, est proportio potentiarum de potentia in actum aliquid
reducentium: quanto enim plus distat potentia ab actu, tanto maiori potentia indigetur.
Si ergo sit aliqua potentia finita quae de nulla potentia praesupposita aliquid
operetur, oportet eius esse aliquam proportionem ad illam potentiam activam
quae educit aliquid de potentia in actum; et sic est aliqua proportio nullius
potentiae ad aliquam potentiam, quod est impossibile. Non entis enim ad ens
nulla est proportio, ut habetur IV Physic. Relinquitur ergo quod nulla potentia
creaturae potest aliquid creare neque propria virtute, neque sicut alterius
instrumentum. 5. La cinquiиme raison conduit а une impossibilitй. Car selon
l'йloignement de la puissance а l'acte, il y a un rapport des puissances qui
ramиnent quelque chose de la puissance а l'acte. Car plus la puissance est
йloignйe de l'acte, plus grande est la puissance dont elle a besoin. Si donc il
y a une puissance finie qui agit а partir d'une puissance prйsupposйe nulle, il
faut qu'elle ait une proportion а cette puissance active qui conduit quelque
chose de la puissance а l'acte, et ainsi il y a une proportion d'une puissance
nulle а une puissance, ce qui est impossible. Car il n'y a aucune proportion du
non йtant а l'йtant (Cf. Physique
IV[29]). Donc il reste qu'aucune puissance d'une crйature ne peut crйer quelque
chose ni par son propre pouvoir, ni en tant qu'instrument d'un autre.
Solutions: q. 3 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in
reducendo ad finem, praeexistunt ea quae sunt ad finem: et ideo non impossibile
est per actionem alicuius cooperari Deo ad hoc quod res aliquae in finem
ultimum reducantur. Sed in universali eductione rerum in
esse, nihil praesupponitur; unde non est simile. # 1. Quand on ramиne les crйatures а leur fin, ce qui est en vue de
cette fin prйexiste et c'est pourquoi il n'est pas impossible par l'action de
quelque кtre de coopиrer avec Dieu pour que les choses soient ramenйes а leur
fin ultime. Mais dans la venue universelle des crйatures а l'кtre, rien n'est
prйsupposй, c'est pourquoi ce n'est pas pareil[30].
q. 3
a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod nihil prohibet aliquam distantiam
imaginari infinitam ex una parte et ex alia finitam. Ex utraque autem parte
infinitam imaginamur distantiam, quando utrumque oppositorum ponitur infinitum;
puta si sint calor et frigus infinita. Ex parte autem altera, quando alterum
est finitum; sicut si calor esset infinitus, et frigus finitum. Distantia ergo
infiniti entis a non esse simpliciter, est infinita ex utraque parte. Distantia
autem entis finiti a non esse simpliciter est infinita ex una parte tantum, et
requirit nihilominus potentiam infinitam agentem. # 2. Rien n'empкche d'imaginer une distance infinie d'un cфtй et une
distance finie de l'autre. Mais on imagine la distance infinie de deux cфtйs,
quand on pense que l'un et l'autre des opposйs sont infinis; par exemple s'il y
avait une chaleur et un froid infini. Mais de l'autre cфtй, quelquefois l'autre
est fini, comme si par exemple la chaleur йtait infinie et le froid fini. Donc
la distance de l'кtre infini au non кtre absolu est infinie de chaque cфtй.
Mais la distance de l'йtant fini au non кtre absolu est infinie d'un cфtй
seulement et elle requiert nйanmoins une puissance agissante infinie.
q. 3 a. 4 ad 3 Tertium concedimus, non enim
quantum ad hoc differt, an utrumque oppositorum sit natura quaedam an alterum
tantum. # 3. Nous concйdons la troisiиme objection, mais non pour les
diffйrence, si les deux opposйs sont une certaine nature, ou l'un des deux
seulement.
q. 3 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod res in intelligentia dicuntur fieri secundum cognitionem
tantum, non secundum rationem operativae virtutis: unde res non producuntur a
Deo mediantibus Angelis operantibus, sed solum Angelis cognoscentibus. # 4. On dit que les crйatures dans l'intelligence se font selon la
connaissance seulement, non selon un pouvoir opйratif. C'est pourquoi les кtres
ne sont pas produits par Dieu par l'intermйdiaire des anges qui opиrent, mais
les anges en ont seulement connaissance.
q. 3 a. 4 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod aliquid dicitur non posse fieri ab aliquo, non solum
propter distantiam extremorum, sed etiam propter hoc quod omnino fieri non
potest; ut si dicamus quod ex aliquo corpore non potest fieri Deus, quia Deus
omnino fieri non potest. Sic ergo dicendum quod ex aliqua potentia non potest
fieri omnipotentia, non solum propter distantiam utriusque potentiae, sed etiam
propter hoc quod omnipotentia omnino fieri non potest. Nam omne quod fit, purus
actus esse non potest, cum ex hoc ipso quod ex alio esse habeat, potentia in eo
deprehendatur: et ideo non potest esse potentia infinita. # 5. On dit qu'une chose ne peut pas кtre faite par une autre, non
seulement а cause de la distance des extrкmes, mais aussi parce qu'elle ne peut
absolument pas кtre faite. Comme si on disait que Dieu ne peut кtre fait d'un
corps, parce qu'il ne peut absolument pas кtre fait. Donc il faut dire ainsi
que d'une puissance on ne peut faire une toute-puissance, non seulement а cause
de la distance de l'une а l'autre des puissances, mais aussi parce qu'une
toute-puissance ne peut absolument pas кtre faite. Car tout ce qui est fait ne
peut pas кtre acte pur, puisque, du fait qu'il reзoit l'кtre d'un autre, c'est
en lui qu'est saisie la puissance. C'est pourquoi elle ne peut pas кtre
infinie.
q. 3 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod lux corporalis multiplicat se non per creationem novae
lucis, sed diffundendo se super materiam: quod de Angelis dici non potest, cum
sint substantiae per se stantes. # 6. La lumiиre corporelle se multiplie non par crйation d'une nouvelle
lumiиre, mais en se diffusant sur la matiиre, ce qu'on ne peut pas dire des anges,
puisque ce sont des substances subsistantes par soi.
q. 3 a. 4 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod forma potest considerari dupliciter: # 7. On peut considйrer une forme de deux maniиres:
uno modo secundum quod est in potentia; et sic a Deo
materia concreatur, nulla disponentis naturae actione interveniente. A) Selon qu'elle est en puissance, et ainsi la matiиre est concrййe par
Dieu, sans l'intervention d'une action de la nature qui la dispose.
Alio modo secundum quod est in actu; et sic non creatur, sed de
potentia materiae educitur per agens naturale; unde non oportet quod natura
aliquid agat dispositive ad hoc quod aliquid creetur. Quia tamen aliqua forma
naturalis est quae per creationem in esse producitur, scilicet anima
rationalis, cuius materiam natura disponit; ideo sciendum est, quod cum
creationis opus materiam tollat, dupliciter aliquid creari dicitur. Nam quaedam
creantur nulla materia praesupposita, nec ex qua nec in qua, sicut Angeli et
corpora caelestia; et ad horum creationem natura nihil operari potest
dispositive. B) Selon qu'elle est en acte et ainsi, elle n'est pas crййe, mais elle
est tirйe de la puissance de la matiиre par un agent naturel. C'est pourquoi il
ne faut pas que la nature agisse rйguliиrement en vue de crйer quelque chose.
Cependant, parce qu'il y a une forme naturelle qui est amenйe а l'кtre par
crйation, а savoir l'вme raisonnable, dont la nature dispose la matiиre, il
faut savoir que, puisque l'oeuvre de crйation n'a pas besoin de la matiиre, une
chose est dite crййe de deux maniиres. a) Certaines choses en effet, sont
crййes sans aucune matiиre prйsupposйe, ni d'oщ elles viennent , ni oщ elles
sont, comme les anges et les corps cйlestes, et pour leur crйation, la nature
ne peut rien faire par disposition.
Quaedam vero creantur, etsi non praesupposita materia ex
qua sint, praesupposita tamen materia in qua sint, ut animae humanae. Ex parte
ergo illa qua habent materiam in qua, natura potest dispositive operari; non
tamen quod ad ipsam substantiam creati, naturae actio se extendat.
b) Mais certaines autres sont crййes, mкme sans matiиre prйsupposйe
d'oщ elles viennent, cependant avec la matiиre prйsupposйe dans laquelle elles
sont, comme pour l'вme humaine. Donc de ce cфtй oщ elles ont la matiиre dans
laquelle elles sont, la nature peut opйrer par disposition, non cependant que
l'action de la nature s'йtende а la substance mкme du crйй.
q. 3 a. 4 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod in opere iustificationis homo aliquid operatur
ministerio tantum per hoc quod adhibet sacramenta: unde cum sacramenta
iustificare dicantur instrumentaliter et dispositive, solutio redit in idem cum
solutione praedicta.
cum solutione praedicta. # 8. Dans l'oeuvre de justification, l'homme agit seulement par sa
fonction en recourant gйnйralement aux sacrements. C'est pourquoi, comme on dit
que les sacrements justifient de maniиre instrumentale et par disposition, la
solution revient au mкme que la prйcйdente.
q. 3 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod quamvis inter Deum et creaturam non possit esse similitudo
generis vel speciei; potest tamen esse similitudo quaedam analogiae, sicut
inter potentiam et actum, et substantiam et accidens. # 9. Quoique entre Dieu et la crйature, il ne puisse pas y avoir
ressemblance de genre ou d'espиce, il peut cependant y avoir une certaine
ressemblance par analogie, comme entre la puissance et l'acte, la substance et
l'accident.
Et hoc dicitur uno modo in quantum res creatae imitantur
suo modo ideam divinae mentis, sicut artificiata formam quae est in mente
artificis. On le dit a) dans la mesure oщ les crйatures imitent а leur maniиre
l'idйe qui est dans l'esprit[31] divin, comme l'oeuvre d'art imite la forme qui
est dans l'esprit de l'artisan.
Alio modo secundum quod res creatae ipsi naturae divinae
quodammodo similantur, prout a primo ente alia sunt entia, et a bono bona, et
sic de aliis. Tamen haec obiectio non est ad propositum: quia supposito quod
creaturae a Deo procedant mediante aliqua potentia creata, adhuc redibit eadem
difficultas, qualiter scilicet illa prima natura creata esse possit a Deo,
similitudine non existente. b) Selon que les crйatures ressemblent d'une certaine maniиre а la
nature divine, selon que les autres йtant viennent de l'йtant premier, et les
biens du Bien, etc.. Cependant cette objection ne concerne pas le sujet, parce
que, supposй que les crйatures procиdent de Dieu par l'intermйdiaire d'une
puissance crййe, alors reviendra la mкme difficultй, c'est-а-dire comment cette
premiиre nature pourrait avoir йtй crййe par Dieu, sans ressemblance.
q. 3 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod error iste expresse in libro de causis invenitur, quod
creaturae inferiores creatae sunt a Deo superioribus mediantibus: unde in hoc
auctoritas illius non est recipienda. # 10. On trouve cette erreur expressйment dans le Livre des Causes (prop. 10): а savoir que les crйatures infйrieures
ont йtй crййes par Dieu, par l'intermйdiaire de crйatures supйrieures. C'est
pourquoi en cela on ne doit pas accepter son autoritй.
q. 3 a. 4 ad 11 Et
similiter dicendum ad undecimum. # 11. Il faut dire de mкme.
q. 3 a. 4 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod Augustinus ibi loquitur de anima, quae communicat
corpori esse et speciem non per modum creantis, sed per modum formae. # 12. En cet endroit, Augustin parle de l'вme, qui communique l'кtre et
l'espиce au corps, non comme un crйateur, mais а la maniиre d'une forme.
q. 3 a. 4 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet Angelus non cognoscat res cognitione quae
est a rebus accepta, non tamen oportet quod cognoscat tali cognitione quae sit
causa rerum: est enim cognitio eius media inter duas cognitiones praedictas.
Cognoscit enim res naturali cognitione, quae est per rerum similitudines in
eius intellectum effluxas a divino intellectu; ut sic eius cognitio non sit ad
rem quasi rerum causa, sed sit quaedam similitudo divinae cognitionis, quae res
causat. # 13. Bien que l'ange ne connaisse pas les choses par une connaissance
reзue d'elles, cependant il ne faut pas qu'il connaisse d'une connaissance
telle qu'elle serait leur cause, car sa connaissance est intermйdiaire entre
les deux connaissances dont on a parlй. Car il connaоt d'une connaissance
naturelle par les images des кtres infusйes en son esprit par l'esprit divin;
de sorte que sa connaissance n'irait pas а l'кtre comme cause des choses, mais
serait une image de la connaissance divine qui cause les кtres
q. 3 a. 4 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod in educendo res de potentia in actum multi gradus
attendi possunt, in quantum aliquid potest educi de potentia magis vel minus
remota in actum, et etiam facilius vel minus faciliter: unde non oportet, si
virtus Angeli virtutem naturae materialis excedat, quod possit aliquid facere
de puro non esse, natura educente aliquid de potentia in actum; sed quod hoc
possit multo facilius quam natura; sicut etiam Augustinus dicit, quod Daemones
seminibus naturae occultius et efficacius operantur quam nos operari sciamus. # 14. Dans le passage de la puissance а l'acte on peut passer par de
nombreux degrйs, selon qu'une chose peut кtre menйe d'une puissance plus ou
moins йloignйe а l'acte et mкme plus ou moins facilement; c'est pourquoi il ne
faut pas, si le pouvoir de l'ange dйpasse le pouvoir d'une nature matйrielle,
qu'il puisse faire quelque chose du pur non кtre, puisque la nature fait passer
une chose de la puissance а l'acte, mais qu'il puisse le faire beaucoup plus
facilement que la nature. Ainsi Augustin dit (La Trinitй, III, 8 et 9), que les dйmons opиrent avec des semences
naturelles de faзon plus occulte et plus efficace que nous savons le faire.
q. 3 a. 4 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod nulla est maior potentia quam potentia creandi:
nec oportet quod potentia creantis ad hoc se extendat quod alicui creaturae
potentiam creandi communicet, eo quod creaturae communicabilis nullo modo est.
Quod enim aliquid fieri non possit, non solum provenit ex defectum potentiae
facientis, sed quandoque ex ipsa factione rei, quae fieri non potest; sicut
Deus non potest facere Deum, non propter defectum suae potentiae, sed quia Deus
a nullo fieri potest; et similiter potentia creandi finita esse non potest, nec
creaturae communicari, cum sit infinita. # 15. Il n'y a aucune puissance plus grande que celle de crйer. Et il
ne faut pas que la puissance du crйateur s'йtende jusqu'а communiquer la puissance
de crйer а une autre crйature parce qu'elle ne lui est en aucune maniиre
communicable. Car ce qui ne pourrait pas кtre fait non seulement provient de la
dйfaillance de la puissance de celui qui produit, mais quelquefois de la
production de la chose elle-mкme qui ne peut pas кtre accomplie. Ainsi Dieu ne
peut faire un Dieu, non а cause de la dйfaillance de sa puissance, mais parce
Dieu ne peut кtre fait par personne, et de la mкme maniиre la puissance de
crйer ne peut кtre limitйe ni communiquйe aux crйatures, puisqu'elle est
infinie.
q. 3 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod
in actu potest attendi difficultas dupliciter: # 16. Dans un acte on peut atteindre une difficultй de deux maniиres:
uno modo ex hoc quod patiens resistit contra agentem; et hoc non est in
omnibus generale, sed solum in his quae mutuo agunt et patiuntur in invicem, in
quibus agens patitur ex contraria actione patientis: et sic corpora caelestia,
quae contrarium non habent agendo, non patiuntur difficultatem in agendo ex
contraria actione patientis; multo minus Deus a) D'une premiиre maniиre, le patient rйsiste а l'agent et cela n'est
pas gйnйral dans toutes les crйatures, mais seulement en des кtres qui agissent
avec rйciprocitй et se supportent l'une l'autre; en eux l'agent supporte par
l'action contraire du "patient". Ainsi les corps cйlestes qui n'ont
pas de contraire, n'йprouvent pas de difficultй en agissant du fait de l'action
contraire d'un patient, et Dieu encore bien moins.
Alio modo, qui generalis est, secundum quod patiens elongatur ab actu.
Quanto enim potentia magis ab actu elongata invenitur, tanto maior est
difficultas in actione agentis. Unde cum magis elongetur ab actu purum non ens
quam materia cuicumque contrario subiecta, quantumcumque intenso, manifestum
est maioris esse virtutis producere aliquid de nihilo quam facere contrarium de
contrario. b) D'une autre maniиre, qui est gйnйrale, dans la mesure oщ le patient
est йloignй de l'acte. Car plus une puissance se trouve йloignйe de l'acte,
plus grande est la difficultй pour l'action de l'agent. C'est pourquoi, comme
le pur non йtant est plus йloignй de l'acte que la matiиre soumise а quelque
contraire, quelque intense qu'il soit, il est clair que c'est le fait d'un plus
grand pouvoir de produire quelque chose de rien que de faire le contraire d'un
contraire.
q. 3 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod
in actu potest attendi difficultas dupliciter:
uno modo ex hoc quod patiens
resistit contra agentem; et hoc non est in omnibus generale, sed solum in his
quae mutuo agunt et patiuntur in invicem, in quibus agens patitur ex contraria
actione patientis: et sic corpora caelestia, quae contrarium non habent agendo,
non patiuntur difficultatem in agendo ex contraria actione patientis; multo
minus Deus.
Alio modo, qui generalis est,
secundum quod patiens elongatur ab actu. Quanto enim potentia magis ab actu
elongata invenitur, tanto maior est difficultas in actione agentis. Unde cum
magis elongetur ab actu purum non ens quam materia cuicumque contrario subiecta,
quantumcumque intenso, manifestum est maioris esse virtutis producere aliquid
de nihilo quam facere contrarium de contrario. 16. Dans un acte on peut rencontrer une difficultй de deux maniиres:
a) D'une premiиre maniиre, le patient rйsiste а l'agent et cela n'est
pas gйnйral dans toutes les crйatures, mais seulement en des кtres qui agissent
avec rйciprocitй et se supportent l'une l'autre; en eux l'agent supporte par
l'action contraire du "patient". Ainsi les corps cйlestes qui n'ont
pas de contraire, n'йprouvent pas de difficultй en agissant du fait de l'action
contraire d'un patient, et Dieu encore bien moins.
b) D'une autre maniиre, qui est gйnйrale, dans la mesure oщ le patient
est йloignй de l'acte. Car plus une puissance se trouve йloignйe de l'acte,
plus grande est la difficultй pour l'action de l'agent. C'est pourquoi, comme
le pur non йtant est plus йloignй de l'acte que la matiиre soumise а quelque
contraire, quelque intense qu'il soit, il est clair que c'est le fait d'un plus
grand pouvoir de produire quelque chose de rien que de faire le contraire d'un
contraire.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
PARALL: Ia q. 45, a. 5 – q. 65, a. 3 – q. 90, a. 3 – CG., II, 2o, 21 – II
Sent., d1q1a3 – IV, d5q1a3, ad 3 – De Verit.q. 5, a. 9 – Quodl., III, qu. 3,
a.1 – Compend. Theol., c. 70 – Opusc. XV, De Angeli, c, 10 – Opusc. XXXVII, De
quatuor opposit, c. 4. Autre rйfйrence donnйe dans II Sent. D.1 a. 3. Eccl.
hierarch.ch. V, § 4.
[2]
Les chiffres entre parenthиse indique les trois termes du syllogisme.
L'objecteur donne une preuve pour la deuxiиme.
[3]
Mйtaphysique IV, 6, 1011 b 20. "Si
donc il est impossible que l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme
temps..."
[4]
"Dans le Verbe, lumiиre non crйe mais engendrйe, dans les anges, lumiиre
crййe, parce que formйe а partir d'un йtat informe... ciel...crйature
constituйe en son espиce propre." Augustin commente Dieu dit que la
lumiиre soit...
[5]
Reprise de l'objection 1 de Pot. 3, 1: la distance entre l'йtant et le nйant
est infinie.
[6]
Ni relations entre eux. Cf. Pot. qu. 7, a. 9, obj. 1.
[7]
"Car en eux est cette lumiиre qui fut crййe la premiиre, si nous pensons
qu'ils sont la lumiиre spirituelle crййe le premier jour."
[8]
a) "Il est donc manifeste que la forme non plus, ou quel que soit le nom
qu'il faille donner а la configuration rйalisйe dans le sensible n'est pas
soumise au devenir, que d'elle il n'y a pas de gйnйration". 1033 b 5.
Trad. J. tricot.– Thomas n°1423: "Les formes, en effet, ne se font pas а
proprement parler, mais elles sortent de la puissance de la matiиre en tant que
telle; ce qui est en puissance а la forme devient l'acte sous la forme, ce qui
est faire un composй."
b)
"Il rйsulte manifestement de ce que nous venons de dire que ce qu'on
appelle forme ou substance n'est pas engendrй mais ce qui est engendrй, c'est
le composй de matiиre et de forme, lequel reзoit son nom de la forme."...
1033 b 16..
[9]
"Il est manifeste que, dans certains cas, la gйnйration est de mкme espиce
que l'engendrй." (Trad. J. Tricot).
[10]
Proposition 19.Texte: 149: "Parmi les Intelligences, il y a celle qui est
l'Intelligence divine, puisqu'elle reзoit des bontйs premiиres qui procиdent de
la cause premiиre, par rйception multiple".
"a)
et parmi celles-ci il y a celle qui est Intelligence seulement puisqu'elle
reзoit des Bontйs premiиres que par l'intermйdiaire de l'intelligence."
"b)
Parmi les Вmes il y a celle qui est l'вme Celle qui est de l'вme intelligible
parce qu'elle dйpend de l'Intelligence, et celle qui est Вme seulement."
Thomas
n° 353: "Donc ceux qui sont les plus haut dans l'ordre des esprits ou des
intelligences dйpendent par une participation plus parfaite de Dieu et
participent plus de sa bontй et de sa causalitй universelle et c'est pourquoi
elle sont appelйes des Esprit divins ou des Intelligences divines, comme Denys
le dit (La hiйrarchie cйleste, VII,
2, Les Noms divins. V,8 n° 276, 656) que les anges les plus hauts sont comme
placйs dans le vestibule de la divinitй."
Thomas
n° 79 cite le texte 32: "La cause premiиre crйa l'кtre de l'вme par
l'intermйdiaire de l'Intelligence", et il ajoute: "certains [sans
doute parmi eux Avicenne] qui ont mal compris, ont pensй que l'auteur de ce
livre voulait que les Intelligences soient crйatrices de la substance des вmes.
(80) Mais cela est contre les positions platoniciennes car ils йtablissaient de
telles causalitйs des кtres simples selon la participation." Il explique
que les Platoniciens pensaient que ce qui est l'кtre mкme est cause de
l'existence pour tous. "Ce qui est la vie est la cause de vie pour tous,
ce qui est intelligence est cause d'intellection pour tous."
[11]
Les intelligence secondes. Le livre des Causes, proposition X, § 98 "Les
intelligences secondes jettent leurs regard sur la forme universelle qui est
dans les intelligences universelles. Elles la divisent et la sйparent
puisqu'elles ne peuvent recevoir ces formes selon leur unitй ou leur nйcessitй,
que par la maniиre dont elles peuvent les recevoir, c'est-а-dire la sйparation
et la division." (Il s'agit de la transmission des formes dans les
intelligences.) Thomas n° 353 § 2 "Les intelligences infйrieures qui ne
parviennent pas par а aussi parfaite ressemblance divine, sont intelligences
seulement, sans dignitй divine."
[12]
Le Livre des Causes, Proposition
8.Texte 72: "Toute intelligence sait ce qui est au-dessus d'elle et sous
elle. Mais cependant elle sait ce qui est sous elle, puisqu'elle en est la
cause et elle sait ce qui est au-dessus d'elle puisqu'elle en reзoit des
bontйs."
[13]
Augustin, L'immortalitй de l'вme, XVI, 25: "Dans l'ordre naturel les кtres
plus puissants livrent aux plus faibles la forme qu'ils ont reзue de la
souveraine Beautй... Si ces кtres existent, c'est qu'une forme leur est livrйe
par les кtres plus puissants, grвce а quoi ils "sont"".(Trad. P.
de Labriolle).
[14]
Il s'agit de la gйnйration.
[15]
Cf. Pot. Qu. 3, a. 1. Obj. 3. (et sol. 3)
[16]
Cf. Pot. qu. 1, a. 1, c
[17]
Augustin, La Trinitй, III, 8, 13: "On
ne saurait donner raisonnablement le nom de crйateurs а ces mauvais anges sous
prйtexte que, grвce а eux, les magiciens qui bravaient Moпse... fabriquиrent
des grenouilles et des serpents. Ils n'en furent pas les crйateurs Comme on
n'appelle point nos parents crйateurs d'homme...pareillement ne se permet-on
pas de prendre les anges pour des crйateurs, les mauvais anges, c'est йvident,
mais les bons non plus". (Trad. BA).
[18]
La Genиse au sens littйral XII, 22: "Car
la puissance du Crйateur et la vertu du Tout-Puissant et du Tout-Tenant est la
cause par laquelle subsiste toute crйature. Si cette puissance cessait un
instant de s'exercer dans les кtres crййs, du mкme coup ceux-ci perdraient leur
forme et toute nature s'abоmerait dans le nйant . (Trad. P. Agaлsse, et A. Solignac,
BA. 5). Ia, qu. 104, a. 2. est aussi consacrй а ce sujet. Cf. Pot. qu. 5.
[19]
Prop. 10, n° 92: "a) "Toute intelligence est pleine de formes. Des
intelligences, viennent celles qui contiennent les formes les plus universelles
et de ces derniиres viennent celles qui contiennent les formes les moins
universelles." Voir prop. 3, 9, 16 (Cf. II Sent. D1qa1).
[20]
L'opinion d'Avicenne: II Sent. d18q2a2. CG. II, 42, 10: ... l'opinion
d'Avicenne qui dit que Dieu intelligence produit une seule intelligence
premiиre, dans lequel il y a puissance et acte, qui, dans la mesure oщ elle
comprend Dieu produit une intelligence seconde. Dans la mesure oщ elle se
comprend, selon qu'elle est en acte, elle produit l'вme du monde. Dans la
mesure oщ elle est en puissance, elle produit la substance du premier ciel et
ainsi procйdant de lа, elle constitue la diversitй des кtres par la cause
seconde.
[21]
Cf. Ia, qu. 14, a. 8: "La science de Dieu est la cause des choses?"
[22]
La position de Pierre Lombard: IV Sent. d5q3 Bonaventure. p. 356 § 1) "Dieu
peut aussi crйer quelque chose par quelqu'un non par lui en tant qu'auteur,
mais en tant que ministre, avec lequel et en qui il opиre, de mкme qu'il opиre
en nous dans nos bonnes oeuvres, et nous et pas lui seulement, pas nous
seulement mais lui avec nous et en nous".
II
sent. d1q4 c. (p. 22): Il prйsente aussi la position du Lombard, contrairement
а Pot. 3, 4 et Ia, 45, 5, il est hйsitant: "C'est pourquoi d'autres ont
dit que la crйation ne convient а aucune crйature et elle n'est pas
communicable; de mкme que l'кtre d'une puissance infinie qu'exige l'oeuvre de
crйation." "D'autres ont dit que la crйation n'a йtй communiquйe а
aucune crйature, mais cependant pouvait кtre communiquйe: ce que le Maоtre (des
Sentences) affirme au livre IV, d.5."
"Chacune
des deux derniиres opinions semble avoir un point d'appui. Car, comme il est de
la raison de la crйature que rien ne lui prйexiste, au moins selon l'ordre de
la nature, on peut le prendre du cфtй du crйateur ou de celui de la crйature.
Si c'est du cфtй du crйateur, on dit qu'ainsi cette action est une crйation qui
ne s'appuie pas sur l'action d'une cause qui prйcиde. Et ainsi c'est seulement
l'action de la cause premiиre: parce que toute action de la cause seconde
s'appuie sur l'action de la cause premiиre. C'est pourquoi, de mкme que le fait
d'кtre cause premiиre ne peut кtre communiquй а aucune crйature, ainsi le fait
de crйer ne peut lui кtre communiquйe. Si on prend du cфtй de la crйature, la
crйation est proprement ce а quoi rien ne prйexiste en rйalitй et c'est cela
кtre. C'est pourquoi on dit au Livre des
Causes (proposition 4) que la premiиre des choses crййes est l'кtre, et
ailleurs dans le mкme livre (proposition 1), on dit que l'кtre est par crйation
et les autres perfections ajoutйes par mise en forme et dans les composйs
surtout cette кtre qui est de la premiиre partie c'est-а-dire de la matiиre et
de cette partie en recevant la crйation, elle a pu кtre communiquйe aux
crйatures pour que par le pouvoir de la cause premiиre qui opиre en elle, soit
produit une кtre simple ou la matiиre. Et de cette maniиre, les philosophes ont
pensй que les intelligences crйaient quoique cela soit hйrйtique."
[23]
Comprendre sans un agent autre que Dieu, car dans le changement, il faut la
matiиre et un agent.
[24]
Entendre la matiиre (cause matйrielle) et l'agent (cause efficiente).
[25]
Citй en note dans le Sed contra 3.
[26]
Il s'agit des vertus sйminales...
[27]
Le Livre des causes prop. 3, n° 32: "Parce que la cause premiиre a causй
l'кtre de l'Вme par l'intermйdiaire de l'Intelligence".Il s'agit aussi
d'Avicenne: De substantiis separatis, ch. 10: "C'est la position
d'Avicenne qui semble l'avoir tirйe du livre des Causes".
[28]
Proposition 20 (n° 155): "La cause premiиre rйgit tout ce qui est crйй
sauf ce qui lui est mкlй". Voit Thomas, nn° 359-360.
[29]
Krempel, La doctrine de la relation chez saint Thomas, Paris 1952 p. 104, Cf.
qu. 7, a. 9. Avicenne le dit (Mйtaphysique,
IV, 10)
[30]
II Sent. d1a1q1a3, sol. 1: "Bien que les choses infйrieures soient ramenйs
а leur fin ultime par des intermйdiaires, jamais cependant l'influence de la
fin derniиre n'est communiquйe а l'un des intermйdiaires de sorte naturellement
qu'il soit le dйsirй ultime et ainsi jamais l'influence du premier agent qui
est crйation ne peut кtre communiquйe а l'un des seconds principes."
[31]
L'emploi de mens est а remarquer.
Article 5: Est-il possible que quelque chose ne soit pas crйй par Dieu?
q. 3 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum possit esse aliquid quod non sit a Deo creatum. Et
videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections q. 3 a. 5 arg. 1 Cum
enim causa sit potentior effectu, illud quod est possibile nostro intellectui,
qui a rebus notitiam sumit, videtur magis esse possibile in natura. Sed
intellectus noster potest aliquid intelligere non intelligendo illud esse a
Deo, cum causa efficiens non sit de natura rei, et sic sine ea res intelligi
possit. Ergo multo magis in rerum natura potest aliquid esse quod non sit a
Deo. 1. En effet, comme la cause est plus puissante que l'effet; ce qui est
possible pour notre esprit, qui tire sa connaissance de la rйalitй, semble кtre
encore plus possible dans la nature. Mais notre esprit peut comprendre quelque
chose sans comprendre que cela vient de Dieu, puisque la cause efficiente ne
fait pas partie de la nature de la chose et ainsi on peut la comprendre sans
elle. Donc а plus forte raison, il peut exister dans la nature un кtre qui ne
viendrait pas de Dieu. q. 3
a. 5 arg. 2 Praeterea, omnia quae a Deo sunt facta dicuntur esse Dei creaturae.
Creatio autem terminatur ad esse: prima enim rerum creatarum est esse, ut
habetur in Lib. de causis. Cum ergo quidditas rei sit praeter esse
ipsius, videtur quod quidditas rei non sit a Deo. 2. Tout ce qui a йtй fait par Dieu est appelй crйature de Dieu. Mais la
crйation se termine а l'кtre. Car la premiиre des choses crййes est l'кtre[2], comme on le dit dans le Livre des Causes (prop. 4). Donc comme la quidditй[3]
est en plus de son кtre, elle ne semble pas venir de Dieu. q. 3 a. 5 arg. 3
Praeterea, omnis actio terminatur ad aliquem actum, sicut et procedit ab aliquo
actu: nam omne agens agit in quantum actu est, et omne agens agit sibi simile
in natura. Sed materia prima est pura potentia. Ergo actio
creantis ad ipsam terminari non potest; et ita non omnia sunt a Deo creata. 3. Toute action se termine а l'acte, de mкme qu'elle procиde de l'acte:
car tout agent agit en tant qu'il est en acte et fait du semblable а lui dans
la nature. Mais la matiиre premiиre est pure puissance. Donc l'action du
crйateur ne peut pas se terminer а elle, et ainsi tout n'est pas crйй par Dieu. En sens contraire: q. 3 a. 5 s. c. Sed
contra. Est quod dicitur Rom. XI, 36: ex ipso et per ipsum et in ipso sunt
omnia. Il est dit en Rm. 11, 36: "Tout est de lui, par lui et en lui." Rйponse: q. 3 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum, quod secundum ordinem cognitionis humanae processerunt
antiqui in consideratione naturae rerum. Unde cum cognitio humana a sensu
incipiens in intellectum perveniat priores philosophi circa sensibilia fuerunt
occupati, et ex his paulatim in intelligibilia pervenerunt. Et quia
accidentales formae sunt secundum se sensibiles, non autem substantiales, ideo
primi philosophi omnes formas accidentia esse dixerunt, et solam materiam esse
substantiam. Et quia substantia sufficit ad hoc quod sit accidentium causa,
quae ex principiis substantiae causantur, inde est quod primi philosophi,
praeter materiam, nullam aliam causam posuerunt; sed ex ea causari dicebant
omnia quae in rebus sensibilibus provenire videntur; unde ponere cogebantur
materiae causam non esse, et negare totaliter causam efficientem. Les anciens[4] ont progressй dans la considйration
de la nature des choses selon l'ordre de la connaissance humaine. Ainsi, comme
la connaissance chez l'homme parvient а l'esprit en commenзant par les sens,
les premiers philosophes se sont occupйs du sensible et de lа, peu а peu, en
sont venus aux intelligibles. Et parce que les formes accidentelles sont du
domaine du sensible en soi, mais non les formes substantielles, les premiers
philosophes ont dit que toutes les formes йtaient des accidents, et que seule
la matiиre йtait une substance. Et parce que la substance suffit pour кtre la
cause des accidents qui sont causйs а partir de ses principes, les premiers philosophes
n'ont йtabli aucune autre cause, en dehors de la matiиre, mais ils disaient que
c'est d'elle qu'йtait causй tout ce qui semblait naоtre dans les choses
sensibles; c'est pourquoi ils йtaient forcйs de penser qu'il n'y avait pas de
cause pour la matiиre et forcйs de nier totalement la cause efficiente. Posteriores vero philosophi, substantiales formas
aliquatenus considerare coeperunt; non tamen pervenerunt ad cognitionem
universalium, sed tota eorum intentio circa formas speciales versabatur: et ideo
posuerunt quidam aliquas causas agentes, non tamen quae universaliter rebus
esse conferrent, sed quae ad hanc vel ad illam formam, materiam permutarent;
sicut intellectum et amicitiam et litem, quorum actionem ponebant in segregando
et congregando; et ideo etiam secundum ipsos non omnia entia a causa efficiente
procedebant, sed materia actioni causae agentis praesupponebatur. Les philosophes suivants commencиrent а considйrer jusqu'а un certain
point les formes substantielles. Ils ne parvinrent pas cependant а la
connaissance de l'universel mais toute leur pensйe йtait occupйe avec les
formes spйciales; et c'est pourquoi certains йtablirent des causes efficientes,
non cependant pour confйrer universellement l'кtre aux crйatures, mais pour
modifier la matiиre en une forme ou en une autre; comme l'intelligence,
l'amitiй et le procиs dont ils йtablissaient qu'ils agissaient par rйpulsion et
attraction; et c'est pourquoi, mкme selon eux, tous les кtres ne procйdaient
pas d'une cause efficiente, mais la matiиre йtait prйsupposйe а l'action de
cette cause efficiente. Posteriores vero philosophi, ut Plato, Aristoteles et eorum
sequaces, pervenerunt ad considerationem ipsius esse universalis; et ideo ipsi
soli posuerunt aliquam universalem causam rerum, a qua omnia alia in esse
prodirent, ut patet per Augustinum. Les philosophes suivants, comme Platon, Aristote et leurs disciples,
parvinrent а considйrer l'кtre universel mкme et c'est pourquoi eux seuls ont
йtabli une cause universelle des choses par laquelle toutes les autres
crйatures parviennent а l'кtre, comme le montre Augustin (La Citй de Dieu, VIII, 4). Cui quidem sententiae etiam Catholica fides consentit. Et
hoc triplici ratione demonstrari potest: quarum prima est haec. La foi catholique est d'accord avec cette opinion. Et on peut le
dйmontrer par trois raisons: Oportet enim, si aliquid unum communiter in pluribus
invenitur, quod ab aliqua una causa in illis causetur; non enim potest esse
quod illud commune utrique ex se ipso conveniat, cum utrumque, secundum quod
ipsum est, ab altero distinguatur; et diversitas causarum diversos effectus
producit. Cum ergo esse inveniatur omnibus rebus commune, quae secundum illud
quod sunt, ad invicem distinctae sunt, oportet quod de necessitate eis non ex
se ipsis, sed ab aliqua una causa esse attribuatur. Et ista videtur ratio
Platonis, qui voluit, quod ante omnem multitudinem esset aliqua unitas non
solum in numeris, sed etiam in rerum naturis. 1. Si on trouve quelque chose de commun а plusieurs кtres, il faut que
cela soit causй en eux par une cause unique[5]. Car il
n'est pas possible que ce qui est commun а l'un et а l'autre vienne
d'eux-mкmes, en tant que tels puisque l'un est distinguй de l'autre; et la
diversitй des causes produit des effets divers. Comme il se trouve que l'кtre
est commun а toutes les crйatures, qui selon ce qu'elles sont, sont distinctes
les unes des autres, il faut que nйcessairement l'кtre leur soit attribuй non
par elles-mкmes mais par une cause unique. Et cela paraоt кtre le raisonnement
de Platon qui voulut qu'avant toute multiplicitй, il y eut l'unitй non
seulement dans les nombres, mais encore dans la nature des choses . Secunda ratio est, quia, cum aliquid invenitur a pluribus
diversimode participatum oportet quod ab eo in quo perfectissime invenitur,
attribuatur omnibus illis in quibus imperfectius invenitur. Nam ea quae
positive secundum magis et minus dicuntur, hoc habent ex accessu remotiori vel
propinquiori ad aliquid unum: si enim unicuique eorum ex se ipso illud
conveniret, non esset ratio cur perfectius in uno quam in alio inveniretur;
sicut videmus quod ignis, qui est in fine caliditatis, est caloris principium
in omnibus calidis. Est autem ponere unum ens, quod est perfectissimum et
verissimum ens: quod ex hoc probatur, quia est aliquid movens omnino immobile
et perfectissimum, ut a philosophis est probatum. Oportet ergo quod
omnia alia minus perfecta ab ipso esse recipiant. Et haec est probatio philosophi. 2. Quand une chose se trouve participйe de diverses maniиres par
plusieurs, il faut que ce soit а partir du plus parfait oщ on la trouve qu'on
l'attribue а tout ce qui se trouve moins parfait. Car ces кtres qu'on dйsigne
positivement selon la plus ou le moins, le possиde d'une source plus йloignйe
ou plus proche pour un effet unique; car si cela convenait de soi а chacun
d'eux, il n'y aurait pas de raison pour qu'on le trouve plus parfait dans l'un
que dans l'autre. Ainsi nous voyons que le feu qui a pour but l'йchauffement
est principe de la chaleur dans les corps chauds. Il faut йtablir un кtre
unique qui est absolument parfait et absolument vrai, ce qui est prouvй par le
fait qu'il est un moteur, absolument immobile et absolument parfait, comme le
prouvent les philosophes. Il faut donc que tous les autres кtres qui sont moins
parfaits reзoivent de lui leur existence. C'est la preuve du philosophe (Mйtaphysique, II, 1, 993 b 23[6]). Tertia ratio est, quia illud quod est per alterum, reducitur
sicut in causam ad illud quod est per se. Unde si esset unus calor per se
existens, oporteret ipsum esse causam omnium calidorum, quae per modum
participationis calorem habent. Est autem ponere aliquod ens quod est ipsum
suum esse: quod ex hoc probatur, quia oportet esse aliquod primum ens quod sit
actus purus, in quo nulla sit compositio. Unde oportet quod ab uno illo ente
omnia alia sint, quaecumque non sunt suum esse, sed habent esse per modum
participationis. Haec est ratio Avicennae. 3. Ce qui existe par un autre est ramenй comme а sa cause а ce qui est
par soi. C'est pourquoi, s'il y avait une seule chaleur existant par soi, il
faudrait qu'elle soit la cause de tout ce qui est chaud, qui aurait la chaleur
par mode de participation. Mais c'est йtablir un йtant qui est son кtre propre.
On le prouve par le fait qu'il faut qu'il y ait un йtant premier qui soit acte
pur, en qui n'entre aucune composition. C'est pourquoi, il faut que tous les
autres qui ne sont pas leur кtre mais qui ont l'кtre par participation existent
а partir d'un йtant unique. C'est le raisonnement d'Avicenne (Mйtaphysique VIII, ch. 7 et IX, ch. 4[7]). Sic ergo ratione demonstratur et fide tenetur quod omnia
sint a Deo creata. Ainsi on dйmontre par la raison[8] et on tient par
la foi que tout a йtй crйй par Dieu. Solutions: q. 3 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet causa prima, quae Deus est, non intret
essentiam rerum creatarum; tamen esse, quod rebus creatis inest, non potest
intelligi nisi ut deductum ab esse divino; sicut nec proprius effectus potest
intelligi nisi ut deductus a causa propria. # 1. Bien que la cause premiиre, qui est Dieu, n'entre pas dans
l'essence des crйatures, cependant l'кtre qui est en elles ne peut кtre compris
que dйcoulant de l'кtre divin; de mкme que l'effet le plus proche ne peut кtre
compris que dйduit de sa propre cause[9] . q. 3 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ex hoc ipso quod quidditati esse attribuitur, non solum
esse, sed ipsa quidditas creari dicitur: quia antequam esse habeat, nihil est,
nisi forte in intellectu creantis, ubi non est creatura, sed creatrix essentia. # 2. Du fait que l'кtre est attribuй а la quidditй, on dit que non
seulement l'кtre mais la quidditй elle-mкme est crййe car avant d'avoir l'кtre,
elle n'est rien, sinon peut-кtre dans l'esprit du Crйateur oщ elle n'est pas
crйature, mais essence crйatrice . q. 3 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ratio illa probat, quod materia prima per se non creatur;
sed ex hoc non sequitur quod non creetur sub forma; sic enim habet esse in
actu. # 3. Cette raison prouve que la matiиre premiиre n'est pas crййe par
soi, mais il n'en dйcoule pas qu'elle ne soit pas crйe sous une forme, car
c'est ainsi qu'elle a l'кtre en acte.
[1] Parall.: Ia, qu. 44, a. 1-2 – Ia,
qu. 65, 1 – CG. II, 15 – II Sent. d1q1a2 - I Sent. d39q1a2 – Compendium.
ch. 68, Opus. XV, De
angelis, ch. 9 – Les noms divins,
ch. 5, 1. – Vernier p. 150 Ж. [2]
Proposition 4: "La premiиre des choses crййes est l'кtre et avant il n'y a
rien de crйй". [3]
La quidditй exprime l'essence ou la dйfinition d'une chose. [4]
Cette histoire de l'йlaboration du concept de cause efficiente, en grande
partie inspirй par Aristote est repris en plusieurs endroits de son oeuvre par
Thomas: Ia, qu. 44, a. 2; CG. II, 16; De subst. separ. Voir B. Decossas, Les exigences de la causalitй crйatrice, RThom II, 94, p. 242 et
notes. Rйp. 1 [5]
Appel au principe premier de la participation: "Si quelque chose se trouve
en un йtant par participation, il est nйcessaire qu'il ait йtй crйй par celui а
qui convient l'essence", “principe йvident par lui-mкme pour ceux qui sont
capables de le comprendre.” J.-H. Nicolas, Synthиse
dogmatique, p. 21. Cf. Ia, qu.
44, a. 1 c. [6]
Mйtaphysique 10. "La chose qui,
parmi les autres, possиde йminemment une nature est toujours celle dont les
autres choses contiennent en commun cette nature..." Thomas, lect. 2, n°
290 - 298 . Repris en Ia, q. 44, a. 1: “Ce qui est l'кtre et la vйritй absolue
est cause de tout кtre et de toute vйritй. Comme ce qui est chaud au maximum
est cause de toute chaleur”. (Ce dernier membre de phrase ne serait plus
acceptй aujourd'hui. Il a valeur dйmonstrative, selon les lois de la physique
de l'йpoque. Cf. De causis, 340. [7]
Repris en Ia, q. 44, a. 1 resp. Cf.
Parmйnide 164 c -165 e-. J.-M. Vernier, Thйologie
et mйtaphysique de la Crйation, p. 159. 2me argument du De Pot. causalitй dйpendance de
l'imparfait vis-а-vis du parfait. Cf. II
CG. 15, § 2. [8]
Thomas dйmontre par la mйtaphysique, "par la raison", la crйation. Il
le fait aussi en II Sent. d1q1a2,
mais il apporte une restriction а cette dйmonstration. [9]
Parce qu'une crйature est un кtre par participation, il en dйcoule qu'elle est
causйe par un autre. Donc un йtant de ce genre ne peut exister que s'il est
causй; de mкme qu'il n'y a pas d'homme qui ne soit douй du rire. Mais parce que
avoir une cause ne fait pas partie de la dйfinition de l'кtre dans l'absolu, on
trouve un кtre qui n'est pas causй. Cf. Ia,
q. 44, a. 1.
Article 6: N'y a-t-il qu'un seul principe de crйation?
q. 3 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum sit unum tantum creationis principium. Et videtur quod
non. Il semble que non[1].
Objections: q. 3 a. 6 arg. 1
Dicit enim Dionysius: non est causa mali bonum. Aliquod autem malum est in
mundo. Aut ergo est causatum ab aliqua causa quae non est bonum; aut nullo modo
est causatum, sed est causa prima; et utrolibet modo oportet ponere plura
creationis principia: nam constat primum principium creationis bonorum esse
bonum. 1. Car Denys dit (Les noms divins,
ch. 4, 14): "Le bien n'est pas la cause du mal[2]". Mais il y a du
mal dans le monde. Donc, ou il a une cause qui n'est pas le bien, ou alors il
n'est causй en aucune maniиre, mais il est la cause premiиre; et des deux
maniиres, il faut poser plusieurs principes de crйation; car il est clair que
le premier principe de crйation des biens est le bien.
q. 3 a. 6 arg. 2 Sed
diceretur, quod bonum non est causa mali per se, sed per accidens.- Sed contra,
omnis effectus qui est alicuius causae per accidens, est alterius causae per se;
cum omne per accidens ad per se reducatur. Si ergo malum est effectus boni per
accidens, erit per se effectus alicuius alterius; et sic idem quod prius. 2. Mais on pourrait dire que le bien n'est pas la cause du mal par soi,
mais par accident. – En sens contraire, tout effet qui dйpend d'une cause par
accident vient d'une autre cause par soi; puisque tout ce qui est par accident
est ramenй au par soi. Si donc le mal est l'effet du bien par accident, il sera
l'effet par soi de quelque chose d'autre, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 6 arg. 3
Praeterea, effectus causae per accidens, accidit praeter intentionem causae, et
non fit. Si ergo bonum est causa mali per accidens, sequeretur quod malum non
sit factum. Sed nihil est non creatum
nisi creationis principium, ut supra, art. praeced., ostensum est. Ergo
malum est creationis principium.
3. L'effet de la cause par accident arrive au-delа de l'intention de la
cause et il ne se fait pas. Donc si le bien est la cause du mal par accident,
il en dйcoulerait que le mal ne serait pas fait. Mais il n'y a rien qui ne soit
crйй sinon le principe de crйation[3], comme on l'a montrй ci-dessus, а
l'article prйcйdant. Donc le mal est un principe de crйation.
q. 3 a. 6 arg. 4
Praeterea, nullum nocumentum accidit in effectu praeter intentionem agentis,
nisi vel propter ignorantiam agentis qui non providet, vel propter impotentiam
quam vitare non potest. Sed in Deo, qui est creator boni, non est neque
impotentia neque ignorantia. Ergo malum, quod nocivum est, Dei effectibus non
potest praeter intentionem provenire. Nam Augustinus dicit, quod ideo dicitur
malum, quia nocet. 4. Aucun dommage n'arrive dans l'effet au-delа de l'intention de
l'agent, sinon а cause de l'ignorance de l'agent qui ne le prйvoit pas, ou а
cause d'une impuissance qu'il ne peut pas йviter. Mais en Dieu qui est le
crйateur du bien, il n'y a ni impuissance, ni ignorance. Donc le mal, qui est
nuisible, ne peut pas provenir par des effets qui dйpendent de Dieu au-delа de
son intention. Car Augustin dit (Enchiridion
III, 11) qu'on l'appelle mal parce qu'il nuit.
q. 3 a. 6 arg. 5
Praeterea, quod est per accidens est ut in paucioribus, ut habetur in II
Physic. Malum autem est ut in pluribus, ut habetur in II Topic. Ergo malum non
est ab aliqua causa per accidens.
5. Ce qui est par accident, est, pour ainsi dire, dans le plus petit
nombre, comme on le voit en Physique,
II, 5, 196 b 10[4]. Mais le mal est dans le plus grand nombre, comme on le lit
dans les Topiques (II, 6, 112 b 10[5] ). Donc le mal ne vient pas d'une cause
par accident.
q. 3 a. 6 arg. 6 Praeterea, malum, secundum
Augustinum, non habet causam efficientem sed deficientem. Sed causa
per accidens est causa efficiens. Ergo bonum non est causa mali per accidens. 6. Le mal, selon Augustin (Citй de Dieu, XII, 7) n'a pas une cause
efficiente, mais dйficiente. Mais la cause par accident est une cause efficiente.
Donc le bien n'est pas cause du mal par accident.
q. 3 a. 6 arg. 7
Praeterea, quod non est, non habet causam; quia quod non est, neque causa neque
causatum est. Sed malum nihil est, secundum Augustinum. Ergo malum non habet
aliquam causam nec per se nec per accidens. Falsum est ergo quod dicebatur,
quod bonum est causa mali per accidens. 7. Ce qui n'existe pas n'a pas de cause, parce que ce qui n'existe pas
n'est ni cause ni causй. Mais le mal n'est rien, selon Augustin (Sur Jean.
Tract. 1). Donc le mal n'a de cause ni par soi, ni par accident. Donc dire que
le bien est la cause du mal par accident, est faux.
q. 3 a. 6 arg. 8
Praeterea, secundum philosophum, illud cui aliquid inest per prius, est causa
omnium in quibus illud per posterius invenitur: sicut ignis est causa caloris
in omnibus calidis. Sed malitia per prius fuit in Diabolo. Ergo ipse est causa
malitiae in omnibus malis; et sic est unum principium omnium malorum, sicut et
bonorum.
8. Selon le philosophe (Mйtaphysique
II, 1, 993 b 23[6]), ce en quoi quelque chose est d'abord, est cause de tout ce
en quoi on le trouve ensuite; ainsi le feu est cause de la chaleur dans tout ce
qui est chaud. Mais la malice fut d'abord dans le diable. Donc lui-mкme est
cause de la malice dans tous les maux et ainsi il y a un principe de tous les
maux comme il y en a un de tous les biens.
q. 3
a. 6 arg. 9 Praeterea, secundum Dionysium, bonum contingit uno modo: sed malum
omnifariam. Malum ergo propinquius est ad esse quam bonum. Si ergo bonum est
natura aliqua indigens creatore, et malum etiam indigebit creatore; et sic idem
quod prius. 9. Selon Denys (Les noms divins,
ch. IV, 22[7]), le bien arrive d'une seule maniиre, le mal de toutes les
maniиres. Donc le mal est plus proche de l'кtre que le bien. Donc si le bien
est une nature qui a besoin d'un crйateur, le mal aussi en aura besoin et ainsi
de mкme que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 10
Praeterea, quod non est non potest esse genus nec species. Sed malum ponitur
genus. Dicitur enim in praedicamentis, quod bonum et malum non sunt in genere,
sed sunt genera aliorum. Ergo malum est ens: et sic indiget aliquo creante:
unde cum non creetur a bono, videtur quod oporteat aliquod malum ponere
creationis principium.
10. Cequi n'est pas ne peut pas кtre un genre ni une espиce. Mais le
mal est considйrй comme un genre. Car on dit dans les Catйgories (11, les
contraire 14 a 24) que le bien et le mal ne sont pas dans un genre, mais sont
les genres des autres. Donc le mal est un йtant, et ainsi il a besoin d'un
crйateur; c'est pourquoi comme il n'est pas crйй par le bien, il semble qu'il
faille considйrer un mal comme principe de crйation.
q. 3
a. 6 arg. 11 Praeterea, utrumque contrariorum est natura aliqua positive:
contraria enim sunt in eodem genere. Quod autem non
est, non potest esse in genere. Sed bonum et malum sunt contraria. Ergo est
natura aliqua; et sic idem quod prius. 11. L'un et l'autre des contraires sont positivement une certaine
nature; car les contraires sont dans un mкme genre. Ce qui n'existe pas ne peut
pas кtre dans un genre. Mais le bien et le mal sont des contraires. Donc c'est
une nature et ainsi de mкme que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 12
Praeterea, differentiae constitutivae speciei significant naturam aliquam; unde
uno modo natura est unumquodque informans specifica differentia, ut Boetius
dicit. Sed malum est differentia constitutiva speciei alicuius: bonum enim et
malum sunt differentiae habituum. Ergo malum est natura aliqua; et sic idem
quod prius.
12. Les diffйrences constitutives de l'espиce indiquent une certaine
nature; c'est pourquoi d'une maniиre la nature est une diffйrence spйcifique
qui donne forme а chaque chose, comme Boиce le dit (Les deux natures, 1[8]).
Mais le mal est la diffйrence constitutive d'une espиce; car le bien et le mal
sont des diffйrences de maniиre d'кtre. Donc le mal est une nature et ainsi de
mкme que plus haut.
q. 3
a. 6 arg. 13 Praeterea, Eccli. XXXIII, 15: contra malum bonum
est, et contra vitam mors, sic et contra virum iustum peccator. Si ergo est
unum creationis principium bonum, oportet esse aliud malum quod sit ei
contrarium. 13. En Eccl[9] 33, 15, on lit: "Le bien est contre le mal, la mort
contre la vie, et ainsi le pйcheur contre le juste". Donc s'il y a un bon
principe de crйation, il faut qu'il en ait un autre mauvais qui lui est
contraire.
q. 3 a. 6 arg. 14
Praeterea, intentio et remissio dicuntur per respectum ad aliquem terminum. Sed
invenitur aliquid esse alio peius. Ergo oportet inveniri aliquid quod sit
pessimum, in quo sit malorum terminus: et illud oportet esse principium omnium
malorum, sicut summum bonum est principium bonorum. 14. On parle d'intensitй et de diminution par rapport а un terme. Mais
on trouve une chose plus mauvaise qu'une autre. Donc, il faut trouver quelque
chose qui soit trиs mauvais en qui est le terme des maux; et il faut que cela
soit le principe de tous les maux, comme le bien suprкme est le principe des
biens.
q. 3 a. 6 arg. 15 Praeterea, Matth. VII, 18,
dicitur: non potest arbor bona fructus malos facere. Aliquid autem invenitur
esse malum in mundo. Ergo non potest esse fructus, id est effectus, causae
bonae, quae per arborem bonam significatur; et sic oportet quod omnium malorum
sit causa aliquod primum malum. 15. En Matthieu (8, 18) on lit: "Le bon arbre ne peut pas produire
de mauvais fruits". Mais on trouve qu'il y a du mal dans le monde. Donc ce
ne peut pas кtre le fruit, c'est-а-dire l'effet d'une bonne cause qui est
signifiйe par l'arbre bon, et ainsi il faut que la cause de tous les maux soit
quelque mal premier.
q. 3 a. 6 arg. 16
Praeterea, Genes. I, 2, dicitur quod in principio creationis rerum erant
tenebrae super faciem abyssi. Sed a bono, quod habet naturam lucis, non potest
esse creatio tenebrarum. Ergo creatio quae
ibi describitur, non est a bono principio, sed a malo. 16. En Genиse 1, 2, on dit que, au commencement de la crйation, il y
avait les tйnиbres sur la surface de l'abоme. Mais а partir du bien, qui a la
nature de la lumiиre, il ne peut y avoir crйation de tйnиbres. Donc la crйation
qui est ici dйcrite, ne vient pas du principe du bien mais de celui du mal.
q. 3 a. 6 arg. 17
Praeterea, omne quod exit ab aliquo, attestatur ei a quo exit, in quantum est
ei simile. Sed malum nullo modo attestatur Deo, nec habet in ipso aliquam
similitudinem. Ergo non potest esse ab ipso, sed ab alio principio. 17. Tout ce qui sort de quelque chose atteste ce dont il sort, dans la
mesure oщ il lui est semblable. Mais le mal n'atteste Dieu en aucune maniиre,
et il n'a pas de ressemblance avec lui. Donc il ne peut venir de lui, mais il
vient d'un autre principe.
q. 3 a. 6 arg. 18
Praeterea, nihil exit ab aliquo, nisi quod est in ipso in potentia. Sed malum
non est in Deo nec in actu nec in potentia. Ergo non est a Deo; et sic idem
quod prius. 18. Rien ne sort de quelque chose qu'il n'y soit en puissance. Mais le
mal n'est en Dieu, ni en acte, ni en puissance. Donc il ne vient pas de Dieu et
ainsi c'est pareil que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 19
Praeterea, sicut generatio est motus naturalis, ita et corruptio. Sed corruptio
terminatur ad privationem, sicut generatio ad formam. Ergo sicut forma
inducitur ex intentione naturae, ita et privatio: et sic oportet quod malum,
quod est privatio, habeat aliquam causam agentem per se, sicut et forma. 19. La gйnйration est un mouvement naturel, la corruption aussi. Mais
la corruption se termine а la privation, comme la gйnйration а la forme. Donc
la forme est induite par l'intention de la nature, de mкme la privation, et
ainsi il faut que le mal, qui est privation, ait une cause agente par soi, comme
la forme.
q. 3 a. 6 arg. 20
Praeterea, omne agens, agit ex praesuppositione primi agentis. Sed liberum
arbitrium, cum peccat, non agit ex praesuppositione divinae actionis: nam
aliquod peccatum est, sicut fornicatio vel adulterium, quod non potest a sua
deformitate separari, quae non potest esse a Deo. Ergo oportet quod liberum
arbitrium sit primum agens, vel quod reducatur ad aliquod aliud primum agens
quam Deum. 20. Tout agent agit et prйsuppose un premier agent. Mais quand le libre
arbitre pиche, il n'agit pas avec la prйsupposition de l'action divine, car un
pйchй, comme la fornication ou l'adultиre, ne peut pas кtre sйparй de sa
difformitй, qui ne peut pas venir de Dieu. Donc il faut que le libre arbitre
soit le premier agent, ou qu'il soit ramenй а un premier agent autre que Dieu.
q. 3 a. 6 arg. 21
Sed diceretur, quod substantia actus peccati est a Deo, non autem deformitas.-
Sed contra est quod Commentator dicit: impossibile est unius agentis actionem
terminari ad materiam, et alterius ad formam. Sed deformitas est quasi forma
actus peccati. Ergo non potest esse deformitas peccati ab uno auctore, et
substantia ab alio.
21. Mais on pourrait dire que la nature du pйchй vient de Dieu, mais
pas la difformitй. En sens contraire le commentateur (Mйtaphysique VII, 28) dit: "Il est impossible que l'acte d'un
seul agent se termine а la matiиre et celle d'un autre а la forme". Mais
la difformitй est pour ainsi dire la forme de l'acte du pйchй. Donc sa
difformitй ne peut pas venir d'un auteur et sa nature d'un autre.
q. 3
a. 6 arg. 22 Praeterea, ab uno simplici non procedit nisi simplex. Sed Deus est
omnino simplex. Ergo huiusmodi composita non sunt ab ipso, sed ab alio auctore. 22. D'une chose simple ne peut procйder que du simple. Mais Dieu est
tout а fait simple. Donc les composйs de ce genre ne viennent pas de lui mais
d'un autre crйateur.
q. 3 a. 6 arg. 23
Praeterea, macula aliquid ponit in anima: si enim esset gratiae privatio solum,
tunc per quodlibet peccatum mortale homo haberet maculam omnium peccatorum. Sed
macula peccati non est a Deo, cum Deus non sit illius rei auctor cuius est
ultor, secundum Fulgentium, et cum non sit ab aeterno, oportet quod habeat
causam. Ergo oportet reducere in aliquam causam primam, quae non est Deus. 23. Une souillure laisse une trace dans l'вme: car si elle йtait
privation de la grвce seulement, alors par n'importe quel pйchй mortel, l'homme
aurait la souillure de tous les pйchйs. Mais la souillure du pйchй ne vient pas
de Dieu, puisqu'il n'en est pas l'auteur, mais le vengeur, selon Fulgence (liv.
1 а Monime) et comme elle n'est pas йternelle, il faut qu'elle ait une cause.
Donc il faut la ramener а une cause premiиre qui n'est pas Dieu.
q. 3
a. 6 arg. 24 Praeterea, Eccle. III, 14, dicitur: didici quod omnia opera quae fecit
Deus, perseverant in aeternum. Haec autem corruptibilia in aeternum non
perseverant. Ergo non sunt opera Dei, sed
oportet ea reducere in aliud principium. 24. En Eccl. (Qo) 3, 14, on lit:"J'ai appris que toutes les
oeuvres que Dieu a faites, demeurent йternellement". Mais ce qui est
corruptible ne demeure pas йternellement. Donc elles ne sont pas les oeuvres de
Dieu, mais il faut les ramener а un autre principe.
q. 3 a. 6 arg. 25
Praeterea, omne agens agit sibi simile. Sed huiusmodi corpora corruptibilia non
sunt Deo similia: nam Deus spiritus est, ut habetur Ioan. IV 24. Ergo huiusmodi
corruptibilia non sunt a Deo; et sic idem quod prius. 25. Tout agent fait du semblable а lui, Mais les corps corruptibles de
ce genre ne sont pas semblables а Dieu, car "Dieu est esprit", comme
on le lit en Jn 4, 24. Donc les corruptibles de ce genre ne viennent pas de
Dieu, et ainsi c'est pareil que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 26
Praeterea, natura semper fecit quod melius est, secundum philosophum et hoc ex
bonitate naturae provenit. Sed bonitas Dei est
perfectior quam naturae. Ergo Deus facit aliquid quanto melius potest. Sed
meliora sunt spiritualia corporalibus. Ergo corporalia non facit Deus; quia si
fecisset Deus ea, dedisset eis spiritualem bonitatem; et sic relinquitur quod
oportet ponere plura creationis principia.
26. La nature a toujours fait le meilleur, selon le philosophe (Du
ciel, 2, texte 34) et cela provient de la bontй de la nature. Mais la bontй de
Dieu est plus parfaite que celle de la nature. Donc Dieu fait quelque chose du
mieux qu'il peut. Mais les кtres spirituels sont meilleurs que les кtres
corporels. Donc Dieu ne les a pas faits, parce que, s'il les avait faits, il
leur aurait donnй la bontй spirituelle et ainsi il en dйcoule qu'il faut
йtablir plusieurs principes de crйation.
En sens contraire: q. 3 a. 6 s. c. 1
Sed contra. Est quod habetur Isai. XLV, vers. 6: ego dominus, et non est alter
Deus, formans lucem et creans tenebras, faciens pacem et creans malum; ego
dominus faciens omnia haec. 1. On lit en Isaпe 45, 10: "Je suis le Seigneur, et il n'y a pas
d'autre Dieu; je forme la lumiиre, je crйe les tйnиbres, je fais la paix et je
crйe le malheur; je suis le Seigneur qui fait tout cela[10]."
q. 3 a. 6 s. c. 2
Praeterea, malum non radicatur nisi in natura boni, ut manifestat Dionysius.
Hoc autem non esset, si malum haberet contrarium creationis principium ei qui
creat bona: alias principium malorum esset potentius quam principium bonorum,
ex quo in ipsis bonis effectum suum induceret. Ergo malum non est ab aliquo
alio creationis principio quam bonum. 2. Le mal ne prend racine que dans la nature du bien, comme le montre
Denys (Les noms divins, ch. 4[11]).
Mais cela n'arriverait pas si le mal avait un principe de crйation contraire а
celui qui crйe les biens, autrement le principe des maux serait plus puissant
que le principe des biens, de lа, il produirait son effet dans les biens mкme.
Donc le mal ne vient pas d'un autre principe de crйation que le bien.
q. 3 a. 6 s. c. 3
Praeterea, philosophus probat, esse unum primum motorem. Hoc autem non esset,
si essent diversa creationis principia prima: nam unum principium non
gubernaret nec moveret creaturas alterius principii sibi contrarii. Non est
ergo nisi unum tantum creationis principium.
3. Le philosophe prouve (Physique
VIII, 5, 256 a 13 ss.[12]) qu'il y a un seul premier moteur. Mais cela ne
serait pas s'il y avait diffйrents principes premiers de crйation: car un seul
principe ne gouvernerait ni me mettrait en mouvement les crйatures d'un autre principe
qui lui serait contraire. Donc il n'y qu'un seul principe de crйation.
Rйponse: q. 3 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut dictum est, antiqui philosophi specialia
principia tantum naturae considerantes, ex consideratione materiae in hunc errorem
devenerunt, quod non omnia naturalia creata esse credebant: ita quod ex
consideratione contrariorum, quae cum materia ponuntur principia in natura,
devenerunt in hoc ut rerum duo prima principia constituerent: et hoc propter
triplicem defectum qui eis aderat in contrariorum consideratione. Comme on l'a dit (art. prйc.), les anciens philosophes en s'en tenant
seulement aux principes spйciaux de la nature, du fait de la considйration de
la matiиre, tombиrent dans cette erreur qu'ils ne croyaient pas que tout ce qui
est naturel avait йtй crйй; de sorte que, de la considйration des contraires,
qui sont placйs comme principes avec la matiиre dans la nature, il en
arrivиrent а constituer deux premiers principes des choses et cela а cause de
trois erreurs, qui leur йtaient venues en considйrant les contraires.
Primus erat, quia contraria considerabant secundum hoc tantum quod
diversa sunt ex natura speciei, non autem secundum quod est aliquid unum in eis
ex natura generis, licet contraria in eodem genere sint: unde non attribuebant
eis causam secundum id in quo conveniunt, sed secundum hoc in quo differunt: et
propter hoc in duo prima contraria, sicut in duas primas causas, omnia
contraria reduxerunt, ut habetur in I Physic. Sed inter eos Empedocles prima
contraria etiam primas causas agentes posuit, scilicet amicitiam et litem: et
hic, ut habetur I Metaph., primo posuit bonum et malum principia.
La premiиre, parce qu'ils considйraient les contraires seulement du
fait qu'ils sont diffйrents par la nature de l'espиce, et non selon une unicitй
en eux qui vient de la nature du genre, bien que les contraires soient dans un
mкme genre: c'est pourquoi ils ne leur attribuиrent pas une cause en raison de
leur ressemblance, mais en raison de leur diffйrence et а cause de cela, ils
ramenиrent tous les contraires а deux premiers contraires, comme а deux
premiиres causes, comme on le lit en Phys. I, 5, 188 a 19 ss[13]. Mais parmi
eux, Empйdocle plaзa mкme, comme causes premiиres efficientes, des contraires
premiers, а savoir l'amitiй et le procиs, et, comme on le lit en Mйtaphysique (I, 4, 985 a 17 ss), il y
йtablit d'abord le bien et le mal comme principes.
Secundus defectus fuit, quia utrumque contrariorum aequaliter
iudicabant; cum tamen oporteat semper duorum contrariorum unum esse cum
privatione alterius: et propter hoc unum est perfectum et aliud imperfectum, et
unum melius et aliud peius, ut habetur I Phys. Et exinde provenit quod tam
bonum quam malum, quae videbantur esse generaliora contraria, ponebant quasi
quasdam naturas diversas. Et inde fuit quod Pythagoras posuit duo genera rerum,
scilicet bonum et malum; et in genere boni posuit omnia perfecta, ut lucem,
masculum, quietem et huiusmodi; et in genere mali posuit omnia imperfecta, ut
tenebras, feminam et huiusmodi. La seconde erreur fut qu'ils jugeaient chacun des contraires а йgalitй,
alors que cependant il faut toujours que l'un des deux contraires soit avec la
privation de l'autre; et pour cela l'un est parfait et l'autre imparfait, l'un
est meilleur et l'autre plus mauvais, comme on le dit en Physique I, 5, 189 a 3. Et de lа vient qu'ils considйraient le bien
autant que le mal, qui paraissaient кtre des contraires plus gйnйraux, comme
des natures diffйrentes. Et c'est pour cela que Pythagore a йtabli deux genres,
а savoir le bien et le mal et dans le genre du bien il plaзa tout ce qui est
parfait, comme la lumiиre, le mвle, le repos etc, et dans le genre du mal tout
ce qui est imparfait comme les tйnиbres, la femme, etc.
Tertius defectus fuit, quia iudicaverunt de rebus secundum quod in se
considerantur tantum, vel secundum ordinem unius rei ad aliam rem particularem,
non autem in comparatione ad totum ordinem universi. Et inde est quod si
invenerunt aliquam rem esse alteri nocivam, vel esse in se imperfectam respectu
aliarum perfectarum, iudicaverunt eam simpliciter malam secundum naturam suam,
et non ducere originem a causa boni. Et propterea Pythagoras feminam, quae est
quid imperfectum, posuit in genere mali. La troisiиme erreur vient de ce qu'ils jugиrent des choses selon
qu'elles sont considйrйes en soi seulement, ou selon le rapport d'une chose
particuliиre а une autre, mais pas en comparaison а tout l'ordre de l'univers.
Et c'est pour cela, que s'ils trouvиrent une chose nocive pour une autre, ou
imparfaite en soi par rapport aux autres qui йtaient parfaites, ils jugиrent
qu'elle йtait absolument mauvaise selon sa nature et ne tirait pas son origine
de la cause du bien. C'est pour cette raison que Pythagore plaзa la femme, qui
est quelque chose d'imparfait, dans le genre du mal.
Et ex hac radice provenit quod Manichaei corruptibilia, quae respectu
incorruptibilium; et visibilia, quae respectu invisibilium; et vetus
testamentum, quod respectu novi testamenti, imperfecta sunt, non posuerunt esse
a Deo bono, sed a contrario principio. Et praecipue, cum viderent alicui
creaturae bonae, utpote homini, provenire aliquod nocumentum ex aliquibus
visibilium et corruptibilium creaturarum. C'est а partir de lа que les Manichйens ont pensй que le corruptible
par rapport а l'incorruptible, le visible а l'invisible, l'Ancien Testament au
Nouveau, sont imparfaits et ne viennent pas du Dieu bon , mais d'un principe
contraire. Et surtout, quand ils virent que, pour une crйature bonne, а savoir
l'homme, le mal venait de quelques-unes des crйatures visibles et corruptibles.
Hic autem error est omnino impossibilis; sed oportet omnia reducere in
unum principium primum, quod est bonum: quod quidem tribus rationibus
ostenditur ad praesens. Cette erreur est tout а fait inadmissible. Il faut tout ramener а un
seul principe premier qui est le bien, ce qu'on montre а prйsent par trois
raisons:
Quarum prima est, quia in quibuscumque diversis invenitur aliquid unum
commune, oportet ea reducere in unam causam quantum ad illud commune, quia vel
unum est causa alterius, vel amborum est aliqua causa communis. Non enim potest
esse quod illud unum commune utrique conveniat secundum illud quod proprie
utrumque eorum est, ut in praecedenti quaestione, art. praec., est habitum.
Omnia autem contraria et diversa, quae sunt in mundo, inveniuntur communicare
in aliquo uno, vel in natura speciei, vel in natura generis, vel saltem in
ratione essendi: unde oportet quod omnium istorum sit unum principium, quod est
omnibus causa essendi. Esse autem, in quantum huiusmodi, bonum est: quod patet
ex hoc quod unumquodque esse appetit, in quo ratio boni consistit, scilicet
quod sit appetibile; et sic patet quod supra quaslibet diversas causas oportet
ponere aliquam causam unam, sicut etiam apud naturales supra ista contraria
agentia in natura ponitur unum agens primum scilicet caelum, quod est causa
diversorum motuum in istis inferioribus. Sed quia in ipso caelo invenitur situs
diversitas in quam sicut in causam reducitur inferiorum corporum contrarietas,
ulterius oportet reducere in primum motorem, qui nec per se nec per accidens
moveatur. Secunda ratio est, quia omne agens agit secundum quod actu est, et
per consequens secundum quod est aliquo modo perfectum. La premiиre: parce que, si dans les diffйrentes choses on trouve
quelque chose de commun, il faut les ramener а une seule cause pour ce qui est
commun, parce que ou l'un est la cause de l'autre ou il y a une cause commune
des deux. Car il n'est pas possible que cette chose unique commune convienne а
l'une et l'autre selon ce qui est proprement l'un d'eux, comme dans l'article
prйcйdent (qu. 3, a. 5, corps de l'article) on l'a dit. Mais tout ce qui est
contraire ou divers dans le monde se trouve avoir un rapport commun en une
chose unique, soit dans la nature de l'espиce, soit dans celle du genre, soit
rarement dans sa raison d'кtre: c'est pourquoi il faut qu'il y ait un principe
unique de toutes ces choses qui est pour tous la cause d'кtre. Mais l'кtre en
tant que tel est bon; ce qui apparaоt du fait que toute chose dйsire кtre, ce
en quoi consiste la raison du bien, а savoir qu'il est dйsirable, et ainsi il
apparaоt que, au-dessus de certaines causes diffйrentes, il faut placer une
cause unique, comme chez les Naturalistes, au-dessus de ces agents contraires,
on place dans la nature un seul agent premier, а savoir le ciel, qui est la
cause des diffйrents mouvements dans les кtres infйrieurs. Mais, parce que dans
le ciel mкme on trouve la diversitй du lieu, oщ l'opposition des corps
infйrieurs est ramenйe comme а une cause, il faut la ramener par la suite а un
premier moteur, qui n'est mы ni par soi, ni par accident.
Secundum autem quod malum est, non est actu, cum unumquodque dicatur
malum ex hoc quod potentia est privata proprio et debito actu. Secundum vero
quod actu est unumquodque, bonum est: quia secundum hoc habet perfectionem et
entitatem, in qua ratio boni consistit. Nihil ergo agit in quantum malum est,
sed unumquodque agens agit in quantum bonum est. Impossibile est ergo ponere
aliud activum rerum principium nisi bonum. Et cum omne agens agat sibi simile,
nihil etiam fit nisi secundum quod actu est; ac per hoc, secundum quod bonum
est. Ex utraque ergo parte positio est impossibilis qua ponitur malum esse
principium creationis malorum. Et huic rationi concordant verba Dionysii qui
dicit, quod malum non agit nisi virtute boni, et quod malum est praeter
intentionem et generationem.
La seconde raison vient de ce que tout agent agit selon qu'il est en
acte et par consйquent selon qu'il est parfait de quelque maniиre. En tant que
mal, il n'est pas en acte, puisque on appelle mal ce dont la puissance est
privйe d'acte propre et normalement dы. Mais selon qu'une chose est en acte,
elle est bonne, parce que, ainsi, elle a la perfection et l'entitй, en quoi consiste
la raison du bien. Donc rien n'agit en tant qu'il est un mal, mais chaque agent
agit en tant qu'il est bon. Donc il est impossible de placer un principe actif
des chose, sinon bon. Et puisque tout agent fait du semblable а soi, rien n'est
fait que selon qu'il est en acte et de ce fait, selon qu'il est bon. Donc des
deux cфtйs, cette opinion d'aprиs laquelle on pense que le mal est un principe
de crйation des maux est impossible. Et les paroles de Denys (Les noms divins, ch. 4) sont en accord
avec cette raison, lui qui dit que le mal n'agit que par le pouvoir du bien et
que le mal est au-delа de l'intention et de la gйnйration.
Tertia ratio est, quia, si diversa entia essent omnino a contrariis
principiis in unum principium non reductis, non possent in unum ordinem
concurrere nisi per accidens. Ex multis enim non fit coordinatio nisi per
aliquem ordinantem, nisi forte multa casualiter in idem concurrant. Videmus
autem corruptibilia et incorruptibilia, spiritualia et corporalia, perfecta et
imperfecta in unum ordinem concurrere. Nam spiritualia movent corporalia, quod
ad minus in homine apparet. Corruptibilia etiam per corpora incorruptibilia
disponuntur, sicut patet in alterationibus elementorum a corporibus
caelestibus. Nec potest dici, quod haec casualiter eveniant, nam non
contingeret ita semper vel in maiori parte, sed solum in paucioribus. Oportet
ergo omnia ista diversa in aliquod unum primum principium reducere a quo in
unum ordinantur: unde philosophus concludit quod unus est principatus. Troisiиme raison: si des кtres йtaient tout а fait diffйrents des
principes contraires non ramenйes а l'unitй, ils ne pourraient concourir а un
ordre unique que par accident. Car il n'y a coordination de plusieurs choses
que par quelque chose qui ordonne, а moins que par hasard elles ne s'accordent
dans le mкme par une cause. Mais nous voyons que les кtres corruptibles et
incorruptibles, spirituels et corporels, parfaits et imparfaits concourent а un
seul ordre. Car les кtres spirituels meuvent les кtres corporels, ce qui
apparaоt au moins dans l'homme. Ce qui est corruptible aussi est disposй par
les corps incorruptibles, comme cela apparaоt dans les altйrations des йlйments
par les corps cйlestes. Et on ne peut pas dire que cela arrive causalement, car
cela n'arriverait pas toujours ainsi ou la plupart du temps, mais seulement
dans des cas moins nombreux. Il faut donc ramener toutes ces choses diffйrentes
а un premier principe par lequel elles sont ordonnйes а l'unitй: c'est pourquoi
le Philosophe (Mйtaphysique XII, 4,
1070 a 31 et XII, 6 premier moteur) conclut qu'il n'y a qu'une seule
origine[14].
Solutions: q. 3 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod malum, sicut supra ostensum est, cum non sit ens,
sed defectus entis, non potest esse per se loquendo, factum; et pro tanto dicit
Dionysius, quod bonum non est causa mali; non autem ad hoc quod malum in causam
primam reducatur. # 1. Puisque le mal, comme on l'a montrй, n'est pas un кtre mais une
dйfaillance de l'кtre, il ne peut pas кtre а proprement parler fait par soi, et
pour autant Denys dit que le bien n'est pas cause du mal, mais ce n'est pas
pour cela qu'il est ramenй а une cause premiиre.
q. 3 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod obiectio illa procedit de effectu qui potest per se
causam habere. Tale autem non est malum: unde nec proprie effectus dici potest. # 2. Cette objection procиde de l'effet qui peut avoir une cause par
soi. Mais tel n'est pas le mal, c'est pourquoi on ne peut pas а proprement
parler d'effet.
q. 3 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod, malum est incidens effectibus; sed non est factum, per
se loquendo; quod ex hoc patet quod non est intentum. Nec tamen sequitur quod
sit primum principium, nisi cum hoc adderetur quod malum esset natura quaedam.
Sicut enim malum per hoc quod non est ens, sed entis privatio, caret propria
ratione effectus; ita et multo amplius caret ratione causae, ut probatum est.
# 3. Le mal arrive dans les effets, mais il n'est pas fait а proprement
parler, ce qui apparaоt du fait qu'il n'est pas recherchй. Et cependant il n'en
dйcoule pas qu'il soit premier principe, sauf si on ajoutait que le mal serait
une certaine nature. Car de mкme que le mal, du fait qu'il n'est pas un кtre
mais une privation d'кtre, est privй de la nature propre de l'effet, de mкme il
est beaucoup plus privй de celle d'une cause, comme on l'a prouvй.
q. 3 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod, secundum Augustinum, Deus est adeo bonus quod numquam
aliquod malum esse permitteret, nisi esset adeo potens quod de quolibet malo
posset elicere bonum. Unde nec propter impotentiam nec propter ignorantiam Dei
est quod mala in mundo proveniunt; sed est ex ordine sapientiae suae et
magnitudine bonitatis, ex qua provenit quod multiplicantur diversi gradus
bonitatis in rebus; quorum multi deficerent, si nullum malum esse permitteret;
non enim esset bonum patientiae, nisi accidente malo persecutionis; nec esset
bonum conservationis vitae in leone, nisi esset malum corruptionis in
animalibus ex quibus vivit. # 4. Selon Augustin (Enchiridion,
ch. 1) Dieu est si bon qu'il ne permettrait jamais qu'il y ait un mal, s'il
n'йtait pas assez puissant pour pouvoir en tirer un bien. C'est pourquoi ce
n'est pas а cause de l'impuissance ni de l'ignorance de Dieu que le mal se
trouve dans le monde, mais de l'ordre de sa sagesse et de la grandeur de sa
bontй, que les diffйrents degrйs de bontй sont multipliйs dans les кtres, dont
beaucoup manqueraient s'il ne permettait aucun mal, car il n'y aurait pas le
bien de la patience sans le mal de la persйcution, ni celui de la conservation
de la vie dans le lion sans le mal de la corruption dans les animaux dont il
vit.
q. 3 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod malum nunquam invenitur nisi in paucioribus, si
referuntur effectus ad causas proprias: quod quidem in naturalibus patet. Nam
peccatum vel malum non accidit in actione naturae, nisi propter impedimentum
superveniens illi causae agenti; quod quidem non est nisi in paucioribus, ut
sunt monstra in natura, et alia huiusmodi. In voluntariis autem magis videtur
malum esse ut in pluribus quantum ad factibilia, in quantum ars non deficit
nisi ut in paucioribus, imitatur enim naturam. In agibilibus autem, circa quae
sunt virtus et vitium, est duplex appetitus movens, scilicet rationalis et
sensualis; et id quod est bonum secundum unum appetitum, est malum secundum
alterum, sicut prosequi delectabilia est bonum secundum appetitum sensibilem,
qui sensualitas dicitur, quamvis sit malum secundum appetitum rationis. Et quia
plures sequuntur sensus quam rationem, ideo plures inveniuntur mali in hominibus
quam boni. Sed tamen sequens appetitum rationis in pluribus bene se habet, et
non nisi in paucioribus male. # 5. On ne trouve jamais le mal que dans le plus petit nombre, si les
effets sont rapportйs а leurs causes propres, ce qui apparaоt chez les Naturalistes.
Car le pйchй ou le mal n'arrive dans l'action de la nature qu'а cause de
l'empкchement qui survient а cette cause efficiente, ce qui n'arrive que dans
le plus petit nombre, comme les monstres dans la nature, etc.. Mais dans les
actes volontaires, le mal semble кtre comme dans le plus grand nombre pour ce
qui peut кtre fait; en tant qu'art, il ne dйfaille que comme dans le plus petit
nombre, car il imite la nature. Dans les actes qui concernent la vertu et le
vice, il y a un double appйtit qui meut, а savoir l'appйtit rationnel et
l'appйtit sensuel; et ce qui est bon selon l'un est mal selon l'autre, ainsi
poursuivre ce qui est dйlectable est bien selon l'appйtit sensible, appelй
sensualitй, quoique ce soit un mal selon l'appйtit de la raison. Et parce que
ceux qui suivent les sens sont plus nombreux que ceux qui suivent la raison, on
trouve parmi les hommes plus de mauvais que de bons. Mais cependant celui qui
suit l'appйtit de la raison se comporte bien en des cas plus nombreux et mal en
des cas moins nombreux[15].
q. 3 a. 6 ad 6 Ad sextum dicendum, quod duplex
est causa per accidens. # 6. La cause par accident est double.
Una quae aliquid operatur ad effectum; sed dicitur causa eius per
accidens, quia praeter intentionem ille effectus a tali causa sequitur; sicut
patet in eo qui fodiendo sepulcrum, invenit thesaurum. a) L'une qui agit sur l'effet, mais on l'appelle cause par accident
parce que cet effet dйpend d'une telle cause au-delа de l'intention, comme on
le voit pour celui qui en creusant un sйpulcre trouve un trйsor.
Alia causa per accidens est quae nihil operatur ad effectum; sed ex eo
quod accidit causae agenti, causa per accidens nominatur; sicut album dicitur
esse causa domus per accidens, eo quod accidit aedificatori. b) L'autre cause par accident est celle qui n'opиre rien pour l'effet,
mais du fait que cela arrive а la cause efficiente, elle est appelйe cause par
accident; ainsi on dit que le blanc est cause de la maison par accident parce
que cela arrive au bвtisseur.
Similiter duplex est effectus per accidens De mкme l'effet par accident est double.
Unus ad quem potest terminari actio causae, licet praeter eius
intentionem accidat, sicut inventio thesauri; et talis effectus licet sit
huiusmodi causae per accidens, potest esse alterius causae effectus per se. Hoc
autem modo malum non habet causam per accidens; quia, sicut iam dictum est, non
potest esse terminus alicuius actionis.
a) L'un auquel peut se terminer l'action de la cause, bien qu'il arrive
au-delа de l'intention, comme la dйcouverte d'un trйsor, et un tel effet, bien
qu'il dйpende d'une telle cause par accident peut кtre l'effet par soi d'une
autre cause. Mais de cette maniиre le mal n'a pas de cause par accident parce
que, comme on l'a dйjа dit, il ne peut pas кtre le terme d'une action.
Alius effectus per accidens est ad quem non terminatur actio alicuius
agentis; sed ex eo quod accidit effectui, effectus per accidens nominatur;
sicut album accidens domui, potest dici effectus per accidens aedificatoris; et
sic nihil prohibet malum habere causam per accidens. b) L'autre effet par accident est celui auquel ne se termine pas
l'action de l'agent, mais du fait qu'il est accidentel pour l'effet, on
l'appelle effet par accident; comme le blanc, accident pour la maison peut кtre
appelй effet par accident du bвtisseur et ainsi rien n'interdit que le mal ait
une cause par accident.
q. 3 a. 6 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod malum licet non sit natura aliqua, non est tamen
negatio pura, sed est privatio; quae secundum philosophum est negatio alicui
subiecto inhaerens: nam privatio est negatio in substantia; unde ex hoc ipso
quod accidit alicui, potest ei causa per accidens assignari modo praedicto.
# 7. Bien que le mal ne soit pas une substance naturelle, il n'est
cependant pas nйgation pure, mais privation, qui, selon le philosophe, est une
nйgation inhйrente а un sujet: car (selon lui, IV Mйtaphysique, 22) la privation est nйgation dans la substance;
c'est pourquoi du fait que cela arrive а une chose, la cause par accident peut
lui кtre assignйe de la maniиre dont on a parlй.
q. 3 a. 6 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod malum per prius inest Diabolo quam aliis, tempore, non
natura, quasi malitia sit eius essentia vel accidens ex principiis propriae
naturae derivatum. Nec obstat, si ipse est aliis peior, cum hoc non sit propter
connaturalitatem malitiae ad ipsum, sed per accidens, quia amplius peccavit.
Illa autem principia aliorum sunt de quibus aliquid maxime dicitur per se, et
non secundum accidens.
# 8. Le mal est prйsent dans le diable plus tфt que dans les autres,
chronologiquement, non par nature, comme si la malice йtait son essence ou un
accident dйrivй des principes de sa propre nature. Et ce n'est pas un
empкchement si lui-mкme est pire que les autres, puisque cela ne vient pas de
la connaturalitй de sa malice а lui-mкme, mais par accident, parce qu'il a
pйchй davantage. Mais ces principes, pour les autres, sont ceux pour lesquels
on dit que quelque chose est absolument par soi et non par accident.
q. 3 a. 6 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod ex perfectione boni est quod solum uno modo contingat; nam
non potest esse aliquid perfectum, nisi omnibus concurrentibus ex quibus eius
perfectio quasi integratur. Quodcumque autem eorum deficiat, est imperfectum,
et per consequens malum; unde ex imperfectione mali est quod malum
multipliciter contingit; et ideo malum habet minus de ratione entis quam bonum. # 9. Il est de la perfection du bien d'arriver seulement d'une seule
maniиre, car il ne peut y avoir quelque chose de parfait que pour tout ce qui
arrive dont la perfection est comme intйgrйe. Tout ce qui en eux est dйfaillant
est imparfait et par consйquent un mal, c'est pourquoi c'est le propre de
l'imperfection du mal qu'il arrive de multiples faзons, et c'est pourquoi il a
moins de raison d'кtre que le bien.
q. 3 a. 6 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod verbum philosophi est accipiendum secundum opinionem
Pythagorae, qui posuit bonum et malum esse genera, ut prius dictum est. Habet
tamen eius opinio aliquid veritatis. Nam cum bonum positive dicatur malum vero
privative, ut dictum est; sicut omnis forma habet rationem boni, ita omnis
privatio habet rationem mali; et sic bonum et malum quodammodo convertuntur cum
ente et cum privatione entis. In quibuslibet autem contrariis, ut probatur in X
Metaph., includitur privatio et habitus; et ideo semper alterum contrariorum
quod est perfectius reducitur ad bonum; et alterum quod est imperfectius
reducitur ad malum. Unde philosophus dicit, quod altera pars contrarietatis ad
maleficium pertinet, et pro tanto bonum et malum possunt dici contrariorum
genera.
# 10. La parole du philosophe est а prendre selon l'opinion de
Pythagore, qui a pensй que le bien et le mal йtaient des genres, comme on l'a
dit plus haut. Son opinion comporte cependant une part de vйritй. Car comme on
parle du bien de maniиre positive, du mal de maniиre privative, comme on l'a
dit, de mкme que toute forme est un bien par nature, de mкme toute privation
est un mal par nature et ainsi le bien et le mal d'une certaine maniиre sont
convertibles а l'йtant et а sa privation. Dans n'importe quels contraires,
comme on le prouve en Mйtaphysique
(X, 9), la privation et la possession sont incluses et c'est pourquoi toujours
l'un des contraires, qui est plus parfait, est ramenй au bien, et l'autre, plus
imparfait, est ramenй au mal. C'est pour cela que le philosophe dit (I Phys. 9,
191 b 13[16]) que l'autre partie du contraire appartient au mal, et pour autant
on peut dire que le bien et le mal sont des genres de contraires.
q. 3 a. 6 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod malum, quod est contrarium bono, non dicit privationem
solam, sed habitum quemdam cum privatione; qui quidem habitus non habet
rationem mali in quantum habet de ente, sed in quantum habet adiunctam
privationem perfectionis debitae. # 11. Le mal qui est le contraire du bien, ne dйsigne pas la seule
privation, mais une possession avec la privation, cette possession n'a pas
valeur de mal dans la mesure oщ elle possиde de l'йtant, mais dans la mesure oщ
on lui ajoute la privation d'une perfection qui lui est due.
q. 3 a. 6 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod malum, in quantum est privatio sola, non ponitur
differentia constitutiva habitus vitiosi, sed secundum quod adiungitur
intentioni finis indebite, in qua non invenitur ratio mali ex fine intento,
nisi in quantum cum hoc fine non potest stare debitus finis: sicut cum fine
delectationis carnalis non potest stare bonum rationis. Ideo autem in habitibus
animae specialiter bonum et malum poni dicuntur, quia morales actus, et per consequens
habitus, specificantur ex fine, qui est quasi forma voluntatis, quae est
principium proprium malorum actuum. Bonum vero et malum dicuntur per
comparationem ad finem.
# 12. Le mal, en tant que privation seule, n'est pas pensй comme une
diffйrence constitutive d'une possession vicieuse, mais selon que la fin est
ajoutйe indыment а l'intention; en celle-ci on ne trouve pas la nature du mal а
partir de la fin visйe, sinon dans la mesure oщ la fin normalement due ne peut
pas demeurer avec cette fin; ainsi, le bien de la raison ne peut pas demeurer
avec la fin de la dйlectation charnelle. C'est pourquoi dans les maniиres
d'кtre de l'вme, on dit qu'on place spйcialement le bien et le mal, parce que
les actes moraux, et par consйquent les maniиres d'кtre (habitus) sont
spйcifiйs а partir de la fin, qui est comme une forme de la volontй, qui est le
principe propre des mauvaises actions. Mais le bien et le mal sont dйfinis par
comparaison а la fin.
q. 3 a. 6 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod non intelligitur contra malum esse bonum sicut
unum principium primum contra aliud principium primum, sed sicut duo
provenientia ex uno primo principio; quorum unum per se provenit, et aliud per
accidens; quod patet ex eo quod subditur: et sic intuere in omnia opera altissimi,
et cetera. # 13. On ne comprend pas que le bien est contre le mal, comme un
principe premier est contre un autre principe premier, mais comme deux
(principes) issus d'une seul premier principe, dont l'un arrive par soi et
l'autre par accident, ce qui apparaоt dans la suite du texte: "Et ainsi
contemple toutes les oeuvres du Trиs Haut..." (Si. 33, 15).
q. 3 a. 6 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod malum non intenditur per accessum ad aliquem
terminum, sed per recessum ab aliquo termino: sicut enim dicitur aliquid bonum
per participationem boni, ita dicitur malum per recessum a bono. # 14. Le mal n'est pas recherchй pour parvenir а un terme mais en
l'abandonnant; car, de mкme qu'on dit qu'un bien l'est par participation, de
mкme le mal l'est par l'abandon du bien.
q. 3 a. 6 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod dominus per arborem bonam intelligit causam boni,
non quidem primam, sed proximam ad aliquem singularem effectum; et simile est
de arbore mala; unde per arborem malam haereticos vult intelligi, qui ex suis
operibus cognoscuntur, quasi arbor ex fructibus: et hoc etiam patet per
similitudinem attendenti; nam fructus non est arbor causa prima, sed radix. Si
tamen per arborem universaliter omnem causam intelligamus, sicut Dionysius
videtur accipere: tunc respondendum est, quod bonum non est per se causa mali,
sicut ad primum dictum est.
# 15. Le Seigneur comprend par le bon arbre la cause du bien, non pas
cependant la premiиre, mais la plus proche pour un effet particulier, et il en
est de mкme pour l'arbre mauvais; c'est pourquoi par cet arbre, il veut qu'on
comprenne les hйrйtiques, qui sont connus par leurs oeuvres, comme l'arbre par
ses fruits; et cela mкme apparaоt par l'image а celui qui y prкte attention,
car l'arbre n'est pas la cause premiиre du fruit, mais c'est sa racine qui
l'est. Si cependant par l'arbre nous comprenons universellement toute cause,
comme Denys semble le concevoir, alors il faut rйpondre que le bien n'est pas
en soi cause du mal, comme on l'a dit (а la 1re solution).
q. 3 a. 6 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod tenebrae, de quibus in principio creationis
dicitur, non fuerunt aliqua creatura, sed sola carentia lucis in aere; non
tamen malum, quia illa sola carentia boni et mali rationem inducit quae est
eius quod potest et debet inesse. Non enim est malum in lapide, qui non habet
sensum; vel in puero statim nato, qui non ambulat. Nec tamen ex imperfectione agentis provenit quod aerem sine luce creavit,
sed ab eius sapientia: cuius ordo requirit quod aliquid ex imperfecto ad
perfectum ducatur. # 16. Les tйnиbres, dont on parle au commencement de la crйation, ne
furent pas une crйature, mais seulement le manque de lumiиre dans l'air,
cependant ce n'йtait pas un mal, parce que ce seul manque induit la nature du
bien et du mal, qui est de ce qui peut et doit y кtre. Car le mal n'est pas
dans la pierre qui n'a pas de sensation, ni dans l'enfant sitфt nй, qui ne
marche pas. Et cependant cela ne provient pas de l'imperfection de l'agent que
l'air soit crйй sans lumiиre, mais de sa sagesse, dont l'ordre demande que
quelque chose soit menй de l'imperfection а la perfection.
q. 3 a. 6 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod obiectio illa procedit, ac si malum haberet
causam per se, quod supra ostensum est falsum esse. # 17. Cette objection se prйsente comme si le mal avait une cause en
soi, on a montrй plus haut que c'йtait faux.
q. 3 a. 6 ad 18 Et
similiter dicendum ad decimumoctavum. # 18. Il faut dire de mкme .
q. 3 a. 6 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod aliter se habet natura ad generationem et
corruptionem. Forma enim quae est terminus generationis, est per se intenta tam
a natura universali quam a natura particulari: privatio vero est praeter
intentionem naturae particularis; est autem secundum intentionem naturae universalis,
non quidem ut per se intenta, sed quia sine privatione alicuius formae non
potest alia forma introduci; et sic generatio est naturalis omnibus modis. Corruptio vero dicitur quandoque contra naturam, habito respectu ad
naturam particularem.
# 19. La nature se comporte diffйremment pour la gйnйration et la
corruption. Car la forme qui est le terme de la gйnйration est atteinte par soi
tant par la nature universelle que par la nature particuliиre: la privation est
au-delа de l'intention de la nature particuliиre, mais elles est selon
l'intention de la nature universelle, non comme atteinte par soi, mais parce
que, sans la privation de la forme, une autre forme ne peut pas кtre introduite;
et ainsi la gйnйration est naturelle de toutes les maniиres. Mais on dit que la
corruption est quelquefois contre la nature, en rapport а une nature
particuliиre.
q. 3 a. 6 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod in actu peccati quidquid est entitatis vel actionis
reducitur in Deum sicut in primam causam; quod vero est ibi deformitatis
reducitur sicut in causam in liberum arbitrium; sicut quod est de gressu in
claudicatione reducitur in virtutem motivam sicut in primam causam; quidquid
autem est ibi obliquitatis provenit ex curvitate cruris. # 20. Dans le pйchй, quelque chose de l'entitй ou de l'action est
ramenй а Dieu, comme а sa cause premiиre, mais ce qu'il y a lа de difformitй
est ramenй comme а sa cause au libre arbitre, ainsi ce qui concerne la marche
est ramenй а la claudication dans le pouvoir de mouvement comme а sa premiиre
cause, mais la dйformation de la marche provient de la courbure de la jambe.
q. 3 a. 6 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod ratio illa procedit de duobus agentibus omnino
disparatis, non autem quando unum agens in alio operatur: sic enim potest unus
eorum esse effectus. Deus autem in omni natura et voluntate operatur; unde
ratio non sequitur. # 21. Cette raison procиde des deux agents tout а fait diffйrents, mais
non quand un agent opиre dans un autre, car ainsi l'un d'eux peut кtre l'effet.
Mais Dieu opиre en toute nature et volontй; c'est pourquoi la raison ne vaut
pas[17].
q. 3 a. 6 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod ratio illa procedit de agente per necessitatem
naturae, quod si unum sit, unum effectum producit. Nec tamen oportet effectum
esse simplicem sicut causam: quia nec in universalitate nec in simplicitate
oportet effectum causae aequari. Deus vero non agit per necessitatem naturae,
sed per voluntatem: unde potest simplicia et composita mutabilia et immutabilia
facere. # 22. Cette raison procиde de l'agent qui agit par nйcessitй de nature,
parce que, s'il est seul, il produit un seul effet. Et cependant il ne faut pas
que l'effet soit simple comme la cause, parce que, ni dans l'universel, ni dans
la substance simple, il ne faut que l'effet йgale la cause. Mais Dieu n'agit
pas par nйcessitй de nature, mais par volontй; c'est pourquoi il peut faire des
choses simples et composйes, muables et immuables[18].
q. 3 a. 6 ad 23 Ad
vicesimumtertium dicendum, quod macula in anima non ponit naturam aliquam, sed
solam gratiae privationem, tamen cum respectu ad actum peccati praecedentem,
qui huius privationis causa fuit vel esse potuit: et sic non oportet quod
habeat maculam alicuius peccati, qui actum peccati illius non commisit. # 23. La souillure dans l'вme n'йtablit pas une nature, mais la seule
privation de la grвce, cependant en rapport avec l'acte du pйchй qui l'a
prйcйdй, qui a йtй cause de cette privation ou a pu l'кtre, et ainsi il ne faut
pas que celui qui n'a pas commis le pйchй en ait la souillure.
q. 3 a. 6 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum,
quod opera Dei perseverant in aeternum, non secundum numerum, sed secundum
speciem vel genus, et secundum substantiam, non secundum modum essendi:
praeterit enim figura huius mundi, ut dicitur I Cor. VII, 31.
# 24. Les oeuvres de Dieu demeurent йternellement, non pas selon le
nombre[19], mais selon l'espиce ou le genre, et selon la substance, non selon
la maniиre d'кtre. "Car elle passe la figure de ce monde", comme il
est dit (1 Co 7, 31).
q. 3 a. 6 ad 25 Ad
vicesimumquintum dicendum, quod Deus licet sit spiritus, habet tamen in sua
sapientia rationes corporum, quibus corpora assimilantur per modum quo
artificiata artifici similantur quantum ad suam artem; nihilominus tamen
corpora Deo similantur quantum ad eius naturam, in quantum sunt et bona sunt et
unitatem aliquam habent. # 25. Bien que Dieu soit un esprit, il a cependant dans sa sagesse les
idйes des corps auxquelles les corps ressemblent а la maniиre dont les oeuvres
d'art ressemblent а l'artisan pour ce qui est de son art; cependant les corps
ressemblent йgalement а Dieu quant а sa nature dans la mesure oщ ils sont, oщ
ils sont bons et ont une unitй.
q. 3 a. 6 ad 26 Ad
vicesimumsextum dicendum, quod natura non facit semper quod melius est habito
respectu ad partem, sed habito respectu ad totum; alias totum corpus hominis
faceret oculum vel cor; hoc enim unicuique partium melius esset, sed non toti.
Similiter licet melius esset alicui rei quod in altiori ordine poneretur, non
tamen esset melius universo, quod imperfectum remaneret, si omnes creaturae
unius ordinis essent. # 26. La nature ne fait pas toujours ce qui est meilleur par rapport а
la partie, mais par rapport au tout; autrement tout le corps de l'homme ferait
l'oeil ou le coeur, car cela serait meilleur pour chacune des parties, mais pas
pour le tout. De la mкme maniиre, mкme si c'йtait meilleur pour un кtre d'кtre
placй dans un ordre plus йlevй, cependant ce ne serait pas meilleur pour
l'univers, qui demeurerait imparfait, si toutes les crйatures йtaient sous un
seul ordre.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: Ia, qu. 44, a. 2 – qu. 65, a. 1 – qu. 49, a. 3 – CG. II, 41, III, 15 –
II Sent. d1q1a1, ad 1 – d34a1, ad 4.
[2]
n° 188: "La mal ne vient pas du bien". Cf. IV, 22, 732 c:"...le
mal est au-delа de la voie, de l'intention, de la nature et de la cause."
n° 244.
[3]
Tout est crйй sauf le principe de crйation, c'est-а-dire Dieu.
[4]
"D'abord on reconnaоtra que l'expйrience montre des faits qui se
produisent toujours de mкme, et des faits qui se produisent frйquemment, mais
puisqu'il y a des faits qui se produisent par exception а ceux-lа et que tout
le monde les appelle effets de la fortune, il est йvident que la fortune et le
hasard existent en quelque maniиre." (Trad. H. Carteron,) Cf. Topiques,
II, 6, 112 b 1: Si par exemple les hommes sont la plupart du temps mйchants...
(Trad. J. Tricot).Cf. Ia, qu. 49, a. 3, ad 5: Dire que le mal est ut in
pluribus (les cas les plus frйquents) est absolument faux; car ce qui
s'engendre ou se corrompt en qui seulement arrive le mal de la nature, est une
toute petite part de tout l'univers. Et en plus en chaque espиce les dйfauts de
la nature arrivent dans les cas les moins nombreux. Dans les hommes seulement,
le mal semble кtre dans les cas les plus frйquents. Pour Avicenne le mal
prйdomine IX, 6, 422 9 p. 155.
[5]
"Si par exemple, les hommes sont la plupart du temps mйchants, c'est
qu'ils sont moins frйquemment bons..."
[6]
Le texte est en Pot. qu. 3, a. 5, c...
[7]
"...Le bien vient d'une seule cause totale mais le mal de dйfaillances
nombreuses et particuliиres." § 3а 237 IV, 22. Commentaire Thomas: cela
apparaоt autant dans ce qui est naturel que dans ce qui est moral.
[8]
"La nature est la diffйrence spйcifique qui donne sa forme а la nature des
choses." Trad. H. Merle. C'est la quatriиme dйfinition de
"nature". Aristote Physique,
II, 1, 193 a 30 ...nature "en un autre sens c'est le type et la forme, la
forme dйfinissable." Trad. Carteron.
[9]
Ben Sirac. Vulg.: et contra mortem vita.
[10]
Ce texte est prйsentй comme une objection en Ia, qu. 49, a. 2, obj. 1. Dans la
solution, il est prйcisй que cela concerne le mal de la peine et non le mal de
la faute.
[11]
Texte 188, § 2.
[12]
Thomas VIII, lectio 9, n° 1040 ss..
[13]
Le chaud et le froid (ou feu et terre) pour Parmйnide, le plein et le vide pour
Dйmocrite
[14]
Les principe contraire sont ramenйs а l'unitй pour concourir а un ordre unique.
Il fait intervenir la notion de cas nombreux ou rares. Ia, qu. 49 a. 3 ad 5.
Mais comme les contraires se rejoignent, il faut reconnaоtre,, au-dessus des
causes particuliиres une cause unique commune" (premier principe d'кtre, Ia,
2, 3).
[15]
Aristote en Physique II, 5, 196 b 10 oppose
les faits d'expйrience qui se produisent toujours de la mкme faзon ou
frйquemment: "Il est йvident que la fortune n'est appelйe la cause des uns
ni des autres.... les effets de la fortune (tukк) ne sont ni parmi les faits
nйcessaires et constants, ni parmi les faits qui se produisent la plupart du
temps". Thomas en dit (n° 2089) "Il est clair que la fortune est
quelque chose; puisque venir par fortune et кtre dans le petit nombre sont
convertibles." Donc il s'agit pour lui, non pas du mal, mais de la
fortune, du hasard.
Cela
sert а dйmontrer l'existence de la fortune ou du hasard 196 b 17. Aristote en
vient а la causalitй accidentelle "Quand de tels faits se produisent par
accident nous disons qu'ils sont des effets de la fortune" (23 § 4).
[16]
Thomas n° 133.
[17]
"Le manque de forme est une privation. Mais il faut considйrer que la
privation appartient parfois а la raison de l'espиce; parfois non, car elle
s'ajoute а une rйalitй qui a dйjа son espиce propre. c ...sol. 2:". La
difformitй dans l'action atteint celle-ci dans ce qu'elle a de spйcifique en
tant qu'acte moral, nous l'avons dit а propos des actes humains. Une action est
difforme en effet par la privation d'une forme qui lui est intrinsиque, n'йtant
autre que la juste mesure dans toutes les circonstances de l'acte. C'est
pourquoi on ne peut jamais dire que Dieu soit cause d'un acte difforme, parce
que Dieu n'est pas cause d'un pareil manque de forme, encore qu'il soit cause
de l'acte en tant qu'acte. - Ou encore, il faut remarquer que le manque de
forme peut impliquer non seulement la privation de la forme que l'acte devrait
avoir, mais aussi la disposition contraire. De ce point de vue la difformitй
est а l'acte ce que la faussetй est а la foi. C'est pourquoi, de mкme que Dieu
n'est pas l'auteur d'un acte dйformй il ne l'est pas non plus d'une foi
faussйe. Et, de mкme que Dieu est l'auteur d'une foi qui n'est qu'informe, il
l'est aussi des actes qui sont bons dans leur genre quoique pas informйs par la
charitй, comme il arrive la plupart du temps chez les pйcheurs." (IIa/IIж,
qu. 6, a. 2) (Йd. du Cerf).
[18]
Rйponse а Avicenne.
[19]
C'est-а-dire chacune en particulier.
Article 7: Dieu agit-il dans l'opйration de nature?
q. 3 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur utrum Deus operetur in operatione naturae. Et videtur quod
non. Il semble que non[1].
Objections: q. 3 a. 7 arg. 1 Natura enim neque deficit in
necessariis neque abundat in superfluis. Sed ad
actionem naturalem sufficit virtus activa ex parte agentis, et passiva ex parte
recipientis. Ergo non requiritur virtus divina in rebus operans. 1. En effet, la nature[2] ne manque pas du nйcessaire et n'a pas de
superflu. Mais la puissance active de l'agent et la puissance passive du
patient suffisent а l'action de la nature. Donc la puissance divine qui opиre
dans les crйatures n'est pas nйcessaire.
q. 3 a. 7 arg. 2 Sed
dices, quod virtus activa naturae dependet in sua operatione ab operatione
divina.- Sed contra, sicut operatio naturae creatae dependet ab operatione
divina, ita operatio corporis elementaris dependet ab operatione corporis
caelestis: nam corpus caeleste comparatur ad corpus elementare sicut causa
prima ad secundam. Non autem dicitur, quod corpus caeleste operetur in quolibet
corpore elementari agente. Ergo non est dicendum, quod Deus operetur in
qualibet operatione naturae.
2. Mais on pourrait dire que la puissance active de la nature dйpend
dans son opйration de celle de Dieu. – En sens contraire: de mкme que
l'opйration de la nature crййe dйpend de celle de Dieu, l'opйration du corps
йlйmentaire[3] dйpend de celle d'un corps cйleste, car celui-ci est comparй au
le corps йlйmentaire comme la cause premiиre а la cause seconde. Mais on ne dit
pas que le corps cйleste opиre en n'importe quel corps йlйmentaire agent. Donc
il ne faut pas dire que Dieu opиre dans n'importe quelle opйration de la
nature.
q. 3 a. 7 arg. 3
Praeterea, si Deus operatur in qualibet operatione naturae, aut una et eadem
operatione operatur Deus et natura, aut diversis. Sed non una et eadem: unitas
enim operationis attestatur unitati naturae; unde quia in Christo sunt duae
naturae, sunt etiam ibi duae operationes: creaturae autem et Dei constat non
esse unam naturam. Similiter nec est possibile quod sint operationes diversae:
nam diversae operationes non videntur ad idem factum terminari; cum motus et
operationes penes terminos distinguantur. Ergo nullo
modo est possibile quod Deus in natura operetur.
3. Si Dieu opиre dans n'importe quelle opйration de nature, ou bien
Dieu et la nature agissent par une seule et mкme opйration ou bien par des
opйrations diffйrentes. Mais ce n'est pas une unique et mкme opйration, car
l'unitй d'opйration atteste l'unitй de nature: c'est pourquoi, du fait qu'il y
a deux natures dans le Christ, il y a aussi en lui deux opйrations. Mais il est
clair qu'il n'y a pas une nature unique pour la crйature et pour Dieu. De mкme,
il n'est pas possible que les opйrations soient diffйrentes, car les opйrations
diffйrentes ne paraissent pas se terminer а un mкme rйsultat, puisque le
mouvement et les opйrations sont distinguйs selon leurs termes. Donc il n'est
nullement possible que Dieu opиre dans la nature.
q. 3 a. 7 arg. 4 Sed
dices, quod duae operationes possunt terminari ad idem, quae se habent secundum
prius et posterius.- Sed contra, ea quae immediate se habent ad aliquid unum,
non habent ad invicem ordinem. Sed tam Deus quam natura immediate operatur
effectum naturalem. Ergo operatio Dei et operatio naturae non se habent
secundum prius et posterius. 4. Mais on pourrait dire que deux opйrations qui se produisent l'une
avant l'autre, peuvent aboutir а un mкme effet – En sens contraire les choses
qui se rapportent immйdiatement а un objet unique n'ont pas d'ordre entre
elles. Mais autant Dieu que la nature produisent immйdiatement un effet naturel.
Donc l'opйration de Dieu et celle de la nature ne se comportent pas selon un
avant et un aprиs.
q. 3 a. 7 arg. 5
Praeterea, quandocumque Deus aliquam naturam instituit, ex hoc ipso dat ei
omnia illa quae sunt de ratione illius naturae; sicut ex hoc ipso quod facit
hominem, dat ei animam rationalem. Sed de ratione virtutis est quod sit
principium agendi, cum virtus sit ultimum potentiae, quae est principium agendi
in alio secundum quod est aliud, ut dicitur in V Metaph. Ergo ex hoc ipso quod
virtutes naturales rebus indidit, dedit eis quod operationes naturales
perficerent. Non ergo oportet quod ulterius in rebus naturalibus operetur.
5. Toutes les fois que Dieu a йtabli une nature, par lа mкme il lui
donne tout ce qui convient а sa nature; ainsi du fait qu'il crйe un homme, il
lui donne une вme rationnelle. Mais il est de la dйfinition du pouvoir[4]
d'кtre le principe d'action, puisque le pouvoir est le sommet de la puissance,
qui est le principe d'action dans un autre en tant qu'autre, comme on le dit en
Mйtaphysique (V, 12, 1019 a 15-16).
Donc du fait mкme qu'il a introduit des pouvoirs naturels dans les choses, il
leur a donnй le pouvoir d'accomplir les opйrations naturelles. Il ne faut donc
pas que par la suite il opиre dans les choses naturelles.
q. 3 a. 7 arg. 6 Sed
dices, quod virtutes naturales non possent durare, sicut nec alia entia, nisi
virtute divina continerentur.- Sed contra, non est idem operari ad rem et
operari in re. Sed operatio Dei qua virtutem naturalem vel facit vel in esse
conservat, est operatio ad illam virtutem constituendam vel conservandam. Non
ergo propter hoc potest dici, quod Deus in virtute naturali operante operetur.
6. Mais on pourrait dire que les pouvoirs naturels ne pourraient durer,
de mкme que les autres йtants, que s'il sont maintenus par le pouvoir divin. – En sens contraire: ce n'est pas la mкme chose
d'opйrer pour une chose et d'opйrer en elle. Mais l'opйration de Dieu, par
laquelle il crйe un pouvoir naturel ou il le conserve а l'кtre, est une
opйration pour le constituer ou le conserver. Donc ce n'est pas а cause de cela
qu'on peut dire que Dieu opиre dans un pouvoir naturel qui opиre.
q. 3
a. 7 arg. 7 Praeterea, si Deus in natura operante operatur, oportet quod
operando aliquid rei naturali tribuat: nam agens, agendo, aliquid actu facit.
Aut ergo illud sufficit ad hoc quod natura possit per se operari, aut non. Si
sufficit, cum etiam virtutem naturalem Deus naturae tribuerit, eadem ratione
potest dici quod et virtus naturalis sufficiebat ad agendum: nec oportebit quod
Deus, postquam virtutem naturae contulit, ulterius ad eius operationem aliquid
operetur. Si autem non sufficit, oportet quod ibi aliquid
aliud iterum faciat; et si illud non sufficit, iterum aliud, et sic in
infinitum; quod est impossibile. Nam unus effectus non potest dependere ab
actionibus infinitis: quia cum infinita non sit pertransire, nunquam
compleretur. Ergo standum est in primo, dicendo quod virtus naturalis sufficit
ad actionem naturalem, sine hoc quod Deus in ea ulterius operetur.
7. Si Dieu opиre dans une nature qui opиre, il faut en le faisant,
qu'il lui accorde quelque chose, car l'agent, en agissant, met quelque chose en
acte. Donc ou cela suffit pour que la nature puisse opйrer par elle-mкme ou
non. Si cela suffit, comme c'est Dieu qui aura attribuй ce pouvoir naturel а la
nature, on peut dire pour la mкme raison qu'il йtait suffisant pour agir. Et il
ne faudra pas que Dieu, aprиs lui avoir attribuй ce pouvoir ajoute ensuite а
son opйration. Mais si cela ne suffit pas, il faut qu'il y fasse а nouveau
quelque chose d'autre; et si cela ne suffit pas, а nouveau autre chose, et
ainsi а l'infini, ce qui est impossible. Car un seul effet ne peut pas dйpendre
d'actions infinies, parce que, comme on ne peut traverser l'infini, jamais il
ne serait achevй. Donc il faut s'en tenir а la premiиre solution en disant que
le pouvoir naturel suffit а l'action naturelle, sans que Dieu opиre sur elle
ensuite.
q. 3
a. 7 arg. 8 Praeterea, posita causa ex necessitate naturae agente, sequitur
eius actio nisi per accidens impediatur, eo quod natura est determinata ad
unum. Si ergo calor ignis agit ex necessitate naturae: ergo posito calore,
sequitur calefactio, nec requiritur aliqua virtus superior agens in ipso.
8. Si on prend une cause qui agit par nйcessitй de nature, il en
dйcoule que son action suit а moins d'кtre empкchйe par accident, parce que la
nature est dйterminйe а un objet unique. Si donc la chaleur du feu agit par
nйcessitй de nature, si on pose la chaleur, il en dйcoule l'йchauffement, et il
n'y a pas besoin d'un pouvoir supйrieur qui agisse en elle.
q. 3
a. 7 arg. 9 Praeterea, ea quae sunt omnino disparata, possunt ab invicem
separari. Sed actio Dei et actio naturae sunt omnino disparatae; cum Deus agat
per voluntatem, natura vero per necessitatem. Ergo actio Dei potest separari ab
actione naturae; et ita non oportet quod Deus in natura agente operetur. 9. Les choses tout а fait diffйrentes peuvent кtre sйparйes l'une de
l'autre. Or l'action de Dieu et celle de la nature sont tout а fait diffйrentes,
puisque Dieu agit par volontй, et la nature par nйcessitй. Donc l'action de
Dieu peut кtre sйparйe de celle de la nature et ainsi il ne faut pas que Dieu
opиre dans la nature agent.
q. 3 a. 7 arg. 10
Praeterea, creatura in se considerata, Dei similitudinem habet, in quantum actu
est, et actu agit; et secundum hoc est divinae bonitatis particeps. Hoc autem
non esset, si virtus sua ad agendum non sufficeret. Sufficit ergo creatura ad agendum sine hoc quod Deus
in ea operetur. 10. La crйature, considйrйe en soi, ressemble а Dieu, dans la mesure oщ
elle est en acte et agit par son acte; et en cela elle participe de la divine
bontй[5]. Mais cela n'existerait pas si son pouvoir ne suffisait pas pour agir.
Donc la crйature se suffit pour agir, sans ce que Dieu opиre en elle.
q. 3 a. 7 arg. 11
Praeterea, duo Angeli in uno loco esse non possunt, ut a quibusdam dicitur, ne
operationum confusio sequatur; quia Angelus ubi est, ibi operatur. Plus autem
distat Deus a natura quam unus Angelus ab alio. Ergo Deus non potest simul in
eodem cum natura operari.
11. Deux anges ne peuvent кtre dans un seul et mкme lieu, comme
certains l'ont dit, pour qu'il ne s'ensuive pas une confusion des opйrations.
Parce que l'ange opиre lа oщ il est. Dieu est plus йloignй de la nature que
l'ange l'est d'un autre ange. Donc Dieu ne peut, en mкme temps que la nature,
opйrer dans un mкme objet.
q. 3
a. 7 arg. 12 Praeterea, Eccli. XI, 14, dicitur, quod Deus fecit
hominem, et reliquit eum in manu consilii sui. Non autem reliquisset, si semper
in voluntate operaretur. Ergo non operatur in voluntate operante. 12. L'Ecclйsiaste (Si) (11, 14) dit que "Dieu fit l'homme et le
laissa а son conseil". Il ne l'aurait pas laissй, s'il opйrait toujours
dans sa volontй. Donc il n'opиre pas dans la volontй en son opйration.
q. 3 a. 7 arg. 13
Praeterea, voluntas est domina sui actus. Hoc autem non esset, si agere non
posset nisi Deo in ipsa operante; cum voluntas nostra non sit domina divinae
operationis. Ergo Deus non operatur in voluntate nostra operante. 13. La volontй est maоtresse de son acte. Mais cela ne serait pas, si
elle ne pouvait agir que si Dieu opйrait en elle, puisque notre volontй n'est
pas maоtresse de l'opйration divine. Donc Dieu n'opиre pas dans notre volontй
en son opйration.
q. 3 a. 7 arg. 14
Praeterea, liberum est quod causa sui est, ut dicitur in I Metaph. Quod ergo
non potest agere nisi causa in ipso agente non est liberum in agendo. Sed
voluntas nostra est libera in agendo. Ergo potest
agere, nulla alia causa in ipsa operante: et sic idem quod prius.
14. Est libre ce qui est cause de soi, comme il est dit (Mйtaphysique, I, 2, 982 b 25[6]). Donc
ce qui ne peut agir que par une cause qui agit en lui n'est pas libre en
agissant. Mais notre volontй est libre quand nous agissons. Donc elle peut
agir, sans autre cause qui opиre en elle. Et ainsi de mкme que plus haut.
q. 3 a. 7 arg. 15
Praeterea, causa prima plus est influens in causatum quam causa secunda. Si
ergo Deus operetur in voluntate et natura, sicut causa prima in secunda; sequeretur
quod defectus qui accidunt in operatione voluntatis et naturae, magis Deo quam
naturae vel voluntati attribuerentur; quod est inconveniens. 15. La cause premiиre[7] a plus d'influence dans l'effet que la cause
seconde. Si donc Dieu opйrait dans la volontй et la nature, comme cause
premiиre dans la cause seconde, il en dйcoulerait que les dйfaillances qui
arrivent dans l'opйration de la volontй et de la nature, seraient attribuйes
plus а Dieu qu'а la nature ou а la volontй; ce qui ne convient pas.
q. 3
a. 7 arg. 16 Praeterea, posita causa sufficienter operante, superfluum est
alterius causae operationem ponere. Sed constat, si Deus operetur in natura et
voluntate, quod sufficienter operatur. Ergo superflueret omnis operatio naturae
et voluntatis. Cum ergo in natura nihil sit superfluum; nec natura nec voluntas
aliquid operaretur, sed solus Deus. Hoc autem est
inconveniens. Ergo et primum, scilicet quod Deus in natura et voluntate
operetur.
16. Si on pose une cause qui opиre valablement, il est superflu de
poser l'opйration d'une autre. Mais il est clair que, si Dieu opйrait dans la
nature et la volontй, il le ferait valablement ("Car les oeuvres de Dieu
sont parfaites", Dt. 32, 4[8]). Donc toute opйration de la nature et de la
volontй serait superflue Aussi comme dans la nature rien n'est superflu, ni la
nature, ni la volontй n'opйrerait, mais Dieu seul. Cela ne convient pas. Donc
il faut s'en tenir а la premiиre solution, а savoir que Dieu opиrerait dans la
nature et la volontй.
En sens contraire: q. 3 a. 7 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Is. XXVI, vers. 12: omnia opera nostra operatus es in nobis, domine. 1. Isaпe dit. (26, 12): "Tu as accompli tous nos oeuvres en nous,
Seigneur [9]."
q. 3 a. 7 s. c. 2
Praeterea, sicut ars praesupponit naturam, ita natura praesupponit Deum. Sed in
operatione artis operatur natura; non enim sine operatione naturae, artis
operatio efficitur, sicut igne emollitur ferrum ut percussione fabri
extendatur. Ergo et Deus in operatione naturae operatur. 2. De mкme que l'art prйsuppose la nature, la nature prйsuppose Dieu.
Mais la nature opиre dans l'opйration de l'art, car sans elle, l'opйration de
l'art ne se fait pas, de mкme que le feu ramollit le fer, de sorte qu'il
s'allonge sous les coups du forgeron. Donc Dieu aussi opиre dans l'opйration de
nature.
q. 3 a. 7 s. c. 3
Praeterea, secundum philosophum, homo generat hominem et sol. Sed sicut
operatio hominis in generatione dependet ab actione solis, ita et multo amplius
actio naturae dependet ab actione Dei. Ergo quidquid operatur natura etiam Deus
operatur.
3. Selon le philosophe (Physique,
II, 2, 194 b 13[10]), l'homme et le soleil engendrent l'homme. Mais de mкme que
l'opйration de l'homme dans la gйnйration dйpend de l'action du soleil, ainsi
et beaucoup plus l'action de la nature dйpend de l'action de Dieu. Donc ce que
fait la nature, Dieu le fait aussi.
q. 3 a. 7 s. c. 4
Praeterea, nihil potest operari nisi sit ens. Sed natura non potest esse nisi
Deo operante; in nihilum enim decideret nisi divinae potentiae actione
conservaretur in esse, ut patet per Augustinum super Genes. ad litteram. Ergo
natura non potest agere nisi Deo agente. 4. Rien ne peut opйrer sinon l'йtant. Mais la nature ne peut exister
que si Dieu opиre, car elle retournerait au nйant si la puissance divine par
son action ne la conservait pas dans l'кtre[11], comme on le lit chez Augustin
(La Genиse au sens littйral). Donc la
nature ne peut agir que si Dieu agit.
q. 3 a. 7 s. c. 5
Praeterea, virtus Dei est in qualibet re naturali, quia Deus in omnibus rebus
esse dicitur per essentiam et potentiam et praesentiam. Sed non est dicendum
quod virtus divina secundum quod est in rebus sit otiosa. Ergo secundum quod
est in natura operatur. Nec potest dici
quod aliud quam ipsa natura operetur, cum non appareat ibi nisi una operatio. Ergo in
qualibet naturae operatione Deus operatur. 5. Le pouvoir de Dieu est en chaque кtre naturel, parce qu'on dit qu'il
est en toutes choses par essence, puissance et prйsence[12]. Mais il ne faut
pas dire que le pouvoir divin, selon qu'il est dans les choses, est inutile.
Donc, selon qu'il est dans la nature, il opиre. Et on ne peut pas dire qu'autre
chose que la nature elle-mкme opиre, puisque ici n'apparaоt qu'une seule
opйration. Donc Dieu opиre en chaque opйration de la nature.
Rйponse: q. 3 a. 7 co.
Respondeo. Dicendum, quod simpliciter concedendum est Deum operari in natura et
voluntate operantibus. Sed quidam hoc non intelligentes, in errorem inciderunt:
attribuentes Deo hoc modo omnem naturae operationem quod res penitus naturalis
nihil ageret per virtutem propriam; et ad hoc quidem ponendum sunt diversis
rationibus moti. Il faut absolument concйder que Dieu opиre dans ce qui opиre par nature
et volontй. Mais certains, qui ne l'ont pas compris, sont tombйs dans l'erreur,
en attribuant а Dieu toute opйration de la nature, de telle sorte que la chose
naturelle ne ferait strictement rien par son pouvoir propre, et pour l'йtablir,
ils y ont йtй poussйs par diverses raisons .
Quidam enim loquentes in lege Maurorum, ut Rabbi Moyses
narrat, dixerunt, omnes huiusmodi naturales formas accidentia esse: et cum
accidens in aliud subiectum transire non possit, impossibile reputabant quod
res naturalis per formam suam aliquo modo induceret similem formam in alio
subiecto; unde dicebant quod ignis non calefacit, sed Deus creat calorem in re
calefacta.
A) Certains parlant selon la loi des Musulmans, comme Rabbi Moyses
(Maпmonide[13]) le raconte, ont dit que toutes les formes naturelles йtaient
des accidents[14], et comme l'accident ne peut pas passer dans un autre sujet,
ils considйraient comme impossible que la chose naturelle, par sa forme,
introduise d'une certaine maniиre une forme semblable dans un autre substrat.
C'est pour cela qu'ils disaient que le feu ne chauffe pas, mais que Dieu crйe
la chaleur dans l'objet chauffй[15].
Sed si obiiceretur contra eos, quod ex applicatione ignis ad
calefactibile, semper sequatur calefactio, nisi per accidens esset aliquid
impedimentum igni, quod ostendit ignem esse causam caloris per se; dicebant,
quod Deus ita statuit ut iste cursus servaretur in rebus, quod nunquam ipse
calorem causaret nisi apposito igne; non quod ignis appositus aliquid ad
calefactionem faceret.
Mais si on leur objectait que de l'application du feu а ce qu'on
chauffe, il en dйcoule toujours un йchauffement, sauf si, par accident, le feu
йtait empкchй, ce qui montre qu'il est la cause de la chaleur en soi, ils
disaient que Dieu a dйcidй que ce concours serait conservй dans les choses, que
jamais lui-mкme ne causerait la chaleur sauf si le feu йtait placй tout prиs et
que ce n'йtait pas le feu placй а cфtй d'un objet qui provoquait
l'йchauffement.
Haec autem positio est manifeste repugnans sensui: nam cum
sensus non sentiat nisi per hoc quod a sensibili patitur (quod etsi in visu sit
dubium, propter eos qui visum extra mittendo fieri dicunt, in tactu et in aliis
sensibus est manifestum), sequitur quod homo non sentiat calorem ignis si per
ignem agentem non sit similitudo caloris ignis in organo sentiendi. Si enim
illa species caloris in organo ab alio agente fieret, tactus etsi sentiret
calorem, non tamen sentiret calorem ignis nec sentiret ignem esse calidum, cum
tamen hoc iudicet sensus, cuius iudicium in proprio sensibili non errat.
Mais cette position[16] s'oppose manifestement а nos sens: puisque en
effet, ils ne perзoivent que par ce qu'ils reзoivent du sensible (mкme si pour
la vue[17], il y a un doute а cause de ceux qui disent que la vue fonctionne en
se projetant а l'extйrieur, pour le toucher et les autres sens c'est clair); il
s'ensuit que l'homme ne sent pas la chaleur du feu si par le feu agent, il n'y
a pas la ressemblance de la chaleur du feu dans l'organe de la sensation. Car
si cette espиce de chaleur йtait faite dans l'organe par un autre agent, mкme
si le toucher sentait la chaleur, il ne sentirait pas la chaleur du feu ni que
le feu est chaud, puisque le sens dont le jugement ne se trompe pas dans sa
propre sensibilitй le juge ainsi.
Repugnat etiam rationi, per quam ostenditur in rebus
naturalibus nihil esse frustra. Nisi autem res naturales aliquid agerent,
frustra essent eis formae et virtutes naturales collatae: sicut si cultellus
non incideret, frustra haberet acumen. Frustra etiam requireretur appositio
ignis ad ligna, si Deus absque igne ligna combureret. Cela s'oppose aussi а la raison: par elle, on dйmontre que rien n'est
vain dans les choses naturelles. Si elles ne faisaient rien, les formes et les
pouvoirs naturels qui s'y trouvent leur seraient inutiles. Ainsi si le couteau
ne coupait pas, c'est en vain qu'il aurait une lame. Et on chercherait en vain
de mettre en contact le feu avec bois, si Dieu brыlait le bois sans feu[18].
Repugnat etiam divinae bonitati, quae sui communicativa est;
ex quo factum est quod res Deo similes fierent non solum in esse, sed etiam in
agere. Ratio vero quam pro se inducunt, est omnino frivola. Nam cum dicitur
accidens de subiecto in subiectum aliud non transire, intelligitur de accidente
eodem secundum numerum, non quia simile accidens secundum speciem possit induci
in aliud subiectum virtute accidentis quod alicui subiecto naturali inest. Et
hoc est necesse in omni actione naturali contingere. Falsum etiam est quod
supponunt, omnes formas esse accidentia: quia sic nullum esset in rebus
naturalibus esse substantiale, cuius principium forma accidentalis esse non
potest, sed substantialis tantum. Periret etiam generatio et corruptio, et
multa alia inconvenientia sequerentur. Cela s'oppose aussi а la bontй divine qui se communique d'elle-mкme; de
lа vient que les crйatures ressemblent а Dieu, non seulement dans leur кtre,
mais aussi dans leur agir. Mais la raison qu'ils avancent en leur faveur est
tout а fait futile. En effet, quand on dit que l'accident ne passe pas d'un
substrat dans un autre, on le comprend de ce mкme accident selon le nombre, et
non pas parce qu'un accident d'une espиce semblable pourrait кtre induit dans
un autre substrat par le pouvoir de l'accident qui est dans un sujet naturel.
Et il est nйcessaire que cela arrive dans toute action naturelle. Mais qu'ils
supposent que toutes les formes sont des accidents est faux, parce qu'ainsi, il
n'y aurait aucun кtre substantiel dans les choses naturelles, dont le principe
ne peut pas кtre une forme accidentelle, mais une forme substantielle
seulement. La gйnйration et la corruption disparaоtraient et beaucoup d'autres
inconvйnients en dйcouleraient.
Avicebron etiam in libro fontis vitae dicit, quod nulla
substantia corporalis agit, sed vis spiritualis penetrans per omnia corpora
agit in eis, et tanto corpus aliquod est magis activum quanto est purius et
subtilius et per consequens a virtute spirituali penetrabilius. Et ad hoc
inducit tres rationes:
quarum prima est, quod omne agens post Deum requirit
subiectam materiam in quam agat; corporali autem substantiae non subiicitur
aliqua materia, et sic videtur quod agere non possit. B) Avicebron[19] aussi, dans son livre, “La Fontaine de vie”, dit
qu'aucune substance corporelle n'agit, mais que c'est une puissance spirituelle
qui pйnиtre а travers tous les corps qui agit en elles, et plus un corps est
actif, plus il est pur et subtil et par consйquent plus accessible au pouvoir
spirituel. Et а cela il apporte trois raisons:
1. Tout agent aprиs Dieu a besoin d'une matiиre qui est un substrat,
dans laquelle il agit; mais la matiиre n'est pas subordonnйe а la substance
corporelle et ainsi il semble qu'elle ne puisse pas agir.
Secunda est quia quantitas impedit
actionem et motum: cuius signum ponit, quia multitudo quantitatis retardat
motum et addit corpori gravitatem; et ita substantia corporalis quae est
implicita quantitati, agere non potest. 2. La quantitй empкche l'action et le mouvement; il en donne comme
preuve qu'une trиs grande quantitй retarde le mouvement et ajoute de la
lourdeur au corps et ainsi la substance corporelle qui est mкlйe а la quantitй
ne peut pas agir.
Tertia ratio est, quod substantia
corporalis est remotissima a primo agente, quod est agens tantum et non
patiens, substantiae autem mediae sunt agentes et patientes; unde oportet
substantiam corporalem, quae est ultima, esse patientem tantum et non agentem. 3. La substance corporelle est trиs loin du premier agent, qui est
agent seulement et non patient; les substances intermйdiaires sont agents et
patients; c'est pourquoi il faut que la substance corporelle, qui est la
derniиre soit "patiente" seulement et non agent.
Sed in hoc est manifesta deceptio
ex hoc quod accipitur tota substantia corporalis quasi una et eadem numero
substantia, ac si non esset secundum esse substantiale distincta sed solo
accidente. Si enim diversae substantiae corporales substantialiter distinctae
accipiantur, tunc non quaelibet substantia corporalis erit ultima entium et
remotissima a primo agente, sed una erit alia superior
et primo agenti propinquior, et sic una in alia agere poterit.
Mais l'erreur est manifeste, du fait qu'on prend toute la substance
corporelle comme une seule et mкme substance par le nombre, comme si elle
n'йtait pas distincte selon son кtre substantiel mais seulement par l'accident.
Car si on accepte que les diverses substances corporelles comme
substantiellement distinctes, alors ce n'est pas une quelconque substance
corporelle qui sera le dernier des йtants et la plus йloignйe du premier agent,
mais l'une sera supйrieure а l'autre et plus proche du premier agent, et ainsi
l'une pourra agir dans l'autre.
Item in praedictis consideratur
substantia corporalis tantum secundum rationem materiae, et non ratione suae
formae, cum tamen ex utroque sit composita. Substantiae enim corporali competit
esse ultimum entium, et non habere inferius subiectum, ratione materiae, non
autem ratione formae; quia ratione formae est inferius subiectum omnis
substantia in cuius materia est in potentia forma illa quam haec res designata
habet in actu.
De mкme, dans ce qui a йtй dit, on ne considиre la substance corporelle
qu'en raison de la matiиre et non de sa forme, alors qu'elle est composйe de
l'une et l'autre. Il appartient, en effet, а la substance corporelle d'кtre le
dernier des йtants et de ne pas avoir un substrat plus bas, а cause de la
matiиre, mais non de la forme; parce que, en raison de celle-ci, toute
substance est un substrat plus bas, dans la matiиre de qui il y a en puissance
cette forme que cette chose possиde en acte.
Et inde sequitur quod est mutua
actio in substantiis corporalibus, cum in materia unius sit in potentia forma
alterius, et e converso. Si autem ipsa forma non est sufficiens ad agendum
eadem ratione nec vis substantiae spiritualis, quam corporalis substantia per
modum suum necesse est quod recipiat.
ICIC Et de lа dйcoule qu'il y a une action mutuelle dans les substances
corporelles, puisque dans la matiиre de l'une la forme de l'autre est en
puissance, et inversement. Mais si la forme mкme n'est pas suffisante pour
agir, par une mкme raison, le pouvoir de la substance spirituelle, qu'il est
nйcessaire que la substance corporelle reзoive а sa maniиre, non plus.
Quantitas etiam non tollit motum
et actionem, cum nihil moveatur nisi quantum ut in VI Physic. probatur. Nec est
verum quod quantitas sit causa gravitatis. Hoc enim reprobatur in IV Cael. et
mundi. Unde et quantitas addit in velocitatem motus naturalis; nam corpus grave
quanto est maius, tanto velocius deorsum fertur, et similiter leve sursum.
Licet etiam quantitas secundum se non sit actionis principium non tamen potest
assignari ratio quare actionem impediat, cum magis sit quoddam instrumentum
qualitatis activae, nisi quatenus formae activae in materia subiecta quantitati
receptae, esse quoddam limitatum recipiunt et individuatum ad materiam illam,
ut sic per actionem in aliam materiam non se extendat. Sed quamvis esse
individuatum in materia consequantur, rationem tamen speciei non amittunt, ex
qua simile sibi in specie producere possunt, licet ipsaemet in alio subiecto
esse non possint.
La quantitй n'enlиve ni le mouvement, ni l'action, puisque rien n'est
mы si ce n'est qu'а sa mesure, comme on le prouve Physique, VI, 3, 233 b 19 – 234 a 35[20]). Il n'est pas vrai que la
quantitй soit la cause de la pesanteur. Car cela est rejetй au livre IV Du ciel
(p. 151 B 313 a 4). C'est pourquoi la quantitй ajoute а la vitesse du mouvement
naturel, car plus un corps lourd est grand, plus vite il descend, et c'est
pareil pour le corps lйger vers le haut. Bien que la quantitй en soi ne soit
pas principe d'action, on ne peut trouver cependant la raison pour laquelle
elle empкcherait l'action, puisqu'elle serait plus un instrument de la qualitй
active, sauf dans la mesure oщ les formes actives, reзue dans la matiиre
soumise а la quantitй, reзoivent un кtre limitй et individualisй pour cette
matiиre pour qu'ainsi, par son action, elle ne s'йtende pas а une autre
matiиre. Mais quoiqu'elles atteignent un кtre individualisй dans la matiиre,
cependant elles ne perdent pas la nature de l'espиce, du fait qu'elles peuvent
y produire quelque chose de semblable а elles, en espиce, bien qu'elles ne le
puissent кtre elles-mкmes dans un autre sujet.
Non ergo sic est intelligendum
quod Deus in omni re naturali operetur, quasi res naturalis nihil operetur; sed
quia in ipsa natura vel voluntate operante Deus operatur: quod quidem qualiter
intelligi possit, ostendendum est. Ce n'est pas ainsi qu'il faut comprendre que Dieu opиre en toute chose
naturelle, comme si elle ne faisait rien, mais parce qu'il opиre dans la nature
mкme ou dans la volontй en son opйration, il faut montrer comment on peut le
comprendre.
Sciendum namque est, quod actionis
alicuius rei res alia potest dici causa multipliciter. Car il faut savoir qu'une chose peut кtre appelйe cause d'une autre de
multiples faзons.
Uno modo quia tribuit ei virtutem
operandi; sicut dicitur in IV Physic., quod generans movet grave et leve, in
quantum dat virtutem per quam consequitur talis motus: et hoc modo Deus agit
omnes actiones naturae, quia dedit rebus naturalibus virtutes per quas agere
possunt, non solum sicut generans virtutem tribuit gravi et levi, et eam
ulterius non conservat, sed sicut continue tenens virtutem in esse, quia est
causa virtutis collatae, non solum quantum ad fieri sicut generans, sed etiam
quantum ad esse, ut sic possit dici Deus causa actionis in quantum causat et
conservat virtutem naturalem in esse. 1. D'une premiиre maniиre, parce qu'elle lui attribue le pouvoir
d'opйrer, comme on le dit en Physique,
IV 3, 210 a 14-24, parce que celui qui engendre met en mouvement le lourd et le
lйger dans la mesure oщ il donne un pouvoir d'oщ dйcoule un tel mouvement. Et
Dieu, de cette maniиre, accomplit toutes les actions de nature, parce qu'il a
donnй aux choses naturelles des pouvoirs par lesquels elles peuvent agir, non
seulement comme celui qui engendre fournit un pouvoir au lourd et au lйger, et
ne le conserve plus, mais comme celui qui maintient continuellement ce pouvoir
dans l'кtre, parce qu'il est cause du pouvoir qui lui est attribuй, non
seulement quant au devenir comme celui qui engendre, mais aussi quant а l'кtre,
de sorte qu'ainsi on peut dire que Dieu est la cause de l'action dans la mesure
oщ il cause et conserve en l'кtre le pouvoir naturel.
Nam etiam alio modo conservans
virtutem dicitur facere actionem, sicut dicitur quod medicinae conservantes
visum, faciunt videre. Sed quia nulla res per se ipsam movet vel agit nisi sit
movens non motum. 2. Car d'une autre maniиre, on dit qu'en conservant ce pouvoir, il
accomplit l'action, de mкme qu'on dit que les remиdes qui conservent la vue
font voir. Mais parce que rien ne se meut par soi ou n'agit que s'il est un
moteur non mы.
Tertio modo dicitur una res esse
causa actionis alterius in quantum movet eam ad agendum; in quo non intelligitur
collatio aut conservatio virtutis activae, sed applicatio virtutis ad actionem;
sicut homo est causa incisionis cultelli ex hoc ipso quod applicat acumen
cultelli ad incidendum movendo ipsum. Et quia natura inferior agens non agit
nisi mota, eo quod huiusmodi corpora inferiora sunt alterantia alterata; caelum
autem est alterans non alteratum, et tamen non est movens nisi motum, et hoc
non cessat quousque perveniatur ad Deum: sequitur de necessitate quod Deus sit
causa actionis cuiuslibet rei naturalis ut movens et applicans virtutem ad
agendum.
3. D'une troisiиme maniиre, on dit qu'une chose est la cause de
l'action d'une autre dans la mesure oщ elle la pousse а agir; en cela on ne
comprend pas l'attribution ou la conservation du pouvoir actif, mais son
application а l'action. Ainsi l'homme est la cause de l'entaille du couteau du
seul fait qu'il applique son tranchant pour couper en le manipulant. Et parce
que la nature, agent infйrieur, n'agit que si elle est mue, de tels corps
infйrieurs changent en йtant eux-mкmes changйs. Mais le ciel provoque des
changements sans кtre changй, et cependant il n'est moteur que mы, et cela ne
cessera que jusqu'а ce qu'on parvienne а Dieu. Il dйcoule nйcessairement que
Dieu est la cause de l'action d'une chose naturelle comme moteur, qui applique
le pouvoir pour agir.
Unde quarto modo unum est causa
actionis alterius, sicut principale agens est causa actionis instrumenti; et
hoc modo etiam oportet dicere, quod Deus est causa omnis actionis rei
naturalis. Quanto enim aliqua causa est altior, tanto est communior et
efficacior, et quanto est efficacior, tanto profundius ingreditur in effectum,
et de remotiori potentia ipsum reducit in actum.
4. C'est pourquoi, d'une quatriиme maniиre, l'un est cause de l'action
de l'autre, comme l'agent principal est cause de l'action de l'instrument, et
de cette maniиre aussi, il faut dire que Dieu est cause de toute action de
l'кtre naturel. Car plus une cause est йlevйe, plus elle est commune et
efficace, et plus elle est efficace, plus elle entre profondйment dans l'effet
et, d'une puissance plus йloignйe, elle l'amиne а l'acte.
In qualibet autem re naturali
invenimus quod est ens et quod est res naturalis, et quod est talis vel talis
naturae.; Dans n'importe quel кtre naturel[21], on trouve qu'il y a l'йtant, la
chose naturelle, et ce qui est de telle ou telle nature.
Quorum primum est commune omnibus
entibus; 1) Le premier est commun а tous les йtants;
secundum omnibus rebus naturalibus 2) le second а toutes les choses naturelles,
tertium in una specie; et quartum,
si addamus accidentia, est proprium huic individuo.
3) le troisiиme а une seule espиce,
4) et le quatriиme, si on ajoute les accidents, est propre а cet
individu particulier.
Hoc ergo individuum agendo non potest
constituere aliud in simili specie nisi prout est instrumentum illius causae,
quae respicit totam speciem et ulterius totum esse naturae inferioris. Et propter hoc nihil agit ad speciem in istis
inferioribus nisi per virtutem corporis caelestis, nec aliquid agit ad esse
nisi per virtutem Dei. Ipsum enim esse est communissimus effectus primus et
intimior omnibus aliis effectibus; et ideo soli Deo competit secundum virtutem
propriam talis effectus: unde etiam, ut dicitur in Lib. de causis, intelligentia
non dat esse, nisi prout est in ea virtus divina.
Donc ce dernier en agissant ne peut en constituer une autre dans la
mкme espиce que dans la mesure oщ il est l'instrument de cette cause, qui
concerne toute l'espиce et davantage tout l'кtre de nature infйrieure. Et pour
cette raison rien n'agit pour l'espиce dans ces choses infйrieures que par le
pouvoir d'un corps cйleste, et rien n'agit pour l'кtre que par le pouvoir de
Dieu. Car l'кtre lui-mкme est le premier effet le plus commun et plus
intime[22] que tous les autres effets et c'est pourquoi il convient а Dieu
seul, selon le pouvoir propre d'un tel effet: c'est pourquoi, comme aussi on le
dit dans le Livre des Causes (prop.
9[23]), l'Intelligence ne donne l'кtre que dans la mesure oщ il y a en elle un
pouvoir divin.
Sic ergo Deus est causa omnis
actionis, prout quodlibet agens est instrumentum divinae virtutis operantis.
Sic ergo si consideremus supposita agentia, quodlibet agens particulare est
immediatum ad suum effectum. Si autem consideremus virtutem qua fit actio, sic
virtus superioris causae erit immediatior effectui quam virtus inferioris; nam
virtus inferior non coniungitur effectui nisi per virtutem superioris; unde
dicitur in Lib. de Caus., quod virtus causae primae prius agit in causatum, et
vehementius ingreditur in ipsum. Ainsi donc Dieu est cause de toute action, dans la mesure oщ n'importe
quel agent est l'instrument du pouvoir divin en son opйration. Si donc nous
considйrons les suppфts agents, n'importe quel agent particulier est sans
intermйdiaire а son effet. Mais si nous considйrons le pouvoir par lequel
l'action est accomplie, alors le pouvoir de la cause supйrieure sera plus
immйdiat dans l'effet que celui de la cause infйrieure, car ce dernier n'est
joint а l'effet que par le pouvoir du supйrieur. C'est pourquoi il est dit dans
Le livre des Causes (prop. 1), que la pouvoir de la cause premiиre agit avant
dans l'effet et entre plus fortement en lui.
Sic ergo oportet virtutem divinam
adesse cuilibet rei agenti, sicut virtutem corporis caelestis oportet adesse
cuilibet corpori elementari agenti. Sed in hoc differt; quia ubicumque est
virtus divina, est essentia divina; non autem essentia corporis caelestis est
ubicumque est sua virtus: et iterum Deus est sua virtus, non autem corpus caeleste. Ainsi donc il faut que le pouvoir divin soit prйsent а tout ce qui
agit, de mкme qu'il faut que le pouvoir du corps cйleste le soit а tout corps
йlйmentaire qui agit. Mais la diffйrence c'est que partout oщ il y a le pouvoir
divin, il y a l'essence divine. L'essence du corps cйleste n'est pas partout oщ
est son pouvoir; en plus Dieu est son propre pouvoir, mais pas le corps
cйleste.
Et ideo potest dici quod Deus in
qualibet re operatur in quantum eius virtute quaelibet res indiget ad agendum:
non autem potest proprie dici quod caelum semper agat in corpore elementari,
licet eius virtute corpus elementare agat. Sic ergo Deus est causa actionis
cuiuslibet in quantum dat virtutem agendi, et in quantum conservat eam, et in
quantum applicat actioni, et in quantum eius virtute omnis alia virtus agit. Et
cum coniunxerimus his, quod Deus sit sua virtus, et quod sit intra rem
quamlibet non sicut pars essentiae, sed sicut tenens rem in esse, sequetur quod
ipse in quolibet operante immediate operetur, non exclusa operatione voluntatis
et naturae.
C'est pourquoi on peut dire que Dieu opиre en toute chose dans la
mesure oщ elle a besoin de son pouvoir pour agir; mais on ne peut proprement
dire que le ciel agit toujours dans le corps йlйmentaire, bien que ce soit par
son pouvoir que le corps йlйmentaire agisse. Ainsi donc Dieu est cause de
n'importe quelle action dans la mesure oщ il donne le pouvoir d'agir, oщ il le
conserve et, il l'applique а l'action et oщ tout autre pouvoir agit dans le
sien. Et comme nous avons ajoutй а cela que Dieu est son propre pouvoir, et
qu'il est en n'importe quelle chose, non comme une partie de son essence, mais
comme celui qui la conserve dans l'кtre, il en dйcoule que lui-mкme opиre sans
intermйdiaire en n'importe quel кtre en son opйration, sans exclure l'opйration
de la volontй et de la nature.
Solutions q. 3 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
virtus activa et passiva rei naturalis sufficiunt ad agendum in ordine suo;
requiritur tamen virtus divina, ratione iam dicta, in corp. art. # 1. Le pouvoir actif et passif d'une chose naturelle suffisent pour
agir en son ordre. Cependant elle a besoin du pouvoir divin, pour la raison
dйjа dite dans le corps de l'article
q. 3 a. 7 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
operatio virtutis naturalis ad Deum et corporis elementaris ad corpus caeleste
sunt quantum ad aliquid similes, non autem quantum ad omnia. # 2. L'opйration du pouvoir naturel relativement а Dieu et celle du
corps йlйmentaire relativement au corps cйleste sont semblables en un certain
point, mais pas en tout.
q. 3 a. 7 ad 3 Ad
tertium dicendum quod in operatione qua Deus operatur movendo naturam, non
operatur natura; sed ipsa naturae operatio est etiam operatio virtutis divinae;
sicut operatio instrumenti est per virtutem agentis principalis. Nec impeditur
quin natura et Deus ad idem operentur, propter ordinem qui est inter Deum et
naturam.
# 3. Dans l'opйration par laquelle Dieu opиre en mettant en mouvement
la nature, la nature n'opиre pas. Mais l'opйration mкme de la nature est aussi
une opйration du pouvoir divin, de mкme que l'opйration de l'instrument existe
par le pouvoir de l'agent principal. Et rien n'empкche que la nature et Dieu
opиrent sur un mкme objet, а cause de l'ordre entre Dieu et la nature[24]..
q. 3 a. 7 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod tam Deus quam natura immediate operantur; licet
ordinentur secundum prius et posterius, ut ex dictis patet.
# 4. Dieu autant que la nature opиre sans intermйdiaire, bien qu'ils
soient ordonnйs selon un avant et un aprиs, comme cela apparaоt dans ce qui a
йtй dit.
q. 3 a. 7 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod de ratione virtutis inferioris est quod sit aliquo modo
operationis principium in suo ordine, id est ut agat ut instrumentum superioris
virtutis: unde, exclusa superiori virtute, inferior virtus operationem non
habet. # 5. Il appartient а un pouvoir infйrieur d'кtre en quelque maniиre
principe d'opйration en son ordre, c'est-а-dire qu'il agisse comme instrument
d'un pouvoir supйrieur. C'est pourquoi, si le pouvoir supйrieur est exclus, le
pouvoir infйrieur n'a pas d'opйration..
q. 3 a. 7 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus non solum est causa operationis naturae ut
conservans virtutem naturalem in esse, sed aliis modis, ut dictum est.
# 6. Dieu est non seulement la cause de l'opйration de la nature, en
tant qu'il conserve le pouvoir naturel dans l'кtre, mais aussi par d'autres
moyens, comme on l'a dit.
q. 3 a. 7 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod virtus naturalis quae est rebus naturalibus in sua
institutione collata, inest eis ut quaedam forma habens esse ratum et firmum in
natura. Sed id quod a Deo fit in re naturali, quo actualiter agat, est ut
intentio sola, habens esse quoddam incompletum, per modum quo colores sunt in
aere, et virtus artis in instrumento artificis. Sicut ergo securi per artem
dari potuit acumen, ut esset forma in ea permanens, non autem dari ei potuit
quod vis artis esset in ea quasi quaedam forma permanens, nisi haberet
intellectum; ita rei naturali potuit conferri virtus propria, ut forma in ipsa
permanens, non autem vis qua agit ad esse ut instrumentum primae causae; nisi
daretur ei quod esset universale essendi principium: nec iterum virtuti
naturali conferri potuit ut moveret se ipsam, nec ut conservaret se in esse:
unde sicut patet quod instrumento artificis conferri non oportuit quod
operaretur absque motu artis; ita rei naturali conferri non potuit quod
operaretur absque operatione divina.
# 7. Le pouvoir naturel, placй dans les choses naturelles en leur
constitution est en elles comme une forme ayant un кtre dйterminй et ferme en
nature. Mais ce qui est fait par Dieu, dans un кtre naturel oщ il agit de
maniиre actuelle est comme une intention seule avec un кtre incomplet, а la
maniиre dont les couleurs sont dans l'air, et le pouvoir de l'art dans l'instrument
de l'artiste. Ainsi donc on a pu donner un tranchant а la hache pour qu'il y
soit forme permanente, mais on n'aurait pu lui donner le pouvoir de l'art comme
forme permanente que si elle avait une intelligence. De la mкme maniиre, un
pouvoir propre a pu кtre confйrй а la chose naturelle, comme une forme
permanente en elle, mais non la force par laquelle elle agit pour кtre comme
l'instrument de la cause premiиre, а moins de lui donner ce qui serait le
principe universel d'кtre. Et il n'a pu, non plus, кtre confйrй au pouvoir
naturel de se mouvoir lui-mкme, ni de se conserver dans l'кtre lui-mкme. C'est
pourquoi, de mкme qu'il est йvident qu'il ne fallut pas qu'il soit donnй а
l'instrument de l'artisan d'opйrer sans le mouvement de l'art, de mкme, il n'a
pu кtre donnй а la chose naturelle d'opйrer sans l'opйration divine.
q. 3 a. 7 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod necessitas naturae, per quam calor agit, constituitur ex
ordine omnium causarum praecedentium; unde non excluditur virtus causae primae. # 8. La nйcessitй naturelle, par laquelle la chaleur agit, est
constituйe de l'ordre de toutes les causes prйcйdentes. C'est pourquoi le
pouvoir de la cause premiиre n'est pas exclu.
q. 3 a. 7 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet natura et voluntas sint secundum esse disparata,
tamen in agendo habent aliquem ordinem. Nam sicut actio naturae praecedit
actionem voluntatis nostrae, ratione cuius in operibus artis, quae a voluntate
sunt, naturae operatione indiget; ita voluntas Dei, quae est origo omnis
naturalis motus, praecedit operationem naturae; unde et eius operatio in omni
operatione naturae requiritur.
# 9. Bien que la nature et la volontй soient diffйrentes selon leur
кtre, cependant elles ont un certain ordre en agissant. Car, de mкme que
l'action de la nature prйcиde l'action de notre volontй, pour la raison que
dans les opйrations de l'art, qui dйpendent de la volontй, celle-ci a besoin de
l'opйration de nature; de mкme la volontй de Dieu, qui est l'origine de tout
mouvement naturel, prйcиde l'opйration de la nature; c'est pourquoi son
opйration est requise dans toute opйration de nature.
q. 3 a. 7 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod creatura habet aliquam Dei similitudinem participando
bonitatem ipsius, in quantum est et agit, non tamen ita quod per similitudinis
perfectionem ad aequalitatem perveniat; et ideo sicut imperfectum indiget
perfecto, ita virtus naturae in agendo indiget operatione divina. # 10. La crйature a une certaine ressemblance а Dieu en participant а
sa bontй, dans la mesure oщ elle est et agit, non cependant de maniиre а
l'йgaler par la perfection de cette ressemblance. Et c'est pourquoi, de mкme
que l'imparfait a besoin du parfait, ainsi le pouvoir de la nature dans son
action a besoin de l'opйration divine.
q. 3 a. 7 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod duo Angeli minus distant secundum gradum naturae quam
Deus et natura creata; tamen in ordine causae et effectus, Deus et natura
conveniunt, non autem duo Angeli; unde Deus in natura operatur, non autem unus
Angelus in alio. # 11. Deux anges sont moins distants selon la hiйrarchie de la nature
que Dieu et la nature crййe; cependant dans l'ordre de la cause et de l'effet,
Dieu et la nature se rencontrent, mais pas deux anges. C'est pour cela que Dieu
opиre dans la nature, mais pas un ange dans un autre.
q. 3 a. 7 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod Deus non dicitur hominem dereliquisse in manu
consilii sui, quin in voluntate operetur; sed quia voluntati hominis dedit
dominium sui actus, ut non esset obligata ad alteram partem contradictionis:
quod quidem dominium naturae non dedit, cum per suam formam sit determinata ad
unum. # 12. On ne dit pas que Dieu a abandonnй l'homme а son conseil, au
point de ne plus opйrer dans sa volontй, mais parce qu'il a donnй а la volontй
de l'homme le pouvoir sur son action, pour qu'elle ne soit pas liйe а l'autre
partie de la contradiction[25]: il n'a pas donnй le pouvoir а la nature,
puisque par sa forme elle est dйterminйe а un objet unique.
q. 3 a. 7 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod voluntas dicitur habere dominium sui actus non
per exclusionem causae primae, sed quia causa prima non ita agit in voluntate
ut eam de necessitate ad unum determinet sicut determinat naturam; et ideo
determinatio actus relinquitur in potestate rationis et voluntatis. # 13. On dit que la volontй a pouvoir sur son action non en excluant la
cause premiиre, mais parce que celle-ci n'agit pas dans la volontй de sorte а
la dйterminer nйcessairement а un objet, comme elle dйtermine la nature et
ainsi la dйtermination de l'acte est laissйe au pouvoir de la raison et de la
volontй.
q. 3 a. 7 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod non quaelibet causa excludit libertatem, sed
solum causa cogens: sic autem Deus non est causa operationis nostrae. # 14. Ce n'est pas n'importe quelle cause qui enlиve la libertй mais
seulement une cause contraignante, mais ainsi Dieu n'est pas cause de notre
opйration.
q. 3 a. 7 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod quia causa prima magis influit in effectum quam
secunda, ideo quidquid perfectionis est in effectu, principaliter reducitur ad
primam causam; quod autem est de defectu, reducendum est in causam secundam,
quae non ita efficaciter operatur sicut causa prima. # 15. Parce que la cause premiиre influe plus sur l'effet que la cause
seconde, ce qu'il y a de perfection dans l'effet, est ramenй principalement а
la cause premiиre; mais ce qui est dйfaillance, doit кtre ramenй а la cause
seconde, qui n'opиre pas aussi efficacement que la cause premiиre[26].
q. 3
a. 7 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod Deus perfecte operatur ut causa
prima; requiritur tamen operatio naturae ut causae secundae. Posset
tamen Deus effectum naturae etiam sine natura facere; vult tamen facere
mediante natura, ut servetur ordo in rebus.
# 16. Dieu opиre de maniиre parfaite comme cause premiиre; cependant
l'opйration de la nature est requise comme cause seconde. Dieu pourrait
cependant produire un effet de nature mкme sans la nature, mais il veut le
faire par l'intermйdiaire de la nature pour conserver l'ordre des choses.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Ia, 105, a. 5 – CG. III, 67 – Compendium. 135 – II. Sent. d1q1a4. – [autres
rйf. Ia,
qu. 25, a. 4 CG. III, 67-70 – I Sent. d37q1a1 ad 4 – q2a2 – II Sent. d1q1a1.]
[2]
Pour la dйfinition de la nature, voir Physique,
II, 1, 192b.
[3]
Un des quatre йlйments.
[4]
Il donne а virtus un sens proche de "puissance", mais il faut
distinguer les deux mots puisqu'il les emploie tous les deux, en appliquant
cependant а virtus la dйfinition de la puissance par Aristote en Mйtaphysique V, Cf. Pot. qu. 1, a. 1,
obj. 3
[5]
Cf. C.G. III, 66, § 1: "...tous les agents infйrieurs ne donnent l'кtre
qu'en tant qu'ils agissent dans le pouvoir divin."
[6]
"Nous appelons libre celui qui est а lui-mкme sa fin et n'existe pas pour
un autre." Aristote § 29 (Trad. Tricot), Thomas n° 58. Le commentaire de
Thomas s'appuie sur le texte suivant: "...homo liber, qui suimet et non
alterius causa est."
[7]
Cf. Pot. 3, 9, obj. 25. Cf. aussi De causis, Prop. 1
[8]
L'йdition Marietti ajoute la citation.
[9]
Mкme sed contra en Ia, 105, 5. Ce mкme verset sert а dйmontrer la prйsence de
Dieu en toutes choses (Ia, qu. 8, a. 1). La vulgate omet in.
[10]
Aristote n° 116, Thomas n° 175.
[11]
Sur la conservation voir Pot. 5, 1, et Ia, 104.
[12]
Thomas prйcise dans le Compendium I, 135: "Par essence, dans la mesure oщ
кtre de quelque maniиre est une certaine participation а l'esse divin, et ainsi
l'essence divine est prйsente а tout existant, dans la mesure oщ il a l'кtre cause
de l'effet propre [comme cause d'кtre, Ia, 8, 3], par puissance, dans la mesure
oщ tout agit dans son pouvoir [dans la mesure oщ tout est soumis а son
pourvoir, Ia, 8, 3], par prйsence ensuite, dans la mesure oщ lui-mкme ordonne
et dispose tout sans intermйdiaire [dans la mesure oщ tout est nu et dйcouvert
а sa vue, [Ia, qu. 8, a. 3].
[13]
Cf. Averroиs, Mйtaphysique IX,
comment. 7 et 12, comment. 18. Cf. CG. III, 69, § 1
[14]
Position des Musulmans: CG. III, 65 Dernier §. "Pour affirmer que le monde
a besoin de Dieu pour кtre conservй dans l'кtre, ils ont prйtendu que toutes
les formes йtaient accidentelles, et qu'un accident ne dure deux instants, et
qu'ainsi le formation des кtres est en perpйtuel devenir, comme si les кtres
n'avaient pas besoin de cause efficiente que dans leur devenir".
[15]
Cf. L'occasionalisme a йtй repris par la suite par Ockham, Malebranche, etc.
[16]
Ces paragraphes dйveloppent ce qu'il a dit en II Sent., d1qu4: "Cette
position est stupide parce qu'elle dйtruit l'ordre de l'univers, l'opйration
propre chez les кtres et elle va contre le jugement des sens."
[17]
Il s'agit de la Sunaugeia platonicienne, c'est-а-dire la thйorie de la
rencontre des rayons йmanant de l'objet extйrieur et des rayons venant de
l'oeil (Timйe, 45 b–46 c et 67 c - 68
d). (Claudel thomiste p. 108)
[18]
Cf. Ia, qu. 105, a. 5, resp.: "Les puissances d'action qui se trouvent
dans les choses leur seraient attribuйs en vain si elles n'opйraient rien par
elles. Bien plus toutes les crйatures paraоtraient vaines d'une certaine
maniиre si elles йtaient privйes de leur propre opйration, puisque tout est en
vue de son opйration. Car toujours l'imparfait est en vue d'un plus parfait.
Donc de mкme que la matiиre est en vue de la forme, la forme qui est l'acte premier
est en vue de son opйration qui est l'acte second et ainsi l'opйration est la
fin de la crйature." Conclusion: Dieu n'opиre pas а la place des choses.
Il leur permet d'agir.
[19]
Salomon Ibn Gabirol vers 1021-1058). Cf. De substantii separatis dont certains
chapitres lui sont consacrйs.
[20] Aristote n° 598, Thomas
lect. n° 786 – n° 785, – Aristote n° 609, Thomas n° 795.
[21]
La distinction de l'opйration et celle de la nature: "La substance se
prend, sinon en grand nombre d'acceptions, du moins en quatre principales: on
pense d'ordinaire, en effet, que la substance de chaque кtre est soit quidditй,
soit l'universel, soit le genre, soit en quatriиme le sujet." Mйtaphysique VII, 3, 1028 a 33 (Thomas:
7, lectio 2, Ar. 568, Th. 1270-1275) (quidditй 7, 4-6,et 10-12, universel
13-14, sujet 7, 3 et 13-14 (Tricot p. 352).
Thomas
n° 1270: la substance a au moins quatre acceptions sinon plus:
1)
L'кtre premier, c'est-а-dire la quidditй ou l'essence ou bien la nature de la
chose.
2)
Thomas 1271: "Le second mode selon l'universel est appelй substance de
l'кtre, d'aprиs l'opinion de ceux qui pensent qu'il y a des idйes, des espиces
(species), attribuйes а des choses particuliers et en sont les substances":
3)
Thomas n ° 1272: Selon que "le premier genre semble кtre la substance de
chaque chose et de cette maniиre, ils pensaient que l'un et l'йtant йtaient la
substance de toute chose, en tant que premier genre du tout".
4)
Thomas n° 1273: la substance particuliиre.
[22]
Cf. II Sent. d1q1a4 c.: "... Mais les autres causes sont comme
dйterminantes de cet кtre. Car l'кtre entier d'aucune chose ne prend son
principe d'une crйature puisque la matiиre est de Dieu seulement; mais l'кtre
est plus intime d'une chose que ce par quoi elle est dйtournйe а l'кtre....
C'est pourquoi l'opйration du crйateur atteint plus l'intime de la choses que
l'opйration des causes secondaires; et c'est pourquoi ce qui a йtй crйй cause
d'une autre crйature n'exclut pas que Dieu opиre sans intermйdiaire en toutes
choses, dans la mesure oщ son pouvoir est comme l'intermйdiaire qui relie le
pouvoir 'une cause seconde а son effet.
[23]
De causis (prop. 9 (8). "Omnis Intelligentia fixio (stabilitй) et essentia
eius est per Bonitatem puram quae est Causa prima." Remarquons que Thomas
n'admet pas d'intermйdiaire comme le laisse supposer cette affirmation et que
"Dieu" est considйrй comme Bontй suprкme comme dans le Platonisme et
aussi par Denys.
Thomas
n° 210, signale que l'affirmation de Proclus est plus universelle: "La
cause premiиre de tous les йtants est le Bien".
[24]
CG. III, 70, § 5: "...Il n'est pas superflu que Dieu puisse par lui-mкme
produire tous les effets naturels, parce qu'ils sont produits par quelques
autres causes; car cela ne vient pas de l'insuffisance du pouvoir divin, mais
de son immense bontй, par laquelle il a voulu communiquer sa ressemblance aux
crйatures. Non seulement quant а leur кtre, mais encore pour le fait qu'elles
sont des autres." Dieu communique sa ressemblance, mais aussi il accorde а
кtres d'кtre cause des autres.
Ia,
qu. 105, a. 5, obj. 2: Une seule opйration n'est pas en mкme de deux
opйrateurs, de mкme que un mouvement, unique en nombre ne peut pas кtre de deux
mobiles. Si donc l'opйration de la crйature vient de Dieu, lorsqu'elle opиre,
elle ne peut pas venir en mкme temps de la crйature. Et ainsi aucune crйature
n'opиre.". Sol. 2: Ce ne sont pas deux agents de mкme ordre. "Rien
n'empкche qu'une seule et mкme action procиde d'un agent premier et d'un agent
second. Voir CG. III, 66, § 2.
CG.
III, 66 § 3. Amplius: "de plus quand certains agents de nature diffйrente
sont ordonnйs sous un seul genre, il est nйcessaire que l'effet qui est fait en
commun par eux soit d'eux, selon quoi ils sont unis pour participer au
mouvement et а la puissance de cet agent; car plusieurs ne fait qu'un qu'en
tant qu'ils sont un; ainsi il est йvident que tous ceux qui opиrent dans une
armйe pour causer la victoire qu'ils causent selon qu'ils sont sous l'ordre du
gйnйral. il faut montrer que dans le premier le premier agent est Dieu. Donc,
comme l'кtre est l'effet commun de tous les agents car tout agent fait l'кtre
en acte, il faut qu'ils produisent cet effet en tant qu'ils sont ordonnйs au
premier agent et ils agissent dans sa puissance.".
[25]
Le libre arbitre est une puissance rationnelle et en tant que tel il a rapport
а ces contraires. Thomas donne comme exemple l'art mйdical qui concerne et la
maladie et la santй. Ici il s'agit du choix entre les diffйrentes solutions
possibles qui peuvent кtre opposйes: v.g. choisir le bien ou le mal.
[26]
"Dieu est la cause premiиre et transcendante de notre libertй et de nos
dйcisions libres, de sorte que l'acte libre est tout entier de Dieu comme cause
premiиre et tout entier de nous comme cause seconde; parce qu'il n'y a pas une
fibrille d'кtre qui йchappe а la causalitй de Dieu... pour les actes
mauvais,... pour le mal, c'est tout le contraire... Dieu n'est absolument pas
cause du mal de nos actes libres, c'est l'homme qui est la cause premiиre et
qui a l'initiative premiиre du mal moral." J. Maritain, Dieu et la
permission du mal, Оuvres.Complиtes, XII, p. 23.
Article 8: Dieu opиre-t-il dans la nature en crйant, ce qui revient а
chercher si la crйation est mкlйe а l'opйration de nature?
q. 3 a. 8 tit. 1
Octavo quaeritur utrum Deus operetur in natura creando; quod est quaerere:
utrum creatio operi naturae admiscetur. Et videtur quod sic. Et il semble que oui[1].
Objections: q. 3 a. 8 arg. 1 Per
hoc quod dicit Augustinus: apostolus, inquit, Paulus discernens interius Deum
creantem atque formantem ab operibus creaturae quae admoventur extrinsecus, de
agricultura similitudinem assumens ait: ego plantavi, Apollo rigavit, sed Deus
incrementum dedit. 1. D'aprиs ce que dit Augustin (La
Trinitй, III, 8, 14): "L'apфtre Paul distinguant l'opйration de Dieu
qui crйe et qui faзonne au dedans, des opйrations de la crйature qui agit au
dehors, en empruntant une image а l'agriculture, dit: “J'ai plantй, Apollon a
arrosй, mais Dieu a donnй l'accroissement (1 Co. 3, 6)".
q. 3 a. 8 arg. 2 Sed dices, quod creatio
accipitur ibi large pro qualibet factione.- Sed contra, Augustinus, ex
auctoritate apostoli intendit in verbis praedictis distinguere operationem
creaturae ab operatione Dei. Non autem distinguitur per creationem communiter
acceptam pro qualibet factione, quia sic etiam natura creat; aliquid enim
facit, ut ostensum est supra, art. praeced., sed non per creationem proprie
acceptam. Ergo de creatione proprie accepta oportet verba
praemissa intelligere.
2. Mais on pourrait dire que la crйation est prise ici au sens large
pour une fabrication quelconque – En sens contraire, Augustin (ibid.) par
l'autoritй de l'Apфtre, vise, dans les paroles ici rapportйes, а distinguer
l'opйration de la crйature de celle de Dieu. Mais elle n'est pas distinguйe par
une crйation au sens communйment acceptй d'une fabrication quelconque, parce
que la nature crйe aussi. Car elle agit, comme on l'a montrй а l'article
prйcйdent, mais non par crйation au sens propre. Donc il faut comprendre que
ces paroles se rapportent а la crйation au sens propre.
q. 3 a. 8 arg. 3
Praeterea, idem Augustinus subdit: sicut in ipsa vita nostra mentem
iustificando formare non potest nisi Deus, praedicare autem extrinsecus
Evangelium etiam homines possunt; ita creationem rerum visibilium Deus interius
operatur, exteriores autem operationes bonorum sive malorum Angelorum vel
hominum, vel quorumcumque animalium, ita rerum naturae adhibet, in qua creat
omnia, quemadmodum terrae agriculturam. Sed mentem nostram iustificando format creatione proprie accepta: nam
gratia per creationem dicitur esse. Ergo et creatione proprie dicta formas
naturales creat. 3. Le mкme Augustin ajoute: "De la mкme maniиre que dans notre vie
mкme, il n'y a que Dieu seul qui peut faзonner l'esprit en le justifiant, mais
annoncer l'Йvangile а l'extйrieur, mкme les hommes peuvent le faire; de la mкme
maniиre, Dieu opиre de l'intйrieur la crйation du monde visible;mais aussi les
opйrations extйrieures des anges et des hommes, bons ou mauvais, ou de tous les
animaux (...), de sorte qu'il les applique а la nature oщ il crйe tout; comme
l'agriculture pour la terre." Mais il forme notre esprit en le justifiant
par une crйation au sens propre. Car on dit que la grвce existe par crйation.
Donc il crйe les formes naturelles par crйation proprement dite[2].
q. 3 a. 8 arg. 4 Sed
dices, quod formae naturales habent causam in subiecto, non autem gratia; et
pro tanto gratia proprie creatur, non autem formae naturales.- Sed contra, ut
dicitur in Glossa Genes. I, creare est ex nihilo aliquid facere. Cum autem haec
praepositio ex quandoque importet habitudinem causae efficientis, sicut I
Corinth., VIII, 6: ex quo omnia, per quem omnia, quandoque autem habitudinem
causae materialis, sicut habetur Tobiae cap. XIII, 21-22: omnis circuitus
murorum eius ex lapide candido et mundo; cum dicitur aliquid ex nihilo fieri,
non negatur habitudo causae efficientis (quia sic Deus rerum creatarum causa
efficiens non esset), sed negatur habitudo causae materialis. Formae autem
naturales habent in subiectis causas efficientes, per quod differunt a gratia;
habent etiam et materiam in qua, quod et gratiae competit. Non ergo magis
competit ratio creationis gratiae quam naturalibus formis, per hoc quod est
habere causam in subiecto.
4. Mais on pourrait dire que les formes naturelles ont leur cause dans
le substrat mais pas la grвce, et pour autant celle-ci est crййe au sens
propre, mais pas les formes naturelles. – En sens contraire, comme on le dit
dans la Glose de Gn 1, 1: "Crйer c'est faire quelque chose de rien[3]."
Comme cette prйposition “ex” ('de') apporte quelquefois une relation de cause
efficiente comme en 1 Co. 8, 6: "Tout vient de lui, tout est par lui",
quelquefois aussi une relation de la cause matйrielle, comme on le trouve en
Tobie 13, 21 - 22: "Tout le tour de ses murs: de (ex) pierre blanche et
pure", quand on dit que quelque chose est fait de rien, on ne nie pas la
relation а la cause efficiente, (sinon Dieu ne serait pas la cause efficiente
des crйatures), mais on nie la relation а la cause matйrielle. Mais les formes
naturelles ont dans leur substrat des causes efficientes par le fait qu'elles
diffиrent de la grвce. Elles ont aussi une matiиre dans laquelle (elles sont),
ce qui convient aussi а la grвce. Donc la crйation ne convient pas plus а la
grвce qu'aux formes naturelles, par le fait d'avoir une cause dans le substrat.
q. 3 a. 8 arg. 5
Praeterea, formae artificiales non habent causam in subiecto, sed sunt
totaliter ab extrinseco. Si ergo gratia propter hoc creari dicitur quia non
habet causam in subiecto, pari ratione formae accidentales artificiales
creabuntur. 5. Les formes artificielles n'ont pas de cause dans le substrat, mais
elle viennent totalement de l'extйrieur. Donc si on dit que la grвce est crййe
parce qu'elle n'a pas de cause dans le substrat, а raison йgale les formes
accidentelles artificielles seront crййes.
q. 3 a. 8 arg. 6
Praeterea, id quod non habet materiam partem sui, non potest ex materia fieri.
Sed formae non habent materiam partem sui: quia forma distinguitur et contra
materiam et contra compositum, ut patet in principio secundi de anima. Cum ergo
formae fiant quia de novo esse incipiunt, videtur quod non fiant ex materia; et
sic fiunt ex nihilo, et per consequens creantur.
6. Ce qui n'a pas de partie matйrielle, ne peut кtre fait de matiиre.
Mais les formes n'ont pas de matiиre en participation, parce que la forme est
distinguйe de la matiиre et du composй, comme cela apparaоt au dйbut du livre 2
de L'вme ( 412 b 10[4]). Donc comme les formes sont faites, parce qu'elles commencent
а exister de nouveau, il semble qu'elles ne sont pas faites de matiиre, et
ainsi elles sont faites de rien et par consйquent elles sont crййes.
q. 3 a. 8 arg. 7 Sed
diceretur, quod licet formae naturales non habeant materiam partem sui ex qua
sint, habent tamen materiam in qua sunt, et pro tanto non creantur.- Sed
contra, sicut aliae formae naturales, ita et anima rationalis est forma in
materia. Sed anima rationalis creari ponitur. Ergo et similiter est de aliis
formis naturalibus ponendum.
7. Mais on pourrait dire que, bien que les formes naturelles n'aient
pas de matiиre en participation d'elles-mкmes, d'oщ elles viennent, elles ont
cependant une matiиre dans laquelle elles sont, et pour autant elles ne sont
pas crййes. – En sens contraire: comme les autres formes naturelles, l'вme
rationnelle est une forme dans la matiиre. Mais il est йtabli qu'elle est
crййe. Donc il faut le concevoir de la mкme maniиre pour les autres formes
naturelles.
q. 3 a. 8 arg. 8 Sed
dices, quod anima rationalis non educitur de materia, sicut aliae formae
naturales. Sed contra, nihil educitur de aliquo quod non est in eo. Sed ante
finem generationis forma, quae est generationis terminus, non erat in materia;
alias essent formae contrariae in materia simul. Ergo formae naturales non
educuntur de materia.
8. Mais on pourrait dire que l'вme rationnelle n'est pas tirйe de la
matiиre, comme les autres formes naturelles.– En sens contraire: rien n'est
tirй de quelque chose qui n'est pas en lui. Mais, avant la fin de la gйnйration,
la forme, qui en est le terme, n'йtait pas dans la matiиre. Autrement il y
aurait dans la matiиre en mкme temps des formes contraires. Donc les formes
naturelles ne sont pas tirйes de la matiиre.
q. 3 a. 8 arg. 9
Praeterea, forma quae est generationis terminus, non apparebat ante
generationem completam. Si ergo erat ibi, erat latens: et ita sequeretur
latitatio cuiuslibet in quolibet, quam ponebat Anaxagoras, et Aristoteles
improbat in I Phys.
9. La forme qui est le terme de la gйnйration n'apparaissait pas avant
la gйnйration complиte. Donc si elle y йtait, elle йtait cachйe, et il
s'ensuivrait ainsi un йtat latent d'une chose dans une autre, ce que professait
Anaxagore et que rejette Aristote (Physique.
I, 4, 186 b 22 - 187 a 32).
q. 3 a. 8 arg. 10
Sed dices, quod forma naturalis non existebat in materia ante completam
generationem, complete, ut Anaxagoras ponebat, sed incomplete.- Sed contra, si forma aliquo modo est in materia ante terminum
generationis, est ibi secundum aliquid sui. Si autem non est
ibi complete secundum aliquid sui, non praeexistit. Habet ergo forma aliquid et
aliquid, et sic non est simplex; cuius contrarium in principio sex principiorum
habetur.
10. Mais on pourrait dire que la forme naturelle n'existait pas
complиtement dans la matiиre avant la gйnйration complиte, comme Anaxagore le
pensait, mais de faзon incomplиte. – En sens contraire: si la forme est en
quelque maniиre dans la matiиre avant le terme de la gйnйration, elle y est
comme la partie d'elle-mкme. Mais si elle n'y est pas complиtement, elle ne
prйexiste pas comme partie. Donc la forme une chose et l'autre et ainsi, elle
n'est pas simple; on trouve le contraire au commencement des “Six principes[5]
”.
q. 3 a. 8 arg. 11
Praeterea, si non complete praeexistit in materia, et postmodum completur,
oportet quod per generationem ei adveniat complementum. Illud autem complementum in materia non
praeexistebat, quia sic fuisset ibi complete. Ergo illud complementum per
creationem erit ad minus. 11. Si elle ne prйexiste pas complиtement dans la matiиre, et qu'elle
est complйtйe ensuite, il faut que le complйment lui advienne par gйnйration.
Mais ce complйment ne prйexistait pas dans la matiиre, parce qu'il y aurait
ainsi йtй en entier. Donc ce complйment existera au moins par crйation.
q. 3 a. 8 arg. 12
Sed dices, quod praeexistebat in materia incomplete, non quidem secundum
partem, sed quia alio modo erat ante, et alio modo post: prius enim erat in
potentia, sed post est in actu.- Sed contra, ex hoc
quod aliquid alio et alio modo se habet, est alteratio, non generatio. Si ergo
per opus naturae non fit aliquid, nisi quod forma quae prius erat in potentia,
postea fit actu; sequeretur quod per operationem naturae non sit aliqua
generatio, sed alteratio sola. 12. On pourrait dire qu'elle prйexistait dans la matiиre
incomplиtement, non pas en partie, mais parce qu'elle existait d'une maniиre
diffйrente avant et aprиs: car avant, elle йtait en puissance, mais aprиs elle
est en acte. – En sens contraire, du fait que quelque chose se comporte d'une
maniиre et d'une autre, c'est un changement d'йtat, non une gйnйration. Si donc
par l'oeuvre de la nature, rien n'est fait sinon que la forme, qui йtait avant
en puissance, devient ensuite en acte, il en dйcoulerait que par une opйration de
nature il n'y aurait pas gйnйration mais changement d'йtat seulement.
q. 3 a. 8 arg. 13
Praeterea, in natura inferiori non invenitur aliquod activum principium, nisi
accidens: nam ignis agit per calorem, qui est accidens; et similiter de aliis.
Sed accidens non potest esse causa activa formae substantialis, quia nihil agit
ultra suam speciem; effectus autem non praeeminet causae, cum tamen forma
substantialis praeemineat accidenti. Ergo forma substantialis non producitur
per actionem naturae inferioris; et ita oportet quod sit per creationem.
13. Dans la nature infйrieure, on ne trouve comme principe actif que
l'accident; car le feu agit par la chaleur, qui est un accident, et de mкme
pour les autres choses. Mais l'accident ne peut кtre la cause active de la
forme substantielle, parce que rien n'agit au-delа de son espиce; l'effet ne
l'emporte pas sur la cause, encore que cependant la forme substantielle
l'emporte sur l'accident. Donc la forme substantielle n'est pas produite par
l'action d'une nature infйrieure, et ainsi il faut qu'elle existe par crйation.
q. 3 a. 8 arg. 14
Praeterea, imperfectum non potest esse causa perfecti. Sed in semine bruti
animalis non est vis animae nisi imperfecte. Ergo anima bruti non producitur
per actionem naturalem virtutis seminalis; et ita oportet quod sit per
creationem et pari ratione omnes aliae formae naturales. 14. L'imparfait ne peut pas кtre cause du parfait. Mais la force de
l'вme n'est dans la semence de l'animal qu'imparfaitement. Donc l'вme de
l'animal n'est pas produite par l'action naturelle du pouvoir sйminal et ainsi
il faut qu'elle existe par crйation, et а raison йgale, toutes les autres
formes naturelles[6].
q. 3 a. 8 arg. 15
Praeterea, illud quod non est animatum nec vivum, non potest esse causa rei animatae
viventis. Sed animalia quae generantur ex putrefactione, sunt res animatae
viventes; non autem inveniuntur in natura aliqua viventia, a quibus eis vita
conferatur. Ergo oportet quod eorum animae sint per creationem a primo vivente,
et pari ratione aliae formae naturales. 15. Ce qui n'est ni animй, ni vivant ne peut кtre cause d'un кtre animй
vivant. Mais les animaux qui naissent de la putrйfaction sont des кtres animйs
vivants; et on ne trouve pas dans la nature des кtres vivants par lesquels la
vie leur est confйrйe. Donc il faut que leurs вmes existent par crйation а
partir du premier vivant et а raison йgale les autres formes naturelles.
q. 3 a. 8 arg. 16
Praeterea, natura non agit nisi sibi simile. Sed aliqua res naturalis invenitur
generari, cuius similitudo in generante non praecessit. Mulus enim neque equo,
neque asino est similis in specie. Ergo forma muli non est per actionem
naturae, sed per creationem; et sic idem quod prius.
16. La nature ne fait que du semblable а elle-mкme. Mais on trouve un
кtre naturel engendrй, dont la ressemblance ne l'a pas prйcйdй dans celui qui
engendre. La mulet en effet, n'est semblable en espиce, ni au cheval ni а
l'вne. Donc la forme du mulet ne vient pas de l'action de la nature, mais par
crйation et ainsi de mкme que plus haut.
q. 3 a. 8 arg. 17
Praeterea, Augustinus dicit in Lib. de vera Relig., quod res naturales formis
suis formatae non essent, nisi esset aliquid primum unde formarentur. Hoc autem est ipse Deus. Ergo omnes formae sunt per
creationem a Deo. 17. Augustin dit (La vraie
religion, Le libre arbitre, II, 17) que les кtres naturels ne seraient mis
en forme que s'il y avait quelque кtre premier qui les forme. Mais celui-ci,
c'est Dieu mкme. Donc toutes les formes viennent de la crйation de Dieu.
q. 3 a. 8 arg. 18
Praeterea, Boetius dicit, quod ex formis quae sunt sine materia, venerunt
formae quae sunt in materia. Formae autem quae sunt sine materia, non possunt
intelligi in proposito, nisi ideae rerum in mente divina existentes. Nam
Angeli, qui possunt dici sine materia formae non sunt causae formarum
naturalium, ut patet per Augustinum. Ergo formae naturales non sunt per
actionem naturae, sed a datore creante. 18. Boиce dit (La Trinitй) que les formes qui sont dans la matiиre sont
venues des formes sans matiиre. Mais les formes sans matiиre ne peuvent кtre
comprises que dans l'hypothиse oщ les idйes des choses existent dans l'esprit
divin. Car les anges, qui peuvent кtre appelйs des formes sans matiиre, ne sont
pas causes des formes naturelles, comme Augustin le montre (La Trinitй III, 8
et 9). Donc les formes naturelles ne dйpendent pas de l'action de la nature,
mais d'un donneur qui les crйe.
q. 3 a. 8 arg. 19
Praeterea, in libro de causis, dicitur, quod esse est per creationem. Hoc autem
non esset nisi formae crearentur: nam forma est essendi principium. Ergo formae
sunt per creationem: ergo Deus in materia operatur aliquid creando, scilicet
ipsas formas. 19. Dans le Livre des Causes
(prop. 18), il est dit que l'кtre existe par crйation. Mais cela ne serait
possible que si les formes йtaient crййes, car la forme est le principe d'кtre.
Donc les formes existent par crйation; et Dieu opиre dans la matiиre en crйant
quelque chose, c'est-а-dire les formes elles-mкmes.
q. 3 a. 8 arg. 20
Praeterea, id quod est per se, est causa eius quod non est per se. Sed formae rerum naturalium non sunt per se, sed
sunt in materia. Ergo earum causa est forma per se stans; et ita oportet quod
formae naturales sint per creationem ab agente extrinseco; et sic videtur quod
Deus in natura operetur, formas creando. 20. Ce qui est par soi est cause de ce qui ne l'est pas. Mais les
formes des кtres naturels ne sont pas par soi mais sont dans la matiиre. Donc
leur cause est une forme qui demeure par soi et de mкme qu'il faut que les
formes naturelles soient crййes par un agent extйrieur, de mкme il semble que
Dieu opиre dans la nature en crйant les formes.
En sens contraire: q. 3 a. 8 s. c. 1
Sed contra. Opus creationis distinguitur ab opere gubernationis et
propagationis. Quod autem actione naturae agitur, pertinet ad opus
gubernationis et ad rerum propagationem. Ergo creatio operi naturae non
admiscetur. 1.On distingue l'oeuvre de la crйation de celle du gouvernement et de
la propagation[7]. Mais ce qui est fait par l'action de la nature, convient а
l'oeuvre du gouvernement et de la propagation. Donc la crйation n'est pas mкlйe
а l'opйration de la nature.
q. 3 a. 8 s. c. 2
Praeterea, nihil potest creare nisi solus Deus. Si ergo formae sunt per
creationem, non erunt nisi a Deo; et sic omnis actio naturae frustrabitur,
cuius finis est forma. 2. Rien ne peut crйer, sinon Dieu seul. Si donc les formes existent par
crйation, elles n'existeront que par Dieu; et ainsi toute l'action de la
nature, dont la fin est la forme, sera vaine.
q. 3 a. 8 s. c. 3
Praeterea, sicut forma substantialis non habet materiam partem sui, ita nec
accidentalis. Si ergo propter hoc formas substantiales oportet esse per
creationem, quia non habent materiam, pari ratione et formae accidentales. Sicut autem res generata perficitur per formam
substantialem, ita fit dispositio per formam accidentalem. Ergo res naturalis
nullo modo erit generans, neque sicut perficiens neque sicut disponens; et sic
cassa erit omnis naturae actio.
3. La forme substantielle n'a pas de matiиre en participation, la forme
accidentelle non plus. Si donc, il faut que les formes substantielles soient
crййes, parce qu'elles n'ont pas de matiиre, а raison йgale les formes
accidentelles aussi. Mais de la mкme maniиre que ce qui est engendrй est achevй
par la forme substantielle, de mкme la disposition est faite par la forme
accidentelle. Donc l'кtre naturel n'engendrera en aucune maniиre, ni en
achevant, ni en disposant. Et ainsi toute action de la nature sera vaine.
q. 3 a. 8 s. c. 4
Praeterea, natura est ex similibus similia procreans. Sed generatum invenitur simile generanti secundum
speciem et formam. Ergo ipsa forma generati fit per actionem generantis, et non
per creationem.
4. La nature procrйe du semblable а partir du semblable. Mais on trouve
que l'engendrй est semblable а celui qui l'engendre, selon l'espиce et la
forme. Donc la forme mкme de l'engendrй est faite par l'action de celui qui
engendre, et non par crйation.
q. 3 a. 8 s. c. 5
Praeterea, diversorum agentium actiones non terminantur ad unum effectum. Sed
ex materia et forma fit unum simpliciter. Ergo non potest esse quod sit aliud
agens quod disponit materiam et quod inducit formam. Disponens autem materiam,
est agens naturale. Ergo et inducens formam; et sic formae non sunt per
creationem, et ita creatio non admiscetur operibus naturae. 5. Les actions des divers agents ne se terminent pas а un seul effet.
Mais l'unitй vient simplement de la matiиre et de la forme. Donc il est
impossible que ce soit un agent diffйrent qui dispose la matiиre et qui induit
la forme. Mais en disposant la matiиre, il est agent naturel. Donc en induisant
la forme aussi, et de mкme que les formes n'existent pas par crйation, de mкme
la crйation n'est pas mкlйe aux oeuvres de la nature.
Rйponse: q. 3
a. 8 co. Respondeo. Dicendum, circa istam quaestionem diversae fuerunt
opiniones. Quarum omnium videtur radix fuisse unum et idem principium, secundum
quod natura non potest ex nihilo aliquid facere. A propos de cette question les opinions ont йtй diverses. La racine de
toutes semble avoir йtй un seul et mкme principe: la nature ne peut rien faire
de rien.
Ex hoc enim aliqui crediderunt quod nulla res fieret aliter nisi per
hoc quod extrahebatur a re alia in qua latebat, sicut de Anaxagora narrat philosophus,
qui ex hoc videtur fuisse deceptus, quia non distinguebat inter potentiam et
actum; putabat enim oportere quod actu praeextiterit illud quod generatur.
Oportet autem quod praeexistat potentia et non actu; si enim non praeexisteret
potentia, fieret ex nihilo; si vero praeexisteret actu, non fieret: quia quod
est, non fit.
A. Car а partir de lа, certains ont cru que rien n'йtait faite
autrement qu'en йtant tirй d'une chose en qui elle йtait cachйe, comme le
philosophe le raconte d'Anaxagore[8] (Physique,
I, 4, 187 a 26), qui semble avoir йtй trompй parce qu'il ne distinguait pas la
puissance et l'acte. Car il pensait qu'il fallait que ce qui est engendrй
prйexiste en acte. Il faut aussi qu'il prйexiste en puissance et non en acte.
Car s'il ne prйexistait pas en puissance, il serait fait de rien, mais s'il
prйexistait en acte, il ne serait pas fait, parce que ce qui est ne se fait pas
.
Sed quia res generata est in potentia per materiam, et in actu per suam
formam; posuerunt aliqui, quod res fiebat quantum ad formam materia
praeexistente. Et quia operatio naturae non potest esse ex nihilo, et per
consequens oportet quod sit ex praesuppositione, non operabatur, secundum eos,
natura, nisi ex parte materiae disponendo ipsam ad formam. Formam vero, quam
oportet fieri et non praesupponi, oportet esse ex agente qui non praesupponit
aliquid, sed potest ex nihilo facere: et hoc est agens supernaturale, quod
Plato posuit datorem formarum. Et hoc Avicenna dixit esse intelligentiam
ultimam inter substantias separatas. B. Mais parce qu'un кtre engendrй est en puissance par la matiиre, et
en acte par sa forme, certains ont pensй qu'il йtait fait, quant а sa forme
avec une matiиre prйexistante. Et parce que l'opйration de nature ne peut pas
exister а partir de rien, et que par consйquent, il faut qu'elle vienne de
quelque chose de prйsupposй, la nature n'opйrait selon eux, qu'а partir d'une
partie de la matiиre, en la disposant а la forme. Mais il faut que la forme,
qui doit кtre faite et non prйsupposйe, vienne d'un agent qui ne prйsuppose
rien, mais peut la faire de rien. Et c'est un agent surnaturel que Platon a
йtabli comme donneur de formes. Et Avicenne a dit que c'йtait la derniиre
intelligence parmi les substances sйparйes.
Quidam vero moderni eos sequentes, dicunt hoc esse Deum. Hoc autem
videtur esse inconveniens. Quia cum unumquodque natum sit simile sibi agere
(nam unumquodque agit in eo quod actu est, hoc scilicet quod est in potentia id
quod agendum est), non requireretur similitudo secundum formam substantialem in
agente naturali, nisi forma substantialis geniti esset per actionem agentis. Ex
quo etiam id quod in genito acquirendum est, actu in generante naturali
invenitur, et unumquodque agit secundum quod actu est; inconveniens videtur,
hoc generante praetermisso, aliud exterius inquirere. C. Certains modernes[9] qui les suivent disent que c'est Dieu. Mais
cela ne paraоt pas convenir. Parce que, comme chaque chose est destinйe а faire
du semblable а soi[10] (car elle agit en ce qui est en acte, car il va de soi
que ce qui est en puissance est ce qui doit кtre fait), la ressemblance ne
serait requise pour la forme substantielle dans l'agent naturel que si celle de
l'engendrй venait de l'action de l'agent. D'oщ ce qui doit кtre acquis dans
l'engendrй, c'est ce qui se trouve en acte dans le gйniteur naturel. Chacun
agit selon qu'il est en acte; recourir а un agent extйrieur sans tenir compte
de ce qui engendre, ne semble pas convenir.
Unde sciendum est, quod istae opiniones videntur provenisse ex hoc quod
ignorabatur natura formae, sicut et primae provenerunt ex hoc quod ignorabatur
natura materiae. Forma enim naturalis non dicitur univoce esse cum re generata.
Res enim naturalis generata dicitur esse per se et proprie, quasi habens esse,
et in suo esse subsistens; forma autem non sic esse dicitur, cum non subsistat,
nec per se esse habeat; sed dicitur esse vel ens, quia ea aliquid est; sicut et
accidentia dicuntur entia, quia substantia eis est vel qualis vel quanta, non
quod eis sit simpliciter sicut per formam substantialem: unde accidentia magis
proprie dicuntur entis, quam entia, ut patet in Metaphys.
D. C'est pourquoi il faut savoir que ces opinions paraissent provenir
de ce que la nature de la forme йtait ignorйe, de mкme que les premiиres
opinions provenaient de ce que la nature de la matiиre йtait ignorйe. Car on ne
dit pas que la forme naturelle est univoque avec ce qui est engendrй. Mais on
dit que la chose naturelle engendrйe est par soi et proprement, comme ayant
l'кtre, et subsistante en soi, mais on ne dit pas que ce n'est pas ainsi
qu'existe la forme, puisqu'elle ne subsiste pas, et qu'elle n'a pas l'кtre par
soi. Mais on l'appelle кtre ou йtant, parce qu'elle est quelque chose, de mкme
qu'on appelle les accidents des йtants, parce que la substance pour eux est
qualitй ou grandeur, non parce qu'elle existe absolument pour eux, comme par
une forme substantielle; c'est pourquoi les accidents sont plus proprement
appelйs accidents de l'йtant que des йtants, comme cela apparaоt en Mйtaphysique VII, 1, 1028 a 35 - b 1[11]
Unumquodque autem factum, hoc modo dicitur fieri quo dicitur esse. Nam
esse est terminus factionis: unde illud quod proprie fit per se, compositum
est. Forma autem non proprie fit, sed est id quod fit, id est per cuius
acquisitionem aliquid dicitur fieri. Nihil ergo obstat per hoc quod dicitur
quod per naturam ex nihilo nihil fit, quin formas substantiales, ex operatione
naturae esse dicamus. Nam id quod fit, non est forma, sed compositum; quod ex
materia fit, et non ex nihilo. Et fit quidem ex materia, in quantum materia est
in potentia ad ipsum compositum, per hoc quod est in potentia ad formam. Et sic
non proprie dicitur quod forma fiat in materia, sed magis quod de materiae
potentia educatur.
On dit que chaque chose faite est faite de la maniиre par laquelle on
la dit кtre. Car l'кtre est le terme du faire: c'est pourquoi ce qui est fait
proprement par soi est composй. Mais la forme n'est pas faite а proprement
parler, mais elle est ce qui est fait, c'est-а-dire par l'acquisition de ce
dont on dit qu'elle est faite[12]. Donc rien n'empкche, du fait qu'on dit que
rien n'est fait de rien par nature, de dire que les formes substantielles
viennent de l'opйration de la nature. Car ce qui est fait, ce n'est pas la
forme, mais le composй, qui est fait de matiиre et non de rien. C'est fait de
matiиre, dans la mesure oщ celle-ci est en puissance pour ce composй mкme,
parce qu'elle est en puissance pour la forme. Et ainsi ce n'est pas proprement
qu'on dit que la forme est faite dans la matiиre, mais elle est plutфt tirйe de
la puissance de la matiиre.
Ex hoc autem ipso quod compositum fit, et non forma, ostendit
philosophus, quod formae sunt ex agentibus naturalibus: nam, cum factum
oporteat esse simile facienti, ex quo id quod factum est, est compositum,
oportet id quod est faciens, esse compositum, et non forma per se existens, ut
Plato dicebat; ut sic sicut factum est compositum, quo autem fit, est forma in
materia in actum reducta; ita generans sit compositum, non forma tantum; sed forma
sit quo generat: forma, inquam, in hac materia existens, sicut in his carnibus
et in his ossibus et in aliis huiusmodi.
Du fait que c'est le composй qui est fait et non la forme, le
philosophe montre (Mйtaphysique VII,
8, 1033 a 24 - b 8 – 8, 1034 b 7-16[13]):que les formes proviennent des agents
naturels. Car, comme ce qui est fait doit ressembler а ce qui le fait, du fait
qu'il a йtй fait, il est composй, il faut que celui qui le fait soit composй et
non une forme existante en soi, comme Platon le disait, de sorte que, de mкme
que ce qui a йtй fait est un composй, par quoi il est fait, il y a une forme
dans la matiиre ramenйe а l'acte; de mкme celui qui engendre serait un composй
et non une forme seulement. Mais la forme serait par quoi il engendre; la
forme, dis-je, qui existe dans cette matiиre, comme dans ces chairs et ces
os[14], etc..
Solutions: q. 3 a. 8 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ex verbis Augustini in operibus naturae creatio Deo
attribuitur ratione virtutum naturalium, quas in principio materiae indidit per
opus creationis, non quod in quolibet naturae opere aliquod creetur. # 1. Par ces paroles d'Augustin, la crйation, dans les opйrations de
nature, est attribuйe а Dieu, en raison des pouvoirs naturels qu'il a
introduits au commencement de la matiиre[15] par l'oeuvre de crйation, non
parce qu'il crйe quelque chose dans n'importe quelle oeuvre de nature.
q. 3 a. 8 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod creatio proprie accipitur in verbis Augustini; non
tamen referenda est ad effectus naturae, sed ad virtutes quibus natura operatur;
quae per opus creationis naturae sunt inditae. # 2. Dans ces paroles, Augustin prend la crйation au sens propre; elles
ne doivent pas cependant кtre rapportйes aux effets de nature, mais aux
pouvoirs par lesquels la nature opиre, qui sont introduits dans la nature par
l'opйration de la crйation.
q. 3 a. 8 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod gratia, cum non sit forma subsistens, nec esse nec fieri
ei proprie per se competit: unde non proprie creatur per modum illum quo substantiae
per se subsistentes creantur. Infusio tamen gratiae accedit ad rationem
creationis in quantum gratia non habet causam in subiecto, nec efficientem, nec
talem materiam in qua sit hoc modo in potentia, quod per agens naturale educi
possit in actum, sicut est de aliis formis naturalibus. # 3. Il ne convient pas а la grвce, puisqu'elle n'est pas une forme
subsistante, d'exister ni d'кtre faite rйellement par soi. C'est pourquoi, elle
n'est pas proprement crййe а la maniиre dont les substances subsistantes par
soi sont crййes. Cependant l'infusion de la grвce touche а la notion de
crйation, dans la mesure oщ elle n'a pas de cause efficiente dans le sujet, ni
telle matiиre en laquelle elle serait ainsi en puissance, ce qui pourrait кtre
amenйe а l'acte par l'agent naturel comme pour les autres formes naturelles.
q. 3 a. 8 ad 4 Unde patet solutio ad quartum. Nam cum dicitur aliquid fieri ex nihilo, negatur causa materialis. Hoc
vero aliquo modo ad carentiam materiae pertinet, quod aliqua forma de naturali
materiae potentiae educi non potest.
# 4. Ainsi paraоt la solution а la 4e objection. Car, lorsqu'on dit que
quelque chose est fait de rien, on nie la cause matйrielle. Qu'une forme ne
puisse pas кtre tirйe de la puissance naturelle de la matiиre, cela concerne,
d'une certaine maniиre, une carence de la matiиre.
q. 3 a. 8 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod licet in natura non inveniatur principium efficiens
respectu formarum artificialium, tamen huiusmodi formae non excedunt naturae
ordinem, sicut gratia; immo infra subsistunt, quia omne naturale est nobilius
quam artificiale.
# 5. Quoiqu'on ne trouve pas dans la nature de principe efficient en
rapport avec les formes artificielles, cependant de telles formes ne dйpassent
pas l'ordre de la nature, comme la grвce. Bien au contraire, elles se situent
au-dessous, parce que ce qui est naturel est plus noble que ce qui est
artificiel.
q. 3 a. 8 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod ex hoc quod forma non habet materiam partem sui,
sequeretur quod ei creari competeret, ei proprie fieri posset sicut res per se
subsistens. # 6. Il dйcoulerait, du fait que la forme n'a pas de partie matйrielle,
qu'il lui conviendrait d'кtre crййe, cela pourrait а proprement parler кtre
fait comme une choses subsistante par soi.
q. 3 a. 8 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod licet anima rationalis habeat materiam in qua sit, non
tamen educitur de potentia materiae, cum eius natura supra omnem materialem
ordinem elevetur: quod eius intellectualis operatio declarat. Et iterum haec
forma est res per se subsistens, cum corrupto corpore, maneat. #7. Bien que l'вme rationnelle ait une matiиre en laquelle elle se
situe, elle ne sort cependant pas de la puissance de la matiиre, puisque sa
nature s'йlиve au-dessus de tout l'ordre de la matiиre, ce que montre son
opйration intellectuelle. Et de plus cette forme est une chose subsistante en
soi, puisqu'elle demeure aprиs la corruption du corps.
q. 3 a. 8 ad 8 Ad octavum dicendum, quod forma,
quae est generationis terminus, erat in materia ante generationem completam,
non in actu, sed in potentia. Non est autem inconveniens duorum
contrariorum unum esse actu et aliud in potentia. # 8. La forme, qui est le terme de la gйnйration, йtait dans la matiиre
avant la gйnйration complиte, non en acte mais en puissance. Mais il n'y a pas
d'inconvйnient que l'un des deux contraires soit en acte et l'autre en
puissance.
q. 3 a. 8 ad 9 Et per hoc patet responsio ad
nonum. Nam Anaxagoras non ponebat formas actu praeexistere
in materia, sed latere. # 9. Et par lа apparaоt la rйponse а la 9e objection. Car Anaxagore ne
pensait pas que les formes prйexistaient en acte dans la matiиre mais qu'elles
y йtaient cachйes.
q. 3 a. 8 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod forma praeexistit in materia imperfecte; non quod aliqua
pars eius sit ibi in actu, et alia desit; sed quia tota praeexistit in
potentia, et postmodum tota producitur in actu. # 10. La forme prйexiste dans la matiиre de faзon imparfaite, non parce
qu'une de ses parties y est en acte et que l'autre manque, mais parce qu'elle prйexiste
tout entiиre en puissance et ensuite elle est amenйe toute entiиre а acte.
q. 3 a. 8 ad 11 Et
per hoc etiam patet responsio ad undecimum; patet enim quod non perficitur esse
formae in materia alio exteriori addito, quod in potentia materiae non esset. # 11. Et par lа paraоt la rйponse а la 11e objection, car il est clair
que l'кtre de la forme dans la matiиre n'est pas achevй par une chose
extйrieure ajoutйe, qui ne serait pas dans la puissance de la matiиre.
q. 3 a. 8 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod esse in potentia et esse in actu non dicunt diversos
modos accidentales, ex quorum diversitate alteratio proveniat, sed
substantiales. Nam etiam substantia dividitur per potentiam et actum, sicut et
quodlibet aliud genus. # 12. L'кtre en puissance et l'кtre en acte n'indiquent pas diffйrents
modes accidentels de la diversitй desquelles proviendraient l'altйration, mais
ils indiquent des modes substantiels. Car la substance aussi se divise en
puissance et en acte, comme n'importe quel autre genre.
q. 3 a. 8 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum quod forma accidentalis agit in virtute formae
substantialis quasi instrumentum eius; sicut etiam in II de anima calor ignis
dicitur esse instrumentum virtutis nutritivae; et ideo non est inconveniens, si
actio formae accidentalis ad formam substantialem terminetur. # 13. La forme accidentelle agit dans le pouvoir de la forme
substantielle comme son instrument. Ainsi, on dit dans le livre De L'вme (II,
4, 416 a 10[16]) que la chaleur du feu est l'instrument du pouvoir nutritif,
c'est pourquoi il n'y a pas d'inconvйnient si l'action d'une forme accidentelle
se termine а la forme substantielle.
q. 3 a. 8 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod etiam in semine calor seminis agit ut
instrumentum virtutis animae, quae est in semine: quae quidem licet imperfecta
sit, tamen est impressio quaedam animae perfectae relicta: est enim in semine
ab anima generantis, et agit etiam in virtute corporis caelestis cuius est
quasi instrumentum; et propter hoc non dicitur quod semen generet, sed quod
anima et sol. # 14. La chaleur de la semence agit aussi en celle-ci comme
l'instrument du pouvoir de l'вme qui est en elle. Quoiqu'elle soit imparfaite,
cependant elle est l'empreinte laissйe par une вme parfaite. Car elle est dans
la semence par l'вme de celui qui engendre et elle agit aussi dans le pouvoir
du corps cйleste dont elle est comme l'instrument et а cause de cela on ne dit
pas que la semence engendre, mais que c'est l'вme et le soleil qui engendrent.
q. 3 a. 8 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod animalia generata ex putrefactione sunt minoris
perfectionis aliis animalibus; unde in eorum generatione efficit vis caelestis
corporis inferiori materiae impressa, quod in generatione animalium perfectorum
facit eadem vis caelestis cum virtute seminis.
# 15. Les animaux engendrйs
de la putrйfaction sont d'une moindre perfection que les autres. C'est pourquoi
dans leur gйnйration, la puissance d'un corps cйleste imprimйe dans une matiиre
infйrieure, produit ce que dans la gйnйrations des animaux parfaits la mкme
force cйleste accomplit avec le pouvoir de la semence.
q. 3 a. 8 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet mulus non sit similis equo vel asino in
specie, est tamen similis in genere proximo: ratione cuius similitudinis ex diversis
speciebus sua species, quasi media generatur.
# 16. Bien que le mulet ne soit semblable ni au cheval ni а l'вne selon
l'espиce, il est cependant semblable (parce que) dans un genre trиs proche. En
raison de cette ressemblance, son espиce est engendrйe d'espиces diffйrentes,
pour ainsi dire intermйdiaires.
q. 3 a. 8 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod sicut virtus divina, scilicet primum agens, non
excludit actionem virtutis naturalis, ita nec prima exemplaris forma, quae est
Deus, excludit derivationem formarum ab aliis inferioribus formis, quae ad sibi
similes formas agunt. # 17. De mкme que le pouvoir divin, c'est-а-dire le premier agent
n'exclut pas l'action d'un pouvoir naturel, de mкme, la premiиre forme
exemplaire, qui est Dieu, n'exclut pas l'йmanation des formes d'autres formes
infйrieures, qui agissent pour des formes qui leur sont semblables.
q. 3 a. 8 ad 18 Et per hoc patet responsio ad
decimumoctavum. Nam Boetius, intelligit formas quae sunt in materia, provenire
ex formis quae sunt sine materia, sicut a primis exemplaribus, non sicut a
proximis.
# 18. Et ainsi apparaоt la rйponse а la 18e objection car Boиce (loc.
cit.) comprend que les formes qui sont dans la matiиre proviennent des formes
sans matiиres, comme si elles venaient des premiers exemplaires, mais pas comme
des plus proches.
q. 3 a. 8 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod esse per creationem dicitur, in quantum omnis causa
secunda dans esse, hoc habet in quantum agit in virtute primae causae creantis;
cum esse sit primus effectus nihil aliud praesupponens. # 19. On parle d'exister par crйation, dans la mesure oщ toute cause
seconde qui donne l'кtre, a ce pouvoir, en tant qu'elle agit dans celui de la
cause premiиre crйatrice, puisque l'кtre est le premier effet qui ne prйsuppose
rien d'autre.
q. 3 a. 8 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod forma naturalis, quae est in materia, non potest
reduci ad formam per se existentem eiusdem speciei, cum forma naturalis habeat
materiam in sui ratione; sed reducitur ad formam per se existentem, sicut
dictum est. # 20. La forme naturelle, qui est dans la matiиre, ne peut кtre ramenйe
а une forme d'une mкme espиce, existant par soi, puisque elle possиde la
matiиre dans sa nature, mais elle est ramenйe а une forme qui existe par soi,
comme on l'a dit.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: Ia, qu. 45, a. 8 – II Sent. d1q1a3, ad 5, - a4, ad 4 - Mйtaphysique VII, lectio 7.
[2]
Car la grвce existe par crйation. Il y a de la part de l'objecteur une
assimilation abusive de la grвce et des formes naturelles.
[3]
Cette glose de Gn. 1, 1, revient plusieurs fois. Cette analyse du sens de “ex”
complиte celle qui se trouve qu. 3, a. 1 sol..
[4]
De anima, II, 412 a 3: "En un premier sens, la substance c'est la matiиre,
c'est-а-dire ce qui, par soi, n'est pas tel кtre dйterminй, en un deuxiиme
sens, c'est la figure et la forme, qui dиs lors valent а la matiиre d'кtre
appelйe tel кtre dйterminй, en un troisiиme sens, c'est le composй des deux
principes." (Cf. Mйtaphysique V,
8, 1017 b 10 ss. et 12 (L) 1, 1069 a 18 ss. (Thomas n° 215 en Physique- De anima II, 414 a 15: "...La
substance, avons-nous dit, peut se prendre en trois sens, d'une part la forme,
de l'autre la matiиre, enfin le composй (la matiиre йtant puissance, la forme
entйlйchie)" (Cf. Thomas 275).
[5]
Оuvre de Gilbert de la Porйe.
[6]
Cf. a. 12, ci-aprиs.
[7]
L'oeuvre de propagation est l'oeuvre de la nature. (Cf. Ia, au. 45, a. 8.
Augustin les distingue (La Genиse au sens
littйral, V, XI, 27): "...aliter operatur Deus omnes creaturas prima
conditione a quibus operibus in die septem requievit, aliter ista eorum
administratione, qua usque nunc operatur..."
[8]
"Suivant Anaxagore, tout йtait mйlangй а l'exception de l'Intelligence qui
йtait seule pure et sans mйlange." (Mйtaphysique,
989 b 15, p. 73.)
[9]
Cf. Ia, qu. 65, a. 4, c. Autre opinion: certains hйrйtiques modernes... pensent
que la matiиre est formйe et disposйe en espиces variйes par le diable".
Cf. Ia, 45, 8 c.
[10]
"l'agent naturel produit du semblable non seulement en qualitй, mais en
espиce." (Cf. Ia, 54, 3, - qu. 77, a. 1, ad 3, ad 4, – qu. 77 a. 3, ad. 3 etc.–
qu. 115, a. 1, ad 5
[11]
Thomas n ° 1258.
[12]
Mйtaphysique VII, 8, 1033 b 7: 7: "...
la forme non plus, ou quel que soit le nom qu'il faille donner а la
configuration rйalisйe dans le sensible, n'est pas soumise au devenir, parce
que d'elle il n'y a pas gйnйration...17.... Il rйsulte maintenant...que ce
qu'on appelle forme ou substance n'est pas engendrй, mais que ce qui est
engendrй c'est le composй de matiиre et de forme, lequel reзoit le nom de sa
forme..." (Trad. J. Tricot) (Aristote, n° 611, Thomas, 1417-1423).
[13]
Thomas, lectio 7, 1417-1423, lectio 8, 1458. Conclusion de Thomas, Ia, qu. 65,
a. 4: "Les formes corporelles sont causйes non comme sortant d'une forme
immatйrielle, mais comme si la matiиre йtait ramenйe de la puissance а l'acte
par un agent composй".
[14]
Cf. Physique, II, 1, 193 b 1: "En
effet la chair ou l'os en puissance n'ont pas encore leur propre nature en
n'existant pas par nature, tant qu'ils n'ont pas reзu la forme de la chair et
de l'os, j'entends la forme dйfinissable, celle que nous йnonзons pour dйfinir
l'essence de la chair ou de l'os."
Rйponse
un peu diffйrente dans le De Veritate , 27, a. 3, ad 9: "...les formes
subsistantes, qu'elles soient substantielles ou accidentelles, ne sont pas а
proprement parler crййes, mais elles sont concrйes, Ainsi elles n'ont pas
l'кtre par elles-mкmes, mais dans un autre, et quoique elles n'aient pas de
matiиre d'oщ [elles viennent ex qua] qui serait une partie d'elles, elle ont
cependant la matiиre dans laquelle elles sont (in qua), et par changement elles
sont amenйes а l'кtre, de sorte qu'ainsi leur propre devenir est soumis а un
changement.". Cf. Mйtaphysique
VII, (Thomas 1423: "Les forme а proprement parler ne se font pas, mais
sortent de la puissance de la matiиre en tant que celle-ci qui est en puissance
pour la forme devient en acte sous elle, ce qui est un composй" Cf. Ia.
qu. 45, a. 8, c.: "Puisque le devenir et crйe ne conviennent (ne se
rassemblent) pas proprement dans la chose subsistante, il n'y a pas de devenir
ni de crйation de formes mais elles sont concrййes. Ce qui est fait par l'agent
naturel est composй parce qu'il est fait de matiиre.
[15]
Comprendre dans l'optique d'Augustin les raisons sйminales.
[16]
Thomas, lectio 8, n° 330.
Article 9: L'вme rationnelle est-elle amenйe а l'кtre par crйation, ou
par transmission de la semence?
q. 3 a. 9 tit. 1
Nono quaeritur utrum anima rationalis educatur in esse per creationem, vel per
seminis traductionem. Et videtur quod propagetur cum semine. Il semble qu'elle est transmise avec la semence.
Objections[1] q. 3 a. 9 arg. 1
Dicitur enim Gen. XLVI, 26: cunctae animae quae ingressae sunt cum Iacob in
Aegyptum, et egressae sunt de femore illius, absque uxoribus filiorum eius,
sexaginta sex. Sed nihil egreditur de femore patris, nisi per seminis
traductionem. Ergo anima rationalis traducitur cum semine. 1. Car on dit dans la Genиse (46, 26): "Toutes les вmes qui sont
entrйes avec Jacob en Йgypte et sont sorties de sa cuisse, sans compter les
йpouses de ses fils, йtaient soixante six." Mais rien ne sort de la cuisse
du pиre que par la transmission de la semence. Donc l'вme rationnelle est
transmise avec la semence.
q. 3 a. 9 arg. 2 Sed
diceretur, quod ponitur pars pro toto, id est anima pro homine - sed contra,
homo est quid compositum ex anima et corpore. Si ergo totus homo ex femore
patris egreditur, non solum corpus, sed etiam anima cum semine traducetur, ut
prius.
2. Mais on pourrait dire qu'on prend la partie pour le tout,
c'est-а-dire l'вme pour l'homme. - En sens contraire, l'homme est composй d'une
вme et d'un corps. Si donc tout l'homme sort de la cuisse du pиre, non
seulement le corps mais aussi l'вme est transmise avec la semence, comme on l'a
dit ci-dessus.
q. 3 a. 9 arg. 3
Praeterea, accidens traduci non potest nisi subiectum traducatur, eo quod
accidens de subiecto in subiectum non transeat. Sed anima rationalis est
subiectum peccati originalis. Cum ergo peccatum originale traducatur a parente
in prolem, videtur etiam quod anima rationalis filii a parente traducatur. 3. L'accident ne peut кtre transmis que si le substrat est transmis,
parce que l'accident ne passe pas d'un substrat а un autre. Mais l'вme
rationnelle est le substrat du pйchй originel. Donc comme celui-ci est transmis
par les parents а leur descendance, il semble que l'вme rationnelle du fils est
transmise par les parents[2].
q. 3 a. 9 arg. 4 Sed diceretur, quod peccatum
originale, licet sit in anima sicut in subiecto, est tamen in carne sicut in
causa; unde per carnis traductionem traducitur.- Sed contra, Rom. V, 12,
dicitur: peccatum per unum hominem in mundum intravit, et per peccatum mors: et
ita mors in omnes pertransit, in quo omnes peccaverunt. Glossa autem exponit:
in quo homine peccatore, vel in quo peccato. Non autem in illo peccato omnes
peccassent, nisi illud unum peccatum in omnes traductum fuisset. Illud ergo
unum peccatum quod in Adam fuit, in omnes traducitur; et sic anima illius, quae
peccati subiectum erat, traducitur in omnes. 4. Mais on pourrait dire que, bien que le pйchй originel soit dans
l'вme comme dans un substrat, il est cependant dans la chair comme dans sa
cause. C'est pourquoi il est transmis par la chair.- En sens contraire: on lit en Rm. 5, 12: "Par un seul homme le
pйchй est entrй dans le monde, et par le pйchй la mort. Et ainsi la mort passe
en tous, en lui tous ont pйchй". Mais la glose (Augustin, Les mйrites et
la rйmission des pйchйs, 10) explique: "Dans l'homme pйcheur ou dans le
pйchй." Mais tous n'auraient pйchй en lui que si cet unique pйchй avait
йtй transmis en tous. Donc cet unique pйchй qui fut en Adam, est transmis en
tous; et ainsi son вme qui avait йtй soumise au pйchй, est transmise а tous.
q. 3 a. 9 arg. 5
Praeterea, omne agens agit sibi simile. Sed omne agens agit per virtutem formae. Ergo illud quod
agit agens, est forma. Sed generans agens est. Ergo forma generati est per
actionem generantis. Cum ergo homo generet hominem, et anima rationali sit
forma hominis; videtur quod anima rationalis sit per generationem, et non per
creationem. 5. Tout agent fait du semblable а soi. Mais tout agent agit par le
pouvoir de la forme. En consйquence, ce que l'agent fait, est forme. Mais le
gйniteur est un agent. Aussi la forme de l'engendrй vient par son action. Donc,
puisque l'homme engendre l'homme et que la forme de l'homme existe par l'вme
rationnelle, il semble que celle-ci viendrait par gйnйration et non par
crйation.
q. 3 a. 9 arg. 6 Praeterea, secundum philosophum
in II Phys., causa efficiens in suo effectu incidit in idem specie. Sed homo
sortitur speciem per animam rationalem. Ergo videtur quod id quod facit
generans in genito, sit anima rationalis. 6. Selon le philosophe (Physique,
II, 7, 198 a 25[3]) la cause efficiente arrive en son effet, dans ce qui est
identique en espиce. Mais l'homme reзoit l'espиce par l'вme rationnelle. Donc
il semble que ce que produit le gйniteur dans l'engendrй soit l'вme
rationnelle.
q. 3 a. 9 arg. 7
Praeterea, filii similantur parentibus propter hoc quod a parentibus
propagantur. Similantur autem parentibus filii, non solum quantum ad
dispositiones corporales, sed etiam quantum ad dispositiones animae. Ergo sicut
corpora a corporibus, ita animae ab animabus traducuntur. 7. Les fils ressemblent а leurs parents, parce qu'ils sont transmis par
eux. Les fils ressemblent aux parents non seulement quant aux dispositions
corporelles mais aussi quant а celles de l'вme. Donc, comme les corps sont
transmis par les corps, les вmes le sont par les вmes.
q. 3 a. 9 arg. 8
Praeterea, Moyses dicit, Levit. XVII, 11: anima carnis in sanguine est. Sed
sanguis cum semine traducitur: praecipue cum sperma non sit nisi sanguis
decoctus. Ergo et anima cum semine traducitur. 8. Moпse dit (Lv. 17, 11): "L'вme de la chair est dans le sang."
Mais le sang est transmis avec la semence; surtout puisque que le sperme n'est
que du sang cuit[4]. Donc l'вme est transmise avec la semence.
q. 3 a. 9 arg. 9
Praeterea, embrio antequam anima rationali perficiatur, habet aliquam
operationem animae; quia augetur et nutritur et sentit. Sed operatio animae non
est sine vita. Ergo vivit. Vitae vero corporis principium est anima. Ergo habet
animam. Sed non potest dici quod adveniat ei alia anima; quia tunc in uno
corpore essent duae animae. Ergo ipsa anima quae prius erat in semine
propagata, est anima rationalis.
9. L'embryon avant d'кtre achevй par l'вme rationnelle, possиde
l'opйration d'une вme; parce qu'il grandit, se nourrit et йprouve des
sensations. Mais l'opйration de l'вme n'existe pas sans la vie. Donc il vit.
Mais le principe de la vie du corps est l'вme. Donc il a une вme. Mais on ne
peut pas dire qu'il lui arrive une autre вme, parce que, alors, dans un seul
corps, il y aurait deux вmes. Donc l'вme mкme qui avait йtй d'abord propagйe
dans la semence est l'вme rationnelle.
q. 3
a. 9 arg. 10 Praeterea, diversae animae secundum speciem, constituunt diversas
animas secundum speciem. Si ergo in semine ante ipsam animam rationalem erat anima
quae non erat rationalis, erat ibi animal secundum speciem diversum ab homine;
et sic ex illo non poterit homo fieri; quia diversae species animalis non
transeunt in invicem. 10. Les вmes diffйrentes en espиce constituent des вmes diffйrentes en
espиce. Si donc dans la semence, avant l'вme rationnelle mкme, il y en avait
une qui ne soit pas raisonnable, il y aurait lа un animal diffиrent de l'homme
en espиce et ainsi il ne sera pas possible qu'il devienne un homme, parce que
les diffйrentes espиces animales ne passent pas de l'une а l'autre.
q. 3 a. 9 arg. 11
Sed dices, quod huiusmodi operationes animae non conveniunt embrioni per
animam, sed per aliquam virtutem animae, quae dicitur virtus formativa.- Sed
contra, virtus supra substantiam radicatur; unde ponitur media inter
substantiam et operationem, ut habetur a Dionysio. Si ergo est ibi virtus
animae, erit ibi animae substantia. 11. Mais on pourrait dire que de telles opйrations de l'вme n'arrivent
pas а l'embryon par l'вme mais par quelque puissance de l'вme, appelйe
puissance formative - En sens contraire, la puissance s'enracine sur la
substance. C'est pourquoi elle est placйe entre la substance et l'opйration,
comme on le lit chez Denys (La Hiйrarchie
cйleste, ch. 11, 284 D). Si donc il y a lа la puissance de l'вme, il y aura
lа sa substance.
q. 3 a. 9 arg. 12
Praeterea, philosophus dicit in XVI de animalibus, quod embrio prius vivit quam
animal, et prius animal quam homo. Sed omne animal habet animam. Ergo prius est
ibi aliqua anima quam sit ibi anima rationalis per quam homo est homo. 12. Le philosophe (Les animaux
XVI, 3 La gйnйration animale II, 3) dit que l'embryon vit avant l'animal et
l'animal avant l'homme. Mais tout animal a une вme. Donc il y a lа une вme
avant qu'il y ait l'вme rationnelle par laquelle l'homme est homme.
q. 3 a. 9 arg. 13
Praeterea, secundum philosophum, anima est actus viventis corporis in quantum
huiusmodi. Sed si embrio vivit, et operationem vitae exercet per huiusmodi
virtutem formativam, ipsa virtus erit actus eius in quantum est vivens. Ergo
erit anima. 13. Selon le philosophe (L'вme, II,
4, 415 b 7[5]) l'вme est "l'acte du corps vivant en tant que tel".
Mais si l'embryon vit et exerce l'opйration de vie par une telle puissance
formative, celle-ci mкme sera son acte en tant qu'il est vivant. Donc elle sera
l'вme.
q. 3 a. 9 arg. 14
Praeterea, ut dicitur in I de anima, vivere inest omnibus viventibus per animam
vegetabilem. Sed manifestum est embrionem vivere ante
infusionem animae rationalis, cum in eo operationes vitae inveniantur. Ergo est
ibi anima vegetabilis antequam sit anima rationalis. 14. Comme on le dit (L'вme, I,
5, 411 b 28[6]), la vie est dans tous les vivants par l'вme vйgйtative. Mais il
est йvident que l'embryon vit avant l'infusion de l'вme rationnelle, puisqu'on
trouve en lui les opйrations vitales. Donc il a une вme vйgйtative avant l'вme
rationnelle.
q. 3 a. 9 arg. 15
Praeterea, in II de anima, improbat philosophus quod augeri non est actus ignis
sicut principalis agentis, sed magis animae vegetabilis. Sed embrio ante adventum animae rationalis augetur. Ergo habet animam
vegetabilem. 15. Dans L'вme (II, 4, 416 a 10[7]) Aristote prouve que la croissance
n'est pas un acte du feu, comme principal agent, mais plutфt celui de l'вme
vйgйtative. Or l'embryon grandit avant l'arrivйe de l'вme rationnelle. Donc il
possиde une вme vйgйtative.
q. 3 a. 9 arg. 16
Praeterea, si non est ibi anima vegetabilis ante adventum animae rationalis,
sed virtus formativa; adveniente anima, illa virtus suam operationem non habebit;
cum operatio quam illa virtus faciebat in embrione, sufficienter postmodum fiat
in animali per animam. Ergo erit ibi otiosa; quod videtur esse inconveniens,
cum nihil sit otiosum in natura. 16. S'il n'y a pas d'вme vйgйtative avant l'arrivйe de l'вme
rationnelle, mais une puissance formatrice, а son arrivйe, ce pouvoir
n'exercera plus son opйration, puisque l'opйration que cette puissance exerзait
dans l'embryon, est faite ensuite avec suffisance par l'вme dans l'animal. Donc
elle y sera inutile, ce qui ne paraоt pas convenir, puisqu'il n'y a rien
d'inutile dans la nature.
q. 3 a. 9 arg. 17
Sed dices, quod illa virtus destruitur adveniente anima rationali.- Sed contra,
dispositiones non destruuntur adveniente forma, sed manent, et quodammodo
tenent formam in materia. Sed illa virtus erat quaedam dispositio ad animam.
Ergo adveniente anima, illa virtus non destruitur. 17. Mais on pourrait dire que cette puissance est dйtruite quand arrive
l'вme rationnelle. - En sens contraire, les dispositions ne sont pas dйtruites
quand arrive la forme, mais elles demeurent, et d'une certaine maniиre, elles
maintiennent la forme dans la matiиre. Mais cette puissance йtait une
disposition pour l'вme. Donc quand arrive l'вme, elle n'est pas dйtruite.
q. 3 a. 9 arg. 18 Praeterea,
ex actione illius virtutis pervenitur ad introductionem animae. Si ergo anima
adveniente illa virtus destruitur, videtur quod aliquid agat ad sui
destructionem; quod est impossibile. 18. Par l'action de cette puissance, on parvient а l'introduction de
l'вme. Si donc, quand l'вme arrive, cette puissance est dйtruite, il semble que
quelque chose agisse pour sa destruction, ce qui est impossible.
q. 3 a. 9 arg. 19
Praeterea, homo est homo per animam rationalem. Si ergo anima non exit in esse
per generationem, nec erit verum dicere quod homo generetur; quod patet esse
falsum. 19. L'homme est homme par son вme rationnelle. Si donc l'вme ne vient
pas а l'existence par gйnйration, il ne sera pas vrai de dire que l'homme est
engendrй, ce qui paraоt faux.
q. 3 a. 9 arg. 20
Praeterea, corpus hominis exit in esse per actionem generantis. Si ergo anima
non exit in esse a generante, erit in homine duplex esse; unum corporis, quod
facit generans; et aliud animae, quod non facit; et sic ex anima et corpore non
fit unum simpliciter, cum secundum esse differant. 20. Le corps de l'homme vient а l'existence par l'action de celui qui
l'engendre. Si donc l'вme ne vient pas а l'existence par lui, il y aura deux
кtres dans l'homme: celui du corps que fait celui qui engendre, et celui de
l'вme qu'il ne fait pas. Et ainsi ce n'est absolument pas un кtre unique fait
de l'вme et du corps, mais ils diffиrent selon l'кtre.
q. 3 a. 9 arg. 21
Praeterea, impossibile est quod actio unius agentis terminetur ad materiam, et
alterius ad formam; alias ex forma et materia non esset unum simpliciter, cum
unum factum sit per unam actionem. Sed actio naturae generantis terminatur ad
corpus. Ergo et terminatur ad animam, quae est forma eius. 21. Il est impossible que l'action d'un agent se termine а la matiиre,
et celle d'un autre а la forme[8]. Autrement а partir de la forme et de la
matiиre il n'y aurait pas un кtre absolument unique; puisque l'objet unique est
fait par une action unique. Mais l'action de la nature qui engendre se termine
au corps. Donc elle se termine aussi а l'вme qui en est la forme.
q. 3 a. 9 arg. 22
Praeterea, secundum philosophum in libro XVI de animalibus, principia quorum
actiones non sunt sine corpore, cum corpore producuntur. Sed actio animae
rationalis non est sine corpore; maxime enim intelligere esset sine corpore,
quod patet esse falsum; non enim est intelligere sine phantasmate, ut dicitur
in I et III de anima; phantasma autem non est sine corpore. Ergo anima
rationalis cum corpore traducitur.
22. Selon le philosophe, (Les
animaux, livre 16 La gйnйration des
animaux, II, ch. 3) les principes dont les actions ne sont pas sans corps,
sont produits avec lui. Mais l'action de l'вme rationnelle n'est pas sans le
corps; car l'intellection en particulier se produirait sans corps, ce qui est
йvidemment faux. Car l'intellection ne se fait pas sans images,(phantasma),
comme on le dit (De l'вme I et III). Il n'y a pas d'image sans corps. Donc
l'вme rationnelle est transmise avec le corps.
q. 3 a. 9 arg. 23
Sed dicebat, quod anima rationalis indiget phantasmate intelligendo quantum ad
acquisitionem specierum intelligibilium, non autem postquam eas iam
acquisivit.- Sed contra, homo postquam acquisivit scientiam, impeditur in
actione intellectus laeso organo phantasiae. Hoc autem non esset, si
intellectus post acquisitionem scientiae, phantasmatibus non indigeret. Indiget ergo eis non solum in acquirendo scientiam,
sed in utendo scientia acquisita. 23. Mais on pourrait dire que l'вme rationnelle a besoin d'images dans
l'intellection pour l'acquisition des espиces intelligibles, mais non aprиs
qu'elle les a acquises. - En sens contraire, aprиs avoir acquis la
connaissance, l'homme est empкchй dans l'action de son intellect quand l'organe
de l'imagination est blessй. Mais cela n'existerait pas si l'intellect, aprиs
l'acquisition de la science, n'avait pas besoin d'images. Donc il en a besoin,
non seulement pour acquйrir la connaissance, mais encore pour l'utiliser une
fois acquise.
q. 3 a. 9 arg. 24
Sed dices, quod impedimentum operationis intellectualis ex laesione organi
phantasiae provenit non ex hoc quod intellectus indigeat phantasmatibus in
utendo scientia acquisita, sed ex hoc quod imaginatio et intellectus sunt in
una essentia animae: unde per accidens, imaginatione impedita, impeditur et
intellectus.- Sed contra est quod coniunctio potentiarum in una essentia animae
est causa quare quando una potentiarum intenditur in suo actu, alterius actus
remittitur; sicut quando aliquis attente videt, minus attente audit; et est etiam
causa quare una potentiarum cessante a suo actu, alia in suo actu roboratur;
unde caeci plerumque acutius audiunt. Non ergo propter huiusmodi coniunctionem
contingeret quod propter impedimentum potentiae imaginativae impediretur actio
intellectus, sed magis roboraretur.
24. Mais on pourrait dire que l'empкchement de l'opйration
intellectuelle par la lйsion de l'imagination provient, non de ce que
l'intellect a besoin d'images en utilisant la science acquise, mais de ce que
l'imagination et l'intellect sont dans l'unique essence de l'вme. C'est
pourquoi, par accident, si l'imagination est empкchйe, l'intellect aussi. - En
sens contraire, la conjonction des puissances dans l'unique essence de l'вme
est la raison pour laquelle, quand une des puissance est tendue а son action,
l'acte de l'autre est relвchйe. Ainsi quand quelqu'un regarde attentivement, il
йcoute moins attentivement et c'est aussi la raison pour laquelle, quand une
des puissance cesse son action, l'autre est renforcйe dans la sienne. C'est pourquoi
les aveugles la plupart du temps entendent mieux. Donc ce n'est pas а cause
d'une telle conjonction qu'il arriverait que l'action de l'intellect serait
empкchйe par un blocage de la puissance imaginative, mais elle serait plutфt
renforcйe.
q. 3 a. 9 arg. 25
Praeterea, quicumque dat ultimum complementum operationi alicui, ille maxime
operanti cooperatur. Sed si omnes animae humanae creantur a Deo, et ab ipso
corporibus infunduntur, ipse dat ultimum complementum generationi quae est ex
adulterio. Ergo ipse cooperabitur adulteris; quod videtur absurdum. 25. Quiconque donne un dernier complйment а une opйration coopиre au
maximum avec celui qui opиre. Mais si toutes les вmes humaines sont crййes par
Dieu et sont infusйes par lui dans les corps, il donne un dernier complйment а
la gйnйration qui provient d'un adultиre. Donc lui-mкme coopиrera а l'adultиre,
ce qui paraоt absurde[9].
q. 3 a. 9 arg. 26
Praeterea, secundum philosophum, perfectum unumquodque est quod potest sibi
simile facere. Quanto ergo aliquid est perfectius, tanto magis potest sibi
simile facere. Sed animae rationales sunt perfectiores materialibus formis
elementorum, quae sibi similes formas producunt. Ergo virtute animae rationalis
poterit anima rationalis produci per viam generationis. 26. Selon le philosophe, (Les
mйtйores, IV, 3, 380 a 11-15, L'вme II, 4, 415 a 26[10]) est parfait
tout ce qui peut faire quelque chose de semblable а soi. Donc, plus une chose
est parfaite, plus elle peut faire du semblable а elle. Mais les вmes
rationnelles sont plus parfaites que les formes matйrielles des йlйments qui
produisent des formes semblables а elles. Donc par sa puissance, elle pourra
кtre produite par gйnйration.
q. 3 a. 9 arg. 27
Praeterea, anima rationalis constituta est inter Deum et res corporales media;
unde in libro de causis dicitur, quod est creata in horizonte aeternitatis et
temporis. Sed in Deo generatio invenitur, similiter in rebus corporalibus. Ergo
et anima, quae est media, per generationem producitur. 27. L'вme rationnelle est йtablie intermйdiaire entre Dieu et les
corps. C'est pourquoi, dans le Livre des
Causes, (prop. 2[11]), on dit qu'elle a йtй crййe а la limite de l'йternitй
et du temps. Mais on trouve la gйnйration en Dieu, et de la mкme maniиre dans
les corps. Donc l'вme qui est intermйdiaire est produite par gйnйration.
q. 3 a. 9 arg. 28
Praeterea, philosophus in XVI de animalibus dicit, quod spiritus qui exit cum
spermate, est virtus principii animae et est res divina; et tale dicitur
intellectus; et ita videtur quod intellectus propagetur cum semine. 28. Le philosophe, au ch. 16, Des animaux (La gйnйration animale, c. 3...) dit que "l'esprit[12]"
qui sort avec le sperme est la puissance du principe de l'вme et est chose
divine, et on en dit autant de l'intellect et ainsi il semble transmis avec la
semence.
q. 3 a. 9 arg. 29
Praeterea, in eodem Lib., philosophus dicit, quod in generatione femina dat
corpus, et anima est ex mare; et ita videtur quod anima sit per seminis
propagationem, et non per creationem. 29. Dans le mкme livre, (ch. 4), le philosophe dit que dans la
gйnйration, la femelle donne le corps et l'вme vient du mвle et ainsi il semble
que l'вme vient de la propagation de la semence et non par crйation.
En sens contraire: q. 3 a. 9 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Isai. LVII, vers. 16: omnem flatum ego feci. Per
flatum autem intelligitur anima. Ergo videtur quod anima creetur a Deo. 1. Il y a ce que dit Isaпe, 57, 16: "C'est moi qui ai fait tout
souffle". Par souffle on comprend l'вme. Donc il semble que l'вme est
crййe par Dieu.
q. 3 a. 9 s. c. 2
Praeterea, in Psal. XXXII, 15, dicitur: qui finxit singillatim corda eorum. Non ergo una anima propagatur ex alia, sed omnes seorsum creantur a Deo. 2. Au Ps. 32, 15, on dit: "Il a fixй un а un leurs coeurs".
Donc l'вme n'est pas propagйe а partir d'une autre, mais toutes sont crййes
sйparйment par Dieu.
Rйponse: q. 3 a. 9 co.
Respondeo. Dicendum quod, circa hanc quaestionem antiquitus diversa dicebantur
a diversis.
Quidam namque dicebant, animam filii ex parentis anima
propagari, sicut et corpus propagatur ex corpore.
Alii vero dicebant, omnes animas seorsum creari; sed
ponebant a principio eas extra corpora fuisse creatas simul, et post modum
corporibus seminatis coniungebantur, vel proprio motu voluntatis, secundum
quosdam, vel Deo mandante et faciente, secundum alios.
Il faut dire, а propos de cette question que, dans l'antiquitй, divers
penseurs ont йmis diverses opinions.
A) Car certains[13] disaient que l'вme du fils est propagйe par l'вme
du pиre, comme le corps est propagй par le corps.
B) D'autres disaient que toutes les вmes sont crййes sйparйment, mais
ils pensaient qu'au commencement elles avaient йtй crййes en mкme temps hors
des corps; aprиs ce stade, elles йtaient unies а des corps ensemencйs soit par
le propre mouvement de leur volontй selon certains, soit par ordre et
agissement de Dieu, selon d'autres.
Alii vero dicebant, animas simul cum creantur,
corporibus infundi. C) D'autres disaient que les вmes en mкme temps qu'elles sont crййes sont
infusйes dans les corps.
Alii vero dicebant, animas simul cum creantur,
corporibus infundi. Quae quidem opiniones, quamvis aliquo tempore
sustinerentur, et quae earum esset verior in dubium verteretur, ut patet ex
Augustino, et in libris quos scribit de origine animae; tamen primae duae
postmodum iudicio Ecclesiae sunt damnatae, et tertia approbata; unde dicitur in
Lib. de ecclesiasticis dogmatibus: animas hominum non esse ab initio inter
ceteras intellectuales naturas, nec simul creatas credimus, sicut Origenes
fingit; neque cum corporibus per coitum seminantur, sicut Luciferiani et
Cyrillus et aliqui Latinorum praesumptores affirmant. Sed dicimus corpus tantum per coniugii
copulam seminari, ac formato iam corpore, animam creari et infundi. D) Quoique ces opinions aient йtй soutenues quelque temps, on peut se
demander laquelle est la plus vraie, comme cela paraоt chez Augustin dans La Genиse au sens littйral, (X, ch. 21
et 22) et dans ses livres йcrits sur L'origine de l'вme. Cependant les deux
premiиres opinions ont йtй condamnйes par jugement de l'Йglise et la troisiиme
approuvйe. D'oщ ce qu'on lit dans Les dogmes ecclйsiastiques, ch. 13: "Nous
croyons que les вmes humaines ne sont pas au commencement parmi les autres
natures intellectuelles et qu'elles n'ont pas йtй crййes en mкme temps comme
Origиne l'imagine. Et elles ne sont pas semйes avec les corps dans l'union
conjugale, comme les Lucifйriens[14], Cyrille[15] et quelques penseurs latins
l'affirment. Mais nous disons que le corps seulement est semй par l'union
conjugale et quand le corps est dйjа formй, l'вme est crййe et infusйe[16].".
Diligenter autem consideranti apparet rationabiliter illam
opinionem esse damnatam quae ponebat animam rationalem cum semine propagari, de
qua nunc est quaestio. Et hoc tribus rartionibus potest videri ad praesens.
A celui qui examine le problиme avec attention, il apparaоt
raisonnablement que doit кtre condamnйe cette opinion qui йtablissait que l'вme
rationnelle est propagйe avec la semence, [opinion] dont il est maintenant
question. Et on peut le voir pour trois raisons.
prima est, quia rationalis anima in hoc a ceteris formis
differt, quod aliis formis non competit esse in quo ipsae subsistant, sed quo
eis res formatae subsistant; anima vero rationalis sic habet esse ut in eo
subsistens; et hoc declarat diversus modus agendi. Cum enim agere non possit
nisi quod est, unumquodque hoc modo se habet ad operandum vel agendum, quomodo
se habet ad esse; unde, cum in operatione aliarum formarum necesse sit
communicare corpus, non autem in operatione rationalis animae, quae est
intelligere et velle; necesse est ipsi rationali animae esse attribui quasi rei
subsistenti, non autem aliis formis. Et ex hoc est quod inter formas, sola
rationalis anima a corpore separatur. 1. Premiиre raison: L'вme rationnelle diffиre de toutes les autres
formes du fait qu'il ne leur convient pas d'кtre lа oщ elles subsistent mais lа
oщ subsistent ce qui est informй en elles; l'вme rationnelle a un кtre
subsistant en soi; et ses mode d'action diffйrents le rйvиlent. En effet, comme
ne pourrait agir que ce qui existe, chaque chose se comporte pour opйrer ou
agir de la maniиre dont elle se comporte vis-а-vis de l'кtre. C'est pourquoi,
comme dans l'opйration des autres formes, il est nйcessaire que le corps
participe, mais pas dans l'opйration de l'вme rationnelle qui consiste а penser
(intelligere) et vouloir; il est nйcessaire d'attribuer l'кtre а l'вme
rationnelle en tant que subsistante, mais pas aux autres formes. Et de lа vient
que parmi les formes, seule l'вme rationnelle est sйparйe du corps.
Ex hoc ergo patet quod anima rationalis exit in esse, non
sicut formae aliae, quibus proprie non convenit fieri, sed dicuntur fieri facto
quodam. Sed res quae fit, proprie et per se fit. Quod autem fit, fit vel ex
materia vel ex nihilo. Quod vero ex materia fit, necesse est fieri ex materia
contrarietati subiecta. Generationes enim ex contrariis sunt, secundum
philosophum: unde cum anima vel omnino materiam non habeat, vel ad minus non
habeat materiam contrarietati subiectam, non potest fieri ex aliquo. Unde
restat quod exeat in esse per creationem, quasi ex nihilo facta. Ponere autem
quod per generationem corporis fiat, est ponere ipsam non esse subsistentem, et
per consequens cum corpore corrumpi.
Et а partir de lа, il est clair que l'вme rationnelle vient а l'кtre,
non pas comme les autres formes pour lesquelles il ne convient pas а proprement
parler d'кtre faites, mais on dit qu'elles sont faites de ce qui est fait. Mais
ce qui est fait est а proprement parler fait par soi. Ce qui est fait, est fait
de matiиre ou de rien. Mais ce qui est fait de matiиre doit кtre fait
nйcessairement d'une matiиre soumise а la contrariйtй. Car les gйnйrations
viennent des contraires selon le philosophe (La Gйnйration des animaux, livre
1, ch. 18). C'est pourquoi, comme l'вme n'a absolument pas de matiиre ou du
moins pas de matiиre soumise а la contrariйtй, elle ne peut pas кtre faite а
partir de quelque chose. Aussi, il reste qu'elle vient а l'кtre par crйation,
comme faite de rien. Mais penser qu'elle est faite par gйnйration du corps,
c'est penser qu'elle n'est pas subsistante et par consйquent qu'elle se
corrompt avec le corps.
Secunda ratio est, quia impossibile est actionem corporeae
virtutis ad hoc elevari quod virtutem penitus spiritualem et incorpoream
causare possit; nihil enim agit ultra suam speciem; immo agens oportet esse
praestantius patiente, secundum Augustinum. Generatio autem hominis fit per
virtutem generativam, quae organum habet corporale; virtus etiam quae est in
semine, non agit nisi mediante calore, ut dicitur in XVI de animalibus; unde,
cum anima rationalis sit forma penitus spiritualis, non dependens a corpore nec
communicans corpori in operatione, nullo modo per generationem corporis potest
propagari, nec produci in esse per aliquam virtutem quae sit in semine.
2. Seconde raison: Il est impossible que l'action d'un pouvoir corporel
soit йlevй а pouvoir causer un pouvoir tout а fait spirituel et incorporel; car
rien n'agit au delа de son espиce; au contraire, il faut que l'agent soit plus
important que le patient, selon Augustin (La
Genиse au sens littйral, XII,16). La gйnйration de l'homme se fait par une
puissance gйnйrative qui a un organe corporel, cette puissance, qui est dans la
semence, n'agit que par l'intermйdiaire de la chaleur, comme il est dit (Les animaux, 16, La gйnйration animale, ch.3). C'est pourquoi, comme l'вme
rationnelle est une forme tout а fait spirituelle, qui ne dйpend pas du corps,
et ne participe en aucune maniиre avec lui а son opйration, elle ne peut кtre
propagйe par la gйnйration du corps, ni amenйe а l'existence par un pouvoir qui
serait dans la semence.
Tertia ratio est, quia omnis forma quae exit in esse per
generationem, vel per virtutem naturae, educitur de potentia materiae, ut
probatur in VII Metaph. Anima vero rationalis non potest educi de potentia
materiae. Formae enim quarum operationes non sunt cum corpore, non possunt de
materia corporali educi. Unde relinquitur quod anima rationalis non propagetur
per virtutem generantis; et haec est ratio Aristotelis. 3. Troisiиme raison: Toute forme qui vient а l'кtre par gйnйration, ou
par le pouvoir de la nature est йduite de la puissance de la matiиre, comme
c'est prouvй en Mйtaphysique (VII,
1033 b 7[17]). Mais l'вme rationnelle ne peut pas кtre йduite de la puissance
de la matiиre. Car les formes dont les opйrations ne dйpendent pas du corps, ne
peuvent pas кtre tirйes de la matiиre corporelle. C'est pourquoi, il reste que
l'вme rationnelle n'est pas transmise par le pouvoir du gйniteur et c'est la
raison donnйe par Aristote (Les animaux,
16, ch. 2...).
Solutions q. 3 a. 9 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in auctoritate inducta per synecdochem ponitur pars
pro toto, id est anima pro toto homine; et hoc ideo quia anima est principalior
pars hominis, et unumquodque totum videtur esse id quod est principalius in eo;
unde totus homo videtur esse anima vel intellectus, secundum quod dicitur in IX
Ethic., cap. IV. # 1. Dans l'autoritй citйe[18], on place par synecdoque la partie pour
le tout, c'est-а-dire l'вme pour l'homme entier et cela parce qu'elle en est la
partie la plus importante et chaque ensemble paraоt кtre est plus important en
lui. C'est pourquoi, l'homme entier semble кtre вme ou intellect[19], selon ce qui
est dit en Йthique, 9 ch. 4[20].
q. 3 a. 9 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod totus homo egreditur de femore generantis, propter hoc
quod virtus seminis de femore egredientis operatur ad unionem corporis et
animae, disponendo materiam ultima dispositione, quae est necessitans ad formam;
ex qua unione homo habet quod sit homo; non autem ita quod quaelibet pars
hominis per virtutem seminis causetur. # 2. L'homme entier sort de la cuisse du gйniteur, parce que le pouvoir
de la semence qui en sort travaille а l'union de l'вme et du corps, en plaзant
la matiиre dans une ultime disposition, nйcessaire pour la forme. C'est de
cette union que l'homme est un homme; mais non de telle sorte que n'importe
quelle partie de l'homme soit causйe par le pouvoir de la semence.
q. 3 a. 9 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod peccatum originale dicitur peccatum totius naturae,
sicut peccatum actuale dicitur peccatum personale; unde quae est comparatio
peccati actualis ad unam personam singularem, eadem est comparatio peccati
originalis ad totam naturam humanam traditam a primo parente, in quo fuit
peccati initium et per cuius voluntatem in omnibus originale peccatum quasi
voluntarium reputatur. Sic ergo originale peccatum est in anima in quantum
pertinet ad humanam naturam. Humana autem natura traducitur a parente in filium
per traductionem carnis, cui postmodum anima infunditur; et ex hoc infectionem
incurrit quod fit cum carne traducta una natura. Si enim non uniretur ei ad
constituendam naturam, sicut Angelus unitur corpori assumpto, infectionem non
reciperet. # 3. Le pйchй originel est appelй pйchй de toute la nature, comme le
pйchй actuel est appelй pйchй personnel. C'est pourquoi, la comparaison du
pйchй actuel а une personne particuliиre, est la mкme que celle du pйchй
originel а la nature humaine toute entiиre transmise par le premier pиre, en
qui fut le commencement du pйchй et, par sa volontй, le pйchй originel est
considйrй comme volontaire en tous. Donc ainsi le pйchй originel est dans l'вme
dans la mesure oщ il appartient а la nature humaine. Mais cette nature est
transmise par le pиre au fils par la transmission de la chair, en qui l'вme est
introduite par la suite et de lа elle en arrive а la souillure, parce qu'elle
devient une nature unique avec la chair qui lui est transmise. Car si elle ne
lui йtait pas unie pour constituer une nature, comme l'ange est uni а un corps
qu'il prend, elle ne recevrait pas la souillure[21].
q. 3 a. 9 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut in natura Adae erat natura omnium nostrum
originaliter; ita et peccatum originale, quod in nobis est, erat in illo
peccato originali originaliter. Nam peccatum originale, ut dictum est, per se
recipit natura, anima vero ex consequenti. # 4. De mкme que dans la nature d'Adam se trouvait originellement notre
nature, de mкme, le pйchй originel, qui est en nous, а l'origine йtait dans ce
pйchй originel. Car la nature reзoit ce pйchй par soi, comme on l'a dit, mais
l'вme le reзoit par consйquence.
q. 3 a. 9 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod homo generans generat sibi simile in specie per virtutem
formae suae, scilicet animae rationalis; non quod ipsa sit immediatum
principium in generatione humana agens, sed quia vis generativa, et ea quae in
semine agunt, non disponerent materiam, ut fieret corpus perfectibile anima rationali,
nisi quatenus agerent ut instrumenta quaedam rationalis animae. Et tamen ista
actio non potest pertingere ad factionem animae rationalis, rationibus
praedictis. # 5. L'homme, en tant que gйniteur, engendre du semblable[22] а lui en
espиce par le pouvoir de sa forme, c'est-а-dire de l'вme rationnelle, non
qu'elle soit le principe immйdiat agissant dans la gйnйration humaine, mais
parce que le pouvoir gйnйratif et ce qui agit dans la semence ne disposeraient
la matiиre pour faire un corps perfectible par l'вme rationnelle que s'ils
agissaient jusqu'а un certain point comme instrument de l'вme rationnelle. Et
cependant cette action ne peut parvenir а faire l'вme rationnelle, pour les
raisons qu'on a dйjа donnйes.
q. 3 a. 9 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod generans generat sibi simile in specie, in quantum
generatum per actionem generantis producitur ad participandum speciem eius;
quod quidem fit per hoc quod generatum consequitur formam similem generanti. Si
ergo forma illa non sit subsistens, sed esse suum sit solum in hoc quod uniatur
ei cuius est forma; oportebit quod generans sit causa ipsius formae, sicut
accidit in omnibus formis materialibus. Si autem sit talis forma quae
subsistentiam habeat, et non dependeat esse suum totaliter ex unione ad materiam,
sicut est in anima rationali; tunc sufficit quod generans sit causa unionis
talis formae ad materiam per hoc quod disponit materiam ad formam; nec oportet
quod sit causa ipsius formae. # 6. Le gйniteur engendre du semblable а lui quant а l'espиce dans la
mesure oщ l'engendrй est produit par l'action du gйniteur pour participer а son
espиce, ce qui arrive par le fait que l'engendrй reзoit une forme semblable а
celui qui engendre. Si donc cette forme n'йtait pas subsistante, mais que son
кtre soit seulement dans ce qui est uni а ce dont elle est la forme; il faudra
que celui qui engendre soit la cause de la forme mкme, comme cela arrive dans
toutes les formes matйrielles. Mais si la forme йtait telle qu'elle ait une
subsistance et que son кtre ne dйpende pas totalement de son union а la
matiиre, comme pour l'вme rationnelle, alors il suffit que celui qui engendre
soit la cause de l'union d'une telle forme а la matiиre par le fait qu'il
dispose la matiиre а la forme; et il ne faut pas qu'il soit cause de la forme
mкme.
q. 3 a. 9 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ipsam dispositionem corporis sequitur dispositio animae
rationalis; tum quia anima rationalis accipit a corpore; tum quia secundum
diversitatem materiae diversificantur et formae. Et ex hoc est quod filii
similantur parentibus etiam in his quae pertinent ad animam, non propter hoc
quod anima ex anima traducatur. # 7. La disposition de l'вme rationnelle suit la disposition mкme du
corps; d'abord parce l'вme rationnelle reзoit du corps, ensuite parce que les
formes sont aussi diversifiйes selon la diversitй de la matiиre. Et c'est pour
cela que les enfants ressemblent а leurs parents, mкme en ce qui concernent
l'вme et non parce que l'вme est transmise par l'вme.
q. 3 a. 9 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod quia anima est proprie actus corporis viventis, vivere
autem est per calidum et humidum, quae in animali per sanguinem conservantur;
ideo dicitur quod anima est in sanguine, ad designandum propriam dispositionem
corporis, in quantum est materia perfecta per animam. # 8. Parce que l'вme est proprement l'acte du corps vivant, vivre
dйpend du chaud et de l'humide conservйs dans l'animal par le sang; c'est
pourquoi on dit que l'вme est dans le sang, pour dйsigner la disposition propre
du corps, dans la mesure oщ la matiиre est achevйe par l'вme.
q. 3 a. 9 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod circa embrionis vitam sunt aliqui diversimode opinati. # 9. Au sujet de la vie de l'embryon, certains ont eu des opinions
diverses.
Quidam namque assimilaverunt in generatione humana
progressum animae rationalis progressui corporis humani, dicentes, quod sicut
corpus humanum in semine est virtualiter, non tamen habens actu humani corporis
perfectionem, quae in distinctione organorum consistit, sed paulatim per
virtutem seminis ad perfectionem huiusmodi pervenitur; ita in principio
generationis est ibi anima, virtute quadam habens omnem perfectionem quae
postea apparet in homine completo, non tamen eam habens actu, cum non appareant
animae actiones, sed processu temporis paulatim eam acquirit; ita quod primo
apparent in ea actiones animae vegetabilis, et postmodum animae sensibilis, et
tandem animae rationalis. Et hanc opinionem tangit Gregorius Nyssenus in Lib.
quem fecit de homine. A) Certains en effet ont assimilй, dans la gйnйration humaine, le
progrиs de l'вme rationnelle а celui du corps humain, en disant que, de mкme
que le corps est virtuellement dans la semence, sans en avoir cependant le
perfection en acte, qui consiste dans la distinction des organes, mais que peu
а peu par le pouvoir de la semence il parvient а une telle perfection; de mкme,
au commencement de la gйnйration, il y a une вme qui a par un certain pouvoir
toute la perfection qui apparaоt ensuite dans l'homme complet, mais sans
l'avoir cependant en acte, puisque les actions de l'вme n'apparaissent pas;
mais elle l'acquiert peu а peu par l'йvolution du temps; de sorte qu'y
apparaissent d'abord les actions de l'вme vйgйtative, ensuite de l'вme
sensitive et enfin de l'вme rationnelle. Et Grйgoire de Nysse soutient cette
opinion dans le livre qu'il fit Sur l'homme[23].
Sed haec opinio non potest stare, quia aut intelligit quod
ipsa anima secundum speciem suam existat a principio in semine, nondum habens
perfectas operationes propter organorum defectum, aut intelligit quod in semine
a principio sit aliqua virtus vel forma, quae nondum habet speciem animae;
sicut nec semen habet speciem humani corporis, sed paulatim producitur per
actionem naturae ad hoc quod ipsa eadem sit anima primo quidem vegetabilis,
secundo sensibilis et deinde rationalis. Mais cette opinion n'est pas valable, parce que, ou bien elle
sous-entend que l'вme mкme selon son espиce existe au dйbut dans la semence,
n'ayant pas encore les opйrations parfaites а cause de la dйficience de ses
organes, ou bien elle sous-entend que dans la semence, dиs le dйbut, il y a un
pouvoir ou une forme qui n'a pas encore la nature de l'вme; de mкme que la
semence n'a pas la nature du corps humain, mais peu а peu, il est produite par
l'action de la nature pour que la mкme вme soit d'abord vйgйtative, ensuite
sensitive et enfin rationnelle.
Prima autem pars huius divisionis destruitur:
primo quidem per auctoritatem philosophi. Dicitur enim in II
de anima, quod potentia vitae quae est in corpore physico organico, cuius actus
est anima, non est abiiciens animam, sicut semen et fructus; ex quo datur
intelligi, quod semen est ita in potentia ad animam quod anima caret. I. La premiиre partie de cette division est rйfutйe.
a) Premiиrement, par l'autoritй du philosophe. Il est dit, en effet, (L'вme, II, 2, 412 b 25[24]) que la
puissance de vie qui est dans le corps physique organique, dont l'acte est
l'вme, ne la rejette pas, comme la semence et les fruits. Par lа on donne а
comprendre que la semence est celle qui est en puissance pour l'вme, parce
qu'elle en est privй.
Secundo, quia cum semen nondum sit ultima assimilatione
membris assimilatum (sic enim eius resolutio esset corruptio quaedam) sed sit
superfluitas ultimae digestionis, ut dicitur in XV de animalibus, nondum fuit
in corpore generantis existens anima perfectum; unde non potest esse quod in
principio suae decisionis sit in eo anima.
b) Deuxiиmement parce que, comme la semence n'est pas encore assimilйe
aux membres par une ultime assimilation (car ainsi cette dissolution serait une
corruption) mais est une superfluitй de la digestion ultime[25], comme on le
dit dans Les animaux (15- La gйnйration animale, ch. 19 II, 3, 736
b 26-27[26]), elle n'a pas encore йtй dans le corps de celui qui engendre,
existant parfait par l'вme; c'est pourquoi ce n'est pas possible, qu'au
commencement de sa sйparation, il y ait une вme en elle.
Tertio, quia dato quod cum eo decideretur anima, non tamen
potest hoc dici de anima rationali; quae cum non sit actus alicuius partis
corporis, non potest deciso corpore decidi.
3) Troisiиmement, parce que, si on suppose que l'вme est sйparйe de la
semence, on ne peut pas cependant pas le dire de l'вme rationnelle, qui,
puisqu'elle n'est pas l'acte d'une partie du corps ne peut кtre sйparйe si le
corps est sйparй[27] du corps sйparй.
Secundam etiam partem divisionis praedictae patet esse
falsam. Cum enim forma substantialis non continue vel successive in actum
producatur, sed in istanti (alias oporteret esse motum in genere substantiae,
sicut est in genere qualitatis) non potest esse quod illa virtus quae est a
principio in semine, successive proficiat ad diversos gradus animae. Non enim
forma ignis in aere hoc modo inducitur ut continuo procedat de imperfecto ad
perfectum; cum nulla forma substantialis suscipiat magis et minus; sed solum
materia per alterationem praecedentem variatur, ut sit magis et minus disposita
ad formam. Forma vero non incipit esse in materia nisi in ultimo instanti
alterationis.
II - Il apparaоt que la seconde partie de cette division est fausse. En
effet, comme la forme substantielle n'est pas produite en acte continuellement
ou successivement, mais dans l'instant (autrement il faudrait qu'il y ait un
mouvement dans le genre de la substance, comme dans le genre de la qualitй) il
n'est pas possible que cette puissance qui est au commencement dans la semence,
parvienne successivement aux diffйrents degrйs de l'вme. Car la forme du feu,
dans l'air, n'est pas amenйe de maniиre а procйder continuellement de
l'imparfait au parfait, puisque nulle forme substantielle ne reзoit le plus et
le moins; mais la matiиre seulement est modifiйe par altйration prйcйdente, de
sorte qu'elle est plus ou moins disposйe а la forme. Mais la forme ne commence
а кtre dans la matiиre qu'au dernier moment du changement.
Alii vero dicunt, quod in semine primo est anima
vegetabilis, et post modum ea manente, inducitur anima sensibilis ex virtute
generantis, et ultimo inducitur anima rationalis per creationem, ita quod
ponunt in homine esse tres animas per essentiam differentes. B) Mais d'autre disent que dans la semence, il y d'abord l'вme
vйgйtative et ensuite, encore qu'elle y demeure, l'вme sensitive est introduite
par le pouvoir de celui qui engendre et enfin l'вme rationnelle par crйation,
de sorte qu'ils pensent qu'il y a dans l'homme trois вmes diffйrentes en
essence.
Sed contra hoc est quod dicitur: neque duas animas dicimus
esse in uno homine sicut et Iacobus et alii Syrorum scribunt, unam animalem qua
animatur corpus et immixta sit sanguini, et alteram spiritualem quae rationem
ministret.
Et iterum impossibile est unius et eiusdem rei esse plures
formas substantiales: nam cum forma substantialis faciat esse non solum
secundum quid, sed simpliciter, et constituat hoc aliquid in genere substantiae,
si prima forma hoc facit, secunda adveniens, inveniens subiectum iam in esse
substantiali constitutum, accidentaliter ei adveniet; et sic sequeretur quod
anima sensibilis et rationalis in homine corpori accidentaliter uniantur. Nec
potest dici quod anima vegetabilis quae in planta est forma substantialis, in
homine non sit forma substantialis, sed dispositio ad formam: quia quod est de
genere substantiae nullius accidens esse potest, ut dicitur in I Physic.
Mais contre cela, il y a ce qu'on dit, dans le livre des Dogmes
ecclйsiastiques, ch. 15: "Nous disons qu'il n'y a pas deux вmes dans un
seul homme comme Jacques l'йcrit а d'autres Syriens l'une animale qui anime le
corps, mкlйe au sang et l'autre spirituelle qui gouverne la raison."
Et а nouveau, il est impossible qu'il y ait plusieurs formes
substantielles d'une seule et mкme chose, en effet, comme la forme
substantielle fait l'кtre non seulement relatif, mais absolu et le place dans
le genre de la substance, si la premiиre forme le fait, la seconde, quand elle
survient, trouvant un sujet dйjа constituй dans l'кtre substantiel, lui
arriverait de maniиre accidentelle; et ainsi il en dйcoulerait que l'вme
sensitive et l'вme rationnelle dans l'homme seraient unies accidentellement au
corps. On ne peut pas dire que l'вme vйgйtative qui est la forme substantielle
dans la plante, ne soit pas la forme substantielle dans l'homme, mais une
disposition pour la forme; parce que ce qui est du genre de la substance ne
peut кtre l'accident de rien, comme on le dit (I Physique, I, 2, 184 b 30).
Unde alii dicunt, quod anima vegetabilis est in potentia ad
animam sensibilem et sensibilis est actus eius; unde anima vegetabilis quae
primo est in semine, per actionem naturae perducitur ad complementum animae
sensibilis; et ulterius anima rationalis est actus et complementum animae
sensibilis; unde anima sensibilis perducitur ad suum complementum, scilicet ad
animam rationalem, non per actionem generantis sed per actum creantis; et sic
dicunt quod ipsa rationalis anima in homine partim est ab intrinseco, scilicet
quantum ad naturam intellectualem; et partim ab extrinseco, quantum ad naturam
vegetabilem et sensibilem.
C) C'est pourquoi, d'autres disent que l'вme vйgйtative est en
puissance pour l'вme sensitive et la sensibilitй est son acte; c'est pourquoi
l'вme vйgйtative qui est d'abord dans la semence, par l'action de la nature est
amenйe а кtre complйtйe par l'вme sensitive; et plus tard, l'вme rationnelle
est l'acte et le complйment de l'вme sensitive: c'est pourquoi l'вme sensitive
est amenйe а son complйment, а savoir l'вme rationnelle, non par l'action de
celui qui engendre mais par l'acte du crйateur et ainsi ils disent que l'вme
rationnelle elle-mкme dans l'homme vient en partie de l'intйrieur, pour la nature
intellectuelle et en partie de l'extйrieur, pour la nature vйgйtative et
sensitive.
q. 3 a. 9 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod embrio antequam habeat animam rationalem non est ens
perfectum, sed in via ad perfectionem; unde non est in genere vel specie nisi
per reductionem sicut incompletum reducitur ad genus vel speciem completi. # 10. Avant de possйder l'вme rationnelle, l'embryon n'est pas un кtre
parfait, mais il est sur le chemin de la perfection; c'est pourquoi il n'est
dans le genre ou l'espиce que s'il y est amenй par rйduction comme l'incomplet
est amenй au genre ou а l'espиce de ce qui est complet.
q. 3 a. 9 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in semine a principio quamvis non sit anima, est tamen
ibi virtus animae, ut dictum est, quae quidem virtus fundatur in spiritu qui in
spermate continetur, et dicitur virtus animae quia est ab anima generantis. # 11. Dans la semence au commencement, bien qu'il n'y ait pas d'вme, il
y a cependant un pouvoir de l'вme, comme on l'a dit. Celui-ci est fondй dans "l'esprit"
contenu dans le sperme, et il est appelй puissance de l'вme, parce qu'il vient
de l'вme de celui qui engendre.
q. 3 a. 9 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod embrio ante animam rationalem vivit et animam habet,
ut dictum est, unde hoc argumentum concedimus. # 12. L'embryon vit avant l'вme rationnelle, et il a une вme, comme on
l'a dit. C'est pourquoi nous concйdons cet argument.
q. 3 a. 9 ad 13 Et
similiter ad decimumtertium, decimumquartum et decimumquintum. # Et de mкme pour les objections13, 14 et 15.
q. 3 a. 9 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod virtus formativa quae in principio est in semine,
manet adveniente etiam anima rationali; sicut et spiritus in quos fere tota
substantia spermatis convertitur manent. Et illa quae prius fuit formativa
corporis fit postmodum corporis regitiva. Sicut etiam calor qui fuit dispositio
ad formam ignis manet forma ignis adveniente, ut instrumentum formae in agendo.
# 16. Le pouvoir formateur qui est au commencement dans la semence,
demeure quand arrive l'вme rationnelle; de mкme que demeurent les esprits dans
lesquels presque toute la substance du sperme est transformйe. Et celle qui a
йtй d'abord formatrice du corps devient par la suite son rйgisseur. De mкme la
chaleur, qui a йtй une disposition pour la forme du feu, demeure, quand arrive
la forme du feu, en agissant comme instrument de la forme.
q. 3 a. 9 ad 17 Et per hoc patet solutio ad
decimumseptimum et decimumoctavum. # 17-18 Et ainsi cela donne la solution pour la 17e et 18e objections.
q. 3 a. 9 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod licet anima rationalis non sit a generante, unio
tamen corporis ad eam, est quodammodo a generante, ut dictum est. Et ideo homo
dicitur generari. # 19. Bien que l'вme rationnelle ne vienne pas de celui qui engendre, cependant
son union au corps vient de lui, d'une certaine maniиre, comme on l'a dit. Et
c'est pour cela qu'on dit que l'homme est engendrй.
q. 3 a. 9 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod pro tanto in homine non est duplex esse, quia non est
sic intelligendum corpus esse a generante et animam a creante, quasi corpori
acquiratur esse separatum a generante, et separatim animae a creante; sed quia
creans dat esse animae in corpore, et generans disponit corpus ad hoc quod
huius esse sit particeps per animam sibi unitam. # 20. Pour autant, il n'y a pas deux кtres dans l'homme, parce qu'il ne
faut pas comprendre que le corps existe par celui qui engendre et l'вme par le
crйateur, comme si un кtre sйparй йtait acquis au corps par celui qui engendre
et sйparйment par le crйateur pour l'вme; mais parce que le crйateur donne
l'кtre а l'вme dans le corps, et celui qui engendre dispose le corps pour que
l'кtre du corps participe par l'вme qui lui est unie.
q. 3 a. 9 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod duo agentia omnino disparata non possunt hoc
modo se habere quod actio unius terminetur ad materiam, et alterius ad formam;
hoc tamen contingit in duobus agentibus ordinatis, quorum unum est instrumentum
alterius. Actio enim principalis agentis se extendit quandoque ad aliquid ad
quod non potest se extendere actio instrumenti. Natura autem est sicut
instrumentum quoddam divinae virtutis ut supra, ostensum est. Unde non est
inconveniens, si virtus divina sola faciat animam rationalem, actione naturae
se extendente solum ad disponendum corpus. # 21. Deux agents totalement diffйrents ne peuvent se comporter de
maniиre que l'action de l'un se termine а la matiиre et celle de l'autre а la
forme. Cependant cela arrive dans deux agents ordonnйs, dont l'un est
l'instrument de l'autre. Car l'action de l'agent principal s'йtend quelquefois
lа oщ l'action de l'instrument ne peut parvenir. Mais la nature est comme un
instrument du pouvoir divin, comme on l'a montrй (art. 8, obj. 14, et art. 7,
c.). Aussi il n'y a pas d'inconvйnient, si seul le pouvoir divin crйe l'вme
rationnelle, alors que l'action de la nature s'йtend seulement а la disposition
du corps.
q. 3 a. 9 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod intellectus in corpore existens non indiget
aliquo corporali ad intelligendum, quod simul cum intellectu sit principium
intellectualis operationis, sicut accidit in visu: nam principium visionis non
est visus tantum, sed oculus constans ex visu et pupilla. Indiget autem corpore
tamquam obiecto, sicut visus indiget pariete in quo est color: nam phantasmata
comparantur ad intellectum ut colores ad visum, sicut dicitur in III de anima.
Et ex hoc est quod intellectus impeditur in intelligendo, laeso organo
phantasiae: quia quamdiu est in corpore indiget phantasmatibus non solum quasi
accipiens a phantasmatibus dum acquirit scientiam, sed etiam comparans species
intelligibiles phantasmatibus dum utitur scientia acquisita. Et propter hoc
exempla in scientiis sunt necessaria.
# 22. L'esprit (intellectus) qui existe dans un corps n'a pas besoin
d'un organe corporel pour l'intellection, parce que, avec lui en mкme temps, il
y a le principe de l'opйration intellectuelle, comme cela arrive pour la vue;
car le principe de vision n'est pas la vue seulement, mais l'oeil composй de la
vue et de la pupille. Mais elle a besoin d'un corps comme objet, de mкme que la
vue a besoin d'un mur sur lequel il y a de la couleur: car les images pour
l'esprit sont comparйes aux couleurs pour la vision, comme il est dit dans L'вme, III, 431 b 2. Et c'est pourquoi
l'esprit est empкchйe d'abstraire, si l'organe de l'image est blessйe, parce
que tant qu'elle est dans le corps, elle a besoin des images non seulement en
recevant par elles, pendant qu'elle acquiert la connaissance, mais mкme en
comparant les espиces intelligibles aux images, pendant qu'elle se sert de la
connaissance acquise. Et c'est pour cela que les exemples sont nйcessaires dans
les sciences.
q. 3 a. 9 ad 23 Et
per hoc patet responsio ad vicesimumtertium et vicesimum-quartum. # Et par lа on trouve la rйponse а la 22e, 23e et 24e objection.
q. 3 a. 9 ad 25 Ad
vicesimumquintum dicendum, quod illa ratio est Apollinaris, ut Gregorius
Nyssenus dicit. Decipiebatur autem in hoc quod non distinguebat operationem
naturae, quae est generatio prolis, cui Deus dat complementum, ab operatione
voluntaria adulterii in qua peccatum consistit. # 25. Cet argument est d'Apollinaire, comme Grйgoire de Nysse[28] le
dit (L'вme, ch. 6). Il йtait trompй
parce qu'il ne distinguait pas l'opйration de nature qui est la gйnйration
d'une descendance, а qui Dieu accorde un complйment, de l'opйration volontaire
de l'adultиre, en quoi consiste le pйchй.
q. 3 a. 9 ad 26 Ad
vicesimumsextum dicendum, quod anima, cum sit perfectior formis materialibus,
posset sibi similem producere si anima rationalis posset produci aliter quam
per creationem, quod esse non potest; et hoc provenit ex eius perfectione, ut
ex praedictis potest patere. # 26. Comme l'вme est plus parfaite que les formes matйrielles, elle
pourrait produire quelque chose de semblable а elle si l'вme rationnelle
pouvait кtre produite autrement que par crйation, ce qui n'est pas possible, et
cela provient de sa perfection, comme on peut le dйcouvrir dans ce qu'on a dit
prйcйdemment.
q. 3 a. 9 ad 27 Ad
vicesimumseptimum dicendum, quod in solo Deo potest esse una natura in pluribus
suppositis; et ideo ibi solummodo potest esse generatio sine imperfectione
mutationis et divisionis; unde nobiliores creaturae, quae sunt indivisibiles
nec substantialiter transmutantur, sicut anima rationalis et Angelus, non
generantur; sed inferiores creaturae, quae sunt divisibiles et corruptibiles. # 27. En Dieu seul, il peut y avoir une seule nature dans plusieurs
suppфts. Et c'est pourquoi, lа uniquement, il peut y avoir une gйnйration sans
l'imperfection du changement et de la division. C'est pour cela que les plus
nobles crйatures, qui sont indivisibles, et ne se transforment pas
substantiellement, comme l'вme rationnelle et l'ange, ne sont pas engendrйes;
mais seules sont engendrйes les crйatures infйrieures qui sont divisibles et
corruptibles.
q. 3 a. 9 ad 28 Ad
vicesimumoctavum dicendum, quod virtus illa quae est in semine, a philosopho
vocatur intellectus, ut dicit Commentator, propter quamdam similitudinem: quia
sicut intellectus operatur absque organo, ita et illa virtus. # 28. Ce pouvoir qui est dans la semence, est appelй l'esprit
(intellectus) par le philosophe, comme le dit le Commentateur (Mйtaphysique, VII, com. 31) а cause
d'une certaine ressemblance; parce que l'intellect opиre sans organe, ce
pouvoir aussi.
q. 3 a. 9 ad 29 Ad
vicesimumnonum dicendum, quod verbum illud philosophi est intelligendum de
anima sensibili, non de rationali. # 29. Cette parole du philosophe est а comprendre de l'вme sensitive,
non de l'вme rationnelle.
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[1] PARALL.: Ia, q. 90, a. 2 - q.
118, a. 2 – CG. Il, 86, 87, 88. 89 –
Il Sent., d18q2al – d19qla4 - De Verit., q. 27, a. 3, ad 9 - De Spir, creat.,
a. 2, ad 8 – Qdl. IX, q. 3, a.1 – Compend. c. 93; Opusc. XXVIII, De Fato, c. 5
- Opusc. XXXVII. De quatuor Oppos., c. 4; Qudl., XI, q. 5, ad 1, 4; XII, q. 7,
a. 2 – Cf. Super epist. ad Romanos lectura V; lectio 3, surtout le n° 408
[2]
II Sent. d18q2a1, obj. 3: "Les enfants contractent le pйchй originel de
leurs parents, comme l'Apфtre l'enseigne (Rm. 5), mais un accident ne peut кtre
transmis que si l'objet de l'кtre est transmis. Donc il semble que l'вme
raisonnable est le substrat de ma faute originelle et qu'elle est transmise par
les parents."
[3]
"C'est un homme qui engendre un homme" Les causes "...la
matiиre, la forme, le moteur, la cause fnale" ne font qu'un; alors que
l'origine prochaine du mouvement est identique spйcifiquement а celui-ci; car
c'est un homme qui engendre un home." Cette affirmation, banale en soi,
sert а Aristote а dйmontrer que trois des quatre causes se rйduisent а une, en
beaucoup de cas. L'essence et la cause finale ne font qu'une essence, le
premier homme de l'affirmation, la fin, le second. La cause efficiente (l'homme
sujet de la proposition) est identique а la cause finale (l'homme objet de la
proposition).
[4]
Ailleurs il dit que c'est un surplus de nourriture. (voir Ia, 119, a 2)
[5]
"Il semble en outre que le principe contenu dans les vйgйtaux est lui-mкme
une sorte d'вme; car c'est le seul principe commun aux animaux et aux
vйgйtaux.." (Trad. E. Barbotin)
[6]
"L'вme est pour le corps vivant, cause et principe." (Trad. E.
Barbotin).
[7]
"Certains, par contre, estiment que la nature du feu est, absolument
parlant, cause de la nutrition et de la croissance." (Il s'agirait
d'Hйraclite) Thomas, °n° 339.
[8]
En II Sent. d18q2a1, obj. 5, il prйcise que c'est le Commentateur qui le dit en
II Mйtaphysique , com. 7: "Il
est impossible qu'il y ait diffйrents agents dont l'action de l'un se termine
au substrat de la forme et l'action de l'autre а la forme, parce que pour le
substrat de la forme, l'action de l'agent ne se termine que selon ce qui reзoit
la forme, il en dйcoulerait en effet, comme il le dit lui-mкme, que le substrat
et la forme seraient deux [кtres] distincts, desquels ne serait pas fait l'un,
si c'йtaient les termes des diffйrentes actions."
[9]
Mкme objection II Sent. d18q2a1, obj. 2. Il y ajoute: "Parce que celui qui
agit de concert avec quelqu'un d'inique n'est pas soustrait а l'iniquitй. Donc
il semble que l'вme humaine n'est pas infusйe par Dieu mais transmise par le
pиre."
[10]
"La plus naturelle de toutes les fonctions, pour tout кtre vivant parfait,
qui n'est pas incomplet ou dont la gйnйration n'est pas spontanйe, c'est de
produire un autre vivant semblable а soi." (L'вme, 415 a 30) Thomas lectio 7, n° 311-314.
[11]
Prop. 2, n° 2: "L'Кtre qui est aprиs l'йternitй et au-dessus du temps,
c'est l'вme, parce qu'elle est en dessous dans l'horizon de l'йternitй et
au-dessus du temps. Thomas, n° 58:"Il parle de l'вme qui a un кtre
supйrieur а savoir au-dessus du mouvement et du temps. Car l'вme de ce genre
s'approche plus du mouvement que l'Intelligence parce qu'il est йvident que
l'Intelligence n'est pas touchйe par le mouvement ni selon sa substance, ni
selon son opйration. L'вme selon sa substance dйpasse (excedit) le temps et le
mouvement et touche а l'йternitй, mais selon l'opйration elle touche au
mouvement; parce que, comme les philosophes le prouvent, il faut que ce qui est
mы par un autre soit ramenй а quelque chose de premier, qui se meut lui-mкme.
Mais selon Platon c'est l'вme qui se meut elle-mкme, selon Aristote, c'est un
corps animй dont le principe du mouvement est l'вme. Et ainsi des deux
maniиres, il faut que le premier principe du mouvement, soit l'вme et c'est
pourquoi le mouvement est l'opйration de l'вme elle-mкme. Et parce que le
mouvement est dans le temps, le temps touche l'opйration de l'вme elle-mкme."
[12]
Le sens de spiritus est а peu prиs йquivalent а puissance. Cf. les
"esprits animaux" de Descartes. ("Les esprits animaux sont des
vapeurs trиs subtiles, par lesquelles se diffusent les pouvoirs de l'вme dans
les parties du corps." (I Sent. d10q1a4 c.) Cf. Ia, qu. 118, a. 1, ad 3m: "La
force active qui est dans la semence dйrivйe de l'вme de celui qui engendre est
comme un йlan (motio) qui vient d'elle... il lui faut un organe en acte et elle
est fondйe dans cet esprit inclus dans la semence." "Il y a un
"esprit" dans le semen qui lui donne sa puissance active dans la
gйnйration" (Trad. J. Weber, l'вme humaine, (Йd. des jeunes,
renseignements techniques p. 377). Cf. IIIa, qu. 32, a. 1, ad 1:"w...la
puissance de l'вme qui est dans la semence est enclose par l' "esprit"
qui s'y trouve forme le corps dans la gйnйration des autres hommes," autre
que le Christ.
[13]
On trouve chez Augustin, tout particuliиrement dans La Genиse au sens littйral, que Thomas connaоt bien, les
diffйrentes solutions rapportйes ici. Mais Augustin reste trиs hйsitant sur le
choix а faire.
a.
Propagation par l'вme du pиre ou traducianisme. Augustin pense particuliиrement
а Tertullien (De anima), dont le traducianisme est entachй de matйrialisme.
L'вme est virtuellement dans la semence. C'est le seul qui soit aussi nettement
traducianiste avec Lucifer de Cagliari et ses disciples; Arnobe et Lactance
semblent avoir йtй accusйs а tort. (La traducianisme a йtй condamnй par
Anastase II (496-498). Denz 170.
2.
Le prйexistentialisme: crйation antйrieure а la formation du corps. Opinion
attribuйe а Origиne. Ce problиme est йtudiй а l'article 10.
3.
Le crйatianisme. Thomas n'йvoque pas ici l'йmanatisme, qu'il rйfute dans le
Commentaire des sentences et dans le CG.
[14]
Lucifer de Cagliari (vers 354, vers 370) et ses disciples.
[15]
Identification apparemment impossible.
[16]
Cf. Ia, qu. 90, a. 4, resp. §1. Sur la doctrine d'Origиne: "Origиne a
affirmй que non seulement l'вme du premier homme, mais celle de tous les hommes
ont йtй crййes avant les corps, en mкme temps que les anges; et cela parce
qu'il croyait que toutes les substances spirituelles, tant les вmes que les
anges, йtaient йgales sous la condition de leur nature, et qu'elles ne
diffйraient que par leur mйrite; de telle sorte que certaines seraient liйes а
des corps - ce sont les вmes des hommes et des corps cйlestes -, et que
d'autres demeurent dans leur puretй, distribuйes selon leurs divers ordres."
Cf. Ia, qu. 47, a. 2, c.
[17]
"Il est donc manifeste que la forme (...) ou que le nom qu'il faille
donner а la configuration rйalisйe dans le sensible, n'est pas soumise au
devenir, que d'elle il n'y a pas de gйnйration..." (Trad. J. Tricot)
[18]
Gn. 46, 26.
[19]
Cf. II Sent. d18q2a1, ad 1: "Totus homo dicitur intellectus, per modum quo
etiam tota civitas dicitur rector civitatis. "Tout homme est appelй "intellect"
а la maniиre dont toute la citй est appelйe chef de la citй."
[20]
"La partie pensante de son кtre, qui, semble-t-il, constitue chacun de
nous." (Trad. J. Voilquin). Thomas n° 1805: Ce qu'il veut il le fait par
sa grвce c'est-а-dire grвce а la partie intellectuelle qui est principal dans
l'homme. Chaque chose sensible est surtout ce qui est principalement en lui.
[21]
II Sent. d18q2a1: "Quoique le pйchй originel soit dans l'вme comme dans un
substrat, cependant elle y est causйe par l'infection de la semence, et il est
en elle, quoiqu'il n'y soit pas comme dans un substrat, cependant comme dans sa
cause et c'est pourquoi le pйchй originel est transmis par la semence et pas
par l'вme. (...) L'вme est le substrat du pйchй original mais il y est causй
par la semence, qui en est comme la cause". Cf. Ia / IIж qu. 83, a. 1, c. "Le
pйchй originel est dans la semence comme dans sa cause instrumentale... mais
dans le sujet le pйchй originel ne peut кtre en aucune maniиre dans la chair,
mais seulement dans l'вme." Car, prйcise-t-il, la chair n'est pas le
substrat de la faute. Donc c'est l'вme qui l'est.
[22]
Cf. II Sent. d18q2a1, ad 4m: Faire du semblable: 1) La forme selon laquelle on
atteint la ressemblance est amenйe de la puissance а l'acte par l'action. 2) La
matiиre est disposйe par l'action pour кtre nйcessitй а recevoir la forme a)
forme accidentelle, b) selon Avicenne, dans toutes les formes substantielles
parce qu'il veut que toutes les formes essentielles viennent d'un principe
sйparй. Mais selon Aristote et le Commentateur les formes substantielle
matйrielles appartiennent а la deuxiиme.
[23]
Оuvre de Nйmesius d'Emиse (PG. 45, 187).Ь
[24]
De anima, II, 3, 412 b 25: "De plus, ce n'est pas le corps sйparй de l'вme
qui est en puissance de vivre, mais celui qui la possиde; а leur tour, la
semence et les fruits sont en puissance un corps de cette sorte." (Trad.
E.Barbotin). Thomas n° 240: "Mais il est vrai que la semence et le fruit
en qui sont conservйes les semences de la plante sont en puissance pour un
corps vivant de ce genre, qui a une вme, car la semence n'a pas encore d'вme.
C'est pourquoi il est un dans la puissance, comme sйparйe de l'вme."
[25]
Thomas suit Aristote qui dit que la semence est le superflu de l'aliment. Il le
dйmontre en Ia, qu. 119, a2.. Il a montrй dans l'article 1 que les aliments
deviennent la rйalitй (veritatem) du corps. Il considиre donc (a. 2 c) que la
nature humaine (puisqu'il restreint son йtude а elle), possиde une puissance
(virtus) pour communiquer la forme а une matiиre йtrangиre dans un autre, mais
aussi en lui Cette puissance permet d'assimiler peu а peu les aliments qui sont
pour tout le corps, puis pour chaque partie. C'est l'ordre normal: la puissance
passe а l'acte, l'imparfait au parfait. Il n'est pas possible que ce qui est
devenu substance des diffйrents membres soit la semence. (La question йtudie
йtant la semence est-elle du superflu des aliments ou la substance de celui qui
engendre, elle n'aurait pas pouvoir de convertir l'autre en une nature
semblable). Donc la semence n'est pas dйtachйe (decisum) de ce qui йtait tout
en acte mais elle est en puissance seulement; ce qui est en puissance (de
produire un corps) vient donc des aliments avant d'кtre converti en substance
dans les membres. II Sent. d30q2a2.
[26]
Cf. De anima, II, 4, 416 b 15. "L'aliment est encore principe de la
gйnйration non pas pour l'кtre qui se nourrit mais pour un кtre semblable а lui"
(Trad. E. Barbotin). Cf. Thomas, II, lectio 9, n ° 344.
[27]
Allusion aux animaux qui peuvent кtre coupй: les annelйs, les vers etc..
[28]
Nйmйsius d'Emиse, La nature de l'homme, PG. 45,46. II Sent. d18q2a1, ad 2m: On
peut considйrer l'adultиre de deux maniиres. Ou selon l'кtre moral et ainsi
l'usage est sans forme, Dieu n'y coopиre pas mais l'empкche, ou selon qu'il est
dans une espиce naturelle, et ainsi est un certain bien; c'est pourquoi il
n'est pas inconvenant qu'а une telle opйration en tant qu'elle est bonne Dieu
qui opиre en tout y apporte une complйment."
Article 10: L'вme rationnelle est-elle crййe dans le corps ou hors du
corps?
q. 3 a. 10 tit. 1
Decimo quaeritur utrum anima rationalis sit creata in corpore, vel extra
corpus. Et videtur quod sit creata extra corpus. Il semble que l'вme est crййe hors du corps[1].
Objections: q. 3 a. 10 arg. 1
Eorum enim quae sunt idem secundum speciem, est idem modus prodeundi in esse.
Sed animae nostrae sunt eiusdem speciei cum anima Adae. Anima autem Adae fuit
extra corpus cum Angelis creata, ut Augustinus dicit. Ergo et aliae animae
humanae extra corpus creantur. 1. Car la maniиre de venir а l'кtre est identique pour ce qui est
identique en espиce[2]. Mais nos вmes sont de la mкme espиce que celle d'Adam.
Or celle-ci fut crййe hors de son corps avec les anges, comme Augustin (La Genиse au sens littйral, VII, 25 et
27[3]) le dit. Donc les autres вmes humaines sont crййes hors du corps.
q. 3 a. 10 arg. 2
Praeterea, omne totum imperfectum est cui deest aliqua pars quae ad eius
perfectionem pertinet. Sed animae rationales magis pertinent ad perfectionem
universi quam etiam substantiae corporales, cum substantia intellectualis sit
nobilior corporali substantia. Si ergo animae rationales a principio non
fuerunt omnes creatae, sed quotidie creantur cum corpora generantur; sequitur
quod universum sit imperfectum ex eo quod desunt sibi nobilissimae partes eius.
Hoc videtur esse inconveniens. Ergo animae
rationales sunt a principio extra corpora creatae. 2. Tout ensemble imparfait est celui а qui manque une partie qui
importe а sa perfection. Mais les вmes rationnelles concernent plus la
perfection de l'univers que les substances corporelles, puisque la substance
intellectuelle est plus noble que la substance corporelle. Si donc les вmes
rationnelles n'ont pas toutes йtй crййes au commencement, mais sont crййes
chaque jour, quand les corps sont engendrйs, il en dйcoule que l'univers est
imparfait, parce que ses parties les plus nobles lui font dйfaut. Cela paraоt
ne pas convenir. Donc les вmes rationnelles ont йtй crййes au commencement hors
du corps.
q. 3 a. 10 arg. 3
Praeterea, theatralibus ludis videtur esse simile, quod tunc universum
destruatur, quando ad ultimam perfectionem devenerit. Sed mundus tunc finietur
quando hominum generatio cessabit, et tunc completissima universi perfectio
erit, si animae simul creantur cum corpora generantur. Ergo secundum hoc divina gubernatio, quae mundum regit, erit similis ludo;
quod videtur esse absurdum. 3. La destruction de l'univers, quand il sera parvenu а son ultime
perfection, ressemble а une reprйsentation thйвtrale[4]. Mais le monde sera
fini, quand la gйnйration des hommes cessera et alors la perfection de
l'univers sera trиs complиte, si les вmes sont crййes en mкme temps que les
corps sont parfaitement engendrйs. Donc dans cet optique, la gouvernement
divin, qui rйgit le monde, ressemble а une reprйsentation thйвtrale, ce qui
paraоt absurde.
q. 3 a. 10 arg. 4
Sed dices, quod nihil prohibet perfectioni universi deesse aliquid secundum
numerum, cum tamen quantum ad omnes eius species sit completum.- Sed contra,
species rerum ex hoc quod, quantum in ipsis est, perpetuitatem quamdam habent,
pertinent ad essentialem perfectionem universi, utpote per se intentae ab
universi auctore. Individua vero, quae non habent esse perpetuum, pertinent ad
quamdam accidentalem universi perfectionem, utpote non propter se intenta, sed
propter speciei conservationem. Animae autem rationales non solum secundum
speciem, sed etiam secundum singula individua perpetuitatem habent. Ergo si a
principio omnes animae rationales defuerunt; ita fuit universum imperfectum, ac
si aliquae species universi defuissent.
4. Mais on pourrait dire que rien n'empкche qu'il manque quelque chose
а la perfection de l'univers, en nombre, alors que cependant il est complet
pour toutes les espиces. – En sens contraire, du fait que, quant а elles, les
espиces ont une certaine perpйtuitй, elles conviennent а la perfection
essentielle de l'univers, puisque dйcidйes pour elles-mкmes par le crйateur de
l'univers. Mais les choses individuelles qui n'ont pas d'кtre perpйtuel,
conviennent а la perfection accidentelle de l'univers, n'йtant pas dйcidйes
pour elles-mкmes, mais pour la conservation de l'espиce. Les вmes rationnelles
non seulement selon l'espиce, mais aussi selon les individus particuliers, ont
la perpйtuitй. Donc, si, au commencement, toutes les вmes rationnelles ont
manquй, il y eut ainsi un univers imparfait, comme si quelques espиces de
l'univers avaient manquй.
q. 3 a. 10 arg. 5
Praeterea, Macrobius super somnium Scipionis, duas portas in caelo posuit: unam
deorum, et aliam animarum, in cancro scilicet, et Capricorno; per quarum
alteram animae ad corpus descendebant. Sed hoc non esset, nisi animae extra
corpus in caelo crearentur. Ergo animae extra corpora creatae sunt. 5. Macrobe dans Le songe de
Scipion (liv. 1) a placй deux portes dans le ciel: celle des dieux et celle
des вmes, dans le Cancer et le Capricorne; par l'une d'elles, les вmes
descendaient dans le corps. Mais cela ne pouvait exister que si les вmes
йtaient crййes au ciel hors du corps. Donc les вmes ont йtй crййes hors du
corps.
q. 3 a. 10 arg. 6
Praeterea, causa efficiens praecedit tempore suum effectum. Sed anima est causa
efficiens corporis, ut dicitur in II de anima. Ergo est ante corpus, et ita non
creatur in corpore. 6. La cause efficiente prйcиde son effet dans le temps. Mais l'вme est
cause efficiente du corps, comme on le dit dans le livre II de L'вme, (II, 4, 415 b 10[5]). Donc elle
est avant le corps et ainsi elle n'est pas crййe dans le corps.
q. 3 a. 10 arg. 7
Praeterea, in libro de spiritu et anima, dicitur, quod anima antequam corpori
uniatur, habet irascibilitatem et concupiscibilitatem. Sed haec non possunt esse in anima antequam anima
sit. Ergo anima est antequam corpori uniatur, et ita non creatur in corpore. 7. Dans le livre L'esprit et
l'вme[6] (ch. 13), on dit que l'вme, avant d'кtre unie au corps, possиde
l'irascible et le concupiscible. Mais ils ne peuvent pas exister dans l'вme
avant qu'elle existe. Donc l'вme existe, avant qu'elle soit unie au corps et
ainsi elle n'est pas crййe dans le corps.
q. 3 a. 10 arg. 8
Praeterea, substantia animae rationalis tempore non mensuratur: quia, ut
dicitur in Lib. de causis, est supra tempus; nec iterum mensuratur aeternitate,
quia hoc solius Dei est. In Lib. etiam de causis dicitur, quod anima est infra
aeternitatem. Ergo mensuratur aevo, sicut et Angeli: et ita eadem est mensura
durationis Angeli et animae. Cum ergo Angeli sint creati a principio mundi,
videtur quod etiam animae tunc sint creatae, et non in corporibus.
8. La substance de l'вme rationnelle n'est pas mesurйe par le temps;
parce que, comme on le dit dans le Livre
des Causes, (prop. 2[7]), elle est au-dessus du temps. Elle n'est pas
mesurйe non plus par l'йternitй, qui n'appartient qu'а Dieu seul. Mais dans le Livre des Causes (ibid.), on dit que
l'вme est en dessous de l'йternitй. Donc elle est mesurйe par l'aevum[8], comme
les anges et ainsi c'est la mкme mesure de durйe pour l'ange et l'вme. Donc
comme les anges sont crййs depuis le commencement du monde, il semble que les
вmes aussi ont йtй crййes alors et non dans les corps.
q. 3 a. 10 arg. 9
Praeterea, in aevo non est prius et posterius: alias a tempore non differret,
ut quibusdam videtur. Sed si Angeli ante animas essent creati, vel una anima
post aliam crearetur, esset in aevo prius et posterius, cum mensura animae sit
aevum, ut ostensum est. Ergo oportet omnes animas simul creari cum Angelis.
9. Dans l'aevum, il n'y a pas d'avant et d'aprиs[9], autrement il ne
diffйrerait pas du temps, comme il le semble а certains. Mais si les anges
avaient йtй crййs avant les вmes, ou qu'une вme soit crййe aprиs l'autre, il y
aurait dans l'aevum un avant et un aprиs, puisque la mesure de l'вme c'est
"l'aevum", comme on l'a montrй. Donc il faut que toutes les вmes
aient йtй crййes en mкme temps que les anges.
q. 3 a. 10 arg. 10
Praeterea, unitas loci attestatur unitati naturae: unde et diversorum corporum
secundum naturam, diversa sunt loca. Sed Angeli et animae conveniunt in natura,
cum sint substantiae spirituales et intellectuales. Ergo animae creatae sunt in caelo Empyreo, sicut
Angeli, et non in corporibus. 10. L'unitй de lieu atteste l'unitй de nature; donc les lieux oщ sont
les diffйrents corps sont diffйrents en nature[10]. Mais les anges et les вmes
se ressemblent en nature, puisqu'ils sont des substances spirituelles et
intellectuelles. Donc les вmes crййes sont dans le ciel empyrйe, comme les
anges, et non dans les corps.
q. 3 a. 10 arg. 11
Praeterea, quanto aliqua substantia est subtilior, tanto ei altior locus
debetur; unde ignis locus altior est quam aeris vel aquae. Sed anima est multo
simplicior substantia quam aliquod corpus. Ergo videtur quod sit creata supra
omnia corpora, et non in corpore. 11. Plus une substance est subtile, plus lui est dы lieu йlevй; c'est
pourquoi le lieu du feu est plus haut que celui de l'air ou de l'eau. Mais
l'вme est une substance beaucoup plus simple qu'un corps quelconque. Donc il
semble qu'elle a йtй crйй au-dessus de tous les corps et non dans un corps.
q. 3 a. 10 arg. 12
Praeterea, cuiuslibet rei ultima perfectio est secundum quod est in proprio
loco; cum non sit extra proprium locum nisi per violentiam quamdam. Sed ultima
perfectio animae est in caelesti habitatione. Ergo ibi locus est congruens
naturae eius; et ita videtur quod ibi sit creata. 12. La perfection ultime de n'importe quel кtre est de se situer dans
son lieu propre, puisqu'il n'en est en dehors que par une violence quelconque.
Mais l'ultime perfection de l'вme est dans la demeure cйleste. Donc ici le lieu
est conforme а sa nature et ainsi il semble qu'elle y ait йtй crййe.
q. 3
a. 10 arg. 13 Praeterea, Genes. II, 2, dicitur: requievit Deus die septimo ab
universo opere quod patrarat. Ex quo intelligi datur quod tunc
Deus a novis creaturis creandis cessavit. Sed hoc non esset, si nunc quotidie
animae crearentur. Ergo animae non creantur in corpore, sed creatae sunt a
principio extra corpus.
13 En Genиse 2, 2 il est dit: "Dieu se reposa le septiиme jour de
toute l'oeuvre qu'il avait accomplie". Par lа, il est donnй а comprendre
qu'alors Dieu cessa de crйer des crйatures nouvelles. Mais ce ne serait pas
vrai si maintenant, chaque jour, des вmes йtaient crййes. Donc les вmes ne sont
pas crййes dans le corps, mais elles l'ont йtй dиs le commencement, hors du
corps.
q. 3 a. 10 arg. 14
Praeterea, opus creationis praecedit opus propagationis. Hoc autem non esset,
si simul animae crearentur dum corpora propagantur. Ergo animae ante corpora
sunt creatae. 14. L'oeuvre de la crйation prйcиde celle de la propagation. Mais cela
ne serait pas si les вmes йtaient crййes en mкme temps que se propagent les
corps. Donc les вmes ont йtй crййes avant les corps[11].
q. 3 a. 10 arg. 15
Praeterea, Deus omnia secundum iustitiam operatur. Sed secundum iustitiam non
dantur diversa et inaequalia nisi in illis in quibus aliqua inaequalitas meriti
praeexistit. Cum ergo in nativitate hominum circa animas multa inaequalitas
attendatur: tum ex hoc quod quaedam uniuntur corporibus ad operationes animae
aptis, quaedam vero ineptis; tum ex hoc quod quidam ex infidelibus nascuntur
alii vero ex fidelibus, qui per sacramentorum susceptionem salvantur; videtur
quod inaequalitas meriti in animabus praecesserit: et sic videtur quod animae
fuerint ante corpora. 15. Dieu opиre en tout selon la justice. Mais selon elle, les
diffйrences et les inйgalitйs ne sont donnйes que lа oщ prйexiste une inйgalitй
du mйrite. Donc, comme dans la naissance des hommes, on remarque dans les вmes
beaucoup d'inйgalitй, cela vient d'une part de ce que certaines sont unies а
des corps aptes aux opйrations de l'вme, certaines а des corps inaptes, d'autre
part de ce que certaines sont nйes d'infidиles, d'autres de fidиles, qui sont
sauvйs en recevant les sacrements. Il semble que l'inйgalitй du mйrite aurait
existй auparavant dans les вmes et ainsi il semble que les вmes ont existй
avant les corps.
q. 3 a. 10 arg. 16
Praeterea, ea quorum una est inceptio, videtur quod secundum esse dependeant ad
invicem. Sed anima secundum esse suum non dependet a corpore, quod patet ex hoc
quod corrupto corpore manet. Ergo nec anima simul incipit cum corpore.
16. Il semble que les choses, dont l'une est le commencement dйpendent
les unes des autres pour leur existence. Mais l'вme en son кtre ne dйpend pas
du corps, ce qui le montre c'est qu'elle demeure une fois le corps corrompu.
Donc l'вme ne commence pas en mкme temps que le corps.
q. 3 a. 10 arg. 17 Praeterea, ea quorum unum impedit alterum, non
naturaliter uniuntur. Sed anima
impeditur a sua operatione a corpore: corpus enim quod corrumpitur, aggravat
animam, ut dicitur Sapient. cap. IX, 15. Ergo anima non naturaliter unitur
corpori; et ita videtur quod prius fuerit corpori non unita quam uniretur. 17. Les choses, dont l'une entrave l'autre, ne sont pas unies
naturellement. Mais l'opйration de l'вme est entravйe par le corps. "Car
le corps corrompu appesantit l'вme", comme il est dit en Sg. 9, 15. Donc
l'вme n'est pas naturellement unie au corps et ainsi il semble qu'elle n'a pas
йtй avec le corps avant de lui кtre uni.
En sens contraire: q. 3 a. 10 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur in libro de Ecclesiast. dogmatibus, quod animae ab
initio inter ceteras intellectuales creaturas non simul creantur. 1. Il est dit dans le livre des Dogmes ecclйsiastiques, ch. 13[12], que
les вmes ne sont pas crййes au commencement en mкme temps que les autres
crйatures intellectuelles.
q. 3 a. 10 s. c. 2
Praeterea, Gregorius Nyssenus dicit, quod assertio utriusque opinionis
vituperatione non caret: et eorum qui prius vivere animas in suo quodam statu
atque ordine fabulantur, et eorum qui eas post corpora creatas existimant.
2. Grйgoire de Nysse (dans La
crйation du monde, 29, PG. 44, 234 D) dit que l'йnonciation de chacune des
deux opinions ne manque pas de venin, celles de ceux qui racontent que les вmes
vivent d'abord dans leur statut et leur ordre, et celles de ceux qui pensent
qu'elles sont crййs aprиs les corps.
q. 3 a. 10 s. c. 3
Praeterea, Hieronymus dicit in symbolo fidei, quem composuit: eorum condemnamus
errorem qui dicunt animas ante peccasse, vel in caelis conversatas fuisse, quam
in corpora immitterentur.
3. Jйrфme dit dans Le symbole de la foi qu'il composa [Pйlage dans L'exposition de la foi а Damase]: "Nous
condamnons l'erreur de ceux qui disent que les вmes ont pйchй avant ou qu'elles
ont йtй conservйes dans les cieux avant d'кtre introduites dans les corps".
q. 3 a. 10 s. c. 4
Praeterea, proprius actus fit in propria materia. Sed anima est proprius actus
corporis. Ergo in corpore anima creatur. 4. L'acte plus appropriй se fait dans une matiиre appropriйe. Mais
l'вme est l'acte le plus appropriй du corps. Donc l'вme est crййe dans le
corps.
Rйponse: q. 3 a. 10 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut supra dictum est, quorumdam opinio fuit, quod
animae omnes simul creatae fuerunt extra corpus. Cuius quidem opinionis
falsitas potest ad praesens quatuor rationibus ostendi: Comme on l'a dit plus haut (art. 9), l'opinion de certains[13] a йtй
que toutes les вmes ont йtй crййes en mкme temps hors du corps. La faussetй de
cette opinion peut а prйsent кtre montrйe par quatre raisons:
quarum prima est, quod res creatae sunt a Deo in sua
perfectione naturali. Perfectum enim naturaliter praecedit imperfectum,
secundum philosophum. Et Boetius dicit, quod, natura a perfectis sumit
exordium. Anima autem non habet perfectionem suae naturae extra corpus, cum non
sit per se ipsam species completa alicuius naturae, sed sit pars humanae
naturae: alias oporteret quod ex anima et corpore non fieret unum nisi per
accidens. Unde non fuit anima humana extra corpus creata.
1) Dont la premiиre est que les crйatures ont йtй crййes par Dieu dans
leur perfection naturelle[14]. Car le parfait prйcиde naturellement
l'imparfait, selon le philosophe (Le ciel. I, 2, 269 a 20). Et Boиce (La
Consolation, 10, prose 10) dit que la nature prend son dйpart а partir de ce
qui est parfait. Mais l'вme n'a pas la perfection de sa nature hors du corps,
puisqu'elle n'est pas par elle-mкme une espиce complиte d'une certaine nature,
mais une partie de la nature humaine; autrement il faudrait que l'unitй de
l'вme et du corps ne soit faite que par accident. Donc l'вme humaine n'a pas
йtй crййe hors du corps.
Quicumque autem posuerunt animas extra corpora fuisse
antequam corporibus unirentur, aestimaverunt eas esse naturas perfectas, et
quod naturalis perfectio animae non est esse in hoc quod anima corpori
uniretur, sed uniretur ei accidentaliter, sicut homo indumento: sicut Plato
dicebat, quod homo non est ex anima et corpore, sed est anima utens corpore. Et
propter hoc omnes qui posuerunt animas extra corpora creari, posuerunt
transcorporationem animarum; ut sic anima exuta a corpore uno, alteri corpori
uniretur, sicut homo exutus uno vestimento induit alterum.
Tous ceux qui ont pensй que les вme ont existй hors des corps avant de
leur кtre unies, ont estimй qu'elles йtaient des natures parfaites, et que la
perfection naturelle de l'вme ne consiste pas а кtre unie au corps, mais
qu'elle lui serait unie accidentellement, de la mкme maniиre que l'homme а son
vкtement. Ainsi Platon disait que l'homme n'est pas composй d'une вme et d'un
corps, mais c'est une вme qui se sert d'un corps[15]. Et c'est pourquoi tous
ceux qui ont pensй que les вmes sont crййes hors des corps, ont cru а la
transcorporation des вmes[16], de sorte qu'une вme, ainsi sortie d'un corps,
s'unirait а un autre, comme l'homme retire son vкtement et en met un autre.
Secunda ratio est Avicennae. Cum enim anima non sit
composita ex materia et forma, distinctio animarum ab invicem esse non posset
nisi secundum formalem differentiam, si solum secundum se ipsas
distinguerentur. Formalis autem differentia diversitatem speciei inducit.
Diversitas autem secundum numerum in eadem specie ex differentia materiali
procedit: quae quidem animae competere non potest secundum naturam ex qua fit,
sed secundum materiam in qua fit.
2) La seconde raison est donnйe par'Avicenne. En effet, comme l'вme
n'est pas composйe de matiиre et de forme (car elle est distinguйe de la
matiиre et du composй dans le livre II de l'вme), la distinction des вmes l'une
de l'autre ne pourrait exister que selon une diffйrence formelle, si seulement
elles se distinguaient elles-mкmes en soi. Mais la diffйrence formelle amиne la
diversitй de l'espиce. La diversitй selon le nombre dans la mкme espиce
provient de la diffйrence matйrielle; ce qui, pour l'вme, ne peut convenir
selon la nature dont elle est faite, mais selon la matiиre dans laquelle elle
est faite.
Sic ergo solum ponere possumus plures animas humanas eiusdem
speciei, numero diversas esse, si a sui principio corporibus uniantur, ut earum
distinctio ex unione ad corpus quodammodo proveniat, sicut a materiali
principio, quamvis sicut ab efficiente principio talis distinctio sit a Deo. Si
vero extra corpora animae humanae fuissent creatae oportuisset eas esse specie
differentes, sublato distinctionis materiali principio, sicut et omnes
substantiae separatae a philosophis ponuntur specie differentes.
Donc ainsi nous pouvons seulement penser que plusieurs вmes humaines de
la mкme espиce sont diffйrentes par le nombre, si elles sont unies au corps par
leur principe, de sorte que leur distinction provient d'une certaine maniиre de
l'union au corps, comme par un principe matйriel, quoique une telle distinction
vienne de Dieu comme par un principe efficient. Si les вmes humaines avaient
йtй vraiment crййes hors des corps, il aurait fallu qu'elle soient diffйrentes
en espиce, si on enlиve le principe matйriel de la distinction, ainsi que les
philosophes ont pensй que toutes les substances sйparйes sont diffйrentes en
espиce[17].
Tertia ratio est, nam anima rationalis humana non differt
secundum substantiam a sensibili et vegetabili, sicut superius est ostensum;
vegetabilis autem et sensibilis animae origo non potest esse nisi in corpore,
cum sint actus quarumdam partium corporis; unde nec anima rationalis potest
nisi in corpore creari secundum naturae suae convenientiam, tamen absque
divinae praeiudicio potestatis.
3) Troisiиme raison: en effet, l'вme rationnelle humaine ne diffиre pas
en substance de l'вme sensitive et vйgйtative, comme on l'a montrй plus haut,
mais l'origine de l'вme vйgйtative et de l'вme sensitive ne peut кtre que dans
le corps, puisqu'elles sont les actes de certaines parties du corps; c'est
pourquoi l'вme rationnelle ne peut кtre crййe que dans un corps selon la
convenance de sa nature, cependant sans prйjudice pour la puissance divine.
Quarta ratio est, quia si anima rationalis extra corpus
creata fuit, et ibi habuit sui esse naturalis complementum, impossibile est
convenientem causam assignare unionis eius ad corpus. Non enim potest dici,
quod proprio motu se corporibus adiunxit, cum videamus quod deserere corpus non
subiaceat animae potestati; quod esset, si ex voluntate sua corpori esset unita.
Et praeterea si sunt creatae omnino separatae, non potest dici quare unio
corporis voluntatem separatae animae illexisset.
4) Quatriиme raison: si l'вme rationnelle a йtй crййe hors du corps, et
y a trouvй le complйment de son кtre naturel, il est impossible d'assigner une
cause convenable а son union au corps. Car on ne peut pas dire qu'elle s'est
jointe au corps de son propre mouvement[18], puisque nous voyons qu'abandonner
le corps n'est pas en son pouvoir; ce qui serait possible si elle s'йtait unie
а un corps par sa volontй. Et ensuite si elles sont crййes tout а fait
sйparйes, on ne peut pas dire pourquoi l'union du corps aurait attirй la
volontй d'une вme sйparйe.
Nec iterum potest dici, quod post aliquos annorum circuitus
naturalis ei appetitus supervenerit corpori adhaerendi; et quod ex operatione
naturae huiusmodi unio sit causa. Nam ea quae certo temporis spatio secundum
naturam aguntur, ad motum caeli reducuntur sicut ad causam, per quam temporum
spatia mensurantur. Animas autem separatas non est possibile caelestium
corporum motibus subiacere. Et on ne peut pas dire non plus qu'aprиs quelques annйes d'un circuit
naturel l'envie lui viendrait d'adhйrer а un corps et que l'union soit la cause
d'une telle opйration de la nature. Car ce qui est fait dans un certain espace
de temps selon la nature, est ramenй au mouvement du ciel comme а sa cause, par
laquelle sont mesurйes les durйes. Mais il n'est pas possible que les вmes
sйparйes se soumettent au mouvement des corps cйlestes[19].
Similiter non potest dici, quod a Deo sint corpori
alligatae, si eas prius absque corporibus creavisset. Si enim dicatur, quod ad
earum perfectionem hoc fecit, non fuisset ratio quare absque corporibus
crearentur. Si vero in earum poenam hoc factum est, ut corporibus quasi
quibusdam carceribus intruderentur, sicut Origenes dixit, propter peccata
commissa, sequeretur quod institutio naturarum ex spiritualibus et corporalibus
substantiis compositarum, esset per accidens, et non ex prima Dei intentione:
quod est contra id quod legitur Genes. I, 31: vidit Deus cuncta quae fecerat,
et erant valde bona: ubi manifeste ostenditur bonitatem Dei et non malitiam
cuiuscumque creaturae fuisse causam bonorum operum condendorum.
De la mкme maniиre, on ne peut pas dire qu'elles ont йtй liйes au corps
par Dieu, s'il les a crййes d'abord sans corps. Car si on disait qu'il l'a fait
pour leur perfection, cela n'aurait pas йtй la raison pour laquelle elles
auraient йtй crййes sans corps. Mais si les introduire dans des corps comme
dans des prisons, a йtй fait pour leur chвtiment, comme Origиne[20] l'a dit, а
cause des pйchйs qu'elles ont commis, il en dйcoulerait que la constitution des
natures composйes а partir des substances spirituelles et corporelles
existerait par accident et non de la premiиre intention de Dieu, ce qui est
contre ce qu'on lit en Genиse 1, 31: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait et
c'йtait trиs bon", oщ on montre manifestement la bontй de Dieu et que ce
n'est pas la malice de quelque crйature qui a йtй cause de la crйation des
oeuvres bonnes[21].
Solutions: q. 3 a. 10 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus in Lib. super Gen. ad Litt., et praecipue
inquirendo de origine animae, loquitur magis investigando quam asserendo, sicut
ipsemet dicit. # 1. Augustin dans La Genиse au
sens littйral, surtout en enquкtant sur l'origine de l'вme, est en
recherche plus qu'il n'affirme, comme il le dit lui-mкme[22].
q. 3 a. 10 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod universum in sui principio fuit perfectum quantum ad
species, et non quantum ad omnia individua; vel quantum ad causas rerum
naturalium, ex quibus possunt postmodum alia propagari, non quantum ad omnes
effectus. Animae vero rationales quamvis non fiant a causis naturalibus; tamen
corpora, quibus divinitus infunduntur sicut sibi connaturalibus, per
operationem naturae fiunt. # 2. L'univers en son commencement a йtй parfait pour les espиces, et
non pour tous les individus, ou encore pour les causes des кtres naturels d'oщ
les autres peuvent par la suite se propager, non pour tous les effets. Mais
quoique les вmes rationnelles ne soient pas faites par des causes naturelles,
cependant les corps, dans lesquels elles sont insйrйes par l'action de Dieu
comme dans ce qui leur est connaturel, sont faits par l'opйration de la nature.
q. 3 a. 10 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in
ludo non quaeritur aliquid propter ludum. Sed ex motu quo Deus creaturas
corporales movet, quaeritur aliquid propter ipsum motum, scilicet completus
numerus electorum, quo habito motus cessabit; licet non substantia mundi.
# 3. Dans le jeu thйвtral, on ne cherche pas quelque chose а cause du
jeu. Mais du mouvement par lequel Dieu meut[23] les crйatures corporelles, on
cherche quelque chose а propos de ce mouvement mкme, а savoir le nombre complet
des йlus par lequel, quand il sera atteint, cessera ce mouvement, pas cependant
la substance du monde.
q. 3 a. 10 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod multitudo animarum pertinet ad essentialem perfectionem
universi ultimam, sed non primam, cum tota corporum mundi transmutatio ordinetur
quodammodo ad animarum multiplicationem; ad quam requiritur corporum
multiplicatio, ut ostensum est, in corp. # 4. La multitude des вmes appartient а la perfection essentielle et
ultime de l'univers mais non а la premiиre perfection puisque le changement
total du monde des corps est ordonnй d'une certaine maniиre а la multiplication
des вmes; comme on l'a montrй dans le corps de l'article[24].
q. 3 a. 10 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Platonici ponebant naturam animarum per se esse
completam, et accidentaliter corporibus uniri: unde etiam ponebant transitum
animarum de corpore ad corpus. Ad quod ponendum praecipue inducebantur per hoc
quod ponebant humanas animas immortales, et generationem numquam deficere. Unde
ad infinitatem animarum removendam, ponebant fieri quemdam circulum, ut animae
prius exeuntes iterato unirentur. Et secundum hanc opinionem, quae erronea est,
Macrobius loquitur: unde eius auctoritas in hac parte non est recipienda. # 5. Les Platoniciens pensaient que la nature des вmes йtait complиte
en soi, et unie accidentellement а des corps. C'est pour cela, qu'ils pensaient
aussi qu'il y avait passage des вmes de corps en corps. Pour l'йtablir ils
йtaient amenйs principalement а penser que les вmes humaines immortelles, et la
gйnйration ne manquaient jamais. Aussi pour йviter l'infinitй des вmes, ils
pensaient qu'il y avait un cycle pour que les вmes sortantes s'unissent а
nouveau. Et Macrobe parle selon cette opinion, qui est erronйe. C'est pourquoi
on ne peut pas recevoir son autoritй sur ce sujet.
q. 3 a. 10 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod philosophus non dicit animam, efficientem esse causam
corporis, sed causam unde est principium motus, in quantum est principium motus
localis in corpore, et augmenti et aliorum huiusmodi, ut ipsemet exponit
ibidem.
# 6. Le philosophe (L'вme, II,
4, 415 b 10[25]) ne dit pas que l'вme est cause efficiente du corps, mais une
cause а l'origine du principe du mouvement, dans la mesure oщ elle est principe
du mouvement local dans le corps, de la croissance etc., comme lui-mкme
l'expose lа mкme.
q. 3 a. 10 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod in auctoritate illa intelligitur irascibilitas et
concupiscibilitas inesse animae prius quam corpori uniretur, natura, non
tempore: quia anima hoc non habet a corpore, sed potius corpus ab anima. # 7. Dans cette autoritй, on comprend que l'irascible et le
concupiscible sont dans l'вme avant qu'elle soit unie au corps, par nature et
non dans le temps, parce que l'вme ne les tient pas du corps, mais plutфt c'est
le corps qui les tient par l'вme.
q. 3 a. 10 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod anima mensuratur tempore secundum esse quo unitur
corpori; quamvis prout consideratur ut substantia quaedam spiritualis,
mensuretur aevo. Non tamen oportet quod tunc inceperit aevo mensurari quando et
Angeli. # 8. L'вme est mesurйe par le temps selon l'кtre par lequel elle est
unie au corps; quoique, si elle est considйrйe comme substance spirituelle,
elle soit mesurйe par l'жvum. Il ne faut pas cependant qu'elle ait commencй а
кtre mesurйe par l'жvum en mкme temps que les anges.
q. 3 a. 10 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet aevum non habeat prius et posterius quantum ad ea
quae mensurat, nihil tamen prohibet quin unum altero prius aevo participet. # 9. Bien que l'жvum n'ait ni avant ni aprиs, pour ce qu'il mesure,
rien cependant n'empкche que l'un ne participe avant а l'aevum avant un
autre[26].
q. 3 a. 10 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet Angelus et anima conveniant in natura
intellectuali, differunt tamen in hoc quod Angelus est quaedam natura in se
completa, unde per se creari potuit; anima vero, cum perfectionem suae naturae
habeat in hoc quod corpori unitur, non debuit in caelo, sed in corpore cuius
est perfectio, creari. # 10. Bien que l'ange et l'вme se rencontrent dans la nature intellectuelle,
ils diffиrent cependant en ce que l'ange est une nature complиte par soi; c'est
pourquoi il a pu кtre crйй en soi; mais comme l'вme a la perfection de sa
nature du fait qu'elle est unie а un corps, elle n'a pas dы кtre crййe au ciel
mais dans le corps dont elle est la perfection.
q. 3 a. 10 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod anima licet sit secundum se simplicior omni corpore,
tamen est forma et perfectio corporis ex elementis compositi, cuius locus est
circa medium, cum quo simul oportet eam hic creari. # 11. Bien que l'вme soit plus simple en soi que tout corps, cependant
elle en est la forme et la perfection du corps composй d'йlйments, dont le lieu
est autour du milieu, avec lequel il faut qu'elle soit crййe en mкme temps[27].
q. 3 a. 10 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod prima perfectio animae attenditur secundum esse suum
naturale: quae quidem perfectio consistit in unione eius ad corpus; et ideo a
principio debuit in loco corporis creari. Ultima autem perfectio eius est in
hoc quod communicat cum substantiis aliis intellectualibus; et illa perfectio
dabitur ei in caelo. # 12. La premiиre perfection de l'вme est atteinte selon son кtre
naturel; elle consiste dans son union au corps et c'est pourquoi, au
commencement, elle a dы кtre crййe dans le lieu du corps. Mais sa perfection
ultime est dans ce qu'elle communique avec les autres substances
intellectuelles, et cette perfection lui sera donnйe au ciel.
q. 3 a. 10 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod animae quae modo creantur, licet sint novae
creaturae secundum numerum, tamen sunt antiquae secundum speciem suam:
praecesserunt enim in operibus sex dierum in suo simili secundum speciem, id
est in animabus primorum parentum. # 13. Bien que les вmes qui sont crййes а un moment, soient de nouvelles
crйatures en nombre, elles sont cependant anciennes par leur espиce; car elles
ont existй prйcйdemment dans les oeuvres des six jours dans quelque chose de
semblable en espиce, c'est-а-dire dans les вmes des premiers parents[28].
q. 3 a. 10 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod opus creationis quo naturae principia
instituuntur, oportet praecedere opus propagationis. Non autem tale opus est
animarum creatio. # 14. Il faut que l'oeuvre de la crйation par laquelle les principes de
nature sont instituйs, prйcиde l'oeuvre de propagation. Mais une telle oeuvre
n'est pas la crйation des вmes.
q. 3 a. 10 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum est, quod ad iustitiam pertinet reddere debitum; unde
contra iustitiam fit, si inaequalia aequalibus dantur, quando debita redduntur,
non autem quando gratis aliqua dantur: quod convenit in creatione animarum. Vel potest dici, quod ista diversitas non procedit ex diverso merito
animarum, sed ex diversa dispositione corporum; unde et Plato dicebat, quod
formae infunduntur a Deo secundum merita materiae.
# 15. Il convient а la justice de rendre ce qui est dы; c'est pourquoi,
c'est contre la justice, si des dons inйgaux sont donnйs а des кtres йgaux,
quand quand on rend ce qui est dы, mais non quand c'est donnй gratuitement; c'est
ce qui se passe pour la crйation des вmes. Ou bien on peut dire que cette
diversitй ne procиde pas du mйrite diffйrent des вmes, mais de la disposition
diffйrente des corps. C'est pourquoi Platon disait (Les lois, X) que les formes
sont incluses par Dieu selon les mйrites de la matiиre.
q. 3 a. 10 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet anima dependeat a corpore quantum ad sui
principium, ut in perfectione, suae naturae incipiat, tamen quantum ad sui
finem non dependet a corpore, quia acquiritur sibi esse in corpore ut rei
subsistenti: unde destructo corpore, nihilominus manet in suo esse, licet non
in completione suae naturae, quam habet in unione ad corpus. # 16. Bien que l'вme dйpende du corps en son principe, pour commencer
dans la perfection de sa nature, cependant quant а sa fin, elle n'en dйpend
pas, parce que l'кtre lui est acquis dans le corps, en tant qu'кtre subsistant;
c'est pourquoi, une fois le corps dйtruit, elle demeure nйanmoins en son кtre,
bien que ce ne soit pas dans l'achиvement de la nature qu'elle possиde, quand
elle est unie au corps.
q. 3 a. 10 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod natura corporis non aggravat animam, sed eius
corruptio, ut ex ipsa auctoritate ostenditur. # 17. Ce n'est pas la nature du corps qui appesantit l'вme, mais sa
corruption, comme on le montre а partir de cette autoritй (Sg. 15)
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[1]
Parall.: 1a, q. 90, a. 4 - q. 91, a. 4. ad 3, 5 - qu. 118, a. 3 - CG., Il, 83,
84 - lI Sent., d17q2, a. 2.
[2]
. L'adage prend diffйrences nuances: on y parle d'une mкme espиce (ici), d'une
mкme nature (ratio) article 11 et d'une mкme substance ou essence (II Sent.
d18q2a.3, obj. 4): "Pour ce qui est semblable en substance l'un ne peut
кtre crйe que l'autre ne le soit"..
[3]
. Augustin йmet deux hypothиses: l'вme a йtй crййe avant le corps avec les
anges, et l'вme est crййe en mкme temps que le corps. En conclusion il
n'affirme rien de faзon dйfinitive: "Sinon qu'elle est de Dieu, bien qu'elle
ne soit pas la substance divine." (BA. VII, 28, 43) "Voyons donc si
par hasard, il peut кtre vrai – opinion qui semble plus acceptable pour la
pensйe humaine – que Dieu ...a crйй l'вme pour l'insuffler le moment venu, aux
membres du corps formй de limon." (VII, 24, 35. Trad. BA. 48)
[4]
. On peut penser а un thйвtre de marionnette, dont Dieu tire les ficelles !
[5]
."L'вme est pour le corps vivant cause et principe..."-"Le
principe premier du mouvement local c'est l'вme" (415 b 25). (Trad. E.
Barbotin). Cf. Sol. 6.
[6]
. Йcrit par Alcher de Clairvaux vers le XIIe. Parmi les textes d'Augustin (PL.
40, 779-892).
[7].
Prop. 2: "Tout кtre supйrieur est au-dessus de l'йternitй ou avant elle ou
avec elle ou aprиs elle et au-dessus du temps". L'кtre avant l'йternitй
est la cause premiиre (§ 20). L'кtre avec l'йternitй est l'intelligence (§ 21,
selon Proclus). L'вme est aprиs l'йternitй et au-dessus du temps (§ 22)
[8]
. Le temps est la mesure du mouvement; il a un avant et un aprиs. L'йternitй
n'a ni avant, ni aprиs; elle est la possession parfaite tout ensemble d'une vie
interminable. Elle exclut le principe de durйe. L'aevum ou йviternitй est entre
le temps et l'йternitй. (Cf. qu. 3, a. 14, ad 9.) . (Les diffйrents systиme de
durйe conviennent а des кtres diffйrents, йternitй pour Dieu, aevum pour les
crйatures spirituelles, temps pour les crйatures corporelles).
[9]
. "Mais l'avant et l'aprиs peuvent l'accompagner." (Ia, qu. 10, a. 5,
c)
[10].
Selon les lois de la pesanteur;
[11]
. Cf. Ia, qu. 90, a. 4, obj. 1: "Car l'oeuvre de la crйation prйcиde celui
de la distinction et de l'ornementation comme on l'a dit. Mais l'вme est amenйe
а l'кtre par crйation; et le corps a йtй fait en fin d'ornementation (Cf. Ia,
qu. 66, a. 1). Donc l'вme de l'homme a йtй produite avant le corps." L'вme
est crйe et le corps "fait".
[12].
On le dit de Gennade. PL 42 , 1216, c 14,18.
[13]
. Les opinions visйes sont d'une part celle de Platon et Pythagore, et celle
d'Origиne (obj. 1 et sol. 1). Opinions prйcisйes en II Sent. d17,q2a2: Pour
Platon, l'вme est comme le commandant d'un navire ou comme un vкtement. "L'homme
est une вme revкtue d'un corps." Pour les Pythagoriciens, l'вme passe de
corps en corps. L'вme a un rapport essentiel au corps en tant qu'elle lui donne
l'кtre, ce qui est rйprouvй par Avicenne.
[14]
. Il ne convient pas que Dieu produise une oeuvre imparfaite;"car il n'a
pas fait l'homme sans main ou sans pieds, qui sont des parties naturelles. Donc
encore beaucoup moins il n'a pas fait l'вme sans le corps." (Ia, qu. 118,
a. 3, c (§3)
[15]
. "Comme le marin dans son navire, ou comme un vкtement. "L'homme est
une вme revкtu d'un corps." (II Sent. d17q2a.2).
[16]
. Pythagore, mais aussi Platon.
[17]
. Problиme identique pour les anges: "Les anges ne sont pas composйs de
matiиre et de forme. Donc il ne peut y avoir deux anges de la mкme espиce."
(Ia, qu. 50, a. 4, c).
[18]
. Considйrй en Ia, qu. 118, a. 3, c comme "inconvenant". Cette
volontй serait contre la raison, si elle n'avait pas besoin du corps et voulait
s'unir а lui."
[19]
. Raison de temps. La substance spirituelle est au-dessous du temps. (Ia, qu.
118, a. 3).
[20]
.Cf. Ia, qu. 90, a. 4, c: "Origиne (Les principes, I, c 6 ss; et II, c 9)
a pensй que non seulement l'вme de l'homme, mais toutes les autres avaient йtй
crййes avec les anges, c'est pour cela qu'il croyait que toutes les substances
spirituelles, tant les вmes que les anges йtaient йgales par leur condition
naturelle, mais diffйrentes seulement par le mйrite; de sorte que certaines
d'entre elles йtaient liйes а des corps, les вmes des hommes ou des corps
cйlestes; certaines demeureraient en leur puretй selon des ordres diffйrents..."
(Contre Lйon I, Lettre а Flavien, FC 298 Р Йdit de l'empereur Justinien au
Patriarche Menas, publiй au Concile de Constantinople de 543 (Dz. 403).
[21]
. Thomas a donnй encore une autre raison en Ia, qu. 118, a. 3; l'homme n'est
pas comme l'ange."l'homme reзoit des sens sa connaissance en se tournant
vers les images. Donc l'вme a besoin d'кtre unie а un corps.
[22].
Thomas reste trиs rйservй dans sa critique. Il faut aller chercher son point de
vue dйveloppй en Ia, qu. 90, a. 4, resp. § 2: "L'вme du premier homme a
йtй crййe avant le corps avec les anges. Il pense que le corps de l'homme n'a
pas йtй produit en acte, mais seulement selon des raisons causales (secundum
causales rationes), ce qu'on ne peut pas dire de l'вme; parce qu'elle n'a pas
йtй faite d'une matiиre corporelle ou spirituelle prйexistante et elle n'a pu
кtre produite d'une puissance crййe. C'est pourquoi il semble que l'вme
elle-mкme a йtй crййe dans les oeuvres des six jours, pendant lesquels tout a
йtй crйй en mкme temps avec les anges et que par la suite sa propre volontй
ayant йtй inclinйe, elle fut destinйe а administrer le corps. Mais il ne dit
pas cela de faзon affirmative comme ses paroles le montrent. Car il dit:
"On pourrait croire si aucune autoritй des Йcritures ou raison de la
vйritй que l'homme a йtй crйй le sixiиme jour, pour que la raison causale des
corps humaines dans les йlйments du monde, l'вme elle-mкme fut crййe (La Genиse au sens littйral, VII, 24-28)"
[23]
. Cf. note en obj. 3.
[24]
. Distinction entre la premiиre perfection, celle de la crйation, et la seconde
atteinte а la fin du monde.
[25]
. "L'вme est pour le corps vivant cause et principe...c'est elle en effet
qui est le principe du mouvement." Trad. E. Barbotin. Thomas, lectio VII.
[26].
Cet article veut йtablir la possibilitй de crйations successives, mкme pour les
substances spirituelles, telles que l'ange et les вmes humaines. Йtant
spirituelles, elles ne sont pas soumises au temps. Toute succession semble
impossible. La participation а l'жvum exprime l'insertion de la crйature
spirituelle dans cette durйe particuliиre qu'est l'oevum. Participare prius
exprime l'ordre de succession et non pas une inйgalitй de perfection.
[27]
. Dans l'obj. 11, il est question de la situation des corps selon la gravitй.
Plus un corps est subtil, plus il s'йlиve. Faut-il comprendre que l'вme,
substance plus simple se situe entre le haut et le bas (au milieu) car elle est
crййe en mкme temps que le corps. Il s'agit d'une certaine maniиre de la
localisation de l'вme dans le corps. Cf. sol. 12 "crййe dans l'espace du
corps:(in loco corporis creari)".
[28]
. Cf. CG. II, 84 § 4: "Il est dit de la mкme maniиre (Gn 2, 2) que Dieu
acheva son oeuvre et qu'il se reposa de tout ce qu'il avait fait. Donc de mкme
qu'on considиre selon l'espace l'achиvement ou la perfection de crйation et non
selon les individus, de mкme le repos de Dieu doit кtre compris comme la fin de
la crйation de nouvelles espиces, mais pas de nouveaux individus. Leurs
semblables en espиces les ont prйcйdйes."
Article 11: L'вme sensitive et l'вme vйgйtative existent-elles par
crйation ou par transmission de la semence?
q. 3 a. 11 tit. 1
Undecimo quaeritur utrum anima sensibilis et vegetabilis sint per creationem,
vel traducantur ex semine. Et videtur quod sic, hac ratione. Il semble que c'est par crйation pour la raison suivante[1].
Objections: q. 3 a. 11 arg. 1
Eorum enim quae sunt eiusdem rationis, est idem modus prodeundi in esse. Sed
anima sensibilis et vegetabilis in homine sunt et in brutis et in plantis
eiusdem speciei vel rationis. In homine
autem sunt per creationem, cum sint eiusdem substantiae cum anima rationali,
quae est per creationem, ut ostensum est. Ergo etiam in
brutis et in plantis vegetabilis et sensibilis sunt per creationem. 1. Car ce qui est de mкme nature, vient а l'кtre de la mкme maniиre[2].
Mais l'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont de mкme espиce ou de mкme nature,
dans l'homme, les animaux et les plantes. Dans l'homme, elles sont crййes,
puisqu'elles sont de la mкme substance que l'вme rationnelle elle-mкme crййe,
comme on l'a montrй (art. 9). Donc chez les animaux et les plantes aussi, l'вme
vйgйtative et l'вme sensitive sont crййes.
q. 3 a. 11 arg. 2
Sed dices, quod anima sensibilis et vegetabilis est in plantis et brutis ut
forma et perfectio; in hominibus autem ut dispositio.- Sed contra, quanto aliquid est nobilius, tanto nobiliori modo exit in
esse. Sed nobilius est esse formam et perfectionem quam esse dispositionem. Si
ergo anima sensibilis et vegetabilis in hominibus, in quibus sunt ut
dispositiones, exeunt in esse per creationem, qui est nobilissimus modus
prodeundi in esse cum nobilissimae creaturae hoc modo esse incipiant; videtur
quod multo magis in plantis et brutis sint productae per creationem.
2. Mais on pourrait dire que l'вme sensitive et vйgйtative est dans les
plantes et les animaux comme une forme et une perfection; et dans les hommes
comme une disposition[3]. – En sens contraire, plus un кtre est noble, plus
noble est sa maniиre de venir а l'кtre. Mais il est plus noble d'кtre une forme
et une perfection qu'une disposition. Si donc l'вme sensitive et l'вme
vйgйtative dans les hommes, dans lesquels elles sont comme des dispositions,
viennent а l'кtre par crйation, ce qui est le plus noble moyen de venir а
l'кtre, puisque les plus nobles crйatures commencent а exister de cette
maniиre, il semble qu'elles aient йtй produites beaucoup plus par crйation dans
les plantes et les animaux .
q. 3 a. 11 arg. 3
Praeterea, dicit philosophus: quod vere est, id est substantia, nulli est
accidens. Si ergo anima sensibilis et vegetabilis sunt in brutis et in plantis
ut formae substantiales, non possunt esse in homine ut dispositiones
accidentales.
3. Le philosophe dit (Physique,
I, 7, 190 a 35[4]): "Ce qui est vraiment, c'est-а-dire la substance, n'est
accident pour rien". Si donc l'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont dans
les animaux et dans les plantes comme des formes substantielles, elles ne
peuvent pas кtre dans l'homme comme des dispositions accidentelles.
q. 3 a. 11 arg. 4
Praeterea, ex virtute generantis producitur aliquid in esse in rebus viventibus
per virtutem quae est in semine. Sed in semine non est anima sensibilis vel
vegetabilis in actu. Cum ergo nihil agat nisi secundum quod est in actu,
videtur quod ex virtute seminis non possit produci anima sensibilis vel
vegetabilis; et ita nec per generationem, sed per creationem. 4. A partir du pouvoir du gйniteur, quelque chose vient а l'кtre chez
les vivants par le pouvoir de la semence. Mais, en elle, il n'y a pas d'вme
sensitive ni vйgйtative en acte. Donc, puisque rien n'agit que dans la mesure
oщ il est en acte, il semble que l'вme sensitive ou l'вme vйgйtative ne peuvent
кtre produites par le pouvoir de la semence et ainsi par gйnйration non plus
mais par crйation.
q. 3 a. 11 arg. 5
Sed dices, quod virtus quae est in semine, licet non sit anima sensibilis actu
agit tamen in virtute animae sensibilis, quae erat in patre, a quo semen
deciditur.- Sed contra, quod agit in virtute alterius, agit ut instrumentum
illius. Instrumentum autem non movet nisi motum; movens autem et motum oportet
esse simul, ut probatur VII Phys. Cum ergo virtus quae est in semine, non sit
coniuncta animae sensibili generantis, videtur quod non possit agere ut
instrumentum eius, nec in virtute illius.
5. Mais on pourrait dire que le pouvoir qui est dans la semence, encore
que celui-ci ne soit pas l'вme sensitive en acte, agit cependant dans le
pouvoir de l'вme sensitive, qui йtait dans le pиre, de qui la semence a йtй
sйparйe. – En sens contraire, ce qui agit dans le pouvoir d'un autre s'en sert
comme de son instrument; or celui-ci ne met en mouvement que mы, mais il faut
que le moteur, et ce qui est mы soient ensemble, comme on le prouve (Physique VIII, 10, 266 b 27 Р 267 b 17).
Donc comme le pouvoir qui est dans la semence n'a pas йtй joint а l'вme
sensitive du gйniteur, il semble qu'il ne peut pas agir comme son instrument,
ni dans le pouvoir de celle-ci.
q. 3 a. 11 arg. 6
Praeterea, instrumentum se habet ad principale agens sicut virtus mota et
imperata ad virtutem motivam et imperantem, quae est vis appetitiva et motiva. Sed virtus mota imperata non movet, si separetur a motiva imperante, ut
patet in partibus animalis decisis. Ergo nec virtus quae est in semine deciso
potest operari in virtute generantis.
6. L'instrument se comporte vis-а-vis de l'agent principal comme un
pouvoir mы et commandй en vue d'un pouvoir qui meut et commande, qui est une
force appйtitive et motrice. Mais un pouvoir mы et commandй ne meut pas, s'il
est sйparй de ce qui met en mouvement et commande, comme cela paraоt dans les
organes sйparйs d'un animal. Donc le pouvoir qui est dans la semence sйparйe ne
peut opйrer dans le pouvoir du gйniteur.
q. 3 a. 11 arg. 7
Praeterea, quando effectus deficit a perfectione causae, non potest se
extendere in propriam causae actionem; diversitati enim naturarum attestatur
diversitas actionum. Sed virtus quae est in semine, etsi sit effectus animae
sensibilis generantis, tamen constat quod deficit a perfectione ipsius. Ergo
non potest in actionem quae proprie competeret animae sensibili, scilicet
producere animam sibi similem in specie.
7. Quand l'effet est dйfaillant par rapport а la perfection de la
cause, il ne peut s'йtendre а la propre action de sa cause. Car la diversitй
des actions atteste la diversitй des natures. Mais cependant il est clair que
le pouvoir, qui est dans la semence, mкme si c'est l'effet de l'вme sensitive
du gйniteur, est dйfaillant par rapport а sa perfection mкme. Donc il ne peut
pas, dans l'action qui appartient proprement а l'вme sensitive, produire une
вme qui lui ressemble en espиce.
q. 3 a. 11 arg. 8
Praeterea, ad corruptionem subiecti sequitur corruptio formae et virtutis. Sed
sperma in processu generationis corrumpitur, et aliam formam recipit, ut
Avicenna dicit. Ergo virtus illa corrumpitur quae erat in semine; non ergo per
eam potest produci anima sensibilis in esse. 8. A la corruption du sujet succиde celle de la forme et de la
puissance. Mais le sperme est corrompu dans le processus de la gйnйration et il
reзoit une autre forme, comme Avicenne le dit. Donc ce pouvoir qui йtait dans
la semence est corrompu; donc ce n'est pas par lui que l'вme sensitive peut
venir а l'кtre.
q. 3 a. 11 arg. 9
Praeterea, natura inferior non agit nisi mediante calore et aliis qualitatibus
activis et passivis. Sed calor non potest producere animam sensibilem in esse:
quia nihil agit ultra suam speciem; nec potest esse factum nobilius faciente.
Ergo anima sensibilis vel vegetabilis non potest educi in esse per aliquod
agens naturale; et ita est a creatione. 9. La nature infйrieure n'agit que par l'intermйdiaire de la chaleur et
d'autres qualitйs actives et passives. Mais la chaleur ne peut amener l'вme
sensitive а l'кtre, parce que rien n'agit au-delа de son espиce. Et rien de ce
qui est fait n'est plus noble que ce qui le fait. Donc l'вme sensitive ou
vйgйtative ne peut pas кtre amenйe а l'кtre par un agent naturel et ainsi elle
l'est par crйation.
q. 3 a. 11 arg. 10
Praeterea, agens materiale non agit influendo, sed materiam transmutando. Sed
per transmutationem materiae non pervenitur nisi ad formam accidentalem. Ergo
per agens naturale non potest produci anima sensibilis et vegetabilis, quae
sunt formae substantiales. 10. L'agent matйriel n'agit pas en exerзant une influence sur la
matiиre. Mais en la transformant, on ne parvient qu'а une forme accidentelle.
Donc l'вme sensitive et l'вme vйgйtative, qui sont des formes substantielles,
ne peuvent pas кtre produites par un agent naturel.
q. 3 a. 11 arg. 11
Praeterea, anima sensibilis vel vegetabilis habent quamdam quidditatem, quae
quidditas est ab alio facta. Haec autem quidditas non erat ante generationem,
nisi quia materia poterat eam habere. Ergo oportet quod producatur ab aliquo
agente quod operetur non ex materia; et huiusmodi est solus Deus creans. 11. L'вme sensitive ou l'вme vйgйtative ont une quidditй, produite par
un autre. Mais elle n'existait avant la gйnйration que parce que la matiиre
pouvait l'avoir. Donc il faut qu'elle soit produite par un agent qui n'opиre
pas а partir de la matiиre, et de tel, il n'y a que le Dieu crйateur.
q. 3
a. 11 arg. 12 Praeterea, animalia generata ex semine sunt nobiliora animalibus
ex putrefactione generatis, utpote perfectiora, et sibi similium generativa.
Sed in animalibus ex putrefactione generatis animae sunt a creatione: non enim
est dare aliquod agens simile in specie a quo in esse producantur. Ergo
videtur multo fortius quod animae animalium ex semine generatorum sint a
creatione.
12. Les animaux engendrйs par
semence sont plus nobles que les animaux engendrйs de la putrйfaction, ils sont
plus parfaits, et peuvent engendrer des кtres semblables а eux. Mais dans les
animaux engendrйs de la putrйfaction, les вmes viennent par crйation. Car ce
n'est pas par un agent semblable d'une espиce semblable qu'ils sont amenйs а
l'кtre. Donc il semble bien plus que les вmes des animaux qui engendrent par la
semence soient crййs.
q. 3 a. 11 arg. 13 Sed dices, quod per virtutem
caelestis corporis producitur anima sensibilis in animalibus ex putrefactione
generatis, sicut et in aliis per virtutem formativam in semine.- Sed
contra, sicut dicit Augustinus, substantia vivens praeeminet cuilibet
substantiae non viventi. Sed corpus caeleste non est substantia vivens, cum sit
inanimatum. Ergo eius virtute produci non potest anima sensibilis, quae est
principium vitae.
13. Mais on pourrait dire que par le pouvoir du corps cйleste, l'вme
sensitive est produite dans les animaux issus de la putrйfaction, comme pour
les autres par le pouvoir formateur qui est dans la semence. – En sens
contraire, comme le dit Augustin (La
vraie religion, 55), la substance vivante est au-dessus de n'importe quelle
substance non vivante. Mais le corps cйleste n'est pas une substance vivante,
puisqu'il est inanimй. Donc l'вme sensitive, qui est principe de vie ne peut
кtre produite par son pouvoir.
q. 3 a. 11 arg. 14
Sed dices, quod corpus caeleste potest esse causa animae sensibilis, prout agit
in virtute intellectualis substantiae quae ipsum movet. Sed contra, quod recipitur in alio, est in eo per
modum recipientis, et non per modum sui. Si ergo virtus intellectualis
substantiae recipitur in corpore caelesti non vivente, non erit ibi ut virtus
vitalis quae possit esse principium vitae.
14. Mais on pourrait dire que le corps cйleste peut кtre la cause de
l'вme sensitive, en tant qu'il agit dans le pouvoir de la substance intellectuelle,
qui le meut. – En sens contraire, ce qui est reзu dans un autre est en lui par
le mode de celui qui reзoit, et non par son mode propre. Donc si le pouvoir de
la substance intellectuelle est reзu dans un corps cйleste non vivant, il n'y
sera pas lа comme un pouvoir vital qui puisse кtre principe de vie.
q. 3 a. 11 arg. 15
Praeterea, substantia intellectualis non solum vivit, sed etiam intelligit. Si
ergo per eius virtute corpus caeleste ab ea motum potest conferre vitam, pari
ratione conferre poterit intellectum; et ita anima rationalis erit a generante;
quod est falsum.
15. La substance intellectuelle non seulement vit, mais aussi pense
(intelligit). Donc si par son pouvoir, le corps cйleste, mы par elle, peut
confйrer la vie, а raison йgale, il pourra confйrer l'intellect. Et ainsi l'вme
rationnelle viendra de celui qui engendre, ce qui est faux.
q. 3 a. 11 arg. 16
Praeterea, si anima sensibilis est ab aliquo agente naturali, et non per
creationem, aut ergo producetur a corpore, aut ab anima. Sed non a corpore,
quia sic corpus ageret ultra suam speciem: nec iterum ab anima: quia vel
oporteret totam animam patris in filium transfundi, et sic pater absque anima
remaneret; vel quoad partem eius, et sic in patre non remaneret tota anima:
quorum utrumque est falsum. Ergo anima
sensibilis non est a generante, sed a creante.
16. Si l'вme sensitive vient d'un agent naturel, et non par crйation,
elle est donc produite par le corps ou par l'вme. Mais pas par le corps, parce
que, ainsi, un corps agirait au-delа de son espиce; ni а nouveau par l'вme,
parce que, ou bien, il faudrait que toute l'вme du pиre soit transfusйe dans le
Fils, et ainsi le pиre demeurerait sans вme, ou avec une partie seulement, et
ainsi dans le pиre, l'вme ne resterait pas entiиre; les deux solutions sont
fausses. Donc l'вme sensitive ne vient pas de celui qui engendre mais du
crйateur.
q. 3 a. 11 arg. 17
Praeterea, Commentator dicit, quod nulla virtus cognoscitiva est ab actione
elementorum commixtorum. Sed anima sensibilis est virtus cognoscitiva. Ergo non
est ab actione elementorum; et ita nec per actionem naturae, cum nulla actio
naturae in istis inferioribus sit absque actione elementorum. 17. Le Commentateur dit (L'вme, III)
qu'aucun pouvoir connaissant vient de l'action des йlйments mixtes. Mais l'вme
sensitive est un pouvoir qui a la facultй de connaоtre. Donc elle ne dйpend pas
de l'action des йlйments, de l'action de la nature non plus, puisque aucune de
ces actions n'est dans ces choses infйrieures sans l'action des йlйments.
q. 3 a. 11 arg. 18
Praeterea, nulla forma potest esse movens, quae non est subsistens; unde formae
elementorum, secundum philosophum, non sunt moventes; sed generans et removens
prohibens. Sed anima sensibilis est movens, cum omne animal a sua anima
moveatur. Ergo anima sensibilis non est forma tantum, sed est substantia per se
existens. Constat etiam quod non est ex materia et forma composita. Omnis autem
talis substantia educitur in esse per creationem, et non aliter. Ergo anima
sensibilis educitur in esse per creationem.
18. Aucune forme, qui n'est pas subsistante, ne peut кtre moteur; c'est
pourquoi les formes des йlйments, selon le philosophe (Physique VIII, 4, 254 b35, 255 a 12) ne sont pas moteurs, mais
c'est ce qui engendre et prive en empкchant. Mais l'вme sensitive est motrice,
puisque tout animal est mы par son вme. Donc l'вme sensitive n'est pas une
forme seulement, mais une substance existant par soi. Il est clair aussi
qu'elle n'est pas composйe de matiиre et de forme. Mais toute substance de ce genre
vient а l'кtre par crйation, et non autrement. Donc l'вme sensitive vient а
l'кtre par crйation.
q. 3 a. 11 arg. 19
Sed dices, quod anima sensibilis non movet per se corpus, sed ipsum corpus
animatum movet se ipsum.- Contra, philosophus probat, quod in quolibet movente
seipsum oportet unam partem esse quae sit movens tantum, et alteram quae sit
mota. Sed corpus non potest esse movens tantum, quia nullum corpus movet nisi
motum. Ergo oportet quod anima sit movens tantum; et ita sensibilis anima habet
operationem in qua non communicat sibi corpus: et sic anima sensibilis erit
substantia subsistens.
19. Mais on pourrait dire que l'вme sensitive ne meut pas le corps par
soi, mais que le corps animй se meut lui-mкme. – En sens contraire, le
philosophe prouve (Physique VIII, 257
b 2 ss.) que dans n'importe quel кtre qui se meut lui-mкme, il faut qu'une
partie de l'кtre soit moteur, et une autre mue. Mais le corps ne peut pas кtre
moteur seulement, parce qu'aucun corps ne meut que mы. Donc il faut que l'вme soit
moteur seulement et ainsi l'вme sensitive a une opйration, oщ le corps ne
communique pas avec elle et ainsi elle sera une substance subsistante.
q. 3 a. 11 arg. 20
Sed dices, quod anima sensibilis movet secundum imperium appetitivae virtutis,
cuius actus communiter est animae et corporis. Sed contra, in animali non solum
movet vis quae imperat motum, sed etiam est ibi vis exequens motum; cuius
operatio non poterit esse animae et corpori communis, rationibus praedictis; et
sic oportet quod anima sensibilis aliquam operationem per se habeat. Ergo est
substantia per se subsistens; et ita per creationem educitur in esse, et non
per generationem naturalem.
20. Mais on pourrait dire que l'вme sensitive meut selon l'ordre du
pouvoir de l'appйtit, dont l'acte est commun au corps et а l'вme. –Mais en sens
contraire, dans l'animal, non seulement il y a la force qui commande le
mouvement et meut, mais encore il y a lа une force qui suit le mouvement dont
l'opйration ne pourra pas кtre commune а l'вme et au corps, pour les raisons
dйjа donnйes. Et ainsi il faut que l'вme sensitive ait par soi une opйration.
Donc elle est substance subsistante par soi, et ainsi elle est amenйe а l'кtre
par crйation, et non par la gйnйration naturelle.
En sens contraire: q. 3 a. 11 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Genes. I, vers. 20: producant aquae reptile animae
viventis; et ita videtur quod animae sensibiles reptilium et aliorum animalium
sint ex actione corporalium elementorum. 1. Il y a ce qui est dit en Gn. 1, 20: "Que les eaux produisent le
reptile а l'вme vivante", et ainsi il semble que les вmes sensitives des
reptiles et des autres animaux viennent de l'action des corps йlйmentaires.
q. 3 a. 11 s. c. 2
Praeterea, sicut se habet corpus patris ad eius animam, ita et corpus filii ad
eius animam. Ergo commutatim, sicut se habet corpus filii ad corpus patris, ita
et anima filii ad animam patris. Sed corpus filii traducitur a corpore patris.
Ergo anima filii traducitur ab anima patris.
2. De la mкme maniиre que se comporte le corps du pиre vis-а-vis de son
вme, le corps du fils se comporte vis-а-vis de la sienne. Donc inversement, de
mкme que le corps du fils se comporte par rapport а celui du pиre, l'вme du
fils se comporte par rapport а celle du pиre. Mais le corps du fils est
transmis par le corps du pиre. Donc l'вme du fils est transmise par l'вme du
pиre.
Rйponse q. 3 a. 11 co.
Respondeo. Dicendum quod circa productionem formarum substantialium,
philosophorum opiniones diversificantur. Nam quidam dixerunt, quod agens naturale
solummodo disponit materiam; forma autem, quae est ultima perfectio, provenit a
principiis supernaturalibus. A propos de la production des formes substantielles, les opinions des
philosophes ont divergй[5]. Car certains ont dit que l'agent naturel dispose
seulement la matiиre, mais la forme, qui est l'ultime perfection, provient des
principes surnaturels.
Quae quidem opinio ex duobus praecipue ostenditur esse falsa:
primo quidem ex hoc quod, cum esse formarum naturalium et
corporalium non consistat nisi in unione ad materiam; eiusdem agentis esse
videtur eas producere cuius est materiam transmutare. On montre que cette opinion est fausse principalement pour deux raisons:
1) Du fait que l'кtre des formes naturelles et corporelles ne consiste
qu'en une union а la matiиre, il semble que c'est le fait d'un mкme agent de
les produire, dont le rфle est de transformer la matiиre.
Secundo, quia cum huiusmodi formae non excedant virtutem et
ordinem et facultatem principiorum agentium in natura, nulla videtur
necessitas, eorum originem in principia reducere altiora; unde philosophus
dicit, quod caro et os generantur a forma quae est in his carnibus et in his
ossibus: secundum cuius sententiam non solum agens naturale disponit materiam,
sed educit formam in actum, e converso primae opinioni.
2) Parce que de telles formes n'excиdent pas le pouvoir, l'ordre et la
facultй des principes agents dans la nature, on ne voit aucune nйcessitй de
ramener leur origine а des principes plus йlevйs. C'est pour cela que le
philosophe dit (Mйtaphysique VII,
1034 a 5[6], Physique, II, 1, 193 a
2) que la chair et l'os sont engendrйs par une forme qui est en ces chairs et
en ces os; selon cette opinion, non seulement l'agent naturel dispose la
matiиre mais amиne la forme а l'acte, contrairement а la premiиre opinion.
Ab hac autem generalitate formarum
oportet excludere animam rationalem. Ipsa enim est substantia per se subsistens;
unde esse suum non consistit tantum in hoc quod est materiae uniri; alias
separari non posset: quod falsum esse etiam eius operatio ostendit, quae est
animae secundum se ipsam absque corporis communione. Nec potest aliter operari quam sit. Quod
enim per se non est, per se non operatur. Et iterum intellectualis natura totum
ordinem et facultatem excedit materialium et corporalium principiorum; cum
intellectus intelligendo omnem corporalem naturam transcendere possit: quod non
esset, si eius natura infra limites corporalis naturae contineretur.
De cet ensemble des formes, il faut exclure l'вme rationnelle. Car elle
est elle-mкme une substance subsistante par soi. C'est pourquoi son кtre ne
consiste pas seulement en ce qu'il doit кtre unie а la matiиre, autrement elle
ne pourrait pas s'en sйparer: son opйration montre que c'est faux, elle vient
de l'вme mкme en soi sans la participation du corps. Et elle ne peut agir
autrement qu'elle est. Car ce qui n'est pas par soi, n'opиre pas par soi. Et а
nouveau la nature intellectuelle excиde tout l'ordre et toute la facultй des
principes matйriels et corporels; puisque l'intellect en son intellection
(intelligendo) peut transcender toute nature corporelle, ce qui ne serait pas
possible si sa nature йtait contenue dans les limites de la nature corporelle.
Neutrum autem horum de anima sensibili
vel vegetabili dici potest. Esse autem huiusmodi animarum non potest consistere
nisi in unione ad corpus: quod eorum operationes ostendunt; quae sine organo
corporali esse non possunt: unde nec esse earum est eis absolute sine
dependentia ad corpus. Propter
quod nec a corpore separari possunt, nec iterum in esse produci, nisi quatenus
producatur corpus in esse. Unde sicut producitur corpus per actum naturae
generantis, ita et animae praedictae. Ponere autem eas seorsum per creationem
fieri, videtur redire in opinionem eorum qui ponebant huiusmodi animas post
corpora remanere, cum utrumque simul in Lib. de Eccl. dogmatibus condemnetur.
Mais on ne peut utiliser ni l'un ni l'autre argument pour l'вme
sensitive ou l'вme vйgйtative. L'кtre des вmes de ce genre ne peut consister que
dans l'union au corps; ce que leurs opйrations montrent: elle ne peuvent
exister sans organe corporel; c'est pourquoi leur кtre n'est absolument pas
pour elles sans dйpendance au corps. A cause de cela, elles ne peuvent кtre
sйparйes du corps, ni а nouveau amenйes а l'кtre, que dans la mesure oщ le
corps y est amenй. C'est pourquoi, de mкme que le corps est produit par
l'action de la nature qui engendre, les вmes susdites aussi. Mais penser
qu'elles soient faites sйparйment par crйation semble ramener а l'opinion de
ceux qui pensaient que les вmes de ce genre demeuraient aprиs le corps; alors
que les deux opinions sont condamnйes ensemble dans le livre des Dogmes
ecclйsiastiques.
Huiusmodi etiam animae ordinem principiorum naturalium non
excedunt. Et hoc patet earum operationes considerantibus. Nam secundum ordinem
naturarum sunt etiam ordines actionum. Invenimus autem quasdam formas quae se
ulterius non extendunt quam ad id quod per principia materialia fieri potest;
sicut formae elementares et mixtorum corporum, quae non agunt ultra actionem
calidi et frigidi; unde sunt penitus materiae immersae. De telles вmes ne dйpassent pas l'ordre des principes naturels. Et cela
est visible pour ceux qui considиrent leurs opйrations. Car l'ordre des actions
dйpend de l'ordre des natures. Nous trouvons certaines formes qui ne s'йtendent
pas plus loin que ce qui peut кtre fait par les principes matйriels; ainsi les
formes йlйmentaires et celles des corps mixtes qui n'agissent pas au-delа de
l'action du chaud et du froid. C'est pourquoi elles sont tout а fait immergйes
dans la matiиre .
Anima vero vegetabilis, licet non agat nisi mediantibus
qualitatibus praedictis, attingit tamen operatio eius ad aliquid in quod
qualitates praedictae se non extendunt, videlicet ad producendum carnem et os,
et ad praefigendum terminum augmento, et ad huiusmodi; unde et adhuc retinetur
infra ordinem materialium principiorum, licet non quantum formae praemissae. Mais bien que l'вme vйgйtative n'agisse que par l'intermйdiaire de ces
qualitйs, cependant son opйration va jusqu'oщ elles ne s'йtendent pas, а savoir
produire la chair et l'os et fixer un terme а la croissance, etc.; c'est
pourquoi elle est encore retenue sous l'ordre des principes matйriels, bien que
pas autant sur les formes annoncйes.
Anima vero sensibilis non agit per virtutem calidi et
frigidi de necessitate, ut patet in actione visus et imaginationis et
huiusmodi; quamvis ad huiusmodi operationes requiratur determinatum
temperamentum calidi et frigidi ad constitutionem organorum, sine quibus
actiones praedictae non fiunt; unde non totaliter transcendit ordinem
materialium principiorum, quamvis ad ea non tantum deprimatur, quantum formae
praedictae.
Mais l'вme sensitive n'agit pas nйcessairement par le pouvoir du chaud
et du froid, comme cela paraоt dans l'action de la vue, de l'imagination, etc.,
quoique pour de telles opйrations un caractиre dйterminй de chaud et de froid
soit requis pour la constitution des organes, sans lesquels les actions
susdites ne se font pas; c'est pourquoi elle ne transcende pas totalement
l'ordre des principes matйriels, bien qu'elle n'y soit pas enclavйe autant que
les formes susdites.
Anima vero rationalis etiam agit actionem ad quam virtus
calidi et frigidi non se extendit; nec eam exercet per virtutem calidi et
frigidi, nec organo etiam corporali; unde ipsa sola transcendit ordinem
naturalium principiorum; non autem anima sensibilis in brutis, vel vegetabilis
in plantis. Mais l'вme rationnelle accomplit une action lа oщ ne s'йtend pas le
pouvoir du chaud et du froid, et elle ne l'exerce pas par ce pouvoir, ni par un
organe matйriel. C'est pour cela qu'elle seule transcende l'ordre des principes
naturels, mais pas l'вme sensitive dans les animaux, ni l'вme vйgйtative dans
les plantes.
Solutions: q. 3 a. 11 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet anima sensibilis in hominibus et brutis sit
eiusdem rationis secundum genus, non tamen est eiusdem rationis secundum
speciem, sicut nec idem animal specie est homo et brutum; unde et operationes
animae sensibilis sunt multo nobiliores in homine quam in brutis, ut patet in
tactu et in apprehensivis interioribus. Nec oportet eorum quae sunt in genere,
si specie differant, esse unum modum procedendi in esse, ut patet per animalia
generata ex semine et ex putrefactione; quae in genere conveniunt, et specie
differunt.
# 1. Bien que l'вme sensitive soit de mкme nature en genre dans les
hommes et les animaux, cependant elle ne l'est pas en espиce; ainsi l'homme et
la bкte ne sont pas un кtre animй identique en espиce; c'est pourquoi les
opйrations de l'вme sensitive sont beaucoup plus nobles chez l'homme que chez
les bкtes, comme cela paraоt dans le toucher et dans les perceptions
intйrieures. Et il ne faut pas, pour ceux qui sont dans un genre, s'ils
diffиrent par l'espиce, qu'il y ait un seul mode de parvenir а l'кtre, comme
cela paraоt chez les animaux engendrйs de la semence et de la putrйfaction, qui
sont dans un mкme genre et diffиrent en espиce.
q. 3 a. 11 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in homine non dicitur anima sensibilis ut dispositio,
quasi sit aliud in substantia ab anima rationali, et sit dispositio ad ipsam;
sed quia non distinguitur sensibile a rationali in homine, nisi sicut potentia
a potentia. Anima vero sensibilis in bruto distinguitur ab
anima rationali hominis sicut una forma substantialis ab alia. Et tamen
sicut potentia sensibilis in homine et vegetabilis fluunt ab essentia animae,
ita et in brutis et in plantis. Sed in hoc differunt quia in plantis non fluunt
ab essentia animae nisi potentiae vegetabiles, et ideo ab eis anima denominatur;
in brutis vero non solum vegetabiles, sed etiam sensibiles a quibus denominatur
eorum anima; in homine vero praeter has etiam intellectuales a quibus
denominatur.
# 2. Dans l'homme on ne parle pas de l'вme sensitive comme d'une
disposition, comme si dans la substance elle йtait autre que l'вme rationnelle
et disposition pour elle-mкme; mais parce qu'on ne distingue le sensitif du
rationnel dans l'homme, que comme une puissance d'une autre puissance. Mais l'вme
sensitive dans l'animal est distincte de l'вme rationnelle de l'homme comme une
forme substantielle d'une autre. Cependant la puissance sensitive et vйgйtative
dans l'homme dйcoule de l'essence de l'вme, dans les animaux et dans les
plantes aussi. Mais elles diffиrent en ceci que dans les plantes, seules les
puissances vйgйtatives dйcoulent de l'essence de l'вme, c'est pourquoi on
dйfinit leur вme par elles; dans les animaux non seulement les puissances
vйgйtatives mais aussi sensitives par lesquelles leur вme est dйfinie, dans
l'homme en plus les puissances intellectuelles par lesquelles elle est dйfinie.
q. 3 a. 11 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod substantia, a qua potentia sensibilis fluit, tam in
brutis quam in hominibus est forma substantialis; potentia vero utrobique est
accidens. # 3. La substance, d'oщ dйcoule la puissance sensitive, tant chez les
animaux que chez les hommes, est une forme substantielle; mais la puissance
dans les uns et les autres est un accident.
q. 3 a. 11 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod anima sensibilis non est actu in semine secundum
propriam speciem, sed sicut in virtute activa; sicut domus in actu est in mente
artificis ut in virtute activa: et sicut formae corporales sunt in virtutibus
caelestibus.
# 4. L'вme sensitive n'est pas en acte dans le semence pour son espиce
propre, mais comme dans une puissance active; de la mкme maniиre la maison en
acte est dans l'esprit de l'artisan comme dans une puissance active; et de mкme
les formes corporelles sont dans les puissances cйlestes.
q. 3 a. 11 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod instrumentum intelligitur moveri a principali agente,
quamdiu retinet virtutem a principali agente impressam; unde sagitta tamdiu
movetur a proiciente, quamdiu manet vis impulsus proicientis. Sicut etiam generatum
tamdiu movetur a generante in gravibus et levibus quamdiu retinet formam sibi
traditam a generante; unde et semen tamdiu intelligitur moveri ab anima
generantis quamdiu remanet ibi virtus impressa ab anima, licet corporaliter sit
divisum. Oportet autem movens et motum esse simul quantum ad motus principium,
non tamen quantum ad totum motum, ut apparet in proiectis.
# 5. On comprend que l'instrument est mis en mouvement par l'agent
principal aussi longtemps qu'il conserve ce pouvoir imprimй par cet agent;
c'est pourquoi la flиche est mue par celui qui la lance tant que dure son
impulsion. De mкme aussi, tant que l'engendrй est mы par celui qui engendre
dans le lourd et le lйger, il conserve la forme qui lui a йtй donnйe par lui;
c'est pourquoi, on comprend que la semence est mue par l'вme de celui qui
engendre, tant qu'en lui il y a le pouvoir imprimй par l'вme, bien qu'il soit
divisй corporellement. Mais il faut que le moteur et le mы soit ensemble au
principe du mouvement, non cependant pour tout ce qui est mы, comme cela paraоt
dans ce qu'on projette.
q. 3 a. 11 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod vis appetitiva animae non habet imperium nisi super
corpus unitum; unde pars decisa non obedit animae appetitivae ad votum. Sed
semen non movetur ab anima generantis per imperium, sed per cuiusdam virtutis
transfusionem, quae in semine manet etiam postquam fuerit decisum. # 6. La force appйtitive de l'вme n'a de pouvoir que sur le corps qui
lui est uni; c'est pourquoi une partie coupйe n'obйit pas au dйsir de l'вme
appйtitive. Mais la semence n'est pas mue par l'вme de celui qui engendre par
pouvoir, mais par la transmission d'un certain pouvoir qui demeure dans la
semence mкme une fois sйparйe.
q. 3 a. 11 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod anima sensibilis et vegetabilis de potentia materiae
educuntur, sicut et formae aliae materiales ad quarum productionem requiritur
virtus materiam transmutans. Virtus autem quae est in semine licet deficiat ab
aliis actionibus animae hanc tamen habet. Sicut enim per animam materia
transmutatur, ut convertatur in totum in actione nutrimenti; ita et per
virtutem praedictam transmutatur materia, ut generetur conceptum; unde nihil
prohibet quin virtus praedicta operetur quantum ad hoc ad actionem animae
sensibilis in virtute ipsius. # 7. L'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont tirйes de la puissance de
la matiиre, comme les autres formes matйrielles pour la production desquelles
est requis un pouvoir qui transforme la matiиre. Mais bien que le pouvoir qui
est dans la semence soit dйfaillant, par les autres actions de l'вme il la
possиde cependant; en effet, la matiиre est transformйe par l'вme, pour qu'elle
soit convertie en tout par l'action de la nourriture, de mкme par le pouvoir
susdit, la matiиre est transformйe, pour engendrer ce qui est conзu; c'est
pourquoi rien n'empкche que ce pouvoir opиre, а ce sujet, en son pouvoir pour
l'action de l'вme sensitive.
q. 3 a. 11 ad 8 Ad octavum dicendum, quod virtus
praedicta radicatur in spiritu, qui in semine includitur, sicut in subiecto.
Fere autem totum semen, ut dicit Avicenna, in spiritum convertitur. Unde licet
corpulenta materia, ex qua conceptum formatur, multoties per generationem
transmutetur, non tamen virtutis praedictae subiectum destruitur.
# 8. Ce pouvoir, prend racine dans l'esprit, qui se trouve inclus dans
la semence, comme dans son sujet. Mais presque toute la semence, comme le dit
Avicenne, est convertie en cet esprit. C'est pourquoi, bien que la matiиre
corporelle, d'oщ ce qui est conзu est formй, soit transformйe de nombreuses
fois par gйnйration, cependant le substrat de ce pouvoir n'est pas dйtruit.
q. 3 a. 11 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut calor agit ut instrumentum formae substantialis
ignis, ita nihil prohibet quin agat ut instrumentum animae sensibilis ad educendum
animam sensibilem in actum, non quod propria virtute hoc possit.
# 9. La chaleur agit comme instrument de la forme substantielle du feu,
de la mкme maniиre, rien n'empкche qu'elle agisse comme instrument de l'вme
sensitive pour l'amener l'вme а l'acte, encore qu'elle ne le puisse pas par son
propre pouvoir[7].
q. 3 a. 11 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod materia transmutatur non tantum transmutatione
accidentali, sed etiam substantiali; utraque enim forma in materiae potentia
praeexistit; unde agens naturale, quod materiam transmutat, non solum est causa
formae accidentalis, sed etiam substantialis. # 10. La matiиre subit un changement, non seulement accidentel, mais
aussi substantiel; car l'une et l'autre forme prйexiste dans la puissance de la
matiиre; c'est pourquoi l'agent naturel qui transforme la matiиre est non
seulement la cause de la forme accidentelle, mais aussi de la forme
substantielle.
q. 3 a. 11 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod anima sensibilis cum non sit res subsistens, non
est quidditas, sicut nec aliae formae materiales, sed est pars quidditatis, et
esse suum est in concretione ad materiam; unde nihil aliud est animam
sensibilem produci, quam materiam de potentia in actum transmutari. # 11. Comme l'вme sensitive n'est pas un кtre subsistant, elle n'est
pas une quidditй, les autres formes matйrielles non plus, mais elle en est une
partie; et son кtre est dans son agrйgation а la matiиre. C'est pourquoi,
produire l'вme sensitive n'est rien d'autre que faire passer la matiиre de la puissance
а l'acte.
q. 3
a. 11 ad 12 Ad decimumsecundum dicendum, quod quanto aliquid est imperfectius,
tanto ad eius constitutionem pauciora requiruntur. Unde cum animalia ex
putrefactione generata, sint imperfectiora animalibus quae ex semine generantur,
in animalibus ex putrefactione generatis sufficit sola virtus caelestis
corporis quae etiam in semine operatur, licet non sufficiat sine virtute animae
ad producendum animalia ex semine generata: virtus enim caelestis corporis in
inferioribus corporibus relinquitur, in quantum ab eo transmutantur, sicut a
primo alterante. Et propter hoc dicit philosophus, in libro de animalibus, quod
omnia corpora inferiora sunt plena virtutibus animae. Caelum autem licet non
sit simile in specie cum huiusmodi animalibus ex putrefactione generatis, est
tamen similitudo quantum ad hoc quod effectus in causa activa virtualiter
praeexistit. # 12. Plus une chose est imparfaite, moins elle a de besoins pour sa
constitution. C'est pourquoi, puisque les animaux engendrйs de la putrйfaction
sont plus imparfaits que ceux nйs d'une semence, il suffit pour eux du seul
pouvoir du corps cйleste qui opиre aussi dans la semence, bien qu'il ne suffise
pas sans le pouvoir de l'вme pour produire les animaux engendrйs par la
semence. Car le pouvoir du corps cйleste demeure dans les corps infйrieurs,
dans la mesure oщ ils sont transformйs par lui, comme par le premier qui
apporte le changement. Et c'est pour cela que le philosophe dit, dans le Livre
des Animaux, que tous les corps infйrieurs sont emplis des pouvoirs de l'вme.
Mais bien que le ciel ne soit pas semblable en espиce avec de tels animaux
engendrйs de la putrйfaction, il y a cependant ressemblance, parce que l'effet
prйexiste potentiellement dans la cause.
q. 3 a. 11 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum est, quod corpus caeleste etsi non sit vivum, agit
tamen in virtute substantiae viventis a qua movetur, sive sit Angelus, sive sit
Deus. Secundum philosophos tamen ponitur corpus caeleste animatum et vivum. # 13. Mкme si le corps cйleste n'est pas vivant, il agit cependant dans
le pouvoir de la substance vivante par laquelle il est mы; que ce soit un ange,
ou Dieu. Les philosophes, cependant, pensent qu'un corps cйleste est animй et
vivant.
q. 3 a. 11 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod virtus substantiae virtualis moventis relinquitur
in corpore caelesti et motu eius, non sicut forma habens esse completum in
natura, sed per modum intentionis, sicut virtus artis est in instrumento
artificis. # 14. Le pouvoir de la substance, moteur virtuel, est laissй dans le
corps cйleste et son mouvement, non comme une forme ayant l'кtre complet en
nature, mais par mode d'intention comme le pouvoir de l'art est dans
l'instrument de l'artisan.
q. 3 a. 11 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum est quod anima rationalis, ut dictum est, excedit totum
ordinem corporalium principiorum; unde nullum corpus potest agere etiam ut
instrumentum ad eius productionem. # 15. L'вme rationnelle, comme on l'a dit, dйpasse tout l'ordre des
principes corporels, c'est pourquoi aucun corps ne peut agir mкme comme
instrument pour sa production.
q. 3 a. 11 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum est, quod anima sensibilis producitur in concepto non
per actionem corporis nec per decisionem animae, sed per actionem virtutis
formativae, quae est in semine ab anima generante, ut dictum est. # 16. L'вme sensitive est produite dans ce qui est conзu, non par
l'action d'un corps ni par sйparation de l'вme, mais par l'action du pouvoir
formateur qui vient dans la semence par l'вme qui engendre, comme on l'a dit.
q. 3 a. 11 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod virtus cognoscitiva negatur esse ab actione
elementorum, quasi elementorum virtutes ad eam causandam sufficiant sicut
sufficiunt ad causandam duritiem et mollitiem. Non autem negatur quin instrumentaliter
aliquo modo cooperari possit.
# 17. On nie que le pouvoir cognitif vienne de l'action des йlйments,
comme si les pouvoir des йlйments suffisaient а les causer, comme ils suffisent
а causer la duretй ou la tendretй. Mais on ne nie pas qu'ils puissent coopйrer
de quelque maniиre en tant qu'instrument.
q. 3 a. 11 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum,
quod anima sensibilis movet per appetitum. Actio vero
appetitus sensibilis non est animae tantum, sed compositi; unde talis vis habet
determinatum organum. Unde non oportet ponere, quod anima sensibilis aliquam
operationem habeat absque corporis communione. 18. L'вme sensitive meut par l'appйtit. Mais l'action de l'appйtit
sensible ne vient pas de l'вme seulement, mais du composй; c'est pourquoi un tel
pouvoir a un organe dйterminй. Aussi, il ne faut pas penser que l'вme sensitive
a quelque opйration hors de son union au corps.
q. 3 a. 11 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod corpus potest movere quasi non motum specie illa
motus qua movet, licet non possit movere nisi aliquo modo motum; corpus enim
caeli alterat non alteratum, sed localiter motum; et similiter organum virtutis
appetitivae movet localiter non motum sed aliquo modo alteratum localiter.
Operatio enim appetitivae sensibilis sine corporali alteratione non contingit,
sicut patet in ira et in huiusmodi passionibus.
# 19. Le corps peut mouvoir comme non mы, par cette espиce de mouvement
par lequel il meut, bien qu'il ne puisse mouvoir qu'en йtant mы en quelque
maniиre. Car le corps du ciel change sans кtre changй, mais mы localement, et
de la mкme maniиre l'organe du pouvoir de l'appйtit meut, localement non mы,
mais changй localement d'une certaine maniиre. Car l'opйration de l'appйtit
sensible n'arrive pas sans changement du corps, comme cela paraоt dans la
colиre et les passions de ce genre.
q. 3 a. 11 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod vis motiva exequens motum est magis dispositio mobilis
qua natum est moveri a tali motore, quam sit per se movens. # 20. La force motrice qui accompagne le mouvement est plus une
disposition mobile par laquelle elle est destinйe а кtre mы par un tel moteur,
que d'кtre moteur par soi.
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[1]. Parall.: Ia, 118,1 – CG. II,
86 – II Sent. d18q2a3 - Qdl.IX, q. 5, a. 1. Pour
la hiйrarchie des degrйs textes parallиles: CG. IV, 11 - Ia, qu. 18, a. 3- qu.
78, a. 1 - Q. de anima. a. 13 - Verit. Qu. 22, a. 1 - De spirit. creat. a 2.
Gardeil, Initiation, Psychologie, p. 23.
[2]
. Cf. Pot. 3, 10, obj. 1. Mкme objection avec une petite nuance: "secundum
speciem".
[3]
. Disposition: diffйrence entre йtat (habitus) et disposition. Cf. Catйgories,
8 b 27 - 9 a 13: "L'Йtat, diffйrent de la disposition en ce qu'il a
beaucoup plus de durйe et de stabilitй... 9 a 4: Il est йvident qu'on tend а
dйsigner sous le nom d'йtats des qualitйs qui sont plus durables et plus
difficiles а mouvoir..." Les dispotions sont des "qualitйs qui
peuvent facilement кtre mues et rapidement changйes (Cf. Catйgories).
[4]
. "Car seule la substance ne se dit d'aucune autre chose comme sujet et
tout le reste se dit de la substance." (Thomas n° 107).
[5]
. Platon, Avicenne, Thйmestius (diacre d'Alexandrie, chef de la secte des
agnoиtes VIe siиcle): toutes les вmes viennent d'un principe sйparй, pour
Platon, le principe est l'idйe, pour Avicenne, l'intelligence agente et pour
les thйologiens qui professent cette thйorie, Dieu.
[6]
. Mйtaphysique VII (Z) 8, 1034 a 5: "Dиs
lors, le tout qui est engendrй c'est une forme de telle nature, rйalisйe dans
telle chair et dans tel os, Callias, ou Socrate, autre que son gйnйrateur dans
la matiиre, qui est autre, mais identique а lui pour la forme, car la forme est
indivisible." (Problиme individuation Tricot, 392, note 2) Cf. aussi Physique, II, 1, 193,a. 2: "En
effet la chair ou l'os en puissance n'ont pas encore leur propre nature et
n'existent pas par nature, tant qu'ils n'ont pas reзu la forme de la chair et
de l'os, j'entends la forme dйfinissable, celle que nous йnonзons pour dйfinir
l'essence de la chair et de l'os."
[7]
. Cf. Ia, qu. 118, a. 1, ad 3: "Cette force active qui est dans la
semence, dйrivйe de l'вme de celui qui engendre, est comme un mouvement de
celle-ci, et elle n'est ni l'вme, ni partie de l'вme, sinon virtuellement... Et
c'est pourquoi il faut que cette force active ait un organe en acte, mais elle
est incluse dans l'esprit qui se trouve dans la semence." (Cf. Ia, qu. 76, a. 7,
ad – Ia, qu. 115, a. 3 – I Sent., d10q1a4).
Article 12: L'вme sensitive ou l'вme vйgйtative sont-elles dans la
semence dиs le moment oщ elle est sйparйe?
q. 3 a. 12 tit. 1 Duodecimo quaeritur utrum anima sensibilis vel vegetabilis
sint in semine a principio quando deciditur. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections[2]: q. 3 a. 12 arg. 1 Quia,
ut Gregorius Nyssenus dicit, utriusque opinionis assertio vituperatione non
caret, et eorum qui prius vivere animas in suo quodam statu atque ordine
fabulantur, et eorum qui eas post corpora creatas existimant. Sed si anima in
semine non fuit in suo principio, oportet eam fieri post corpus. Ergo anima a
principio fuit in semine. 1. Comme Grйgoire de Nysse le dit (La crйation de l'homme, XVI): "L'affirmation des deux opinions ne manque
pas de critiques: celle de ceux qui ont pensй que les вmes vivent d'abord dans
un certain йtat et un certain ordre, et celle ceux qui pensent qu'elles sont
crййs aprиs les corps." Mais si l'вme n'a pas йtй dans la semence en
son commencement, il faut qu'elle soit faite aprиs le corps. Donc l'вme a йtй
dиs le commencement dans la semence. q. 3 a. 12 arg. 2
Praeterea, si anima sensibilis a principio non fuit in semine, sicut nec
rationalis; eadem ratio erit de sensibili et rationali. Sed anima rationalis
est a creatione. Ergo et anima sensibilis est a creatione: cuius contrarium est
ostensum. 2. Si l'вme sensitive n'a pas йtй dиs le commencement dans la semence,
l'вme rationnelle non plus; la mкme raison s'appliquera а l'une et а l'autre.
Mais cette derniиre est crййe. Donc l'вme sensitive aussi, alors qu'on a montrй
le contraire (article prйcйdant). q. 3 a. 12 arg. 3
Praeterea, philosophus dicit in XVI de animalibus, quod virtus quae est in
semine est sicut filius de domo patris egrediens. Sed filius est eiusdem
speciei cum patre. Ergo et illa virtus quae est in semine est eiusdem speciei
cum anima sensibili, a qua derivatur. 3. Le philosophe dit (Les animaux,
livre 16, La gйnйration animale, II,
ch. 4) que le pouvoir qui est dans la semence est comme le fils qui sort de la
maison de son pиre. Mais le fils est de la mкme espиce que son pиre. Donc ce
pouvoir qui est dans la semence est de la mкme espиce que l'вme sensitive d'oщ
il dйrive. q. 3 a. 12 arg. 4
Praeterea, philosophus dicit in XVI de animalibus, quod virtus illa est sicut
ars, quae si in materia esset, ad perfectionem artificiati operaretur. Sed in
arte est species artificiati. Ergo in illa virtute seminis est species animae
sensibilis quae per semen producitur. 4. Le philosophe dit (Les animaux,
livre 16), que ce pouvoir est comme l'art, qui, s'il йtait dans la matiиre,
opйrerait pour la perfection de l'oeuvre fabriquйe. Mais dans l'art il y a la
forme de l'oeuvre. Donc dans ce pouvoir de la semence il y a la forme de l'вme
sensitive qui est produite par la semence. q. 3
a. 12 arg. 5 Praeterea, decisio seminis est naturalis, decisio vero animalis
anulosi est contra naturam. Sed in parte animalis anulosi decisi est
anima, ut philosophus dicit. Ergo multo magis est in semine deciso. 5. La sйparation de la semence est naturelle, mais la division du ver
est contre nature[3]. Mais dans la partie sйparйe de cet
animal il y a une вme, comme le dit le philosophe. Donc encore plus dans la
semence sйparйe. q. 3 a. 12 arg. 6
Praeterea, philosophus dicit, in XVI de animalibus, quod mas in generatione
animalis dat animam. Sed nihil est egrediens a patre nisi semen. Ergo anima est
in semine. 6. Le philosophe dit (Les animaux,
livre 16), que le mвle, dans la gйnйration de l'animal, donne l'вme. Mais
rien ne sort du pиre que la semence. Donc l'вme est dans la semence. q. 3 a. 12 arg. 7
Praeterea, accidens non transfunditur nisi per transfusionem subiecti. Sed
aliquae aegritudines transfunduntur a parentibus in filios, sicut lepra et
podagra et huiusmodi. Ergo et eorum substantia transfunditur. Haec autem non
sunt sine anima. Ergo anima est a principio in semine. 7. L'accident n'est transmis que par transmission de son substrat. Or
certaines maladies sont transmises par les parents а leurs enfants comme la
lиpre, la goutte etc.. Donc leur substance est transmise. Mais cela ne se fait
pas sans l'вme. Donc l'вme est au commencement dans la semence. q. 3 a. 12 arg. 8
Praeterea, Hippocrates dicit, quod per decisionem venae quae est iuxta aures,
generatio impeditur. Hoc autem non esset, nisi semen decideretur a toto
corpore, quasi actio per prius existens. Ergo cum id quod est actu pars
animalis, habeat animam, videtur, quod semen a principio habeat animam. 8. Hippocrate dit que la coupure de la veine qui est prиs des oreilles
empкche la gйnйration. Mais cela n'arriverait que si la semence йtait sйparйe
du corps tout entier, comme une action prйexistant. Donc comme ce qui est la
partie en acte de l'animal a une вme, il semble que la semence en a une dиs le
commencement. q. 3 a. 12 arg. 9
Praeterea, idem dicit, quod equus quidam propter nimium coitum inventus est
sine cerebro. Hoc autem non esset, nisi semen decideretur ab eo quod est actu
pars. Ergo idem quod prius. 9. Le mкme dit qu'un cheval а cause d'un accouplement excessif a йtй
trouvй sans cerveau. Mais cela ne serait pas arrivй si la semence avait йtй
sйparйe de ce qui est une partie en acte. Donc de mкme que ci-dessus. q. 3 a. 12 arg. 10
Praeterea, quod est superfluum, non est de substantia rei. Si ergo semen sit
superfluum, non erit de substantia generantis; et ita filius, qui est ex
semine, non erit de substantia patris; quod est inconveniens. Ergo semen est de
substantia generantis; et ita est ibi anima in actu. 10. Le superflu n'appartient pas а la substance. Donc si la semence est
un superflu, elle n'appartiendra pas а la substance de celui qui engendre et
ainsi le fils, qui vient de la semence ne sera pas de la substance du pиre, ce
qui ne convient pas. Donc la semence vient de la substance de celui qui
engendre, et ainsi il y a lа une вme en acte. q. 3 a. 12 arg. 11
Praeterea, omne quod caret anima, est inanimatum. Si ergo semen caret anima,
erit inanimatum; et sic corpus inanimatum transmutabitur, et fiet animatum;
quod videtur inconveniens. Ergo anima est a principio in semine. 11. Tout de qui n'a pas d'вme est inanimй. Donc si la semence n'en a
pas, elle sera inanimйe, et ainsi le corps inanimй sera transformй et deviendra
animй, ce qui ne paraоt pas convenir. Donc l'вme est au commencement dans la
semence.
En sens contraire: q. 3 a. 12 s. c. 1
Sed contra. Est quod philosophus dicit quod semen et fructus est in tali
potentia ad animam, quae est abiiciens animam. 1. Le Philosophe dit (L'вme, II, 1, 412 b 25[4])
que la semence et le fruit, sont en une telle puissance pour l'вme qui est
sйparйe. q. 3 a. 12 s. c. 2
Praeterea, si semen a principio habet animam, hoc non videtur esse possibile
nisi duobus modis; vel quod tota anima generantis in semen transeat; vel quod
pars eius. Utrumque autem horum videtur esse inconveniens; quia ex primo
sequitur quod non remaneat anima in patre, ex secundo autem sequitur quod non
remaneat ibi tota. Ergo anima non est in semine a principio. 2. Si la semence possиde une вme au commencement, cela ne parait
possible que de deux maniиres; l'вme de celui qui engendre passe dans la
semence, toute ou bien en partie. L'une et l'autre de ces solutions ne
paraissent pas convenir, parce que de la premiиre, il dйcoule qu'il ne reste
pas d'вme dans le pиre, et de la seconde, qu'elle n'y reste pas toute entiиre.
Donc l'вme n'est pas dans la semence au commencement.
Rйponse: q. 3 a. 12 co.
Respondeo. Dicendum quod opinio quorumdam fuit, quod anima a principio
decisionis esset in semine, volentes quod sicut corpus divideretur a corpore,
ita simul anima propagaretur ab anima, ut statim cum corporis particula esset
etiam ibi anima. L'opinion de certains fut que l'вme au commencement de la sйparation
йtait dans la semence; ils voulaient que, de mкme que le corps est sйparй du
corps, en mкme temps l'вme soit transmise par l'вme, pour qu'aussitфt elle y
soit aussi avec une parcelle du corps. Haec autem opinio non videtur esse vera: quia, secundum quod
philosophus probat in XV de animalibus, semen non deciditur ab eo quod fuit
actu pars, sed quod fuit superfluum ultimae digestionis; quod nondum erat
ultima assimilatione assimilatum. Nulla autem corporis pars est actu per animam
perfecta, nisi sit ultima assimilatione assimilata; unde semen ante decisionem
nondum erat perfectum per animam, ita quod anima esset forma eius; erat tamen
ibi aliqua virtus, secundum quam iam per actionem animae erat alteratum et
deductum ad dispositionem propinquam ultimae assimilationi; unde et postquam
decisum est, non est ibi anima, sed aliqua virtus animae. Et propter hoc, in
XVI de animalibus, philosophus dicit, quod in semine est virtus principii animae.
Cette opinion ne paraоt pas vraie, parce que, selon ce que le
philosophe prouve (Les animaux, XV,
(livre. 1 de La gйnйration des animaux, ch.
18,19), la semence ne serait pas sйparйe de ce qui fut une partie en acte, mais
de ce qui fut le superflu d'une ultime digestion, qui n'йtait pas encore
assimilйe tout а fait, mais aucune partie du corps n'est parfaite en acte par
l'вme si elle n'est assimilйe tout а fait. C'est pourquoi la semence avant la
sйparation n'est pas encore achevйe par l'вme, de sorte que l'вme soit sa forme;
cependant il y avait lа un pouvoir selon lequel, dйjа par l'action de l'вme,
elle йtait changйe et amenйe а une disposition proche de la derniиre
assimilation; c'est pourquoi, aprиs sa sйparation, il n'y a pas d'вme mais un
pouvoir de l'вme. Et c'est pour cela que dans le Livre 16 de La gйnйration des animaux , la gйnйration animale, ch. 3, le
philosophe dit que dans la semence il y a le pouvoir du principe de l'вme. Et praeterea si anima esset in semine a principio, aut esset
ibi habens actu speciem animae, aut non, sed ut quaedam virtus, quae
converteretur postmodum in animam. Primum esse non potest: quia cum anima sit
actus corporis organici, ante qualemcumque organizationem corpus susceptivum
animae esse non potest. Et etiam sic sequitur quod totum id quod agit in
seminibus, non est nisi quaedam dispositio materiae, et per consequens non
esset generatio, cum generatio non sequatur, sed praecedat formam
substantialem. Nisi forte dicatur, quod corporis sit alia forma substantialis
praeter animam; ex quo sequitur quod anima non substantialiter corpori
uniretur, utpote adveniens corpori, postquam est iam per aliam formam hoc
aliquid constitutum. Et en plus si l'вme йtait dans la semence dиs le dйpart, ou elle
possйderait la forme de l'вme en acte, ou pas, mais comme une certaine
puissance qui se transformerait ensuite en вme. La premiиre solution n'est pas possible, parce que, comme l'вme est
l'acte d'un corps organique, le corps qui reзoit l'вme ne peut pas exister
avant n'importe quelle organisation. Et mкme ainsi il en dйcoule que tout ce
qui agit dans les semences, n'est qu'une disposition de la matiиre, et par
consйquence ce ne serait pas une gйnйration, puisque celle-ci ne suit pas mais
prйcиde la forme substantielle. A moins que par hasard on dise qu'il y aurait
une autre forme substantielle du corps en plus de l'вme. Il en dйcoule que
l'вme ne serait pas unie substantiellement au corps, ou qu'elle arriverait en
lui aprиs qu'il soit dйjа constituй par une autre forme. Sequeretur ulterius quod generatio viventis non esset
generatio, sed decisio quaedam; sicut pars ligni separatur a ligno, ut sit actu
lignum. Il dйcoulerait par la suite que la gйnйration du vivant ne serait pas
une gйnйration, mais une espиce de sйparation; comme un morceau de bois est
sйparй du bois pour кtre du bois en acte. Secunda pars divisionis praedictae esse non potest; quia
secundum hoc sequeretur quod forma substantialis non subito sed successive in
materia proveniret; et sic in substantia esset motus, sicut in quantitate et
qualitate; quod est contra philosophum; et etiam formae substantiales
reciperent magis et minus; quod est impossibile. Unde relinquitur quod anima
non est in semine, sed virtus quaedam animae, quae agit ad animam producendam,
ab anima derivata. La seconde partie de la
division dont on a parlй ne peut pas exister, parce qu'il en dйcoulerait que la
forme substantielle ne parviendrait pas dans la matiиre subitement, mais
successivement, et ainsi il y aurait du mouvement dans la substance, comme dans
la quantitй et la qualitй; ce qui est contre ce que dit le philosophe (V Physique, V, 2, 225 b 10-226 a 23) et
mкme les formes substantielles recevraient du plus et du moins, ce qui est
impossible. C'est pourquoi, il reste que ce n'est pas l'вme qui est dans la
semence, mais un certain pouvoir de l'вme qui en est dйrivй, qui agit pour la
produire.
Solutions: q. 3 a. 12 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod corpus viventis, utpote leonis vel olivae, non est
anima, sed est semen corporis tantum ante animam, et ante virtutem quae agit ad
animam. Eadem enim est proportio seminis ad virtutem
huiusmodi, et corporis ad animam. # 1. Le corps de l'кtre vivant, comme celui du lion ou de l'olive,
n'est pas une вme, mais c'est la semence du corps seulement avant l'вme et
avant son pouvoir qui agit pour l'вme. Car il y a la mкme proportion de la
semence а un tel pouvoir que du corps а l'вme. q. 3 a. 12 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod hoc interest inter animam rationalem et alias animas,
quod anima rationalis non est ex virtute seminis sicut aliae animae; quamvis
nulla anima sit in semine a principio. # 2. Entre l'вme rationnelle et les autres вmes il y a cette diffйrence
que la premiиre ne vient pas du pouvoir de la semence, comme les autres, bien
qu'aucune вme ne soit dans la semence dиs le commencement. q. 3 a. 12 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod virtus illa non assimilatur filio egredienti de domo
patris quantum ad complementum speciei, sed quantum ad acquisitionem eorum quae
desunt utrique ad aliquod complementum. Perfectio enim prima plerumque
manifestatur per similitudinem perfectionis secundae. # 3. Ce pouvoir ne ressemble pas au fils qui sort de la maison du pиre
pour complйter l'espиce, mais pour acquйrir de ce qui manque а l'un et l'autre
pour les complйter. Car la perfection premiиre, la plupart du temps, se
manifeste par la ressemblance de la perfection seconde[5].
q. 3 a. 12 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod assimilatio inter virtutem praedictam et artem procedit
quantum ad hoc quod sicut artificiatum praeexistit in arte sicut in virtute
activa, ita et res viva generanda in virtute formativa. # 4. La ressemblance entre un tel pouvoir et l'art vient du fait que,
de mкme que l'oeuvre prйexiste dans l'art, comme dans un pouvoir actif, de mкme
l'кtre vivant qui doit кtre engendrй prйexiste dans un pouvoir formateur. q. 3 a. 12 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ex hoc ipso decisio animalis anulosi est violenta et
contra naturam, quod pars decisa erat actu pars, et perfecta per animam; unde
per decisionem materiae anima in utraque parte remanet; quae quidem erat in
toto una in actu, et plures in potentia. Quod quidem accidit per hoc quod
huiusmodi animalia fere sunt similia in toto et partibus; nam eorum animae,
quia imperfectiores sunt aliis, modicam diversitatem organorum requirunt. Et
inde est quod una pars decisa potest esse animae susceptiva, utpote habens
tantum de organis quantum sufficit ad talem animam suscipiendam; sicut accidit
in aliis corporibus similibus utpote ligno et lapide, aqua et aere. Ex hoc
autem philosophus probat in XV de animalibus, quod sperma non fuit actu pars
ante decisionem; quia eius decisio non fuisset naturalis, sed modus
corruptionis cuiusdam. Unde non oportet quod per decisionem seminis in ipso
semine anima remaneat. # 5. La coupure du ver est violente et contre nature, parce que la
partie coupйe йtait une partie en acte, parfaite par l'вme; c'est pourquoi
quand on coupe le corps, l'вme demeure dans l'une et l'autre partie, qui йtait
une en acte dans le tout et plusieurs en puissance. Ce qui arrive parce que de
tels animaux sont presque semblables dans le tout et dans la partie; parce que
leurs вmes sont plus imparfaites que les autres, elles demandent peu de
diversitй dans leurs organes. Et de lа vient qu'une partie coupйe peut recevoir
l'вme, comme ayant seulement[6] pour les organes autant
qu'il suffit pour recevoir une telle вme, comme cela arrive dans les autres
corps semblables, comme le bois et la pierre, l'eau et l'air. De lа le philosophe
prouve (les animaux,15, La gйnйration animale, 18) que le sperme
n'a pas йtй une partie en acte avant la sйparation, parce que celle-ci n'aurait
pas йtй naturelle, mais une maniиre de corruption. C'est pourquoi il ne faut
pas que l'вme demeure en elle par la sйparation de la semence. q. 3 a. 12 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod mas dicitur dare animam, in quantum in semine maris
continetur virtus quae agit ad animam. # 6. On dit que la mвle donne l'вme, dans la mesure oщ le pouvoir qui
agit pour l'вme est contenu dans sa semence. q. 3 a. 12 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod aegritudines, de quibus est obiectio, non traducuntur
cum semine quasi actu in semine sint, sed quia est principium eorum in semine,
per aliquam seminis indispositionem. # 7. Les maladies dont on parle dans l'objection ne sont pas transmises
avec la semence, comme si elles y йtaient en acte, mais parce que leur principe
est dans la semence, par une mauvaise disposition. q. 3 a. 12 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod cum sperma sit quaedam superfluitas, habet quasdam
proprias vias, sicut et aliae superfluitates, quibus intercisis generatio
impeditur; non propter hoc quod aliquid ex eo quod erat actu pars, resolvatur. # 8. Comme le sperme est une surabondance, il a ses propres voies,
comme les autres surabondances, par lesquelles, si elles sont coupйes, la
gйnйration est empкchйe. Ce n'est pas а cause de cela que quelque chose qui
йtait une partie en acte est dйtruit. q. 3 a. 12 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut immoderatus aliarum superfluitatum fluxus solvit
aliquid de eo quod erat iam conversum, per violentiam quamdam; et non
naturaliter; ita etiam immoderatus fluxus seminis. Ea vero quae fiunt contra
naturam, non sunt in consequentiam naturae trahenda. # 9. Le flux immodйrй des autres surabondances dissout quelque chose de
ce qui d'elle йtait dйjа changй par violence et non de faзon naturelle; de la
mкme maniиre, le flux immodйrй de la semence aussi. Mais ce qui est fait contre
nature, ne doit pas кtre considйrй comme sa consйquence . q. 3 a. 12 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod semen est tale superfluum, quod licet non sit actu pars
substantiae patris, est tamen potentia, tota; et ob hoc filius dicitur de
substantia patris esse. # 10. La semence est un tel superflu que, bien qu'elle ne soit pas une
partie en acte de la substance du pиre, elle est cependant tout entiиre une
puissance, et c'est pour cela qu'on dit que le fils vient de la substance du
pиre. q. 3 a. 12 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod licet semen non sit animatum actu, est tamen animatum
virtute; unde non est simpliciter inanimatum. # 11. Bien que la semence ne soit pas animйe en acte, cependant elle
l'est en puissance; c'est pourquoi, elle n'est pas tout а fait inanimйe.
[1] . Semence: voir Ia, 119, 2 La semence est-elle le superflu de l'aliment. II Sent. d30q2a. 2 – CG. II, 86-89. Cf. III, 32, 1, 1
spiritus. cf. ad 1– L'action des corps cйlestes CG. III, 22, § 5-9 III, 82, 7 –
grave et lйger mu par leur gйniteur а la diffйrence des corps cйlestes? III,
22– Le soleil: II, 76, § 13 - III, 69, § 24 - III, 104, § 10. [2]
. Parall.: Ia, 118,1, ad 3 et 4 - II Sent, d18q2a1. [3].
Cf. Aristote, De l'вme, livre II, 2
(413 b 20) (p. 43 § 2): "...certaines plantes semblent conserver la vie
quand on les divise et bien que leurs parties soient sйparйes les unes des
autres, comme si l'вme prйsente en elle йtait une entйlйchie dans chaque
plante, mais multiple en puissance: or on voit la mкme chose se produire pour
d'autres diffйrenciations de l'вme dans le cas des insectes qu'on divise. Car
chaque segment conserve la sensation et le mouvement local."(Trad.
Barbotin). Voir Thomas, lectio 4, n° 265. [4]. De anima: "Ce n'est pas le corps
sйparй de l'вme qui est en puissance de vivre, mais celui qui la possиde а son
tour, la semence et le fruit sont en puissance un corps de cette sorte"
(Trad. E. Barbotin). Thomas n ° 240: "On dit qu'une chose est en puissance
de deux maniиres: a) quand elle n'a pas de principe d'opйration, b) quand elle
l'a mais ne s'en sert pas. Mais le corps dont l'acte est l'вme, a la vie en
puissance non pas de la premiиre maniиre mais de la seconde. Et c'est pour cela
qu'il dit que le corps est un йtant en puissance de vivre, c'est-а-dire qu'il
manque du principe de vie qui est l'вme, mais qu'il a un principe de ce genre.
Mais c'est vrai que la semence et le fruit en qui est conservй la semence de la
place est en puissance pour un tel corps vivant, qui a une вme, car la semence
n'a pas encore d'вme. C'est pourquoi elle est ainsi en puissance, comme sйparйe
de l'вme. [5]
. Comprendre par la premiиre perfection celle du pиre, et la seconde celle du
fils. [6][6]
. Cf. II Sent. d18q2a3.
Article 13: Un кtre qui dйpend d'un autre peut-il кtre йternel?
q. 3 a. 13 tit. 1
Decimotertio quaeritur utrum aliquod ens ab alio possit esse aeternum. Et
videtur quod non. Il semble que non. Objections[1]: q. 3 a. 13 arg. 1 Nihil enim quod est semper, indiget
aliquo ad hoc quod sit. Omne autem quod est ab aliquo, indiget eo
a quo est, ut sit. Ergo nihil quod est ab alio, est semper. 1. Car tout ce qui n'existe pas toujours a besoin de quelque chose pour
exister. Tout кtre qui dйpend d'un autre a besoin de ce dont il vient pour
exister. Donc rien de ce qui vient d'un autre n'existe toujours. q. 3 a. 13 arg. 2
Praeterea, nihil accipit quod iam habet. Ergo quod semper est, semper esse
habet; ergo quod est semper, non accipit esse. Sed omne quod est ab alio,
accipit esse ab eo a quo est. Ergo nihil quod est ab alio, est semper. 2. Rien ne reзoit ce qu'il a dйjа. Donc ce qui existe toujours a
toujours l'кtre. Donc il ne le reзoit pas. Mais tout ce qui dйpend d'un autre
reзoit l'кtre de celui par lequel il existe. Donc rien de ce qui vient d'un
autre n'existe toujours. q. 3 a. 13 arg. 3
Praeterea, quod est, non generatur neque fit, neque aliquo modo in esse
producitur; quia quod fit, non est. Ergo oportet quod omne quod generatur vel fit,
vel producitur, aliquando non esset. Omne autem quod est ab alio, est
huiusmodi. Ergo omne quod est ab alio aliquando non est. Quod autem aliquando
non est, non semper est. Ergo nihil quod est ab alio, est sempiternum. 3. Ce qui est, n'est pas en train d'кtre engendrй, ni fait, ni amenй а
l'кtre de quelque maniиre, parce que ce qui se fait n'est pas. Il faut donc que
tout ce qui est engendrй, fait ou amenй а l'кtre n'ait pas existй а certains
moments. Mais tout ce qui dйpend d'un autre est de ce genre. Donc ce qui dйpend
d'un autre n'existe pas а certains moments, ce qui n'existe pas а certains
moments, n'existe pas toujours. Donc rien de ce qui dйpend d'un autre n'est
йternel. q. 3 a. 13 arg. 4
Praeterea, quod non habet esse nisi ab alio, in se consideratum, non est.
Huiusmodi autem oportet aliquando non esse. Ergo oportet quod omne quod est ab
alio, aliquando non esset, et per consequens non esse sempiternum. 4. Ce qui ne possиde l'кtre que par un autre, considйrй en soi, n'est
pas. Pour un tel кtre, il faut ne pas exister а certains moments. Donc il faut
que tout ce qui dйpend d'un autre, n'ait pas existй а certains moments et par
consйquent ne soit pas йternel. q. 3 a. 13 arg. 5
Praeterea, omnis effectus est posterior sua causa. Quod autem est ab alio, est
effectus eius a quo est. Ergo est posterius eo a quo est; et ita non potest
esse sempiternum. 5. Tout effet est postйrieur а sa cause. Mais ce qui dйpend d'un autre
est l'effet de celui par qui il est. Donc il lui est postйrieur, et ainsi il ne
peut pas кtre йternel. En sens contraire: q. 3 a. 13 s. c. Sed
contra, est quod Hilarius dicit, quod ab aeterno a patre natum, aeternum esse
habet quod natum est. Sed filius Dei natus est ab aeterno patre. Ergo aeternum
habet quod natum est; ergo est aeternum. Hilaire dit (La Trinitй, Livre
XII) que celui qui est nй de toute йternitй du Pиre a un кtre йternel qui est
nй. Mais le Fils de Dieu est nй du Pиre йternel. Donc il possиde ce qui est nй
comme йternel. Donc il est йternel. Rйponse: q. 3 a. 13 co.
Respondeo. Dicendum quod, cum ponamus filium Dei naturaliter a patre procedere,
oportet quod ita sit a patre, quod tamen sit ei coaeternus: quod quidem hoc
modo apparet. Inter voluntatem enim et naturam hoc interest, quod natura
determinata est ad unum, quantum ad id quod virtute naturae producitur, et
quantum ad hoc quod est producere vel non producere; voluntas vero quantum ad
neutrum determinata invenitur. Potest tamen aliquis hoc vel illud per
voluntatem facere, sicut artifex scamnum vel arcam, et iterum facere ea et a
faciendo cessare; ignis vero non potest nisi calefacere, si subiectum suae
actionis adsit; nec potest aliud inducere in materiam quam effectum similem
sibi. Quand nous pensons que le Fils de Dieu procиde naturellement du Pиre,
il faut qu'il vienne du Pиre de sorte а lui кtre cependant coйternel. Ce qui se
dйmontre de cette maniиre. Entre la volontй et la nature, en effet, il y a
cette diffйrence que la nature est
dйterminйe а un seul objet pour ce qui est produit par son pouvoir et pour
produire ou ne pas produire; mais la
volontй ne se trouve dйterminйe ni pour l'un, ni pour l'autre. Cependant
quelqu'un peut faire ceci ou cela par volontй, comme l'ouvrier fait un banc ou
un coffre et en plus il le fait et cesse de le faire; mais le feu ne peut que chauffer
si le sujet de son action est prйsent et il ne peut induire dans la matiиre
qu'un effet semblable а lui[2]. Unde etsi de creaturis, quae divina voluntate ab ipso
procedunt, dici possit quod potuit creaturam talem vel talem facere et tunc vel
tunc facere, de filio tamen, qui naturaliter procedit, hoc dici non potest. Non
enim potuit alterius modi esse filius secundum naturam, quam se habet patris
natura. Nec potuit vel prius vel posterius filius esse nisi quando fuit patris
natura: non enim potest dici, quod divinae naturae aliquando perfectio naturae
defuerit, qua adveniente virtute naturae, filius Dei sit generatus; cum divina
natura sit simplex et immutabilis. Neque potest dici, quod huiusmodi generatio
dilata fuerit propter materiae absentiam vel indispositionem, cum omnino haec
generatio immutabilis sit. Unde relinquitur, quod cum natura patris ab aeterno
fuerit, et filius sit a patre aeternaliter generatus, ac per consequens patri
coaeternus. C'est pourquoi, si а propos des crйatures qui procиdent de Dieu par sa
volontй, il est possible de dire qu'il a pu faire telle ou telle crйature et la
faire а un moment ou а un autre, au sujet de son Fils cependant, qui procиde
par nature, on ne peut pas le dire. Car le Fils n'a pu кtre diffйrent en sa
nature de celle du Pиre. Et il n'a pu кtre Fils avant ou aprиs que la nature du
Pиre n'ait existй. En effet on ne peut pas dire que la perfection de la nature
divine ait manquй а certains moments, quand par le pouvoir de cette nature qui
lui parvint, le Fils de Dieu a йtй engendrй, puisque la nature divine est
simple et immuable. On ne peut pas dire, non plus, qu'une telle gйnйration aura
йtй diffйrйe, а cause de l'absence ou de l'indisposition de la matiиre, puisque
cette gйnйration est tout а fait immuable. C'est pourquoi il reste que, comme
la nature du Pиre a йtй йternelle et que le Fils a йtй engendrй йternellement
par le Pиre, il est coйternel au Pиre. Ariani vero, quia ponebant filium non naturaliter a patre
procedere, ponebant filium neque patri coaequalem neque coaeternum, sicut
contingit in aliis quae a Deo procedunt secundum arbitrium voluntatis ipsius.
Fuit autem difficile considerare generationem filii patri coaeternam, propter
assuefactionem humanae cognitionis in consideratione productionis rerum
naturalium, in quibus una res ab alia per motum producitur; res autem producta
per motum in esse prius esse incipit in principio quam in termino motus. Cum
autem principium motus de necessitate terminum motus duratione praecedat, quod
necesse est propter motus successionem, nec possit esse motus principium vel
initium sine causa ad producendum movente; necesse est ut causa movens ad
aliquid producendum praecedat duratione id quod ab ea producitur. Mais les Ariens qui
estimaient que le Fils ne procиde pas du Pиre par nature, pensaient qu'il
n'йtait ni йgal ni coйternel au Pиre, comme cela arrive dans les autres кtres
qui procиdent du Pиre selon le libre arbitre de sa volontй. Il fut difficile de
considйrer la gйnйration du Fils comme coйternelle au Pиre, а cause de
l'habitude de la pensйe humaine, quand elle considиre la production des choses
naturelles, dans lesquelles l'une est produite а partir d'une autre par
mouvement. Mais ce qui est amenй а l'кtre par mouvement commence а кtre au
commencement plutфt qu'au terme du mouvement. Comme le commencement du
mouvement par nйcessitй prйcиde son terme dans la durйe, ce qui nйcessaire а
cause de la succession du mouvement, le commencement du mouvement ou son dйbut
ne pourrait exister sans cause pour le produire en le mettant en mouvement, il
est nйcessaire que la cause motrice, pour produire quelque chose, prйcиde en
durйe ce qui est produit par elle. Unde quod ab aliquo sine motu procedit, simul est duratione
cum eo a quo procedit, sicut splendor in igne vel in sole: nam splendor subito
et non successive a corpore lucido procedit, cum illuminatio non sit motus, sed
terminus motus. Relinquitur ergo quod in divinis, ubi omnino motus locum non
habet, procedens sit simul duratione cum eo a quo procedit; et ideo cum pater
sit aeternus, filius et spiritus sanctus ab eo procedentes sunt ei coaeterni. C'est pourquoi, ce qui procиde de quelque chose sans mouvement est en
durйe en mкme temps que celui d'oщ il procиde, comme la lumiиre dans le feu ou
le soleil; car la lumiиre procиde du corps lumineux de faзon soudaine et non
successivement, puisque l'illumination n'est pas un mouvement mais son terme.
Il reste donc que, en Dieu, en qui le mouvement n'a absolument pas de place,
celui qui procиde est dans le mкme temps que celui dont il procиde; et c'est
pourquoi, comme le Pиre est йternel, le Fils et l'Esprit Saint qui procиdent de
lui, lui sont coйternels[3].
Solutions: q. 3 a. 13 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod si indigentia importet defectum vel carentiam eius
quo indigetur, quod semper est non indiget aliquo ad hoc quod sit. Si vero
importet solum ordinem originis ad id a quo est, sic nihil prohibet id quod
semper est, aliquo indigere ad hoc quod sit, in quantum non a se ipso, sed ab
alio esse habet. # 1. Si le besoin apporte une dйfaillance ou une carence de ce dont il
manque, ce qui existe toujours n'a besoin de rien pour exister. Mais s'il
apporte une seule relation d'origine а ce par lequel il est, rien ainsi
n'empкche que ce qui existe toujours ait besoin de quelqu'un pour кtre, dans la
mesure oщ il a l'кtre, non de lui-mкme mais d'un autre. q. 3 a. 13 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod accipiens aliquid non habet illud ante acceptionem,
habet vero illud quando iam accepit; unde si ad aeterno accipit, ab aeterno
habet. # 2. Celui qui reзoit quelque chose ne l'a pas avant de le recevoir,
mais il l'a quand il a dйjа reзu; c'est pourquoi, s'il le reзoit de toute
йternitй, il le possиde de toute йternitй. q. 3 a. 13 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ratio
illa procedit in generatione quae est per motum; quia quod movetur ad esse, non
est. Et pro tanto dicitur quod id quod generatur non est, sed quod est
generatum est: unde ubi non est aliud generari et generatum esse, ibi non
oportet quod generatur, aliquando non esse. # 3. La raison donnйe se produit dans la gйnйration qui se fait par
mouvement, parce que ce qui est amenй а l'кtre n'est pas. Et pour autant, on
dit que ce qui est engendrй n'est pas, mais ce qui est a йtй engendrй est.
C'est pourquoi lа oщ ce n'est pas diffйrent d'кtre engendrй et avoir йtй
engendrй, il ne faut pas que ce qui est engendrй n'existe pas а certains
moments. q. 3 a. 13 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod illud quod habet esse ab alio, in se consideratum, est non
ens, si ipsum sit aliud quam ipsum esse quod ab alio accipit; si autem sit
ipsum esse quod ab alio accipit, sic non potest in se consideratum, esse non
ens; non enim potest in esse considerari non ens, licet in eo quod est aliud
quam esse, considerari possit. Quod enim est, potest aliquid habere permixtum;
non autem ipsum esse, ut Boetius dicit in libro de hebdomadibus. Prima quidem
conditio est creaturae, sed secunda est conditio filii Dei. # 4. Ce qui reзoit l'кtre d'un autre, considйrй en soi est un non
йtant, s'il est autre que l'кtre mкme qu'il reзoit de lui; mais s'il est
lui-mкme l'кtre qu'il reзoit d'une autre, il ne peut pas, considйrй en soi,
кtre un non йtant, bien qu'en lui on puisse considйrer ce qui est autre que
l'кtre. Car ce qui existe, peut avoir quelque chose de mкlй, mais pas l'кtre
lui-mкme, comme Boиce le dit dans son livre De
Hebdomadibus[4]. La premiиre condition est celle de la
crйature, mais la seconde celle du Fils de Dieu. q. 3 a. 13 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod filius Dei non potest dici effectus: quia non fit, sed
generatur. Hoc enim fit cuius esse est diversum a faciente; unde nec patrem
proprie loquendo causam filii dicimus, sed principium. Nec oportet omnem causam
effectum duratione praecedere, sed natura tantum sicut patet in sole et
splendore. # 5. Le Fils de Dieu ne peut кtre considйrй comme un effet, parce qu'il
n'est pas fait, mais engendrй. Car est fait ce dont l'кtre est diffйrent de
celui qui le fait. C'est pourquoi nous ne disons pas que le Pиre, а proprement
parler, est la cause du Fils mais son principe. Et il ne faut pas que toute la
cause prйcиde l'effet dans la durйe, mais en nature seulement, comme cela
apparaоt pour le soleil et la lumiиre.
[1] Parall.: Ia, 42, 2 Р III Sent. d11a1 - Compendium.
43 -...In Jn 1, 1ectio 1 – In Decret.
I. Pour
comprendre dиs le dйpart le sens de l'article, il faut voir qu'il concerne les
crйatures, mais surtout le Christ, ce qui n'est rйvйlй qu'au sed contra. [2]
Sujet dйveloppй dans l'article 15. [3]
En Ia, 42 2 c il donne trois raisons pour lesquelles le Fils est coйternel au
Pиre: a)
Le Pиre engendre le Fils par volontй, et sa nature est "parfaite de toute
йternitй" b)
L'action de Dieu n'est pas successive. Cf. Ia,
qu. 42, a. 2 c apporte quelques prйcisions supplйmentaires En
sol. 4, il rйsout le problиme du temps: . "Dans le temps, on distingue
l'indivisible, c'est-а-dire l'instant, et ce qui dure, c'est-а-dire le temps.
Mais, dans l'йternitй, l'instant indivisible lui-mкme subsiste toujours, on l'a
dit prйcйdemment. Or, la gйnйration du Fils ne s'accomplit ni dans un instant
temporel, ni dans la durйe du temps, mais dans l'йternitй. C'est pourquoi, si
l'on veut signifier cette prйsence et permanence actuelle de l'йternitй, on
peut dire avec Origиne que le Fils "naоt toujours". Cependant il vaut
mieux, avec S. Grйgoire et S. Augustin, dire: "Il est toujours nй";
dans cette expression, l'adverbe "toujours" йvoque la permanence de
l'йternitй, et le parfait "est nй" йvoque la perfection achevйe de ce
qui est engendrй. Ainsi on n'attribue au Fils aucune imperfection, et l'on
йvite d'admettre, comme Arius, "un temps oщ il n'йtait pas". [4]
"En tout composй l'кtre est diffйrent de l'кtre mкme." (Omni
composito aliud est esse, aliud ipsum esse". Boиce 18.
Article 14: Ce qui est diffиrent de Dieu par essence peut-il кtre
йternel?
q. 3 a. 14 tit. 1
Decimoquarto quaeritur utrum id quod est a Deo diversum in essentia, possit
semper fuisse. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]:
Objections[2]: q. 3 a. 14 arg. 1
Non enim est minor potestas causae producentis totam rei substantiam super
effectum suum, quam causae producentis formam tantum. Sed causa producens
formam tantum, potest producere eam ab aeterno, si ab aeterno esset; quia
splendor qui gignitur ab igne atque diffunditur coaeternus est illi; et esset
coaeternus, si ignis esset aeternus, ut Augustinus dicit. Ergo multo fortius
Deus, potest producere effectum sibi coaeternum. 1. Car la puissance de la cause, qui produit la substance totale de
l'кtre en plus de son effet, n'est pas plus petite que celle de la cause qui
produit la forme seulement. Mais celle-ci pourrait la produire de toute
йternitй, si elle йtait йternelle; parce que la lumiиre qui est engendrйe et
diffusйe par le feu est simultanйe et elle lui serait coйternelle si le feu
йtait йternel, comme le dit Augustin (La Trinitй). Donc Dieu, beaucoup plus,
peut produire des effets qui lui sont coйternels.
q. 3 a. 14 arg. 2
Sed dices, quod hoc est impossibile; quia sequitur inconveniens, scilicet quod
creatura parificetur creatori in duratione.- Sed contra, duratio quae non est
tota simul, sed successiva, non potest aequiparari durationi quae est tota
simul. Sed si mundus semper fuisset, eius duratio non semper tota simul esset;
quia tempore mensuraretur, ut etiam Boetius dicit in fine de Consol. Ergo adhuc
Deo non aequipararetur creatura in duratione.
2. Mais on pourrait dire que cela est impossible, parce qu'il en
dйcoule un inconvйnient: la crйature serait йgalйe au Crйateur en durйe. En sens contraire: la durйe, qui n'est pas
toute а la fois mais successive, ne peut кtre йgalйe а une durйe qui
serait toute en mкme temps. Mais si le monde avait toujours existй, sa durйe
n'aurait pas йtй toujours toute а la fois, parce qu'elle aurait йtй mesurйe par
le temps, comme Boиce le dit aussi а la fin De
la Consolation (Livre V, derniиre prose). Donc jamais la crйature n'est
йgalйe а Dieu en durйe.
q. 3
a. 14 arg. 3 Praeterea, sicut divina persona procedit a Deo sine motu, ita et
creatura. Sed divina persona potest esse Deo coaeterna, a quo procedit. Ergo
similiter et creatura. 3. Une personne divine procиde de Dieu sans mouvement, la crйature
aussi. Mais une personne divine peut кtre coйternelle а Dieu dont elle procиde.
Donc la crйature
aussi.
q. 3
a. 14 arg. 4 Praeterea, quod semper eodem modo se habet, semper potest idem
facere. Sed Deus semper eodem modo se habet ab aeterno. Ergo ab aeterno potest
idem facere. Si ergo aliquando produxit creaturam et ab aeterno producere
potuit.
4. Ce qui se comporte toujours de la mкme maniиre peut toujours faire
la mкme chose. Mais Dieu se comporte йternellement toujours de la mкme maniиre.
Donc de toute йternitй il peut faire la mкme chose. Si donc quelquefois il a
produit une crйature, il a pu en produire de toute йternitй.
q. 3
a. 14 arg. 5 Sed dices, quod ratio ista procedit de agente per naturam, non
autem de agente per voluntatem.- Contra, voluntas Dei non dirimit virtutem
ipsius. Sed si non ageret per
voluntatem, sequeretur quod ab aeterno creaturam produxisset. Ergo posito quod
per voluntatem agat, non removetur quia ab aeterno producere potuerit.
5. Mais on pourrait dire que cette raison procиde de celui qui est
agent par nature, mais non de celui qui l'est par volontй – En sens contraire
la volontй de Dieu n'interrompt pas son pouvoir. Mais s'il n'agissait pas par
volontй, il s'ensuivrait qu'il aurait produit la crйature de toute йternitй.
Donc une fois йtabli qu'il agit par volontй, on n'йcarte pas le fait qu'il ait
pu produire de toute йternitй.
q. 3 a. 14 arg. 6
Praeterea, si Deus in aliquo tempore vel instanti creaturam produxit, et eius
potentia non est augmentata; potuit etiam ante illud tempus vel instans
creaturam producere; et eadem ratione ante illud, et sic in infinitum. Ergo
potuit ab aeterno producere. 6. Si Dieu a produit la crйature dans le temps ou dans un instant, et
que la puissance de celle-ci n'en a pas йtй augmentйe, il a pu aussi avant ce
temps ou cet instant produire une crйature; et pour la mкme raison encore avant
et ainsi а l'infini. Donc il a pu produire de toute йternitй.
q. 3 a. 14 arg. 7
Praeterea, plus potest facere Deus quam humanus intellectus possit intelligere;
propter quod dicitur Luc. I, 37: non erit impossibile apud Deum omne verbum.
Sed Platonici intellexerunt aliquid esse factum a Deo, quod tamen semper fuit;
unde Augustinus dicit: de mundo, et de his quos in mundo deos a Deo factos,
scribit Plato, apertissime dicit eos esse coepisse, et habere initium; finem
tamen non habituros, sed per conditoris potentissimam voluntatem perhibet in
aeternum esse mansuros. Verum id quomodo intelligat, Platonici invenerunt, non
esse hoc, videlicet temporis, sed institutionis initium. Sicut enim, inquiunt,
si pes ab aeternitate fuisset in pulvere, semper subesset vestigium: quod tamen
a calcante factum nemo dubitaret: sic mundus semper fuit semper existente qui
fecit; et tamen factus est. Ergo Deus potuit facere aliquid quod semper fuit.
7. Dieu peut faire plus que ce que l'esprit humain peut comprendre:
c'est pour cela que Luc (1, 37) dit: "Toute parole ne sera pas impossible
а Dieu", mais les Platoniciens ont compris que quelque chose avait йtй
fait par Dieu, qui cependant a toujours existй, c'est pourquoi Augustin dit (La citй de Dieu, X, 31): "Au sujet
du monde et de ceux qui ont йtй faits dieux dans le monde par Dieu, Platon dit
trиs clairement qu'ils ont commencй а exister et qu'ils ont un dйbut; ils
n'auront cependant pas de fin; il raconte aussi que par la volontй toute
puissante du crйateur, ils demeureront йternellement. Mais de la faзon dont il
le comprend, les Platoniciens trouvиrent que ce n'йtait pas le commencement du
temps, mais celui d'une institution. En effet, disent-ils, si un pied avait йtй
de toute йternitй dans la poussiиre, il resterait toujours son vestige,
cependant personne ne douterait que cela a йtй fait par quelqu'un qui marchait;
de la mкme maniиre, le monde a toujours existй alors qu'existait toujours celui
qui l'a fait et cependant il a йtй fait" Donc Dieu a pu faire que quelque
chose ait toujours existй.
q. 3 a. 14 arg. 8
Praeterea, quidquid non est contra rationem creaturae, Deus potest in creatura
facere; alias non esset omnipotens. Sed semper fuisse non est contra rationem
creaturae in quantum est facta; alias idem esset dicere creaturam semper fuisse
et factam non esse; quod patet esse falsum. Nam Augustinus, distinguit duas
opiniones; quarum una est quod mundus ita fuerit semper quod non sit a Deo
factus; alia est, quod ita mundus sit semper quod tamen a Deo sit factus. Ergo Deus hoc potest facere, quod aliquid ab eo
factum, sit semper.
8. Dieu peut faire а la crйature, tout ce qui est contre sa nature,
sinon il ne serait pas tout puissant. Mais avoir toujours existй n'est pas
contre la notion de crйature dans la mesure oщ elle a йtй crййe, autrement ce
serait pareil de dire que la crйature a toujours existй et qu'elle n'a pas йtй
crййe, ce qui paraоt faux, car Augustin (La
citй de Dieu, XI, 4, et X, 31) a distinguй deux opinions: l'une est que le
monde aura toujours йtй tel qu'il n'a pas йtй fait par Dieu, l'autre que le
monde existe toujours tel que cependant il a йtй crйй par Dieu. Donc Dieu peut
faire qu'un кtre crйй par lui existe toujours.
q. 3 a. 14 arg. 9
Praeterea, sicut natura statim potest producere effectum suum, ita et agens
voluntarium non impeditum. Sed Deus est agens voluntarium quod impediri non
potest. Ergo creaturae quae per eius voluntatem producuntur in esse, ab aeterno
produci potuerunt, sicut et filius qui naturaliter a patre procedit. 9. La nature peut produire aussitфt son effet, l'agent volontaire qui
n'en est pas empкchй aussi. Mais Dieu est un agent volontaire qui ne peut pas
кtre empкchй. Donc les crйatures qui sont amenйes а l'кtre par sa volontй ont
pu кtre produites de toute йternitй, comme le Fils qui procиde naturellement du
Pиre.
En sens contraire: q. 3 a. 14 s. c. 1
Sed contra. Est quod Augustinus dicit, quia omnino incommutabilis est illa
natura Trinitatis, ob hoc ita est aeterna, ut ei aliquid coaeternum esse non
possit. 1. Augustin dit (La Genиse au
sens littйral, VIII, 23): "Parce que la nature de la Trinitй est tout
а fait immuable, elle est йternelle, de sorte que rien ne peut lui кtre
coйternel."
q. 3 a. 14 s. c. 2
Praeterea, Damascenus dicit, in I libro: quod ex non ente ad esse deducitur,
non est aptum natum esse coaeternum ei quod sine principio et semper est. Sed
creatura de non esse ad esse producitur. Ergo non potest fuisse semper. 2. Jean Damascиne dit (livre 1) que "Ce qui est amenй du non кtre
а l'кtre, n'est pas susceptible par nature d'кtre coйternel а celui qui est
sans principe et existe йternellement." Mais la crйature est amenйe du non
кtre а l'кtre. Donc elle ne peut pas avoir existй toujours.
q. 3 a. 14 s. c. 3
Praeterea, omne aeternum est invariabile. Sed creatura non potest esse
invariabilis; quia si sibi relinqueretur, in nihilum decideret. Ergo non potest
esse aeterna. 3. Tout ce qui est йternel est invariable. Mais la crйature ne peut pas
кtre invariable, parce que si elle йtait laissйe а elle-mкme, elle retournerait
au nйant. Donc elle ne peut pas кtre йternelle.
q. 3 a. 14 s. c. 4
Praeterea, nihil quod dependet ab alio est necessarium, et per consequens nec
aeternum; cum omne aeternum sit necessarium. Sed omne quod est factum, dependet
ab alio. Ergo nullum factum potest esse aeternum. 4. Rien de ce qui dйpend d'un autre n'est nйcessaire et par consйquent
n'est pas йternel, puisque tout ce qui est йternel est nйcessaire. Mais tout ce
qui a йtй fait dйpend d'un autre. Donc rien de ce qui a йtй fait ne peut кtre
йternel.
q. 3 a. 14 s. c. 5
Praeterea, si Deus ab aeterno producere potuit creaturam, ab aeterno produxit;
quia, secundum philosophum, in sempiternis non differt esse et posse. Sed ponere creaturam ab aeterno fuisse productam, est contra fidem. Ergo et
ponere quod produci potuerit.
5. Si Dieu a pu produire la crйature de toute йternitй, il l'a fait,
parce que, selon le philosophe (Physique,
III, 4, 203 b 28[3]), dans ce qui est йternel кtre et pouvoir ne sont pas
diffйrents. Mais penser que la crйature a йtй produite de toute йternitй est
contre la foi. Donc penser qu'elle aurait pu кtre produite [de toute йternitй
est aussi contre la foi].
q. 3 a. 14 s. c. 6
Praeterea, voluntas sapientis non differt facere quod intendit, si potest, nisi
propter aliquam rationem. Sed non potest reddi ratio quare Deus tunc mundum
fecerit et non prius, vel ab aeterno, si ab aeterno fieri potuit. Ergo videtur
quod ab aeterno fieri non potuit.
6. La volontй du sage ne remet ce qu'il a l'intention de faire, s'il le
peut, que pour quelque bonne raison. Mais on ne peut pas trouver la raison pour
laquelle Dieu a fait le monde а un tel moment et non avant, ou de toute
йternitй, si cela йtait possible. Donc il semble qu'il n'a pas pu кtre fait de
toute йternitй.
q. 3 a. 14 s. c. 7
Praeterea, si creatura est facta, aut ex nihilo, aut ex aliquo. Sed non ex
aliquo: quia vel ex aliquo quod est divina essentia, quod est impossibile; vel
ex aliquo alio: quod si non esset factum, erit aliquid praeter Deum, non ab
ipso creatum; quod supra est improbatum: quod si est factum ex alio, aut
procedetur in infinitum, quod est impossibile; aut devenietur ad aliquid quod
est factum de nihilo. Impossibile autem est, quod fit ex nihilo, semper fuisse.
Ergo impossibile est creaturam semper fuisse. 7. Si la crйature a йtй crййe, elle l'a йtй ou de rien ou de quelque
chose. Mais pas de quelque chose, qui est l'essence divine, ce qui est
impossible, ou d'autre chose qui, si elle n'avait pas йtй crййe, serait au-delа
de Dieu, non crййe par lui; ce qu'on a refusй ci-dessus; s'il est fait d'autre
chose, ou on procиde а l'infini ce qui est impossible, ou on en arrive а ce qui
a йtй fait de rien. Mais il est impossible que ce qui est fait de rien existe
toujours. Donc il est impossible que la crйature ait toujours existй.
q. 3 a. 14 s. c. 8
Praeterea, de ratione aeterni est non habere principium, de ratione vero
creaturae est habere principium. Ergo nulla creatura potest esse aeterna. 8. Il est de la dйfinition de l'йternel, de ne pas avoir de principe,
mais de la dйfinition de la crйature d'en avoir un. Donc nulle crйature ne peut
кtre йternelle.
q. 3 a. 14 s. c. 9
Praeterea, creatura mensuratur tempore vel aevo. Sed aevum et tempus differunt
ab aeternitate. Ergo creatura non potest esse aeterna. 9. La crйature est mesurйe par le temps ou l'жvum. Mais ils diffиrent
l'un et l'autre de l'йternitй. Donc la crйature ne peut pas кtre йternelle.
q. 3 a. 14 s. c. 10
Praeterea, si aliquid est creatum, oportet dare aliquod instans in quo creatum
fuerit. Sed ante id non fuit. Ergo
oportet dicere creaturam non semper fuisse. 10. Si une chose a йtй crййe, il faut fixer un temps oщ elle aura йtй
crййe. Mais avant cela, elle n'a pas existй. Donc il faut dire que la crйature
n'a pas toujours existй.
Rйponse: q. 3 a. 14 co.
Respondeo. Dicendum, quod secundum philosophum, possibile dicitur quandoque
quidem secundum aliquam potentiam, quandoque, vero secundum nullam potentiam;
secundum potentiam quidem vel activam, vel passivam. Secundum activam quidem,
ut si dicamus possibile esse aedificatori quod aedificet; secundum passivam
vero, ut si dicamus, possibile esse ligno quod comburatur. Selon le philosophe (Mйtaphysique
V, 12, 1019 b 22-33[4]) on dйfinit le possible, quelquefois selon un puissance,
quelquefois sans elle: selon une puissance, ou active ou passive. Selon une
puissance active, comme si nous disions qu'il est possible au bвtisseur
d'йdifier, selon la puissance passive, comme si nous disions qu'il est possible
au bois de brыler.
Dicitur autem et quandoque aliquid possibile, non secundum
aliquam potentiam, sed vel metaphorice, sicut in geometricis dicitur aliqua
linea potentia rationalis, quod praetermittatur ad praesens; vel absolute,
quando scilicet termini enuntiationis nullam ad invicem repugnantiam habent. Mais on dit qu'une chose est possible quelquefois, non selon une
puissance, mais par mйtaphore, comme en gйomйtrie, on dit qu'une ligne est
puissance rationnelle, parce qu'elle est omise pour l'instant; ou bien
absolument, quand, par exemple, les termes d'un йnoncй n'offrent pas de
contradiction entre eux.
E contrario vero impossibile, quando sibi invicem repugnant;
ut simul esse affirmationem et negationem impossibile dicitur, non quia sit
impossibile alicui agenti vel patienti, sed quia est secundum se impossibile,
utpote sibi ipsi repugnans.
Au contraire, c'est impossible, quand les termes s'opposent l'un а
l'autre; ainsi on dit qu'il est impossible que l'affirmation et la nйgation
soient ensemble, non parce que cela serait impossible а un agent ou а un
patient, mais parce que c'est impossible en soi, comme s'opposant а soi.
Si ergo consideretur hoc enuntiabile, aliquid diversum in
substantia existens a Deo fuisse semper, non potest dici impossibile secundum
se, quasi sibi ipsi repugnans: hoc enim quod est esse ab alio, non repugnat ei
quod est esse semper, ut supra ostensum est; nisi quando aliquid ab alio
procedit per motum, quod non intervenit in processu rerum a Deo. Per hoc autem
quod additur, diversum in substantia, similiter nulla repugnantia absolute
loquendo datur intelligi ad id quod est semper fuisse.
Si donc, on considиre cette proposition: quelque chose de diffйrent
existant par Dieu en substance, a toujours existй, on ne peut pas dire que
c'est impossible en soi, comme si elle s'opposait а soi, car il n'est pas
incompatible que l'кtre reзu d'un autre existe toujours, comme on l'a montrй
plus haut[5], sauf quand une chose procиde d'une autre par mouvement, ce qui
n'intervient pas dans ce qui procиde de Dieu. Du fait qu'on ajoute
"diffйrent en substance", on ne donne ainsi а comprendre, absolument
parlant, aucune opposition pour le fait de toujours exister.
Si autem accipiamus possibile dictum secundum potentiam
activam, tunc in Deo non deest potentia ab aeterno essentiam aliam a se
producendi. Si vero hoc ad potentiam passivam referatur, sic, supposita
Catholicae fidei veritate, dici non potest, quod aliquid a Deo procedens in
essentia diversum, potuerit semper esse. Supponit enim fides Catholica omne id
quod est praeter Deum, aliquando non fuisse. Sicut autem impossibile est, quod
ponitur aliquando fuisse, nunquam fuisse: ita impossibile est, quod ponitur
aliquando non fuisse, semper fuisse. Unde et dicitur a quibusdam quod hoc
quidem est possibile ex parte Dei creantis, non autem ex parte essentiae a Deo
procedentis, per suppositionem contrarii, quam fides facit.
Mais si nous acceptons qu'on parle de possible selon la puissance
active, alors la puissance ne manque pas а Dieu, pour produire de tout йternitй
une autre essence que lui. Mais si on se rйfиre а la puissance passive, en s'en
tenant а la vйritй de la foi catholique, on ne peut pas dire qu'un кtre diffйrent
en essence qui procиde de Dieu aura pu toujours existй. Car la foi catholique
suppose que tout ce qui existe sauf Dieu n'a pas toujours existй. Mais de mкme
qu'il est impossible de penser que ce qui a existй une fois n'a jamais existй,
de mкme il est impossible de penser que ce qui n'a pas toujours existй, a
toujours existй. C'est pourquoi certains disent que ce qui est possible pour le
Dieu crйateur ne l'est pas pour l'essence qui procиde de Dieu, en le supposant
contraire а la foi.
Solutions: q. 3 a. 14 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ratio illa procedit ex parte potentiae facientis,
non autem ex parte facti, de quo facta sit suppositio aliquando non fuisse. # 1. Cette raison procиde de la puissance du crйateur, mais non de
celle de la crйature, dont on a supposй qu'elle n'a pas toujours pas existй.
q. 3 a. 14 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod etiam si creatura semper fuisset, non simpliciter Deo
aequipararetur, sed secundum quod eum imitaretur; quod non est inconveniens;
unde illa obviatio parum est efficax. # 2. Mкme si la crйature avait toujours existй, elle n'aurait
absolument pas йgalйe Dieu, mais seulement en l'imitant, ce qui n'est pas
inconvenant. C'est pourquoi ce rapprochement est peu efficace.
q. 3 a. 14 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in persona divina non est aliquid quod supponatur
aliquando non fuisse, sicut est in omni essentia aliena a Deo. # 3. Dans la personne divine, il n'y a rien qu'on suppose n'avoir pas
toujours existй, comme cela arrive dans toute essence йtrangиre а Dieu.
q. 3 a. 14 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod obiectio procedit ex parte potentiae facientis; quae nec
etiam per voluntatem diminuitur, nisi quatenus ex arbitrio voluntatis divinae
fuit quod non semper fuerit creatura. # 4. L'objection vient de la puissance de l'agent qui n'est empкchй par
la volontй que dans la mesure oщ il a dйpendu du libre arbitre de la volontй
divine que la crйature n'ait pas toujours existй[6].
q. 3 a. 14 ad 5 Unde patet responsio ad quintum. # 5. Ainsi cela rйpond а l'objection 5.
q. 3 a. 14 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod si ponatur ante quodcumque tempus datum creaturam fuisse,
salvatur positio fidei, qua ponitur nihil praeter Deum semper fuisse; non tamen
salvatur, si ponatur eam semper fuisse; unde non est simile. Sciendum etiam,
quod forma arguendi non valet. Potest enim Deus quamlibet creaturam facere
meliorem, non tamen potest facere infinitae bonitatis creaturam; infinita enim
bonitas rationi creaturae repugnat, non autem determinata bonitas quantacumque.
Sciendum etiam, quod si dicatur, Deum potuisse facere mundum antequam fecerit;
si haec prioritas ad potentiam facientis referatur, indubitanter est verum:
quia ab aeterno affuit ei potentia faciendi; aeternitas vero tempus creationis
praecedit. Si autem referatur ad esse facti, ita quod intelligatur ante instans
creationis mundi, tempus reale fuisse, in quo potuerit fieri mundus; patet
omnino esse falsum, quia ante mundum motus non fuit, unde nec tempus. Possumus
tamen imaginari aliquod tempus ante mundum; sicut altitudinem vel dimensiones
aliquas extra caelum; per quem modum possumus dicere, et quod altius caelum
potuit elevare, et quod prius potuit facere; quia potuit facere et tempus
diuturnius, et altitudinem altiorem.
# 6. Si on pense que la crйature a existй avant un temps donnй, on
conserve la position de la foi, par laquelle on affirme que rien sauf Dieu n'a
toujours existй; cependant on ne la conserve pas, si on affirme qu'elle a
toujours existй. C'est pourquoi ce n'est pas pareil. Mais il faut savoir que la
forme de la dйmonstration ne vaut pas. Car Dieu peut crйer quelque crйature
meilleure, sans cependant pouvoir crйer une crйature d'une bontй infinie; car
la bontй infinie s'oppose а la notion de crйature, mais non une bontй
dйterminйe de quelque grandeur. Mais il faut savoir que si on dit: "Dieu
aurait pu faire le monde avant qu'il ne l'a fait", si cette prioritй se
rйfиre а la puissance du crйateur, c'est indubitablement vrai; parce que, de
toute йternitй il a possйdй la puissance de crйer, mais l'йternitй prйcиde le
temps de la crйation. Si on se rйfиre а l'кtre de la crйature, de sorte qu'on
comprend qu'avant l'instant de la crйation du monde, il y eut un temps rйel,
dans lequel le monde aurait pu кtre crйй, il est clair que c'est tout а fait
faux, parce qu'avant le monde il n'y eut pas de mouvement, et par consйquent
pas de temps. Cependant nous pouvons imaginer un temps avant le monde, une
altitude et des dimensions hors du ciel aussi; de cette maniиre nous pouvons
dire qu'il aurait pu йlever le ciel plus haut, et le faire avant, parce qu'il
aurait pu faire un temps plus long et une altitude plus haute.
q. 3 a. 14 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
Platonici hoc intellexerunt, fidei veritatem non supponendo, sed ab ea alieni. # 7. Les Platoniciens l'ont compris sans supposer la vйritй de la foi,
car ils lui йtait йtrangers.
q. 3 a. 14 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ratio illa non probat nisi quod esse factum, et esse
semper, non habeant ad invicem repugnantiam secundum se considerata; unde
procedit de possibili absolute. # 8. Cette raison ne prouve seulement que ce qui a йtй crйй et ce qui a
toujours existй n'ont pas d'incompatibilitй en soi; c'est pourquoi elle procиde
absolument du possible..
q. 3 a. 14 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod ratio illa procedit de possibili ex parte potentiae
activae. # 9. Cette raison procиde du possible du cфtй de la puissance active.
Rйponses aux
objections opposйes: q. 3 a. 14
ad s. c. Sed quia rationes oppositae concludere videntur, quod secundum nullam
considerationem sit possibile; ideo ad eas etiam est respondendum. Mais parce que les raisons opposйes semblent conclure que c'est
possible sans aucune considйration, il faut aussi leur rйpondre.
q. 3 a. 14 ad s. c.
1 Ad primum ergo dicendum, quod secundum Boetium in fine de consolatione philosophiae,
etiam si mundus semper fuisset, non esset Deo coaeternus eius enim duratio non
esset tota simul; quod ad aeternitatis rationem requiritur. Est enim aeternitas
interminabilis vitae tota simul et perfecta possessio, ut ibidem dicitur.
Temporis autem successio ex motu causatur, ut ex philosopho patet. Unde quod
mutabilitati subiacet, etiam si semper sit, aeternum esse non potest; et
propter hoc Augustinus dicit, quod invariabili essentiae Trinitatis nulla
creatura coaeterna esse potest. ## 1. Selon Boиce, а la fin de La
consolation de la philosophie (livre V, derniиre prose), mкme si le monde
avait toujours existй, il n'aurait pas йtй coйternel а Dieu, car sa durйe
n'aurait pas йtй toute а la fois; ce qui est requis pour la notion d'йternitй.
Car il existe une йternitй d'une vie interminable toute а la fois et possession
parfaite, comme on est dit au mкme endroit. Mais la succession du temps est
causйe par le mouvement, comme le philosophe le montre (Physique, IV, 4, 219 a 22-25[7]). C'est pourquoi ce qui est soumis
а mutation, mкme s'il a toujours existй, ne pourrait pas кtre йternel et а
cause de cela Augustin dit (Sur la Genиse,
VIII, 23) qu'aucune crйature ne peut кtre coйternelle а l'essence immuable de
la Trinitй.
q. 3 a. 14 ad s. c.
2 Ad secundum dicendum, quod Damascenus loquitur supposita fidei veritate; quod
patet ex hoc quod dicit, quod ex non esse ad esse deductum est, et cetera. ## 2. Jean Damascиne parle en supposant la vйritй de la foi; ce qui
apparaоt du fait qu'il dit que ce qui a йtй amenй du non-кtre а l'кtre, etc..
q. 3 a. 14 ad s. c.
3 Ad tertium dicendum, quod variabilitas de sui ratione excludit aeternitatem,
non autem infinitam durationem. ## 3. La variabilitй par sa dйfinition exclut l'йternitй, mais non la
durйe infinie.
q. 3 a. 14 ad s. c.
4 Ad quartum dicendum, quod id quod ab alio dependet, nunquam esse potest nisi
per influxum eius a quo est; quod si semper fuit, et ipsum semper erit. ## 4. Ce qui dйpend d'un autre ne peut jamais exister qu'en dйcoulant
de ce par quoi il est; parce que, s'il a toujours йtй, il sera toujours.
q. 3 a. 14 ad s. c.
5 Ad quintum dicendum, quod non sequitur, si Deus aliquid potuit facere, quod
illud fecerit, eo quod est agens secundum voluntatem, non secundum necessitatem
naturae. Quod autem dicitur, quod in sempiternis non differt esse et posse,
intelligendum est secundum potentiam passivam, non autem secundum activam.
Potentia enim passiva actui non coniuncta, corruptionis principium est, et ideo
sempiternitati repugnat; effectus vero activae potentiae actu non existens,
perfectioni causae agentis praeiudicium non affert, maxime in causis
voluntariis. Effectus enim non est perfectio potentiae activae sicut forma
potentiae passivae. ## 5. Il n'en dйcoule pas, que, si Dieu a pu faire quelque chose, il
l'ait fait, c'est parce qu'il est agent volontaire, mais non agent par
nйcessitй de nature. Quand on dit que dans ce qui est йternel, l'кtre et le
pouvoir ne diffиrent pas, il faut le comprendre de la puissance passive mais
non de la puissance active. Car la puissance passive qui n'est pas jointe а un
acte est principe de corruption, et c'est pourquoi elle s'oppose а l'йternitй:
mais l'effet de la puissance active qui n'existe pas en acte, n'apporte а la
perfection de la cause efficiente aucun prйjudice, surtout dans les causes
volontaires. Car l'effet n'est pas la perfection de la puissance active comme
la forme de la puissance passive.
q. 3 a. 14 ad s. c.
6 Ad sextum dicendum, quod circa productionem primarum creaturarum intellectus
noster rationem investigare non potest, eo quod non potest comprehendere artem
illam quae sola est ratio quod creaturae praedictae hunc habeant modum; unde
sicut non potest ratio reddi ab homine quare caelum est tantum et non amplius;
ita reddi non potest ratio quare mundus factus non fuit antea, cum tamen
utrumque fuerit divinae potestati subiectum. ## 6. A propos de la production des premiиres crйatures, notre esprit
ne peut en scruter la raison parce qu'il ne peut comprendre cet art qui seul
est la raison pour laquelle les crйatures susdites ont ce mode. C'est pourquoi,
de mкme que l'homme ne peut trouver la raison pour laquelle le ciel est tel, et
non plus vaste; de mкme on ne peut donner la raison pour laquelle le monde a
йtй fait avant, puisque cependant les deux conditions ont йtй soumises а la
puissance divine.
q. 3 a. 14 ad s. c.
7 Ad septimum dicendum, quod primae creaturae non sunt productae ex aliquo, sed
ex nihilo. Non tamen oportet ex ipsa ratione productionis, sed ex veritate quam
fides supponit, quod prius non fuerint, et postea in esse prodierint. Unus enim
sensus praedictae locutionis esse potest, secundum Anselmum, ut dicatur
creatura facta ex nihilo, quia non est facta ex aliquo, ut negatio includat
praepositionem et non includatur ab ea, ut sic negatio ordinem ad aliquid, quem
praepositio importat, neget; non autem praepositio importat ordinem ad nihil.
Si vero ordo ad nihil remaneat affirmatus, praepositione negationem includente,
nec adhuc oportet quod creatura aliquando fuerit nihil. Potest enim dici, sicut
et Avicenna dicit, quod non esse praecedat esse rei, non duratione, sed natura;
quia videlicet, si ipsa sibi relinqueretur, nihil esset: esse vero solum ab
alio habet. Quod enim est natum alicui inesse ex se ipso, naturaliter prius
competit ei, eo quod non est ei natum inesse nisi ab alio.
## 7. Les premiиres crйatures n'ont pas йtй produites de quelque chose,
mais de rien[8]. Cependant il faut, non а partir de la dйfinition mкme de leur
production, mais а partir de la vйritй que suppose la foi, qu'elles n'aient pas
existй avant et qu'elles soient venues а l'кtre ensuite. En effet, un des sens
de la locution susdite peut кtre, selon Anselme (Monologium ch. 8), que la crйature a йtй crййe de rien, parce
qu'elle n'a pas йtй faite de quelque chose, pour que la nйgation inclut la
prйposition et ne soit pas incluse par elle, afin que la nйgation nie le
relation а ce qu'elle apporte; mais celle-ci n'apporte de relation а rien. Mais
ainsi la relation au nйant demeure affirmйe, alors que la prйposition inclut la
nйgation, et il ne faut pas encore que la crйature ait йtй un jour nйant. Car
on peut dire, comme Avicenne le dit, que le non кtre prйcиde l'кtre de la
chose, non dans la durйe, mais dans sa nature, parce qu'il est йvident que si
elle йtait laissйe а elle-mкme, elle ne serait rien; mais elle tient l'кtre
seulement d'un autre. Car ce qui est destinй а кtre dans quelque chose par soi,
lui appartient naturellement d'abord, parce qu'il est destinй а n'кtre que par
un autre.
q. 3 a. 14 ad s. c.
8 Ad octavum dicendum, quod de ratione aeterni est non habere durationis
principium; de ratione vero creationis habere principium originis, non autem
durationis; nisi accipiendo creationem ut accipit fides. ## 8. Il est de la nature de l'йternitй de ne pas avoir de principe de
durйe, mais de la nature de la crйation d'avoir un principe d'origine, mais non
de durйe, а moins de recevoir la crйation comme la foi la reзoit.
q. 3 a. 14 ad s. c.
9 Ad nonum dicendum, quod aevum et tempus ab aeternitate differunt, non solum
ratione principii durationis, sed etiam ratione successionis. Tempus enim in se
successivum est; aevo vero successio adiungitur prout substantiae aeternae sunt
quantum ad aliquid variabiles, etsi quantum ad aliquid non varientur, prout
aevo mensurantur. Aeternitas vero nec successionem continet nec successioni
adiungitur. ## 9. L'жvum et le temps diffиrent de l'йternitй, non seulement en
raison du principe de durйe, mais aussi en raison de la succession. Car le
temps en soi est successif; la succession est ajoutйe а l'жvum, dans la mesure
oщ les substances йternelles sont variables sur un point, mкme si elles ne
varient en rien selon qu'elles sont mesurйes par l'жvum. L'йternitй ne contient
pas de succession et elle n'est pas ajoutйe а une succession.
q. 3 a. 14 ad s. c.
10 Ad decimum dicendum, quod operatio qua Deus res producit in esse, non sic
est intelligenda sicut operatio artificis qui facit arcam et postea eam deserit;
sed quod Deus continue influat esse, ut Augustinus dicit; unde non oportet
assignare aliquod instans productionis rerum antequam productae non sint, nisi
propter fidei suppositionem.
## 10. L'opйration par laquelle Dieu fait venir les choses а l'кtre ne
doit pas кtre comprise comme l'opйration de l'artisan qui fait un coffre et
ensuite l'abandonne, parce que Dieu insuffle l'кtre constamment, comme Augustin
le dit (La Genиse au sens littйral,
IV, 12 et VIII, 12); c'est pourquoi il ne faut pas assigner un instant de la
production des choses avant qu'elles n'aient йtй produites qu'а cause d'une
supposition de foi.
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[1] Parall. Ia, qu.. 46, a. 1 c
et ad 6 - II Sent. d1a5 - CG. II,
31.
[2]
La question est posйe diffйremment en Ia, 46, 1: L'universalitй des crйatures
a-t-elle toujours existй? La solution proposйe ici est basйe sur la
“possibilitй” йvoquйe dйjа en Pot. 1, 3.
[3]
"Entre le possible et l'кtre, il n'y a aucune diffйrence dans les choses
йternelles."
[4] Thomas lectio 14, 971-973.
Cf. Pot. I, 3, c.
[5]
Exemple du Fils а l'article prйcйdent.
[6]
"Le premier agent est un agent volontaire. Et quoique qu'il eut la volontй
йternelle de produire un effet, cependant il ne l'a pas produit йternel." (Ia,
qu. 46, a. 1, sol. 6).
[7]
Thomas, lectio 17, n° 579 (Aristote n° 408- Cf. Ia, qu. 46, a. 1).
[8]
Il faut entendre une premiиre crйation, celle rapportйe par la Genиse, ensuite
les crйatures sont produites par mouvement, changement, gйnйration.
Article 15: Les choses procиdent-elles de Dieu par nйcessitй de nature
ou par le libre arbitre de sa volontй?
q. 3 a. 15 tit. 1
Decimoquinto quaeritur utrum res processerint a Deo per necessitatem naturae
vel per arbitrium voluntatis. Et videtur quod per necessitatem naturae. Il semble que Dieu agisse par nйcessitй de nature[1].
Objections: q. 3 a. 15 arg. 1
Dicit enim Dionysius: sicut noster sol non ratiocinans aut praeeligens, sed per
ipsum suum esse omnia lumine eius participare volentia illuminat; ita divina
bonitas per essentiam suam omnibus existentibus proportionaliter radios
bonitatis immittit. Sed sol sine electione et ratione illuminans hoc agit ex
necessitate naturae. Ergo et Deus creaturas producit suam bonitatem
communicando per necessitatem naturae.
1. Car Denys (Les noms divins,
4, § 1 PG. 693B[2]) dit: "De mкme que notre soleil, sans raisonner ni
choisir, mais par son кtre mкme, йclaire tout ce qui est susceptible de
participer а sa lumiиre, de mкme la divine bontй, par son essence, communique
proportionnellement а tout ce qui existe les rayons de sa bontй." Mais le
soleil qui illumine sans choix et sans raison le fait par nйcessitй de nature.
Donc Dieu aussi produit les crйatures en communiquant sa bontй par nйcessitй de
nature.
q. 3
a. 15 arg. 2 Praeterea, omnis perfectio inferioris naturae a perfectione
divinae naturae derivatur. Sed ad perfectionem naturae inferioris pertinet quod
sua virtute aliquid simile sibi faciat producendo effectum. Ergo multo fortius
Deus similitudinem suae bonitatis creaturis communicat naturaliter, et non
voluntarie. 2. Toute la perfection de la nature infйrieure dйrive de celle de la
nature divine. Mais il convient а la perfection d'une nature infйrieure, de
faire, par son pouvoir, quelque chose de semblable а soi en produisant son
effet. Donc Dieu communique beaucoup mieux la ressemblance de sa bontй aux
crйatures, par nature et non par volontй.
q. 3 a. 15 arg. 3
Praeterea, omne agens agit sibi simile. Ergo secundum
hoc effectus agitur a causa agente, quod eius similitudinem habet. Sed creatura
habet similitudinem Dei quantum ad ea quae ad Dei naturam pertinent, scilicet
quantum ad esse et bonitatem et unitatem, et alia huiusmodi, non solum quantum
ad ea quae sunt in voluntate vel in intellectu, sicut artificiata sunt similia
artifici quantum ad formam artis, non quantum ad naturam artificis, propter
quod voluntarie et non naturaliter ab artifice procedunt. Ergo creaturae procedunt a Deo per virtutem naturae
divinae et non per voluntatem. 3. Tout agent fait du semblable а lui. C'est pourquoi l'effet est
produit par la cause efficiente, parce qu'il lui ressemble. Mais pour ce qui
concerne la nature de Dieu, la crйature lui ressemble, pour ce qui concerne
l'кtre, la bontй, l'unitй, etc., et pas seulement pour ce qui est dans la
volontй ou l'intellect; ainsi, de mкme les oeuvres faites par l'artisan
lui-mкme ressemblent а la forme de son art, mais pas а sa nature d'artisan,
parce qu'elles proviennent de lui par volontй et non par nature. Donc les
crйatures procиdent de Dieu par le pouvoir de la nature divine et non par
volontй.
q. 3 a. 15 arg. 4
Sed dices, quod similitudinem naturalium attributorum communicat creaturis
divina voluntas.- Sed contra, similitudo naturae communicari non potest nisi
per virtutem naturae. Sed virtus naturae in nulla re subiacet voluntati; unde
et in Deo generatio filii a patre, quae est naturalis, non fit per imperium
voluntatis, nec etiam in hominibus vires animae vegetabiles, quae naturales
dicuntur, voluntati subduntur. Ergo non potest esse quod voluntate divina,
similitudo naturalium attributorum creaturis communicetur.
4. Mais on pourrait dire que la volontй divine communique la
ressemblance de ses attributs naturels aux crйatures. – En sens contraire, la
ressemblance de la nature ne peut кtre communiquйe que par son pouvoir. Mais ce
pouvoir n'est subordonnй en rien а la volontй; c'est pourquoi, en Dieu, la
gйnйration du Fils par le Pиre, qui est naturelle, ne se fait pas par le
pouvoir de la volontй, et dans les hommes les puissances vйgйtatives de l'вme,
qu'on appelle naturelles, ne sont pas soumises а la volontй. Donc il n'est pas
possible que la ressemblance des attributs naturels soit communiquйe par la
volontй divine aux crйatures.
q. 3 a. 15 arg. 5
Praeterea, Augustinus dicit in libro de doctrina Christiana, quod quia Deus
bonus est, sumus: et ita bonitas Dei videtur esse causa productionis
creaturarum. Sed bonitas est Deo naturalis. Ergo et fluxus rerum a Deo est
naturalis. 5. Augustin dit dans La doctrine
chrйtienne, (I, 32) que nous existons, parce que Dieu est bon; et ainsi la
bontй de Dieu semble кtre la cause de la production des crйatures. Mais cette
bontй est naturelle pour Dieu. Donc le flux des кtres а partir de Dieu est
naturel.
q. 3 a. 15 arg. 6
Praeterea, in Deo idem est natura et voluntas. Si ergo Deus producat res
voluntarie, sequetur quod producat eas naturaliter. 6. En Dieu, la nature et la volontй sont identiques. Donc si Dieu
produit les кtres volontairement, il s'ensuit qu'il les produit naturellement.
q. 3 a. 15 arg. 7
Praeterea, necessitas naturae provenit ex hoc quod natura immobiliter operatur
idem, nisi impedimentum eveniat. Sed maior est immutabilitas Dei quam naturae
inferioris. Ergo magis ex necessitate Deus producit effectum suum quam natura
inferior. 7. La nйcessitй de nature provient de ce que la nature immuablement
fait la mкme chose, sauf si intervient un empкchement. Mais l'immutabilitй de
Dieu est plus grande que celle de la nature infйrieure. Donc Dieu produit son
effet plus par nйcessitй que la nature infйrieure.
q. 3 a. 15 arg. 8
Praeterea, operatio Dei est eius essentia. Sed essentia sua est ei naturalis.
Ergo naturaliter operatur quidquid operatur. 8. L'opйration de Dieu[3] est son essence. Mais celle-ci lui est
naturelle. Donc toute opйration lui est naturelle.
q. 3 a. 15 arg. 9
Praeterea, secundum philosophum voluntas est finis, electio eorum quae sunt ad
finem. Sed in Deo non est aliquis finis, cum sit infinitus. Ergo non agit ex
voluntate, sed magis ex necessitate naturae. 9. Selon le Philosophe (Ethique, III,
2, 1111 b 28[4]) la volontй est une fin, le choix de ce qui est en vue de la
fin. Mais en Dieu il n'y a pas de fin, puisqu'il est infini[5]. Donc il n'agit
pas par volontй, mais plutфt par nйcessitй de nature.
q. 3 a. 15 arg. 10 Praeterea, Deus operatur in
quantum est bonus, ut Augustinus dicit. Sed ipse est bonum necessarium. Ergo ex
necessitate operatur. 10. Dieu opиre en tant qu'il est bon, comme Augustin le dit (La doctrine chrйtienne, I, 32). Mais il
est le bien nйcessaire. Donc il opиre par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 11
Praeterea, omne quod est, vel est contingens, vel necessarium. Necessarium vero
est aliquid tripliciter: scilicet per coactionem, ex suppositione, et absolute.
Non autem potest dici quod in Deo sit aliquid possibile vel contingens: hoc
enim mutabilitati attestatur, ut per philosophum patet, quia quod contingit
esse, contingit non esse. Similiter non est ibi aliquid necessarium per
coactionem, quia nihil ibi est violentum nec contra naturam, ut dicitur in V
Metaph. Similiter nec necessarium ex suppositione: quia hoc necessarium
causatur ex aliquibus causis praesuppositis, Deo autem nihil est causa.
Relinquitur ergo quod quidquid est in Deo sit necessarium absolute; et ita
videtur quod res ex necessitate in esse producat.
.
11. Tout ce qui est, est contingent ou nйcessaire. Mais le nйcessaire
existe de trois maniиres: c'est-а-dire par contrainte, sous condition et
absolument. Mais on ne peut pas dire qu'en Dieu, il y ait quelque chose de
possible ou de contingent; car la mutabilitй l'atteste, comme on le voit chez
le Philosophe (Mйtaphysique, XI, 8,
1064 b 32[6]) que le contingent est ou n'est pas. De mкme, il n'y a rien ici de
nйcessaire par contrainte, parce que rien n'y est violent, ni contraire а la
nature, comme on le dit (Mйtaphysique
V, 5, 1015 a 25[7]). De la mкme maniиre, il n'y a pas de nйcessitй sous
condition, parce que cette nйcessitй est causйe par des causes prйsupposйes.
Mais, en Dieu il n'y a pas de cause. Donc il reste que ce qui est en Dieu est
absolument nйcessaire, et ainsi il semble qu'il fasse venir les crйatures а
l'кtre par nйcessitй[8].
q. 3 a. 15 arg. 12 Praeterea, II ad Timoth. II, 13,
dicitur: Deus fidelis permanet et seipsum negare non potest. Sed cum ipse sit
sua bonitas, se ipsum negaret si suam bonitatem negaret. Negaret autem suam
bonitatem si eam communicando non diffunderet; cum hoc sit proprium bonitatis.
Ergo Deus non potest non producere creaturam suam bonitatem communicando: ergo
ex necessitate producit: quia non possibile non esse et necesse esse
convertuntur, ut patet in II perihermeneias.
12. En 2 Tm 2, 13, il est dit: "Dieu demeure fidиle et il ne peut
se (re)nier[9]". Mais, comme il est sa propre bontй, il se renierait
lui-mкme, s'il reniait sa bontй. Il la nierait, s'il ne la diffusait pas en la
communiquant, puisque c'est cela le propre de la bontй. Donc Dieu ne peut pas
ne pas produire une crйature en communiquant sa bontй. Donc il produit par
nйcessitй; parce qu'il n'est pas possible que le non кtre et l'кtre nйcessaire
soient convertibles, comme cela paraоt dans le Perihermeneias (II, 3, 22 a 3).
q. 3 a. 15 arg. 13
Praeterea, secundum Augustinum, patrem generare filium, est patrem dicere se
suo verbo. Sed Anselmus dicit, quod eodem verbo pater dicit se et creaturam.
Cum ergo generatio filii a patre sit naturaliter et non per imperium
voluntatis, videtur quod etiam creaturarum productio: nam apud Deum non differt
dicere et facere; cum scriptum sit, Ps. XXXII, 9: dixit, et facta sunt.
13. Selon Augustin, le fait que le Pиre engendre le Fils, c'est le Pиre
qui se dit par son Verbe. Mais Anselme dit (Monologium
31[10]) que par le mкme verbe le Pиre se dit et dit la crйature. Donc puisque
la gйnйration du Fils par le Pиre est naturelle et non par le pouvoir de sa
volontй, il semble qu'il en est de mкme pour la production des crйatures; car
en Dieu dire et faire ne sont pas diffйrents, puisqu'il est йcrit Ps. 32, 9: "Il
dit, et cela fut fait."
q. 3 a. 15 arg. 14
Praeterea, omnis volens de necessitate vult suum ultimum finem, sicut homo de
necessitate vult esse beatus. Sed ultimus finis divinae voluntatis est suae
bonitatis communicatio: propter hoc enim producit creaturas, ut suam bonitatem
communicet. Ergo Deus hoc de necessitate vult, ergo et ex necessitate producit. 14. Tout ce qui veut par nйcessitй veut sa fin ultime, comme l'homme veut
nйcessairement кtre heureux. Mais la fin ultime de la volontй divine est la
communication de sa bontй; il produit des crйatures pour communiquer sa bontй.
Donc Dieu le veut nйcessairement, donc il produit par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 15
Praeterea, sicut Deus est per se bonum, ita est per se necessarium. Sed in Deo,
quia est per se bonus, nihil est nisi bonum. Ergo et similiter in eo nihil est
nisi necessarium; et ita ex necessitate producit res. 15. Dieu est bon en soi; de mкme il est nйcessaire en soi. Mais en
Dieu, parce qu'il est bon en soi, il n'y a rien sinon le bien. Donc et de la
mкme maniиre, en lui il n'y a rien qui ne soit nйcessaire et ainsi il produit
les crйatures par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 16 Praeterea, voluntas Dei est
determinata ad unum, scilicet ad bonum. Sed natura
propter hoc ex necessitate operatur, quia est determinata ad unum. Ergo et
voluntas divina ex necessitate operatur creaturas. 16. La volontй de Dieu est dйterminйe а un seul objet, c'est-а-dire au
bien. Mais la nature opиre par nйcessitй, parce qu'elle est dйterminйe а un
seul effet. Donc la volontй divine crйe les crйatures par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 17
Praeterea, pater virtute naturae suae est principium filii et spiritus sancti,
ut Hilarius dicit. Sed eadem natura quae est in patre et filio, est etiam in
spiritu sancto. Ergo eadem ratione ipse spiritus sanctus est principium
naturaliter. Sed non est principium nisi creaturae. Ergo creatura naturaliter
procedit a Deo.
17. Le Pиre par le pouvoir de sa nature est le principe du Fils et de
l'Esprit Saint, comme Hilaire le dit (Livre des Synodes). Mais la mкme nature
est dans le Pиre, le Fils et aussi dans l'Esprit Saint. Donc, pour la mкme
raison, l'Esprit Saint lui-mкme est principe par nature. Mais il ne l'est que
pour la crйature. Donc la crйature procиde naturellement de Dieu.
q. 3
a. 15 arg. 18 Praeterea, effectus procedit a causa agente. Ergo agens non comparatur ad effectum nisi per hoc
quod comparatur ad actionem vel operationem. Sed comparatio operationis vel
actionis divinae ad ipsum est naturalis, cum actio Dei sit sua essentia. Ergo
similiter ad effectum comparatur naturaliter producendo ipsum. 18. L'effet procиde de la cause efficiente. Donc l'agent n'est comparй
а l'effet que parce ce qu'il est comparй а l'action ou а l'opйration. Mais la
comparaison de l'opйration ou de l'action de Dieu а lui-mкme est naturelle,
puisque son action est son essence. Donc de mкme, il est comparй а l'effet en
le produisant lui-mкme naturellement.
q. 3 a. 15 arg. 19
Praeterea, a per se bono non fit aliquid nisi bonum et bene. Ergo et a per se necessario non fit aliquid nisi
necessarium et necessario. Sed Deus est huiusmodi. Ergo omnia
procedunt ab ipso ex necessitate. 19. Du bien en soi ne se fait que ce qui est bon et bien. Donc du
nйcessaire en soi ne se fait que quelque chose de nйcessaire et nйcessairement.
Mais Dieu est de ce genre. Donc tout procиde de lui par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 20
Praeterea, cum id quod est per se, sit prius eo quod est per aliud, oportet primum
agens agere per suam essentiam. Sed sua essentia et sua natura idem est. Ergo
agit per naturam suam; et ita naturaliter creaturae ab eo procedunt.
20. Comme ce qui est par soi est avant ce qui est par un autre, il faut
que le premier agent agisse par son essence. Mais son essence et sa nature sont
un mкme attribut. Donc il agit par sa nature, et ainsi les crйatures procиdent
de lui naturellement.
En sens contraire: q. 3 a. 15 s. c. 1
Sed contra. Est quod Hilarius dicit: omnibus creaturis substantiam Dei voluntas
attulit; et ibidem: tales sunt creaturae quales Deus eas esse voluit. Ergo Deus producit creaturas per voluntatem, non per
naturae necessitatem. 1. Il y a ce qu'Hilaire dit dans le Livre des synodes: "La volontй
de Dieu apporte leur substance а toutes les crйatures." et au mкme endroit:
"Les crйatures sont telles que Dieu a voulu qu'elles soient". Donc
Dieu produit les crйatures par volontй, non par nйcessitй de nature.
q. 3 a. 15 s. c. 2
Praeterea, Augustinus in XII Confess., ad Deum loquens, ait duo fecisti, domine:
unum prope te, scilicet Angelum, et aliud prope nihil, scilicet materiam.
Neutrum tamen est de natura tua: quia neutrum est quod tu es. Sed filius pro
tanto naturaliter a patre procedit, quia eamdem habet naturam quam pater, ut Augustinus
dicit. Ergo creatura non procedit a Deo naturaliter.
2. Augustin dans Les Confessions
(XII, 7) parlant а Dieu dit: Tu as fait, Seigneur, deux crйatures: l'une proche
de toi, а savoir l'ange et l'autre proche du nйant, а savoir la matiиre.
Cependant ni l'une, ni l'autre ne sont de ta nature, parce que ni l'une ni
l'autre est ce que tu es. Mais le Fils pour autant procиde du Pиre
naturellement, parce qu'il a la mкme nature que lui, comme Augustin le dit (La Trinitй, XV, 14[11]). Donc la
crйature ne procиde pas de Dieu naturellement[12].
Rйponse: q. 3 a. 15 co.
Respondeo. Dicendum quod, absque omni dubio, tenendum est quod Deus ex libero
arbitrio suae voluntatis creaturas in esse produxit nulla naturali necessitate.
Quod potest esse manifestum ad praesens quatuor rationibus: Sans aucun doute, il faut croire que Dieu fit venir les crйatures а
l'кtre par le libre arbitre de sa volontй, sans aucune nйcessitй naturelle. Ce
qui peut кtre montrй а prйsent par quatre raisons:
quarum prima est, quod oportet dicere universum aliquem finem habere:
alias omnia in universo casu acciderent; nisi forte diceretur, quod primae
creaturae non sunt propter finem, sed ex naturali necessitate; posteriores vero
creaturae sunt propter finem; sicut et Democritus ponebat caelestia corpora
esse a casu facta, inferiora vero a causis determinatis, quod improbatur in II
Phys., per hoc quod ea quae sunt nobiliora, non possunt esse minus ordinata
quam indigniora. Necesse est igitur dicere, quod in productione creaturarum a
Deo sit aliquis finis intentus. 1) Premiиre raison: Il faut dire que l'univers a une fin[13]; autrement
tout y arriverait par hasard; а moins qu'on dise que les premiиres
crйatures[14] ne sont pas finalisйes mais dйpendent d'une nйcessitй de nature;
mais les crйatures suivantes sont en vue d'une fin; ainsi Dйmocrite pensait que
les corps cйlestes йtaient dus au hasard, mais les кtres infйrieurs а des
causes dйterminйes, ce qui est dйsapprouvй en Physique (II, 4, 196 a 28 - b 4[15]), parce que, ce qui est plus noble,
ne peut pas кtre moins ordonnй que ce qui l'est moins. Donc il est nйcessaire
de dire que, dans la production des crйatures par Dieu, il y a une fin
recherchйe.
Invenitur autem agere propter finem et voluntas et natura,
sed aliter et aliter. Natura enim, cum non cognoscat nec finem nec rationem
finis, nec habitudinem eius, quod est ad finem in finem, non potest sibi
praestituere finem, nec se in finem movere aut ordinare vel dirigere; quod
quidem competit agenti per voluntatem, cuius est intelligere et finem et omnia
praedicta. Unde agens per voluntatem sic agit propter finem, quod praestituit
sibi finem, et seipsum quodammodo in finem movet, suas actiones in ipsum
ordinando. Natura vero tendit in finem sicut mota et directa ab alio
intelligente et volente, sicut patet in sagitta, quae tendit in signum
determinatum propter directionem sagittantis; et per hunc modum a philosophis
dicitur, quod opus naturae est opus intelligentiae. Semper autem quod est per
aliud, est posterius eo quod est per se. Unde oportet quod
primum ordinans in finem, hoc faciat per voluntatem; et ita Deus per voluntatem
creaturas in esse produxit, non per naturam. Nec est instantia de filio, quod
naturaliter procedit a patre, cuius generatio creationem praecedit: quia filius
non procedit ut ad finem ordinatus, sed ut omnium finis.
On trouve que la volontй et la nature agissent en vue d'une fin, mais
de faзons diffйrentes. En effet, comme la nature ne connaоt ni la fin ni sa
raison, ni sa relation de la fin а la fin, elle ne peut s'en fixer une; ni
aller vers cette fin, ni l'ordonner, ni la diriger, ce qui appartient а l'agent
volontaire dont c'est le propre de comprendre (intelligere) la fin, etc.. C'est
pourquoi un agent volontaire agit en vue d'une fin, parce qu'il se l'est assignйe
et il va lui-mкme d'une certaine maniиre vers elle, en y ordonnant ses actions.
Mais la nature tend а sa fin comme mue et dirigйe par un autre, pourvu d'esprit
et de volontй, comme cela paraоt pour la flиche qui tend а une cible dйterminйe
par l'action dirigйe par l'archer et ainsi les philosophes disent que l'oeuvre
de la nature est celle d'une intelligence. Mais toujours ce qui dйpend d'un
autre est postйrieur а ce qui est par soi. C'est pourquoi il faut que celui qui
ordonne en premier vers une fin, le fasse par volontй. Et ainsi Dieu a fait
venir а l'кtre des crйatures par sa volontй, non par nature. Et ce n'est pas le
cas du Fils parce qu'il procиde naturellement du Pиre; sa gйnйration a prйcйdй
la crйation: parce qu'il ne procиde pas comme ordonnй а une fin, mais comme la
fin de tout.
Secunda vero ratio est, quia natura est
determinata ad unum. Cum autem omne agens sibi simile producat, oportet quod
natura ad illam similitudinem tendat producendam quae est determinate in uno.
Cum autem aequalitas ab unitate causetur, inaequalitas vero ex multitudine quae
vario modo se habet (ratione cuius non est aliquid alteri aequale nisi uno
modo, inaequale vero secundum multos gradus) natura semper facit sibi aequale,
nisi sit propter defectum virtutis activae, vel receptivae sive passivae.
Defectus autem passivae potentiae Deo non praeiudicat, cum ipse materiam non
requirat; nec iterum virtus sua est deficiens, sed infinita. Unde hoc solum ab eo procedit
naturaliter quod est sibi aequale, scilicet filius. Creatura vero, quae est
inaequalis, non naturaliter, sed per voluntatem procedit; sunt enim multi
gradus inaequalitatis. Nec potest dici quod divina virtus ad unum determinetur
tantum, cum sit infinita. Unde cum divina virtus se extendat ad diversos gradus
inaequalitatis in creaturis constituendos; quod in hoc gradu determinato
creaturam constituit, ex arbitrio voluntatis fuit, non ex naturali necessitate.
2) Seconde raison: la nature est dйterminйe а un seul effet[16]. Et
comme tout agent produit du semblable а lui, il faut que la nature tende а
produire cette ressemblance, qui est dйterminйe а un seul objet. Mais comme
l'йgalitй est causйe par l'unitй, l'inйgalitй par la pluralitй qui se comporte
de maniиre variйe (pour la raison que rien n'est йgal а autre chose que d'une
seule maniиre et inйgal en de nombreux degrйs); la nature fait toujours de
l'йgal а soi, sauf dйfaillance du pouvoir qui agit, qui reзoit ou qui subit.
Mais la dйfaillance de la puissance passive ne porte pas prйjudice а Dieu
puisqu'il n'a pas besoin de matiиre; et en plus son pouvoir n'est pas
dйfaillant, mais infini. C'est pourquoi, seul procиde de lui naturellement, ce
qui lui est йgal, c'est-а-dire son Fils. Mais la crйature qui est inйgale,
procиde non pas naturellement, mais par volontй. Car il y a de nombreux degrйs
d'inйgalitй. Et on ne peut pas dire que le pouvoir divin soit dйterminй а un
seul effet seulement, puisqu'il est infini. C'est pourquoi, comme le pouvoir
divin s'йtend pour constituer diffйrents degrйs d'inйgalitй dans les crйatures,
qu'il ait йtabli la crйature а un degrй dйterminй dйpend du libre arbitre de sa
volontй, mais non d'une nйcessitй naturelle.
Tertia ratio est, quia cum omne agens agat sibi simile
aliquo modo, oportet quod effectus in sua causa aliqualiter praeexistat. Omne
autem quod est in aliquo, est in eo per modum eius in quo est; unde cum ipse
Deus sit intellectus, creaturae in ipso intelligibiliter praeexistunt propter
quod dicitur Ioan. I, 3: quod factum est, in ipso vita erat. Quod autem est in
intellectu, non producitur nisi mediante voluntate: voluntas enim est executrix
intellectus et intelligibile voluntatem movet; et ita oportet quod res creatae
a Deo processerint per voluntatem.
3) Troisiиme raison: puisque tout agent produit du semblable а lui, d'une
certaine maniиre, il faut que l'effet prйexiste en quelque sorte dans sa cause.
Mais tout ce qui est dans une chose y est par le mode de celle en qui elle est;
c'est pourquoi, comme Dieu lui-mкme est un esprit, les crйatures prйexistent en
lui de faзon intelligible, c'est pour cela qu'on dit en Jn 1, 3: "Ce qui a
йtй fait, йtait vie en lui[17]". Mais ce qui est dans l'intellect ne
procиde que par l'intermйdiaire de la volontй: car la volontй accompli ce qui
est pensй et l'intelligible met en mouvement la volontй et ainsi il faut que
les crйatures procиde de Dieu par volontй[18].
Quarta ratio est, quia, secundum philosophum, duplex est
actio:
4) Quatriиme raison[19]: Selon le Philosophe (Mйtaphysique, IX, 8, 1050 a 23 - B 2) l'action est double:
quaedam quae consistit in ipso agente, et est perfectio et
actus agentis, ut intelligere, velle et huiusmodi:
1) L'une qui demeure dans l'agent lui-mкme; et est sa perfection et son
acte, comme abstraire (intelligere), vouloir, etc..
quaedam vero quae egreditur ab agente in patiens extrinsecum
et est perfectio et actus patientis, sicut calefacere, movere et huiusmodi.
Actio autem Dei non potest intelligi ad modum huiusmodi secundae actionis, eo
quod, cum actio sua sit eius essentia, non egreditur extra ipsum: unde oportet
quod intelligatur ad modum primae actionis quae non est nisi in intelligente et
volente, vel etiam sentiente; quod etiam in Deum non cadit: quia actio sensus
licet non tendat in aliquid extrinsecum, est tamen ab actione extrinseci. Per
hoc igitur Deus agit quidquid extra se agit, quod intelligit et vult. Nec hoc
generationi filii praeiudicat quae est naturalis, quia huiusmodi generatio non
intelligitur terminari ad aliquid quod sit extra divinam essentiam. Necessarium
est igitur dicere omnem creaturam a Deo processisse per voluntatem, et non per
necessitatem naturae.
2) L'autre qui sort de l'agent dans un patient extйrieur et c'est la
perfection et l'acte de celui qui reзoit, comme rйchauffer, mouvoir et autres
actions de ce genre. Mais l'action de Dieu ne peut кtre comprise а la maniиre
de cette seconde action, parce que, comme elle est son essence, elle ne sort
pas de lui. C'est pourquoi il faut la comprendre а la maniиre de la premiиre
action qui n'est que dans celui qui pense (intelligit) et veut, - ou mкme
йprouve des sensations; ce qui n'arrive pas en Dieu -; parce que, bien que
l'action du sens ne tende pas а quelque chose d'extйrieur, elle dйpend
cependant d'une action extйrieure. De ce fait donc, Dieu fait ce qu'il fait
hors de lui, parce qu'il le pense (intelligit) et le veut. Et cela ne porte pas
prйjudice а la gйnйration du Fils qui est naturelle, parce qu'une gйnйration de
ce genre n'est pas comprise comme se terminant а quelque chose hors de
l'essence divine. Donc il est nйcessaire de dire que toute crйature a procйdй
de Dieu par volontй et non par nйcessitй de nature.
Solutions q. 3 a. 15 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod similitudo Dionysii est intelligenda quantum ad
universitatem diffusionis; sol enim in omnia corpora radios effundit, non
discernendo unum ab alio, et similiter divina bonitas. Non autem intelligitur
quantum ad privationem voluntatis. # 1. Il faut comprendre l'image de Denys quant а l'universalitй de la
diffusion; car le soleil rйpand ses rayons sur tous les corps, sans distinguer
l'un de l'autre. Il en est de mкme pour la bontй divine. Mais ce n'est pas
compris comme un manque de volontй[20].
q. 3 a. 15 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ex perfectione divinae naturae est quod virtute naturae
divinae, ipsius naturae similitudo creaturis communicetur, non tamen haec
communicatio fit per necessitatem naturae sed per voluntatem. # 2. C'est а partir de la perfection de la nature divine que, par son
pouvoir, sa ressemblance de la nature mкme est communiquйe aux crйatures,
cependant cette communication ne se fait pas par nйcessitй de nature, mais par
volontй.
q. 3 a. 15 ad 3 Et per hoc patet responsio ad
tertium. # 3. Et par lа paraоt la solution а la troisiиme objection.
q. 3 a. 15 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod natura non subiacet voluntati in his quae sunt intima
rei, sed quantum ad ea quae sunt extra rem, nihil prohibet naturam subiici
voluntati; unde et in motu locali in animalibus natura musculorum et nervorum
subiacet appetitui imperanti; unde nec est inconveniens, si virtute naturae
divinae, creaturae producantur in esse secundum arbitrium divinae voluntatis.
# 4. La nature n'est pas soumise а la volontй dans ce qui est l'intime
de la chose, mais quant а ce qui hors d'elle, rien n'empкche la nature d'кtre
soumise а la volontй; c'est pourquoi dans un mouvement local chez les animaux,
l'ensemble des muscles et des nerfs est soumis а l'appйtit qui les gouverne;
aussi ce n'est pas inconvenant si, par le pouvoir de la nature divine, les
crйatures sont amenйes а l'existence en raison du libre arbitre de la volontй
divine.
q. 3 a. 15 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod bonum est proprium obiectum voluntatis; unde bonitas
Dei, in quantum est ad ipso volita et amata, mediante voluntate est creaturae
causa. # 5. Le bien est l'objet propre de la volontй; c'est pourquoi la bontй
de Dieu, dans la mesure oщ elle est pour ce qu'il veut et aime, est cause de la
crйature par l'intermйdiaire de la volontй.
q. 3 a. 15 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod licet voluntas et natura, prout in Deo sunt, sint,
secundum rem, idem, differunt tamen ratione, secundum quod per ea diversimode
designatur respectus ad creaturam; natura enim importat respectum ad aliquid
unum determinate, non autem voluntas. # 6. Bien que la volontй et la nature, selon qu'elles sont en Dieu,
soient en rйalitй un mкme attribut, elles diffиrent cependant en raison, selon
que, а travers elles, on dйsigne diversement le rapport а la crйature; car la
nature йtablit un rapport а une seule chose de faзon dйterminйe, mais pas la
volontй.
q. 3 a. 15 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod non est ex immobilitate naturae solum quod aliquid ex
necessitate producit, sed ex eius determinatione ad unum quae non competit
divinae voluntati, licet in ea sit immobilitas summa. # 7. Ce n'est pas par l'immutabilitй de la nature seulement que quelque
chose produit par nйcessitй, mais par sa dйtermination а un effet, ce qui
n'appartient pas а la volontй divine; bien qu'en elle il y ait l'immutabilitй
suprкme.
q. 3 a. 15 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod licet operatio Dei naturaliter ei competat, cum sit eius
natura vel essentia, effectus tamen creaturae operationem consequitur, quae per
modum intelligendi consideratur, ut principium voluntatis, sicut et effectus
calefactionis sequitur secundum modum caloris. # 8. Bien que l'opйration de Dieu lui convienne naturellement,
puisqu'elle est sa nature et son essence, cependant l'effet accompagne
l'opйration de la crйature, qui est considйrйe par mode de comprйhension, comme
principe de la volontй, comme l'effet de l'йchauffement dйcoule du mode de la
chaleur.
q. 3 a. 15 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet Deus sit infinitus, est tamen finis ad quem omnia
ordinantur. Non enim est infinitus privative, sicut finitum est passio
quantitatis quae nata est habere finem; hoc enim modo finis neque infinitus,
neque finitus est. Dicitur autem infinitus negative, quia nullo modo finitur. # 9. Bien que Dieu soit infini, il est cependant la fin а laquelle tout
est ordonnй. Car il n'est pas infini de faзon privative[21], ainsi le fini est
ce qui supporte une grandeur, destinйe а avoir une fin, car de cette maniиre la
fin n'est ni infinie, ni finie. Mais on dйsigne l'infini de faзon nйgative,
parce qu'il n'est fini en aucune maniиre.
q. 3 a. 15 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet Deus operetur in quantum est bonus, et bonitas ei
necessario insit, non tamen sequitur quod de necessitate operetur. Bonitas enim
mediante voluntate operatur, in quantum est eius obiectum vel finis; voluntas
autem non necessario se habet ad ea quae sunt ad finem; licet respectu ultimi
finis necessitatem habeat. # 10. Bien que Dieu opиre dans la mesure oщ il est bon, et que sa bontй
soit nйcessairement en lui, il n'en dйcoule cependant pas qu'il opиre par
nйcessitй. Car la bontй opиre par l'intermйdiaire de la volontй, dans la mesure
oщ elle en est l'objet ou la fin; mais la volontй ne se comporte pas
nйcessairement pour ce qui concerne la fin, bien qu'elle soit nйcessaire par
rapport а la fin ultime.
q. 3 a. 15 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod quantum ad id quod in ipso Deo est, non potest attendi
aliqua possibilitas, sed sola necessitas naturalis et absoluta; respectu vero
creaturae potest ibi considerari possibilitas, non secundum potentiam passivam,
sed secundum potentiam activam, quae non limitatur ad unum. # 11. Quant а ce qui est en Dieu lui-mкme, on ne peut atteindre aucune
possibilitй, mais la seule nйcessitй naturelle et absolue; mais par rapport а
la crйature, on peut y considйrer la possibilitй, non selon la puissance
passive, mais selon la puissance active qui n'est pas limitйe а un seul objet.
q. 3 a. 15 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod si Deus hoc modo suam bonitatem negaret quod aliquid
contra suam bonitatem faceret, vel in quo sua bonitas non exprimeretur,
sequeretur per impossibile quod negaret se ipsum. Non autem hoc sequeretur, si
etiam nulli bonitatem suam communicaret. Suae enim bonitati nihil deperiret, si
communicata non esset. # 12. Si Dieu reniait sa bontй de cette maniиre en faisant quelque
chose contre elle, ou quelque chose en quoi sa bontй ne serait pas exprimйe, il
en dйcoulerait par impossible, qu'il se renierait lui-mкme. Mais cette
consйquence n'existerait pas, s'il ne communiquait sa bontй а personne. Car
rien ne manquerait а sa bontй si elle n'йtait pas communiquйe[22].
q. 3 a. 15 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet ipsum verbum Dei naturaliter a patre
oriatur, non tamen oportet quod creaturae naturaliter procedant a Deo. Hoc autem modo pater verbo suo creaturas dicit sicut
in ipso patre sunt; in quo quidem sunt non ut per necessitatem producendae, sed
per voluntatem. # 13. Bien que le Verbe de Dieu lui-mкme naisse du Pиre naturellement,
il ne faut cependant pas que les crйatures procиdent de Dieu naturellement. Par
ce moyen, le Pиre dit les crйatures а son Verbe, comme elles sont en lui. Elles
n'y sont pas pour кtre produites par nйcessitй, mais par volontй.
q. 3 a. 15 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod communicatio bonitatis non est ultimus finis, sed
ipsa divina bonitas, ex cuius amore est quod Deus eam communicare vult; non
enim agit propter suam bonitatem quasi appetens quod non habet, sed quasi
volens communicare quod habet: quia agit non ex appetitu finis, sed ex amore
finis. # 14. La communication de la bontй n'est pas la fin ultime, mais c'est
la bontй divine elle-mкme (qui est la fin). Par son amour Dieu veut la
communiquer; car il n'agit pas а cause de sa bontй comme s'il dйsirait ce qu'il
n'a pas, mais comme voulant communiquer ce qu'il a; parce qu'il agit non par
dйsir de la fin, mais par amour de celle-ci.
q. 3 a. 15 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod sicut in Deo nihil est nisi bonum, ita in eo
nihil est nisi necessarium. Non tamen oportet quod quidquid est ab eo, procedat
per necessitatem. # 15. En Dieu il n'y a rien que le bien; de mкme en lui, il n'y a rien
que le nйcessaire. Il ne faut cependant pas que ce qui vient de lui procиde par
nйcessitй.
q. 3 a. 15 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod voluntas Dei, sicut dictum est, in corp. art.,
naturaliter fertur in suam bonitatem; unde non potest velle nisi id quod est ei
conveniens, scilicet bonum; non tamen determinatur ad hoc vel illud bonum; et
ideo non oportet quod bona quae sunt, ab eo procedant per necessitatem. # 16. La volontй de Dieu, comme on l'a dit, dans le corps de l'article,
est portйe naturellement а sa bontй; c'est pourquoi il ne peut vouloir que ce
qui lui convient, а savoir le bien; cependant il n'est pas dйterminй а ce bien
ou а celui-lа et c'est pourquoi il ne faut pas que le bien qui existe procиde
de lui par nйcessitй.
q. 3 a. 15 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod licet eadem natura sit patris et filii et
spiritus sancti, non tamen eumdem modum existendi habet in tribus, et dico
modum existendi secundum relationem. In patre enim est ut non accepta ab alio,
in filio vero ut a patre accepta; unde non oportet quod quidquid convenit patri
virtute naturae suae, conveniat filio vel spiritui sancto.
# 17. Bien que le Pиre, le Fils et l'Esprit Saint soient d'une mкme
nature, cependant elle n'a pas le mкme mode d'existence dans les trois; et je
parle du mode d'existence selon la relation. Car dans le Pиre, la nature n'est
pas reзue d'un autre, dans le Fils, elle est reзue du Pиre, c'est pourquoi il
ne faut pas que ce qui convient au Pиre par le pouvoir de sa nature, convienne
au Fils et а l'Esprit Saint.
q. 3 a. 15 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod effectus sequitur ab actione secundum modum
principii agendi; unde cum per modum intelligendi, actionis divinae principium,
prout respicit creaturam, consideretur divina voluntas quae ad creaturam non
habet necessariam habitudinem, non oportet quod creatura procedat a Deo per
necessitatem naturae, licet ipsa actio sit Dei essentia vel natura. # 18. L'effet procиde de l'action а la maniиre d'un principe d'action;
c'est pourquoi, comme par la maniиre de le comprendre, le principe de l'action
divine, selon qu'il regarde la crйature, est considйrй comme volontй divine,
qui n'a pas de relation nйcessaire а la crйature, il ne faut pas que la
crйature procиde de Dieu par nйcessitй de nature, bien que l'action elle-mкme
soit son essence ou sa nature.
q. 3 a. 15 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod creatura assimilatur Deo quantum ad generales
conditiones, non autem quantum ad modum participandi. Alio enim modo, esse est
in Deo et in creatura, et similiter bonitas. Unde licet a primo bono sint omnia
bona, et a primo ente sint omnia entia, non tamen a summo bono sunt omnia summe
bona, nec ab ente necessario sunt omnia per necessitatem. # 19. La crйature ressemble а Dieu pour les conditions gйnйrales, mais
non pour la maniиre de participer. Car, l'кtre est en Dieu d'une autre maniиre
que dans la crйature, et il en est de mкme pour sa bontй. C'est pourquoi, bien
que tous les biens viennent du premier Bien, et tous les кtres du premier Etre,
tout ce qui est suprкmement bon ne vient pas du Bien suprкme, et tout ce qui
est par nйcessitй ne vient pas de l'Etre nйcessaire.
q. 3 a. 15 ad 20 Ad
vigesimum dicendum, quod voluntas Dei est eius essentia; unde hoc quod agit per
voluntatem non removet quin per essentiam suam agat. Non enim est voluntas Dei
aliqua intentio addita divinae essentiae, sed ipsa essentia. # 20. La volontй de Dieu est son essence; c'est pourquoi ce qu'il fait
par volontй n'empкche pas qu'il agisse par son essence. Car la volontй de Dieu
n'est pas un intention ajoutйe а l'essence divine, mais son essence elle-mкme.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia, qu. 19, a. 4 –
CG. II, 23 - I Sent. d43q2, a. 1 – d45a3 – Pot. qu. 1, a. 5.
[2]
Thomas, lectio 1, , Thomas n° 270-271. Ce texte se trouve citй en I Sent.,
d43qu2a1, Ia, qu. 19, a. 1, obj. 1.
[3]
"Ce qui est par essence est premier dans n'importe quel ordre des choses,
comme dans le genre des choses ignйes est premier ce qui est feu par essence."
Dieu est premier agent donc il est agent par son essence qui est sa nature.
Donc il n'agit par nature mais non par volontй" Ia, qu. 19, a. 4, obj. 2.
L'argument est attribuй а Denys en II Sent., d43q2a1, obj. 2
[4]
Aristote, n° 282, Thomas, lectio. 5, n° 446. "Ajoutons encore que la
volontй concerne surtout le but et le choix, les moyens de l'atteindre."
[5]
"sans fin". Voir dйfinition de l'infini en I, 2. Il ne peut y avoir
confusion (voulue). la fin peut кtre le terme de l'кtre. Et donc Dieu n'a pas
de fin, mais autre sens la finalitй. Dieu n'est pas finalisй. C'est lui qui est
la fin de tout. La confusion sera levйe par la solution.
[6]
"Tout кtre, disons-nous, ou bien existe toujours et nйcessairement (il ne
s'agit pas de la nйcessitй, au sens de contrainte, mais de cette nйcessitй а
laquelle nous faisons appel dans la dйmonstration) ou bien est ce qui arrive le
plus souvent, ou bien n'est ni ce qui arrive le plus souvent, ni ce qui est
toujours et nйcessairement, mais ce qui arrive n'importe comment." (Trad.
J. Tricot)
[7]
AR n° 418: "Le nйcessaire est aussi le contraint et le forcй, c'est-а-dire
ce qui, contre l'impulsion et le choix dйlibйrй, fait obstacle et empкchement.
(Trad. J. Tricot)
[8]
L'objecteur dйmontre qu'il y a de la nйcessitй en Dieu:
a.
Pas de contingence. Dieu est immuable (ce qui est contingent est ou n'est pas
suivant les йpoques).
b.
Il n'est pas nйcessaire par contrainte.
c.
Par de nйcessitй sous condition: une nйcessitй qui viendrait de l'extйrieur. Mйtaphysique V, 5, 1015 b 10. "Parmi
les choses nйcessaires, les unes ont en dehors d'elles la cause de leur
nйcessitй, les autres l'ont en elles-mкmes et sont les sources des nйcessitйs
des autres choses."
[9]
Argument dйjа employй en Pot. 1, 3, а propos des promesses de Dieu et de la
vйritй.
[10]
"S'il se dit lui-mкme et dit ce qu'il fait а son Verbe consubstantiel, il
est йvident qu'il n'y a qu'une seule substance du verbe par lequel il se dit et
du verbe par lequel il dit la crйature."
[11]
"En tout semblable et йgal au Pиre."
[12]
En I Sent. d43q2a1, Sed contra: il s'appuie sur Aristote. Ce qui dйpend de la
nйcessitй de la nature est un. Donc il n'y aurait qu'un effet, ce qui est faux
et contraire а la foi. Autre argument: l'agent par nйcessitй produit un effet
dans une mкme durйe (coaevum). Donc le monde serait coйternel.
[13]
Cette premiиre raison est dйjа dйveloppйe en Pot. qu. 1, a. 5, c. Cf. CG. II,
23, § 5.
[14]
Quelles sont ces premiиres crйatures? Les corps cйlestes?
[15]
In Thomas 135 (45), Thomas n° 204.
[16]
Dйjа exposй en Pot. 3, 13 c. Voir Ia, qu. 47, a. 1, c.
[17]
Ce texte supporte plusieurs interprйtations. Thomas lui-mкme l'admet Super
Ioannem, lectura I, III, n° 89 , 94: les exйgиtes se demandent s'il faut liйs quod
factum est а in ipso vita erat. (Pot 5, 3 – 9, 9 – 10, 1 c – Ia, 18 3 ad 1 –Mйtaphysique IX, 8, 1050 a 23. lectio I
n° 1862- 6. Il s'agit des idйes en Dieu.
[18]
Seules ces trois premiиres raisons sont reprises plus briиvement, en Ia, qu.
19, a. 4, c.
[19]
Elle se retrouve en CG. II, 23, § 5.
[20]
Les Noms divins, 4, 1, Thomas, n° 271: "L'кtre du soleil n'est pas son
intellection ou son vouloir, mкme s'il avait un intellect et une volontй...
mais l'кtre divin est son intellection et son vouloir, et c'est pourquoi ce
qu'il fait par son кtre, il le fait par l'intellect et la volontй."
[21]
Les anciens considйraient que l'infini йtait ce qui йtymologiquement n'est pas
fini. Voir question sur l'infini, Pot. Qu. 1, a. 2.
[22]
Ia, qu. 19, a. 3, c. "La bontй de Dieu est parfaite, rien ne l'augmente.
Donc il ne veut pas les crйatures par nйcessitй absolue, mais par nйcessitй
conditionnelle." Cf. CG. I, 81.
Article 16: La pluralitй peut-elle procйder d'un premier кtre unique?
q. 3
a. 16 tit. 1 Decimosexto quaeritur utrum ab uno primo possit procedere
multitudo. Et videtur quod non. Il semble que non[1].
Objections. q. 3 a. 16 arg. 1
Sicuti enim Deus est per se bonum, et per consequens summum bonum; ita est per
se et summe unum. Sed ab eo in quantum
est bonum, non potest procedere nisi bonum. Ergo nec ab eo
procedere potest nisi unum. 1. Car de mкme que Dieu est bon en soi, et par consйquent le Bien
suprкme, de mкme, il est par soi souverainement un. Mais de lui en tant qu'il
est bon, ne peut provenir que le bien. Donc de lui ne peut venir qu'un
effet[2].
q. 3 a. 16 arg. 2
Praeterea, sicut bonum convertitur cum ente, ita et unum. Sed in his quae sunt entia, oportet attendi
assimilationem creaturae ad Deum, ut supra, art. praeced., dictum est. Ergo
sicut in bonitate, ita et in unitate oportet Deo creaturam assimilari, ut
scilicet sit una ab uno. 2. Le bien est convertible avec l'кtre, l'un aussi[3]. Mais, dans ce
que sont les кtres, il faut considйrer la ressemblance de la crйature а Dieu,
comme on l'a dit ci-dessus (a. 15). Donc dans la bontй comme dans l'unitй, il
faut que la crйature ressemble а Dieu, а savoir qu'elle soit une а partir de
l'un.
q. 3 a. 16 arg. 3
Praeterea, sicut bonum et malum opponuntur privative, si communiter
accipiantur, licet sint contraria, prout sunt habituum differentiae; ita unum
et multa opponuntur privative, ut patet in X Metaph. Sed malitiam nullo modo dicimus a Deo procedere, sed ex defectu causarum
secundarum eam incidere. Ergo nec debet poni quod multitudinis
Deus sit causa.
3. Le bien et le mal sont opposйs dans le particulier; si on les
considиre en commun, bien qu'ils soient contraires, alors ce sont des
diffйrences de maniиre d'кtre; de la mкme maniиre l'un et le multiple sont
opposйs[4], si on les prend dans le particulier, comme cela paraоt en Mйtaphysique, (X, 1056 b 32[5]). Mais en
aucune maniиre, nous disons que le mal procиde de Dieu, mais il vient de la
dйfaillance des causes secondes. Donc on ne doit pas penser que Dieu soit la
cause de la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 4
Praeterea, oportet proportionaliter accipere causas et causata, quia videlicet
singularia sunt causa singularium, et universalia universalium, ut patet per
philosophum. Sed Deus est causa maxime universalis. Ergo suus proprius effectus
est effectus maxime universalis, scilicet esse. Sed ex hoc quod res habent esse
non est multitudo, cum multitudinis sit causa diversitas vel differentia. In
esse vero omnia conveniunt. Ergo multitudo non est a Deo; sed ex causis
secundis, ex quibus causantur particulares rerum conditiones, secundum quas
etiam differunt.
4. Il faut concevoir les causes proportionnellement а leurs effets,
parce qu'il est йvident que les singuliers sont causes des singuliers et les
universels causes des universels, comme cela paraоt chez le Philosophe (Physique, II, 3, 195 b 25[6]). Mais Dieu
est la cause absolument universelle. Donc son effet propre est l'effet le plus
universel, а savoir l'кtre. Mais le fait d'avoir l'кtre pour les choses, ce
n'est pas la pluralitй, puisque la diversitй ou la diffйrence en sont la cause.
Mais tout se rencontre dans l'кtre. Donc la pluralitй ne vient pas de Dieu,
mais des causes secondes, qui йtablissent les conditions particuliиres des
choses, selon lesquelles elles diffиrent.
q. 3 a. 16 arg. 5
Praeterea, uniuscuiusque effectus est aliquam propriam causam accipere. Sed
impossibile est unum esse proprium multorum. Ergo impossibile est quod unum sit
causa multitudinis. 5. Le propre de chaque effet est d'accueillir une cause qui lui est
particuliиre. Mais il est impossible que l'un soit le propre du multiple. Donc
il est impossible que l'un soit la cause de la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 6 Sed dices, quod hoc tenet in
causis naturalibus, non in causis voluntariis.- Sed contra, artifex est causa
artifici per voluntatem. Procedit autem artificiatum ab artifice secundum
propriam formam illius artificiati, quae est in artifice. Ergo
etiam in voluntariis effectus quilibet requirit propriam causam. 6. Mais on pourrait dire que cela arrive dans les causes naturelles,
mais pas dans les causes volontaires.– En sens contraire, l'artisan est la
cause de son oeuvre par volontй. L'oeuvre procиde de l'artisan selon la forme
propre de cet art qui est en lui. Donc, mкme dans ce qui est volontaire, un
effet quelconque requiert sa cause propre.
q. 3 a. 16 arg. 7
Praeterea, oportet esse conformitatem inter causam et effectum. Sed Deus est
omnino unus et simplex. Ergo in creatura, quae est eius effectus, nec multitudo
nec compositio debet inveniri. 7. Il faut une conformitй entre la cause et l'effet. Mais Dieu est tout
а fait un et simple. Donc, dans la crйature, qui est son effet, on ne doit
trouver ni pluralitй, ni composition.
q. 3 a. 16 arg. 8
Praeterea, diversorum agentium non potest esse idem effectus immediate. Sed
sicut causa appropriatur effectui, ita effectus causae. Ergo nec eiusdem causae
possunt esse plures immediate effectus; et sic idem quod prius. 8. Il ne peut y avoir directement un effet identique qui vient d'agents
divers. Mais de mкme que la cause est appropriйe а l'effet, l'effet l'est aussi
а la cause. Donc plusieurs effets ne peuvent venir directement de la mкme
cause, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 16 arg. 9
Praeterea, in Deo est eadem potentia generandi, spirandi et creandi. Sed
potentia generandi non est nisi ad unum, similiter nec potentia spirandi: quia
in Trinitate non potest esse nisi unus filius et unus spiritus sanctus. Ergo et
potentia creandi terminatur tantum ad unum. 9. En Dieu, il y a une mкme puissance pour engendrer, spirer et crйer.
Mais la puissance d'engendrer n'est que pour un seul, de mкme pour la puissance
de spirer: parce que, dans la Trinitй, il ne peut y avoir qu'un Fils unique et
un seul Esprit Saint. Donc la puissance de crйer s'achиve а l'un seulement.
q. 3 a. 16 arg. 10
Sed dices, quod universitas creaturarum est quodammodo unum secundum ordinem.
Sed contra, effectum oportet assimilari causae. Sed unitas Dei non est unitas
ordinis, quia in Deo non est prius nec posterius, nec superius et inferius.
Ergo non sufficit unitas ordinis ad hoc quod ab uno Deo plura possint educi.
10. Mais on pourrait dire que l'universalitй des crйatures est d'une
certaine maniиre l'un en son ordre.– En sens contraire, il faut que l'effet
ressemble а la cause. Mais l'unitй de Dieu n'est pas une unitй d'ordre, parce
qu'en lui, il n'y a ni avant ni aprиs, ni supйrieur ni infйrieur. Donc l'unitй
de l'ordre ne suffit pas pour que du Dieu unique puisse sortir une pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 11
Praeterea, unius simplicis non est nisi una actio. Sed ab una actione non est
nisi unus effectus. Ergo ab uno simplici non potest procedere nisi unus
effectus. 11. De l'un absolu ne dйcoule qu'une action. Mais par une action, il
n'y a qu'un seul effet. Donc de ce qui est un et simple ne peut procйder qu'un
seul effet.
q. 3 a. 16 arg. 12
Praeterea, creatura procedit a Deo, non solum sicut effectus a causa
efficiente, sed etiam sicut exemplatum ab exemplari. Sed unius exemplati est
unum exemplar proprium. Ergo a Deo non potest procedere nisi una creatura. 12. La crйature procиde de Dieu, non seulement comme l'effet de la
cause efficiente, mais aussi comme l'image de l'exemplaire[7]. Mais pour une
seule image, il n'y a qu'un seul modиle propre. Donc de Dieu ne peut procйder
qu'une crйature.
q. 3 a. 16 arg. 13
Praeterea, Deus est causa rerum per intellectum. Agens autem per intellectum
agit per formam sui intellectus. Cum igitur in divino intellectu non sit nisi
una forma, videtur quod ab eo non possit procedere nisi una creatura. 13. Dieu est la cause des crйatures par son esprit[8]. Mais l'agent qui
agit par l'intellect agit par la forme de celui-ci. Donc comme dans l'intellect
divin, il n'y a qu'une forme unique, il semble que de lui ne peut procйder
qu'une seule crйature.
q. 3 a. 16 arg. 14
Sed dices, quod licet forma divini intellectus sit una secundum rem, quae est
eius essentia, tamen attenditur ibi quaedam pluralitas secundum diversos
respectus ad creaturas diversas; et sic est ibi pluralitas rationis. Sed
contra, aut isti respectus plures sunt in intellectu divino, aut sunt solum in ratione
nostra. Si primo modo, ergo sequitur quod in intellectu divino erit pluralitas
et non summa simplicitas. Si secundo modo, sequitur quod Deus non producat
creaturas diversas nisi mediante ratione nostra: ex quo oportet quod diversas
creaturas producat per diversos respectus ad creaturas qui non sunt nisi in
ratione nostra; et sic habetur propositum, scilicet quod a Deo immediate non
procedat multitudo.
14. Mais on pourrait dire que, bien que la forme de l'intellect divin
qui est son essence, soit unique en rйalitй, cependant on atteint lа une
certaine pluralitй selon les rapports divers avec des crйatures diverses; et
ainsi il y a une pluralitй de raison. – En sens contraire, ces relations sont
plusieurs dans l'esprit divin, ou bien elles sont seulement en notre raison.
Dans le premier cas, il dйcoule donc que, dans l'esprit divin, il y aura une
pluralitй et non une totale simplicitй. Dans le second, il en dйcoule que Dieu
ne produit des crйatures diffйrentes que par l'intermйdiaire de notre raison; а
partir de lа, il faut qu'il produise diverses crйatures par divers rapports aux
crйatures qui ne sont que dans notre raison; et ainsi on a cette affirmation
que la pluralitй ne procиde pas directement de Dieu.
q. 3 a. 16 arg. 15
Praeterea, Deus per apprehensionem intellectus sui res in esse producit. Sed in
eo non est nisi una apprehensio: quia suus intellectus est eius essentia, quae
est una. Ergo non producit nisi unam creaturam. 15. Dieu par la saisie de son esprit amиne les choses а l'кtre. Mais en
lui il n'y a qu'une seule saisie, parce que son esprit est son essence, qui est
une. Donc il ne produit qu'une unique crйature.
q. 3 a. 16 arg. 16
Praeterea, illud quod non habet esse nisi in ratione, non est creatum a Deo:
quia huiusmodi videntur esse quaedam vana, ut Chimaera, et huiusmodi. Sed
multitudo non est nisi in ratione: significatur enim per abstractionem a multis
quod in rerum natura non invenitur. Ergo Deus non est causa multitudinis. 16. Ce qui n'a l'кtre qu'en raison n'a pas йtй crйй par Dieu; parce que
certains кtres de ce genre paraissent vains comme la chimиre, etc.. Mais la
pluralitй n'existe qu'en raison; car elle est signifiйe par l'abstraction а
partir d'une multiplicitй qu'on ne trouve pas dans la nature. Donc Dieu n'en
est pas la cause.
q. 3 a. 16 arg. 17
Praeterea, secundum Platonem, optimi est optima adducere. Sed optimum non
potest esse nisi unum. Cum igitur Deus sit optimus, ab eo non potest produci
nisi unum. 17. Selon Platon (Le Timйe),
c'est au meilleur de causer le meilleur. Mais le meilleur ne peut кtre
qu'unique. Donc comme Dieu est le meilleur, il n'y a qu'un кtre qui puisse кtre
produit par lui.
q. 3 a. 16 arg. 18
Praeterea, unusquisque agens propter finem, facit effectum suum propinquiorem
fini quantum potest. Sed Deus producendo creaturam ordinat eam in finem. Ergo
facit eam propinquissimam fini quantum potest. Sed hoc non potest nisi uno modo
fieri. Ergo Deus non producit nisi unam creaturam. 18. Celui qui agit pour une fin, produit son effet le plus proche qu'il
peut de cette fin. Mais Dieu, en produisant la crйature, l'ordonne а sa fin.
Donc il la crйe la plus proche qu'il peut de la fin. Mais ce ne peut кtre fait
que d'une seule maniиre. Donc Dieu ne produit qu'une crйature.
q. 3 a. 16 arg. 19
Praeterea, iniustum est quod aliquis inaequalia aliquibus tribuat, nisi aliqua
inaequalitate circa eos praecedente, vel meritorum, vel quarumcumque
conditionum diversarum. Sed operationem divinam non praecedit aliqua diversitas;
alias ipse non esset prima causa omnium. Ergo in prima rerum creatione non
dedit creaturis inaequalia dona. Sed diversitas creaturarum et multitudo
attenditur secundum hoc quod plus vel minus recipiunt de donis divinis, ut
patet in IV cap. Cael. Hierar. Ergo in prima rerum creatione Deus multitudinem
non produxit. 19. Il est injuste d'attribuer des dons inйgaux а certains, sinon а
cause d'une inйgalitй qui prйcиde les mйrites ou de diverses conditions. Mais
il n'y a pas de diversitй qui prйcиde l'opйration divine, autrement il ne
serait pas la cause premiиre de tout. Donc dans la premiиre crйation, il n'a
pas fait de dons inйgaux aux crйatures. Mais la diversitй des crйatures et la
pluralitй sont atteintes selon ce qu'elles reзoivent en plus ou en moins, comme
cela paraоt au chapitre 4 de La
hiйrarchie cйleste (P.G. 177 c). Donc dans la premiиre crйation, Dieu n'a
pas produit la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 20
Praeterea, Deus creaturis communicat suam bonitatem quantum capaces sunt. Sed
natura superiorum creaturarum capax fuit huiusmodi perfectionis et dignitatis,
ut essent causae inferiorum creaturarum. Id enim quod est perfectius, potest
agere in id quod est eo imperfectius, et communicare ei suam perfectionem. Ergo
videtur quod Deus creaturas inferiores mediantibus superioribus produxit; et
ita ipse immediate non produxit nisi unam creaturam aliis superiorem,
quaecumque sit illa.
20. Dieu communique sa bontй а ses crйatures autant qu'elles sont
capables [de la recevoir]. Mais la nature des crйatures supйrieures a йtй
capable d'une telle perfection et d'une telle dignitй, d'кtre cause des
crйatures infйrieures. Car ce qui est plus parfait peut agir sur ce qui l'est
moins que lui et lui communiquer sa perfection. Donc il semble que Dieu a
produit les crйatures infйrieures par l'intermйdiaire des crйatures supйrieures,
et ainsi lui-mкme n'a produit immйdiatement qu'un seule crйature supйrieure aux
autres, quelle qu'elle soit[9].
q. 3 a. 16 arg. 21
Praeterea, quanto aliquae formae sunt magis immateriales, tanto sunt magis
activae, utpote magis a potentia separatae; unumquodque enim agit secundum quod
est in actu, non secundum quod est in potentia. Sed formae rerum quae sunt in
mente Angeli, sunt magis immateriales quam formae quae sunt in rebus
naturalibus. Cum ergo formae naturales sint causae formarum sibi similium,
videtur quod multo fortius formae quae sunt in mente Angeli, produxerint formas
rerum naturalium sibi similes. Diversitas autem rerum, et per consequens
multitudo, est ex forma. Ergo videtur quod
multitudo non processerit a Deo nisi mediantibus superioribus creaturis.
21. Plus certaines formes sont immatйrielles, plus elles sont actives,
comme plus йloignйes de la puissance. Car chacune agit selon qu'elle est en
acte, non selon qu'elle est en puissance. Mais les formes des choses qui sont
dans l'esprit de l'ange sont plus immatйrielles que celles qui sont dans les
choses naturelles. Donc comme les formes naturelles sont causes de formes qui
leur sont semblables, il semble que celles qui sont dans l'esprit de l'ange ont
avec plus de force produit les formes naturelles qui leur sont semblables. Mais
la diversitй des choses et par consйquent la pluralitй, vient de la forme. Donc
il semble que la pluralitй n'a procйdй de Dieu que par l'intermйdiaire des
crйatures supйrieures.
q. 3 a. 16 arg. 22
Praeterea, quidquid Deus facit, est unum. Ergo ab eo non est nisi unum; et ita
ipse non erit causa multitudinis. 22. Tout ce que Dieu fait est un. Donc, de lui, ne vient que l'un et
ainsi il ne sera pas cause de la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 23
Praeterea, Deus non intelligit nisi unum: quia nihil intelligit extra se, ut
probatur in XII Metaph. Sed ipse est causa rerum per intellectum suum. Ergo
ipse non causat nisi unum.
23. Dieu n'a qu'une pensйe, parce qu'il ne pense rien hors de lui,
comme on le prouve en Mйtaphysique,(XII,
9, 1074 b 34[10]). Mais lui-mкme est cause des crйatures par son esprit. Donc
il n'est cause que d'une (crйature).
q. 3 a. 16 arg. 24
Praeterea, Anselmus dicit, quod creatura in Deo est creatrix essentia. Sed creatrix essentia est tantum una. Ergo et creatura in Deo est tantum
una. Sed hoc modo creatur creatura a Deo secundum
quod in ipso praecessit. Ergo a Deo non est nisi una tantum
creatura; et sic a Deo non procedit multitudo. 24. Anselme (Monologium ch.
VIII) dit que l'essence crйatrice est crйature en Dieu[11]. Mais elle n'est
qu'une. Donc la crйature aussi est seulement une en Dieu. Mais de cette
maniиre, la crйature est causйe par Dieu selon qu'elle existe auparavant en
lui. Donc par Dieu il n'y a qu'une seule crйature. Et ainsi la pluralitй ne
procиde pas de Dieu.
En sens contraire: q. 3 a. 16 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Sapient. cap. XI, 21: omnia in numero et pondere
et mensura disposuisti, domine. Sed numerus non est sine multitudine. Ergo a
Deo procedit multitudo. 1. On lit en Sg. 11, 21: "Tu as tout disposй, Seigneur, en nombre,
poids et mesure." Mais il n'y a pas de nombre sans pluralitй. Donc
celle-ci procиde de Dieu.
q. 3 a. 16 s. c. 2
Praeterea, virtus Dei praecedit virtutem cuiuslibet alterius rei. Sed unum
punctum potest esse principium multarum linearum. Ergo sic Deus, quamvis sit
unus, potest esse principium creaturarum multarum. 2. Le pouvoir de Dieu prйcиde celui de n'importe quelle chose. Mais un
seul point peut кtre le principe de nombreuses lignes. Donc, quoique Dieu soit
un, il peut кtre le principe de nombreuses crйatures.
q. 3 a. 16 s. c. 3
Praeterea, illud quod est proprium uni in quantum est unum, maxime competit ei
quod est maxime unum. Sed proprium est unitatis quod sit multitudinis
principium. Ergo hoc maxime competit Deo quod est summe unum, quod ab eo
multitudo procedat. 3. Ce qui est propre а une chose, en tant qu'unitй, convient tout а
fait а ce qui est tout а fait un. Mais le propre de l'unitй est d'кtre le
principe de la pluralitй. Donc il convient parfaitement а Dieu d'кtre l'Un
suprкme, parce que de lui procиde la multiplicitй.
q. 3
a. 16 s. c. 4 Praeterea, Boetius dicit in principio arithmeticae, quod secundum
exemplar numeri Deus res in esse produxit. Sed exemplatum
exemplari conformatur. Ergo produxit res sub multitudine et numero. 4. Boиce dit au dйbut de l'Arithmйtique (ch. 2), que Dieu a amenй les
choses а l'кtre selon l'exemplaire du nombre. Mais l'image est conforme а
l'exemplaire. Donc il a produit les choses sous la pluralitй et le nombre.
q. 3 a. 16 s. c. 5
Praeterea, in Psal. CIII, 24, dicitur: omnia in sapientia fecisti. Sed cum
sapientis sit ordinare, oportet ea quae per sapientiam fiunt, ordinem habere,
et per consequens multitudinem. Ergo rerum multitudo a Deo processit. 5. Dans le Ps. 103, 24, on dit: "Tu as tout fait avec sagesse".
Mais comme le propre de la sagesse c'est d'ordonner, il faut que ce qui est
fait avec sagesse, ait l'ordre et par consйquent la pluralitй. Donc celle-ci
provient de Dieu.
Rйponse: q. 3 a. 16 co Respondeo.
Dicendum, quod multa non posse procedere ab uno principio immediate et proprie,
videtur esse ex determinatione causae ad effectum, ex qua videtur debitum et
necessarium ut si est talis causa, talis effectus proveniat. Causae autem sunt
quatuor, quarum duae, scilicet materia et efficiens, praecedunt causatum,
secundum esse internum; finis vero etsi non secundum esse, tamen secundum
intentionem; forma vero neutro modo, secundum quod est forma; quia cum per eam
causatum esse habeat, esse eius simul est cum esse causati; sed in quantum
etiam ipsa est finis, praecedit in intentione agentis. Et quamvis forma sit
finis operationis, ad quem operatio agentis terminatur, non tamen omnis finis
est forma. Est enim aliquis finis intentionis praeter finem operationis, ut
patet in domo. Nam forma eius est finis terminans operationem aedificatoris;
non tamen ibi terminatur intentio eius, sed ad ulteriorem finem, quae est
habitatio; ut sic dicatur, quod finis operationis est forma domus, intentionis
vero habitatio. Que beaucoup de choses ne puissent procйder d'un seul principe
immйdiatement et en propre, cela semble venir de la limitation de la cause par
l'effet; par elle il semble nйcessaire que, s'il y a telle cause, il en
provienne tel effet. Les causes sont au nombre de quatre, dont deux,
c'est-а-dire la cause matйrielle et la cause efficiente, prйcиdent l'effet
selon l'кtre interne. Mais la fin, mкme si elle ne concerne pas l'кtre,
concerne l'intention; la forme (ne la concerne) en aucune maniиre, en tant que
telle, parce que, comme l'кtre est causй par elle, elle existe en mкme temps
que l'кtre de l'effet; mais dans la mesure mкme oщ elle-mкme est la fin, elle
est avant dans l'intention de l'agent. Et quoique la forme soit la fin de
l'opйration, а laquelle celle de l'agent se termine, toute fin n'est pas une
forme. Car il y a une fin de l'intention au delа de la fin de l'opйration,
comme cela paraоt dans une maison. Car sa forme est la fin qui termine
l'opйration du bвtisseur; cependant son intention ne se termine pas lа, mais а
une fin ultйrieure qui est l'habitation; de sorte qu'on dit que la fin de
l'opйration est la forme de la maison, mais celle de son intention c'est
l'habitation.
Debitum igitur essendi tale causatum non potest esse ex
forma in quantum est forma, quia sic concomitatur causatum; sed vel ex virtute
causae efficientis, vel ex materia vel ex fine, sive sit finis intentionis,
sive finis operationis. Non potest autem dici in Deo, quod effectus eius habeat
debitum essendi ex materia. Nam cum ipse sit totius esse auctor, nihil quolibet
modo esse habens praesupponitur eius actioni, ut sic ex dispositione materiae
necesse sit dicere talem vel talem eius esse effectum. Similiter nec ex
potentia effectiva. Nam cum eius activa potentia sit infinita, non terminatur
ad unum nisi ad id quod esset aequale sibi, quod nulli effectui competere
potest.
Un tel effet nйcessaire de l'кtre ne peut venir de la forme en tant que
telle, parce que, ainsi, elle accompagne l'effet; mais [il peut venir] du
pouvoir de la cause efficiente, de la matiиre ou de la fin, soit que ce soit la
fin de l'intention ou la fin de l'opйration. Mais on ne peut pas dire qu'en
Dieu son effet a un dы d'кtre de la matiиre[12]. En effet, comme lui-mкme est
auteur de tout l'кtre, rien ayant l'кtre de quelque maniиre n'est prйsupposй а
son action, de sorte qu'ainsi, par la disposition de la matiиre, il soit
nйcessaire de dire que son effet est tel ou tel. De la mкme maniиre, il ne peut
venir de la puissance effective (efficiente) non plus. Car comme sa puissance
active est infinie, elle ne se termine а l'un que pour ce qui lui serait йgal,
ce qui ne peut convenir а aucun effet.
Unde, si inferiorem sibi effectum producere sit necesse,
potentia sua, quantum in se est, non terminatur ad hunc vel illum distantiae
gradum, ut sic debitum sit ex ipsa virtute activa talem vel talem effectum
produci. C'est pourquoi, s'il est nйcessaire de produire un effet qui lui soit
infйrieur, sa puissance, pour ce qui est d'elle, ne se finit pas а telle ou
telle distance, de sorte а кtre obligйe de produire tel ou tel effet. par son
pouvoir actif.
Similiter nec ex fine intentionis. Hic enim finis est divina
bonitas, cui nihil accrescit ex effectuum productione. Nec iterum per effectus
potest totaliter repraesentari vel eis totaliter communicari, ut sic possit
dici, quod debitum sit talem vel talem Dei effectum esse, ut totaliter divinam
bonitatem participet, sed possibile est effectum multis modis eam participare;
unde nullius eorum necessitas est ex fine. Sic ex fine necessitas sumitur,
quando intentio finis compleri non potest vel omnino, vel inconvenienter, nisi
hoc vel illo existente.
De la mкme maniиre, cela ne vient pas de la fin intentionnelle. Car
cette fin est la bontй divine qui n'est en rien accrue par la production des
effets. Et en plus par les effets il ne peut кtre reprйsentй totalement ou
communiquй totalement а eux, de sorte qu'on puisse dire qu'il est nйcessaire
qu'il y ait tel ou tel effet pour recevoir en totalitй la bontй divine, mais il
est possible que l'effet la reзoive de nombreuses maniиres. C'est pourquoi la
nйcessitй d'aucun d'eux ne vient de la fin. Ainsi la nйcessitй vient de la fin
quand son intention ne peut кtre accomplie, ou totalement ou d'une maniиre
inconvenante, que par l'existence de ceci ou cela.
Relinquitur igitur quod debitum in operibus divinis esse non
potest nisi ex forma, quae est finis operationis. Ipsa enim cum non sit
infinita, habet determinata principia, sine quibus esse non potest; et
determinatum modum essendi, ut si dicamus, quod supposito quod Deus intendat
hominem facere, necessarium est et debitum quod animam rationalem ei conferat
et corpus organicum, sine quibus homo esse non potest. Et similiter possumus
dicere in universo. Quod enim Deus tale universum constituere voluerit, non est
necessarium neque debitum, neque ex fine neque ex potentia efficientis, neque
materiae, ut ostensum est.
Il reste donc que ce qui est dы dans les oeuvres divines ne peut
exister que de la forme qui est la fin de l'opйration. En effet, comme elle
n'est pas infinie, elle possиde des principes dйterminйs, sans lesquels elle ne
peut exister; et un mode dйterminй d'кtre, comme si on disait que, supposй que
Dieu ait l'intention de faire un homme, il doit nйcessairement lui confйrer un
dы qui est l'вme rationnelle et un corps organique sans lesquels il ne peut pas
exister. Et nous pouvons dire la mкme chose pour l'univers. Car que Dieu ait
voulu constituer une tel univers, ce n'est ni nйcessaire ni dы а cause de la
fin, de la puissance de l'efficience, ni de celle de la matiиre, comme on l'a
montrй.
Sed supposito quod tale universum producere voluerit,
necessarium fuit quod tales et tales creaturas produxerit, ex quibus talis
forma universi consurgeret. Et cum ipsa universi perfectio et multitudinem et
diversitatem rerum requirat, quia in una earum inveniri non potest propter
recessum a complemento bonitatis primae; necesse fuit ex suppositione formae
intentae quod Deus multas creaturas et diversas produceret; quasdam simplices,
quasdam compositas; et quasdam corruptibiles, et quasdam incorruptibiles.
Mais supposй qu'il ait voulu produire une tel univers, il lui a йtй
nйcessaire de produire telles ou telles crйatures, desquelles surgirait une
telle forme de l'univers. Et comme la perfection de l'univers demande la
pluralitй et la diversitй des crйatures, parce qu'elle ne peut pas y кtre
trouvйe dans l'une de ces crйatures seulement, parce qu'elle est loin de la
perfection de la bontй premiиre, il a йtй nйcessaire, en supposant cette forme
recherchйe, que Dieu produise des crйatures nombreuses et diverses, certaines
simples, d'autres composйes, certaines corruptibles, d'autres incorruptibles.
Hoc autem quidam philosophi non considerantes, diversimode a
veritate deviaverunt. Certains philosophes[13], qui n'ont pas pris en compte ces
considйrations, ont dйviй de la vйritй de diverses maniиres.
Quidam namque non intelligentes Deum universi esse auctorem,
posuerunt materiam non ab alio existentem, et ex eius necessitate rerum
diversitatem produci, vel secundum raritatem vel secundum spissitudinem
materiae res diversificantes, ut antiquissimi naturalium philosophorum, qui
tantum causam materialem perceperunt; vel secundum actionem alicuius causae
efficientis, quae secundum diversitatem materiae diversos effectus producebat,
sicut Anaxagoras posuit intellectum divinum, qui diversas res producebat, eas a
commixtione materiae segregando, et sicut Empedocles, qui per amicitiam et
litem, secundum diversitatem materiae diversos effectus vario modo distinctos vel
coniunctos ponebat.
A) Car certains ne comprenant pas que Dieu est l'auteur de l'univers
ont pensй que la matiиre n'existait pas par un autre (que lui[14]), que la
diversitй des crйatures йtait produite par sa nйcessitй, qu'ils n'apportaient
la diversification selon la raretй ou la densitй de la matiиre, comme les plus
anciens des philosophes Naturalistes qui n'ont dйcouvert que la cause
matйrielle, ou selon l'action d'une cause efficiente qui, selon la diversitй de
la matiиre, produisait des effets divers, comme Anaxagore qui a pensй que
l'esprit divin produisait diverses choses, en extrayant ce qui йtait mйlange
dans la matiиre; et comme Empйdocle qui pensait que par l'amitiй et le procиs,
il y avait, selon la diversitй de la matiиre, divers effets distincts ou
conjoints sous un mode variй.
Quorum falsitas apparet ex duobus. Leur erreur apparaоt de deux maniиres.:
Primo ex hoc quod non ponebant omne esse a primo et summo
ente effluere, quod in alia quaestione est ostensum.
a) Du fait qu'ils ne pensaient pas que tout кtre dйcoule de l'кtre
premier et suprкme, ce qui a йtй montrй dans une autre question.
Secundo, quia secundum eos sequebatur quod partium universi
distinctio et earum ordo essent a casu; quia sic necesse erat propter materiae
necessitatem.
b) Parce que, selon eux, il en dйcoulait que la distinction des parties
de l'univers et leur ordre venaient du hasard, et parce qu'il йtait nйcessaire
а cause de la nйcessitй de la matiиre.
Alii pluralitatem rerum et modos diversos earum ex necessitate
causae efficientis ponebant, sicut Avicenna, et eius sequaces. Posuit enim,
quod primum ens, in quantum intelligit se ipsum, producit unum tantum causatum,
quod est intelligentia prima, quam necesse erat a simplicitate primi entis
deficere, utpote in quantum potentialitas incepit admisceri actui, in quantum
esse recipiens ab alio non est suum esse, sed quodammodo potentia ad illud. Et
sic in quantum intelligit primum ens, procedit ab ea alia intelligentia ea
inferior, in quantum vero intelligit potentiam suam procedit ab ea corpus
caeli, quod movet; in quantum vero intelligit actum suum, procedit ab ea anima
caeli primi; et sic consequenter multiplicantur per multa media res diversae.
B) D'autres ont pensй que la pluralitй des choses et leurs modes divers
venaient de la nйcessitй de la cause efficiente, comme Avicenne (Mйtaphysique, tr. IX, c. 4[15]) et ses
successeurs. Car il a pensй que l'кtre premier, en tant qu'il se pense
(intelligit) lui-mкme, produit seul un effet qui est l'Intelligence premiиre,
il йtait nйcessaire qu'elle manque de la simplicitй du premier кtre, vu que,
autant la potentialitй commence а кtre mкlйe а l'acte, autant l'кtre qui reзoit
d'un autre n'est pas son кtre propre, mais d'une certaine maniиre puissance
pour lui[16]. Et ainsi dans la mesure oщ le premier кtre pense (intelligit), il
en dйcoule une autre intelligence qui lui est infйrieure, mais dans cette
mesure oщ elle pense sa puissance, le corps cйleste qu'elle meut, procиde
d'elle dans la mesure oщ elle pense son acte, l' вme du premier ciel procиde
d'elle et par consйquent, les diverses choses sont multipliйes par les nombreux
intermйdiaires.
Sed haec etiam positio stare non potest. Primo, quia ponit
potentiam divinam terminari ad unum effectum, qui est intelligentia prima.
Secundo, quia ponit alias substantias praeter Deum esse aliarum creatrices,
quod esse impossibile in alia quaestione, art. 4, ostensum est. Sequitur etiam
ad hanc positionem, sicut et ad primas, quod decor ordinis universi sit
casualis, ex quo rerum diversitatem non adscribit intentioni finis, sed
terminationi potentiarum activarum ad suos effectus.
Mais mкme cette position n'est pas valable non plus. D'abord, parce
qu'il pense que la puissance divine se termine а un seul effet, qui est
l'intelligence premiиre. Deuxiиmement, parce qu'il pense que des substances
autres de Dieu sont crйatrices d'autres кtres, ce qui est impossible, on l'a
montrй dans une autre question, article 4. Il dйcoule aussi de cette opinion
comme pour les premiиres, que la beautй de l'ordre universel serait due au
hasard; par lа, il n'ajoute pas la diversitй des choses en vue de leur fin,
mais au terme des puissances actives pour leurs effets.
Alii vero circa debitum causae finalis erraverunt, sicut
Plato, et eius sequaces. Posuit enim quod bonitati Dei ab eo intellectae et
amatae debitum esset tale universum producere, ut sic optimus optimum
produceret. Quod quidem potest esse verum, si solum quantum ad ea quae sunt
respiciamus; non autem si respiciamus ad ea quae esse possunt. Hoc enim
universum est optimum eorum quae sunt; et quod sit sic optimum, ex summa Dei
bonitate habet. Non tamen bonitas Dei est ita obligata huic universo quin
melius vel minus bonum aliud universum facere potuisset.
. C) D'autres se sont trompйs а propos de la nйcessitй de la cause
finale, comme Platon, et ses successeurs. Car il a pensй qu'il serait
nйcessaire а la bontй de Dieu, comprise et aimйe par lui, de produire un tel
univers, pour qu'ainsi le meilleur produise le meilleur. Ce qui peut кtre vrai,
si seulement nous regardons ce qui est, mais non pas si nous regardons ce qui
peut кtre. Car cet univers est le meilleur de ceux qui existent, et qu'il soit
ainsi le meilleur, il le tient de la suprкme bontй de Dieu. Cependant celle-ci
n'a pas йtй liйe а cet univers de sorte qu'elle aurait pu faire un autre
univers meilleur ou moins bon.
Quidam etiam debitum causae formalis non attendentes, sed
solum debitum divinae bonitatis, erraverunt, sicut Manichaei; qui cum
considerarent Deum esse optimum, crediderunt a Deo esse tantum illas creaturas
quae inter alias sunt optimae, scilicet spirituales et incorruptibiles;
corporalia vero et corruptibilia alteri attribuerunt principio.
Ex simili etiam fonte prodiit Origenis error, licet huic
contrarius. Consideravit enim Deum esse optimum et iustum; unde ab ipso primo
fuisse conditas optimas creaturarum solas et aequales existimavit, scilicet
rationales creaturas; quibus ex libero arbitrio diversimode operantibus in
bonum vel in malum, consecutum esse dicebat ut diversi gradus rerum in universo
constituerentur, dicens: illas rationales creaturas quae ad Deum conversae
sunt, in angelicam dignitatem esse promotas, et secundum diversos ordines,
prout magis et minus meruerunt; e contrario vero ceteras rationales quae per
liberum arbitrium peccaverunt, in inferiora dicit esse prolapsas, et corporibus
alligatas; quasdam quidem soli, lunae et stellis, quae minus peccaverunt;
quasdam vero corporibus hominum; quasdam in Daemones esse conversas.
D) D'autres qui ne font pas attention а ce qui est nйcessaire а la
cause formelle, mais seulement а ce qui est nйcessaire а la divine bontй, se
sont trompйs, comme les Manichйens. Comme ils considйraient que Dieu йtait le
meilleur, ils ont cru que venaient de lui seulement ces crйatures, qui sont les
meilleures parmi les autres, c'est-а-dire, les crйatures spirituelles et
incorruptibles; mais ils attribuиrent les crйatures corporelles et corruptibles
а un autre principe.
Et c'est de la mкme source que provient l'erreur d'Origиne (Peri archon, I, 7 et 8) bien qu'elle
leur soit contraire. Car il a considйrй que Dieu йtait le meilleur et juste;
c'est pourquoi, il pensa que d'abord seules les meilleures des crйatures ont
йtй crййes, par lui d'abord seules et йgales c'est-а-dire les crйatures
rationnelles. Celles-ci ayant opйrй suivant leur libre arbitre de diffйrentes
maniиres en bien ou en mal, il disait qu'il en dйcoulait que divers degrйs
йtaient constituйs dans l'univers, ajoutant: ces crйatures rationnelles qui se
sont tournйes vers Dieu, ont йtй promues а la dignitй d'ange, en diffйrents
ordres, selon qu'elles mйritиrent plus ou moins; il dit qu'а l'inverse les
autres crйatures rationnelles qui pйchиrent suivant leur libre arbitre, ont
glissй dans les crйatures infйrieures et ont йtй liйes а des corps;
quelques-unes au soleil, а la lune et aux йtoiles, celles qui pйchиrent moins;
quelques-unes aux corps des hommes, certaines ont йtй transformйes en dйmons.
Uterque enim error ordinem universi praeterire
videtur in sua consideratione, considerando tantummodo singulas partes eius. Ex
ipso enim ordine universi potuisset eius ratio apparere, quod ab uno principio,
nulla meritorum differentia praecedente, oportuit diversos gradus creaturarum
institui, ad hoc quod universum esset complementum (repraesentante universo per
multiplices et varios modos creaturarum quod in divina bonitate simpliciter et
indistincte praeexistit) sicut et ipsa perfectio domus et humani corporis
diversitatem partium requirit. Neutrum autem eorum esset completum si omnes partes unius
conditionis existerent; sicut si omnes partes humani corporis essent oculus,
aliarum enim partium deessent officia. Et similiter si omnes partes domus
essent tectum, domus complementum et finem suum non consequeretur, ut scilicet
ab imbribus et caumatibus defendere posset.
Les deux erreurs, dans leur considйration, semblent dйtruire l'ordre de
l'univers, en ne tenant compte que de ses parties particuliиres. Car la raison
de l'univers peut apparaоtre de son ordre mкme: d'un principe unique sans
diffйrence antйrieure de mйrites, il fallut instituer diffйrents degrйs de
crйatures, pour que l'univers soit une perfection (l'univers reprйsentant les
modes multiples et variйes des crйatures, ce qui existe de faзon simple et sans
distinction, dans la bontй divine); de mкme que la perfection de la maison et
celle du corps humain a besoin de la diversitй de ses parties. Mais ni l'un ni
l'autre ne seraient complets, si toutes les parties existaient sous un seul
йtat; ainsi si tous les organes du corps humain йtaient l'oeil, le rфle des
autres parties manquerait. Et semblablement si toutes les parties de la maison
йtaient le toit, la maison ne serait pas complиte et n'atteindrait pas sa fin
pour, par exemple, pouvoir protйger des pluies et de la forte chaleur.
Sic igitur dicendum est, quod ab uno primo multitudo et
diversitas creaturarum processit, non propter materiae necessitatem, nec
propter potentiae limitationem, nec propter bonitatem, nec propter bonitatis
obligationem; sed ex ordine sapientiae, ut in diversitate creaturarum perfectio
consisteret universi. Ainsi donc il faut dire que la pluralitй et la diversitй des crйatures
a procйdй d'un seul кtre premier, non а cause de la nйcessitй de la matiиre, de
la limitation de sa puissance, ni de sa bontй, ni de l'obligation de sa bontй,
mais de l'ordre de la sagesse, pour que la perfection de l'univers consiste
dans la diversitй des crйatures.
Solutions: q. 3 a. 16 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut Deus est unus, ita et unum produxit, non solum
quia unumquodque in se est unum, sed etiam quia omnia quodammodo sunt unum
perfectum, quae quidem unitas diversitatem partium requirit, ut ostensum est. # 1. De mкme que Dieu est un, de mкme, il a produit l'un, non seulement
parce que chacun en soi est un, mais encore, parce que tout d'une certaine
maniиre est unitй parfaite qui requiert la diversitй des parties, comme on l'a
montrй[17].
q. 3 a. 16 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod creatura assimilatur Deo in unitate, in quantum
unaquaeque in se una est, et in quantum omnes unum sunt unitate ordinis, ut
dictum est. # 2. La crйature ressemble а Dieu dans l'unitй, dans la mesure oщ
chaque chose est une en soi, et oщ toutes sont unes par l'unitй de nature,
comme on l'a dit.
q. 3 a. 16 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod malitia totaliter in non esse consistit; multitudo autem
causatur ex ente. Ipsa enim differentia, per quam entia dividuntur ad invicem,
quoddam ens est. Unde Deus non est auctor tendendi ad non esse, sed est omnis
esse auctor; non est principium malitiae sed est principium multitudinis.
Sciendum autem, quod duplex est unum; # 3. le mal[18] consiste totalement dans le non кtre. Mais la pluralitй
est causйe а partir de l'кtre. Car la diffйrence mкme par laquelle les кtres
sont divisйs entre eux, est un certain кtre. C'est pourquoi, Dieu n'est pas le
crйateur de ce qui tend au non-кtre mais le crйateur de tout кtre. Il n'est pas
le principe du mal, mais celui de la pluralitй. Mais il faut savoir que l'un
est double:
quoddam scilicet quod convertitur cum ente, quod nihil addit
supra ens nisi indivisionem; et hoc unum privat multitudinem, in quantum
multitudo ex divisione causatur; non quidem multitudinem extrinsecam quam unum
constituit sicut pars; sed multitudinem intrinsecam quae unitati opponitur. Non
enim ex hoc quod aliquid dicitur esse unum, negatur quin aliquid sit extra
ipsum quod cum eo constituat multitudinem; sed negatur divisio ipsius in multa a) A savoir ce qui est convertible avec l'йtant, qui ne lui ajoute rien
sinon l'indivision; et ce "un" supprime la pluralitй, dans la mesure
oщ elle est causйe par la division; non la pluralitй extrinsиque que l'un a
constituй comme partie; mais la pluralitй intrinsиque qui est opposйe а
l'unitй. Car ce n'est pas de ce que quelque chose est dit un, qu'est niй que
quelque chose soit hors de lui qui constituerait la pluralitй avec lui; mais sa
division est niйe dans le multiple.
Aliud vero unum est quod est principium numeri, quod supra
rationem entis addit mensurationem; et huius unius multitudo est privatio, quia
numerus fit per divisionem continui. Nec tamen multitudo privat unitatem
totaliter, cum diviso toto adhuc remaneat pars indivisa; sed removet unitatem
totius. Sed malitia, quantum est in se, removet bonitatem, nullo modo eam
constituens, nec ab ea constituta. b) L'autre un est ce qui est principe du nombre, qui ajoute la mesure а
la nature de l'кtre; et la pluralitй de cette unitй est privation, parce que le
nombre se fait par la division du continu. Cependant la pluralitй n'йcarte pas
totalement l'unitй, puisque la partie indivise demeure encore quand tout est
divisй, mais elle йloigne l'unitй du tout. Mais le mal, quant а lui, йloigne la
bontй, en ne la constituant en aucune maniиre, et il n'est pas constituй par
elle.
q. 3 a. 16 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod ens alio modo se habet ad ea quae sub ente continentur,
et alio modo animal vel quodlibet aliud genus ad species suas. Species enim
addit supra genus, ut homo supra animal, differentiam aliquam quae est extra
essentiam generis. Animal enim nominat tantum naturam sensibilem, in qua
rationale non continetur; sed ea quae continentur sub ente, non addunt aliquid
supra ens quod sit extra essentiam eius; unde non oportet quod illud quod est
causa animalis in quantum est animal, sit causa rationalis in quantum
huiusmodi. Oportet autem illud quod est causa entis in quantum est ens, esse
causam omnium differentiarum entis, et per consequens totius multitudinis
entium. # 4. L'йtant, pour ce qui est contenu sous lui, se comporte d'une autre
maniиre que l'animal ou n'importe quel autre genre vis-а-vis de leurs espиces.
Car l'espиce ajoute au genre, comme l'homme а l'animal, une diffйrence qui est
hors de l'essence du genre. Car l'animal dйsigne seulement la nature sensible
qui ne contient pas le rationnel; mais ce qui est contenu sous l'йtant ne lui
ajoute rien qui soit hors son essence; c'est pourquoi, il ne faut pas que ce
qui est cause de l'animal en tant qu'animal, soit cause du rationnel en tant
que tel. Mais il faut que ce qui est cause de l'йtant en tant que tel, soit
cause de toutes ses diffйrences, et par consйquent de toute la pluralitй des
йtants.
q. 3 a. 16 ad 5 Ad quintum dicendum, quod
appropriatio causae ad effectum attenditur secundum assimilationem effectus ad
causam. Assimilatio autem creaturae ad Deum attenditur secundum hoc quod
creatura implet id quod de ipsa est in intellectu et voluntate Dei; sicut
artificiata similantur artifici in quantum in eis exprimitur forma artis, et
ostenditur voluntas artificis de eorum constitutione.
# 5. L'appropriation de la cause а l'effet est atteinte par la
ressemblance de l'effet а la cause. Mais l'assimilation de la crйature а Dieu
est atteinte selon que la crйature achиve ce qui la concerne dans l'intellect
et la volontй de Dieu; ainsi les oeuvres artificielles ressemblent а l'artisan
dans la mesure oщ s'exprime en eux la forme de l'art, et la volontй de
l'artisan se montre au sujet de leur constitution. Car de mкme que la chose
naturelle agit par sa forme, de mкme, l'artisan agit par son esprit et sa
volontй. Donc Dieu est ainsi la cause propre de chaque crйature, dans la mesure
ou il pense (intelligit) et veut que chaque crйature existe. Mais ce qu'on appelle
le mкme ne peut кtre le propre de plusieurs, il faut comprendre quand se fait
l'appropriation par l'adйquation[19]; ce qui ne concerne pas notre propos.
q. 3 a. 16 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod solutio patet ex dictis. # 6. La solution paraоt dans ce qui vient d'кtre dit.
q. 3 a. 16 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod licet sit quaedam similitudo creaturae ad Deum, non
tamen adaequatio; unde non oportet, si unitas Dei caret omni multitudine et
compositione, quod propter hoc oporteat talem esse creaturae unitatem.
# 7. Bien qu'il existe une certaine ressemblance de la crйature а Dieu,
il n'y a cependant pas une adйquation; c'est pourquoi, il ne faut pas, si
l'unitй de Dieu manque de toute pluralitй et de composition, qu'а cause de
cela, il faille qu'il existe une telle unitй pour la crйature.
q. 3 a. 16 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod licet effectus non possit excedere causam suam, tamen
causa potest excedere effectum; et ideo licet ab una causa possint procedere
plures effectus, tamen non potest unus effectus a pluribus causis immediate
procedere. # 8. Bien que l'effet ne puisse pas dйpasser sa cause, cependant
celle-ci peut dйpasser l'effet, et ainsi bien que plusieurs effets puissent
procйder d'une cause unique, cependant un seul effet unique ne peut pas
procйder immйdiatement de plusieurs causes
q. 3 a. 16 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet eadem sit potentia in Deo generandi et creandi
secundum rem, non tamen idem respectus in utraque connotatur: sed potentia
generandi connotat respectum ad id quod procedit per naturam; et ideo oportet
tantum unum esse; sed potentia creandi importat respectum ad id quod procedit
per voluntatem; unde non oportet quod sit unum.
# 9. Bien que la puissance de Dieu soit la mкme en rйalitй pour
engendrer et crйer, cependant on ne comprend pas le mкme rapport pour l'un et
l'autre; la puissance d'engendrer comprend un rapport а ce qui procиde par
nature, et c'est pourquoi il faut seulement un seul кtre, mais la puissance de
crйer apporte un rapport а ce qui procиde par volontй; c'est pourquoi il ne
faut pas qu'il soit un.
q. 3 a. 16 ad 10 Ad decimum dicendum, quod non
oportet, sicut dictum est, huiusmodi unitatem esse in creatura et in Deo; licet
creatura Deum in unitate imitetur. # 10. Il ne faut pas, comme on l'a dit, qu'une telle unitй soit dans la
crйature et en Dieu, bien que la crйature imite Dieu dans son unitй.
q. 3 a. 16 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod quamvis actio Dei sit una et simplex, quia est
eius essentia; non tamen oportet quod sit unus tantum effectus, sed multi; quia
ex actione divina procedit effectus secundum ordinem sapientiae et arbitrium
voluntatis.
# 11. Quoique l'action de Dieu soit une et simple, parce qu'elle est
son essence; il ne faut cependant pas qu'il y ait un seul effet, mais de nombreux
effets; parce que l'effet procиde de l'action divine selon l'ordre de la
sagesse et le libre arbitre de la volontй.
q. 3 a. 16 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod quando exemplatum perfecte repraesentat
exemplar, ab uno exemplari non est nisi unum exemplatum, nisi per accidens, in
quantum exemplata materialiter distinguuntur. Creaturae vero non perfecte
imitantur suum exemplar. Unde diversimode possunt ipsum imitari, et sic esse
diversa exemplata. Perfectus autem modus imitandi est unus tantum: et propter
hoc filius, qui perfecte imitatur patrem, non potest esse nisi unus.
# 12. Quand l'effet reprйsente parfaitement l'exemplaire, il n'y a
qu'un effet sauf accident, dans la mesure oщ les effets sont distinguйs
matйriellement. Mais les crйatures n'imitent pas parfaitement leur exemplaire.
C'est pourquoi, elles peuvent l'imiter de diverses maniиres, et il y a
diffйrentes images. Mais le mode d'imitation parfait est unique; et а cause de
cela, le Fils, qui imite parfaitement le Pиre, ne peut кtre qu'unique.
q. 3 a. 16 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet forma intellectus divini sit una tantum
secundum rem, est tamen multiplex ratione secundum diversos respectus ad
creaturam, prout scilicet intelliguntur creaturae diversimode formam divini intellectus
imitari. # 13. Bien que la forme de l'esprit divin soit une seulement en
rйalitй, elle est cependant multiple en raison, selon les divers rapports а la
crйature, naturellement selon qu'on comprend que les crйatures imitent de
diverses maniиres la forme de l'esprit divin.
q. 3 a. 16 ad 14 Ad decimumquartum dicendum,
quod isti diversi respectus ad creaturam non solum sunt in intellectu nostro,
sed etiam in intellectu divino. Nec tamen diversa aliqua sunt in intellectu
divino, in quibus Deus intelligat; quia intelligit tantum uno, quod est sua
essentia; sed sunt ibi multa, ut ab ipso intellecta. Sicut
enim nos intelligimus quod creatura potest Deum multipliciter imitari, ita et
Deus hoc intelligit; et per consequens intelligit diversos respectus creaturae
ad Deum.
# 14. Ces diffйrents rapports а la crйature non seulement sont dans
notre esprit, mais aussi dans l'esprit divin. Cependant certaines [crйatures],
а qui Dieu pense (intelligit) ne sont pas diffйrentes en son esprit, parce
qu'il pense seulement dans l'unitй qui est son essence; mais elles y sont
nombreuses, en tant que pensйes par lui. Car de mкme que nous pensons que la
crйature peut imiter Dieu de multiples maniиres, Dieu le pense aussi, et par
consйquent, il pense les diffйrents rapports de la crйature а lui.
q. 3 a. 16 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod sicut Deus uno intelligit omnia, ita etiam et per
unam apprehensionem. Nam actum intellectus oportet esse unum vel multos,
secundum unitatem vel multitudinem principii quo intelligitur.
# 15. De mкme que Dieu pense (intelligit) tout par l'un, de mкme il le
pense en un seul concept aussi. Car il faut que l'acte de l'intellect soit un
ou multiple, selon l'unitй ou la pluralitй du principe par lequel il est pensй.
q. 3 a. 16 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet multitudo praeter multa, non sit nisi in
ratione, multitudo tamen in multis est etiam in rerum natura: sicut etiam
animal commune non est nisi in ratione, natura tamen animalis est in
singularibus: et propter hoc multitudinem et animalis naturam oportet reducere
in Deum, sicut in causam.
# 16. Bien que la pluralitй, au-delа de nombreuses choses, ne soit
qu'en raison, cependant en beaucoup elle est aussi dans leur nature; ainsi mкme
l'animal commun n'existe qu'en raison, cependant sa nature animale est dans des
individus particuliers, et c'est pour cela qu'il faut ramener а Dieu la
pluralitй et la nature de l'animal comme а sa cause.
q. 3 a. 16 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod universum quod est a Deo productum, est optimum
respectu eorum quae sunt, non tamen respectu eorum quae Deus facere potest. # 17. L'univers, produit par Dieu, est le meilleur par rapport а ce qui
existe, non cependant par rapport а ce que Dieu peut faire.
q. 3 a. 16 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod ratio illa tenet quando id quod est ad finem
potest totaliter et perfecte consequi finem per modum adaequationis; quod in
proposito non contingit. # 18. Cette raison est valable, quand ce qui est en vue d'une fin, peut
totalement et parfaitement atteindre la fin par son mode d'adйquation, ce qui
ne concerne pas notre propos.
q. 3 a. 16 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod illa ratio est Origenis, nec habet magnam
efficaciam. Non enim est contra iustitiam quod inaequalia aequalibus dentur
nisi quando alicui redditur debitum; quod in prima rerum creatione non potest
dici. Quod enim ex propria liberalitate datur, potest dari plus vel minus
secundum arbitrium dantis, et secundum quod eius sapientia requirit.
# 19. Cette raison vient d'Origиne (Peri
Archon I, 7 et 8) et n'a pas grande efficacitй. Car ce n'est pas contre la
justice de donner ce qui est inйgal а ce qui est йgal, sinon quand on rend а
quelqu'un ce qui lui est dы: on ne peut pas le dire de la premiиre crйation.
Car ce qui est donnй par pure libйralitй, peut l'кtre plus ou moins selon le
libre arbitre de celui qui donne, et selon que sa sagesse le requiert.
q. 3 a. 16 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod licet creaturae aliae sint Angelo inferiores, tamen
earum productio requirit infinitam virtutem producentis, in quantum per
creationem producuntur in esse, utpote non ex praeiacenti materia factae. Et
ideo omnes creaturae, quae non sunt factae ex praeiacenti materia, oportet
dicere immediate a Deo esse creatas.
# 20. Bien que les autres crйatures soient infйrieures а l'ange,
cependant leur production requiert un pouvoir infini du crйateur, dans la
mesure oщ elles sont amenйes а l'кtre par crйation, vu qu'elles ne sont pas
crййes d'une matiиre prйexistante. Et c'est pourquoi, de toutes les crйatures
qui n'ont pas йtй faites d'une matiиre prйexistante, on doit dire qu'elles ont
йtй crййes sans intermйdiaire par Dieu.
q. 3 a. 16 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod cum creatio terminetur ad esse tamquam ad
proprium effectum, impossibile est dicere, ea quae a Deo creantur, ab Angelis
formas habere, cum omne esse sit a forma. # 21. Comme la crйation se termine а l'кtre comme а son effet propre,
il est impossible de dire que ce qui est crйй par Dieu, reзoit des anges sa
forme, puisque tout кtre vient par la forme.
q. 3 a. 16 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod licet quidquid Deus facit, in se sit unum,
tamen haec unitas, ut dictum est, non removet omnem multitudinem, sed manet
illa cuius unum est pars. # 22. Bien que, tout ce que Dieu fait soit un en lui, cependant cette
unitй, comme on l'a dit, n'exclut pas toute pluralitй, mais demeure celle dont
l'un est une partie.
q. 3 a. 16 ad 23 Ad
vicesimumtertium dicendum, quod verbum philosophi, cum dicit quod Deus nihil
intelligit extra se, non est intelligendum quasi Deus ea quae sunt extra ipsum
non intelligat; sed quia illa etiam quae extra ipsum sunt, non extra se, sed in
se intuetur, quia per essentiam suam omnia alia cognoscit.
# 23. La parole du Philosophe, quand il dit que Dieu ne pense (intelligit)
rien hors de lui, ne doit pas кtre comprise comme si Dieu ne comprenait pas ce
qui est hors de lui-mкme, mais parce que ce qui est hors de lui, il ne le voit
pas hors de lui, mais en lui, parce qu'il connaоt tous les autres кtres par son
essence.
q. 3 a. 16 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum,
quod creatura dicitur esse in Deo dupliciter. # 24. On dit que la crйature est en Dieu de deux maniиres:
Uno modo sicut in causa gubernante et conservante esse
creaturae; et sic praesupponitur esse creaturae distinctum a creatore ad hoc
quod creatura a Deo esse dicatur. Non enim intelligitur creatura conservari in
esse nisi secundum quod iam habet esse in propria natura, secundum quod esse
creaturae a Deo distinguitur. Unde creatura hoc modo in Deo existens non est
creatrix essentia. a) Comme dans la cause qui gouverne et conserve l'кtre de la crйature,
et ainsi on prйsuppose que l'кtre de la crйature est diffйrent du Crйateur du
fait qu'on dit que la crйature existe par Dieu. Car on ne comprend que la crйature
soit conservйe а l'кtre, sinon selon qu'elle l'кtre a dйjа dans sa propre
nature, en tant que selon que l'кtre de la crйature est distinguй de Dieu.
C'est pourquoi la crйature qui existe en Dieu, de cette maniиre, n'est pas
essence crйatrice.
Alio modo dicitur creatura esse in Deo sicut in virtute
causae agentis, vel sicut in cognoscente; et sic creatura in Deo est ipsa
essentia divina, sicut dicitur Ioannis I, 3: quod factum est in ipso vita erat.
Quamvis autem hoc modo creatura in Deo existens sit divina essentia, non tamen
per istum modum est ibi una tantum creatura, sed multae. Nam essentia Dei est
sufficiens medium ad cognoscendum diversas creaturas, et sufficiens virtus ad
eas producendas. b) On dit que la crйature est en Dieu[20] comme dans le pouvoir de la
cause efficiente, ou comme dans celui qui connaоt, et ainsi la crйature en Dieu
est l'essence mкme de Dieu, comme on le dit (Jn 1, 3) "Ce qui a йtй fait
йtait la vie en lui". Quoique, de cette maniиre, la crйature qui existe en
Dieu soit l'essence divine, cependant de cette maniиre, il n'y a pas lа
seulement une crйature, mais de nombreuse crйatures. Car l'essence de Dieu est
un intermйdiaire suffisant pour connaоtre les diffйrentes crйatures, et son
pouvoir est suffisant pour les produire.
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[1] Ia, qu. 47, a. 1 – CG II,
39-46; III, 97– Pot 3, 1 ad 9 – Compendium. 71, 72, 102, – Mйtaphysique,
XII, lectio 2,– De causis, prop. 24
[2]
Les deux arguments s'oppose а l'opinion d'Avicenne.
a)
Dieu seul crйe Pot. qu. 3, a. 4 c. Pour Avicenne d'autres substances que Dieu
sont crйatrices.
b)
Selon cela l'universalitй des кtres ne viendrait pas de l'intention de l'agent,
mais du concours de nombreuses cause, c'est-а-dire du hasard.
[3]
. Cf. Ia, qu. 11, a. 1. "L'un n'ajoute rien а l'йtant, mais seulement la
nйgation de la division: car l'un ne signifie rien d'autre que l'кtre non
divisй. Et de lа paraоt qu'il est convertible avec l'йtant." Cf. Quodl 6,
1, 1, c.. Autre dйmonstration: chaque chose en tant qu'une est un йtant. C'est
pourquoi l'йtant et l'un sont convertibles. (Ia, 28, 2 - I Sent. d33a1 – CG 4,
14, – Pot 8, 2, Compendium. 54, 66, 67.
[4]
Comparaison des transcendentaux.
[5]
Thomas n° 2087.
[6]
Thomas n° 197.
[7]
Dieu est la cause exemplaire des crйatures, le modиle а l'image de qui est
faite la crйature. L'exemplaire, ce sont les idйes en Dieu. L'exemplatum est ce
qui dйpend de l'exemplaire, son effet, son image dans la rйalitй.
[8]
C'est la science de Dieu qui est la cause des crйatures (Ia, qu. 14, a. 8). Sa
science dйpend de son intellection.
[9]
C'est la thйorie d'Avicenne.
[10]
"L'Intelligence suprкme se pense donc elle-mкme, puisqu'elle est ce qu'il
y a de plus excellent et sa Pensйe est pensйe de pensйe." Thomas, 12,
lect. 11, n° 2614-2615. J. Tricot, p. 701 et note p. 702.
[11]
Il s'agit de l'idйe en Dieu, qui deviendra rйalitй. L'argument semble supposer
une seule idйe en Dieu. (Cf. De veritate, qu.3, a. 2 oщ le problиme est
longuement traitй).
[12]
. Cf. CG. II, 40, § 3: "Ce qui vient de l'intention de l'agent n'est pas
dы а la matiиre comme а sa cause premiиre" (Trad. C. Michon). La cause
efficiente lui est antйrieure comme cause, car la matiиre ne devient cause en
cate que selon qu'elle est mue par un agent.
[13]
La lecture de Ia, qu. 47, a. 1 c, apporte quelques prйcisions supplйmentaires
sur cet historique.
I.
Certains: ceux qui n'ont dйcouvert que la cause matйrielle.
a.
Les anciens naturalistes qui ne connaissaient que la cause matйrielle: Thalиs,
Anaximandre, Anaximиne, Dйmocrite, citйs en Ia, qu. 47.
b.
Anaxagore: les principes matйriels sont en nombre infini, mкlйs, confus,
l'intellect les sйpare pour йtablir la distinction des choses. (CG. II, 40, §
7).
II.
Distinction attribuйe aux agents seconds;
a)
Avicenne: production de l'Intelligence; Dieu en se connaissant lui-mкme produit
une premiиre intelligence; en elle, parce qu'elle n'est pas son кtre, commence
la composition de puissance et d'acte.
b)
Empйdocle.
[14]
C'est-а-dire qu'elle йtait incrййe, йternelle.
[15]
Avicenne dit: "Dieu en se connaissant lui-mкme, produisit une Intelligence
premiиre, laquelle, parce qu'elle n'est pas son propre кtre, est nйcessairement
composйe de puissance et d'acte (Cf. Ia, a. 2, ad 3). Ainsi cette premiиre
intelligence dans la mesure oщ elle comprend la cause premiиre, produisit une
seconde intelligence, en tant que se comprend selon qu'elle est en puissance,
il produisit le corps du ciel, qu'elle met en mouvement, en tant qu'elle se
comprend selon ce qu'elle a en acte, il produisit l'вme du ciel.
Mйtaphysique IX, 4 Le premier principe se pense lui-mкme.
402,15. – 404, 5 Il est donc clair que le premier des кtres existants... est
numйriquement un. Son essence et sa quidditй sont une, non dans une matiиre...
le premier effet est une intelligence pure parce que c'est une forme qui ne se
trouve pas dans la matiиre. B. c. Anawati p. 139. Suit la dйmonstration que ce
n'est pas une forme matйrielle.
[16]
En Ia, qu. 47, a. 1, c., la phrase est simplifiйe et plus claire:"L'intelligence
premiиre, du fait qu'elle n'est pas son propre кtre, est nйcessairement
composйe de puissance et d'acte."
[17]
Ia, qu. 47, a. 3 renvoie а cette solution. Il y dйmontre qu'il n'y existe qu'un
seul monde.
[18]
Thomas reprend en dйtail la comparaison de deux des transcendantaux, l'un et le
bien.
[19]
Comprendre par йquivalence.
[20]
Il s'agit des idйes en Dieu.
Article 17: Le monde a-t-il toujours existй?
q. 3
a. 17 tit. 1 Decimoseptimo quaeritur utrum mundus semper fuerit. Et
videtur quod sic. Il semble que oui[1].
Objections[2]: q. 3 a. 17 arg. 1
Quia proprium semper consequitur id cuius est proprium. Sed, sicut dicit
Dionysius, proprium est divinae bonitatis ad communicationem sui ea quae sunt
vocare; quod quidem fit creaturas producendo. Cum ergo divina bonitas semper fuerit, videtur quod semper creaturas in
esse produxerit; et ita videtur quod semper fuerit mundus.
1. Ce qui appartient en propre а une chose l'accompagne toujours. Mais,
comme le dit Denys (La hiйrarchie cйleste,
IV), le propre de la bontй divine c'est d'appeler ce qui existe pour se
communiquer; ce qu'il fait en produisant les crйatures. Donc, comme la bontй
divine a toujours existй, il semble qu'il a toujours fait venir des crйatures а
l'кtre, et ainsi il semble que le monde a toujours existй.
q. 3 a. 17 arg. 2
Praeterea, Deus non denegavit alicui creaturae id cuius est capax secundum suam
naturam. Sed aliquae creaturae sunt quarum natura est capax ut semper fuerit;
sicut caelum. Ergo videtur quod hoc fuerit caelo collatum ut semper esset. Sed
caelo existente oportet ponere alias creaturas esse, sicut probat philosophus,
in II de caelo et mundo. Ergo videtur quod mundus fuerit semper. Probatio
mediae. Omne quod est incorruptibile, habet virtutem ut sit semper: quia si
haberet virtutem ut esset aliquo tempore determinato tantum, non posset esse
semper: et ita non esset incorruptibile. Caelum autem est incorruptibile. Ergo
habet naturam quod sit semper.
2. Dieu n'a refusй а aucune crйature ce dont elle est capable selon sa
nature. Mais il y en a quelques-unes dont la nature est capable de toujours
exister, comme le ciel[3]. Donc il semble qu'il a йtй attribuй au ciel de
toujours exister. Mais du fait que le ciel existe, il faut admettre qu'il
existe d'autres crйatures, comme le prouve le Philosophe, (Le ciel et le monde, II, 3, 285 b 17[4]). Donc il semble que le
monde a toujours existй. Preuve intermйdiaire: Tout ce qui est incorruptible a
le pouvoir de toujours exister, parce que, s'il avait le pouvoir d'exister dans
un temps dйterminй seulement, il ne pourrait pas exister toujours; et ainsi il
ne serait pas incorruptible. Mais le ciel l'est. Donc il possиde une nature
pour exister toujours.
q. 3 a. 17 arg. 3
Sed dicendum, quod caelum non est simpliciter incorruptibile; decideret enim in
nihilum, nisi per virtutem Dei contineretur in esse.- Sed contra, non est
reputandum aliquid esse possibile vel contingens, propter hoc quod eius
destructio sequitur ex destructione consequentis; licet enim hominem esse
animal sit necessarium, tamen destructio eius sequitur ad destructionem huius
consequentis hominem esse substantiam. Non ergo videtur quod propter hoc possit
dici caelum esse corruptibile, quia eius non esse sequitur ad aliquam
positionem qua ponitur Deus suam continentiam subtrahere creaturis. 3. Mais il faut dire que le ciel n'est pas absolument incorruptible;
car il retournerait au nйant si Dieu, par son pouvoir, ne le maintenait pas а
l'existence. –En sens contraire, il ne faut pas penser qu'une chose est
possible ou contingente, parce que sa destruction dйcoule d'une consйquence,
car bien qu'il soit nйcessaire que l'homme soit un animal, cependant sa
destruction aboutit а la destruction de cette consйquence, а savoir que l'homme
est une substance. Donc il ne semble pas qu'а cause de cela, on puisse dire que
le ciel est corruptible, parce que son non-кtre aboutit а une position oщ on
pense que Dieu retire ce qui est nйcessaire aux crйatures.
q. 3 a. 17 arg. 4
Praeterea, sicut Avicenna probat in sua Metaphysic., quilibet effectus, in
comparatione ad suam causam est necessarius; quia si posita causa non
necessario sequitur effectus, adhuc posita causa possibile erit effectum esse
vel non esse; quod autem est in potentia, non reducitur in actum nisi per id quod
est actu; unde oportebit quod praeter causam praedictam sit aliqua alia causa
quae faciat effectum prodire in actum ex potentia qua possibile erat ipsum esse
vel non esse posita causa. Ex quo potest accipi, quod posita causa sufficienti
necesse est ipsum poni. Sed Deus est causa sufficiens mundi. Cum ergo Deus
fuerit semper, et mundus fuit semper.
4. Comme Avicenne le prouve dans sa Mйtaphysique
(livreIX, ch. 6[5]), n'importe quel effet est nйcessaire en comparaison а sa
cause, parce que, si on pose une cause, l'effet n'en dйcoule pas
nйcessairement. La cause une fois posйe, il sera possible que l'effet existe ou
n'existe pas; mais ce qui est en puissance n'est amenй а l'acte que par ce qui
est en acte; c'est pourquoi, il faudra qu'en plus de cette cause, il y en ait
une autre qui fasse passer l'effet а l'acte, а partir de la puissance par
laquelle il йtait possible qu'il soit ou qu'il ne soit pas, une fois la cause
posйe. A partir de lа, on peut admettre qu'une fois une cause suffisante posйe,
il est nйcessaire de poser l'effet. Mais Dieu est la cause suffisante du monde.
Donc, comme il a toujours existй, le monde aussi.
q. 3 a. 17 arg. 5
Praeterea, omne quod est ante tempus, est aeternum; aevum enim non est ante
tempus, sed incepit simul cum tempore. Sed mundus fuit ante tempus, fuit enim
creatus in primo instanti temporis, quod constat esse ante tempus; dicitur enim
Genes. I, 1: in principio creavit Deus caelum et terram, id est in principio
temporis. Ergo mundus fuit ab aeterno.
5. Tout ce qui existe avant le temps est йternel; car l'жvum[6]
n'existe pas avant le temps, mais il commence avec lui. Mais le monde a existй
avant le temps, car il a йtй crйй au premier instant du temps, ce qui montre
qu'il est avant le temps; car on dit dans la Genиse (1, 1): "Au
commencement, Dieu crйa le ciel et la terre", (glose interlinйaire):
c'est-а-dire au commencement du temps. Donc le monde a existй de toute
йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 6
Praeterea, idem manens idem, semper facit idem, nisi impediatur. Sed Deus semper
idem manet, sicut in Ps. ci, 28, legitur: tu autem idem ipse es. Cum igitur in
sua actione impediri non possit propter infinitatem suae potentiae, videtur
quod semper idem faciat. Et ita, cum aliquando mundum produxerit, videtur quod
etiam semper ab aeterno produxerit. 6. Ce qui demeure identique а lui-mкme fait toujours la mкme chose,
sauf empкchement. Mais Dieu demeure toujours identique а lui-mкme, comme on le
lit dans le Ps. 101, 28: "Toi, tu es le mкme". Donc, puisque, dans
son action, il ne peut pas кtre empкchй а cause de l'infinitй de sa puissance,
il semble qu'il fait toujours la mкme chose. Et ainsi, quand il a produit un
jour le monde, il semble qu'il l'a produit toujours, йternellement.
q. 3 a. 17 arg. 7 Praeterea, sicut homo
necessario vult suam beatitudinem, ita Deus necessario vult suam bonitatem et
quod ad eam pertinet. Sed ad bonitatem divinam pertinet productio creaturarum
in esse. Ergo hoc Deus necessitate vult; et ita videtur quod ab aeterno
producere creaturas voluerit, sicut voluit ab aeterno bonitatem suam esse. 7. L'homme veut nйcessairement sa bйatitude, de mкme Dieu veut
nйcessairement sa bontй et ce qui la concerne. Mais la venue des crйatures а
l'кtre appartient а la bontй divine. Donc Dieu le veut nйcessairement et ainsi
il semble qu'il a voulu produire les crйatures de toute йternitй, comme il a
voulu que sa bontй soit de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 8 Sed dicendum, quod ad
bonitatem Dei pertinet quod creaturae producantur in esse, non autem quod
producantur in esse ab aeterno.- Sed contra, maioris liberalitatis
est aliquid citius dare quam tardius. Sed liberalitas
divinae bonitatis est infinita. Ergo videtur quod ab aeterno esse creaturis
dederit. 8. Mais il faut dire que la venue des crйatures а l'кtre appartient а
la bontй de Dieu, mais pas qu'elles le soient de toute йternitй. – En sens
contraire, c'est une plus grande libйralitй de donner quelque chose plus tфt
que plus tard. Mais la libйralitй de la bontй divine est infinie. Donc il
semble qu'il a donnй l'кtre aux crйatures de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 9
Praeterea, Augustinus dicit: illud dico te velle quod facis si potes. Sed Deus
ab aeterno voluit mundum producere; alias fuisset mutatus, si accessisset ei
nova voluntas mundi creandi. Cum ergo nulla impotentia ei conveniat, videtur
quod ab aeterno mundum produxerit.
9. Augustin dit (Confessions, VIII,
9): "Je te dis de vouloir ce que tu fais si tu le peux[7]". Mais Dieu
a voulu produire le monde de toute йternitй; autrement il aurait subi un
changement s'il lui йtait arrivй une volontй nouvelle pour crйer le monde. Donc
comme nulle impuissance ne lui convient, il semble qu'il a produit le monde de
toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 10
Praeterea, si mundus non semper fuit; antequam mundus esset, aut erat possibile
ipsum esse, aut non. Si non erat possibile, ergo impossibile erat ipsum esse,
et necesse non esse; et sic nunquam fuisset in esse productus. Si autem
possibile erat eum esse, ergo erat aliqua potentia respectu ipsius; et ita erat
aliquod subiectum sive materia, cum potentia non nisi in subiecto esse possit. Sed si fuit materia fuit et forma; cum materia non possit omnino esse a
forma denudata. Ergo fuit aliquod corpus compositum ex materia et
forma, et ex consequenti fuit totum universum.
10. Si le monde n'a pas toujours existй, avant d'exister, il йtait
possible qu'il existe ou non[8]. Si ce n'йtait pas possible, il йtait donc
impossible qu'il soit et nйcessaire qu'il ne soit pas et ainsi jamais il
n'aurait йtй amenй а l'кtre. Mais s'il йtait possible qu'il existвt, il y avait
donc en lui une puissance par rapport а lui-mкme et ainsi il йtait un substrat
ou une matiиre, puisque la puissance ne peut exister que dans un substrat. Mais
s'il avait йtй matiиre, il aurait йtй forme, puisque la matiиre ne pourrait absolument
pas кtre dйnuйe de forme. Donc il y eut un corps composй de matiиre et de forme
et en consйquence l'univers entier a existй.
q. 3 a. 17 arg. 11
Praeterea, omne quod fit actu postquam fuit possibile fieri, educitur de
potentia in actum. Si ergo mundum fuit possibile fieri, antequam esset, oportet
dicere mundum eductum esse de potentia in actum; et ita materiam praecessisse,
et fuisse aeternam: ex quo sequitur idem quod prius. 11. Tout ce qui est devenu en acte aprиs en avoir йtй possible, passe
de la puissance а l'acte. Donc s'il a йtй possible que le monde soit fait,
avant qu'il ne soit, il faut dire que le monde est passй de la puissance а
l'acte et ainsi la matiиre a prйexistй et a йtй йternelle, il en dйcoule la
mкme consйquence que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 12
Praeterea, omne agens quod de novo incipit agere, movetur de potentia in actum.
Sed hoc Deo non potest competere, cum ipse sit omnino immobilis. Ergo videtur
quod ipse non incepit de novo agere, sed quod ab aeterno mundum produxerit. 12. Tout agent qui recommence а agir de nouveau passe de la puissance а
l'acte. Mais cela ne peut convenir а Dieu puisqu'il est absolument immuable.
Donc il semble qu'il n'a pas recommencй а agir de nouveau, mais il a produit le
monde de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 13
Praeterea, agens per voluntatem, si incipit facere quod prius volebat, cum
antea non fecisset, oportet ponere aliquid esse nunc inducens ipsum ad agendum,
quod prius non inducebat; quod est quodammodo expergefaciens ipsum. Sed non
potest dici quod aliquid aliud fuerit praeter Deum ante mundum, quod de novo
eum induxerit ad agendum. Cum ergo ab aeterno voluerit mundum facere (alias
voluntati eius aliquid accrevisset), videtur quod ab aeterno fecerit.
13. Si celui qui agit par volontй commence а faire ce qu'il voulait
auparavant, puisque auparavant il ne l'aura pas fait, il faut penser qu'il
existe quelque chose qui l'incite alors а agir, qui d'abord ne l'incitait pas;
ce qui est d'une certaine maniиre le "rйveiller". Mais on ne peut pas
dire que quelque chose d'autre ait existй en dehors de Dieu avant le monde, qui
l'aurait de nouveau incitй а agir. Donc, comme il a voulu faire le monde de
toute l'йternitй (autrement quelque chose se serait ajoutй а sa volontй), il
semble qu'il l'a fait de toute йternitй.
q. 3
a. 17 arg. 14 Praeterea, nihil movet voluntatem divinam ad agendum nisi bonitas
eius. Sed bonitas divina semper eodem modo se habet. Ergo et voluntas Dei
semper se habet ad productionem creaturarum; et ita ab aeterno creaturas
produxit. 14. Rien ne pousse la volontй divine а agir sinon sa bontй. Mais
celle-ci se comporte toujours de la mкme maniиre. Donc la volontй de Dieu est
toujours occupйe а la production des crйatures et ainsi il les a produit de
toute l'йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 15
Praeterea, illud quod est semper in principio et in fine sui nunquam incipit
nec desinit: quia unaquaeque res est post sui principium et ante sui finem. Sed
tempus semper est in sui principio et in sui fine; nihil enim est temporis nisi
instans, quod est finis praeteriti et principium futuri. Ergo tempus nunquam
incipit nec desinit, sed semper est; et per consequens motus semper, et mobile
semper, et totus mundus; tempus enim non est sine motu, nec motus sine mobili,
nec mobile sine mundo.
15 Ce qui est toujours а son commencement et а sa fin ne commence ni ne
finit jamais; parce que chaque chose se situe aprиs son commencement et avant
sa fin. Mais le temps est toujours а son commencement et а sa fin, car rien
n'appartient au temps que l'instant prйsent, qui est la fin du passй et le
commencement du futur. Donc le temps ne commence ni ne finit jamais, mais il
existe toujours, et par consйquent toujours aussi le mouvement, le mobile et le
monde tout entier; car le temps n'existe pas sans mouvement, ni le mouvement
sans mobile, ni le mobile sans le monde.
q. 3 a. 17 arg. 16
Sed dicendum, quod primum instans temporis non est finis praeteriti, nec
ultimum principium futuri.- Sed contra, nunc temporis semper consideratur ut
fluens, et in hoc differt a nunc aeternitatis. Sed quod fluit, ab alio in aliud
fluit. Ergo oportet omne nunc a priori nunc in posterius
fluere. Ergo impossibile est esse aliquod primum vel ultimum nunc.
16. Mais il faut dire que le premier instant du temps n'est pas la fin
d'un passй, ni l'ultime commencement du futur. – En sens contraire, on
considиre que le prйsent du temps s'йcoule toujours, et en cela il diffиre du
prйsent de l'йternitй. Mais ce qui s'йcoule, s'йcoule de l'un dans un autre.
Donc il faut que tout prйsent passe d'un instant avant dans un autre aprиs.
Donc il est impossible qu'il y ait un premier ou un dernier instant.
q. 3 a. 17 arg. 17
Praeterea, motus sequitur mobile, et tempus sequitur motum. Sed primum mobile,
cum sit circulare, non habet principium neque finem: quia in circulo non est
accipere principium et finem in actu. Ergo neque motus neque tempus habent
principium; et sic idem quod prius.
17. Le mouvement suit le mobile, et le temps suit le mouvement; mais
comme le premier mobile est circulaire, il n'a pas de commencement ni de fin:
parce que, dans le cercle, on ne peut comprendre ni commencement, ni fin en
acte. Donc ni le mouvement, ni le temps n'ont de commencement et ainsi de mкme
que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 18
Sed dicendum, quod licet ipsum corpus circulare non habeat principium
magnitudinis, habet tamen principium durationis.- Sed contra, duratio motus
sequitur mensuram magnitudinis: quia, secundum philosophum, quanta est
magnitudo, tantum est et motus, et tantum tempus. Si ergo in magnitudine
corporis circularis non est aliquod principium, nec in magnitudine motus et
temporis erit principium, et per consequens nec in eorum duratione, cum eorum
duratio, et praecipue temporis, sit eorum magnitudo. 18. Mais il faut dire que, bien que le corps circulaire mкme n'ait pas
un principe de grandeur, cependant il a un principe de durйe. – En sens
contraire, la durйe du mouvement est а la mesure de sa grandeur; parce que,
selon le Philosophe, plus il y a de grandeur, autant il y a de mouvement et de
temps. Si donc dans la grandeur du corps circulaire, il n'y a pas de principe,
dans la grandeur, il n'y aura pas de principe а la grandeur du mouvement et du
temps, ni par consйquent dans leur durйe, puisque la durйe et principalement
celle du temps est leur grandeur.
q. 3 a. 17 arg. 19
Praeterea, Deus est causa rerum per scientiam suam. Scientia autem relative
dicitur ad scibile. Cum igitur relativa sint simul natura, et scientia Dei sit
aeterna, videtur quod res sint ab ipso ab aeterno productae.
19. Dieu est cause des choses par sa science; mais on dit que la
science est relative au connaissable. Donc comme ce qui est relatif est en mкme
temps, par nature, et que la science de Dieu est йternelle, il semble que les
choses ont йtй produites par lui de toute l'йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 20
Praeterea, aut Deus praecedit mundum natura tantum, aut duratione. Si natura
tantum, sicut causa effectum sibi coaevum, videtur quod cum Deus fuerit ab
aeterno, et creaturae fuerint ab aeterno. Si autem praecedit mundum duratione,
si ergo est accipere aliquam durationem priorem duratione mundi, quae se habet
ad durationem mundi ut prius ad posterius. Sed duratio quae habet prius et
posterius est tempus. Ergo ante mundum fuit tempus, et per consequens motus et
mobile; et sic idem quod prius.
20. Dieu prйcиde le monde, en nature seulement ou en durйe. Si c'est en
nature seulement, comme l'effet est contemporain а la cause, il semble que
puisque Dieu a existй de toute йternitй, les crйatures aussi. Mais s'il a
prйcйdй le monde en durйe, ainsi il a а recevoir une durйe antйrieure а la
durйe du monde, qui se comporte pour la durйe du monde comme un avant et un
aprиs. Mais la durйe qui a un avant et un aprиs c'est le temps. Donc avant le
monde, il y eut le temps et par consйquent un mouvement et un mobile et ainsi
de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 21
Praeterea, Augustinus dicit: Deum ab aeterno dominum non fuisse dicere nolo.
Sed quandocumque fuit dominus, habuit creaturam sibi subiectam. Ergo non est
dicendum, quod creatura non fuerit ab aeterno.
21. Augustin dit (La Trinitй, V,
16): "Je ne veux pas dire que Dieu a йtй Seigneur de toute l'йternitй".
Mais toutes les fois qu'il a йtй Seigneur , il eut une crйature qui lui йtait
soumise[9]. Donc il ne faut pas dire que la crйature n'a pas existй de toute
йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 22
Praeterea, Deus potuit mundum producere antequam produxerit; alias impotens
fuisset. Scivit etiam ante producere; alias ignorans esset. Videtur etiam quod
voluit, alias invidus fuisset. Ergo videtur quod non inceperit de novo
producere creaturas.
22. Dieu a pu produire le monde avant le moment oщ il l'a produit;
autrement il aurait manquй de puissance. Et il a su aussi le produire avant,
autrement il aurait йtй ignorant. Il semble aussi qu'il l'a voulu, autrement il
aurait йtй jaloux[10]. Donc il semble qu'il n'a pas commencй а produire des
crйatures de nouveau.
q. 3 a. 17 arg. 23
Praeterea, omne quod est finitum, est communicabile creaturae. Sed aeternitas
est quoddam finitum; alias nihil posset esse ultra aeternitatem: dicitur enim
Exod. XV, 18: dominus regnabit in aeternum et ultra. Ergo videtur quod creatura
fuerit aeternitatis capax; et sic conveniens fuit divinae bonitati quod
creaturam ab aeterno produxerit. 23. Tout ce qui est fini peut-кtre communiquй а la crйature. Mais
l'йternitй est quelque chose de fini; autrement rien ne pourrait кtre au-delа
de l'йternitй[11]; on dit en effet dans Ex. 15, 18: "Le Seigneur rйgnera
dans l'йternitй et au-delа." Donc il semble que la crйature aura йtй
capable d'йternitй et ainsi il a йtй conforme а la divine bontй d'avoir produit
la crйature de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 24
Praeterea, omne quod incipit, habet mensuram suae durationis. Sed tempus non
potest habere aliquam mensuram suae durationis: non enim mensuratur aeternitate,
quia sic semper fuisset: nec aevo, quia sic in perpetuum duraret; nec tempore,
quia nihil est mensura sui ipsius. Ergo tempus non incipit esse, et ita nec
mobile nec mundus. 24. Tout ce qui commence a la mesure de sa durйe. Mais le temps ne peut
pas l'avoir; car il n'est pas mesurй par l'йternitй, parce qu'ainsi il aurait
toujours existй; ni par l'жvum parce qu'ainsi il durerait toujours, ni par le
temps, parce que rien n'est sa propre mesure. Donc le temps n'a pas commencй а
exister, et ainsi ni le mobile, ni le monde non plus.
q. 3 a. 17 arg. 25
Praeterea, si tempus incepit esse, aut incepit esse in tempore, aut in
instanti. Sed non incepit esse in instanti, quia in instanti tempus nondum est;
nec iterum in tempore, quia sic nihil temporis ante temporis terminum esset;
nihil enim rei est antequam res esse incipiat. Ergo tempus non incepit esse: et
sic idem quod prius.
25. Si le temps a commencй а exister, ou il a commencй а exister dans
le temps ou dans l'instant. Mais il n'a pas commencй а exister dans l'instant,
parce que, en celui-ci, le temps n'existe pas encore; ni а nouveau dans le
temps, parce qu'ainsi rien du temps ne serait avant le terme du temps; car rien
d'une chose n'existe avant qu'elle commence а кtre. Donc le temps n'a pas
commencй et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 26
Praeterea, Deus ab aeterno fuit causa rerum: alias oporteret dicere, quod prius
fuit causa in potentia, et postea in actu; et sic esset aliquid prius quod
reduceret ipsum de potentia in actum, quod est impossibile. Nihil autem est
causa, nisi causatum habeat. Ergo mundus fuit a Deo ab aeterno creatus.
26. Dieu fut cause des кtres de toute йternitй; autrement il faudrait
dire que d'abord il a йtй une cause en puissance et ensuite en acte; et ainsi
il y aurait quelque chose avant lui qui le ferait passer de la puissance а
l'acte, ce qui est impossible. Mais rien n'est cause sinon ce qui a un effet.
Donc le monde a йtй crйй par Dieu de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 27
Praeterea, verum et ens convertuntur. Sed multa sunt vera ab aeterno; sicut
hominem non esse asinum, et mundum futurum esse, et multa similia. Ergo videtur
quod multa sunt entia ab aeterno; et non solum Deus.
27. Le vrai et l'йtant sont convertibles. Mais beaucoup de vйritй
existent de toute l'йternitй; ainsi l'homme n'est pas un вne, le monde
existera, et beaucoup de propositions semblables. Donc il semble que nombreux
sont les йtants qui existent de toute l'йternitй et pas seulement Dieu.
q. 3
a. 17 arg. 28 Sed dicendum, quod omnia ista sunt vera veritate prima, quae Deus
est.- Sed contra, alia veritass est huius propositionis, mundum futurum esse,
et huius, hominem non esse asinum: quia posito per impossibile quod una sit
falsa, adhuc reliqua erit vera. Sed veritas prima non est alia et alia.
Ergo non sunt vera veritate prima.
28. Mais il faut dire que toutes ces propositions sont vraies par la
vйritй premiиre qui est Dieu. – En sens contraire, la vйritй de cette
proposition, "le monde existera" est autre que celle-ci "l'homme
n'est pas un вne", parce que, une fois йtabli que par impossible l'une est
fausse, le reste sera encore vrai. Mais la vйritй premiиre n'est pas ceci ou
cela. Donc elles ne sont pas vraies par la vйritй premiиre.
q. 3 a. 17 arg. 29
Praeterea, secundum philosophum in praedicamentis, ex eo quod res est vel non
est, oratio vera vel falsa est. Si igitur multae propositiones verae sint ab
aeterno, videtur quod res per eas signatae ab aeterno extiterint. 29. Selon le Philosophe, dans les Catйgories (La substance 5, 4 b 8) du
fait qu'une chose existe ou n'existe pas, la parole est vraie ou fausse. Si
donc de nombreuses propositions sont vraies de toute йternitй, il semble que ce
qu'elles dйsignent aura existй de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 30
Praeterea Deo idem est dicere quod facere; unde in Ps. 148, 5: dixit, et facta
sunt. Sed dicere Dei est aeternum: alias filius qui est verbum patris non esset
patri coaeternus. Ergo et facere Dei est aeternum, et ita mundus est factus ab
aeterno. 30. Pour Dieu dire et faire, c'est pareil; c'est pourquoi dans le Ps.
148, 5: "Il dit et ce fut fait". Mais la parole de Dieu est йternelle:
autrement le Fils qui est le Verbe du Pиre ne lui serait pas coйternel. Donc
l'action de Dieu est йternelle et ainsi le monde a йtй fait de toute йternitй.
En sens contraire: q. 3 a. 17 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Proverb. cap. VIII, 24, ex ore divinae sapientiae:
nondum erant abissi, et ego iam concepta eram: necdum fontes aquarum eruperant,
necdum montes gravi mole constiterant; ante omnes colles ego parturiebar; adhuc
terram non fecerat et flumina et cardines orbis terrae. Ergo cardines orbis
terrae et flumina et terra non semper fuerunt. Ergo cardines orbis terrae et
flumina et terra non semper fuerunt. 1. En Prov. 8, 24, il est dit de la bouche de la Sagesse divine: "Les
abоmes n'existaient pas encore, et moi dйjа j'avais йtй conзue; les fontaines
n'avaient pas encore jailli, et les montagnes n'йtaient pas йtablies dans leur
lourde masse; avant toutes les collines j'йtais enfantйe; il n'avait pas encore
fait la terre, les fleuves et les pфles du monde". Donc les pфles du
monde, les fleuves et la terre n'ont pas toujours existй.
q. 3
a. 17 s. c. 2 Praeterea, secundum Priscinianum quanto tempore iuniores, tanto
intellectu perspicaciores. Sed perspicacitas non est infinita. Ergo
nec tempus quo perspicacitas creavit fuit infinitum, et per consequens nec
mundus. 2. Selon Priscien[12], les plus jeunes dans le temps, sont perspicaces
par l'esprit. Mais la perspicacitй n'est pas infinie. Donc le temps pendant
lequel la perspicacitй a crйй n'a pas йtй infini, et par consйquent le monde
non plus.
q. 3
a. 17 s. c. 3 Praeterea, Iob XIV, 19: alluvione paulatim terra consumitur. Sed terra
non est infinita. Si ergo fuisset tempus infinitum, iam totaliter esset
consumpta: quod patet esset falsum. 3. En Job 14, 19, on lit: "La terre s'йrode peu а peu". Mais
la terre n'est pas infinie. Donc si le temps avait йtй infini, dйjа elle serait
totalement йrodйe, ce qui paraоt faux.
q. 3 a. 17 s. c. 4
Praeterea, constat Deum naturaliter esse mundo priorem, sicut causam effectu.
Sed in Deo idem est duratio et natura. Ergo Deus duratione prior est mundo, et
ita mundus non semper fuit. 4. Il est clair que Dieu existe naturellement avant le monde, comme la
cause avant l'effet. Mais en Dieu la durйe et la nature sont les mкmes. Donc
Dieu est avant le monde par la durйe et ainsi le monde n'a pas toujours existй.
Rйponse: q. 3 a. 17 co.
Respondeo. Dicendum quod firmiter tenendum est mundum non semper fuisse, sicut
fides Catholica docet. Nec hoc potest aliqua physica demonstratione efficaciter
impugnari. Ad cuius evidentiam sciendum est, quod sicut in quaestione alia est
habitum, in operatione Dei non potest accipi aliquod debitum ex parte causae
materialis, neque potentiae activae agentis, nec ex parte finis ultimi, sed
solum ex parte formae quae est finis operationis, ex cuius praesuppositione
requiritur quod talia existant qualia competunt illi formae
Il faut dire fermement que le monde n'a pas toujours existй, comme la foi
catholique l'enseigne. Et cette croyance ne peut pas кtre combattue
efficacement par une dйmonstration tirйe de la physique[13]. Pour en montrer
l'йvidence, il faut savoir que, comme on l'a considйrй dans une autre question,
on ne peut accepter que dans l'opйration de Dieu quelque chose soit dы du cфtй
de la cause matйrielle[14], ni de la puissance active de l'agent, ni de la fin
ultime, mais seulement du cфtй de la forme qui est la fin de l'opйration; de sa
prйsupposition, il est requis qu'ils existent tels qu'ils conviennent а cette
forme.
. Et ideo aliter dicendum est de productione unius
particularis creaturae, et aliter de exitu totius universi a Deo. Cum enim
loquimur de productione alicuius singularis creaturae, potest assignari ratio
quare talis sit, ex aliqua alia creatura, vel saltem ex ordine universi, ad
quem quaelibet creatura ordinatur, sicut pars ad formam totius. Cum autem de
toto universo loquimur educendo in esse, non possumus ulterius aliquod creatum
invenire ex quo possit sumi ratio quare sit tale vel tale; unde, cum nec etiam
ex parte divinae potentiae quae est infinita, nec divinae bonitatis, quae rebus
non indiget, ratio determinatae dispositionis universi sumi possit, oportet
quod eius ratio sumatur ex simplici voluntate producentis ut si quaeratur,
quare quantitas caeli sit tanta et non maior, non potest huius ratio reddi nisi
ex voluntate producentis.
C'est pourquoi il faut parler autrement de la production d'une crйature
particuliиre et de la sortie de Dieu de tout l'univers[15]. En effet, quand
nous parlons de la production d'une crйature particuliиre, on peut trouver la
raison pour laquelle elle est telle, а partir d'une autre crйature, ou du moins
а partir de l'ordre de l'univers, а qui toute crйature est ordonnйe, comme la partie
а la forme du tout. Mais quand on parle de tout l'univers, qui parvient а
l'кtre, nous ne pouvons plus trouver au-delа quelque chose de crйй d'oщ on
puisse tirer une raison pour laquelle il est tel ou tel. C'est pourquoi, comme
ni du cфtй de la puissance de Dieu qui est infinie, ni du cфtй de sa bontй, qui
n'a pas besoin des crйatures, on ne peut trouver de raisons pour une
disposition dйterminйe de l'univers, il faut admettre comme raison la volontй
absolue de celui qui produit l'univers, pour que, si on cherche pourquoi
l'immensitй du ciel est telle, et pas plus grande, on ne puisse tirer cette
raison que de la volontй du crйateur.
Et propter hoc etiam, ut Rabbi Moyses dicit, divina
Scriptura inducit homines ad considerationem caelestium corporum, per quorum
dispositionem maxime ostenditur quod omnia subiacent voluntati et providentiae
creatoris. Non enim potest assignari ratio quare talis stella tantum a tali
distet, vel aliqua huiusmodi quae in dispositione caeli consideranda occurrunt,
nisi ex ordine sapientiae Dei; unde dicitur Is. XL, 26: levate in excelsum oculos
vestros; et videte quis creavit haec.
A cause de cela, comme le dit aussi Rabbi Moyses, l'Йcriture conduit
les hommes а la considйration des corps cйlestes: leur disposition montre le
mieux que tout est soumis а la volontй et а la providence du crйateur. Car on
ne peut donner la raison pour laquelle telle йtoile est seulement а telle
distance, ou pour d'autres phйnomиnes de ce genre qui arrivent dans la
disposition du ciel quand on le considйre, sinon que cela vient de l'ordre de
la sagesse de Dieu. C'est pourquoi on dit en Is. 40, 26: "Levez vos yeux
vers le ciel, et voyez qui a crйй cela".
Nec obstat, si dicatur quod talis quantitas consequitur
naturam caeli vel caelestium corporum, sicut et omnium natura constantium est
aliqua determinata quantitas, quia sicut divina potentia non limitatur ad hanc
quantitatem magis quam ad illam, ita non limitatur ad naturam cui debeatur
talis quantitas, magis quam ad naturam cui alia quantitas debeatur. Et sic
eadem redibit quaestio de natura, quae est de quantitate; quamvis concedamus,
quod natura caeli non sit indifferens ad quamlibet quantitatem, nec sit in eo
possibilitas ad aliam quantitatem nisi ad istam.
Rien n'empкche de dire qu'une telle grandeur dйcoule de la nature du
ciel ou des corps cйlestes, de mкme la nature de tout ce qui se maintient est
une grandeur dйterminйe, parce que, la puissance de Dieu n'est pas plus limitйe
а cette grandeur qu'а cette autre, de mкme elle n'est pas limitйe а la nature а
quoi telle grandeur est due, plus qu'а la nature а quoi cette autre grandeur
est due. Et ainsi reviendra la mкme question au sujet de la nature, en ce qui
concerne la grandeur; quoique nous concйdions que la nature du ciel n'est pas
indiffйrente а n'importe quelle grandeur, et qu'il n'y a pas en elle
possibilitй pour une autre grandeur que pour celle-lа.
Non sic autem potest dici de tempore vel temporis duratione.
Nam tempus est extrinsecum a re, sicut et locus; unde etiam in caelo, in quo non
est possibilitas respectu alterius quantitatis vel accidentis interius
inhaerentis, est tamen in eo possibilitas respectu loci et situs, cum localiter
moveatur; et etiam respectu temporis, cum semper tempus succedat tempori, sicut
est successio in motu et in ubi; unde non potest dici, quod neque tempus neque
ubi consequatur naturam eius, sicut de quantitate dicebatur. Unde patet quod ex
simplici Dei voluntate dependet quod praefigatur universo determinata quantitas
durationis, sicut et determinata quantitas dimensionis. Unde non potest
necessario concludi aliquid de universi duratione, ut per hoc ostendi possit
demonstrative mundum semper fuisse.
Mais il n'est pas possible de parler ainsi du temps ou de sa durйe. Car
il est extйrieur а la chose, comme le lieu; c'est pourquoi mкme dans le ciel,
dans lequel il n'y pas de possibilitй par rapport а une autre quantitй ou un
accident qui adhиre plus intйrieurement, il y a cependant en lui possibilitй
par rapport au lieu et а l'espace, puisqu'il est mы localement, et aussi par
rapport au temps, puisque toujours le temps succиde au temps, de mкme qu'il y
succession dans le mouvement et le lieu; c'est pourquoi on ne peut pas dire,
que ni le temps, ni le lieu accompagnent sa nature, comme on le disait de la
quantitй. Aussi il est clair qu'il dйpend de la simple volontй de Dieu qu'une
quantitй dйterminйe de temps soit fixйe а l'univers, de la mкme maniиre qu'une
grandeur dйterminйe pour la dimension. C'est pourquoi on ne peut rien conclure
nйcessairement de la durйe de l'univers, pour pouvoir dйmontrer par le
raisonnement que le monde a toujours existй.
Quidam vero non considerantes exitum universi
a Deo, coacti sunt circa inceptionem mundi errare. Quidam namque causam agentem
praetermittentes, solam materiam a nullo creatam ponentes, quae omnium causa
esset, sicut antiquissimi naturales, necessario habuerunt dicere materiam
semper fuisse. Cum
enim nihil se educat de non esse in esse, oportet causam aliam habere quod
incipit esse; et hi posuerunt
A. – Certains qui ne considиrent pas que l'univers vient de Dieu, ont
йtй forcйs de se tromper sur le commencement du monde. Car certains sans tenir
compte de la cause efficiente, pensant qu'il y avait seulement une matiиre
incrййe[16], qui serait la cause de tout, comme les trиs anciens Naturalistes,
furent obligйs de dire que la matiиre a toujours existй. En effet, comme rien
ne passe par soi du non-кtre а l'кtre, il faut que ce qui commence а кtre ait
une autre cause et ils ont pensй:
vel mundum semper fuisse continue, quia non ponebant nisi
naturaliter agentia quae determinabantur ad unum, ex quo oportebat quod semper
idem effectus sequeretur; a) ou bien que le monde a toujours existй en continuitй,
parce qu'ils ne pensaient qu'aux agents naturellement dйterminйs а un seul
objet d'oщ il fallait que dйcoule toujours le mкme effet,
vel cum interruptione sicut Democritus; qui ponebat mundum
vel mundos potius multoties fuisse compositos et dissolutos casu, propter
causalem motum atomorum. b) ou bien (qu'il a existй) avec interruption, comme Dйmocrite le dit,
qui pensait que le monde, ou plutфt les mondes, avaient йtй composйs et
dйsagrйgйs de nombreuses fois par le hasard, а cause du mouvement causal des
atomes.
Sed quia inconveniens videbatur quod omnes convenientiae et
utilitates in rebus naturalibus existentes essent a casu, cum semper vel in
pluribus inveniantur; quod tamen necesse erat sequi, si solum materia
poneretur, et praecipue cum inveniatur quidam effectus ad quos causalitas
materiae non sufficit; ideo alii posuerunt causam agentem, sicut Anaxagoras
intellectum, et Empedocles amicitiam et litem. Sed tamen isti non posuerunt
huiusmodi causas agentes universi esse, sed ad modum aliorum particularium
agentium, quae agunt materiam transmutando de uno in aliud. Unde necesse erat
eis dicere quod materia esset aeterna, utpote non habens causam sui esse; sed
mundum incepisse: quia omnis effectus causae agentis per motum sequitur suam
causam in duratione, eo quod effectus non est nisi in termino motus, ante quem
est principium motus, cum quo simul oportet esse agens, a quo est principium
motus.
B. Mais parce qu'il paraissait inconvenant que toutes les aptitudes et
fonctions qui existent dans les кtres naturels dйpendent du hasard, puisque on
les trouvait soit toujours, soit mкme dans le plus grand nombre des кtres: ce
que cependant il йtait nйcessaire de conclure, si on pensait qu'il n'y avait
que la matiиre, et surtout puisqu'on trouvait un effet pour ce pourquoi la
causalitй de la matiиre ne suffit pas, d'autres ont йtabli une cause
efficiente, comme l'intelligence pour Anaxagore, et l'amitiй et le procиs pour
Empйdocle[17]. Mais cependant ils n'ont pas йtabli de telles causes efficientes
universelles, mais а la maniиre des autres agents particuliers, qui agissent
sur la matiиre en la changeant d'une chose en une autre. C'est pourquoi il
йtait nйcessaire pour eux de dire que la matiиre йtait йternelle, c'est-а-dire
comme sans cause de son кtre; mais que le monde a commencй; parce que tout
effet d'une cause efficiente par mouvement suit sa cause dans la durйe, parce
que l'effet n'existe qu'au terme du mouvement, avant lequel il y a son
commencement, avec lequel il faut que l'agent soit en mкme temps, par lequel
existe un principe du mouvement.
Aristoteles vero, considerans, quod si ponatur causa
constituens mundum agere per motum, sequeretur quod sit abire in infinitum,
quia ante quemlibet motum erit motus, posuit mundum semper fuisse. Non enim
processit ex consideratione illa qua intelligitur exitus universi esse a Deo,
sed ex illa consideratione qua ponitur aliquod agens incipere operari per motum;
quod est particularis causae, et non universalis. Et propter hoc ex motu et
immobilitate primi motoris, rationes suas sumit ad mundi aeternitatem
ostendendam; unde diligenter consideranti, rationes eius apparent quasi
rationes disputantis contra positionem; unde et in principio VIII Phys., mota
quaestione de aeternitate motus, praemittit opiniones Anaxagorae et Empedoclis,
contra quas disputare intendit.
C. – Mais Aristote ( Physique,
VIII, 1, 251 a 10-13), considйrant que, si on pense qu'une cause qui constitue
le monde agit par mouvement, il en dйcoulerait que ce serait aller а l'infini,
parce que, avant n'importe quel mouvement, il y a un mouvement, pensa que le
monde a toujours existй. Car il part pas de cette considйration par laquelle on
comprend que l'univers vient de Dieu, mais de celle par laquelle on pense qu'un
agent commence а opйrer par mouvement, ce qui est d'une cause particuliиre, et
non d'une cause universelle. Et ainsi il tire ses arguments du mouvement et de
l'immobilitй du premier moteur pour dйmontrer l'йternitй du monde. C'est pour
cela que, pour celui qui les considиre avec attention, ses raisons apparaissent
comme celles de quelqu'un qui rйfute une opinion; et ainsi au commencement du
livre VIII de la Physique (VIII, 1,
250 b 23[18]) ayant soulevй la question de l'йternitй du mouvement, il prйsente
prйalablement les opinons d'Anaxagore et d'Empйdocle contre lequel il a
l'intention d'argumenter.
Sed sequaces Aristotelis considerantes exitum totius
universi a Deo per suam voluntatem, et non per motum, conati sunt ostendere
mundi aeternitatem per hoc quod voluntas non retardat facere quod intendit,
nisi propter aliquam innovationem vel immutationem, saltem quam necesse est
imaginari in successione temporis, dum vult facere hoc tunc et non prius. D. Mais les successeurs d'Aristote considйrant que l'univers est sorti
de Dieu par sa volontй et non par mouvement, ont essayй de dйmontrer l'йternitй
du monde par le fait que la volontй ne tarde pas а accomplir ce qu'elle a
l'intention de faire sauf nouveautй ou changement, du moins qu'il est
nйcessaire d'imaginer dans la succession du temps, pendant qu'il veut faire
cela alors et non avant.
Sed isti etiam in
defectum similem inciderunt in quem et praedicti. Consideraverunt enim primum
agens ad similitudinem alicuius agentis quod suam actionem exercet in tempore
quamvis per voluntatem agat; quod tamen non est causa ipsius temporis, sed
tempus praesupponit. Deus autem est causa etiam ipsius temporis. Nam et ipsum
tempus in universitate eorum quae a Deo facta sunt continetur; unde cum de
exitu universi esse a Deo loquimur, non est considerandum, quod tunc et non
prius fecerit. Ista
enim consideratio tempus praesupponit ad factionem, non autem subiicit
factioni. Mais ceux-ci tombиrent dans une erreur semblable а celle oщ йtaient
tombйs ceux dont on a parlй. Car ils ont considйrи le premier agent а la
ressemblance d'un agent qui exerce son action dans le temps, quoiqu'il agisse par
volontй, ce qui n'est pas cause de ce temps, mais le prйsuppose. Mais Dieu est
la cause aussi du temps lui-mкme. Car il est contenu dans l'universalitй de ce
que Dieu a crйй; c'est pourquoi, quand nous parlons de l'кtre de l'univers
sorti de Dieu, il ne faut pas considйrer qu'il l'a fait alors et non avant. Car
cette considйration prйsuppose le temps pour sa formation, mais elle n'y est
pas soumise.
Sed si universitatis creaturae productionem consideramus,
inter quas est etiam ipsum tempus, est considerandum quare tali tempori talem
mensuram praefixerit, non quare hoc fecit in tali tempore. Praefixio autem
mensurae temporis dependet ex simplici voluntate Dei, qui voluit quod mundus
non esset semper, sed quandoque esse inciperet, sicut et voluit quod caelum nec
esset maius vel minus. Mais si nous considйrons la production de l'universalitй des crйatures,
parmi lesquelles il y a le temps lui-mкme, il faut considйrer pourquoi il a
fixй а l'avance une telle mesure а tel temps, non pourquoi il a fait cela en tel
temps. La dйtermination de la mesure du temps dйpend de la simple volontй de
Dieu, qui a voulu que le monde n'existe pas toujours, mais qu'un jour, il
commence а exister comme il a voulu que le ciel ne soit ni plus grand ni plus
petit.
Solutions: q. 3 a. 17 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod bonitatis proprium est producere res in esse
mediante voluntate, cuius est obiectum; unde non oportuit quod quandocumque
fuit divina bonitas, res producerentur in esse, sed secundum dispositionem
voluntatis divinae. # 1. Le propre de la bontй est de faire venir les crйatures а l'кtre
par l'intermйdiaire de la volontй, dont c'est l'objet. C'est pourquoi il n'a
pas fallu que toutes les fois oщ il y eut la bontй de Dieu les crйatures
viennent а l'кtre, mais selon la disposition de la volontй divine.
q. 3 a. 17 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in corpore caelesti, cum sit incorruptibile, est virtus
ut sit semper; sed nulla virtus neque essendi neque operandi respicit
praeteritum, sed solum praesens vel futurum; nullus enim habet virtutem ad quod
aliquid fecerit, quia quidquid non est factum, non potest factum fuisse; sed
habet aliquis virtutem ad hoc ut nunc vel in posterum faciat; unde et virtus
existendi semper, quae inest caelo, non respicit praeteritum, sed futurum. # 2. Le corps cйleste, en tant qu'incorruptible, a le pouvoir de
toujours exister; mais aucun pouvoir d'кtre ni d'opйrer ne regarde le passй,
mais seulement le prйsent ou le futur; car personne n'a de pouvoir sur ce qui
aura йtй fait, parce que, tout ce qui n'a pas йtй fait ne peut pas avoir йtй
fait; mais quelqu'un en a le pouvoir dans le prйsent ou le futur. C'est
pourquoi le pouvoir d'exister toujours qui est dans le ciel, ne regarde pas le
passй, mais le futur.
q. 3 a. 17 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod non potest dici, simpliciter loquendo, caelum esse
corruptibile propter hoc quod in non esse decideret, si a Deo non contineretur.
Sed tamen quia creaturam contineri in esse a Deo, dependet ex immobilitate
divina, non ex necessitate naturae, ut possit dici quod sit necessarium
absolute, cum sit necessarium solum ex suppositione divinae voluntatis, quae
hoc immobiliter statuit, potest concedi secundum quid corruptibile esse caelum,
cum hac scilicet conditione, si Deus ipsum non contineret. # 3. On ne peut pas dire, absolument parlant, que le ciel est
corruptible, pour tomber dans le non-кtre, s'il n'йtait pas maintenu par Dieu.
Mais cependant, parce que le fait que la crйature soit maintenue а l'кtre par
Dieu dйpend de l'immutabilitй divine, non par la nйcessitй de nature, pour
qu'on puisse dire qu'il est absolument nйcessaire, puisqu'il serait nйcessaire
seulement, si on suppose la volontй divine, qui l'a йtabli de faзon immobile,
on peut concйder en quoi le ciel est corruptible, а cette condition que Dieu ne
le maintienne pas.
q. 3 a. 17 ad 4 Ad quartum dicendum, quod omnis
effectus habet necessariam habitudinem ad suam causam efficientem, sive sit
causa naturalis, sive voluntaria. Sed non ponimus Deum causam mundi ex
necessitate naturae suae, sed ex voluntate, ut supra dictum est, unde
necessarium est effectum divinum sequi non quandocumque natura divina fuit, sed
quando dispositum est voluntate divina ut esset, et secundum modum eumdem quo
voluit ut esset. # 4. Tout effet a une relation nйcessaire а sa cause efficiente,
qu'elle soit naturelle ou volontaire. Mais nous ne pensons pas que Dieu soit la
cause du monde par la nйcessitй de sa nature, mais par volontй, comme on l'a
dit plus haut ( qu. 3, art. 15). C'est pourquoi, il est nйcessaire que l'effet
divin suive, non pas chaque fois que la nature divine a existй, mais quand il a
йtй disposй par la volontй divine а кtre et de la maniиre mкme dont il a voulu
qu'il soit.
q. 3 a. 17 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ante tempus aliquid esse, potest intelligi dupliciter.
Uno modo ante totum tempus, et ante omne id quod est temporis; et sic mundus
non fuit ante tempus, quia instans in quo incepit mundus, licet non sit tempus,
est tamen aliquid temporis, non quidem ut pars, sed ut terminus.
Alio modo intelligitur aliquid esse ante tempus, quia est
ante temporis completionem; quod non completur nisi in instanti ante quod est
aliud instans; et sic mundus est ante tempus. Non autem oportet propter hoc
quod sit aeternus; quia nec ipsum instans temporis quod sic est ante tempus est
aeternum. # 5. L'existence d'un кtre avant le temps, peut кtre comprise de deux
faзons:
a) Avant tout le temps et avant tout ce qui concerne temps; et ainsi le
monde n'a pas existй avant le temps, parce que l'instant oщ il a commencй, bien
que ce ne soit pas le temps, est cependant quelque chose du temps, non comme
une partie, mais comme un terme.
b) On comprend que quelque chose existe avant le temps parce qu'il est
avant l'accomplissement du temps; parce qu'il n'est complet que dans l'instant
avant lequel il y a un autre instant; et ainsi le monde est avant le temps.
Mais il ne faut pas pour cela qu'il soit йternel, parce que cet instant mкme du
temps qui est ainsi avant le temps n'est pas йternel.
q. 3 a. 17 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod cum omne agens agat sibi simile, oportet quod effectus
hoc modo sequatur a causa efficaciter operante, quod similitudinem causae
retineat. Sicut autem quod est a causa naturaliter agente, retinet
similitudinem eius prout habet formam similem formae agentis; ita quod est ab
agente voluntario, retinet similitudinem eius, prout habet formam similem
causae, secundum quod hoc producitur in effectu quod est in voluntatis
dispositione, ut patet de artificiato respectu artificis. Voluntas autem non
disponit solum de forma effectus, sed de loco, duratione, et omnibus
conditionibus eius; unde oportet quod effectus voluntatis tunc sequatur quando
voluntas disponit, non quando voluntas est. Non enim secundum esse, sed
secundum id quod voluntas disponit, effectus voluntati similatur. Licet igitur
voluntas semper sit eadem, non tamen oportet quod semper ex ea effectus
sequatur. # 6. Comme tout agent fait du semblable а lui, il faut que l'effet
dйcoule de la cause qui opиre efficacement, de maniиre а maintenir sa
ressemblance. De mкme ce qui dйpend d'une cause qui agit naturellement
maintient la ressemblance dans la mesure oщ elle a une forme semblable а celle
de l'agent. De la mкme maniиre ce qui maintient sa ressemblance, dans la mesure
oщ il a une forme semblable а celle de l'agent, selon que cela se produit dans
un effet qui dйpend de la volontй, comme cela paraоt dans l'oeuvre de
l'artisan, en rapport avec lui. La volontй ne dispose pas seulement de la forme
de l'effet, mais du lieu, de la durйe et de toutes ses conditions. C'est
pourquoi, il faut que l'effet de la volontй suive quand elle le dispose, non
quand elle existe. Car ce n'est pas selon l'кtre, mais selon ce que la volontй
dispose, que l'effet est semblable а la volontй. Donc, bien que la volontй soit
toujours la mкme, cependant il ne faut pas que toujours l'effet en dйcoule.
q. 3 a. 17 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Deus de necessitate vult suam bonitatem et omne id sine
quo sua bonitas esse non potest. Tale autem non est creaturarum productio; unde
ratio non sequitur. # 7. Dieu veut nйcessairement sa bontй et tout ce sans quoi sa bontй ne
peut pas exister. Mais telle n'est pas la production des crйatures. C'est pour
cela que l'argument ne vaut pas.
q. 3 a. 17 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod cum Deus creaturas ad manifestationem sui produxerit,
convenientius fuit et melius ut sic producerentur, sicut convenientius et
expressius eum poterant manifestare. Expressius autem manifestatur ex
creaturis, si non semper sint; quia in hoc manifeste apparet quod ab alio eductae
sunt in esse, et quod Deus creaturis non indiget, et quod creaturae omnino
divinae subiacent voluntati. # 8. Comme Dieu a produit les crйatures pour se manifester, il a йtй
plus convenable et meilleur de les produire aussi comme elles pouvaient le
manifester plus convenablement et mieux. Mais il est plus expressйment
manifestй par les crйatures, si elles n'existaient pas toujours, parce que, en
cela, il apparaоt manifestement qu'elles viennent а l'кtre par un autre, que
Dieu n'a pas besoin de ses crйatures, et que les crйatures sont soumises
entiиrement а sa volontй .
q. 3 a. 17 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod Deus aeternam voluntatem habuit de mundi factione; non
tamen ut mundus semper fieret, sed ut tunc fieret quando fecit. # 9. Dieu a eu la volontй йternelle de crйer le monde, non cependant
pour qu'il existвt toujours, mais pour qu'il soit crйй quand il le fit.
q. 3 a. 17 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod antequam mundus esset, possibile erat mundum fieri, non
quidem aliqua potentia passiva, sed solum per potentiam activam agentis. Vel
potest dici, quod fuit possibile non per aliquam potentiam, sed quia termini
non sunt invicem discohaerentes, huiusmodi scilicet propositionis: mundus est.
Sic enim dicitur esse aliquid possibile secundum nullam potentiam, ut patet per
philosophum, in V Metaph.
# 10. Avant que le monde existe, il йtait possible qu'il soit crйй, non
а cause d'une quelconque puissance passive, mais seulement par la puissance
active de l'agent. Ou bien on peut dire encore qu'il a йtй possible, non par
une puissance, mais parce que les termes ne se contrarient pas entre eux, а
savoir ceux de cette proposition: "Le monde existe". Car ainsi on dit
que quelque chose est possible mais pas selon la puissance, comme le Philosophe
le fait voir (Mйtaphysique V, 15,
1021 a 24-25[19]).
q. 3 a. 17 ad 11 Et per hoc patet solutio ad
undecimum. 11. Et ainsi apparaоt la solution а la onziиme objection.
q. 3 a. 17 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod ratio illa procedit de agente quod incipit agere
actione nova; sed Dei actio est aeterna, cum sit sua substantia. Dicitur autem
incipere agere ratione novi effectus, qui ab aeterna actione consequitur
secundum dispositionem voluntatis, quae intelligitur quasi actionis principium
in ordine ad effectum. Effectus enim ab actione sequitur secundum conditionem
formae, quae est actionis principium; sicut aliquid est calefactum per
calefactionem ignis, ad modum caloris ignis. 12. Cette raison procиde de l'agent qui commence а agir par une action
nouvelle; mais l'action de Dieu est йternelle, puisqu'elle est sa substance. On
dit qu'il commence а agir pour un nouvel effet, qui dйcoule de l'action
йternelle selon la disposition de sa volontй, qui est comprise comme le
principe de l'action en rapport avec cet l'effet. Car l'effet dйcoule de
l'action selon la condition de la forme, qui en est le principe; ainsi quelque
chose est rйchauffй par la chaleur du feu, а la maniиre de sa chaleur.
q. 3 a. 17 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod ratio illa procedit de agente quod ita facit
effectum suum in tempore, quod tamen non est temporis causa; quod in Deo locum
non habet, ut ex supra dictis, patet. 13. Cette raison procиde d'un agent qui produit son effet dans le
temps, sans кtre la cause du temps, ce qui n'existe pas en Dieu, comme cela
paraоt de ce qu'on a dit plus haut (art. 15).
q. 3 a. 17 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod si motus proprie accipiatur, divina voluntas non
movetur; sed metaphorice loquendo dicitur moveri a suo volito; et sic sola Dei
bonitas movet ipsam, secundum quod Augustinus dicit quod Deus movet se ipsum
sine loco et tempore. Nec tamen sequitur quod quandocumque fuit bonitas eius,
tunc esset creaturarum productio; quia creaturae non procedunt a Deo ex debito
vel necessitate bonitatis, cum divina bonitas creaturis non egeat, nec per eas
ei aliquid accrescat, sed ex simplici voluntate.
14. Si le mouvement est pris au sens propre, la volontй divine n'est
pas mue, mais en parlant par mйtaphore, on dit qu'elle est mue par ce qu'il
veut, et ainsi la seule bontй de Dieu la meut elle-mкme, selon ce que dit
Augustin (La Genиse au sens littйral
VIII, 22) que Dieu se meut lui-mкme sans lieu ni temps. Cependant il n'en
dйcoule pas que chaque fois que sa bontй a existй, il y aurait eu production de
crйatures, parce qu'elles ne procиdent pas de Dieu comme un dы ou nйcessitй de
sa bontй, puisque la bontй divine n'a pas besoin des crйatures, et par elles
rien n'est accru en lui, mais cela vient de sa simple volontй.
q. 3 a. 17 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod cum prima successio temporis causetur ex motus
successione, ut dicitur in IV Phys., secundum hoc verum est quod omne instans
et est principium et finis temporis, dicendum quod verum est quod omne momentum
est principium et finis motus; unde si supponamus motum non semper fuisse nec
semper futurum esse, non oportebit dicere quod quodlibet instans sit principium
et finis temporis; sed erit aliquod instans quod est tantum principium, et
aliquod quod tantum finis. Unde patet quod ratio ista est circularis, et propter
hoc non est demonstratio; sed tamen est efficax secundum intentionem
Aristotelis, qui eam inducit contra positionem, ut dictum est, in corp. art.
Multae enim rationes sunt efficaces contra positionem propter ea quae ab
adversariis ponuntur, quae non sunt efficaces simpliciter.
ICIC
q. 3 a. 17 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod instans semper consideratur ut fluens, sed non
semper ut fluens ab aliquo in aliquid, sed quandoque ut fluens ab aliquo
tantum, sicut ultimum instans temporis; quandoque ut fluens in aliquid tantum,
sicut primum instans. 15. Comme la premiиre succession du temps est causйe par la succession
du mouvement, comme on le dit (Physique
IV, 218 b 9 sq.[20]), et qu'ainsi il est vrai que tout instant est commencement
et fin du temps, il faut dire qu'il est vrai que tout moment est commencement
et fin du mouvement; c'est pourquoi si nous supposons que le mouvement n'a pas
toujours existй, et ne durera pas toujours, il ne faudra pas dire que n'importe
quel instant est commencement et fin du temps, mais il y aura un instant qui
est seulement commencement et un qui est seulement fin. C'est pourquoi, il
apparaоt que cette raison est circulaire et c'est pour cela que ce n'est pas
une dйmonstration, mais cependant elle est efficace dans l'intention d'Aristote
qui l'oppose а cette opinion, comme on l'a dit dans le corps de l'article. Car
nombreuses sont les raisons efficaces contre cette opinion а cause de ce que
les adversaires ont pensй, causes qui ne sont pas efficaces de faзon absolue.
16. L'instant est toujours considйrй comme fluctuant, mais pas toujours
comme fluctuant de l'un dans l'autre, mais quelquefois comme fluctuant d'un
seulement comme le dernier instant du temps, quelquefois comme fluctuant en
l'un seulement, comme le premier instant.
q. 3 a. 17 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod illa ratio non probat quod motus semper fuerit,
sed quod motus circularis possit esse semper, quia ex mathematicis non potest
aliquid efficaciter de motu concludi; unde Aristoteles, non probat ex circulatione
motus, eius aeternitatem; sed supposito quod sit aeternus, ostendit quod est
circularis; quia nullus alius motus potest esse aeternus. 17. Cette raison ne prouve pas que le mouvement a toujours existй, mais
que le mouvement circulaire pourrait existй toujours, parce que
mathйmatiquement on ne peut rien conclure d'efficace sur le mouvement; c'est
pourquoi Aristote (Physique VIII, 8,
264 b 9 ss.) ne prouve pas de la circularitй du mouvement son йternitй; mais
supposй qu'il soit йternel, il montre qu'il est circulaire, parce que nul autre
mouvement ne peut кtre йternel.
q. 3 a. 17 ad 18 Et per hoc patet responsio ad
decimumoctavum. 18. Et par lа apparaоt la rйponse а la dix-huitiиme objection.
q. 3 a. 17 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod sicut se habet scibile ad scientiam nostram, ita se
habet scientia Dei ad creaturas. Nam scientia Dei est causa creaturarum, sicut
et scibile est causa scientiae nostrae; unde sicut scibile potest esse,
scientia nostra non existente, ut dicitur in praedicamentis, ita Dei scientia
esse potest, scibili non existente.
19. La science de Dieu se comporte vis-а-vis des crйatures de la mкme
maniиre que le connaissable vis-а-vis de notre science. Car celle de Dieu est
la cause des crйatures; de mкme que le connaissable est cause de notre science;
c'est pourquoi comme le connaissable peut exister sans que notre science
existe, comme on le dit (Les Catйgories, ad
aliquid, 7, 7 b 23), ainsi la science de Dieu peut exister sans que le
connaissable existe.
q. 3 a. 17 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod Deus praecedit mundum duratione, non quidem temporis,
sed aeternitatis, quia esse Dei non mensuratur tempore. Nec ante mundum fuit
tempus reale, sed solum imaginarium, prout scilicet nunc possumus imaginari
infinita temporum spatia, aeternitate existente, potuisse revolvi ante temporis
inceptionem. 20. Dieu prйcиde le monde dans la durйe, non du temps mais de
l'йternitй, parce que l'кtre de Dieu n'est pas mesurй par le temps. Et avant le
monde il n'y eut pas de temps rйel, mais seulement imaginaire, dans la mesure
oщ nous pouvons maintenant imaginer qu'un espace infini de temps, quand existe
l'йternitй, a pu se dйrouler avant le commencement du temps.
q. 3 a. 17 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod si relatio dominii intelligatur consequi
actionem qua Deus actualiter creaturas gubernat, sic non est ab aeterno
dominus. Si autem intelligatur consequi ipsam potestatem gubernandi, sic
competit ei ab aeterno. Nec tamen oportet creaturas ab aeterno ponere, nisi in
potentia.
21. La relation de Seigneur est comprise comme dйcoulant de l'action
par laquelle Dieu gouverne actuellement les crйatures, ainsi, il n'est pas
Seigneur depuis l'йternitй. Mais si on comprend qu'elle dйcoule de sa propre
puissance de gouverner, alors ce nom lui convient depuis l'йternitй. Cependant
il ne faut pas penser que des crйatures aient existй de toute йternitй, sinon
en puissance.
q. 3 a. 17 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod ratione illa utitur Augustinus, ad probandum
coaeternitatem et coaequalitatem filii ad patrem; quae tamen ratio non est
efficax de mundo; quia cum natura filii sit eadem cum patre, requirit
aeternitatem et aequalitatem patris; quae si sibi subtraheretur, invidiae
esset. Non autem hoc requirit natura creaturae; et ideo non est simile. 22. Augustin (Contre Maximinien, III,
ch. 7, 8, 22) se sert de cette raison pour prouver la coйternitй et la
coйgalitй du Fils au Pиre; cependant elle n'est pas valable pour le monde,
parce que la nature du Fils est la mкme que celle du Pиre, elle requiert
l'йternitй et l'йgalitй avec le Pиre. Si elle lui йtait enlevйe, ce serait une
spoliation. Mais la nature de la crйature ne le requiert pas, et c'est pourquoi
ce n'est pas pareil.
q. 3 a. 17 ad 23 Ad
vicesimumtertium dicendum, quod secundum Graecos dicitur: dominus regnavit in
saeculum saeculi, et adhuc; quod exponens Origenes in Glossa, dicit, quod
saeculum intelligitur spatium unius generationis, cuius finis notus est nobis:
per saeculum saeculi immensum spatium temporis, quod finem habet, tamen nobis
ignotum; sed adhuc ultra illud, regnum Dei extenditur. Et sic aeternum
exponitur pro tempore diuturno. Anselmus autem in Proslog., exponit aeternum
pro aevo, quod nunquam finem habet; et tamen ultra illud Deus esse dicitur
propter hoc:
primo, quia aeviterna possunt intelligi non esse.
Secundo, quia non essent, nisi a Deo continerentur; et sic de se non
sunt.
Tertio, quia non habent totum esse suum simul, cum in eis
sit aliqua mutationis successio. 23. Selon les Grecs on dit: "Le Seigneur a rйgnй pour le siиcle de
siиcle, et au-delа"; en l'exposant, Origиne, dans la glose, dit que le
siиcle est compris comme la durйe d'une gйnйration, dont la fin nous est connue;
par siиcle de siиcle, un immense durйe de temps, qui a une fin, cependant
ignorйe de nous; mais par encore, le rиgne de Dieu s'йtend au-delа de cela. Et
ainsi йternel est pris pour un temps qui dure. Mais Anselme dans le Proslogion
(ch. 19 et 20) dйfinit йternel comme l'aevum, qui jamais n'a de fin et
cependant on dit que Dieu est au-delа pour cette raison:
a) Ce qui est йviternel peut кtre compris comme n'existant pas.
b) Cela n'existerait que si c'йtait maintenu par Dieu: et ainsi en soi,
cela n'existe pas.
c) Ils n'ont pas tout leur кtre en mкme temps, puisqu'il y a en eux une
succession de changements.
q. 3 a. 17 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum,
quod pro tanto oportet illud quod incipit, habere mensuram durationis, quia
incipit per motum. Sic autem tempus non incipit per creationem, unde ratio non
sequitur; et tamen potest dici, quod omnis mensura in suo genere seipsa
mensuratur, sicut linea per lineam, et similiter tempus per tempus.
24. Pour autant, il faut que ce qui commence ait la mesure de la durйe,
parce qu'il commence par un mouvement. Mais ainsi le temps ne commence pas par
crйation; c'est pourquoi cette raison n'est pas valable; et cependant on peut
dire que toute mesure dans son genre est mesurйe par elle-mкme, comme la ligne
par la ligne, et semblablement le temps par le temps.
q. 3 a. 17 ad 25 Ad
vicesimumquintum dicendum, quod tempus non se habet sicut permanentia, quorum
substantia est tota simul; unde non oportet quod totum tempus sit quando
incipit esse; et sic nihil prohibet dicere, quod tempus incipit in instanti
esse. 25. Le temps ne se comporte pas comme ce qui est permanent dont la
substance est toute en mкme temps; c'est pourquoi il ne faut pas que le temps
en entier existe, quand il commence а exister, et ainsi rien n'empкche de dire
que le temps commence а кtre dans l'instant.
q. 3 a. 17 ad 26 Ad
vicesimumsextum dicendum, quod actio Dei est aeterna, sed effectus non est
aeternus, ut supra dictum est; unde licet Deus non semper fuerit causa, cum non
semper fuerit effectus, non tamen sequitur quod non fuerit causa in potentia,
quia actio eius semper fuit, nisi potentia ad effectum referatur.
26. L'action de Dieu est йternelle, mais l'effet ne l'est pas, comme on
l'a dit plus haut;. c'est pourquoi, bien que Dieu n'ait pas toujours йtй cause,
comme son effet n'a pas toujours existй, il n'en dйcoule cependant qu'il n'a
pas йtй la cause en puissance, parce que son action n'a toujours existй, que si
sa puissance se rapporte pas а un effet.
q. 3 a. 17 ad 27 Ad
vicesimumseptimum dicendum, quod secundum philosophum, verum est in mente, non
in rebus; est enim adaequatio intellectus ad res. Unde omnia quae fuerunt ab
aeterno, fuerunt vera per veritatem intellectus divini, quae est aeterna. 27. Selon le Philosophe (Mйtaphysique
VI, 4, 1027 b 25), la vйritй est dans l'esprit, non dans la rйalitй, car c'est
l'adйquation de l'intellect aux choses. C'est pourquoi tout ce qui a existй de
toute йternitй, a йtй vrai par la vйritй de l'intellect divin, qui йternel.
q. 3 a. 17 ad 28 Ad
vicesimumoctavum dicendum, quod omnia illa quae ab aeterno dicuntur esse vera,
non sunt alia et alia veritate vera, sed una et eadem divini intellectus
veritate, ad diversas tamen res in proprio esse futuras relata; et sic ex
diversa relatione potest aliqua distinctio in illa veritate designari. 28. Tout ce qui est dйclarй vrai йternellement n'est pas vrai par
diffйrentes vйritйs mais par une seule et mкme vйritй de l'esprit divin,
relative а diffйrentes choses futures dans leur propre кtre. Et ainsi du fait
de la diversitй de la relation, on peut opйrer une distinction dans cette
vйritй.
q. 3 a. 17 ad 29 Ad
vicesimumnonum dicendum, quod verbum etiam philosophi intelligitur de oratione
existente in nostro intellectu vel in nostra pronuntiatione; veritas enim
nostri intellectus vel verbi, ab existentia rei causatur. Sed e converso
veritas divini intellectus est causa rerum. 29. Ce mot du Philosophe est compris de l'йlocution dans notre
intellect et dans notre expression. Car la vйritй de notre esprit ou de notre
parole est causйe par l'existence de la chose; mais а l'inverse la vйritй de
l'esprit divin est la cause des choses.
q. 3 a. 17 ad 30 Ad
tricesimum dicendum, quod ex parte ipsius Dei facere non importat aliquid quod
sit aliud quam suum dicere; non enim actio Dei est accidens, sed eius
substantia; sed facere importat effectum actualiter existentem in propria
natura, quod per dicere non importatur. 30. Du cфtй de Dieu mкme, faire n'apporte rien d'autre que dire; car
son action n'est pas un accident, mais sa substance; mais faire apporte l'effet
existant actuellement dans la nature propre, ce qui n'est pas apportй par le
dire.
q. 3 a. 17 ad s. c.
Argumenta vero quae obiiciuntur in contrarium, licet verum concludant, non
tamen necessario, praeter primum, quod ex auctoritate procedit. Argumentum enim
perspicacitatis secundum temporis cursum, non ostendit tempus quandoque
incepisse. Potuit enim esse quod scientiarum studia pluries fuerint intermissa,
et postmodum post longa tempora quasi de novo incepta, ut philosophus etiam
dicit. Terra etiam non ita per illuvionem ex una parte consumitur, quin etiam per
mutuam elementorum conversionem ex parte alia augmentetur; duratio etiam Dei,
licet sit idem quod eius natura secundum rem, tamen differt ratione; unde non
oportet quod sit prior duratione, si est prior natura.
Bien que les objections des arguments contraires dйfinissent ce qui est
vrai, ils ne le font pas nйcessairement cependant, sauf la premiиre qui procиde
d'une autoritй. Car l'argument de la perspicacitй[21] selon le cours du temps
ne montre pas que le temps a un jour commencй. Car il a pu arriver que l'йtude
des sciences ait йtй plusieurs fois interrompue, et ensuite aprиs de long temps
comme recommencйe de nouveau, comme le Philosophe le dit aussi (Mйtaphysique XI). La terre n'est pas
emportйe par l'йrosion d'un cфtй, sans que par un changement mutuel des
йlйments elle augmente d'un autre cфtй. La durйe mкme de Dieu[22], bien qu'elle
soit en rйalitй la mкme chose que sa nature, diffиre cependant en raison. C'est
pourquoi, il ne faut pas qu'il soit avant en durйe, s'il est avant en nature.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Ia, qu. 46, a.1 et a. 2 – CG II, 31 sq. – Quodl III, 14, 2 – Compendium. 98 –
Phys. VIII 1, 2 – I De cжlo et mundo, I, l. 6, 29 –Mйtaphysique XII, lect. 5 – II Sent. d1qu1a5).
[2]
Le problиme de l'йternitй du monde a fait couler beaucoup d'encre, tant au
XIIIe qu'а notre йpoque. On pourra trouver des informations а ce sujet,
succinctes chez J.-P. Torell, Initiation а saint Thomas d'Aquin, Paris,
Fribourg, 1993, p. 286, ss., M.-D. Chenu, Introduction а l'йtude de saint
Thomas d'Aquin, Montrйal, Paris, 1974. Informations plus dйveloppйes, dans E.
gilson, Introduction а la philosophie de saint Thomas d'Aquin, Paris, 1948,
A.-D. Sertillanges, L'idйe de crйation, Paris, 1945, A. Wohlman, Thomas d'Aquin
et Maпmonide, Paris 1988. Etc.. Chez Thomas, le problиme est йvoquй, dans
l'ordre chronologique, dans les oeuvres suivantes: II Sent. d1qu1a5 – CG. II,
31-38 – Pot. 3, 17 – De aeternite mundi – Compendium. I, 98-99 – Ia, qu. 46, a.
2 et 3 – Quodl. III, qu. 13, a. 2 – XII, qu. 6, a. 1.
[3]
Cf. Pot. qu. 5, a. 6.
[4]
Ou 286 a 17, Thomas lectio 4, n°335.
[5]
"N'importe quel effet est nйcessaire par comparaison а sa cause parce que,
si, une fois la cause posйe, l'effet n'en dйcoule pas nйcessairement, il sera
encore possible, une fois la cause posйe que l'effet existe ou n'existe"
(Tout ce qui existe est nйcessaire et tout ce qui n'existe est impossible).
Veritate 23, 5, obj. 1. (Cf., Mйtaphysique
VI, lectio 3 n°1192-93-94 etc.. I Sent. d37q1c). "L'objecteur conclut que
depuis qu'un Dieu йternel est la cause suffisante du monde, il doit normalement
exister, mais exister йternellement. (B. H. Zedler, The inner unity of the De potentia? The
modern schoolman, Tradition, 6/1948, p. 95) Cf Avicenne, Metaphysice
compendium. (
[6]
C'est le temps des crйatures spirituelles qui ont commencй а exister (anges,
hommes) mais а qui est promis un temps qui ne finira pas. Thomas, Ia, 10, 5 Il
ajoute:"il n'a pas d'avant et d'aprиs mais ils peuvent lui кtre ajoutйs".
[7]
"Imperat, inquam, ut velit". L'esprit lui commande (au corps) ,
dis-je, de vouloir.
[8]
Problиme dйjа examinй en Pot. 3, 1, obj. 2 et aussi Ia, qu. 46, a. 1, obj. 1.
[9]
Il faut comprendre qu'il est Seigneur dans le temps, parce que des crйatures
lui sont soumises. Cf. Ia, qu. 13, a. 7, c'est le sed contra. "Augustin
dit: cette appellation relative Seigneur convient а Dieu dans le temps." –
Ad 5: "Comme la relation de sujйtion est rйellement dans la crйature, il
en dйcoule que Dieu est Seigneur non en raison seulement, mais rйellement. Car
de le mкme maniиre on l'appelle Seigneur du fait que la crйature lui est
sujette. Il est appelй ainsi, dans le sens oщ la crйature lui est soumise."
[10]
Comprendre jaloux du Fils qui l'aurait fait а sa place?
[11]
Donc l'йternitй est considйrйe comme un domaine fini avec en dehors le temps.
Il n'est pas sыr que cet au-delа de Exode 15, 18 signifie cela. Il pourrait
кtre considйrй comme une sorte de superlatif: toute йternitй et plus encore.
[12]
Priscien, philosophe nйoplatonicien du VIe siиcle aprиs J.C..
[13]
Ia, qu. 46, a. 2, "La non йternitй du monde est assurйe par la foi, mais
ne peut pas кtre dйmontrйe."
[14]
Dans la crйation ex nihilo, il n'y a pas de cause matйrielle, pas de matiиre
prйexistante.
[15]
Cf. Mйtaphysique, XII, 1, 1069 a 19:"...si
l'univers est comme un tout..."
[16]
Aristote, Mйtaphysique , I 3, 983 b,
6: "La plupart des premiers philosophes ne considйraient comme principe de
toutes choses que les seuls principes de nature matйrielle.” Materia est
ingenita (p. 27). Voir Physique, 1,
9, 192 a 20-34, Thomas lectio 15, n° 11, De caelo et mundo, I, 3, 270 a 12-14.
Thomas, lectio 6, n°1.
[17]
Physique, VIII, 1, 250 b 25.
[18]
Anaxagore VIII, 1, 250 b 23 et Empйdocle 250 b 25. Problиme s'il y a eu un
temps oщ il n'y avait pas de mouvement. Deux solutions: Anaxagore: "...l'Intelligence
qui a imprimй le mouvement et opйrй le discernement." Empйdocle: mouvement
et repos alternent. L'Amitiй fait l'un а partir du multiple ou la Haine le multiple
а partir de l'un, et le repos dans les temps intermйdiaires."
[19]
Mйtaphysique V 15, 1021 a 24-25:
"Il y a enfin des relations selon la privation de puissance, comme
l'impossible et autres notions de mкme nature, l'invisible par exemple".
[20]
Physique 4, 10, 218 b 9 (p. 148 en
bas): "Mais puisque le temps paraоt surtout кtre un mouvement un
changement.” – "219 a, 2; "C'est en percevant le mouvement que nous
percevons le temps." – 219 a 8 "Le temps est mouvement ou quelque
chose du mouvement". Cf. II Sent, d1q1a5, obj. et sol. 5.
[21]
En sens contraire 2.
[22]
En sens contraire 4.
Article 18: Les anges ont-ils йtй crййs avant le monde visible?
q. 3
a. 18 tit. 1 Decimoctavo quaeritur utrum Angeli sint creati ante mundum
visibilem. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 3 a. 18 arg. 1 Quia Gregorius Nazianzenus dicit, quod
Deus primum excogitavit angelicas
virtutes et caelestes; et excogitatio fuit opus eius. Ergo prius fecit Angelos
quam mundum visibilem conderet. 1. Parce que, [comme le rapporte Jean Damascиne (livre 2, ch. 3[2])], Grйgoire de Naziance dit (Orat. 38) que Dieu d'abord pensa les puissances angйliques et
cйlestes et sa pensйe fut son oeuvre. Donc il crйa les anges avant de fonder le
monde visible q. 3 a. 18 arg. 2
Sed dicendum, quod ly primum dicit ordinem naturae, non durationis.- Sed contra, Damascenus ibidem ponit super hoc duas opiniones: quarum una
ponit, Angelos primum fuisse creatos, alia vero dicit contrarium. Sed nulla
unquam opinio posuit, quin Angeli natura priores essent visibilibus creaturis.
Ergo oportet quod intelligatur de ordine durationis. 2. Mais il faut dire que le mot premier
indique l'ordre de la nature et non celui de la durйe. – En sens contraire, Jean Damascиne rapporte au mкme endroit а ce
sujet deux opinions[3]; dont l'une йtablit que les anges
ont йtй crййs en premier, et l'autre dit le contraire. Mais jamais aucune
opinion n'a affirmй que les anges aient existй par nature avant les crйatures
visibles. Donc il faut le comprendre de l'ordre de la durйe. q. 3 a. 18 arg. 3
Praeterea, Basilius dicit in principio Hexameron: erat quaedam natura ante hunc
mundum intellectui nostro contemplabilis; quod postmodum exponit de Angelis;
ergo videtur quod ante hunc mundum Angeli sint creati. 3. Basile dit au dйbut de son Hexameron
(Hom. 1): "Il y avait une nature
avant ce monde qui pouvait кtre contemplйe par notre esprit". Aprиs il
parle des anges. Donc il semble que les anges aient йtй crййs avant ce monde. q. 3
a. 18 arg. 4 Praeterea, ea quae cum mundo visibili facta sunt, Scriptura in
principio Genesis prosequitur. Sed de Angelis nullam facit mentionem. Ergo
videtur quod Angeli non fuerunt creati cum mundo, sed ante mundum. 4. Ce qui a йtй fait avec le monde visible, l'Йcriture l'expose au
dйbut de la Genиse. Mais elle ne fait
aucune mention des anges. Il semble donc qu'ils n'ont pas йtй crййs avec le
monde, mais avant lui. q. 3 a. 18 arg. 5 Praeterea, illud quod
ordinatur ad perfectionem alicuius sicut ad finem, est eo posterius. Sed mundus
visibilis ordinatur ad perfectionem intellectualis naturae: quia, ut Ambrosius
dicit, Deus, qui natura invisibilis est, opus visibile fecit, per quod cognosci
posset. Et non nisi a rationali creatura. Ergo rationalis
creatura facta est ante mundum visibilem. 5. Ce qui est ordonnй а la perfection d'un кtre comme а sa fin, lui est
postйrieur. Mais le monde visible est ordonnй а la perfection de la nature
intellectuelle; parce que, comme Ambroise le dit (Hexaemeron I, 5) Dieu, qui par nature est invisible, a fait une
oeuvre visible par laquelle il puisse кtre connu. Il ne peut кtre connu que par
la crйature raisonnable. Donc celle-ci a йtй crййe avant le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 6
Praeterea, quidquid est ante tempus, est ante mundum visibilem: quia tempus cum
mundo visibili incepit. Sed Angeli creati sunt ante tempus: non enim fuit
tempus ante diem; Angeli autem creati sunt ante diem, ut Augustinus dicit. Ergo
Angeli creati sunt ante mundum visibilem. 6. Ce qui existe avant le temps est avant le monde visible: parce que
le temps a commencй avec lui. Mais les anges ont йtй crййs avant le temps; car
il n'y eut pas de temps avant le jour; mais les anges ont йtй crййs avant le
jour, comme le dit Augustin (La Genиse au
sens littйral, I, 9[4]). Donc ils ont йtй crййs avant
le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 7
Praeterea, Hieronymus dicit super epistolam ad Titum, cap. I: sex millia necdum
nostri temporis implentur annorum; et quantas prius aeternitates, quanta
tempora fuisse arbitrandum est, in quibus Angeli Deo servierunt, et eo iubente
substiterunt? Sed mundus visibilis cum nostro
tempore incepit. Ergo Angeli ante mundum visibilem fuerunt. 7. Jйrфme dit dans son commentaire sur l'Йpоtre а Tite (ch. 1): "Six mille ans de notre temps ne sont pas
encore accomplis; et il faut penser combien d'йternitй avant, combien de temps
ont existй pendant lesquels les anges ont servi Dieu et ont йtй sous son
commandement." Mais le monde visible a commencй avec notre temps. Donc
les anges ont existй avant le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 8 Praeterea, sapientis est
ordinate suum effectum producere. Sed Angeli praecedunt nobilitatem creaturarum
visibilium. Ergo a sapientissimo artifice Deo, primo
debuerunt produci in esse. 8. C'est le propre du sage de produire son effet avec ordre (Mйtaphysique, I, 2, 982 a 17-18) . Mais les anges prйcиdent la noblesse
des crйatures visibles. Donc ils ont dы кtre amenйs а l'кtre en premier par
l'artisan trиs sage qu'est Dieu. q. 3 a. 18 arg. 9
Praeterea, Deus, in quantum bonus est, suae bonitatis alios participes facit.
Sed huius dignitatis capaces erant Angeli, quod creaturam visibilem duratione
praecederent. Ergo videtur hoc eis per summam Dei bonitatem collatum. 9. Dans la mesure oщ Dieu est bon, il fait participer les autres а sa
bontй. Mais les anges йtaient susceptibles de recevoir cette dignitй,
puisqu'ils ont prйcйdй dans la durйe la crйature visible. Donc il semble que
cela leur a йtй attribuй par la bontй suprкme de Dieu. q. 3
a. 18 arg. 10 Praeterea, homo dicitur minor mundus, quia maioris mundi
similitudinem gerit. Sed in homine pars eius nobilior ante alias partes
formatur, scilicet cor, ut philosophus dicit. Ergo videtur quod Angeli, qui
sunt nobilior pars maioris mundi, ante visibiles creaturas sint conditi. q. 3 a. 18 arg. 11
Praeterea, ut Augustinus dicit, in opere secundae diei et deinceps tripliciter
Scriptura rerum factionem commemorat. Dicit enim primo: dixit Deus, fiat
firmamentum. Secundo: et factum est ita. Tertio vero: fecit Deus firmamentum.
Quorum primum refertur ad esse rerum in verbo; secundum ad esse rerum in
cognitione angelica, prout Angeli accipiunt cognitionem creaturae fiendae;
tertium vero ad esse creaturae in propria natura. Sed quando creatura visibilis
erat fienda, nondum erat. Ergo Angeli fuerunt et habuerunt cognitionem naturae
visibilis antequam esset. 10. L'homme est appelй un petit
monde [microcosme], parce qu'il porte la ressemblance d'un monde plus
grand. Mais dans l'homme, la partie la plus noble est formйe avant les autres,
а savoir le coeur, comme le dit le Philosophe (La gйnйration des animaux, ch. 4). Donc il semble que les anges qui
sont la plus noble partie du monde aient йtй crййs avant les crйatures
visibles. 11. Comme Augustin le dit (La
Genиse au sens littйral, II, 7, et 8) dans l'oeuvre du deuxiиme jour et
ensuite par trois fois, l'Йcriture rappelle la crйation. Car elle dit d'abord: "Et Dieu dit: que soit fait le
firmament." Deuxiиmement: "Et
ainsi fut fait". Troisiиmement: "Dieu fit le firmament." Le premier se rapporte а l'кtre des
choses dans le Verbe, le second а leur кtre dans la connaissance angйlique,
dans la mesure oщ les anges ont reзu la connaissance des crйatures а crйer; le
troisiиme а l'кtre de la crйature dans sa propre nature. Mais quand la crйature
visible devait кtre faite, elle n'existait pas encore. Donc les anges ont
existй et eurent connaissance de la nature visible avant qu'elle ait existй. q. 3 a. 18 arg. 12
Sed dicendum, quod hic intelligitur de factione creaturae quantum ad eius
formationem, non quantum ad primam creationem.- Sed contra, secundum opinionem
Augustini, creatio naturae visibilis non praecedit tempore eiusdem formationem.
Si ergo Angelus fuit ante formationem creaturae visibilis, fuit et ante eius
creationem. 12. Mais il faut dire qu'on
le comprend de la rйalisation de la crйature quant а sa mise en forme, non
quant а sa premiиre crйation. En sens
contraire, selon l'opinion d'Augustin (La
Genиse au sens littйral, I, XV, 29[5]) la crйation de
la nature visible n'a pas prйcйdй sa mise en forme dans le temps. Si donc
l'ange a existй avant la formation de la crйature visible, il a existй aussi
avant sa crйation. q. 3 a. 18 arg. 13
Praeterea, dicere Dei est causa creaturae fiendae; quod non videtur posse
intelligi de aeterna verbi genitura quia illa ab aeterno fuit, nec per vices
temporum repetitur; cum tamen in singulis diebus Scriptura repetat Deum aliquid
dixisse. Nec etiam potest intelligi de locutione corporali; tum quia nondum
erat homo, qui vocem Dei loquentis audiret; tum etiam quia oportuisset ante
lucis formationem aliquod aliud corporeum formatum fuisse, cum vox corporalis
non fiat nisi per alicuius corporis formationem. Ergo videtur quod intelligatur
de spirituali locutione qua Deus ad Angelos loquitur; et sic videtur quod
Angelorum cognitio praesupponatur ut causa ad creaturarum visibilium
productionem. 13. La dire de Dieu est la
cause de la crйature а crйer, ce qui ne semble pas pouvoir кtre compris de la
gйnйration йternelle du Verbe, parce qu'elle a existй de toute йternitй, et
n'est pas rйpйtйe dans la succession des temps, alors que cependant l'Йcriture
rйpиte que chaque jour Dieu a dit une parole. Et ainsi on ne peut le comprendre
de la parole corporelle, d'abord parce qu'il n'y avait pas encore d'homme pour
entendre la voix de Dieu qui parle; ensuite aussi parce qu'il aurait fallu,
avant la formation de la lumiиre, que quelque autre corps ait йtй formй,
puisque la voix corporelle n'йtait йmise qu'aprиs la formation d'un corps. Donc
il semble qu'on le comprend de la parole spirituelle par laquelle Dieu parle а
ses anges et ainsi il semble que la connaissance des anges est prйsupposйe
comme cause pour la production des crйatures visibles. q. 3 a. 18 arg. 14
Praeterea ut supra dictum est, sacra Scriptura tripliciter actionem rerum
commemorat: quorum primum pertinet ad esse rerum in verbo; secundum ad esse
rerum in cognitione angelica; tertium in propria natura. Sed primum horum
praecedit secundum et duratione et causa. Ergo similiter secundum praecedit
tertium duratione et causa, scilicet cognitio angelica existentiam visibilis
creaturae. 14. Comme on l'a dit ci-dessus, l'Йcriture sainte rappelle de trois
maniиres l'action sur les crйatures. La premiиre concerne leur кtre dans le
Verbe; la seconde dans la connaissance angйlique et la troisiиme dans leur propre
nature. Mais la premiиre prйcиde la seconde par la durйe et la cause. Donc,
semblablement la seconde prйcиde la troisiиme par la durйe et la cause,
c'est-а-dire que la connaissance angйlique prйcиde l'existence de la crйature
visible. q. 3 a. 18 arg. 15
Praeterea, non minus requiritur ordo in exitu rerum a principio quam in
reductione earum in finem. Sed in reducendo res in finem, haec est lex
divinitatis statuta, ut Dionysius dicit, quod ultima reducantur in finem per
media. Ergo simpliciter creaturae corporales quae sunt infimae, procedunt a Deo
per angelicas creaturas, quae sunt mediae; et sic Angeli corporales creaturas
praecedunt, sicut causae effectum. 15. Un ordre dans la sortie des choses de leur principe n'est pas moins
requis que dans leur retour а leur fin, Mais pour les ramener а leur fin, c'est
une loi йtablie par la Divinitй, comme le dit Denys (La hiйrarchie cйleste, ch. 5), parce que la derniиre est ramenйe а
la fin par des intermйdiaires. Donc simplement les crйatures corporelles qui sont
faibles, procиdent de Dieu par les crйatures angйliques qui sont
intermйdiaires, et ainsi les anges prйcиdent les crйatures corporelles comme
les causes leur effet. q. 3 a. 18 arg. 16
Praeterea, eis quae sunt omnino disparata, non competit associatio. Sed Angeli
et creaturae visibiles sunt omnino disparata. Ergo non sunt associati in
creatione, ut simul fierent. Inordinatum etiam esset quod Angeli post creaturas
visibiles fierent. Ergo ante creaturas visibiles sunt conditi. 16. Pas question d'association pour ce qui est tout а fait diffйrent.
Mais les anges et les crйatures visibles sont tout а fait diffйrents. Donc ils
ne sont pas associйs dans la crйation, pour кtre crййs ensemble. Ce serait mкme
contre l'ordre que les anges aient йtй crййes aprиs les crйatures visibles.
Donc ils ont йtй crййs avant elles. q. 3 a. 18 arg. 17
Praeterea, Eccli. I, 4, dicitur: primo omnium creata est sapientia; quod non
potest intelligi de filio Dei, qui est patris sapientia; cum ipse non sit
creatus, sed genitus. Ergo sapientia angelica, quae
est creatura, est ante omnia alia facta. 17. On dit en Eccl.1, 4: "La sagesse a йtй crййe la premiиre de tout",
ce qui ne peut pas кtre compris du Fils de Dieu, qui est la sagesse du Pиre,
puisqu'il n'a pas йtй crйй, mais engendrй. Donc la sagesse angйlique, qui est
une crйature, a йtй faite avant toutes les autres crйatures. q. 3 a. 18 arg. 18
Praeterea Hilarius dicit in Lib. de Trinitate: quid mirum, si dominum nostrum
Iesum Christum ante saecula fuisse confiteamur, cum etiam Deus Angelos fecerit
ante mundum? Sed Dei filius non solum ordine dignitatis, sed etiam durationis
omnia saecula praecessit. Ergo et Angeli mundum visibilem. 18. Hilaire dit au livre XII de la Trinitй: "Qu'y a-t-il d'йtonnant si nous confessons
que notre Seigneur Jйsus Christ a existй avant tous les siиcles, puisque mкme
Dieu a fait les anges avant le monde." Mais le Fils de Dieu non
seulement dans l'ordre de la dignitй mais encore dans celui de la durйe, a
prйcйdй tous les siиcles. Donc les anges ont prйcйdй le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 19
Praeterea, creatura angelica media est inter naturam divinam et corpoream:
aevum etiam, quod est Angeli mensura, medium est inter aeternitatem et tempus.
Sed Deus sua aeternitate fuit ante Angelos et visibilem creaturam. Ergo et
Angeli suo aevo fuerunt ante mundum visibilem. 19. La crйature angйlique est intermйdiaire entre la nature divine et
la nature corporelle; l'aevum[6] aussi, qui est la mesure de l'ange, est intermйdiaire
entre l'йternitй et le temps. Mais Dieu a йtй dans son йternitй avant les anges
et la crйature visible. Donc les anges ont existй dans leur aevum avant le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 20
Praeterea, Augustinus dicit, quod Angeli semper fuerunt. Sed non potest dici
quod creatura corporalis semper fuerit. Ergo Angeli fuerunt ante corpoream
creaturam. 20. Augustin, dans la Citй de
Dieu (XI, 9), dit que les anges ont toujours existй. Mais on ne peut pas le
dire de la crйature corporelle. Donc les anges ont existй avant la crйature
corporelle. q. 3 a. 18 arg. 21
Praeterea, motus creaturae corporeae peraguntur per ministerium spiritualis
creaturae, ut patet per Augustinum, et per Gregorium. Sed motor praecedit mobile. Ergo Angeli fuerunt ante visibiles creaturas. 21. Les mouvements des crйatures corporelles sont accomplis par le
ministиre de la crйature spirituelle, comme on le voit chez Augustin (La Trinitй, III) et Grйgoire [le Grand]
(Dialogues IV). Mais le moteur
prйcиde le mobile. Donc les anges ont existй avant les crйatures corporelles [7]. q. 3 a. 18 arg. 22 Praeterea, Dionysius
assimilat actionem divinam in res, actioni ignis in corpora quae ab igne
patiuntur. Sed ignis prius agit in corpora propinqua quam in remota. Ergo et divina bonitas primo produxit creaturas angelicas sibi
propinquas, quam creaturas corporeas magis ab eo distantes; et sic Angeli ante
mundum fuerunt. 22. Denys assimile l'action divine sur les crйatures а l'action du feu
sur les corps qui le subissent. Mais le feu agit dans un corps proche avant
d'agir sur un corps йloignй. Donc la bontй divine a produit les crйatures
angйliques proches de lui avant les crйatures corporelles plus distantes et
ainsi les anges ont existй avant le monde. En sens contraire: q. 3 a. 18 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicitur in principio
Genes. I, 1: in principio creavit Deus
caelum et terram; ubi Glossa Augustini dicit, quod per caelum intelligitur
natura angelica, per terram vero natura corporalis. Ergo Angeli simul cum
natura corporali fuerunt facti. 1. Au dйbut de la Genиse (1, 1), il est dit: "Au commencement Dieu crйa le ciel et la
terre," oщ la glose d'Augustin dit que par le ciel il faut entendre la nature angйlique, par la terre, la nature corporelle. Donc les
anges ont йtй crййs en mкme temps que la nature corporelle. q. 3 a. 18 s. c. 2
Praeterea, Glossa Strabonis ibidem dicit, quod per caelum ibi intelligitur
caelum Empyreum, quod mox factum sanctis Angelis est repletum. Ergo Angeli simul fuerunt facti cum caelo Empyreo, quod est visibilis
creatura. 2. La glose de Strabon dit en ce mкme endroit, que par le ciel on comprend le ciel empyrйe qui,
bientфt aprиs avoir йtй crйй, a йtй rempli par les anges. Donc les anges ont
йtй crййs en mкme temps que le ciel empyrйe, qui est une crйature visible. q. 3
a. 18 s. c. 3 Praeterea, homo minor mundus dicitur, quia habet similitudinem
maioris mundi. Sed in homine simul fit corpus et anima. Ergo et in
mundo maiori simul fit angelica et corporalis creatura. 3. On appelle l'homme un petit
monde, [microcosme] parce qu'il ressemble au monde plus grand. Mais dans
l'homme, le corps et l'вme sont faits en mкme temps. Donc dans le monde plus
grand, la crйature angйlique et la crйature corporelle sont faites en mкme
temps[8]. Rйponse: q. 3 a. 18 co. Respondeo. Dicendum quod in hoc omnes
Catholici doctores consenserunt, quod
Angeli non semper fuerunt, utpote de nihilo in esse producti. Tous les docteurs catholiques sont d'accord que les anges n'ont pas
toujours existй, vu qu'ils ont йtй amenйs du nйant а l'кtre. Quidam tamen posuerunt Angelos non simul cum
mundo visibili, sed ante mundum visibilem incepisse. Ad hoc autem ponendum diversis rationibus
sunt moti. A) Certains[9]
ont pensй que les anges n'ont pas commencй avec le monde visible, mais avant lui. Ils ont йtй amenйs а le
penser par diverses raisons. Quidam namque aestimaverunt creaturas corporeas non esse
productas ex prima Dei intentione, sed occasionem eas producendi ex merito vel
demerito spiritualis creaturae Deum habuisse dixerunt. Posuit enim Origenes, a
principio simul creatas esse omnes creaturas immateriales et rationales, et eas
fuisse aequales, divina iustitia hoc exigente. Non enim videtur quod
inaequalitas possit esse in datis, iustitia servata, nisi propter meriti vel
demeriti diversitatem. Unde diversitatem creaturarum (quam videmus)
praecessisse posuit meriti et demeriti diversitatem, ut secundum quod
spiritualium creaturarum quaedam magis Deo adhaeserunt, in altiores ordines
Angelorum sint promotae; quae vero magis peccaverunt, grossioribus et
ignobilioribus corporibus sint alligatae; quasi ipsa meritorum diversitas
exegerit diversos gradus corporum a Deo produci Car certains ont pensй que
les crйatures corporelles n'avaient pas йtй produites dans un premier dessein
de Dieu, mais ils disent qu'il eut l'occasion de les produire а cause du mйrite
ou du dйmйrite de la crйature spirituelle. Origиne, en effet, a pensй qu'au
commencement, ont йtй crййes en mкme temps toutes les crйatures immatйrielles
et rationnelles et qu'elles ont йtй йgales, comme la justice divine l'exigeait.
Car il ne semble que l'inйgalitй n'ait pu кtre dans ce qui est donnй, si on
conserve la justice, qu'а cause de la diversitй du mйrite ou du dйmйrite. C'est
pourquoi il pensa que la diversitй des crйatures (que nous voyons) a prйcйdй la
diversitй du mйrite et du dйmйrite, de sorte que certaines des crйatures
spirituelles qui ont davantage adhйrй а Dieu, ont йtй promues dans les ordres
les plus hauts des anges, mais celles qui ont davantage pйchй ont йtй liйes а
des corps plus grossiers et moins nobles; comme si la diversitй mкme des
mйrites avait rйclamй les divers degrйs des corps produits par Dieu. Hanc autem positionem Augustinus reprobat. Causam enim
creaturarum condendarum, tam spiritualium quam corporalium, constat nihil aliud
esse quam Dei bonitatem, inquantum creaturae suae, sua bonitate creatae,
bonitatem increatam secundum suum modum repraesentant. Propter quod Scriptura
dicit de singulis Dei operibus, et postmodum de omnibus simul: vidit Deus cuncta quae fecerat, et erant
valde bona; quasi diceret, quod ad hoc Deus creaturas condidit, quod
bonitatem haberent. Secundum autem opinionem praedictam non ad hoc conditae
fuissent creaturae corporales quia bonum esset eas esse, sed ut malitia
spiritualis creaturae puniretur. Sequeretur etiam quod ordo universi quem nunc
videmus a casu existeret, in quantum accidit quod diversae rationales creaturae
diversimode peccaverunt. Si enim omnes peccassent aequaliter, nulla diversitas
naturarum in corporibus esset, secundum eos. Mais Augustin dйsapprouve cette position (La citй de Dieu, XI, 23). Car il est clair que la cause des
crйatures, tant spirituelles que corporelles, qui devaient кtre crййes, n'est
rien d'autre que la bontй de Dieu, en tant qu'elles sont ses crйatures; crййes
par sa bontй, elles reprйsentent sa bontй incrййe а leur maniиre. C'est
pourquoi l'Йcriture (Gn. 1, 31) dit
de chacune des oeuvres de Dieu et ensuite de toutes ensemble: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait, et
c'йtait trиs bon," comme si elle disait qu'il a crйй ses crйatures
pour qu'elles possиdent sa bontй. Mais selon cette opinion, les crйatures
corporelles n'auraient pas йtй crййes parce qu'il serait bien qu'elles
existent, mais pour que le mal de la crйature spirituelle soit punie. Il
s'ensuivrait que l'ordre de l'univers que nous voyons maintenant, existerait
par le hasard, dans la mesure oщ il arrive que les diverses crйatures
rationnelles ont pйchй de diverses maniиres. Mais si toutes avaient pйchй
йgalement, il n'y aurait selon eux aucune diversitй de nature dans les corps. Unde hac positione remota, alii ex consideratione naturae
spiritualium substantiarum, quae est dignior omni natura corporali, posuerunt
spirituales substantias ante corporales conditas esse; ut sicut natura
spiritualis creata, media est ordine naturae inter Deum et creaturam
corporalem, ita etiam sit media duratione. B) C'est pourquoi, une fois repoussйe cette opinion, d'autres en considйrant la nature des
substances spirituelles, qui est plus digne que toute nature corporelle, ont
pensй que les substances spirituelles avaient йtй crййes avant les substances
corporelles, de sorte que, de mкme que la nature spirituelle crййe est
intermйdiaire dans l'ordre de la nature entre Dieu et la crйature corporelle,
de mкme elle serait intermйdiaire dans la durйe. Haec autem opinio cum fuerit magnorum doctorum, scilicet
Basilii, Gregorii Nazianzeni, et quorumdam aliorum, non est tamquam erronea
reprobanda. Mais cette opinion, comme elle a йtй celle des grands docteurs,
c'est-а-dire celle de Basile, de Grйgoire de Naziance et quelques autres, ne
doit pas кtre rйprouvйe comme erronйe[10]. Sed si diligenter consideretur alia opinio, quae est
Augustini et aliorum doctorum, quae etiam modo communiter tenetur,
rationabilior invenitur. Angeli enim non solum sunt considerandi absolute, sed
etiam in quantum sunt pars universi; et haec consideratio eorum intantum est
magis attendenda, in quantum bonum universi praeeminet bono cuiuslibet
creaturae particularis, sicut bonum totius praeeminet bono partis. Secundum
autem quod considerantur Angeli ut partes universi, competit eis quod simul cum
creatura corporali sint conditi. Unius enim totius una videtur esse productio.
Si autem seorsum essent Angeli creati, viderentur omnino alieni ab ordine
creaturae corporalis, quasi aliud universum per se constituentes. Unde dicendum
est, quod Angeli simul cum creatura corporali sunt conditi; tamen sine alterius
opinionis praeiudicio. C) Mais si on considиre avec attention une autre opinion, celle
d'Augustin et d'autres docteurs, laquelle est communйment acceptйe, on la
trouve plus rationnelle. Car les anges, non seulement doivent кtre considйrйs
dans l'absolu, mais aussi en tant que partie de l'univers; et cette considйration
doit кtre observйe bien plus, dans la mesure oщ le bien de l'univers prйvaut
sur le bien de quelque crйature particuliиre, de mкme que le bien du tout
prйvaut sur celui de la partie. Selon qu'on considиre les anges comme partie de
l'univers, il leur appartient d'avoir йtй crййs en mкme temps que les crйatures
corporelles. Car il semble qu'il y a production d'un seul tout. Mais si les
anges avaient йtй crййs sйparйment, ils sembleraient tout а fait йtrangers а
l'ordre de la crйature corporelle, comme s'ils constituaient un autre univers
par eux-mкmes. C'est pourquoi il faut dire que les anges ont йtй crййs en mкme
temps que la crйature corporelle, cependant sans prйjuger d'une autre opinion. Solutions q. 3 a. 18 ad 1 Et
per hoc patet responsio ad tria prima: quia procedunt secundum mediam opinionem. # 1. 2. 3. Et ainsi apparaоt la rйponse aux trois premiиres objections
qui procиdent de cette opinion intermйdiaire. q. 3 a. 18 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut Basilius dicit in primo Hexameron, Moyses
legislator in principio Genesis exordium visibilis creaturae incepit exponere
praetermissa creatura spirituali quae ante fuerat condita, de qua mentionem non
fecit, quia rudi populo loquebatur, qui ad spiritualia capienda idoneus non
erat. Secundum Augustinum vero creaturam spiritualem per caelum intelligit,
sicut per terram creaturam corporalem, cum dicit: in principio creavit Deus
caelum et terram. Quare autem sub metaphora caeli et non expresse creationem
Angelorum tradidit, potest eadem ratio assignari quae et supra, scilicet ex
populi ruditate, et iterum ad vitandam idololatriam in quam proni erant; ad
quam daretur eis occasio si plures substantiae spirituales ponerentur praeter
unum Deum, quae essent caelo nobiliores; et praecipue cum huiusmodi substantiae
a gentilibus dii dicerentur. Secundum vero Strabonem, et alios priores, per
caelum quod in auctoritate inducta ponitur, intelligitur caelum Empyreum quod
est habitaculum sanctorum Angelorum, per metonymiam sicut quando ponitur
continens pro contento. # 4. Comme Basile le dit
dans le premier livre de l'Hexameron
(hom. 2, c.1), Moпse, le lйgislateur, commenзa, au dйbut de la Genиse, par exposer l'essor de la
crйature visible, en passant outre la crйature spirituelle qui avait йtй crййe
avant, dont il ne fit pas mention, parce qu'il parlait а un peuple rude qui
n'йtait pas apte а comprendre ce qui йtait spirituel. Selon Augustin, il
comprend, par le ciel, la crйature spirituelle, de mкme que par la terre, il
comprend la crйature corporelle, quand il dit: "Au commencement Dieu crйa le ciel et la terre". Parce qu'il
dйcrivit, sous la mйtaphore du ciel et non expressйment, la crйation des anges,
on peut donner la mкme raison que ci-dessus, c'est-а-dire la rudesse du peuple,
et en plus pour йviter l'idolвtrie а laquelle ils йtaient enclins. L'occasion
leur aurait йtй donnйe, si, en plus du seul Dieu, plusieurs substances
spirituelles qui йtaient plus nobles que le ciel avaient йtй posйes en principe
et principalement quand de telles substances seraient appelйes des dieux par
les paпens. Selon Strabon (II, ch. 8) et d'autres auteurs plus rйcents, par le
ciel qui est pensй dans une autoritй induite, on comprend le ciel empyrйe qui
est l'habitacle des saints anges, par mйtonymie comme quand on prend le contenant
pour le contenu. q. 3 a. 18 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut dicit Augustinus, Angeli non cognoscunt Deum ex
visibilibus creaturis; unde creaturae visibiles non sunt factae ut Deum
ostenderent Angelis, sed rationali creaturae quae est homo; unde ex hoc
probatur homo esse finis creaturarum. Finis autem, licet sit prius in
intentione, est tamen ultimus in operatione; unde et homo ultimo factus fuit. # 5. Comme dit Augustin (La
Genиse au sens littйral, V, ch.
5) les anges ne connaissent pas Dieu а partir des crйatures visibles; c'est
pourquoi, elles n'ont pas йtй faites pour leur montrer Dieu, mais (pour le
montrer) а la crйature raisonnable qu'est l'homme; c'est pourquoi, on prouve
ainsi que l'homme est la fin des crйatures. Mais la fin, bien qu'elle soit
premiиre dans l'intention, est cependant derniиre dans l'opйration; donc
l'homme a йtй fait en dernier. q. 3 a. 18 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod secundum Augustinum, creatio caeli et terrae non
praecessit duratione lucis formationem seu productionem; et ideo non intelligit
quod creatio spiritualis naturae fuerit ante primum diem duratione, sed quodam
naturae ordine; quia substantia spiritualis et materia informis secundum suam
essentiam considerata, alterationibus temporum non subiacent; unde per hoc etiam
haberi non potest quod creatura spiritualis sit facta ante corporalem, quia
etiam ante lucis factionem agitur de creatione creaturae corporalis, quae per
terram intelligitur. Secundum vero alios creatio caeli et terrae ad primum diem
pertinet; quia cum caelo et terra creatum est tempus; licet distinctio temporum
quantum ad diem et noctem inceperit per lucem: unde tempus ponitur unum de
quatuor primo creatis, quae sunt natura angelica, caelum Empyreum, materia
informis et tempus. # 6. Selon Augustin (Sur la
Genиse, I, 5) la crйation du ciel et de la terre n'a pas prйcйdй en durйe
la formation ou la production de la lumiиre et c'est pourquoi il ne comprend
pas que la crйation de la nature spirituelle ait existй avant le premier jour
en durйe, mais dans un certain ordre de la nature; parce que la substance
spirituelle et la matiиre informe considйrйes selon leur essence ne sont pas
soumises а l'altйration des temps: c'est pourquoi, il ne se peut pas que la
crйature spirituelle ait йtй faite avant la crйature corporelle, parce que mкme
avant la crйation de la lumiиre, il s'agit de la crйation d'une crйature
corporelle qui est comprise sous le terme de terre. Selon d'autres, la
crйation du ciel et de la terre convient au premier jour; parce que le temps a
йtй crйй avec le ciel et la terre, bien que la distinction des temps quant au
jour et а la nuit n'ait commencй qu'avec la lumiиre: c'est pourquoi, on pense
que le temps est l'une des quatre crйatures crййes en premier, qui sont la
nature angйlique, le ciel empyrйe, la matiиre informe et le temps. q. 3 a. 18 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Hieronymus loquitur secundum opinionem antiquorum
doctorum. # 7. Jйrфme parle selon l'opinion des anciens docteurs. q. 3 a. 18 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ratio illa procederet, si unaquaeque creatura
produceretur ut existens per se absolute; sic enim conveniens esset ut
unaquaeque separatim crearetur secundum gradum suae bonitatis. Sed quia omnes
creaturae producuntur ut partes unius universi, conveniens est ut omnes simul
producantur ad unum universum constituendum. # 8. Cette raison serait valable si chaque crйature йtait produite
comme existant en soi absolument; car ainsi il aurait йtй convenable que
chacune soit crййe sйparйment selon le degrй de sa bontй. Mais parce que toutes
les crйatures sont produites comme des parties d'un seul univers, il convient
que toutes soient produites en mкme temps pour le constituer . q. 3 a. 18 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet ad aliquam dignitatem creaturae spiritualis
pertineret, si ante creaturam visibilem esset creata; non tamen competeret
dignitati et unitati universi. # 9. Bien qu'il convienne а une certaine dignitй de la crйature
spirituelle d'кtre crййe avant la crйature visible, cependant cela ne s'accorde
pas avec la dignitй et l'unitй de l'univers q. 3 a. 18 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet cor ante alia membra formetur, tamen totius
corporis animalis est una continua generatio, non quod seorsum una generatione
formetur cor, et postmodum successive aliis generationibus alia membra
aliquibus temporibus interiectis. Hoc autem non potest dici in creatione
Angelorum et corporalium creaturarum, quod una productione sint condita,
scilicet spiritualis creatura ante corporalem, quasi continue universum sit
productum; producere enim successive est in producendis his quae ex materia
producuntur, in qua est una pars vicinior complemento quam alia; unde in prima
rerum creatione successio locum non habet, etsi in formatione rerum ex materia
creata possit locum habere; unde et doctores qui posuerunt Angelos ante mundum
creatos, posuerunt omnino distinctam creationem Angelorum et corporum, et
multam durationem mediam intervenisse. Et praeterea cor necesse est in animali
prius formari, quia virtus cordis operatur ad formationem aliorum membrorum.
Creatura autem spiritualis non operatur ad creationem corporalium creaturarum,
cum solius Dei sit creare. Unde et Commentator imponit Platoni, quod dixerit,
quod Deus primo creavit Angelos, et postea commisit eis creationem corporalium
creaturarum. # 10. Bien que le coeur soit formй avant les autres membres, cependant
il y a une seule gйnйration continue de tout le corps animй, non parce que le
coeur est formй sйparйment par une gйnйration et par la suite les autres
membres, successivement par d'autres gйnйrations aprиs un certain temps. On ne
peut pas dire cela pour la crйation des anges et des crйatures corporelles,
parce qu'ils ont йtй crййs par une seule production, а savoir la crйature
spirituelle avant la crйature corporelle, comme si l'univers йtait produit en
continuitй; car produire successivement, c'est pour ce qui est produit а partir
de la matiиre, dans laquelle une partie est plus proche de la perfection que
l'autre; c'est pourquoi, dans la premiиre crйation, la succession n'a pas de
place, mкme si dans la formation de ce qui est crйй а partir de la matiиre,
elle peut avoir lieu: c'est pourquoi, les docteurs qui ont pensй que les anges
avaient йtй crййs avant le monde, ont pensй que la crйation des anges йtait
tout а fait distincte de celle des corps et qu'une grande durйe intermйdiaire
s'йtait interposйe. Et en plus, il est nйcessaire que le coeur soit formй dans
l'кtre animй avant, parce que son pouvoir opиre pour la formation des autres
membres. Mais la crйature spirituelle n'opиre pas pour la crйation des
crйatures corporelles, puisque Dieu seul en a le pouvoir. C'est pour cela que
le Commentateur (Mйtaphysique, XI,
com. 44) impute а Platon qu'il a dit que Dieu crйa d'abord les anges et ensuite
il leur confia la crйation des crйatures corporelles. q. 3 a. 18 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod
Augustinus loquitur de factione creaturarum corporalium, non quantum ad primam
creationem, sed quantum ad formationem. # 11. Augustin parle de la
crйation des crйatures corporelles, non quant а la premiиre crйation mais quant
а leur formation q. 3 a. 18 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod sustinendo quod omnia sint simul creata in forma et
materia, creatura spiritualis dicitur habuisse cognitionem creaturae corporalis
fiendae, non quia eius formatio esset tempore futura, sed quia cognoscebatur ut
futura, prout considerabatur in sua causa, in qua erat ut ex ea posset
procedere; sicut qui cognoscit arcam in principiis ex quibus fit, potest dici
eam cognoscere ut fiendam. # 12. En soutenant que tout a йtй crйй en mкme temps dans la forme et
la matiиre, on dit que la crйature spirituelle a eu connaissance de la crйature
corporelle qui devait кtre crййe, non parce que sa formation йtait а venir dans
le temps, mais parce qu'elle la connaissait comme future, dans la mesure oщ
elle йtait considйrйe dans sa cause, oщ elle йtait pour pouvoir en procйder;
comme on peut dire que celui qui connaоt un coffre dans les principes dont il
est fait, le connaоt comme devant кtre fait. q. 3 a. 18 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod dicere Dei intelligitur de aeterna verbi Dei
generatione, in quo ab aeterno fuit ratio omnium creaturarum condendarum. Nec
tamen ideo frequenter repetitur in singulis operibus, dixit Deus, quasi
temporaliter dixerit; sed quia licet verbum in se sit unum, tamen in eo est
propria ratio singularum creaturarum. Sic ergo singulis operibus praemittitur
Dei verbum sicut propria ratio operis fiendi, ne facto opere necesse sit
quaerere quare tale opus sit factum, cum ante operis conditionem sit dictum,
dixit Deus; sicut cum aliquis volens assignare alicuius rei causam, incipit a
causae cognitione. # 13. La parole de Dieu est comprise de la gйnйration йternelle du
Verbe de Dieu, en qui, de toute йternitй, il y eut la raison de toutes les
crйatures а crйer. Et cependant elle n'est pas rйpйtйe frйquemment dans les
oeuvres singuliиres, "Dieu dit",
comme s'il avait parlй temporellement, mais parce que, bien que, en soi, le
Verbe soit un, cependant en lui il y a la raison propre des crйatures
particuliиres. Donc ainsi le verbe de Dieu est envoyй pour les oeuvres
particuliиres, comme la raison propre de l'oeuvre а faire, pour qu'une fois
faite, il ne soit pas nйcessaire de chercher pourquoi une telle oeuvre a йtй
faite, puisqu'elle йtй annoncйe avant sa fondation; "Dieu a dit", comme, lorsque quelqu'un, qui veut assigner la
cause de quelque chose, il commence par connaоtre cette cause. q. 3 a. 18 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod esse rerum in verbo est causa esse rerum in
propria natura; sed esse rerum in cognitione angelica non est causa esse rerum
in propria natura; et ideo non est simile. # 14. L'кtre des choses dans le verbe est leur cause dans leur nature
propre, mais l'кtre des choses dans la connaissance angйlique n'est pas leur
cause dans leur nature propre et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 3 a. 18 ad 15 Ad decimumquintum dicendum,
quod res in finem ordinatur per suam operationem. Non autem producitur in esse
per suam operationem, sed solum per operationem causae agentis. Unde magis est
conveniens quod creaturae superiores cooperentur Deo in reducendo creaturas
inferiores in finem, quam in earum productione. # 15. Une chose est ordonnйe а sa fin par son opйration. Elle n'est pas
amenйe а l'кtre par elle, mais seulement par celle de la cause efficiente.
C'est pourquoi il est plus convenable que les crйatures supйrieures coopиrent
avec Dieu pour ramener les crйatures infйrieures а leur fin, que dans leur
production. q. 3 a. 18 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet creaturae corporales et spirituales sint
disparatae secundum proprias naturas, tamen sunt connexae secundum ordinem
universi; et ideo oportuit quod simul crearentur. # 16 Bien que les crйatures corporelles et spirituelles soient
diffйrentes selon leur propre nature, cependant elles sont unies selon l'ordre
de l'univers, et c'est pourquoi il fallut qu'elles soient crййes ensemble. q. 3 a. 18 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod illa auctoritas Eccli., secundum Augustinum,
intelligitur de sapientia creata quae est in natura angelica, quae tamen
secundum ipsum non prius creata est tempore sed dignitate. Secundum vero
Hilarium in Lib. de synodis intelligitur de sapientia increata, quae est filius
Dei; quae quidem simul dicitur et creata et genita, ut patet Prov. VIII, 22,
sq., et in diversis Scripturae locis, ut omnis imperfectio a nativitate filii
Dei excludatur. In creatione enim attenditur
imperfectio ex parte creati, in quantum de nihilo in esse educitur; sed
perfectio ex parte creantis, qui absque sui immutatione creaturas producit. In
nativitate vero est e contrario; quia importatur perfectio ex parte nati in
quantum accipit naturam generantis; sed imperfectio ex parte generantis
secundum modum inferioris generationis, in quantum generat cum sui immutatione,
vel divisione suae substantiae. Et ideo simul filius Dei et creatus et
genitus dicitur, ut per creationem excludatur generantis mutatio, et ex
nativitate geniti imperfectio, ut ex utroque unus intellectus constituatur
perfectus. # 17. Cette autoritй (Eccl. 1, 4), selon Augustin (Confessions, XII, 15), est comprise de
la sagesse crййe qui est dans la nature angйlique, qui cependant, selon lui,
n'a pas йtй crййe avant dans le temps, mais [avant] en dignitй. Mais selon
Hilaire (Les synodes), on le comprend
de la sagesse incrййe, qui est le Fils de Dieu, laquelle en mкme temps est
dite, crййe et engendrйe, comme cela paraоt dans Prov. 8, 22, ss., et dans divers lieux de l'Йcriture, pour que
toute imperfection soit exclue de la nativitй du Fils de Dieu. Car dans la
crйation, l'imperfection se trouve du cфtй du crйй, dans la mesure oщ, du
nйant, il est amenй а l'кtre; mais la perfection se trouve du cфtй du crйateur
qui produit les crйatures sans changement de sa part. Mais dans la nativitй
c'est le contraire, parce que la perfection est apportйe du cфtй de l'enfant
dans la mesure oщ il reзoit la nature du gйniteur, mais l'imperfection est du
cфtй de celui qui engendre. selon le mode de la gйnйration infйrieure dans la
mesure oщ il engendre en changeant et en divisant sa substance. Et c'est pourquoi
on dit que le Fils de Dieu est en mкme temps crйй et engendrй, pour exclure le
changement de celui qui engendre par crйation, et l'imperfection de la
naissance de l'engendrй, pour que de chaque cotй soit constituй comme parfait
un seul esprit. q. 3 a. 18 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod Hilarius loquitur secundum opinionem antiquorum
doctorum. # 18. Hilaire parle selon l'opinion des anciens Docteurs. q. 3 a. 18 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod Deus est causa naturae angelicae; non autem natura
angelica causa est naturae corporalis; et ideo non est simile. # 19. Dieu est cause de la nature angйlique; mais celle-ci n'est pas
cause de la nature corporelle et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 3 a. 18 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod Angeli dicuntur semper fuisse, non quia ab aeterno
fuerunt, sed quia omni tempore fuerunt: quia quandocumque fuit tempus, fuerunt
Angeli. Et per hunc etiam modum creaturae corporales semper fuerunt. # 20. On dit que les anges ont toujours existй, non parce qu'il ont
existй depuis l'йternitй, mais parce qu'ils ont existй de tout temps; parce
que, quand il y eut le temps, les anges existиrent. Et de cette maniиre, mкme
les crйatures corporelles ont toujours existй aussi. q. 3 a. 18 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod motor non de necessitate praecedit tempore
mobile, sed dignitate, sicut patet in anima et corpore. # 21. Le moteur ne prйcиde pas nйcessairement en temps le mobile, mais
(il le prйcиde) en dignitй, comme cela apparaоt dans l'вme et le corps. q. 3 a. 18 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod in actione ignis in corpora, duplex ordo est
considerandus; scilicet situs, et temporis. Ordo situs est in omni actione eius
eo quod omnis actio eius est situalis et in corpora sibi magis propinqua
plenius suam actionem exercet; unde ulterius procedendo in tantum debilitatur
eius effectus, quod tandem totaliter deficit. Ordo autem temporis non
attenditur in omni eius actione, sed solum in illa qua agit per motum. Unde cum
ignis illuminet et calefaciat corpora, in calefactione servatur ordo situs et
temporis; sed in illuminatione, quae non est motus sed terminus motus,
attenditur tantum ordo situs. Quia ergo actio Dei quantum ad creationem est
absque motu, non attenditur similitudo quantum ad ordinem temporis, sed solum
quantum ad ordinem situs. Item enim est in actione spirituali diversus gradus
naturae, quod in actione corporali diversus situs. Quantum ergo ad hoc
attenditur similitudo Dionysii, quod sicut ignis in corpora sibi vicina plenius
suam virtutem effundit, ita Deus rebus sibi propinquioribus gradu dignitatis,
copiosius suam bonitatem distribuit. # 22. Dans l'action du feu sur les corps, il faut considйrer un ordre
double: а savoir le lieu et le temps. Le lieu
est dans toute action de sa part, parce qu'elle est locale et dans les
corps qui lui sont les plus proches, il exerce plus pleinement son action.
C'est pourquoi en procйdant au-delа, son effet est diminuй, au point qu'il est
totalement affaibli. Mais l'ordre du temps n'est pas atteint dans toute son action,
mais seulement dans celle oщ il agit par mouvement. C'est pourquoi, comme le
feu йclaire et rйchauffe les corps, en rйchauffant on conserve l'ordre du lieu
et du temps, mais dans l'йclairage, qui n'est pas un mouvement mais son terme,
on atteint seulement l'ordre du lieu. Donc parce que l'action de Dieu dans la
crйation est sans mouvement, on n'atteint pas la ressemblance pour l'ordre du
temps, mais seulement pour celui du lieu. D'autre part, en effet, dans l'action
spirituelle, il y a divers degrйs de nature qui parce que le lieu est diffйrent
dans l'action corporelle. Donc, la ressemblance (dont parle) Denys est
atteinte, parce que, de mкme que le feu dans les corps qui lui sont voisins,
verse son pouvoir plus pleinement; de mкme, dans les crйatures qui lui sont
plus proches en dignitй, Dieu distribue plus abondamment sa bontй.
[1] Ia, q. 61,a. 3 – II Sent. d2q1a3 – Opusc.
XV, De angelis c. 17 – Opusc. XXIII, – In decretal. I.) [2]
Jean Damascиne rapporte l'opinion de Grйgoire de Naziance. Sa citation: "D'abord
il a pensй les puissances angйliques et cйlestes,... et cette pensйe йtait une
oeuvre." Cf. Id. II Sent. D. 2,
qu. 1, a. 3, obj. 1. [3]
Les deux opinions sont les suivantes: celle de Grйgoire (Cf. Note ci-dessus) et
Jean Damascиne rapporte l'autre: "D'autres disent que c'est aprиs
l'apparition du premier ciel..." toujours suivant Grйgoire. [4]
Si Dieu parle temporairement, il parle а une crйature. Augustin considиre que
dans l'expression "Dieu crйa le ciel et la terre" le ciel reprйsente
la crйation spirituelle dйjа faite et formйe." (I, X, 5, p. 101 § Ж). [5]
"Ce n'est pas que la matiиre informe soit temporellement antйrieure aux
choses en forme......... Voilа pourquoi, puisque Dieu a crйй dans un mкme acte
et la matiиre qu'il a formй et les choses en lesquelles il l'a formйe." [6]
Le raisonnement est le suivant: L'ordre Dieu, ange, corps, est parallиle aux
durйes: йternitй, aevum, temps, donc aevum dit que l'ange est avant. [7]
Il y a un argument qu'il n'a pas repris de II
Sent. d2q1a3: "Selon certains les anges meuvent le ciel, mais le
moteur prйcиde le mobile..." [8]
A un mot prиs, la phrase se trouve dйjа dans l'objection 10. [9]
Il en donne la liste en II Sent.
d2q1a3: Jйrфme, La lettre а Tite,
Hilaire, La Trinitй, Grйgoire de
Naziance. [10]
Il ne rйprouve pas ces auteurs, parce qu'en II
Sent, d2q1a3, c, il dit:"Il faut savoir qu'а propos du commencement
des кtres, des saints qui sont d'accord en ce qui est de foi, а savoir que rien
n'est йternel sauf Dieu, sont arrivйs а dire, au moins dans la forme, des
paroles variйes sur ce qui n'est pas de nйcessitй de foi, en qui il leur est
permis de penser de diffйrentes maniиres, comme nous aussi." Il cite
ensuite Jйrфme, Hilaire, Grйgoire de Naziance, qui ont pensй que les anges
avaient йtй crййs avant la crйature corporelle.
Article 19: Les anges ont-ils pu exister avant le monde visible?
q. 3 a. 19 tit. 1
Decimonono quaeritur utrum potuerint esse Angeli ante mundum visibilem. Et videtur
quod non. Il semble que non: Objections[1]: q. 3 a. 19 arg. 1
Quaecumque enim ita se habent quod duo ex ipsis non possunt esse in uno loco
distincta, requirunt loci diversitatem. Sed duo Angeli non possunt esse in
eodem loco, ut communiter dicitur. Ergo non potest intelligi quod essent duo
Angeli distincti nisi sint duo loca distincta. Sed ante creaturam visibilem non
fuit locus, cum locus, secundum philosophum, non sit nisi ultimum corporis
continentis. Ergo ante mundum visibilem Angeli esse non potuerunt. 1. Car tous les кtres qui se comportent de telle maniиre que deux
d'entre eux ne puissent кtre distincts dans un seul lieu, ont besoin de lieux
diffйrents. Deux anges ne peuvent pas кtre en un mкme lieu, comme on le dit communйment.
Donc on ne peut comprendre que deux anges sont distincts que s'il y a deux
lieux diffйrents. Mais avant la crйature visible, le lieu n'existait pas,
puisque celui-ci, selon le Philosophe (Physique IV, 4, 212 a 2-6[2])
n'est que au-delа du corps qui le contient. Donc avant l'univers visible, les
anges n'ont pas existй. q. 3 a. 19 arg. 2
Praeterea, productio creaturae corporalis Angelis nihil de eorum virtute
naturali ademit. Si ergo non facto mundo visibili Angeli absque loco esse
potuerunt, etiam nunc mundo visibili facto absque loco esse possent; quod
videtur esse falsum; quia si non essent in loco, nusquam essent, et sic
viderentur non esse. 2. La production de la crйature corporelle n'a rien enlevй aux anges de
leur pouvoir naturel. Si donc, quand l'univers visible n'йtait pas crйй, les
anges ont pu exister sans lieu; mкme alors que l'univers visible a йtй crйй,
ils le peuvent aussi, ce qui semble faux, parce que, s'ils n'йtaient pas dans
un lieu, ils ne seraient nulle part, et ainsi il semblerait qu'ils n'existent
pas[3] . q. 3 a. 19 arg. 3 Praeterea, Boetius dicit, quod
omnis spiritus creatus corpore indiget. Sed Angelus est
spiritus creatus. Ergo indiget corpore, et ita ante creaturam corporalem esse
non potuit. 3. Boиce dit, que toute esprit crйй a besoin d'un corps. Mais l'ange
est un esprit crйй. Donc il a besoin d'un corps, et ainsi il n'a pas pu exister
avant la crйature corporelle q. 3 a. 19 arg. 4 Sed diceretur, quod indiget
corpore non quantum ad esse, sed quantum ad ministerium.- Sed contra,
ministerium Angelorum exercetur ubi nos sumus, scilicet in hoc mundo. Sed
Angeli habent locum corporalem etiam extra habitationem nostram, scilicet
caelum Empyreum. Ergo non solum indigent corpore in loco
corporali propter ministerium nostrum. 4. Mais on pourrait dire
qu'il a besoin d'un corps non pour son existence, mais pour son ministиre. – En sens contraire, le ministиre des
anges s'exerce lа oщ nous sommes, c'est-а-dire dans ce monde. Mais les anges
ont un lieu physique, mкme hors de notre sйjour, c'est-а-dire le ciel empyrйe.
Donc ils n'ont pas seulement besoin d'une corps dans un lieu physique seulement
pour notre service . q. 3 a. 19 arg. 5
Praeterea, impossibile est imaginari prius et posterius sine tempore. Sed si
Angeli fuissent ante mundum, prius fuisset principium quo Angeli esse
coeperunt, quam principium quo mundus visibilis esse coepit. Ergo tempus
incepisset ante mundum visibilem; quod est impossibile, cum tempus sequatur ad
motum, et motus ad mobile. Ergo impossibile est quod Angeli fuerint ante
mundum. 5. Il est impossible d'imaginer un avant et un aprиs sans le temps.
Mais si les anges avaient existй avant le monde, il y aurait eu un commencement
oщ les anges ont commencй а exister, avant le commencement oщ l'univers visible
a commencй а exister. Donc le temps aurait commencй avant le monde visible, ce
qui est impossible, puisque le temps dйpend du mouvement et le mouvement du
mobile. Donc il est impossible que les anges aient existй avant l'univers. En sens contraire: q.
3 a. 19 s. c. Sed contra, illud quod in creaturis contradictionem non
implicat, est Deo possibile. Sed Angelos esse, creatura visibili non existente,
nullam contradictionem implicat. Ergo non fuit Deo impossibile producere
Angelos ante mundum. Ce qui n'implique pas contradiction dans les crйatures, est possible а
Dieu. Mais l'existence des anges, quand la crйature visible n'existait pas,
n'implique aucune contradiction. Donc il n'a pas йtй impossible а Dieu de crйer
les anges avant l'univers. Rйponse: q. 3 a. 19 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut Boetius dicit, in divinis non oportet ad
imaginationem deduci, et similiter nec in corporalibus omnibus; quia cum
imaginatio sit sequela sensus, ut per philosophum patet imaginatio non potest
extendi ultra quantitatem, quae est qualitatum sensibilium subiectum. Hoc autem
quidam non attendentes, nec imaginationem transcendere valentes, non potuerunt
aliquid intelligere nisi per modum rei situalis, et propter hoc quidam antiqui dixerunt,
quod illud quod non est in loco, non est, ut in IV Physic. dicitur. Comme Boиce le dit (dans son livre sur La Trinitй), sur les affaires divines, il ne faut pas faire de
dйductions imaginaires, ni non plus dans tout ce qui est corporel, parce que l'imagination
suit les sens, comme cela apparaоt chez le Philosophe (L'вme, II, 3, 415 a 10[4]), l'imagination ne
peut s'йtendre au-delа de la grandeur qui est le substrat des qualitйs
sensibles. Ceux qui ne font pas attention а cela, et n'ont pas la force de
surpasser l'imagination, n'ont pu les comprendre que par le lieu et а cause de
cela, certains anciens ont dit que ce qui n'est pas dans un lieu n'existe pas,
comme on le dit en Physique (IV, 6,
213 a 25). Et ex simili errore quidam moderni dixerunt, quod Angeli
absque creatura corporali esse non possunt, intelligentes Angelos tamquam ea
quae imaginaverunt situaliter distincta; quod quidem praeiudicat sententiae
antiquorum, qui Angelos ante mundum fuisse posuerunt; praeiudicat etiam
dignitati angelicae naturae quae cum naturaliter sit prior quam creatura
corporalis, nullo modo a creatura corporali dependet. Et ideo simpliciter
dicimus, quod Angeli esse potuerunt ante mundum. Et par une erreur semblable, certains modernes ont dit que les anges ne
peuvent pas exister sans la crйature corporelle, comprenant les anges comme ce
qu'ils ont imaginй distincts selon le lieu; ce qui porte prйjudice а l'opinion
des anciens qui ont pensй que les anges avaient existй avant le monde; cela
porte aussi prйjudice а la dignitй de la nature angйlique qui, puisqu'elle est
naturellement avant la crйature corporelle, ne dйpend d'elle en aucune maniиre.
Et c'est pourquoi nous disons absolument que les anges ont pu exister avant le
monde.
Solutions: q. 3 a. 19 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod duos Angelos
esse in uno loco indivisibili non
impedit eorum distinctio, sed operationum confusio; unde ratio non sequitur. # 1. Leur distinction n'empкche pas que deux anges soient en un seul
lieu indivisible, mais la confusion des opйrations, oui. C'est pourquoi
l'objection n'est pas valable. q. 3 a. 19 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod etiam nunc nihil prohibet Angelos non esse in loco, si
voluerint, etsi etiam semper sint in loco propter ordinem quo creatura spiritualis
praesidet corporali, secundum Augustinum. # 2. Mкme maintenant rien
n'empкche que les anges ne soient pas dans un lieu, s'ils l'ont voulu, et mкme
qu'ils soient toujours dans un lieu а cause de l'ordre par lequel la crйature
spirituelle prйside а la nature corporelle, selon Augustin, (La Trinitй, III, 4). q. 3 a. 19 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut ipse Boetius exponit, Angeli indigent corpore
solum quantum ad ministerium non quantum ad naturae complementum. # 3. Comme Boиce l'expose lui-mкme, les anges ont besoin d'un corps,
seulement pour leur ministиre, mais non pour complйter leur nature. q. 3 a. 19 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Angeli sunt in caelo Empyreo, ut in loco qui est
contemplationi congruus, non tamen de necessitate contemplationis. # 4. Les anges sont dans le
ciel empyrйe, comme dans un lieu qui convient а la contemplation, non cependant
par la nйcessitй de la contemplation. q. 3 a. 19 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod illa prioritas et posterioritas non cogit nos ponere
ante mundum tempus reale, sed solum tempus imaginarium, ut in quaestione de
aeternitate vel creatione mundi, art. 17, dictum est. # 5. Cette prioritй et cette postйrioritй ne nous oblige pas а penser
qu'il y avait avant le monde un temps rйel, mais seulement un temps imaginaire,
comme on l'a dit dans la question sur l'йternitй ou la crйation du monde (art.
17).
[1] Ia, 61, a. 4, ad 1 – II
Sent. d2q1a3. [2]
"Si donc le lieu n'est aucune des trois choses ni la forme, ni la matiиre,
ni un intervalle, qui serait quelque chose de diffйrent de l'intervalle
d'extension de l'objet dйplacй, reste nйcessairement que le lieu est la
derniиre des autres, а savoir la limite du corps enveloppant.." (Trad. H.
Carteron) Р en 212 a 20, on lit "Par suite la limite immobile immйdiate de
l'enveloppe, tel est le lieu." En II
Sent. d2q1a3, il fait de cet argument un Sed contra. "Si les anges sont sйparйs entre eux, il leur faut
un lieu. Donc ils n'ont pas existй avant les corps." [3]
Il y a quelques allusions en Physique
IV. [4]
Cf. Thomas, n° 302: "Il y a des animaux qui vivent avec la seule
imagination, c'est-а-dire sans esprit..."
Question 4:
La crйation de la matiиre sans forme
q. 4 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum creatio materiae informis praecesserit duratione creationem
rerum. 1. La crйation de la matiиre sans forme a-t-elle prйcйdй la crйation en
durйe? q. 4 pr. 2 Secundo
utrum materia informis tota simul fuerit, an successive. 2. La matiиre informe a-t-elle existй toute en mкme temps ou
successivement?
Article 1: La crйation de la matiиre sans forme a-t-elle prйcйdй la
crйation dans la durйe?
q. 4 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum creatio materiae informis praecesserit duratione
creationem rerum.
Et videtur quod non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 4 a. 1 arg. 1
Quia, sicut dicit Augustinus, materia informis praecedit formatam ex ea, sicut
vox cantum. Sed vox non praecedit cantum duratione, sed solum natura. Ergo
materia informis, non praecedit res formatas duratione, sed solum natura. 1. Parce que, comme le dit Augustin (La Genиse au sens littйral, I, 15[2]) la matiиre sans forme[3]
prйcиde la matiиre qui est formйe а partir d’elle, comme la voix prйcиde le
chant. Mais la voix ne le prйcиde pas en durйe, mais seulement en nature. Donc
la matiиre sans forme ne prйcиde pas les choses en forme, en durйe, mais
seulement en nature.
q. 4 a. 1 arg. 2 Sed
diceretur, quod Augustinus loquitur de materia respectu formationis, quae est
per formas elementorum; quae quidem formae statim a principio in materia
fuerunt.- Sed contra, sicut aqua et terra sunt elementa, ita etiam ignis et
aer. Sed Scriptura tradens informitatem materiae facit mentionem de terra et
aqua. Ergo si materia a principio habuisset formas elementares, pari ratione
fecisset mentionem de aere et igne. 2. Mais on pourrait dire qu’Augustin parle de la matiиre par rapport а
sa formation par les formes des йlйments[4]; ces formes qui ont existй aussitфt
au commencement dans la matiиre. — En sens contraire: l’eau et la terre sont
des йlйments, le feu et l’air aussi. Mais l’Йcriture, en rapportant l'absence
de forme de la matiиre, fait mention de la terre et de l'eau. Donc si la
matiиre, au commencement, avait eu des formes йlйmentaires, а raison йgale, elle
aurait fait mention de l’air et du feu.
q. 4 a. 1 arg. 3 Praeterea, forma substantialis
cum materia sunt causa accidentalium qualitatum, ut patet per philosophum, in I
Phys. Sed qualitates activae et passivae sunt proprietates
proprie accidentales elementorum. Si ergo formae substantiales fuerunt a
principio in materia, fuerunt ibi ex consequenti qualitates activae et passivae;
et ita nulla restabat informitas, ut videtur. 3. La forme substantielle est avec la matiиre la cause des qualitйs
accidentelles, comme le montre le philosophe (Physique, I). Mais les qualitйs actives et passives sont des
qualitйs proprement accidentelles des йlйments. Si donc les formes
substantielles ont existй dиs le commencement dans la matiиre, en consйquence,
les qualitйs actives et passives y ont aussi йtй, et ainsi il semble qu’aucune
absence de forme ne demeurait.
q. 4 a. 1 arg. 4 Sed
diceretur, quod erat informitas sive confusio quantum ad elementorum situm.-
Sed contra, secundum philosophum, quantum unumquodque elementorum habet de
specie, tantum habet de ubi; elementa enim sunt in propriis locis ex virtute
formae. Si ergo materia a principio habebat formas substantiales, tunc ex
consequenti unumquodque elementorum suum situm habebat; et ita nulla confusio
in elementis restabat, secundum quam materia posset dici informis. 4. Mais on pourrait dire qu'il y avait absence de forme ou confusion au
sujet de la situation des йlйments[5]. En sens contraire: selon le Philosophe (Le ciel et le monde, IV, 5, 312 b
20[6]), il y a autant de lieux que d’йlйments diffйrents[7]; car les йlйments
sont dans leur situation[8] propre par le pouvoir de leur forme. Si donc la
matiиre, dиs le commencement, avait des formes substantielles, alors en
consйquence, chaque йlйment avait sa situation et ainsi il ne subsistait aucune
confusion dans les йlйments qui permette de dire que la matiиre pouvait кtre
sans forme.
q. 4 a. 1 arg. 5
Praeterea, si pro tanto materia informis dicitur, quod elementa nondum proprium
et naturalem situm habebant, ex consequenti videtur quod secundum hoc eius
formatio intelligitur quod elementis naturalis situs attribuitur. Sed hoc non
videtur in rerum distinctione; nam aquae aliquae supra caelos ponuntur, cum
tamen naturalis situs aquarum sit sub aere supra terram immediate; ut patet IV
caeli et mundi. Ergo non intelligitur materiae informitas propter confusionem
situs praedictam. 5. Si pour autant on dit que la matiиre est sans forme, parce que les
йlйments n’avaient pas leur situation propre et naturelle, il semble en consйquence,
que selon cela on comprend [qu’il s’agit de] la mise en forme, dans la mesure
oщ une situation naturelle est attribuйe aux йlйments. Mais cela n’apparaоt pas
dans la distinction, car certaines eaux sont placйes au-dessus des cieux; alors
que cependant leur situation naturelle est en dessous de l’air, immйdiatement
sur la terre; comme on le voit dans Le
ciel et le monde, (IV, 5, 312 b 5). Donc on ne comprend pas l'absence de
forme de la matiиre comme une confusion de situation.
q. 4
a. 1 arg. 6 Sed dicendum, quod aquae dicuntur esse supra caelos, in quantum
vaporabiliter elevantur ut sint supra caelos.- Sed contra, aquae vaporabiles
non possunt supra totum aerem elevari, ut a philosophis probatur; immo solum
usque ad medium aeris interstitium ascendunt. Multo ergo minus possunt elevari
supra ignem, ut ulterius supra caelum. 6. Mais il faut signaler qu'on dit que les eaux sont au-dessus des
cieux, dans la mesure oщ elles s’йtaient йlevйes sous forme de vapeur pour s’y
trouver. — En sens contraire, sous cette forme les eaux ne peuvent pas s’йlever
au-dessus de l’atmosphиre, comme le prouvent les philosophes; au contraire
elles montent seulement jusqu’а l’intermйdiaire des intersticesde l’air[9].
Donc elles peuvent beaucoup moins s'йlever au-dessus du feu, comme au-delа
au-dessus du ciel.
q. 4 a. 1 arg. 7
Praeterea, informitas materiae designatur in hoc quod dicitur: terra erat
inanis et vacua. Sed inanitas materiae attribuitur respectu virtutis
generativae, et vacuitas respectu ornatus, ut a sanctis exponitur, quod
consistit in his quae in terra moventur. Ergo informitas materiae non
attenditur quantum ad situm, ut sic dici possit quod materiae informitas
duratione formationem praecesserit. 7. L' absence de forme de la matiиre est signalйe par ce qui en est dit
(Gn. 1, 2) "La terre йtait vide et dйserte". Mais le vide est
attribuй а la matiиre en rapport avec le pouvoir gйnйrateur et la vacuitй avec
l’ornement, qui, comme les saints l'ont exposй, consiste en ce qui se meut sur
terre. Donc l'absence de forme de la matiиre ne concerne pas la situation, de
sorte qu’on puisse dire ainsi qu’elle a prйcйdй sa mise en forme dans la durйe.
q. 4 a. 1 arg. 8
Praeterea, qui potest dare aliquid simul, minus liberaliter agit si dat
successive; unde Prov. III, 28: ne dicas amico tuo: vade, et revertere; cras
dabo tibi. Sed Deus simul dare poterat rebus esse perfectum. Ergo cum sit
liberalissimus, non fecit materiam informem ante eius formationem. 8. Qui peut donner quelque chose, en une seule fois, agit avec moins de
libйralitй s’il donne de maniиre successive. C'est pourquoi, on lit Prov. 3, 28:
"Ne dis pas а ton ami: Va et reviens; demain je te le donnerai". Mais
Dieu pouvait donner en mкme temps un кtre parfait aux choses. Donc comme il est
suprкmement gйnйreux, il n’a pas fait la matiиre sans forme avant sa formation.
q. 4 a. 1 arg. 9
Praeterea, motus a centro ad centrum sequitur elementa secundum quod habent
naturales situs. Sed in ipsa informitate materiae apparet quod ibi fuisset
motus a centro ad centrum, quia aquae vaporabiles super terram elevabantur, ut
dicitur. Ergo elementa iam habebant suos naturales situs. 9. Le mouvement du centre au centre[10] suit les йlйments selon qu’ils
ont des situations naturelles. Mais dans l'absence de forme mкme de la matiиre,
il apparaоt qu’il y avait un mouvement du centre au centre, parce que les eaux
qui pouvaient se vaporiser s’йtaient йlevйes au-dessus de la terre, comme on le
dit. Donc les йlйments avaient dйjа leurs situations naturelles.
q. 4 a. 1 arg. 10
Praeterea, rarum et densum sunt causa gravis et levis, ut patet IV Phys. Sed
iam erat rarum et densum in elementis; quia dicitur, quod aquae erant rariores
quam modo sint. Ergo erat grave et leve, et elementa habebant sua ubi, quae eis
attribuuntur ratione levitatis et gravitatis. 10. Le rare et le dense sont causes du lourd et du lйger, comme cela
paraоt en Physique, IV, 9, 217 b 11).
Mais dйjа le rare et le dense йtaient dans les йlйments, parce qu'il est dit
que les eaux йtaient plus rares, que maintenant. Donc il y avait le lourd et le
lйger, et les йlйments avaient leur place, qui leur est attribuйe en raison de
leur lйgиretй ou de leur densitй.
q. 4 a. 1 arg. 11
Praeterea, in illa rerum informitate manifeste apparet quod terra suum situm
habebat, et datur intelligi quod terra erat aquis cooperta, per hoc quod
dicitur, Gen. I, 9: congregentur aquae in unum locum; et appareat arida. Ergo pari ratione et alia elementa suum situm habebant; et ita nulla
informitas in materia erat. 11. Dans cette absence de forme, il apparaоt manifestement que la terre
avait sa situation et il est donnй а comprendre qu'elle йtait recouverte par
les eaux, c’est pour cela qu’il est dit (Gn. 1, 9):"Que les eaux soient
rassemblйes en un seul lieu, et qu’apparaisse le terre sиche". Donc а raison
йgale les autres йlйments avaient leur situation, et ainsi il n’y avait nulle
absence de forme dans la matiиre.
q. 4 a. 1 arg. 12
Praeterea, a perfecto agente educitur perfectus effectus; quia omne agens agit
sibi simile. Sed Deus est perfectissimum agens. Ergo a principio materiam perfectam produxit, et ita formatam, cum forma
sit perfectio materiae. 12. L’effet parfait vient d’un agent parfait, parce que tout agent fait
du semblable а soi. Mais Dieu est l’agent absolument parfait. Donc, au
commencement, il produisit la matiиre parfaite et ainsi mise en forme, puisque
la forme est la perfection de la matiиre.
q. 4 a. 1 arg. 13
Praeterea, si materia informis formationem rerum duratione praecessit; aut
materia sic existens carebat omni forma, aut habebat aliquam formam. Si omni
forma carebat, tunc erat tantum in potentia et non in actu; et ita nondum erat
creata, cum creatio terminetur ad esse. Si autem habebat aliquam formam, aut
illa erat aliqua forma elementaris, aut forma mixti. Si forma elementaris, aut
habebat tantum unam formam, aut diversas. Si diversas,
ergo iam erat diversitas per diversas elementares formas. Si unam tantum,
sequitur quod aliqua forma elementi sit naturaliter prius in materia quam aliae;
et ita unum elementum erat principium aliorum elementorum, sicut antiquissimi
naturales posuerunt dicentes unum tantum elementum esse; quod a philosopho
improbatur. Si autem habebat formam mixti, ergo forma mixti naturaliter est
prius in materia quam forma elementorum; quod patet esse falsum; quia mixtio
non fit nisi per hoc quod aliquid elementa movet ad formam mixti. Ergo non
potest esse quod materia fuerit prius informis quam formata. 13. Si la matiиre sans forme a prйcйdй la mise en forme en durйe, ou
bien la matiиre en un tel йtat manquait de toute forme, ou bien elle en avait
une. Si elle manquait de toute forme, elle йtait alors seulement en puissance
et non en acte; et ainsi elle n’йtait pas encore crййe, puisque la crйation se
termine а l’кtre. Mais si elle avait une forme, ou celle-ci йtait une forme
йlйmentaire, ou la forme d’un mixte. Si c’йtait une forme йlйmentaire, ou bien
elle avait seulement une forme ou des formes diverses. Si elles йtaient
diverses, donc il y avait dйjа de la diversitй par les diverses formes
йlйmentaires. S'il n'y en avait qu'une, il en dйcoule qu'une forme de l’йlйment
serait naturellement dans la matiиre avant les autres, et ainsi un seul йlйment
йtait le principe des autres, comme les trиs anciens Naturalistes le pensaient,
disant qu’il n’en existait qu’un seul[11]. Ce qui est dйsapprouvй par le
philosophe (La gйnйration et la corruption, II, 5, 331 b 5). Si elle avait la
forme d’un mixte, alors celle-ci est naturellement dans la matiиre avant la
forme des йlйments, ce qui paraоt faux, parce que le mйlange ne se fait que si
quelque chose amиne les йlйments а la forme du mixte. Donc il n'est pas
possible que la matiиre ait йtй sans forme avant d’кtre en forme.
q. 4 a. 1 arg. 14
Sed dices, quod materia habebat formas elementorum; sed non secundum illum
modum quo nunc sunt, quia aquae erant rariores, et in modum vaporis aeri
permixtae.- Sed contra, forma uniuscuiusque elementi requirit determinatam
mensuram raritatis vel densitatis, sine qua esse non potest. Raritas autem per
quam aliquid ascendit in locum aeris excedit conditionem aquae; quia natura
aquae est ut sit gravis respectu aeris. Ergo si erat tanta subtilitas quod
aquae evaporabiliter ad locum aeris ascenderent, non habebant speciem aquae; et
ita non erant in materia formae elementares, cuius contrarium supra dictum est. 14. Mais on pourrait dire que la matiиre avait la forme des йlйments;
mais pas de cette maniиre dont ils existent maintenant, parce que les eaux
йtaient plus rares et mкlйes а l’air sous forme de vapeur. — En sens contraire,
la forme de chaque йlйment requiert une mesure dйterminйe de rare et de dense,
sans laquelle elle ne peut pas exister. Mais le rare par laquelle quelque chose
monte dans un espace de l’air dйpasse la condition de l’eau, parce que sa
nature est d'кtre plus lourde que l'air. Donc s'il y avait une telle subtilitй
que les eaux montent а la place de l'air sous forme de vapeur, elles n’avaient
pas la nature de l'eau, et ainsi il n'y avait pas de formes йlйmentaires dans
la matiиre; [or] on a dit le contraire ci-dessus.
q. 4
a. 1 arg. 15 Praeterea, per opera sex dierum, formata sunt ex informi materia
diversa rerum genera. Sed inter alia sex dierum opera, firmamentum secundo die
est formatum. Si ergo materia informis subiacebat elementaribus formis sequetur
quod caelum sit factum ex quatuor elementis; quod a philosopho improbatur. 15. Par l’њuvre des six jours, diffйrents genres d’кtres ont йtй formйs
а partir de la matiиre informe. Mais parmi les autres њuvres des six jours, le
firmament a йtй formй le second jour. Si donc la matiиre informe dйpendait des
formes йlйmentaires, il en dйcoulerait que le ciel a йtй fait а partir des
quatre йlйments, ce qui est dйsapprouvй par le Philosophe (Le ciel et le monde, I, com. 5 et s[12].)
q. 4 a. 1 arg. 16
Praeterea, sicut se habet corpus naturale ad figuram, ita se habet materia ad
formam. Sed corpus naturale non potest esse quin habeat aliquam figuram. Ergo
nec materia potest esse quin sit formata. 16. De la mкme maniиre que le corps naturel se comporte vis-а-vis de
son aspect, la matiиre se comporte vis-а-vis de la forme. Mais un corps naturel
ne peut pas exister sans son aspect[13]. Donc la matiиre ne peut pas exister
sans forme.
q. 4 a. 1 arg. 17
Praeterea, si formatio materiae a principio suae creationis non fuit, tunc
aquarum congregatio, quae tertio die legitur, non semper fuit. Sed hoc videtur
impossibile; quia si aquae undique operiebant terram, non erat ubi possent
congregari. Ergo videtur quod materia informis rerum formationem non
praecesserit. Quod autem aqua undique operiret terram, apparet ex hoc quod
elementa sunt separata, ut probatur in III caeli et mundi. 17. Si la mise en forme de la matiиre n’a pas eu lieu au dйbut de sa
crйation, alors le rassemblement des eaux qui eut lieu le troisiиme jour, n’a
pas toujours existй. Mais cela paraоt impossible, parce que, si les eaux
couvraient la terre de tous cфtйs, il n’y avait pas de lieu oщ elles puissent
se rassembler. Donc il semble que la matiиre sans forme n’aura pas prйcйdй la
mise en forme des choses. Mais que l’eau ait couvert la terre de tous cфtйs, il
apparaоt que cela vient du fait que les йlйments ont йtй sйparйs, comme on le
prouve dans Le ciel et le monde (III,
7, 305 b 12 – b 26) et s.)
q. 4 a. 1 arg. 18
Sed diceretur, quod erat aliqua concavitas infra terram, in quam partes
descenderunt et ita terram locum praebuit aquis.- Sed contra, huiusmodi
concavitates vel cavernositates in terra causantur propter aliquas
lapidositates, ex quibus superiores partes terrae retinentur, ne ad centrum
descendant; quod quidem tunc esse non poterat; quia cum lapides sint corpora
mixta, sequeretur quod corpus mixtum fuisset ante formationem elementorum. Ergo
huiusmodi cavernositates esse non poterant. 18. Mais on pourrait dire qu'il y avait une cavitй sous la terre oщ les
parties descendirent et ainsi, elle offrit la terre comme lieu pour les eaux.
En sens contraire, ces cavitйs ou ces trous ont йtй causйs dans la terre а
cause des pierrailles qui ont soutenu les parties supйrieures de la terre, pour
qu’elles ne descendent pas vers le centre; ce qui alors йtait impossible;
puisque les pierres sont des corps mixtes; il en dйcoulerait que le corps mixte
aurait existй avant la mise en forme des йlйments. Donc de telles cavitйs ne
pouvaient pas exister.
q. 4 a. 1 arg. 19
Praeterea, si cavernositates aliquae erant in terra, non poterant esse vacuae.
Ergo erant plenae aere, vel aqua; quod videtur impossibile, cum subsidere
terrae sit contra naturam utriusque. 19. S'il existait des cavitйs dans la terre, elles ne pouvaient pas
кtre vides. Donc elles йtaient emplies d’air ou d’eau, ce qui paraоt
impossible, puisque se situer sous la terre serait contre la nature de ces deux
йlйments.
q. 4 a. 1 arg. 20
Praeterea, aut aqua cooperiens terram undique naturalem situm habebat, aut non.
Si naturalem situm habebat, ergo ab illa dispositione non poterat removeri,
nisi per violentiam; quia a loco in quo corpus quiescit naturaliter, non
removetur nisi per violentiam. Hoc autem non competit primae rerum
institutioni, per quam natura instituitur, cui violentia repugnat. Si autem
erat ille situs aquae violentus, per suam naturam redire poterat ad illam
dispositionem quam non habebat; quia a loco in quo quiescit aliquid violenter,
movetur naturaliter; et ita non oportebat poni inter opera formationis quod
aquae in unum locum congregarentur. 20. Ou l'eau qui recouvrait la terre de toutes parts avait une
situation naturelle ou elle ne l'avait pas. Si elle en avait un, l'eau n’en
pouvait кtre dйplacйe que par violence, parce qu'on ne dйplace d’un lieu que
par violence le corps qui y est йtabli naturellement. Mais cela ne fait pas
partie du premier йtablissement des choses, par qui la nature est йtablie, а
laquelle rйpugne la violence. Mais si cette situation йtait violente pour
l’eau, elle pouvait par sa propre nature revenir а cette disposition qu'elle
n'avait pas; parce qu’une chose s’йloigne naturellement d'un lieu dans lequel
elle est йtablie avec violence, elle se meut naturellement; et ainsi il ne
fallait pas placer parmi les њuvres de mise en forme le rassemblement des eaux.
q. 4 a. 1 arg. 21
Praeterea, secundum hunc ordinem res institutae sunt quem naturaliter habent.
Sed naturaliter distincta sunt priora quam confusa, sicut simplex est
naturaliter prius composito. Ergo non fuit conveniens rerum institutioni quod
res primo fuerint in quadam confusione, et postmodum distinguerentur. 21. Les choses ont йtй йtablies selon l'ordre qu'elles ont
naturellement. Mais elles ont йtй sйparйes naturellement avant d'кtre mкlйes,
puisque le simple est naturellement avant le composй. Donc il n'a pas йtй
convenable pour leur institution qu'elles aient йtй d'abord en une certaine
confusion et qu'elles soient sйparйes ensuite.
q. 4 a. 1 arg. 22
Praeterea, processus de actu in potentiam non competit rerum institutioni, sed
magis corruptioni; res enim fiunt per hoc quod de potentia in actum reducuntur.
Sed procedere a mixtis ad elementa, est procedere de actu in potentiam, cum
elementa sint quasi materia respectu formae mixti. Ergo non fuit conveniens
rerum institutioni quod prius fierent in quadam confusione et mixtione, et
postmodum distinguerentur. 22. Le passage de l'acte а la puissance n'appartient pas а
l'йtablissement des choses, mais plutфt а leur corruption: car les choses
deviennent par le fait qu’elles sont amenйes de la puissance а l'acte. Mais
procйder des mixtes aux йlйments, c'est procйder de l'acte а la puissance,
puisque les йlйments sont comme la matiиre en rapport avec la forme du mixte.
Donc il n'a pas йtй convenable pour l'йtablissement des choses que d'abord elles
soient faites dans une certaine confusion et un certain mйlange et qu'elles
soient sйparйes ensuite.
q. 4 a. 1 arg. 23
Praeterea, hoc videtur esse consonum erroribus antiquorum philosophorum;
scilicet opinioni Empedoclis, qui ponebat per litem partes mundi esse ad
invicem distinctas, cum prius fuerint confusae per amicitiam; et Anaxagorae,
qui posuit quod cum aliquando omnia simul essent, intellectus incepit
distinguere separando ab illo confuso et commixto. Quae quidem opiniones
sufficienter a philosophis posterioribus improbantur. Ergo non est ponendum
quod informitas vel confusio materiae rerum formationem duratione praecederet. 23.Cela paraоt en accord avec les erreurs des anciens philosophes; а
savoir avec l'opinion d'Empйdocle qui pensait que les parties du monde avaient
йtй distinguйes les unes des autres par conflit, puisque d'abord elles avaient
йtй mкlйes par amitiй; et avec celle d'Anaxagore qui a pensй que lorsque tout
йtait ensemble а certains moments, l'intellect commenзait а apporter ses distinctions
en sйparant de ce qui йtait confus et mйlangй. Ces opinions ont йtй
suffisamment dйsapprouvйes par les philosophes suivants. Donc il ne faut pas
penser que l'absence de forme ou la confusion de la matiиre prйcйderait en
durйe la mise en forme des choses.
En sens contraire:
q. 4 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Est quod Gregorius exponens illud Eccli. XVIII, 1: qui vivit in
aeternum, creavit omnia simul, dicit quod omnia sunt simul creata per
substantiam materiae, sed non per speciem formae; quod esse non posset, nisi
prius fuisset substantia materiae quam species formae inesset. Ergo materia
informis duratione praecessit rerum formationem. 1. Grйgoire [le Grand], quand il expose ce verset de l'Eccl. 18,1: "Celui
qui vit йternellement a crйй tout en mкme temps", (les Morales, XXXII, ch.
9, dans les exemplaires nouveaux), dit que tout a йtй crйй en mкme temps par la
substance de la matiиre mais non par la nature de la forme, ce qui n'йtait
possible que s'il y avait eu la substance avant que la nature de la forme y
soit inclue. Donc la matiиre sans forme a prйcйdй en durйe la mise en forme des
choses.
q. 4 a. 1 s. c. 2
Praeterea, illud quod non est, non potest habere aliquam operationem. Sed
materia informis habet aliquam operationem; appetit enim formam, ut dicitur III
Phys. Ergo materia potest esse sine forma; et ita non est inconveniens, si
materia informis ponatur duratione rerum formationem praecessisse. 2. Ce qui n'existe pas ne peut pas avoir d'opйration. Mais la matiиre sans
forme en a une; car elle dйsire la forme, comme il est dit (Physique I, 9, 191 b 25). Donc la
matiиre peut exister sans forme et ainsi il n’est pas inconvenant de penser que
celle-ci a prйcйdй en durйe la mise en forme.
q. 4 a. 1 s. c. 3
Praeterea, Deus plus potest operari quam natura. Sed natura facit de ente in
potentia ens actu. Ergo Deus potest facere de ente simpliciter ens in potentia;
et ita potuit facere materiam sine forma existentem. 3. Dieu peut faire plus que la nature. Mais la nature fait de l'йtant
en puissance un йtant en acte. Donc Dieu peut faire d'un йtant simplement un
йtant en puissance, et ainsi il a pu faire une matiиre qui existait sans forme.
q. 4 a. 1 s. c. 4
Praeterea, quod Scriptura sacra dicit fuisse aliquando, non est dicendum non
fuisse; quia ut Augustinus dicit, contra Scripturam sacram nemo Christianus
sentit. Scriptura autem divina dicit, terram aliquando fuisse inanem et vacuam.
Ergo non est dicendum quin aliquando fuerit inanis et vacua. Hoc autem pertinet
ad informitatem materiae, quocumque modo exponatur. Ergo aliquando substantia
materiae praecessit formationem; alias nunquam informis fuisset. 4. L'Йcriture sainte rйvиle qu’on ne peut dire que ce qui a existй une
fois n’a pas existй, parce que, comme le dit Augustin (La Trinitй, V), aucun chrйtien ne pense contre l'Йcriture sainte.
Mais celle-ci dit que la terre fut а certains moments vide et dйserte. Donc il
ne faut pas dire pourquoi а un certain moment la terre aura йtй vide et
dйserte. Cela concerne l'absence de forme de la matiиre de quelque maniиre
qu'on l'expose. Donc а un certain moment, la substance de la matiиre a prйcйdй
sa mise en forme, autrement jamais elle aurait йtй sans forme.
q. 4 a. 1 s. c. 5
Praeterea, simul condita est spiritualis et corporalis creatura, ut ex
superiori quaestione iam patuit. In spirituali autem creatura informitas
formationem praecessit etiam duratione. Ergo eadem ratione et in corporali.
Probatio mediae. Formatio creaturae spiritualis intelligitur secundum quod ad
verbum convertitur, quod est eius illuminatio. Simul autem facta luce divisum
est inter lucem et tenebras. Per tenebras autem in spirituali creatura peccatum
intelligitur. Peccatum autem esse non potuit in primo instanti creationis
Angelorum, quia tunc Daemones nunquam fuissent boni. Ergo spiritualis creatura
non fuit formata in primo instanti suae creationis. 5. La crйature spirituelle et la crйature corporelle ont est crййes en
mкme temps, comme cela a йtй montrй dans la question 3, article 18. Mais, dans
la crйature spirituelle, l'absence de forme a prйcйdй sa mise en forme mкme en
durйe. Donc, pour la mкme raison, dans la crйature corporelle aussi. Preuve
intermйdiaire: on comprend la mise en forme de la crйature spirituelle selon
qu'elle se tourne vers le Verbe qui est son illumination. Mais en mкme temps
que la lumiиre a йtй faite, il y eut la division entre la lumiиre et les
tйnиbres. Et par les tйnиbres, on comprend le pйchй dans la crйature
spirituelle. Mais le pйchй n'a pas pu existй au premier instant de la crйation
des anges, parce que, alors, les dйmons n'auraient jamais йtй bons[14]. Donc la
crйature spirituelle n'a pas йtй mise en forme au premier instant de la
crйation.
q. 4 a. 1 s. c. 6
Praeterea, illud ex quo est aliquid, etiam tempore praecedit quod est ex eo.
Sed Deus ex invisa materia, quae est materia informis secundum Augustinum,
creavit orbem terrarum, ut dicitur sapientiae XI, 18. Ergo materia informis
tempore praecessit orbem terrarum formatum. Probatio primae. Secundum
philosophum, fieri rerum dupliciter exprimi potest.
Uno modo ut dicatur: hoc fit hoc per se, quod convenit
subiecto; ut cum dicimus, homo fit albus; per accidens autem, ut ex privatione
et contrario, ut cum dicitur: non album, vel nigrum fit album.
Alio modo, ut dicatur: ex hoc fit hoc; quod quidem subiecto
non competit nisi ratione privationis. Non enim dicimus quod ex homine fiat
albus; sed quod ex non albo vel nigro, fit album; vel etiam ex homine nigro vel
non albo. Id igitur ex quo est aliquid, vel est privatio sive contrarium, vel
est materia privationi vel contrario subiecta. Utroque autem modo oportet
tempore praecedere ex quo aliquid fit; quia opposita non possunt esse simul,
nec materia simul tempore potest subesse privationi et formae. Ergo id ex quo
aliquid fit, tempore praecedit id quod fit ex eo. 6. Ce dont vient quelque chose prйcиde dans le temps ce qui en vient.
Mais Dieu, de la matiиre invisible, qui est la matiиre sans forme, selon
Augustin (La Genиse au sens littйral,
I, XV, 30[15]) a crйй l'univers, comme le dit la Sagesse, 11, 18. Donc la matiиre
sans forme a prйcйdй dans le temps l'univers en forme. Preuve de la premiиre
[proposition]: Selon le philosophe (Physique
1, 6, 188 a 30 – 188 b 8) on peut exprimer le devenir des choses de deux
maniиres:
1) D'abord pour dire: ceci devient cela par soi, ce qui convient au
substrat, comme lorsqu’on dit: l'homme devient blanc; par accident aussi comme
d'une privation et d'un contraire, comme quand on dit le non blanc, ou le noir
devient blanc.
2) D'une autre maniиre, pour dire ceci est fait de cela; ce qui ne
convient au substrat qu'en raison de la privation. Car nous ne disons pas qu’il
devient blanc а partir d'un homme [16]; mais que de non blanc ou de noir, il
devient blanc; ou aussi d'un homme noir ou non blanc. Donc ce d’oщ vient
quelque chose, est une privation ou son contraire, ou c'est une matiиre sujette
а la privation ou au contraire. Mais des deux maniиres, il faut que ce de quoi
quelque chose est fait le prйcиde dans le temps, parce que les opposйs ne
peuvent pas кtre ensemble, et la matiиre ne peut pas кtre soumise а la
privation et а la forme en mкme temps. Donc ce de quoi une chose est faite,
prйcиde dans le temps ce qui est fait de lui.
q. 4 a. 1 s. c. 7
Praeterea, operatio naturae imitatur in quantum potest operationem Dei, sicut
operatio causae secundae operationem causae primae. Sed naturae processus in operando est de imperfecto ad perfectum. Ergo et
Deus etiam prius tempore imperfectum produxit, et postea perfectum; et sic
informis materia formationem praecessit. 7. L'opйration de la nature imite autant qu'elle le peut l'opйration de
Dieu, comme l'opйration de la cause seconde imite celle de la cause premiиre.
Mais le processus de la nature, en opйrant, fait passer de l'imparfait au
parfait. Donc Dieu aussi a produit, dans le temps, l'imparfait avant et le
parfait ensuite et ainsi la matiиre sans forme a prйcйdй sa mise ne forme.
q. 4 a. 1 s. c. 8
Praeterea, Augustinus dicit, quod ubi Scriptura in principio terram et aquam
commemorat, cum dicitur Genes. I, 2: terra erat inanis et vacua, et spiritus
domini ferebatur super aquas; non ideo nominatur terra et aqua quia iam talis
erat, sed quia talis esse poterat. Ergo aliquando
materia prima nondum habebat speciem aquae vel terrae, sed tantum habere
poterat; et sic materia informis formationem praecessit. 8. Augustin dit qu'au commencement, lа oщ l'Йcriture fait mention de la
terre et de l'eau, comme il est dit dans Gn. 1, 2: "La terre йtait vide et
dйserte et l'Esprit du Seigneur йtait portй sur les eaux", la terre et
l'eau ne sont pas dйsignйes parce qu'elles йtaient dйjа telles, mais parce
qu'elles pouvaient кtre telles. Donc а certains moments, la matiиre premiиre
n'avait pas encore la forme de l'eau ou de la terre, mais elle pouvait
seulement l'avoir. Et ainsi la matiиre sans forme a prйcйdй sa mise ne forme.
Rйponse:
q. 4 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut dicit Augustinus, circa hanc quaestionem potest
esse duplex disceptatio: una de ipsa rerum veritate; alia de sensu litterae,
qua Moyses divinitus inspiratus principium mundi nobis exponit. Comme le dit Augustin (Confessions,
XII) а propos de cette question, il peut y avoir une double discussion: 1)
sur la vйritй, 2) sur le sens de la lettre, par laquelle Moпse, divinement
inspirй, nous a exposй le commencement du monde.
Quoad primam
disceptationem duo sunt vitanda;
quorum unum est ne
in hac quaestione aliquid falsum asseratur, praecipue quod veritati fidei
contradicat;
aliud est, ne
quidquid verum aliquis esse crediderit, statim velit asserere, hoc ad veritatem
fidei pertinere; quia, ut Augustinus dicit: obest, si ad ipsam doctrinae
pietatis formam pertinere arbitretur falsum, scilicet quod credit, et
pertinacius affirmare audeat quod ignorat. Propter hoc autem obesse dicit, quia
ab infidelibus veritas fidei irridetur, cum ab aliquo simplici et fideli
tamquam ad fidem pertinens proponitur aliquid quod certissimis documentis
falsum esse ostenditur, ut etiam dicit I super Genes. ad litteram. Pour la premiиre discussion, il faut йviter deux йcueils:
1) Sur cette question qu’on n'affirme rien de faux, surtout ce qui
contredirait la vйritй de la foi.
2) Ce que quelqu'un aura cru vrai, qu’il ne veuille pas affirmer
aussitфt que cela concerne la vйritй de la foi; parce, comme Augustin le dit (Confessions, X): "Il fait du tort,
s'il considиre comme faux ce qui se rapporte а la forme mкme de la doctrine de
la piйtй; а savoir qu'il croit et qu'il ose affirmer avec opiniвtretй ce qu'il
ignore." Il dit qu’on fait du tort, parce la vйritй de la foi est tournйe
en dйrision par les infidиles[17], quand un simple fidиle propose, comme
appartenant а la foi, ce qui peut кtre dйmontrй comme faux par des preuves trиs
sыres, comme il le dit La Genиse au sens
littйral, I.
Circa secundam disceptationem duo etiam sunt vitanda.
Quorum primum est, ne aliquis id quod patet esse falsum,
dicat in verbis Scripturae, quae creationem rerum docet, debere intelligi;
Scripturae enim divinae a spiritu sancto traditae non potest falsum subesse,
sicut nec fidei, quae per eam docetur.
Aliud est, ne aliquis ita Scripturam ad unum sensum cogere
velit, quod alios sensus qui in se veritatem continent, et possunt, salva
circumstantia litterae, Scripturae aptari, penitus excludantur; hoc enim ad
dignitatem divinae Scripturae pertinet, ut sub una littera multos sensus contineat,
ut sic et diversis intellectibus hominum conveniat, ut unusquisque miretur se
in divina Scriptura posse invenire veritatem quam mente conceperit; et per hoc
etiam contra infideles facilius defendatur, dum si aliquid, quod quisque ex
sacra Scriptura velit intelligere, falsum apparuerit, ad alium eius sensum
possit haberi recursus. Unde non est incredibile, Moysi et aliis sacrae
Scripturae auctoribus hoc divinitus esse concessum, ut diversa vera, quae
homines possent intelligere, ipsi cognoscerent, et ea sub una serie litterae
designarent, ut sic quilibet eorum sit sensus auctoris. Unde si etiam aliqua
vera ab expositoribus sacrae Scripturae litterae aptentur, quae auctor non
intelligit, non est dubium quin spiritus sanctus intellexerit, qui est principalis
auctor divinae Scripturae. Unde omnis veritas quae, salva litterae
circumstantia, potest divinae Scripturae aptari, est eius sensus. Pour la seconde controverse, il faut йviter deux йcueils.
1) Que personne ne dise qu'on doit comprendre que ce qui paraоt faux,
dans les paroles de l’Йcriture qui enseigne la crйation. Car dans l'Йcriture
divine rapportйe par l'Esprit saint, on ne peut pas trouver d'erreur, ni non
plus dans la foi, qu'elle enseigne.
2) Que personne ne veuille rйduire ainsi l'Йcriture а un seul sens, de
sorte que seraient exclus complиtement les autres sens qui contiennent en eux
une vйritй, et peuvent, si on tient compte du contexte, кtre conformes а
l'Йcriture. Car il appartient а la dignitй de l'Йcriture divine que sous une
lettre unique, elle contienne de nombreux sens, de sorte qu’elle convient ainsi
aux diffйrents esprits des hommes, pour que chacun puisse avec admiration
trouver en elle la vйritй qu'il aura conзue dans son esprit; et par cela aussi,
elle est dйfendue plus facilement contre les infidиles, puisque, si un sens que
chacun veut comprendre de l'Йcriture aura paru faux, on peut recourir а un
autre. C'est pourquoi il n'est pas incroyable que cela ait йtй transmis de
faзon divine а Moпse et aux autres auteurs de l'Йcriture sainte, pour que les
hommes connaissent les diverses vйritйs qu’ils pourraient comprendre et ce
qu’elles rйvиlent sous un seul sens littйral, de sorte que n’importe laquelle
d’entre d'elles soit le sens de l'auteur. C'est pourquoi, si aussi quelques vйritйs
que l'auteur ne comprend pas sont adaptйes par les commentateurs de la lettre
de l'Йcriture sainte, il n'est pas douteux que l'Esprit saint les aura
comprises, lui qui en est l'auteur principal. C'est pourquoi toute vйritй qui,
quand on tient compte du contexte, peut кtre adaptйe а l'Йcriture divine, est
son sens[18].
His ergo suppositis, sciendum est quod diversi expositores
sacrae Scripturae diversos sensus ex principio Genesis acceperunt; quorum
nullus fidei veritati repugnat. Et quantum ad praesentem pertinet quaestionem,
diversificati sunt in duas vias, dupliciter informitatem materiae accipientes,
quae signatur in principio Genesis ubi dicit: terra autem erat inanis et vacua.
Cela йtant supposй, il faut savoir que les divers commentateurs de l'Йcriture
sainte ont acceptй diffйrents sens pour le commencement de la Genиse, dont
aucun ne s'oppose а la vйritй de la foi. Sur la question prйsente, ils se sont
sйparйs en deux voies, en admettant de deux maniиres la mise en forme de la
matiиre, qui est signalйe au dйbut de la Genиse, lа oщ il est dit: "Mais
la terre йtait vide et dйserte".
Quidam namque intellexerunt, praedictis verbis talem
informitatem materiae significari, secundum quod materia intelligitur absque
omni forma, in potentia tamen existens ad omnes formas; talis autem materia non
potest in rerum natura existere, quin aliqua forma formetur. Quidquid enim in
rerum natura invenitur, actu existit, quod quidem non habet materia nisi per
formam, quae est actus eius; unde non habet sine forma in rerum natura
inveniri. A) Car certains ont compris qu'une telle absence de forme de la matiиre
йtait signifiйe par ces mots ci-dessus; selon que la matiиre est comprise sans
aucune forme, en puissance cependant а toutes les formes, mais une telle
matiиre ne peut pas exister dans la nature, sans que qu'elle ne soit mise en
quelque forme. Car tout ce qu'on trouve dans la nature, existe en acte, ce que
la matiиre n'a que par la forme, qui est son acte; c'est pourquoi on n'a pas а
la trouver sans forme dans la nature.
Et iterum, cum nihil possit contineri in genere quod per
aliquam generis differentiam ad speciem non determinetur, non potest materia
esse ens, quin ad aliquem specialem modum essendi determinetur; quod quidem non
fit nisi per formam. Unde si sic materia informis intelligatur, impossibile est
quod duratione formationem praecesserit, sed praecessit tantum ordine naturae,
secundum quod illud ex quo fit aliquid, naturaliter est prius eo, sicut nox est
prior creata. Et haec fuit opinio Augustini. Et en plus, comme rien ne peut кtre contenu dans un genre sans кtre
dйterminй par une diffйrence de genre pour l'espиce, la matiиre ne peut кtre un
йtant sans кtre dйterminйe а un mode particulier d'кtre; ce qui ne se fait que
par la forme. C'est pourquoi, si on comprend ainsi la matiиre sans forme, il
est impossible qu'elle ait prйcйdй en durйe la mise en forme, mais elle l'a
prйcйdйe seulement dans l'ordre de la nature, selon que, ce dont quelque chose
est fait est naturellement avant lui, comme la nuit est crййe la premiиre. Et
telle fut l'opinion d'Augustin.
Alii vero intellexerunt informitatem materiae non secundum
quod materia omni forma caret, sed secundum quod dicitur aliquid informe quod
nondum habet ultimum suae naturae complementum et decorem; et secundum hoc
potest poni, quod etiam duratione informitas rerum formationem praecesserit.
Quod quidem si ponatur, ordini sapientiae artificis congruere videtur, qui res
ex nihilo producens in esse, non statim post nihilum in ultima perfectione
naturae eas instituit, sed primo fecit eas in quodam esse imperfecto; et postea
eas ad perfectum adduxit; ut sic et eorum esse ostenderetur a Deo procedere,
contra illos qui ponunt materiam increatam; et nihilominus perfectionis rerum
ipse etiam auctor appareret, contra eos qui rerum inferiorum formationem causis
alii adscribunt. Et hoc intellexit magnus Basilius, Gregorius, et alii sequaces
eorum. Quia ergo neutrum a veritate fidei discordat, et utrumque sensum
circumstantia litterae patitur; utrumque sustinentes ad utrasque rationes
respondeamus. B) D'autres ont compris l'absence de forme de la matiиre, non parce
qu'elle manque de toute forme; mais selon qu'on la dйsigne comme quelque chose
sans forme, parce qu'elle n'a pas encore l’achиvement ultime de sa nature et sa
beautй et, pour cela on peut penser que l'absence de forme a prйcйdй en durйe
la mise en forme. Ainsi on pense que cela semble convenir а l'ordre de la
sagesse de l'artiste, qui, amenant les choses du nйant а l'кtre, ne les a pas
йtablies aussitфt aprиs le nйant, dans la perfection ultime de leur nature;
mais que d'abord il les fit dans un certain кtre imparfait, et ensuite il les a
amenйes а la perfection; pour montrer qu’ainsi leur кtre procиde de Dieu,
contre ceux qui pensent que la matiиre est incrййe. Nйanmoins il paraоtrait
l'auteur mкme de la perfection des choses contre ceux qui attribuent а un autre
la mise en forme des choses infйrieures par les causes. Et c’est cela que
Basile [le Grand] et Grйgoire [de Naziance] et leurs successeurs ont compris. Donc
parce qu'aucun des deux n'est en discordance avec la vйritй de la foi, et que
le contexte supporte l'un et l'autre sens, rйpondons en soutenant l'un et
l'autre, pour ces deux raisons.
Solutions:
q. 4 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus loquitur de materia informi, secundum
quod intelligitur absque omni forma; et sic necesse est dicere, quod informitas
solo ordine naturae formationem praecedat. Qualiter autem circa formationis
ordinem opinetur, in sequenti articulo ostendetur. # 1. Augustin parle de la matiиre sans forme, selon qu'elle est
comprise sans forme aucune, et ainsi il est nйcessaire de dire que cette
absence prйcиde la mise en forme seulement dans l'ordre de la nature. Et on
montrera dans l'article suivant quelle opinion avoir sur l'ordre de la mise en
forme.
q. 4 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod circa hoc multipliciter aliqui sunt opinati.
Plato enim Scripturam Genesis videns, sic intellexisse dicitur numerum
elementorum et ordinem ibi significari, ut terra et aqua propriis nominibus
exprimantur. Aqua autem super terram esse intelligitur, ex hoc quod ibi,
scriptum est: congregentur aquae in locum unum; et appareat arida. Supra quae
duo, aerem intellexit in hoc quod dicitur: spiritus domini ferebatur super
aquas, aerem nomine spiritus intelligens. Ignem vero in nomine caeli
intellexit, quod omnibus supereminet. # 2. A ce sujet quelques-uns ont pensй de multiples faзons.
a) Car on dit que Platon, voyant le texte la Genиse[19], a compris que
le nombre des йlйments et leur ordre y йtait signalй de sorte que la terre et
l’eau sont dйsignйes par leurs noms propres. Mais on comprend que l'eau a
existй sur la terre du fait qu'il est йcrit (Gn. 1, 9): "Que les eaux se
rassemblent dans un lieu unique, qu'apparaisse la terre sиche". Au dessus
de ces deux йlйments, il a compris l'air dans ce qui est dit: "Le souffle
du Seigneur йtait portй sur les eaux", comprenant l'air sous le nom de
souffle. Et il a compris le feu sous le nom de ciel, qui est au-dessus de tout.
Sed quia, secundum Aristotelis probationes, caelum igneae
naturae esse non potest, ut eius motus circularis demonstrat, Rabbi Moyses
Aristotelis sententiam sequens, cum Platone in tribus primis concordans, ignem
significatum esse dixit per tenebras, eo quod ignis in propria sphaera non
luceat; et situs eius declaratur in hoc quod dicitur: super faciem abyssi.
Quintam vero essentiam nomine caeli significatam esse intelligit. b) Mais parce que, selon les preuves donnйes par Aristote (Le ciel, II,
2, 269 a 18 – 269 a 26), il ne peut pas exister un ciel de nature ignйe, comme
son mouvement circulaire le montre[20], Rabbi Moyses suivant l'opinion
d'Aristote, d'accord avec Platon sur les trois premiers points, a dit que le
feu йtait signifiй par les tйnиbres parce que le feu ne brille pas dans sa
propre sphиre; et son lieu est rйvйlй dans ce qui est dit: "sur la face de
l'abоme". Mais il comprend que le nom du ciel signifie la quinte essence.
Sed quia, ut dicit Basilius in Hexameron, non est consuetudo
sacrae Scripturae, ut per spiritum domini aer intelligatur, per corpora extrema
quae posuit, dedit intelligere media; et praecipue quia aquam et terram sensui
manifestum est corpora esse, aer vero et ignis non ita sunt simplicibus
manifesta, quibus etiam instruendis Scriptura tradebatur. c) Mais parce que, comme le dit Basile dans l'Hexaemeron (Homйlie 2),
ce n'est pas l’habitude de l'Йcriture sainte de comprendre l'air comme le
souffle du Seigneur, il donna а comprendre les intermйdiaires par les corps
extrкmes qu'il йtablit. Et principalement parce qu'il est clair pour les sens,
que l'eau et la terre sont des corps, mais que l'air et le feu n'apparaissent
pas ainsi aux simples а qui l'Йcriture йtait transmise pour les instruire.
Secundum vero Augustinum, per nomina terrae et aquae, quae
commemorantur ante lucis formationem, non intelliguntur elementa suis formis
formata, sed ipsa materia informis omni specie carens. Ideo autem potius per
haec duo materiae informitas exprimitur quam per alia elementa, quia sunt
propinquiora informitati, utpote plus de materia habentia, et minus de forma;
et quia etiam nobis magis sunt nota, et manifestius nobis materiam aliorum
ostendunt. Ideo vero non per unum tantum, sed per duo eam significari voluit,
ne si alterum tantum posuisset, veraciter crederetur hoc esse informis materia. d) Selon Augustin (Les LXV
questions[21], qu. 21) par les noms de terre et d'eau dont il est fait
mention avant la formation de la lumiиre, on ne comprend pas les йlйments mis
en forme mais la matiиre elle-mкme, sans forme, sans aucune espиce. Aussi c'est
plutфt par ces deux termes, que s'exprime l'absence de forme de la matiиre,
plus que par les autres йlйments, parce qu’ils sont plus proches de l'absence
de forme comme ayant plus de matiиre, et moins de forme; et ils nous sont mieux
connus et ils nous montrent plus clairement la matiиre des autres. C'est
pourquoi il n'a pas voulu qu'elle soit signifiйe par l’un seulement, mais par
les deux, pour que si seulement l'autre ne l’avait pas pu, on crut vraiment que
c'йtait une matiиre sans forme.
q. 4 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in illo rerum principio informitate quadam in rebus
existente secundum opinionem Basilii et aliorum sanctorum, non oportet ponere
quod elementa suis qualitatibus naturalibus carerent. Sed utraque habebant
formas, substantiales scilicet, et accidentales. # 3. En ce commencement des crйatures, selon l'opinion de Basile et des
autres saints, il ne faut pas penser que par leur absence de forme les йlйment
manquaient de leurs qualitйs naturelles. Mais l'une et l'autre avaient des
formes, soit substantielles, soit accidentelles.
q. 4 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod situs elementorum dupliciter potest considerari.
Uno modo quantum ad naturam propriam; et sic naturaliter
ignis aerem continet, aer aquam, et aqua terram.
Alio modo quantum ad necessitatem generationis, quae est
circa locum medium; et sic necessarium est ut superficies terrae quantum ad
aliquam partem sui sit aquis discooperta; ut ibi conveniens generatio et
conservatio mixtorum esse possit, et praecipue animalium perfectorum, quae aere
indigent propter respirationem. Dicendum est ergo, quod illa informitas primi
status attenditur non quantum ad situm qui naturalis est elementis secundum se
(hunc enim situm omnia elementa habebant), sed quantum ad illum situm qui
elementis competit secundum ordinem ad generationem mixtorum. Iste enim situs
nondum erat perfectus, quia nec ipsa corpora mixta adhuc prodierant. # 4. La situation des йlйments peut кtre considйrйe de deux maniиres:
a) Quant а sa nature propre. et ainsi le feu entoure naturellement
l'air, l'air entoure l'eau et l'eau la terre.
b) Pour la nйcessitй de la gйnйration, qui est par rapport а un lieu
intermйdiaire. Ainsi il est nйcessaire que la surface de la terre, pour l'une
de ses parties ne soit pas recouverte par les eaux; pour qu’une gйnйration
convenable et la conservation des mixtes y soient possibles, et principalement
celle des animaux parfaits qui ont besoin d'air pour respirer. Il faut donc
dire que cette absence de forme du premier йtat est atteinte non pas pour la
situation, qui est naturelle aux йlйments en soi (car tous les йlйments ont
cette situation), mais pour cette situation qui appartient aux йlйments en
rapport avec la gйnйration des mixtes. Car cette situation n’йtait pas encore
parfaite, parce que les corps mixtes n'avaient pas encore paru.
q. 4
a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod de aquis quae supra caelos sunt diversimode
aliqui opinati sunt.
Quidam namque dixerunt, aquas illas esse spirituales
naturas, quod imponitur Origeni. Sed hoc quidem non videtur ad litteram posse
intelligi, cum spiritualibus naturis situs non competat; ut sic inter eas et
inferiores aquas corporeas dividat firmamentum, ut Scriptura tradit. # 5. Au sujet des eaux qui sont au-dessus des cieux, ils ont pensй de
diverses maniиres:
Car certains ont dit que ces eaux йtaient des natures spirituelles, ce
qui est attribuй а Origиne. Mais cela ne semble pas pouvoir кtre pris au sens
littйral, puisque la situation ne convient pas aux natures spirituelles; de
sorte que qu’il partage le firmament entre elles et les eaux corporelles
infйrieures, comme l'Йcriture le rapporte.
Unde alii dicunt, quod nomine firmamenti intelligitur caelum
aлreum nobis vicinum, supra quod elevantur per vaporum ascensionem aquae
vaporabiles, quae sunt materia pluviarum: ut sic inter aquas superiores quae
sunt in medio aeris interstitio vaporabiliter suspensae, et aquas corporeas
quas videmus supra terram consistere, medium existat aereum caelum. Et huic
etiam expositioni concordat Rabbi Moyses. Sed hanc non videtur pati litterae
circumstantia. Nam postea subditur in littera, quod fecit Deus duo luminaria
magna, et stellas; et posuit eas in firmamento caeli. C'est pourquoi d'autres disent que, sous le nom de firmament, on
comprend le ciel aйrien qui nous est proche, au-dessus duquel s'йlиvent les
eaux qui peuvent se sublimer par la montйe des vapeurs, qui sont la matiиre des
pluies; pour qu'ainsi, entre les eaux supйrieures qui sont suspendues sous
forme de vapeur dans l'intervalle intermйdiaire de l'air, et les eaux
corporelles que nous voyons se tenir sur la terre, il existe un ciel aйrien
intermйdiaire. Et Rabbi Moyses (Doct. Perplex, part. II, c. 30) est d'accord
avec cette exposй. Mais le contexte de la lettre ne semble pas le permettre.
Car ensuite il est ajoutй, dans la lettre, que Dieu fit deux grands luminaires
et les йtoiles, et les plaзa dans le firmament.
Et ideo alii dicunt, quod per firmamentum intelligitur
caelum sidereum, et quod aquae super caelos existentes sunt de natura aquarum
elementarium, et sunt ibi positae ex divina providentia ad temperandum ignis
virtutem, ex quo totum caelum constare dicebant, ut Basilius tangit. Et ad hoc
astruendum, duplex argumentum Augustinus dicit a quibusdam induci. Quorum unum
est, quod si aqua, aliqua rarefactione facta, potest ascendere usque ad medium
aeris interstitium ubi pluviae generantur, si amplius divisa rarescat (quia est
in infinitum divisibilis, sicut et omne continuum) poterit sua subtilitate
supra caelum sidereum conscendere, et ibi convenienter esse. Aliud argumentum
est, quod stella Saturni, quae deberet esse calidissima propter velocissimum
motum, in quantum eius circulus est maior, invenitur frigidi effectus, quod
dicunt ex vicinitate illius aquae contingere praedictam stellam infrigidantis. Et c'est pourquoi, d'autres disent que, par le firmament, on comprend
le ciel йtoilй et que les eaux qui existent au-dessus des cieux sont de la
nature des йlйments aquatiques et ils y sont placйs par la providence divine
pour tempйrer le pouvoir du feu, dont ils disaient que tout le ciel se compose,
comme Basile le rapporte. Et pour l’йtablir, Augustin dit que certains en ont
tirй un double argument (La Genиse au
sens littйral, II, IV et V). L'un[22] est que si l'eau, faite par
rarйfaction peut monter jusqu'а l'intervalle intermйdiaire de l'air oщ sont
engendrйes les pluies, si, en plus divisйe, elle se rarйfie (parce qu’elle est
divisible а l'infini comme toute matiиre continue) elle pourra, par sa
lйgиretй, monter au-dessus du ciel йtoilй et s'y trouver de maniиre convenable.
L'autre argument (La Genиse au sens
littйral, II, V, 9) est que la planиte Saturne qui devrait кtre la plus
chaude а cause de son mouvement trиs rapide, dans la mesure oщ sa circonfйrence
est plus grande, trouve l’effet du froid, ce qu'ils disent venir de la
proximitй de cette eau qui la refroidit.
Sed haec expositio
in hoc videtur deficere, quod asserit quaedam per Scripturam sacram intelligi,
quorum contraria satis evidentibus rationibus probantur. Mais cette exposition semble avoir un dйfaut du fait qu'elle affirme
qu'on comprend certaines choses par l'Йcriture sainte dont le contraire est
prouvй par des raisons assez йvidentes[23].
Primo quidem quantum ad ipsam positionem, quae videtur naturalem
situm corporum pervertere. Cum enim unumquodque corpus tanto debeat esse
superius quanto formalius, non videtur rerum naturae congruere ut aqua, quae
inter omnia corpora est materialior praeter terram, etiam supra ipsum caelum
sidereum collocetur; et iterum ut ea quae sunt unius speciei, diversum locum
naturalem sortiantur; quod erit, si una pars elementi aquae erit immediate
supra terram, alia vero supra caelum. Nec est sufficiens responsio, quod
omnipotentia Dei aquas illas contra earum naturam supra caelum sustinet; quia
nunc quaeritur qualiter Deus instituerit naturas rerum, non quod ex eis aliquod
miraculum potentiae suae velit operari, ut Augustinus in eodem libro dicit. a) Quant а la situation mкme des corps qui paraоt inverser leur
situation naturelle. En effet, comme chaque corps doit кtre d'autant plus haut
qu'il est plus formel[24], il ne semble pas convenir а la nature des йlйments,
que l’eau qui, parmi tous les corps, est plus matйrielle, exceptйe la terre,
soit placйe au-dessus du ciel йtoilй, et en plus, que ce qui est d'une seule
nature partage un lieu naturel diffйrent, ce qui arrivera si une partie de
l'йlйment eau est immйdiatement sur la terre, l'autre au-dessus du ciel. Et,
que la toute puissance de Dieu soutienne ces eaux contre leur nature au-dessous
du ciel n’est pas une rйponse satisfaisante; parce qu'alors on cherche comment
Dieu a instituй la nature, sans vouloir opйrer pour elles un miracle de sa
puissance, comme Augustin le dit dans le mкme livre.
Secundo, quia ratio de rarefactione vel
divisione aquarum videtur omnino vana. Etsi enim corpora mathematica possint in
infinitum dividi, corpora tamen naturalia ad certum terminum dividuntur, cum
unicuique formae determinetur quantitas secundum naturam, sicut et alia
accidentalia. Unde nec rarefactio in infinitum esse potest; sed usque ad
terminum certum qui est in raritate ignis. Et praeterea aqua tantum rarefieri
posset quod iam non esset aqua, sed aer vel ignis, si transcenderet modum
raritatis aquae. Nec
posset naturaliter excedere aeris et ignis spatia, nisi, natura aquae amissa,
eorum vinceret raritatem. Nec iterum esset possibile ut corpus elementare, quod
est corruptibile, formalius fieret caelo sidereo, quod est incorruptibile, et
sic supra ipsum naturaliter collocaretur. b) Parce que la raison de la rarйfaction ou de la division des eaux
paraоt tout а fait vaine. Car mкme si les objets mathйmatiques pouvaient кtre
divisйs а l'infini, cependant les corps naturels sont divisйs jusqu'а un
certain point, puisque la quantitй est limitйe а chaque forme selon sa nature
et les autres accidents. C’est pourquoi la division а l'infini n'est pas
possible; mais elle (va) jusqu'а un terme dйterminй qui est dans la faible
densitй du feu. Et en plus l'eau pourrait perdre sa densitй au point qu’elle ne
serait plus de l'eau, mais de l'air ou du feu, si elle dйpassait la faible
densitй de l'eau. Et elle ne pourrait naturellement dйpasser les espaces de
l'air et du feu, а moins qu’ayant perdu sa nature, elle dйpasse leur faible
densitй. Et а nouveau il ne serait pas possible que le corps йlйmentaire, qui
est corruptible, devienne plus formel que le ciel йtoilй, qui est incorruptible
et ainsi soit placй naturellement au-dessus de lui.
Tertio, quia secunda ratio omnino frivola
apparet. Nam corpora caelestia non sunt susceptiva peregrinae impressionis ut a
philosophis probatur. Nec esset possibile stellam Saturni ab illis aquis
infrigidari, nisi etiam omnes stellae quae sunt in octava sphaera,
infrigidarentur: quarum tamen plurimae inveniuntur esse calidae secundum
effectum. c) Parce que la seconde raison apparaоt comme tout а fait frivole. Car
les corps cйlestes ne sont pas susceptibles d'une imprйgnation йtrangиre, comme
le Philosophe le prouve. Il ne serait possible que la planиte Saturne soient
refroidie par ces eaux, que si toutes les йtoiles qui sont dans la huitiиme
sphиre йtaient refroidies aussi; cependant on trouve а leurs effets que
plusieurs d'entre elles sont chaudes.
Et ideo aliter videtur dicendum ad hoc quod Scripturae
veritas ab omni calumnia defendatur; ut dicamus, quod aquae illae non sint de
natura harum aquarum elementarium, sed sint de natura quintae essentiae,
habentes communem cum nostris aquis diaphaneitatem, sicut et caelum Empyreum
cum nostro igne communem splendorem. Et has aquas quidam vocant caelum
crystallinum; non quia fit de aqua congelata in modum crystalli, quia, ut dicit
Basilius in Hexameron, puerilis dementiae et insipientis mentis est, talem de
caelestibus capere opinionem; sed propter illius caeli soliditatem, sicut et de
omnibus caelis dicitur Iob, XXXVII, 18, quod solidissimi quasi aere fusi sunt.
Et hoc caelum etiam ab astrologis ponitur nona sphaera. Unde nec Augustinus
aliquam de praemissis expositionibus asserit, sed sub dubitatione dimittit,
dicens in eodem Lib.: quomodo libet, et quales aquae ibi sint, esse ibi eas,
minime dubitemus. Maior est quippe Scripturae huius auctoritas quam omnis
humani ingenii capacitas. Et c'est pourquoi il semble qu'il faille en parler autrement pour que
la vйritй de l'Йcriture soit dйfendue contre toute calomnie, de sorte que nous
disons que ces eaux ne sont pas de la nature des eaux йlйmentaires, mais sont
de quinte essence, ayant une commune transparence avec nos eaux, comme le ciel
empyrйe a une commune brillance avec notre feu. Et ils appellent ces eaux le
ciel cristallin, non parce qu'il est fait d'eau congelйe а la ressemblance du
cristal, parce que, comme le dit Basile (Hex. 3), c'est le propre d'une dйmence
puйrile et d'un esprit insensй, d'accepter une telle opinion sur les objets
cйlestes; mais c'est а cause de la consistance de ce ciel, comme des autres
cieux, comme le dit Job (37, 18[25]) que "les plus consistants ont fondu
comme l'air". Et ce ciel aussi est placй par les astronomes dans la
neuviиme sphиre. C'est pourquoi Augustin soutient l’un de ces exposйs, mais il
йmet un doute, disant dans le mкme livre (La
Genиse au sens littйral, II, V, 9): "De quelque maniиre, et quelles
que soient ces eaux, ne doutons pas qu’elles y sont. Car l'autoritй de cette
Йcriture est plus grande que la capacitй de tout l'esprit humain."
q. 4 a. 1 ad 6 Sextum concedimus. # 6. Nous le concйdons.
q. 4 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod si
intelligatur secundum expositionem Basilii, et sequacium eius, per terram ipsum
terrae elementum; sic considerari potest et in quantum est principium quarumdam
rerum, scilicet plantarum, quarum ipsa est ut mater, sicut dicitur in libro de
Veget., et sic respectu eorum erat inanis antequam eas produceret; inane enim
vel vanum dicimus quod non pertingit ad proprium effectum vel finem. Et potest
considerari in quantum est habitaculum quoddam et locus animalium, respectu
quorum vacua fuisse dicitur. # 7. Selon l'exposition de Basile (Hexameron, hom. 4) et de ses
successeurs, si on comprend par le mot terre, l'йlйment terre, on peut la
considйrer ainsi dans la mesure oщ elle est le principe de certaines choses, а
savoir des plantes dont elle est mкme la mиre, comme on le dit au livre de la
Vйgйtation et ainsi par rapport а cela, elle йtait vide avant de les produire;
car nous disons qu'est vide ou dйsert ce qui ne parvient pas а son effet ou а
sa fin propres. Et elle peut кtre considйrйe dans la mesure oщ elle est un
habitacle et un lieu pour les animaux par rapport а ce qu'on a appelй dйsert.
Vel secundum litteram Septuaginta, quae habet, invisibilis
et incomposita, fuit quaedam terra invisibilis, in quantum erat aqua cooperta,
etiam in quantum nondum erat lux producta, per quam posset videri; incomposita
vero in quantum carebat et plantarum et animalium ornatu, et situ conveniente
ad eorum generationem et conservationem. Si vero per terram
intelligatur prima materia secundum opinionem Augustini, sic dicitur inanis per
comparationem eius ad compositum in quo subsistit; nam inanitas firmitati et
soliditati opponitur; vacua vero per comparationem ad formas quibus eius
potentia non replebatur. Unde et Plato, receptionem materiae comparavit loco,
secundum quod in eo locatum recipitur. Vacuum autem et plenum proprie circa
locum dicuntur. Dicitur etiam materia in sua informitate considerata
invisibilis, secundum quod caret forma, quae est omnis cognitionis principium;
incomposita vero in quantum sine composito non subsistit. Ou selon la lettre de la Septante, qui a "invisible et non
composйe", il y eut une terre invisible, dans la mesure oщ elle йtait
couverte d'eau, mкme dans la mesure oщ la lumiиre par laquelle elle pouvait
кtre vue n'йtait pas crййe; non composйe, dans la mesure oщ elle manquait de
l'ornement des plantes et des animaux, et d'un lieu convenable pour leur
gйnйration et leur conservation. Mais si on comprend par la terre la matiиre,
selon l’opinion d’Augustin (Dial. 65, qu. 21), on l’appelle vide par
comparaison au composй en lequel elle subsiste; car la vacuitй est opposйe а la
fermetй et а la soliditй; mais dйserte par comparaison aux formes qui ne
comblaient pas sa puissance. C'est pour cela que Platon (Timйe), compara la rйception de la matiиre а un lieu, selon qu'elle
est placйe en lui. Mais dйsert ou plein se disent proprement du lieu. Car on dit
que la matiиre dans son manque de forme est considйrйe comme invisible, selon
qu'elle manque de forme, qui est le principe de sa connaissance, non composйe
dans la mesure oщ elle ne subsiste pas sans composй.
q. 4 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ad liberalitatem dantis non solum pertinet quod cito
det, sed etiam quod ordinate et quod convenienti tempore det unumquodque. Unde
ubi dicitur: cum statim possis dare, non solum consideranda est potentia qua
dare possumus aliquid absolute, sed etiam qua possumus convenientius dare. Unde
ad ordinis convenientiam conservandam Deus in quadam imperfectione creaturas
primo instituit, ut sic gradatim ex nihilo ad perfectum pervenirent. # 8. Il convient а la libйralitй du donateur de donner promptement,
mais aussi de donner chaque chose avec ordre et au temps convenable. C’est
pourquoi quand il est dit: "Aussitфt que tu pourrais donner", non
seulement il faut considйrer la puissance par laquelle on peut donner quelque
chose absolument, mais encore par laquelle nous pouvons le donner plus
convenablement. C’est pourquoi, pour garder la convenance de l’ordre, Dieu a
instituй d'abord des crйatures dans une certaine imperfection, pour qu'elles
parviennent graduellement du nйant а la perfection.
q. 4 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod situs qui pertinet ad naturam elementorum, in elementis
erat, ut dictum est; unde obiectio contra praedictam opinionem non procedit. # 9. La situation qui convient а la nature des йlйments, йtait en eux,
comme on l’a dit; c’est pourquoi l’objection ne vaut pas contre cette
opinion[26] .
q. 4 a. 1 ad 10 Et
similiter dicendum ad decimum et undecimum. # 10. 11. Il faut dire de mкme pour la dixiиme et onziиme objection.
q. 4 a. 1 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod
perfecto agenti competit perfectum effectum producere. Sed non oportet quod
statim in principio sit perfectum simpliciter secundum suae naturae modum, sed
sufficit quod sit secundum tempus illud; quo modo puer mox natus perfectus dici
potest. # 12. Il convient а l’agent parfait de produire un effet parfait. Mais
il ne faut pas que cet effet soit dиs le commencement absolument parfait selon
le mode de sa nature, mais il suffit qu’il le soit dans ce temps[27]; de cette
maniиre, on peut dire que l’enfant sitфt nй est parfait.
q. 4 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod materia non dicitur fuisse informis, secundum
sententiam quam sustinemus ad praesens, quia omni careret forma, vel quia
haberet unam tantum formam, quae esset in potentia ad omnes formas, sicut
posuerunt antiqui naturales ponentes unum principium; vel sub qua continerentur
plures formae virtute, sicut in mixtis accidit; sed habebat in diversis
partibus formas elementares diversas. Dicebatur tamen materia informis, quia
nondum formae mixtorum corporum supervenerant materiae; ad quas formae
elementares sunt in potentia; nec etiam erat situs elementorum adhuc conveniens
eorum generationi sicut prius dictum est. # 13. On ne dit pas que la matiиre a йtй sans forme, selon l’opinion
que nous soutenons а prйsent, parce qu'elle manquerait de toute forme; ou bien
parce qu'elle n'aurait qu'une seule forme, qui serait en puissance а toutes les
formes, comme l’ont pensй les anciens Naturalistes, qui n’admettaient qu'un
seul principe; ou bien plusieurs formes seraient contenues en puissance, comme
cela arrive dans les mixtes, mais la matiиre avait en diffйrentes parties
diffйrentes formes йlйmentaires. Cependant on l'appelait matiиre sans forme,
parce que n’йtaient pas encore parvenues а la matiиre les formes des corps
mixtes, pour lesquelles les formes йlйmentaires sont en puissance, et la
situation des йlйments n’йtait pas encore apte а leur gйnйration, comme on l’a
dit d’abord.
q. 4 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod nihil cogit nos dicere, nec Scripturae Genesis
auctoritas, nec aliqua ratio, quod alio modo in illo rerum principio materia
formis elementaribus subesset quam modo; etsi possibile fuerit quod ex aquis
vaporabiliter aliquid ascenderit in locum aeris, sicut et modo contingit, et
forte tunc amplius, cum terra totaliter aquis cooperiretur. # 14. Rien, ni l’autoritй de l’Йcriture dans la Genиse, ni une raison
ne nous forcent а dire, qu'en ce commencement des choses, la matiиre йtait
soumise а des formes йlйmentaires d'une autre maniиre que maintenant, mкme s’il
aura йtй possible que des eaux s’йlиvent sous forme de vapeur dans le
territoire de l’air, comme cela arrive aussi maintenant, et peut-кtre alors
encore plus, puisque la terre йtait entiиrement recouverte par les eaux.
q. 4
a. 1 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod de firmamento, quod secundo die
formatur, multiplex invenitur opinio.
Quidam namque dicunt, hoc firmamentum non esse
aliud a caelo, quod prima die legitur factum; sed dicunt, quod Scriptura in
principio summatim commemoravit facta, de quibus per senarium dierum explicavit
quomodo sint facta. Et haec est opinio Basilii in Hexameron.
Alii vero dicunt, aliud esse firmamentum quod
secundo die est factum, et aliud caelum, quod primo dicitur creatum; et hoc
tribus modis. # 15. Au sujet du firmament qui est formй le second jour, on trouve de
nombreuses opinions.
Car certains disent qu’il n’est pas autre que le ciel, on lit qu'il a
йtй crйй le premier jour, mais ils disent que l’Йcriture au commencement a
rappelй sommairement ce qui a йtй fait, elle a expliquй comment cela a йtй fait
en six jours. Et cette opinion vient de Basile dans l'Hexaemeron.
Mais d'autres disent que c’est un autre firmament qui a йtй crйй le
second jour, et un autre ciel qu'on dit avoir йtй crйй d'abord, et cela de
trois maniиres.
Quidam namque dixerunt, quod per caelum, quod prima die
creatum legitur, intelligitur spiritualis creatura vel formata, vel adhuc
informis; per firmamentum vero quod secunda die legitur factum, intelligitur
caelum corporeum quod videmus. Et haec est opinio Augustini, ut patet in Lib.
super Genesim ad litteram, et XII Confess. a) Car certains ont dit que par le ciel, qui, lit-on, a йtй crйй le
premier jour, on comprend la crйature spirituelle, en forme, ou encore sans
forme; par le firmament qui, a йtй crйй le second jour, on comprend le ciel
corporel que nous voyons. Et c’est l’opinion d’Augustin, comme cela apparaоt
dans le La Genиse au sens littйral et
au livre 12 des Confessions.
Alii vero dicunt, quod per caelum quod prima die creatum
legitur, intelligitur caelum Empyreum; per firmamentum vero quod secunda die
legitur factum, intelligitur caelum sidereum quod videmus. Et haec est opinio
Strabi, ut patet in Glossa Genes. I.
b) D’autres disent que par le ciel crйй le premier jour, on comprend le
ciel empyrйe, par le firmament qui a йtй fait le second jour, on comprend le
ciel йtoilй que nous voyons. Et cette opinion est celle de Strabon, comme on le
voit dans la glose de Genиse 1.
Alii vero dicunt, quod per caelum primo die factum,
intelligitur caelum sidereum; per firmamentum autem quod factum est secunda
die, intelligitur istius aeris spatium terrae vicinum, quod dividit inter aquas
et aquas, ut supra dictum est. Et hanc expositionem tangit Augustinus super
Genes. ad litteram, et tenet eam Rabbi Moyses. c) D’autres disent que, par le ciel crйй le premier jour, on comprend
le ciel йtoilй, et par le firmament qui a йtй fait le second jour, l’espace de
cet air voisin de la terre, qui divise les eaux entre elles, comme on l’a dit
plus haut. Et Augustin parle de cette exposition dans La Genиse au sens littйral et Rabbi Moпses la soutient.
Secundum ergo hanc ultimam facile est solvere: quia
firmamentum, quod secundo die est factum, non est de natura quintae essentiae;
unde nihil prohibet quantum ad ipsum fuisse processum de informitate ad
formationem, vel quantum ad eius subtiliationem, vaporibus ab aquis elevatis
diminutis per aquarum congregationem in unum, vel quantum ad situm, dum in
locum aquae recedentis aer successit. Selon cette derniиre exposition, il est facile de rйsoudre le problиme;
parce que le firmament, qui a йtй crйй le second jour, n'йtait pas de quinte
essence; c’est pourquoi, rien n’empкche, quant а lui qu'il soit passй de
l'absence de forme а la mise en forme; ou bien pour sa rarйfaction, que les
vapeurs qui s’йlevaient des eaux, ayant йtй rarйfiйes par leur rassemblement en
un seul lieu, ou bien pour sa situation pendant que l’air arriva dans le lieu
d'oщ l’eau se retirait.
Sed secundum tres opiniones primas, quae per firmamentum
caelum sidereum intelligunt, non oportet dicere processum esse in caelo, de
informitate ad formationem, quasi novam formam acquisierit, quia nec in
elementis inferioribus hoc ponere cogit Scriptura; sed ut intelligamus
firmamento virtutem esse collatam ad mixtorum generationem, et quantum ad hoc
formationem eius intelligi; sicut inferiorum elementorum formatio intelligitur,
ut dictum est, quantum ad mixtorum generationem. Nam sicut elementa inferiora sunt
materia mixtorum, ita firmamentum est causa mixtorum activa. Mais selon ces trois premiиres opinions, qui comprennent par le
firmament le ciel йtoilй, il ne faut pas dire qu’il y eut passage dans le ciel,
de l'absence de forme а la mise en forme, comme s’il avait acquis une nouvelle
forme, parce que l’Йcriture ne force pas а l’йtablir dans les йlйments
infйrieurs, mais comme nous comprenons qu'un pouvoir a йtй placй dans le
firmament pour la gйnйration des йlйments mixtes, on peut y comprendre aussi sa
mise en forme, comme on comprend celle des йlйments infйrieurs, comme on l’a
dit (solution des arguments 13 et 4), pour la gйnйration des mixtes. Car, de
mкme que les йlйments infйrieurs sont la matiиre des mixtes, le firmament est
leur cause active.
Unde divisio aquarum inferiorum a superioribus, intelligi
potest per modum quo medium in confinio duorum extremorum existens, inter
utrumque distinguit. Inferiores enim aquae variationi subiectae sunt, in
quantum mixtionis materia fiunt per motum firmamenti, non autem superiores.
Secundum tamen sententiam Augustini, si ponatur materia informis prius fuisse
tempore, nihil grave occurrit; quia oportet aliquo modo materia in corpore
caelesti poni, in quo invenitur etiam motus. Unde nihil prohibet eam ordine
naturae intelligi ante formam, licet ex tempore nihil formationis accesserit.
Nec cogimur propter hoc dicere, unam esse communem naturam corpori caelesti et
inferioribus elementis; etsi aliquo uno nomine significetur, ut terrae vel
aquae secundum sententiam Augustini; quia unitas ista non intelligitur secundum
substantiam, sed secundum proportionem prout quaelibet materia consideratur ut
in potentia ad formam. C’est pourquoi la sйparation des eaux infйrieures des eaux supйrieures
peut кtre comprise au moyen d’un intermйdiaire situй aux confins des deux
extrкmes qui les distinguent l’une de l’autre. Car les eaux infйrieures sont
sujettes а variation, dans la mesure oщ elles deviennent la matiиre du mixte
par le mouvement du firmament, mais pas les eaux supйrieures. Cependant selon
l’expression d’Augustin (La Genиse au
sens littйral, II, XI, 24), si on pense que la matiиre informe a existй
avant en temps, il n’en ressort rien de grave, parce qu’il faut d’une certaine
maniиre placer la matiиre dans le corps cйleste, dans lequel on trouve aussi le
mouvement. C'est pourquoi, rien n'empкche qu'on la comprenne dans l'ordre de la
nature avant la forme, bien que rien de la formation ne soit arrivй а partir du
temps. Et nous ne sommes pas forcйs, pour cela, de dire qu’il y a une seule
nature commune au corps cйleste et aux йlйments infйrieurs, mкme si on dйsigne
par un seul nom les terres ou les eaux, selon l'expression d'Augustin; parce
que cette unitй n'est pas comprise de la substance, mais de la proportion dans
la mesure oщ on considиre n'importe quelle matiиre comme en puissance pour la
forme.
q. 4 a. 1 ad 16 Ad decimumsextum patet solutio
ex dictis. Non enim intelligitur informitas materiae quia omni forma caret, sed
sicut dictum est. # 16. La solution est йclairйe par ce qui vient d’кtre dit. Car on ne
comprend pas l’absence de forme de la matiиre, parce qu'elle manque de toute
forme, comme on l’a dit.
q. 4 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum quod secundum sententiam Augustini, qui ponit per
terram et aquam prius commemoratas non elementa, sed materiam primam
significatam fuisse, nihil inconveniens sequitur de aquarum congregatione. Nam,
sicut ipse dicit, sicut cum dictum est: fiat firmamentum, in secunda die,
significata est formatio caelestium corporum; ita cum dicitur: congregentur
aquae, in tertia die, significatur formatio elementorum inferiorum; et per hoc
quod dicitur: congregentur aquae, significetur quod aqua suam formam acceperit;
per hoc vero quod dicitur: appareat arida, significetur idem de terra. Ideo
vero his verbis usus est in horum elementorum formatione, et non verbo
factionis, sicut in caelo, ut diceret: fiat aqua et terra, sicut dixerat: fiat
firmamentum, ut significaret imperfectionem harum formarum, et earum
propinquitatem ad informem materiam. Verbo enim congregationis usus est ad
aquam, ut significaret eius mobilitatem; verbo apparentiae in terra, ut
significetur eius stabilitas; unde ipse dicit: ideo de aqua dictum est,
congregetur; de terra, appareat, quia aqua labiliter est fluxa, terra
stabiliter fixa. # 17. Selon l'expression d’Augustin (Dialogue, LV, quest. 21) qui pense
que par la terre et l’eau dont on a fait mention auparavant, ne sont pas des
йlйments, mais qu'elles ont dйsignй la matiиre premiиre, il n’en dйcoule aucune
inconvenance pour le rassemblement des eaux. Car, comme il le dit lui-mкme, (La Genиse au sens littйral, II, ch. 7 et
8), de mкme qu'il a йtй dit: "Que soit fait le firmament", au second
jour, cela signifie la formation des йlйments infйrieurs, de mкme quand il est
dit: "que les eaux se rassemblent", au troisiиme jour, cela signifie
la mise en forme des йlйments infйrieurs et par ce qui est dit: "que les
eaux se rassemblent" est signifiй que l’eau a reзu sa forme propre est
signifiй que l'eau a reзu sa forme; par cette parole: "que la terre sиche
apparaisse", cela signifie la mкme chose pour la terre. C’est pourquoi, il
s'est servi de ces mots, pour la formation de ces йlйments, et non du mot de
faire, comme dans le ciel pour dire: que l'eau et la terre soient faites, comme
il avait dit: "Que le firmament soit fait.", pour signifier l'imperfection
de ces formes et leur proximitй de la matiиre informe. Il s'est servi du mot de
rassemblement, pour l'eau, pour signifier sa mobilitй, et du mot apparence,
dans la terre pour signifier sa stabilitй. Aussi il dit lui-mкme: "C’est
pourquoi on a dit de l’eau qu’elle se rassemble, de la terre qu’elle
apparaisse, parce que l’eau s'est йcoulйe doucement, la terre ayant йtй йtablie
fermement".
Si vero secundum opinionem Basilii et aliorum sanctorum
dicatur, quod eadem terra hic et ibi significatur, et similiter eadem aqua, sed
alio modo disposita prius et postea, multipliciter respondetur. Quidam enim
dixerunt, quod aliqua pars terrae erat quae aquis non erat cooperta; in quam
aqua quae terram habitabilem occupabat, Deo iubente, congregata est. Sed hoc
reprobat Augustinus ex ipsa littera, dicens: si aliquid erat nudum terrae, ubi
congregarentur aquae, iam prius arida apparebat, quod est contra circumstantiam
litterae. Unde alii dixerunt, quod aqua rarior erat sicut nebula, et postea
inspissata in minorem locum collocata est. Sed illud etiam non minorem generat
difficultatem; tum quia non vere erat aqua, si formam vaporis assumpserat; tum
etiam quia locum aeris occupasset, et similis difficultas relinqueretur de
aere. Et ideo alii dicunt, quod terra quasdam cavernositates accepit in quibus
potuit aquarum multitudinem accipere operatione Dei. Sed contra hoc videtur
esse, quia hoc per accidens est quod aliqua pars terrae longius distet a centro
quam alia. In illa autem rerum formatione, natura suum modum accepit, ut Augustinus in
eodem Lib. dicit. Mais si, selon l’opinion de Basile et des autres saints, on disait
qu’on signifie ici et lа la mкme terre, et de la mкme maniиre, la mкme eau,
mais disposйes d’une autre maniиre avant et aprиs, on trouve de nombreuses
rйponses: Car certains ont dit qu’une partie de la terre йtait celle qui
n’avait pas йtй recouverte par les eaux, dans laquelle l’eau qui occupait la
terre habitable, avec l’aide de Dieu, a йtй rassemblйe. Mais Augustin le
rйprouve а cause de la lettre mкme du texte, (La Genиse au sens littйral, I, 12, 26) en disant: "S'il y
avait quelque lieu oщ la terre йtait nue, oщ les eaux se rassembleraient, c’est
que dйjа avant йmergeait la terre sиche, ce qui est contre le contexte".
C’est pourquoi d’autres ont dit que l’eau йtait moins dense, comme les nuйes,
et ensuite en s'йpaississant, elle a йtй placйe dans un lieu plus petit. Mais
cela mкme ne diminue pas la difficultй; d'une part, parce que ce n'йtait pas
vraiment de l’eau, si elle avait pris la forme de la vapeur, d'autre part, mкme
parce si elle avait occupй la place de l’air, il resterait une difficultй
semblable pour l'air. Et c’est pourquoi d’autres disent que la terre a reзu des
cavitйs, dans lesquelles elle a pu recevoir un grande quantitй des eaux par
l'opйration de Dieu. Mais cela semble кtre contraire, parce que c'est par
accident qu'une partie de la terre est plus loin du centre que l'autre. Mais en
cette formation des choses, la nature a reзu son mode, comme Augustin le dit
dans le mкme livre. (La Genиse au sens
littйral, VI, 6).
Et ideo melius videtur dicendum, sicut Basilius dicit, quod
aquae in multas divisiones erant dispersae, et postmodum in unum congregatae;
quod etiam ipse textus verbo congregationis utens, significare videtur. Etsi
enim totam terram aqua tegebat, non oportet quod tanta profunditate tegeretur
prius ubique, quanta nunc invenitur in aliquibus locis Et c’est pourquoi il semble qu’il vaut mieux dire, comme le fait
Basile, que les eaux s’йtaient dispersйes en de nombreuses parties, et ensuite
ont йtй rassemblйes en un tout, ce que le texte mкme usant du mot de
rassemblement semble signifier. Car mкme si l’eau couvrait toute la terre, il
ne faut pas qu'avant elle soit recouverte partout d’une profondeur telle qu’on
la trouve maintenant en certains lieux.
q. 4 a. 1 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod quia corpora mineralia non habent aliquam
evidentem perfectionis excellentiam supra elementa, sicut habent viventia, non
seorsum ab elementis formata describuntur; sed in ipsa elementorum institutione
possunt intelligi esse producta. Unde nihil prohibet aliquas cavernositates
fuisse ante congregationem aquarum; ut postea terra compressa in sui
superficie, aquae congregatae locum praeberet. Tamen verba Augustini hanc
opinionem tangentis, videntur sonare magis quod huiusmodi concavitates non
praeextiterint infra terram, sed magis in superficie terrae tunc factae
fuerint, cum aquae sunt congregatae. Sic enim dicit: terra longe lateque
subsidens potuit alias partes praebere concavas, quibus confluentes et
corruentes aquae reciperentur, et appareret arida ex his partibus unde humor
abscederet; cui etiam consonant verba Basilii Hexameron, dicentis: quando
praeceptio data est ut in unam congregationem aquae coirent, tunc et
susceptionis earum causa praecessit; et ita iussu Dei capacitas sufficiens
parata est, unde aquarum ibi multitudo conflueret. Haec autem capacitas potest
intelligi per quarumdam partium terrae depressionem; cum videamus etiam in
aliquibus maiorem elevationem accidentalem, ut patet in collibus et montibus.
# 18. Parce que les minйraux ne dйpassent pas de faзon йvidente les
йlйments en perfection, comme les кtres vivants, ils ne sont pas dйcrits comme
formйs а part des йlйments; mais on peut comprendre qu'ils sont produits dans
la constitution mкme des йlйments. C’est pourquoi rien n’empкche qu’il y eut
des cavitйs avant le rassemblement des eaux, pour que aprиs, la terre comprimйe
en sa surface offre une place а l’eau rassemblйe. Cependant les paroles
d’Augustin а propos de cette opinion (La
Genиse au sens littйral, I, XII, 26) paraissent mieux convenir, parce que
les cavitйs de ce genre, n’auraient pas prйexistй sous la terre, mais elles
auraient йtй faites plus а sa surface, quand les eaux ont йtй rassemblйes. Car
il parle ainsi: "La terre qui s’йtend en long et en large a pu fournir
d'autres dйpressions dans lesquelles les confluents et les eaux courantes
seraient reзues, et la terre sиche apparaоtrait de ces parties d’oщ le liquide
serait parti". Les paroles de Basile sont en accord (Hexaemeron, homйlie
4). Il dit: "Quand l’ordre a йtй donnй que les eaux se rassemblent en une
seule masse, alors la cause de leur rйception a prйcйdй et ainsi par l’ordre de
Dieu, un rйceptacle suffisant a йtй prйparй oщ les grandes quantitйs d'eaux se
rassembleraient". Ce rйceptacle peut кtre comprit par l'enfoncement de
certaines partie de la terre, quand nous voyons mкme dans certaines une plus
grande йlйvation accidentelle, comme cela se voit dans les collines et les
montagnes.
q. 4 a. 1 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod si cavernositates non praeexistebant in terra,
secundum illud quod ultimo dictum est, obiectio praesens locum non habet. Si
autem praeexistebant, tunc dicendum est, quod licet sit contra naturam aeris
vel aquae subesse terrae sibi relictae, non tamen si terra sit a suo motu
aliqualiter impedita. Sic enim videmus in cavernis quae fiunt sub terra, terram
aliquibus sustentaculis suspensam aerem subingredi, eo quod natura non patitur
vacuum. Si tamen dicatur, quod aquae quae erant in minori profunditate super
totam terrae superficiem sparsae, sunt postmodum super aliquam partem terrae in
maiorem altitudinem congregatae, ut supra dictum est, praedictae obiectiones
cessabunt. # 19. Si les cavitйs ne prйexistaient pas dans la terre, selon ce qui a
йtй dit en dernier, la prйsente objection ne vaut pas. Mais si elles
prйexistaient, alors il faut dire que, bien que ce soit contre la nature de
l’air ou de l’eau d'кtre sous la terre qui lui est laissйe, cependant pas si la
terre йtait en quelque maniиre empкchйe par son mouvement. Car ainsi nous
voyons dans les cavernes qui se font sous terre, que la terre suspendue par
certains supports laisse entrer l'air, parce que la nature ne supporte pas le
vide. Cependant, si on dit que les eaux qui йtaient d'une moins grande
profondeur, dispersйes sur toute la surface de la terre, ont йtй par la suite
rassemblйes sur une partie de la terre avec une plus grande profondeur, comme
on l’a dit ci-dessus, les objections prйcйdentes disparaоtront.
q. 4 a. 1 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod si consideretur naturalis elementorum situs, qui
competit ipsis naturis elementorum absolute, sic naturale est aquae quod totam
terram undique contineat, sicut et aer continet aquam. Si autem considerentur
elementa in ordine ad mixtorum generationem, ad quam etiam caelestia corpora
movent; sic talis situs competit, qualis postea institutus est. Unde statim
apparente arida in aliqua sui parte, subditur de productione plantarum. Quod
autem in elementis ex impressione caelestium corporum accidit, non est contra
naturam, ut dicit Commentator in III de caelo et mundo, ut patet in fluxu et
refluxu maris; qui licet non sit naturalis motus aquae, in quantum gravis est,
eo quod non est ad medium, est tamen naturalis motus eius in quantum est a
corpore caelesti mota, sicut eius instrumentum. Hoc autem multo magis competit
dicere de his quae fiunt in elementis ex ordinatione divina, per quam tota
elementorum natura subsistit. In praesenti autem utrumque concurrere videtur ad
aquarum congregationem; et divina virtutis principaliter, et secundario virtus
caelestis. Unde statim post firmamenti institutionem subiungitur de aquarum
congregatione. Potest tamen et ex ipsa natura aquae aliqua aptitudo inveniri.
Cum enim in elementis continens sit formalius contento, ut patet per
philosophum in VIII Physic., aqua in tantum deficit a perfecta terrae
continentia, in quantum et ipsa non perfecte formalis est, sicut ignis et aer,
plus accedens ad terrenam spissitudinem quam ad igneam raritatem. # 20. Si on considиre la situation naturelle des йlйments, qui
appartient а leur nature de faзon absolue, il est naturel pour l'eau d’entourer
partout toute la terre, comme l'air entoure l'eau. Mais si on considиre les
йlйments dans leur rapport а la gйnйration des mixtes, que les corps cйlestes
mettent en action, alors une telle situation convient telle qu’elle a йtй mise
en place aprиs. C’est pourquoi aussitфt que la terre sиche est apparue dans
l'une de ses parties, elle est assujettie а la production des plantes. Mais, ce
qui dans les йlйments vient de l’action des corps cйlestes n’arrive pas contre
la nature, comme le dit le Commentateur (Le
ciel et le monde , 3, com. 20), comme cela paraоt dans le flux et le reflux
de la mer[28], qui, bien que ce ne soit pas un mouvement naturel de l’eau, dans
la mesure oщ elle est lourde, parce qu’elle n’est pas pour un espace
intermйdiaire, cependant c’est son mouvement naturel dans la mesure oщ elle est
mue par le corps cйleste, comme son instrument. Mais il convient beaucoup plus
de le dire de ce qui se fait dans les йlйments par la mise en ordre de Dieu,
par laquelle toute la nature des йlйments subsiste. А prйsent, l’un et l’autre
semblent concourir au rassemblement des eaux, le pouvoir divin surtout, le
pouvoir cйleste en second. C'est pourquoi aussitфt aprиs la constitution du
firmament, on ajoute le rassemblement des eaux. On peut cependant trouver une
aptitude par la nature mкme de l’eau. Car, comme le contenant dans les йlйments
est plus formel que le contenu, comme l'expose le philosophe (Physique VIII), dans la mesure oщ l’eau
s’йcarte du voisinage parfait de la terre, elle n’est pas parfaitement forme
comme le feu et l’air, en parvenant plus а la densitй terrestre qu’а la
lйgиretй du feu.
q. 4 a. 1 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum quod
confusio quae in mundo inchoato praecessisse dicitur, non attenditur secundum
aliquam mixtionem elementorum, sed per oppositum ad illam distinctionem quae
nunc est in partibus mundi, competens viventium generationi et conservationi. # 21. La confusion, qui, a, dit-on, prйcйdй, dans le monde en son
commencement n’est pas atteinte par le mйlange des йlйments, mais par
l'opposition а cette distinction qui existe maintenant dans les parties du
monde, en accord avec la gйnйration des vivants et leur conservation.
q. 4 a. 1 ad 22 Et
per hoc patet responsio ad vicesimumsecundum et vicesimumtertium. # 22. 23. Par lа apparaоt le rйponse а la vingt-deuxiиme et
vingt-troisiиme objection.
q. 4 a. 1 ad s. c. 1
Ad ea vero quae in contrarium obiiciuntur, secundum opinionem Augustini
consequenter respondendum est.
Ad primum dicendum est, quod Gregorius loquitur secundum
opinionem quam prius sustinuimus. Non tamen sic sunt intelligenda verba
Gregorii, quod in prima rerum creatione sit omnium rerum materia facta absque
omni specie formae, sed absque formis quibusdam, scilicet rerum viventium, et
ordinis ad eorum generationem, sicut supra est expositum.
Rйponse aux arguments de sens contraire:
Selon l’opinion d’Augustin, il faut aussi rйpondre.
## 1. Grйgoire [le Grand] parle selon l’opinion que nous avons d'abord
soutenue. Cependant il ne faut pas comprendre qu’il dit, que, dans la premiиre
crйation, la matiиre de toutes choses a йtй faite sans aucune espиce de forme,
mais sans certaines formes, а savoir celle des crйatures vivantes, et de leur
rapport а leur gйnйration, comme on l’a exposй ci-dessus (solution aux
arguments 4 et 13).
q. 4 a. 1 ad s. c. 2
Ad secundum dicendum, quod appetitus formae non est aliqua actio materiae, sed
quaedam habitudo materiae ad formam, secundum quod est in potentia ad ipsam,
sicut Commentator exponit in primo Physic. ## 2. L'appйtit de la forme n'est pas une action de la matiиre, mais
une relation de la matiиre а la forme, selon qu'elle est en puissance pour elle,
comme le Commentateur l'expose au 1er livre de la Physique (ch. 81).
q. 4 a. 1 ad s. c. 3
Ad tertium dicendum, quod si Deus faceret ens in potentia tantum, minus faceret
quam natura, quae facit ens in actu. Actionis enim perfectio magis attenditur secundum
terminum ad quem, quam secundum terminum a quo; et tamen hoc ipsum quod
dicitur, contradictionem implicat, ut scilicet aliquid fiat quod sit in
potentia tantum: quia quod factum est, oporteret esse cum est, ut probatur in
VI Phys. Quod autem est tantum in potentia, non simpliciter est. ## 3. Si Dieu crйait un йtant en puissance seulement, il ferait moins
que la nature, qui le produit en acte. Car la perfection de l'action est mieux
atteinte, selon le but, que selon l'origine et cependant ce qui est dit
implique contradiction, quelque chose est fait, qui serait en puissance
seulement; parce qu’il faudrait que ce qui est fait existe, comme il est, comme
on le prouve en Physique (VI). Mais
ce qui est seulement en puissance n'existe absolument pas.
q. 4 a. 1 ad s. c. 4
Ad quartum dicendum, quod hoc quod Scriptura dicit: terra erat inanis et vacua,
si accipiatur de materia omnino informi, secundum Augustinum, non est
intelligendum quod sic erat aliquando in actu, sed quia talis erat natura sua,
si absque formis inhaerentibus consideretur. ## 4. Ce que l'Йcriture dit: "La terre йtait vide et dйserte",
si on le conзoit de la matiиre tout а fait sans forme, selon Augustin, n'est
pas а comprendre qu'elle йtait ainsi quelquefois en acte, mais parce que sa
nature йtait telle, si on la considиrait sans formes inhйrentes.
q. 4 a. 1 ad s. c. 5
Ad quintum dicendum, quod formatio spiritualis creaturae dupliciter potest
intelligi:
una per gratiae infusionem, et alia per gloriae
consummationem. Prima quidem formatio, secundum sententiam Augustini, statim
creaturae spirituali affuit in sui creationis principio; et tunc per tenebras,
a quibus lux distinguitur, non intelligitur peccatum malorum Angelorum; sed
informitas naturae, quae nondum erat formata, sed erat consequentibus operibus
formanda, ut dicitur in I super Genes. ad litteram, vel, sicut dicitur quarto
eiusdem libri, per diem significatur Dei cognitio, per noctem vero cognitio
creaturae, quae quidem tenebra est respectu divinae cognitionis. Vel si per
tenebras intelligamus Angelos peccantes, ista divisio non ad praesens peccatum
refertur, sed ad futurum, quod erat in Dei praescientia: unde dicit in libro ad
Orosium: quia ex Angelis quosdam per superbiam praesciebat casuros; per
incommutabilem praescientiae suae ordinem divisit inter bonos et malos, malos
tenebras appellans, et bonos lucem.
Secunda vero
formatio non pertinet ad principium institutionis rerum, sed magis ad rerum
decursum, quo per divinam providentiam gubernantur. Hoc enim ultimum verum est,
secundum Augustinum, de omnibus in quibus operatio naturae requiritur, quod in
hac formatione necesse est provenisse; quia per motum liberi arbitrii aliqui
sunt conversi ut starent; aliqui aversi ut caderent.
## 5. La formation de la crйature spirituelle peut кtre comprise de
deux maniиres: l'une par l'infusion de la grвce et l'autre par l'achиvement de
la gloire.
a) La premiиre formation, selon l'opinion d'Augustin, arrive aussitфt а
la crйature spirituelle, au commencement de la crйation et alors par les tйnиbres,
d'oщ la lumiиre est distinguйe, on ne comprend pas le pйchй des mauvais anges,
mais le manque de forme de la nature, qui n'йtait pas encore mise enforme, mais
devait l’кtre par les њuvres suivantes, comme il est dit (la Genиse au sens
littйral, I), ou bien, comme il est dit au quatriиme livre, la connaissance de
Dieu est signifiйe par le jour, la connaissance de la crйature, par la nuit,
qui est tйnиbres par rapport а la connaissance divine, (comme on le dit au mкme
livre). Ou si, par les tйnиbres, nous comprenons les anges pйcheurs, cette
division ne se rйfиre pas au pйchй prйsent, mais au pйchй futur, qui йtait dans
la prescience de Dieu: c'est pourquoi il dit dans le livre A Orose, (Dialogue
65, qu. 24): "Parce qu’il savait а l'avance, par l'ordre immuable de sa
prescience, que certains anges succomberaient par orgueil, il sйpara les bons
des mйchants, appelant les mйchants tйnиbres, et les bons lumiиre.".
b) La seconde formation n'appartient pas au commencement de
l'institution des choses, mais plutфt а leur achиvement, oщ elles sont
gouvernйes par la providence divine. Car c’est la vйritй ultime, selon
Augustin, pour tout ce en quoi l'opйration de la nature est requise, qu'il est
nйcessaire qu'elle parvienne а cette formation, parce que, par le mouvement du
libre arbitre, certains se sont tournйs pour demeurer, certains dйtournйs pour
tomber.
q. 4 a. 1 ad s. c. 6
Ad sextum dicendum, quod mundus dicitur factus ex invisa materia, non quia
informis materia tempore praecesserit, sed ordine naturae. Et similiter
privatio non fuit aliquo tempore in materia ante omnem formam, sed quia materia
absque forma intellecta cum privatione etiam intelligitur. ## 6. On dit que le monde a йtй fait de la matiиre invisible, non parce
que la matiиre sans forme a prйcйdй dans le temps, mais dans l'ordre de la
nature. Et semblablement la privation n'a pas existй un temps dans la matiиre
avant toute forme, mais parce que la matiиre comprise sans forme est comprise
aussi avec la privation.
q. 4 a. 1 ad s. c. 7
Ad septimum dicendum, quod hoc est ex imperfectione naturae operantis per motum
quod ex imperfecto ad perfectum procedit; motus enim est actus imperfecti. Sed
Deus propter suae virtutis perfectionem potuit statim res perfectas in esse
producere; et ideo non est simile. ## 7. Cela vient de l'imperfection de la nature, qui opиre par
mouvement de procйder de l'imparfait au parfait; car le mouvement est d'un acte
imparfait. Mais Dieu, а cause de la perfection de son pouvoir, a pu aussitфt
produire les choses parfaites dans l'кtre, et c'est pourquoi ce n'est pas
pareil.
q. 4 a. 1 ad s. c. 8
Ad octavum dicendum, quod verba Augustini non sunt intelligenda sic quod
materia aliquo tempore fuerit in potentia ad formas elementares nullam earum
habens; sed quia in sua essentia considerata, nullam formam actu includit ad
omnes in potentia existens. ## 8. Les paroles d'Augustin ne sont pas а comprendre de sorte que la
matiиre a йtй un temps en puissance pour les formes йlйmentaires, sans en avoir
une; mais parce que, celle-ci considйrйe en son essence, quand elle existe en
puissance pour toutes les formes, n'inclut aucune forme en acte.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Ia, qu. 66, a. 1 — Ia, qu. 69, a.1 — 1a, qu. 74 a. 2 — II Sent. d12a4.
[2]
"Ce n’est pas que la matiиre informe soit temporellement antйrieure aux
choses formйes: ces deux principes d’кtre sont en effet simultanйment
“concrййs”, d’une part ce dont une choses est faite, d’autre part ce qu’elle
est faite. C’est ainsi que la voix est la matiиre des mots et que les mots
expriment une voix formйe: nйanmoins, celui qui parle ne commence pas par
йmettre une voix informe, susceptible d’кtre ensuite dйterminйe et formйe en
mots; pareillement, le Dieu crйateur n’a pas dans un premier temps crйй la
matiиre informe, pour ensuite, dans une seconde considйration, la former selon
l’ordre de chaque nature: non, il a crйй la matiиre formйe." (Trad. P.
Agaлsse et A. Solignac, BA 48)
[3]
Dйfinition de la matiиre premiиre chez Aristote: Physique, I, ch. 9, 192, a, 31 "…j'appelle matiиre premiиre le
premier sujet pour chaque chose, йlйment immanent et non accidentel de sa
gйnйration" (Trad. H. Carteron) — "Car je dis que la matiиre premiиre
est le sujet de chaque chose dont quelque chose est fait puisqu'elle est en lui
mais pas comme un accident". (90 (82) Thomas n° 139. — Mйtaphysique 7 (Z) 1029 a 20: "J'appelle
matiиre ce qui n'est par soi ni existence dйterminйe, ni d'une certaine
quantitй, ni d'aucune autre des catйgories par lesquelles l'кtre est dйterminй"
(Trad. J. Tricot).
[4]
Selon les anciens, la matiиre est composйe de quatre йlйments.
[5]
Importance de la pesanteur dans les arguments; elle impose la situation des
corps: "Les йlйments sont dans leur situation propre par le pouvoir de
leur forme.
[6]
"Qu’il soit nйcessaire de poser autant de diffйrences que d’йlйments, est
chose manifeste."
[7]
Selon Aristote chaque йlйment se situe selon les lois de la pesanteur, dans son
lieu propre.
[8]
Le situs (la situation) se distingue bien du lieu, lequel ne dit rien de la
situation relative des parties, mais il est clair qu’il n’est qu’un prйdicament
dйrivй, а ce titre moins significatif que les autres. Aristote n’a d’ailleurs
pas toujours retenu ces deux prйdicaments dans sa nomenclature." (H.-D.
Gardeil, Initiation…Mйtaphysique, (p.
101).
[9]
Sur les intermйdiaires: Du ciel, IV, 4, 312 a 27 ss.
[10]
Cf. Aristote, Du ciel, IV, 4, 311 b 30: "L’existence d’un centre oщ se
portent les corps pesants, et d’oщ s’йloignent les corps lйgers est manifeste
pour de multiples raisons." (Trad. P. Moraux).
[11]
Cf. Physique, I, 4, 187 a 12-17, — I,
8, 191 a 23-24. Thomas, lect. 8 n° 2 et lect. 14, n°2.
[12]
Car les quatre йlйments ne peuvent pas subir un mouvement circulaire (269 a 17
–a 25)
[13]
Figura, forme au sens moderne du mot: apparence, aspect visible.
[14]
Toute crйature est bonne . Cf. Gn. I: Dieu vit que tout cela йtait bon.
[15]
"Il est donc vraisemblable que l’Йcriture parle de cette matiиre,
lorsqu’elle dit; "La terre йtait invisible… afin que nous comprenions que
tous les autres mots de ce texte, bien qu’ils soient noms de choses visibles
visent а dйsigner… cette informitй de la matiиre." BA., p. 122-123
[16]
Ce n'est pas de l'homme, mais du non blanc ou du noir qu'il devient blanc.
C'est-а-dire non de la substance, mais de l'accident.
[17]
"A cela doit tendre l'intention du chrйtien qui dispute sur les articles
de la foi pour pour la prouver mais pour la dйfendre." De rationibus fidei
2.
[18]
Multiplication du sens littйral. Bull. Thomiste 1933, pp. 711-718. Voir Ia, qu.
1, a 10.
[19]Thomas
s’inspire directement de saint Augustin, qui rapporte la lйgende et la rйfute
sur certains points. (La Citй de Dieu,
VIII, 11. Cf. Timйe c. 7, 31-33).
[20]
Le mouvement du ciel est circulaire. Or le mouvement naturel du feu est vers le
haut.
[21] Qu. Ad Simplicium (PEV 21
PL, 40)
[22]
Dans ce paragraphe, Thomas suit le raisonnement d'Augustin: II, IV, 7. Voir BA
p. 157 sq. Augustin rapporte l’opinion des "savants". Cf. Pйpin,
Thйologie cosmique, p. 422, n°3.
[23]
L'Йcriture semble aller contre les lois de la nature.
[24]
C'est-а-dire plus lйger selon les lois de la pesanteur.
[25]
"…durci comme un miroir fondu…" B.J.
[26]
Pour Ambroise Dieu donne а une њuvre une loi qui se superpose en quelque sorte
а son essence. Pour Augustin et Thomas, les lois sont les propriйtйs des
essences.
[27]
Faut-il comprendre au moment venu ou bien actuellement telles que sont les
choses?
[28]
Idem in Pot. 1, 3, sol. 1.
Article 2: La mise en forme de la matiиre a-t-elle eu lieu toute en
mкme temps ou successivement?
q. 4 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum materiae formatio tota simul fuerit, an successive. Et
videtur quod successive.
Il semble qu'elle fut successive[1].
Objections:
q. 4 a. 2 arg. 1
Dicitur enim Iudith, IX, 4: tu fecisti priora, et illa post illa cogitasti.
Excogitatio autem Dei est eius operatio, ut Damascenus dicit; unde et in
praedicta auctoritate subditur: et hoc factum est quod ipse voluisti. Ergo res
quodam ordine, et non simul, sunt factae. 1. En Judith (9, 4) il est dit: "Tu as fait ce qui est avant, et
cela tu l'as pensй aprиs[2]." Mais la pensйe de Dieu est son opйration,
comme Jean Damascиne le dit (II, 3). C'est pourquoi dans la prйcйdente
autoritй, il est ajoutй: "Et cela a йtй fait parce que tu l'as voulu
toi-mкme". Donc les choses ont йtй crййes selon un certain ordre et non en
mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 2
Praeterea, plures partes temporis non possunt esse simul: quia totum tempus sub
quadam successione agitur. Sed rerum formatio in diversis partibus temporis
facta commemoratur Genes. I. Ergo videtur quod rerum formatio facta sit
successive, et non tota simul. 2. Plusieurs parties du temps ne peuvent pas coexister; parce que tout
le temps est soumis а une certaine succession; mais on rappelle, au ch. 1 de la
Genиse, que la mise en forme des crйatures a йtй faite en diffйrentes parties
du temps. Donc il semble qu'elle a йtй accomplie successivement et non toute en
mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 3 Sed
dicendum, quod per illos sex dies, secundum sententiam Augustini, non
intelliguntur dies consueti nobis qui sunt temporis partes, sed secundum
cognitionem angelicam sexies rebus cognoscendis praesentatam, secundum rerum
sex genera.- Sed contra, dies ex praesentia lucis causatur;
unde dicitur Genes. I, 5, quod Deus vocavit lucem diem. Sed lux non proprie in
spiritualibus invenitur, sed solum metaphorice. Ergo nec dies proprie potest
intelligi Angelorum cognitio. Non videtur ergo
esse litteralis expositio, quod per diem Angelorum cognitio intelligatur. Probatio
mediae. Nullum per se sensibile potest in spiritualibus proprie accipi: ea enim
quae sensibilibus et spiritualibus sunt communia, non sunt sensibilia nisi per
accidens; sicut substantia, potentia, virtus et huiusmodi. Lux autem est per se
sensibilis visu. Ergo proprie non potest in spiritualibus accipi. 3. Mais il faut dire que, durant ces six jours, selon l'opinion
d'Augustin (La Citй de Dieu, II,
VIII, 18), on ne comprend pas des jours semblables aux nфtres qui sont des partie
du temps, mais d'aprиs la connaissance angйlique, reprйsentйe six fois pour ce
qu'il y avait а connaоtre, selon six genres de choses. – En sens contraire, le
jour est causй par la prйsence de la lumiиre. C'est pourquoi on dit en Gn. 1,
5, que Dieu a appelй la lumiиre jour. Mais on ne trouve pas la lumiиre а
proprement parler dans les кtres spirituels, mais seulement par mйtaphore. Donc
on ne peut pas comprendre le jour а proprement parler comme la connaissance des
anges. Donc il ne semble pas que comprendre la connaissance des anges comme le
jour soit le sens littйral. Preuve intermйdiaire: Rien de sensible par soi ne
peut кtre reзu dans les кtres spirituels, car ce qui est commun au sensible et
au spirituel n'est sensible que par accident, comme la substance, la puissance,
le pouvoir etc.. Mais la lumiиre est sensible en soi pour la vue. Donc elle ne
peut pas кtre reзue en propre par les кtres spirituels.
q. 4 a. 2 arg. 4
Praeterea, cum Angelus dupliciter res cognoscat, scilicet in verbo et in
propria natura; oportet quod per alteram istarum cognitionum dies intelligatur.
Non autem potest intelligi de cognitione qua cognoscit rem in verbo, quia haec
cognitio est una tantum de omnibus; simul enim in verbo cognoscit Angelus
quaecumque cognoscit, et una cognitione, quia scilicet verbum videt. Non ergo
esset nisi una dies. Si autem intelligitur de cognitione qua cognoscit res in
propria natura, sequitur quod sint multo plures quam sex dies, cum sint plura
genera et species creaturarum. Non ergo
videtur quod dierum senarius ad cognitionem angelicam referri possit. 4. Comme l'ange connaоt de deux faзons, а savoir dans le Verbe et dans
sa propre nature; il faut que le jour soit compris par la deuxiиme de ces
connaissances. Mais il n'est pas possible de le comprendre de la connaissance
par laquelle il connaоt un objet dans le Verbe, parce que cette connaissance
est seulement une pour toute chose; car c'est en mкme temps que l'ange connaоt
dans le Verbe tout ce qu'il connaоt et d'une connaissance unique, parce qu'il
voit le Verbe. Donc il n'y aurait qu'un seul jour. Mais s'il est compris de la
connaissance par laquelle il connaоt les choses dans leur propre nature, il en
dйcoule qu'il y a bien plus de six jours, puisqu'il y a plus de genres et
d'espиces de crйatures. Donc il ne semble pas qu'on puisse rapporter la
connaissance angйlique aux six jours.
q. 4 a. 2 arg. 5 Praeterea, Exod. XX, 9, dicitur:
sex diebus operaberis, septimo autem die sabbatum domini Dei tui est: non
facies omne opus; et postea subditur ratio: sex enim diebus fecit Deus caelum
et terram, mare, et omnia quae in eis sunt, et requievit in die septimo. Sed lex ad litteram de diebus materialibus loquitur
in quorum sex permittit operari, in septimo prohibet. Ergo et hoc quod
dicitur de Dei operatione ad dies materiales referendum est. 5. En Exode. 20, 9, il est dit: "Tu travailleras six jours, mais
le septiиme est le sabbat de ton Dieu; tu ne feras aucune oeuvre," et la
raison en est donnйe ensuite: "Car en six jours Dieu a fait le ciel et la
terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, et il se reposa le septiиme jour."
Mais, selon la lettre, la loi parle des jours matйriels; dans six de ceux-ci,
elle permet de travailler, et elle l'interdit le septiиme. Donc ce qui est dit
de l'opйration de Dieu doit кtre rapportй aux jours matйriels.
q. 4 a. 2 arg. 6
Praeterea, si per diem cognitio Angeli intelligitur; facere ergo aliquid in die
non est aliud quam facere in angelica cognitione. Per hoc autem quod aliquid
fit in angelica cognitione non sequitur quod in sua natura existat, sed solum
quod ab Angelo cognoscatur. Ergo per hoc non ostenderetur rerum in propriis
naturis institutio; quod est contra Scripturam. 6. Si on comprend par jour la connaissance de l'ange, donc faire
quelque chose le jour n'est pas diffйrent que le faire dans la connaissance
angйlique. Mais du fait qu'une chose est faite dans la connaissance angйlique,
il n'en dйcoule pas qu'elle existe dans sa nature, mais seulement qu'elle est
connue par l'ange. Donc ainsi l'arrangement des choses ne serait pas montrй
dans leur nature propre; ce qui est contre l'Йcriture.
q. 4 a. 2 arg. 7 Praeterea, cuiuslibet Angeli cognitio differt ab alterius
cognitione. Si ergo per diem cognitio Angeli intelligitur, oportet tot dies
ponere quot sunt Angeli, et non solum sex ut Scriptura tradit. 7. La connaissance de n'importe quel ange diffиre de celle d'un autre.
Si donc on comprend par le mot jour la connaissance de l'ange, il faut poser
autant de jours que d'anges, et pas seulement six, comme l'Йcriture le rapporte.
q. 4 a. 2 arg. 8
Praeterea, Augustinus, II super Genes. ad litteram, dicit, quod per hoc quod
dicitur: dixit Deus, fiat, intelligitur quod res fiendae praeextiterunt in
verbo, per hoc quod dicitur: est ita factum, intelligimus factam rei cognitionem
in creatura intellectuali: per hoc quod dicitur: fecit Deus, intelligitur in
suo genere fieri creatura. Si ergo per diem cognitio Angeli intelligitur,
postquam dixerat de aliquo opere: et factum est ita, in quo cognitio angelica
intelligitur, superflue adderetur: factum est vespere et mane dies unus vel
dies secundus. 8. Augustin (La Genиse au sens
littйral, II, 7 et 8[3]) dit que, du fait qu'il est dit: "Dieu dit,
que cela soit fait", on comprend que les choses а faire ont prйexistй dans
le Verbe; du fait qu'il est dit: "Et ainsi fut fait", on comprend que
la connaissance est rйalisйe dans la crйature intellectuelle; du fait qu'on dit:
“Dieu le fit”, on comprend que la crйature est crййe en son genre. Si donc par
jour, on comprend la connaissance de l'ange, aprиs qu'il ait parlй d'une oeuvre:
"Et ainsi cela fut fait", dans lequel on comprend la connaissance
angйlique, il serait superflu d'ajouter: "Il y eut un soir et un matin"
ou "un second jour".
q. 4 a. 2 arg. 9 Sed dicendum, quod hoc additur
ad ostendendum duplicem modum cognitionis rerum in creatura spirituali. Unus
est quo cognoscit res in verbo; et secundum hoc dicitur mane, vel cognitio
matutina: alius quo cognoscit res in propria natura; et secundum hoc dicitur
vespere, vel cognitio vespertina.- Sed contra, licet Angelus posset simul plura
considerare in verbo, non tamen potest simul plura intelligere in propria
natura, cum per diversas species diversa in suis naturis intelligat. Si ergo
quilibet sex dierum non solum habet mane, sed etiam vespere; oportebit in sex
diebus aliquam successionem considerare; et sic rerum formatio non tota simul
fuit facta. 9. Il faut dire que cela est ajoutй pour montrer le double mode de
connaissance de la rйalitй dans la crйature spirituelle. L'un est ce par quoi elle
connaоt dans le Verbe, et pour cela on parle du matin ou de connaissance
matutinale; l'autre par laquelle elle connaоt les choses en leur nature propre,
et pour cela on parle du soir ou de connaissance vespйrale. – En sens contraire:
Bien que l'ange puisse considйrer en mкme temps plus de choses dans le Verbe,
il ne peut pas cependant en comprendre (intelligere) plus dans leur nature
propre, puisqu'il comprend les choses diffйrentes dans leur nature par
diffйrentes formes. Si donc chacun des six jours a non seulement un matin mais
encore un soir, il faudra considйrer en eux une succession, et ainsi la
formation des choses n'a pas eu lieu entiиrement en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 10
Praeterea, ab una potentia non possunt esse simul plures operationes, sicut nec
una linea recta terminatur ex una parte nisi ad unum punctum: per operationem
enim potentia terminatur. Sed considerare rem in verbo et in propria natura,
non est una operatio, sed plures. Ergo non simul est matutina et vespertina
cognitio; et sic adhuc sequitur quod in illis sex diebus sit successio. 10. Il ne peut pas exister plusieurs opйrations en mкme temps а partir
d'une seule puissance; ainsi une seule ligne droite ne se termine d'un cфtй
qu'а un seul point: la puissance en effet se termine par l'opйration. Mais
considйrer une chose dans le Verbe et dans sa nature propre, ce n'est pas une
seule opйration, mais plusieurs. Donc la connaissance matutinale et la
connaissance vespйrale n'existent pas en mкme temps et ainsi il en dйcoule
qu'il y a une succession dans ces six jours.
q. 4 a. 2 arg. 11
Praeterea, sicut supra dictum est, art. praeced., distinctio lucis a tenebris
exponitur ab Augustino distinctio creaturae formatae, alia ab informitate
materiae quae adhuc restabat formanda. Una ergo ex
parte materiae formata, altera adhuc remanebat formanda: non ergo tota materia
est simul formata. 11. Comme on l'a dit plus haut (article prйcйdant, 5, la distinction de
la lumiиre et des tйnиbres est exposйe par Augustin comme celle de la crйature
mise en forme, diffйrente de l'absence de forme de la matiиre qui restait
encore а former. Donc si une partie de la nature est en forme, l'autre restait
encore а former: donc toute la matiиre n'a pas йtй mise en forme en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 12
Praeterea, cognitio matutina secundum Augustinum, intelligitur cognitio verbi
in quo Angelus accipit cognitionem creaturae fiendae. Hoc autem non esset si
creaturae, quarum formatio diebus sequentibus deputatur, simul cum Angelo
formatae essent. Ergo non omnes res sunt simul creatae. 12. La connaissance matutinale, selon Augustin, est comprise comme
celle du Verbe en qui l'ange reзoit la connaissance de la crйature qui doit
кtre faite. Mais cela n'existerait pas si les crйatures, dont la formation est
destinйe aux jours suivants, avaient йtй formйes en mкme temps que l'ange. Donc
tout n'a pas йtй crйй en mкme temps. q. 4 a. 2 arg. 13
Praeterea, dies in spiritualibus dicuntur ad similitudinem sensibilium dierum.
Sed in sensibilibus diebus mane praecedit vespere. Ergo in istis non debet
vespere praeponi ad mane, cum dicitur: factum est vespere et mane dies unus. 13. On dйsigne les jours dans les кtres spirituels а la ressemblance
des jours sensibles[4]. Mais dans les jours sensibles, la matin prйcиde le
soir. Donc, en eux, on ne doit pas placer le soir avant le matin, quand on dit:
"Il y eut un soir et un matin, un seul jour." q. 4 a. 2 arg. 14
Praeterea, inter vespere et mane est nox, et inter mane et vespere est
meridies. Ergo sicut fecit Scriptura de vespere et mane mentionem, ita debuit
facere de meridie. 14. Entre le soir et le matin, il y a la nuit, et entre le matin et le
soir le midi. Donc de mкme que l'Йcriture mentionne le soir et le matin, elle
devrait le faire pour le midi.
q. 4 a. 2 arg. 15
Praeterea, omnes dies sensibiles habent et vespere et mane. Hoc autem non invenitur in istis septem diebus; nam primus dies non habet
mane, septimus non habet vespere. Ergo non convenienter dicuntur dies ad
similitudinem horum dierum. 15. Tous les jours sensibles ont un soir et un matin. On ne trouve pas
cela dans ces sept jours; car le premier n'a pas de matin et le septiиme pas de
soir. Donc il ne convient pas de dire que les jours sont а la ressemblance de
nos jours.
q. 4 a. 2 arg. 16
Sed dicendum, quod ideo primus dies non habet mane, quia per mane intelligitur
cognitio creaturae fiendae, quam accepit Angelus in verbo: ipsa autem
spiritualis creatura sui ipsius fiendae non potuit cognitionem in verbo
accipere antequam esset.- Sed contra, secundum hoc habetur quod Angelus
aliquando fuit, et aliae creaturae nondum erant factae, sed fiendae. Non ergo
omnia sunt simul formata. 16. Mais il faut dire qu'ainsi le premier jour n'a pas de matin, parce
que par matin, on comprend la connaissance de la crйature qui doit кtre faite,
que l'ange a reзu dans le Verbe; la crйature spirituelle n'a pas pu recevoir la
connaissance d'elle-mкme а crйer dans le Verbe avant d'exister.–En sens
contraire, on considиre donc ainsi que l'ange exista en un temps oщ les autres
crйatures n'avaient pas encore йtй crййes, mais oщ elles devaient l'кtre. Donc
tout n'a pas йtй mise en forme en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 17
Praeterea, creatura spiritualis non accipit rerum inferiorum cognitionem a
rebus ipsis. Ergo non indiget rerum praesentia ad hoc quod eas cognoscat.
Potuit ergo eas ut fiendas cognoscere in propria natura antequam fierent, et
non solum in verbo; et sic cognitio rei fiendae videtur pertinere ad
vespertinam cognitionem, sicut ad matutinam; et sic secundum rationem
praedictam secundus dies nec mane nec vespere debuit habere. 17. La crйature spirituelle ne reзoit pas la connaissance des choses
infйrieures а partir de celles-ci. Donc elle n'a pas besoin de leur prйsence
pour les connaоtre. Donc elle a pu les connaоtre comme devant кtre faites dans
leur nature propre, avant qu'elles soient faites et non seulement dans le
Verbe, et ainsi la connaissance des choses qui devaient кtre faites semble
appartenir а la connaissance vespйrale, comme а la connaissance matutinale et
pour cette raison, le second jour n'aurait dы avoir ni matin ni soir.
q. 4 a. 2 arg. 18
Praeterea, Angelo sunt prius nota ea quae sunt priora simpliciter; quod enim ea
quae sunt posteriora sint nobis prius nota, provenit ex hoc quod cognitionem a
sensu accipimus. Sed rationes rerum
in verbo priores sunt simpliciter ipsis rebus. Ergo per prius cognoscit Angelos
res in verbo quam in propria natura; et sic mane deberet praeordinari ad
vespere, cuius contrarium in Scriptura apparet. 18. L'ange connaоt d'abord ce qui existe avant absolument, car le fait
que nous connaissions avant ce qui aprиs, provient de ce que nous recevons la
connaissance par nos sens. Mais la nature des choses dans le Verbe est
absolument avant elles. Donc l'ange connaоt les choses dans le Verbe avant que
dans leur nature propre[5] et ainsi la matin devrait кtre prйordonnй au soir,
mais on voit le contraire dans l'Йcriture.
q. 4 a. 2 arg. 19
Praeterea, ea quae non sunt unius rationis non possunt aliquod unum
constituere. Sed cognitio rerum in verbo et in propria natura est alterius et
alterius rationis, cum medium cognoscendi sit omnino diversum. Ergo ex mane et
vespere, secundum praedictam expositionem, non posset unus dies perfici. 19. Ce qui n'est pas d'une seule nature ne peut pas constituer une
unitй. Mais la connaissance des choses dans le Verbe et dans leur nature propre
est de nature diffйrente, puisque le moyen de connaоtre est tout а fait
diffйrent. Donc du matin et du soir, selon ce qui a dйjа йtй exposй, il ne peut
кtre fait qu'un seul jour.
q. 4 a. 2 arg. 20 Praeterea, I ad 20. En 1 Co 13, 8, l'Apфtre dit que dans "la patrie", la
science disparaоtra, ce qu'on ne peut comprendre que de la connaissance des
crйatures dans leur propre nature qui est vespйrale. Mais dans "la patrie",
nous serons semblables aux anges, comme le dit Matthieu (22, 30). Donc il n'y
pas de connaissance vespйrale dans les anges.
q. 4 a. 2 arg. 21 Praeterea, cognitio rerum in
verbo plus excedit cognitionem rerum in propriis naturis quam claritas solis
excedat lumen candelae. Sed lux solis offuscat lumen
candelae. Ergo multo magis matutina cognitio vespertinam. 21. La connaissance des crйatures dans le Verbe dйpasse cette
connaissance des choses dans leur propre nature plus que la clartй du soleil
dйpasse la lumiиre de la chandelle. Mais la lumiиre du soleil obscurcit la
lumiиre de la chandelle. Donc la connaissance matutinale obscurcit beaucoup
plus la connaissance vespйrale.
q. 4 a. 2 arg. 22
Praeterea, Augustinus movet quaestionem, utrum anima Adae cum Angelis facta
fuerit extra corpus, an fuerit facta in corpore. Haec autem quaestio frustra
moveretur si omnia simul fuissent formata; quia sic etiam corpus humanum simul
fuisset formatum quando Angeli sunt facti. Ergo videtur quod non omnia fuerunt
formata simul, etiam secundum sententiam Augustini. 22. Augustin (La Genиse au sens
littйral, VII, 24 et 25) soulиve la question de savoir si l'вme d'Adam a
йtй faite avec les anges hors du corps, ou dans le corps. Cette question serait
soulevйe en vain si tout avait йtй mis en forme en mкme temps, parce que,
ainsi, le corps humain aurait йtй mis en forme en mкme temps que les anges
йtaient crййes. Donc, il semble que tout n'a pas йtй mis en forme en mкme
temps, selon l'affirmation d'Augustin aussi.
q. 4 a. 2 arg. 23
Praeterea, pars terrae de qua factum est corpus humanum, habuit aliquam formam
secundum limitationem, quia de ea dicitur Genes. I, corpus hominis formatum.
Nondum autem habebat formam humani corporis. Ergo non omnes formae simul sunt
inditae materiae. 23. La partie de la terre dont a йtй fait le corps humain eut une forme
dйlimitйe, parce qu'il est dit dans Genиse 1, que le corps de l'homme en a йtй
formй. Elle n'avait pas encore la forme du corps humain. Donc toutes les formes
n'ont pas йtй induites en mкme temps dans la matiиre.
q. 4 a. 2 arg. 24
Praeterea, cognitio rerum in propria natura in Angelis non potest intelligi
nisi cognitio quae est per species eis naturaliter inditas; non enim potest
dici quod a rebus cognitis species aliquas accipiant, cum careant sensuum
instrumentis. Species autem illae quae sunt Angelis inditae, a rebus
corporalibus non dependent. Ergo antequam res essent, potuit eas Angelus etiam
in propriis naturis cognoscere. Et ita per hoc quod Angelus dicitur res aliquas
cognoscere in propria natura, non datur intelligi res illas in esse produci; et
sic praedicta expositio videtur inconveniens. 24. La connaissance des choses par les anges dans leur propre nature,
ne peut кtre comprise que comme une connaissance par les formes (species)
induites naturellement en eux; car on ne peut pas dire qu'ils les reзoivent de
ce qu'ils connaissent, puisqu'ils n'ont pas d'organes des sens. Mais ces formes
qui sont induites dans les anges, ne dйpendent pas des rйalitйs corporelles.
Donc avant que les choses existent, l'ange a pu les connaоtre aussi dans leur
propre nature. Et ainsi par le fait qu'on dit que l'ange connaоt certaines
choses dans leur propre nature, il n'est pas donnй de comprendre que ces choses
ont йtй amenйes а l'кtre, et ainsi l'exposition ci-dessus ne semble pas
convenir.
q. 4 a. 2 arg. 25
Praeterea, cognitio matutina, qua res Angelus in verbo cognovit, oportet quod
per aliquam speciem fuerit; cum omnis cognitio huiusmodi sit. Non autem potuit
esse per aliquam speciem a verbo effluxam, quia illa species creatura esset; et
sic illa cognitio magis esset vespertina quam matutina; nam ad vespertinam
cognitionem pertinet cognitio quae fit per creaturam. Nec etiam potest dici,
quod praedicta cognitio fuerit per speciem quae est ipsum verbum, quia sic
oportuisset quod Angelus ipsum verbum videret, quod non fuit antequam Angelus
esset beatus; verbi enim visio beatos facit. Non autem in primo instanti suae
creationis Angeli beati fuerunt, sicut nec e contrario Daemones in primo
instanti peccaverunt. Ergo, si per mane intelligatur cognitio rerum quam Angeli
habuerunt in verbo, oportet dicere, quod non omnia simul fuerunt facta. 25. La connaissance matutinale, par laquelle l'ange a connu les choses
dans le Verbe, doit venir d'une forme, puisque toute connaissance est de ce
genre. Elle n'a pas pu venir du Verbe par une forme, parce que celle-ci йtait
une crйature, et ainsi cette connaissance serait plus vespйrale que matutinale;
car а la connaissance vespйrale convient la connaissance qui se fait par la
crйature. Et on ne peut pas dire que cette connaissance aurait йtй par une
forme qui est le Verbe mкme, parce qu'ainsi il aurait fallu que l'ange voit le
Verbe, ce qui n'a pas existй avant qu'il soit bienheureux. Car la vision du
Verbe rend bienheureux. Ce n'est pas au premier instant de leur crйation que
les anges ont йtй bienheureux. De mкme en sens contraire, ce n'est pas dans le
premier instant que les dйmons ont pйchй. Donc, si par le matin, on comprend la
connaissance que les anges ont eu dans le Verbe, il faut dire que tout n'a pas
йtй fait en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 26
Sed dicendum, quod Angelus in statu illo videbat verbum, prout est ratio
fiendorum, non autem prout est finis beatorum.- Sed contra, quod verbum dicitur
finis et ratio, non differt nisi relatione quadam. Cognitio autem relationis Dei ad creaturam non facit beatos; cum talis
relatio secundum rem magis se teneat ex parte creaturae; sed sola visio divinae
essentiae beatos facit. Ergo quantum ad
beatitudinem videntium, non differt utrum videatur ut finis beatitudinis vel ut
ratio 26. Mais il faut dire que l'ange dans cette situation voyait le Verbe
dans la mesure oщ il est la raison des кtres а crйer, mais non comme la fin des
bienheureux. – En sens contraire, dire que le Verbe est la fin et la raison ne
diffиre que par une relation. Mais la connaissance de la relation de Dieu а la
crйature ne rend pas bienheureux, puisqu'une telle relation en rйalitй a lieu
surtout du cфtй de la crйature, et seule la vision de l'essence divine rend
bienheureux. Donc, quant а la bйatitude de ceux qui voient, il n'y a pas de
diffйrence s'il est vu comme fin de la bйatitude ou comme raison.
q. 4 a. 2 arg. 27
Praeterea, prophetae etiam dicuntur, in speculo aeternitatis futura vidisse,
secundum quod ipsi viderunt divinum speculum, prout est ratio fiendorum.
Secundum hoc ergo non esset differentia inter cognitionem Angeli matutinam et
cognitionem prophetae. 27. On dit aussi que les prophиtes ont vu le futur dans le miroir de
l'йternitй, selon qu'ils ont vu le miroir divin, dans la mesure oщ il est la
raison des кtres а crйer. Donc ainsi il n'y aurait pas de diffйrence entre la
connaissance matutinale de l'ange et celle du prophиte.
q. 4 a. 2 arg. 28
Praeterea, Genes. II, 5, dicitur, quod Deus fecit omne virgultum agri antequam
oriretur in terra, et omnem herbam regionis priusquam germinaret. Sed
germinatio herbarum fuit in tertia die. Ergo aliqua fuerunt facta ante tertium
diem; et ita non omnia facta sunt simul. 28. En Genиse 2, 5, il est dit que "Dieu a fait toute verdure des
champs, avant qu'elle se lиve de la terre et toute herbe de la campagne, avant
qu'elle ne germe". Mais la germination de l'herbe date du troisiиme jour.
Donc certaines choses furent faites avant le troisiиme jour, et ainsi tout ne
fut pas fait en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 29
Praeterea, ut in Psalmo CIII, 24, dicitur, Deus omnia in sapientia fecit. Sed
sapientis est ordinare, ut dicitur in principio Metaphys. Ergo videtur quo Deus
non omnia simul fecerit, sed secundum ordinem temporis successive. 29. Dans le Psaume 103, 24, on dit que Dieu a tout fait avec sagesse.
Mais le propre du sage c'est d'ordonner, comme on le dit au dйbut de la Mйtaphysique (I, 2, 982 a 17). Donc on
voit comment Dieu n'a pas tout fait en mкme temps, mais successivement dans
l'ordre du temps.
q. 4 a. 2 arg. 30
Sed dicendum, quod in rerum productione etsi non fuerit servatus ordo temporis,
fuit tamen servatus ordo naturae.- Sed contra, secundum ordinem naturae sol et
luna et stellae priores sunt plantis, cum manifestae sint causae plantarum; et
tamen posterius commemorantur facta luminaria caeli quam plantae. Ergo non est
observatus ordo naturae. 30. Mais il faut dire que dans la production des crйatures, mкme si
l'ordre du temps n'a pas йtй conservй, cependant celui de la nature le fut. –
En sens contraire, selon l'ordre de la nature, le soleil, la lune et les
йtoiles existиrent avant les plantes, puisqu'elles ont йtй dйsignйes comme
leurs causes, et cependant on mentionne que les luminaires du ciel ont йtй faits
aprиs les plantes. Donc l'ordre de la nature n'a pas йtй conservй.
q. 4 a. 2 arg. 31
Praeterea, firmamentum caeli naturaliter est prius terra et aqua; tamen prius
fit mentio in Scriptura de terra et aqua quam de firmamento, quod legitur
secunda die factum. 31. Le firmament du ciel est par nature avant la terre et l'eau;
cependant on fait mention dans l'Йcriture de la terre et de l'eau avant le
firmament: on lit qu'il a йtй fait le second jour.
q. 4 a. 2 arg. 32
Praeterea, subiectum, naturaliter est prius accidente. Lux autem quoddam
accidens est, cuius primum subiectum est firmamentum. Ergo non debuisset
praemitti lucis productio factioni firmamenti. 32. Le substrat est naturellement avant l'accident; mais la lumiиre est
un accident dont le premier substrat est le firmament. Donc la production de la
lumiиre n'aurait pas dы кtre signalйe avant la crйation du firmament.
q. 4 a. 2 arg. 33
Praeterea, animalia gressibilia perfectiora sunt natatilibus et volatilibus, et
praecipue propter similitudinem ad hominem; et tamen prius agitur de
productione piscium et avium quam animalium terrestrium. Ergo non est servatus
debitus ordo naturae. 33. Les animaux qui marchent
sont plus perfectionnйs que ceux qui nagent ou volent, et principalement а
cause de leur ressemblance avec l'homme, et cependant il s'agit de la
production des poissons et des oiseaux avant celle des animaux terrestres. Donc
l'ordre de la nature n'a pas йtй conservй.
q. 4 a. 2 arg. 34
Praeterea, pisces et aves non minus videntur differre secundum naturam ab
invicem, quam a terrestribus animalibus, et tamen pisces et aves eodem die
facta commemorantur. Ergo dies non sunt intelligendi secundum diversa rerum
genera, sed magis secundum temporis successionem; et sic non omnia facta sunt
simul. 34. Les poissons et les oiseaux ne semblent entre eux, selon leur
nature, pas moins diffйrents que les animaux terrestres et cependant on
mentionne que les poissons et les oiseaux ont йtй faits le mкme jour. Donc les
jours ne sont pas а comprendre selon les diffйrents genres d'кtres, mais plus
selon la succession du temps, et ainsi tout n'a pas йtй crйй en mкme temps.
En sens contraire:
q. 4 a. 2 s. c. 1
Sed contra. Est quod habetur Genes. cap. II, 4: istae sunt generationes caeli
et terrae, quando creata sunt, in die quo fecit dominus Deus caelum et terram,
et omne virgultum agri. Virgultum autem agri factum legitur tertia die; caelum
autem et terra facta sunt prima die, vel etiam ante omnem diem. Ergo ea quae
sunt facta tertio die, sunt facta simul cum illis quae sunt facta primo die,
vel etiam ante omnem diem; et sic pari ratione omnia facta sunt simul. 1. Il y a ce qu'on lit dans la Genиse (2, 4): "Ce sont les
gйnйrations du ciel et de la terre, quand ils ont йtй crййs, au jour oщ le
Seigneur Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs."
Mais on lit que la verdure a йtй faite le troisiиme jour; et le ciel et la
terre le premier jour, ou mкme avant tout jour. Donc ce qui a йtй fait le
troisiиme jour, l'a йtй en mкme temps que ce qui a йtй fait le premier, ou mкme
avant tout jour; et ainsi а raison йgale tout a йtй fait en mкme temps.
q. 4 a. 2 s. c. 2
Praeterea, Iob, 40, 10, dicitur: ecce Behemoth, quem feci tecum. Per Behemoth
autem, secundum Gregorium, Diabolus intelligitur qui factus est prima die, vel
ante omnem diem; homo autem, ad quem dominus loquitur, factus est sexta die.
Ergo ea quae sunt facta sexto die, sunt simul facta cum illis quae facta sunt
primo die; et sic idem quod prius. 2. Il est dit en Job (40, 10): "Voici Bйhйmot que j'ai fait avec
toi." Par Bйhйmot, selon Grйgoire [le grand] (Les Morales, XXXII, 9, dans les nouveaux exemplaires), on comprend
le diable, qui a йtй fait le premier jour ou avant tout jour; mais l'homme а
qui Dieu parle a йtй fait le sixiиme jour. Donc ce qui a йtй fait le sixiиme
jour, a йtй fait en mкme temps que ce qui a йtй fait le premier jour, et ainsi
de mкme que ci-dessus.
q. 4 a. 2 s. c. 3
Praeterea, partes universi dependent ab invicem, et maxime inferiores a
superioribus. Non ergo potuerunt fieri quaedam partes ante alias, et praecipue
inferiores ante superiores. 3. Les parties de l'univers dйpendent les unes des autres, et surtout
les parties infйrieures dйpendent des parties supйrieures. Certaines n'ont pas
pu кtre faites avant les autres, et principalement les infйrieures avant les
supйrieures.
q. 4 a. 2 s. c. 4
Praeterea, plus distat corporalis et spiritualis creatura quam corporales
creaturae ad invicem. Sed spiritualis et corporalis creatura, ut in alia
quaestione est habitum, simul factae fuerunt. Ergo multo amplius omnes
spirituales creaturae. 4. La crйature corporelle et la crйature spirituelle sont plus
distantes que les crйatures corporelles entre elles. Mais la crйature
spirituelle et la crйature corporelle, comme on l'a vu dans une autre question,
ont йtй faites en mкme temps. Donc beaucoup plus toutes les crйatures
spirituelles.
q. 4 a. 2 s. c. 5
Praeterea, Deus propter suae virtutis immensitatem subito operatur. Opus ergo
cuiuslibet diei subito et in instanti est factum. Ergo pro nihilo poneretur
quod Deus expectasset operari sequens opus usque in alium diem, ut sic toto die
ab actione vacaret. 5. Dieu opиre d'un seul coup а cause de l'immensitй de son pouvoir.
Donc l'oeuvre de n'importe quel jour a йtй accomplie soudainement et dans
l'instant. Donc c'est pour rien qu'on n'aurait pensй que Dieu aurait attendu
d'opйrer l'oeuvre suivante jusqu'а un autre jour, pour qu'ainsi pendant tout le
jour il demeure sans action.
q. 4 a. 2 s. c. 6
Praeterea, si dies illi de quibus in rerum formatione fit mentio, dies
materiales fuerunt, non videtur potuisse fieri ut totaliter nox a die
distingueretur, et lux a tenebris. Nam si lux illa quae legitur primo die
facta, undique terram circuibat, nusquam tenebrae erant, quae fiunt ex umbra
terrae oppositae ad lumen, quod diem causat. Si autem lux illa suo motu terram
circuibat, ut diem et noctem faceret, tunc semper ex una parte erat dies, et ex
alia nox; et ita non totaliter erat nox a die distincta; quod est contra
Genesis Scripturam. 6. Si ces jours dont on fait mention dans la mise en forme des choses,
ont йtй des jours matйriels, il ne semble pas qu'ils aient pu кtre faits pour
que la nuit soit totalement distinguйe du jour et la lumiиre des tйnиbres. Car
si cette lumiиre qui a йtй faite le premier jour, comme on le lit, entourait la
terre de tous cфtйs, jamais il n'y avait de tйnиbres, qui sont faites de
l'ombre de la terre opposйe а la lumiиre, qui cause le jour. Mais si cette
lumiиre entourait la terre par son mouvement, pour faire le jour et la nuit, alors
toujours il y avait le jour d'un cфtй, et la nuit de l'autre; et ainsi la nuit
n'йtait pas totalement distinguйe du jour, ce qui est contre le texte de la
Genиse.
q. 4 a. 2 s. c. 7
Praeterea, distinctio diei et noctis fit per solem et alia caeli luminaria;
unde dicitur in opere quartae diei: fiant luminaria in firmamento caeli; et
postea subditur; ut sint in signa, et tempora, et dies, et annos. Ergo cum
effectus causam non praecedat, non potest esse quod dies illi tres primi essent
eiusdem rationis cum diebus qui nunc sole aguntur; et sic non oportet propter
illos dies dicere quod omnia fuerunt facta successive. 7. La distinction du jour et de la nuit est faite par le soleil et les
autres luminaires du ciel, c'est pourquoi on dit dans l'oeuvre du quatriиme
jour: "Que soient faits les luminaires au firmament du ciel"; et
ensuite, il est ajoutй; "pour qu'ils soient signes du temps, des jours et
annйes.". Donc comme l'effet ne prйcиde pas la cause, il n'est pas
possible que ces trois premiers jours soient de la mкme nature que les jours
qui sont produits maintenant par le soleil; et ainsi il ne faut pas а cause
d'eux dire que tout a йtй fait successivement.
q. 4 a. 2 s. c. 8
Praeterea, si erat aliqua alia lux quae suo motu tunc faceret diem et noctem,
oportebat quod esset aliquid aliam lucem deferens circulariter motum; ut
undique terram successive illuminaret. Hoc autem deferens est firmamentum, quod legitur factum secunda die. Ergo
ad minus prima dies non potuit esse eiusdem rationis cum diebus qui nunc aguntur;
et eadem ratione nec cum aliis. 8. S'il y avait une autre lumiиre, qui par son mouvement produise le
jour et la nuit, il fallait qu'il y ait quelque chose douй d'un mouvement
circulaire, qui apporte une autre lumiиre, pour йclairer partout successivement
la terre. Mais ce qui l'apporte, c'est le firmament, on lit qu'il a йtй fait le
second jour. Donc au moins le premier jour n'a pu кtre de la mкme nature que
les jours qui existent maintenant, et par la mкme raison, que les autres non
plus.
q. 4 a. 2 s. c. 9
Praeterea, si lux illa ad hoc facta fuit, ut faceret diem et noctem; nunc etiam
per eius motum dies et nox fieret; non enim convenienter posset dici, quod ad
hoc tantum instituta esset, ut per illud triduum ante solis factionem huiusmodi
officium exerceret, et postmodum esse desineret. Sed nunc non videmus aliqua
alia luce fieri diem et noctem, nisi per lucem solis. Ergo nec etiam in illo
triduo per aliquam corporalem lucem potest intelligi diem et noctem distincta
fuisse. 9. Si cette lumiиre a йtй faite pour produire le jour et la nuit,
maintenant elle ferait le jour et la nuit par son mouvement, car on ne pourrait
pas dire convenablement que cela a йtй instituй pour seulement exercer cet
office pour cette pйriode de trois jours, avant la crйation du soleil, et
cesser d'кtre ensuite. Mais maintenant, nous ne voyons pas que le jour et la
nuit soient produits par une autre lumiиre que celle du soleil. Donc aussi dans
ces trois jours, on ne peut pas comprendre, que le jour et la nuit aient йtй
distinguйs par une lumiиre corporelle.
q. 4 a. 2 s. c. 10
Sed dicendum, quod ex illa luce formatum est postea corpus solis.- Sed contra,
omne illud quod fit ex materia praeiacente, habet materiam talem in qua
possibilis est formarum successio. Talis autem non est materia solis, nec
alicuius caelestium corporum, eo quod in eis non est contrarietas, ut probatur
in I Cael. et Mun. Ergo non potest esse quod ex illa luce postmodum formatum
sit corpus solis. 10. Mais il faut dire que le corps du soleil a йtй mis en forme par
cette lumiиre par la suite. – En sens contraire, tout ce qui est fait de
matiиre prйexistante, a une matiиre telle qu'en elle la succession des formes y
est possible. Mais telle n'est pas la matiиre du soleil, ni d'aucun des corps
cйlestes, parce que, en eux, il n'y a pas de contraires, comme on le prouve (Le
Ciel et le Monde, I, 3, 270 a 15[6]). Donc il n'est pas possible que le corps
du soleil ait йtй formй de cette lumiиre par la suite.
Rйponse:
q. 4 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum quod, si ponatur quod informis materia rerum formationem
tempore non praecessit, sed sola origine (quod necesse est dicere, si per
materiam informem materia absque omni forma intelligatur), de necessitate
sequitur quod rerum formatio tota facta sit simul: non enim potest esse ut
aliqua pars materiae informis omnino vel ad momentum sit. Et praeterea, quantum
ad illam partem, iam materia rerum formationem tempore praecederet. Unde
secundum ea quae in praecedenti quaest. determinata sunt, secundum opinionem
Augustini, haec secunda quaestio locum non habet, sed oportet omnino dicere,
quod omnia sunt simul formata; nisi pro tanto quod restat exponere qualiter sex
dies quos Scriptura commemorat, intelligantur. Quia si intelligerentur sicut
isti dies qui nunc aguntur, esset praedictae opinioni contrarium, quia tunc
oporteret successione quadam dierum, rerum formationem facta intelligere. Si on pense que la matiиre sans forme n'a pas prйcйdй sa mise en forme
dans le temps, mais par la seule origine, (parce qu'il est nйcessaire de dire,
que si on comprend par matiиre sans forme la matiиre sans aucune forme),
nйcessairement il en dйcoule que toute la mise en forme des choses a йtй
accomplie en mкme temps; car il n'est pas possible qu'une partie de la matiиre
existe complиtement sans forme mкme pour un moment. Et ensuite, pour cette
partie, la matiиre aurait prйcйdй en temps la formation des choses. C'est
pourquoi, selon ce qui a йtй dйterminй dans la prйcйdente question[7] (article
prйcйdent), selon l'opinion d'Augustin, cette seconde question n'a pas lieu
d'кtre traitйe, mais il faut absolument dire que tout a йtй formй en mкme
temps, а moins que pour autant il reste а exposer comment comprendre les six
jours dont l'Йcriture fait mention. En effet, s'ils йtaient compris comme ces
jours qui se dйroulent maintenant, ce serait le contraire de l'opinion
prйcйdente, parce que, alors, il faudrait comprendre la formation des choses
comme des oeuvres selon une certaine succession de jours.
Hos autem dies dupliciter exponit Augustinus. Nam in I super
Genesim ad litteram, dicit intelligi per distinctionem lucis a tenebris,
distinctionem materiae formatae ab informi, quae restat formanda non quidem
tempore, sed naturae ordine. Ipsam vero ordinationem et formationis et
informitatis, secundum quod a Deo omnia ordinantur, dicit insinuari per diem et
noctem; nam dies et nox dicunt quamdam ordinationem lucis et tenebrarum. Per
vesperam vero dicit intelligi consummati operis terminum. Per mane vero futuram
operationis inchoationem, ut tamen futurum non accipiatur secundum ordinem
temporis, sed solum ordine naturae. In primo enim opere praeexistit quasi quaedam
significatio futuri operis fiendi. Secundum hoc tamen oportet hos dies diversos intelligi, prout
scilicet sunt diversae formationes, et per consequens informitates. Augustin expose ces jours de deux maniиres. Car dans La Genиse au sens littйral. (I, 17), il
dit qu'on comprend, par la distinction de la lumiиre des tйnиbres, la
distinction de la matiиre en forme de celle sans forme qui reste а former, non
assurйment dans le temps, mais dans l'ordre de la nature. Il dit que
l'ordonnancement de la mise en forme, ou de son absence, est suggйrй par le
jour et la nuit. Car ceux-ci signalent un certain ordre de la lumiиre et des
tйnиbres. Il dit qu'on comprend par le soir le terme de l'opйration accomplie.
Mais par le matin le commencement futur de l'opйration, de sorte cependant que
le futur ne soit pas compris selon l'ordre du temps, mais selon celui de la
nature. Car dans la premiиre oeuvre prйexiste comme un signe de l'oeuvre future
а faire. Cependant, selon cela, il faut comprendre ces jours comme diffйrents,
а savoir qu'ils ont diffйrentes mises en forme et par consйquent des manques de
forme.
Sed quia ex hoc sequitur quod etiam dies septimus sit alius
a sex primis, si sex primi sunt alii ab invicem (ex quo videtur sequi quod vel
Deus diem septimum non fecerit, vel quod aliquid fecerit post septem dies in
quibus opera perfecit), ideo consequenter ponit quod per omnes illos septem
dies unus dies intelligatur, ipsa scilicet Angelorum cognitio, et numerus ille
ad rerum cognitarum distinctionem pertineat magis quam ad distinctionem dierum;
ut videlicet per sex dies intelligatur cognitio Angeli relata ad sex rerum
genera divinitus producta, unus vero dies sit ipsa cognitio Angeli relata ad
quietem artificis, prout in se ipso a rebus conditis requievit; et tunc per
vespere intelligitur cognitio rei in propria natura, per mane vero cognitio in
verbo. Mais parce qu'il dйcoule de lа que le septiиme jour est diffйrent des
six premiers, si ceux-ci sont diffйrents l'un de l'autre (d'oщ il semble
dйcouler que, ou bien Dieu n'a pas fait le septiиme jour, ou bien qu'aprиs le
septiиme jour,il parfait son oeuvre), il pense en consйquence que, par ces sept
jours, on n'en comprend qu'un seul, а savoir la connaissance des anges, et ce
nombre convient а la distinction des choses connues plus qu'а la distinction
des jours, pour qu'on comprenne, par les six jours, la connaissance de l'ange,
liйe aux six genres de choses crййes par Dieu. [Il pense] qu'un seul jour est
la connaissance de l'ange en relation avec le repos de l'artisan, dans la
mesure oщ en lui-mкme il se reposa des crйatures et alors, par le soir, on
comprend la connaissance des crйatures dans leur propre nature et par le matin
la connaissance dans le Verbe.
La suite est de Vincent de Castrono (XVe siиcle). En
voici la traduction (texte de l'йdition Marietti).
Mais selon d'autres saints, par ces jours est rйvйlй
l'ordre temporel et la succession de la production. Car, selon eux, dans
l'oeuvre des six jours, on atteint non seulement l'ordre de la nature mais
aussi celui du temps, et de la durйe, car ils pensent que de mкme que l'absence
de forme de la matiиre a prйcйdй dans le temps sa mise en forme, de mкme une
mise en forme a prйcйdй aussi une autre forme dans la durйe du temps. Mais
ainsi que dans l'article prйcйdent on l'a dit, l'absence de forme de la
matiиre, selon eux, n'est pas comprise comme le manque et l'exclusion de toute
forme; parce qu'il y avait dйjа le ciel, l'eau et la terre, par lesquels on
comprend les corps cйlestes, les substances spirituelles et les quatre йlйments
qui subsistaient sous leurs formes propres; mais ils comprennent l'absence de
forme de la matiиre, selon qu'elle rйvиle seulement l'absence et l'exclusion de
la distinction qui lui est due et d'une certaine beautй achevйe: parce qu'elle
n'avait pas cette beautй et ce charme qui apparaоt maintenant dans la crйature
corporelle.
Et autant qu'on peut le comprendre de la Genиse selon la
lettre, une triple beautй manquait а la nature corporelle, ce pourquoi on la
disait sans forme. Car il manquait au ciel et а tout corps diaphane le charme
et la beautй de la lumiиre, dйsignйes par les tйnиbres. Il manquait aussi
l'ordre nйcessaire а l'йlйment eau et la distinction nйcessaire de l'йlйment
terre, cette absence de forme est dйsignйe sous le nom d'abоme; parce que ce
nom signifie une immensitй sans ordre des eaux, comme Augustin le dit (Contre
Fauste, XXII, 11). Mais а la terre, il manquait une double beautй: l'une
qu'elle possиde du fait qu'elle a йtй dйcouverte par les eaux et cette absence
de forme est dйsignйe par ce qu'on dit: "Mais la terre йtait vide ou
invisible", parce qu'elle ne pouvait s'ouvrir а l'aspect corporel du fait
que les eaux la recouvrait partout. Mais l'autre vient de ce qu'elle est ornйe
de plantes et par lа, on rejoint ce qui est dit qu'elle est dйserte ou sans
composition, c'est-а-dire sans ornements.
Et ainsi, avant l'oeuvre de distinction, l'Йcriture
dйcrit plusieurs distinctions qui prйexistait dans les йlйments du monde au
commencement de la crйation.
1) Elle traite la distinction du ciel et de la terre
selon que par ciel, on comprend tout corps transparent, sous lequel on inclut
le feu et l'air а cause de leur transparence, en laquelle ils s'accordent avec
le ciel.
2) Elle rejoint la distinction des йlйments quant а leurs
formes substantielles du fait qu'elle dйsigne l'eau et la terre qui sont plus
apparentes pour les sens. Par lа elle donne а comprendre aussi que les deux
autres йlйments le sont moins.
3) Elle rejoint la distinction selon leur situation,
parce que la terre йtait sous les eaux, ce qui la rendait invisible, mais on
signale que l'air, qui est le substrat des tйnиbres, avait йtй sur les eaux du
fait qu'il est dit “les tйnиbres”, c'est-а-dire l'air tйnйbreux, йtaient sur la
face de l'abоme".
Ainsi donc la mise en forme du premier corps qui est le
ciel, a йtй accomplie le premier jour, par la production de la lumiиre, par
laquelle la luminositй a йtй confйrйe au soleil et aux corps cйlestes qui les
avaient prйcйdйs selon leurs formes substantielles, par qui l'absence de formes
des tйnиbres a йtй rejetйe. Et par une mise en forme de ce genre a йtй faite la
distinction du mouvement et du temps, c'est-а-dire de la nuit et du jour; car
le temps suit le mouvement du ciel supйrieur. C'est pourquoi il a distinguй la
lumiиre des tйnиbres, parce que la cause de la lumiиre йtait dans la substance
du soleil, et la cause des tйnиbres dans l'opacitй de la terre; et, dans un
seul hйmisphиre, il y avait la lumiиre et dans l'autre les tйnиbres; et c'est
ce qu'il dit:"Il appela la lumiиre jour et les tйnиbres nuit."
Le second jour, le corps intermйdiaire, c'est-а-dire
l'eau, est formй et distinguй, recevant une distinction et un ordre, par la
formation du firmament, de sorte que sous le nom d'eau, on comprend tous les
corps transparents, et ainsi le firmament, c'est-а-dire le ciel йtoilй, a йtй
produit le second jour, non selon sa substance, mais selon une perfection
accidentelle, il divisa les eaux qui sont au-dessus du firmament, c'est-а-dire
le ciel transparent et sans йtoiles, qui est appelй aqueux, ou cristallin, dont
les philosophes disent qu'il est la neuviиme sphиre, et le premier mobile;
parce qu'il dйroule tout le ciel d'un mouvement diurne, pour opйrer, par son
mouvement la continuitй de la gйnйration; comme le ciel, en qui il y a les
astres par mouvement, qui est selon le zodiaque, opиre la diversitй de la
gйnйration et de la corruption par flux et reflux, pour nous, par les
diffйrents pouvoirs des йtoiles; par le firmament, dis-je, le ciel cristallin,
qui est au-dessus du firmament, se sйpare des eaux, c'est-а-dire par les autres
corps transparents corruptibles qui sont sous le firmament; et ainsi les corps
transparents infйrieurs, dйsignйs sous le nom d'eau reзurent, par le firmament,
une mise en ordre, et la distinction qui leur йtait due.
Le troisiиme jour, le corps ultime, c'est-а-dire la
terre, a йtй mis en forme par le fait qu'elle a йtй dйcouverte par les eaux, et
la distinction de la mer et du sable a йtй faite au fond. Voilа qui est assez
convenable: de mкme qu'il avait exprimй la mise en forme de la terre, en disant
que la terre йtait invisible ou vide; de mкme il exprime ainsi la mise en forme
par ce qu'il dit: Qu'apparaisse aussi la terre sиche. Et les eaux ont йtй
rassemblйes en un seul lieu, а part de la terre sиche. Et il appela mer le
rassemblement des eaux et terre ce qui йtait sec; (parce qu'elle avait d'abord
йtй sans forme et dйserte) il la dйcora de plantes et d'herbes.
Le quatriиme jour, la premiиre partie de la crйature
corporelle, qui le premier jour avait йtй sйparйe, fut ornйe, а savoir le ciel
par la production des luminaires; qui selon leur substance ont йtй crййs au
commencement: mais auparavant leur substance йtait sans forme, mais elle est
mise en forme le quatriиme jour, non pas par une forme substantielle mais en
recevant un pouvoir limitй, selon que celui-ci a йtй attribuй aux luminaires
pour des effets dйterminйs, c'est ainsi que nous voyons que le rayon du soleil
a d'autres effets, que celui de la lune et des йtoiles. Et c'est pour cette
dйtermination du pouvoir que Denys dit (Les Noms divins, IV, § 6, 697 B) que la
lumiиre du soleil qui d'abord йtait sans forme a йtй mise en forme le quatriиme
jour. Mais il n'a pas йtй fait des luminaires eux-mкmes, au commencement, comme
le dit Jean Chrysostome; mais seulement le quatriиme jour, pour qu'ainsi
l'Йcriture йloigne le peuple de l'idolвtrie, en montrant que les luminaires ne
sont pas des dieux, du fait qu'ils n'existaient pas au commencement.
Le cinquiиme jour, la seconde partie de la nature
corporelle qui a йtй sйparйe le second jour, est ornйe par la production des
oiseaux et des poissons, et c'est pourquoi, en ce cinquiиme jour, l'Йcriture
fait mention des eaux et du firmament du ciel, pour montrer qu'il rйpond au
second dans lequel l'Йcriture en a fait mention. Donc en ce jour, а partir de
la matiиre йlйmentaire d'abord crййe par le verbe de Dieu, il y eut les oiseaux
et les poissons, produits en acte, en leur propre nature, pour l'ornement de
l'air et de l'eau; dans lesquels ils sont destinйs а se mouvoir convenablement
d'un mouvement animй.
Le sixiиme jour, est ornйe la troisiиme partie et le
corps ultime, а savoir la terre, par la production des animaux terrestres, qui
sont destinйs а se mouvoir sur terre d'un mouvement animй. C'est pourquoi,
comme dans l'oeuvre de la crйation, on dйsigne trois parties de la crйature
corporelle; la premiиre, celle qui est dйsignйe par le nom de ciel,
l'intermйdiaire par le nom d'eau, et la plus basse par le nom de terre; et la
premiиre partie, а savoir le ciel, est sйparйe le premier jour, et ornйe le
quatriиme, la partie intermйdiaire а savoir l'eau, est sйparйe le second jour
et ornйe le cinquiиme, comme on l'a dit, ainsi il convenait que la partie la
plus basse, а savoir la terre, qui a йtй sйparйe le troisiиme jour, ait йtй
ornйe le sixiиme par la crйation des animaux terrestres, en acte, selon leurs
espиces propres.
Par lа apparaоt que dans l'exposition des oeuvres des six
jours, Augustin se sйpare les autres saints.
1) Premiиrement, parce que, par la terre et l'eau crййes
avant mкme par l'opйration de la crйation, il comprend la matiиre premiиre
totalement sans forme; par la production du firmament, le rassemblement des
eaux, et l'apparition de la terre sиche, il comprend l'induction des formes
substantielles dans la matiиre corporelle. D'autres saints comprennent par la
terre et l'eau crййes d'abord, les йlйments du monde existant sous leurs formes
propres; mais par les oeuvres suivantes, ils comprennent la distinction dans
les corps qui existait avant par des pouvoirs et des propriйtйs accidentelles
qui leur ont йtй confйrйes, comme on l'a dit ci-dessus.
2) Deuxiиmement leur point de vue est diffйrent sur la
production des plantes et des animaux, parce que les autres saints pensent
qu'ils ont йtй produits en acte dans l'oeuvre des six jours, comme dans leur
propre nature. Mais Augustin pense qu'ils ont йtй produits en puissance
seulement.
Mais du fait qu'Augustin pense (La Genиse au sens littйral, IV, 34) que toutes les oeuvres des six
jours ont йtй accomplies en mкme temps, elles ne semblent pas se diversifier
des autres par leur mode de production.
1) Premiиrement, parce que selon l'opinion des uns et les
autres dans la premiиre production, la matiиre йtait sous les formes
substantielles des йlйments; de sorte que la matiиre premiиre n'a pas prйcйdй
en durйe les formes substantielles des йlйments du monde.
2) Deuxiиmement parce que selon l'opinion des uns et des
autres, dans l'institution premiиre des choses, par l'oeuvre de crйation, il
n'y eut ni plantes ni animaux en acte mais seulement en puissance, pour qu'ils
puissent кtre produits de leurs йlйments mкme par le pouvoir du Verbe.
Mais il reste encore une diffйrence, entre eux quant au
quatriиme [jour]; parce selon d'autres saints, aprиs la premiиre production de
la crйature, par laquelle ont йtй produits les йlйments du monde et les corps
cйlestes selon leurs formes substantielles, il y eut un temps pendant lequel il
n'y avait pas de lumiиre: d'une part, en ce temps-lа, il n'y avait pas de
firmament en forme, ni de corps transparent en ordre et sйparй; d'autre part,
en ce temps-lа, il n'y avait pas de terre dйcouverte par les eaux, et pas de
luminaires du ciel en forme, ce qui est du quatriиme [jour], ce qu'il ne faut
pas admettre, selon l'exposition d'Augustin (loc. cit.) qui a pensй que tout
cela a йtй formй en mкme temps, et dans le mкme instant. Que les oeuvres des
six jours, pour d'autres saints, n'aient pas йtй produites en mкme temps, mais
successivement, cela ne vient pas de la dйfaillance de la puissance du
crйateur, qui aurait pu tout produire en mкme temps, mais c'йtait pour
dйmontrer l'ordre de la sagesse divine dans l'institution des choses, qui en
faisant venir а l'кtre а partir du nйant, ne les йtablit pas, aussitфt aprиs le
nйant, dans l'ultime perfection de leur nature, mais d'abord il les fit exister
dans une certaine imperfection et ensuite il les amena а la perfection, pour
que du nйant, le monde parvienne graduellement du nйant а l'ultime perfection;
et ainsi par divers degrйs de perfection, les diffйrents jours ont servi а
montrer que leur кtre procиde de Dieu, contre ceux qui pensent que la matiиre
est incrййe, et nйanmoins Dieu lui-mкme apparaоtrait comme crйateur de la
perfection des choses contre ceux qui dйcrivent la formation des кtres
infйrieurs par d'autres causes.
Donc la premiиre de ces expositions, а savoir celle
d'Augustin, est plus subtile; elle dйfend davantage l'Йcriture contre la
dйrision des infidиles, mais la seconde, а savoir celle des autres saints, est
plus facile et en accord avec la lettre du texte. Cependant, parce que ni l'une
ni l'autre ne contredit la vйritй de la foi et que le contexte supporte les
deux sens, comme ni l'une ni l'autre n'apportent de prйjudice, il faut rйpondre
en soutenant ces deux opinions par leurs raisons propres.
Solutions:
# 1. Il faut donc dire que dans la production des oeuvres
divines, l'ordre de la nature et de l'origine a йtй conservй, mais pas celui de
la durйe. Car la nature spirituelle a йtй produite avant par nature et par
origine et la nature corporelle sans forme a йtй formйe aprиs. Et, bien que
l'une et l'autre nature aient йtй formйes en mкme temps, parce que cependant la
nature spirituelle est plus digne que la nature corporelle, sa mise en forme a
dы prйcйder celle de la nature corporelle dans l'ordre de la nature. De
nouveau, parce que la nature corporelle incorruptible est plus digne que la
nature corruptible, elle a dы кtre formйe avant dans l'ordre de la nature. Et
ainsi, par le premier jour la mise en forme de la nature spirituelle est
dйsignйe par la production de la lumiиre, par laquelle l'esprit de la crйature
spirituelle est йclairй en se tournant vers le Verbe, le second jour, la mise
en forme de la nature corporelle cйleste et incorruptible est dйsignйe par la
production du firmament, par lequel nous comprenons que tous les corps cйlestes
ont йtй crййs et sйparйs selon leurs formes; le troisiиme jour, la mise en
forme de la nature corporelle des quatre йlйments est dйsignйe par le
rassemblement des eaux et l'apparition de la terre sиche; le quatriиme jour,
l'ornement du ciel est dйsignй par la production des luminaires, qui, dans
l'ordre de la nature, doit prйcйder l'ornement de l'eau et de la terre qui a
йtй fait les jours suivants. Et ainsi les oeuvres divines ont йtй faites dans
un certain ordre, а savoir celui de la nature et non celui de la durйe.
# 2. La mise en forme des choses n'a pas йtй faite
successivement, ni en diffйrentes parties du temps; mais on lit que tous ces
six jours, pendant lesquels Dieu a accompli ses oeuvres, sont une seul jour
prйsentй avec six distinctions des choses, selon lesquelles on les compte; de
mкme qu'il n'y avait qu'un seul Verbe, а savoir le Fils de Dieu, par lequel
tout a йtй fait, quoiqu'on dise frйquemment: "Dieu a dit". Et de mкme
que ces oeuvres, qui а partir d'elles sont propagйes par l'opйration de nature,
sont conservйes dans les suivantes; de mкme ces six jours demeurent dans toute
la succession du temps. Et on le montre ainsi: la nature angйlique, en effet,
est intellectuelle, et est appelйe proprement lumiиre, c'est pourquoi il faut
que cette mise en lumiиre soit appelйe jour. Mais la nature angйlique reзoit la
connaissance des choses au commencement de leur fondation, et ainsi d'une
certaine maniиre la lumiиre de son intellect йtait reprйsentйe dans les
crйatures, en tant qu'elles йtaient connues par la lumiиre de son esprit; c'est
pourquoi la connaissance mкme des choses apportant la reprйsentation de la
lumiиre de l'esprit angйlique sur les choses connues est appelй jour, et selon
les divers genres de connaissances et leur ordre les jours sont distinguйs et
ordonnйs, de sorte que le premier jour soit la connaissance de la premiиre
oeuvre divine, en tant que mise en forme de la crйature spirituelle, qui se
tourne vers le Verbe, que le second jour soit la connaissance de la seconde
oeuvre selon la crйature corporelle supйrieure a йtй mise en forme par la production
du firmament, que le troisiиme jour soit la connaissance de la troisiиme oeuvre
en tant que la mise en forme de la crйature corporelle quant а sa partie
infйrieure, а savoir, la terre, l'eau et l'air voisin; que le quatriиme jour
soit la connaissance de la quatriиme oeuvre en tant que partie supйrieure,
c'est-а-dire le firmament ornй par la production des luminaires; que le
cinquiиme jour soit la connaissance de la cinquiиme oeuvre divine, en tant que
l'air et l'eau ont йtй ornйs par la production des oiseaux et des poissons; que
le sixiиme jour soit la connaissance de la sixiиme oeuvre, en tant que la terre
est ornйe par la production des animaux terrestres; que le septiиme jour soit
la connaissance de l'ange relative au repos de l'artisan par lequel il se
repose en lui des oeuvres nouvelles а fonder.
Mais comme Dieu est la pleine lumiиre, et qu'en lui il
n'y a aucunes tйnиbres, sa connaissance mкme en soi est la pleine lumiиre; mais
parce que la crйature du fait qu'elle tire son origine du nйant, a en soi les
tйnиbres de la possibilitй et de l'imperfection, il faut que la connaissance
par laquelle la crйature est connue, soit mкlйe de tйnиbres. Mais elle peut
кtre connue de deux maniиres:
a) Ou dans le Verbe, selon qu'elle sort de l'art divin;
et ainsi sa connaissance est appelйe matutinale; parce que, de mкme que le
matin est la fin des tйnиbres et le commencement de la lumiиre, de mкme la
crйature par la lumiиre du Verbe, aprиs ne pas avoir existй, reзoit le principe
de la lumiиre.
b) Elle est aussi connue dans la mesure oщ elle existe
dans sa nature propre, et une telle connaissance est appelйe vespйrale, du fait
que, de mкme que le soir est le terme de la lumiиre, et tend vers la nuit, la
crйature qui subsiste en soi, est le terme de l'opйration de la lumiиre divine
du Verbe, en tant que crййe par lui, et de soi en tendant aux tйnиbres de la
dйfaillance, а moins qu'elle ne soit portйe par le Verbe.
Et c'est pourquoi une telle connaissance distinguйe en
matutinale et vespйrale est appelйe jour; parce que, de mкme que par
comparaison а la connaissance du verbe, elle est tйnйbreuse, de mкme, par
comparaison а l'ignorance qui est uniquement tйnиbres, on l'appelle lumiиre; et
ainsi on atteint le passage entre le matin et le soir, selon que l'ange se
connaissant lui-mкme, dans sa propre nature, rapporte cette connaissance, comme
а sa fin, а la louange du Verbe, en qui il a reзu la connaissance de
l'opйration suivante comme en son principe. Et de mкme qu'un tel matin est la
fin du jour prйcйdent, de mкme, il est le commencement du jour suivant; car le
jour est une partie du temps et l'effet de la lumiиre. Mais la distinction des
premiers jours, n'est pas prise selon la distinction du temps, mais du cфtй de
la lumiиre spirituelle, selon que les diffйrents genres distincts de crйatures
sont connus par la lumiиre de l'esprit angйlique.
# 3. On nie que la lumiиre ne soit pas proprement dans
les кtres spirituels. Car Augustin (La
Genиse au sens littйral, IV, 24) dit que dans les кtres spirituels la lumiиre
est meilleure et plus assurйe, et que le Christ n'est pas appelй lumiиre de la
mкme maniиre qu'il est appelй rocher[8], un mot lui est propre, et l'autre
figurй. Car tout ce qui est manifestй est lumiиre, comme il est dit (Ep. 5,
13). Mais la manifestation est plus proprement dans les кtres spirituels que
dans les кtres corporels; c'est pourquoi Denys, (Les noms divins, IV, 4) place la lumiиre parmi les noms
intelligibles de Dieu, mais ces noms intelligibles ont une signification propre
pour les кtres spirituels. Et quand on prouve l'inverse, on dit que le nom de
lumiиre fut d'abord imposй pour signifier ce qui se manifeste par le sens de la
vue, et de cette maniиre, la lumiиre est seulement une qualitй sensible par
soi, et n'est pas employйe proprement pour les кtres spirituels; deuxiиmement,
il s'est йtendu de l'usage commun, pour signifier tout ce qui se manifeste par
une connaissance quelconque, et ainsi il est dans l'usage commun des locuteurs;
et de cette maniиre, on dit que la lumiиre est plus proprement signifiйe dans
les кtres spirituels.
# 4. Ces jours sont distinguйs non selon la succession de
la connaissance, mais selon l'ordre naturel des choses connues, comme on l'a
dit ci-dessus, c'est pourquoi Augustin veut (La citй de Dieu, XI, 7 et 9) que ces sept jours soient un seul jour
reprйsentй de sept maniиres. Et c'est pourquoi l'ordre des jours doit кtre
rapportй а l'ordre naturel des oeuvres, qui sont attribuйes aux jours, selon
qu'elles sont connues en mкme temps dans le Verbe par la lumiиre de l'esprit
angйlique.
# 5. Par les six jours, pendant lesquels on dit que Dieu
crйa le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, on comprend non
pas une succession temporelle, mais la connaissance angйlique en rapport aux
six genres de choses produites par Dieu; mais le septiиme jour est la
connaissance mкme de l'ange en rapport avec le repos de l'artisan; car on dit,
selon Augustin, (La Genиse au sens
littйral, IV, 15) que Dieu le septiиme jour se reposa, un repos particulier
oщ il se repose en lui-mкme des crйatures, il demeure bienheureux sans avoir
besoin d'elles, mais en se suffisant а lui-mкme, il le montra а l'esprit
angйlique dont il appelle jour la connaissance. Et on dit qu'il cessa l'oeuvre
le septiиme jour, parce que, ensuite, il ne fit rien de nouveau qui n'aurait
pas existй prйcйdemment d'une certaine maniиre, dans les oeuvres des six jours,
matйriellement, causalement, ou selon une ressemblance de l'espиce ou du genre.
Et parce que, aprиs toutes les oeuvres crййes, Dieu, le
septiиme jour se reposa en lui-mкme, l'Йcriture et la Loi ordonne de sanctifier
le septiиme jour. Car la sanctification d'une chose consiste surtout en ce
qu'elle repose en Dieu; c'est pourquoi les objets consacrйs а Dieu (comme le
tabernacle, les vases du prкtre) sont appelйs saints. Mais on dit que le
septiиme jour consacrй au culte de Dieu est sanctifiй ainsi, de mкme que Dieu
qui crйa les six genres des crйatures et les montra а l'esprit angйlique, ne se
reposa pas dans les crйatures, comme en sa fin, mais des crйatures mкmes en lui;
il demeura en lui-mкme en quoi consiste sa bйatitude, (quoiqu'il ne soit pas
bienheureux d'avoir fait les crйatures, mais du fait que, ayant sa suffisance
en lui, il n'a pas besoin d'elles); ainsi, nous aussi, apprenons а nous reposer
non pas dans ses oeuvres ou les nфtres, comme dans une fin; mais en Dieu mкme,
en qui consiste notre bйatitude, reposons-nous, car c'est pour cela qu'il a йtй
instituй que l'homme travaillant six jours а ses propres oeuvres, se reposerait
le septiиme, se consacrant au culte divin et au repos de la contemplation
divine, dans laquelle consiste essentiellement la sanctification de l'homme.
La nouveautй du monde aussi dйmontre prйcisйment que Dieu
existe, et qu'il n'a pas besoin des crйatures, et c'est pourquoi il a йtй
йtabli dans la Loi qu'elles se reposeraient et qu'elles feraient fкte le
septiиme jour oщ le monde a йtй achevй, pour que par la nouveautй du monde crйй
en mкme temps, et par les six genres diffйrents des choses, l'homme demeure
toujours dans la connaissance de Dieu et qu'il lui rende grвce du bienfait si
utile et si important de la crйation, et qu'en lui comme en sa fin, il place le
repos de son esprit dans le prйsent par grвce et dans le futur par la gloire.
# 6. On dit que n'importe quelle oeuvre nouvelle produite
par Dieu en rapport avec la connaissance angйlique est appelй jour; et parce
qu'il y eut seulement six genres de choses produites primitivement par Dieu, et
connus par l'esprit angйlique, comme on l'a dit ci-dessus, il y a seulement six
jours; auxquels on ajoute un septiиme, а savoir la connaissance mкme de l'ange
en soi en rapport avec le repos de Dieu en lui-mкme. Car il n'a rien produit
dans la nature des кtres, dont il n'est induit dans l'ordre de la nature
d'abord la connaissance dans l'esprit angйlique.
# 7. La solution est йclairйe par ce qui a йtй dit
ci-dessus, parce que ces jours ne sont pas distinguйs selon la distinction de
la connaissance angйlique, mais par celle des premiиres oeuvres en rapport avec
la connaissance angйlique, et ainsi cette distinction des oeuvres, et non pas
celle des connaissances, apporte la distinction des premiers jours; et ainsi
ces six jours sont distinguйs selon que la lumiиre de l'esprit angйlique est
appliquйe pour connaоtre les six genres de choses.
# 8. Selon Augustin par ces trois expressions est
signifiй le triple кtre des choses.
a) Premiиrement l'кtre des choses dans le Verbe, car les
crйatures ont l'кtre dans l'art divin parce qu'il est le Verbe, avant de
l'avoir en elles-mкmes, et il en est fait mention quand il est dit: "Mais
Dieu le dit, et ce fut fait"; c'est-а-dire le Verbe l'a engendrй, en qui
йtait l'кtre а crйer.
b) Deuxiиmement, l'кtre des choses dans l'esprit
angйlique, parce que Dieu n'a rien produit dans la nature qu'il ne l'ait
reprйsentй dans l'esprit angйlique, et il en est fait mention quand il dit: "Ce
fut fait", c'est-а-dire par induction du Verbe dans l'esprit angйlique.
c) Troisiиmement l'кtre des choses dans leur propre
nature, et il en est fait mention par ce qu'il dit: "Il fit". Car de
mкme que l'idйe par laquelle est crййe la crйature, est dans le Verbe avant
qu'elle ne soit crййe, de mкme la connaissance de cette mкme idйe est par
l'ordre de la nature dans l'esprit angйlique, avant la production mкme de la
crйature. Et ainsi l'ange a une triple connaissance des crйatures, selon
qu'elles sont dans le Verbe, dans son esprit ou dans leur propre nature; la
premiиre est appelйe connaissance matutinale, les deux autres sont comprises
sous le nom de connaissance vespйrale.
Et pour montrer ce double mode de connaissance dans la
crйature spirituelle, il est dit: "Il y eut un soir et un matin, un jour
unique (Gn, 1, 5)". Donc par les six jours pendant lesquels, on lit que
Dieu crйa tout, Augustin comprend (La
citй de Dieu, XI, 9 [9] ) non pas ces jours ordinaires qui s'accomplissent
par la course du soleil, puisqu'on lit que le soleil a йtй crйй le quatriиme
jour, mais un seul jour, c'est-а-dire la connaissance angйlique prйsentйe par
six genres de choses. C'est pourquoi, de mкme que la reprйsentation de la
lumiиre corporelle sur ces choses infйrieures compte pour un jour temporel, de
mкme la reprйsentation de la lumiиre spirituelle de l'intellect angйlique sur
les crйatures, compte pour un jour spirituel; de sorte qu'ainsi, ces six jours
sont distinguйs selon que la lumiиre de l'intellect angйlique est appliquйe а
connaоtre les six genres de choses; pour que le premier jour soit la
connaissance de la premiиre oeuvre divine, le second la connaissance de la
seconde, etc..
Et ainsi, ces six jours sont distinguйs non selon l'ordre
du temps ou la succession des кtres, mais selon l'ordre naturel des choses
connues, selon qu'une oeuvre a йtй connue avant l'autre, dans l'ordre de la
nature. Et de mкme que dans le jour ordinaire et matйriel, le matin est le
commencement du jour et le soir en est la fin ou le terme, de mкme la
connaissance de chaque oeuvre, selon son кtre d'origine, selon qu'il a l'кtre
dans le Verbe, est appelйe matutinale, mais sa connaissance selon l'кtre ultime,
dans la mesure oщ elle subsiste dans sa nature propre, est appelй vespйrale.
Car le principe de l'кtre de n'importe quelle chose chose est dans sa cause
d'oщ elle dйcoule, mais son terme est dans ce en quoi elle est reзue, et oщ
l'action de la cause se termine. C'est pourquoi la connaissance premiиre d'une
chose est selon qu'elle est considйrйe dans sa cause d'oщ elle dйcoule; mais la
connaissance ultime est selon ce qui est est considйrй en elle-mкme.
Donc comme l'кtre des crйatures dйcoule du Verbe йternel,
comme d'un principe primordial, et que cet йcoulement se termine а l'кtre
qu'elles ont dans leur propre nature, il s'ensuit que la connaissance dans le
Verbe qui appartient а leur кtre premier et d'origine doit кtre appelй
matutinale, par ressemblance au matin qui est le commencement du jour, mais la
connaissance de la crйature dans sa propre nature, qui appartient а son кtre
ultime et achevй, doit кtre appelйe vespйrale, parce que le soir est le terme
du jour. C'est pourquoi de mкme que six genres de choses, rapportйs а la
connaissance angйlique, distinguent les jours, de mкme l'unitй de la chose
connue qui peut кtre connue de diverses maniиres, constitue l'unitй du jour, et
distingue le jour par le soir et le matin.
# 9. L'ange ne peut pas dans sa propre nature comprendre
plus au commencement, et originairement mais il peut bien comprendre plus en
consйquence du fait qu'il est en relation avec l'un intelligible. Et parce que
toute chose produite par sa nature propre, a d'abord йtй dans l'ordre de la
nature, selon ses ressemblances, induites dans l'esprit angйlique, l'ange en se
connaissant, connaоt en mкme temps d'une certaine maniиre ces six genres de
choses, qui ont un ordre naturel entre eux, car en se connaissant, il connaоt
tout ce qui a l'кtre en soi.
# 10. Il peut y avoir deux opйrations en mкme temps, pour
une mкme puissance dont l'une se rapporte а l'autre et lui est ordonnйe et il
est clair que la volontй veut en mкme temps la fin et ce qui la concerne et
l'esprit comprend en mкme temps les principes et les conclusions par les
principes, quand il en a cependant acquis la science. Mais la connaissance
vespйrale dans les anges se rapporte а la connaissance matutinale, comme
Augustin le dit (Dial. 65, qu. 26, Sur la
Genиse, II, ch., 3 et 8), de mкme que la connaissance et l'amour naturels
sont ordonnйs а la connaissance et а l'amour de gloire.
C'est pour cela que rien n'empкche que, dans l'ange, il y
ait en mкme temps une connaissance matutinale et vespйrale, comme il y a en
mкme temps la connaissance naturelle et la connaissance de gloire. Car deux
opйrations d'une seule puissance, qui procиdent de deux espиces d'un mкme
genre, dont l'une n'a pas de rapport avec l'autre (telles sont toutes les
espиces crййes inhйrentes а l'esprit) ne peuvent exister en mкme temps; c'est
pourquoi l'ange ne peut pas produire en mкme temps par diverses formes
concrиtes diverses intellections. Mais si ces deux opйrations procиdent des
formes de genres et de raisons diffйrents, et dont l'une est ordonnйe а l'autre
(telles sont la forme subsistante incrййe et la forme inhйrente crййe), elles
peuvent coexister.
Et parce que la connaissance par laquelle l'ange voit les
choses dans leur nature propre, qui est appelйe vespйrale, se fait pas une
espиce intelligible, crййe et inhйrente, et que la connaissance, par laquelle
il voit les choses dans le Verbe, appelйe matutinale, se fait par l'essence du
Verbe qui n'est pas inhйrente, ce qui est d'un autre genre et d'une autre
nature, et que l'une est ordonnйe а l'autre, les deux connaissances pourront
exister en mкme temps. Car la forme concrййe inhйrente а l'esprit ne rйpugne
pas а l'union de l'esprit а l'essence du Verbe, qui n'actualise pas l'intellect
quant а son кtre, mais seulement quant а son intellection, puisqu'il n'est pas
d'une seule nature, mais d'un ordre plus йlevй, et cette forme inhйrente mкme
et tout ce qui est parfait dans l'intellect crйй, est comme une disposition
matйrielle а cette union et а la vision bienheureuse par laquelle ils voient la
crйation dans le Verbe.
Et c'est pourquoi, de mкme que la disposition а une forme
et cette forme peuvent кtre dans un acte parfait en mкme temps, de mкme la
forme intelligible inhйrente se trouve en mкme temps dans l'acte parfait avec
union а l'essence du Verbe; c'est pourquoi, en mкme temps, de l'esprit de
l'ange bienheureux procиde une double opйration: a) en raison de son union а
l'essence du Verbe, par laquelle il voit les кtres dans le Verbe, ce qui est
appelй connaissance matutinale et b) l'autre en raison de la forme qui y est
inhйrente par laquelle il voit les choses dans leur propre nature, qui est
appelйe connaissance vespйrale. Et l'une de ces actions n'est pas affaiblie ou
attйnuйe par son attention а l'autre, mais elle en est plutфt renforcйe,
puisque l'une des deux est la raison de l'autre, comme l'image d'un objet vu
est renforcйe quand il est vu en acte par l'oeil externe. Car l'action par
laquelle les bienheureux voient le Verbe, et les crйatures en lui, est la
raison de n'importe quelle action trouvйe en eux. Mais deux actions dont l'une
est la raison de l'autre, ou dont l'une est ordonnйe а l'autre, peuvent venir
en mкme temps d'une seule puissance.
Et alors une seule puissance, selon les diverses formes
ordonnйes entre elles, se termine а des actes divers, non pas dans l'identique
mais dans la diversitй. Car les espиces des diffйrents genres, ordres, dont les
diverses natures peuvent кtre unies ensemble dans un acte parfait; comme on le
voit pour la couleur, l'odeur et la saveur dans un fruit.
Mais l'essence divine, par laquelle l'esprit angйlique
voit les crйatures dans le Verbe, (puisqu'elle est incrййe et subsistante par
soi) et l'essence de l'ange par laquelle il se voit toujours lui et les choses
selon qu'elles ont l'кtre en soi, (puisque cette essence a йtй crйй, et qu'elle
subsiste par soi dans un кtre reзu oщ subsiste son esprit), et l'espиce infuse,
ou concrййe, par laquelle il voit les choses dans leur propre nature
(puisqu'elle est inhйrente а son esprit), sont dites de diffйrents ordres, genres,
et de diffйrentes natures; de sorte que la premiиre est comme la raison des
autres, et la seconde comme la raison de la troisiиme, et c'est pourquoi
l'esprit angйlique pourra en mкme temps, avoir trois opйrations selon ces trois
formes; de mкme que l'вme du Christ comprend en mкme temps les choses par
l'espиce du Verbe, par les formes infuses et les espиces acquises.
# 11. Selon Augustin (A Orose, question 21), de mкme que
l'absence de forme de la matiиre a prйcйdй sa mise en forme, non dans le temps,
mais dans l'ordre, comme le son et la voix prйcиde le chant; de mкme la mise en
forme de la nature spirituelle qui est dйsignйe dans la production de la
lumiиre, puisqu'elle est plus digne que la nature corporelle, elle a prйcйdй la
mise en forme de la crйature corporelle, dans l'ordre de la nature et de
l'origine, et non dans l'ordre du temps. Mais la mise en forme de la nature
spirituelle vient du fait qu'elle est йclairйe pour adhйrer au Verbe, non par
la gloire parfaite sans laquelle elle a йtй crййe, mais par la grвce parfaite
avec laquelle elle a йtй crййe. Donc par cette lumiиre est faite la distinction
des tйnиbres, c'est-а-dire par ce manque de forme de la crйature corporelle,
pas encore mis en forme, mais dans l'ordre d'une nature а mettre en forme par
la suite.
Car la mise en forme de la crйature spirituelle peut кtre
comprise de deux maniиres: 1) par l'infusion de la grвce, 2) par la
conservation de la gloire.
a) Selon Augustin, la premiиre grвce est parvenue
aussitфt а la crйature spirituelle, au commencement de sa crйation et alors,
par les tйnиbres, qui se distinguent de la lumiиre, on ne comprend pas le
pйchйs des mauvais anges, mais l'absence de forme de la nature, qui n'avait pas
encore йtй formйe, mais йtait dans l'ordre de la nature, devant кtre formйe
dans les opйrations suivantes, comme il est dit dans La Genиse au sens littйral, (I, 5, VI et VII). Ou comme il est dit Sur la Genиse, (livre IV ch. XXII et
XXIII), par le jour est signifiйe la connaissance de Dieu, par la nuit la
connaissance de la crйature, qui est tйnиbres par rapport а la connaissance
divine, comme il est dit dans le mкme livre. Ou si, par les tйnиbres nous
comprenons les anges pйcheurs, cette division ne se rapporte pas au pйchй
prйsent, mais au pйchй futur, qui йtait dans la prescience de Dieu. C'est
pourquoi dans le livre A Orose (question 24), il dit: "Parce que Dieu
savait а l'avance, par l'ordre immuable de sa prescience, que quelques anges
tomberaient par orgueil, il les divisa en bons et mйchants; appelant les mйchants
tйnиbres et les bons lumiиre."
b) La seconde mise en forme de la nature spirituelle
n'appartient pas au commencement de l'institution des choses, mais plus а leur
йvolution oщ elles sont gouvernйes par la providence divine. Donc la
distinction de la lumiиre et des tйnиbres, selon que, par les tйnиbres, on
comprend les pйchйs des dйmons, doit кtre entendue selon la prescience de Dieu.
C'est pourquoi Augustin dit dans le livre XI de La Citй de Dieu, (ch. 20), que seul a pu discerner la lumiиre des
tйnиbres celui qui a pu avant qu'ils ne tombent prйvoir qu'ils tomberaient.
Mais selon que, par les tйnиbres, on comprend l'absence de forme de la nature
corporelle а former, on signale l'ordre, non pas du temps, mais de la nature,
entre la formation de l'une et l'autre nature.
# 12. Une fois йtabli que tout a йtй crйй en mкme temps
dans la forme et la matiиre, il est dit que l'ange a eu connaissance de la
crйature corporelle а faire, non pas parce qu'elle serait future dans le temps,
mais parce qu'elle йtait connue comme devant exister dans la mesure oщ elle
йtait considйrйe dans sa cause, en qui elle йtait pour pouvoir en procйder. De
mкme on peut dire que celui qui connaоt un coffre par l'art d'oщ il est fait,
le connaоt comme devant exister. Car la connaissance des choses dans le Verbe
est appelйe matutinale, que la chose soit dйjа faite, ou а faire, et elle se
comporte indiffйremment pour le prйsent et le futur, parce qu'elle est conforme
а la connaissance de Dieu, par laquelle il connaоt absolument tout avant que ce
soit fait, comme aprиs avoir йtй fait. Et cependant toute connaissance de la
chose dans le Verbe, concerne ce qui est а faire, dйjа fait, ou non, puisque le
mot fiendum (а faire) n'indique pas le temps, mais la sortie de la crйature du
crйateur; il en est de mкme la connaissance de l'oeuvre dans l'art, qui est
selon son devenir, quoique l'oeuvre n'ait pas encore йtй rйalisйe. C'est
pourquoi, bien que la crйature corporelle ait йtй faite en mкme temps que la
nature spirituelle, on dit cependant que l'ange a reзu du Verbe une
connaissance de ce qui devait кtre fait, pour la raison dйjа dite.
# 13. De mкme que le matin prйcиde le soir, la
connaissance matutinale prйcиde la connaissance vespйrale dans l'ordre de la
nature, non en rapport avec une seule et mкme oeuvre, mais en rapport avec
diffйrentes oeuvres; mais la connaissance vespйrale de la premiиre opйration
est comprise dans l'ordre de la nature, la connaissance matutinale йtant celle
de l'oeuvre postйrieure. Car l'oeuvre du premier jour est la production de la
lumiиre par laquelle on comprend la formation de la nature angйlique par
l'illumination de la grвce, mais la connaissance par laquelle la crйature
spirituelle se connaоt elle-mкme naturellement suit son кtre dans sa nature
propre. Et ainsi la crйature spirituelle dans l'ordre naturel se connaоt dans
sa nature propre par une connaissance vespйrale par laquelle elle se connaоt
comme dйjа faite, avant de se connaоtre dans le Verbe en qui est connue
l'oeuvre de Dieu, comme а faire.
Donc, dans cette connaissance par laquelle les bons anges
se sont connus eux-mкmes, ils ne sont pas demeurйs comme jouissant d'eux mкmes,
et plaзant leur fin en eux, parce qu'ils seraient devenus nuit, comme les
mauvais anges qui ont pйchй, mais ils ont rapportй leur connaissance а la
louange de Dieu, et ainsi а partir de sa connaissance, le bon ange s'est tournй
vers la contemplation du Verbe en qui il y a le matin du jour suivant, selon
qu'en lui, il a reзu la connaissance de l'oeuvre suivante, а savoir celle du
firmament.
Mais, de mкme que nous voyons dans le temps continu, que,
dans le mкme instant, il y a deux temps, selon qu'il est la fin du passй et le
commencement du futur, de mкme la connaissance matutinale du second jour est le
terme du premier, et le commencement du second, et ainsi de suite jusqu'au
septiиme jour. Et c'est pourquoi au premier jour, on dйsigne seulement le soir,
parce que l'ange a eu d'abord la connaissance vespйrale de lui-mкme et de
celle-ci il est passй а la connaissance matutinale, selon que de la
contemplation de lui-mкme il s'est tournй vers celle du Verbe, en qui il y a le
matin du jour suivant, dans la mesure oщ il reзoit dans le Verbe la
connaissance matutinale de l'oeuvre suivante. C'est pourquoi, la connaissance
matutinale par rapport а une seule et mкme oeuvre aprиs le premiиre prйcиde
naturellement la connaissance vespйrale de celle-ci, mais la connaissance
vespйrale de la premiиre oeuvre, prйcиde naturellement la connaissance
matutinale de la suivante; c'est pourquoi, de mкme que le premier jour a
seulement un soir, le septiиme jour qui signifie la contemplation de Dieu, a
seulement un matin; car ce jour n'est clos par aucune limite![10].
# 14. Augustin appelle la connaissance matutinale, celle
qui est en pleine lumiиre; c'est pourquoi elle contient en soi le midi. Car il
appelle une telle connaissance quelquefois diurne, mais quelquefois matutinale.
Ou on peut dire que toute connaissance de l'esprit angйlique est mкlйe de
tйnиbres du cфtй de celui qui connaоt; c'est pourquoi aucune connaissance d'un
esprit angйlique ne peut кtre appelйe mйridienne, car seule la connaissance par
laquelle Dieu connaоt tout en lui-mкme le peut. De plus, comme Dieu est pleine
lumiиre, qu'il n'y a aucunes tйnиbres en lui, comme cette connaissance de Dieu
en soi et parfaite est pleine lumiиre, elle peut кtre appelйe mйridienne, mais,
parce que la crйature du fait qu'elle vient du nйant, a les tйnиbres de la
potentialitй et de l'imperfection, aussi, la connaissance mкme de la crйature
est mкlйe de tйnиbres; ce mйlange est signifiй par le matin et le soir, selon
que la crйature elle-mкme peut кtre connue de deux maniиres; ou dans le Verbe
selon qu'elle sort de l'art divin, et ainsi sa connaissance est appelйe
matutinale, parce que, de mкme que le matin est la fin des tйnиbres, et le
commencement de la lumiиre, de mкme la crйature aprиs les tйnиbres,
c'est-а-dire aprиs qu'elle existe, prend du Verbe mкme le principe de la
lumiиre. Car existant par l'espиce crййe, elle peut кtre connue dans sa propre
nature, et une telle connaissance est appelйe vespйrale, parce que, de mкme que
le soir est le terme de la lumiиre, et tend а la nuit, de mкme la crйature qui
subsiste en soi est le terme de l'opйration du Verbe, qui est lumiиre, comme
faite par le Verbe et en tant qu'elle est de soi, la dйfaillance tend aux
tйnиbres, а moins qu'elle ne soit portйe par le Verbe.
Cependant cette connaissance est appelйe jour, parce que,
en comparaison avec la connaissance du Verbe, elle est obscure, de mкme par
comparaison avec l'ignorance, qui est tout а fait obscure, elle est appelйe
lumiиre; comme la vie des justes est appelйe obscure par comparaison а la vie
de gloire, elle est appelйe cependant lumiиre, par rapport а la vie des
pйcheurs. De plus, comme le matin et le soir sont des parties du jours, le jour
dans les anges est la connaissance йclairйe par la lumiиre de la grвce; c'est
pourquoi la connaissance matutinale et vespйrale s'йtend seulement а la
connaissance gratuite des biens; c'est pourquoi la connaissance mкme des oeuvres
divines, par l'ange йclairй est appelйe jour, et les jours sont distinguйs
selon les diffйrents genres des oeuvres divines, et sont ordonnйs selon leur
ordre.
Mais chacune de ces oeuvres est connue de deux maniиres
par l'ange йclairй: 1) d'une premiиre maniиre, dans le Verbe, sous la forme du
Verbe et ainsi une telle connaissance est appelйe matutinale; 2) d'une seconde
maniиre, dans sa nature propre, ou par l'espиce crййe, et les bons ne demeurent
pas dans cette connaissance en y trouvant comme une fin en elle, parce qu'ils
deviendraient nuit, comme les mauvais anges; mais ils la rapportent а la
louange du Verbe et а la lumiиre de Dieu, en qui, comme dans un principe, ils
connaissent tout; aussi une telle connaissance de la crйature, rapportйe а la
louange de Dieu, n'est pas appelйe nocturne, ce qui serait en tout cas, s'ils
demeuraient en elle, parce qu'alors ils deviendraient nuit, comme jouissant de
la crйature mкme.
Donc la connaissance matutinale et la connaissance
vespйrale distinguent le jour, c'est-а-dire la connaissance qu'ont les bons
anges illuminйs des oeuvres crййes. Mais la connaissance de la crйature par les
bons anges eux-mкmes, par un intermйdiaire soit crйй, soit incrйй, est toujours
mкlйe d'obscuritй; c'est pourquoi on ne l'appelle pas mйridienne, comme la
connaissance que Dieu a de lui-mкme; ni nocturne, comme la connaissance de la
crйature qui n'est pas rapportйe а la lumiиre divine; mais on l'appelle
seulement matutinale et vespйrale; car le soir en tant que tel, se termine au matin.
Et c'est pourquoi n'importe quelle connaissance des choses dans leur nature
propre ne peut pas кtre appelйe vespйrale, mais seulement celle qui se rapporte
а la louange du Crйateur. C'est pourquoi la connaissance qu'ont les dйmons,
n'est pas appelйe proprement matutinale ou vespйrale. Car le matin et le soir
ne sont pas pris dans la connaissance angйlique selon toute ressemblance, mais
seulement selon la ressemblance quant en raison du principe et du terme.
# 15. Bien que l'ange ait йtй crйй en l'йtat de grвce,
cependant il n'a pas йtй bienheureux au commencement de sa crйation, et il n'a
pas vu le Verbe de Dieu dans son essence; c'est pourquoi il n'eut pas la
connaissance matutinale de lui-mкme, qui dйsigne la connaissance par la forme
dans le Verbe, mais il eut d'abord une connaissance vespйrale de lui-mкme selon
qu'il se connut lui-mкme en lui de faзon naturelle, parce que, en chacun, la
connaissance naturelle prйcиde la connaissance surnaturelle, comme son
fondement, et la connaissance de l'ange dйcoule naturellement de son кtre dans
sa propre nature; aussi il eut une connaissance matutinale de lui-mкme, mais
vespйrale au commencement de sa crйation. Il reporta cette connaissance а la
louange du Verbe et par cette relation il mйrita de parvenir а la connaissance
matutinale. C'est pourquoi on dit, de maniиre significative, que le premier
jour eut seulement un soir, et pas de matin, parce que le soir passa au matin;
parce que cette lumiиre spirituelle, qui, comme on le lit, a йtй crййe le
premier jour, aussitфt crййe se connut elle-mкme, parce qu'elle fut d'une
connaissance vespйrale, et il reporta cette connaissance а la louange du Verbe,
par qui il mйrita de recevoir la connaissance matutinale de l'oeuvre suivante.
Car ce n'est pas n'importe quelle connaissance des choses dans leur propre
nature qui peut кtre appelйe vespйrale, mais celle seulement qui se rapporte а
la louange du Crйateur, car elle revient le soir et se termine au matin.
C'est pourquoi la connaissance que les dйmons ont des
choses par eux-mкmes, n'est ni matutinale, ni vespйrale; mais seulement la
connaissance gratuite qui est dans les bons anges. Et ainsi la connaissance des
choses dans leur nature propre, reliйe а la louange du Verbe est toujours
vespйrale, et une telle relation ne la rend pas matutinale, mais la fait se
terminer а la connaissance matutinale, et par une telle relation il mйrite de
la recevoir. Et de mкme que le premier jour, qui signifie la formation et la
connaissance de la nature spirituelle dans sa propre nature, a seulement un
soir, de mкme le septiиme jour, qui signifie la contemplation de Dieu, qui ne
contient aucune limite[11] et qui correspond а la connaissance angйlique en
rapport avec le repos de Dieu en lui-mкme, en quoi consiste l'illumination et
la sanctification de tout, [ce septiиme jour] a seulement un matin. Car du fait
que Dieu a cessй de crйer de nouvelles crйatures, on dit qu'il a accompli son
oeuvre et qu'il s'en repose en lui-mкme. Et de mкme que Dieu se repose en lui
seul, et il est bienheureux en jouissant de lui, de mкme nous, nous devenons
bienheureux par sa seule fruition et ainsi mкme il fait que nous nous reposons
de ses oeuvres et des nфtres en lui-mкme.
Donc le premier jour, qui correspond а la connaissance
que la nature spirituelle йclairйe par la lumiиre de la grвce sur elle-mкme, a
seulement un soir, mais le septiиme jour qui correspond а la connaissance
angйlique en relation avec le repos et la fruition de Dieu en lui-mкme, a
seulement un matin; parce qu'il n'y a aucunes tйnиbres en Dieu. Car on dit que
Dieu se reposa le septiиme jour, en tant que repos propre, par lequel il se
repose en lui-mкme des oeuvres crййes; il le montra а la nature angйlique;
cette connaissance, Augustin l'appelle jour (Dialogue LXV, question 26); et
parce que le repos de la crйature, selon qu'elle est fermement йtablie en Dieu,
n'a pas de fin, de mкme le repos de Dieu par lequel il se repose en lui-mкme
des crйatures, n'ayant pas besoin d'elles, n'a pas de fin, parce qu'il n'en
aura jamais besoin; c'est pourquoi le septiиme jour qui correspond а un tel
repos n'a pas de soir, mais seulement un matin; mais ces jours, qui
correspondent а la connaissance angйlique en rapport avec les autres crйatures,
ont un matin et un soir, comme on l'a dit ci-dessus.
# 16. De ce qui a йtй dit, il apparaоt qu'on peut avoir
la connaissance d'une chose dйjа faite comme devant кtre faite, si on la
considиre dans les causes d'oщ elle procиde; et ainsi les anges ont reзu la
connaissance de ce qui йtait а faire dans le Verbe, qui est l'Art suprкme des
choses. Car toute connaissance en lui qui est appelйe matutinale, on dit
qu'elle est comme une chose а faire, que ce soit dйjа fait, ou pas, puisque le
Фа faire' n'indique pas le temps, mais la sortie de la crйature du Crйateur,
comme on la dit ci-dessus (sol. 14). Aussi, quoique la crйature corporelle soit
faite en mкme temps que la nature spirituelle, on dit cependant que l'ange par
la connaissance matutinale a reзu dans le Verbe la connaissance de lui-mкme
comme а faire. C'est pourquoi on a dйclarй dans la rйponse ci-dessus que le
premier jour n'a pas eu de matin, mais seulement un soir,.
# 17. Ce n'est pas de la rйalitй que la crйature
spirituelle reзoit la connaissance, mais elle la saisit (intelligat)
naturellement par les formes, innйes ou concrййes; mais ces formes qui sont
dans l'esprit de l'ange, ne se comportent pas йgalement pour le prйsent et le
futur; parce que celles qui sont prйsentes sont assimilйes aux formes en acte
qui sont dans les anges, et ainsi par elles, elles peuvent кtre connues; mais
celles qui sont futures ne sont pas encore semblables en acte а ces formes;
c'est pourquoi par les formes susdites le futur n'est pas connu, puisque la
connaissance se fait par l'assimilation actuelle du connaissant et du connu. Et
ainsi, puisque l'ange ne connaоt pas le futur en tant que tel, il a besoin de
la prйsence des choses, pour les connaоtre dans leur propre nature par les
formes induites en lui; parce que, avant qu'elles soit faites, elles ne
ressemblent pas aux formes. On a dit plus haut que la connaissance vespйrale et
la connaissance matutinale sont distinguйes non du cфtй de ce qui est connu,
mais du cфtй de l'intermйdiaire а connaоtre. Car la connaissance matutinale se
fait par un intermйdiaire incrйй, surpassant la nature de celui qui connaоt et
de ce qui est connu: c'est pourquoi la connaissance des choses par la forme
dans le Verbe est appelйe matutinale, que la chose soit dйjа faite, ou а faire,
mais la connaissance vespйrale se fait par un intermйdiaire crйй proportionnй
avec celui qui connaоt et ce qui est connu, dйjа fait, ou а faire.
# 18. Bien que l'ange ait l'кtre dans le Verbe avant que
dans sa propre nature, parce que, cependant, la connaissance prйsuppose l'кtre
de celui qui connaоt, il n'a pas pu se connaоtre avant d'exister, mais la
connaissance de lui-mкme dans sa propre nature, lui est naturelle, et celle du
Verbe est surnaturelle; c'est pourquoi il a fallu qu'il se connыt lui-mкme dans
sa propre nature avant que dans le Verbe; puisque la connaissance naturelle
prйcиde en chacun, par origine, la connaissance surnaturelle comme son
fondement. Autrement il a connu les choses dans l'ordre de la nature dans le
Verbe par la connaissance matutinale avant que par connaissance vespйrale dans
sa propre nature; c'est pourquoi par rapport aux oeuvres suivantes le matin
prйcиde le soir; comme on l'a dit ci-dessus.
# 19. De mкme qu'une seule science totale comprend sous
elle diverses sciences particuliиres, par lesquelles sont connues des
conclusions diverses; de mкme la seule connaissance de l'ange qui est comme un
tout, comprend sous elle la connaissance matutinale et la connaissance
vespйrale comme des parties, comme le matin et le soir sont des parties du
jour, bien qu'ils soient de nature diffйrente. Car les choses de nature
diffйrente, si elles sont ordonnйes entre elles, peuvent constituer quelque
chose d'unique; c'est pourquoi la matiиre et la forme, qui sont de nature
diffйrente, constituent un composй; et les chairs, les os et les nerfs sont les
parties d'un seul composй. Car l'essence divine par laquelle les кtres sont
connus dans le Verbe d'une connaissance matutinale est la raison de toutes les
formes concrййes dans l'esprit de l'ange; de mкme elles en dйrivent comme des
images, par lesquelles les choses sont connues dans leur nature propre, par la
connaissance vespйrale, de mкme l'essence de l'ange est pour lui la raison de
comprendre l'кtre qu'il connaоt, bien qu'elle ne soit pas parfaite, c'est
pourquoi il a besoin des autres formes surajoutйes.
Et ainsi, quand l'ange voit Dieu par son essence, et
lui-mкme et les autres par les formes concrййes, d'une certaine maniиre, il
n'en saisit (intelligit) qu'une; de mкme, parce que la lumiиre est la raison de
voir la couleur, quand l'oeil voit la lumiиre et la couleur il y voit d'une
certaine maniиre un seul objet. Et quoique ces opйrations soient rйellement
distinctes, puisque l'opйration par laquelle il voit Dieu, demeure toujours, et
est mesurйe par une йternitй participйe; l'opйration par laquelle il se
comprend, demeure toujours, et est mesurйe par l'жvum; et l'opйration par
laquelle il saisit (intelligit) les autres кtres, par les espиces innйes ne
demeure pas toujours mais succиde а une autre: cependant parce que l'une est
ordonnйe а l'autre, et que l'une est comme la raison formelle de l'autre, elles
sont une d'une certaine maniиre; parce que, lа oщ il y a un objet prиs de
l'autre[12], il n'y en a qu'un, comme il est dit en Topique, (III, 2, 117 a 5)
et c'est pour cela que ces opйrations dont l'une est ordonnйe а l'autre,
peuvent кtre ensemble et constituer un seul tout.
# 20. Comme l'esprit est le lieu des espиces
intelligibles, il faut dire que la connaissance, qui apporte la mise en ordre
des espиces intelligibles ou une facultй et une habilitation de l'esprit
lui-mкme pour utiliser ces espиces, demeure aprиs la mort, comme l'esprit, qui
est le substrat des espиces de ce genre; mais le mode par lequel il s'en sert
en acte dans le statut de la vie prйsente, qui est par conversion aux images,
qui sont dans les pouvoirs des sens, ne demeurera pas; parce que, comme les
puissances des sens se corrompent, l'вme ne pourra pas par les espиces qu'elle
a acquises ici, ni par celles induites en elle dans la sйparation mкme, saisir
en se tournant vers les images, mais par elles saisir par un mode qui lui
convient а la maniиre d'кtre semblable aux anges qu'elle aura. Donc la
connaissance est dйtruite non quant а la possession, ni quant а la substance de
l'acte de connaоtre, qui est spйcifiй par l'espиce de l'objet, mais quant au
mode de connaоtre, qui ne se fera pas en se tournant vers les images, et c'est
ainsi que le comprend l'Apфtre.
# 21. La lumiиre causйe par le soleil et celle causйe par
la chandelle dans l'air, sont de mкme nature. Mais deux formes d'une seule
nature ne peuvent кtre en mкme temps en acte parfait dans le mкme substrat;
c'est pourquoi une seule d'entre elles est causйe dans l'air et non les deux.
Mais l'essence divine, par laquelle sont connues les choses dans le Verbe, est
d'une autre nature que les espиces par lesquelles l'ange connaоt les choses
dans leur nature propre; c'est pourquoi ce n'est pas la mкme raison. En effet,
quand arrive ce qui est parfait, l'imparfait qui lui est opposй, est йliminй,
de mкme, quand arrive la vision de Dieu, la foi, qui concerne ce qui ne se voit
pas, est йliminйe. Mais l'imperfection de la connaissance vespйrale n'est pas
opposйe а la perfection de la connaissance matutinale; car il n'y a pas
opposition entre ce qui est connu en soi, et ce qui est connu dans sa cause: et
de plus ce qui est connu par deux intermйdiaires, dont l'un est plus parfait
que l'autre n'a rien qui s'y oppose; de mкme pour une mкme conclusion, nous
pouvons avoir une raison dйmonstrative et une raison dialectique.
Et semblablement, l'ange peut connaоtre une chose par le
Verbe incrйй, et par l'espиce innйe; puisque l'une n'est pas opposйe а l'autre,
mais elle se comporte plutфt comme une disposition matйrielle envers l'autre;
car la perfection qui arrive enlиve l'imperfection qui lui est opposйe. Mais
l'imperfection de la nature n'est pas opposйe а la perfection de la bйatitude,
mais lui est soumise, comme l'imperfection de la puissance est soumise а la
perfection de la forme, et la puissance n'est pas enlevйe par la forme, mais
c'est la privation qui lui est opposйe, qui est enlevйe; semblablement aussi
l'imperfection de la connaissance naturelle n'est pas opposйe а la perfection
de la connaissance de gloire, mais elle lui est soumise comme une disposition
matйrielle. Et c'est pourquoi l'ange peut connaоtre en mкme temps les choses
par un intermйdiaire crйй et dans leur nature propre, ce qui appartient а la
connaissance vespйrale et naturelle, et par l'essence du Verbe, qui appartient
а la connaissance de gloire et matutinale; et l'une de ces opйrations n'empкche
pas l'autre, puisque l'une est ordonnйe а l'autre et est comme sa disposition
matйrielle.
# 22. Augustin (Sur
la Genиse, livre V, ch. 12 et 14) veut qu'au commencement de la crйation
certaines choses distinctes, par leurs espиces, aient йtй produites dans leur
nature propre, comme les quatre йlйments, qui n'ont йtй produit de rien, les
corps cйlestes et les substances spirituelles. Car une telle production ne
prйsuppose pas la matiиre d'oщ et en quoi elle viendrait. Mais il est dit que
les autres ont йtй produites dans les raisons sйminales seulement, comme les
animaux, les plantes et les hommes; qui tous par la suite ont йtй produits dans
leur nature propre, par cette oeuvre oщ, aprиs six de ces jours, Dieu
administre la nature crййe auparavant. De cette oeuvre, Jean a dit (5, 17) "Mon
Pиre opиre jusqu'а ce jour.". Et dans la production et la distinction des
choses, il ne veut pas atteindre l'ordre du temps mais celui de la nature. Car
toutes les oeuvres des six jours ont йtй faites en mкme temps dans le mкme
instant, en acte ou en puissance, selon les raisons causales, pour que, par
exemple, elles puissent кtre faites, par la suite, а partir d'une matiиre
prйexistante ou par le Verbe ou par les puissances actives induites dans la
crйation mкme de la crйature.
C'est pourquoi, en cherchant, mais sans l'assurer, il dit
que l'вme du premier homme a йtй crййe en mкme temps que les anges, en acte; il
ne pense pas que cela a йtй fait avant le sixiиme jour, bien qu'il pense qu'en
ce sixiиme jour mкme, l'вme du premier homme a йtй faite en acte; ainsi que son
corps selon les raisons causales; parce que Dieu a induit un pouvoir passif а
la terre pour que par la puissance active du Crйateur, le corps de l'homme en
soit formй. Et ainsi, en mкme temps, l'вme en acte et le corps en puissance
passive ont йtй faits en rapport avec la puissance active de Dieu.
Ou, si on pense, en vйritй, que l'вme n'a pas en soi
d'espиce complиte, mais est unie au corps comme une forme, et est naturellement
une partie de la nature humaine, comme le veut Aristote, il faut dire que l'вme
du premier homme n'a pas йtй produite en acte avant la mise en forme du corps;
mais elle a йtй crййe et induite dans le corps en mкme temps que la mise en
forme du corps, comme Augustin le soutient expressйment pour les autres вmes, (La Genиse au sens littйral, X, 17 ss).
Car Dieu a instituй les choses premiиres dans un parfait йtat de leur nature,
selon que leurs espиces l'exigeaient. Mais comme l'вme raisonnable est partie
de la nature humaine, elle n'a de perfection naturelle que selon qu'elle est
unie а un corps. C'est pourquoi naturellement elle a l'кtre dans le corps, et
кtre hors du corps est au-delа de sa nature; aussi il n'aurait pas йtй
convenable qu'une вme soit crййe sans corps.
Donc en soutenant l'opinion d'Augustin sur les oeuvres
des six jours, on peut dire que, de mкme que, en ces six jours le corps du
premier homme n'a pas йtй formй et produit en acte, mais en puissance seulement
selon les relations causales; de mкme son вme n'a pas йtй produite alors en
acte et en elle-mкme, mais dans sa ressemblance, en genre: et ainsi elle a
prйcйdй dans ces six jours, non en acte et en elle-mкme, mais selon une
certaine ressemblance en genre, selon qu'elle s'accorde avec les anges dans la
nature intellectuelle. Mais ensuite, par l'oeuvre par laquelle Dieu a
administrй la crйature crййe d'abord, l'вme fut en mкme temps produite en acte
avec un corps mis en forme.
# 23. La rйponse est йclairйe par ce qui a йtй dit: parce
que le corps humain n'a pas йtй produit en acte dans ces six jours, les corps
des autres animaux non plus, mais seulement selon les relations causales, parce
que Dieu dans la crйation mкme a induit un pouvoir dans les йlйments, ou
certaines raisons pour que les animaux puissent en кtre produits, par les
йtoiles ou la semence, par le pouvoir de Dieu. Donc ce qui a йtй produit en eux
en acte pendant ces six jours, a йtй crйй non pas successivement mais en mкme
temps, mais d'autres selon les raisons sйminales ont йtй produites en mкme temps
en leur image.
# 24. Il faut dire comme а la solution 16, que la
connaissance des choses par les espиces induites ou proportionnйes aux choses
est appelйe vespйrale dans leur nature propre; que la chose soit faite ou а
faire, et quoique ces espиces se comportent de la mкme maniиre pour le prйsent
et le futur. Non cependant que les choses prйsentes et futures se comportent
йgalement vis-а-vis de leurs espиces mкmes; parce que les choses prйsentes en
acte ressemblent а leurs espиces, elles peuvent кtre connues en acte en
elles-mкmes. Mais les choses futures ne leur ressemblent pas en acte, c'est
pourquoi il n'est pas nйcessaire qu'elles soient connues par elle-mкme. Mais on
ne dit pas que la connaissance vespйrale, celle des choses dans la nature
propre, vient du fait que les anges saisissent les espиces mкmes, par
lesquelles ils connaissent, mais parce que par celles qu'ils ont reзues de la
crйation, ils les connaissent dans la mesure oщ elles subsistent dans leur
propre nature.
# 25. Selon Augustin (La
Genиse au sens littйral, II, 8), les anges, au commencement, virent dans le
Verbe les crйatures qui devaient кtre faites. Car on lit que celles qui ont йtй
faites dans les opйrations des six jours, ont йtй faites en mкme temps; c'est
pourquoi aussitфt dиs le commencement de la crйation, il y eut ces six jours,
et par consйquent il faut qu'au commencement le bon ange ait connu le Verbe et
les crйatures en lui. Car celles-ci ont un кtre triple, comme on l'a dit
ci-dessus.
1) Elles ont l'кtre dans l'art divin, qui est le Verbe,
et il est fait mention d'un tel кtre quand il est dit:"Dieu dit, qu'il
soit fait", c'est-а-dire il a engendrй le Verbe, en qui il y avait ce
qu'il fallait pour faire une telle oeuvre.
2) Elles ont l'кtre dans l'intellect angйlique, il en est
fait mention par ce qui est dit: "Il a йtй fait", а savoir par leur
induction а partir du Verbe.
3) Elles ont l'кtre en elle-mкme dans leur propre nature.
Ainsi, l'ange aussi a une triple connaissance des choses;
а savoir selon qu'elles sont dans le Verbe, dans son esprit et dans leur propre
nature. Mais l'ange a une double connaissance du Verbe, l'une naturelle par
laquelle il le connaоt par sa ressemblance qui brille dans sa nature, en quoi
consiste sa bйatitude naturelle, а laquelle par son pouvoir il peut parvenir;
il a de lui une autre connaissance surnaturelle et de gloire par laquelle il le
connaоt par son essence, en quoi consiste sa bйatitude surnaturelle, qui excиde
le pouvoir de sa nature. Et par l'un et l'autre, le bon ange connaоt les choses
ou les crйatures dans le verbe; mais par sa connaissance naturelle il connaоt
dans le Verbe imparfaitement; mais par la connaissance de gloire, il connaоt
mкme dans le Verbe plus pleinement et plus parfaitement.
1) La premiиre connaissance dans le Verbe passe dans
l'ange au commencement de sa crйation, c'est pourquoi dans le livre des Dogmes
ecclйsiastiques, il est dit que "les anges qui demeurиrent , non par
nature mais par grвce, dans cette bйatitude dans laquelle ils ont йtй crййs,
possиdent le bien qu'ils ont." De mкme Augustin (Fulgence) La foi pour
Pierre (ch. 3) dit: "Les anges, des esprits, ont reзu divinement le don
d'йternitй et de bйatitude dans la crйation spirituelle de leur nature."
Par celle-ci cependant, ils n'йtaient pas absolument bienheureux, puisqu'ils
йtaient capables d'une perfection plus grande, mais relative, c'est-а-dire
selon ce temps, comme le philosophe (Йthique I, 10, 1098 a) le dit, il y a des
bienheureux en cette vie, pas absolument mais comme des hommes.
2) La seconde connaissance, а savoir celle de gloire,
n'est pas arrivйe а l'ange au commencement de sa condition, parce qu'ils ne
furent pas crййs bienheureux dans une bйatitude parfaite; mais elle leur arriva
au commencement, au moment oщ ils sont devenus bienheureux par leur conversion
parfaite au bien. Donc ces six genres de chose ont tous йtй crййs en mкme temps
que l'ange, et dans le mкme instant, il connut tout dans le Verbe d'une
connaissance naturelle ce que, par la suite, il connut plus pleinement dans le
Verbe d'une connaissance surnaturelle, que les anges reзurent aussitфt aprиs
qu'ils aient rapportй leur connaissance naturelle а la louange du Verbe; comme
cette connaissance naturelle est mesurйe par l'aevum, elle coexiste toujours
avec la connaissance surnaturelle du Verbe mкme, et avec la connaissance par
laquelle il connaоt par les espиces induites les crйatures dans leur propre
nature; c'est pourquoi ces trois connaissances existent en mкme temps, et l'une
ne succиde pas а l'autre. Car la connaissance des choses dans le Verbe, de ce
qui est fait ou а faire, est appelйe matutinale; et la connaissance des choses,
qu'elle soit prйsente ou future, par un intermйdiaire crйй, est appelйe
vespйrale.
# 26. Il n'est pas possible que l'ange voit le Verbe, ou
son essence divine en tant qu'idйe de ce qui est а faire, et non dans la mesure
oщ il est la fin des bienheureux et l'objet de la bйatitude, puisque l'essence
divine en soi est objet de bйatitude, et fin des bienheureux. Mais il n'est pas
possible que quelqu'un voit l'essence divine en tant que nature de choses а
faire et ne la voit pas en soi, et c'est pourquoi on concиde la totalitй de
l'argument.
# 27. Il faut dire que certains ont voulu distinguer la
connaissance prophйtique de la connaissance des bienheureux, ils ont dit que
les prophиtes voient l'essence divine elle-mкme, qu'ils appellent le miroir de
l'йternitй; non cependant selon qu'il est objet des bienheureux et la fin de la
bйatitude; mais selon qu'il est la raison de ce qui est а faire, selon qu'il y
a en elle les raisons des йvйnements futurs, comme on le dit dans l'objection.
Mais cela est tout а fait impossible; car Dieu est
l'objet de la bйatitude et la fin des bienheureux selon son essence mкme. Pour
cela Augustin, au livre V des Confessions (ch.4) dit: "Bienheureux qui te
connaоt mкme si celles-lа, c'est-а-dire les crйatures, il ne les connaоt pas."
Mais ce n'est pas possible que quelqu'un voit les raisons des crйatures dans
l'essence divine, sans voir l'essence elle-mкme; d'une part parce qu'elle est
la raison de tout ce qui est fait (car la raison idйale, qui est la raison des
choses а faire, n'ajoute rien а l'essence divine, sinon un rapport а la
crйature). D'autre part, mкme parce que c'est d'abord connaоtre quelque chose
en soi (qui est connaоtre Dieu comme objet de bйatitude) que connaоtre ce qui
par comparaison а un autre (ce qui est connaоtre Dieu selon les raisons qui
existent en lui); et c'est pourquoi il n'est pas possible que les prophиtes
voient Dieu selon les raisons des crйatures et non selon qu'il est objet de
bйatitude.
Mais comme ils ne voient pas l'essence divine comme objet
de bйatitude, (d'une part parce que la vision йvacue la prophйtie, comme il est
dit I Cor. 13, 8[13], d'autre part parce que cette vision n'apporte pas la
connaissance divine, comme lointaine, mais proche, puisqu'ils le voient face а
face), il en dйcoule donc que les Prophиtes ne connaissent pas l'essence
divine, en tant qu'elle est la raison de ce qui doit кtre fait, ni les
crйatures dans le Verbe, comme les anges l'ont connu par connaissance
matutinale. Car la vision prophйtique n'est pas la vision de l'essence divine
elle-mкme, et les prophиtes, dans l'essence divine, ne voient pas ce qu'ils
voient, comme l'ont vu les anges, mais par des images, selon l'йclairage de la
lumiиre divine, comme le dit Denys (La
hiйrarchie cйleste, IV) et les ressemblances de ce genre йclairйes dans la
lumiиre divine, ont plus la nature d'un miroir que l'essence de Dieu; car le
miroir est ce en quoi apparaissent les formes des autres choses, ce qu'on ne
peut pas dire de Dieu, mais une telle illumination de l'esprit prophйtique,
peut кtre appelйe miroir, dans la mesure oщ en rйsulte lа la ressemblance de la
prescience divine de la vйritй; et а cause de cela l'esprit du Prophиte est
appelй miroir de l'йternitй, comme reprйsentant par ces espиces la prescience
divine, qui en son йternitй voit tout de maniиre prйsente. C'est pourquoi la
connaissance du prophиte a plus de ressemblance avec la connaissance vespйrale
de l'ange qu'avec la connaissance matutinale, puisque celle-ci est faite par un
intermйdiaire incrйй, mais la connaissance du prophиte par un intermйdiaire
crйй, а savoir par les formes imprimйes, ou йclairйes par la lumiиre divine,
comme on l'a dit.
# 28. Selon Augustin, quand il est dit: "Que la
terre produise l'herbe verdoyante", on ne comprend pas que les plantes
aient йtй alors produites en acte et dans leur propre nature, mais qu'а ce
moment-lа il a йtй donnй un pouvoir germinatif а la terre, pour produire les
plantes par l'oeuvre de propagation; de sorte qu'on dit qu'alors la terre a
produit totalement l'herbe verdoyante et le bois porteur de fruit, c'est-а-dire
qu'elle a reзu le pouvoir de produire. Et il le confirme par l'autoritй de
l'Йcriture, Gn. 2, 4, oщ il est dit: "Ce sont les gйnйrations du ciel et
de la terre, quand elles ont йtй crййes au jour oщ Dieu fit le ciel et la terre
et toute verdure des champs avant qu'elle se lиve sur la terre; et toute
l'herbe de la campagne avant qu'elle ne produise." On en tire deux
consйquences:
1) Toute les oeuvres des six jours ont йtй crййes le jour
oщ Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs; et ainsi les
plantes que l'on dit avoir йtй crййes le troisiиme jour, ont йtй produites en
mкme temps quand Dieu crйa le ciel et la terre.
2) Les plantes ont alors йtй produites, non en acte, mais
dans leurs raisons causales seulement, parce que pouvoir a йtй donnй а la terre
de les produire, et cela est expliquй quand il est dit qu'elle produisit "toute
verdure des champs avant qu'elle naisse en acte de la terre" par l'oeuvre
d'administration et "toute herbe de la campagne, avant qu'elle ne pousse
en acte". Donc avant qu'elles ne se naissent en acte sur la terre, elles
ont йtй faites causalement dans la terre.
C'est confirmй par cette raison: dans ces premiers jours
Dieu crйa la crйature causalement, originellement ou actuellement par une
oeuvre dont il se reposa par la suite, qui cependant, selon la gestion des
crйatures, par l'oeuvre de propagation opиre ensuite jusqu'а maintenant. Mais
produire des plantes en acte de la terre, convient а l'oeuvre de la
propagation, parce que, pour leur production, le pouvoir cйleste suffit comme
un pиre et le pouvoir de la terre comme une mиre; c'est pourquoi il n'y eut pas
de plantes produites le troisiиme jour en acte mais causalement seulement. Mais
aprиs les six jours, elles furent en acte selon leurs propres espиces, et
produites dans leur propre nature par l'oeuvre de gestion; et ainsi avant que
les plantes aient йtй produites causalement, rien n'a йtй produit, mais elles
ont йtй produites en mкme temps que le ciel et la terre, de mкme les poissons,
les oiseaux et les animaux ont йtй produits dans ces six jours causalement et
non en acte.
# 29. Pour la sagesse d'un artisan dont toutes les
oeuvres sont parfaites, tel qu'est Dieu, il convient de ne pas produire le tout
par la partie principale, ni les parties sйparйes par le tout; parce que ni le
tout sйparй de la partie principale, ni les parties sйparйes du tout ont un
кtre parfait. Donc comme les anges, selon leurs espиces, et les corps cйlestes
et les quatre йlйments sont les parties principales constituant un univers
unique, puisqu'ils sont ordonnйs l'un а l'autre, et s'йpaulent l'une l'autre,
il convient а la sagesse de Dieu que tout l'univers soit produit en mкme temps
et non successivement avec les autres parties. Car, il doit y avoir une
production unique d'un tout unique et de toutes ses parties et l'un n'est
produit avant l'autre que par dйfaillance de l'agent. Mais Dieu est d'une
puissance infinie, sans aucune dйfaillance, dont l'effet principal est tout
l'univers. Donc Dieu crйa tout l'univers avec toutes ses parties principales en
mкme temps par une production unique.
Et quoique aucun ordre du temps n'ait йtй conservй dans
la production de l'univers, cependant l'ordre de l'origine et de la nature fut
conservй. Car, selon Augustin, l'oeuvre de crйation a prйcйdй celle de
distinction, dans l'ordre de la nature et non du temps, de mкme l'oeuvre de
distinction a prйcйdй l'oeuvre d'ornement dans l'ordre de la nature. A l'oeuvre
de crйation convient la crйation du ciel et de la terre. Par le ciel, on
comprend la production de la nature spirituelle sans forme; par la terre, la
matiиre sans la forme des corps; qui toutes les deux, comme elles sont hors du
temps, considйrйes selon leur essence ne sont pas soumises aux alternances des
temps, comme le dit Augustin, (Confessions,
XII, 8); c'est pourquoi la crйation de l'un et l'autre est placйe avant
tout jour, non que cette absence de forme ait prйcйdй la formation dans le
temps, mais dans l'ordre de l'origine et de la nature seulement, comme le son
prйcиde le chant.
Et mкme une seule formation, selon lui, ne prйcиde pas
l'autre en durйe, mais seulement dans l'ordre de la nature: selon cet ordre il
est nйcessaire de placer d'abord la formation de la nature spirituelle suprкme,
parce qu'on lit que la lumiиre a йtй faite le premier jour, parce que la nature
spirituelle est plus digne et l'emporte sur la nature corporelle; c'est pourquoi
elle a dы кtre formйe avant. Elle est formйe du fait qu'elle est йclairйe pour
adhйrer au Verbe de Dieu. Mais de mкme que la lumiиre spirituelle et divine est
plus digne que l'ordre naturel, et l'emporte sur la nature corporelle, de mкme,
les corps supйrieurs l'emportent sur les infйrieurs. C'est pourquoi, le second
jour, on atteint la formation des corps supйrieurs, quand il est dit: "Que
soit fait le firmament!", par lequel on comprend l'induction de la forme
cйleste dans la matiиre informe, qui n'existe pas d'abord dans le temps, mais
dans l'origine seulement.
En troisiиme lieu, on place l'induction des formes
йlйmentaires dans la matiиre sans forme qui n'existait pas avant dans le temps,
mais qui prйcиde dans l'origine et l'ordre de la nature. C'est pourquoi par ce
qu'il dit: "Que les eaux se rassemblent et que la terre sиche apparaisse",
on comprend que la forme substantielle de l'eau est induite dans la matiиre
corporelle; par cette forme, un tel mouvement lui convient, ainsi que la forme
substantielle de la terre, par laquelle il lui convient d'кtre vue ainsi: car
l'eau s'est йcoulйe doucement, mais la terre a йtй fixйe de faзon stable, comme
il le dit lui-mкme (La Genиse au sens
littйral, II, 11); car sous le nom d'eau, on comprend aussi, selon Augustin,
les autres йlйments supйrieurs qui ont йtй formйs.
Dans les trois jours suivants, on place l'ornement de la
nature corporelle. Car il fallut que les parties du monde soit formйes et
distinguйes avant dans l'ordre de la nature, et que par la suite les parties
singuliиres soient ornйes, du fait qu'elles sont comme remplies de leurs
habitants. Car le premier jour, comme on l'a dit, la nature spirituelle est
mise en forme et sйparйe, le second jour les corps cйlestes, et le quatriиme
ils sont ornйs, mais le troisiиme jour sont mis en forme et sйparйs les corps
infйrieurs, c'est-а-dire l'air, l'eau et la terre. dont l'air et l'eau en tant
que plus dignes sont ornйs le cinquiиme jour, mais la terre, qui est un corps
le plus bas, est ornйe le sixiиme jour. Et ainsi la perfection des oeuvres
divines rйpond а la perfection du nombre six[14], qui surgit de ses parties
aliquotes, en mкme temps et prises ensemble; qui sont un, deux, trois. Car un
jour est dйvolu а la formation et а la distinction de la crйature spirituelle,
deux jours а la formation et la distinction de la nature corporelle et trois а
l'ornement. Car un, deux et trois font six, et six fois un font six, et deux
fois trois six et trois fois deux six. Donc parce que le nombre six est le
premier nombre parfait, la perfection des choses et des oeuvres divines est
dйsignйe par le nombre six. Donc l'ordre de la nature est conservй non pour la
durйe, dans la productions des oeuvres divines.
# 30. Les luminaires ont йtй faits en acte et non en
puissance seulement, comme les plantes, car le firmament n'a pas le pouvoir de
produire les luminaires, comme la terre a le pouvoir de produire les plantes,
c'est pourquoi l'Йcriture ne dit pas que "Que le firmament produise les
luminaires", comme elle dit: "Que la terre fasse pousser une herbe
verdoyante,", c'est-а-dire qu'elle reзoive le pouvoir de produire. Donc
les luminaires ont йtй produits en acte, avant les plantes en acte; bien que
les plantes soient en puissance et produites causalement avant les luminaires
en acte. De mкme, il a йtй dit que l'oeuvre de distinction dans l'ordre de la
nature prйcиde l'oeuvre d'ornement; mais les luminaires conviennent а
l'ornement du ciel; et les plantes, surtout selon leur кtre virtuel,
n'appartiennent pas а l'ornement de la terre, mais plutфt а sa perfection. Car
а la perfection du ciel et de la terre, semble appartenir ce qui seulement est
а l'intйrieur du ciel et de la terre. Mais l'ornement appartient а ce qui est
diffйrent du ciel et de la terre; ainsi l'homme est achevй par ses parties et
ses formes propres, mais il est ornй par les vкtements ou quelque chose de ce
genre. Mais la distinction de certains est surtout manifestйe par le mouvement
local, par lequel ils se sйparent les uns des autres. Et c'est pourquoi. la production
de ce qui a le mouvement dans le ciel ou sur la terre convient а l'oeuvre
d'ornement.
Mais les luminaires, selon Ptolйmйe, ne sont pas fixйs
dans les sphиres, mais ont un mouvement sйparй d'elles; selon l'opinion
d'Aristote, les йtoiles sont fixйes dans les orbes, et ne sont mues en vйritй
que par leur mouvement; cependant le mouvement des luminaires et des йtoiles
est perзu par les sens, mais pas celui des sphиres. Mais Moпse, se mettant а
portйe d'un peuple rude, a suivi ce qui apparaоt aux sens, en disant que les
luminaires appartiennent а l'ornement du firmament. Les plantes n'appartiennent
pas а l'ornement de la terre, mais les animaux seulement. Car n'importe quoi
appartient а l'ornement de ce lieu en lequel il est mы ou vraiment ou apparemment,
et non en celui oщ il se repose. Mais les plantes s'enfoncent dans la terre
jusqu'а la racine, c'est pourquoi elles n'appartiennent pas а son ornement,
mais elles sont comptйes avec elle et sa perfection. Mais les йtoiles, mкme si
elles sont mues dans ciel par soi, sont cependant mues par accident et en
apparence. Par contre, les plantes ne sont mues en aucune maniиre. Et c'est
pourquoi les plantes qui appartiennent а la perfection intrinsиque des parties
de l'univers, а savoir de la terre, durent кtres produites dans l'ordre de la
nature avant les luminaires qui appartiennent а l'ornement du ciel.
# 31. La terre et l'eau, dont il est fait mention au
commencement, avant la production du firmament, ne sont pas reзues, selon
Augustin (La Genиse contre les Manichйens, VII et V), pour l'йlйment terre et
eau mais sous le nom de la terre et de l'eau, dans le lieu susdit, on comprend
la matiиre premiиre sans forme dйnuйe de toute espиce. Car Moпse ne pouvait,
parlant а un peuple rude, exprimer la matiиre premiиre, que sous l'image de ce
qu'ils connaissaient et qui est plus proches de l'absence de forme, а savoir
ayant plus de matiиre et moins de forme; c'est pourquoi il l'exprime sous une
image multiple, ne l'appelant pas seulement terre ou eau, mais terre et eau,
pour que, s'il en exprimait seulement un autre, on croirait que c'est
vйritablement la matiиre premiиre. Cependant elle a une ressemblance avec la
terre, en tant qu'elle est а l'йtat latent qu'elle demeure avec les formes,
comme la terre avec les plantes etc.. Mais la terre parmi tous les йlйments a
moins d'espиce, puisqu'elle est un йlйment plus concret, ayant beaucoup de
matiиre, et peu de forme. Mais elle ressemble а l'eau, dans la mesure oщ elle
est destinйe а recevoir diverses formes. Car l'humide, qui convient а l'eau,
est bien susceptible d'кtre reзu et limitй.
Et selon cela, la terre est appelй vide et dйserte, ou
invisible et non composйe, parce que la matiиre est connue par la forme; c'est
pourquoi, considйrйe en soi, on la dit invisible, c'est-а-dire inconnaissable,
et vide, dans la mesure oщ la forme est la fin а laquelle tend l'appйtit de la
matiиre; car on appelle vide, ce qui est privй de sa fin ou on l'appelle vide
par comparaison au composй dans lequel elle subsiste; car la vide est opposй а
la soliditй et а la consistance. On l'appelle non composйe parce qu'elle ne
subsiste pas sans composй, et elle n'a pas la beautй de ce qui est en acte. On
l'appelle dйserte, parce que la puissance de la matiиre est complйtйe par la
forme; c'est pourquoi Platon (dans le Timйe)
a dit que la matiиre йtait un lieu, parce que sa rйceptivitй est d'une certaine
maniиre semblable а celle du lieu, dans la mesure oщ dans une matiиre qui
demeure, se succиdent diffйrentes formes; comme, dans un seul lieu, diffйrents
corps; c'est pourquoi ce qui appartient au lieu, est appelй matiиre par
ressemblance; et ainsi la matiиre est dite dйserte, parce qu'elle manque de la
forme, qui comble sa capacitй et sa puissance. Donc la matiиre premiиre sans
forme, par l'origine et la nature, est avant la formation du firmament, qui
cependant par nature a йtй formй, avant la terre et l'eau, dont on fait mention
le troisiиme jour, comme on l'a dit ci-dessus.
# 32. Augustin (La
citй de Dieu, XI, 33) veut qu'il ne fut pas convenable que Moпse ait omis
la production de la crйature spirituelle; et pour cela quand il est dit:"Au
commencement Dieu crйa le ciel et la terre", par ciel, il dit qu'on
comprend la crйature spirituelle, encore sans forme, et par terre, la matiиre
corporelle encore sans forme. Et parce que la nature spirituelle est plus digne
que la nature corporelle, elle a dы кtre formйe avant. Donc la formation de la
nature spirituelle est signifiйe par la production de la lumiиre, pour qu'on le
comprenne de la lumiиre spirituelle; car la formation de la nature spirituelle
vient du fait qu'elle est йclairйe pour adhйrer au Verbe de Dieu, non par une
gloire parfaite, avec laquelle elle n'a pas йtй crййe, mais par la lumiиre de
la grвce, avec laquelle elle a йtй crййe. Mais une telle lumiиre spirituelle
prйcиde le firmament dans l'ordre de la nature. Mais selon d'autres docteurs,
la lumiиre produite le premier jour fut corporelle; laquelle est produite dans
le ciel le premier jour, avec la substance du soleil selon la nature commune de
la lumiиre; mais le quatriиme jour son pouvoir a йtй rйglй pour des effets
dйterminйs.
# 33. Comme la production de ces animaux, appartient а
l'ornement des parties de l'univers, elle est ordonnйe selon l'ordre de ces
parties qui sont ornйes par elles, plus que selon leur propre dignitй. Alors
l'air et l'eau, а l'ornement desquelles appartiennent les poissons et les
oiseaux sont, par ordre de nature, avant et plus dignes que la terre, а
l'ornement de laquelle appartiennent les animaux qui marchent; c'est pourquoi
la production des volatiles et des poissons, ou des animaux qui nagent, dut
кtre dйcrite avant celle de ceux qui marchent. On pourrait dire, que la voie de
la gйnйration passe de l'imparfait imparfaites au parfait, et dans cet ordre,
parce que ce qui est moins parfait est produit avant dans l'ordre de la nature.
Car, dans la voie de la gйnйration, plus quelque chose est parfait, et plus il
ressemble а l'agent, plus il est tardif dans le temps, bien qu'il soit premier
en nature et dignitй. Et c'est pourquoi, parce que l'homme est le plus parfait
des animaux, il a dы кtre crйй en dernier parmi eux, et non immйdiatement aprиs
les corps cйlestes, qui ne sont pas ordonnйs aux corps infйrieurs selon la voie
de la gйnйration, puisqu'ils ne communiquent pas dans la matiиre avec eux, mais
ont une matiиre d'une autre nature[15].
# 34. Les oiseaux et les poissons s'accordent plus entre
eux quant а la matiиre d'oщ ils sont produits, qu'avec les animaux terrestres.
Car on dit que les poissons et les oiseaux sont faits d'eau; les poissons,
d'une eau plus йpaisse; et les oiseaux d'une eau plus subtile, parce qu'elle a
йtй dйcomposйe en vapeur comme intermйdiaire entre l'air et l'eau; et c'est
pour cela que les oiseaux s'йlиvent dans l'air, et que les poissons sont laissй
aux profondeurs de l'eau. Mais les animaux sont destinйs а diffйrents jours ou
а un seul, selon l'unitй ou la diversitй de la matiиre dont leur corps est
composй. Donc comme on dit que les poissons et les oiseaux sont composйs d'eau,
parce que, alourdis par leur propre structure, par comparaison а celle due au
genre commun, ils ont, en leur composition, plus d'eau que les autres animaux;
mais on dit que les animaux terrestres sont composйs de terre, c'est pour cela
qu'on compte un jour pour la production des poissons et des oiseaux, et un
autre pour la production des animaux terrestres. D'autre part la production des
animaux est racontйe seulement selon qu'ils sont dans l'ornement des parties du
monde et c'est pourquoi les jours de production des animaux sont seulement
distinguйs selon cette convenance ou cette diffйrence par laquelle ils se
ressemblent ou diffиrent en ornant une partie du monde. Mais parce que le feu
et l'eau ne sont pas distinguйs par le peuple parmi les parties du monde, ils
ne sont pas nommйs expressйment par Moпse, mais comptйs avec ce qui est
l'intermйdiaire, c'est-а-dire l'eau, surtout pour la partie infйrieur de l'air.
C'est pourquoi pour les oiseaux et les poissons, qui appartiennent а l'ornement
de l'eau et de l'air, а la partie infйrieure de l'air, qui rejoint l'eau, un
jour est rйservй, mais pour tous les animaux terrestres, qui appartiennent а
l'ornement de la terre, c'est un autre jour.
Rйponse aux arguments en sens contraire:
Si quelqu'un veut soutenir l'opinion de Grйgoire et des
autres, qui pensent, qu'entre ces jours, il y eut une succession temporelle et
que la productions des choses a йtй faite successivement (de sorte que quand le
ciel et la terre ont йtй crййs, il n'y avait pas encore de lumiиre ni de
firmament formй, et la terre n'йtait pas dйcouverte par les eaux, ni les
luminaires du ciel formйs), on peut rйpondre ainsi:
# 1. Au premier argument, on dit que le jour oщ Dieu crйa
le ciel et la terre, c'est-а-dire les corps cйlestes, et les quatre йlйments
selon leurs formes substantielles, il crйa aussi toute la verdure des champs,
non en acte, avant qu'elle sorte sur la terre, mais en puissance, parce que,
par la suite, le troisiиme jour, elle a йtй amenйe а l'existence en acte.
# 2. Selon Grйgoire (Les
Morales, livre 33, ch. 9), quand Dieu crйa l'ange, il crйa aussi l'homme,
non en acte, ou en soi, mais en puissance, ou en sa ressemblance, dans la
mesure oщ il s'accorde avec les anges selon l'intellect, mais par la suite, le
sixiиme jour, il a existй en acte et produit en lui-mкme.
# 3. Ce n'est pas la mкme disposition pour une chose dйjа
parfaite et pour celle qui est en devenir. Aussi quoique la nature du monde
parfait et complet exige que toutes les parties essentielles de l'univers
existent en mкme temps, il a pu cependant en кtre autrement au commencement du
monde, ainsi dans l'homme parfait, le coeur ne peut pas exister sans les autres
parties, et cependant, dans la formation de l'embryon, le coeur est engendrй
avant tous les membres. Ou on peut dire qu'en ce commencement, il y eut les
corps cйlestes, et tous les йlйments selon leurs formes substantielles,
produits en mкme temps que les anges, qui sont les parties principales de
l'univers, mais les jours suivants, il y eut dans la nature mкme dйjа produite
quelque chose de fait, concernant la perfection et la beautй de ces parties
dйjа produites.
# 4. Quoique les docteurs grecs aient tenu а ce que la
crйature spirituelle ait йtй crййe avant la crйature corporelle, cependant les
docteurs latins pensent que les anges ont йtй crййs en mкme temps que la nature
corporelle, pour conserver le fait que l'univers, quant а ses parties
principales avait йtй produit en mкme temps. En effet, comme les crйatures
corporelles sont un tout dans la matiиre crййe, et que la matiиre corporelle de
la crйature a йtй crййe en mкme temps que les anges, d'une certaine maniиre on
peut dire que tout a йtй crйй en mкme temps, en acte ou en puissance. Mais les
anges ne se rencontrent pas dans la matiиre avec la crйature corporelle, c'est pourquoi,
les anges une fois crййs, il n'y aurait pas eu en quelque maniиre une nature
corporelle crййe, ni par consйquent pas d'univers mкme; aussi il est
raisonnable qu'ils aient йtй produits en mкme temps que la nature corporelle.
Et ainsi tous les corps ont йtй crййs ensemble, non en acte, mais quant а la
matiиre sans forme d'une certaine maniиre; par la suite successivement par la
distinction et l'ornement de la crйature qui prйexistaient dйjа en acte, ils
ont йtй produits d'une certaine maniиre.
# 5. De mкme que la crйature n'a pas l'кtre d'elle-mкme,
elle n'a pas non plus sa perfection d'elle-mкme, mais de Dieu; c'est pourquoi,
comme pour montrer que la crйature reзoit l'кtre de Dieu et non d'elle-mкme, il
a voulu que d'abord elle ne soit pas et qu'ensuite elle soit; de mкme aussi
pour montrer que la crйature n'aurait pas sa perfection d'elle-mкme, il a voulu
d'abord qu'elle soit imparfaite, et qu'ensuite successivement elle soit achevйe
par l'oeuvre de distinction et d'ornement. Ou il faut dire que, dans la
crйation non seulement on doit montrer le pouvoir de la puissance, mais aussi
l'ordre de la sagesse divine, pour que, ce qui est avant par nature soit
constituй avant aussi; et ainsi ce n'est pas par l'impuissance de Dieu, comme
s'il manquait de temps pour opйrer, que tout n'est pas produit en mкme temps,
distinguй et ornй, mais pour que l'ordre de la sagesse soit conservй dans la
constitution des crйatures. Et c'est pourquoi il a fallu que diffйrents jours
soient conservйs pour les diffйrentes situations du monde. Car aprиs l'oeuvre
de la crйation, toujours par l'oeuvre suivante, une nouvelle situation de
perfection a йtй ajoutйe au monde, et c'est pourquoi pour montrer cette
perfection et cette nouveautй, Dieu a voulu qu'а chaque distinction et а chaque
ornement rйponde un jour et (montrer) que cela ne venait pas d'une impuissance
ou d'une lassitude de l'agent.
# 6. Cette lumiиre, qui lit-on, a йtй crййe le premier
jour, selon Grйgoire et Denys, est la lumiиre du soleil; qui, en mкme temps
avec la substance des luminaires, qui est son substrat, fut produite le premier
jour selon la nature habituelle de la lumiиre. Mais le quatriиme jour, un
pouvoir dйterminй a йtй attribuй aux luminaires pour des effets dйterminйs,
selon que nous voyons que le rayon du soleil a des effets diffйrents du rayon
de la lune et ainsi de suite. Et c'est pour cela que Denys (Les noms divins, ch. 4) dit que cette
lumiиre fut celle du soleil, mais encore sans forme, du fait qu'elle йtait dйjа
substance du soleil, et avait en commun le pouvoir d'йclairer, mais aprиs le
quatriиme jour, elle a йtй mise en forme, non dans la forme substantielle
qu'elle eut le premier jour, mais selon les conditions accidentelles par la
disposition d'un pouvoir dйterminй du fait que par la suite un pouvoir spйcial
et dйterminй lui a йtй donnй pour des effets particuliers. Et ainsi dans sa
production, la lumiиre a йtй distinguйe des tйnиbres de trois maniиres:
1) Quant а sa cause, selon que celle-ci йtait dans la
substance du soleil, mais la cause des tйnиbres йtait dans l'opacitй de la
terre.
2) Elle a йtй distinguйe, quant au lieu, parce que, dans
un hйmisphиre il y avait la lumiиre, et dans l'autre, les tйnиbres.
3) Quant au temps, parce que dans un mкme hйmisphиre, il
y avait la lumiиre une partie du temps et les tйnиbres dans l'autre. Et c'est
ce qui est dit (Gn 1, 5): "Il appela lumiиre jour et les tйnиbres nuit".
Ainsi cette lumiиre ne recouvrait pas la terre partout, parce que, dans un
hйmisphиre, il y avait la lumiиre et dans l'autre les tйnиbres; et ce n'йtait
pas toujours le jour d'un cфtй, et la nuit de l'autre, mais dans le mкme
hйmisphиre, selon une partie du temps c'йtait le jour, et selon l'autre la
nuit.
# 7. Le mouvement dans le ciel est double. L'un est
commun а tout le ciel qui est appelй diurne, et il produit le jour et la nuit;
et ce mouvement paraоt avoir йtй instituй le premier jour oщ a йtй produite
sans forme la substance du soleil et des autres luminaires, comme on l'a dit.
Mais l'autre est le mouvement propre qui est diversifiй selon les diffйrents
corps cйlestes; selon lesquels le mouvement est devenu diversitй des jours
entre eux, des mois et des annйes. Le premier jour, a йtй faite la distinction
commune du temps en jour et nuit, selon le mouvement diurne, qui est commun а
tout le ciel, qui peut кtre compris comme ayant commencй le premier jour, et
c'est pourquoi, en ce premier jour, on fit mention de la seule distinction de
le nuit et du jour, qui se fait par le mouvement diurne commun а tous les
cieux. Mais le quatriиme jour a йtй faite la distinction quant aux distinctions
spйciales des jours et des temps, selon qu'un jour est plus chaud qu'un autre
et un temps plus qu'un autre et une annйe plus qu'une autre; ce qui se fait
selon les mouvements spйcifiques et propres des йtoiles qui peuvent кtre
compris comme ayant commencй le quatriиme jour. C'est pourquoi au quatriиme
jour, il est fait mention de la diversitй des jours, des temps, et des annйes,
quand il est dit (ibid 14): "Et qu'il y ait dans les temps, des jours et des
annйes". Cette diversitй se fait par des mouvements propres. Et ainsi ces
trois premiers jours qui ont prйcйdй la formation des luminaires ont йtй de la
mкme nature que les jours que le soleil fait maintenant quant а la commune
distinction du temps selon le jour et la nuit, qui se fait par le mouvement
diurne commun а tout le ciel, mais non quant aux distinctions spйcifiques des
jours qui se fait selon les mouvements propres.
# 8. Certains disent que la lumiиre, celle qui lit-on, a
йtй crййe le premier jour, a йtй une nuйe brillante qui, ensuite, quand le
soleil a йtй crйй, retourna а la matiиre prйexistante. Mais cela ne convient
pas, parce que l'Йcriture au commencent de la Genиse rappelle la constitution
de la nature qui a demeurй par la suite; c'est pourquoi, on ne doit pas dire
que quelque chose a йtй fait alors, qui aurait cessй aprиs un peu de temps. Et
c'est pourquoi, d'autres disent que cette nuйe brillante demeure encore, et est
jointe au soleil, de sorte qu'elle ne puisse pas en кtre discernйe. Mais ainsi,
cette nuйe demeurerait superflue, mais rien n'est vain ou superflu dans les
opйrations de Dieu. Et c'est pourquoi d'autres disent, que de cette nuйe a йtй
formй le corps du soleil. Mais on ne peut pas le dire, si on pense que le corps
du soleil n'est pas de la nature des quatre йlйments, mais est incorruptible
par nature; parce qu'alors sa matiиre ne peut pas exister sous une autre forme.
Et c'est pourquoi il faut dire, comme Denys le dit, (Les noms divins, ch. 4), que cette
lumiиre fut celle du soleil, mais encore sans forme, elle йtait dйjа substance
du soleil et avait le pouvoir de tout йclairer, mais par la suite le quatriиme
jour lui a йtй donnй un pouvoir spйcifique et dйterminй pour des effets propres
et particuliers. Et ainsi le jour et la nuit devenaient par le mouvement
circulaire de cette lumiиre oщ elle arrivait et d'oщ elle repartait. Et il
n'est pas inconvenant que les substances des sphиres, qui renvoyait cette
lumiиre d'un mouvement commun et diurne, ait existй au dйbut de la crйation,
auxquelles par la suite des pouvoirs ont йtй ajoutйs dans les oeuvres de
distinction et d'ornement.
# 9. Dans la production de la lumiиre, on comprend la
qualitй de luminositй et de transparence qui est ramenйe au genre de la
lumiиre, a йtй alors placйe dans les corps lumineux et transparents. Et parce
que le soleil est principe et source de la lumiиre, йclairant les corps
supйrieurs et infйrieurs, Denys comprend par elle la lumiиre sans forme du
soleil, qui distinguait d'un mouvement commun et diurne, le jour et la nuit,
comme il le fait maintenant.
# 10. Et cela йclaire la rйponse а l'argument 10, parce
que cette lumiиre ne fut pas vraiment une nuйe selon sa substance, qui par la
suite aurait cessй d'exister, mais elle pu кtre appelйe nuйe selon la
ressemblance de sa nature, parce que, de mкme qu'une nuйe lumineuse reзoit la
lumiиre du soleil dans une clartй moindre que celle qui est dans la source, de
mкme aussi la substance du soleil eut d'abord dans ces trois premiers jours une
lumiиre imparfaite et comme sans forme, qui par la suite a йtй achevйe le
quatriиme jour; c'est pourquoi, cette substance lumineuse du soleil a existй,
parce que, au commencement de la crйation, elle eut une forme substantielle,
mais on dit que le soleil a йtй fait d'elle le quatriиme jour, non selon la
substance, mais par addition d'un nouveau pouvoir, de mкme qu'on dit que de
l'homme non musicien, qu'il est devenu musicien, non en substance, mais par son
pouvoir.
[1] Ia, 66, a.1 – Ia, 69, a. 1,
–Ia, q. 74, a. 2 –II Sent. d12a4.
[2]
Trad. B. J. "C'est Toi qui as fait ce qui est passй, et ce qui arrive
maintenant et ce qui arrivera plus tard." TOB. "Car tu as fait les
йvйnements d'autrefois, de maintenant et du futur; tu as mйditй le prйsent et
l'avenur et ce que tu avais dans l'esprit est venu а l'existence."
[3]
"Lors donc que nous entendons: "Et Dieu dit: que cela soit, nous
comprenons qu'il йtait dans le Verbe de Dieu que cela fut fait". Et ainsi
fut fait, suffit а nous faire comprendre que Dieu a dit cela en son Verbe et
l'a fait pas son Verbe." (Trad. BA)
[4]
C'est-а-dire rйels.
[5]
Angelos, йd. Vivиs et Marieti. Je me permets de lire angelus, peut-кtre а tort,
ne voyant pas quelle fonction donner а angelos.
[6]
Thomas Lectio VI, n° 59.
[7]
Il s'agit de l'article prйcйdent qu. 4, a. 1.
[8]
Cf. La pierre d'angle (Ps. 11, 72; Rm 9, 33; Eph. 2, 20, etc..
[9]
"Si donc les anges prennent rang sans l'oeuvre des six jours, ils sont
assurйment cette lumiиre appelйe jour et non pas le premier jour, mais un seul
jour pour en recommander l'unitй." (Trad; L. Moreau)
[10]
Cf. Sol. 15, § 2.
[11]
Cf. Sol. 14, fin.
[12]
"Prиs de" est traduit en rapport avec le texte d'Aristote. "En
outre quand deux choses sont trиs voisines l'une de l'autre... il faut les
considйrer en partant de leurs consйquents." (Tra. J. Tricot).
[13]
I Co. 13, 8: "La charitй ne passera jamais. Les Prophйties? Elles
disparaоtront.".
[14]
Sans doute inspirй d'Augustin .
[15]
Cf. II Sent. d12q1a1.
Question 5: La conservation des crйatures dans
l'кtre par Dieu.
q. 5 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum res conserventur in esse a Deo, an etiam circumscripta omni Dei
actione, per se in esse remaneant. 1. Les crйatures sont-elles conservйes dans l’кtre par Dieu, ou encore
si on restreint toute action de sa part, demeurent-elles en l’кtre par
elles-mкmes? q. 5 pr. 2 Secundo
utrum Deus possit alicui creaturae communicare quod per se in esse c onservetur
absque Deo. 2. Dieu peut-il communiquer а une crйature le pouvoir de se conserver
dans l’кtre par soi et sans lui? q. 5 pr. 3 Tertio
utrum Deus possit creaturam in nihilum redigere. 3. Dieu peut-il ramener les crйatures au nйant? q. 5 pr. 4 Quarto
utrum aliqua creatura in nihilum sit redigenda, vel etiam in nihilum redigatur. 4. Une crйature doit-elle retourner au nйant, ou mкme y
retourne-t-elle? q. 5 pr. 5 Quinto
utrum motus caeli quandoque deficiat. 5. Le mouvement du ciel cessera-t-il un jour? q. 5 pr. 6 Sexto
utrum sciri possit ab homine quando motus caeli finiatur. 6. L'homme peut-il savoir quand le mouvement du ciel s'arrкtera? q. 5 pr. 7 Septimo
utrum cessante motu caeli elementa remaneant. 7. Quand cessera le mouvement du ciel, les йlйments demeureront-ils? q. 5 pr. 8 Octavo
utrum cessante motu caeli remaneat actio et passio in elementis. 8. Quand cessera le mouvement du ciel, l'action et la passion
demeureront-elles dans les йlйments? q. 5 pr. 9 Nono
utrum plantae et animalia bruta et corpora mineralia remaneant post finem
mundi. 9. Les plantes, les animaux et les minйraux demeureront-ils aprиs la
fin du monde? q. 5 pr. 10 Decimo
utrum corpora humana remaneant, motu caeli cessante. 10. Les corps humains demeureront-ils quand cessera le mouvement du
ciel?
Article 1: Les crйatures sont-elles conservйes а l'кtre par Dieu ou
mкme si on restreint toute action de sa part, demeurent-elles en l'кtre par
elles-mкmes?
q. 5 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum res conserventur in esse a Deo, an etiam circumscripta
omni Dei actione, per se in esse remaneant. Et videtur quod sic.
Il semble que oui:
Objections[1]:
q. 5 a. 1 arg. 1
Dicitur enim Deut. XXXII, 4: Dei perfecta sunt
opera. Ex hoc sic arguitur. Perfectum est cui nihil deest, secundum philosophum.
Ei autem aliquid deest ad suum esse quod non potest esse nisi aliquo exteriori
agente. Ergo huiusmodi perfectum non est; Dei ergo talia
opera non sunt. 1. Car il est dit en Dt. 32,4: "Les oeuvres de Dieu sont parfaites".
On argumente ainsi: Est parfait ce а quoi rien ne manque, selon le Philosophe (Physique, III, 6, 207 a 10[2]). Il
manque quelque chose а l'кtre de celui qui ne peut pas exister sans un agent
extйrieur. Donc il n'est pas parfait; donc il n'y a pas de telles oeuvres qui
viennent de Dieu.
q. 5
a. 1 arg. 2 Sed dicebat, quod opera Dei non sunt perfecta simpliciter, sed
secundum suam naturam.- Sed contra, perfectum secundum suam naturam est quod
habet illud cuius sua natura est capax. Sed quidquid habet totum illud cuius
sua natura est capax, potest remanere in esse, omni Dei conservatione exteriori
cessante. Ergo si creaturae aliquae sunt perfectae secundum suam naturam,
possunt remanere in esse, Deo non conservante. Probatio mediae. Deus
conservando res, aliquid agit: propter quod dicitur Ioan. V, 17: pater meus
usque modo operatur, et ego operor, ut dicit Augustinus. Agente autem aliquid
operante, effectus aliquid recipit. Ergo quamdiu Deus conservat res, semper res
conservatae aliquid a Deo recipiunt: quamdiu ergo res conservatione indiget,
nondum totum habet cuius est capax. 2. Mais on pourrait dire que les oeuvres de Dieu ne sont pas parfaites
dans l'absolu, mais parfaites dans leur nature. – En sens contraire [1[3]] est
parfait en sa nature ce qui a ce dont elle est capable. [2] Mais tout ce qui a
tout ce dont sa nature est capable peut demeurer dans l'кtre, si toute
conservation extйrieure de Dieu cesse. [3] Donc si des crйatures sont parfaites
en leur nature, elles peuvent demeurer dans l'кtre, sans que Dieu les y
conserve. Preuve de l'argument intermйdiaire: [2] Dieu en conservant fait
quelque chose; c'est pour cela qu'il est dit en Jn 5 ,17: "Mon Pиre opиre
jusqu'а maintenant et moi aussi j'opиre", comme le dit Augustin (La Genиse au sens littйral, V, XII, 22[4]).
Si l'agent fait quelque chose, l'effet le reзoit. Donc tant que Dieu les
conserve, ces кtres conservйs reзoivent toujours quelque chose de Dieu: donc
tant que l'кtre a besoin d'кtre conservй, il n'a pas encore tout ce dont il est
capable.
q. 5 a. 1 arg. 3
Praeterea, unumquodque non est perfectum nisi perficiat hoc ad quod est. Sed principia ad hoc sunt, ut rem in esse
conservent. Si ergo principia creata rerum non possunt rem in esse tenere,
sequitur ea esse imperfecta, et ita non esse Dei opera: quod est absurdum. 3. Tout кtre n'est parfait que s'il accomplit ce pour quoi il existe.
Mais les principes sont pour conserver la crйature dans l'кtre. Donc si les
principes crййs ne peuvent la conserver, il s'ensuit qu'ils sont imparfaits et
qu'ils ne sont pas les oeuvres de Dieu, ce qui est absurde.
q. 5 a. 1 arg. 4
Praeterea, Deus est causa rerum sicut efficiens. Sed cessante actione causae
efficientis, remanet effectus; sicut cessante actione aedificatoris, remanet
domus, et cessante actione ignis generantis, adhuc remanet ignis generatus.
Ergo et cessante omni Dei actione, adhuc possunt creaturae in esse remanere. 4. Dieu est en quelque sorte la cause efficiente des crйatures. Mais si
l'action de la cause efficiente cesse, l'effet demeure. Ainsi quand cesse
l'action du bвtisseur, la maison demeure et quand cesse l'action du feu qui
engendre, reste le feu qui en est engendrй. Donc quand toute action de Dieu
cesse, les crйatures peuvent encore demeurer dans l'кtre.
q. 5 a. 1 arg. 5 Sed
dicebat, quod agentia inferiora sunt causa fiendi et non essendi; unde esse
effectuum remanet remota actione causarum fieri. Deus autem est causa rebus non
solum fiendi, sed essendi. Unde esse rerum remanere non potest, divina actione
cessante.- Sed contra, omnis res generata habet esse per suam formam. Si ergo
causae inferiores generantes non sunt causae essendi, non erunt causae
formarum; et ita formae quae sunt in materia, non sunt a formis quae sunt in
materia secundum sententiam philosophi, qui dicit, forma quae est in his
carnibus et ossibus, est a forma quae est in his carnibus et ossibus: sed
sequitur quod formae in materia sint a formis sine materia, secundum sententiam
Platonis, vel a datore formarum, secundum sententiam Avicennae. 5. Mais on pourrait dire que les agents infйrieurs sont causes du
devenir et non de l'кtre; c'est pourquoi l'кtre des effets demeure, une fois
retirйe l'action des causes du devenir. Mais Dieu est la cause non seulement de
leur devenir mais de leur кtre. C'est pourquoi l'кtre des choses ne peut pas
demeurer, si l'action divine cesse. – En sens contraire: tout ce qui est
engendrй possиde l'кtre par sa forme. Si donc les causes infйrieures qui
engendrent ne sont pas causes de l'кtre, elles ne seront pas causes des formes,
et ainsi les formes qui sont dans la matiиre ne viennent pas des formes qui
sont en elle, comme l'affirme le Philosophe, (Mйtaphysique, VII, 8, 1034 a 5[5]), qui dit que la forme qui est
dans ces chairs et ces os vient de celle qui est dans ces chairs et ces os.
Mais il s'ensuit que les formes dans la matiиre viennent des formes sans
matiиre, selon l'opinion de Platon - ou du pourvoyeur de formes - selon
l'opinion d'Avicenne (Mйtaphysique,
IX, ch. 5, 410-411 et surtout 413).
q. 5 a. 1 arg. 6
Praeterea, ea quorum esse est in fieri, non possunt remanere cessante actione
agentis, ut patet de motu et de agone, et similibus; illa vero quorum esse est
in facto esse, possunt remanere etiam agentibus remotis. Unde Augustinus dicit:
praesente lumine non factus est aer lucidus, sed fit; quia si factus esset, non
fieret; sed absente lumine lucidus remaneret. Multae autem creaturae sunt
quorum esse non est in fieri, sed in facto esse; ut patet de Angelis, et de
corporibus etiam omnibus. Ergo, cessante actione Dei agentis, creaturae possunt
remanere in esse. 6. Ceux dont l'кtre est en devenir ne peuvent demeurer, quand cesse
l'action de l'agent, comme cela est йvident pour le mouvement et la lutte,
etc.. Mais ce dont l'кtre est dans un кtre produit peut demeurer, mкme si les
agents sont йcartйs. C'est pourquoi Augustin (La Genиse au sens littйral, VIII, XII, 26[6]) dit: "Quand la
lumiиre est prйsente, l'air qui n'йtait pas devenu lumineux, le devient; parce
que, s'il йtait devenu lumineux, il ne le deviendrait pas; mais en l'absence de
lumiиre, il demeurerait lumineux". Mais il y a beaucoup de crйatures dont
l'кtre n'est pas en devenir, mais dйjа produit; comme c'est йvident pour les
anges et mкme pour tous les corps. Donc, si l'action de Dieu agent cesse, les
crйatures peuvent demeurer dans l'кtre.
q. 5 a. 1 arg. 7
Praeterea, causae inferiores generantes sunt rebus generatis causae essendi, ut
supra probatum est; non tamen sicut causae principales et primae, sed sicut
causae secundae. Causa autem prima essendi, quae Deus est, rebus generatis non
dat principium essendi, nisi mediantibus causis secundis praedictis. Ergo nec
permanentiam in esse, quia eadem res per idem habet esse et in esse
conservatur. Sed esse generatorum conservatur ex ipsis principiis essentialibus
generatorum, cessantibus causis secundis agentibus. Ergo etiam cessante causa
prima agente, quae Deus est. 7. Les causes infйrieures qui engendrent sont causes d'кtre pour ce qui
est engendrй, comme on l'a prouvй plus haut; non cependant comme causes
principales et premiиres, mais comme causes secondes. Mais la cause premiиre de
l'кtre, qui est Dieu, ne donne le principe d'кtre aux choses engendrйes que par
l'intermйdiaire des causes secondes, dont on a parlй. Donc il ne donne pas non
plus la permanence dans l'кtre, parce qu'une mкme chose a l'кtre et est
conservй dans l'кtre par le mкme. Mais l'кtre de ce qui est engendrй est
conservй par les principes essentiels de ceux qui les engendrent, si cessent
les causes secondes qui agissent. Donc aussi quand cesse la cause premiиre
efficiente, qui est Dieu.
q. 5 a. 1 arg. 8
Praeterea, si res aliqua deficit esse, aut hoc est propter materiam, aut
propter hoc quod est ex nihilo. Materia autem non est causa corruptionis nisi
secundum quod est subiecta contrarietati; non autem in omnibus creaturis est
materia contrarietati subiecta. Ergo illa in quibus non est materia
contrarietati subiecta, sicut sunt corpora caelestia et Angeli, non possunt
deficere ratione materiae, nec iterum ratione eius quod sunt ex nihilo, quia ex
nihilo nihil sequitur et nihilum nihil agit, et ita non corrumpit. Ergo
cessante omni actione divina, huiusmodi res esse non deficerent. 8. Si quelque chose est dйfaillante en son кtre, c'est а cause de la
matiиre ou parce qu'elle vient du nйant. Mais la matiиre n'est cause de corruption
que selon qu'elle est soumise а la contrariйtй. Ce n'est pas dans toutes les
crйatures que la matiиre y est soumise. Donc celles en qui il n'y a pas de
matiиre soumise а la contrariйtй, comme les corps cйlestes et les anges, ne
peuvent кtre dйfaillantes а cause de la matiиre, ni non plus en raison de ce
qu'ils viennent du nйant, parce que de rien, rien ne vient et rien ne fait rien
et ainsi (le nйant) ne corrompt pas. Donc, quand cesse toute action divine, de
telles choses n'abandonnent pas leur кtre.
q. 5 a. 1 arg. 9
Praeterea, forma incipit esse in materia in istanti quod est ultimum factionis,
in quo res non est in fieri, sed in facto esse. Sed secundum Avicennae
sententiam, formae rerum generatarum infunduntur in materia ab intelligentia
agente, quae est datrix formarum. Ergo illa intelligentia est causa essendi,
non tantum fiendi; et ita per actionem eius res possunt conservari in esse,
etiam circumscripta Dei conservatione. 9. La forme commence d'кtre dans la matiиre а l'instant ultime de sa
production, oщ la chose n'est pas en devenir mais est dйjа produite. Mais selon
l'opinion d'Avicenne (Mйtaphysique,
IX, 5, 410 etc.), les formes de ce qui est engendrй sont introduites dans la
matiиre par une Intelligence agente pourvoyeuse de formes. Donc cette
intelligence est cause d'кtre et non seulement du devenir, et ainsi par son
action, les choses peuvent кtre conservйes dans l'кtre mкme si on йcarte la
conservation par Dieu.
q. 5
a. 1 arg. 10 Praeterea, etiam forma substantialis est causa essendi. Si ergo
causae essendi sunt quae conservant res in esse, ipsa forma rei sufficit ad hoc
quod res in esse conservetur. 10. La forme substantielle aussi est cause d'кtre. Si donc les causes
d'кtre sont celles qui conservent dans l'кtre, la forme suffit pour que la
chose y soit conservйe.
q. 5 a. 1 arg. 11
Praeterea, res conservantur in esse per materiam, in quantum sustinet formam.
Sed materia, secundum philosophum, est ingenita et incorruptibilis, et ita non
est causata ab aliqua causa; et sic remanet, omni actione causae efficientis
remota. Ergo adhuc res poterunt conservari in esse, cessante actione primae
causae efficientis, scilicet Dei. 11. Les choses sont conservйes dans l'кtre par la matiиre, dans la
mesure oщ elle porte la forme. Mais la matiиre, selon le Philosophe, n'est ni
engendrйe, ni corruptible, et ainsi elle n'a pas de cause, et elle demeure
quand toute action de la cause efficiente est йcartйe. Donc les choses pourront
encore кtre conservйes dans l'кtre, si cesse l'action de la premiиre cause
efficiente, а savoir de Dieu.
q. 5
a. 1 arg. 12 Praeterea, Eccli. XXXIII, 15: dicitur: intuere in omnia opera
altissimi: duo contra duo, unum contra unum. Sed inter opera altissimi
invenitur aliquid quod indiget Dei conservatione. Ergo etiam invenitur inter
opera Dei eius oppositum, scilicet quod non indiget Dei conservatione. 12. Il est dit dans l'Ecclйsiaste (33, 15): "Regarde dans toutes
les oeuvres du Trиs Haut; deux contre deux, une contre une[7]". Mais,
parmi ses oeuvres, on trouve quelque chose qui a besoin d'кtre conservй par
Dieu. Donc on trouve aussi parmi ses oeuvres l'opposй, а savoir ce qui n'en a
pas besoin.
q. 5 a. 1 arg. 13
Praeterea, appetitus naturalis non potest esse cassus et vanus. Sed quaelibet
res naturaliter conservationem sui esse appetit. Potest ergo res per se ipsam
conservari in esse; alias appetitus naturalis esset vanus. 13. L'appйtit naturel ne peut pas кtre vain et sans objet. Mais tout
dйsire par nature la conservation de son кtre. Donc, une chose peut se
conserver а l'кtre par soi, autrement l'appйtit naturel serait vain.
q. 5
a. 1 arg. 14 Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus fecit singula bona, simul
autem omnia valde bona: propter quod dicitur Genes. I, 31: vidit Deus cuncta
quae fecerat, et erant valde bona. Ipsa ergo creaturarum universitas est valde
bona et optima; optimi enim est optima adducere, secundum Platonem in Timaeo.
Sed melius est quod non indiget aliquo exteriori ad sui conservationem, eo quod
indiget. Ergo universitas creaturarum non indiget aliquo exteriori conservante. 14. Augustin dit (Enchiridion,
III, 10) que Dieu fit bonne chaque chose particuliиre, et, tout en mкme temps
trиs bon; c'est pour cela qu'il est dit (Gn. 1, 31): "Dieu vit tout ce
qu'il avait fait et c'йtait trиs bon". Donc l'universalitй des crйatures
est trиs bonne et la meilleure. Car il appartient au meilleur de causer le
meilleur, selon Platon dans le Timйe.
Mais ce qui n'a pas besoin de quelque chose d'extйrieur pour sa conservation
est meilleur que ce qui en a besoin. Donc l'universalitй des crйatures n'a
besoin de rien d'extйrieur qui les conserve.
q. 5 a. 1 arg. 15 Praeterea, beatitudo est
aliquid creatum in natura beatorum. Sed beatitudo est status omnium bonorum
congregatione perfectus, ut Boetius dicit; quod non esset, nisi in se
includeret sui conservationem, quod est unum de maxime bonis. Ergo
aliquid creatum est quod per se ipsum potest conservari in esse. 15. Le bonheur est quelque chose de crйй dans la nature des
bienheureux. Mais le bonheur est un йtat parfait par la rйunion de tous les
biens, comme le dit Boиce (Consol. III, prose 2), ce qui ne serait, que s'il
incluait en lui sa conservation, qui est l'un des biens au plus haut point.
Donc il y a quelque chose de crйй qui peut se conserver а l'кtre par soi.
q. 5 a. 1 arg. 16
Praeterea, dicit Augustinus, quod Deus ita administrat res sua providentia,
quod tamen sinit eas agere proprios motus. Sed proprius motus naturae ex nihilo
existentis est ut in nihilum tendat. Ergo dominus permittit naturam quae est ex
nihilo, in nihilum tendere. Non ergo conservat res in esse. 16. Augustin dit (La citй de Dieu,
VII, 30) que Dieu administre ses oeuvres par sa Providence; il leur permet
cependant d'accomplir leurs propres mouvements. Mais le mouvement le plus
propre de la nature qui vient du nйant est d'y tendre. Donc Dieu permet а la
nature qui vient du nйant de tendre au nйant. Donc il ne conserve pas ses
crйatures dans l'кtre.
q. 5 a. 1 arg. 17
Praeterea, recipiens quod est contrarium recepto, non conservat receptum, sed
magis ipsum destruit. Videmus enim quod quae recipiuntur ab agentibus
naturalibus per violentiam in suis contrariis, remanent ad horam, cessante
actione naturalium agentium; sicut calor remanet in aqua calefacta, cessante
actione ignis, ad horam. Effectus autem Dei non recipiuntur in aliquo
contrario, sed in nihilo; quia ipse est auctor totius substantiae rei. Ergo
multo magis remanebunt divini effectus vel ad horam, divina actione cessante. 17. Celui qui reзoit ce qui est contraire а ce qu'il a reзu, ne le
conserve pas, mais plutфt il le dйtruit. Car nous voyons que ce que les agents
naturels reзoivent par violence dans leurs contraires demeure un instant, quand
cesse l'action des agents naturels; ainsi la chaleur demeure dans l'eau
chauffйe quand cesse un instant l'action du feu. Les effets de Dieu ne sont pas
reзus dans quelque chose de contraire mais en rien, parce qu'il est l'auteur de
toute la substance. Donc les effets divins demeureront beaucoup plus, mкme un
instant, si cesse l'action de Dieu.
q. 5 a. 1 arg. 18
Praeterea, forma est principium cognoscendi, operandi et essendi. Sed forma
absque exteriori adminiculo potest esse operandi principium et cognoscendi.
Ergo et essendi; et ita cessante omni Dei actione res per formam potest
conservari in esse. 18. La forme est le principe pour connaоtre, opйrer et кtre. Mais la
forme sans appui extйrieur peut кtre principe d'opйration et de connaissance.
Donc d'кtre aussi et ainsi quand l'action de Dieu cesse, la chose peut кtre
conservйe а l'кtre par la forme.
En sens contraire:
q. 5 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Hebr. I, 3: portans omnia verbo virtutis suae; ubi
dicit Glossa: sicut ab eo creata sunt, ita per eum immutabilia conservantur. 1. Il y a ce qui est dit en Hйbr. 1, 3: "Soutenant tout par sa
parole puissante[8]." oщ la glose dit: "De mкme qu'ils ont йtй crййs
par lui, ils sont conservй par lui, immuables.".
q. 5 a. 1 s. c. 2
Praeterea, Augustinus dicit: creatoris potentia et omnipotentis virtus causa
subsistendi est omni creaturae; quae virtus ab eis quae creata sunt regendis si
aliquando cessaret, simul et illorum cessaret species, omnisque natura
concideret. Et infra. Mundus nec in ictu oculi stare poterit, si ei Deus
regimen suum subtraxerit. 2. Augustin dit (La Genиse au
sens littйral, IV, XII, 22): "La puissance du crйateur et le pouvoir
du tout Puissant sont la cause de la subsistance de toute crйature. Si ce
pouvoir cessait de s'exercer un instant, sur les crйatures, en mкme temps leur
forme cesserait et tout leur nature s'effondrerait." Et plus bas: "Le
monde ne pourrait pas demeurer le temps d'un clin d'oeil si Dieu lui retirait
son gouvernement ."
q. 5 a. 1 s. c. 3
Praeterea, Gregorius dicit, quod omnia in nihilum deciderent, nisi ea manus
omnipotentis contineret. 3. Grйgoire [le Grand] dit (Les
Morales, VI, ch. 18) que "Tout retournerait au nйant, si la main du
Tout Puissant ne le contenait".
q. 5 a. 1 s. c. 4
Praeterea, in Lib. de causis, dicitur: omnis intelligentiae fixio, id est
permanentia et essentia, est per bonitatem quae est causa prima. Multo ergo
fortius aliae creaturae non figuntur in esse nisi per Deum. 4. Dans Le livre des Causes, (prop. 9), il est dit que "Toute
stabilitй de l'intelligence" c'est-а-dire la permanence et l'essence "vient
du Bien qui est la cause premiиre". Donc beaucoup plus les autres
crйatures n'ont йtй modelйes dans l'кtre que par Dieu.
Rйponse:
q. 5 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum quod absque omni dubio concedendum est, quod res
conservantur in esse a Deo, et quod in momento in nihilum redigerentur, cum a
Deo desererentur. Cuius ratio hinc accipi potest. Effectum enim a sua causa
dependere oportet. Hoc enim est de ratione effectus et causae: quod quidem in
causis formalibus et materialibus manifeste apparet. Quocumque enim materiali
vel formali principio subtracto, res statim esse desinit, cum huiusmodi
principia intrent essentiam rei. C'est sans doute aucun qu'il faut concйder que les crйatures sont
conservйes dans l'кtre par Dieu, et qu'en un instant elles retourneraient au
nйant, si elles йtaient abandonnйes par lui. On peut en trouver la raison
ainsi: car l'effet doit dйpendre de sa cause. Car c'est la nature de l'effet et
de la cause, ce qui apparaоt manifestement dans les causes formelles et
matйrielles. Car si on йcarte tout principe matйriel ou formel, la chose cesse
aussitфt d'exister, puisque de tels principes en pйnиtrent l'essence.
Idem autem iudicium oportet esse de causis efficientibus, et formalibus
vel materialibus. Nam efficiens est causa rei secundum quod formam inducit, vel
materiam disponit. Unde eadem dependentia rei est ad efficiens, et ad materiam
et formam, cum per unum eorum ab altero dependeat. De finalibus autem causis
oportet etiam idem esse iudicium quod de causa efficiente. Nam finis non est
causa, nisi secundum quod movet efficientem ad agendum; non enim est primum in
esse, sed in intentione solum. Unde et ubi non est actio, non est causa
finalis, ut patet in III Metaph. Il faut porter un mкme jugement pour les causes efficientes, formelles
ou matйrielles. Car la cause efficiente est cause selon qu'elle induit une
forme, ou dispose la matiиre. C'est pourquoi, il y a la mкme dйpendance de la
chose а la cause efficiente, qu'а la matiиre et а la forme, puisque par l'un
d'eux, elle dйpend de l'autre. Mais pour les causes finales, il faut aussi que
le jugement soit le mкme que pour la cause efficiente. Car la fin n'est une
cause que selon qu'elle pousse l'efficience а agir; car elle n'est pas en
premier dans l'кtre mais dans l'intention seulement. C'est pourquoi lа oщ il
n'y a pas d'action, il n'y a pas de cause finale, comme cela se voit en Mйtaphysique (III, 2, 996 a 26[9]).
Secundum hoc ergo esse rei factae dependet a causa efficiente secundum
quod dependet ab ipsa forma rei facta Est autem aliquod efficiens a quo forma
rei factae non dependet per se et secundum rationem formae, sed solum per
accidens: sicut forma ignis generati ab igne generante, per se quidem, et
secundum rationem suae speciei non dependet, cum in ordine rerum eumdem gradum
teneat, nec forma ignis aliter sit in generato quam in generante; sed
distinguitur ab ea solum divisione materiali, prout scilicet est in alia
materia. Unde cum igni generato sua forma sit ab aliqua causa, oportet ipsam
formam dependere ab altiori principio, quod sit causa ipsius formae per se et secundum
propriam speciei rationem. Donc, а ce point de vue, l'кtre de ce qui est produit dйpend de la
cause efficiente, selon qu'il dйpend de sa forme produite mкme. Mais il y a une
efficience dont la forme du produit ne dйpend pas, par soi, et par sa nature,
mais seulement par accident; de mкme que la forme du feu engendrй ne dйpend pas
de celui qui l'engendre, par soi et selon la nature de l'espиce, puisque, dans
l'ordre des choses elle occupe le mкme degrй, la forme n'est pas autrement dans
ce qui est engendrй que dans celui qui l'engendre; mais elle en est distinguйe
seulement par division matйrielle, а savoir selon qu'elle est dans une autre
matiиre. C'est pourquoi, comme la forme pour le feu engendrй vient d'une cause,
il faut qu'elle dйpende d'un principe plus йlevй, qui serait la cause dee la
forme, par soi et selon la nature propre de l'espиce
Cum autem esse formae in materia, per se loquendo, nullum motum vel
mutationem implicet, nisi forte per accidens; omne autem corpus non agat nisi
motum, ut philosophus probat, necesse est quod principium ex quo per se
dependet forma, sit aliquod principium incorporeum; per actionem enim alicuius
principii dependet effectus a causa agente. Et si aliquod principium corporeum
est per aliquem modum causa formae, hoc habet in quantum agit virtute principii
incorporei, quasi eius instrumentum; quod quidem necessarium est ad hoc quod
forma esse incipiat, in quantum forma non incipit esse nisi in materia; non
enim materia quocumque modo se habens potest subesse formae, quia proprium
actum in propria materia oportet esse. Mais comme l'кtre de la forme dans la matiиre, а proprement parler,
n'implique nul mouvement ni changement, sinon par hasard, par accident; que
tout corps n'agit que mы, comme le Philosophe le prouve (Cf. Physique, VIII, 259 b 32 Р 260 a 19), il
est nйcessaire que le principe d'oщ dйpend la forme par soi, soit un principe
incorporel, car, par l'action d'un principe, l'effet dйpend de la cause
efficiente. Et si un principe corporel est en quelque maniиre cause de la
forme, cela ne se peut que dans la mesure oщ il agit par le pouvoir d'un
principe incorporel, cen tant que son instrument; ce qui est nйcessaire pour
que la forme commence а exister, dans la mesure oщ elle ne commence а exister
que dans la matiиre; car la matiиre de quelque maniиre qu'elle se comporte ne
peut pas кtre soumise а la forme, parce que l'acte propre doit кtre dans la
matiиre propre.
Cum ergo est materia in dispositione quae non competit formae alicui,
non potest a principio incorporeo, a quo forma dependet per se, eam consequi
immediate; unde oportet quod sit aliquid transmutans materiam; et hoc est
aliquod agens corporeum, cuius est agere movendo. Et hoc quidem agit in virtute
principii incorporei, et eius actio determinatur ad hanc formam, secundum quod
talis forma est in eo, actu (sicut in agentibus univocis) vel virtute (sicut in
agentibus aequivocis). Donc, quand la matiиre est dans une disposition qui ne convient pas а
la forme, elle ne peut pas l'acquйrir immйdiatement par un principe incorporel,
dont la forme dйpend par soi. C'est pourquoi il faut qu'il y ait quelque chose
qui transforme la matiиre; et c'est un agent corporel, dont le propre est
d'agir en mouvant. Et il agit dans le pouvoir du principe incorporel, et son
action est dйterminйe а cette forme, selon qu'elle est en lui, en acte (comme
dans les agents univoques) ou en puissance (comme dans les agents йquivoques).
Sic igitur huiusmodi inferiora agentia corporalia, non sunt formarum
principia in rebus factis, nisi quantum potest se extendere causalitas
transmutationis, cum non agant nisi transmutando, ut dictum est; hoc autem est
in quantum disponunt materiam, et educunt formam de potentia materiae. Quantum
igitur ad hoc, formae generatorum dependent a generantibus naturaliter, quod
educuntur de potentia materiae, non autem quantum ad esse absolutum. Ainsi donc de tels agents corporels infйrieurs ne sont les principes
des formes dans ce qui a йtй fait, que dans la mesure oщ la causalitй du
changement peut s'йtendre, puisqu'ils n'agissent qu'en changeant, comme on l'a
dit (q. 3, a. 7 et 8). Mais c'est dans la mesure oщ ils disposent la matiиre et
sortent la forme de la puissance de la matiиre. Donc pour cela, les formes de
ce qui engendre dйpendent naturellement de ce qui les engendre, parce qu'elles
sortent de la puissance de la matiиre, mais non quant а l'кtre dans absolu.
Unde et remota actione generantis, cessat eductio de potentia in actum
quod est fieri generatorum; non autem cessant ipsae formae, secundum quas generata
habent esse. Et inde est quod esse rerum generatarum manet, sed non fieri,
cessante actione generantis. Si quae autem formae sunt non in materia, ut sunt
substantiae intellectuales, vel in materia nullo modo indisposita ad formam, ut
est in corporibus caelestibus, in quibus non sunt contrariae dispositiones;
harum principium esse non potest nisi agens incorporeum, quod non agit per
motum; nec dependent ab aliquo secundum fieri a quo non dependeant secundum
esse. C'est pourquoi, quand l'action de celui qui engendre est йcartйe, cesse
le passage de la puissance а l'acte qui est le devenir de ce qui est engendrй;
mais les formes elles-mкmes, par lesquelles ce qui est engendrй a l'кtre ne
cessent pas. Et de lа vient que l'кtre de ce qui est engendrй demeure, mais non
le devenir, si cesse l'action de celui qui engendre. Si ces formes ne sont pas
dans la matiиre, comme les substances intellectuelles, ou bien si elles sont
dans une matiиre en aucune maniиre mal ordonnйe а la forme, comme dans les
corps cйlestes, dans lesquels il n'y a pas de dispositions contraires, leur
principe d'кtre ne peut кtre qu'un agent incorporel qui n'agit pas par
mouvement; et elles ne dйpendent pas pour leur devenir de ce dont elles ne
dйpendent pas pour leur кtre.
Sicut igitur cessante actione causae efficientis, quae agit per motum,
in ipso instanti cessat fieri rerum generatarum, ita cessante actione agentis
incorporei, cessat ipsum esse rerum ab eo creatarum. Hoc autem agens
incorporeum, a quo omnia creantur, et corporalia et incorporalia, Deus est,
sicut in alia quaestione ostensum est, a quo non solum sunt formae rerum, sed
etiam materiae. Et quantum ad propositum non differt utrum immediate, vel
quodam ordine, ut quidam philosophi posuerunt. Unde sequitur quod divina operatione
cessante, omnes res eodem momento in nihilum deciderent, sicut auctoritatibus
est probatum in argumentis sed contra. Donc, de mкme que, quand cesse l'action de la cause efficiente, qui
agit par mouvement, dans l'instant mкme, le devenir de ce qui est engendrй
cesse, de mкme quand l'action de l'agent incorporel cesse, l'кtre mкme des
choses crййes par lui cesse aussi. Mais cet agent incorporel, par qui tout est
crйй, les кtres corporels et incorporels, est Dieu, comme on l'a montrй dans
une autre question (qu. 3, a. 5, 6, et 8), de qui viennent non seulement les
formes des кtres mais aussi de la matiиre. Et l'une et l'autre а ce propos ne
diffиrent pas immйdiatement en ordre, comme certains philosophes l'ont pensй.
C'est pourquoi, il en dйcoule que si l'opйration divine cessait, tout, dans un
mкme moment, retomberait dans le nйant, comme on l'a prouvй pour les autoritйs
dans les arguments en sens contraire.
Solutions:
q. 5 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod creaturae Dei sunt perfectae in sua natura et in suo
ordine; sed inter alia quae ad earum perfectionem requiruntur, hoc etiam est
quod a Deo contineantur in esse. # 1. Les crйatures de Dieu sont parfaites dans leur nature et leur
ordre, mais parmi les autres choses requises pour leur perfection, il y a ce
fait aussi qu'elles sont maintenues dans l'кtre par Dieu.
q. 5 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Deus non alia operatione producit res in esse et eas in
esse conservat. Ipsum enim esse rerum permanentium non est divisibile nisi per
accidens, prout alicui motui subiacet; secundum se autem est in instanti. Unde
operatio Dei quae est per se causa quod res sit, non est alia secundum quod
facit principium essendi et essendi continuationem. # 2. Ce n'est pas par une autre opйration que Dieu produit les
crйatures dans l'кtre et les y conserve. Car l'кtre mкme de ce qui demeure
n'est divisible que par accident, dans la mesure oщ il est soumis а un
mouvement, mais en soi il est dans l'instant. C'est pourquoi l'opйration de
Dieu qui est cause par soi de l'existence de la chose, n'est pas diffйrente
selon qu'il produit le principe d'кtre et sa conservation.
q. 5 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod, quamdiu principia essentialia rerum sunt, tamdiu res
conservantur in esse; sed et ipsa rerum principia esse desinerent, divina
actione cessante. # 3. Les choses sont conservйes dans l'кtre, aussi longtemps que leurs
principes essentiels existent, mais les principes mкme cesseraient si l'action
divine cessait.
q. 5 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod huiusmodi inferiora agentia sunt causa rerum quantum ad
earum fieri, non quantum ad esse rerum per se loquendo. Deus autem per se est
causa essendi: et ideo non est simile. Unde Augustinus dicit: non enim sicut
structuram cum fabricaverit quis abscedit, atque illo cessante et abscedente
stat opus eius; ita mundus vel in ictu oculi stare poterit, si ei Deus regimen
suum subtraxerit. # 4. De tels agents infйrieurs sont la cause du devenir des choses, et
non de leur кtre, а proprement parler. Mais Dieu par soi est cause d'кtre, et
ainsi ce n'est pas pareil. C'est pourquoi Augustin dit (La Genиse au sens littйral, IV, 12): "Car ce n'est pas comme
quelqu'un qui s'en va quand il a construit un bвtiment: mкme s'il cesse et s'en
va, son oeuvre demeure, au contraire le monde ne pourrait demeurer l'instant
d'un clin d'oeil, si Dieu lui avait retirй son concours[10]."
q. 5 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod cum agentia corporalia non agant nisi transmutando,-
nihil autem transmutetur nisi ratione materiae,- causalitas agentium corporalium
non potest se extendere nisi ad ea quae aliquo modo sunt in materia. Et quia Platonici et Avicenna non ponebant formas de potentia materiae
educi, ideo cogebantur dicere quod agentia naturalia disponebant tantum
materiam; inductio autem formae erat a principio separato. Si autem ponamus
formas substantiales educi de potentia materiae, secundum sententiam
Aristotelis, agentia naturalia non solum erunt causae dispositionum materiae,
sed etiam formarum substantialium; quantum ad hoc dumtaxat quod de potentia
educuntur in actum, ut dictum est, et per consequens sunt essendi principia
quantum ad inchoationem ad esse, et non quantum ad ipsum esse absolute. # 5. Comme les agents corporels n'agissent qu'en opйrant des
changements – rien n'est changй qu'en raison de la matiиre – la causalitй des
agents corporels ne peut s'йtendre qu'а ce qui est de quelque maniиre dans la
matiиre. Et parce que les Platoniciens et Avicenne ne pensaient pas que les
formes йtaient йduites de la puissance de la matiиre, ils йtaient forcйs de
dire que les agents naturels disposaient seulement la matiиre; et l'induction
de la forme dйpendait d'un principe sйparй. Mais si nous pensons que les formes
substantielles sont йduites de la puissance de la matiиre, selon l'opinion
d'Aristote, les agents naturels, non seulement sont causes des dispositions de
la matiиre, mais encore des formes substantielles; pour seulement ce qui est
amenй de la puissance а l'acte, comme on l'a dit (qu. 3, art. 9 et 11) et par
consйquent, ils sont les principes de l'кtre, quant а son commencement mais pas
quant а l'кtre mкme dans l'absolu.
q. 5 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod formarum quae incipiunt actu esse in materia per actionem
corporalis agentis, quaedam producuntur secundum perfectam rationem speciei et
secundum perfectum esse in materia, sicut et forma generantis, eo quod in
materia non remanent contraria principia, et huiusmodi formae remanent post
actionem generantis, usque ad tempus corruptionis. Quaedam vero formae
producuntur quidem secundum perfectam rationem speciei, non autem secundum
perfectum esse in materia, sicut calor qui est in aqua calefacta, habet
perfectam speciem caloris, non tamen perfectum esse, quod est ex applicatione
formae ad materiam, eo quod in materia remanet forma contraria tali qualitati. # 6. Parmi les formes qui commencent а exister en acte dans la matiиre
par l'action de l'agent corporel, certaines sont produites selon la nature
parfaite de l'espиce et selon l'кtre parfait dans la matiиre, comme la forme de
celui qui engendre, parce que les principes contraires ne demeurent pas dans la
matiиre, et les formes de ce genre demeurent aprиs l'action de celui qui
engendre, jusqu'au temps de la corruption. Mais certaines formes sont produites
selon la nature parfaite de l'espиce, et non selon l'кtre parfait dans la
matiиre, comme la chaleur, qui est dans l'eau chaude, a une nature parfaite de
chaleur, non cependant un кtre parfait qui vient de l'application de la forme а
la matiиre, parce que la forme contraire а une telle qualitй demeure dans la
matiиre.
Et huiusmodi formae possunt ad modicum remanere post
actionem agentis; sed prohibentur diu permanere a contrario principio, quod est
in materia. Quaedam vero producuntur in materia et secundum imperfectam speciem et
secundum imperfectum esse, sicut lumen in aere a corpore lucido. Non enim lumen est in aere sicut
quaedam forma naturalis perfecta prout est in corpore lucido, sed magis per
modum intentionis. Unde sicut similitudo hominis non manet in speculo nisi
quamdiu est oppositum homini, ita nec lumen in aere, nisi apud praesentiam
corporis lucidi: huiusmodi enim intentiones dependent a formis naturalibus
corporum per se, et non solum per accidens; et ideo esse eorum non manet
cessante actione agentium. Huiusmodi ergo propter imperfectionem sui esse,
dicuntur esse in fieri; sed creaturae perfectae non dicuntur esse in fieri
propter sui esse imperfectionem, quamvis actio Dei earum factionis
indeficienter permaneat. Et de telles formes peuvent demeurer un peu aprиs l'action de l'agent,
mais elles sont empкchйes de demeurer longtemps par un principe contraire qui
est dans la matiиre. Mais certaines sont produites dans la matiиre et selon une
espиce et un кtre imparfaits, comme la lumiиre dans l'air par un corps
lumineux. Car la lumiиre n'est pas dans l'air comme une forme naturelle
parfaite selon qu'elle est dans un corps lumineux, mais plus par mode
d'intention. C'est pourquoi, de mкme que la ressemblance de l'homme ne demeure
dans le miroir qu'aussi longtemps qu'il est en face de lui, de mкme la lumiиre
n'est dans l'air que par la prйsence du corps lumineux; car de telles
intentions dйpendent des formes naturelles des corps par soi, et non seulement
par accident, et c'est pourquoi leur кtre ne demeure pas quand cesse l'action des
agents. Ainsi donc а cause de l'imperfection de leur кtre, on les appelle des
кtres en devenir; mais on ne dit pas que les crйatures parfaites sont dans le
devenir а cause de l'imperfection de leur кtre, quoique l'action de Dieu pour
leur production demeure sans dйfaillance.
q. 5 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod actio corporalis agentis non se extendit ultra motum,
et ideo est instrumentum primi agentis in eductione formarum de potentia in
actum, quae est per motum; non autem in conservatione earum, nisi quatenus ex
aliquo motu dispositiones in materia retinentur, quibus materia fit propria
formae: sic enim per motum corporum caelestium inferiora conservantur in esse. # 7. L'action de l'agent corporel ne s'йtend pas au-delа du mouvement;
et c'est pourquoi il est l'instrument du premier agent dans le passage des
formes de la puissance а l'acte, qui se fait par mouvement, mais pas dans leur
conservation, sinon dans la mesure oщ sont maintenues dans la matiиre par un
mouvement les dispositions par lesquelles la matiиre devient propre а la forme;
car ainsi, par le mouvement des corps cйlestes, les corps infйrieurs sont
conservйs dans l'кtre.
q. 5 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod creatura deficeret divina actione cessante, non propter
contrarium quod sit in materia, quia ipsum etiam cum materia cessaret: sed
propter hoc quod creatura est ex nihilo; non propter hoc quod nihilum aliquid
ageret ad corruptionem, sed non ageret ad conservationem. # 8. Que la crйature disparaisse si l'action divine cesse, n'est pas а
cause du contraire qui serait dans la matiиre, parce que lui-mкme cesserait en
mкme temps qu'elle, mais c'est parce que la crйature vient du nйant, non pas
parce que celui-ci la conduirait а la corruption, mais il n'agirait pas pour sa
conservation.
q. 5 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod ipse dator formarum si ponatur aliquid aliud praeter Deum,
secundum sententiam Avicennae, oportet quod et ipsum deficeret cessante actione
Dei, quae est sua causa. # 9. Si on pense que le pourvoyeur de formes est autre que Dieu, selon
l'opinion d'Avicenne, il faut que lui-mкme disparaisse quand cesse l'action de
Dieu, qui est sa cause.
q. 5 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod etiam praedicta actione cessante, forma deficeret, unde
non posset esse essendi principium. # 10. Si l'action susdite cessait, la forme disparaоtrait, c'est
pourquoi elle ne pourrait pas кtre le principe d'кtre.
q. 5 a. 1 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod materia dicitur ingenita quia non procedit in esse
per generationem: ex hoc tamen non removetur quin a Deo sit; cum omne
imperfectum oporteat a perfecto originem trahere. # 11. Il faut dire que la matiиre n'est pas engendrйe parce qu'elle ne
parvient pas а l'кtre par gйnйration; cependant cela n'empкche pas qu'elle
vienne de Dieu, puisque tout ce qui est imparfait doit tirer son origine d'un
[кtre] parfait.
q. 5 a. 1 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod non oportet inter opera Dei, uno contradictorie
oppositorum invento, aliud inveniri (sic enim esset inter ea aliquid increatum
cum sit ibi aliquid creatum) quamvis hoc verum sit de aliis oppositis. Ea vero
de quibus est obiectio, sunt contradictorie opposita; unde ratio non sequitur. # 12. Il ne faut pas, parmi les oeuvres de Dieu, si on trouve l'un des
opposйs en contradiction, en trouver un autre (car ainsi il y aurait entre eux
quelque chose d'incrйй, puisqu'il y lа quelque chose de crйй[11]), quoique cela
soit vrai des autres opposйs. Mais ce qui concerne l'objection, ce sont des
opposйs en contradiction; c'est pourquoi la raison n'est pas valable.
q. 5 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet quaelibet res naturaliter appetat sui
conservationem, non tamen quod a se conservetur, sed a sua causa. # 13. Bien que chaque chose dйsire naturellement sa conservation,
cependant ce n'est pas pour кtre conservйe par soi mais par sa cause.
q. 5 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod universitas creaturarum non est optima
simpliciter, sed in genere creatorum; unde nihil prohibet ea aliquid melius
esse. # 14. L'universalitй des crйatures n'est pas la meilleure dans
l'absolu, mais la meilleur est dans le genre des crйateurs; c'est pourquoi rien
n'empкche que quelque chose soit meilleur qu'elle.
q. 5 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod inter bona quorum congregatione status beatitudinis
perficitur, principium est coniunctio ad suam causam; cum ipsa Dei fruitio sit
creaturae rationalis beatitudo. # 15. Parmi les biens dont la rйunion achиve l'йtat de bйatitude, le
principe est l'union а la cause; puisque la jouissance de Dieu est la bйatitude
de la crйature rationnelle .
q. 5 a. 1 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod tendere in nihilum non est proprie motus naturae,
qui semper est in bonum, sed est ipsius defectus; unde ratio falsum supponebat. # 16. Tendre au nйant n'est pas proprement un mouvement de la nature,
qui est toujours pour le bien, mais c'est sa dйfaillance; c'est pourquoi cette
raison supposait une erreur.
q. 5 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod illius impressionis violentae agens violentum
est causa secundum fieri, et non simpliciter secundum esse, ut ex dictis patet:
unde cessante actione agentis, potest ad tempus remanere, sed non diu propter
eius imperfectionem. # 17. L'agent violent dans cette pression de la violence est la cause
selon le devenir, mais absolument pas selon l'кtre, comme cela se voit de ce
qui a йtй dit (solution du 6e argument); c'est pourquoi quand l'action de
l'agent cesse, elle peut demeurer pour un temps, mais pas longtemps а cause de
son imperfection.
q. 5 a. 1 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod sicut forma non potest esse principium essendi,
nisi aliquo priori principio praesupposito, ita nec operandi, cum Deus in
qualibet re operetur, ut in alia quaestione, ostensum est nec etiam
cognoscendi, cum omnis cognitio a lumine increato derivetur. # 18. De mкme que la forme ne peut кtre principe d'кtre que par quelque
principe prйcйdant prйsupposй, de mкme elle ne peut pas кtre principe pour
l'opйration, puisque Dieu opиre en toutes choses, comme on l'a montrй dans une
autre question (qu. 3, argument 6);[elle ne peut pas кtre] le principe de la
connaissance, puisque tout connaissance dйrive de la lumiиre incrййe.
[1] Parall.: Ia, qu. 104, a. 1 –
CG. III, 65, 94 – In Ion. Ch. 5, lectio 2 (n° 739-740) – In Hйbr. Ch. 1, lectio
2.
[2]
"...nous dйfinissons l'entier ( to olon) ce d'oщ rien ne manque... or
entier et achevй sont absolument de mкme nature ou а peu prиs." (Trad.H.
Carteron).
[3]
Les chiffres indiquent les propositions du syllogisme.
[4]
On trouve chez Augustin, le mкme texte de Jean (5, 17) en IV, X1, 20 et XX,
40?. Mais dans la rйfйrence donnйe ici on trouve le texte citй par Thomas dans
la solution de l'article.
[5]
"...le tout qui est engendrй, c'est une forme de telle nature, rйalisйe
dans telles chairs et dans tels os, Callias ou Socrate, autre que son
gйnйrateur, par la matiиre, qui est autre, mais identique а lui par la forme,
car la forme est indivisible." (Trad. J. Tricot)
[6]
"Comme de l'air qui, par la prйsence de la lumiиre, n'est pas dotй d'une
luminositй propre, mais devient lumineux, car s'il avait une luminositй propre
et ne devenait pas lumineux, il resterait lumineux mкme en l'absence de
lumiиre." Trad. BA. 49.
[7]
Ecclйsiaste 33,15:"Contemple donc toutes les oeuvres du trиs haut, toutes
vont par paire, en vis-а-vis". (B.J.) L'argument suppose qu'il y a un
opposй pour tous les aspects de l'кtre.
[8]
"Lui qui soutient l'univers par sa parole puissante." ( B.J.)
[9]
"...la fin, le "ce en vue de quoi" est fin de quelque action, et
toute action s'accompagne de mouvement." (p. 125-126)
[10]
"Il n'en est pas en effet de Dieu comme d'un architecte: la maison
achevйe, celui-ci s'en va, et, mкme lorsqu'il cesse d'agir et qu'il s'en est
allй, l'oeuvre subsiste; au contraire, le monde ne pourrait subsister, fыt-ce
l'instant d'un clin d'oeil, si Dieu lui retirait son concours." Trad. BA.
48.
[11]
Il veut dire que si on prend toutes les oppositions, on dire doit d'un tel кtre
qu'il est crйй, et donc celui qui est а l'opposй est un кtre incrйй.
Article 2: Dieu peut-il communiquer а une crйature le pouvoir de se
conserver dans l'кtre par soi et sans lui?
q. 5 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum Deus possit alicui creaturae communicare quod per se in
esse conservetur absque Deo. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 5 a. 2 arg. 1
Creare enim est maius quam per se in esse conservari. Sed creare potuit
creaturae communicari, ut Magister dicit in V dist., IV Sentent. Ergo et per se
in esse conservari. 1. Car crйer est plus important que d'кtre conservй dans l'кtre par
soi. Mais [le pouvoir de] crйer a pu кtre communiquй а la crйature, comme le
dit le Maоtre des Sentences, (IV Sent. d. 5[2]). Et aussi
le pouvoir d'кtre conservй dans l'кtre par soi. q. 5 a. 2 arg. 2
Praeterea, plus est in potestate rerum et Dei, quam in potestate intellectus
nostri. Sed intellectus noster potest intelligere creaturam absque Deo. Ergo
multo fortius Deus potest creaturae dare ut per se conservetur in esse. 2. Il y a plus dans le pouvoir des choses et celui de Dieu, que dans
celui de notre esprit. Mais celui-ci peut comprendre la crйature sans Dieu.
Donc Dieu, beaucoup plus, peut donner а la crйature le pouvoir de se conserver
dans l'кtre par soi. q. 5 a. 2 arg. 3 Praeterea, aliqua creatura est
ad imaginem Dei, ut patet Genesis I, 26. Sed secundum Hilarium imago est rei ad
rem coaequandam indiscreta et unita similitudo; et sic imago adaequare potest
id cuius est imago. Cum ergo Deus nullo exteriori conservante
indigeat, videtur quod hoc potuit creaturae communicare. 3. Une crйature est а l'image de Dieu, comme on le voit en Gn. 1, 26.
Mais selon Hilaire (Le livre des Synodes) l'image d'une chose est "la
ressemblance indivisible, et unie pour l'йgaler." Et ainsi l'image peut
йgaler ce dont elle est l'image. Donc comme Dieu n'a pas besoin de quelque
chose d'extйrieur qui le conserve, il semble qu'il a pu communiquer ce pouvoir
а la crйature. q. 5 a. 2 arg. 4
Praeterea, quanto agens est perfectius, tanto potest perfectiorem effectum
producere. Sed agentia naturalia possunt effectus facere qui conserventur in
esse sine agentibus. Ergo multo fortius Deus potest hoc facere. 4. Plus l'agent est parfait, plus l'effet qu'il peut produire est
parfait. Mais les agents naturels peuvent produire des effets qui sont
conservйs dans l'кtre sans leurs agents. Donc Dieu peut le faire beaucoup plus. En sens contraire: q.
5 a. 2 s. c. Sed contra. Deus non potest aliquid facere in diminutionem
suae auctoritatis. Hoc autem suo dominio praeiudicaret, si aliquid absque
ipsius conservatione posset esse. Ergo Deus hoc facere non potest. Dieu ne peut rien faire qui diminuerait son autoritй. Cela porterait
prйjudice а sa puissance, si un кtre pouvait exister sans кtre conservй par
lui. Donc Dieu ne peut pas le faire. Rйponse: q. 5 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod ad omnipotentiam Dei non pertinet quod possit facere
duo contradictoria esse simul. In hoc autem quod dicitur quod Deus faciat
aliquid quod eius conservatione non indigeat, contradictio implicatur. Iam enim
ostensum est quod omnis effectus a sua causa dependet, secundum quod est eius
causa. In hoc ergo quod dicitur, quod Dei conservatione non indigeat, ponitur
non esse creatum a Deo; in hoc quod dicitur, quod Deus faciat ipsum, ponitur
esse creatum. Il ne convient pas а la toute puissance de Dieu de pouvoir faire que
deux choses contradictoires existent en mкme temps. Dire que Dieu fait quelque
chose qui n'a pas besoin de sa conservation implique une contradiction. Car,
dйjа on a montrй que tout effet dйpend de sa cause, en tant que tel. Quand on
dit: "Une chose n'a pas besoin de la conservation de Dieu", on pense
qu'elle n'a pas йtй crййe par lui, et quand on dit: "Dieu la fasse",
on pense qu'elle a йtй crййe. Sicut ergo contradictionem implicaret, Deum facere aliquid
quod non esset creatum ab eo, ita si quis diceret Deum facere aliquid quod eius
conservatione non indigeret. Unde utrumque pari ratione Deus non potest. Donc que Dieu fasse que quelque chose qui ne soit pas crйй par lui,
impliquerait une contradiction, de la mкme maniиre si on disait que Dieu fait
une crйature qui n'aurait pas besoin de son pouvoir de conservation. C'est
pourquoi, а raison йgale, Dieu ne peut faire ni l'un, ni l'autre. Solutions: q. 5 a. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod cum creare sit aliquid causare; non indigere autem
alterius conservatione, non sit nisi eius quod causam non habet: manifestum est
quod maius est non indigere conservari ab alio quam creare; sicut maius est
causam non habere quam causam esse; licet et hoc non sit usquequaque verum,
quod creare creaturae sit communicabile, secundum quod est actus primi agentis,
ut in alia quaestione 3, dictum est. # 1. Comme crйer c'est causer quelque chose; ne pas avoir besoin de la
conservation d'un autre n'existerait que pour ce qui n'a pas de cause: il est
clair qu'il est plus grand de ne pas avoir besoin d'кtre conservй par un autre
que crйer; de mкme il est plus important de ne pas avoir de cause que d'кtre
cause; bien qu'il ne soit pas toujours vrai que crйer soit communicable а la
crйature, en tant qu'acte du premier agent, comme on l'a dit dans une autre
question (qu. 3, a. 4). q. 5 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis intellectus possit intelligere creaturam non
intelligendo Deum, non tamen potest intelligere creaturam non conservari in
esse a Deo; hoc enim implicat contradictionem, sicut et creaturam non esse
creatam a Deo, ut dictum est. # 2. Quoique l'esprit puisse comprendre (intelligere) la crйature sans
comprendre Dieu, cependant on ne peut pas comprendre que la crйature ne soit
pas conservйe par Dieu; car cela implique une contradiction, de mкme que
comprendre que la crйature n'a pas йtй crййe par Dieu, comme on l'a dit (qu. 3,
a. 5). q. 5 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod aequalitas non est de ratione imaginis absolute, sed
perfectae; qualis Dei imago non est creatura, sed filius; unde ratio non
sequitur. # 3. L'йgalitй n'appartient pas dans l'absolu а la dйfinition de
l'image, mais а celle de l'image parfaite; une telle image de Dieu n'est pas
une crйature, mais le Fils. C'est pourquoi cette raison ne convient pas[3]. q. 5 a. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod responsio patet per ea quae dicta sunt in praecedenti. # 4. La rйponse est йclairйe par ce qui a йtй dit prйcйdemment.
[1] Parall.: Ia, qu. 104,
a. 1, ad 2 – a. 2, ad 2 – CG. II, 25
– Veritate. qu. 5, a. 8, ad 8 – I Sent. d37q1a1 – d47a4. [2]
Cf. Pot. qu. 3, a. 4, oщ Thomas ne l'admet pas, aprиs avoir hйsitй dans le
Commentaire des Sentences. [3]
Le Fils est l'image parfaite, la crйature une image relative
Article 3: Dieu peut-il ramener la crйature au nйant?
q. 5 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum Deus possit creaturam in nihilum redigere. Et videtur
quod non.
Il semble que non.
Objections[1]:
q. 5 a. 3 arg. 1
Dicit enim Augustinus in Lib. LXXXIII quaestionum, quod Deus non est causa
tendendi in non esse. Hoc autem esset, si creaturam annihilaret. Ergo Deus non
potest creaturam in nihilum redigere. 1. Car Augustin, dans le livre des 83 questions (qu. 21[2]), dit que
Dieu n'est pas la cause de la tendance au non-кtre. Or cela serait, s'il
ramenait la crйature au nйant. Donc Dieu ne peut pas ramener la crйature au
nйant.
q. 5 a. 3 arg. 2
Praeterea, creaturae corruptibiles, quae inter ceteras sunt debilioris esse,
non desinunt esse nisi per actionem alicuius causae agentis, sicut ignis
corrumpitur aliquo contrario agente in ipsum. Multo minus igitur aliae creaturae possunt desinere nisi per aliquam
actionem. Si ergo Deus aliquam creaturam annihilaret, hoc non fieret nisi per
aliquam actionem. Per actionem autem hoc fieri est impossibile. Nam
omnis actio sicut est ab ente actu, ita in ens actu terminatur, cum oporteat
factum esse simile facienti. Actio autem qua aliquid ens actu constituitur, non
omnino in nihilum redigit. Ergo Deus non potest aliquid annihilare. 2. Les crйatures corruptibles, qui, parmi les autres, ont un кtre plus
faible, ne cessent d'exister que par l'action d'une cause efficiente; ainsi le
feu est corrompu par un agent contraire en lui. Donc les autres crйatures
beaucoup moins ne peuvent cesser que par quelque action. Si donc Dieu ramenait
une crйature au nйant, cela ne se ferait que par une action. Mais c'est
impossible que cela soit fait par une action. Car toute action, de mкme qu'elle
vient d'un йtant en acte, se termine de mкme dans un йtant en acte, puisqu'il
faudrait que le produit soit а la ressemblance de celui qui le fait. Mais
l'action par laquelle un йtant est йtabli en acte, ne ramиne absolument pas au
non кtre. Donc Dieu ne peut rien ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 3
Praeterea, omne quod est per accidens, reducitur ad id quod est per se. Sed a
nulla causa agente est defectus et corruptio nisi per accidens, cum nihil
operetur nisi intendens ad bonum, ut Dionysius dicit: unde et ignis corrumpens
aquam, non intendit privationem formae aquae, sed formam propriam in materiam
introducere. Ergo non potest ab aliquo agente causari aliquis defectus, quin
simul aliqua perfectio constituatur. Ubi autem aliqua perfectio constituitur,
ibi non est annihilatio. Ergo Deus non potest aliquid annihilare. 3. Tout ce qui existe par accident est ramenй а ce qui est par soi.
Mais la dйfaillance et la corruption ne viennent d'aucune cause efficiente,
sinon par accident, puisque rien n'opиre sinon qu'en tendant au bien, comme le
dit Denys (Les noms divins, 4). C'est
pourquoi, le feu qui dйnature l'eau, ne tend pas а la privation de la forme de
l'eau, mais а introduire une forme propre dans la matiиre. Donc une dйfaillance
ne peut кtre causйe par un agent qu'en constituant une perfection en mкme
temps. Lа oщ est йtablie une perfection, il n'y a pas de retour au nйant. Donc
Dieu ne peut rien ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 4
Praeterea, nihil agit nisi propter finem. Finis enim est quod movet efficientem.
Finis autem divinae actionis est eius bonitas: quod quidem esse potest in rerum
productione, per quam res similitudines divinae bonitatis consequuntur: non
autem in annihilatione, per quam annihilatum omnino a Dei similitudine
recederet. Ergo Deus non potest aliquid annihilare. 4. Rien n'agit qu'en vue d'une fin. Car la fin est ce qui met en
mouvement [la cause] efficiente. La fin de l'action divine est sa bontй: ce qui
peut exister dans la production des crйatures, par laquelle elles obtiennent la
ressemblance de la divine bontй, mais pas dans leur annihilation, par laquelle
ce qui est retournй au nйant s'йloignerait tout а fait de la ressemblance а
Dieu. Donc Dieu ne peut rien ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 5
Praeterea, manente causa, necesse est permanere causatum. Si enim non est
necesse, possibile erit causatum esse et non esse posita causa; et sic
indigebitur alio quo causatum ad esse determinetur; et ita causa sufficiens non
erit ad esse causati. Sed Deus est sufficiens causa rerum. Ergo Deo manente
necesse est res in esse manere. Sed Deus non potest facere quin ipse in esse
maneat. Ergo non potest creaturas reducere in non esse. 5. Tant que la cause demeure, il est nйcessaire que l'effet demeure.
Car, si ce n'est pas nйcessaire, il sera possible que l'effet existe et
n'existe pas, une fois posйe la cause; et ainsi il aura besoin d'un autre par
lequel l'effet est dйterminй а l'кtre; et ainsi la cause ne sera pas suffisante
pour l'кtre de l'effet. Mais Dieu est la cause suffisante des кtres. Donc,
comme Dieu demeure, il est nйcessaire que les choses demeurent dans l'кtre.
Mais Dieu ne peut pas faire que lui-mкme demeure dans l'кtre. Donc il ne peut
pas ramener les crйatures au non кtre.
q. 5 a. 3 arg. 6 Sed
dicebatur, quod Deus non erit causa in actu, cum creaturae erunt annihilatae.-
Sed contra, divina actio est eius esse; unde et Augustinus, vult quod in
quantum Deus est, nos simus. Suum autem esse nunquam ei advenit. Ergo nunquam
desinit esse in sua actione; et ita semper erit causa in actu. 6. Mais on pourrait dire que Dieu ne sera pas une cause en acte,
lorsque les crйatures retourneront au nйant. – En sens contraire, l'action
divine est celle de son кtre; c'est pourquoi Augustin (La Doctrine chrйtienne,
I, 32[3]) veut que nous existions en tant que Dieu est. Mais son кtre ne lui
est jamais advenu. Donc jamais il ne cesse d'кtre en son action et ainsi il
sera toujours une cause en acte.
q. 5 a. 3 arg. 7
Praeterea, Deus non potest facere contra communes animi conceptiones, sicut
quod totum non sit maius sua parte. Communis autem animi conceptio est apud
sapientes, animas rationales perpetuas esse. Ergo Deus non potest facere quod
in nihilum redigantur. 7. Dieu ne peut agir contre les conceptions communes de l'esprit, comme
que le tout ne soit pas plus grand que sa partie[4]. Mais la conception commune
de l'esprit chez les sages est que les вmes rationnelles sont йternelles. Donc
Dieu ne peut pas faire qu'elles retournent au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 8
Praeterea, Commentator dicit in XI Metaph., quod id quod est in se possibile
esse et non esse, non potest necessitatem essendi ab alio acquirere. Quaecumque
ergo creaturae habent necessitatem essendi, in eis non est possibilitas ad esse
et non esse. Huiusmodi autem sunt omnia incorruptibilia, ut sunt substantiae
incorporeae et corpora caelestia. Ergo omnibus his non est possibilitas ad non
esse. Si ergo sibi relinquantur, divina actione subtracta, non deficient in non
esse; et sic Deus non videtur quod possit ea annihilare. 8. Le Commentateur dit (La mйtaphysique XI а propos de la Mйtaphysique d'Aristote, XII, com. 41)
que ce qui a possibilitй d'кtre et ne pas кtre, ne peut pas acquйrir sa
nйcessitй d'кtre d'un autre. Donc toutes les crйatures qui ont la nйcessitй
d'кtre n'ont pas en elles la possibilitй d'кtre et ne pas кtre. Tout ce qui est
incorruptible est de ce genre, comme les substances incorporelles et les corps
cйlestes. Donc tous ceux-lа n'ont pas de possibilitй au non кtre. En
consйquence, s'ils sont laissйs а eux-mкmes une fois l'action divine йcartйe,
ils ne tomberont pas dans le non кtre et ainsi Dieu ne semble pas pouvoir les
ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 9 Praeterea, quod recipitur in
aliquo, non tollit potentiam recipientis; sed potest eam perficere. Si ergo
aliquid sit possibilitatem habens ad non esse, nihil in eo receptum hanc
possibilitatem ei auferre poterit. Ergo quod est in se possibile non esse, non
poterit ab aliquo necessitatem essendi acquirere. 9. Ce qui est reзu dans quelque chose, n'enlиve pas la puissance de ce
qui reзoit, mais il peut la parfaire. Donc si quelque chose se trouve avoir la
possibilitй au non кtre, rien de ce qui est reзu en lui ne pourra enlever cette
possibilitй. En consйquence ce qui a possibilitй en soi de ne pas кtre, ne
pourra acquйrir la nйcessitй d'кtre d'un autre.
q. 5 a. 3 arg. 10
Praeterea, ea secundum quae aliqua genere diversificantur, sunt de essentia rei;
nam genus pars definitionis est. Secundum autem corruptibile et incorruptibile
aliqua genere differunt, ut patet in X Metaph. Ergo sempiternitas et
incorruptibilitas est de essentia rei. Deus autem non potest alicui rei auferre
quod est de essentia eius; non enim potest facere quod homo existens homo, non
sit animal. Ergo non potest rebus incorruptibilibus sempiternitatem auferre; et
ita non potest ea ad nihilum redigere. 10. Ce qui diffйrentie les genres, appartient а l'essence, car le genre
est une partie de la dйfinition. Mais certaines choses diffиrent en genre selon
le corruptible et l'incorruptible, comme on le voit en Mйtaphysique (X, 10, 1059 a 27[5]). Donc la durйe йternelle et
l'incorruptibilitй appartiennent а l'essence de l'кtre. Dieu ne peut pas
enlever а un кtre ce qui appartient а son essence; car il ne peut pas faire
qu'un homme qui existe en tant qu'homme ne soit pas un animal[6]. Donc il ne
peut enlever la durйe йternelle aux кtres incorruptibles, et ainsi il ne peut
pas les ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 11
Praeterea, corruptibile nunquam potest mutari ut fiat incorruptibile secundum
suam naturam; nam incorruptibilitas corporum resurgentium non est naturae sed
gloriae; et hoc ideo est, quia corruptibile et incorruptibile differunt genere,
ut dictum est. Si autem quod est in se possibile non esse, ab aliquo
necessitatem essendi posset acquirere, corruptibile posset in incorruptibilitatem
mutari. Ergo impossibile est esse aliquid quod in se sit possibile non esse, et
acquirat necessitatem ab alio; et sic idem quod prius. 11. Le corruptible ne peut jamais кtre changй pour devenir
incorruptible par nature; car l'incorruptibilitй des corps ressuscitйs ne vient
pas de la nature mais de la gloire, et c'est parce que le corruptible et
l'incorruptible diffиrent en genre comme on l'a dit. Mais si ce qui a en soi
possibilitй de ne pas кtre pouvait acquйrir sa nйcessitй d'кtre de quelque
chose, la corruptibilitй pourrait кtre changйe en incorruptibilitй. Donc il est
impossible qu'il y ait quelque chose qui a en soi la possibilitй acquiert la
nйcessitй d'un autre et ainsi de mкme que plus haut.
q. 5 a. 3 arg. 12
Praeterea, si creaturae non habent necessitatem nisi secundum quod dependent a
Deo, a Deo autem dependent secundum quod Deus est earum causa; non habebunt
necessitatem nisi per modum qui competit causalitati qua Deus eorum causa est. Deus autem est rerum causa non per necessitatem, sed
per voluntatem, ut est in alia quaestione, ostensum. Sic ergo erit necessitas
in rebus sicut in his quae a voluntate causantur. Ea autem quae sunt a
voluntate, non simpliciter et absolute sunt necessaria, sed solum necessitate
conditionata, eo quod voluntas non necessario determinatur ad unum effectum.
Ergo sequitur quod in rebus nihil est necessarium absolute, sed solum sub
conditione; sicut est necesse Socratem moveri, si currit; vel ambulare, si
vult, nullo impedimento existente. Ex quo videtur sequi quod nihil sit in
creaturis simpliciter incorruptibile, sed omnia sint corruptibilia; quod est
inconveniens. 12. Si les crйatures n'ont de nйcessitй qu'en tant qu'elle dйpendent de
Dieu, elles dйpendent de lui selon qu'il est leur cause; elles n'auront de
nйcessitй que par le mode qui convient а la causalitй par laquelle Dieu est
leur cause. Mais il est la cause des кtres non par nйcessitй, mais par volontй,
comme on l'a montrй dans une autre question (Pot. 3, 15). Donc il y aura
nйcessitй dans les choses comme dans ce qui est causй par la volontй. Mais ce
qui dйpend de la volontй, n'est pas simplement et absolument nйcessaire, mais
seulement d'une nйcessitй conditionnelle, parce que la volontй n'est pas
dйterminйe nйcessairement а un seul effet. Donc il en dйcoule que, dans les
crйatures, rien n'est absolument nйcessaire, mais seulement sous condition, de
mкme qu'il est nйcessaire que Socrate soit en mouvement s'il court, ou se
promиne, s'il veut, s'il n'existe aucun empкchement. Il semble en dйcouler que
rien n'est dans les crйatures absolument incorruptible, mais que tout est
corruptible, ce qui ne convient pas.
q. 5 a. 3 arg. 13
Praeterea, sicut Deus est summum bonum, ita est perfectissimum ens. Sed in
quantum est summum bonum, ei convenit quod non possit esse causa mali culpae.
Ergo in quantum est perfectissimum ens, non ei competit quod possit esse causa
annihilationis rerum. 13. Dieu est le souverain bien, il est aussi l'йtant absolument
parfait. Mais dans la mesure oщ il est le souverain bien, il lui appartient de
ne pas pouvoir кtre cause du mal de la faute. Donc en tant qu'йtant absolument
parfait, il ne lui revient pas de pouvoir кtre cause du retour au nйant des
кtres.
q. 5 a. 3 arg. 14
Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus est adeo bonus quod nunquam permitteret
aliquid mali fieri, nisi esset adeo potens quod de quolibet malo posset elicere
aliquod bonum. Sed si creaturae annihilarentur, nullum bonum inde eliceretur.
Ergo Deus non potest hoc permittere quod creaturae in nihilum decidant. 14. Augustin dit (Enchiridion,
XI) que Dieu est si bon que jamais il ne permettrait que quelque chose de mal
soit fait, а moins qu'il ne soit assez puissant pour pouvoir tirer un bien de
n'importe quel mal. Mais si les crйatures retournaient au nйant, il ne pourrait
en tirer aucun bien. Donc Dieu ne peut pas permettre que les crйatures
retombent dans le nйant.
q. 5 a. 3 arg. 15
Praeterea, non minor distantia est in nihilum de ente, quam de nihilo in esse.
Sed reducere aliquid de nihilo in esse, est potentiae infinitae, propter
distantiam infinitam. Ergo reducere de esse in nihil, non est nisi potentiae
infinitae. Nulla autem creatura habet potentiam infinitam. Ergo subtracta
actione creatoris, creatura non poterit in nihilum reduci. Quo quidem solo modo
dicebatur Deus res posse annihilare, scilicet per suae actionis subtractionem.
Nullo ergo modo Deus potest creaturas in nihilum redigere. 15. La distance n'est pas plus pe tite de l'кtre au nйant, que du nйant
а l'кtre. Mais amener quelque chose du nйant а l'кtre demande une puissance
infinie, а cause de la distance infinie. Donc amener de l'кtre au nйant, ne
dйpend que d'une puissance infinie. Mais aucune crйature n'a de puissance
infinie. Donc, si on exclut l'action du Crйateur, la crйature ne pourra pas
retourner au nйant. C'est de cette seule maniиre qu'on disait que Dieu pouvait
ramener au nйant, а savoir en retirant son action. Donc Dieu ne peut pas
ramener les crйatures au nйant.
En sens contraire:
q. 5 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Est quod Origenes dicit in periarchon: quod datum est, auferri
atque recedere potest. Sed esse, datum est creaturae a Deo. Ergo potest auferri;
et sic Deus potest creaturas in nihilum redigere. 1. Origиne dit dans le Periarchon: "Ce qui a йtй donnй, peut кtre
enlevй et se retirer". Mais l'кtre est donnй par Dieu а la crйature. Donc
il peut кtre enlevй, et ainsi Dieu peut ramener les crйatures au nйant.
q. 5 a. 3 s. c. 2
Praeterea, illud quod dependet ex simplici Dei voluntate, potest, etiam, Deo
volente, cessare. Sed totum esse creaturae dependet ex simplici Dei voluntate;
cum Deus per suam voluntatem sit causa rerum, et non per naturae necessitatem.
Ergo, Deo volente, possunt creaturae in nihilum redigi. 2. Ce qui dйpend de la volontй absolue de Dieu peut aussi cesser, s'il
le veut. Mais tout l'кtre de la crйature dйpend de la volontй absolue de Dieu,
puisqu'il est leur cause par sa volontй, et non par nйcessitй de nature. Donc,
si Dieu le veut, les crйatures peuvent кtre ramenйes au nйant.
q. 5 a. 3 s. c. 3
Praeterea, Deus non est plus debitor creaturis postquam esse incoeperunt, quam
antequam esse inciperent. Sed antequam creaturae inciperent, absque omni
praeiudicio suae bonitatis poterat cessare ad hoc quod esse creaturis
communicaret, quia sua bonitas in nullo a creaturis dependet. Ergo Deus potest
absque praeiudicio suae bonitatis suam actionem a rebus creatis subtrahere; quo
posito in nihilum deciderent, ut in praecedenti articulo ostensum est. Potest
ergo Deus res annihilare. 3. Dieu n'est pas plus dйbiteur envers les crйatures, aprиs qu'elles
ont commencй а кtre qu'avant. Mais avant qu'elles aient commencй, sans aucun
prйjudice pour sa bontй, il pouvait cesser de communiquer l'кtre aux crйatures,
parce que sa bontй ne dйpend d'elle en rien. Donc Dieu peut, sans prйjudice pour
sa bontй, retirer son action des crйatures; cela йtabli, elles retourneraient
au nйant, comme on l'a montrй dans l'article prйcйdant. Dieu peut donc ramener
les crйatures au nйant.
q. 5 a. 3 s. c. 4
Praeterea, eadem actione Deus res in esse produxit et eas in esse conservat, ut
supra ostensum est. Sed Deus potuit res in esse non producere. Ergo eadem
ratione potest eas annihilare. 4. Par la mкme action, Dieu amиne les choses а l'кtre et les y
conserve, comme on l'a montrй plus haut. Mais il aurait pu ne pas les amener а
l'кtre. Donc, pour la mкme raison, il peut les ramener au nйant.
Rйponse:
Dupliciter ergo potest contingere quod in natura alicuius
rei non sit possibilitas ad non esse.
Uno modo per hoc quod res illa sit forma tantum subsistens
in esse suo, sicut substantiae incorporeae, quae sunt penitus immateriales. Si
enim forma ex hoc quod inest materiae, est principium essendi in rebus
materialibus, nec res materialis potest non esse nisi per separationem formae;
ubi ipsa forma in esse suo subsistit nullo modo poterit non esse; sicut nec
esse potest a se ipso separari. Donc il peut arriver de deux maniиres que, dans la nature d'une chose,
il n'y ait pas de possibilitй au non кtre:
1) Par la fait qu'elle est seulement une forme subsistante en son кtre,
comme les substances incorporelles, qui sont tout а fait immatйrielles. Car si
la forme, du fait qu'elle est dans la matiиre, est principe d'кtre dans ce qui
est matйriel, cela ne peut pas ne pas exister, sinon par sйparation de la forme;
lа oщ la forme mкme subsiste en son кtre, elle ne pourra en aucune maniиre ne
pas кtre; ainsi son кtre ne peut pas en кtre sйparй.
Alio modo per hoc
quod in materia non sit potentia ad aliam formam, sed tota materiae
possibilitas ad unam formam terminetur; sicut est in corporibus caelestibus, in
quibus non est formarum contrarietas. 2) Par le fait que, dans la matiиre, il n'y a pas de puissance а une
autre forme, mais toute la possibilitй de la matiиre se termine а une seule
forme, comme dans les corps cйlestes, dans lesquels il n'y a pas de formes
contraires.
Illae ergo solae res in sua natura possibilitatem habent ad
non esse, in quibus est materia contrarietati subiecta. Aliis vero rebus
secundum suam naturam competit necessitas essendi, possibilitate non essendi ab
earum natura sublata. Nec tamen per hoc removetur quin necessitas
essendi sit eis a Deo, quia unum necessarium alterius causa esse potest, ut
dicitur in V Metaphysic. Ipsius enim naturae creatae cui competit
sempiternitas, causa est Deus. In illis etiam rebus in quibus est possibilitas
ad non esse, materia permanet; formae vero sicut ex potentia materiae educuntur
in actum in rerum generatione, ita in corruptione de actu reducuntur in hoc
quod sint in potentia. Unde
relinquitur quod in tota natura creata non est aliqua potentia, per quam sit
aliquid possibile tendere in nihilum. Donc les seules choses en leur nature ont la possibilitй а ne pas кtre
sont celles en quoi la matiиre est soumise а la contrariйtй. Mais la nйcessitй
d'кtre appartient а d'autres choses selon leur nature, une fois enlevйe de leur
nature la possibilitй de ne pas кtre. Et cependant par cela il n'est pas exclu
que la nйcessitй d'кtre leur vienne de Dieu, parce qu'une chose nйcessaire peut
кtre cause d'une autre, comme on le dit (Mйtaphysique,
V, 5, 1015 b 10[8]). Car la cause de la nature crййe, а qui appartient
l'йternitй, est Dieu. Dans ce en quoi il y a possibilitй au non кtre, la
matiиre demeure, mais les formes sont comme йduites de la puissance de la
matiиre en acte dans la gйnйration, de mкme dans la corruption, elles sont
ramenйes de l'acte а la puissance. C'est pourquoi il reste que dans toute la
nature crййe, il n'y a pas de puissance par laquelle quelque chose puisse
tendre au nйant.
Si autem recurramus ad potentiam Dei facientis, sic
considerandum est, quod dupliciter dicitur aliquid Deo esse impossibile:
uno modo quod est secundum se impossibile, quod quia non
natum est alicui potentiae subiici; sicut sunt illa quae contradictionem
implicant.
Alio modo ex eo quod est necessitas ad oppositum; quod
quidem dupliciter contingit in aliquo agente. Mais si nous recourons а la puissance de Dieu crйateur, il faut
considйrer alors qu'il y a deux maniиres de dire que quelque chose est
impossible а Dieu.
1) D'une premiиre maniиre, ce qui est impossible en soi, parce que ce
n'est pas destinй а кtre soumis а une puissance: comme est ce qui implique une
contradiction.
2) D'une autre maniиre, de ce qui est nйcessitй pour l'opposй; ce qui
arrive de deux maniиres dans un agent:
Uno modo ex parte potentiae activae naturalis, quae
terminatur ad unum tantum sicut potentia calidi ad calefaciendum; et hoc modo
Deus pater necessario generat filium, et non potest non generare.
Alio modo ex parte finis ultimi in quem quaelibet res de
necessitate tendit; sicut et homo de necessitate vult beatitudinem, et
impossibile est eum velle miseriam; et similiter Deus vult de necessitate suam
bonitatem, et impossibile est eum velle illa cum quibus sua bonitas esse non
potest; sicut dicimus quod impossibile est Deum mentiri aut velle mentiri. a) D'une premiиre maniиre du cфtй de la puissance active naturelle, qui
se termine а un effet seulement, comme la puissance du chaud pour rйchauffer;
et de cette maniиre, Dieu le Pиre engendre nйcessairement le Fils et il ne peut
pas ne pas l'engendrer.
b) D'une autre maniиre, du cфtй de la fin derniиre а laquelle tout tend
par nйcessitй; ainsi l'homme veut nйcessairement sa bйatitude, et il est
impossible qu'il veuille le malheur, et de la mкme maniиre Dieu veut
nйcessairement sa bontй, et il est impossible qu'il veuille ce avec quoi sa
bontй ne peut pas exister, de mкme que nous disons qu'il est impossible que
Dieu mente ou veuille mentir.
Creaturas autem simpliciter non esse, non est in se
impossibile quasi contradictionem implicans, alias ab aeterno fuissent. Et hoc
ideo est, quia non sunt suum esse, ut sic cum dicitur, creatura non est omnino,
oppositum praedicati includatur in definitione, ut si dicatur, homo non est
animal rationale: huiusmodi enim contradictionem implicant, et sunt secundum se
impossibilia. Similiter Deus non producit creaturas ex necessitate naturae ut
sic potentia Dei determinetur ad esse creaturae, ut in alia quaestione, est
probatum. Similiter etiam nec bonitas Dei a creaturis dependet, ut sine
creaturis esse non possit: quia per creaturas nihil bonitati divinae adiungitur Mais que les crйatures n'existent absolument pas n'est pas impossible
en soi, comme si cela impliquait une contradiction, autrement elles auraient
exister de toute йternitй. Parce qu'elles ne sont pas leur кtre, comme quand on
dit que la crйature n'existe absolument pas, l'opposй du prйdicat est inclus
dans la dйfinition, comme si on disait que l'homme n'est pas un animal
rationnel, car les propositions de ce genre impliquent une contradiction, et
sont en soi impossibles. De la mкme maniиre Dieu ne produit pas les crйatures
par nйcessitй de nature, de sorte que sa puissance soit ainsi limitйe а l'кtre
de la crйature, comme on l'a prouvй dans une autre question (3 a. 15). De mкme
aussi la bontй de Dieu ne dйpend pas des crйatures, de sorte qu'il ne puisse
exister sans crйatures, parce qu'elles n'ajoutent rien а sa bontй.
Relinquitur ergo quod non est impossibile Deum res ad non
esse reducere; cum non sit necessarium eum rebus esse praebere, nisi ex
suppositione suae ordinationis et praescientiae, quia sic ordinavit et
praescivit, ut res in perpetuum in esse teneret. Il reste donc qu'il n'est pas impossible que Dieu ramиne les crйatures
au non кtre, puisqu'il n'est nйcessaire qu'il leur fournisse l'кtre, que dans
l'hypothиse de sa disposition et de sa prescience, parce qu'il a ordonnй ainsi
et prйconзu que les choses demeureraient en l'кtre йternellement
Solutions:
q. 5 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod si creaturas Deus in nihilum redigeret, non esset
causa tendendi in non esse; hoc enim non contingeret per hoc quod ipse causaret
non esse in rebus, sed per hoc quod desineret rebus dare esse. # 1. Si Dieu ramenait les crйatures au nйant, il ne serait pas cause de
la tendance au non-кtre, car cela n'arriverait pas parce qu'il causerait le non
кtre dans les crйatures, mais parce qu'il cesserait de leur donner l'кtre.
q. 5 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod res corruptibiles desinunt esse per hoc quod earum
materia aliam formam recipit, cum qua forma prior stare non potest; et ideo ad
earum corruptionem requiritur actio alicuius agentis, per quam forma nova
educatur de potentia in actum. Sed si Deus res in nihilum redigeret, non esset
ibi necessaria aliqua actio, sed solum hoc quod desisteret ab actione qua rebus
tribuit esse; sicut absentia actionis solis illuminantis causat lucis
privationem in aere. # 2. Les choses corruptibles cessent d'exister du fait que leur matiиre
reзoit une autre forme, avec laquelle la premiиre ne peut pas demeurer, et
c'est pourquoi pour leur corruption est requise l'action d'un agent par
laquelle une forme nouvelle passe de la puissance а l'acte. Mais si Dieu
ramenait les choses au nйant, aucune action ne serait nйcessaire, mais il
renoncerait seulement а l'action par laquelle il leur a attribuй l'кtre; ainsi
l'absence d'action du soleil qui йclaire cause le manque de lumiиre dans l'air.
q. 5 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ratio illa procederet, si Deus agendo, res annihilare
posset; quod quidem non est; sed magis ab actione desistendo, ut dictum est. # 3. Cette raison conviendrait si Dieu en agissant, pouvait ramener les
choses au nйant; ce qui n'est pas le cas, mais plutфt en renonзant а son
action, comme on l'a dit.
q. 5 a. 3 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod ubi non est actio, non est necessarium finem requirere. Sed quia
ipsum desistere ab actione non potest esse in Deo, nisi per suam voluntatem,
quae non est nisi finis, posset in ipsa annihilatione rerum finis aliquis
inveniri; ut sicut in productione rerum, finis est manifestatio copiae divinae
bonitatis, ita in rerum annihilatione finis esse potest sufficientia suae
bonitatis, quae in tantum est sibi sufficiens, ut nullo exteriori indigeat. # 4. Lа oщ il n'y a pas d'action, il n'est pas nйcessaire de chercher
la fin. Mais parce que renoncer а l'action ne peut exister en Dieu que par sa
volontй, qui n'est que sa fin, on pourrait dans cet anйantissement de la fin
trouver une fin, de mкme que dans la production des choses, la fin est la manifestation
de l'abondance de la bontй divine, de la mкme maniиre dans leur annihilation,
la fin peut кtre la suffisance de sa bontй, qui lui est suffisante en tant
qu'il n'a besoin de rien d'extйrieur.
q. 5 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod effectus a causa sequitur, et est secundum modum causae;
unde effectus voluntatem consequentes, tunc a voluntate procedunt quando
voluntas statuit esse procedendum; non autem de necessitate quando voluntas
est. Et ideo, quia creaturae procedunt a Deo per voluntatem, tunc esse habent
cum Deus vult eas esse; non de necessitate, quandocumque Dei voluntas est;
alias ab aeterno fuissent. # 5. L'effet dйcoule de la cause et existe selon son mode, c'est
pourquoi les effets qui dйcoulent de la volontй, procиdent d'elle quand elle a
dйcidй qu'il fallait le produire; mais non par nйcessitй, quand il y a volontй.
Et parce que les crйatures procиdent de Dieu par volontй, elles ont l'кtre
quand il veut qu'elles existent; non par nйcessitй, mais chaque fois que c'est
sa volontй, autrement elles auraient existй de toute йternitй.
q. 5 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod in
actione Dei qua res producit, duo est considerare: scilicet ipsam substantiam
operationis, et ordinem ad effectum. Substantia quidem operationis, cum sit
divina essentia, aeterna est, nec potest non esse; ordo autem ad effectum,
dependet ex voluntate divina: ex qualibet enim actione facientis non sequitur
effectus nisi secundum exigentiam principii actionis; secundum enim modum
caloris ignis calefacit. Unde cum principium factorum a Deo sit voluntas,
secundum hoc in actione divina est ordo ad effectum, prout voluntas determinat.
Et ideo quamvis actio Dei cessare non possit secundum suam substantiam, ordo
tamen ad effectum cessare posset, si Deus vellet. # 6. Dans l'action de Dieu, par laquelle il produit les crйatures, il
faut considйrer deux points de vue: а savoir la substance de l'opйration et la
relation а l'effet. Comme la substance de l'opйration est l'essence de Dieu,
elle est йternelle et elle ne peut pas ne pas exister, mais la relation а
l'effet dйpend de la volontй divine, car de n'importe quelle action de celui
qui produit, il ne dйcoule un effet que selon l'exigence du principe d'action;
en effet, le feu rйchauffe selon le mode de la chaleur. C'est pourquoi comme la
volontй est le principe de ce qui est produit par Dieu, dans son action, il y a
un rapport а l'effet, selon que la volontй la dйtermine. Et c'est pourquoi,
bien que l'action ne puisse pas cesser selon sa substance, cependant la
relation а l'effet pourrait cesser, si Dieu le voulait.
q. 5 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod communis animi conceptio dicitur illa cuius oppositum
contradictionem includit; sicut, omne totum est maius sua parte; quia non esse
maius sua parte est contra rationem totius. Sic autem animam rationalem non
esse, non est communis animi conceptio, ut ex dictis patet; sed naturam animae
rationalis non esse corruptibilem, haec est communis animi conceptio. Si autem
Deus animam rationalem in nihilum redigeret, hoc non esset per aliquam
potentiam ad non esse quae sit in natura animae rationalis, ut dictum est. # 7. On dit que la conception commune de l'esprit est celle dont
l'opposй inclut une contradiction; de mкme que "le tout est plus grand que
sa partie", parce que, ne pas кtre plus grand que sa partie est contre la
nature du tout. Mais que l'вme rationnelle n'existe pas n'est pas la conception
commune de l'esprit, comme cela paraоt de ce qui a йtй dit, mais que sa nature
ne soit pas corruptible, c'est cela la conception commune. Mais si Dieu la
ramenait au nйant, cela ne se ferait pas par un puissance au non кtre, qui
serait dans sa nature, comme on l'a dit.
q. 5 a. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod illud in cuius natura est possibilitas ad non esse, non
recipit necessitatem essendi ab alio, ita quod ei competat secundum naturam,
quia hoc implicaret contradictionem, scilicet quod natura posset non esse et
quod haberet necessitatem essendi; sed quod habeat incorruptibilitatem ex
gratia vel gloria, hoc non prohibetur. Sicut corpus Adae fuit quodammodo
incorruptibile per gratiam innocentiae, et corpora resurgentium erunt
incorruptibilia per gloriam, per virtutem animae suo principio adhaerentis. Non
tamen removetur quin ipsa natura in qua non est possibilitas ad non esse habeat
necessitatem essendi ab alio; cum quidquid perfectionis habet, sit ei ab alio;
unde cessante actione suae causae, deficeret, non propter potentiam ad non esse
quae in ipso sit, sed propter potestatem quae est in Deo ad non dandum esse. # 8. Ce en quoi la nature a la possibilitй au non кtre, ne reзoit pas
la nйcessitй d'кtre d'un autre, de sorte que cela lui appartienne en nature,
parce que cela impliquerait contradiction, а savoir que la nature pourrait ne
pas кtre et qu'elle aurait la nйcessitй d'кtre, mais ce qui aurait
l'incorruptibilitй par grвce ou par la gloire, n'en serait pas empкchй. Ainsi
le corps d'Adam a йtй d'une certaine maniиre incorruptible par la grвce de
l'innocence et les corps des ressuscitйs seront incorruptibles par la gloire,
par le pouvoir de l'вme adhйrant а son principe. Cependant il n'est pas exclu
que la nature mкme dans laquelle il n'y a pas possibilitй au non кtre ait
nйcessitй d'кtre d'un autre; puisque ce qu'il a de perfection lui vient d'un
autre; c'est pourquoi si l'action de sa cause cessait, elle disparaоtrait, non
а cause de la puissance au non кtre qui serait en elle, mais а cause du pouvoir
de Dieu de ne pas lui donner l'кtre.
q. 5 a. 3 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod in illis quae sunt per naturam incorruptibilia, non
praeintelligitur potentia ad non esse quae tollatur per aliquid a Deo receptum,
secundum quod obiectio procedebat; et hoc ex dictis patet. Sed in illis quae
sunt incorruptibilia per gratiam, subest possibilitas ad non esse in ipsa
natura; quae tamen totaliter reprimitur per gratiam ex virtute Dei. # 9. Dans ce qui est par nature incorruptible, on ne prйconзoit pas la
puissance au non кtre qui serait enlevйe par quelque don reзu de Dieu, selon ce
que l'objection avanзait, et cela paraоt de ce qui a йtй dit. Mais dans ce qui
est incorruptible par grвce demeure la possibilitй au non кtre dans la nature
mкme; qui cependant est totalement empкchйe par la grвce qui dйpend du pouvoir
de Dieu
q. 5 a. 3 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod si Deus creaturas incorruptibiles in nihilum redigeret,
ab earum conservatione cessando, non propter hoc sempiternitatem a natura
separaret, quasi remaneret natura non sempiterna; sed tota natura deficeret
influxu causae cessante. # 10. Si Dieu ramenait les crйatures incorruptibles au nйant, en
cessant de les conserver, ce n'est pas а cause de cela qu'il enlиverait
l'йternitй de la nature, comme si elle ne demeurait pas йternelle; mais elle
disparaоtrait tout entiиre par la cessation de l'influx de la cause.
q. 5 a. 3 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod corruptibile per naturam non potest mutari ut fiat
per naturam incorruptibile, nec e converso, quamvis illud quod est per naturam
corruptibile, possit per gloriam supervenientem perpetuum fieri. Non tamen ex
hoc oportet ponere aliqua corruptibilia fieri per naturam incorruptibilia, quia
esse desinerent causa non cessante. # 11. Le corruptible par nature ne peut pas кtre changй pour devenir
incorruptible par nature, ni l'inverse, quoique ce qui est corruptible par
nature, puisse devenir йternel par l'arrivйe de la grвce. Cependant il ne faut
pas en penser que ce qui est corruptible par nature devient incorruptible par
nature, parce qu'il cesserait d'кtre sans que la cause cesse.
q. 5 a. 3 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod licet creaturae incorruptibiles ex Dei voluntate
dependeant, quae potest eis esse praebere et non praebere; consequuntur tamen
ex divina voluntate absolutam necessitatem essendi, in quantum in tali natura
causantur, in qua non sit possibilitas ad non esse; talia enim sunt cuncta
creata, qualia Deus esse ea voluit, ut Hilarius dicit in libro de synodis. # 12. Bien que les crйatures incorruptibles dйpendent de la volontй de
Dieu, qui peut leur offrir l'кtre ou pas, elles en reзoivent l'absolue
nйcessitй d'кtre, dans la mesure oщ elles sont causйes en une nature oщ il n'y
a pas possibilitй au non кtre; car toutes les crйatures sont telles que Dieu a
voulu qu'elles soient, comme Hilaire le dit dans le livre des Synodes.
q. 5 a. 3 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod Deus licet possit creaturas redigere in nihilum,
non tamen potest facere quod eis manentibus, ipse non sit earum causa: est
autem earum causa, et sicut efficiens, et sicut finis. Sicut ergo Deus non
potest facere quod creatura in esse manens ab eo non sit, ita non potest facere
quod ad eius bonitatem non ordinetur. Unde, cum malum culpae privet ordinem qui
est in ipsum sicut in finem, eo quod est aversio ab incommutabili bono, Deus
non potest esse causa mali culpae, quamvis potest esse causa annihilationis,
omnino a conservatione cessando. # 13. Bien que Dieu puisse ramener les crйatures au nйant, cependant
ils ne peut pas faire que, si elles demeurent, lui-mкme ne soit pas leur cause;
mais il est leur cause et cause efficiente et comme finale. Donc de mкme que
Dieu ne peut pas faire que la crйature qui demeure dans l'кtre ne soit pas de
lui, il ne peut pas faire qu'elle ne soit pas ordonnйe а sa bontй. C'est
pourquoi, comme le mal de la faute prive l'ordre qui est en lui comme dans la
fin, parce qu'il est dйtournement du bien immuable, Dieu ne peut pas кtre cause
du mal de la faute, quoiqu'il puisse кtre cause du retour au nйant, en cessant
tout а fait la conservation.
q. 5 a. 3 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod Augustinus loquitur de malo culpae; et si
loqueretur etiam de malo poenae, annihilatio tamen rerum nullum malum est: quia
omne malum fundatur in bono, cum sit privatio, ut Augustinus dicit. Unde sicut
ante rerum creationem malum non erat, ita nec malum esset, si omnia Deus
annihilaret. # 14. Augustin parle du mal de la faute, et s'il parlait aussi du mal
de la peine, le retour au nйant des choses cependant n'est aucun mal; parce que
tout mal est fondй dans le bien, puisqu'il en est la privation, comme il le dit
(Enchiridion, 11). C'est pourquoi,
comme avant la crйation des choses, il n'y avait pas de mal, ainsi il n'y
aurait pas de mal si Dieu ramenait tout au nйant.
q. 5 a. 3 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod in nulla creatura est virtus quae possit vel de
nihilo aliquid facere vel aliquid in nihilum redigere. Quod autem creaturae in
nihilum redigerentur divina conservatione cessante, hoc non esset per aliquam
actionem creaturae, sed per eius defectum, ut ex praedictis patet. # 15. Dans aucune crйature il n'y a un pouvoir qui puisse ou bien de
rien faire quelque chose, ou bien ramener quelque chose au nйant. Mais que les
crйatures soient ramenйes au nйant, si la conservation de Dieu cessait, cela ne
viendrait pas par une action de la crйature, mais de sa dйfaillance, comme cela
paraоt dans ce qui a йtй dit.
[1] Parall.: Ia, qu. 104, a. 3 –
qu. 9, a. 2 – Veritate. qu. 5, a. 2, ad 6 – Quodl. IV, qu. 3, a. 1
[2]
PL 40, 16.
[3]
PL. 34, 32. Autre texte: in quantum Deus bonus est, sumus, citй Ia, qu. 104, a.
3, obj. 2.
[4]
Cf. Pot,3, 1, obj. 1.
[5]
Pour Aristote, le corruptible et l'incorruptible sont des contraires: "Car
la privation est une impuissance dйterminйe" (1050 b 26) Mais ils
n'appartiennent pas а l'кtre par accident "car rien n'est corruptible par
accident...le corruptible est au nombre des attributs qui appartiennent
nйcessairement aux choses auxquelles ils appartiennent sinon un seul et mкme
кtre serait corruptible et incorruptible, puisqu'il pourrait se faire que le
corruptible ne lui appartоnt pas". (Trad. J. Tricot).
[6]
L'homme est un animal douй de raison.
[7]
Anawati, 356, 3.
[8]
"Parmi les choses nйcessaires, les unes ont en dehors d'elles la cause de
leur nйcessitй, les autres l'ont en elles-mкmes, et sont elles-mкmes source de
nйcessitй pour d'autres choses."
Article 4: Une crйature doit-elle retourner au nйant, ou mкme y
retournera-t-elle?
q. 5 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum aliqua creatura in nihilum sit redigenda, vel etiam in
nihilum redigatur.. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 5 a. 4 arg. 1
Sicut enim potentia finita non potest movere tempore infinito, ita nec per
potentiam finitam potest aliquid esse tempore infinito. Sed omnis potentia
corporis est finita, ut probatur in VIII Phys. Ergo in nullo corpore est
potentia, ut possit durare tempore infinito. Quaedam autem corpora sunt quae
non possunt corrumpi, eo quod non habent contrarium, sicut corpora caelestia.
Ergo necesse est quod quandoque in nihilum redigantur. 1. Car une puissance finie ne peut pas mouvoir pendant un temps infini,
de mкme rien ne peut exister par une puissance finie pendant un temps infini.
Mais toute puissance d'un corps est finie, comme il est prouvй (Phys.
VIII, 10, 266 a 25- 266 b 5). Donc, dans aucun corps, il n'y a de la puissance
pour durer un temps infini. Il existe certains corps qui ne peuvent pas кtre
corrompus, du fait qu'ils n'ont pas de contraire, comme les corps cйlestes.
Donc il est nйcessaire qu'un jour ils retournent au nйant. q. 5 a. 4 arg. 2
Praeterea, illud quod est propter aliquem finem adipiscendum, habito fine,
ulterius eo non indigetur; sicut patet de navi, quae necessaria est mare transeuntibus,
non autem iam transito mari. Sed
creatura corporalis creata est propter spiritualem, ut per eam iuvetur ad suum
finem consequendum. Cum ergo creatura spiritualis erit in suo fine ultimo
constituta, corporali ulterius non indigebit. Cum ergo nihil sit superfluum in
operibus Dei, videtur quod in ultimo rerum fine omnis creatura corporalis
deficiet. 2. Ce qui est en vue d'une fin, une fois celle-ci obtenue, n'en a plus
besoin, comme on le voit pour le bateau, nйcessaire pour ceux qui traversent la
mer, mais non quand elle est dйjа traversйe. Mais la crйature corporelle est
crййe en vue de la crйature spirituelle pour кtre aidйe par elle а parvenir а
sa fin. Donc quand la crйature spirituelle sera installйe en sa fin ultime,
elle n'aura plus besoin de ce qui est corporel. Donc comme rien n'est superflu
dans les oeuvres de Dieu, il semble qu'а la fin ultime du monde, toute crйature
corporelle cessera d'exister. q. 5 a. 4 arg. 3
Praeterea, nihil quod est per accidens, est infinitum. Sed esse est cuilibet creaturae
per accidens, ut Avicenna dicit: unde et Hilarius Deum a creatura distinguens,
dicit: esse non est accidens Deo. Ergo nulla creatura in infinitum durabit; et
sic omnes creaturae quandoque deficient. 3. Rien de ce qui existe par accident n'est infini. Mais n'importe
quelle crйature a l'кtre par accident, comme le dit Avicenne (Mйtaphysique VIII, 4); c'est pourquoi
Hilaire (La Trinitй, VII),
distinguant Dieu de la crйature, dit: "L'кtre n'est pas un accident pour
Dieu". Donc aucune crйature ne durera йternellement, et ainsi elles
disparaоtront toutes un jour q. 5
a. 4 arg. 4 Praeterea, finis debet respondere principio. Sed creaturae principium sumpserunt postquam nihil
erat praeter Deum. Ergo adhuc creaturae reducentur in finem, quod
omnino nihil erit. 4. Le fin doit rйpondre au commencement. Mais les crйatures ont reзu un
commencement, aprиs qu'il n'y eut rien, sauf Dieu. Donc lа encore les crйatures
seront ramenйes а une fin ce qui sera tout а fait le nйant. q. 5 a. 4 arg. 5
Praeterea, quod non habet virtutem ut sit semper, non potest in perpetuum
durare. Sed illud quod non semper fuit, non habet virtutem ut sit semper. Ergo
quod non semper fuit, non potest in perpetuum durare. Sed creaturae non semper
fuerunt. Ergo non possunt in perpetuum durare; et sic quandoque in nihilum
redigentur. 5. Ce qui n'a pas le pouvoir d'exister toujours, ne peut pas durer
йternellement. Mais ce qui n'a pas toujours existй, n'a pas ce pouvoir de
toujours exister. Donc ce qui n'a pas toujours existй ne peut pas durer йternellement.
Mais les crйatures n'ont pas toujours existй. Donc elles ne peuvent durer
йternellement, et ainsi un jour elles retourneront au nйant. q. 5 a. 4 arg. 6
Praeterea, iustitia requirit hoc, ut propter ingratitudinem aliquis beneficio
accepto vel suscepto privetur. Sed per peccatum mortale homo ingratus est
inventus. Ergo iustitia hoc exigit ut omnibus beneficiis Dei privetur, inter
quae etiam est ipsum esse. Iudicium autem Dei de peccatoribus erit iustum,
secundum apostolum, Rom. II, 2. Ergo in nihilum redigentur. 6. La justice requiert qu'а cause de son ingratitude, quelqu'un soit
privй d'un bienfait reзu ou concйdй. Mais par le pйchй mortel, l'homme se
montre ingrat. Donc la justice exige qu'il soit privй de tous les bienfaits de
Dieu, parmi lesquels l'кtre lui-mкme. Mais le jugement de Dieu sera juste pour
les pйcheurs, selon l'Apфtre (Rm. 2, 2). Donc ils retourneront au nйant. q. 5 a. 4 arg. 7
Praeterea, ad hoc est quod dicitur Ierem. X, 24: corripe me, domine; verumtamen
in iudicio, et non in furore tuo, ne forte ad nihilum redigas me. 7. Il y a ce qui est dit en Jйrйmie (10, 24) "Corrige-moi,
Seigneur, dans une juste mesure cependant, et sans fureur, pour ne pas me
ramener au nйant". q. 5 a. 4 arg. 8 Sed
diceretur, quod Deus semper punit citra condignum, propter misericordiam, quae
in Dei iudicio iustitiae admiscetur; et sic Deus non totaliter peccatores a
participatione suorum beneficiorum excludet.- Sed contra, in hoc homini
misericordia non praestatur quod sibi detur aliquid quod melius esset ei non
habere. Sed damnato in Inferno melius esset non esse quam sic esse; quod patet
per id quod dicitur Matth. XXVI, 24 de Iuda: melius erat ei si natus non
fuisset homo ille. Ergo ad misericordiam Dei non pertinet quod damnatos
conservet in esse. 8. Mais on pourrait dire, que Dieu punit toujours en deза de ce qui est
mйritй, а cause de sa misйricorde, qui est mкlйe а la justice dans son jugement;
et ainsi il n'exclut pas totalement les pйcheurs de la participation а ses
bienfaits. – En sens contraire, la misйricorde n'est pas conservйe а cet homme
pour lui donner quelque chose qu'il lui serait meilleur de ne pas avoir. Mais
pour celui qui est condamnй а l'enfer, il eut mieux valu ne pas exister que
d'кtre ainsi, ce qui paraоt par ce qui est dit en Mt. 26, 24, au sujet de Juda:
"Il йtait meilleur pour cet homme de n'кtre pas nй." Donc il ne
convient pas а la misйricorde de Dieu de conserver les condamnйs dans l'кtre . q. 5 a. 4 arg. 9
Praeterea, illa quae non habent materiam partem sui, corrumpuntur omnino, idest
totaliter, cum esse desinunt, [ut dicitur in III Metaph.] sicut sunt
accidentia. Haec autem frequenter esse
desinunt. Ergo aliqua in nihilum rediguntur. 9. Ce qui n'a pas de matiиre en participation, est corrompus tout а
fait, c'est-а-dire а dire totalement, puisqu'ils cessent d'exister [comme il
est dit en Mйtaphysique , III], comme
sont les accidents. car ceux-ci cessent frйquemment d'exister. Donc certains
retournent au nйant. q. 5 a. 4 arg. 10
Praeterea, philosophus in VI Physic. argumentatur, quod si continuum est ex
indivisibilibus, necesse est quod indivisibilia dividantur. Ex quo potest
accipi quod unumquodque resolvitur in ea ex quibus est. Sed omnes creaturae
sunt ex nihilo. Ergo omnes in nihilum quandoque redigentur. 10. Le philosophe (Physique
VI, 1, 231 b 18) dйmontre que, si le continu vient de l'indivisible, il est
nйcessaire que l'indivisible soit divisй. C'est pour cela qu'on peut accepter
que chacun soit ramenй en ce d'oщ il est . Mais toutes les crйatures viennent
du nйant. Donc toutes, un jour, y retourneront. q. 5
a. 4 arg. 11 Praeterea, II Petr. III, 10, dicitur: caeli magno impetu
transient. Sed non possunt transire per corruptionem in aliquod
aliud corpus, cum non habeant contrarium. Ergo transibunt in nihilum. 11. En II Pier, III, 10, il est dit: "Les cieux se dissiperont
avec grand fracas" Mais ils ne peuvent passer par corruption en quelque
autre corps, puisqu'ils n'ont pas de contraire. Donc ils iront au nйant. q. 5 a. 4 arg. 12
Praeterea, ad idem est quod dicitur in Ps. ci, 26: opera manuum tuarum sunt
caeli, ipsi peribunt; et Luc. XXI, 33, dicitur: caelum et terra transibunt. 12. Il est dit de mкme au Ps. 101, 26: "Les cieux sont l'oeuvre de
tes mains, ils pйriront". et en Lc 21, 33 on lit: "La ciel et la
terre passeront." En sens contraire: q. 5 a. 4 s. c. Sed
contra est quod dicitur Eccle. I, 4: terra autem in
aeternum stat. Praeterea, Eccle. III, 14, dicitur: didici quod omnia opera quae
fecit Deus perseverent in aeternum. Ergo creaturae in nihilum non redigentur. Il y a ce que dit l'Eccle 1, 4: "Mais la terre demeure
йternellement." En outre Eccle. 3, 14: "J'ai appris que toutes les
oeuvres faites par Dieu demeureront йternellement". Donc les crйatures ne
retourneront pas au nйant. Rйponse: q. 5 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum quod universitas creaturarum nunquam in nihilum redigetur.
Et quamvis creaturae corruptibiles non semper fuerint, in perpetuum tamen
secundum suam substantiam durabunt; licet a quibusdam positum fuerit, quod
omnes creaturae corruptibiles in ultima rerum consummatione deficient in non
esse; quod quidem Origeni ascribitur, qui tamen hoc non videtur dicere, nisi
aliorum opinionem recitando. La totalitй des crйatures ne retournera jamais au nйant. Et quoique les
crйatures corruptibles n'aient pas toujours existй, elles dureront
йternellement, cependant selon leur substance; bien que quelques-uns aient
pensй que toutes les crйatures corruptibles disparaоtront dans le non кtre а
l'ultime consommation du monde, ce qui est rapportй d'Origиne, qui cependant ne
semble en parler qu'en rapportant l'opinion des autres. Huius tamen rationem sumere possumus ex duobus. Primo quidem ex divina voluntate, ex qua creaturarum esse
dependet. Voluntas enim Dei, quamvis, absolute considerata, ad opposita se in
creaturis habeat, eo quod non magis ad unum quam ad alterum obligatur; ex
suppositione tamen facta aliquam necessitatem habet. Sicut enim in creaturis
aliquid quod se ad opposita habet, necessarium creditur positione aliqua facta,
ut Socratem possibile est sedere et non sedere; necessarium tamen est eum
sedere, cum sedet; ita voluntas divina, quae, quantum est de se, potest velle
aliquid et eius oppositum, ut Petrum salvare, vel non, non potest velle Petrum
non salvare, dum vult Petrum salvare. Et quia eius voluntas immutabilis est, si
ponitur aliquando eum aliquid velle, necessarium est ex suppositione illud eum
semper velle, licet non sit necessarium ut velit quod sit semper, quod vult
esse aliquando. Cependant nous pouvons en tirer la raison de deux points de vue: 1) Car quoique la volontй de Dieu, considйrйe dans l'absolu, se porte
vers les opposйs dans les crйatures, parce qu'il n'est pas plus obligй envers
l'une qu'envers l'autre, cependant, par hypothиse, une fois faite, elle a une
certaine nйcessitй. Ainsi, en effet,, on croit que dans les crйatures, ce qui
se porte vers les opposйs est nйcessaire, une fois la situation йtablie. De
mкme qu'il est possible que Socrate s'assied, ou pas; cependant il est
nйcessaire qu'il soit assis quand il s'assied; de la mкme maniиre la volontй
divine, qui, quant а elle, peut vouloir quelque chose et son opposй, comme
sauver Pierre, ou non, ne peut pas vouloir que Pierre ne soit pas sauvй,
pendant qu'elle veut le sauver. Et parce que sa volontй est immuable, si on
pense qu'il veut quelque chose quelquefois, il est nйcessaire par hypothиse
qu'il le veuille toujours, bien qu'il ne soit pas nйcessaire qu'il veuille
qu'existe toujours ce qu'il veut exister quelquefois. Quicumque autem vult aliquid propter se ipsum, vult ut illud
sit semper, ex hoc ipso quod illud propter se vult. Quod enim aliquis vult
quandoque esse et postmodum non esse, vult esse ut aliquid aliud perficiat; quo
perfecto, eo non indiget quod propter illud perficiendum volebat. Deus autem
creaturarum universitatem vult propter se ipsam, licet et propter se ipsum eam
vult esse; haec enim duo non repugnant. Vult enim Deus ut creaturae sint
propter eius bonitatem, ut eam scilicet suo modo imitentur et repraesentent;
quod quidem faciunt in quantum ab ea esse habent, et in suis naturis
subsistunt. Unde idem est dictu, quod Deus omnia propter se ipsum fecit, [quod
dicitur Proverb. XVI, 4: Universa propter semetipsum operatus est Dominus
Йd.Marietti]et quod creaturas fecerit propter earum esse, quod dicitur Sap. I,
14: creavit enim ut essent omnia. Unde ex hoc ipso quod Deus creaturas
instituit, patet quod voluit eas semper durare; cuius oppositum propter eius
immobilitatem nunquam continget. Mais quiconque veut quelque chose pour lui, veut que cela existe
toujours, du fait qu'il le veut pour lui. Car si quelqu'un veut qu'une chose
existe un temps, et qu'ensuite elle n'existe plus, il veut qu'elle existe pour
achever quelque chose d'autre; cela accompli, il n'a plus besoin de ce qu'il
voulait pour l'accomplir. Mais Dieu veut la totalitй des crйatures pour
elle-mкme, bien qu'il la veuille aussi pour lui; car ces points de vue ne
s'opposent pas. Car Dieu veut que les crйatures existent pour sa bontй, pour
qu'elles l'imitent а leur maniиre et le reprйsentent; ce qu'elles font dans la
mesure oщ elles ont l'кtre par sa bontй, et qu'elles subsistent dans leur
nature. C'est pourquoi c'est le mкme chose de dire, que Dieu fit tout pour lui
(ce qui est dit en Prov. 16, 4: "Le Seigneur a tout fait pour lui-mкme"),
et qu'il ait fait les crйatures pour leur кtre, ce qui est dit en Sg. 1, 14, "Car
[Dieu] a crйй pour que tout existe". C'est pourquoi du fait que Dieu a
instituй les crйatures, il est clair qu'il a voulu qu'elle durent toujours; et
l'opposй n'arrivera jamais а cause de son immutabilitй. Secundo ex ipsa rerum natura; sic enim Deus unamquamque
naturam instituit, ut ei non auferat suam proprietatem; unde dicitur Rom. XI,
24, in Glossa [ordinaria ad illa verba: Contra naturam insertus est –Marietti]
quod Deus, qui est naturarum conditor, contra naturas non agit, etsi aliquando
in argumentum fidei in rebus creatis aliquid supra naturam operetur. Rerum
autem immaterialium, quae contrarietate carent, proprietas naturalis est earum
sempiternitas; quia in eis non est potentia ad non esse, ut supra ostensum est.
Unde sicut igni non aufert naturalem inclinationem, qua sursum tendit, ita non
aufert rebus praedictis sempiternitatem, ut eas in nihilum redigat. 2) [Nous pouvons l'accepter] а cause de la nature mкme des choses; car
Dieu a instituй chaque nature, de sorte qu'il ne lui enlиve pas son caractиre
propre; c'est pourquoi il est dit en Rm 11, 24, dans la Glose (ordinaire, pour
cette parole: "Greffй contre nature") que Dieu qui est le crйateur
des natures n'agit pas contre elles, mкme si quelquefois pour mettre la foi en
lumiиre, il opиre dans les crйatures ce qui dйpasse leur nature. Mais le
caractиre naturel des кtres immatйriels qui n'ont pas de contraire, est leur
йternitй; parce que, en eux, il n'y a pas de puissance au non кtre, comme on
l'a montrй ci-dessus. C'est pourquoi, de mкme qu'il n'enlиve pas le penchant
naturel du feu, qui tend vers le haut, de mкme il n'йlиve pas l'йternitй aux
choses dont on a parlй, pour les ramener au nйant. Solutions: q. 5 a. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, secundum Commentatorem XI Metaph., quod licet omnis
potentia quae est in corpore, sit finita, non tamen oportet quod in quolibet
corpore sit potentia finita ad esse, quia in corporibus corruptibilibus per
naturam, non est potentia ad esse, nec finita nec infinita, sed ad moveri
tantum. Sed haec solutio non videtur valere: quia potentia ad esse non solum
accipitur secundum modum potentiae passivae, quae est ex parte materiae, sed
etiam secundum modum potentiae activae, quae est ex parte formae, quae in rebus
incorruptibilibus deesse non potest. Nam quantum unicuique inest de forma,
tantum inest ei de virtute essendi; unde et in I caeli et mundi philosophus
vult quod quaedam habeant virtutem et potentiam ut semper sint. # 1. Selon le Commentateur (Mйtaphysique,
9, com. 41), bien que toute la puissance, qui est dans un corps, soit limitйe,
il ne faut pas cependant que, dans quelque corps, il y ait une puissance
limitйe а l'кtre, parce que dans les corps corruptibles par nature, il n'y a
pas de puissance а кtre, ni finie, ni infinie, mais seulement puissance а se
mouvoir. Mais cette solution ne semble pas valable, parce que la puissance а
кtre non seulement est reзue selon le mode de la puissance passive, qui vient
de la matiиre, mais aussi selon le mode de la puissance active, qui vient de la
forme, qui ne peut pas manquer dans les choses incorruptibles. Car autant il y
a de forme en chacun, autant il y a en lui de pouvoir а кtre; c'est pourquoi
aussi dans le Ciel et le monde, I, le philosophe veut que certaines [formes]
aient un pouvoir et une puissance а exister toujours. Et ideo aliter dicendum, quod ex infinitate temporis non
ostenditur habere infinitatem nisi illud quod tempore mensuratur vel per se,
sicut motus, vel per accidens, sicut esse rerum quae motui subiacent, quae
aliqua periodo motus durant, ultra quam durare non possunt. Esse autem corporis
caelestis nullo modo attingitur nec a tempore nec a motu, cum sit omnino
invariabile. Unde ex hoc quod caelum est tempore infinito, esse eius nullam
infinitatem habet, sicut omnino extra continuitatem temporis existens; propter
quod a theologis dicitur mensurari aevo. Unde non requiritur in caelo aliqua
virtus infinita ad hoc quod sit semper. Et c'est pourquoi il faut dire autrement: l'infinitй du temps ne montre
qu'on a l'infini que s'il est mesurй par le temps ou par soi, comme le
mouvement, ou par accident, comme l'кtre des choses soumises au mouvement, dont
certaines durent le temps du mouvement, au-delа duquel elles ne peuvent plus
durer. Mais l'кtre du corps cйleste n'est atteint en aucune maniиre, ni par le
temps, ni par le mouvement, puisqu'il est tout а fait invariable. C'est
pourquoi de ce que le ciel soit dans un temps infini, son кtre n'a aucune
infinitй, comme existant tout а fait hors du dйroulement du temps; c'est pour
cela que les thйologiens disent qu'il est mesurй par l'жvum. C'est pourquoi
aucun pouvoir infini n'est requis dans le ciel pour qu'il dure toujours. q. 5 a. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sicut una pars exercitus ordinatur et ad aliam et ad
ducem, ita corporalis creatura ordinatur et ad perfectionem spiritualis
creaturae iuvandam, et ad divinam bonitatem repraesentandam; quod semper
faciet, licet primum cesset. # 2. De mкme qu'une partie de l'armйe est ordonnйe а l'autre et au
gйnйral, de mкme la crйature corporelle est ordonnйe pour aider а la perfection
de la crйature spirituelle, et pour reprйsenter la bontй divine, ce qui se fera
toujours, bien que le premier cesse. q. 5 a. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod esse non dicitur accidens quod sit in genere accidentis,
si loquamur de esse substantiae (est enim actus essentiae), sed per quamdam
similitudinem: quia non est pars essentiae, sicut nec accidens. Si tamen esset
in genere accidentis, nihil prohiberet quin in infinitum duraret: per se enim
accidentia ex necessitate suis substantiis insunt; unde et nihil prohibet ea in
perpetuum inesse. Sed accidentia quae per
accidens insunt subiectis, nullo modo in perpetuum durant secundum naturam. Huiusmodi
autem esse non potest ipsum esse rei substantiale, cum sit essentiae actus. # 3. L'кtre n'est pas appelй accident, parce qu'il serait dans le genre
de l'accident, si nous parlons de l'кtre de la substance (c'est en effet l'acte
de l'essence), mais par une certaine ressemblance; parce qu'il n'est pas partie
de l'essence ni de l'accident non plus. Si cependant il йtait dans le genre de
l'accident, rien n'empкcherait qu'il dure а l'infini; car par soi les accidents
sont par nйcessitй dans leurs substances; c'est pourquoi rien n'empкche qu'ils
y soient а perpйtuitй. Mais les accidents qui sont dans les substrats par
accident, ne durent en aucune maniиre perpйtuellement selon leur nature. L'кtre
de ce genre ne peut кtre l'кtre mкme substantiel de la chose, puisqu'il est
l'acte de l'essence. q. 5 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod antequam res essent, non erat aliqua natura cuius
proprietas esset ipsa sempiternitas, sicut est aliqua natura rebus iam creatis.
Et praeterea hoc ipsum potuit esse ad aliquam perfectionem creaturae
spiritualis quod res non semper fuerint, quia per hoc Deus expresse rerum causa
ostenditur. Nulla autem utilitas sequeretur si omnia in nihilum redigerentur.
Et ideo non est simile de principio et fine. # 4. Avant que les choses existent, il n'y avait pas de nature, dont le
caractиre propre soit l'йternitй, comme il y a une nature pour les choses dйjа
crййes. Et en outre, cela a pu кtre en vue d'un perfection de la crйature
spirituelle, que les choses n'ont pas toujours existй, parce qu'ainsi Dieu se
montre expressйment comme leur cause. Mais aucune utilitй n'en dйcoulerait si
tout йtait ramenй au nйant. Et c'est pourquoi ce n'est pas pareil pour le
commencement et la fin. q. 5 a. 4 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod illa quae semper durabunt, habent virtutem ut sint
semper: hanc tamen virtutem non semper habuerunt, et ideo non semper fuerunt. # 5. Ces кtres qui dureront toujours ont pouvoir d'exister toujours;
cependant ils n'ont pas eu toujours ce pouvoir, et c'est pourquoi ils n'ont pas
toujours existй. q. 5 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod licet Deus, de iustitia, creaturae contra se peccanti
posset esse subtrahere, et eam in nihilum redigere, tamen convenientior
iustitia est ut eam in esse reservet ad poenam: et hoc propter duo. # 6. Bien que Dieu, par justice, puisse retirer l'кtre а la crйature
qui pиche contre lui, et la ramener au nйant, cependant c'est une justice plus
conforme de la conserver dans l'кtre pour le chвtiment, et cela pour deux
raisons. Primo, quia illa iustitia non haberet aliquid misericordiae
admixtum, cum nihil remaneret cui posset misericordia adhiberi: dicitur autem
in Psal. XXIV, 10, quod universae viae domini misericordia et veritas. a) Parce que cette justice ne serait en rien mкlйe а la misйricorde,
puisque rien ne demeurerait а qui il pourrait l'accorder; il est dit au Ps. 24,
10 que "toutes les voies du Seigneur sont misйricorde et vйritй". Secundo, quia ista iustitia congruentius
respondet culpae in duobus. In uno quidem, quia in culpa voluntas contra Deum
agit, non autem natura quae ordinem sibi a Deo inditum servat; et ideo talis
debet esse poena quae voluntatem affligat, naturae nocendo, qua voluntas
abutitur. Si autem creatura omnino in nihilum redigeretur, esset tantum
nocumentum naturae, et non afflictio voluntatis. b) Parce que cette justice rйpond plus convenablement а la faute pour
deux raisons: i) Parce que, dans la faute, la volontй agit contre Dieu, mais pas la
nature qui lui conserve l'ordre inscrit par Dieu, et c'est pourquoi tel doit
кtre le chвtiment qui chвtie la volontй, en blessant la nature dont la volontй
abuse. Mais si la crйature йtait ramenйe tout а fait au nйant, ce serait un
aussi grand prйjudice pour la nature et non un accablement de la volontй. In altero vero, quia cum in peccato duo sint, scilicet
aversio ab incommutabili bono et conversio ad bonum commutabile, conversio post
se aversionem trahit: nullus enim peccans intendit a Deo averti, sed quaerit
frui temporali bono, cum quo simul Deo frui non potest. Unde cum poena damni
aversioni culpae respondeat, conversioni vero eius poena sensus pro actuali
culpa, conveniens est ut poena damni non sit sine poena sensus. Si autem in
nihilum creatura redigeretur, esset quidem poena damni aeterna, sed non
remaneret poena sensus. ii) Parce que, comme dans le pйchй, il y a deux mouvements, а savoir le
dйtournement du bien immuable, et l'adhйsion au bien changeant, cette derniиre
adhйsion entraоne aprиs elle le dйtournement; car aucun pйcheur ne tend а se
dйtourner de Dieu, mais cherche а jouir du bien temporel, avec lequel il ne
peut pas en mкme temps jouir de Dieu. C'est pourquoi, comme la peine du
chвtiment rйpond au dйtournement de la faute, la peine du sens convient а
l'adhйsion pour la faute actuelle, il est convenable que la peine du prйjudice
ne soit pas sans peine du sens. Mais si la crйature retournait au nйant, ce
serait la peine йternelle du prйjudice, mais la peine du sens ne demeurerait
pas. q. 5 a. 4 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod iudicium de quo propheta mentionem facit, praedictam
consecutionem, congruentiam vel operationem poenae ad culpam importat. Furor
enim a quo liberari petit, misericordiae temperamentum excludit. # 7. Le jugement dont le Prophиte fait mention, apporte la consйquence
annoncйe ou l'opйration du chвtiment pour la faute. Car le dйlire prophйtique
dont il demande а кtre libйrй exclut la modйration de la misйricorde. q. 5 a. 4 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod aliquid dicitur melius vel propter praesentiam magis
boni, et sic melius est damnato esse quam non esse; vel propter absentiam mali:
quia etiam carere malo, in rationem boni cadit, secundum philosophum. Et
secundum hoc intelligitur verbum domini inductum. # 8. On dit qu'une chose est meilleure, ou bien, а cause de la prйsence
de plus de bien, et ainsi il est meilleur pour le condamnй d'exister que de ne
pas exister, ou bien, а cause de l'absence de mal; parce que le manque de mal,
appartient а la dйfinition du bien, selon le philosophe (Йth., V, 8). Et c'est
ainsi qu'on comprend la parole du Seigneur qui est rapportйe. q. 5 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod formae et accidentia etsi non habeant materiam partem sui
ex qua sint, habent tamen materiam in qua sunt et de cuius potentia educuntur;
unde et cum esse desinunt, non omnino annihilantur, sed remanent in potentia
materiae, sicut prius. # 9. Mкme si les formes et les accidents n'ont pas de matiиre de ce
dont ils viennent, ils ont cependant la matiиre dans laquelle ils sont et de la
puissance dont ils sont йduits, c'est pourquoi, quand ils cessent d'exister,
ils ne sont pas tout а fait ramenйs au nйant, mais ils demeurent dans la
puissance de la matiиre, comme plus haut. q. 5 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod sicut creaturae sunt ex nihilo, ita in nihilum sunt
redigibiles, si Deo placeret. # 10. Les crйatures viennent du nйant, de la mкme maniиre, de mкme elles
sont aussi capables d'y retourner, si cela plaisait а Dieu. q. 5 a. 4 ad 11 Ad
undecimum et duodecimum dicendum, quod auctoritates illae non sunt
intelligendae hoc modo quod substantia mundi pereat, sed figura, ut apostolus
dicit I ad Cor. VII, 31. # 11 et 12. Ces autoritйs ne sont pas а comprendre comme si la
substance du monde pйrissait, mais en figure, comme l'Apфtre le dit (1 Co. 7,
31).
[1] Parall.: Ia, qu. 104,
a. 4 – qu. 65, a. 1, ad 1 – Pot. qu. 5, a. 9 ad 1.
Article 5: Le mouvement du ciel cessera-t-il un jour?
q. 5 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum motus caeli quandoque deficit. Et videtur quod non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 5 a. 5 arg. 1
Dicitur enim Gen. VIII, 22: cunctis diebus terrae, sementis et messis, frigus
et aestus, aestas et hiems, nox et dies non requiescent. Haec autem omnia ex
motu caeli proveniunt. Ergo motus caeli non requiescet quamdiu terra erit.
Terra autem in aeternum stat, ut dicitur Eccle. I, 4. Ergo et motus caeli in
aeternum erit. 1. Car il est dit en Gn 8, 22: "Pendant tous les jours de la
terre, semence et moisson, froid et chaud, йtй et hiver, nuit et jour ne se
cesseront pas." Mais tout cela provient du mouvement du ciel. Donc son
mouvement ne cessera pas tant que la terre existera. "Mais la terre
demeure dans l'йternitй", comme il est dit dans l'Eccle. 1, 4. Donc le
mouvement du ciel sera йternel.
q. 5 a. 5 arg. 2 Sed
diceretur quod intelligitur de terra prout servit homini secundum praesentem
statum, quo per seminationem et messem homo fructus ex ea colligit ad
sustentationem vitae animalis, non autem prout terra serviet homini iam
glorificato, in aeternum durans ad maiorem bonorum iucunditatem.- Sed contra
dicitur Ierem. XXXI, 35: haec dicit dominus qui dat solem in lumine diei,
ordinem lunae et stellarum in lumine noctis; qui turbat mare, et sonant fluctus
eius: dominus exercituum nomen eius. Si defecerint leges istae coram me, tunc
et semen Israel deficiet ut non sit coram me gens semper. Non autem
intelligitur de Israel carnali, qui iam per sui dispersionem gens dici non
potest. Unde oportet quod intelligatur de Israel spirituali, qui tunc maxime
coram Deo gens erit, cum per essentiam Deum videbit. Ergo in statu beatitudinis
leges praemissae, quae motum caeli sequuntur non cessabunt; et sic neque per
consequens motus caeli. 2. Mais on pourrait dire qu'on le comprend de la terre dans la mesure
oщ elle sert а l'homme selon l'йtat prйsent; par l'ensemencement et la moisson,
il en tire des fruits pour la conservation de sa vie physique, mais non selon
qu'elle servirait а l'homme dйjа glorifiй, demeurant йternellement pour une
plus grande jouissance des biens – En sens contraire, il est dit en Jr. (31,
35): "Le Seigneur parle, lui qui donne le soleil pour la lumiиre du jour,
l'ordonnancement de la lune et des йtoiles pour la lumiиre de la nuit, qui
agite la mer et fait gronder ses flots. Le Seigneur des armйes, c'est son nom.
Si ces lois cessaient devant moi, alors la descendance d'Israлl cesserait d'кtre
un peuple devant moi toujours." Mais on ne le comprend pas de l'Israлl
charnel, qui dйjа par sa diaspora ne peut plus кtre appelй un peuple. C'est
pourquoi il faut le comprendre de l'Israлl spirituel, qui, alors, sera surtout
une peuple devant Dieu, quand il le verra par son essence. Donc dans l'йtat de
bйatitude, les lois susdites, qui suivent le mouvement du ciel ne cesseront
pas, ni par consйquence le mouvement du ciel non plus.
q. 5 a. 5 arg. 3 Praeterea, quaecumque
necessitatem ex priori necessario habent, sunt necessaria absolute, ut patet
per philosophum in II Physic., sicut mors animalis, quae necessaria est propter
materiae necessitatem. Operationes autem rerum incorruptibilium, inter quas
motum caeli oportet ponere, sunt propter substantias eorum quorum sunt
operationes, et sic necessitatem ex priori habere videntur; cum e converso sit
in corruptibilibus, quorum substantiae sunt propter earum operationes; unde ex
posteriori necessitatem habent, ut Commentator ibidem dicit. Ergo
motus caeli necessitate absoluta necessarius est, et ita nunquam cessabit. 3. Tout ce qui tire sa nйcessitй d'un premier nйcessaire, est
absolument nйcessaire, comme on le voit chez le philosophe (Physique II, 9, 199 b 33 ss[2]); comme
la mort physique est nйcessaire а cause de la matiиre. Mais les opйrations des
кtres incorruptibles, parmi lesquels il faut placer le mouvement du ciel, sont
pour les substances de ceux d'oщ viennent les opйrations et ainsi elles
semblent avoir leur nйcessitй de ce qui les prйcиde[3]; alors que, а l'inverse,
cette nйcessitй est dans les кtres corruptibles dont les substances sont en vue
de leurs opйrations, c'est pourquoi ils tirent leur nйcessitй de ce qui suit,
comme le Commentateur le dit lа mкme. Donc le mouvement du ciel est nйcessaire
d'une nйcessitй absolue, et il ne cessera jamais.
q. 5 a. 5 arg. 4
Praeterea, finis motus caeli est ut caelum per motum assimiletur Deo in quantum
exit de potentia in actum per situum renovationem, quos successive actualiter
acquirit; unumquodque enim secundum hoc Deo, qui est purus actus, assimilatur,
quod actu est. Iste autem finis cessaret cessante motu. Cum motus ergo non
cesset nisi obtento fine propter quem est, nunquam motus caeli cessabit. 4. Le but du mouvement du ciel est pour qu'il ressemble а Dieu par le
mouvement en tant qu'il passe de la puissance а l'acte par le renouvellement
des lieux qu'il occupe successivement en acte; car chaque chose ressemble а
Dieu qui est acte pur, parce qu'elle est en acte. Mais ce but n'existerait si
le mouvement cessait. Donc comme le mouvement ne cessait qu'en obtenant le but
pour lequel il existe, jamais le mouvement du ciel ne cessera.
q. 5 a. 5 arg. 5 Sed
dicebatur, quod motus caeli non est propter hunc finem, sed ad complendum
numerum electorum, quo completo, motus caeli quiescet.- Sed contra, nihil est propter se vilius, eo quod
finis est nobilior his quae sunt ad finem, cum finis sit causa bonitatis in his
quae sunt ad finem. Sed caelum, cum sit incorruptibile, est nobilius
quam generabilia et corruptibilia. Ergo non potest dici, quod motus caeli sit
propter aliquam generationem in istis inferioribus, per quam tamen numerus
electorum posset compleri. 5. Mais on pourrait dire, que le mouvement du ciel n'est pas pour ce
but, mais pour complйter le nombre des йlus, et une fois celui-ci complet, il
s'arrкtera. – En sens contraire, rien n'est pas plus vil par soi, parce que le
but est plus noble que ce qui est pour lui, puisqu'il est la cause de la bontй.
Mais puisque le ciel est incorruptible, il est plus noble que ce qui peut кtre
engendrй ou corrompu. Donc on ne peut pas dire que le mouvement du ciel soit
pour une gйnйration dans ces кtres infйrieurs, par laquelle cependant le nombre
des йlus pourrait кtre complйtй.
q. 5 a. 5 arg. 6 Sed
dicebatur, quod motus caeli non est propter generationem electorum sicut
propter generalem finem, sed sicut propter finem secundarium.- Sed contra, habito fine secundario, non quiescit quod propter finem motus
movetur. Si ergo generatio, per quam completur numerus electorum est secundarius
finis motus caeli, eo habito non quiescet adhuc caelum. 6. Mais on pourrait dire que le mouvement du ciel n'est pas pour la
gйnйration des йlus, comme pour une fin gйnйrale mais comme pour une fin
secondaire. – En sens contraire, une fois acquise une fin secondaire, qu'il
soit mы en vue du but du mouvement ne cesse. Si donc la gйnйration par laquelle
est complйtй le nombre des йlus est une fin secondaire du mouvement du ciel,
une fois obtenue, le ciel ne cessera pas encore.
q. 5 a. 5 arg. 7
Praeterea, omne quod est in potentia, est imperfectum, nisi ad actum reducatur.
Deus autem in mundi consummatione non dimittet aliquid imperfectum. Cum ergo
potentia quae est in caelo ad ubi, non reducatur in actum nisi per motum,
videtur quod motus caeli etiam in mundi consummatione non quiescet. 7. Tout ce qui est en puissance est imparfait, sauf s'il est ramenй а
l'acte. Mais Dieu, а la consommation du monde ne laissera rien d'imparfait.
Comme donc la puissance, qui dans le ciel concerne le lieu, n'est ramenйe а
l'acte que par mouvement, il semble que le mouvement du ciel mкme а la
consommation du monde ne s'arrкtera pas.
q. 5 a. 5 arg. 8
Praeterea, si causae alicuius effectus sunt incorruptibiles et semper eodem
modo se habentes, et effectus ipse est sempiternus. Sed omnes causae motus
caeli sunt incorruptibiles et semper eodem modo se habentes; sive accipiamus
causam moventem, sive ipsum mobile. Ergo motus caeli in sempiternum durabit. 8. Si les causes d'un effet sont incorruptibles, et se comportent
toujours de la mкme maniиre, l'effet lui-mкme est йternel. Mais toutes les
causes du mouvement du ciel sont incorruptibles, et se comportent toujours de
la mкme maniиre; que nous considйrions soit la cause moteur, soit le mobile
lui-mкme. Donc le mouvement du ciel durera йternellement.
q. 5 a. 5 arg. 9
Praeterea, illud quod est sempiternitatis susceptivum, nunquam a Deo sua
sempiternitate privabitur, ut patet in Angelo, anima rationali, et substantia
caeli. Sed motus caeli est susceptivus sempiternitatis (solum enim motum
circularem contingit esse perpetuum), ut probatur in VIII Physic.; ergo motus
caeli in perpetuum durabit, sicut et alia quae nata sunt esse sempiterna. 9. Ce qui est susceptible d'йternitй, n'en sera jamais privй par Dieu,
comme c'est clair pour l'ange, l'вme rationnelle et la substance du ciel. Mais
le mouvement du ciel est susceptible d'йternitй (car seul le mouvement
circulaire arrive а кtre perpйtuel), comme on le prouve en Physique (VIII, 8, 264 b 7 Р 265 a 11). Donc le mouvement du ciel
durera perpйtuellement, comme les autres choses destinйes а кtre йternelles.
q. 5 a. 5 arg. 10
Praeterea, si motus caeli quiescet, aut quiescet in instanti aut in tempore. Si
in instanti, contingit simul idem quiescere et moveri: quia cum in toto tempore
praecedenti moveretur, oportet dicere quod in quolibet ipsius temporis in quo
natum est moveri caelum, moveretur. In instanti autem signato in quo datum est
caelum quiescere, natum est caelum moveri, cum motus et quies circa idem sint:
hoc autem instans est aliquid temporis praecedentis, cum sit terminus eius.
Ergo in eo moveretur. Et datum erat quod in eo quiescebat. Ergo simul in eodem
instanti quiescet et movebitur; quod est impossibile. Si autem quiescit in
tempore, ergo tempus erit post motum caeli. Sed tempus non est sine motu caeli,
ergo motus caeli erit postquam esse desierit, quod est impossibile. 10. Si le mouvement du ciel s'arrкtait, ou il s'arrкterait dans
l'instant ou dans le temps. Si c'est dans l'instant, il arrive que c'est le
mкme qui s'arrкte et se meut en mкme temps; parce que, comme en tout temps
prйcйdant il serait mы, il faut dire que dans n'importe quel moment du temps,
dans lequel le ciel est destinй а кtre mы, il serait mы. Mais dans l'instant
dйsignй oщ il a йtй donnй au ciel de s'arrкter, il est destinй а кtre mы
puisque le mouvement et le repos concernent le mкme sujet; mais cet instant est
quelque chose du temps prйcйdant puisqu'il est son terme. Donc il serait mы en
lui. Et il avait йtй donnй de cesser en lui. Donc, en mкme temps, dans le mкme
instant, il cessera et sera mы; ce qui est impossible. Mais s'il s'arrкte dans
le temps, donc celui-ci existera aprиs le mouvement du ciel. Mais le temps
n'existe pas sans lui, donc il existera aprиs qu'il aura cessй d'exister, ce
qui est impossible.
q. 5 a. 5 arg. 11
Praeterea, si motus caeli aliquando deficiat, oportet quod tempus deficiat,
quod est numerus eius, ut patet in IV Physic. Sed impossibile est tempus
deficere, ergo impossibile est motum caeli deficere. Probatio mediae. Omne quod
semper est in sui principio et sui fine, nunquam coepit esse, nec unquam
deficiet, eo quod unumquodque est post suum principium et ante finem suum. Sed
nihil est accipere temporis nisi instans, quod est principium futuri et finis
praeteriti; et sic tempus semper est in sui principio et fine. Ergo tempus
nunquam deficiet. 11. Si le mouvement du ciel cessait un jour, il faut que le temps
cesse, puisqu'il le mesure, comme on le voit en Physique (IV, 10, 219 a 30 Р 219 b 1). Mais il est impossible que
le temps cesse, donc il est impossible que le mouvement du ciel cesse. Preuve
de la proposition intermйdiaire: tout ce qui est toujours en son commencement
et en sa fin, n'a jamais commencй а exister, et ne cessera jamais, parce que
chaque chose est aprиs son commencement et avant sa fin. Mais rien du temps
n'est а recevoir sinon l'instant, qui est le commencement du futur et la fin du
passй; et ainsi le temps est toujours en son commencement et en sa fin. Donc le
temps ne cessera jamais.
q. 5 a. 5 arg. 12
Praeterea, motus caeli est naturalis caelo, sicut et motus gravium et levium
est eis naturalis, ut patet in I caeli et Mun. Hoc autem differt, quod corpora
elementaria non moventur naturaliter nisi cum sunt extra suum ubi, caelum autem
movetur etiam in suo ubi existens; ex quibus accidi potest quod sicut se habet
corpus elementare ad motum suum naturalem, cum est extra suum ubi, ita se habet
caelum ad motum suum naturalem, cum est in suo ubi. Corpus enim elementare, cum
est extra suum ubi, non quiescit nisi per violentiam. Ergo et caelum non potest
quiescere nisi quies sit violenta; quod quidem est inconveniens. Cum enim
nullum violentum possit esse perpetuum, sequeretur quod illa quies caeli non
esset perpetua; sed quandoque iterum caelum moveri inciperet; quod est fabulosum.
Ergo non est dicendum, quod motus caeli aliquando quiescat. 12. Le mouvement du ciel lui est naturel, de mкme le mouvement des
corps lourds et lйgers est naturel aussi pour eux, comme on le voit dans Le ciel et le monde, (I, com. 78, ss.).
Mais il y a cette diffйrence que les corps йlйmentaires ne sont mus
naturellement que quand il ne sont pas а leur place, mais le ciel est mы mкme
en son lieu; c'est pour cela qu'il peut arriver que de mкme que le corps
йlйmentaire se comporte vis-а-vis de son mouvement naturel, quand il n'est pas
а sa place, de mкme le ciel se comporte quant а son mouvement naturel, quand il
est а sa place. Car le corps йlйmentaire, quand il n'est pas а sa place, n'y
reste que par violence. Donc le ciel aussi ne peut s'arrкter sans que son arrкt
ne soit violent, ce qui ne convient pas. Car, comme nulle violence ne pourrait
exister йternellement, il s'ensuivrait que ce repos du ciel ne serait pas
perpйtuel, mais quelquefois il recommencerait а se mouvoir, ce qui est pure
imagination. Donc il ne faut pas dire que le mouvement du ciel s'arrкtera un
jour.
q. 5 a. 5 arg. 13
Praeterea, eorum quae sibi succedunt, oportet esse aliquem ordinem et
proportionem. Finiti autem ad infinitum non est aliqua proportio. Ergo
inconvenienter dicitur, quod caelum finito tempore sit motum, et postmodum
infinito tempore quiescat: quod tamen oportet dicere, si motus caeli incepit et
finietur, et nunquam reincipiat. 13. Dans tout ce qui se succиde, il faut qu'il y ait un ordre et une
proportion. Mais du fini а l'infini il n'y a aucune proportion. Donc il ne
convient pas de dire que le ciel, une fois le temps terminй, est mы, et
qu'aprиs un temps infini, il s'arrкtera, parce qu'il faut dire cependant que,
si le mouvement du ciel commence et s'achиve, jamais il ne recommencera.
q. 5 a. 5 arg. 14
Praeterea, quanto aliquid Deo assimilatur secundum nobiliorem actum, tanto
nobilior est assimilatio; sicut nobilior est assimilatio hominis ad Deum quae
est secundum animam rationalem, quam animalis bruti, quae est secundum animam
sensibilem. Actus autem secundus nobilior est quam actus primus, sicut
consideratio quam scientia. Ergo assimilatio qua caelum assimilatur Deo
secundum actum secundum, qui est causare inferiora, est nobilior quam
assimilatio secundum claritatem, quae est actus primus. Si ergo in mundi
consummatione partes principales mundi meliorabuntur, videtur quod caelum non
desinet moveri, aliqua maiori claritate repletum. 14. Plus l'acte par lequel une chose ressemble а Dieu est noble, plus
sa ressemblance est noble. De mкme qu'est plus noble la ressemblance de l'homme
а Dieu, avec son вme rationnelle que celle de l'animal avec son вme sensitive.
Mais l'acte second est plus noble que l'acte premier, comme la considйration[4]
plus que la science. Donc la ressemblance, par laquelle le ciel ressemble а
Dieu selon l'acte second, qui est de causer les choses infйrieures, est plus
noble que la ressemblance selon la lumiиre qui est son acte premier. Si donc а
la consommation du monde, ses parties principales s'amйliorent, il semble que
le ciel ne cessera pas de se mouvoir, empli par une plus grande lumiиre.
q. 5 a. 5 arg. 15
Praeterea, magnitudo et motus et tempus se consequuntur quantum ad divisionem
et finitatem vel infinitatem, ut probatur in VI Phys. Sed in magnitudine
circulari non est principium neque finis. Ergo nec in motu circulari poterit
esse aliquis finis; et sic, cum motus caeli sit circularis, videtur quod
nunquam finietur. 15. La grandeur, le mouvement et le temps se suivent quant а la
division, la finitude ou l'infinitй, comme on le prouve en Physique (IV, 2, 209 b 32 Р 4, 211 b 19, 211 b 29 Р 212 a 2). Mais
dans une grandeur circulaire, il n'y a ni commencement ni fin. Donc il ne
pourra pas y avoir de fin dans le mouvement circulaire, et ainsi puisque le
mouvement du ciel est circulaire, il semble qu'il ne finira jamais.
q. 5 a. 5 arg. 16
Sed dicebat, quod licet motus circularis nunquam secundum suam naturam
finiatur, tamen divina voluntate finietur.- Sed contra est quod Augustinus
dicit: cum de mundi institutione agitur, non quaeritur quid Deus possit facere,
sed quod rerum natura patiatur ut fiat. Consummatio autem mundi, eius institutioni respondet, sicut finis
principio. Ergo nec in his quae pertinent ad finem mundi, recurrendum est ad
Dei voluntatem, sed ad rerum naturam. 16. Mais on pourrait dire, que bien que le mouvement circulaire ne
finisse jamais par sa nature, cependant il finira par la volontй de Dieu. – En
sens contraire, Il y a ce que dit Augustin (La
Genиse au sens littйral, II): "Quand il s'agit de la constitution du
monde, on ne cherche pas ce que Dieu pourrait faire, mais ce que la nature
supporte qu'il fasse." Mais la consommation du monde correspond а son
constitution, comme la fin а son commencement. Donc, en qui concerne la fin du
monde, il ne faut pas recourir а la volontй de Dieu, mais а la nature des
choses.
q. 5 a. 5 arg. 17
Praeterea, sol per suam praesentiam lumen et diem in istis inferioribus causat,
per absentiam vero tenebras et noctem. Sed non potest esse sol praesens utrique
hemisphaerio, nisi per motum. Ergo si motus caeli quiescat, semper sua
praesentia in una parte mundi causabit diem, et in alia noctem, cui sol semper
erit absens; et sic illa pars non erit meliorata, sed deteriorata, in mundi
consummatione. 17. Le soleil, par sa prйsence, cause la lumiиre et le jour dans ces
choses infйrieures[5], et par son absence les tйnиbres et la nuit. Mais le
soleil ne peut кtre prйsent dans chaque hйmisphиre, que par mouvement. Donc si
le mouvement du ciel s'arrкte, sa prйsence toujours causera le jour dans une
partie du monde, et dans l'autre, pour laquelle le soleil sera toujours absent,
la nuit; et ainsi cette partie ne sera pas amйliorйe; mais dйtйriorйe, а la
consommation du monde.
q. 5 a. 5 arg. 18
Praeterea, illud quod aequaliter se habet ad duo, aut utrique adhaeret aut
neutri. Sed sol aequaliter se habet quantum est de sua natura ad quodlibet ubi
caeli. Ergo vel erit in quolibet, aut in nullo. Sed non potest esse in nullo,
quia omne corpus sensibile alicubi est. Ergo oportet quod sit in quolibet. Sed
hoc non potest esse, nisi per motus successionem. Ergo semper movebitur. 18. Ce qui se comporte de faзon йgale vis-а-vis de deux choses, adhиre
а l'une et а l'autre ou а aucune. Mais le soleil se comporte de faзon йgale pour
ce qui est de sa nature dans n'importe quel lieu du ciel. Donc, ou bien il sera
en chacun ou en aucun. Mais il ne peut pas кtre en aucun, parce que tout corps
sensible est quelque part. Donc il faut qu'il soit quelque part. Mais cela
n'est possible que par succession de mouvement. Donc, il sera toujours en
mouvement.
q. 5 a. 5 arg. 19
Praeterea, in mundi consummatione a nullo tolletur sua perfectio quod tunc
remanebit, quia res quae remanebunt in illo statu non deteriorabuntur, sed
meliorabuntur. Motus autem est perfectio ipsius caeli; quod patet ex hoc quia
motus est entelechia mobilis in quantum huiusmodi, ut dicitur in II Phys.: et
iterum, ut dicitur in II caeli et mundi, caelum per motum perfectam bonitatem
consequitur. Ergo in mundi consummatione caelum motu non carebit. 19. A la consommation du monde, sa perfection, qui restera alors, ne
sera enlevйe par personne, parce que ce qui demeurera dans cet йtat ne sera pas
dйtйriorй, mais amйliorй. Mais le mouvement est la perfection du ciel, ce qui
apparaоt du fait que le mouvement est une entйlйchie mobile en tant que tel,
comme il est dit en Physique, II,
texte 16, et а nouveau comme il est dit dans Le ciel et le monde, (II, 12, 292 b 20), le ciel par le mouvement
atteindra une bontй parfaite. Donc а la consommation du monde, il ne manquera
pas de mouvement.
q. 5 a. 5 arg. 20 Praeterea, corpus aliquod
nunquam attinget ad gradum naturae spiritualis. Hoc autem ad naturam
spiritualem pertinet quod bonitatem perfectam sine motu habeat, ut patet in II
caeli et mundi. Nunquam ergo caelum, si moveri desinat, perfectam bonitatem
habebit; quod est contra rationem consummationis mundi. 20. Un corps n'atteint jamais le niveau de la nature spirituelle. Mais
il convient а cette derniиre qu'elle possиde la bontй parfaite sans mouvement,
comme cela paraоt dans Le ciel et le
monde, (II, 12, 292 a 23 Р 292 b 20). Donc jamais le ciel, s'il cesse de se
mouvoir, n'aura la bontй parfaite, ce qui est contre la nature de la
consommation du monde.
q. 5 a. 5 arg. 21
Praeterea, nihil tollitur nisi per suum contrarium. Motui autem caeli nihil est
contrarium, ut probatur in I caeli et mundi. Ergo motus caeli nunquam quiescet. 21. Rien n'est enlevй que par son contraire. Rien n'est contraire au
mouvement du ciel, comme on le prouve dans Le
ciel et le monde (I, 2, 269 a 10 Р 269 b 2). Donc le mouvement du monde ne
cessera jamais.
En sens contraire:
q. 5 a. 5 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Apoc. X, vers. 5: Angelus quem vidi stantem super
mare et super terram, levavit manum suam et iuravit per viventem in saecula
saeculorum (...): quia tempus amplius non erit. Tempus autem erit quamdiu motus
caeli erit. Ergo motus caeli aliquando esse desinet. 1. Il y a ce qui est dit en Apoc. , 10, 5: "L'ange que je vis
debout sur la mer et sur la terre, leva sa main et jura par le vivant pour les
siиcles des siиcles... parce qu'il n'y aura plus de temps." Mais le temps
durera aussi longtemps que le mouvement du ciel existera. Donc le mouvement du
ciel cessera un jour d'exister.
q. 5 a. 5 s. c. 2
Praeterea, dicitur Iob XIV, 12: homo, cum dormierit, non resurget, donec
atteratur caelum; non evigilabit, nec consurget de somno suo. Caelum autem non
potest intelligi quod atteratur secundum substantiam, quia semper remanebit, ut
prius probatum est. Ergo quando resurrectio mortuorum erit, caelum atteretur
quantum ad motum, qui cessabit. 2. Il est dit en Job, 14, 12: "Quand l'homme se sera endormi, il
ne se relйvera pas, jusqu'а ce que le ciel soit usй; il ne se rйveillera pas et
ne se lиvera pas de son sommeil." Mais on ne peut pas comprendre que le
ciel sera usй dans sa substance, parce qu'il demeurera toujours, comme on l'a
prouvй plus haut. Donc quand il y aura la rйsurrection des morts, le ciel sera
anйanti quant а son mouvement qui cessera.
q. 5 a. 5 s. c. 3
Praeterea, Rom. VIII, 22, super illud: omnis creatura ingemiscit, et parturit
usque adhuc, dicit Glossa Ambrosii: omnia elementa cum labore sua explent
officia, sicut sol et luna non sine labore statuta sibi implent spatia; quod
est causa nostri: unde quiescent nobis assumptis. Ergo in resurrectione
sanctorum motus corporum caelestium quiescent. 3. En Rm 8, 22, sur ce verset: "Toute crйature gйmit et enfante
jusqu'а maintenant", la glose d'Ambroise (Ambrosiaster) dit: "Tous
les йlйments rempliront leurs devoirs avec ardeur, de mкme que le soleil et la
lune, non sans ardeur, emplissent les espaces, qui leur sont assignйs, parce
qu'il est cause pour nous; c'est pourquoi ils cesseront quand nous serons
enlevйs." Donc, а la rйsurrection des saints, le mouvement des corps
cessera.
q. 5 a. 5 s. c. 4
Praeterea, Isidorus dicit: post iudicium sol laboris sui mercedem recipiet, et
non veniet ad occasum nec sol nec luna; quod non potest esse, si caelum
moveatur, ergo tunc caelum non movebitur. 4. Isidore[6] dit (Le livre des crйatures): "Aprиs le
jugement, le soleil recevra la rйcompense de son labeur, et ni le soleil ni la
lune n'en arriveront а leur destruction." Ce qui n'est pas possible si le
ciel se meut, donc alors le ciel ne sera plus en mouvement.
Rйponse:
q. 5 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum quod secundum documenta sanctorum ponimus motum caeli
quandoque cessaturum; quamvis hoc magis fide teneatur quam ratione demonstrari
possit. Ut autem manifestum esse possit in quo huius quaestionis pendeat
difficultas, attendendum est quod motus caeli non hoc modo est naturalis
caelesti corpori sicut motus elementaris corporis est sibi naturalis; habet
enim huiusmodi motus in mobili principium, non solum materiale et receptivum,
sed etiam formale et activum. Formam enim ipsius elementaris corporis sequitur
talis motus, sicut et aliae naturales proprietates ex essentialibus principiis
consequuntur; unde in eis generans dicitur esse movens in quantum dat formam
quam consequitur motus. Il faut dire que, selon les enseignements des saints, nous pensons que
le mouvement du ciel cessera un jour; bien que cela soit assurй plus par la foi
que dйmontrй par la raison. Mais pour que cela puisse кtre йvident oщ se trouve
la difficultй de cette question, il faut faire attention que le mouvement du
ciel n'est pas naturel pour le corps cйleste de la mкme maniиre qu'est naturel
le mouvement du corps йlйmentaire pour lui-mкme; car dans ce qui peut кtre mы
le mouvement de ce genre a un principe, non seulement matйriel et rйceptif, mais
encore formel et actif. Un tel mouvement, en effet, suit la forme du corps
йlйmentaire, de mкme aussi que les autres propriйtйs naturelles dйcoulent des
principes essentiels: c'est pourquoi ce qui engendre en elux est appelй moteur,
dans la mesure oщ il donne la forme qu'atteint le mouvement.
Sic autem in corpore caelesti dici non potest. Cum enim
natura semper in unum tendat determinate, non se habens ad multa, impossibile
est quod aliqua natura inclinet ad motum secundum se ipsum, eo quod in quolibet
motu difformitas quaedam est, in quantum non eodem modo se habet quod movetur;
uniformitas vero mobilis est contra motus rationem. Mais on ne peut pas parler ainsi pour le corps cйleste. En effet, comme
la nature tend toujours а un [effet] de maniиre limitйe, mais pas а plusieurs,
il est impossible qu'une nature incline а un mouvement selon elle-mкme; parce
que, en n'importe quel mouvement, il y a une altйration; dans la mesure oщ ce
qui est mы ne se comporte pas de la mкme maniиre; mais l'uniformitй du mobile
est contre la nature du mouvement.
Unde natura nunquam inclinat ad motum propter movere, sed
propter aliquid determinatum quod ex motu consequitur; sicut natura gravis
inclinat ad quietem in medio, et per consequens inclinat ad motum qui est
deorsum, secundum quod tali motu in talem locum pervenitur. Caelum autem non
pervenit suo motu in aliquod ubi, ad quod per suam naturam inclinetur, quia
quodlibet ubi est principium et finis motus; unde non potest esse suus motus
naturalis quasi sequens aliquam inclinationem naturalis virtutis inhaerentis,
sicut sursum ferri est motus naturalis ignis. C'est pourquoi, la nature n'incline jamais au mouvement pour mouvoir,
mais pour un but dйterminй, qui dйcoule de son mouvement, de mкme que ce qui
est lourd par nature incline au repos dans un milieu qui lui convient et par
consйquent incline а un mouvement vers le bas, selon que, par un tel mouvement,
il parvient en un tel lieu. Mais le ciel ne parvient pas par son mouvement а
quelque lieu, vers lequel il est poussй par sa nature, parce que n'importe quel
lieu est le commencement et la fin de son mouvement; c'est pourquoi son
mouvement naturel ne peut pas exister, comme s'il suivait une inclination de la
puissance naturelle inhйrente, de la mкme maniиre que s'йlever est le mouvement
naturel du feu.
:Dicitur autem motus circularis esse naturalis caelo, in
quantum in sua natura habet aptitudinem ad talem motum; et sic in seipso habet
principium talis motus passivum; activum autem principium motus est aliqua
substantia separata, ut Deus vel intelligentia vel anima, ut quidam ponunt;
quantum enim ad praesentem quaestionem nihil differt. Mais on dit que le mouvement circulaire est naturel au le ciel, dans la
mesure oщ dans sa nature il a une aptitude а une tel mouvement; et ainsi en
lui-mкme, il a le principe passif d'un tel mouvement; mais le principe actif
est une substance sйparйe, comme Dieu ou une intelligence ou une вme, comme
certains le pensent, car pour la prйsente question, il n'y a aucune
diffйrence[7].
Ratio ergo permanentiae motus non potest sumi
ex natura aliqua caelestis corporis, ex qua tantum est aptitudo ad motum; sed
oportet eam sumere ex principio activo separato. Et quia agens omne propter
finem agit, oportet considerare quis est finis motus caeli; si namque fini eius
congruat quod motus aliquando terminetur, caelum quandoque quiescet; si autem
fini eius non competat quies, motus eius erit sempiternus; non enim potest esse
quod motus deficiat ex mutatione causae moventis, cum voluntas Dei sit
immutabilis sicut etiam natura; et per eam immobilitatem consequantur, si quae
sunt causae mediae moventes. Donc la raison de la permanence du mouvement ne peut venir de la nature
du corps cйleste, par laquelle il possиde seulement l'aptitude au mouvement,
mais il faut la prendre d'un principe actif sйparй. Et parce que tout agent
agit en vue d'une fin, il faut considйrer quelle est la fin du mouvement du
ciel; si en effet il convient а sa fin que le mouvement se termine un jour, le
ciel s'arrкtera quelque jour; mais si l'arrкt ne convient pas а sa fin, son
mouvement sera йternel, car il ne peut arriver que le mouvement s'arrкte а
cause du changement de la cause moteur, puisque la volontй de Dieu est
immuable, comme sa nature aussi, et par elle ils obtiendront l'immobilitй, s'il
y a des causes moteurs intermйdiaires.
In hac autem
consideratione tria oportet vitare:
quorum primum est,
ne dicamus caelum moveri propter ipsum motum; sicut dicebatur caelum esse
propter ipsum esse, in quo Deo assimilatur. Motus enim, ex ipsa sui ratione, repugnat
ne possit poni finis, eo quod motus est in aliud tendens; unde non habet
rationem finis, sed magis eius quod est ad finem. Cui etiam attestatur quod est
actus imperfectus, ut dicitur in III de anima. Finis autem est ultima perfectio.
Mais dans cette considйration, il faut йviter trois erreurs:
1) La premiиre: Ne disons pas que le ciel est mы pour le mouvement en
lui-mкme, comme si on disait qu'il existe pour son кtre mкme, en quoi il
ressemble а Dieu. Car le mouvement, de sa propre nature, rйpugne а ce qu'il ne
puisse pas y avoir une fin, parce qu'il tend а un autre lieu; c'est pourquoi il
n'a pas la nature de fin, mais plutфt de ce qui est en vue de la fin. Il est
attestй qu'il est un acte imparfait, comme on le dit dans L'вme (III, 7, 431 a
5) et en Physique( III, 2 201 b
31[8]). Mais la fin est la perfection ultime.
Secundum est, ut non ponatur motus caeli esse propter
aliquid vilius; nam cum finis sit unde ratio sumitur, oportet finem praeeminere
his quae sunt ad finem. Potest autem contingere quod vilior sit terminus
operationis rei nobilioris; non autem ut sit finis intentionis: sicut securitas
rustici est terminus quidam, ad quem operatio regis gubernantis terminatur; non
tamen regimen regis est ordinatum ad huius rustici securitatem sicut in finem
sed in aliquid melius, scilicet in bonum commune. Unde non potest dici, quod
generatio istorum inferiorum sit finis motus caeli, etsi sit effectus vel
terminus, quia et caelum his inferioribus praeeminet, et motus eius motibus et
mutationibus horum. 2) La seconde: qu'on ne pense pas que le mouvement du ciel est pour
quelque chose de plus vil; en effet, comme c'est sa fin, d'oщ on tire sa
raison, il faut que celle-ci soit prййminente sur ce qui est en vue de la fin.
Mais il peut arriver que le terme d'une opйration d'une chose plus noble soit
plus vil; mais non pour qu'elle soit la fin de l'intention: ainsi la sйcuritй
du paysan est le terme oщ s'achиve l'opйration du roi qui gouverne; cependant
l'administration du roi n'est pas ordonnйe а la sйcuritй de ce paysan, comme а
sa fin, mais а quelque chose de meilleur, а savoir le bien commun. C'est
pourquoi on ne peut pas dire que la gйnйration des кtres infйrieurs soit la fin
du mouvement du ciel, mкme si elle en est l'effet ou le terme, parce que d'une
part le ciel l'emporte sur ces кtres infйrieurs, et d'autre part son mouvement
[l'emporet] sur leurs mouvements et leurs changements.
Tertium est, ut non ponatur finis motus caeli aliquid
infinitum, quia, ut dicitur in II Metaphys., qui ponit infinitum in causa
finali destruit finem et naturam boni. Pertingere enim quod infinitum est,
impossibile est. Nihil autem movetur ad id quod impossibile est ipsum consequi,
ut dicitur in I caeli et mundi. Unde non potest dici, quod finis motus caeli sit
ut consequatur in actu ubi ad quod est in potentia, licet hoc Avicenna dicere
videatur. Hoc enim impossibile est consequi, cum infinitum sit; quia dum in uno
ubi fit in actu, erit in potentia ad aliud ubi, in quo prius actu existebat. 3) La troisiиme: qu'on ne pense pas que la fin du mouvement du ciel
soit quelque chose d'infini, parce que, comme il est dit en Mйtaphysique (II, 2, 994 b 13[9]), celui
qui place l'infini dans la cause finale dйtruit la fin et la nature du bien.
Car il est impossible d'atteindre ce qui est infini. Mais rien ne se meut vers
ce qu'il est impossible d'atteindre, comme on le dit dans Le ciel et le monde, I. C'est pourquoi on ne peut pas dire que la
fin du mouvement du ciel soit d'atteindre en acte un lieu oщ il est en puissance,
bien qu'Avicenne semble le dire. Car il est impossible de l'atteindre,
puisqu'il est infini, parce que, pendant qu'il est en acte dans un lieu, il
sera en puissance а un autre, dans lequel il existait avant en acte.
Oportet ergo finem motus caeli ponere aliquid quod caelum
per motum consequi possit, quod sit aliud a motu, et eo nobilius. Hoc autem
dupliciter potest poni. Il faut donc penser que la fin du mouvement du ciel est quelque chose
que le ciel pourrait atteindre par mouvement, ce qui est diffйrent du mouvement
et plus noble que lui. Mais cela on peut le penser de deux maniиres:
Uno modo ut ponatur finis motus caeli aliquid in ipso caelo,
quod simul cum motu existit; et secundum hoc a quibusdam philosophis ponitur,
quod similitudo ad Deum in causando est finis motus caeli; quod quidem fit ipso
motu durante; unde secundum hoc non convenit quod motus caeli deficiat, quia
deficiente motu, finis ex motu proveniens cessaret. 1) Penser que la fin du mouvement du ciel est quelque chose dans le
ciel mкme, qui existe en mкme temps que le mouvement, et а cause de cela
certains philosophes pensent, que la ressemblance а Dieu, en tant que cause,
est la fin du mouvement du ciel; ce qui se fait tant que dure le mouvement;
c'est pourquoi, il ne convient pas que le mouvement du ciel cesse, parce que
s'il cessait, la fin qui provient du mouvement disparaitrait.
Alio modo potest poni finis motus caeli aliquid extra
caelum, ad quod pervenitur per motum caeli; quo cessante illud potest remanere:
et haec est nostra positio. 2) On peut penser que la fin du mouvement du ciel est quelque chose
hors de lui, auquel il parvient par son mouvement, et quand il cesse, cela peut
demeurer; et telle est notre position.
Ponimus enim quod motus caeli est propter implendum numerum
electorum. Anima namque rationalis quolibet corpore nobilior est, et ipso
caelo. Unde nullum est inconveniens, si ponatur finis motus caeli multiplicatio
rationalium animarum: non autem in infinitum, quia hoc per motum caeli
provenire non posset; et sic moveretur ad aliquid quod consequi non potest;
unde relinquitur quod determinata multitudo animarum rationalium sit finis
motus caeli. Unde ea habita motus caeli cessabit. Car nous pensons que le mouvement du ciel est pour complйter le nombre
des йlus. L'вme rationnelle, en effet, est plus noble que n'importe quel corps
et que le ciel mкme. C'est pourquoi il n'est nullement inconvenant de penser
que la fin du mouvement du ciel est la multiplication des вmes rationnelles,
mais pas а l'infini, parce que cela ne pourrait pas provenir du mouvement du
ciel; et alors il serait mы vers quelque chose qu'il ne peut pas atteindre;
c'est pourquoi il reste que la multitude limitйe des вmes rationnelles est la
fin du mouvement du ciel. C'est pourquoi une fois cela atteint, le mouvement du
ciel cessera.
Licet autem utraque positionum praedictarum possit
rationabiliter sustineri, tamen secunda, quae fidei est, videtur esse
probabilior propter tres rationes. Bien que l'une et l'autre des positions annoncйes puissent кtre soutenues
raisonnablement, cependant la seconde, qui est de foi, paraоt plus probable,
pour trois raisons:
Primo quidem, quia nihil differt dicere finem alicuius esse
assimilationem ad Deum secundum aliquid, et illud secundum quod assimilatio
attenditur; sicut supra dictum est, quod finis rerum posset dici vel ipsa
assimilatio divinae bonitatis, vel esse rerum, secundum quod res Deo
assimilantur. Idem ergo est dictu, finem motus caeli esse assimilari Deo in
causando et causare. Causare autem non potest esse finis, cum sit operatio
habens operatum et tendens in aliud: huiusmodi enim operationibus meliora sunt
operata, ut dicitur in principio Ethic.; unde huiusmodi factiones non possunt
esse fines agentium, cum non sint perfectiones facientium, sed magis factorum;
unde et ipsa facta sunt magis fines, ut patet IX Metaph., et in I Ethic. Ipsa autem operata non
sunt fines, cum sint viliora caelo, ut supra dictum est. Unde relinquitur non convenienter dici,
quod finis motus caeli sit assimilari ad Deum in causando. 1) Parce qu'il n'y a pas de diffйrence entre dire que la fin d'un кtre
est une ressemblance relative а Dieu, et dire en quoi la ressemblance est
atteinte, comme on a affirmй ci-dessus qu'il est possible de dire que la fin
des choses est ou bien la ressemblance mкme а la bontй divine, ou bien leur
кtre selon qu'elles ressemblent а Dieu. Donc c'est la mкme chose de dire que la
fin du mouvement du ciel est de ressembler а Dieu en causant et кtre cause.
Mais кtre cause ne peut кtre une fin, puisque c'est une opйration qui a un
rйsultat et tend а autre chose; car pour de telles opйrations les rйsultats
sont meilleurs, comme il est dit au dйbut de l'Йthique (I, 1, 1094 a 5); c'est
pourquoi de telles productions ne peuvent pas кtre le but des agents,
puisqu'ils ne sont pas la perfection de ceux qui les font, mais plutфt de ce
qui est fait; c'est pourquoi ce qui est produit est davantage la fin, comme on
le voit en Mйtaphysique, (IX, 8, 1050
a 30), et en Йthique, (I, 1, 1094 a 3). Les rйsultats des opйrations ne sont
pas des fins, puisqu'ils sont plus vils que le ciel, comme on l'a dit
ci-dessus. C'est pourquoi, il reste qu'il ne convient pas de dire que la fin du
mouvement du ciel est de ressembler а Dieu en йtant cause.
Secundo vero, quia cum caelum moveatur in ipso existente
sola aptitudine ad motum, principio vero activo existente extra, ut dictum est;
movetur et agit sicut instrumentum haec est enim dispositio instrumenti, ut
patet in artificialibus, nam in securi est sola aptitudo ad talem motum;
principium autem motus in artifice est. Unde et secundum philosophos, quod
movet motum, movet ut instrumentum. In actione autem quae est per instrumentum,
non potest esse finis aliquis in ipso instrumento nisi per accidens, in quantum
instrumentum accipitur ut artificiatum et non ut instrumentum; unde non est
probabile quod finis motus caeli sit aliqua perfectio ipsius, sed magis aliquid
extra ipsum. 2) Parce que, comme le ciel se meut tout en existant lui-mкme par sa
seule aptitude au mouvement, alors que son principe actif existe а l'extйrieur,
comme on l'a dit, il se meut et agit comme instrument, car c'est la maniиre
d'agir de l'instrument, comme on le voit dans les oeuvres artificielles, ainsi
la hache a seulement l'aptitude а un tel mouvement, mais le principe du mouvement
est dans l'artisan. C'est pourquoi selon les philosophes, ce qui meut ce qui
est mы, le meut comme instrument. Mais dans l'action, accomplie par un
instrument, il ne peut y avoir une fin dans l'instrument lui-mкme que par
accident, dans la mesure oщ il est pris comme oeuvre et non comme instrument;
c'est pourquoi il n'est pas probable que la fin du mouvement du ciel soit sa
propre perfection, mais plutфt un objet hors de lui.
Tertio, quia si similitudo ad Deum in causando est finis
motus caeli, praecipue attenditur haec similitudo secundum causalitatem eius
quod a Deo immediate causatur, scilicet animae rationalis, ad cuius
causalitatem concurrit caelum et per motum suum materiam disponendo. Et ideo
probabilius est quod finis motus caeli sit numerus electorum quam assimilatio
ad Deum in causalitate generationis et corruptionis, secundum quod philosophi
ponunt. Et
ideo concedimus quod motus caeli completo numero electorum finietur. 3) Parce que si la ressemblance а Dieu dans le fait qu'il est cause, est
la fin du mouvement du ciel, cette ressemblance est principalement atteinte
selon la causalitй de ce qui est causйe immйdiatement par Dieu, а savoir celle
de l'вme rationnelle: а sa causalitй concourt le ciel en disposant la matiиre
par son mouvement. Et c'est pourquoi il est plus probable que la fin du
mouvement du ciel est le nombre des йlus que la ressemblance а Dieu lorsqu'il
cause la gйnйration et corruption, selon ce que pensent les philosophes. Et
c'est pourquoi nous concйdons que le mouvement du ciel se terminera quand le
nombre des йlus sera complet.
Solutions:
q. 5 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod loquitur de duratione terrae secundum quod est
transmutationi subiecta; sic enim in ea seminatur et metitur. Tali autem statu
terrae durante motus caeli non cessabit. # 1. [La Genиse] parle de la durйe de la terre selon qu'elle est
soumise au changement; car ainsi on sиme et on moissonne sur elle. Mais tant
que dure un tel йtat de la terre, le mouvement du ciel ne cessera pas.
q. 5 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod auctoritas illa non est intelligenda de Israel carnali,
sed de Israel spirituali; non tamen secundum quod est in patria coram Deo,
contemplando ipsum per speciem, sed secundum quod est in via coram Deo per
fidem; ut sic idem sit quod dicitur hic, et quod dominus discipulis loquens
ait, Matth. XXVIII, 20: ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi. # 2. Cette autoritй n'est pas а comprendre de l'Israлl charnel, mais de
l'Israлl spirituel; cependant non selon qu'il est dans la patrie devant Dieu,
en le contemplant par sa forme (per speciem), mais selon qu'il est en chemin
devant lui par la foi, pour que ce soit une mкme chose ce qui est dit ici et
que le Seigneur parlant а ses disciples leur dit (Mt. 18, 20): "Voici, je
suis avec vous jusqu'а la consommation des siиcles."
q. 5 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod haec praepositio propter denotat causam; unde quandoque
denotat causam finalem, quae est posterior in esse; quandoque autem materialem
vel efficientem, quae sunt prior. Cum autem dicitur in rebus incorruptibilibus,
actus sunt propter agentia, ly propter non denotat causam finalem, sed causam
efficientem, ex qua est necessitas ibi, et non ex fine. Motus ergo caeli si
comparetur ad ipsum mobile, non habet ex eo necessitatem sicut ex causa
efficiente, ut ostensum est; habet autem hanc necessitatem ex movente. Quod,
quia est voluntarie movens, secundum hoc necessitatem in motu inducit secundum
quod determinatum est per ordinem sapientiae divinae, et non ad moveri semper. # 3. Cette prйposition propter (pour) signale une cause; c'est pourquoi
quelquefois elle signifie la cause finale, qui est postйrieure dans l'кtre,
quelquefois la cause matйrielle, ou la cause efficiente qui sont avant. Quand
on dit que dans ce qui est incorruptible, les actes sont pour les agents, le
propter ne signifie pas la cause finale, mais la cause efficiente, d'oщ elle
tire sa nйcessitй et non de la fin. Donc, si le mouvement du ciel est comparй а
un mobile mкme, il n'en a pas nйcessitй comme d'une cause efficiente, comme on
l'a montrй; mais il tient cette nйcessitй du moteur. Parce qu'il est moteur
volontairement, il introduit la nйcessitй dans le mouvement selon qu'il est
dйterminй par l'ordre de la sagesse divine, et non pour se mouvoir toujours.
q. 5 a. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod assimilari Deo secundum hoc quod actu acquirit
successive diversos situs ad quos prius erat in potentia, non potest esse finis
motus caeli: tum quia hoc infinitum est, ut supra ostensum est; tum quia sicut
ex una parte per motum acceditur ad divinam similitudinem, per hoc quod situs
qui erant in potentia, fiunt actu; ita ab alia parte receditur a divina
similitudine per hoc quod situs qui erant in actu, fiunt in potentia. # 4. Ressembler а Dieu selon qu'il acquiert en acte successivement les
divers lieux, pour lesquels il йtait avant en puissance, ne peut pas кtre la
fin du mouvement du ciel; d'une part, parce que cela est infini, comme on l'a
montrй ci-dessus, d'autre part, parce que, de mкme que d'un cфtй il atteint par
mouvement la ressemblance divine, du fait que les lieux qui йtaient en
puissance, deviennent en acte; de mкme d'un autre cфtй, il s'йloigne de la
ressemblance divine par le fait que les lieux qui йtaient en acte deviennent en
puissance.
q. 5 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod licet generabilia et corruptibilia sint viliora caelo,
tamen animae rationales sunt corpore caeli nobiliores, quae tamen a Deo
producuntur ad esse in materia disposita per motum caeli. # 5. Bien que ce qui peut кtre engendrй ou corrompu soit plus vil que
le ciel, cependant les вmes rationnelles sont plus nobles que le corps du ciel;
cependant elles sont amenйes а l'кtre par Dieu dans la matiиre disposйe par le
mouvement du ciel.
q. 5 a. 5 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod completio numeri electorum, secundum doctrinam fidei non
ponitur secundarius finis motus caeli, sed principalis, licet non ultimus, quia
finis ultimus uniuscuiusque rei est bonitas divina, in quantum creaturae
quoquomodo ad eam pertingunt vel per similitudinem vel per debitum famulatum. # 6. On ne pense pas que, selon la doctrine de la foi, l'achиvement du
nombre des йlus est la fin seconde du mouvement du ciel, mais sa fin
principale, bien qu'elle ne soit pas la derniиre, puisque la fin ultime de
chaque chose est la bontй divine, dans la mesure oщ les crйatures d'une
certaine maniиre y parviennent ou par ressemblance ou par le service qui lui
est dы.
q. 5 a. 5 ad 7 Ad septimum dicendum, quod res
non dicitur esse imperfecta, quacumque potentia in ipsa non reducta ad actum,
sed solum quando per reductionem in actum res suum consequitur complementum. Non enim
homo qui est in potentia ut sit in India, imperfectus erit, si ibi non fuerit;
sed imperfectus dicitur, si scientia vel virtute careat, qua natus est perfici.
Caelum autem non perficitur per locum, sicut
corpora inferiora, quae in proprio ubi conservantur. Unde licet potentia qua
potest esse in aliquo ubi, nunquam reducatur ad actum, non tamen sequitur quod
sit imperfectum. # 7. On ne dit pas qu'une chose est imparfaite, par quelque puissance
en elle qui n'est pas ramenйe а l'acte, mais seulement, йtant ramenйe а l'acte,
elle reзoit son achиvement. Car l'homme, qui est en puissance pour кtre en
Inde, ne sera pas imparfait, s'il n'y est pas allй, mais on le dit imparfait,
s'il manque de la science ou du pouvoir, qui sont destinйs а le parfaire. Mais
le ciel n'est pas achevй par le lieu comme les corps infйrieurs, qui se
conservent en leur lieu propre. C'est pourquoi, bien que la puissance, par
laquelle il peut кtre dans un lieu, ne soit jamais ramenйe а l'acte, il n'en
dйcoule pas cependant qu'il soit imparfait. Car considйrй en soi, il n'a pas
une perfection plus grande qu'il soit dans un lieu ou un autre, mais il se
comporte indiffйremment pour tout lieu, puisqu'il est mы naturellement vers
n'importe lequel. Mais l'indiffйrence elle-mкme conduit plus au repos qu'а la
perpйtuitй du mouvement, а moins de considйrer la volontй du moteur et de celui
qui cherche la fin. Ainsi certains philosophes ont assignй la cause du repos de
la terre, dans un juste milieu а cause de son indiffйrence par rapport а
n'importe quelle partie de la circonfйrence du ciel.
q. 5 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod licet causae motus caeli omnes sint sempiternae, tamen
movens, ex quo necessitas eius dependet, movet per voluntatem et non est
necessarium quod semper moveat, sed secundum quod exigit ratio finis. # 8. Bien que les causes du mouvement du ciel ne soient pas toutes
йternelles, cependant le moteur d'oщ dйpend sa nйcessitй, meut par volontй, et
il n'est pas nйcessaire qu'il meuve toujours, mais selon ce qu'exige la raison
de la fin.
q. 5 a. 5 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod alio modo caelum est secundum suam naturam capax
sempiternitatis motus et sui esse. Nam suum esse dependet ex principiis suae
naturae, ex quibus consequitur necessitas essendi, cum non sit in eis
possibilitas ad non esse, ut prius ostensum est; suus autem motus in natura
eius non habet nisi aptitudinem; necessitatem vero habet ex movente. Unde etiam
secundum Commentatorem, sempiternitas essendi in caelo est ex principiis suae
naturae, non autem sempiternitas motus, sed ab extrinseco. Unde etiam secundum
eos qui dicunt motum nunquam deficere, causa durationis motus caeli et eius
sempiternitatis, est voluntas divina; quamvis eius immobilitas non de
necessitate concludere possit sempiternitatem motus caeli, ut ipsi volunt. Non
enim est mobilis voluntas, si velit quod diversa sibi invicem succedant
secundum quod exigit finis quem immobiliter vult. Et ideo potius est inquirenda
ratio sempiternitatis motus ex fine quam ex immobilitate moventis. # 9. C'est d'une autre maniиre que le ciel est selon sa nature capable
de l'йternitй du mouvement, et de celle son кtre. Car son кtre dйpend des
principes de sa nature d'oщ il tire sa nйcessitй d'кtre, puisqu'il n'y a pas en
lui de possibilitй au non кtre, comme on l'a montrй plus haut; son mouvement
dans sa nature n'a qu'une aptitude, mais tire sa nйcessitй du moteur. C'est
pourquoi, selon le Commentateur (Mйtaphysique
II, et dans le livre La Substance du monde), l'йternitй de l'кtre dans le ciel
vient des principes de sa nature, mais pas l'йternitй du mouvement, qui vient
de l'extйrieur. C'est pourquoi, mкme selon ceux qui disent que le mouvement ne
cesse jamais, la cause de la durйe du mouvement du ciel et de son йternitй,
c'est la volontй divine, quoique son immobilitй ne puisse enclore
nйcessairement l'йternitй du mouvement du ciel, comme ceux-ci le veulent. Car
sa volontй ne change pas, s'il veut que diverses choses se succиdent entre
elles, selon ce qu'exige la fin qu'il veut immuablement. Et c'est pourquoi il
faut chercher plutфt la raison de l'йternitй du mouvement dans la fin que dans
l'immobilitй du moteur.
q. 5 a. 5 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod motus caeli terminabitur in instanti, in quo quidem
neque erit motus neque quies, sed terminus motus et principium quietis. Quies
autem sequens non erit in tempore; nam quies non mensuratur a tempore primo,
sed secundario, ut dicitur in IV Phys.; unde si sit quies alicuius corporis,
quae nulli motui subiiciatur, non mensurabitur tempore. Quamvis, si in hoc fiat
vis, possit dici, quod erit post motum in caelo immobilitas quaedam, etsi non
quies. # 10. Le mouvement du ciel se terminera dans l'instant, oщ il n'y aura
ni mouvement, ni arrкt, mais le terme du mouvement, et le commencement de
l'arrкt. Mais l'arrкt suivant ne sera pas dans le temps, car il n'est pas
mesurй par le temps premier, mais second, comme on dit en Physique (IV, 12, 221 b 20-22[10]); c'est pourquoi s'il y a arrкt
d'un corps, qui ne serait plus soumis а aucun mouvement, il ne sera pas mesurй
par le temps. Cependant, si en cela il y a violence, on pourrait dire qu'il y
aura dans le ciel aprиs le mouvement, l'immobilitй, mкme si ce n'est pas
l'arrкt.
q. 5 a. 5 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod
sicut motus caeli deficiet, ita et tempus deficiet, ut per auctoritatem
Apocalypsis inductam apparet. Ultimum autem nunc totius temporis
erit quidem finis praeteriti non autem principium futuri. Quod enim nunc simul
sit et finis praeteriti et principium futuri, habet in quantum sequitur motum
circularem continuum, cuius quodlibet signum indivisibile est principium et
finis respectu diversorum. Unde si motus cesset, sicut erit aliquod ultimum
indivisibile in motu, ita et in tempore. # 11. Le mouvement du ciel s'arrкtera, le temps aussi, comme le montre
l'autoritй tirйe de l'Apocalypse (8, 6). Mais le dernier moment de tout le
temps sera la fin du passй mais pas le commencement du futur, Car, que ce temps
soit en mкme temps la fin du passй et le commencement du futur, il l'a dans la mesure
oщ il suit un mouvement circulaire continu, dont le signe indivisible est le
commencement et la fin par rapport а diffйrents [temps]. C'est pourquoi si le
mouvement cesse, il y aura une chose ultime indivisible dans le mouvement, et
dans le temps aussi.
q. 5 a. 5 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod motus caeli, ut dictum est, non est naturalis propter
activam inclinationem formalis principii in corpore caelesti ad talem motum,
sicut est in elementis; unde non sequitur, si caelum quiescit, quod eius quies
sit violenta. # 12. Le mouvement du ciel, comme on l'a dit, n'est pas naturel а cause
de l'inclination active d'un principe formel dans le corps cйleste pour un tel
mouvement, comme il l'est dans les йlйments; c'est pourquoi il n'en dйcoule pas
que si le ciel s'arrкte, son arrкt soit violent.
q. 5 a. 5 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod si motus caeli non esset propter aliquid aliud
tunc oporteret attendere proportionem eius ad quietem sequentem, si non
sempiternus poneretur; sed quia est ordinatus ad alium finem; eius proportio
attenditur in ordine ad finem, et non in ordine ad quietem sequentem: ut
intelligamus quod Deus ex nihilo universas creaturas in esse producens, primam
universi perfectionem, quae consistit in partibus essentialibus universi, et
diversis speciebus, per seipsum instituit. Ad ultimam vero perfectionem, quae
erit ex consummatione ordinis beatorum, ordinavit diversos motus et operationes
creaturarum: quosdam quidem naturales, sicut motum caeli et operationes
elementorum, per quas materia praeparatur ad susceptionem animae rationalis;
quosdam vero voluntarios, sicut Angelorum ministeria, qui mittuntur propter eos
qui haereditatem capiunt salutis. Unde hac consummatione habita, et
immutabiliter permanente, quae ad eam ordinabuntur, in perpetuum cessabunt. # 13. Si le mouvement du ciel n'йtait pas en vue de quelque chose
d'autre, il lui faudrait alors atteindre sa limite а l'arrкt suivant, si on ne
le pensait pas йternel, mais parce qu'il est ordonnй а une autre fin; sa limite
est atteinte par rapport а sa fin et non par rapport а l'arrкt suivant; pour
que nous comprenions que Dieu a amenй du nйant а l'кtre l'ensemble des
crйatures, en instituant lui-mкme la premiиre perfection de l'univers qui
consiste dans ses parties essentielles et en diverses espиces. Pour l'ultime
perfection, qui viendra de l'accomplissement de l'ordre des bienheureux, il a
ordonnй diffйrents mouvements et opйrations des crйatures: certains naturels,
comme le mouvement du ciel et les opйrations des йlйments, par lesquelles la
matiиre est prйparйe а recevoir l'вme rationnelle; certains volontaires comme
le ministиre des anges, qui sont envoyйs pour ceux qui reзoivent l'hйritage du
salut. C'est pourquoi, une fois cet accomplissement rйalisй et, en demeurant
immuablement, ce qui lui sera ordonnй cessera йternellement.
q. 5 a. 5 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod obiectio illa procedit de actu secundo, qui est
operatio manens in operante, quae est finis operantis, et per consequens
excellentior quam forma operantis. Actus autem secundus, qui est actio tendens
in aliquod factum, non est finis agentis, nec nobilior quam eius forma; nisi
ipsa facta sint nobiliora facientibus, sicut artificiata sunt nobiliora
artificialibus instrumentis, ut eorum fines. # 14. Cette objection procиde de l'acte second, qui est l'opйration qui
demeure dans celui qui opиre, qui est sa fin, et par consйquent meilleure que
sa forme. Mais l'acte second, qui est une action qui tend а un produit, n'est
pas la fin de l'agent, et n'est pas plus noble que sa forme, а moins que ce qui
est produit soit plus noble que ceux qui le produisent, comme les oeuvres
artisanales sont plus nobles que les instruments de l'artisan, en tant que
leurs fins.
q. 5 a. 5 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod licet in circulari magnitudine non sit principium
vel finis in actu, potest tamen designari principium vel finis in ea per
inclinationem vel terminationem motus alicuius. # 15. Bien que dans une grandeur circulaire, il n'y ait ni
commencement, ni fin en acte, on peut cependant y dйsigner un commencement ou
une fin par l'inclination ou la limite d'un mouvement.
q. 5 a. 5 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod in mundi principio natura instituebatur: et ideo
in his quae ad principium spectant, non oportet naturae proprietatem
praetermittere; in mundi autem fine naturae operatio consequitur finem a Deo
sibi institutum: unde oportet ibi recurrere ad voluntatem Dei, quae talem finem
instituit. # 16. Au commencement du monde, la nature йtait instituйe, et c'est
pourquoi dans ce qui regarde au principe, il ne faut pas oublier la propriйtй
de la nature, mais а la fin du monde, l'opйration de la nature suit la fin
instituйe pour elle par Dieu; c'est pourquoi il faut ici recourir а la volontй
de Dieu qui a dйcidй une telle fin.
q. 5 a. 5 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod licet caelo quiescente semper sit futurus sol ex
una parte terrae non tamen ex alia parte terrae erunt omnino tenebrae et
obscuritas, propter claritatem quae a Deo elementis tradetur. Unde habetur
Apoc. XXI, 23, quod civitas non eget sole neque luna nam claritas Dei
illuminavit eam. Si tamen sit amplior claritas ex illa parte terrae quae fuit
inhabitata a sanctis, nullum inconveniens sequitur. # 17. Mкme si le ciel s'arrкte, il y aura toujours le soleil d'un cфtй
de la terre, cependant de l'autre, il n'y aura pas tout а fait les tйnиbres, ni
l'obscuritй, а cause de la lumiиre accordйe aux йlйments par Dieu. C'est
pourquoi il est dit dans Apocalypse, 21, 23, que "La citй n'aura pas
besoin de soleil, ni de lune, car la lumiиre de Dieu l'йclairera." Si
cependant la lumiиre est plus forte de ce cфtй de la terre qui a йtй inhabitйe
par les saints, il n'en dйcoule aucun inconvйnient.
q. 5 a. 5 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod quamvis caelum aequaliter se habeat ad quemlibet
situm sibi possibilem, non tamen motus est propter acquisitionem situs, sed
propter aliquid aliud: unde in quocumque situ remaneat, impleto eo ad quod
erat, nihil differt. # 18. Quoique le ciel se comporte de la mкme maniиre pour n'importe
quel lieu possible pour lui, cependant le mouvement n'est pas pour acquйrir un
lieu, mais pour quelque chose d'autre: c'est pourquoi, en quelque lieu qu'il
demeure, il n'y a pas de diffйrence une fois accomplie ce pourquoi il existait.
q. 5 a. 5 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod motus etsi sit actus mobilis, est tamen actus
imperfectus. Unde per hoc quod motus aufertur, non potest concludi quod
simpliciter perfectio auferatur, et praecipue si per motum mobili nihil
acquiratur. Quod autem philosophus dicit, quod acquirit perfectam bonitatem per
motum, loquitur secundum primam dictarum opinionum de fine motus caeli, qui
competit ad sempiternitatem motus. # 19. Mкme si le mouvement est un acte du mobile, il est cependant un
acte imparfait. C'est pourquoi, du fait que le mouvement est enlevй, on ne peut
pas conclure que la perfection est absolument enlevйe, et principalement, si
rien n'est acquis pour le mobile par le mouvement. Quand le philosophe dit
qu'il acquiert la bontй parfaite par le mouvement, il parle selon la premiиre
des opinions rapportйes а propos de la fin du mouvement du ciel, qui appartient
а l'йternitй du mouvement.
q. 5 a. 5 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod perfectio spiritualis naturae est ut possit esse causa
aliorum sine suo motu; quod caelum nunquam acquiret. Nec tamen propter hoc
deteriorabitur, cum finis suus non sit in causando alia, ut dictum est. # 20. La perfection de la nature spirituelle est de pouvoir кtre cause
des autres sans son mouvement, ce que le ciel n'acquerra jamais. Et cependant
il ne sera pas dйtйriorй, а cause de cela, puisque sa fin n'est pas de causer
d'autres choses, comme on l'a dit.
q. 5 a. 5 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod motus caeli non quiescet propter aliquod
contrarium, sed propter voluntatem moventis tantum. # 21. Le mouvement du ciel ne cessera pas а cause d'un contraire, mais
par la volontй du moteur seulement.
[1] Parall.: II Sent. D11q2a6,ad
3 –d33q2a1 – IV Sent. S44q3a1qla3,
c. – Qdl. VII, a. 11 – Opusc. III, c. 1, 76.
[2]
Thomas lectio 15, n° 270.
[3]
Ex priori comprend la cause, ex posteriori comprend la cause finale ou l'effet.
[4]
Cf. De veritate, qu. 2,a. 1 obj. 7:"La science dйnote une imperfection
puisqu'elle est signifiйe а la maniиre d'un habitus, c'est-а-dire d'un acte
premier, alors que la considйration est signifiйe а la maniиre d'un acte
second." (Trad. S. Bonino, La science de Dieu. Cf. note 15, p. 358. La
considйration dйsigne l'exercice d'un habitus scientifique.
[5]
C'est-а-dire dans notre monde.
[6]
Isidore de Sйville (560 636), docteur de l'Йglise.
[7]
Il veut dire qu'on peut parler d'intelligence ou d'вme, comme les
nйoplatoniciens, mкme si c'est faux, cela n'entraоne ici aucune consйquence.
[8]
Ajoutй dans l'Йd. Marietti.
[9]
"Mais ceux qui posent une sйrie infinie ne sФaperзoivent pas qu'ils
ruinent la notion mкme de bien." (Trad. J. Tricot). Thomas n° 317: "Ceux
qui posent l'infinitй dans les causes finales les йcartent".
[10]
"...le corps mы n'est pas absolument mesurable par le temps, en tant qu'il
est une certaine quantitй, mais en tant que son mouvement est une certaine
quantitй...".
Article 6: L'homme peut-il savoir quand le mouvement du ciel s'arrкtera?
q. 5 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum possit sciri ab homine quando motus caeli finiatur. Et
videtur quod sic. Et il semble que oui[1].
Objections:
q. 5 a. 6 arg. 1
Quia, secundum Augustinum in fine de Civit. Dei, sexta aetas currit ab adventu
Christi usque ad finem mundi. Sed scitur quantum praecedentes aetates
duraverunt. Ergo sciri potest quantum ista aetas durare debet per comparationem
ad alias; et ita potest sciri quando motus caeli finietur. 1. Parce que, selon Augustin, а la fin de la Citй de Dieu, le
sixiиme вge court de la venue du Christ jusqu'а la fin du monde[2]. Mais on
sait combien de temps ont durй les вges prйcйdents. Donc on peut savoir combien
cet вge doit durer par comparaison aux autres et ainsi quand le mouvement du
ciel s'arrкtera.
q. 5 a. 6 arg. 2
Praeterea, finis uniuscuiusque rei respondet suo principio. Sed principium
mundi scitum est per revelationem, ex qua Moyses dixit: in principio creavit
Deus caelum et terram. Ergo et finis mundi sciri potest per revelationem in
Scripturis traditam. 2. La fin de chaque chose correspond а son commencement, mais celui du
monde est connu par la rйvйlation: Moпse a dit (Gn 1, 1): "Au commencement
Dieu crйa le ciel et la terre." Donc la fin du monde peut кtre connue par
la rйvйlation rapportйe dans les Йcritures.
q. 5 a. 6 arg. 3
Praeterea, causa incertitudinis mundi ponitur esse, ut homo semper sit in
sollecitudinem de suo statu. Sed ad hanc sollecitudinem habendam sufficit
mortis incertitudo. Ergo non fuit necessarium, incertum esse defectum mundi;
nisi forte propter illos quorum temporibus finis mundi erit. 3. On pense que la cause de l'incertitude du monde est que l'homme soit
toujours dans l'inquiйtude au sujet de sa situation. Mais pour avoir cette
inquiйtude, l'incertitude de la mort suffit. Donc il n'a йtй pas nйcessaire que
la fin du monde soit incertaine sauf par hasard pour ceux qui vivront dans les
temps oщ elle aura lieu.
q. 5 a. 6 arg. 4
Praeterea, dicitur aliquibus propria mors esse revelata, sicut patet de beato
Martino. Dicit autem Augustinus in epistola ad Orosium, quod talis unusquisque
in iudicio comparebit, qualis fuit in morte: et sic eadem ratio est occultandi
mortem et occultandi diem iudicii. Ergo et dies iudicii, qua ad omnes pertinet,
debuit in Scriptura sacra, quae omnes instruit, revelatus fuisse. 4. On dit que leur propre mort a йtй rйvйlйe а certains, comme on le
voit pour le bienheureux Martin. Augustin dit dans La lettre а Orose, que
chacun comparaоtra au jugement tel qu'il a йtй dans sa mort, et ainsi c'est
pour la mкme raison que la mort et le jour du jugement sont cachйs. Donc mкme
le jour du jugement, qui concerne tous les hommes, a dы кtre rйvйlй dans la
sainte Йcriture qui les a tous instruits.
q. 5 a. 6 arg. 5 Praeterea, signum ordinatur ad
aliquid cognoscendum. In Evangeliis autem ponuntur aliqua signa adventus
domini, qui erit in fine mundi, ut patet Matth. XXIV, 24 sq. et Luc. XXI, 9 sq.
et similiter ab apostolis, ut patet I ad Tim. IV, 1, sq. et II ad Tim. III, 2
sq., et II ad Thess. II, 3 sq. Ergo videtur quod possit sciri tempus adventus
domini, et finis mundi. 5. Un signe est en vue de faire connaоtre quelque chose. Mais certains
signes de la venue du Seigneur sont placйs, dans les Йvangiles, qui aura lieu а
la fin du monde, comme on le voit en Mt. 24, 24 ss. et Lc 21, 9 ss. et de mкme
par l'Apфtre comme on le voit en 1 Tm 4, 1 ss., 2 Tm 3, 2 ss. et 2 Thess.2, 3.
Donc il semble que le temps de la venue du Seigneur et la fin du monde puissent
кtre connus.
q. 5 a. 6 arg. 6
Praeterea, nullus hic reprehenditur vel punitur pro eo quod non est in sua
potestate. Sed aliqui reprehenduntur in Scriptura et puniuntur pro eo quod
tempora non cognoscunt; unde dominus, Matth. XVI, 4, ad Pharisaeos: faciem
caeli diiudicare nostis, signum autem istud non potestis scire? Et Lucae XIX,
44: non relinquent in te lapidem super lapidem, eo quod non cognoveris tempus
visitationis tuae; et Ierem. VIII, 7: milvus in caelo cognovit tempus suum;
turtur et hirundo et ciconia custodierunt tempus adventus sui; populus autem
meus non cognovit iudicium domini. Ergo possibile est sciri diem iudicii, vel
tempus finis mundi. 6. Personne ici n'est rйprimandй ou puni pour ce qui n'est pas en son
pouvoir. Mais certains sont rйprimandйs dans l'Йcriture et punis parce qu'ils
ne connaissent pas "les temps". C'est pourquoi le Seigneur (Mt. 16,
4) dit aux Pharisiens: "Vous savez juger l'йtat du ciel, mais ce signe, ne
pouvez-vous pas le connaоtre?" et Lc 19, 44: "Ils ne laisseront pas
pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps oщ tu fus visitй."
et Jйr. 8, 7: "Le milan dans le ciel a connu son temps, la tourterelle,
l'hirondelle et la cigogne ont conservй mйmoire du temps de leur arrivйe, mais
mon peuple n'a pas connu le jugement de Dieu." Donc il est possible de
connaоtre le jour du jugement, ou le temps de la fin du monde.
q. 5 a. 6 arg. 7
Praeterea, in secundo adventu, Christus magis manifeste veniet quam in primo;
tunc enim videbit eum omnis populus, et qui eum pupugerunt, ut habetur Apoc. I, 7. Sed primus adventus praenuntiatus fuit in
Scriptura futurus etiam quantum ad determinatum tempus, ut patet Dan. IX,
24-27. Ergo videtur quod et secundus adventus debuerit in Scripturis
praenuntiari quantum ad certum tempus. 7. A sa seconde venue, le Christ viendra plus ouvertement qu'а sa
premiиre: car tout le peuple le verra, mкme ceux qui l'ont frappй, comme il est
dit (Apoc. 1, 7[3]). Mais le premiиre venue fut annoncйe dans l'Йcriture, comme
devant arriver а un moment dйterminй, comme on le lit en Dan. 9, 24-27. Donc il
semble que la seconde venue a dы кtre annoncйe dans les Йcritures pour le temps
fixй.
q. 5
a. 6 arg. 8 Praeterea, homo dicitur minor mundus, quia in se maioris mundi
similitudinem gerit. Sed finis vitae humanae potest praesciri
determinate. Ergo et finis mundi potest praesciri. 8. L'homme est appelй un microcosme, parce qu'il porte en lui la
ressemblance d'un monde plus grand. Mais la fin de la vie humaine peut кtre
connue а l'avance de maniиre prйcise. Donc la fin du monde aussi.
q. 5 a. 6 arg. 9
Praeterea, magnum et parvum, diuturnum et breve, relative dicuntur de uno per
comparationem ad aliud. Sed tempus illud quod est ab adventu Christi usque ad
finem mundi, dicitur esse breve, ut patet I Corinth. VII, 29: tempus breve est;
et eiusdem X, 11: nos sumus in quos fines saeculorum devenerunt; et I Ioan. II,
18: novissima hora est. Ergo hoc dicitur per comparationem ad tempus
praecedens. Ergo saltem hoc videtur sciri posse, quod multo brevius est tempus
ab adventu Christi usque ad finem mundi quam a principio mundi usque ad
Christum. 9. On parle du grand et du petit, du long et du bref, relativement en
comparaison de l'un avec l'autre. Mais le temps, qui existe depuis la venue du
Christ jusqu'а la fin du monde, est qualifiй de bref, comme on le voit en I Co
7, 29: "Le temps est bref"; et du mкme (10, 11) "(Nous sommes)а
la fin des siиcles[4]" et I Jn, 2, 18: "C'est la derniиre heure".
Donc cela est dit par comparaison au temps prйcйdant. Donc du moins cela paraоt
pouvoir кtre connu, parce que le temps est beaucoup plus bref depuis la venue
du Christ jusqu'а la fin du monde que depuis son commencement jusqu'au Christ.
q. 5 a. 6 arg. 10
Praeterea, Augustinus dicit in libro de civitate Dei, quod ignis ille qui
exuret faciem terrae in fine mundi, erit ex conflagratione omnium ignium
mundanorum. Sed potest sciri a considerantibus motum caeli, usque ad quantum
tempus ipsa corpora caelestia, quae sunt nata generare calorem in istis
inferioribus, erunt in situ efficacissimo ad hoc implendum; ut sic per
concursum actionis caelestium corporum et inferiorum ignium, universalis illa
conflagratio fiat. Ergo potest sciri quando erit finis mundi. 10. Augustin dit (La citй de Dieu,
XX, 16) que ce feu qui brыlera la face de la terre а la fin monde, viendra de
la conflagration de tous les feux de l’univers. Mais ceux qui considиrent le
mouvement du ciel peuvent savoir jusqu'а quel temps les corps cйlestes
eux-mкmes, qui sont destinйs а engendrer la chaleur dans les choses infйrieures
seront dans le lieu le plus efficace pour l'accomplir, pour qu'avec de l'action
des corps cйlestes et des feux infйrieurs, cette conflagration universelle se
fasse. Donc on peut savoir quand aura lieu la fin du monde.
En sens contraire:
q. 5 a. 6 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Matth. cap. XXIV, 36: de die illa et hora nemo
scit, neque Angeli caelorum. 1. Il est dit Mt. 24, 36:"Personne ne connaоt ce jour et cette
heure, les anges des cieux non plus."
q. 5 a. 6 s. c. 2
Praeterea, si aliquid deberet aliquibus hominibus revelari, praecipue revelatum
fuisset quaerentibus apostolis, qui doctores totius mundi instituebantur. Eis
autem de finali adventu domini quaerentibus responsum est, Act. I, 7: non est
vestrum nosse tempora vel momenta, quae pater posuit in sua potestate. Ergo
multo minus est aliis revelatum. 2. Si une chose devait кtre rйvйlйe а des hommes, elle aurait йtй
rйvйlйe surtout aux apфtres qui le demandaient, eux qui йtaient йtablis
docteurs du monde entier. Mais а ceux qui s'enqueraient de la derniиre venue du
Seigneur, il a йtй rйpondu: "(Act. I, 7) "Ce n'est pas а vous de
connaоtre ni le temps ni le moment, que Dieu a dйcidйs dans sa puissance."
Donc cela a encore beaucoup moins йtй rйvйlй aux autres.
q. 5 a. 6 s. c. 3 Praeterea, credere veritati et
revelationi acceptae in Scriptura non prohibemur. Sed apostolus, II ad Thess.
II, 2, prohibet credere quocumque modo annuntiantibus, quasi instet dominus.
Ergo illi qui nituntur tempus diei domini denuntiare, sunt tamquam seductores
cavendi. Nam et ibidem subditur: nemo vos seducat ullo modo. 3. Nous ne sommes pas empкchйs de croire а la vйritй et а la rйvйlation
reзue de l'Йcriture. Mais l'Apфtre (Thess. 2, 2) interdit de croire ceux qui
l’annoncent de quelque maniиre, "comme si le Seigneur йtait lа". Donc
ceux qui s'efforcent d'annoncer le temps du jour du Seigneur, sont comme des
sйducteurs а йviter. Car lа mкme il est ajoutй: "Que personne ne vous sйduise
en aucune maniиre."
q. 5 a. 6 s. c. 4
Praeterea, Augustinus dicit in epistola ad Hesychium: quaero utrum sic saltem
possit definiri tempus adventus, ut eum adventurum esse dicamus intra istos,
verbi gratia, vel centum annos, vel quodlibet seu maioris numeri, seu minoris
annorum. Hoc autem omnino ignorantes sumus. Ergo non potest sciri quocumque
numero annorum dato, vel decem millium, vel viginti millium, vel duorum, vel
trium, utrum infra illud tempus finis mundi futurus sit. 4. Augustin dit dans la lettre а Hйsichius (lettre 80): "Je
cherche si du moins on peut dйfinir le temps de la venue, de maniиre а dire
qu'il viendra, parmi ces nombres: par exemple dans cent ans, ou dans un nombre
plus ou moins grand d'annйes." Mais nous en sommes totalement ignorants.
Donc on ne peut savoir dans quel nombre d'annйes donnйes, ou dix mille, vingt
mille, deux ou trois, ou moins, la fin du monde aura lieu.
Rйponse:
q. 5 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum, quod tempus determinatum finis mundi omnino nescitur, nisi
a solo Deo et ab homine Christo. Cuius ratio est, quia duplex est modus quo
possumus praescire futura: scilicet, per cognitionem naturalem, et per
revelationem.
Le temps du monde est tout а fait inconnu, sinon de Dieu seul, et d'un
homme, le Christ. La raison en est que la maniиre de connaоtre а l’avance le
futur est double; а savoir par la connaissance naturelle, et par la rйvйlation.
Naturali quidem cognitione aliqua futura praenoscimus per
causas quas praesentes videmus, ex quibus futuros expectamus effectus: vel per
certitudinem scientiae, si sint causae quas de necessitate sequitur effectus,
vel per coniecturam, si sint causae ad quas sequitur effectus ut in pluribus,
sicut astrologus praescit eclypsim futuram, et medicus mortem futuram. Hoc
autem modo non potest praecognosci tempus determinate finis mundi, quia causa
motus caeli et cessationis eius non est alia quam divina voluntas, ut prius
ostensum est; quam quidem causam naturaliter cognoscere non possumus. Alia vero
quorum causa est motus caeli vel quaecumque alia causa sensibilis, possunt
naturali cognitione praecognosci, sicut particularis destructio alicuius partis
terrae, quae prius fuit habitabilis, et postea fit inhabitabilis. 1) Par la connaissance naturelle, nous connaissons а l’avance des
йvйnements futurs par les causes que nous voyons devant nous, dont nous
attendons des effets futurs: ou par la certitude de la science, si ce sont des
causes dont l’effet dйcoule nйcessairement, ou par la conjecture, si ce sont
des causes dont l'effet dйcoule gйnйralement, de mкme que l'astrologue connaоt
а l’avance une йclipse future, et le mйdecin une mort future. Mais de cette
maniиre, on ne peut pas connaоtre а l'avance de maniиre prйcise le temps de la
fin du monde, parce que la cause du mouvement du ciel et de sa cessation n'est
autre que la volontй divine, comme on l'a montrй plus haut. Cette cause, nous
ne pouvons pas la connaоtre de faзon naturelle. D'autres (йvйnements) dont la
cause est le mouvement du ciel ou quelque autre cause accessible, peuvent кtre
connus а l'avance d'une connaissance naturelle, comme la destruction
particuliиre d'une partie de la terre, qui d'abord a йtй habitйe, et ensuite
inhabitйe.
Per revelationem vero licet sciri possit, si Deus vellet
revelare, non tamen congruum esset quod revelaretur nisi homini Christo. Et hoc
propter tres rationes. 2) Mais, bien qu'on puisse le savoir par la rйvйlation, si Dieu voulait
le rйvйler, ce ne serait pas cependant convenable que ce soit rйvйlй sinon au
Christ homme. Et cela pour trois raisons:
Primo quidem, quia finis mundi non erit nisi completo numero
electorum; cuius completio est quasi quaedam executio totius divinae
praedestinationis; unde non competit revelationem fieri de fine mundi nisi ei
cui fit revelatio de tota praedestinatione divina, scilicet homini Christo, per
quem tota divina praedestinatio humani generis quodammodo adimpletur. Unde
dicitur Ioan. V, 20: pater diligit filium, et omnia demonstrat ei quae ipse
facit. a) Parce que la fin du monde n'existera que lorsque le nombre des йlus
sera complet; sa plйnitude est comme l'exйcution de toute la prйdestination
divine; c'est pourquoi il convient que la rйvйlation ne soit faite sur la fin
du monde qu'а celui а qui en est faite toute la rйvйlation, а savoir le Christ
homme[5], par lequel toute la prйdestination divine du genre humain est
accomplie d'une certaine maniиre. C'est pourquoi il est dit en Jn 5, 20: "La
Pиre aime le fils, et il lui montre tout ce qu'il fait".
Secundo, quia per hoc quod ignoratur quamdiu iste status
mundi durare debeat, utrum ad modicum vel ad magnum tempus, habentur res huius
mundi quasi statim transiturae; unde dicitur I Cor. VII, 31: qui utuntur hoc
mundo, sint tamquam non utantur; praeterit enim figura huius mundi. b) Parce que du fait qu'on ignore combien de temps cet йtat du monde
doit durer, un peu ou beaucoup, les choses de ce monde se comportent comme
devant passer sur le champ pour ainsi dire; c'est pourquoi il est dit en I Co.
7, 31: "Que ceux qui se servent de ce monde soient comme ne s'en servant
pas; car elle passe la figure de ce monde."
Tertio, ut homines semper sint parati ad Dei iudicium
expectandum, dum omnino determinatum tempus nescitur; unde dicitur Matth. XXIV,
42: vigilate, quia nescitis qua hora dominus vester venturus sit. Et ideo, ut
dicit Augustinus, ille qui dicit se ignorare quando dominus sit venturus, utrum
ad breve tempus vel ad magnum evangelicae sententiae concordat. Inter duos
autem qui scire se dicunt, periculosius errat qui dicit in proxime Christum
venturum, vel finem mundi instare, quia haec potest esse occasio ut omnino
desperaretur esse futurum, si tunc non erit quando futurum esse praedicitur. c) Pour que les hommes soient toujours prкts а attendre le jugement de
Dieu, pendant que le temps fixй est tout а fait inconnu; c'est pourquoi, il est
dit en Mt. 24, 42: "Veillez, parce que vous ne connaissez pas l'heure а
laquelle votre Seigneur doit venir." Et c'est ainsi, comme le dit Augustin
(Lettre 80, а Hйsychius) celui qui dit qu'il ignore quand le Seigneur
doit venir, dans un temps bref ou long, est en accord avec les textes
йvangйliques. Parmi deux personnes qui se disent savoir, il se trompe de faзon
plus dangereuse celui qui dit que le Christ doit venir prochainement, ou que la
fin du monde est toute proche, parce que cela peut кtre l'occasion de
dйsespйrer tout а fait[6], si l'йvйnement n'arrive pas alors que son arrivйe
est annoncйe.
Solutions:
q. 5 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut dicit Augustinus, ultima aetas mundi
comparatur ultimae aetati hominis, quae determinato numero annorum non
definitur, sicut aliae aetates definiuntur; sed quandoque tantum durat quantum
omnes aliae, vel etiam amplius; unde et ista aetas ultima mundi non potest
determinato annorum vel generationum numero definiri. # 1. Comme le dit Augustin, (Les 83 questions, question 58), le dernier
вge du monde est comparй au dernier вge[7] de l'homme, qui n'est pas dйfini par
un nombre fixe d'annйes, comme les autres вges, mais quelquefois il dure autant
que tous les autres, et mкme plus, c'est pourquoi ce dernier вge du monde ne
peut кtre dйfini par un nombre fixe d'annйes ou de gйnйrations.
q. 5 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod revelatio principii mundi utilis erat ad manifestandum
Deum esse omnium causam; sed sciri tempus determinatum finis mundi, ad nihil
esset utile, sed magis nocivum; et ideo non est simile. # 2. La rйvйlation du commencement du monde йtait utile pour manifester
que Dieu est la cause de tout; mais connaоtre le temps fixй pour la fin du
monde n'est utile en rien, mais plutфt nocif, et c'est pourquoi ce n'est pas
pareil.
q. 5 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod homo naturaliter non solum de se ipso sollicitatur, sed
etiam de statu communitatis cuius est pars, sicut vel domus vel civitatis, aut
etiam totius orbis; et ideo utrumque fuit necessarium ad hominis cautelam
occultari, et finem propriae vitae, et finem totius mundi. # 3. L'homme naturellement est inquiet de lui mкme, mais aussi au sujet
de la situation de la communautй а laquelle il appartient, ainsi sa famille ou
sa citй, ou mкme le monde entier, et c'est pourquoi il a йtй nйcessaire pour la
dйfense de l’homme que soit cachйe la fin de sa propre vie, et la fin du monde
entier.
q. 5 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod revelatio finis vitae propriae, est quaedam particularis
revelatio; revelatio vero finis totius mundi dependet ex revelatione totius
divinae praedestinationis; et ideo non est simile. # 4. La rйvйlation de la propre fin de la vie est une rйvйlation
particuliиre; mais celle du monde entier dйpend de la rйvйlation de toute la
prйdestination divine et c'est pourquoi ce n'est pas pareil.
q. 5 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod illa signa posita sunt ad manifestandum quod quandoque
mundus finietur; non autem ad manifestandum determinatum tempus quando
finietur, ponuntur enim inter illa signa, aliqua quae quasi a mundi exordio
fuerunt, sicut quod surget gens contra gentem, et quod terraemotus erit per
loca; sed instante mundi fine haec abundantius evenient. Quae autem sit ista
mensura horum signorum quae circa finem mundi erit, manifestum nobis esse non
potest. # 5. Ces signes sont placйs pour manifester qu'un jour le monde finira;
mais non pour rйvйler le temps prйcis, oщ il finira; en effet parmi ces signes,
certains ont йtй mis lа depuis le commencement du monde: ainsi les nations
s'opposeront entre elles et des tremblements de terre auront lieu; mais quand
la fin du monde arrivera, ces йvйnements se produiront avec plus d’abondance.
Mais le sens de ces signes qui arrivera autour de la fin du monde, ne peut кtre
connu par nous.
q. 5 a. 6 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod illa reprehensio domini pertinet ad eos qui determinatum
tempus primi adventus non cognoverunt; non autem ad eos qui ignorant tempus
determinatum secundi adventus. # 6. Ce reproche du Seigneur convient а ceux qui n'ont pas connu le
temps fixй pour sa premiиre venue; mais non а ceux qui ignorent le temps fixй
pour la seconde venue.
q. 5 a. 6 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod primus adventus Christi nobis viam ad merendum parabat
per fidem et alias virtutes; et ideo ex parte nostra requirebatur primi
adventus notitia, ut credendo in eum qui venerat, per eius gratiam mereri
possemus. In secundo autem adventu praemia redduntur pro meritis; et sic ex
parte nostra non requiretur quid agamus aut quid cognoscamus, sed quid
recipiamus; unde non oportet praecognoscere determinate tempus illius adventus.
Dicitur autem ille adventus manifestus: non quia manifeste praecognoscatur, sed
quia manifestus erit cum fuerit praesens. # 7. La premiиre venue du Christ prйparait le chemin pour mйriter par
la foi et les autres vertus; et c'est pourquoi la connaissance de la premiиre
venue йtait requise de notre part pour qu’en croyant en celui qui йtait venu,
nous puissions mйriter par sa grвce. Dans la seconde venue les rйcompenses sont
rendues pour les mйrites, et ainsi il ne nous est pas demandй ce que nous
ferons et ce que nous connaоtrons, mais ce que nous recevrons; c'est pourquoi
il ne faut pas connaоtre а l'avance de maniиre prйcise le temps de cette venue.
Mais on dit qu'elle est йvidente, non parce qu'elle est manifestement connue а
l'avance, mais parce qu’elle sera йvidente quand elle sera lа.
q. 5 a. 6 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod corporalis hominis vita ex aliquibus prioribus et
corporalibus causis dependet, ex quibus circa finem eius aliquid prognosticari
potest; non autem ita est de toto mundo; et ideo quantum ad hoc non est simile,
licet in aliquibus homo, qui dicitur minor mundus, similitudinem maioris mundi
obtineat. # 8. La vie corporelle de l'homme dйpend de quelques causes supйrieures
et corporelles, par lesquelles il peut faire des pronostics а propos de sa fin;
mais il n'en est pas ainsi du monde entier, c'est pourquoi ce n'est pas pareil,
bien que, chez certains, l'homme qui est appelй un microcosme, obtienne la
ressemblance du macrocosme.
q. 5 a. 6 ad 9 Ad nonum dicendum, quod verba
illa quae videntur in Scripturis ad brevitatem temporis pertinere, vel etiam ad
finis propinquitatem, non tam sunt ad quantitatem temporis referenda quam ad
status mundi dispositionem. Non enim legi evangelicae alius status succedit,
quae ad perfectum adduxit; sicut ipsa successit legi veteri, et lex vetus legi
naturae. # 9. Ces paroles qui paraissent dans les Йcritures concerner la
briиvetй du temps, ou mкme l'approche de la fin, ne sont pas tant pour кtre
rapportйe а la quantitй du temps, que pour la disposition de la situation du
monde. Car une autre situation ne succиdera pas а la loi йvangйlique, qui a
menй а la perfection; comme elle-mкme a succйdй а la loi ancienne, et la loi
ancienne а la loi de nature.
q. 5 a. 6 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod illa conflagratio ignium mundanorum non creditur esse
futura ex aliqua naturali causa, ut sic per considerationem caelestis motus,
eius tempus possit praesciri; sed proveniet ex imperio divinae voluntatis. # 10. On ne croit pas que cette conflagration des feux de l’univers
arrivera par une cause naturelle, de sorte qu'ainsi par la considйration du
mouvement cйleste, son temps pourrait кtre connu а l'avance; mais elle proviendra
du pouvoir de la volontй divine.
[1] Parall.: IV Sent. d43a3 q1a2
— d47q1 a1, qla 3c — d48q2a2, ad 8.
[2]
Augustin emprunte les six вges de l’humanitй а la tradition qui prend sa source
dans les Apocalpyses juives. Ils sont parallиles aux six jours de la crйation
du monde et aux six вges de la vie. Les prйdйcesseurs d’Augustin (Pseudo
Barnabй, Justin, Hippolyte) ont des tendances millйnaristes, lui envisage cette
divsion sous un aspect historique. Premier вge, d’Adam а Noй, deuxiиme celui de
Noй а Abraham, le troisiиme d’Abraham а David, le cinquiиme De David а l’exil
de Babylone jusqu’а l’enfantement de la Vierge. "Le sixiиme вge a commencй
avec la Nativitй du Seigneur et c’est lui qui dure actuellement jusqu’au terme
inconnu du temps." (Trin. IV, 4, 7)
[3]
"Chacun le verra, mкme ceux qui l’ont transpercй…"
[4].
Dans BJ. "nous touchons la fin des temps."
[5]
Cf. Marc 13, 32: "…ni le Fils, personne que le Pиre." (!)
[6]
. Nous en avons eu des exemples.
[7]
. L'вge ultime est la vieillesse а partir de soixante ans.
Article 7: Quand cessera le mouvement du ciel, les йlйments
demeureront-ils?
q. 5 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur utrum cessante motu caeli, elementa remaneant. Et videtur
quod non. Il semble que non[1]. q. 5 a. 7 arg. 1
Dicitur enim II Petri, cap. III, 7, quod in fine mundi elementa calore
solventur. Quod autem dissolvitur, non manet. Ergo elementa non manebunt. 1. Car il est dit (2 P. 3, 7) qu'а la fin du monde, les йlйments seront
dйtruits par la chaleur. Ce qui est dйtruit, ne demeure pas. Donc les йlйments
ne demeureront pas. q. 5 a. 7 arg. 2 Sed
dicebat, quod manebunt secundum substantiam; sed non manebunt secundum
qualitates activas et passivas.- Sed contra, manente
causa, remanet effectus. Sed principia essentialia sunt causa propriorum
accidentium. Cum ergo qualitates activae et passivae sint propria
elementorum accidentia, videtur quod principiis essentialibus manentibus, sine
quibus substantia esse non potest, etiam qualitates activae maneant. 2. Mais on pourrait dire qu'ils demeureront selon leur substance, mais
non selon les puissances actives et passives. — En sens contraire, si la cause
demeure, l'effet demeure aussi. Mais les principes essentiels sont les causes
des accidents les plus spйcifiques. Donc comme les puissances actives et
passives sont les accidents propres des йlйments, il semble que, si les principes
essentiels demeurent, sans lesquels la substance ne peut pas exister, les
puissances actives demeurent aussi. q. 5
a. 7 arg. 3 Praeterea, accidens inseparabile nunquam actu a subiecto separatur.
Sed calidum est accidens inseparabile ignis. Ergo non potest ignis
remanere quin in eo calor remaneat; et eadem ratione de aliis elementis. 3. L'accident insйparable n'est jamais sйparй en acte de son substrat.
Mais le chaud est un accident insйparable du feu. Donc le feu ne peut demeurer
que si la chaleur demeure en lui; et c'est la mкme raison pour les autres
йlйments. q. 5 a. 7 arg. 4 Sed
dicebat, quod divina virtute hoc fiet, quod elementa sine qualitatibus activis
et passivis remanebunt, licet hoc per naturam esse non possit.- Sed contra, sicut in mundi principio fuit naturae
institutio, ita in mundi fine erit naturae consummatio. Sed in principio mundi,
ut Augustinus dicit, non sufficit dicere quid Deus possit facere, sed quid
habeat rerum natura. Ergo et hoc etiam in fine mundi attendendum est. 4. Mais on pourrait dire que c’est par le pouvoir divin que les
йlйments demeureront sans les puissances actives et passives, bien que cela ne
puisse exister par la nature. — En sens contraire, de mкme qu'au commencement
du monde il y eut l'institution de la nature, de mкme а sa fin il y aura sa
consommation. Mais au commencement du monde, comme le dit Augustin (La Genиse au sens littйral, II), il ne
suffit pas de dire ce que Dieu pourrait faire, mais ce que possиderait la
nature. Donc cela aussi doit кtre atteint а la fin du monde. q. 5 a. 7 arg. 5
Praeterea, qualitates activae et passivae sunt in omnibus elementis. Dicit
autem Glossa Bedae super auctoritate Petri, superius inducta, quod ignis ille
qui erit in fine mundi, duo elementa ex toto assumet, duo autem alia in
meliorem speciem commutabit. Non ergo potest intelligi elementorum solutio
quantum ad qualitates activas et passivas, quia sic non tantum duo dicerentur
assumenda. 5. Les puissances actives et passives sont dans tous les йlйments. La
glose (ordinaire) de Bиde, en s'appuyant sur l'autoritй de Pierre rapportйe
plus haut (obj. 1), dit que ce feu qui existera а la fin du monde emploiera
deux des йlйments et changera les deux autres en une espиce meilleure. Donc on
ne peut pas comprendre la dissolution des йlйments quant aux puissances actives
et passives, parce qu'on ne dirait pas ainsi que ce sont seulement deux
(йlйments) qui doivent кtre employйs. q. 5 a. 7 arg. 6 Sed
dicebat, quod in duobus elementis, scilicet igne et aqua, praecipue vigent
qualitates activae, sicut calidum et frigidum; et ideo haec duo prae aliis
assumenda dicuntur.- Sed contra, in fine mundi elementa meliorabuntur. Sed,
secundum Augustinum, agens honorabilius est patiente. Ergo magis deberent
remanere elementa in quibus vigent qualitates activae quam in quibus vigent
qualitates passivae. 6. Mais on pourrait dire que dans deux йlйments, а savoir le feu et
l'eau, les qualitйs actives sont trиs importantes, comme le chaud et le froid,
et c'est pourquoi ces deux-lа, dit-on, doivent кtre employйs avant les autres.
— En sens contraire, а la fin du monde, les йlйments seront amйliorйs. Mais
selon Augustin (La Genиse au sens
littйral XII, 16[2]), l'agent est plus honorable que
le patient. Donc les йlйments en lesquels dominent les puissances actives
devraient demeurer plus que ceux dans lesquelles dominent les puissances
passives. q. 5 a. 7 arg. 7
Praeterea, Augustinus dicit, quod ad patiendum humor et humus, ad faciendum aer
et ignis aptitudinem praebent. Ergo si propter virtutem activam aliqua elementa
assumenda dicuntur, videtur quod hoc non debeat intelligi de igne et aqua, sed
magis de igne et aere. 7. Augustin (Sur le Genиse, III, 10) dit que le liquide et la terre ont
une aptitude а supporter, l'air et le feu une aptitude а agir. Donc, si а cause
d'un pouvoir actif, on dit que quelques йlйments doivent кtre choisis, il
semble qu'on ne doit pas le comprendre du feu et de l'eau, mais plus du feu et
de l'air. q. 5 a. 7 arg. 8
Praeterea, sicut naturales qualitates elementorum sunt calidum et frigidum,
humidum et siccum, ita grave et leve. Si ergo qualitates illae non remanent in
elementis, nec gravitas et levitas remanebit in eis. Per naturam autem
gravitatis et levitatis, elementa loca sua naturalia sortiuntur. Si ergo
qualitates elementorum non remanent post finem mundi, non remanebit in eis
situs distinctus, ut terra sit deorsum, et ignis sursum. 8. Les puissances naturelles des йlйments sont le chaud et le froid,
l'humide et le sec, et le lourd et le lйger aussi. Si donc ces puissances ne
demeurent pas dans les йlйments, ni la lourdeur, ni la lйgиretй ne demeureront
en eux, Mais par leur gravitй, et leur lйgиretй, les йlйments s'йtablissent
d'eux-mкmes dans leurs sites naturels. Si donc les puissances des йlйments ne demeurent
pas aprиs la fin du monde, il ne leur restera pas de site distinct, pour la
terre soit en bas et le feu en haut. q. 5 a. 7 arg. 9 Praeterea, elementa facta sunt
propter hominem, in beatitudinem tendentem. Sed habito fine, cessant ea quae ad
finem sunt. Ergo homine totaliter iam in beatitudine collocato (quod erit in
fine mundi), elementa cessabunt. 9. Les йlйments ont йtй faits pour l'homme qui tend а la bйatitude.
Mais quand il possиde sa fin, ce qui est en vue de la fin cesse. Donc une fois
l'homme йtabli totalement dans la bйatitude (ce qui arrivera а la fin du monde)
les йlйments cesseront. q. 5 a. 7 arg. 10 Praeterea, materia est propter
formam, quam per generationem acquirit. Elementa
autem comparantur ad omnia alia corpora mixta sicut materia. Ergo cum
generatio mixtorum post finem mundi cesset, videtur quod elementa non maneant. 10. La matiиre est en vue de la forme qu'elle acquiert par gйnйration.
Mais les йlйments sont comparйs а tous les autres corps mixtes comme la
matiиre. Donc comme la gйnйration des mixtes cessera aprиs la fin du monde, il
semble que les йlйments ne demeureront pas. q. 5 a. 7 arg. 11
Praeterea, Luc. XXI, 33, super illud: caelum et terra transibunt, dicit Glossa:
deposita priori forma. Cum ergo esse sit a forma, videtur quod elementa in fine
mundi esse desinant. 11. A propos de cette parole de Luc (21, 33): "Le ciel et la terre
passeront", la glose (interlinйaire) dit: "Aprиs avoir abandonnй leur
premiиre forme.". Donc comme l'кtre vient de la forme, il semble que les
йlйments cesseront d'exister а la fin du monde. q. 5 a. 7 arg. 12
Praeterea, secundum philosophum corruptibile et incorruptibile non sunt unius
generis; et eadem ratione mutabile et immutabile. Si ergo aliquid de
mutabilitate in immutabilitatem mutetur, videtur quod in genere suae naturae
non remaneat. Elementa autem mutabuntur de mutabilitate in immutabilitatem, ut
patet per Glossam quae super illud Matth. cap. V, 18: donec transeat caelum et
terra, etc., dicit: donec transeat a mutabilitate ad immutabilitatem. Ergo ista
natura elementorum non remanebit. 12. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
X, 10, 1058 b 27[3]), le corruptible et l'incorruptible
n’appartiennent pas а un mкme genre. et pour la mкme raison, le muable et
l'immuable. Si, donc, quelque chose passe de la mutabilitй а l'immutabilitй, il
semble qu’il ne demeure pas dans son genre naturel. Mais les йlйments seront
changйs de mutabilitй en immutabilitй, comme cela paraоt dans la glose
(interlinйaire) sur cette parole de Mt 5, 18: "Jusqu'а ce que passent le
ciel et la terre", etc, elle dit: "Jusqu'а ce qu'il passe de la
mutabilitй а l'immutabilitй." Donc cette nature des йlйments ne demeurera
pas. q. 5 a. 7 arg. 13
Praeterea, haec dispositio, quam modo habent elementa, est naturalis. Si ergo ista remota aliam accipient, illa erit eis innaturalis. Sed quod
est innaturale et violentum, non potest esse perpetuum, ut patet per
philosophum in Lib. caeli et mundi. Ergo illa dispositio non posset in
perpetuum remanere in elementis; sed iterum ad hanc dispositionem reverterentur:
quod videtur esse inconveniens. Ergo ipsa elementa secundum substantiam
cessabunt, non autem eorum dispositio, substantia manente. 13. Cette disposition qu'ont maintenant les йlйments, est naturelle. Si
donc, celle-ci une fois retirйe, ils en reзoivent une autre, elle ne leur sera
pas naturelle. Mais ce qui est contre nature, et violent, ne peut pas durer
toujours, comme on le voit chez le philosophe, dans Le Ciel et le monde, (II,
1, 248 a 27 et 3, 285 b 17[4]). Donc cette disposition ne
pourrait pas demeurer йternellement dans les йlйments; mais en plus ils y
retournerait; ce qui ne paraоt pas convenir. Donc les йlйments eux-mкmes
cesseront selon la substance, mais pas leur disposition, si la substance
demeure. q. 5 a. 7 arg. 14
Praeterea, illud solum potest esse incorruptibile et ingenerabile quod totam
materiam suam sub forma habet ad quam est in potentia, sicut patet de
corporibus caelestibus. Hoc autem elementis non competit: quia materia quae est
sub forma unius elementi, est in potentia ad formam alterius. Ergo elementa non
possunt esse incorruptibilia, et ita non possunt in perpetuum manere. 14. Seul ne peut pas кtre corruptible et engendrй ce qui a toute sa
matiиre sous la forme а laquelle il est en puissance, comme c'est le cas pour
les corps cйlestes. Mais cela ne convient pas aux йlйments; parce que la
matiиre qui est sous la forme d'un des йlйments, est en puissance pour la forme
d'un autre. Donc les йlйments ne peuvent pas кtre incorruptibles, et ainsi ils
ne peuvent demeurer toujours. q. 5 a. 7 arg. 15
Praeterea, illud quod non habet virtutem ut sit semper, non potest in perpetuum
manere. Sed elementa, cum sint corruptibilia, non habent virtutem ut sint
semper. Ergo non possunt in perpetuum remanere, motu caeli cessante. 15. Ce qui n'a pas le pouvoir d'exister toujours, ne peut pas demeurer
toujours. Mais comme les йlйments sont corruptibles, ils n'ont pas le pouvoir
d'exister toujours. Donc ils ne peuvent demeurer toujours, quand le mouvement
du ciel cessera. q. 5 a. 7 arg. 16
Sed dicebat, quod elementa sunt incorruptibilia secundum totum, licet sint
corruptibilia secundum partem.- Sed contra, hoc competit elementis per motum
caeli, in quantum una pars elementi corrumpitur, et alia generatur; sic enim
ipsius elementi totalitas conservatur. Motu ergo caeli cessante, non poterit
assignari causa incorruptionis in toto elemento. 16. Mais on pourrait dire que les йlйments sont incorruptibles en
totalitй, bien qu'ils soient corruptibles en partie. — En sens contraire, cela
convient aux йlйments par le mouvement du ciel dans la mesure oщ une partie de
l'йlйment est corrompue et l’autre engendrйe; car ainsi la totalitй de
l'йlйment mкme est conservйe. Donc quand cessera le mouvement du ciel, on ne
pourra pas attribuer la cause de son incorruption а l'йlйment entier. q. 5 a. 7 arg. 17
Praeterea, philosophus dicit quod motus caeli est ut vita quaedam natura
existentibus omnibus; et Rabbi Moyses dicit, quod motus caeli in universo est
sicut motus cordis in animali, a quo dependet vita totius animalis. Cessante
autem motu cordis, omnes partes animalis dissolvuntur. Ergo cessante motu caeli
omnes partes universi peribunt; et ita elementa non remanebunt. 17. Le philosophe dit (Physique,
VIII,1, 250 b 14) que le mouvement du ciel est comme une vie qui existe en tous
par nature; et Rabbi Moyses dit que le mouvement du ciel dans l'univers est
comme le mouvement du cњur dans l'animal dont dйpend la vie de tout l'animal.
Mais quand cesse le mouvement du cњur, toutes ses parties se dissolvent Donc
quand cessera le mouvement du ciel, toutes les parties de l'univers pйriront,
et ainsi les йlйments ne demeureront pas. q. 5 a. 7 arg. 18
Praeterea, esse cuiuslibet est a sua forma. Sed motus caeli est causa formarum
in istis inferioribus: quod patet ex hoc quod nihil in inferioribus agit ad
speciem nisi ex virtute motus caeli, ut philosophi dicunt; ergo cessante motu
caeli, elementa esse desinent formis eorum destructis. 18. Tout кtre existe par sa forme. Mais le mouvement du ciel est la
cause des formes dans les (кtres) infйrieurs, ce qui paraоt du fait que rien en
eux n'agit pour l'espиce sinon par le pouvoir du mouvement du ciel, comme le
disent les philosophes, donc quand cessera le mouvement du ciel, les йlйments
disparaоtront, une fois leurs formes dйtruites. q. 5 a. 7 arg. 19
Praeterea, apud praesentiam solis elementa superiora vincunt semper inferiora,
sicut accidit in aestate propter caloris fortificationem; sed apud solis
absentiam e converso. Motu autem caeli cessante, sol semper ex una parte
praesens erit, et ex alia parte absens. Ergo ex una parte totaliter destruentur
elementa frigida, et ex alia elementa calida, et sic elementa non remanebunt
motu caeli cessante. 19. En prйsence du soleil, les йlйments supйrieurs gagneront toujours
les infйrieurs, comme cela arrive en йtй а cause de l'intensification de la
chaleur, mais en l'absence du soleil, c’est l'inverse. Mais quand cessera le
mouvement du ciel, le soleil sera toujours prйsent d'un cфtй, et absent de
l’autre. Donc d'un cфtй les йlйments froids seront totalement dйtruits et de
l'autre les йlйments chauds, et ainsi les йlйments ne demeureront pas quand
cessera le mouvement du ciel.
En sens contraire: q. 5 a. 7 s. c. 1
Sed contra. Est quod ad Rom. VIII, 20 super illud: vanitati creatura etc. dicit
Glossa Ambrosii: omnia elementa, sua cum labore explent officia: unde quiescent
nobis assumptis. Quiescere autem non est nisi existentis. Ergo elementa in fine
mundi remanebunt. 1. A propos de Rm 8, 20[5], sur cette parole: "Crйature
assujettie а la vanitй…", la glose d'Ambroise (Ambrosiaster) dit: "Tous
les йlйments remplissent leurs devoirs avec ardeur: c'est pourquoi ils
s'arrкteront quand nous serons enlevйs". S'arrкter n’est possible que pour
ce qui existe. Donc les йlйments demeureront а la fin du monde. q. 5 a. 7 s. c. 2
Praeterea, elementa facta sunt ad divinam bonitatem manifestandam. Sed tunc
maxime oportebit divinam bonitatem manifestari, quando res ultimam
consummationem accipient. Ergo in fine mundi elementa remanebunt. 2. Les йlйments ont йtй faits pour manifester la bontй de Dieu. Mais
alors il faudra que sa bontй se manifeste, quand les choses recevront l'ultime
consommation. Donc а la fin du monde, les йlйments demeureront.
Rйponse: q. 5 a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod apud omnes communiter
dicitur, quod elementa quodammodo
manebunt et quodammodo transibunt. Sed in modo manendi et transeundi est
diversa opinio. Tout le monde dit communйment que les йlйments demeureront d'une
certaine maniиre, et passeront d'une autre. Mais les opinions sont diverses sur
la maniиre de demeurer ou de passer. Quidam enim dixerunt quod omnia elementa manebunt quantum ad
materiam, sed quaedam nobiliorem formam accipient, scilicet aqua et ignis, quae
accipient formam caeli; ut sic tria elementa possint dici caelum, aer scilicet
(qui ex sua natura habet ut caelum quandoque in Scripturis dicatur) et aqua et
ignis, quae formam caeli assument: ut sic intelligatur verificari quod dicitur
Apoc. XXI, vers. 1: vidi caelum novum et terram novam, sub caeli nomine tribus
comprehensis, scilicet igne, aere et aqua. A) Certains, en effet, ont dit que tous les йlйments demeureront quant
а la matiиre, mais ils revкtiront une forme plus noble, par exemple l'eau et le
feu, qui revкtiront la forme du ciel; de sorte qu'ainsi les trois йlйments
puissent кtre appelйs ciel, а savoir l'air (qui par sa nature est quelquefois
appelй ciel dans l'Йcriture), l'eau et le feu, qui prendront la forme du ciel;
pour qu'on comprenne ainsi qu'est vйrifiй ce qui est dit dans Apoc. 21, 1: "J'ai
vu un ciel nouveau et une terre nouvelle," sous le nom de ciel sont
comprises trois choses: le feu, l'air et l'eau. Sed ista positio est impossibilis. Elementa enim non sunt in
potentia ad formam caeli, eo quod forma caeli contrarium non habet, et sub
forma caeli sit tota materia quae est in potentia ad ipsam. Sic enim caelum
esset generabile et corruptibile; quod philosophus ostendit esse falsum. Ratio
etiam, qua hoc asseritur, frivola est: quia in Scriptura, sicut Basilius in
Hexameron dicit, per extrema, media intelliguntur, ut Genes. I, 1, cum dicitur:
in principio creavit Deus caelum et terram. Nam per creationem caeli et terrae
etiam elementa media intelliguntur. Quandoque etiam sub terrae nomine omnia
inferiora comprehenduntur, ut patet in Psalm. CXLVIII, 7: laudate dominum de
terra; et postea subditur: ignis, grando, et cetera. Unde nihil prohibet
dicere, quod per innovationem caeli et terrae Scriptura innovationem etiam
mediorum elementorum intellexit, vel quod sub nomine terrae omnia elementa
comprehendat. Mais cette position est impossible. Car les йlйments ne sont pas en
puissance pour la forme du ciel, parce que celle-ci n'a pas de contraire, et
que sous cette forme il y aurait toute la matiиre, qui est en puissance pour
elle. Car ainsi le ciel pourrait кtre engendrй et corrompu: le philosophe
montre que c'est faux (Le ciel et le
monde, I, 3, 269 b 13). Et la raison pour laquelle on la soutient est
frivole; parce que dans l'Йcriture, comme Basile le dit dans l'Hexameron, par
les extrкmes, on comprend les intermйdiaires, comme en Gn. 1, 1, quand il est
dit: "Au commencement Dieu crйa le ciel et la terre." Car par la
crйation du ciel et de la terre, on comprend aussi les йlйments intermйdiaires.
Quelquefois aussi sous le nom de terre, on comprend tous les кtres infйrieurs,
comme on le voit dans le Ps. 148, 7: "Louez le Seigneur depuis la terre"
et ensuite il est ajoutй: Le feu, la grкle, etc. C'est pourquoi, rien n'empкche
de dire que par le renouvellement du ciel et de la terre, l'Йcriture a compris
le renouvellement des йlйments intermйdiaires, ou que sous le nom de terre,
elle comprend tous les йlйments. Et ideo alii dicunt, quod omnia elementa manebunt secundum
substantiam non solum quantum ad materiam, sed etiam quantum ad formas
substantiales. Sicut enim, secundum opinionem Avicennae, remanent formae
substantiales elementorum in mixto, qualitatibus activis et passivis non
remanentibus in suis excellentiis, sed ad medium redactis, ita possibile erit
quod in ultimo statu mundi absque praedictis qualitatibus remaneant elementa;
cui videtur consonare quod Augustinus dicit: in illa conflagratione mundana,
elementorum corruptibilium qualitates, quae corporibus nostris congruebant,
ardendo penitus interibunt, atque ipsa substantia eas qualitates habebit quae
corporibus immortalibus mirabili mutatione convenient. B) Et c'est pourquoi d'autres disent, que tous les йlйments demeureront
selon la substance non seulement quant а la matiиre, mais aussi quant aux
formes substantielles.De mкme que, en effet, selon l'opinion d'Avicenne, les
formes substantielles des йlйments demeureront dans le mixte, les qualitйs
actives et passives ne demeurant pas dans leur meilleur йtat, mais ramenйes а
un йtat intermйdiaire, de mкme il sera ainsi possible que dans l’йtat ultime du
monde, les йlйments demeurent sans ces puissances, ce qui semble en d'accord
avec que ce dit Augustin (La citй de Dieu,
20, 16): "En cette conflagration de l’univers, les qualitйs[6]
des йlйments corruptibles, qui s’accordaient avec nos corps, pйriront tout а
fait en brыlant et la substance mкme aura ces puissances qui, par un changement
admirable, conviennent aux corps immortels". Sed hoc non videtur rationabiliter dictum. Mais cela ne paraоt pas dit selon la raison: Primo quidem, quia cum qualitates activae et passivae sint
per se elementorum accidentia, oportet quod a principiis essentialibus
causentur; unde non potest esse quod principiis essentialibus manentibus in
elementis praedictis, qualitates deficiant, nisi per violentiam; quod non
potest esse diuturnum. Et ideo nec opinio Avicennae videtur esse probabilis,
quod formae elementorum actu maneant in mixto; sed solum virtute, ut
philosophus dicit; quia oporteret quod diversorum elementorum formae, in
diversis partibus materiae conservarentur; quod non esset, nisi essent etiam
situ distinctae; et sic non esset vera commixtio, sed solum secundum sensum; et
tamen in mixto impediuntur qualitates unius elementi per qualitates alterius;
quod non potest dici in mundi consummatione ubi omnino cessabit violentia. 1) Parce que, comme les puissances actives et passives sont en soi des
accidents des йlйments, il faut qu'elles soient causйes par des principes
essentiels; c'est pourquoi il n'est pas possible que s'ils demeurent dans ces
йlйments, les qualitйs cessent sinon par violence, ce qui ne peut pas durer
longtemps. Et c'est pourquoi, l'opinion d'Avicenne ne semble pas probable: а
savoir que les formes des йlйments en acte demeurent dans le mixte; mais
seulement en puissance, comme le Philosophe le dit; parce qu'il faudrait que
les formes des diffйrents йlйments soient conservйes dans les diffйrentes
parties de la matiиre, ce qui ne serait possible que si elles йtaient dans un
lieu diffйrent; et ainsi ce ne serait pas un vrai mйlange, mais seulement pour
les sens, et cependant dans le mixte les puissances d'un йlйments sont
empкchйes par les qualitйs d'un autre; ce qu'on ne peut pas dire de la
consommation du monde, oщ cessera tout а fait la violence. Secundo autem, quia cum qualitates activae et passivae sint
de integritate naturae elementorum, sequeretur quod elementa imperfecta
remanerent; unde auctoritas Augustini inducta non loquitur de qualitatibus
activis et passivis, sed de dispositionibus eorum quae generantur et
corrumpuntur et alterantur. 2) Parce que, comme les puissances actives et passives appartiennent а
l'intйgritй de la nature des йlйments, il s'ensuivrait que les йlйments
demeureraient imparfaits; c'est pourquoi le texte citй d'Augustin ne parle pas
des qualitйs actives et passives mais des dispositions de ce qui est engendrй,
corrompu et altйrй. Et ideo videtur dicendum, quod elementa in sua substantia
remanebunt, et etiam in suis qualitatibus naturalibus; sed mutuae generationes
et corruptiones et alterationes cessabunt; per huiusmodi enim elementa
ordinantur ad completionem numeri electorum, sicut et caelum per motum suum;
sed substantiae elementorum manebunt, sicut et substantia caeli. Cum enim universum
in perpetuum remaneat, ut supra ostensum est, oportet quod ea quae sunt de
perfectione universi, primo et per se remaneant. C) Et c'est pourquoi il semble qu'il faut dire, que les йlйments
demeureront dans leur substance, et aussi dans leurs qualitйs naturelles, mais
les gйnйrations mutuelles, les corruption et les changements cesseront; car ils
sont ordonnйs par les йlйments de ce genre а la plйnitude du nombre des йlus,
comme le ciel par son mouvement, mais les substances des йlйments demeureront,
comme la substance du ciel; en effet comme l'univers demeure toujours, comme on
l'a montrй plus haut, il faut que ce qui appartient а sa perfection demeure
d'abord et par soi. Hoc autem competit elementis, cum sint essentiales partes
universi ipsius, ut philosophus probat. Si enim est corpus circulare, oportet
esse centrum ipsius, quod est terra. Posita autem terra, quae est simpliciter
gravis, utpote in medio constituta, oportet ponere contrarium eius, scilicet
ignem, qui sit simpliciter levis; quia si unum contrariorum est in una natura,
et reliquum. Suppositis autem extremis, necesse est poni et media; unde oportet
ponere aerem et aquam, quae sunt ad ignem quidem levia, ad terram autem gravia,
quorum unum est propinquius terrae. Mais cela convient aux йlйments puisqu'ils sont les parties
essentielles de l'univers, comme le philosophe le prouve (Du ciel et du monde,
II, com. 34, 35, ss.). Car si celui-ci est un corps circulaire, il faut qu'il
soit le centre de lui-mкme qui est la terre. Mais la terre, qui est tout а fait
lourde, une fois placйe, йtablie pour ainsi dire au milieu, il faut placer son
contraire, а savoir le feu, qui est tout а fait lйger, parce que, si un des
contraires est dans une nature, etc.. Mais si on suppose les extrкmes, il est
nйcessaire de placer aussi les intermйdiaires, c'est pourquoi il faut placer
l'air et l'eau qui sont lйgers pour le feu, lourds pour la terre, dont l'un est
plus proche de la terre. Unde ex ipso situ universi patet quod elementa sunt
essentiales partes universi. Quod patet esse manifestum, ordine causarum et
effectuum considerato. Nam sicut caelum est universale activum eorum quae
generantur, ita elementa sunt eorumdem universalis materia. Unde ad
perfectionem universi requiritur quod elementa secundum suam substantiam
maneant; et ad hoc etiam habent ex sui natura aptitudinem. Corruptio autem
aliter accidit in corporibus mixtis et elementis; in corporibus enim mixtis
inest corruptionis activum principium, propter hoc quod sunt ex contrariis
composita; in elementis vero, quae contrarium exterius habent, ipsa autem non
sunt ex contrariis composita, non inest principium corruptionis activum, sed
passivum tantum, in quantum habent materiam cui inest aptitudo ad aliam formam
qua privantur. Et ab hoc principio generatio et corruptio in elementis sunt
motus vel mutationes naturales; et non propter principium activum ut dicit
Commentator. C'est pourquoi par la situation mкme de l'univers, il apparaоt que les
йlйments en sont les parties essentielles. Ce qui est йvident, si on considиre
l'ordre des causes et des effets. Car le ciel est universellement actif pour ce
qui est engendrй, de mкme les йlйments en sont la matiиre universelle. C'est
pourquoi il est requis, pour la perfection de l'univers que les йlйments
demeurent selon leur substance et pour cela aussi ils ont l'aptitude de leur
nature. Mais la corruption arrive autrement dans les corps mixtes et les
йlйments, car dans les corps mixtes, il y a un principe actif de corruption,
parce qu’ils sont composйes de contraires; mais dans les йlйments, qui ont leur
contraire а l'extйrieur, eux-mкmes n'йtant pas composйs de contraires, il n'y a
pas de principe de corruption actif, mais passif seulement dans la mesure oщ
ils ont la matiиre en laquelle se trouve l'aptitude а une autre forme dont ils
sont privйs. Et par ce principe, la gйnйration et la corruption dans les
йlйments sont des mouvements ou des changements naturels, mais pas а cause du
principe actif, comme le dit le Commentateur (Physique, II). Sicut ergo quia corpus caeleste principium sui motus activum
habet extra, potest esse quod eius motus cesset ipso manente, absque violentia,
ut supra dictum est; ita potest esse ut corruptio elementorum cesset eorum
substantiis manentibus, exteriori corruptivo cessante, quod oportet reducere in
motum caeli sicut in primum generationis et corruptionis principium. Donc, parce que le corps cйleste a le principe actif de son mouvement
de l’extйrieur, il peut arriver que son mouvement cesse alors que lui demeure,
sans violence, comme on l'a dit ci-dessus; de mкme il est possible que la
corruption des йlйments cesse, mкme si leurs substances demeurent, si cesse ce
qui corrompt de l'extйrieur, qu'il faut ramener au mouvement du ciel, comme au
premier principe de la gйnйration et de la corruption.
Solutions: q. 5 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa
elementorum solutio non est referenda ad
destructionem substantiae elementorum, sed ad elementorum purgationem, quae
erit per ignem, qui faciem iudicis praecedet. Post illam autem purgationem
remanebunt elementa secundum substantiam et naturales qualitates, ut dictum
est. # 1. Cette destruction des йlйments n'est pas а rapprocher de la
destruction de la substance des йlйments, mais а leur purification, qui se fera
par le feu qui prйcйdera la face du Juge[7]. Aprиs cette
purification les йlйments demeureront selon leur substance et leurs qualitйs
naturelles, comme on l'a dit. q. 5 a. 7 ad 2 Unde
secundum et tertium concedimus. # 2. 3. C'est pourquoi nous concйdons les objections deux et trois. q. 5 a. 7 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in
mundi principio instituta est natura corporum secundum quod ordinatur ad
generationem et corruptionem, per quam numerus electorum completur. In mundi
autem consummatione remanebit substantia elementorum secundum quod est ad
perfectionem universi. Unde non oportet omnia inesse elementis in illo finali
statu quae oportuit habere in mundi principio. # 4. Au commencement du monde la nature des corps a йtй constituйe en
rapport а la gйnйration et а la corruption, qui complиte le nombre des йlus.
Mais, а la consommation du monde la substance des йlйments demeurera selon
qu’elle est pour la perfection de l'univers. C'est pourquoi il ne faut pas que
tout ce qu'il fallait avoir au commencement du monde soit dans les йlйments
dans cet йtat final q. 5 a. 7 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Glossa Bedae non est intelligenda quod hoc modo duo
elementa secundum substantiam destruantur; sed secundum statum mutationis, quae
praecipue in duobus elementis apparet: scilicet in aere et aqua, de quibus
quidam praedictam Glossam intelligunt; quamvis secundum alios intelligatur de
igne et aqua in quibus vigent qualitates activae. # 5. La Glose de Bиde n'est pas а comprendre de maniиre que deux
йlйments seront dйtruits en substance, mais [elle est а comprendre] selon
l'йtat de changement, qui apparaоt surtout dans deux йlйments; а savoir dans
l'air et dans l'eau, comme certains comprennent cette glose; quoique d'autres
la comprennent du feu et de l'eau dans lesquels les puissances actives sont
fortes. q. 5 a. 7 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod actio magis dependet ab agente quam a patiente, ex hoc
ipso quod agens est honorabilius patiente; unde destructio mutationis in
elementis et mutuae actionis, convenientius exprimitur per subtractionem
activorum quam per subtractionem passivorum. # 6. L'action dйpend plus de l'agent que du patient, du fait que
l'agent est plus honorable que le patient; c'est pourquoi une destruction par
changement dans les йlйments ou par celle d’une action mutuelle est plus
convenablement exprimйe par la soustraction des puissances actives que par
celle des puissances passives. q. 5 a. 7 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod si consideretur actio et passio in elementis secundum
principia substantialia, sic verum est quod Augustinus dicit loc. cit. quod ad
patiendum humor et humus aptitudinem praebent, ad agendum ignis et aer; quia
ignis et aer habent plus de forma, quae est actionis principium; de materia
vero terra et aqua, quae est principium patiendi. Si vero consideretur secundum
qualitates activas et passivas, quae sunt immediata principia actionis, sic
ignis et aqua sunt magis activa, aer et terra magis passiva. # 7. Si on considиre l'action et la passion dans les йlйments selon les
principes substantiels, alors est vrai ce que dit Augustin dit (loc. cit.) que
le liquide et le sol fournissent une aptitude а supporter, le feu et l'air une
aptitude а agir; parce que le feu et l'air ont plus de forme qui est le
principe de l'action; mais la terre et l'eau [plus] de matiиre, qui est le
principe de passion. Mais si on les considиrait selon les qualitйs actives ou
passives, qui sont les principes immйdiats de l'action, le feu et l'eau sont
plus actifs, l'air et la terre plus passifs. q. 5 a. 7 ad 8 Octavum concedimus. # 8. Nous concйdons la huitiиme objection. q. 5 a. 7 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod elementa, quantum ad sui mutationem, facta sunt propter
hominem in beatitudinem tendentem; sed quantum ad suam substantiam, sunt facta
et propter perfectionem universi et propter substantiam ipsius hominis, quae ex
elementis constituitur. # 9. Les йlйments, quant а leur changement, ont йtй faits pour l'homme
а la recherche de sa bйatitude; mais quant а leur substance, ils ont йtй faits
en vue de la perfection de l'univers et de la substance de l'homme lui-mкme,
qui est constituй d’йlйments. q. 5 a. 7 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod in mundi consummatione non cessabunt omnia mixta, quia
corpora humana remanebunt. Unde decens est, si partes eorum remanent in corpore
hominis qui est minor mundus, quod ipsa tota remaneant in mundo maiori. # 10. A la consommation du monde, tous les mixtes ne cesseront pas,
parce que les corps humains demeureront. C'est pourquoi il convient, si leurs
parties demeurent dans le corps de l'homme qui est un microcosme, que tout
demeure dans le macrocosme. q. 5 a. 7 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod forma, quam elementa deponent, est ipsa
mutabilitas, non forma quae sit principium essendi. # 11. La forme que les йlйments dйposent est le principe du changement,
mais pas la forme principe de l'кtre. q. 5 a. 7 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod mutabilis dispositio tolletur ab elementis, quia
mutatio in eis non erit; non quod naturam mutabilem amittant. # 12. L’aptitude au changement est enlevйe par les йlйments; parce
qu'il n'y aura pas de changement en eux, non parce qu'ils perdront leur nature
changeante. q. 5 a. 7 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod dispositio istorum elementorum, secundum quam
generantur et corrumpuntur et mutantur, est eis naturalis, motu caeli manente:
non autem postquam motus caeli cessaverit. # 13. La disposition de ces йlйments selon laquelle ils sont engendrйs,
corrompus et changйs, leur est naturelle, tant que le mouvement du ciel demeure;
mais non aprиs qu'il aura cessй. q. 5 a. 7 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod ratio illa probat quod in elementis est
principium corruptionis materiale, non autem activum; unde non sequitur
mutatio, motu caeli subtracto, qui est principium mutationis. # 14 Cette raison prouve que dans les йlйments il y a un principe
matйriel de corruption, mais non actif, c'est pourquoi il n'en dйcoule pas un
changement, si on enlиve le mouvement du ciel qui en est le principe. q. 5 a. 7 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod elementum sicut non habet virtutem ut sit semper,
propter hoc quod potest ab exteriori corrumpi, ita non habet virtutem ut
quandoque deficiat, nisi materialem, ut dictum est. # 15. L'йlйment n'a pas le pouvoir d’exister toujours, du fait qu'il
peut кtre corrompu par l'extйrieur, de mкme il n’a pas de pouvoir de cesser un
jour, sinon un pouvoir matйriel, comme on l'a dit. q. 5 a. 7 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod elementa sunt incorruptibilia secundum totum,
partibus generatis et corruptis, quamdiu motus caeli durat; sed motu caeli
cessante, erit in eis alia incorruptionis causa, quia scilicet non possunt
corrumpi nisi ab extrinseco; corruptivum autem extrinsecum, deficiente motu
caeli, cessabit. # 16. Les йlйments sont incorruptibles selon le tout, les parties йtant
engendrйes et corrompues, tant que dure le mouvement du ciel; mais s'il cesse,
il y aura en eux une autre cause d'incorruptibilitй, parce qu’ils ne peuvent
кtre corrompus que de l'extйrieur; ce qui corrompt а l'extйrieur, а l'arrкt du
mouvement du ciel, cessera. q. 5 a. 7 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod motus caeli est ut vita quaedam omnibus rebus
naturalibus secundum statum mutationis, qui in consummatione mundi tolletur. # 17. Le mouvement du ciel est comme une vie pour toutes les choses
naturelles, selon leur situation de changement, qui [leur] sera enlevйe а la
consommation du monde. q. 5 a. 7 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod licet eductio formarum de potentia in actum
dependeat ex motu caeli, tamen eorum conservatio dependet a principiis altioribus,
ut dictum est. # 18. Bien que le passage des formes de la puissance а l'acte dйpende
du mouvement du ciel, cependant leur conservation dйpend de principes plus
йlevйs, comme on l'a dit. q. 5 a. 7 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod sol est causa caliditatis per motum, ut philosophus
dicit: unde cessante motu tollitur corruptionis causa in elementis, quae est
per superexcedentiam caloris. # 19. Le soleil est la cause de la chaleur par son mouvement, comme le
Philosophe le dit (Le ciel,. II, 7, 289 a 20): c'est pourquoi quand cesse le
mouvement, la cause de la corruption est enlevйe dans les йlйments, qui se fait
par un excиs de chaleur.
[1] Parall.: CG. IV, 97 -
Sent IV, d47q2a2, q.la 2 c — d44q2a1, q.la 1 — d48qa4, q.la 2 ad 3; Opusc. III, c. 3 - c. 171, Opusc. XI, a. 19. [2]
Cf. aussi III, X, 14. [3]
Thomas n° 2137 et 21372 oщ Thomas reprend la dйmonstration. [4]
Thomas n° 297 et 335. [5]
Cf. Sed contra, 3, Pot. 5, 5 [6]
Les qualitйs: "Ce en vertu de quoi on est dit кtre tel." (Catйgories,
8, 8 b 25). Aristote distingue trois sens: 1) Йtat ou disposition: "L’йtat
diffиre de la disposition en ce qu’il a beacoup plus de durйe et de stabilitй."
(8 b 28); 2)Aptitude ou inaptitude naturelle (9 a 18); 3) Qualitйs affectives
et affections (9 a 28). Thomas suit ici le texte d’Augustin. En certains de ces
emplois, le sens est trиs proche de "puissance". [7]
Allusion au jugement dernier.
Article 8: Quand cessera le mouvement du ciel, l'action et la passion
demeureront-elles dans les йlйments?
q. 5 a. 8 tit. 1
Octavo quaeritur utrum cessante motu caeli, remaneat actio et passio in
elementis. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 5 a. 8 arg. 1
Potentiae enim naturales sunt determinatae ad unum; unde virtus ignis, cum sit
naturalis potentia, se habet tantum ad calefaciendum, non autem ad non
calefaciendum. Sed in illa mundi consummatione remanebit virtus ignis et
aliorum elementorum, ut prius dictum est, art. praec. Ergo impossibile est quin
ignis et alia elementa agant. 1. Car les puissances naturelles sont limitйes а un seul objet; ainsi,
le pouvoir du feu йtant une puissance naturelle, n’agit que pour chauffer, mais
pas pour le contraire. Mais а la consommation du monde le pouvoir du feu et
celui des autres йlйments demeureront comme on l'a dit dans art. prйcйd. Donc
il est impossible que le feu et les autres йlйments n'agissent pas. q. 5 a. 8 arg. 2
Praeterea, sicut dicit philosophus, ad hoc quod fiat mutua actio et passio,
requiritur quod agens et patiens sint similia secundum materiam, et dissimilia
secundum formam. Hoc autem erit in elementis cessante motu caeli, quia eorum
substantiae manebunt, principiis essentialibus non mutatis. Ergo erit actio et
passio in elementis, motu caeli cessante. 2. Comme le dit le Philosophe, (La gйnйration, I, 6, 322 b 13 а 25 — 7,
324 a 5) pour que l'action et la passion deviennent rйciproques, il est requis
que l'agent et le patient soient semblables par la matiиre et diffйrents par la
forme. Mais cela existera dans les йlйments, quand cessera le mouvement du ciel;
parce que leurs substances demeureront, sans que les principes essentiels ne
soient changйs. Donc il y aura l'action et la passion dans les йlйments, quand
cessera le mouvement du ciel. q. 5 a. 8 arg. 3
Praeterea, causa actionis et passionis in elementis est ex hoc quod in materia
elementi semper est appetitus ad aliam formam, licet materia per unam formam
sit perfecta. Sed iste appetitus in materia remanebit, etiam motu caeli
cessante, non enim una forma elementi poterit totam potentiam materiae implere.
Ergo in illa mundi consummatione remanebit actio et passio in elementis. 3. La cause de l'action et de la passion dans les йlйments vient de ce
que dans leur matiиre il y a toujours l'appйtit d'une autre forme, bien qu'elle
soit parfaite par une seule forme. Mais cet appйtit demeurera dans la matiиre,
mкme quand le mouvement du ciel cessera, car une seule forme de l'йlйment ne
pourra pas complйter toute la puissance de la matiиre. Donc, en cette
consommation du monde, l'action et la passion demeureront dans les йlйments. q. 5 a. 8 arg. 4
Praeterea, illud quod est de perfectione elementi non aufertur ei. Hoc autem
est de perfectione uniuscuiusque entis, quod agat sibi simile: diffusio enim
ipsius esse derivatur a primo bono in omnia entia. Ergo videtur quod elementa
in illa consummatione agent sibi simile; et sic erit in eis actio et passio. 4. Ce qui concerne la perfection de l'йlйment ne lui est pas enlevй.
Mais il appartient а la perfection de chaque кtre qu'il fasse du semblable а
soi: car sa diffusion est dйrivйe du premier bien dans tous les кtres. Donc il
semble que dans cette consommation les йlйments feront du semblable а eux, et
ainsi il y aura en eux l'action et la passion. q. 5 a. 8 arg. 5
Praeterea, sicut proprium est ignis esse calidum, ita etiam proprium eius est
calefacere; sicut enim calor derivatur a principiis essentialibus ignis, ita
calefactio derivatur a calore. Si ergo in illa rerum consummatione ignis et
eius calor remanebit, videtur quod etiam calefactio remanebit. 5. Le propre du feu c'est d'кtre chaud, et aussi de chauffer: car de
mкme que la chaleur est dйrivйe des principes essentiels du feu, l'йchauffement
est dйrivй de la chaleur. Si donc dans cette consommation du monde, le feu et
la chaleur demeurent, il semble que l'йchauffement demeurera aussi. q. 5
a. 8 arg. 6 Praeterea, omnia corpora naturalia se tangentia aliquo modo se
alterant, ut patet in I de Generat. Sed elementa in
illo statu mundi se tangent. Ergo se invicem alterabunt, et ita erit ibi actio
et passio. 6. Tous les corps naturels qui se touchent s'altиrent d'une certaine
maniиre, comme cela paraоt dans La Gйnйration (I, com. 53). Mais les йlйments
dans cet йtat du monde se touchent. Donc ils s'altиreront l'un l'autre, et
ainsi il aura lа l'action et la passion. q. 5 a. 8 arg. 7
Praeterea, in illa mundi consummatione erit lux lunae sicut lux solis, et lux
solis erit septempliciter. Sed modo sol et luna sua luce illuminant corpora
inferiora. Ergo multo fortius tunc illuminabunt; et ita remanebit aliqua actio
et passio in istis inferioribus, nam medium illuminatum illuminabit ultimum. 7. A la consommation du monde, la lumiиre de la lune sera comme celle
du soleil, et la lumiиre du soleil sera sept fois plus fois" (Is. 30, 26).
Mais le soleil et la lune йclairent seulement les corps infйrieurs de leur
lumiиre. Donc alors ils йclaireront beaucoup plus; et ainsi l'action et la
passion demeureront dans ces кtres infйrieurs, car l'intermйdiaire йclairй
йclairera le dernier. q. 5
a. 8 arg. 8 Praeterea, sancti videbunt visu corporeo res huius mundi. Sed visio
non potest esse sine actione et passione, quia visus patitur a visibili. Ergo
erit actio et passio etiam motu caeli cessante. Les saints verront de leurs yeux de chair les choses de ce monde. Mais
la vision ne peut exister sans l'action et la passion, parce que la vue subit
le visible. Donc il y aura l'action et la passion mкme quand le mouvement du
ciel cessera. En sens contraire: q.
5 a. 8 s. c. 1 Sed contra. Remota causa, removetur effectus. Sed motus
caeli est causa actionis et passionis in istis inferioribus, secundum doctrinam
philosophi. Ergo remoto motu caeli, removebitur actio et passio in istis
inferioribus. 1. Si on йcarte la cause, l'effet est йcartй. Mais le mouvement du ciel
est la cause de l'action et de la passion, dans les choses infйrieures selon la
doctrine du Philosophe (Mйtйor, I, Du ciel, II, com. 56). Donc une fois le
mouvement du ciel йcartй, l'action et la passion seront йcartйes dans les
choses infйrieures. q. 5 a. 8 s. c. 2
Praeterea, actio et passio in rebus corporalibus sine motu esse non potest.
Remoto autem primo motu, qui est motus caeli, ut probatur in VIII Physic.,
oportet posteriores motus cessare. Remoto ergo motu caeli, non erit actio et
passio in istis inferioribus. 2. L'action et la passion ne peuvent pas exister sans mouvement dans
les choses corporelles. Si on enlиve le premier mouvement, qui est celui du
ciel, comme on le prouve (Physique,
VIII, 9, 265 a 26 ss.), il faut que les mouvements suivants cessent. Donc une
fois йcartй le mouvement du ciel, il n'y aura pas d'action et de passion dans
les choses infйrieures. Rйponse: q. 5 a. 8 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut habetur in libro de causis, quando causa prima
retrahit actionem suam a causato, oportet etiam quod causa secunda retrahat
actionem suam ab eodem, eo quod causa secunda habet hoc ipsum quod agit, per
actionem causae primae, in cuius virtute agit. Cum autem omne agens agat
secundum quod est in actu, oportet secundum hoc accipere ordinem causarum
agentium, secundum quod est ordo earum in actualitate. Comme on le lit dans le livre Des causes, quand la cause premiиre
retire son action de l'effet, il faut aussi que la cause seconde la lui retire,
parce qu'elle possиde ce qui agit par l'action de la cause premiиre, dans le
pouvoir de laquelle elle agit. Mais comme tout agent agit selon qu'il est en
acte, il faut qu'il reзoive l'ordonnancement des causes efficientes, selon que
celui-ci est en acte. Corpora autem inferiora minus habent de actualitate quam
corpora caelestia, nam in corporibus inferioribus non est tota potentialitas
completa per actum, eo quod materia substans uni formae remanet in potentia ad
formam aliam; quod non est in corporibus caelestibus, nam materia corporis
caelestis non est in potentia ad aliam formam; unde sua potentialitas tota est
terminata per formam quam habet. Mais les corps infйrieurs ont moins d' "actualitй" que les
corps cйlestes, car en eux il n'y a pas toute la potentialitй complиte par
l'acte, parce que la matiиre qui est le substrat d'une forme demeure en
puissance pour une autre forme; ce qui n'existe pas pour les corps cйlestes,
car la matiиre du corps cйleste n'est pas en puissance pour une autre forme.
C'est pourquoi toute sa potentialitй se termine а la forme qu'il possиde. Substantiae vero separatae sunt perfectiores in actualitate
quam etiam corpora caelestia, quia non sunt compositae ex materia et forma, sed
sunt formae quaedam subsistentes; quae tamen deficiunt ab actualitate Dei, qui
est suum esse, quod de aliis substantiis separatis non contingit; sicut etiam
videmus quod elementa etiam se superant invicem secundum gradum actualitatis,
eo quod aqua habet plus de specie quam terra, aer quam aqua, et ignis quam aer;
ita etiam est in corporibus caelestibus, et in substantiis separatis. Mais les substances sйparйes sont plus parfaites dans leur
"actualitй" que mкme les corps cйlestes, parce qu'elles ne sont pas
composйes de matiиre et de forme, mais sont des formes subsistantes, qui
cependant sont diffйrentes de l’йtat d’acte de Dieu qui est son кtre propre, ce
qui n'arrive pas pour les autres substances sйparйes; de mкme nous voyons que
les йlйments l'emportent l'un sur l'autre selon le degrй de leur
"actualitй", parce que l'eau a plus de forme (species) que la terre,
l'air que l'eau, et le feu que l'air, de mкme il en est ainsi pour les corps
cйlestes et les substances sйparйes. Elementa ergo agunt in virtute corporum caelestium et
corpora caelestia agunt in virtute substantiarum separatarum; unde cessante
actione substantiae separatae, oportet quod cesset actio corporis caelestis; et
ea cessante oportet quod cesset actio corporis elementaris. Donc les йlйments agissent dans le pouvoir des corps cйlestes et
ceux-ci dans le pouvoir des substances sйparйes, c'est pourquoi si l'action de
la substance sйparйe cesse, il faut que cesse celle du corps cйleste, et si
elle cesse, il faut que cesse celle du corps йlйmentaire. Sed sciendum quod corpus habet duplicem actionem: Mais il faut savoir que le corps a une double action: unam quidem secundum proprietatem corporis, ut scilicet agat
per motum (hoc enim proprium est corporis, ut motum moveat et agat); 1) L'une selon sa propriйtй, ainsi il agit par le mouvement (car c'est
le propre du corps de mouvoir le mы et d'agir); aliam autem actionem habet, secundum quod attingit ad
ordinem substantiarum separatarum, et participat aliquid de modo ipsarum; sicut
naturae inferiores consueverunt aliquid participare de proprietate naturae
superioris, ut apparet in quibusdam animalibus, quae participant aliquam
similitudinem prudentiae, quae propria est hominum. Haec autem est actio
corporis, quae non est ad transmutationem materiae, sed ad quamdam diffusionem
similitudinis formae in medio secundum similitudinem spiritualis intentionis
quae recipitur de re in sensu vel intellectu, et hoc modo sol illuminat aerem,
et color speciem suam multiplicat in medio. 2) Le corps a aussi une autre action, en tant qu'il confine а la nature
des substances sйparйes, et participe en quelque point de leur mode; ainsi les
natures infйrieures participent d'habitude en quelque chose de la propriйtй de
la nature supйrieure[2], comme on le voit chez certains
animaux, qui ont un semblant de prudence, (vertu) qui est propre а l'homme[3]. Mais cela c'est l'action du corps, non pour transformer
la matiиre, mais pour diffuser la ressemblance de la forme dans l'intermйdiaire
selon la ressemblance de l'intention spirituelle qui est reзue dans les sens ou
l'intellect, et de cette maniиre, le soleil illumine l'air et la couleur multiplie
son image (speciem) dans l'intermйdiaire. Uterque autem modus actionis in istis inferioribus causatur
ex corporibus caelestibus. Nam et ignis suo calore transmutat materiam, ex
virtute corporis caelestis; et corpora visibilia multiplicant suas species in
medio, virtute luminis, cuius fons est in caelesti corpore. Unde si actio
utraque corporis caelestis cessaret, nulla actio in istis inferioribus
remaneret. Sed cessante motu caeli, cessabit prima actio, sed non secunda; et
ideo cessante motu caeli, erit quidem actio in istis inferioribus
illuminationis et immutationis medii a sensibilibus; non autem erit actio per
quam transmutatur materia, quam sequitur generatio et corruptio. Mais les deux modes d'action dans les choses infйrieures sont causйs
par les corps cйlestes. Car le feu par sa chaleur change la matiиre par le
pouvoir du corps cйleste, et les corps visibles multiplient leurs images
(species) dans l'intermйdiaire, par le pouvoir de la lumiиre, dont la source
est dans le corps cйleste. C'est pourquoi si l'une et l'autre action de chaque
corps cйleste cessait, aucune action ne demeurerait dans ces corps infйrieurs.
Mais si le mouvement du ciel cesse, la premiиre action cessera, mais pas la
seconde, et c'est pourquoi si le mouvement du ciel cesse, il y aura dans ces
corps infйrieurs l'action de l'йclairage et du manque de changement
intermйdiaire par ce qui est sensible (?), mais il n'y aura pas d'action par
laquelle sera transformйe la matiиre, qui accompagne la gйnйration et de la
corruption. Solutions: q. 5 a. 8 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod virtus ignis semper est determinata ad
calefaciendum, praesuppositis tamen causis prioribus quae ad actionem ignis
requiruntur. # 1. La pouvoir du feu est toujours limitй au rйchauffement, si
cependant on prйsuppose les causes supйrieures requises pour son action. q. 5 a. 8 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod similitudo secundum materiam et contrarietas formae non
sufficit in istis inferioribus ad passionem et actionem, nisi motu caeli
praesupposito, in cuius virtute agunt omnes inferiores activae potentiae. # 2. La ressemblance selon la matiиre et la contrariйtй de la forme ne
suffisent pas dans les кtres infйrieurs pour la passion et l'action, sauf si on
suppose le mouvement du ciel au pouvoir en qui toutes les puissances actives
infйrieures agissent. q. 5 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum, quod materia
non sufficit ad actionem, nisi principium activum ponatur. Unde
appetitus materiae non sufficienter probat actionem in elementis, motu caeli
subtracto, a quo est primum principium actionis. # 3. La matiиre ne suffit а l'action que si on place un principe actif.
C'est pourquoi l'appйtit de la matiиre ne suffit pas а prouver l'action dans
les йlйments, si on retire le mouvement du ciel d'oщ vient le premier principe
de l'action. q. 5 a. 8 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
inferiora nunquam attingunt ad gradum perfectionis superiorum. Hoc autem est de
ratione perfectionis supremi agentis, quod sua perfectio sibi sufficiat ad
agendum alio agente remoto; unde hoc inferioribus agentibus attribui non
potest. # 4. Les corps infйrieurs n'atteignent jamais le degrй de perfections
des кtres supйrieurs. Mais c'est de la nature de la perfection de l'agent
suprкme que sa perfection lui suffise pour agir, quand un autre agent est
йcartй; c'est pourquoi on ne peut l'attribuer aux agents infйrieurs. q. 5 a. 8 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ignis est proprium calefacere, supposito quod habeat
aliquam actionem; sed eius actio dependet ab alio, ut dictum est. # 5. Le feu est propre а chauffer, si on suppose qu’il a une action;
mais celle-ci dйpend d’un autre, comme on l’a dit. q. 5 a. 8 ad 6 Et
similiter ad sextum dicendum, quod tactus non sufficit in elementis ad agendum,
nisi motu caeli supposito. # 6. Il faut dire de mкme que le toucher ne suffit pour agir dans les
йlйments que si on suppose le mouvement du ciel. q. 5 a. 8 ad 7 Alia
duo concedimus: nam procedunt de actionibus quibus materia non transmutatur,
sed species quodammodo multiplicatur per modum intentionis spiritualis. # 7. 8. Nous concйdons les deux autres objections; car elles procиdent
des actions par lesquelles la matiиre n'est pas changйe mais l'espиce d'une
certaine maniиre est multipliйe par le mode de l'intention spirituelle.
[1]Parall.:IISent.
D11q2a6, ad 3 – d33q2a1, ad 3 – IV Sent. D44q3a1 qla 3 c. –Qdl VII, a. 11 Opus III c 176. [2]Idйe
reprise en qu. 5, a. 9, obj. 11, oщ elle est attribuйe а Denys. [3]Il
y a de la prudence dans les chiens. Pour Aristote la prudence ne peut exister
que pour des кtres qui ont de la mйmoire. (980 a 28 texte n° 3 d'Aristote).
Thomas commente: la prudence vient de la mйmoire des йvйnements. Mais elle est
diffйrente chez l'homme et les animaux. Les hommes dйlibиrent selon la raison.
Le jugement ches les animaux douйs de mйmoire dйpend "d'un certain
instinct de la nature" (Thomas n° 11)
Article 9: Les plantes, les animaux et les minйraux demeureront-ils
aprиs la fin du monde?
q. 5 a. 9 tit. 1
Nono quaeritur utrum plantae et bruta animalia et corpora mineralia remaneant
post finem mundi. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 5 a. 9 arg. 1
Habetur enim Eccle. III, 14: didici quod omnia opera Dei perseverent in
aeternum. Sed corpora mineralia, plantae et bruta sunt opera Dei. Ergo in
aeternum manebunt. 1. Car on lit en Eccl. 3, 14: "J'ai appris que toutes les oeuvres
de Dieu demeureront йternellement." Mais les minйraux, les plantes et les
animaux sont des oeuvres de Dieu. Donc ils demeureront йternellement. q. 5 a. 9 arg. 2 Sed
dicebat, quod hoc intelligitur de istis operibus Dei quae aliquo modo habent
ordinem ad incorruptionem, sicut elementa quae sunt incorruptibilia secundum
totum, licet secundum partem corrumpantur.- Sed contra, sicut elementa sunt incorruptibilia secundum totum, licet
secundum partem corrumpantur, ita praedictae res sunt incorruptibiles secundum
speciem, licet secundum individua corrumpantur. Ergo videtur quod
praedictae etiam res in aeternum remaneant. 2. Mais on pourrait dire, qu'on le comprend de ces oeuvres de Dieu qui
ont rapport d'une certaine maniиre avec l'incorruptibilitй, comme les йlйments
qui sont incorruptibles en leur totalitй, bien qu'ils se corrompent en partie.
En sens contraire, de mкme que les йlйments sont incorruptibles en totalitй,
bien qu'ils se corrompent en partie, de mкme ce dont on a parlй[2]
est incorruptible selon l'espиce, bien qu'il secorrompt quant а l'individu.
Donc il semble que ces choses aussi demeurent йternellement. q. 5 a. 9 arg. 3
Praeterea, impossibile est quod intentio naturae frustretur, cum naturae
intentio sit ex hoc quod natura a Deo in finem dirigitur. Sed natura intendit
per generationem et corruptionem perpetuitatem speciei servare. Ergo nisi
praedicta secundum speciem conserventur, frustrabitur naturae intentio; quod
est impossibile, ut dictum est.. 3. Il est impossible que l'objectif de la nature soit vain; puisqu'il
vient du fait qu'elle est dirigйe par Dieu vers sa fin. Mais la nature tend par
la gйnйration et la corruption а conserver la perpйtuitй de l'espиce. Donc si
les plantes, les animaux et les minйraux ne sont pas conservйs en l'espиce,
l'objectif de la nature sera vain, ce qui est impossible comme on l'a dit. q. 5 a. 9 arg. 4
Praeterea, decor universi pertinebit ad gloriam beatorum; unde dicitur a
sanctis, quod in maiorem beatorum gloriam elementa mundi in statum meliorem
reformabuntur. Sed plantae, mineralia et bruta animalia pertinent ad decorem
universi. Ergo non subtrahentur in illa ultima consummatione beatorum. 4. La beautй de l'univers s'appliquera а la gloire des bienheureux;
c'est pourquoi les saints disent que pour la plus grande gloire des
bienheureux, les йlйments du monde seront reformйs dans un йtat meilleur. Mais
les plantes, les minйraux et les animaux font partie de la beautй de l'univers.
Donc ils ne seront pas retranchйs dans cette ultime consommation des
bienheureux. q. 5 a. 9 arg. 5
Praeterea, Rom. I, 20, dicitur quod invisibilia Dei per ea quae facta sunt,
intellecta conspiciuntur inter quae etiam facta, plantae et animalia numerari
possunt. Sed in illo statu perfectae beatitudinis necessarium est homini
invisibilia Dei cognoscere. Ergo indecens erit quod praedicta Dei opera de
medio subtrahantur. 5. En Rm 1, 20, on dit que "ce qui est invisible en Dieu, se laisse
voir а l'intelligence par ses oeuvres[3]".
Parmi ce qui a йtй crйй, on peut compter les plantes et les animaux. Mais dans
cet йtat de bйatitude parfaite, il est nйcessaire pour l'homme de connaоtre ce
qui est invisible en Dieu. Donc il ne conviendra pas que ces oeuvres de Dieu
soient retirйes. q. 5
a. 9 arg. 6 Praeterea, Apoc. XXII, 2, dicitur: ex utraque parte
fluminis lignum afferens fructus duodecim. Ergo cum ibi loquatur de ultima
consummatione beatitudinis sanctorum, videtur quod in illo statu plantae
remaneant. 6.On dit en Apoc. 22, 2: "De chaque cфtй du fleuve des arbres
fructifient douze fois." Donc, comme on y parle de l'ultime consommation
de la bйatitude des saints, il semble que les plantes demeureront dans cet
йtat. q. 5 a. 9 arg. 7
Praeterea, ab esse divino omnibus entibus inest desiderium perpetuitatis, in
quantum assimilantur primo enti, quod est perpetuum. Quod autem inest rebus ex
similitudine divini esse, non auferetur ab eis in ultima consummatione. Ergo
remanebunt plantae et animalia perpetua, saltem secundum speciem. 7. Par l'кtre de Dieu, le dйsir d'йternitй est dans tous les йtants,
dans la mesure oщ ils ressemblent а l'Йtant premier, qui est йternel. Mais ce
qui est dans les choses par ressemblance de l'кtre divin ne leur sera pas
enlevй а l'ultime consommation. Donc les plantes et les animaux demeureront
йternellement, au moins selon l'espиce. q. 5 a. 9 arg. 8 Praeterea, in ultimo statu
consummationis rerum non auferetur a rebus id quod ad rerum perfectionem
pertinet. Sed opus ornatus est consummatio quaedam creationis. Cum ergo
animalia ad opus ornatus pertineant, videtur quod non desinant esse in illo
mundi ultimo statu. 8. Dans le dernier йtat de l'achиvement des choses, ce qui concerne la
perfection ne leur sera pas enlevй. Mais l'oeuvre d'ornement est
l'accomplissement de la crйation. Donc comme les animaux appartiennent а cette
oeuvre d'ornement, il semble qu'ils ne cesseront pas d'exister dans le dernier
йtat du monde. q. 5 a. 9 arg. 9
Praeterea, sicut elementa servierunt homini in statu viae, ita et animalia et
plantae. Sed elementa remanebunt. Ergo et animalia et plantae; et sic non
videtur quod cessent. 9. Les йlйments ont servi а l'homme dans l'йtat de vie, de mкme les
animaux et les plantes. Mais les йlйments demeureront. Donc les animaux et les
plantes aussi, et ainsi il ne semble pas qu'ils cesseront d'exister. q. 5 a. 9 arg. 10
Praeterea, quanto aliquid magis participat de proprietate primi perpetui, quod
est Deus, tanto magis videtur esse perpetuum. Sed animalia et plantae plus
participant de proprietatibus Dei quam elementa, quia elementa sunt tantum
existentia, plantae autem etiam vivunt, animalia vero etiam super haec
cognoscunt. Ergo magis debent in perpetuum remanere animalia et plantae quam
elementa. 10. Plus une chose participe de la nature du premier йternel, qui est
Dieu, plus elle semble йternelle. Mais les animaux et les plantes participent
plus des propriйtйs de Dieu que les йlйments, parce que ces derniers ont
l'existence seulement, mais les plantes ont la vie, et les animaux la
connaissance en plus. Donc les animaux et les plantes doivent demeurer
йternellement plus que les йlйments. q. 5 a. 9 arg. 11
Praeterea, effectus divinae sapientiae est, ut Dionysius dicit, quod supremum
inferioris naturae coniungatur infimo naturae superioris. Hoc autem non erit si
animalia et plantae desinant esse, quia elementa in nullo attingunt ad
perfectionem humanam, ad quam attingunt quodammodo quaedam animalia; ad
animalia vero appropinquant plantae; ad plantas vero corpora mineralia, quae
immediate post elementa sequuntur. Ergo in illo mundi fine, cum non debeat
illud amoveri quod pertinet ad ostensionem divinae sapientiae, videtur quod
animalia et plantae cessare non debeant. 11. L'effet de la divine sagesse est, comme le dit Denys (Les noms divins, VII, § 3 872 A[4][5]) que le degrй le plus haut d'une
nature infйrieure rejoint le plus bas de la nature supйrieure. Mais cela
n'existera pas si les animaux et les plantes cessent d'exister, parce que les
йlйments n'atteignent en rien la perfection humaine, qu'atteignent de quelque
maniиre certains animaux; mais les plantes sont proches des animaux, et les
plantes des minйraux, qui suivent immйdiatement aprиs les йlйments. Donc en
cette fin du monde, comme ce qui sert а montrer de la sagesse divine ne doit
pas кtre йcartй, il semble que les animaux et les plantes ne doivent pas cesser
d'exister. q. 5 a. 9 arg. 12
Praeterea, si in creatione mundi animalia et plantae non fuissent productae,
non fuisset mundus perfectus. Sed maior erit
perfectio mundi ultima quam prima. Ergo videtur quod omnino animalia et plantae
remaneant. 12. Si dans la crйation du monde, les animaux et les plantes n'avaient
pas йtй produits, le monde n'aurait pas йtй parfait. Mais la perfection ultime
du monde sera plus grande que la premiиre. Donc il semble que les animaux et
les plantes dureront sans exception. q. 5 a. 9 arg. 13
Praeterea, quaedam corpora mineralia et quaedam animalia bruta in poenam
damnatorum deputantur, sicut in Psal. X, 7: ignis, sulphur et spiritus
procellarum pars calicis eorum; et Isa. LXIV, 24: vermis eorum non morietur, et
ignis non extinguetur. Poenae autem damnatorum erunt perpetuae. Ergo videtur
quod animalia et corpora mineralia in aeternum remaneant. 13. Certains minйraux et certains animaux ont йtй destinйs а punir les
damnйs, comme il est dit dans le Ps. 10, 7: "Le feu, le soufre, les vents
des tempкtes sont une part de leur destin"; et Is. 64, 24: "Leur ver
ne mourra pas, et le feu ne s'йteindra pas". Mais les peines des damnйs
seront йternelles. Donc il semble que les animaux et les minйraux demeureront
йternellement. q. 5 a. 9 arg. 14
Praeterea, in ipsis elementis sunt rationes seminales corporum mixtorum et animalium
et plantarum, ut Augustinus dicit. Hae autem rationes frustra essent, nisi
praedicta ex eis orirentur. Cum ergo in illa mundi consummatione elementa
remaneant et per consequens rationes seminales in eis, nec aliquid in operibus
Dei sit frustra, videtur quod animalia et plantae in illa mundi novitate
remaneant. 14. Dans les йlйments mкme, il y a les raisons sйminales des corps
mixtes, des animaux et des plantes, comme le dit Augustin (La Trinitй, III, 8 et 9). Mais elles seraient inutiles, а moins que
les plantes, les animaux et les minйraux ne proviennent d'elles. Donc comme а
la consommation du monde, les йlйments demeurent, et par consйquence les
raisons sйminales en eux, et que rien ne paraоt inutile dans les oeuvres de
Dieu, il semble que les animaux et les plantes demeurent dans cette renovation
du monde. q. 5 a. 9 arg. 15
Praeterea, ultima mundi purgatio erit per actionem ignis. Sed quaedam mineralia
sunt ita fortis compositionis, quod nec ab igne consumuntur, sicut patet de
auro. Ergo videtur quod ad minus illa post illum ignem remaneant. 15. La purification ultime du monde se fera par l'action du feu. Mais
certains minйraux sont d'une composition si rйsistante qu'ils ne seront pas
consumйs par le feu, comme on le voit pour l'or. Donc il semble qu'au moins
ceux-lа demeurent aprиs ce feu. q. 5 a. 9 arg. 16
Praeterea, universale est semper. Sed universale non est nisi in singularibus.
Ergo videtur quod cuiuslibet universalis singularia semper erunt; ergo et bruta
animalia et plantae et corpora mineralia semper erunt. 16. L'universel existe toujours. Mais il n'existe que dans le
particulier. Donc il semble que le particulier de n'importe quel universel
existera toujours; donc les animaux, les plantes et les minйraux existeront
toujours . En sens contraire: q. 5 a. 9 s. c. 1
Sed contra. Est quod Origenes dicit: non est opinandum venire ad finem illum
animalia, vel pecora, vel bestias terrae, sed nec ligna, nec lapides. 1. Il y a ce que dit Origиne: "Il ne faut pas penser que les
animaux, les troupeaux ou les bкtes de la terre parviendront а cette fin, ni le
bois, ni les pierres." q. 5 a. 9 s. c. 2
Praeterea, animalia et plantae ad vitam animalem hominis ordinantur: unde
dicitur Genes. IX, 3: quasi olera virentia dedi vobis omnem carnem. Sed vita
animalis hominis cessabit. Ergo et animalia et plantae cessabunt. 2. Les animaux et les plantes
sont ordonnйs а la vie charnelle de l'homme: c'est pourquoi il est dit en Gn.
9, 3: "Je vous ai donnй toute chair, au mкme titre[6]
que les lйgumes verts.." Mais la vie des hommes cessera. Donc les animaux
et les plantes aussi. Rйponse: q. 5 a. 9 co.
Respondeo. Dicendum, quod in illa mundi innovatione nullum corpus mixtum
remanebit praeter corpus humanum. Ad huius autem rationem sumendam, procedendum
est ordine quem docet philosophus, ut scilicet prius consideretur causa
finalis, et postmodum principia materialia et formalia et causae moventes.
Finis autem mineralium corporum et plantarum et animalium duplex potest
considerari: Dans cette rйnovation du monde, aucun corps mixte ne demeurera sauf le
corps humain. Pour en comprendre la raison, il faut procйder dans l'ordre
qu'enseigne le Philosophe (Physique,
II, 9, 200 a 7), а savoir qu'on considиre la cause finale d'abord, ensuite les
principes matйriels et formels et les causes moteurs. Mais la fin des minйraux,
des plantes et des animaux peut кtre considйrйe de deux faзons: primus quidem completio universi, ad quam omnes partes
universi ordinantur sicut in finem; ad quem quidem finem res praedictae non
ordinantur sicut per se et essentialiter de perfectione universi existentes,
cum nihil in eis existat quod non inveniatur in principalibus partibus mundi
(quae sunt corpora caelestia et elementa) sicut in principiis activis et
materialibus. Unde res praedictae sunt quidam particulares effectus causarum
universalium, quae sunt essentiales partes universi; et ideo de perfectione
sunt universi secundum hoc tantum quod a suis causis progrediuntur, quod quidem
fit per motum. Unde pertinent ad perfectionem universi sub motu existentis, non
autem ad perfectionem universi simpliciter. Et ideo cessante mutabilitate
universi, oportet quod praedicta cessent. 1) D'abord, la plйnitude de l'univers, а laquelle toutes ses parties
sont ordonnйes, comme а leur fin: les plantes, les animaux et les minйraux ne
sont pas ordonnйs а cette fin comme par soi et en existant essentiellement pour
la perfection de l'univers, puisque rien n'existe en elles qu'on ne retrouve
dans les principales parties du monde (que sont les corps cйlestes et les
йlйments) comme dans les principes actifs et matйriels. C'est pourquoi de
telles choses sont les effets particuliers des causes universelles, qui sont
les parties essentielles de l'univers, et c'est pourquoi elles concernent la
perfection de l'univers en cela seulement qu'elles sortent de leurs causes, ce
qui se fait par mouvement. C'est pourquoi elles conviennent а la perfection
d'un univers soumis au mouvement, mais non а celle de l'univers dans l'absolu.
Et c'est pourquoi si le changement cesse dans l'univers, il faut qu'elles
cessent. Alius autem finis est homo; quia, ut philosophus in sua
politica, dicit, ea quae sunt imperfecta in natura, ordinantur ad perfecta
sicut ad finem: unde, sicut ibidem dicit, cum animalia habeant vitam imperfectam
respectu vitae humanae, quae simpliciter perfecta est, et plantae respectu
animalium; plantae sunt propter animalia, praeparatae eis in cibum a natura;
animalia vero propter hominem, necessaria ei ad cibum et ad alia auxilia. Ista
autem necessitas est, vita animalis hominis durante; quae quidem in illa rerum
innovatione tolletur, quia corpus resurget non animale, sed spirituale, ut
dicitur I Corinth. XV, 44; et ideo tunc etiam animalia et plantae cessabunt. 2) Mais la fin de l'homme est autre, parce que, comme le Philosophe le
dit dans sa Politique (ch. 5), ce qui est imparfait en nature, est ordonnйe а
ce qui est parfait, comme а sa fin; c'est pourquoi, comme il le dit lа mкme,
comme les animaux ont une vie imparfaite par rapport а la vie humaine, qui est
absolument parfaite, et les plantes par rapport aux animaux; les plantes sont
pour les animaux, prйparйes en nourriture pour eux par la nature, les animaux
pour l'homme, nйcessaires pour sa nourriture et autres aides. Mais cette
nйcessitй existe tant que dure la vie physique de l'homme; elle est enlevйe
dans cette rйnovation des choses, parce que le corps ressuscitera, non animal,
mais spirituel, comme il est dit en I Co. 15, 44; et c'est pourquoi alors mкme
les animaux et les plantes cesseront. Et ad hoc idem habent aptitudinem
praedictarum rerum materia et forma. Cum enim sint ex contrariis composita,
habent in se ipsis principium activum corruptionis. Unde si a corruptione
prohiberentur ab exteriori principio tantum, hoc esset quodammodo violentum et
non conveniens perpetuitati, quia quae sunt violenta non possunt esse semper,
ut patet per philosophum in libris caeli et mundi. Interius autem principium
non habent quod possit a corruptione prohibere, quia eorum formae sunt per
naturam corruptibiles, utpote nec per se subsistentes, sed esse habentes a
materia dependens: unde non possunt in perpetuum remanere eadem numero, nec
eadem specie, generatione et corruptione cessante. Et pour cette mкme raison, la matiиre et la forme ont l'aptitude des
choses ci-dessus. Car, comme elles sont composйes de contraires, elles ont en
elles-mкmes un principe actif de corruption. C'est pourquoi si elles йtaient
empкchйes de se corrompre par un principe extйrieur seulement, cela serait
d'une certaine maniиre violent et ne conviendrait pas pour une durйe illimitйe,
parce que ce qui est violent ne peut pas exister toujours, comme le Philosophe
le montre dans le livre Le ciel et du monde (II, 1, 248 a 27[7]).
Mais elles n'ont pas un principe plus intйrieur, qui puisse empкcher la
corruption, parce que leurs formes sont corruptibles par nature, de sorte
qu'elles ne sont pas subsistantes par soi, mais elles ont un кtre qui dйpend de
la matiиre: c'est pourquoi elles ne peuvent demeurer toujours les mкmes ni en
nombre, ni en espиce, si la gйnйration et la corruption cessent. Hoc autem idem invenitur ex consideratione causae moventis;
esse enim plantarum et animalium quoddam vivere est, quod in rebus corporalibus
sine motu non existit; unde animalia deficiunt cessante motu cordis, et plantae
cessante nutrimento. In his autem rebus non est aliquod motus principium non
dependens a primo mobili, quia ipsae animae animalium et plantarum totaliter
subiiciuntur impressionibus caelestium corporum. Unde motu caeli cessante, non
poterit in eis motus remanere, nec vita. Et sic patet quod in illa mundi
innovatione res praedictae non poterunt remanere. On trouve le mкme rйsultat si on considиre la cause moteur; car l'кtre
des plantes et des animaux c'est une certaine maniиre de vivre, qui n'existe
pas dans les corps sans mouvement; c'est pourquoi les animaux pйrissent lorsque
cesse le mouvement du coeur, et les plantes quand cesse leur nourriture. Mais
il n'y a pas en elles un principe de mouvement indйpendant d'un premier mobile,
parce que les вmes mкme des animaux et des plantes sont soumises totalement aux
pressions des corps cйlestes. C'est pourquoi, si le mouvement du ciel cesse, le
mouvement ne pourra pas demeurer en elles, ni la vie non plus. Et ainsi il est
clair que dans cette rйnovation du monde, les plantes, les animaux et les
minйraux ne pourront pas demeurer. Solutions: q. 5 a. 9 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod omnia opera Dei in aeternum perseverant vel secundum
se, vel in suis causis: sic enim et animalia et plantae remanebunt manentibus
caelestibus corporibus et elementis. # 1. Toutes les oeuvres de Dieu demeureront йternellement en soi, ou
dans leurs causes, car ainsi les animaux et les plantes demeureront tant que
les corps cйlestes et les йlйments demeureront. q. 5 a. 9 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod perpetuitas quae est secundum speciem et non secundum
numerum, est per generationem; quae, cessante motu caeli, non erit. # 2. La perpйtuitй selon l'espиce, et non selon le nombre existe par
gйnйration, si le mouvement du ciel cesse, elle n'existera plus. q. 5 a. 9 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod intentio naturae est ad perpetuitatem in specie
conservandam, durante motu caeli, per quem huiusmodi perpetuitas conservari
potest. # 3. L'intention de la nature est de toujours conserver l'espиce, tant
que dure le mouvement du ciel, par lequel une telle perpйtuitй peut кtre
conservйe. q. 5 a. 9 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod praedictae res faciunt ad decorem universi secundum
statum mutabilitatis in mundo et animalis vitae in homine, et non aliter, ut
dictum est. # 4. Les choses susdites participent а la beautй de l'univers, selon
l'йtat de mutabilitй dans le monde et de la vie physique dans l'homme, mais pas
autrement, comme on l'a dit. q. 5 a. 9 ad 5 Ad
quintum dicendum quod in illa beatitudine sancti non indigebunt invisibilia Dei
per creaturas conspicere, sicut in hoc statu, pro quo loquitur apostolus; sed
tunc invisibilia Dei per se ipsa videbunt. # 5. Dans cette bйatitude, les saints n'auront pas besoin de voir par
les crйatures ce qui est invisible en Dieu, comme dans cet йtat (de vie), dont
parle l'Apфtre; mais alors ils verront par eux-mкmes ce qui est invisible en
Dieu. q. 5 a. 9 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod lignum vitae accipitur ibi metaphorice pro Christo, vel
pro sapientia, de qua Proverb. cap. III, 18: lignum vitae est his qui
apprehenderint eam. # 6. La bois de la vie est pris mйtaphoriquement pour le Christ, ou
pour la Sagesse, dont parle les Proverbes (3, 18): "Le bois de vie est
pour ceux qui l'auront saisie." q. 5 a. 9 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod desiderium perpetuitatis est in rebus creatis ex
assimilatione ad Deum; unicuique tamen secundum suum modum. # 7. Le dйsir d'йternitй est dans les crйatures par ressemblance а Dieu;
chacun а sa maniиre cependant. q. 5 a. 9 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod opus creationis per ornatum animalium et plantarum
consummatur quantum ad primam mundi consummationem, quae attenditur secundum
statum mutabilitatis mundi, in ordine ad complendum numerum electorum; non autem
ad consummationem mundi simpliciter, ut dictum est. # 8. L'oeuvre de crйation est achevйe par l'ornement des animaux et des
plantes, quant а la premiиre consommation du monde, qui est atteinte selon le
statut de sa mobilitй, dans l'ordre pour complйter le nombre des йlus, mais non
pour la consommation absolue du monde, comme on l'a dit. q. 5 a. 9 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod elementa non dicuntur remunerari secundum se, quia non
secundum se aliquid meruerunt; sed dicuntur remunerari in quantum homines in
eis remunerabuntur, prout scilicet eorum claritas in gloriam electorum cedet.
Animalibus autem et plantis homines non indigebunt, sicut elementis, quae erunt
locus quasi gloriae ipsorum; et ideo non est simile. # 9. On ne dit pas que les йlйments sont rйcompensйs en soi, parce
qu'en soi, ils n'ont rien mйritй; mais on dit qu'ils sont rйcompensйs en tant
que les homme seront rйcompensйs en eux, selon que leur clartй se changera en
la gloire des йlus. Mais les hommes n'auront pas besoin des animaux et des
plantes, comme des йlйments, qui seront, pour ainsi dire, le lieu de leur
gloire; et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 5 a. 9 ad 10 Ad decimum dicendum, quod licet
quantum ad vitam et cognitionem, plantae et animalia sint meliora quam
elementa, tamen quantum ad simplicitatem, quae facit ad incorruptionem, sunt
elementa Deo similiora. # 10. Bien que, en ce qui concerne la vie et la connaissance, les
plantes et les animaux soient meilleurs que les йlйments, cependant, par leur
simplicitй, qui les rend incorruptibles, les йlйments sont plus semblables а
Dieu. q. 5 a. 9 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in ipso homine continuatio quaedam naturarum
apparebit, in quantum in eo congregatur et natura corporis mixti et natura
vegetabilium et animalium. # 11. Dans l'homme mкme, la continuation des natures apparaоtra, en
tant qu'en lui se rassemblent la nature du corps mixte, et celle des vйgйtaux
et des animaux. q. 5 a. 9 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod alia fuit perfectio mundi creati et mundi consummati,
ut supra dictum est; et ideo non oportet ut sit de secunda perfectione quod
fuit de prima. # 12. La perfection du monde crййe a йtй autre que celle du monde
consumй, comme on la dit ci-dessus, et c'est pourquoi il ne faut pas que ce qui
est de la seconde perfection soit ce qui a йtй de la premiиre. q. 5 a. 9 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod vermis ille qui ad poenam impiorum deputatur, non
est intelligendus corporaliter, sed spiritualiter; ut per vermem stimulus suae
conscientiae intelligatur, ut Augustinus dicit; et secundum eumdem modum
possunt exponi si qua similia inveniantur. # 13. Ce vers qui est destinй а la peine des impies, n'est pas а
comprendre corporellement, mais spirituellement, pour que par lui on comprenne
l'aiguillon de la conscience, comme Augustin le dit (La Citй de Dieu, XX), et si on trouve d'autres expressions
semblables, on peut les expliquer de la mкme maniиre q. 5 a. 9 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod rationes seminales quae sunt in elementis, ad
effectum producendum non sufficiunt nisi motu caeli coadiuvante; et ideo motu
caeli cessante non sequitur quod oporteat animalia vel plantas esse; nec tamen
sequitur quod rationes seminales sint frustra, quia sunt de perfectione ipsorum
elementorum. # 14. Les raisons sйminales, qui sont dans les йlйments, ne suffisent
pour produire un effet que si le mouvement du ciel vient а leur aide; et c'est
pourquoi s'il cesse, il n'en dйcoule pas qu'il faille que les animaux ou les
plantes existent, et cependant il n'en dйcoule pas que les raisons sйminales
soient vaines, parce qu'elles concernent la perfection des йlйments eux-mкmes. q. 5 a. 9 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod licet aliqua sint quae ad horam ab igne non
consumantur, nihil tamen est quod finaliter ab igne non consumatur, si diu in
igne remaneat, ut Galenus dicit; et tamen ille ignis conflagrationis mundi erit
multo violentior quam iste ignis quo utimur. Nec iterum ex sola ignis actione
corpora mixta in illo igne destruentur, sed etiam ex cessatione motus caeli. # 15. Bien que certaines choses existent qui ne sont pas consumйes sur
l'heure par le feu, il n'y a rien cependant qui ne soit consumй finalement par
le feu, s'il lui demeure longtemps, comme Galien le dit; et cependant ce feu de
la conflagration du monde sera beaucoup plus violent que celui dont nous nous
servons. Et а nouveau de sa seule action les corps mixtes seront dйtruits en
lui, mais aussi par la cessation du mouvement du ciel. q. 5 a. 9 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod universale tripliciter considerari potest; et
secundum quemlibet modum considerationis aliquo modo verum est quod universale
est semper. # 16. On peut considйrer l'universel de trois maniиres; et sous quel
que mode qu'on le considиre il est vrai d'une certaine maniиre qu'il existe
toujours . Potest enim uno modo considerari natura universalis secundum
quod abstrahit a quolibet esse: et sic verum est quod universale est semper,
magis per remotionem causae determinantis ad aliquod tempus, quam per
positionem causae perpetuitatis; de ratione enim naturae universalis non est
quod sit magis hoc tempore quam illo; per quem etiam modum materia prima
dicitur esse una. a) Car on peut d'une maniиre considйrer la nature universelle selon
qu'elle est sйparйe de n'importe quel кtre; et ainsi il est vrai que
l'universel existe toujours plus par йloignement de la cause dйterminante pour
un temps, que par la position de la cause de la perpйtuitй, car il n'est pas de
la dйfinition de la nature universelle qu'elle existe plus dans un temps que
dans un autre; de cette maniиre on dit que la matiиre premiиre est une. Alio modo potest considerari secundum esse quod habet in
singularibus: et sic verum est quod est semper, quia est quandocumque est suum
singulare; sicut etiam dicitur esse ubique, quia est ubicumque est suum
singulare, cum tamen multa loca sint ubi sua singularia non sunt; unde nec ibi
est universale. b) D'une autre maniиre, elle peut кtre considйrйe selon son кtre dans
les choses particuliиres, et ainsi il est vrai qu'elle existe toujours parce
qu'elle existe toutes les fois qu'existe son кtre particulier. De mкme on dit
aussi qu'elle est partout, n 'importe oщ existe un кtre particulier qui la
reprйsente, alors que cependant il y a de nombreux endroits oщ ses кtres
particuliers ne sont pas: c'est pourquoi ici non plus ce n'est pas universel. Tertio modo potest considerari secundum esse quod habet in
intellectu: et sic etiam verum est quod universale est semper, praecipue in
intellectu divino. c) D'une troisiиme maniиre, on peut la considйrer selon l'кtre qu'elle
a dans l'intellect et ainsi il est vrai que l'universel existe toujours ,
principalement dans l'intellect divin.
[1] Parall.: CG. IV, 97 – IV Sent. d43q1a4, -
q2a. 6 – d48q2a.5 c. – d50q2a.3, q.la 2 c. [2]
Les plantes, les animaux et les minйraux. [3]
"Ce qu'il y a d'invisible depuis la crйation du monde se laisse voit а
l'intelligence а travers ses oeuvres." Rm 1, 20 B.J.) [4]
Citй en qu. 6, a. 6, obj. 12. [5]
Citй а nouveau Pot. qu. 6, a. 6, obj. 12. [6]
B.J. [7]
Thomas n° 297.
Article 10: Les corps humains demeureront-ils quand cessera le
mouvement du ciel?
q. 5 a. 10 tit. 1
Decimo quaeritur utrum corpora humana remaneant, motu caeli cessante. Et
videtur quod non. Il semble que non[1] Objections: q. 5 a. 10 arg. 1 Quia dicitur I Cor. cap. XV, 50:
caro et sanguis regnum Dei non possidebunt. Sed corpus hominis est ex carne et
sanguine. Ergo in illo rerum fine humana corpora non remanebunt. 1. Parce qu'il est dit en I Cor. 15, 50: "La chair et le sang ne
possйderont pas le Royaume de Dieu." Mais le corps de l'homme est de la
chair et du sang. Donc en cette fin du monde, les corps humains ne demeureront
pas. q. 5 a. 10 arg. 2
Praeterea, omnis mixtio elementorum ex motu caeli causatur, cum ad mixtionem
alteratio requiratur. Sed corpus humanum est corpus mixtum ex elementis. Ergo
motu caeli cessante, remanere non potest. 2. Tout mixte des йlйments est causй par le mouvement du ciel, puisque
le changement est nйcessaire pour la mixtion. Mais le corps humain est un corps
mixte d'йlйments. Donc, si le mouvement du ciel cesse, il ne peut pas demeurer. q. 5 a. 10 arg. 3
Praeterea, necessitas quae est ex materia, est necessitas absoluta, ut patet in
II Physic. Sed in corpore composito ex contrariis est necessitas ad
corruptionem ex ipsa materia. Ergo impossibile est quin talia corpora
corrumpantur; et ita impossibile est quod remaneant post statum generationis et
corruptionis. Corpora autem humana sunt huiusmodi. Ergo impossibile est quod in
illo rerum fine remaneant. 3. La nйcessitй qui vient de la matiиre est une nйcessitй absolue,
comme cela est exposй en Physique
(II, 9, 200 a 1 Р 200 a 14). Mais dans un corps composй de contraires, il y a
nйcessairement la corruption qui vient de la matiиre mкme. Donc il est
impossible que de tels corps ne soient pas corrompus et qu'ainsi ils demeurent
aprиs un йtat de gйnйration et de corruption. Mais les corps humains sont de ce
genre. Donc il est impossible qu'ils demeurent en cette fin du monde. q. 5 a. 10 arg. 4
Praeterea, homo cum brutis convenit in hoc quod habet corpus sensibile. Sed
corpora sensibilia brutorum non remanebunt in illo mundi fine. Ergo nec corpora
humana. 4. L'homme se rencontre avec les animaux du fait qu'il a un corps
sensible. Mais les corps sensibles des animaux ne demeureront pas en cette fin
du monde. Donc les corps humains non plus. q. 5 a. 10 arg. 5
Praeterea, finis hominis est perfecta assimilatio ad Deum. Sed Deo, qui
incorporeus est, magis assimilatur anima corpore absoluta, quam corpori unita.
Ergo in illo statu finalis beatitudinis, animae absque corporibus erunt. 5. La fin de l'homme est la ressemblance parfaite а Dieu[2].
Mais l'вme sйparйe du corps ressemble plus а Dieu, qui est incorporel qu'unie
au corps. Donc en cet йtat de bйatitude finale, les вmes seront sans corps. q. 5 a. 10 arg. 6
Praeterea, ad perfectam hominis beatitudinem requiritur perfecta operatio
intellectus. Sed operatio animae intellectivae a corpore absolutae est
perfectior quam animae corpori unitae, quia, ut dicitur in Lib. de causis,
omnis virtus unita plus est infinita quam multiplicata. Formae autem separatae
in se unitae sunt: materiae vero coniunctae, quodammodo ad plura diffunduntur.
Ergo in illa perfecta beatitudine animae non erunt corpori unitae. 6. Pour la parfaite bйatitude de l'homme, une parfaite opйration de
l'intellect est requise. Mais l'opйration de l'вme intellectuelle est plus
parfaite sйparйe du corps qu'unie au corps, comme on le dit dans le Livre des Causes ( prop. 17), toute
puissance unie est plus infinie qu'une puissance multipliйe. Les formes
sйparйes sont unies en soi, mais les matiиres jointes, sont rйpandues d'une
certaine maniиre en plusieurs. Donc dans cette parfaite bйatitude, les вmes ne
seront pas unies au corps. q. 5 a. 10 arg. 7 Praeterea, elementa quae sunt
in mixto, appetunt naturali appetitu propria ubi. Appetitus autem
naturalis non potest esse vanus; unde quod est contra naturam, non potest esse
perpetuum. Non potest ergo esse quin elementa in corpore mixto existentia
quandoque ad sua loca tendant, et sic corpus mixtum corrumpatur; ergo post
corruptionis statum non remanebunt humana corpora, quae sunt mixta. 7. Les йlйments qui sont dans le mixte recherchent d'un appйtit naturel
leur propre site. Mais cet appйtit naturel ne peut pas кtre vain. C'est
pourquoi ce qui est contre la nature ne peut pas кtre perpйtuel. Il n'est donc
pas possible que les йlйments qui existent dans le corps mixte parfois ne
tendent pas а leur site, et ainsi le corps mixte est corrompu; donc aprиs
l'йtat de corruption, les corps humains qui sont des mixtes ne demeureront pas. q. 5 a. 10 arg. 8
Praeterea, omnis motus naturalis cuiuscumque corporis a motu caeli dependet.
Sed motus cordis, sine quo non potest esse humani corporis vita, est motus
naturalis. Ergo cessante motu caeli remanere non poterit, et per consequens nec
humani corporis vita. 8. Tout mouvement naturel d'un corps quelconque dйpend du mouvement du
ciel. Mais le mouvement du coeur, sans quoi la vie du corps humain ne peut pas
exister, est un mouvement naturel. Donc quand cessera le mouvement du ciel, il
ne pourra pas demeurer, et par consйquent, la vie du corps humain non plus. q. 5 a. 10 arg. 9
Praeterea, membra humani corporis, pro maiori parte sunt ordinata ad usus
competentes vitae animalis, sicut patet de venis et stomacho et huiusmodi, quae
ordinatur ad nutrimentum. Animalis autem vita in homine non remanebit in illa
beatitudine. Ergo nec membra corporis (alias enim frustra essent); et sic nec
corpus humanum remanebit. 9. Les membres du corps humain, pour une majeure partie sont ordonnйs а
l'usage appropriй de la vie physique, comme on le voit pour les veines,
l'estomac, etc., qui sont ordonnйs а la nutrition; mais la vie physique dans
l'homme ne demeurera pas dans cette bйatitude. Donc les membres du corps non
plus (car autrement ils seraient inutiles) et ainsi le corps humain ne
demeurera pas. En sens contraire: q. 5 a. 10 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur I ad Cor.
cap. XV, 53: oportet corruptibile hoc induere incorruptionem. Hoc autem
corruptibile, corpus est. Ergo corpus remanebit incorruptione indutum. 1. Il y a ce qui est dit en I Co., 15, 53: "Il faut que cet кtre
corruptible revкte l'incorruptibilitй." Ce qui est corruptible, c'est le
corps. Donc le corps demeurera revкtu d'incorruptibilitй. q. 5 a. 10 s. c. 2 Praeterea, Philip. III, 21,
dicitur: reformabit corpus humilitatis nostrae configuratum corpori claritatis
suae. Sed Christus corpus quod semel in resurrectione resumpsit, nunquam
deposuit nec deponet: Rom. VI, 9: Christus resurgens ex mortuis iam non
moritur. Ergo et sancti in perpetuum vivent cum corporibus cum quibus resurgent;
et sic humana corpora post finem mundi manebunt. 2. En Phil. 3, 21, il est dit: "Il transfigurera notre corps
d'humilitй pour le conformer а son corps de gloire[3]"
Mais le Christ n'a jamais abandonnй et n'abandonnera pas le corps qu'il a
repris une fois ressuscitй. Rm 6, 9: "Le Christ ressuscitй des morts ne
meurt plus." Donc les saints vivront йternellement dans les corps avec
lesquels ils ressusciteront, et ainsi les corps humains demeureront aprиs la
fin du monde. Rйponse: q. 5 a. 10 co.
Respondeo. Dicendum, quod sicut Augustinus dicit, Porphyrius ponebat, ad
perfectam beatitudinem humanae animae, omne corpus fugiendum esse; et sic,
secundum eum, anima in perfecta beatitudine existens, corpori unita esse non
potest. Quam opinionem tangit Origenes in suo periarchon dicens: quosdam
opinatos fuisse, sanctos corpora in resurrectione resumpta quandoque
deposituros, ut sic ad Dei similitudinem in perfecta beatitudine vivant. Comme le dit Augustin (La citй de
Dieu, XXII, 26), Porphyre pensait que, pour la parfaite bйatitude de l'вme
humaine, il fallait fuir tout corps, et ainsi selon lui, l'вme dans la parfaite
bйatitude, ne peut pas кtre unie а un corps. Origиne parle de cette opinion
dans son Periarchon, en disant que certains ont pensй qu'un jour les saints
abandonneront les corps qu'ils auront repris а la rйsurrection, pour vivre
ainsi dans une bйatitude parfaite а l'image de Dieu. Sed haec positio praeter hoc quod est fidei contraria, ut ex
auctoritatibus inductis et pluribus aliis patere potest, etiam a ratione
discordat. Non enim perfectio beatitudinis esse poterit ubi deest naturae
perfectio. Cum autem animae et corporis naturalis sit unio, et substantialis,
non accidentalis, non potest esse quod natura animae sit perfecta, nisi sit
corpori coniuncta; et ideo anima separata a corpore, non potest ultimam
perfectionem beatitudinis obtinere. Propter quod etiam dicit Augustinus in fine
super Genes. ad Litt., quod animae sanctorum, ante resurrectionem, non ita
perfecte fruuntur divina visione sicut postea; unde in ultima perfectione
beatitudinis oportebit corpora humana esse animabus unita. Mais cette opinion, en plus qu'elle est contraire а la foi, comme on
peut le voir des autoritйs d'oщ elle est tirйe et de plusieurs autres, est
aussi contraire а la raison. Car la perfection de la bйatitude ne pourra pas
exister lа oщ manque la perfection de la nature. Mais comme l'union du corps et
de l'вme est naturelle, substantielle, et non accidentelle, il n'est pas
possible que la nature de l'вme soit parfaite, si elle n'est pas unie а un
corps, et c'est pourquoi l'вme sйparйe du corps ne peut pas obtenir la
perfection suprкme de la bйatitude. Pour cette raison, Augustin dit а la fin de
La Genиse au sens littйral, (XII,
35), que les вmes des saints ne jouiront pas avant la rйsurrection, de maniиre
aussi parfaite de la vision de Dieu, comme aprиs; c'est pourquoi dans la
suprкme perfection de la bйatitude, il faudra que les corps humains soit unis
aux вmes. Positio autem praemissa procedit secundum opinionem illorum
qui dicunt: animam accidentaliter uniri corpori, sicut nautam navi, aut hominem
indumento. Unde et Plato dixit quod homo est anima corpore induta, ut Gregorius
Nyssenus narrat.. Mais la position ci-dessus procиde de l'opinion de ceux qui disent que
l'вme est unie accidentellement au corps, comme la marin а son navire, comme
l'homme а son vкtement. C'est pourquoi Platon aussi a dit que l'homme est une
вme revкtue d'un corps, comme Grйgoire de Nysse le raconte (De l'вme, X). Sed hoc stare non potest, quia sic homo non esset ens per
se, sed per accidens; nec esset in genere substantiae, sed in genere
accidentis, sicut hoc quod dico vestitum, et calceatum. Patet etiam quod
rationes supra inductae de corporibus mixtis, non habent locum in homine, nam
homo ordinatur ad perfectionem universi ut essentialis pars ipsius, cum in
homine sit aliquid quod non continetur virtute nec in elementis nec in
caelestibus corporibus, scilicet anima rationalis. Corpus etiam hominis
ordinatur ad hominem, non secundum animalem vitam tantum, sed ad perfectionem
naturae ipsius. Et
quamvis corpus hominis sit ex contrariis compositum, inerit tamen principium
incorruptibile, quod poterit praeservare a corruptione absque violentia, cum
sit intrinsecum. Et hoc poterit esse sufficiens principium motus, motu caeli
cessante, cum a motu caeli non dependeat. Mais cela n'est pas possible parce que, ainsi, l'homme ne serait pas un
кtre par soi, mais par accident, et il ne serait pas dans le genre de la
substance mais celui de l'accident, comme ce qu'on dit vкtu, ou chaussй. Car il
est clair que les raisons prйsentйes plus haut au sujet des corps mixtes, n'ont
pas de place dans l'homme, car il est ordonnй а la perfection de l'univers,
comme sa partie essentielle, puisqu'en lui, il y a quelque chose qui n'est pas
contenu par le pouvoir, ni dans les йlйments, ni dans les corps cйlestes, а
savoir l'вme rationnelle. Mais le corps de l'homme lui est ordonnй, pas
seulement pour la vie physique, mais pour la perfection de sa nature. Et
quoique son corps soit composй de contraires, il y a en lui cependant un
principe incorruptible, qui pourra le prйserver de la corruption sans violence,
puisqu'il est intrinsиque. Et cela pourra кtre un principe suffisant de
mouvement, si le mouvement du ciel cesse, puisqu'il n'en dйpend pas. Solutions: q. 5 a. 10 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod per carnem et sanguinem intelligitur corruptio
carnis et sanguinis; unde in eadem auctoritate subditur: neque corruptio
incorruptelam possidebit. # 1. Par la chair et le sang on comprend leur corruption; c'est
pourquoi dans la mкme autoritй il est ajoutй:La corruption ne possйdera pas
l'incorruptibilitй". q. 5 a. 10 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod motus est causa mixtionis secundum fieri; sed
conservatio eius est per formam substantialem, et ulterius per principia caelo
altiora, ut in superioribus quaestionibus patet. # 2. Le mouvement est la cause du mixte en son devenir; mais sa
conservation vient par la forme substantielle et plus tard par des principes
plus йlevйs que le ciel, comme cela paraоt dans les questions prйcйdentes. q. 5 a. 10 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod anima rationalis ex perfecta unione ad Deum, omnino
super materiam victoriam habebit; et sic licet materia sibi relicta
corruptibilis sit, tamen ex virtute animae incorruptionem sortiretur. # 3. L'вme rationnelle, par son union parfaite а Dieu, aura tout а fait
la victoire sur la matiиre; et ainsi, bien que la matiиre laissйe а elle-mкme
soit corruptible, elle obtiendra l'incorruptibilitй par le pouvoir de l'вme. q. 5 a. 10 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sensibilitas in homine est a principio incorruptibili,
scilicet ab anima rationali; in brutis autem est a principio corruptibili; et
ideo corpus sensibile hominis in perpetuum potest remanere, non autem corpus
sensibile bruti. # 4. La sensibilitй dans l'homme vient d'un principe incorruptible,
c'est-а-dire de l'вme rationnelle; mais dans les animaux elle vient d'un
principe corruptible; et c'est pourquoi le corps physique de l'homme peut
demeurer йternellement, mais pas celui de l'animal. q. 5
a. 10 ad 5 Ad quintum dicendum, quod anima corpori unita plus assimilatur Deo
quam a corpore separata, quia perfectius habet suam naturam. Intantum
enim unumquodque Deo simile est, in quantum perfectum est, licet non sit unius
modi perfectio Dei et perfectio creaturae. # 5. L'вme unie au corps ressemble plus а Dieu que sйparйe du corps,
parce qu'elle possиde plus parfaitement sa nature. Car chaque кtre est parfait,
en tant qu'il est semblable а Dieu, bien que la perfection de Dieu et celle de
la crйature ne relиve pas d'un seul mode. q. 5 a. 10 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod anima corpori unita non multiplicatur per modum formarum
materialium quae sunt divisibiles divisione subiecti, sed in se remanet simplex
et una; unde eius operatio non impedietur ex corporis unione, quando corpus
omnino erit subiectum animae; nunc autem impeditur ex corporis unione, propter
hoc quod anima non perfecte dominatur in corpus. # 6. L'вme unie au corps n'est pas multipliйe а la maniиre des formes
matйrielles qui sont divisibles par la division du sujet, mais elle demeure en
soi une et simple; c'est pourquoi son opйration ne sera pas empкchйe par
l'union au corps, quand celui-ci sera tout а fait assujetti а l'вme; mais
maintenant elle en est empкchйe du fait qu'elle n'en est pas parfaitement
maоtresse. q. 5 a. 10 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod appetitus naturalis elementorum tendendi in propria
loca, per dominium animae in corpus retinebitur, ne dissolutio elementorum
fiat, quia elementa perfectius esse habebunt in corpore hominis quam in suis
locis haberent. # 7. L'appйtit naturel des йlйments qui tendent а leurs sites propres,
est retenu par la domination de l'вme sur le corps, pour que la dissolution des
йlйments ne se fasse pas, parce qu'ils auront un кtre plus parfait dans le
corps de l'homme qu'ils ne l'auraient dans leurs sites propres. q. 5 a. 10 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod motus cordis in homine causabitur ex natura animae
rationalis, quae a motu caeli non dependet; et ideo motus ille non cessabit,
motu caeli cessante. # 8. Le mouvement du coeur dans l'homme sera causй par la nature de
l'вme rationnelle, qui ne dйpend pas du mouvement du ciel, et c'est pourquoi ce
mouvement ne cessera pas, quand le mouvement du ciel cessera. q. 5 a. 10 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod omnia membra corporis remanebunt, non propter usus
animalis vitae, sed propter perfectionem naturae hominis. # 9. Tous les membres du corps demeureront, non а cause de l'usage de
la vie physique, mais de la perfection de la nature de l'homme.
[1] Parall.: IV Sent. d43q2a4, c – d48q2a5 c –
d50q2a3q.la 2 c – Opus. III, c. 171. [2]
А comprendre comme la divinisation. [3]
Phil. 3, 21: "Le Seigneur J.C. qui transfigurera notre corps de misиre
pour le conformer а son corps de gloire." B.J.
Question 6:
Les miracles
q. 6 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum Deus possit in rebus creatis aliquid operari praeter causas
naturales, vel contra naturam, vel contra cursum naturae. 1. Dieu peut-il opйrer dans les crйatures au-delа des causes
naturelles, contre la nature ou contre son cours? q. 6 pr. 2 Secundo
utrum omnia quae Deus facit contra cursum naturae, possint dici miracula. 2. Peut-on appeler miracle tout ce que Dieu fait contre le cours de la
nature? q. 6 pr. 3 Tertio
utrum creaturae spirituales sua naturali virtute possint miracula facere. 3. Les crйatures spirituelles peuvent-elles faire des miracles par leur
pouvoir naturel?. q. 6 pr. 4 Quarto
utrum boni Angeli et homines per aliquod donum gratiae miracula facere possint. 4. Les bons anges et les hommes peuvent-ils faire des miracles par un
don de la grвce? q. 6
pr. 5 Quinto utrum Daemones cooperentur ad miracula facienda. 5. Les dйmons coopиrent-ils aux miracles? q. 6 pr. 6 Sexto
utrum Daemones vel Angeli habeant corpora sibi naturaliter unita. 6. Les dйmons ou les anges ont-ils des corps qui leur sont unis
naturellement? q. 6 pr. 7 Septimo
utrum Angeli vel Daemones possint corpora assumere. 7. Les anges ou les dйmons peuvent-ils assumer un corps? q. 6 pr. 8 Octavo
utrum Angelus vel Daemon, vel corpus assumptum possit operationes viventis
corporis exercere. 8. L’ange ou le dйmon, en assumant un corps peut-il pratiquer les
opйration d’un corps vivant q. 6 pr. 9 Nono
utrum operatio miraculi sit attribuenda fidei. 9. Opйrer un miracle doit-il кtre attribuй а la foi? q. 6 pr. 10 Decimo
utrum Daemones cogantur aliquibus sensibilibus et corporalibus rebus, factis
aut verbis ad miracula facienda, quae per magicas artes fieri videntur. 10. Les dйmons sont-ils forcйs, par des objets sensibles et corporels,
des йvйnements ou des paroles, d’accomplir des miracles qui paraissent
accomplis par les arts magiques?
Article 1: Dieu peut-il opйrer dans les crйatures au-delа des causes
naturelles, ou contre la nature ou contre son cours?
q. 6 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum Deus possit in rebus creatis aliquid operari praeter
causas naturales, vel contra naturam, vel contra cursum naturae. Et videtur
quod non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 6 a. 1 arg. 1
Quia in Glossa Rom. XI, 24, dicitur: Deus omnium
naturarum conditor, nihil contra naturam facit. 1. La glose de Rm. 11, 24 (glose ordinaire): "Il a йtй greffй
contre nature" dit: "Dieu, crйateur de toutes les natures, ne fait rien
contre la nature."
q. 6
a. 1 arg. 2 Praeterea, alia Glossa dicit ibidem: contra legem naturae tam Deus
facere non potest quam contra se ipsum. Contra se ipsum autem nullo modo facere
potest: quia se ipsum negare non potest, ut dicitur II Tim. cap. II, 13. Ergo nec
contra naturae ordinem, qui est lex naturae, Deus facere potest. 2. Une autre glose dit au mкme endroit: "Dieu ne peut pas agir
contre la loi de la nature, pas plus que contre lui-mкme." Il ne peut agir
en aucune maniиre contre lui-mкme, parce qu'il "ne peut se nier lui-mкme",
comme il est dit 2 Tm, 2, 13. Donc Dieu ne peut agir contre l'ordre de la
nature qui en est la loi.
q. 6 a. 1 arg. 3
Praeterea, sicut ordo humanae iustitiae derivatur a divina iustitia, ita ordo
naturae derivatur a divina sapientia; ipsa enim est quae disponit omnia
suaviter, ut dicitur Sap. cap. VIII, 1. Sed contra ordinem humanae iustitiae
Deus facere non potest: sic enim esset causa peccati, quod solum ordini
iustitiae repugnat. Cum ergo non minor sit Dei sapientia, quam eius iustitia,
videtur quod nec contra ordinem naturae facere possit. 3. De mкme que l'ordre de la justice humaine est dйrivй de la justice
de Dieu, celui de la nature est dйrivй de la sagesse divine[2]; car c'est elle
qui "dispose tout avec bienfaisance" comme il est dit Sg. 8, 1. Mais
Dieu ne peut pas agir contre l'ordre de la justice humaine; car ainsi il serait
cause du pйchй, qui seul s'oppose а l'ordre de la justice. Donc comme la
sagesse de Dieu n'est pas infйrieure а sa justice, il semble qu'il ne peut pas
agir contre l'ordre de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 4
Praeterea, quandocumque Deus operatur in creaturis per rationes seminales, non
fit aliquid contra naturae cursum. Sed non potest Deus aliquid convenienter
operari in natura praeter rationes seminales naturae inditas. Ergo Deus non
potest convenienter contra cursum naturae facere. Probatio mediae. Augustinus
enim dicit, quod visibiles apparitiones patribus exhibitae sunt mediante
ministerio Angelorum, ex hoc quod Deus corpora regit per spiritus. Sed
similiter corpora inferiora regit per superiora, ut ipse dicit; et similiter
potest dici, quod effectus quoslibet regit per causas. Cum ergo in causis
naturalibus rationes seminales sint inditae, videtur quod Deus convenienter non
possit operari in effectibus naturalibus, nisi rationibus seminalibus
mediantibus: et sic nihil fiet ab eo contra cursum naturae. 4. [1]Toutes les fois que Dieu opиre dans les crйatures par raisons
sйminales, rien n'est fait contre le cours de la nature. [2] Mais il ne peut pas
opйrer convenablement dans la nature en dehors de celles de la nature qui y
sont induites. [3] Donc, il ne peut pas agir avec convenance contre le cours de
la nature. Preuve de la proposition intermйdiaire [2]: En effet, Augustin dit (La Trinitй, III, 11 et 12) que les
apparitions vues par les patriarches ont йtй accomplies par l'intermйdiaire du
ministиre des anges, du fait que Dieu gouverne les corps par les esprits. Mais
de la mкme maniиre, il gouverne les corps infйrieurs par les corps supйrieurs,
comme il le dit lui-mкme, (dans le mкme livre, ch. IV), et, de la mкme maniиre,
on peut dire qu'il gouverne n'importe quel effet par les causes. Donc comme les
raisons sйminales sont induites dans les causes naturelles, il semble que Dieu
ne puisse agir convenablement dans les effets naturels que par l'intermйdiaire
des causes sйminales et ainsi il ne fera rien contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 5
Praeterea, Deus non potest facere quod affirmatio et negatio sint simul vera,
quia cum hoc sit contra rationem entis in quantum est ens, est etiam contra
rationem creaturae; prima namque rerum creaturarum est esse, ut dicitur in
libro de causis. Praedictum autem principium, cum sit primum inter omnia
principia, in quod omnia alia resolvuntur, ut probatur in IV Metaph., oportet
quod in qualibet necessaria propositione includatur, et quod eius oppositum
includatur in quolibet impossibili. Cum ergo ea quae sunt contra cursum naturae
sint impossibilia in natura,- sicut caecum fieri videntem, et mortuum fieri viventem,-
in huiusmodi oppositum dicti principii includetur. Ergo ea quae sunt contra
cursum naturae, Deus facere non potest. 5. Dieu ne peut faire que l'affirmation et la nйgation soient vraies en
mкme temps, parce que, comme c'est contre la nature de l'йtant en tant que tel,
c'est aussi contre celle de la crйature; car la premiиre des choses crййes est
l'кtre, comme il est dit dans le livre Des causes (prop. 4). Il faut que ce
principe, puisqu'il est le premier de tous les principes en qui tous les autres
sont rйsolus, comme on le prouve (Mйtaphysique
IV, 3, 1005 b 19[3]), soit inclus en n'importe quelle proposition nйcessaire et
que son opposй soit inclus en tout ce qui est impossible. Donc, comme ce qui
est contre le cours de la nature est impossible en elle, – ainsi qu'un aveugle
voit et qu'un mort revive – cela est inclus dans un tel contraire а ce
principe. Donc Dieu ne peut pas faire ce qui est contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 6
Praeterea, quaedam Glossa dicit, Ephes. cap. III, 7 sq. quod Deus contra causas
quas voluntate instituit, mutabili voluntate, nihil facit. Sed causas naturales
Deus voluntate sua instituit. Ergo contra eas nihil facit nec facere potest,
sicut non potest esse mutabilis; mutabilitas enim voluntatis videtur cum
aliquis facit contra id quod prius voluntate instituit. 6. Une glose dit (Eph. 3, 7) que Dieu ne fait rien contre les causes
qu'il a йtabli par sa volontй, s'il change de volontй. Mais Dieu a йtabli les
causes naturelles par sa volontй. Donc il ne fait rien et il ne peut rien faire
contre elles, de mкme qu'il ne peut pas changer; car le changement de volontй
apparaоt quand quelqu'un agit contre ce qu'il a dйcidй d'abord par elle.
q. 6 a. 1 arg. 7
Praeterea, bonum universi est bonum ordinis, ad quem pertinet cursus naturalium
rerum. Sed Deus non potest facere contra bonum universi, quia ex sua bonitate
summa provenit quod omnia sint valde bona secundum ordinem universi. Ergo Deus
non potest facere contra cursum naturalium rerum. 7. Le bien de l'univers est celui de l'ordre auquel se rattache le
cours des choses naturelles. Mais Dieu ne peut pas agir contre le bien de
l'univers, parce que de sa bontй suprкme provient que tout est tout а fait bon,
dans l'ordre universel. Donc, il ne peut agir contre le cours des choses
naturelles.
q. 6 a. 1 arg. 8
Praeterea, Deus non potest esse causa mali. Malum autem, secundum Augustinum,
est privatio modi, speciei et ordinis. Ergo Deus non potest facere, contra
cursum naturae, qui pertinet ad ordinem universi. 8. Dieu ne peut pas кtre la cause du mal. Mais selon Augustin (La
nature du bien, IV), le mal est la privation du mode, de l'espиce et de
l'ordre. Donc Dieu ne peut pas agir contre le cours de la nature qui appartient
а l'ordre de l'univers.
q. 6 a. 1 arg. 9
Praeterea, Genes. II, 2, dicitur, quod Deus die septimo cessavit ab omni opere
quod patrarat; et hoc ideo secundum Glossam ordinariam, quia cessavit a novis
operibus condendis. Sed in operibus sex dierum non fecit aliquid contra cursum
naturae. Unde Augustinus dicit, quod in operibus sex dierum non quaeritur quid
Deus miraculose facere possit, sed quid rerum natura patiatur, quam tunc Deus
instituit. Ergo nec postea Deus aliquid fecit contra naturae cursum. 9. Il est dit en Gn . 2, 2,: "(Dieu) acheva le septiиme jour toute
l'oeuvre qu'il avait accomplie" et selon la glose ordinaire, parce qu'il
cessa de crйer des oeuvres nouvelles. Mais dans les oeuvres des six jours, il
ne fit rien contre le cours de la nature. C'est pourquoi Augustin (La Genиse au sens littйral, II) dit que,
dans les oeuvres des six jours, on ne cherche pas ce que Dieu pouvait faire
miraculeusement, mais ce que supporte la nature que Dieu institua alors. Donc
par la suite Dieu ne fit rien contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 10
Praeterea, secundum philosophum, natura est causa ordinationis in omnibus. Sed
Deus non potest facere aliquid nisi ordinatum, quia, ut dicitur Rom. cap. XIII,
1: quae a Deo sunt, ordinata sunt. Ergo non potest facere aliquid contra
naturam. 10. Selon le Philosophe (Mйtaphysique,
VII, 3, 1029 a 20[4]), la nature est la cause de la mise en ordre en tout. Mais
Dieu ne peut rien faire qu'ordonnй, parce que, comme on le dit en Rm. 13, 1[5]:
"Ce qui vient de Dieu a йtй mis en ordre". Donc il ne peut rien faire
contre la nature.
q. 6 a. 1 arg. 11
Praeterea, sicuti ratio humana a Deo est, ita et natura. Sed contra principia
rationis Deus facere non potest, sicut quod genus de specie non praedicetur,
vel quod latus quadrati sit commensurabile diametro. Ergo nec contra principia
naturae Deus facere potest. 11. La raison de l'homme vient de Dieu, la nature aussi. Mais Dieu ne
peut pas agir contre les principes de la raison: par exemple faire en sorte que
le genre ne soit pas attribuй а l'espиce ou que le cфtй du carrй soit
commensurable а la diagonale. Donc Dieu ne peut pas agir non plus contre le
principe de la nature.
q. 6
a. 1 arg. 12 Praeterea, totus naturae cursus a divina sapientia progreditur,
sicut artificiata ab arte humana, ut Augustinus dicit super illud Ioan., cap.
I, 3-4: quod factum est in ipso vita erat. Sed artifex non facit aliquod contra
artem suam nisi per errorem, qui in Deo esse non potest. Ergo nec
Deus facit aliquid contra cursum naturae. 12. Tout le cours de la nature vient de la sagesse divine, de mкme que
les oeuvres artisanales de l'art humain, comme Augustin le dit (Commentaire sur
saint Jean, 1, 3-4) а propos de ce verset: "Ce qui a йtй fait йtait la vie
en lui". Mais l'artisan ne fait rien contre son art sinon par erreur,
erreur impossible а Dieu. Donc Dieu ne fait rien contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 13
Praeterea, philosophus dicit, quod sicut agitur unumquodque, ita natum est agi.
Sed quod ita natum est agi sicut agitur, non fit contra cursum naturae. Ergo
nihil fit contra naturae cursum. 13. Le philosophe dit (Physique,
II, 8, 199 a 8 ss[6].): chaque chose est faite, comme elle est destinйe а кtre
faite. Mais ce qui est destinй а кtre fait, comme il est fait, n'est pas fait
contre le cours de la nature. Donc rien n'est fait contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 14
Praeterea, Anselmus dicit, Lib. I: cur Deus homo, quod minimum inconveniens Deo
est impossibile. Inconveniens autem est quod cursus naturae mutetur, conveniens
est autem quod servetur. Ergo impossibile est quod Deus contra cursum naturae
faceret. 14. Anselme (Cur Deus homo, I, 20) dit que la plus petite
inconvenance est impossible а Dieu. Il est inconvenant de changer le cours de
la nature, il convient de le conserver. Donc il est impossible que Dieu agisse
contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 15
Praeterea, sicut se habet scientia ad falsum, ita se habet potentia ad
impossibile. Sed Deus non potest scire id quod est falsum in natura. Ergo Deus
non potest facere id quod est contra cursum naturae, quia hoc est impossibile
in natura. 15. Le rapport de la science а l'erreur est le mкme que celui de la
puissance а l'impossible. Mais Dieu ne peut pas connaоtre ce qui est faux dans
la nature[7]. Donc il ne peut pas faire ce qui est contre son cours, parce que
cela y est impossible.
q. 6 a. 1 arg. 16
Praeterea, magis est impossibile quod est impossibile per se quam quod est
impossibile per accidens, quia quod per se est tale, magis est tale. Sed id
quod fuit non fuisse est impossibile per accidens; quod tamen Deus facere non
potest, ut Hieronymus dicit et etiam philosophus. Ergo nec quae sunt contra
cursum naturae, quae sunt impossibilia per se, ut caecum videre, facere Deus
non potest. 16. Est plus impossible ce qui est impossible par soi que ce qui est
impossible par accident, parce que ce qui est tel par soi, l'est davantage.
Mais il est impossible par accident que ce qui a existй ne l'ait pas йtй; ce
que cependant Dieu ne peut pas faire, comme Jйrфme le dit et aussi le
Philosophe (Eth. VI, 2, 1139 b
10[8]). Donc ce qui est contre le cours de la nature, qui est impossible en
soi, comme que l'aveugle voit, Dieu ne peut pas le faire.
q. 6 a. 1 arg. 17
Praeterea, secundum philosophum, violentum est cuius principium est extra, nil
conferente vim passo. Sed ad ea quae sunt contra cursum naturae, res naturales
conferre non possunt. Ergo si a Deo fiant, erunt violenta: et sic non erunt
permanentia; quod videtur inconveniens, nam caecis illuminatis divinitus
permanet visum. 17. Selon le Philosophe, (Eth. III,
1109 b 35[9]), est violent ce dont le principe est extйrieur, il n'apporte rien
а celui qui supporte la violence. Mais ces choses naturelles ne peuvent pas le
confйrer а ce qui est contre le cours de la nature. Donc si elles sont faites
par Dieu, elles seront violentes et ainsi elles ne demeureront pas, ce qui ne
paraоt pas convenir, car la vue demeure de maniиre divine pour les aveugles а
qui la vue a йtй rendue.
q. 6 a. 1 arg. 18
Praeterea, cum omne genus per potentiam et actum dividatur, ut patet in III
Physic., ad potentiam autem potentia passiva pertineat, ad actum autem activa;
oportet quod illa sola potentia passiva inveniatur in natura ad quae invenitur
potentia activa naturalis, hoc enim est eiusdem generis; et hoc etiam dicit
Commentator in IX Metaph. Sed ad ea quae sunt contra cursum naturae non
invenitur aliqua potentia activa naturalis; ergo nec potentia passiva. Sed illa
respectu quorum non est potentia passiva in creatura, dicimus non posse fieri,
quamvis Deus per suam omnipotentiam omnia facere possit. Ergo ea quae sunt contra
cursum naturae, fieri non possunt propter defectum creaturae, etsi non propter
defectum divinae potentiae. 18. Comme tout genre se divise en puissance et acte, comme on le voit
en Physique, (III, 1, 201 a 9), la
puissance passive appartient а la puissance, la puissance active а l'acte: il
faut qu'on trouve cette seule puissance passive dans la nature pour laquelle on
trouve une puissance active naturelle, car c'est du mкme genre et cela le
Commentateur le dit (Mйtaphysique IX,
8, 1050 b 8). Mais pour ce qui est contre le cours de la nature, on ne trouve
pas de puissance active naturelle, donc de puissance passive non plus. Mais
celles en considйration desquelles il n'y a pas de puissance passive dans la
crйature, nous disons qu'elle ne peut pas кtre faite, quoique Dieu par sa toute
puissance puisse tout faire. Donc ce qui est contre le cours de la nature ne
peut pas кtre fait а cause de la dйfaillance de la crйature, mкme si ne n'est
pas а cause de celle de la puissance divine.
q. 6 a. 1 arg. 19
Praeterea, quidquid Deus aliquando facit non esset inconveniens, etiam si
semper faceret. Esset autem inconveniens, si Deus omnes effectus naturales
crearet non mediantibus causis naturalibus, quia tunc res naturales suis
operationibus destituerentur. Ergo inconveniens est quod aliquem effectum in
istis inferioribus faciat aliquando non mediantibus causis naturalibus. Eis
autem mediantibus non facit aliquid contra cursum naturae. Ergo Deus nihil
facit contra cursum naturae. 19. Ce que Dieu fait quelquefois ne serait pas inconvenant, mкme s'il
le faisait toujours. Mais il serait inconvenant que Dieu crйe tous les effets
naturels sans l'intermйdiaire des causes naturelles, parce que les кtres
naturels seraient privйs de leurs opйrations. Donc il ne convient pas qu'il
produise quelquefois un effet dans ces кtres infйrieurs sans l'intermйdiaire
des causes naturelles. Par leur intermйdiaire, il ne fait rien contre le cours
de la nature. Donc il ne fait rien contre lui.
q. 6 a. 1 arg. 20
Praeterea, causa per se essentialem ordinem habet ad suum effectum, et e
converso. Sed Deus non potest alicui rei auferre quod est sibi essentiale, ea
manente, sicut quod sit homo et non sit animal. Ergo non potest effectum
aliquem producere sine causa naturali quae ad huiusmodi effectum habet
essentialem ordinem, sicut quod faciat visum sine causis naturalibus ex quibus
visus natus est causari. 20. La cause en soi a un rapport essentiel а son effet et inversement.
Mais Dieu ne peut enlever а une chose ce qui lui est essentiel, tant qu'elle
demeure; par exemple qu'il soit un homme, sans кtre un animal. Donc il ne peut
produire un effet sans la cause naturelle qui a un rapport essentiel а un tel
effet; ainsi rendre la vue sans les causes naturelles а partir desquelles elle
est destinйe а кtre causйe.
q. 6 a. 1 arg. 21
Praeterea, inconveniens est ut maius bonum dimittatur pro minori bono. Sed
bonum universi est maius quam aliquod bonum particulare cuiuscumque, unde
Augustinus dicit, quod Deus facit bona etiam singula, simul autem omnia valde
bona propter ordinem universi. Ergo inconveniens est quod propter salutem
alicuius hominis vel alicuius gentis, Deus mutet cursum naturae, qui pertinet
ad ordinem universi, in quo bonum eius consistit. Numquam ergo Deus facit
contra cursum naturae. 21. Il ne convient pas que l'homme, en tant qu'il est un bien plus
grand, soit abandonnй pour un bien plus petit; mais le bien de l'univers est
plus grand que le bien particulier de n'importe quoi. C'est pourquoi Augustin
dit (Enchiridion II, 10) que Dieu a
produit des biens particuliers, mais en mкme temps tous les biens en vue de
l'ordre de l'univers. Donc il ne convient pas qu'а cause du salut d'un homme ou
d'un peuple, Dieu change le cours de la nature, qui appartient а l'ordre de
l'univers, en quoi consiste son bien. Donc jamais Dieu n'agit contre le cours
de la nature.
En sens contraire:
q. 6 a. 1 s. c. 1
Sed contra. A privatione in habitum non potest fieri regressus secundum naturam;
fit autem operatione divina; unde dicitur Matth., XI, 5: caeci vident (...),
surdi audiunt et cetera. Ergo Deus facit aliquid contra cursum naturae. 1. Aprиs avoir йtй privйe de ce qu'elle a, la nature ne peut faire un
retour en arriиre, mais il est fait par l'opйration divine; c'est pour cela
qu'il est dit en Mt. 11, 5:"Les aveugles voient... les sourds entendent"
etc. Donc Dieu agit contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 s. c. 2
Praeterea, potestas superioris non dependet a potestate inferioris, nec
secundum eam limitatur. Sed Deus est superior quam natura. Ergo non limitatur
eius potentia secundum potentiam naturae; et sic nihil prohibet ipsum operari
aliquid contra cursum naturae. 2. Le pouvoir du supйrieur ne dйpend pas du pouvoir de l'infйrieur, et
n'est pas limitй par lui. Mais Dieu est supйrieur а la nature. Donc sa puissance
n'est pas limitйe par la puissance de la nature; et ainsi rien ne l'empкche
d'opйrer contre le cours de la nature.
Rйponse:
q. 6 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum quod absque omni dubio Deus in rebus creatis potest operari
praeter causas creatas, sicut et ipse operatur in omnibus causis creatis, ut
alibi ostensum est; et operando praeter causas creatas potest operari eosdem
effectus quos eisdem mediantibus operatur, et eodem ordine, vel etiam alios, et
alio ordine; et sic potest aliquid facere contra communem et solitum cursum
naturae. Cuius veritatis manifestabitur ratio, si ea consideremus quae huic
veritati adversari videntur: quae quidem sunt tria. Il faut dire que, sans doute aucun que Dieu peut opйrer dans les
crйatures, en dehors des causes crййes, de mкme que lui-mкme opиre en toutes
les causes, comme on l'a montrй ailleurs[10]; et en opйrant en dehors des
causes crййes, il peut opйrer les mкmes effets que ceux qu'il produit par leur
intermйdiaire et dans le mкme ordre, ou d'autres aussi dans un ordre diffйrent;
et ainsi il peut agir contre le cours commun et habituel de la nature. La
raison de cette vйritй deviendra manifeste, si nous considйrons ce qui paraоt
s'opposer а la vйritй; les objections sont au nombre de trois:
Primum est quorumdam antiquorum philosophorum opinio, qui
posuerunt istas res corporeas non habere aliam causam superiorem quae sit eis
causa essendi; et sic posuerunt eorum aliqui, ut Anaxagoras, intellectum causam
alicuius motus in eis, ut segregationis. Secundum autem hanc positionem, a
nulla causa supernaturali naturales formae, quae sunt naturalium actionum
principia, possunt immutari, nec earum operationes impediri; et sic nihil
potest fieri contra cursum naturae qui ex necessitate harum causarum
corporalium ordinatur. Sed haec positio est falsa, quia oportet illud quod est
principium in entibus, esse causam essendi omnibus aliis, sicut summe calidum
est causa caliditatis omnibus aliis, ut dicitur in II Metaphys. Et de hoc
plenius alibi tractatum est, ubi ostensum est quod nihil potest esse nisi a
Deo. 1) La premiиre objection est l'opinion de quelques philosophes anciens
qui pensиrent que les corps n'avaient pas une autre cause supйrieure qui soit
pour eux cause d'кtre; et ainsi quelques-uns d'entre eux, comme Anaxagore, ont
pensй que l'intellect йtait la cause du mouvement en eux, comme la sйparation.
Selon cette opinion, les formes naturelles, qui sont principes des actions
naturelles, ne peuvent кtre modifiйes par aucune cause surnaturelle ni leurs
opйrations empкchйes; et ainsi rien ne peut кtre fait contre le cours de la
nature qui est ordonnй par la nйcessitй de ces causes corporelles. Mais cette
position est fausse, parce qu'il faut que ce qui est le principe dans les кtres
soit la cause d'кtre de tous les autres, de mкme que ce qui est suprкmement
chaud est cause de la chaleur de toutes les autres objets, comme il est dit en Mйtaphysique (II, 1, 993 b 25[11]). Et
on a traitй cela plus abondamment ailleurs (Ia, qu. 44, a. 1), oщ on a montrй
que rien ne peut exister sinon par Dieu.
Secundum autem quod praedictam veritatem impedire potest,
est opinio aliorum philosophorum, qui dixerunt, Deum esse causam omnium entium
per eius intellectum. Sed dixerunt quod Deus de entibus habet universalem
quamdam cognitionem in quantum cognoscit seipsum, et quod ipse est principium
essendi omnibus entibus, non autem propriam de unoquoque. A scientia autem
communi et universali non sequuntur particulares effectus, nisi mediantibus
particularibus conceptionibus. Si enim sciam quod omnis fornicatio est
fugienda, non fugiam hunc actum nisi accipiam hunc actum esse fornicationem. Et
secundum hoc dicunt quidam, quod a Deo non progrediuntur effectus particulares
nisi mediantibus causis aliis per ordinem, quarum superiores sunt magis
universales, inferiores vero magis particulares; et secundum hoc Deus nihil
poterit facere contra cursum naturae. Sed ista positio est falsa, nam cum Deus
seipsum perfecte cognoscat, oportet quod cognoscat quidquid in ipso quocumque
modo est. In eo autem est similitudo cuiuslibet causati, in quantum nihil esse
potest quod eum non imitetur; unde oportet quod de omnibus propriam cognitionem
habeat, sicut alibi plenius ostensum est. 2) La seconde objection qui peut s'opposer а cette vйritй, c'est
l'opinion d'autres philosophes qui ont dit que Dieu est cause de tous les кtres
par son intelligence. Mais ils ont dit que Dieu a une connaissance universelle
des кtres dans la mesure oщ il se connaоt lui-mкme et qu'il est principe d'кtre
pour tous, mais qu'il n'a pas une connaissance particuliиre de chacun. De la
science commune et universelle ne dйcoulent des effets particuliers, que par
l'intermйdiaire de conceptions particuliиres. Car si on savait qu'il faut fuir
toute fornication, on ne la fuirait que si on sait que cet acte en est une. Et
c'est pourquoi, ils disent que les effets particuliers ne viennent de Dieu que
par l'intermйdiaire d'autres causes dont les supйrieures sont plus universelles
et les infйrieures plus particuliиres, et ainsi Dieu ne pourra rien faire contre
le cours de la nature. Mais cette position est fausse, car, puisque Dieu se
connaоt parfaitement, il faut qu'il connaisse ce qui est en lui de quelque
maniиre. En lui, il y a l'image de tout ce qui est causй dans la mesure oщ rien
ne peut exister sans l'imiter. C'est pourquoi il faut qu'il ait une
connaissance propre de tout, comme on l'a montrй plus largement ailleurs ( Ia,
qu. 14, per totum).
Tertium quod posset praedictam veritatem impedire, est
positio quorumdam philosophorum, qui dixerunt, Deum ex necessitate naturae res
agere; et sic oportet quod eius operatio determinetur ad istum cursum rerum qui
est secundum naturam ordinatus; unde contra eum facere non poterit. Sed hoc
etiam patet esse falsum, nam supra omne quod ex necessitate naturae agit, oportet
aliquid esse quod naturam ad unum determinet, sicut alibi, ostensum est; unde
impossibile est quod Deus, qui est primum agens, ex necessitate naturae agat;
quod etiam in alia quaestione multipliciter ostensum est. 3) La troisiиme objection: qui pourrait aller contre cette vйritй, est
la position de certains philosophes[12] qui ont dit que Dieu crйe par nйcessitй
de nature; et ainsi il faut que son opйration soit limitйe а ce cours des
choses qui est ordonnй selon la nature, c'est pourquoi il ne pourrait pas agir
contre lui. Mais il est clair que c'est faux, car au-dessus de tout ce qui agit
par nйcessitй de nature, il faut qu'il existe quelque chose qui dйtermine la
nature а un seul objet, comme on l'a montrй ailleurs (Ia, qu. 19, a. 4); c'est
pourquoi il est impossible que Dieu, qui est le premier agent, agisse par
nйcessitй de nature, ce qui a йtй montrй de multiples maniиres dans une autre
question (qu.3, a.15).
His ergo tribus habitis, scilicet quod Deus sit rebus
naturalibus causa essendi, et quod propriam cognitionem et providentiam habeat
de unoquoque, et quod non agat ex necessitate naturae, sequitur quod potest
praeter cursum naturae aliquid agere in particularibus effectibus, vel quantum
ad esse, in quantum aliquam novam formam inducit rebus naturalibus quam natura
inducere non potest, sicut formam gloriae; aut huic materiae, sicut visum in
caeco; vel quantum ad operationem: in quantum retinet operationes rerum
naturalium ne agant quod natae sunt agere, sicut quod ignis non comburat, ut
patet Daniel. III, 24, vel quod aqua non fluat, ut patet de aqua Iordanis. De ces trois objections 1) а savoir que Dieu est cause d'кtre dans les
кtres naturels, 2) qu'il a une connaissance propre et une providence pour
chacun, et 3) qu'il n'agit pas par nйcessitй de nature, il dйcoule qu'il peut,
en dehors du cours de la nature, agir dans des effets particuliers, ou quant а
l'кtre dans la mesure oщ il peut induire une nouvelle forme dans les choses
naturelles que la nature ne peut pas induire, comme la forme de gloire; ou а
cette matiиre, comme la vue dans l'aveugle; ou quant а l'opйration, dans la
mesure oщ il empкche les opйrations des choses naturelles de faire ce qu'elles
sont destinйes а faire, ainsi que le feu ne brыle pas, comme on le voit dans le
livre de Daniel (3, 24) ou que l'eau ne coule pas , comme on le voit pour les
eaux du Jourdain (Jos. 3, 16).
Solutions:
q. 6 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod contra naturam particularem et Deus facit et etiam
res naturales; quod enim ignis corrumpatur contra naturam particularem huius
ignis est. Unde philosophus dicit, quod corruptio et senium et defectus omnis
contra naturam est. Contra naturam vero universalem nulla res naturalis agit;
dicitur enim natura particularis secundum ordinem particularis causae ad
particularem effectum; natura vero universalis secundum ordinem primi agentis
in natura, quod est caelum ad omnia inferiora agentia. Cum autem nullum
inferiorum corporum agat nisi per virtutem caelestis corporis, impossibile est
quod aliquod corpus naturale agat contra naturam universalem. Sed hoc ipsum
quod aliquid agit contra naturam particularem, est secundum naturam
universalem. # 1. Dieu contre la nature particuliиre fait aussi des choses
naturelles, car que le feu soit corrompu est contre sa nature particuliиre.
C'est pourquoi Aristote dit (Le ciel et
le monde, II, 6, 288 b 15[13]) que la corruption, la vieillesse et toute
dйfaillance sont contre la nature. Rien de naturel n'agit contre la nature
universelle, car on appelle particuliиre la nature selon le rapport d'une cause
particuliиre а un effet particulier; mais on appelle universelle la nature
selon le rapport du premier agent dans la nature qui est le ciel pour tous les
agents infйrieurs. Comme aucun des corps infйrieurs n'agit que par la puissance
du corps cйleste, il est impossible qu'un corps naturel agisse contre la nature
universelle. Mais agir contre la nature particuliиre dйpend de la nature
universelle.
Sicut autem caelum est causa universalis respectu inferiorum
corporum, ita Deus est causa universalis respectu omnium entium, respectu cuius
etiam ipsum caelum est causa particularis. Nihil enim prohibet unam et eamdem
causam esse universalem respectu inferiorum et particularem respectu
superiorum, sicut et in praedicabilibus accidit; nam animal, quod est
universale respectu hominis, est particulare respectu substantiae. Sicut ergo
per virtutem caeli potest aliquid fieri contra hanc naturam particularem, nec
tamen est hoc contra naturam simpliciter, quia hoc est secundum naturam
universalem, ita virtute Dei potest aliquid fieri contra naturam universalem,
quae est ex virtute caeli; non tamen erit contra naturam simpliciter, quia erit
secundum naturam universalissimam, quae consideratur ex ordine Dei ad omnes
creaturas. Et ex hoc intellectu Augustinus dicit in Glossa inducta, quod Deus
nihil contra naturam facit. Unde subiungitur, quia hoc est unicuique natura
quod Deus facit. Le ciel est cause universelle par rapport aux corps infйrieurs, de mкme
Dieu est cause universelle par rapport а tous les кtres, rapport dont le ciel
mкme est la cause particuliиre. Car rien n'empкche qu'une seule et mкme cause
soit universelle par rapport aux кtres infйrieurs et particuliиre par rapport
aux кtres supйrieurs, comme cela arrive dans les prйdicables[14], car l'animal
qui est universel par rapport а l'homme, est particulier par rapport а la
substance. Donc de mкme que quelque chose peut кtre fait par le pouvoir du ciel
contre cette nature particuliиre et cependant ce n'est pas simplement contre la
nature, parce que c'est selon la nature universelle, de mкme par le pouvoir de
Dieu quelque chose peut кtre fait contre la nature universelle qui vient du
pouvoir du ciel: cependant ce ne sera pas absolument contre la nature, parce
que ce sera selon la nature la plus universelle qui est considйrйe par rapport
de Dieu а toutes les crйatures. Et pour l'avoir compris, Augustin dit, dans la
glose citйe, que Dieu ne fait rien contre la nature. C'est pourquoi il est
ajoutй parce que "C'est la nature que Dieu fait pour chacun".
q. 6 a. 1 ad 2 Et ex
hoc etiam patet responsio ad secundum; nam in illa Glossa loquitur Augustinus
de summa lege naturae quae attenditur secundum ordinem Dei ad omnes creaturas. # 2. Et par lа paraоt la rйponse а la seconde objection, car, dans
cette glose, Augustin parle de la loi suprкme de la nature qui s'йtend selon
l'ordre de Dieu а toutes les crйatures.
q. 6 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut ex dictis patet, licet Deus possit facere contra
ordinem qui est unius creaturae ad aliam, quod est quasi naturae particularis
respectu ipsius, non tamen potest facere contra ordinem creaturae ad se ipsum.
Iustitia autem hominis consistit principaliter in debito ordine hominis ad Deum;
unde contra ordinem iustitiae Deus facere non potest. Cursus autem naturae est
secundum ordinem unius creaturae ad aliam, et ideo contra cursum naturae Deus
facere potest. # 3. Comme le montre ce qui a йtй dit, bien que Dieu puisse agir contre
le rapport d'une crйature а une autre, ce qui est pour ainsi dire d'une nature
particuliиre par rapport а lui, cependant il ne peut agir contre le rapport de
la crйature а elle-mкme. La justice de l'homme consiste principalement dans le
rapport que l'homme doit а Dieu, c'est pourquoi Dieu ne peut pas agir contre
l'ordre de la justice. Mais le cours de la nature dйpend du rapport d'une
crйature а une autre, et c'est pourquoi Dieu peut agir contre le cours de la
nature.
q. 6 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut Deus potest facere praeter causas naturales
effectus in rebus corporalibus, ita potest facere praeter ministerium Angelorum;
non tamen est eadem ratio faciendi praeter utrumque. Nam praeter causas
naturales facit ut homo effectum, quem causis visibilibus attribuere non
potest, in aliquam superiorem causam reducere cogatur, ut si ex visibili
miraculo divina potentia manifestetur. Operationes autem Angelorum non sunt
visibiles; unde eorum ministerium non impedit quin homo in divinae potentiae
considerationem adducatur. Et propter hoc Augustinus non dicit quod praeter
ministerium Angelorum non possit operari, sed quod non operatur. # 4. Dieu peut produire en dehors des causes naturelles des effets dans
les corps, de mкme il peut agir en dehors du ministиre des anges; cependant ce
n'est pas la mкme raison d'agir au-delа de l'un et l'autre. Car, au-delа des
causes naturelles, il fait que l'homme est forcй de ramener l'effet qu'il ne
peut pas attribuer а des causes visibles а une cause supйrieure, comme si la
puissance divine se manifestait par un miracle visible. Mais les opйrations des
anges ne sont pas visibles; c'est pourquoi leur ministиre n'empкche pas que
l'homme soit amenй а considйrer la puissance divine; et а cause de cela,
Augustin ne dit pas qu'il ne pourrait pas opйrer au-delа du ministиre des anges
mais qu'il n'opиre pas.
q. 6 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut Deus non potest facere quod affirmatio et negatio
sint simul vera, ita non potest facere ea quae sunt impossibilia in natura, in
quantum praedictum impossibile in se claudunt sicut patet quod mortuum vivificare,
claudit in se contradictionem, si ponatur a principio intrinseco naturaliter
mortuus ad vitam redire, nam de ratione mortui est quod sit privatus principio
vitae: unde Deus hoc non facit, sed facit quod mortuus ab exteriori principio
vitam iterato acquirat; quod contradictionem non includit. Et eadem ratio est
de aliis quae sunt impossibilia naturae, quae facere potest. # 5. Dieu ne peut pas faire que l'affirmation et la nйgation soient
vraies simultanйment, de mкme il ne peut pas faire ce qui est impossible dans
la nature, en tant que cela enferme en soi une chose qu'on affirme impossible,
de mкme qu'il est clair que redonner vie а un mort, renferme en soi une
contradiction, si on pense que le mort retourne а la vie naturellement par un
principe intrinsиque, car il est de la nature du mort d'кtre privй du principe
de vie. C'est pourquoi Dieu ne le fait pas, mais il fait que le mort acquiert
la vie une seconde fois, а partir d'un principe extйrieur; ce qui n'inclut pas
de contradiction. Et c'est la mкme raison pour les autres impossibilitйs de la
nature qu'il peut accomplir.
q. 6 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus non facit contra rationes naturales mutabili
voluntate, nam Deus ab aeterno praevidit et voluit se facturum quod in tempore
facit. Sic ergo instituit naturae cursum, ut tamen praeordinaretur in aeterna
sua voluntate quod praeter cursum istum quandoque facturus erat. # 6. Dieu n'agit pas contre les raisons naturelles en changeant de
volontй, car il a prйvu de toute йternitй et il a voulu faire ce qu'il fait
dans le temps. Ainsi donc il a instituй le cours de la nature, de sorte
cependant qu'il soit prйordonnй dans sa volontй йternelle qu'il agirait
quelquefois en dehors de ce cours.
q. 6 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Deus faciendo praeter cursum naturae, non removet totum
ordinem universi, in quo consistit bonum ipsius, sed ordinem alicuius
particularis causae ad suum effectum. # 7. Dieu, en agissant en dehors du cours de la nature, ne dйtourne pas
tout le cours de l'univers, en quoi consiste son bien, mais le rapport de la
cause particuliиre а son effet.
q. 6 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod malum poenae est contra ordinem unius partis universi ad
aliam partem, et similiter malum cuiuslibet defectus naturalis; sed malum
culpae est contra ordinem totius universi ad finem ultimum, eo quod voluntas,
in qua est malum culpae, ab ipso ultimo fine universi deordinatur per culpam;
et ideo huiusmodi mali Deus causa esse non potest; contra hunc enim ordinem
agere non potest, licet posset agere contra ordinem primum. # 8. Le mal du chвtiment est contre l'ordre d'une partie de l'univers
pour une autre et de mкme le mal d'une dйfaillance naturelle, mais le mal de la
faute est contre l'ordre de tout l'univers quant а la fin derniиre, parce que la
volontй, en qui se trouve le mal de la faute est dйtournйe de sa fin ultime de
l'univers par la faute, et c'est pourquoi Dieu ne peut pas кtre cause d'un mal
de ce genre. Car il ne peut pas agir contre cet ordre, bien qu'il le puisse
contre l'ordre premier.
q. 6 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod miraculum non fit a Deo nisi in creaturis
praeexistentibus, quae alio modo in operibus sex dierum praeextiterunt. Unde
opera miraculosa materialiter in operibus sex dierum praecesserunt, licet tunc
non oportuerit aliquid miraculose fieri contra cursum naturae, quando natura
instituebatur. # 9. Dieu ne fait un miracle que dans les crйatures prйexistantes, qui
ont prйexistй d'une autre maniиre dans les opйrations des six jours. C'est
pourquoi les opйrations miraculeuses ont prйcйdй matйriellement dans les
opйrations des six jours, bien qu'alors il n'aurait pas fallu que quelque chose
soit fait miraculeusement contre le cours de la nature, quand elle йtait
instituйe.
q. 6 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod natura est causa ordinationis in omnibus naturalibus,
non autem in omnibus simpliciter. # 10. La nature est la cause de la mise en ordre dans tout ce qui est
naturel, mais pas absolument dans tout.
q. 6 a. 1 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod logicus et mathematicus considerant tantum res
secundum principia formalia; unde nihil est impossibile in logicis vel
mathematicis, nisi quod est contra rei formalem rationem. Et huiusmodi
impossibile in se contradictionem claudit, et sic est per se impossibile. Talia
autem impossibilia Deus facere non potest. Naturalis autem applicat ad
determinatam materiam: unde reputat impossibile etiam id quod est huic
impossibile. Nihil autem prohibet Deum posse facere quae sunt inferioribus
agentibus impossibilia. # 11. Le logicien et le mathйmaticien considиrent les objets seulement
selon les principes formels; c'est pourquoi rien n'est impossible en logique ou
en mathйmatiques, sinon ce qui est contre la raison formelle de l'objet. Et une
telle impossibilitй enferme en soi une contradiction et ainsi elle est
impossible par soi. Des telles impossibilitйs, Dieu ne peut pas les faire. Le
naturel ajoute а une matiиre limitйe, c'est pourquoi il йvalue comme impossible
ce qui est impossible pour lui. Mais rien n'empкche Dieu de pouvoir faire ce
qui est impossible aux agents infйrieurs.
q. 6 a. 1 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod ars divina non totam seipsam explicat in
creaturarum productione; et ideo secundum artem suam potest alio modo aliquid
operari quam habeat cursus naturae; unde non sequitur quod si potest facere
contra cursum naturae, possit facere contra suam artem: nam et homo artifex
potest aliud artificiatum facere per suam artem contrario modo quam prius
fecit. # 12. L'art divin ne se dйploie pas tout lui-mкme dans la production
des crйatures, et ainsi selon son art, il peut opйrer d'une autre maniиre que
celle du cours de la nature; c'est pourquoi il n'en dйcoule pas que, s'il peut
agir contre le cours de la nature, il puisse le faire contre son art, car
l'artisan peut faire un autre ouvrage par son art, d'une maniиre contraire а ce
qu'il a fait d'abord.
q. 6 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod philosophus loquitur de his quae in natura
aguntur: ea enim aguntur sicut apta nata sunt agi. # 13. Le philosophe parle de ce qui est fait dans la nature; car ces
choses sont faites comme elles sont destinйes а кtre faites
q. 6 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod cursum naturae servari est conveniens, secundum
quod est a divina providentia ordinatus; unde si ordo divinae providentiae
habet quod aliquid secus agatur, non est inconveniens. # 14. Il convient de conserver le cours de la nature, selon qu'il est
ordonnй par la providence divine, c'est pourquoi si l'ordre de la providence
divine a quelque chose а faire autrement, cela ne prйsente pas d'inconvйnient.
q. 6 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod non dicitur aliquid esse falsum simpliciter et
alicui, sicut aliquid dicitur esse impossibile simpliciter et alicui, sed esse
falsum simpliciter; unde Deus non potest scire aliquod falsum, sicut non potest
facere aliquid impossibile: quod simpliciter est impossibile; et tamen sicut
potest facere aliquid impossibile alicui, ita potest facere aliquid ignotum
alicui. # 15. On ne dit pas que quelque chose est faux absolument et pour
quelqu'un; de mкme qu'on ne dit pas qu'une chose est impossible absolument et
pour quelqu'un, mais est absolument fausse; c'est pourquoi, Dieu ne peut pas
connaоtre ce qui est faux, de mкme qu'il ne peut pas faire ce qui est
impossible; parce que c'est absolument impossible et cependant de mкme qu'il
peut faire quelque chose d'impossible а quelqu'un, de mкme il peut faire
quelque chose ignorй de quelqu'un.
q. 6 a. 1 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod omne per accidens reducitur ad aliquid quod est
per se: unde nihil prohibet aliquid quod est per accidens, ad id quod est per
se reductum, esse magis tale: sicut nix sua albedine disgregat visum magis quam
albedo parietis, eo quod albedo nivis est maior albedine parietis: similiter
remotio cursus Socratis est impossibilis per hoc quod reducitur ad hoc
impossibile per se, praeteritum non fuisse, quod contradictionem implicat: unde
nihil prohibet hoc esse magis impossibile quam id quod est impossibile alicui,
quamvis non sit impossibile per accidens. # 16. Tout ce qui est par accident est ramenй а ce qui est par soi;
c'est pourquoi rien n'empкche que ce qui est par accident, ramenй ramenй а ce
qui est par soi, soit plus de telle nature. Ainsi la neige abоme la vue par sa
blancheur plus que la blancheur du mur, parce qu'elle est plus grande en
blancheur que lui. De mкme supprimer la marche de Socrate est impossible, parce
que c'est ramenй а cet impossible par soi que le passй n'ait pas existй, ce qui
implique contradiction; c'est pourquoi rien n'empкche que cela soit plus
impossible par soi, que ce qui est impossible а quelqu'un, quoiqu'il ne soit
pas impossible par accident.
q. 6 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod in re qualibet naturali est naturalis ordo et
habitudo ad causas omnes superiores: et inde est quod illa quae fiunt in
corporibus inferioribus ex impressione caelestium corporum, non sunt violenta,
licet videantur esse contraria naturalibus motibus inferiorum corporum, ut
patet in fluxu et refluxu maris, qui sequitur motum lunae. Et multo minus est
violentum quod a Deo fit in istis inferioribus. # 17. Dans n'importe quelle chose naturelle, il y a un ordre
naturel[15] et une relation а toutes les causes supйrieures, et de lа vient que
ce qui est fait dans les corps infйrieurs par l'induction des corps cйlestes
n'est pas violent, bien que cela paraisse кtre contraire aux mouvements
naturels des corps infйrieurs, comme on le voit dans le flux et le reflux de la
mer qui suit le mouvement de la lune. Et ce qui est fait par Dieu dans les
(corps) infйrieurs est beaucoup moins violent.
q. 6 a. 1 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod quanto aliqua virtus activa est altior, tanto
eamdem rem potest perducere in altiorem effectum: unde natura potest ex terra
facere aurum aliis elementis commixtis, quod ars facere non potest; et inde est
quod res aliqua est in potentia ad diversa secundum habitudinem ad diversos
agentes. Unde nihil prohibet quin natura creata sit in potentia ad aliqua
fienda per divinam potentiam, quae inferior potentia facere non potest: et ista
vocatur potentia obedientiae, secundum quod quaelibet creatura creatori obedit. # 18. Plus un pouvoir actif est йlevй, plus il peut mener une mкme
chose а un effet plus йlevй: c'est pourquoi la nature peut faire de l'or avec
de la terre et d'autres йlйments mйlangйs, ce que l'art ne peut pas faire et de
lа vient qu'une chose est en puissance а diffйrents objets selon la relation а
des agents diffйrents. C'est pourquoi rien n'empкche que la nature crййe ait la
puissance de faire quelque chose par la puissance divine, ce qu'une puissance
infйrieure ne peut pas faire; et on l'appelle puissance d'obйdience, selon que
n'importe quelle crйature obйit au crйateur.
q. 6 a. 1 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod ordinatio cuiuslibet rei creatae ad suam
operationem est a Deo; unde si ex divina providentia praeter rerum naturalium
operationem producitur aliquis effectus, non est inconveniens. # 19. La mise en rapport de n'importe quelle crйature а son opйration
vient de Dieu; c'est pourquoi si la providence divine produit un effet au-delа
de l'action de l'opйration des choses naturelles, cela n'a pas d'inconvйnient.
q. 6 a. 1 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod licet Deus faciat aliquem effectum praeter actionem
causae naturalis, non tamen tollit ordinem causae ad suum effectum; unde et in
igne fornacis remanebat ordo ad comburendum, licet non combureret tres pueros
in camino. # 20. Bien que Dieu produise un effet au-delа de l'action de la cause
naturelle, il n'enlиve cependant pas le rapport de la cause а son effet. C'est
pourquoi dans le feu de la fournaise demeurait le pouvoir de brыler, bien qu'il
n'y brыlвt pas les trois enfants.
q. 6 a. 1 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod quando Deus agit aliquid contra cursum naturae,
non tollitur totus ordo universi, sed cursus qui est ex ordine unius
particularis rei ad aliam. Unde non est inconveniens, si aliquando contra
cursum naturae aliquid fiat ad salutem hominis, quae consistit in ordinatione
ipsius ad ultimum finem universi. # 21. Quand Dieu agit contre le cours de la nature, il n'enlиve pas
tout l'ordre de l'univers, mais il change le cours du rapport d'une chose
particuliиre а une autre. C'est pourquoi il n'y a aucune inconvenance si
quelquefois il agit contre le cours de la nature pour le salut de l'homme, ce
qui consiste а l'ordonner а la fin ultime de l'univers.
[1]
Parall.: Ia, qu. 105, a. 6 – qu. 106, a. 3– CG. III, 98, 99* Р Compendium. 136.
[2]
En Ia, qu. 105, a. 6, obj. 2, l'ordre de la nature vient de la justice de Dieu.
[3]
Il s'agit du principe de contradiction .
[4]
Mйtaphysique, VII, 3, 1029 a 20: "J'appelle
nature ce qui n'est par soi ni existence dйterminйe, ni d'une certaine
quantitй, ni d'aucune autre des catйgories par lesquelles l'Etre est dйterminй."
(Trad. J. Tricot).
[5]
Rm. 13, 1: "Non est enim potestas nisi a Deo, quae autem sunt, a Deo
ordinatae sunt". "Il n'y a point d'autoritй qui ne vienne de Dieu, et
celles qui existent sont constituйes par Dieu." B.J.
[6]
"...selon qu'on fait une chose, ainsi se produit-elle par nature, et selon
que la nature produit une chose ainsi la fait-on а moins d'empкchements."
Texte d'Aristote, Thomas, II, lect. 13, n° 257.
[7]
Cf. qu. 1, a. 3, obj. 4.
[8]
"Car il y a une seule chose dont Dieu mкme est privй: c'est de faire que
ce qui a йtй fait ne l'ait pas йtй." (Citation d'Agathon, tragique grec du
Ve siиcle a.c..
[9]
On admet d'ordinaire qu'un acte est involontaire quand il est fait sous la
contrainte... Est fait par contrainte tout ce qui a son principe hors de nous,
c'est-а-dire un principe dans lequel on ne relиve aucun concours de l'agent ou
du patient". Trad. J. Tricot.
[10]
Pot. qu. 3, a. 7.
[11]
"...la chose qui, parmi les autres, possиde йminemment une nature est
toujours celle dont les autres choses tiennent en commun cette nature, par
exemple le feu est chaud par excellence, parce que, dans les autres кtres, il
est la cause de la chaleur." (Trad. J. Tricot).
[12]
Dont Avicenne.
[13]
Texte Aristote: "Chez les animaux, tous les manques de force, comme la
vieillesse et l'affaiblissement, sont, eux, contraire а la nature."
[14]
Les prйdicables sont au nombre de cinq: le genre, l'espиce, la diffйrence, le
propre, l'accident.
[15] Cf. Ia, qu. 105, a. 6, ad
1m.
Article 2: Peut-on appeler miracles tout ce que Dieu fait en dehors des
causes naturelles ou contre le cours de la nature?
q. 6 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum omnia quae Deus facit praeter causas naturales vel
contra cursum naturae, possint dici miracula.Et videtur quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 6 a. 2 arg. 1
Quia sicut ex verbis Augustini haberi potest, miraculum est aliquid arduum et
insolitum, supra facultatem naturae et praeter spem admirantis apparens.
Aliquando autem Deus operatur contra cursum naturae etiam in minimis rebus,
sicut cum ex aqua fecit vinum, Ioan. II; quae tamen operatio praeter
operationem causarum naturalium fuit. Ergo non omnia quae Deus facit praeter
causas naturales, miracula dici possunt. 1. Parce que, comme on peut le conclure des paroles d'Augustin (Sur
l'Йvangile de Jean, 8 et Trin. III, 5) le miracle est "quelque chose
d'ardu et d'insolite qui dйpasse les possibilitйs de la nature et apparaоt
au-delа de l'espйrance de celui qui le voit avec йtonnement." Quelquefois
Dieu opиre contre le cours de la nature, mкme dans les plus petites choses: par
exemple, quand il fit du vin avec de l'eau (Jn 2): cette opйration fut
cependant au-delа de celle des causes naturelles. Donc ce n'est pas tout ce que
Dieu fait au-delа des causes naturelles qui peut кtre appelй miracle. q. 6 a. 2 arg. 2
Praeterea, quod frequenter accidit, non potest insolitum dici. Sed huiusmodi
operationes divinae praeter causas naturales apostolorum tempore frequenter
fiebant: unde dicitur Act. V, 15, quod in plateis ponebantur infirmi, et
cetera. Ergo huiusmodi non erant insolita, et ita non erant miracula. 2. On ne peut pas dire que ce qui arrive frйquemment soit inhabituel.
Mais de telles opйrations divines au-delа des causes naturelles arrivaient
frйquemment du temps des Apфtres. C'est pourquoi il est dit (Act 5, 15) qu'on
mettait les malades sur les places, etc.. Donc les йvйnements de ce genre
n'йtaient pas inhabituels et ainsi ce n'йtaient pas des miracles. q. 6 a. 2 arg. 3
Praeterea, illud quod natura potest operari non est supra facultatem naturae.
Sed quandoque divinitus fiunt praeter naturales causas quae etiam natura facere
posset, sicut patet cum dominus curavit socrum Petri a febribus quibus
tenebatur, ut dicitur Luc. IV, 38-39. Ergo non fuit supra facultatem naturae,
et ita non fuit miraculum. 3. Ce que la nature peut opйrer n'est pas au-dessus de ses
possibilitйs. Mais quelquefois ce que la nature pourrait faire aussi se fait de
maniиre divine au-delа des causes naturelles, comme on le voit quand le
Seigneur a guйri la belle-mиre de Pierre des fiиvres qui la tenaient, comme il
est dit en Lc 4, 38 s.. Donc ce ne fut pas au-dessus des possibilitйs de la
nature et ainsi ce ne fut pas un miracle. q. 6 a. 2 arg. 4 Praeterea, mortuum reviviscere,
non potest contingere per operationem naturalis causae. Sed resuscitatio
mortuorum, qua Deus in fine omnes mortuos vivificabit, est a sanctis expectata;
unde in symbolo dicitur: expecto resurrectionem mortuorum. Ergo non
omne illud quod Deus operatur praeter causas naturales, est praeter spem
humanam, et ita non est miraculum. 4. Faire revenir а la vie un mort ne peut pas arriver par l'opйration
d'une cause naturelle. Mais la rйsurrection des morts par laquelle Dieu
ramиnera а la vie tous les morts а la fin, est attendue par les saints; c'est
pourquoi il est dit dans le "symbole" (des Apфtres): "J'attends
la rйsurrection des morts". Donc ce n'est pas tout ce que Dieu opиre
au-delа des causes naturelles qui dйpasse l'espйrance des hommes. Et ainsi ce
n'est pas un miracle. q. 6 a. 2 arg. 5
Praeterea, creatio caeli et terrae, et etiam creatio animarum rationalium est a
Deo praeter alias causas agentes: solus enim Deus creare potest, ut in alia
quaestione, est habitum. Sed tamen haec non possunt dici miracula: quia haec
non fiunt ad gratiae ostensionem, propter quam solam fiunt miracula, ut
Augustinus dicit, sed ad naturae institutionem. Ergo non omnia quae Deus facit
praeter causas naturales, possunt dici miracula. 5. La crйation du ciel et de la terre et mкme celle des вmes douйes de
raison vient de Dieu au-delа des autres causes efficientes; car seul il peut
crйer, comme on l'a vu dans une autre question (qu. 3 a. 1 et 4). Mais
cependant on ne peut pas appeler cela des miracles; parce que ce n'est pas fait
pour montrer la grвce, ce pourquoi seul sont faits les miracles, comme Augustin
le dit, mais c'est pour la constitution de la nature. Donc tout ce que Dieu
fait au-delа des causes naturelles ne peut pas кtre appelй miracle. q. 6 a. 2 arg. 6
Praeterea, iustificatio impii fit a solo Deo praeter causas naturales; nec est
miraculum, sed magis finis miraculi: ad hoc enim miracula fiunt, ut homines convertantur
ad Deum. Ergo non omnia quae Deus facit praeter causas naturales, sunt
miracula. 6. La justification de l'impie est accomplie par Dieu seul au-delа des
causes naturelles; ce n'est pas un miracle, mais plutфt le but du miracle. Car
les miracles sont faits pour convertir les hommes а Dieu. Donc tout ce que Dieu
fait en dehors des causes naturelles n'est pas miracle. q. 6 a. 2 arg. 7
Praeterea, magis est mirum quod aliquid fiat a minus potente quam a magis
potente. Sed Deus est potentior quam natura: cum autem natura aliquid operatur,
non dicitur esse miraculum, sicut cum operatur sanationem infirmi, vel aliquid
huiusmodi. Ergo multo minus potest dici miraculum, quando
Deus illud operatur. 7. Plus йtonnant est ce qui est fait par quelqu'un de moins puissant
que par un plus puissant. Mais Dieu est plus puissant que la nature; or quand
la nature fait quelque chose, on ne l'appelle pas miracle, comme quand elle
opиre la guйrison d'un malade, ou autres choses de ce genre. Donc on peut
beaucoup moins l'appeler miracle quand Dieu le fait. q. 6
a. 2 arg. 8 Praeterea, monstra fiunt contra naturam, nec tamen dicuntur
miracula. Ergo non omnia quae contra naturam fiunt, miracula
dici possunt. 8. Les prodiges se font contre la nature et cependant on ne les appelle
pas miracles. Donc tout ce qui est fait contre la nature ne peut кtre appelй
miracle. q. 6 a. 2 arg. 9 Praeterea, miracula fiunt ad
fidei confirmationem. Sed incarnatio verbi non est ad confirmationem fidei
tamquam fidei argumentum, sed magis est sicut fidei obiectum. Ergo non est
miraculum: et tamen hoc solus Deus facit nulla alia causa agente: ergo non
omnia quae Deus facit praeter causas naturales, sunt miracula. 9. Les miracles sont faits pour affermir la foi. Mais l'Incarnation du
Verbe n'est pas pour l'affermir en tant qu'argument de foi, mais plutфt en tant
qu'objet de foi. Donc ce n'est pas un miracle et cependant Dieu seul le fait
sans aucune autre cause efficiente; donc ce n'est pas tout ce que Dieu fait
au-delа des causes naturelles qui est un miracle En sens contraire: q. 6 a. 2 s. c. 1
Sed contra. Augustinus, dicit, quod triplex est rerum cursus: naturalis,
voluntarius et mirabilis. Ea autem quae solus Deus operatur praeter causas
naturales, non pertinent ad cursum rerum naturalium, nec ad voluntarium, quia
nec natura, nec voluntas creata in eis operatur. Ergo pertinet ad cursum
mirabilem, et ita sunt miracula. 1. Augustin (Anselme, Le pйchй originel, ch. 2) dit que le cours des
choses est triple: naturel, volontaire et merveilleux. Ce que Dieu seul opиre
au-delа des causes naturelles n'appartient pas а un concours des choses
naturelles, ni а ce qui est volontaires, parce que, ni la nature, ni la volontй
crййe n'opиrent en eux. Donc il appartient а un concours admirable et ainsi
c'est un miracle. q. 6 a. 2 s. c. 2
Praeterea, Richardus de s. Victore dicit, quod miraculum est opus creatoris,
manifestativum divinae virtutis. Huiusmodi autem sunt quae a Deo praeter causas
naturales fiunt. Ergo sunt miracula. 2. Richard de Saint Victor dit que le miracle est l'oeuvre du Crйateur,
qui manifeste sa puissance divine. Ce qui est fait par Dieu au-delа des causes
naturelles est de ce genre. Donc ce sont des miracles. Rйponse: q. 6 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod miraculi nomen a mirando est sumptum. Ad admirationem
autem duo concurrunt, ut potest accipi ex verbis philosophi in principio
metaphysicorum: quorum unum est, quod causa illius quod admiramur, sit occulta;
secundum est quod in eo quod miramur, appareat aliquid per quod videatur
contrarium eius debere esse quod miramur, sicut aliquis posset mirari si
videret ferrum ascendere ad calamitam, ignorans calamitae virtutem, cum
videatur quod ferrum naturali motu debeat tendere deorsum. Le nom miracle vient de "admirer" (s'йtonner). Deux aspects
concourent а l'admiration, comme on peut le tirer des paroles du philosophe au
dйbut de la Mйtaphysique (I, 2, 982 b
11-21.[2]). 1) Dont l'une est que la cause de ce qui йtonne est cachйe.2) La
seconde est que dans ce qui nous йtonne apparaоt ce par quoi il semble que
c'est son contraire dont on devrait s'йtonner; par exemple quelqu'un pourrait
s'йtonner s'il voyait le fer monter vers un aimant, ignorant son pouvoir[3]. Puisqu'il semble que le fer par un mouvement naturel
doit tendre vers le bas. Hoc autem contingit dupliciter: uno modo
secundum se; alio modo quo ad nos. Quo ad nos quidem, quando causa effectus quem
miramur, non est occulta simpliciter, sed occulta huic vel illi; nec in re quam
miramur est dispositio repugnans effectui quem miramur, secundum rei veritatem,
sed solum secundum opinionem admirantis: et ex hoc contingit quod id quod est
uni mirum vel admirabile, non est mirum vel admirabile alteri, sicut sciens
virtutem calamitae per doctrinam vel per experimentum, non miratur praedictum
effectum; ignorans autem miratur. Cela arrive de deux maniиres: en soi, et selon nous. 1) Selon nous, quand la cause de l'effet qui nous йtonne n'est pas
absolument cachйe, mais cachйe а celui-ci ou а celui-lа. Et dans ce qui nous
йtonne, il n'y a pas de disposition qui s'oppose а l'effet dont nous nous
йtonnons, selon la vйritй de la chose, mais selon l'opinion de celui qui
s'йtonne, et de lа vient que ce qui est йtonnant ou admirable pour l'un, ne
l'est pas pour un autre, de mкme que celui qui connaоt le pouvoir de l'aimant
par science ou expйrience, ne s'йtonne pas de cet effet, mais l'ignorant s'en
йtonne. Secundum se autem aliquid est mirum vel admirabile, cuius
causa simpliciter est occulta, et quando in re est contraria dispositio
secundum naturam effectui qui apparet, et ista non solum possunt dici mira in
actu, vel mira in potentia, sed etiam miracula, quasi habentia in se
admirationis causam. Causa autem occultissima et remotissima a nostris sensibus
est divina, quae in rebus omnibus secretissime operatur: et ideo illa quae sola
virtute divina fiunt in rebus illis in quibus est naturalis ordo ad contrarium
effectum vel ad contrarium modum faciendi, dicuntur proprie miracula; ea vero
quae natura facit, nobis tamen vel alicui nostrum occulta, vel etiam quae Deus
facit, nec aliter nata sunt fieri nisi a Deo, miracula dici non possunt, sed
solum mira vel mirabilia. 2) En soi est йtonnant ou admirable ce dont la cause est simplement
cachйe et quand il y a dans la chose selon la nature une disposition contraire
а l'effet qui apparaоt, et on peut non seulement appeler cela йtonnant en acte
ou en puissance, mais encore l'appeler miracle, comme ayant en soi une cause
d'йtonnement. Mais la cause la plus cachйe et la plus йloignйe de nos sens est
divine, elle qui agit trиs secrиtement en tout; et c'est pourquoi ce qui est
fait par le seul pouvoir divin dans ces choses oщ il y a un ordre naturel а un
effet contraire ou а une maniиre contraire de le produire, est appelй
proprement miracle; ce que la nature fait, cependant cachй pour nous ou pour
l'un des nфtres, ou mкme ce que Dieu fait, et qui n'est destinй а кtre produit
autrement que par Dieu, ne peut pas кtre appelй miracle, mais seulement
йtonnant ou merveilleux[4]. Et ideo in definitione miraculi ponitur aliquid quod excedit
naturae ordinem, in hoc quod dicitur, supra facultatem naturae, cui ex parte
rei mirabilis respondet quod dicitur arduum. Et ponitur etiam aliquid quod
excedit nostram cognitionem, in hoc quod dicitur praeter spem admirantis
apparens; cui ex parte rei mirabilis respondet quod dicitur insolitum. Nam per
consuetudinem aliquid in nostram notitiam familiarius venit. C'est pourquoi dans la dйfinition du miracle, on place quelque chose
qui excиde l'ordre de la nature, en disant (qu'il est) au-dessus des
possibilitйs de la nature, а qui du cфtй de ce qui est йtonnant correspond ce
qui est appelй ardu. Et on pense а quelque chose qui dйpasse notre
connaissance, en disant que ce qui apparaоt est au-delа de l'espйrance de celui
qui le voit avec йtonnement, а qui du cфtй de ce qui est йtonnant correspond ce
qu'on appelle inhabituel. Car par l'habitude quelque chose devient plus
familier а notre connaissance. Solutions: q. 6 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
arduum quod ponitur in definitione miraculi, non pertinet ad rei magnitudinem
secundum se consideratam, sed per comparationem ad facultatem naturae. Unde
quod in quacumque parva re Deus operatur quod natura operari non potest, hoc
arduum reputatur. # 1. Ardu qui appartient а la dйfinitions du miracle, ne convient pas а
la grandeur de l'йvйnement considйrйe en soi, mais par comparaison aux
possibilitйs de la nature. C'est pourquoi ce que fait Dieu en chaque petite
chose, que la nature ne peut pas faire, est considйrй comme "ardu". q. 6 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod insolitum dicitur miraculum, quia est contra consuetum
cursum naturae, etiam si quotidie iteraretur, sicut transubstantiatio panis in
corpus Christi frequentatur quotidie, nec tamen desinit esse miraculum: magis
enim debet dici solitum quod in toto ordine universi communiter accidit quam
quod in una sola re contingit. # 2. On dit que le miracle est inhabituel, parce qu'il est contre le
cours habituel de la nature, mкme s'il se renouvelle chaque jour, comme la
transsubstantiation du pain en corps du Christ est rйitйrйe frйquemment chaque
jour, et cependant elle ne cesse pas d'кtre un miracle; car on doit le dire
habituel que ce qui arrive communйment dans tout l'ordre de l'univers plus que
ce qui arrive dans une seule chose. q. 6 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod circa ea quae Deus miraculose facit, talis solet
adhiberi distinctio, quod quaedam dicantur fieri supra naturam, quaedam contra
naturam, quaedam praeter naturam. # 3. A propos de ce que Dieu accomplit miraculeusement, on a l'habitude
d'appliquer une distinction telle que certaines actions sont dites au-dessus de
la nature, certaines contre, et d'autres au-delа. Supra naturam quidem, in quantum in illum effectum quem Deus
facit, natura nullo modo potest; quod quidem contingit dupliciter: A) Au-dessus de la nature dans la mesure oщ dans cet effet que Dieu
produit, la nature ne peut rien faire en aucune maniиre, ce qui arrive de deux
faзons: vel quia ipsa forma inducta a Deo, omnino a natura induci
non potest, sicut forma gloriae, quam inducet Deus corporibus electorum, et
sicut etiam incarnatio verbi; a) Ou bien parce que la forme mкme, induite par Dieu, ne peut
absolument pas l'кtre par la nature, comme la forme de gloire que Dieu induit
dans le corps des йlus, et aussi l'Incarnation du Verbe. vel quia etsi talem formam possit in aliquam materiam
inducere, non tamen in istam: sicut ad causandum vitam natura potens est; sed
quod in hoc mortuo natura vitam causet, hoc facere non potest. b) Ou parce que, mкme si elle pouvait induire une telle forme dans la
matiиre, ce n'est cependant pas dans celle-ci: ainsi la nature a pouvoir de
causer la vie; mais la nature ne peut pas la causer dans ce mort. Contra naturam esse dicitur, quando in natura remanet
contraria dispositio ad effectum quem Deus facit, sicut quando conservavit
pueros illaesos in camino, remanente virtute comburendi in igne, et quando aqua
Iordanis stetit, remanente gravitate in ea, et simile est quod virgo peperit. B) On dit que c'est contre la nature quand en elle demeure une
disposition contraire а l'effet que Dieu produit, comme quand il a conservй
sans blessure les enfants dans la fournaise, alors que le pouvoir de brыler
demeurait dans le feu et comme quand l'eau du Jourdain s'arrкta, tout en
conservant sa gravitй, et il en est de mкme pour l'enfantement de la Vierge. Praeter naturam autem dicitur Deus facere, quando producit
effectum quem natura producere potest, illo tamen modo quo natura producere non
potest, vel quia deficiunt instrumenta quibus natura operatur (sicut cum
Christus convertit aquam in vinum, Ioan. II, 3-11, quod tamen natura aliquo
modo facere potest, dum aqua in nutrimentum vitis assumpta, suo tempore in
succum uvae per digestionem producitur), vel quia est in divino opere maior
multitudo quam natura facere consuevit, sicut patet de ranis quae sunt
productae in Aegypto; vel quantum ad tempus, sicut cum statim ad invocationem
alicuius sancti aliquis curatur, quem natura non statim, sed successive, et
alio tempore, non in isto curare posset: et sic accidit in miraculo inducto de
socru Petri. Unde patet quod omnia huiusmodi, si accipiatur et modus et factum,
facultatem naturae excedunt. C) On dit que Dieu agit au delа de la nature, quand est produit un
effet que la nature peut produire, cependant d'une maniиre dont la nature ne
peut pas le produire, ou parce que les instruments par lesquels la nature opиre
sont dйfaillants (ainsi quand le Christ change l'eau en vin (Jn 2, 3-11), ce
que cependant la nature peut faire d'une autre maniиre, quand l'eau est prise
en nourriture par la vigne, en son temps, et devient le suc du raisin par
absorption), ou bien parce que dans l'oeuvre divine il y a une plus grande
multitude que la nature n'a pas coutume de produire, comme on le voit pour les
grenouilles produites en Йgypte; ou quant au temps, comme quand а l'invocation
d'un saint quelqu'un est aussitфt guйri, ce que la nature ne (peut faire)
aussitфt mais successivement, et dans un autre temps, [mais] elle ne pourrait
le guйrir en ce temps; et cela arriva ainsi dans le miracle rapportй а propos
de la belle-mиre de Pierre. C'est pourquoi il apparaоt que tous les йvйnements
de ce genre, si on prend la maniиre et le rйsultat, dйpassent le pouvoir de la
nature. q. 6 a. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod resurrectio mortuorum futura est praeter spem naturae,
licet non sit praeter spem gratiae: de qua duplici spe habetur Rom. IV, 18: in
spem contra spem credidit. # 4. La rйsurrection future des morts est au-delа de l'espйrance de la
nature, bien qu'elle ne soit pas au-delа de l'espйrance de la grвce. De cette
double espйrance, il est question en Rm 4, 18: "Il crut contre toute
espйrance." q. 6 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod caelum et terra et etiam animae rationales non sunt
secundum ordinem naturalem nata creari ab alia causa quam a Deo: et ideo
huiusmodi rerum creationes non sunt miracula. # 5. Le ciel et la terre et aussi les вmes rationnelles dans l'ordre de
la nature ne sont pas destinйs а кtre crййs par une autre cause que Dieu. Et
c'est pourquoi de telles crйations ne sont pas des miracles. q. 6 a. 2 ad 6 Et
similiter dicendum ad sextum de iustificatione impii. # 6. On doit en dire autant de la justification de l'impie. q. 6 a. 2 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ea quae fiunt a natura, fiunt etiam a Deo; sed ea quae
Deus miraculose facit, non fiunt a natura, et ideo ratio non procedit. Et
praeterea, natura operans est causa manifesta nobis. Deus autem est causa
occulta; et propter hoc magis miramur opera Dei quam opera naturae. # 7. Ce qui est fait par la nature, est aussi fait par Dieu; mais ce
que Dieu accomplit miraculeusement n'est pas fait par la nature et c'est
pourquoi cette raison ne convient pas. Et en outre la nature qui opйre est une
cause йvidente pour nous. Mais Dieu est une cause cachйe; et c'est pour cela
que nous admirons plus les oeuvres de Dieu que les oeuvres de la nature. q. 6 a. 2 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod monstra licet fiant contra naturam particularem, non
tamen fiunt contra naturam universalem. # 8. Bien que les prodiges soient faits contre une nature particuliиre,
ils ne sont pas faits contre la nature universelle. q. 6 a. 2 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod incarnatio verbi est miraculum miraculorum, ut sancti
dicunt, quia est maius omnibus miraculis, et ad istud miraculum omnia alia
ordinantur: et propter hoc non solum est inducens ad alia credendum, sed etiam
alia miracula inducunt ad hoc quod ipsum credatur. Nihil enim prohibet unum
miraculum inducere ad fidem alterius, sicut resuscitatio Lazari inducit ad
futuram resurrectionem credendam. # 9. L'Incarnation du Verbe est le miracle des miracles, comme le
disent les saints, parce qu'il est plus grand que tous les miracles et tous les
autres lui sont ordonnйs et c'est pour cela qu'il n'incite pas seulement а
croire а d'autres choses mais aussi les autres miracles amиnent а croire en
lui. Car rien n'empкche un miracle de conduire а la foi pour un autre, comme la
rйsurrection de Lazare amиne а croire а la rйsurrection future. [1] Ia, qu. 105, a. 7 – CG. III, 101 – II
Sent. d18q1a3 – <sp
Article 3: Les crйatures spirituelles peuvent-elles accomplir des
miracles par leur pouvoir naturel?
q. 6 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum creaturae spirituales sua naturali virtute possint
miracula facere. Et videtur quod sic. Il semble oui. Objections[1]: q. 6 a. 3 arg. 1
Quod enim potest virtus inferior, multo magis potest virtus superior. Sed
virtus creaturae spiritualis est supra virtutem naturae corporalis: unde
dicitur Iob XLI, 24: non est potestas super terram quae ei possit comparari.
Ergo creatura spiritualis potest facere illos effectus quos natura facit.
Quando autem effectus naturalis fit non a causa naturali, sed occulta, est
miraculum. Ergo creatura spiritualis potest facere miracula. 1. Car ce que peut un pouvoir infйrieur, un pouvoir supйrieur le peut
beaucoup plus. Mais le pouvoir de la crйature spirituelle est au-dessus de
celui de la nature corporelle: c’est pourquoi il est dit en Job, 41, 24: "Il
n’y a pas de pouvoir sur terre qui puisse lui кtre comparй[2]."
Donc la crйature spirituelle peut produire les effets que produit la nature.
Mais quand l’effet naturel se produit non par une cause naturelle, mais par une
cause cachйe, c’est un miracle. Donc la crйature spirituelle peut faire des
miracles. q. 6 a. 3 arg. 2
Praeterea, quanto aliquid est magis actu, tanto est magis activum, eo quod
unumquodque agit in quantum actu est. Sed formae quae sunt creaturae rationales, sunt magis actuales quam
formae quae sunt in creatura corporali, eo quod sunt magis immateriales. Ergo
sunt magis activae. Sed formae quae sunt in natura corporali, producunt sui
similes in natura. Ergo multo magis possunt hoc facere formae quae sunt in
mente creaturae spiritualis; et sic poterit creatura rationalis facere effectus
naturales praeter causas naturales: quod est miraculosum. 2. Plus une chose est en acte, plus elle peut agir, parce que chacun
agit en tant qu'il est en acte. Mais les formes que sont les crйatures
raisonnables, sont plus en acte que celles qui sont dans la crйature
corporelle, parce qu’elles sont plus immatйrielles. Donc elles sont plus
actives. Mais les formes qui sont dans une nature corporelle, produisent du
semblable а elles en nature. Donc les formes qui sont dans l’esprit de la
crйature spirituelle peuvent beaucoup plus le faire et ainsi la crйature
raisonnable pourra produire des effets naturels au-delа des causes naturelles;
ce qui est miraculeux. q. 6 a. 3 arg. 3
Praeterea, intellectus Angeli est propinquior divino intellectui quam intellectus
humanus. Sed in intellectu humano sunt aliquae formae activae, quae scilicet
sunt in intellectu practico, ut formae artis. Ergo multo fortius in intellectu
Angeli sunt formae activae: nam ideas intellectus divini constat esse maxime
activas. 3. L’esprit de l’ange est plus proche de l’esprit divin que l’esprit
humain. Mais en ce dernier il y a des formes actives, qui sont naturellement
dans l’esprit pratique, comme les formes de l'art. Donc ces formes actives sont
beaucoup plus importantes dans l’esprit de l’ange: car il est clair que les
idйes de l’esprit divin sont trиs actives. q. 6 a. 3 arg. 4 Sed
dices, quod formae activae quae sunt in intellectu Angeli, applicantur ad
effectum mediante corporali agente, sicut etiam formae intellectus humani.- Sed
contra, omnis virtus quae non potest exire in actum nisi mediante instrumento
corporali, frustra datur alicui, nisi detur ei organum corporale: frustra enim
potentia motiva esset data animali, nisi darentur ei instrumenta motus. Sed Angelo non est naturaliter corpus unitum. Ergo
virtus sua non requirit ad sui operis executionem corporeum activum. 4. Mais on pourrait dire que les formes actives qui sont dans l’esprit
de l’ange sont appliquйes а l'effet par l’intermйdiaire d’un agent corporel,
comme les formes de l’esprit humain. — En sens contraire, tout pouvoir, qui ne
peut devenir en acte que par l’intermйdiaire d’un instrument corporel, est
donnй en vain а quelqu'un, а moins qu’il lui soit donnй un organe corporel: car
c’est en vain que la puissance motrice serait donnйe а l’animal si les organes
du mouvement ne lui йtaient pas donnйs. Mais l'ange n'a pas de corps
naturellement uni а lui. Donc c'est que son pouvoir ne demande pas un corps
actif pour l’exйcution de son њuvre. q. 6 a. 3 arg. 5
Praeterea, omnis virtus quae excedit proportionem sui organi, potest habere
aliquam actionem praeter illud organum: quia enim oculus non adaequat virtutem
totius animae, efficit anima multas operationes non per oculum. Sed corpus non
potest esse proportionatum ad totam virtutem Angeli. Ergo potest Angelus
effectus aliquod facere non mediantibus corporibus; et sic videtur quod virtute
naturae suae possit miracula facere. 5. Tout pouvoir qui dйpasse les limites de son organe, peut avoir une
action au-delа de celui-ci; parce qu'en effet, l’њil n’йgale pas le pouvoir de
toute l’вme, celle-ci effectue de nombreuses opйrations mais pas par lui. Mais
un corps ne peut pas кtre proportionnй а tout le pouvoir de l’ange. Donc
celui-ci peut causer des effets sans l’intermйdiaire des corps; et ainsi il
semble qu’il puisse faire des miracles par le pouvoir de sa nature. q. 6 a. 3 arg. 6
Praeterea, plus excedit virtus Angeli omnem virtutem corpoream quam corpus
caeli excedat elementaria corpora. Sed ex virtute caelestis corporis fiunt aliqui
effectus in istis inferioribus absque actionibus qualitatum activarum et
passivarum, quae sunt propriae virtutes elementorum. Ergo multo fortius ex
virtute Angeli possunt aliqui effectus in rebus naturalibus produci, non
mediantibus virtutibus corporum naturalium. 6. Le pouvoir de l’ange dйpasse tout pouvoir corporel plus que le corps
du ciel dйpasse les corps йlйmentaires. Mais des effets sont produits par le
pouvoir du corps cйleste dans les choses infйrieures, sans les actions des
puissances actives et passives, qui sont les pouvoirs propres des йlйments.
Donc le pouvoir de l’ange peut produire des effets beaucoup plus intensйment
dans les choses naturelles, sans l’intermйdiaire des pouvoirs des corps
naturels. q. 6 a. 3 arg. 7
Praeterea, secundum Augustinum omnia corpora a Deo per spiritum vitae
rationalem reguntur: et hoc idem dicit Gregorius: et sic videtur quod motus
caeli et totius naturae sit ab Angelis, sicut motus humani corporis est ab
anima. Sed ab anima imprimuntur formae in corpus praeter virtutes naturales
corporis activas: ex sola enim imaginatione aliquis calescit et infrigidatur,
et incurrit quandoque febrem vel etiam lepram, ut medici dicunt. Ergo multo
fortius ex sola conceptione Angeli moventis caelum, praeter actionem causarum
naturalium, possunt sequi aliqui effectus in istis inferioribus; et sic potest
Angelus facere miraculum. 7. Selon Augustin (La Trinitй, III,
IV, 9[3]) "Tous les corps sont rйgis par Dieu par un
esprit de vie douй de raison"; et Grйgoire [le Grand] dit la mкme chose (Dialogues, IV[4]):
et ainsi il semble que le mouvement du ciel et de toute la nature vient des
anges, comme le mouvement du corps humain dйpend de l’вme. Mais les formes sont
induites par l'вme dans le corps au-delа des pouvoirs naturels actifs du corps:
car par la seule imagination quelqu’un s'йchauffe ou se refroidit, et attrape
quelquefois la fiиvre ou mкme la lиpre, comme le disent les mйdecins[5]. Donc beaucoup plus intensйment de la seule conception de
l’ange qui meut le ciel, au-delа de l’action des causes naturelles, des effets
peuvent s'йcouler dans les кtres infйrieurs et ainsi l’ange peut faire des
miracles. q. 6 a. 3 arg. 8 Sed
dices, quod hoc accidit ex eo quod anima est forma corporis: non autem Angelus
est forma corporalis creaturae.- Sed contra, quidquid provenit ex anima per
eius operationem, provenit ex ea in quantum est motor, non in quantum est forma:
non enim per operationem anima est forma corporis, sed motor. Praedictae autem
impressiones quae fiunt in corpus ab anima, sequuntur impressionem animae
aliquid imaginantis. Ergo non sunt ab anima in quantum est forma, sed in
quantum est motor. 8. Mais on pourrait dire, que cela vient du fait que l’вme est la forme
du corps. Or l’ange n’est pas la forme d'une crйature corporelle. — En sens
contraire, tout ce qui provient de l’вme par son opйration, provient d’elle en
tant que moteur, non en tant que forme; car par son opйration l’вme n'est pas
la forme du corps, mais elle en est moteur. Mais ces impressions qui se font
dans le corps par l’вme, dйcoulent de l’impression de l’вme quand elle imagine.
Donc elles ne viennent pas de l’вme en tant que forme mais en tant que moteur. q. 6 a. 3 arg. 9
Praeterea, ex hoc Deus mirabilia facere potest, quia eius virtus est infinita.
Sed in libro de causis, dicitur quod virtus intelligentiae est infinita,
praecipue ad inferius; quod etiam probari potest ex hoc quod movet motum caeli,
ut ostensum est, qui natus est esse sempiternus: sempiternum enim motum movere
non potest nisi virtus infinita, ut probatur in VII Phys. Ergo videtur quod
Angeli possint miracula facere etiam naturali virtute. 9. Dieu peut faire des miracles, parce sa puissance est infinie. Mais
dans le livre Des Causes (prop.16), il est dit que la puissance de
l’intelligence est infinie, surtout pour ce qui est infйrieur, ce qui peut
aussi кtre prouvй, comme on l’a montrй, du fait qu’elle provoque le mouvement
du ciel destinй а кtre йternel; car il n'y a qu'un pouvoir infini qui peut
produire un mouvement йternel, comme on le prouve en Physique, (VIII, 10, 266 a 12[6]). Donc il
semble que les anges puissent faire des miracles mкme par un pouvoir naturel. q. 6 a. 3 arg. 10
Praeterea, in Lib. de causis dicitur, quod virtus omnis unita plus est infinita
quam virtus multiplicata; et ibidem Commentator dicit, quod quanto virtus
intelligentiae magis aggregatur et unitur, magnificatur et vehementior fit et
efficit operationes mirabiles. Loquitur autem ibi Commentator de naturali
virtute intelligentiae: nam virtutem gratiae non cognovit. Ergo Angelus sua
virtute naturali mirabilia facere potest. 10. Dans le livres des Causes, (prop. 17), il est dit que toute
puissance unie est plus infinie qu’une puissance multipliйe; et sur ce mкme
sujet, le Commentateur dit que plus la puissance de l’intelligence est
rassemblйe et unie, plus elle croоt, se fortifie et plus elle accomplit
d'opйrations admirables. Mais le Commentateur y parle de la puissance naturelle
de l’intelligence: car il n'a pas connu le pouvoir de la grвce. Donc l’ange
peut faire des miracles par sa puissance naturelle. q. 6 a. 3 arg. 11
Sed dicendum, quod Angelus potest mirabilia facere non virtute propria, sed
virtute naturalibus rebus a Deo indita, applicando huiusmodi res ad effectum
quem intendit.- Sed contra, applicatio huiusmodi seminum naturalium, in quibus
existunt activae virtutes naturae, ad effectum aliquem, esse non potest nisi
per motum localem. Sed eiusdem rationis esse videtur quod corpora obediant vel
non obediant substantiae spirituali ad motum localem et alios motus, nam
quilibet motus naturalis habet proprium et determinatum motorem. Ergo si
possunt Angeli suo imperio applicare huiusmodi semina ad effectum naturae per
motum localem, poterunt etiam per motum alterationis vel generationis formam
aliquam in materia inducere ex solo imperio: quod est mirabilia facere. 11. Mais il faut dire que l’ange peut faire des miracles, non par sa
puissance propre, mais par celle induite par Dieu dans les choses naturelles,
en les appliquant а l’effet auquel il tend. — En sens contraire, l’application
des semences naturelles[7] de ce genre, en qui existent
les puissances actives de la nature, pour un effet, ne peut exister que par
mouvement local. Mais il semble que c'est pour une mкme raison que les corps
obйissent ou non а la substance spirituelle pour le mouvement local, et les
autres mouvements, car n’importe quel mouvement naturel a un moteur propre et
dйterminй. Donc, si les anges peuvent par leur pouvoir appliquer des semences
de ce genre а un effet de nature, par mouvement local, ils ont pu aussi par
mouvement de changement ou de gйnйration induire une forme dans la matiиre de
leur seul pouvoir; ce qui est faire des miracles. q. 6 a. 3 arg. 12
Praeterea, eiusdem virtutis secundum genus est imprimere formam in materia et
impedire ne imprimatur: sicut enim virtute corporis forma ignis inducitur in
materia, ita virtute alicuius corporis talis formae inductio impeditur. Sed virtute
spiritualis creaturae impeditur ne ab agente naturali forma in materia
imprimatur: dicitur enim esse expertum quod virtute alicuius scripti aliquis,
in igne positus, non fuit combustus: quod planum est non fuisse operationis
divinae, quae pro meritis, sine aliquibus scriptis, poenas a sanctis suis
repellit: et sic remanet quod fuerit factum Daemonis virtute. Ergo videtur quod
pari ratione fieri possit quod spiritualis creatura ex solo imperio formam in
materia inducere possit absque corporali agente. Et nihilominus hoc ipsum
miraculosum videtur quod homo in igne positus non comburatur, sicut patet in
miraculo trium puerorum. 12. Il appartient а une mкme puissance en genre, d’induire une forme
dans la matiиre et de l'en empкcher: en effet, de mкme que la forme du feu est
introduite dans la matiиre par la puissance d’un corps, de la mкme maniиre
l’induction d’une telle forme est empкchйe par le pouvoir d'un corps. Mais la
puissance de la crйature spirituelle empкche que la forme soit imprimйe dans la
matiиre par un agent naturel: car on dit qu'il s'est trouvй que quelqu'un, par
le pouvoir d'un йcrit, placй dans le feu, n’a pas йtй brыlй; il est clair que
ce n'est pas arrivй par l’opйration divine qui, pour les mйrites, repousse sans
йcrits les chвtiments de ses saints. Et ainsi il reste que cela a йtй fait par
la puissance du dйmon. Donc il semble que, а raison йgale, la crйature
spirituelle puisse de son seul pouvoir induire une forme dans la matiиre, sans
agent corporel. Et cependant il paraоt miraculeux que l’homme, placй dans le
feu, ne brыle pas, comme on le voit dans le miracle des trois enfants. q. 6 a. 3 arg. 13
Praeterea, nobilior est forma quae est in imaginatione et in sensu, quam forma
quae est in materia corporali, quanto est magis immaterialis. Sed spiritualis
creatura in phantasiam et sensum potest imprimere aliquam formam, ut videatur
aliquid aliter quam sit: unde dicit Augustinus: nec sane Daemones naturas
creant; sed specie tenus quae a Deo vero sunt creata, commutant; et postea
subiungit, quod hoc fit per immutationem phantasiae. Ergo multo fortius potest imprimere formam in
materiam corporalem; et sic idem quod prius. 13. La forme, dans l’imagination et les sens, est plus noble que celle
qui est dans la matiиre corporelle; d’autant qu’elle est plus immatйrielle.
Mais la crйature spirituelle peut introduire une forme dans l'imagination et
les sens pour qu'une chose paraisse autre qu’elle n’est: c’est pourquoi
Augustin dit (La citй de Dieu, XVIII,
18[8]): "Ce n’est pas rйellement que les dйmons
crйent des natures; mais ils changent seulement d'apparence ce qui a йtй crйй
par Dieu", et ensuite il ajoute que cela se fait par un changement dans
l'imagination. Donc il peut beaucoup plus induire une forme dans la matiиre corporelle,
et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 6 a. 3 arg. 14
Sed dicendum, quod immutatio phantasiae a Daemone non fit per hoc quod novae
formae imprimantur, sed per compositionem et divisionem formarum
praeexistentium.- Sed contra, anima est nobilior quam natura corporalis. Si
ergo Daemon per suam virtutem potest facere illud quod est propria operatio
animae sensitivae, scilicet componere et dividere imagines, videtur quod multo
fortius possit facere sua virtute operationes naturae corporeae; et sic idem
quod prius. 14. Mais il faut dire que le changement dans l'imagination par le dйmon
ne se fait pas en imprimant de nouvelles formes, mais par composition et
division des formes qui existent dйjа. — En sens contraire, l’вme est plus
noble que la nature corporelle. Si donc le dйmon par sa puissance peut faire ce
qui est l’opйration propre de l’вme sensitive, а savoir composer et diviser les
images, il semble qu'il puisse beaucoup plus accomplir par sa puissance les
opйrations de la nature corporelle, et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 6 a. 3 arg. 15
Praeterea, sicut se habet virtus ad virtutem, ita se habet operatio ad
operationem. Sed virtus Angeli non dependet a virtute creaturae corporalis.
Ergo nec eius operatio ab operatione creaturae corporalis; et sic praeter
naturales causas potest miraculose operari. 15. De la mкme maniиre que se comporte la puissance vis-а-vis
d'elle-mкme, l’opйration se comporte vis-а-vis d'elle-mкme. Mais le pouvoir de
l’ange ne dйpend pas de la puissance de la crйature corporelle. Donc son
opйration non plus, et ainsi il peut opйrer miraculeusement au-delа des causes
naturelles. De potentia, q. 6 a. 3 arg. 16 Praeterea, sicut facere
aliquid ex nihilo est infinitae virtutis propter infinitam distantiam entis ad
nihil, ita reducere aliquid in actum de potentia, subest virtuti finitae. Inter
virtutes autem finitas maxima est virtus Angeli. Ergo Angelus sua virtute
potest educere in actum omnes formas quae sunt in potentia materiae, absque
actione alicuius causae naturalis; et sic idem quod prius. 16. De mкme que faire quelque chose de rien demande une puissance
infinie, а cause de la distance infinie entre l’йtant et le nйant, de mкme
ramener quelque chose de la puissance а l'acte, est soumis а une puissance
finie. Parmi les puissances finies, la plus grande est celle de l’ange. Donc
l’ange par son pouvoir peut amener а l’acte toutes les formes qui sont dans la
puissance de la matiиre, sans l’action d’une cause naturelle, et ainsi de mкme
que ci-dessus. De potentia, q. 6 a. 3 arg. 17 Praeterea, omne agens non
impeditum agit et patitur. Sed Angelus agens in ista corporalia nullo modo patitur
ab eis. Ergo non impeditur quin sua actione possit miracula facere praeter
causas naturales agendo. 17. Tout agent s’il n’est pas empкchй agit et supporte. Mais l'ange qui
agit dans ce qui est corporel n'en supporte rien. Donc rien n'empкche son
action de pouvoir faire des miracles, en agissant au-delа des causes
naturelles. En sens contraire: q.
6 a. 3 s. c. 1 Sed contra. Ex hoc Deus miracula facit quod natura est ei
subiecta. Non est autem subiecta Angelis: non enim Angelis subiecit Deus orbem
terrae, ut dicitur ad Hebr. II. Ergo Angeli sua naturali virtute miracula
facere non possunt. 1. Dieu fait des miracles parce que la nature lui est soumise; mais
elle n’est pas soumise а l’ange: car Dieu n’a pas soumis la terre aux anges,
comme il est dit en Hйbr. 2, 5[9]. Donc les anges ne
peuvent pas faire de miracles par leur pouvoir naturel. 59828] De potentia, q. 6 a. 3 s. c. 2 Praeterea, Augustinus
dicit, quod non est putandum Angelis transgressoribus ad nutum servire
corporalium rerum materiam. Serviret autem eis, si ex virtute suae naturae
creatura spiritualis miracula facere posset. Ergo miracula facere non possunt. 2. Augustin dit (la Trinitй, III, VIII, 13[10]),
qu’il ne faut pas penser que la matiиre des choses corporelles se soumet aux
anges transgresseurs sur un signe de leur part. Elle leur serait soumise, si
par le pouvoir de sa nature, la crйature spirituelle pouvait faire des
miracles. Donc ils ne peuvent pas faire de miracles. Rйponse: q. 6 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum, quod Augustinus in II Lib. de Trinitate, postquam
quaestionem istam pertractaverat diligenter, concludit in fine: mihi omnino
utile est ut meminerim virium mearum, fratresque meos admoneam ut meminerint
suarum, ne ultra quam tutum est humana progrediatur infirmitas; quemadmodum
enim hoc faciant Angeli, vel potius quemadmodum Deus hoc faciat per Angelos
suos, nec oculorum acie penetrare, nec fiducia rationis enucleare, nec provectu
mentis comprehendere valeo; ut tam certus loquar ad omnia quae requiri de his
rebus possunt, quam si essem Angelus aut propheta aut apostolus. Unde et hac
moderatione adhibita, absque assertione et sententiae melioris praeiudicio,
procedendum est, quantum ratio et auctoritas poterit adiuvare. Il faut dire qu’Augustin (La
Trinitй, III, X, 21), aprиs avoir traitй attentivement cette question,
conclut а la fin: "Pour moi il est tout а fait utile de me souvenir de mes
forces, et d'avertir mes frиres, qu’ils se souviennent des leurs, pour que la
faiblesse humaine ne progresse pas au delа de la prudence; car de quelque
maniиre que les anges le fassent, ou plutфt de quelque maniиre que Dieu le
fasse par les anges, je ne peux pas le discerner par l'acuitй de ma vue, ni le
comprendre par la perspicacitй de mon esprit, de sorte que je puisse parler
avec autant d'assurance de tout ce qu'on peut en rechercher que si j'йtais un
ange, un prophиte ou un apфtre." C’est pourquoi une fois cette modйration
acquise, il faut avancer, sans assertion ni prйjudice d’une expression
meilleure, autant que la raison et l’autoritй peuvent nous aider. Sciendum est ergo, quod circa hanc quaestionem inveniuntur
philosophi dissensisse: Il faut donc savoir qu’а propos de cette question, on constate que les
philosophes ne sont pas d’accord: Avicenna namque posuit, quod substantia spiritualis quae
caelos movet, non solum mediante caelesti motu effectus in inferioribus
corporibus causat, sed etiam praeter omnem corporis actionem, volens quod
materia corporalis multo magis obediat conceptioni et imperio praedicto
spiritualis substantiae quam contrariis agentibus in natura, vel cuicumque
corpori agenti. Et ex hac causa provenire dicit, quod quandoque inusitatae
permutationes fiunt aeris, et infirmitatum curationes, quae nos miracula
appellamus. Et ponit exemplum de anima quae corpus movet; ad cuius
imaginationem, absque omni alio corporali agente, transmutatur corpus et ad
calorem et ad frigus, et quandoque ad febrem vel lepram. A. Car Avicenne a pensй que la substance spirituelle[11]
qui met en mouvement les cieux, cause des effets dans les corps infйrieurs, non
seulement par l’intermйdiaire du mouvement du ciel, mais aussi au-delа de toute
action du corps, il voulait que la matiиre corporelle obйisse beaucoup plus а
la conception et au pouvoir dйjа signalй de la substance spirituelle qu’aux
agents contraires dans la nature ou а quelque agent corporel. Et il dit que par
cette cause quelquefois se produisent des changements inhabituels de l’air, et
des guйrisons de maladies que nous, nous appelons miracles. Et il propose
l’exemple de l’вme qui meut le corps, par l'imagination de laquelle, sans aucun
autre agent corporel, le corps subit la chaleur et le froid et quelquefois
(attrape) la fiиvre et la lиpre. Haec autem positio satis convenit principiis ab eo
suppositis; ponit enim quod agentia naturalia solummodo disponunt materiam;
formae autem substantiales sunt a substantia spirituali, quam appellat datorem
formarum; unde materia ex naturali ordine obedit spirituali substantiae ad
recipiendum ab ea formam; et ideo non est mirum, si etiam praeter ordinem
corporalium agentium, aliquas formas solo imperio in materiam imprimat. Si enim
materia obedit substantiae separatae ad receptionem formae substantialis, non
erit inconveniens si obediat ad recipiendum etiam dispositiones ad formam; hoc
enim patet esse minoris virtutis. Mais cette opinion[12] convient assez aux
principes qu'il suppose, car il pense que les agents naturels disposent
seulement la matiиre; mais les formes substantielles viennent d'une substance
spirituelle qu’il appelle le donneur de formes; c’est pourquoi la matiиre par
ordre naturel obйit а la substance spirituelle, pour en recevoir la forme; et
ce n’est pas йtonnant non plus, si, en dehors de l’ordre des corps agents, il
imprime quelques formes dans la matiиre par son seul pouvoir. Car si la matiиre
obйit а la substance sйparйe, pour recevoir la forme substantielle, il ne sera
pas inconvenant qu'elle obйisse pour recevoir aussi les dispositions а la forme;
car il est clair que cela dйpend d’une puissance moindre. Sed secundum opinionem Aristotelis et sequentium eum, hoc
non potest stare; probat enim Aristoteles duplici ratione, quod formae non
imprimuntur in materiam ab aliqua substantia separata, sed reducuntur in actum
de potentia materiae per actionem formae in materia existentis. Mais selon l’opinion d’Aristote et de ceux qui le suivent, cela n'est
pas possible, car il prouve, par deux raisons, que les formes ne sont pas
imprimйes dans la matiиre par quelque substance sйparйe, mais sont amenйes de
la puissance de la matiиre а l'acte par l’action de la forme qui est dans la
matiиre. Quorum primam ponit in VII Metaph., quia secundum quod ibi
probatur, id quod fit proprie est compositum, non forma vel materia; compositum
enim est quod proprie habet esse. Omne autem agens agit sibi simile; unde
oportet quod id quod est faciens res naturales actu existere per generationem,
sit compositum, non forma sine materia, hoc est substantia separata. 1) La premiиre raison, il la donne en Mйtaphysique (VII, 8, 1033 b 16, 1033 b 23 et 1034 a 5), parce que,
selon ce qui y est prouvй, ce qui est fait, c'est proprement le composй, non la
forme, ni la matiиre; car le composй est ce qui a l’кtre en propre. Mais tout
agent fait du semblable а lui; c’est pourquoi il faut que ce qui fait exister
les choses naturelles en acte par gйnйration, soit un composй et non une forme
sans matiиre, (car) cela c’est la substance sйparйe. Alia probatio ponitur in VIII Phys.: quia cum idem semper
natum sit idem facere; quod autem generatur vel corrumpitur vel alteratur, aut
augetur vel diminuitur, non semper eodem modo se habet,- oportet quod illud
quod est generans et movens secundum huiusmodi motus, non sit semper eodem modo
se habens, sed aliter et aliter. Hoc autem non potest esse substantia separata,
quia omnis talis substantia est immobilis: omne enim quod movetur, corpus est,
ut in VI Physic. probatur. Unde id quod est immediata causa reducens formam de
potentia in actum, per generationem et alterationem, est corpus aliter et
aliter se habens, secundum quod accedit et recedit per motum localem. 2) L’autre preuve se trouve en Physique,
VIII: parce que, comme le mкme est destinй а toujours faire le mкme, ce qui est
engendrй, corrompu, changй, augmentй ou diminuй ne se comporte pas toujours de
la mкme maniиre, — il faut que ce qui engendre ou meut, selon de tels
mouvements, ne se comporte pas toujours de la mкme maniиre, mais diffйremment.
Mais cela ne peut pas кtre une substance sйparйe, parce que toute substance de
ce genre est immobile; car tout ce qui est mы est un corps, comme on le prouve
en Physique, (VI, 10, de 240 b 8 а
241 a 25). C'est pourquoi, ce qui est la cause immйdiate qui ramиne la forme de
la puissance а l’acte, par gйnйration et changement, est un corps qui se
comporte diffйremment, selon qu'il s’approche ou s’йloigne par mouvement local. Et inde est quod substantia separata suo imperio in corpore
causat immediate motum localem, et eo mediante causat alios motus, quibus
mobile acquirit aliquam formam. Et hoc rationabiliter accidit: nam motus
localis est primus et perfectissimus motuum, utpote qui non variat rem quantum
ad rei intrinseca, sed solum quantum ad exteriorem locum; et ideo per primum
motum suum, scilicet localem, corporalis natura a spirituali movetur. Secundum
hoc ergo corporalis creatura obedit imperio spiritualis secundum naturalem
ordinem ad motum localem, non autem ad alicuius formae receptionem; quod quidem
intelligendum est de natura spirituali creata cuius virtus et essentia est
limitata secundum determinatum genus, non de substantia spirituali increata,
cuius virtus est infinita, non limitata ad aliquod genus secundum regulam
alicuius generis. De lа vient que la substance sйparйe, par son pouvoir, cause
immйdiatement dans le corps un mouvement local, et par son intermйdiaire, elle
cause d'autres mouvements, par lesquels le mobile acquiert une forme. Et cela
arrive conformйment а la raison. Car le mouvement local est le premier et le
plus parfait des mouvements, а savoir qu'il ne change pas la chose de
l'intйrieur, mais seulement sa situation locale extйrieure. Et c’est pourquoi
par son premier mouvement, а savoir le mouvement local, la nature corporelle
est mue par la nature spirituelle. Ainsi donc, la crйature corporelle obйit au
pouvoir de la crйature spirituelle selon l’ordre naturel pour le mouvement
local, mais pas pour recevoir une forme, ce qu’il faut comprendre de la nature
spirituelle crййe dont le pouvoir et l’essence sont limitйs а un genre
dйterminй, (mais) non de la substance spirituelle incrййe, dont le pouvoir est
infini, non limitй а un genre selon la rиgle du genre. Et huic opinioni quantum ad hoc consentit fides; unde
Augustinus dicit, quod Angelis non servit ad nutum materia corporalis. In hoc
tamen differt sententia fidei a positione philosophorum; philosophi enim
praedicti ponunt substantias separatas movere suo imperio caelestia corpora
motu locali; motum autem localem in istis inferioribus non causari immediate a
substantia separata, sed ab aliis moventibus naturaliter aut voluntarie aut
violenter. La foi est en accord avec cette opinion; c’est pourquoi Augustin dit (La Trinitй, III, ch. 8 et 9), que la
matiиre des corps n’est pas soumise а la volontй des anges. Cependant en cela
la rиgle de foi diffиre de la position des philosophes; car ceux-ci pensent que
les substances sйparйes meuvent par leur pouvoir les corps cйlestes d’un
mouvement local; mais le mouvement local dans les кtres infйrieurs n’est pas
causй immйdiatement par une substance sйparйe, mais par d'autres moteurs, de
faзon naturelle, volontaire ou violente. Unde et Alexander, Commentator, omnes effectus qui attribuuntur
a nobis Angelis vel Daemonibus in istis inferioribus, attribuit impressioni
corporum caelestium; quod non videtur sufficienter esse dictum. Nam huiusmodi
effectus non fiunt aliquo determinato cursu, sicuti ea quae fiunt per actionem
naturalem superiorum vel inferiorum corporum. Et praeterea aliqui effectus
inveniuntur in quos nullo modo corpora caelestia possent, sicut quod virgae
converterentur statim in serpentes, et multa huiusmodi. C. C’est pourquoi, Alexandre[13], le commentateur,
attribue tous les effets que nous attribuons aux anges ou aux dйmons dans les
choses infйrieures а l’impression des corps cйlestes, ce qui ne semble pas
avoir йtй assez dit. Car les effets de ce genre ne se font pas par un cours
dйterminй, comme ce qui se fait par l’action naturelle des corps supйrieurs ou
infйrieurs. Et en plus on trouve des effets en qui les corps cйlestes ne
peuvent rien, comme les bвtons transformйs aussitфt en serpent, et beaucoup
d'autres choses de ce genre. Fidei autem sententia est, quod non solum corpora caelestia
suo imperio moveant localiter, sed etiam alia corpora, Deo ordinante et
permittente. Movent ergo localiter suo imperio corpora in quibus est vis activa
naturalis ad aliquem effectum producendum, quae Augustinus, appellat naturae
semina; et sic operatio eorum non erit per modum miraculi, sed per modum artis.
In miraculis enim producuntur effectus absque actionibus naturalibus, a causa
supernaturali. Producere autem aliquem effectum quem vel natura producere non
potest, vel non ita convenienter, mediante actione principiorum naturalium,
artis est. Unde philosophus dicit in II Phys., quod ars imitatur naturam, et
quaedam perficit quae natura facere non potest, in quibusdam etiam naturam
iuvat; sicut medicus iuvat naturam ad sanandum, alterando et digerendo per
appositionem eorum quae ad hoc naturalem virtutem habent. D. Mais la formule de la foi est que non seulement les corps cйlestes
mais encore les autres corps, meuvent localement par leur pouvoir, si Dieu
l’ordonne et le permet. Donc ils meuvent localement par leur pouvoir les corps
dans lesquels il y a un pouvoir actif naturel pour produire un effet; Augustin
(Sur la Genиse, IX, 18) appelle ce
pouvoir les semences de la nature[14]; et ainsi leur
opйration ne se fera pas par un miracle, mais par l’art. Car, dans les
miracles, les effets sont produits sans actions naturelles, par une cause
surnaturelle. Mais produire un effet que ou bien la nature ne peut pas
produire, ou bien pas convenablement, par l’intermйdiaire de l’action des
principes naturels, c’est de l’art. C’est pourquoi le philosophe dit (Physique, II, 2, 193 b 21 et II, 8, 198
b 15) que l’art imite la nature, et parvient а des effets que la nature ne peut
pas faire, mais oщ elle lui vient en aide; comme le mйdecin aide la nature а
guйrir, en changeant, en йliminant, par opposition а ce qui a un pouvoir
naturel pour cela. In effectibus autem huiusmodi producendis ars Angeli boni
vel mali efficacior est et meliores effectus facit quam ars humana; et hoc
propter duo: primo, Pour produire des effets de ce genre, l’art de l’ange, bon ou mauvais,
est plus efficace et il produit de meilleurs effets que l’art des hommes, et
cela pour deux raisons: quia cum effectus corporales in inferioribus maxime
dependeant a caelestibus corporibus tunc praecipue ars potest sortiri effectum,
quando virtus caelestis corporis ad hoc cooperatur. Unde in operibus
agriculturae et medicinae valet consideratio motus et situs solis et lunae et
aliarum stellarum, quarum virtutes, situs et motus multo certius cognoscunt
Angeli naturali cognitione quam homines. Unde horas eligere possunt melius, in
quibus virtus caelestis corporis ad effectus intentos magis cooperetur. Et haec
videtur esse ratio quare nigromantici in invocationibus Daemonum situs
stellarum observant. 1) La premiиre, parce que, comme les effets corporels dans les кtres
infйrieurs dйpendent surtout des corps cйlestes, alors l’art peut surtout
obtenir un effet, quand le pouvoir du corps cйleste y coopиre. C’est pourquoi
dans les opйrations de l’agriculture et de la mйdecine, la considйration du
mouvement et de la situation du soleil, de la lune et des autres йtoiles est
efficace; les anges en connaissent les pouvoirs, les lieux et les mouvements
avec plus de certitude que les hommes. C’est pourquoi ils peuvent mieux choisir
les heures, oщ le pouvoir du corps cйleste participe davantage aux effets
recherchйs. Et cela semble кtre la raison pour laquelle les nйcromanciens dans
leurs invocations aux dйmons observent la situation des йtoiles. Secunda ratio est, quia virtutes activas et passivas in
corporibus inferioribus melius noverunt quam homines, et facilius et celerius
applicare possunt ad effectum, utpote qui imperio suo corpora localiter movent;
unde etiam medici mirabiliores effectus in sanando faciunt, quia plura de
virtutibus rerum naturalium sciunt. 2) Seconde raison, parce qu'ils connaissent mieux que les hommes, les
puissances actives et passives dans les corps infйrieurs, et ils peuvent les appliquer
plus facilement et plus rapidement pour un effet, en tant qu’ils meuvent les
corps localement par leur pouvoir; c’est pourquoi, mкme les mйdecins provoquent
des effets plus admirables en soignant parce qu'ils connaissent mieux les
pouvoirs des choses naturelles. Tertia ratio potest esse, quia cum instrumentum agat non
solum in virtute sua, sed in virtute moventis,- (inde etiam corpus caeleste
aliquem effectum habet ex virtute substantiae spiritualis moventis, sicut quod
est causa vitae, ut patet in animalibus ex putrefactione generatis, et calor
naturalis, in quantum est instrumentum animae vegetabilis, agit ad speciem
carnis),- non est inconveniens ponere quod ipsa corpora naturalia, in quantum
sunt mota a spirituali substantia, sortiantur maiorem effectum; quod videri
potest ex hoc quod Gen. VI, 4, dicitur: gigantes erant super terram in diebus
illis; postquam enim ingressi sunt filii Dei ad filias hominum, illaeque
genuerunt, isti sunt potentes a saeculo viri famosi; et Glossa quaedam ibidem
dicit, quod non est incredibile, a quibusdam Daemonibus, qui mulieribus sunt
incubi, huiusmodi homines, scilicet gigantes, esse procreatos. 3) Il peut exister une troisiиme raison, parce que, comme l’instrument
agit non seulement dans son pouvoir, mais dans celui du moteur, — (c'est de lа
mкme que le corps cйleste a un effet par le pouvoir de la substance spirituelle
motrice, comme ce qui est la cause de la vie, comme on le voit dans les animaux
engendrйs de la putrйfaction. La chaleur naturelle, dans la mesure oщ elle est
l’instrument de l’вme vйgйtative, agit pour la forme de la chair), — il n’est
pas inconvenant de penser que les corps naturels eux-mкmes, dans la mesure oщ
ils sont mus par la substance spirituelle, obtiennent un effet plus grand; ce
qu'on peut voir de ce qui est dit en Gn. 6, 4: "Les gйants йtaient sur la
terre en ces jours-lа; car aprиs que les fils de Dieu sont entrйs chez les
filles des hommes, elles engendrиrent, ce sont les hйros, hommes fameux de
cette йpoque;" et une glose (ordinaire) dit qu’il n’est pas incroyable que
par certains dйmons, qui ont couchй avec les femmes, aient йtй procrййs de tels
hommes, а savoir les gйants. Sic ergo patet quod Angeli boni vel mali virtute naturali
miracula facere non possunt; sed quosdam mirabiles effectus, in quibus eorum
operatio est per modum artis. Ainsi donc il est clair que les anges, bons ou mauvais, ne peuvent pas
faire de miracles par un pouvoir naturel, mais ils produisent des effets
йtonnants dans lesquels leur opйration vient de l’art. Solutions: q. 6 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet naturalis potestas Angeli vel Daemonis sit
maior quam naturalis potestas corporis, non tamen est ad hoc quod immediate
formam in materia inducat, sed mediante corpore; unde hoc facit nobilius quam corpus,
quia primum movens principalius est in agendo quam secundum. # 1. Bien que la puissance naturelle de l’ange ou du dйmon soit plus
grande que celle du corps, cependant elle n'est pas pour induire une forme dans
la matiиre immйdiatement, mais par l'intermйdiaire d’un corps; c’est pourquoi
elle le fait plus noblement que le corps, parce que le premier moteur est plus
important en agissant que le second. q. 6 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod formae rerum naturalium in mente angelica existentes
sunt magis actuales quam formae quae sunt in materia; et propter hoc sunt
immediatum principium perfectioris operationis, quae est intelligere;
operationis vero quae est actio materiam transmutans, non sunt immediatum
principium; sed mediante voluntate, et voluntas mediante virtute, et virtus
immediate movet motum localem; quo motu mediante, est causa aliorum motuum, et
est causa aliqua inductionis formae in materia. # 2. Les formes des choses naturelles qui existent dans l'esprit de
l’ange sont plus en acte que celles qui sont dans la matiиre; et pour cela,
elles sont le principe immйdiat d'une opйration plus parfaite, qui est
l'intellection (intelligere): mais elles ne sont pas le principe immйdiat de
l’opйration qui transforme la matiиre; mais par l’intermйdiaire de la volontй,
et la volontй par l’intermйdiaire du pouvoir, et le pouvoir immйdiatement
provoque le mouvement local; par ce mouvement, intermйdiaire, il est la cause
des autres mouvements, et une cause d’induction de la forme dans la matiиre. q. 6 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod formae etiam quae sunt in intellectu humano, non sunt
activae rerum artificialium, nisi mediante voluntate et virtute motiva et
organis naturalibus et instrumentis artificialibus. # 3. Les formes qui sont dans l’esprit humain, n'agissent sur ce qui
est artificiel, que par l’intermйdiaire de la volontй, d'un pouvoir moteur, des
organes naturels et des instruments artificiels. q. 6 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod virtus cui potest aliquod organum adhiberi, quod sibi
respondeat quantum ad omnem operationem, debet habere organum coniunctum, sicut
virtus visiva oculum. Nullum autem corpus poterat hoc modo Angelo respondere,
quod eius virtutem adaequaret; et ideo non habuit Angelus corporeum organum
naturaliter coniunctum. Unde et philosophi qui posuerunt substantias separatas
non habere effectus in istis inferioribus nisi mediante caelo, posuerunt
aliquam substantiam spiritualem uniri caelo ut proprio instrumento, quam animam
caeli dicebant. Aliam vero non unitam dicebant intelligentiam, a qua movetur
anima caeli, sicut desiderans a desiderato. # 4. Le pouvoir auquel un organe peut adhйrer, qui lui correspond quant
а toute opйration, doit avoir un organe joint, comme le pouvoir de la vue a
l’њil. Mais aucun corps ne pourrait de cette maniиre convenir а l’ange qui
йgalerait son pouvoir; aussi il n’a pas eu d’organe corporel uni naturellement.
C’est pourquoi les philosophes qui ont pensй que les substances sйparйes
n’avaient d’effet dans les choses infйrieures que par l’intermйdiaire du ciel,
ont pensй qu’une substance spirituelle йtait unie au ciel comme а son
instrument propre, qu’ils appelaient l’вme du ciel. Mais ils ne parlaient pas
d'une autre intelligence non unie, par laquelle l’вme du ciel йtait mue, comme
celui qui dйsire par ce qui est dйsirй. q. 6 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Angelus etsi caelum moveat, potest tamen habere actionem
in haec inferiora absque motu caeli movendo alia corpora, et absque omni
corpore intelligendo; licet forma in materia absque corporali agente imprimere
non possit. # 5. Mкme si l’ange meut le ciel, il peut cependant avoir une action
dans les choses infйrieures sans le mouvement du ciel, en mettant en mouvement
d'autres corps, et sans comprendre tout corps, bien que par la forme il ne puisse
induire dans la matiиre, sans agent corporel. q. 6 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod caelum cum sit agens corporeum, potest esse immediatum
alterans et movens ad formam; non est autem simile de Angelis. # 6. Comme le ciel est un agent corporel, il peut changer sans
intermйdiaire et amener а la forme; ce n’est pas pareil pour les anges. q. 6 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod anima, naturali ordine suo imperio, movet corpus
localiter, nam vis eius appetitiva est imperans motum, et corpus obedit ad nutum;
quod etiam est per virtutes motivas quae sunt organis affixae et fluunt ab
anima in corpus, quod est ab anima formatum. Aliae vero alterationes, ut
calefactionis, infrigidationis, et similium, sequuntur ab anima mediante motu
locali. Patet etiam quod ex ipsa imaginatione sequitur passio per quam aliquo
modo variatur motus cordis et spirituum; ex quibus vel retractis ad cor vel
diffusis in membra, sequitur aliqua alteratio in corpore; quae etiam potest
esse infirmitatis causa, praecipue si sit materia disposita. # 7. L’вme dans l’ordre naturel, par son pouvoir, meut localement le
corps, car sa force appйtitive commande le mouvement, et le corps obйit а son
ordre; ce qui se fait aussi par les pouvoirs moteurs qui sont liйs aux organes,
et passent de l’вme dans le corps, qui est mis en forme par l’вme. Mais les
autres changements, comme le rйchauffement, le refroidissement etc., dйcoulent
de l’вme par l’intermйdiaire du mouvement local. Il est clair aussi que par
l’imagination mкme dйcoule la passion par laquelle d’une certaine maniиre le
mouvement du cњur et des esprits est modifiй; de ceux-ci rйtractйs au cњur ou
diffusйs dans les membres, dйcoule un changement dans le corps qui aussi peut
кtre cause de maladie surtout si la matiиre y est disposйe. q. 6 a. 3 ad 8 Et per hoc patet solutio ad
octavum. # 8. Et par lа apparaоt la solution 8. q. 6 a. 3 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod virtus Angeli dicitur infinita inferius, in quantum non
est virtus in materia recepta, et per hoc non limitatur ab inferiori recipiente;
non tamen est infinita superius, ut supra dicitur, quia a Deo recipitur in
Angelo esse finitum; et ideo eius substantia determinatur ad aliquod genus, et
per consequens eius virtus determinatur ad aliquem modum agendi; quod de Deo
dici non potest. # 9. On dit que le pouvoir de l’ange est d’un infini infйrieur dans la
mesure oщ ce n’est pas un pouvoir reзu dans la matiиre et par cela il n’est pas
limitй par un recepteur infйrieur; son pouvoir n’est cependant pas d’un infini
supйrieur, comme on l’a dit ci-dessus, parce qu'un кtre fini est reзu dans
l'ange et c’est pourquoi sa substance est limitйe а un genre, et par
consйquent, son pouvoir est dйterminй а un mode d’action, qu'on ne peut pas
dire de Dieu. q. 6 a. 3 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet Angelus faciat res mirabiles per modum artis, ut
supra dictum est, non tamen facit miracula. # 10. Bien que l’ange fasse des њuvres admirables par son art, comme on
l’a dit ci-dessus, il ne fait cependant pas de miracles. q. 6 a. 3 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod licet motus locales inferiorum corporum sint a
determinatis motoribus naturalibus, sicut et alii motus, tamen corporalis
creatura naturali ordine obedit spirituali ad motum localem, non ad alios
motus, ratione supradicta; et praecipue si virtus eius non est determinata ad
aliquod corpus sicut est virtus animae ad corpus sibi coniunctum. # 11. Bien que les mouvements locaux des corps infйrieurs viennent de
moteurs naturels limitйs, comme les autres mouvements aussi, cependant la
crйature corporelle obйit par l'ordre naturel а la crйature spirituelle pour le
mouvement local, non pour les autres mouvements, pour la raison donnйe plus
haut; et surtout si son pouvoir n’est pas limitй а un corps comme le pouvoir de
l’вme а un corps qui lui est uni. q. 6 a. 3 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod sicut substantia spiritualis creata non potest suo
imperio imprimere formam in materia, ita non potest suo imperio impedire quin
imprimatur ab agente naturali; et si hoc aliquando faciat, facit per
appositionem alicuius impedimenti naturalis, quamvis sensus humanos lateat; et
praecipue cum possit flammam ignis localiter movere, ut combustibili non tantum
appropinquet. # 12. La substance spirituelle crййe ne peut pas induire par son
pouvoir une forme dans la matiиre; de la mкme maniиre, elle ne peut pas par son
pouvoir l'empкcher qu’elle soit introduite par l’agent naturel, et si elle le
fait quelquefois, elle le fait en opposant un empкchement naturel, quoiqu'il
soit cachй aux sens humains, et surtout puisqu’il peut mouvoir localement la
flamme du feu, pour qu’elle n'approche pas autant du combustible. q. 6 a. 3 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod creatura spiritualis separata potest immutare
phantasiam naturali virtute, non per imperium inducendo formas in organo
phantasiae, sed per aliquam commotionem spirituum et humorum; patet enim quod
aliqua transmutatione in his facta, phantasmata apparent, ut in phreneticis et
dormientibus. Et ad hanc phantasiae immutationem etiam quaedam res naturales
dicuntur efficaciam habere, quibus nigromantici uti dicuntur ad visus
illudendos # 13. La crйature spirituelle sйparйe peut changer l’imagination par un
pouvoir naturel, non en induisant par pouvoir des formes dans l'organe de
l’imagination, mais par un йbranlement des esprits et des humeurs; car il est
clair que par la transformation qui y est opйrйe, il y a des apparitions comme
chez les malades mentaux et les dormeurs. Et pour ce changement de
l’imagination on dit que certaines choses naturelles ont une puissance efficace;
dont les nйcromanciens, dit-on, se servent pour tromper la vue. q. 6 a. 3 ad 14 Et per hoc patet responsio ad
decimumquartum. # 14. Et par lа la rйponse а la quatorziиme solution est claire. q. 6 a. 3 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod sicut virtus Angeli est supra virtutem corporis
caelestis, ita et operatio, ut dictum est; non tamen ad hoc quod immediate
formam in materia solo imperio inducat. # 15. De mкme que le pouvoir des anges est au-dessus de celui du corps
cйleste, leur opйration aussi comme on l’a dit, non cependant pour pouvoir
induire immйdiatement une forme dans la matiиre par leur seul pouvoir. 59845] De potentia, q. 6 a. 3 ad 16 Ad decimumsextum
dicendum, quod finita virtus potest de potentia in actum aliquid adducere, non
tamen quaelibet finita, nec quolibet modo; quaelibet enim virtus finita habet
determinatum modum agendi #16. Un pouvoir fini peut faire passer quelque chose de la puissance а
l’acte, mais pas cependant n'importe quel pouvoir fini, ni de n’importe quelle
maniиre, car un pouvoir fini a une maniиre limitйe d’agir. q. 6 a. 3 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod etsi nihil impediat agens aliquod, non potest id
ad quod virtus sua non se extendit; sicut ignis non potest infrigidare, etiam
si nihil exterius impediat. Unde non sequitur, quod si Angeli non possunt
imperio suo formam in materia inducere, quod ab extrinseco impediantur, sed
quia ad hoc virtus eorum naturalis non se extendit. #17. Mкme si rien ne fait obstacle а l'agent, il ne peut pas ce а quoi
son pouvoir ne s’йtend pas; ainsi le feu ne peut pas refroidir, mкme si rien
d’extйrieur ne l’empкche. Aussi il n’en dйcoule pas qu'ainsi les anges ne
peuvent pas par leur pouvoir induire une forme dans la matiиre, parce qu’ils
sont empкchйs de l’extйrieur, mais parce que leur pouvoir naturel ne s’йtend
pas jusqu’а lа.
[1]
Parall.: Ia, qu. 110, a. 2, 3 et 4; qu. 65, a. 4; qu. 91, a. 2; qu. 94, a. 4;
CG. III, 102 et 103, De Mal. Qu. 16, a. 9, a. 1n ad 14, qu. 16, a. 1O, Qdl IX,
qu. 4, a. 5, Galat., c. 3, lect. 1; Compendium c. 136, [2] Il s'agit de Lйviathan. Citй а nouveau en
6, 10, sed contra 1, oщ il s'agit du diable. [3] "Ita omnia corpora per spiritum vitae,
et spiritus vitae irrationalis, per spiritum vitae rationalem…" Ainsi tous
les corps le sont-ils (gouvernйes) par un vivant. p. 288-289. [4] Voir les textes en 6, 4, obj. 6. [5] Opinion d'Avicenne, comme c'est signalй c.
§ 2. [6] Thomas, VIII, lect. 21, n° 1142. [7] Les raisons sйminales? [8] . "…les dйmons ne crйent pas de
nouvelles natures, mais ils modifient tellement dans leurs apparence, celles
que le vrai Dieu a crйй, qu'elles semblent кtre ce qu'elles ne sont pas." La citй de Dieu, XVIII, 18. [9] Hйb. 2, 5: "En effet ce n'est pas а
des anges qu'il (Dieu) a soumis le monde а venir dont nous parlons."
(B.J.) [10] "Il ne faut pas croire pour autant
que les anges prйvaricateurs font ce qu’ils veulent de la matiиre des choses
visibles." BA, p. 297 [11] Il s'agir d'une Intelligence. Cf. Ia, qu.
65, a. 4, c. [12] Voir Ia, qu. 65, a. 4, c. Avicenne, Mйtaphysique IX, 5. [13] Alexandre d'Aphrodise, philosophe
pйripatйticien,. Commentateur d’Aristote, il a dirigй de Lycйe de 198 а 211. [14] Les raisons sйminales.
Article 4: Les bons anges et les hommes peuvent-ils faire des miracles
par un don de la grвce?
q. 6 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum boni Angeli et homines per aliquod donum gratiae
miracula facere possint. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 6 a. 4 arg. 1
Ordines enim Angelorum non sunt constituti nisi ad ea quae Angeli faciunt. Sed
ordo aliquis Angelorum institutus est ad miracula faciendum. Dicit enim
Gregorius in homilia quadam, quod virtutes sunt per quas signa et miracula
frequentius fiunt. Ergo Angeli per gratiam miracula facere possunt. 1. Car les hiйrarchies des anges ne sont constituйes que par les њuvres
qu'ils accomplissent. Mais une hiйrarchie d'anges a йtй instituйe pour faire
des miracles. En effet Grйgoire [Le Grand] dit dans une homйlie (Hom. 34, sur
l'Йvangile) que les Vertus sont ce par quoi les signes et les miracles se font
le plus souvent. Donc les anges peuvent faire des miracles par grвce. q. 6 a. 4 arg. 2
Praeterea, Act. VI, 8, dicitur: Stephanus plenus gratia et fortitudine,
faciebat prodigia et signa magna in populo. Non autem praemitteretur Dei
gratia, nisi actus sequens ex gratia procederet. Ergo per virtutem gratiae
etiam homines miracula facere possunt. 2. En Act. 6, 8, il est dit: "Йtienne, plein de grвce et de force,
faisait des prodiges et de grands signes parmi le peuple". Mais la grвce
de Dieu ne serait envoyйe prйalablement que si l’acte suivant procйdait d'une
grвce. Donc par le pouvoir de la grвce, les hommes aussi peuvent faire des
miracles. q. 6 a. 4 arg. 3
Praeterea, donum gratiae non datur nisi ad id quod per habentem gratiam fieri
potest. Sed aliquibus datur donum gratiae gratis datae ad miracula facienda;
unde dicitur I ad Cor. XII, 9: alii datur gratia
sanitatum in uno spiritu, alii operatio virtutum. Ergo sancti per
gratiam miracula facere possunt. 3. Le don de la grвce n’est donnй que pour ce qui peut кtre fait par
celui qui la possиde. Mais а certains le don de la grвce est donnй gratuitement
pour faire des miracles: ainsi il est dit en I Co. 12, 9-10[2]:
"A l'un est donnйe la grвce de guйrison dans l'unique Esprit, а l'autre
l’opйration des miracles." Donc les saints peuvent faire des miracles par
grвce. q. 6 a. 4 arg. 4 Sed
dicebatur, quod sancti dicuntur miracula facere non agendo, sed impetrando a
Deo ut fiant.- Sed contra,
impetratio orationis fit per ea quae reddunt orationem Deo acceptam. Hoc autem
fit per fidem, caritatem et alias virtutes pertinentes ad gratiam gratum
facientem. Non ergo oportet ad signa facienda dari sanctis aliquod donum
gratiae gratis datae. 4. Mais on pourrait dire que les saints font des miracles non pas en
agissant, mais en obtenant de Dieu de le faire. En sens contraire, que la
priиre soit exaucйe arrive par ce qui fait que la priиre est acceptйe par Dieu.
Cela se fait par la foi, la charitй et les autres vertus qui conviennent а la
grвce qui rend agrйable а Dieu. Il ne faut donc pas, pour faire des signes, que
soit donnй aux saints un don de la grвce gratuitement donnйe. q. 6 a. 4 arg. 5
Praeterea, in II dialogorum, Gregorius dicit, quod qui devota mente Deo
adhaerent, cum rerum necessitas exposcit, exhibere signa modo utroque solent,
ut mira quaeque aliquando ex prece faciant, aliquando ex potestate. Quod autem
aliquis ex potestate facit, operando facit, non solum impetrando. Ergo Angeli
et sancti homines etiam agendo miracula faciunt. 5. Dans le livre II des Dialogues,
ch. 30, Grйgoire [le Grand] dit que "Ceux qui s'attachent а Dieu avec un
esprit dйvot, lorsque la nйcessitй le demande, ont coutume de causer les signes
de deux maniиres, de sorte qu'ils les accomplissent quelquefois par la priиre,
quelquefois par leur pouvoir." Ce que quelqu’un fait par son pouvoir, il
le fait en opйrant, [et] non seulement en l’obtenant. Donc les anges et les
saints aussi, en agissant font des miracles. q. 6 a. 4 arg. 6
Praeterea, triplex est rerum cursus secundum Anselmum, naturalis, voluntarius
et mirabilis. Sed in cursu rerum naturali, Angeli tamquam medii inter Deum et
corpora naturalia aliquid agunt, ut dicit Augustinus: omnia corpora a Deo
reguntur per spiritum vitae rationalem; et Gregorius dicit: nihil in hoc mundo
visibili, nisi per creaturam invisibilem disponi potest. Similiter etiam cursum
rerum voluntarium, nam ipsi Angeli sunt medii inter nos et Deum, illuminationes
a Deo acceptas in nos deferentes. Ergo etiam in cursu rerum mirabilium Angeli
sunt medii, ita quod eis agentibus miracula fiant. 6. Le cours des йvйnements est triple selon Anselme (Le livre du Pйchй originel ch. 11):
naturel, volontaire et merveilleux[3]. Mais dans le cours
naturel des choses, les anges en tant qu'intermйdiaires entre Dieu et les corps
naturels "agissent, comme le dit Augustin (La Trinitй, III, IV, 9[4]). Tous les corps
sont dirigйs par Dieu, par un esprit de vie douй de raison", et Grйgoire (Dialogues, IV, 5) dit: "Rien en ce
monde visible ne peut кtre йtabli que par la crйature invisible." Il en
est de mкme pour le cours volontaire des choses, car les anges eux-mкmes sont
intermйdiaires entre nous et Dieu, nous apportant les lumiиres reзues de Dieu.
Donc, mкme dans le cours йtonnant des choses, les anges sont intermйdiaires, de
sorte que les miracles sont faits avec eux en tant qu’agents. q. 6 a. 4 arg. 7 Sed
dicendum, quod Angeli sunt medii non sicut agentes virtute propria, sed virtute
divina.- Sed contra, quicumque operatur in virtute alterius, aliquo modo agit
id quod fit per illam virtutem. Si ergo Angeli in
virtute divina operantur ad miracula facienda, ipsi aliquo modo agunt. 7. Mais il faut dire que les anges sont des intermйdiaires, non pas
comme des agents, par leur propre pouvoir, mais par le pouvoir divin. En sens
contraire, quiconque opиre dans le pouvoir d’un autre, accomplit en quelque
maniиre ce qui est fait par ce pouvoir. Donc si les anges opиrent dans le
pouvoir divin pour faire des miracles, ce sont eux qui agissent d'une certaine
maniиre. q. 6
a. 4 arg. 8 Praeterea, lex vetus miraculose a Deo est tradita; unde habetur
Exod. XIX, quod coeperunt audiri tonitrua ac micare fulgura, et nubes
densissimas operire montem. Sed lex data est per Angelos, sicut habetur Galat. III. Ergo
per Angelos miracula fiunt. 8. La Loi ancienne a йtй transmise miraculeusement par Dieu, c’est
pourquoi il est dit en Ex. 19, qu’ils commencиrent а entendre le tonnerre et а
voir briller des йclairs, et des nuages йpais couvrirent la montagne. Mais la
loi a йtй donnйe par les anges, comme il est dit en Gal. 3, 19. Donc les
miracles sont faits par les anges. q. 6 a. 4 arg. 9
Praeterea, Augustinus dicit: omnis res quae habetur et non datur, si in dando
deficit, nondum habetur quomodo habenda est. Sed potestas faciendi miracula est
in Deo; et si alteri daret in eo non deficeret. Ergo si non dedit aliis hanc
potestatem, videtur quod non habeat eam qualiter habenda est; et ita videtur
quod Angelis et hominibus Deus dederit potentiam miracula faciendi. 9. Augustin dit а la fin du livre I de La doctrine chrйtienne: "Tout ce qu'on a et qui n'est pas
donnй, s'il manque quand on le donne, n’est pas encore possйdй comme il doit
l'кtre". Mais le pouvoir de faire des miracles est en Dieu; et s’il le
donnait а un autre, il ne lui manquerait pas. Donc s’il n'a pas donnй ce
pouvoir а d’autres, il semble qu’il ne l'a pas comme il devrait l'avoir et
ainsi il semble que Dieu a donnй la puissance de faire des miracles aux anges
et aux hommes. En sens contraire: q. 6 a. 4 s. c. Sed
contra, est quod dicitur in Psal. LXXI, 18: qui facit miracula magna solus. 1. Il y a ce qui est dit au Ps. 71, 18: "Lui seul fait de grands
miracles." Praeterea, sicut dicit Bernardus, ille solus potest legem
immutare vel dispensare in lege, qui legem condidit; sicut patet in legibus
humanis, quod solus imperator potest legem immutare qui legem condidit. Sed
solus Deus legem naturalis cursus instituit. Ergo ipse solus potest miracula
facere, praeter cursum naturalem agendo. 2. En outre, comme le dit Bernard[5] (La dispense
et les prйceptes), seul peut changer la loi ou en dispenser celui qui l’a
йtablie; comme on le voit dans les lois humaines: seul l’empereur peut changer
la loi qu'il a йtablie. Mais Dieu seul a instituй la loi de la nature. Donc
seul il peut faire des miracles en agissant au-delа de son cours. Rйponse: q. 6 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum, quod Angeli supra naturalem potestatem quam habent agendi,
possunt aliquid per donum gratiae, in quantum sunt divinae virtutis ministri.
Et potest dici, quod ad miracula facienda Angeli tripliciter operantur. Les anges, en plus de leur puissance naturelle d'action, peuvent
quelque chose par le don de la grвce, dans la mesure oщ ils sont les ministres
du pouvoir divin. Et on peut dire que pour faire des miracles ils agissent de
trois maniиres: Uno modo precibus impetrando; qui modus et hominibus et
Angelis potest esse communis. Alius modus est secundum quod Angeli materiam
disponunt sua naturali virtute ad hoc quod miraculum fiat; sicut dicitur quod
in resurrectione colligent pulveres mortuorum, qui divina virtute reducentur ad
vitam. Sed hic modus proprius est Angelorum, nam humani spiritus, cum sint
corporibus uniti, in exteriora operari non possunt nisi corpore mediante, ad
quod sunt quodammodo naturaliter alligati. 1) En l'obtenant par des priиres; ce mode peut кtre commun aux hommes
et aux anges. 2) Selon que les anges disposent la matiиre par leur pouvoir naturel
pour que le miracle s'accomplisse; ainsi on dit qu'а la rйsurrection, ils
rassembleront les cendres des morts, qui seront ramenйs а la vie par le pouvoir
divin. Mais cette maniиre est propre aux anges car les esprits humains, йtant
unis а des corps, ne peuvent agir а l’extйrieur que par l’intermйdiaire du corps,
auquel ils sont en quelque maniиre liйs naturellement. Tertius modus est quod operentur etiam aliquid coagendo;
quem quidem modum Augustinus sub dubio relinquit, sic dicens: sive enim Deus
ipse per se ipsum miro modo, sive per suos ministros etiam faciat, sive etiam
per martyrum spiritus, sive per homines adhuc in corpore constitutos, sive
omnia ista per Angelos, quibus invisibiliter imperat, operetur (ut quae per
martyres fieri dicuntur, eis orantibus tantum et impetrantibus, non etiam
operantibus fiant), sive aliis modis, qui nullo modo comprehendi a mortalibus
possunt; tamen attestantur haec miracula fidei, in qua carnis in aeternum
resurrectio praedicatur. 3) Ils opиreraient mкme en coopйrant. A ce sujet, Augustin laisse un
doute dans le livre 22 de la Citй de Dieu,
disant: "Car, soit Dieu le fait par lui-mкme d’une maniиre йtonnante, soit
par ses ministres, soit aussi par l’esprit des martyrs, soit par les hommes
encore йtablis dans leur corps, soit tout cela par des anges auxquels il
commande invisiblement, il opиre (pour que ce qu'on dit fait par les martyrs,
soit fait seulement pour ceux qui prient et sont exaucйs, mais non par ceux qui
opиrent), soit de quelques autres maniиres, tout а fait incomprйhensibles par
les mortels; cependant ces miracles rendent tйmoignage de la foi qui annonce la
rйsurrection de la chair pour l'йternitй." Sed Gregorius, hanc quaestionem determinare videtur, dicens,
quod sancti homines etiam in carne viventes non solum orando et impetrando, sed
etiam potestative, ac per hoc, cooperando miracula faciunt; quod probat et
ratione et exemplis. Mais Grйgoire (Dialogues, II,
30) semble limiter ce problиme en disant que les saints, mкme vivants en leur
corps, non seulement en priant et exaucйs, mais aussi de plein droit et par cela
en coopйrant, font des miracles, ce qu’il prouve par la raison et des exemples.
Primo ratione quidem: quia si hominibus data est potestas
filios Dei fieri, non est mirum, si ex potestate mira facere possunt. a) D'abord par la raison: parce que, si le pouvoir de devenir enfants
de Dieu a йtй donnй aux hommes, il n’est pas йtonnant qu’ils puissent faire des
miracles par ce pouvoir. Exemplis autem: quia Petrus Ananiam et Saphiram mentientes
morti increpando tradidit, nulla oratione praemissa, ut habetur Act. V, 1-11.
Beatus etiam Benedictus dum ad brachia cuiusdam ligati rustici oculos
deflexisset, tanta se celeritate coeperunt illigata brachiis lora dissolvere,
ut dissolvi tam concite nulla hominum festinatione potuissent. Unde concludit,
quod sancti quandoque faciunt miracula orando, quandoque ex potestate. b) Par des exemples: parce que Pierre, en les rйprimandant livra а la
mort Ananie et Saphire qui mentaient, sans avoir priй auparavant, comme on le
constate en Act. 5, 1-11. Le bienheureux Benoоt aussi ayant dйtournй son regard
sur les bras d’une chef paysan, que les laniиres qui y йtaient attachйes
commencиrent а se dйtacher si vite qu'aucun homme, mкme rapide, n'aurait pu le
faire. C’est pourquoi il conclut que les saints quelquefois font des miracles
par leurs priиres, quelquefois par leur pouvoir. Qualiter autem hoc esse possit, considerandum est. Constat autem quod
Deus solo imperio miracula operatur. Videmus autem quod imperium divinum ad
inferiores rationales spiritus, scilicet humanos, mediantibus superioribus,
scilicet Angelis, pervenit, ut in legis veteris latione apparet; et per hunc
modum per spiritus angelicos vel humanos, imperium divinum ad corporales
creaturas pervenire potest, ut per eas quodammodo naturae praesentetur divinum
praeceptum; et sic agant quodammodo spiritus humani vel angelici ut
instrumentum divinae virtutis ad miraculi perfectionem; non quasi aliqua
virtute habitualiter in eos manente, vel gratuita vel naturali, in actum
miraculi possunt quia sic quandocumque vellent, miracula facere possent: quod
tamen Gregorius non esse verum testatur; et probat per exemplum Pauli, qui
stimulum a se removeri petiit, nec impetravit; et per exemplum Benedicti, qui
detentus fuit contra suam voluntatem per pluviam, sororis precibus, impetratam;
sed virtus ad cooperandum Deo in miraculis in sanctis intelligi potest ad modum
formarum imperfectarum, quae intentiones vocantur, quae non permanent nisi per
praesentiam agentis principalis, sicut lumen in aere et motus in instrumento. Il faut considйrer comment cela est possible. Il est clair que Dieu par
son seul pouvoir opиre des miracles. Mais nous voyons que le pouvoir divin
parvient а des esprits rationnels infйrieurs, c'est-а-dire des hommes, par
l’intermйdiaire des esprits supйrieurs, c'est-а-dire des anges, comme cela
apparaоt dans la transmission de la Loi ancienne[6], et
par ce moyen, le pouvoir divin peut parvenir par les esprits angйliques ou
humains а des crйatures corporelles, de sorte que, par elles, d’une certaine
maniиre, le commandement divin soit rendu prйsent а la nature; et ainsi d’une
certaine maniиre les esprits humains ou angйliques agissent comme des
instruments du pouvoir divin pour accomplir des miracles; ils peuvent parfaire
un miracle, non comme par quelque pouvoir qui demeure habituellement en eux, ou
gratuit ou naturel, parce qu’ainsi, chaque fois qu’ils le voudraient, ils
pourraient faire des miracles; ce que cependant Grйgoire (Dialogue II, Homйlies
sur Йzйchiel, I) assure ne pas кtre vrai; et il le prouve par l’exemple de
Paul, qui demanda que l’aiguillon s’йloigne de lui et il ne l’obtint pas. et
par celui de Benoоt qui fut retenu contre sa volontй par la pluie, obtenue par
les priиres de sa sњur, mais le pouvoir pour coopйrer а Dieu dans les miracles
peut кtre compris chez les saints а la maniиre des formes imparfaites qui sont
appelйes intentions, qui ne demeurent que par la prйsence de l’agent principal
comme la lumiиre dans l’air et le mouvement dans l’instrument. Et talis virtus potest intelligi donum gratiae gratis datae,
quae est gratia virtutum vel curationum; ut sic haec gratia quae datur ad
operandum supernaturaliter, sit similis gratiae prophetiae, quae datur ad
supernaturaliter cognoscendum, per quam propheta non potest quandocumque vult
prophetare, sed solum cum spiritus prophetiae cor eius tangit, ut Gregorius
probat. Nec est mirum, si per hunc modum spirituali creatura Deus
instrumentaliter utitur ad faciendum mirabiles effectus in natura corporali,
cum etiam corporali creatura utatur instrumentaliter ad spirituum
iustificationem, ut in sacramentis patet. Et un tel pouvoir peut кtre compris comme le don d’une grвce donnйe
gratuitement, qui est la grвce des pouvoirs et des guйrisons, pour qu’ainsi
cette grвce qui est donnйe pour opйrer surnaturellement, soit semblable а la
grвce de prophйtie, qui est donnйe pour connaоtre surnaturellement, par
laquelle le prophиte ne peut pas chaque fois qu’il le veut prophйtiser, mais
seulement quand l’esprit prophйtique touche son cњur, comme le prouve Grйgoire
(Homйlie I sur Ezйchiel). Et ce n’est pas йtonnant, si, par ce moyen, Dieu se
sert de la crйature spirituelle comme d'un instrument pour produire des effets
admirables, dans la nature corporelle, puisqu’il se sert de la crйature
corporelle comme instrument pour la justification des esprits comme cela paraоt
dans les sacrements. Solutions: q. 6 a. 4 ad arg. Et per hoc patet responsio ad
obiecta. # Et ainsi s’йclaire la rйponse aux objections. Car il est vrai que
Dieu seul fait des miracles par son autoritй, il est vrai aussi qu’il
communique а la crйature le pouvoir d'en faire, selon sa capacitй, et l’ordre
de la sagesse divine, de sorte que, par la grвce, la crйature opиre des
miracles par son ministиre.
[1] Parall.: Ia,
qu. 110, a. 4 et ad 1 —IIIa, qu. 13, a. 2, ad 3 — qu. 78, a. 4, ad 2 — CG. III,
103 — [2] "…а tel autre le don de guйrison dans
l'Unique Esprit, а un autre la puissance d'opйrer des miracles." B.J. [3] Dйjа dit en 6, 1, sens contraire. [4] Voir Pot. 6, 3, obj. 3, pour les deux
textes. [5] Bernard de Claivaux, 1090 - 1153. [6] Allusion а la Loi au Sinaп Ga. (3, 19)
Article 5: Les dйmons aussi travaillent-ils а faire des miracles?
q. 6 a. 5 tit. 1 Quinto quaeritur utrum etiam Daemones operentur ad miracula
facienda. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 6 a. 5 arg. 1
Dicitur enim Matth. cap. XXIV, 24: surgent pseudochristi et pseudoprophetae, et
dabunt signa magna et prodigia. Sed haec non operabuntur nisi per virtutem
Daemonum. Ergo Daemones operantur ad miracula facienda. 1. Car il est dit en Mt. 24, 24: "De faux christs et de faux
prophиtes se lиveront, et ils feront de grands signes et des prodiges."
Mais ils n’opйreront que par le pouvoir des dйmons. Donc les dйmons travaillent
а faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 2
Praeterea, subito sanare infirmum, miraculum est, sicut miraculum fuisse
dicitur quod Christus socrum Petri sanavit, ut habetur Luc. IV, 38-40. Hoc
autem etiam Daemones possunt facere: nam medicinae adhibitae infirmo sanitatem
accelerant; possunt autem Daemones agilitate suae naturae medicinas efficaces
ad sanandum, quas bene cognoscunt, adhibere ad sanandum, et sic, ut videtur,
possunt subito sanare. Ergo possunt subito miracula facere. 2. Guйrir tout d’un coup un malade c’est un miracle; on dit que c'est
ainsi que fut le miracle par lequel le Christ guйrit la belle-mиre de Pierre,
comme on le lit en Lc 4, 38-40. Mais cela aussi les dйmons peuvent le faire,
car les remиdes employйs pour un malade accйlиrent sa guйrison; ils peuvent
aussi par l’agilitй de leur nature employer des remиdes efficaces pour guйrir
qu’ils connaissent bien, et ainsi, а ce qu'il semble, ils peuvent guйrir tout а
coup. Donc ils peuvent faire tout а coup des miracles. q. 6 a. 5 arg. 3
Praeterea, facere mutos loqui est miraculum. Maius autem miraculum videtur esse
quod canis loquatur vel cantet; quod Simon magus faciebat, ut legitur, virtute
Daemonis. Ergo potest facere miraculum. 3. Faire parler les muets est un miracle. Mais qu’un chien parle ou
chante semble un plus grand miracle, ce que Simon le magicien[2]
faisait, comme on le lit, par le pouvoir du dйmon. Donc il peut faire un
miracle. q. 6 a. 5 arg. 4
Praeterea, Valerius maximus narrat quod fortunae simulacrum, quod Romae erat
via Latina, non semel sed bis ita locutum est his verbis: rite me matronae
vidistis, riteque dedicastis. Quod autem lapides loquantur, maius est miraculum
quam quod muti loquantur; quod tamen est miraculosum. Ergo videtur quod
Daemones miracula facere possunt. 4. Valиre-Maxime[3] raconte (Les livres des Faits
et Dits mйmorables, livre XI, ch. 8) que la statue de la Fortune, qui йtait а
Rome sur la Via Latina, non pas une mais deux fois, a parlй en ces termes: "Selon
le rite, vous m’avez vue matrones, selon le rite, vous m’avez consacrйe."
Que les pierres parlent est un miracle plus grand que faire parler les muets,
ce qui cependant est miraculeux. Donc il semble que les dйmons peuvent faire
des miracles. q. 6 a. 5 arg. 5 Praeterea,
legitur in historiis, quod quaedam virgo Vestalis in signum pudicitiae
conservatae, aquam in vase perforato de Tiberi portavit, nec tamen aqua effusa
est: quod fieri non potuit nisi per hoc quod retinebatur aqua ne flueret,
aliqua non naturali virtute; quod patet esse miraculum in Iordanis divisione et
eius statione. Ergo Daemones possunt facere miracula. 5. On lit dans les histoires, (rapportйes par Augustin dans La citй de Dieu, X, 26) qu’une vestale
vierge pour montrer qu'elle avait conservй sa pudeur, porta de l’eau du Tibre
dans un vase percй, et cependant l’eau ne s'йcoula pas; ce qui n’a pu se faire
que parce que l’eau йtaient empкchйe de couler par un pouvoir qui n’йtait pas
naturel; ce qui est clairement un miracle dans la division des eaux du Jourdain
et son arrкt. Donc il semble que les dйmons peuvent faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 6
Praeterea, multo difficilius est hominem transformari in aliquod animal brutum
quam aquam transformari in vinum. Sed aquam transformari in vinum, est miraculum,
ut patet Ioan. II, 9. Ergo multo fortius hominem transformari in aliquod animal
brutum. Sed Daemonis virtute homines transformantur in bruta, sicut Varro
narrat, socios Diomedis a Troia revertentes in aves fuisse conversos, quae
longo tempore post circa templum Diomedis volabant; narrat etiam quod Cyrces
famosissima maga socios Ulyssis mutavit in bestias, et quod Arcades, quodam
stagno transito, convertebantur in lupos. Ergo Daemones possunt miracula
facere. 6. Il est beaucoup plus difficile de transformer un homme en animal que
de transformer de l’eau en vin. Mais transformer l’eau en vin est un miracle,
comme on le voit en Jn 2, 9. Donc c'est beaucoup plus fort de transformer un
homme en animal. Mais par le pouvoir du dйmon des hommes ont йtй transformйs en
animaux, comme Varron[4] le raconte (Augustin le rapporte
dans La citй de Dieu, XVIII, ch. 16,
17, 18), les compagnons de Diomиde revenant de Troie, ont йtй transformйs en
oiseaux, qui volaient longtemps aprиs autour du temple de Diomиde; il raconte
aussi que Circй, la fameuse magicienne, a transformй les compagnons d’Ulysse en
animaux, que les Arcadiens, ayant traversй un йtang, se transformиrent en
loups. Donc les dйmons peuvent faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 7
Praeterea, adversitates Iob, Daemone agente, procuratae sunt: quod patet ex hoc
quod dominus dedit ei potestatem in omnia quae erant Iob. Sed huiusmodi
adversitates non sine miraculo contigerunt, ut patet in igne de caelo
descendente, et de vento domum ad interitionem filiorum eius evertente. Ergo
Daemones miracula facere possunt. 7. Les adversitйs ont йtй procurйes а Job par l’action du dйmon; ce qui
apparaоt du fait que le Seigneur lui donna pouvoir sur tous ses biens (Jb 2,
6). Mais les adversitйs de ce genre n’arrivиrent pas sans miracles, comme c'est
йvident pour le feu descendu du ciel, et le vent qui renversa la maison pour
faire mourir ses fils (I, 19). Donc les dйmons peuvent faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 8
Praeterea, quod Moyses virgam in serpentes mutavit, miraculum fuit. Sed hoc
similiter fecerunt magi Pharaonis, virtute Daemonum, ut habetur Exod. VII,
8-13. Ergo videtur quod Daemones miracula facere possunt. 8. Le fait que Moпse transforma son bвton en serpent fut un miracle.
Mais les magiciens du Pharaon firent de mкme, par le pouvoir des dйmons, comme
on le lit en Ex. 7, 8-13. Donc il semble que les dйmons peuvent faire des
miracles. q. 6
a. 5 arg. 9 Praeterea, operatio miraculorum magis est remota a virtute humana
quam a virtute angelica. Sed per malos homines interdum miracula fiunt; unde ex
persona reproborum dicitur Matth. cap. VII, 22: in
nomine tuo prophetavimus, (...) et virtutes multas fecimus. Ergo et per
Daemones vera miracula fieri possunt. 9. Opйrer des miracles est plus йloignй du pouvoir de l'homme que de
celui de l’ange. Mais quelquefois des miracles arrivent par des mйchants; c’est
pourquoi, il est dit de la personne des rйprouvйs (Mt. 7, 22):"En ton nom,
nous avons prophйtisй… et nous avons fait de nombreuses miracles." Donc
les dйmons peuvent faire de vrais miracles. En sens contraire: q. 6 a. 5 s. c. Sed contra, tempore Antichristi
Daemon maximam virtutem habebit ad operandum, quia, ut dicitur Apoc. XX, 3,
oportebit eum solvi modico tempore, quod intelligitur tempus Antichristi. Sed
tunc non operabitur vera miracula: quod patet per hoc quod dicitur II ad Thess.
II, 9, quod adventus Antichristi erit in omni virtute et signis et
prodigiis mendacibus. Ergo Daemones vera miracula facere non possunt. Au temps de l’Antйchrist, le dйmon aura un trиs grand pouvoir pour
agir, parce que, comme le dit l'Apoc. (20, 3), il faudra qu’il soit libйrй un
peu de temps, ce qui est interprйtй comme le temps de l’Antйchrist. Mais alors
il n’opйrera pas de vrais miracles, ce qui est montrй par ce qui est dit Thess.
II, 2, 9, que la venue de l'antйchrist sera "dans tout pouvoir, signes et
prodiges mensongers." Donc les dйmons ne peuvent faire de vrais miracles. Rйponse: q. 6 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut Angeli boni per gratiam aliquid possunt ultra
naturalem virtutem, ita Angeli mali minus possunt, ex divina providentia eos
reprimente, quam possint secundum naturalem virtutem: quia, ut Augustinus
dicit, quaedam quae Angeli mali possent facere si permitterentur, ideo facere
non possunt quia non permittuntur (unde secundum hoc ligari dicuntur, quod
impediuntur ab illis agendis ad quae eorum naturalis virtus se extendere
posset; solvi autem, cum permittuntur agere divino iudicio quae secundum
naturam possunt). Quaedam vero non possunt etiam si permittantur, ut ibidem
dicitur, quia naturae modus eis a Deo praestitus hoc non permittit. De mкme que les bons anges peuvent faire par grвce quelque chose
au-delа de leur pouvoir naturel, de mкme les mauvais anges peuvent а cause de
la providence divine qui les arrкte, moins qu’ils ne le peuvent par leur
pouvoir naturel, parce que, comme le dit Augustin (La Trinitй, III, 9) ils ne peuvent pas faire certaines choses
qu'ils pourraient faire, si cela leur йtait permis, parce cela ne leur est pas
permis (aussi on dit qu’ils sont liйs, parce qu’ils sont empкchйs de faire ce
jusqu'oщ peut s’йtendre leur pouvoir naturel; mais ils en sont dйlivrйs quand
il leur est permis par le jugement divin de faire ce qui est possible а leur
nature). Mais certains ne le peuvent pas mкme s'ils en ont la permission, comme
on le dit au mкme endroit, parce que le pouvoir de leur nature, fourni par
Dieu, ne le permet pas. Ad huiusmodi autem quae sunt supra facultatem naturae
ipsorum, eis a Deo nulla datur potestas, quia,- cum operatio miraculosa sit
quoddam divinum testimonium indicativum divinae virtutis et veritatis,- si
Daemonibus, quod quorum est tota voluntas ad malum, aliqua potestas daretur
faciendi miracula, Deus falsitatis eorum testis existeret; quod divinam
bonitatem non decet. Unde ea tantum interdum opera faciunt quae miracula
hominibus videntur, quando permittuntur a Deo, ad quae eorum naturalis virtus
se potest extendere. Pour ce qui est au-dessus de la facultй de leur nature, Dieu ne leur a
donnй aucune puissance, parce que — comme le miracle est un tйmoignage divin,
qui montre le pouvoir et la vйritй divines — si aux dйmons, dont toute la
volontй est tournйe vers la mal, une puissance йtait donnйe pour faire des
miracles, Dieu se montrerait garant de leur mensonge, ce qui ne convient pas а
sa bontй. C'est pourquoi ces њuvres qu'ils font parfois, qui paraissent des
miracles aux hommes, quand ils sont autorisйs par Dieu, sont celles auxquelles
leur pouvoir naturel peut parvenir. Sicut etiam ex supra dictis, patet, naturali virtute hos
solos effectus producere possunt per modum artis ad quos inveniuntur virtutes
aliquae naturales in corporibus, quae eis ad motum localem obediunt, ut sic ea
possint ad aliquem effectum celeriter applicare. Huiusmodi autem virtutibus
verae transmutationes corporum fieri possunt, sicut secundum naturalem cursum
rerum videmus unum ex alio generari. Possunt nihilominus, aliqua mutatione
corporali facta, quaedam quae non sunt in rerum natura, in imaginatione facere
apparere per commotionem organi phantasiae, secundum diversitatem spirituum et
humorum: ad quod etiam aliqua corpora exteriora efficaciam habent, ut eis
aliquo modo adhibitis, videatur esse aliquid alterius formae quam sit, sicut
patet in phreneticis et mente captis. Comme aussi il est clair, d'aprиs ce qu'on a dit ci-dessus (art.
prйcйdent), qu'ils peuvent produire, par le pouvoir naturel, ces seuls effets
par mode d'art pour lesquels se trouvent des pouvoir naturels dans les corps,
qui leur obйissent pour le mouvement local, de sorte qu'ils peuvent ainsi les
appliquer rapidement а un effet. Mais par les pouvoirs de ce genre, de vrais
changements peuvent кtre opйrйs; ainsi selon le cours naturel des choses, nous
voyons l'un engendrй par l'autre. Nйanmoins ils peuvent, en effectuant un changement
naturel, faire apparaоtre dans l'imagination certaines choses qui ne sont pas
dans la nature, en agissant sur l'imaginaire, selon la diversitй des esprits et
des humeurs. A quoi aussi quelques corps extйrieurs apportent leur efficacitй,
de sorte que ceux-ci ayant йtй employй de quelque maniиre, il semble
qu'il y a quelque chose d'une forme autre que ce qu'elle est, comme c'est
йvident chez les agitйs et les malades mentaux Possunt ergo Daemones mirabiliter in nobis operari
dupliciter: uno modo per veram corporis transmutationem; alio modo per quamdam
illusionem sensuum ex aliqua immutatione imaginationis. Neutra tamen operatio
est miraculosa, sed est per modum artis, ut supra diximus; et ideo simpliciter
dicitur, quod per Daemones vera miracula fieri non possunt. Les dйmons peuvent donc opйrer йtonnamment en nous de deux maniиres: 1)
par un vrai changement du corps; 2) par une illusion des sens qui vient du
changement de l'imagination. Cependant ni l'une ni l'autre des opйrations est
miraculeuse, mais elles viennent de l'art, comme on l'a dit ci-dessus (art. 4),
et c'est pourquoi on dit absolument que les dйmons ne peuvent pas faire de
vrais miracles. Solutions: q. 6 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod signa et prodigia dicuntur aliqua quae virtute naturali
fieri possunt, hominibus tamen mira; vel etiam per sensum illusionem, ut dictum
est. # 1. On appelle signes et prodiges certaines choses qui peuvent кtre
faites par un pouvoir naturel, cependant йtonnantes pour les hommes, ou aussi
par l'illusion des sens, comme on l'a dit. q. 6 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod nihil prohibet, Daemonum arte, velocius aliquem posse
sanari quam per naturam si sibi relinquatur, quia hoc etiam videmus per artem
hominis fieri; non tamen videtur quod possint subito sanare (licet aliquos
alios effectus possint facere quasi subito), quia medicinae corpori humano
exhibitae operantur ad sanitatem quasi instrumenta; natura autem est sicut
agens principale; unde debent talia adhiberi quae possint a natura moveri; et
si plura adhiberentur, non conferrent ad sanitatem, sed magis impedirent. Unde
etiam illae infirmitates ad quarum sanitatem naturae virtus nullo modo potest,
operatione Daemonum sanari non possunt. Secus autem est de illis effectibus qui
dependent ab exteriori agente, sicut a causa principali. Sciendum autem est,
quod etiam si subito sanitatem Daemones perficerent, non esset miraculum, ex
quo id agerent mediante naturali virtute, si id agerent. # 2. Rien n'empкche que par l'art des dйmons, quelqu'un puisse кtre
guйri plus vite que par la nature, si elle est laissйe а elle-mкme, parce que
nous le voyons faire par l'art de l'homme; il ne semble pas cependant qu'ils
puissent guйrir tout а coup (bien qu'ils puissent faire quelques autres effets
comme soudainement) parce que les remиdes apportйs au corps opиrent pour la
santй comme des instruments; mais la nature est а vrai dire l'agent principal;
c'est pourquoi de telles choses doivent кtre employйes а ce qui peut кtre mы
par la nature, et si plusieurs йtaient employйes, elles n'apporteraient pas la
santй, mais elles l'empкcheraient plutфt. C'est pourquoi mкme ces maladies pour
la guйrison desquelles le pouvoir de la nature ne peut rien, ne peuvent pas
кtre soignйes par l'action des dйmons. Mais il en est autrement de ces effets
qui dйpendent d'un agent extйrieur, comme d'une cause principale. Mais il faut
savoir que mкme si les dйmons achevaient soudain la guйrison, ce ne serait pas
un miracle, parce qu'ils agiraient par l'intermйdiaire d'un pouvoir naturel,
s'ils le faisaient. q. 6 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod locutio canum, et alia huiusmodi quae Simon magus
faciebat, potuerunt fieri per illusionem, et non per effectus veritatem. Si
tamen per effectus veritatem hoc fieret, nullum sequitur inconveniens, quia non
dabat cani Daemon virtutem loquendi, sicut datur mutis per miraculum, sed
ipsemet per aliquem motum localem sonum formabat, litteratae et articulatae
vocis similitudinem et modum habentem; per hunc enim modum etiam asina Balaam
intelligitur fuisse locuta Angelo tamen bono operante. # 3. Faire parler des chiens, et autres choses de ce genre que Simon le
magicien faisait, a pu кtre fait par illusion, et non par un effet rйel. Si
cependant il l'avait fait par un effet rйel, il n'en dйcoule aucun
inconvйnient, parce que le dйmon ne donnait pas а un chien le pouvoir de
parler, comme il est donnй aux muets par miracle, mais lui-mкme formait le son
par mouvement local, ayant la ressemblance et le mode d'une voix qui parle et
articule. Car par ce moyen, on comprend que l'вne de Balaam[5]
aussi a parlй par l'action d'un bon ange. q. 6 a. 5 ad 4 Et
similiter dicendum ad quartum de locutione simulacri; hoc enim factum fuit
Daemone, per motum aeris, sonum formante, similem humanae locutioni. # 4. Il faut dire de mкme pour l'objection 4, а propos de la parole de
la statue, car cela a йtй fait par le dйmon, par mouvement de l'air, en formant
un son semblable а la parole humaine. q. 6 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod non est remotum quin sit in commendationem castitatis,
quod Deus verus per suos Angelos bonos huiusmodi miraculum per retentionem
aquae fecisset, quia si qua bona in gentilibus fuerunt, a Deo fuerunt. Si autem
per Daemones factum est, nec hoc repugnat praedictis. Nam quiescere et moveri localiter,
ab eodem principio secundum genus sunt, quia per quam naturam aliquid movetur
ad locum, quiescit in loco. Unde sicut Daemones possunt movere corpora
localiter, ita possunt et a motu retinere. Nec tamen est miraculum, sicut
quando fit divinitus, quia hoc secundum naturalem virtutem Daemonis contingit
ad huiusmodi effectum determinatum. # 5. Il n'est pas exclus que ce soit pour recommander la chastetй que
le vrai Dieu ait fait par ses bons anges un miracle de ce genre, en retenant
l'eau, parce que, s'il y eut quelques biens chez les paпens, ils vinrent de
Dieu. Mais si cela a йtй fait par les dйmons, cela ne s'oppose pas а ce qui a
йtй dit. Car arrкter ou кtre mы localement, dйpend d'un mкme principe en genre,
parce que ce qui est mы vers un lieu par cette nature s'arrкte en lui. C'est
pourquoi, de mкme que les dйmons peuvent mouvoir les corps localement, de mкme
ils peuvent les retenir par mouvement. Et cependant ce n'est pas un miracle,
comme quand il a йtй fait divinement, parce que cela selon le pouvoir naturel
du dйmon arrive а un tel effet dйterminй. q. 6 a. 5 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod illae transformationes, de quibus Varro loquitur, non
fuerunt secundum veritatem, sed secundum apparentiam, per operationem Daemonis,
phantastico hominis secundum aliquam corporalem speciem immutato, sicut dicit
Augustinus. # 6. Les transformations dont parle Varron, ne furent pas rйelles, mais
en apparence, par l'opйration du dйmon; l'imagination de l'homme ayant йtй
changйe par une image corporelle, comme le dit Augustin (La citй de Dieu, XVIII, 18). q. 6 a. 5 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod per aliquem motum aeris, Daemones, Deo permittente,
possunt aliquas tentationes concitare, cum etiam per ventorum motum naturaliter
fieri videamus; et per hunc modum fuerunt adversitates Iob, operantibus
Daemonibus, procuratae. # 7. Par un mouvement de l'air, les dйmons, avec la permission de Dieu,
peuvent susciter certaines йpreuves, quand nous voyons aussi que c'est fait
naturellement par le mouvement du vent, et de cette maniиre, les dйmons par
leur action ont provoquй les malheurs de Job. q. 6 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod de operatione magorum Pharaonis duplex opinio in Glossa
tangitur: una est quod non fuerit vera conversio virgarum in serpentes, sed hoc
fuerit secundum apparentiam tantum per aliquam praestigiosam illusionem.
Augustinus autem in Glossa, ibidem posita, dicit quod fuit conversio vera
virgarum in serpentes; quod ex hoc verisimiliter probat, quia Scriptura eodem
vocabulo nominat et virgas magorum et virgam Moysi; quam constat vere in
serpentem esse conversam. Quod autem operatione Daemonum virgae in serpentes
sint conversae, miraculum non fuit; hoc enim fecerunt Daemones per aliqua
semina collecta, quae habebant vim putrefaciendi virgas, et in serpentes
convertendi. Sed quod Moyses fecit, miraculum fuit, quia, divina virtute,
absque omnis naturalis virtutis operatione, hoc effectum est. # 8. Au sujet des opйrations des magiciens du Pharaon, on rapporte une
double opinion dans la Glose (ordinaire):1) Il n'y a pas eu un vrai changement
des bвtons en serpents mais cela fut fait en apparence seulement par un
illusion de prestidigitation. Mais Augustin dans la glose, placйe lа mкme, dit
que ce fut un vrai changement des bвtons en serpents. Ce qu'il prouve de faзon
vraisemblable par le fait que l'Йcriture nomme avec le mкme mot les bвtons des
magiciens et celui de Moпse; ce qui montre, qu'il a йtй vraiment changй en
serpent. Mais que par l'opйration des dйmons, les bвtons aient йtй changйs en
serpents ne fut pas un miracle, car les dйmons le firent avec des semences
ramassйes, qui avaient le pouvoir de faire pourrir les bвtons, et de les
changer en serpents. Mais que Moпse le fit, c'est un miracle, parce que cela a
йtй fait par le pouvoir divin, sans l'intervention de tout pouvoir naturel. q. 6
a. 5 arg. 9 Praeterea, operatio miraculorum magis est remota a virtute humana
quam a virtute angelica. Sed per malos homines interdum miracula fiunt; unde ex
persona reproborum dicitur Matth. cap. VII, 22: in
nomine tuo prophetavimus, (...) et virtutes multas fecimus. Ergo et per
Daemones vera miracula fieri possunt. # 9. Opйrer des miracles est plus йloignй du pouvoir de l'homme que de
celui de l’ange. Mais quelquefois des miracles arrivent par des mйchants; c’est
pourquoi, il est dit de la personne des rйprouvйs (Mt. 7, 22):"En ton nom,
nous avons prophйtisй… et nous avons fait de nombreuses miracles." Donc
les dйmons peuvent faire de vrais miracles. q. 6 a. 5 ad s. c.
Ad ultimum, quod in contrarium obiicitur, dicendum, quod tempore Antichristi
Diaboli potestas solvenda dicitur, in quantum ei multa facere permittentur,
quae modo non permittuntur; unde et operabitur multa ad eorum seductionem qui
hoc meruerunt non acquiescendo veritati. Operabitur autem quaedam praestigiose,
in quibus nec erit verus effectus nec miracula. Operabitur etiam quaedam per
veram corporum immutationem, in quibus si erunt veri effectus, non tamen vera
miracula, quia erunt per causas naturales operata. Quae etiam mendacia dicuntur quantum ad intentionem facientis, qui per
huiusmodi mirabilia opera inducit homines ad credendum mendaciis. # Pour le dernier argument en sens contraire: Il faut dire qu'on
annonce que la puissance du diable sera libйrйe au temps de l'Antйchrist, dans
la mesure oщ il lui sera permis de faire de nombreuses њuvres, c'est pourquoi
il fera beaucoup pour la sйduction de ceux qui l'ont mйritй en n'acquiesзant
pas а la vйritй; mais il fera certaines choses par prestidigitation, dans
lesquels il n'y aura ni vrais effets ni vrais miracles. Il fera aussi certaines
choses par un vrai changement des corps dans lesquels si les effets sont vrais,
il n'y aura pas cependant de miracles, parce qu'ils auront йtй opйrйs par les
causes naturelles. On dit que ce sont des mensonges dans l'intention de celui
qui les opиre qui par des miracles de ce genre, incite les hommes а croire а
ses mensonges.
[1] Parall.: Ia, qu. 114,
a. 4, — qu. 110, a. 4, ad 2 — IIa / IIж qu. 178, a. 1, ad 2.— CG. III, 154 — De
malo, qu. 16, a. 9 — II Sent. d7.q3a1 — In Matth, c. 24 — II Thess. , c. 2,
lectio 2 – Opus III, c. 136. [2]
Cf. Act. 8, 9-24, oщ ce dйtail n'est pas signalй. [3]
Auteur du Ier siиcle av. J.C.. Son ouvrage est un recueil d'anecdotes. [4]
Йcrivain encyclopйdiste romain (de 116 а 28 av. J. C.). [5]
Nombres, 22, 28.
Article 6: Les anges et les dйmons ont-ils des corps qui leur sont unis
naturellement?
q. 6 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum Angeli et Daemones habeant corpora naturaliter sibi
unita. Et videtur quod sic.
Il semble que oui[1].
Objections:
q. 6 a. 6 arg. 1 In
quolibet enim animali est corpus naturaliter spiritui unitum. Sed Angeli et
Daemones sunt animalia: dicit enim Gregorius in homilia Epiphaniae, quod
Iudaeis, tamquam ratione utentibus, rationale animal, id est Angelus annuntiare
debuit. De Daemonibus vero dicit Augustinus: Daemones
aerea sunt animalia, quia corporum aereorum natura vigent. Ergo
Angeli et Daemones habent corpora naturaliter sibi unita. 1. Car n'importe quel кtre animй a un corps naturellement uni а
l'esprit. Mais les anges et les dйmons sont des кtres animйs; en effet,
Grйgoire [le grand] dit dans une homйlie sur l'Йpiphanie (Hom. X, sur
l'Йvangile), qu'"un кtre animй raisonnable, c'est-а-dire l'ange, a dы
l'annoncer aux Juifs, en tant qu'ils se servent de raison." Augustin dit
des dйmons (La Genиse au sens littйral,
III, X, 14: "Les dйmons sont des кtres animйs aйriens, parce que par
nature ils ont des corps aйriens." Donc, les anges et les dйmons ont des
corps qui leur sont unis naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 2
Praeterea, Origenes dicit in periarchon, quod nulla substantia spiritualis sine
corpore esse potest, nisi solus Deus. Cum ergo Angeli et Daemones sint
substantiae creatae, videtur quod habeant corpora naturaliter sibi unita. 2. Origиne dit dans le Peri Archфn (Livre I, ch. 6[2]) qu'aucune
substance spirituelle ne peut exister sans corps, sinon Dieu seul[3]. Donc,
comme les anges et les dйmons sont des substances crййes, il semble qu'ils ont
des corps qui leur sont unis naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 3
Praeterea, phantasia et irascibilis et concupiscibilis sunt vires organis
utentes. Haec autem sunt in Daemonibus, et eadem ratione in Angelis: dicit enim
Dionysius, quod malum Daemonis est furor irascibilis, concupiscentia amoris,
phantasia proterva. Ergo habent corpora naturaliter sibi unita. 3. L'imagination, l'irascible et le concupiscible sont des forces qui
se servent d'organes. Mais ils sont dans les dйmons, et pour la mкme raison
dans les anges. Car Denys dit (Les Noms divins, IV, 23, 725 B.[4]) que le mal
chez le dйmon est une fureur irascible, une convoitise de l'amour, une
imagination effrontйe[5]." Donc ils ont des corps qui leur sont unis
naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 4
Praeterea, aut Angeli sunt compositi ex materia et forma, aut non. Si sunt
compositi ex materia et forma, oportet eos esse corpora; cum enim materia in se
considerata sit una, quia non diversificatur nisi per formas, oportet quod
omnium diversorum materiam habentium intelligantur diversae formae, in diversis
partibus materiae receptae, nam secundum idem materia diversas formas recipere
non potest. Diversitas autem partium intelligi non potest in materia sine eius
divisione, nec divisio sine dimensione, quia sine quantitate substantia
indivisibilis est, ut dicitur in Lib. I Phys. 4. Ou bien les anges sont composйs de matiиre et de forme, ou non.
S'ils le sont, il faut qu'ils soient des corps, puisque en effet la matiиre
considйrйe en soi est une, parce qu'elle n'est diffйrenciйe que par les formes,
il faut qu'on comprenne que les diffйrentes formes de tous les diffйrents кtres
pourvus de matiиre, soient reзues dans les diffйrentes parties de la matiиre,
car la matiиre ne peut pas recevoir diffйrentes formes selon le mкme. Mais on
ne peut comprendre la diversitй des parties dans la matiиre sans sa division,
ni sa division sans dimension, parce que, sans quantitй la substance est
indivisible, comme il est dit, en Physique
(I, 2, 185 b 1 ss.).
Ergo oportet quod omnia habentia materiam habeant
dimensionem, et per consequens corpora. Si autem non sunt compositi ex materia
et forma, aut sunt formae per se stantes, aut formae corporibus unitae. Si sunt
formae per se stantes, oportet, quod non habeant esse ab alio causatum; cum
enim forma sit essendi principium in quantum huiusmodi, illud quod est forma
tantum, non habet esse causatum, sed solum est aliis causa essendi. Si autem
sunt formae corporibus unitae, oportet quod habeant corpora naturaliter sibi
unita: unio enim formae et materiae est naturalis. Relinquitur ergo quod
oportet unum istorum trium ponere, scilicet quod Angeli vel sint corpora, vel
sint substantiae increatae, vel habeant corpora naturaliter unita. Sed prima
duo sunt impossibilia. Ergo tertium est ponendum. Donc il faut que tout ce qui a de la matiиre ait une dimension et par
consйquent un corps. Mais s'ils ne sont pas composйs de matiиre et de forme, ce
sont des formes subsistantes par soi, ou des formes unies а des corps. Si ce
sont des formes subsistantes par soi, il ne faut pas qu'elles aient un кtre
causй par un autre; car, comme la forme est le principe d'кtre, en tant que
tel, ce qui est forme seulement n'a pas un кtre causй, mais est seulement cause
d'кtre pour d'autres. Mais si ce sont des formes unies а des corps, il faut
qu'elles aient un corps qui leur soit naturellement uni, car l'union de la
forme et de la matiиre est naturelle. Il reste donc qu'il faut admettre l'une
de ces trois solutions, а savoir que les anges sont des corps, ou des
substances incrййes, ou ils ont un corps qui leur est naturellement uni. Mais
les deux premiиres solutions sont impossibles. Donc il faut prendre la
troisiиme.
q. 6 a. 6 arg. 5
Praeterea, forma, in quantum huiusmodi, est secundum quam aliquid formatur. Id
ergo quod est forma tantum, est formans nullo modo formatum; quod est solius
Dei, qui est species prima, a qua omnia sunt speciosa, ut dicit Augustinus,
VIII de Civit. Dei. Ergo Angeli non sunt formae tantum, et ita sunt corporibus
unitae. 5. La forme, en tant que telle, est selon ce quoi une chose est formйe.
Donc ce qui est forme seulement donne la forme, sans кtre mis en forme en aucune
maniиre; ce qui appartient а Dieu seul qui est une forme (species) premiиre par
laquelle toutes choses sont spйcifiйes, comme le dit Augustin (La Citй de Dieu, VIII). Donc les anges
ne sont pas des formes seulement mais des formes unies а des corps.
q. 6 a. 6 arg. 6
Praeterea, sicut anima non potest operari aliquem effectum in exterioribus
corporibus nisi mediantibus corporeis instrumentis, ita nec Angelus nisi
corporalibus aliquibus virtutibus, quibus utitur velut instrumentis. Sed anima ad exercendas suas operationes habet corporea organa
naturaliter sibi unita. Ergo et Angeli. 6. De mкme que l'вme ne peut produire un effet dans les corps
extйrieurs que par l'intermйdiaire d'organes corporels, de mкme l'ange ne le
peut que par des pouvoirs corporels qu'il utilise comme instruments. Mais l'вme
pour exercer ses opйrations a des organes corporels qui lui sont unis
naturellement. Donc l'ange aussi.
q. 6 a. 6 arg. 7
Praeterea, primus motus in corporibus est quo movetur corpus a substantia
incorporea. Primus autem motus est moventis se ipsum, ut habetur in VIII
Physic.: quia quod per se est, prius est eo quod per aliud est. Ergo quod
immediate movetur a substantia incorporea, movetur sicut motum ex se. Sed hoc
non potest esse, nisi substantia incorporea movens sit corpori naturaliter
unita. Cum ergo Angeli et Daemones moveant immediate corpora, ut supra dictum
est, videtur quod habeant corpora naturaliter sibi unita. 7. Le premier mouvement dans les corps est celui par lequel le corps
est mы par une substance incorporelle. Mais le premier mouvement vient de celui
qui se meut lui-mкme, comme on le dit en Physique
VIII; parce que ce qui est par soi, est avant ce qui est par un autre. Donc ce
qui est mы sans intermйdiaire par une substance incorporelle est mы comme par
lui-mкme. Mais cela n'est possible que si la substance incorporelle qui meut
est naturellement unie а un corps. Donc, comme les anges et les dйmons meuvent
immйdiatement les corps, comme on l'a dit ci-dessus (art. 2 de cette question),
il semble qu'ils ont un corps qui leur est uni naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 8
Praeterea, nobilius habet vitam quod vivit et vivificat, quam quod vivit
tantum, sicut perfectius est lux in eo quod lucet et illuminat, quam in eo quod
tantum lucet. Sed anima humana vivit, et vivificat corpus naturaliter sibi
unitum. Ergo et Angelus non minus nobiliter vivit quam anima. 8. Plus noble est ce qui vit et vivifie que ce qui vit seulement, de
mкme plus parfaite est la lumiиre lа oщ elle йclaire et prend source, que lа oщ
elle йclaire seulement. Mais l'вme humaine vit, et donne la vie au corps qui
lui est naturellement uni. Donc l'ange ne vit pas moins noblement que l'вme.
q. 6 a. 6 arg. 9
Praeterea, omnis motus corporis diversimode moti, est motus moventis se ipsum,
quia quod movetur uno motu tantum, non videtur esse movens se ipsum, ut dicitur
in VIII Phys. Sed corpus caeleste movetur diversis motibus; unde planetae ab
astrologis quandoque dicuntur recti, quandoque retrogradi, quandoque
stationarii. Ergo motus superiorum corporum est mobilium moventium seipsa; et
sic corpora illa sunt composita ex substantia corporali et spirituali. Sed illa
spiritualis substantia non est anima humana, nec est Deus. Ergo est Angelus.
Angelus ergo habet corpus naturaliter sibi unitum. 9. Tout mouvement d'un corps mы de diffйrentes maniиres, est le
mouvement de celui qui se meut lui-mкme, parce que ce qui est mы par un seul
mouvement ne semble pas кtre moteur lui-mкme, comme on le dit en Physique (VIII, 4, 255 a 5). Mais le
corps cйleste est mы par diffйrents mouvements; c'est pourquoi les astronomes
disent que quelquefois les planиtes avancent droit, quelquefois reculent,
quelquefois sont stationnaires. Donc le mouvement des corps supйrieurs est
celui des mobiles qui se meuvent eux-mкmes, et ainsi ces corps sont composйs de
substance corporelle et spirituelle. Mais cette substance spirituelle n'est pas
une вme humaine, ni Dieu. Donc c'est un ange. Donc il a un corps qui lui est
naturellement uni.
q. 6
a. 6 arg. 10 Praeterea, nihil agit ultra suam speciem. Sed corpora caelestia causant vitam in istis
inferioribus, ut patet in animalibus ex putrefactione generatis per virtutem
caelestium corporum. Cum ergo substantia vivens sit nobilior non vivente, ut
dicit Augustinus, videtur quod corpora caelestia habeant vitam et ita habeant
substantias spirituales sibi naturaliter unitas; et sic idem quod prius. 10. Rien n'agit au-delа de son espиce; mais les corps cйlestes causent
la vie dans les corps infйrieurs, comme on le voit dans les animaux engendrйs de
la putrйfaction par leur pouvoir. Donc comme la substance vivante est plus
noble que celle sans vie, comme le dit Augustin (La vraie religion, XXIX et XL), il semble que les corps cйlestes
ont une vie et qu'ainsi ils ont des substances spirituelles qui leur sont unies
naturellement, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 11
Praeterea, primum mobile est corpus caeleste. Sed philosophus probat, quod
omnia mota reducuntur ad primum mobile, quod ex se movetur. Ergo caelum est ex
se motum. Ergo est compositum ex corpore moto et movente immobili, quod est
substantia spiritualis; et sic idem quod prius. 11. Le premier mobile est le corps cйleste. Mais le Philosophe prouve (Physique, VIII, 2, 252 b 12 ss.) que
tous les mouvements sont ramenйs au premier mobile qui se meut de lui-mкme.
Donc le ciel se meut de lui-mкme. Donc il est composй d'un corps mы et d'un
moteur immobile, qui est une substance spirituelle, et ainsi de mкme que
ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 12
Praeterea, secundum Dionysium, supremum inferioris naturae semper attingit ad
infimum naturae superioris, divina sapientia res taliter ordinante. Sed
supremum in natura corporali est corpus caeleste, cum sit nobilissimum
corporum. Ergo attingit ad naturam spiritualem et ei unitur; et sic idem quod
prius. 12. Selon Denys (Les noms divins,
VII, § 3, 872 A[6]), le plus haut de la nature infйrieures touche toujours au
plus bas de la nature supйrieure, la divine sagesse ayant organisй les choses
ainsi. Mais le supйrieur dans la nature corporelle est le corps cйleste,
puisqu'il est le plus noble des corps. Donc il touche а la nature spirituelle
et lui est uni, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 13
Praeterea, corpus caeli est nobilius corpore humano, sicut perpetuum
corruptibili. Sed corpus humanum est unitum naturaliter substantiae spirituali.
Ergo multo magis corpus caeleste, cum nobilioris corporis sit nobilior forma;
et sic idem quod prius. 13. Le corps du ciel est plus noble que le corps humain, comme
l'йternel est plus noble que le corruptible. Mais le corps humain est uni
naturellement а une substance spirituelle. Donc beaucoup plus le corps cйleste,
puisqu'il est la forme plus noble d'un corps plus noble, et ainsi de mкme que
ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 14
Praeterea, invenimus quaedam animalia ex terra formata, sicut homines et
bestias; quaedam ex aquis, ut pisces et volatilia, ut patet Gen. I. Ergo et
quaedam erunt aerea, quaedam ignea, et caelestia. Haec autem non sunt alia quam
Angeli et Daemones, quia cum illa sint nobiliora corpora, oportet in eis esse
nobiliora animalia. Ergo Angeli et Daemones sunt animalia, et ita habent
corpora naturaliter unita. 14. Nous trouvons des кtres animйs[7], formйs de la terre comme les
hommes et les animaux; certains de l'eau comme les poissons et les volatiles,
comme on le voit en Gn. 1. Donc aussi certains seront aйriens, certains ignйs
et cйlestes. Mais ils ne sont pas autres que les anges et les dйmons, parce que
ce sont des corps plus nobles, il faut qu'il y ait en eux des кtres animйs plus
nobles. Donc les anges et les dйmons sont des кtres animйs, et ainsi ils ont un
corps qui leur est naturellement uni.
q. 6 a. 6 arg. 15
Praeterea, hoc idem videtur per Platonem, qui in Timaeo ponit esse quoddam
animal terrena soliditate firmatum, quoddam vero liquoribus accommodatum,
quoddam autem aeri vagum, aliud divinitate plenum; quod non potest intelligi
nisi Angelus. Ergo Angelus est animal; et sic idem quod prius. 15. Platon semble dire la mкme chose dans le Timйe; il considиre qu’il y a un кtre animй, fortifiй d’une
soliditй terrestre, adaptй aux liquides, flottant dans l'air, un autre plein de
divinitй, ce qui ne peut кtre compris que de l’ange. Donc l’ange est un кtre
animйet ainsi c’est la mкme chose que ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 16 Praeterea, nihil movetur nisi
corpus, ut probatur in VI Physic. Sed Angelus movetur. Ergo vel est
corpus, vel habet corpus naturaliter sibi unitum. 16. Rien n'est mы qu'un corps, comme on le prouve en Physique (VI, 10, 240 a 24 а 241 a 14).
Mais l’ange est mы. Donc ou bien il est un corps ou il a un corps qui lui est
uni naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 17
Praeterea, verbum Dei est nobilius quolibet Angelo. Sed verbum Dei est corpori
unitum. Ergo non est contra dignitatem Angeli, si ponatur corpori naturaliter
unitus. 17. Le Verbe de Dieu est plus noble que n’importe quel ange; mais il
est uni а un corps. Donc il n’est pas contraire а la dignitй de l’ange de
penser qu’il est naturellement uni а un corps.
q. 6 a. 6 arg. 18
Praeterea, Porphyrius dicit in praedicabilibus, quod mortale additum in
definitione hominis, separat nos a diis per quod non possunt nisi Angeli
intelligi. Ergo Angeli sunt animalia, et sic habent corpora naturaliter unita. 18. Porphyre[8] dit (Les prйdicables, chapitre de la diffйrence) que
"mortel" ajoutйe а la dйfinition de l’homme nous sйpare des dieux,
terme par lesquels on ne peut comprendre que les anges. Donc ce sont des кtres
animйs, et ainsi ils ont des corps naturellement unis a eux.
En sens contraire:
q. 6 a. 6 s. c. 1
Sed contra. Damascenus dicit, quod Angelus est substantia intellectualis,
semper mobilis, arbitrio libera, incorporea. 1. Jean Damascиne dit (La Foi
orthodoxe, livre II, ch. 3) que "l’ange est une substance
intellectuelle, toujours en mouvement, douйe du libre arbitre, incorporelle."
q. 6 a. 6 s. c. 2
Praeterea, in libro de causis, dicitur, quod intelligentia est substantia quae
non dividitur; et dicit ibi Commentator, quod neque est magnitudo neque super
magnitudinem delata. Sed Angelus est intelligentia; quod patet per Dionysium,
qui vocat Angelos divinas mentes et divinos intellectus. Ergo Angelus nec est
corpus, nec corpori unitus. 2. Dans le livre des causes,
(prop. 7), il est dit que l’intelligence est une substance indivisible; et le
Commentateur dit а ce sujet qu'elle est pas une grandeur, et ni au-delа de la
grandeur. Mais l’ange est une intelligence, ce que montre Denys (Les noms divins, ch. 7) qui appelle les
anges des esprits et des intellects divins. Donc l’ange n’est pas un corps et
il n’est pas uni а un corps.
q. 6 a. 6 s. c. 3
Praeterea, differentiae dividentes Angelum ab anima, sunt unibile et non
unibile corpori. Si ergo Angelus esset unitus corpori, in nullo ab anima
differret; quod est inconveniens. 3. Les diffйrences qui sйparent l’ange de l’вme, sont la possibilitй ou
non de s'unir а un corps. Donc si l’ange йtait uni а un corps, il ne
diffйrerait en rien de l’вme, ce qui ne convient pas.
q. 6 a. 6 s. c. 4
Praeterea, invenitur quaedam substantia spiritualis quae dependet a corpore
quantum ad principium et quantum ad finem, sicut anima vegetabilis et
sensibilis; quaedam autem quae dependet a corpore quantum ad principium et non
quantum ad finem, sicut anima humana. Ergo erit quaedam quae non indiget
corpore neque quantum ad principium neque quantum ad finem; et huiusmodi non
potest esse alia quam Angelus vel Daemon. Quod autem sit aliqua quae indigeat
corpore quantum ad finem et non quantum ad principium, non est possibile. 4. On trouve une substance spirituelle qui dйpend du corps, pour son
principe et sa fin[9], comme l'вme vйgйtative et l'вme sensitive; mais une qui
dйpend du corps pour le principe et non pour la fin, comme l'вme humaine. Donc
il y en aura une qui n'a pas besoin de corps ni pour le principe ni pour la fin;
et de ce genre, il n'est pas possible qu'il y en ait d'autres que l'ange ou le
dйmon. Mais il est impossible qu'il y en ait une qui a besoin du corps, pour la
fin et non pour son principe.
q. 6 a. 6 s. c. 5
Praeterea, quaedam forma est quae nec est anima nec spiritus, sicut forma
lapidis; quaedam etiam est quae est anima, sed non spiritus, sicut forma bruti;
quaedam quae est anima et spiritus, sicut forma hominis. Quaedam ergo erit quae
erit spiritus et non anima: et huiusmodi est Angelus; et sic non est corpori
unitus naturaliter, quod est de ratione animae. 5. Il y a une forme qui n'est ni вme ni esprit, comme la forme de la
pierre, une aussi qui est вme et non esprit comme la forme de l'animal; une qui
est вme et esprit, comme la forme de l'homme. Donc il y en aura une qui sera
esprit et non вme, et l'ange est de ce genre; et ainsi il n'est pas uni
naturellement а un corps, ce qui est de la nature de l'вme.
Rйponse:
q. 6 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum quod circa substantias incorporeas ponendas, antiqui
diversimode processerunt. A propos des substances incorporelles, les anciens philosophes ont
procйdй de diffйrentes maniиres.
Quidam namque antiqui philosophi dixerunt, nullam
substantiam incorpoream esse, sed omnes substantias esse corpora; in quo etiam
errore se quandoque fuisse Augustinus confitetur. A. Car certains philosophes anciens ont dit qu'il n'existe
aucune substance incorporelle, mais que toutes sont corporelles, Augustin
confesse кtre tombй quelquefois dans cette erreur (les Confessions).
Haec autem positio est etiam per philosophos improbata:
Aristoteles autem hac via improbavit eam, quod oportet esse aliquam virtutem
moventem infinitam; alias motum perpetuum movere non posset. Ostendit iterum
quod omnis virtus in magnitudine est virtus finita. Unde relinquitur quod
oporteat esse aliquam virtutem penitus incorpoream, quae continuitatem motus
causet. Cette position est dйsapprouvйe par les philosophes; Aristote (Physique, VIII) la rйprouve de cette
maniиre: il faut qu'il y ait un pouvoir moteur infini, autrement il ne pourrait
pas produire un mouvement йternel. Il montre de plus que tout pouvoir est fini
en grandeur. C'est pourquoi il reste qu'il faut qu'il y ait un pouvoir tout а
fait incorporel, qui cause la continuitй du mouvement.
Iterum hoc probavit alio modo, quia actus est prius potentia,
et natura et tempore, simpliciter loquendo; quamvis in uno aliquo quod de
potentia exit in actum, potentia tempore praecedat: sed quia oportet quod in
actum reducatur per aliquod ens actu, oportet quod actus sit simpliciter prior
potentia etiam tempore. Unde cum omne corpus sit in potentia, quod ipsius
mobilitas ostendit, oportet ante omnia corpora esse substantiam immobilem
sempiternam. En plus il le prouve d’une autre maniиre Mйtaphysique XIII); parce que l'acte[10] est avant le puissance,
par nature et en temps, absolument parlant, quoique dans ce qui passe de la
puissance а l'acte, la puissance prйcиde en temps; mais parce qu'il faut
qu'elle soit ramenйe а l'acte par un йtant en acte, il faut que l'acte soit
absolument avant la puissance mкme dans le temps. C'est pourquoi comme tout
corps est en puissance, ce que montre sa mobilitй, il faut qu'avant tout corps
il y ait une substance immobile йternelle.
Tertia autem ratio potest sumi ad hoc ex sententiis
Platonicorum: oportet enim ante esse determinatum et particulatum, praeexistere
aliquid non particulatum, sicut si ignis natura particulariter, et quodammodo
participative, invenitur in ferro, oportet prius inveniri igneam naturam in eo
quod est per essentiam ignis; unde, cum esse et reliquae perfectiones et formae
inveniantur in corporibus quasi particulariter, per hoc quod sunt in materia
receptae, oportet praeexistere aliquam substantiam incorpoream, quae non
particulariter, sed cum quadam universali plenitudine perfectionem essendi in
se habeat. Quod autem posuerunt sola corpora esse substantias, ex hoc decepti
fuerunt quod imaginationem transcendere intellectu non valentes (quae solum est
corporum) ad substantias incorporeas cognoscendas (quae solo intellectu
capiuntur) pertingere non valuerunt. On peut tirer une troisiиme raison des opinions des Platoniciens; car,
avant qu'existe une chose dйterminйe et particularisйe, il faut qu'il en
prйexiste une non particularisйe, ainsi si la nature du feu particuliиrement et
d'une certaine maniиre par participation, se trouve dans le fer, il faut
trouver avant une nature ignйe en ce qui est feu par essence; c'est pourquoi,
comme l'кtre, les autres perfections et les formes se trouvent dans les corps
pour ainsi dire de faзon particuliиre, du fait qu'ils sont reзus dans la
matiиre, il faut que prйexiste une substance incorporelle, non particularisйe,
mais qui, avec une plйnitude universelle, ait la perfection de l'кtre en soi.
Mais ayant pensй que seuls les corps йtaient des substances, ils se sont
trompйs, parce qu'ils n'йtaient pas capables de dйpasser en esprit
l'imagination qui concerne seulement les corps, ils n'ont pas pu parvenir а
connaоtre les substances incorporelles, qui sont saisies seulement par
l'esprit.
Alii vero fuerunt substantiam incorpoream ponentes; sed eam
dixerunt esse corpori unitam, nec aliquam substantiam incorpoream inveniri quae
non sit corporis forma. Unde ponebant ipsum Deum esse animam mundi, sicut de
Varrone dicit Augustinum in VII libro de civitate Dei quod Deus est anima, motu
et ratione mundum gubernans. Unde dicebat, quod totus mundus est Deus propter
animam et non propter corpus, sicut et homo dicitur propter animam sapiens, et
non propter corpus. Et propter hoc gentiles toti mundo et omnibus partibus eius
divinitatis cultum exibebant. B) Il y en a d'autres qui ont pensй que la substance incorporelle
existait, mais ils dirent qu'elle йtait unie а un corps, et qu'on ne trouvait
pas de substance incorporelle qui ne soit la forme d'un corps. C'est pourquoi
ils pensaient que Dieu йtait l'вme du monde, comme dit Augustin а propos de
Varron, (La citй de Dieu, IV, 31)
parce que Dieu est une вme qui gouverne le monde par mouvement et raison. C'est
pourquoi il disait que le monde tout entier est Dieu en raison de l'вme et non
du corps, comme on dit que l'homme est appelй sage en raison de son вme, et non
en raison de son corps. Et c'est pour cela que les paпens rendaient un culte
divin au monde entier et а toutes ses parties.
. Sed haec etiam positio per ipsos philosophos est improbata
multipliciter Mais cette opinion est dйsapprouvйe de multiples maniиres par les
philosophes eux-mкmes.
Primo quidem, quia virtus unita alicui corpori ut forma,
habet determinatam actionem, ex eo quod tali corpori unitur; unde, cum oporteat
esse aliquod agens universale influentiam habens per omnia corpora, eo quod
primum movens non potest esse corpus, ut supra ostensum est, relinquitur quod
oportet esse aliquod incorporeum, quod nulli corpori est unitum; unde
Anaxagoras posuit intellectum immixtum, ut imperet, sicut dicitur in VIII
Physic.; imperium enim est alicuius praeeminentis his quibus imperat, et eis
non subditi nec ad ea obligati. 1) Parce qu'un pouvoir uni а un corps comme forme a une action limitйe,
du fait qu'il est uni а tel corps; c'est pourquoi, puisqu'il faut qu'il y ait
un agent universel qui a de l'influence par tous les corps, parce que le
premier moteur ne peut pas кtre un corps, comme on l'a montrй ci-dessus, il
reste qu'il faut qu'il y ait un кtre incorporel, qui ne soit uni а aucun corps;
c'est pourquoi Anaxagore a pensй а un l'intellect sans mйlange, pour commander,
comme il est dit en Physique (VIIII,
5, 256 b 24-26[11]); car le pouvoir appartient а quelqu'un qui domine ce qu'il
commande, sans lui кtre ni soumis ni obligй.
Secundo, quia si quaelibet substantia incorporea est corpori
unita ut forma, oportet primum quod movetur, movere seipsum ad modum animalis,
quasi compositum ex substantia corporali et spirituali. Movens autem seipsum,
movet se per voluntatem, in quantum aliquid appetit: appetitus enim est movens
motum, appetibile autem est movens non motum. Oportet ergo supra substantiam
corpoream coniunctam corpori, esse aliquid aliud superius quod moveat eam,
sicut appetibile movet appetitum; et hoc oportet esse intellectuale bonum, quia
hoc est appetibile, quia est simpliciter bonum; sensibile autem appetibile
appetitur, quia est hic et nunc bonum. 2) Parce que, si quelque substance incorporelle est unie а un corps
comme une forme, il faut d'abord que ce qui est mы se meuve lui-mкme а la
maniиre de l'animal; comme composй de substance corporelle et spirituelle. Mais
celui qui se meut lui-mкme se meut par volontй, dans la mesure oщ il a un
dйsir, car l'appйtit est un moteur mы, mais l'appйtible un moteur non mы. Il
faut donc qu'au-dessus d'une substance corporelle jointe а un corps il y ait
quelque chose de supйrieur qui la mette en mouvement, comme l'appйtible meut
l'appйtit et il faut que ce soit un bien intellectuel, parce qu'il est
l'appйtible, parce que c'est simplement un bien, mais l'appйtible sensible est
dйsirй, parce que c'est un bien d'ici et maintenant.
Intellectuale autem bonum oportet esse incorporeum, quia
nisi esset absque materia, non intelligeretur; et ex hoc ipso oportet ipsum esse
intelligens: substantia enim quaelibet est intelligens ex hoc quod est a
materia immunis. Oportet ergo supra substantiam coniunctam corpori, esse aliam
substantiam superiorem incorpoream vel intellectualem corpori non unitam. Et
haec est probatio Aristotelis in XI Metaph.: non enim potest dici, quod movens
seipsum, nihil desideret extra se, quia nunquam moveretur: motus enim est ad
acquirendum aliquid extrinsecum aliquo modo. Mais le bien de l'esprit doit кtre incorporel, parce que, s'il n'йtait
pas sans matiиre, il ne serait pas compris, et de ce fait, il faut qu'il soit
douй d'esprit, car une substance est “intellige” du fait qu'elle est exempte de
matiиre. Donc il faut qu'au-dessus de la substance jointe au corps, il y en ait
une autre supйrieure, incorporelle ou intellectuelle, non unie а un corps. Et
c'est la dйmonstration d'Aristote en Mйtaphysique
XI; car on ne peut pas dire que ce qui se meut soi-mкme ne dйsirerait rien hors
de lui, parce qu'il ne se mettrait jamais en mouvement: car le mouvement est
d'une certaine maniиre pour acquйrir quelque chose d'extйrieur.
Tertio, quia cum movens seipsum possit moveri et non moveri,
ut dicitur in VII Phys., si aliquid motum ex se continue movetur, oportet quod
stabiliatur in movendo ab aliquo exteriori, quod est omnino immobile. Caelum
autem, cuius animam dicebant Deum, videmus continue moveri; unde oportet supra
illam substantiam quae est anima mundi, si qua est, esse aliam superiorem
substantiam, quae nulli corpori est coniuncta, quae est per seipsam subsistens.
3) Parce que celui qui se meut lui-mкme peut se mouvoir ou pas, comme
on le dit en Physique (VII, 4, 249 a
8); si un moteur est mы continuellement par lui-mкme, il faut qu'il soit
maintenu en mouvement par quelque chose d'extйrieur, qui est tout а fait
immobile. Mais nous voyons le ciel, dont ils disaient que Dieu йtait l'вme, se
mouvoir continuellement, c'est pourquoi il faut, au-dessus de cette substance
qui est l'вme du monde, s'il y en a une, une autre substance supйrieure, jointe
а aucun corps, et subsistante par soi.
Illi autem qui posuerunt omnem substantiam corpori unitam,
ex hoc videntur fuisse decepti quod materiam credebant causam subsistentiae et
individuationis in omnibus entibus, sicut est in rebus corporalibus; unde
substantias incorporeas non credebant posse subsistere nisi in corpore, sicut
etiam per modum obiectionis tangitur in Comment. Lib. de causis. Mais ceux qui ont pensй que toute substance йtait unie а un corps,
semblent de ce fait s'кtre trompйs, parce qu'ils croyaient que la matiиre йtait
la cause de la subsistance et de l'individuation dans tous les кtres, comme
c'est le cas dans les corps, c'est pourquoi ils croyaient que les substances
incorporelles ne pouvaient subsister que dans un corps, comme on en parle par
maniиre d'objection dans le commentaire du livre Des Causes.
His opinionibus abiectis, Plato et Aristoteles posuerunt
aliquas substantias esse incorporeas; et earum quasdam esse corpori coniunctas,
quasdam vero nulli corpori coniunctas. Plato namque posuit duas substantias
separatas, scilicet Deum patrem totius universitatis in supremo gradu; et
postmodum mentem ipsius, quam vocabat paternum intellectum, in qua erant rerum
omnium rationes vel ideae, ut Macrobius narrat. Substantias autem incorporeas
corporibus unitas ponebat multiplices: quasdam quidem coniunctas caelestibus
corporibus, quas Platonici deos appellabant; quasdam autem coniunctas
corporibus aeris, quas dicebant esse Daemones. Unde Augustinus in VIII de civitate
Dei, introducit hanc definitionem Daemonum ab Apuleio datam: Daemones sunt
animalia mente rationalia, animo passiva, corpore aerea, tempore aeterna. Et omnibus praedictis substantiis
incorporeis, ratione suae sempiternitatis, gentiles Platonici dicebant cultum
divinitatis exhibendum. Ponebant etiam ulterius substantias incorporeas
grossioribus terrae corporibus unitas, terrenis scilicet et aqueis, quae sunt
animae hominum et aliorum animalium. C. Ces opinions une fois rejetйes, Platon et Aristote ont pensй qu'il y
avait des substances incorporelles, et que certaines d'entre elles йtaient
unies а un corps, certaines non. Platon, en effet, a posй deux substances
sйparйes, а savoir Dieu, le pиre de tout l'univers, au degrй suprкme, et
ensuite son esprit, qu'il appelait l'intellect paternel, en qui il y a avait
toutes les raisons ou idйes des choses, comme Macrobe[12] le raconte dans Le songe de Scipion (1). Mais il pensait
que les substances incorporelles unies а ces corps йtaient multiples, certaines
unies aux corps cйlestes, que les Platoniciens appelaient des dieux; certains
unies а des corps aйriens, qu'ils appelaient des dйmons. C'est pourquoi
Augustin (La citй de Dieu VIII, 16)
rapporte cette dйfinition des dйmons donnйe par Apulйe[13]: "Les dйmons
sont des кtres animйs а l'esprit douй de raison, passifs par l'вme, aйriens par
le corps, йternel dans le temps." Et pour toutes ces substances
incorporelles, en raison de leur йternitй, les Platoniciens paпens disaient
qu'il fallait leur rendre un culte divin. Mais ils plaзaient plus loin des
substances incorporelles unies а des corps de terre plus grossiers, а savoir
terreux ou aqueux, que sont les вmes des hommes et des autres кtres animйs.
Aristoteles autem
in duobus cum Platone concordat, et in duobus differt. Concordat quidem in
ponendo supremam substantiam nec corpoream nec corpori unitam; et iterum in
ponendo caelestia corpora esse animata. Differt autem in hoc quod ponebat
plures substantias incorporeas corpori non unitas, scilicet secundum numerum
caelestium motuum; et iterum in hoc quod non ponit esse aliqua animalia aerea;
quod rationabilius posuit. Aristote est en accord sur deux points avec Platon, et en dйsaccord sur
deux autres. Il est d'accord quand il pense que la substance suprкme n'est ni
corporelle, ni unie а un corps, et а nouveau quand il pense que les corps cйlestes
sont animйs. Il est en dйsaccord sur le fait qu'il pensait qu'il y avait
plusieurs substances incorporelles non unies а un corps, а savoir selon le
nombre des mouvements cйlestes; et а nouveau dans le fait qu'il ne pense pas
qu'il y a des кtres animйs aйriens; sa pensйe est plus raisonnable.
Quod patet ex tribus. Primo quidem, quia corpus mixtum
nobilius est corpore elementari, et maxime quantum ad formam: quia elementa
mixtorum corporum materia sunt. Unde oportet quod substantiae incorporeae, quae
sunt nobilissimae formae, corporibus mixtis uniantur, et non puris elementis.
Nullum autem corpus mixtum esse potest, in quo terra et aqua non magis abundent
secundum materiae quantitatem, cum etiam superiora elementa magis habeant de
virtute activa, utpote magis formalia. Si autem haec in quantitate excederent,
non servaretur aliqua proportio debita mixtionis, quia superiora omnino
vincerent inferiora. Et ideo non potest esse quod substantiae incorporeae
uniantur ut formae corporibus aereis, sed corporibus mixtis, in quibus
materialiter superabundet terra et aqua. Ce qui apparaоt par trois raisons:1) Parce que le corps mixte est plus
noble que le corps йlйmentaire, surtout par la forme, parce que les йlйments
sont la matiиre des corps mixtes. C'est pourquoi il faut que les substances
incorporelles qui sont les formes les plus nobles soient unies а des corps
mixtes et non а de purs йlйments. Car il ne peut y avoir aucun corps mixte, en
qui la terre et l'eau n'abondent pas plus selon la quantitй de matiиre, puisque
les йlйments supйrieurs ont davantage de puissance active, en tant que plus
formels. Mais s'ils dйpassaient en quantitй, la proportion due aux mixtes ne
serait pas conservйe, parce que les supйrieurs йcraseraient complиtement les
infйrieurs. Et c'est pourquoi il n'est pas possible que les substances
incorporelles soient unies comme formes а des corps aйriens, mais а des corps
mixtes, dans lesquels la terre et l'eau sont matйriellement en abondance.
Secundo, quia corpus homogeneum et uniforme oportet quod
habeat eamdem formam in toto et in partibus. Totum autem aeris corpus videmus
esse unius naturae; unde oportet, si substantiae aliquae spirituales aliquibus
partibus aeris sunt unitae, quod etiam toti aeri uniantur: et sic totus aer
erit animal, quod irrationabiliter dici videtur; quamvis et hoc quidam antiqui
ponerent, ut dicitur in I de anima, qui dicebant aerem totum esse plenum diis. 2) Parce qu'un corps homogиne et uniforme doit avoir une mкme forme en
son tout et en ses parties. Mais nous voyons que tout le corps de l'air est
d'une seule nature; c'est pourquoi il faut si certaines substances spirituelles
sont unies aux parties de l'air, qu'elles soient unies aussi а la totalitй de
l'air, et ainsi tout l'air sera un кtre animй, ce qui semble йnoncй contre la
raison; quoique aussi cela certains anciens l'aient pensй, comme il est dit
dans l'вme (I, 411 a 8[14]): ils disaient que tout l'air йtait plein de dieux.
Tertio, quia si substantia spiritualis non habet in se aliam
potentiam quam intellectum et voluntatem, frustra corpori unitur, cum hae
operationes absque corpore compleantur: omnis enim forma corporis corporaliter
aliquam actionem efficit. Si autem habent alias potentias, quod videntur
Platonici sensisse de Daemonibus, dicentes eos esse animo passivos,- cum autem
passio non sit nisi in parte animae sensitiva, ut probatur in VII Phys.,-
oportet quod tales substantiae corporibus organicis uniantur, ut actiones
talium potentiarum per determinata organa exequantur. Tale autem non potest
esse corpus aereum, eo quod non est figurabile. Unde patet quod substantiae
spirituales non possunt aereis corporibus naturaliter esse unitae. 3) Parce que si la substance spirituelle n'a pas en soi une autre
puissance que l'intellect et la volontй, elle est unie en vain а un corps,
puisque ces opйrations sont accomplies sans corps; car toute forme du corps
accomplit une action corporellement. Mais s'ils ont d'autres puissances (ce que
semblent penser les Platoniciens des dйmons, disant qu'ils ont l'вme passive, —
puisque la passion n'est que dans une partie de l'вme sensitive, comme on le
prouve en Physique, (VII, 3, 248 a
6), — il faut que de telles substances soient unies а des corps organiques,
pour que les actions de telles puissances soient exйcutйes par les organes
dйterminйs. Mais tel ne peut pas кtre le corps aйrien, puisqu'on ne peut pas le
figurer. C'est pourquoi il est clair que les substances spirituelles ne peuvent
pas кtre unies naturellement а des corps aйriens.
Utrum autem aliquae substantiae incorporeae sint caelestibus
corporibus unitae ut formae, Augustinus sub dubio relinquit. Hieronymus autem
asserere videtur (super illud Eccle. I: lustrans universa per circuitum
spiritus), et etiam Origenes. Quod tamen a pluribus modernorum reprobatum
videtur, propter hoc quod cum numerus beatorum ex solis hominibus et Angelis
secundum Scripturam divinam constituatur, non possent illae substantiae
spirituales nec inter hominum animas computari, nec inter Angelos, qui sunt
incorporei. Sed tamen Augustinus hoc etiam sub dubio relinquit sic dicens: nec
illud quidem certum habetur, utrum ad eamdem societatem, scilicet Angelorum,
pertineat sol, luna et cuncta sidera; quamvis nonnullis lucida esse corpora non
cum sensu vel intelligentia videantur. Sed in hoc certissime, a doctrina tam
Platonis quam Aristotelis, doctrina fidei discordat, quod ponimus multas
substantias penitus corporibus non unitas, plures quam aliquis eorum ponat. D. Des substances incorporelles sont-elles unies aux corps cйlestes en
tant que formes, Augustin en doute (La
Genиse au sens littйral, II, dernier chapitre[15]). "Jйrфme semble
l'affirmer (sur cette parole de l'Eccl., 1: "Illuminant toutes choses par
le cercle de l'esprit" et Origиne aussi (Peri archфn, I, ch. 7). Ce qui
cependant est dйsapprouvй par plusieurs modernes, parce que, comme le nombre
des bienheureux est constituй selon l'Йcriture sainte seulement des hommes et
des anges, ces substances spirituelles ne peuvent кtre comptйes ni parmi les
вmes humaines, ni parmi les anges qui sont sans corps. Mais cependant Augustin
(Enchiridion, 58[16]), garde un
doute, en disant: "On ne considиre pas comme certain, que le soleil, la
lune et les autres astres appartiennent а une mкme sociйtй (c'est-а-dire celle
des anges). Quoique pour certains les corps semblent кtre lumineux non
dйpourvus de sens ni d'intelligence. Mais en cela, trиs certainement, la
doctrine de la foi est en dйsaccord avec celle tant de Platon que d'Aristote,
parce que nous pensons que les nombreuses substances qui ne sont pas totalement
unies а des corps, sont plus nombreuses que chacun d'eux le pense."
Quae quidem positio etiam rationabilior videtur propter
tria.
Primo quidem, quia sicut corpora superiora digniora sunt
inferioribus, ita substantiae incorporeae corporibus sunt etiam digniores;
corpora autem superiora in tantum inferiora excedunt, quod terra habet
comparationem ad caelum sicut punctum ad sphaeram, ut astrologi probant. Unde
et substantiae incorporeae sicut Dionysius dicit, omnem multitudinem
materialium specierum transcendunt; quod significatur Daniel. VII, 10, cum
dicitur: millia millium ministrabant ei, et decies millies centena millia
assistebant ei. Quod quidem affluentiae divinae bonitatis concordat, ut
scilicet ea quae nobiliora sunt illa copiosius in esse producat. Et cum
superiora ab inferioribus non dependeant, nec ad ea limitentur eorum virtutes,
non oportet illa solum in superioribus ponere quae per inferiores effectus
manifestantur. Cette opinion aussi semble plus rationnelle pour trois raisons.
1) Parce que, de mкme que les corps supйrieurs sont plus dignes que les
corps infйrieurs, de mкme les substances incorporelles sont plus dignes que les
corps mais les corps supйrieurs dйpassent les infйrieurs, tellement que la
terre est comparйe au ciel, comme le point а la sphиre, comme les astrologues
le prouvent. C'est pourquoi, les substances incorporelles, comme Denys le dit (La hiйrarchie cйleste, 15) dйpassent
toute la multitude des espиces matйrielles; ce que montre Daniel (Daniel, 7,
10) quand il est dit: "Mille milliers le servaient, et des dizaines de
centaines de milliers йtaient devant lui[17]." Cela concorde avec la
profusion de la bontй divine: il amиne а l'кtre plus abondamment ce qui est
plus noble. Et comme les supйrieurs ne dйpendent pas des infйrieurs, et que
leurs pouvoirs ne se limitent pas а eux; il ne faut pas placer seulement parmi
les supйrieurs ce qui se manifeste par des effets infйrieurs.
Secundo autem quia rerum naturalium ordine, inter naturas
distantes multi gradus medii inveniuntur, sicut inter animalia et plantas
inveniuntur quaedam animalia imperfecta, quae et cum plantis communicant
quantum ad fixionem, et cum animalibus quantum ad sensum. Cum ergo substantia
suprema, quae Deus est, a corporum natura maxime distet, rationabile videtur
quod multi gradus naturarum inter utraque inveniantur, et non solum illae
substantiae quae sunt principia motuum. 2) Parce que dans l'ordre des choses naturelles, parmi les natures
diffйrentes, on trouve de nombreux degrйs intermйdiaires. Ainsi entre les
animaux et les plantes, on trouve certains animaux imparfaits qui ressemblent
aux plantes du fait qu'ils sont fixes, et aux animaux du fait qu'ils йprouvent
des sensations. Donc comme la substance suprкme, qui est Dieu, est extrкmement
diffйrente de la nature des corps, il semble conforme а la raison qu'on trouve
beaucoup de degrйs entre chacune des natures et non seulement ces substances
qui sont les principes des mouvements.
Tertio, quia cum Deus non solum universalem providentiam de
rebus corporalibus habeat, sed etiam ad res singulas eius providentia se
extendat, in quibus interdum, ut dictum est, praeter ordinem causarum
universalium operatur,- non solum oportet ponere substantias incorporeas Deo
deservientes in universalibus causis naturae, quae sunt motus corporum
caelestium, sed etiam in aliis quae Deus particulariter in singulis operatur,
et praecipue quantum ad homines, quorum mentes caelestibus motibus non
subiiciuntur. Sic ergo, fidei veritatem sequendo, dicimus Angelos et Daemones non habere
corpora naturaliter unita, sed omnino incorporeos, sicut dicit Dionysius. 3) Parce que, comme Dieu non seulement a une providence universelle,
sur les corps, mais encore qu'elle s'йtend aussi aux кtres particuliers, en
qui, parfois, comme on l'a dit, il opиre en dehors de l'ordre des causes
universelles, — non seulement il faut placer des substances incorporelles qui
le servent dans les causes universelles de la nature, que sont les mouvements
des corps cйlestes, mais aussi dans d'autres choses oщ Dieu opиre
particuliиrement dans les choses particuliиres et surtout pour les hommes dont
les esprits ne sont pas soumis aux mouvements cйlestes. Ainsi donc, en suivant
la vйritй de la foi, nous disons que les anges et les dйmons n'ont pas de corps
unis naturellement, mais ils sont tout а fait incorporels, comme le dit Denys.
Solutions:
q. 6 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus in pluribus locis suorum librorum,
quantum ad corpora Angelorum et Daemonum, absque assertione utitur Platonicorum
sententia. Unde et XXI de Civit. Dei utramque opinionem prosequitur de poena
Daemonum tractans, et eorum scilicet qui dicebant Daemones aerea corpora
habere, et eorum qui dicebant eos esse penitus incorporeos. Gregorius vero
Angelum animal appellat, large sumpto animalis vocabulo pro quolibet vivente. # 1. Augustin en plusieurs endroits de ses ouvrages, au sujet du corps
des anges et des dйmons, se sert, sans l'affirmer, de la formule des
Platoniciens. C'est pourquoi au livre XXI de La Citй de Dieu, (ch. 10), il suit deux opinions en traitant du
chвtiment des dйmons, celle de ceux qui disaient que les dйmons ont des corps
aйriens, et celle de ceux qui disaient qu'ils йtaient tout а fait incorporels.
Mais Grйgoire appelle l'ange un animal, ce mot йtant pris au sens large pour un
кtre vivant.
q. 6 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Origenes in pluribus Platonicorum opinionem sectatur;
unde huius opinionis fuisse videtur quod omnes substantiae creatae incorporeae
sint corporibus unitae, quamvis etiam hoc non asserat, sed sub dubitatione
proponat, aliam etiam opinionem tangens. # 2. Origиne suit en plusieurs points l'opinion des Platoniciens; c'est
pourquoi il semble qu'il a йtй de cette opinion que toutes les substances
incorporelles crййes sont unies а des corps, bien qu'il ne l'affirme pas, mais
il la met en doute, en rapportant aussi une autre opinion.
q. 6 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod Dionysius absque dubio Angelos et Daemones incorporeos
esse voluit. Utitur autem metaphorice nomine furoris et concupiscentiae pro
voluntate inordinata, et nomine phantasiae pro intellectu errante in eligendo,
secundum quod malus omnis est ignorans, ut philosophus dicit in III Ethicorum,
et Proverb. XIV, 22, dicitur: Errant qui operantur malum. # 3. Denys a voulu que les anges et les dйmons soient sans aucun doute
incorporels. Mais il se sert mйtaphoriquement des noms de fureur et de
concupiscence а la place d'une volontй sans ordre et du nom d'imagination pour
un intellect errant dans ses choix, selon que tout mйchant est ignorant, comme
le Philosophe le dit (Ethique, III,
1, 1110 b 28[18]) et en Proverbes 14, 22, il est dit:"Ils se trompent ceux
qui font le mal."
q. 6 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod si Angeli ponantur ex materia et forma compositi, non
propter hoc oportet quod sint corporei ex ratione praedicta, nisi ponatur quod
sit eadem materia Angelorum et corporum. Posset autem dici, quod esset alia
materia corporum divisa, non quidem dimensionis divisione, sed per ordinem ad
alterius generis formam, nam potentia actui proportionatur. Magis tamen
credimus, quod non sint Angeli ex materia et forma compositi, sed sint formae
tantum per se stantes. Nec oportet quod propter hoc non sint creati: forma enim
est principium essendi ut quo aliquid est, cum tamen et esse formae et esse
materiae in composito sit ab uno agente. Si ergo sit aliqua substantia creata
quae sit forma tantum, potest habere principium essendi efficiens, non formale. # 4. Si les anges sont considйrйs comme composйs de matiиre et de
forme, ce n'est pas pour cette raison qu'il faut qu'ils soient corporels, sauf
si on pense que c'est la mкme matiиre pour les anges et les corps. Mais on
pourrait dire qu'il y aurait une autre matiиre sйparйe des corps, non par
division de la dimension, mais par rapport а une forme d'un autre genre, car la
puissance est proportionnйe а l'acte. Cependant nous croyons davantage que les
anges ne sont pas composйs de matiиre et de forme, mais qu'ils sont seulement
des formes subsistantes par soi. Et il ne faut pas qu'а cause de cela, ils
n'aient pas йtй crййs: car la forme est le principe d'кtre, comme par quoi
quelque chose existe, alors que cependant l'кtre de la forme et celui de la
matiиre est dans le composй par un seul agent. Si donc, il y avait quelque
substance crййe qui soit seulement forme, elle peut avoir un principe d'кtre
efficient, non formel.
q. 6 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod secundum philosophum, etiam in causis formalibus prius
et posterius invenitur; unde nihil prohibet unam formam per alterius formae
participationem formari; et sic ipse Deus, qui est esse tantum, est quodammodo
species omnium formarum subsistentium quae esse participant et non sunt suum
esse. # 5. Selon le Philosophe (Physique,
II), mкme dans les causes formelles, on trouve un avant et un aprиs: c'est
pourquoi rien n'empкche qu'une forme soit formйe par la participation d'une
autre forme; et ainsi Dieu lui-mкme qui est кtre seulement, est d'une certaine
maniиre la forme (species) de toutes les formes subsistantes qui participent de
l'кtre et ne sont pas son кtre.
q. 6 a. 6 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod virtus Angeli, secundum naturae ordinem, est superior, et
per consequens universalior quam virtus animae humanae: unde non poterat habere
corporeum organum sibi sufficienter respondens ad actiones quibus in exteriora
corpora agit; ideo non debuit aliquibus corporeis organis alligari, sicut anima
per unionem ligatur. # 6. La pouvoir de l'ange, dans l'ordre de la nature, est supйrieur et
par consйquent plus universel que le pouvoir de l'вme humaine; c'est pourquoi
il ne pouvait pas avoir un organe corporel qui rйponde suffisamment а ses
actions par lesquelles il agit sur les corps extйrieurs. Aussi il ne dut pas
кtre liй а quelques organes corporels, comme l'вme est liйe par union.
q. 6 a. 6 ad 7 Ad septimum
dicendum, quod movens seipsum est primum inter mota, ratione moventis immobilis;
unde si movens immobile moveat sive corpus sibi naturaliter unitum, sive non,
eadem prioritatis ratio manet. # 7. Ce qui se meut soi-mкme est premier parmi ce qui est mы en tant
que moteur immobile; c'est pourquoi si le moteur immobile meut le corps
naturellement uni а lui ou s'il ne le meut pas, la mкme raison de prioritй
demeure.
q. 6 a. 6 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod anima unita corpori vivificat corpus non solum
effective, sed formaliter: sic autem corpus vivificare minus est quam per se
vivere tantum, simpliciter loquendo. Nam anima hoc modo corpus vivificare
potest, in quantum habet esse infimum, quod sibi et corpori potest esse commune
in composito ex utroque. Esse autem Angeli cum sit altius, non potest hoc modo
communicari corpori. Unde vivit tantum, et non vivificat formaliter. # 8. L'вme unie а un corps le vivifie, non seulement effectivement,
mais formellement, mais vivifier ainsi un corps est moins que vivre seulement
par soi, а proprement parler. Car l'вme peut de cette maniиre vivifier le
corps, dans la mesure oщ il a un кtre faible, qui peut кtre commun а elle et au
corps, dans le composй des deux. Mais comme l'кtre de l'ange est plus йlevй, il
ne peut pas кtre communiquй de cette maniиre а un corps. C'est pourquoi il vit
seulement et il ne le vivifie pas formellement.
q. 6 a. 6 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod retrogradatio quae videtur in planetis, et statio et
directio non provenit ex difformitate motus unius et eiusdem mobilis, sed ex
diversis motibus diversorum mobilium, vel ponendo eccentricos et epicyclos
secundum Ptolomaeum vel ponendo diversitatem motuum secundum diversitates
polorum, sicut alii posuerunt. Et tamen si etiam difformiter moverentur caelestia
corpora, per hoc non magis ostenderetur quod moverentur a motore voluntario
coniuncto quam quod a separato. # 9. La recul, l'immobilitй et le mouvement rectiligne qu'on voit dans
les planиtes, ne proviennent pas de la difformitй d'un seul mouvement et d'un
mкme mobile, mais de diffйrents mouvements, de diffйrents mobiles, ou en posant
des excentriques et des йpicycles selon Ptolйmйe[19] ou la diversitй des
mouvements selon la diversitй des pфles, comme d'autres l'ont pensй. Et
cependant si les corps cйlestes йtaient mus aussi d'une faзon diffйrente, on ne
montrerait pas plus par lа qu'ils sont mus par un moteur volontaire joint que
par un moteur sйparй.
q. 6 a. 6 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod corpora caelestia etiamsi non sint animata, moventur a substantia
vivente separata, cuius virtute agunt, sicut instrumentum virtute principalis
agentis; et ex hoc causant in inferioribus vitam. # 10. Mкme si les corps cйlestes ne sont pas animйs, ils sont mus par
une substance vivante sйparйe, par son pouvoir ils agissent comme instrument
pour le pouvoir de l'agent principal; et c'est par cela qu'ils causent la vie
dans les кtres infйrieurs.
q. 6 a. 6 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod philosophus demonstrationes suas ad duas conclusiones
sub disiunctione terminat, scilicet: quod mobilia vel reducuntur statim ad
movens immobile, vel ad movens seipsum, cuius una pars est movens immobile;
quamvis ipse magis secundam partem praeeligere videatur. Si quis tamen primam
partem eligat, nullum inconveniens ex suis demonstrationibus sequetur. # 11. Le Philosophe termine ses dйmonstrations par deux conclusions
sйparйes, а savoir que les mobiles sont ramenйs aussitфt ou bien а un moteur
immobile, ou а ce qui se meut soi-mкme, dont une partie est un moteur immobile;
quoique lui-mкme semble prйfйrer la seconde solution. Cependant si quelqu'un
choisit la premiиre, rien d'inconvenant ne dйcoule de ses dйmonstrations.
q. 6 a. 6 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod id quod est supremum in corporibus, attingit ad
infimum spiritualis naturae per aliquam participationem proprietatum eius sicut
per hoc quod est incorruptibile, non autem per hoc quod ei uniatur. # 12. Ce qui est le plus haut dans les corps touche au plus bas de la
nature spirituelle, par une participation de ses propriйtйs, par le fait qu'il
est incorruptible mais non par le fait qu'il lui est uni.
q. 6 a. 6 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod corpus humanum quantum ad materiam ignobilius est
caelesti corpore, sed corpus humanum formam habet nobiliorem, si corpora caelestia
sunt inanimata. Nobiliorem tamen dico secundum
se, non tamen secundum quod corpus format. Perfectiori enim modo forma caeli
perficit materiam, cui praebet esse incorruptibile, quam anima rationalis
corpus. Hoc autem ideo est, quia substantia spiritualis quae movet caelum, est
altioris dignitatis quam ut corpori uniatur. # 13. Le corps humain, quant а sa matiиre, est moins noble que le corps
cйleste, mais il a une forme plus noble, si les corps cйlestes sont inanimйs.
Je la dis cependant plus noble en soi, non cependant selon qu'elle met en forme
le corps. Car la forme du ciel achиve la matiиre, а qui elle fournit un кtre
incorruptible par un mode plus parfait, que l'вme rationnelle achиve le corps.
C'est pour cela, que la substance spirituelle qui meut le ciel, est d'une plus
grande dignitй que d'кtre unie а un corps.
q. 6 a. 6 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod aerea corpora esse non possunt, rationibus
praedictis. # 14. Les corps aйriens ne peuvent pas exister pour les raisons qu'on a
dйjа donnйes.
q. 6 a. 6 ad 15 Et per hoc patet responsio ad
decimumquintum quod procedit de opinione Platonis. # 15. Et par lа apparaоt la rйponse а la quinziиme objection qui
procиde de l'opinion de Platon.
q. 6 a. 6 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod Angelus non movetur commensurando se spatio, sicut
corpora moventur, sed aequivoce motus dicitur de motu Angelorum et de motu
corporum. # 16. L'ange n'est pas mы en se mesurant а l'espace, comme les corps,
mais le mouvement des anges et de celui des corps sont appelйs mouvement de
maniиre йquivoque.
q. 6 a. 6 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod verbum Dei non unitur corpori ut forma, quia sic
fieret una natura ex verbo et carne: quod est haereticum. # 17. Le Verbe de Dieu n'est pas uni а un corps comme une forme, parce
qu'ainsi le Verbe et la chair deviendraient une seule nature, ce qui est
hйrйtique.
q. 6 a. 6 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod Porphyrius in hoc opinionem Platonis sequitur,
quod deos nominat Daemones, quos ponebant animalia, et etiam corpora caelestia. # 18. Porphyre suit sur ce point l'opinion de Platon: il appelle les
dйmons des dieux, qu'ils pensaient кtre des кtres animйs et les corps cйlestes
aussi.
[1]
Parall.: Ia, qu. 51, a. 1 - CG. II, 91—II Sent. D. 8, a. 1. — De Malo qu. 16,
a. 1— De Spir. Creat. a. 5 — Opusc. XV, De Angelis,c. 18. (Cf. Les noms divins, IV, XIX; n° 538 ss..
[2]
L XI, 170. Le texte en est donnй en Ia, qu. 51, a. 1, obj. 1: "C'est le
propre de la seule nature de Dieu (c'est-а-dire du Pиre, du Fils et de l'Esprit
Saint) d'exister sans substance matйrielle et en dehors de toute union
corporelle." (Trad. Du Cerf)
[3]
Cette persistance de croyance que les кtres spirituels ont un corps dure encore
jusqu'а Teilhard de Chardin (Lettres intimes).
[4]
Thomas n° 540.
[5]
. Trad. de Denys: "Une colиre sans raison, une convoitise sans
intelligence, une imagination entreprenante. (p. 119 l. 20). Demens
concupiscentia: anou" epiqumia.
[6]
Citй en 5, 9, obj. 11.
[7]
Il semble meilleur de traduire "кtre animй" plutфt que par animal.
[8]
Porphyre 233-305, disciple de Plotin.
[9]
C'est un raisonnement logique. Thomas explore toutes les possibilitйs logiques.
Id. pour sed contra 5.
[10]
Cf. dйmonstration plus dйveloppйe en Pot. 7, 1, c, premiиre raison, oщ il
dйmontre la simplicitй de Dieu.
[11]
"C'est pourquoi йgalement Anaxagore a raison de proclamer que l'intellect
est impassible et sans mйlange, puisque justement il en fait le principe du
mouvement… s'il peut dominer c'est а conditions d'кtre sans mйlange".(Trad.
H. Carteron).
[12]
Йcrivain et grammairien latin. Dйbut du Ve siиcle. Il s’inspire de Platon.
[13]
Йcrivain latin, disciple de Platon (125-180).
[14]
"Certains penseurs dйclarent que l'вme est mкlйe а l'univers entier;
peut-кtre est-ce l'origine de l'opinion de Thalиs que tout est plein de dieux."
(Trad. E. Barbotin).
[15]
II, XVIII, 38: "On se demande encore si ces brillants luminaires du ciel
sont seulement des corps ou s’il ont pour les rйgir des esprits attachйs а
chacun d’eux."
[16]
"Sed ne illud quidem certum habere utrum ad eamdem societatem pertineant
sol et luna et cuncta sidera: quamvis nonnullis lucida corpora esse, non cum
sensu et intelligentia, videantur." Ench. 58. (je n'ai pas trouvй la
suite.
[17]
B.J.: "Mille milliers le servaient, myriades de myriades, debout devant
lui". (BJ).
[18]
Ignorat quidem igitur omnis malus quas oportet operari et a quibus fugiendum."
[19]
Claudius Ptolйmйe, 100-178, post Christ., astronome, mathйmaticien, physicien,
gйographe.
Article 7: Les anges ou les dйmons peuvent-ils
assumer un corps? q. 6 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur utrum Angeli vel Daemones possint corpus assumere. Et videtur
quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 6 a. 7 arg. 1
Corpus enim substantiae incorporeae unitum esse non potest, nisi vel quantum ad
esse, vel quantum ad motum. Sed Angeli non possunt habere unita sibi corpora
quantum ad esse, quia sic essent eis naturaliter unita: quod est contra
praedicta. Ergo relinquitur quod non possint corporibus uniri, nisi in quantum
movent ea. Sed hoc non sufficit ad rationem assumptionis; quia sic Angelus et
Daemon assumeret omne corpus quod movet, quod patet esse falsum; movit enim
Angelus linguam asinae Balaam, nec tamen dicitur eam assumpsisse. Ergo non
potest dici, quod Angelus vel Daemon corpus assumat. 1. Car un corps ne peut кtre uni а une substance incorporelle, que pour
l'кtre ou le mouvement. Mais les anges ne peuvent avoir des corps qui leur
seraient unis pour l'кtre, puisque, ainsi, ils leur seraient unis
naturellement, ce qui est contre ce qui a йtй dit (article 6). Donc il reste
qu'ils ne pourraient кtre unis а des corps, que dans la mesure oщ ils les
meuvent. Mais cela ne suffit pas pour les assumer, parce qu'ainsi l'ange et le
dйmon assumerait tout corps qu'il meut, ce qui parait faux, car un ange a mis
en mouvement la langue de l'вne de Balaam, et cependant on ne dit pas qu'il
l'ait assumйe. Donc on ne peut pas dire que l'ange ou le dйmon assume un corps. q. 6 a. 7 arg. 2
Praeterea, si Angeli vel Daemones corpora assumant, hoc non est propter eorum
necessitatem, sed vel propter nos instruendos quantum ad bonos, vel decipiendos
quantum ad malos. Sed ad utrumque sufficit sola
imaginaria visio. Ergo non videtur quod corpora assumant. 2. Si les anges ou les dйmons assument des corps, ce n'est pas par
nйcessitй pour eux, mais pour que les bons anges nous instruisent ou que les
mйchants nous trompent. Mais dans l'un et l'autre cas, il suffit d'une vision
imaginaire. Donc il ne semble pas qu'ils assument des corps. q. 6 a. 7 arg. 3
Praeterea, Deus in veteri testamento patribus apparuit, sicut et Angeli
apparuisse leguntur, ut Augustinus probat. Sed non est dicendum quod Deus
corpus assumpserit, nisi per mysterium incarnationis. Ergo nec Angeli
apparentes corpora assumunt. 3. Dans l'Ancien Testament, Dieu apparut aux Pиres, de mкme on lit que
les anges apparurent, comme Augustin le prouve (La Trinitй, III, 11 et 12). Mais il ne faut pas dire que Dieu a
assumй un corps, sinon par le mystиre de l'Incarnation. Donc les anges qui
apparaissent n'assument pas de corps. q. 6 a. 7 arg. 4
Praeterea, sicut uniri corpori naturaliter convenit animae, ita non esse unitum
naturaliter convenit Angelo. Sed anima non potest a corpore separari cum vult.
Ergo nec Angelus potest corpus assumere. 4. Кtre uni naturellement а un corps convient а l'вme, de mкme ne pas
кtre uni naturellement convient а l'ange; mais l'вme ne peut pas кtre sйparйe
du corps quand elle veut. Donc l'ange ne peut pas assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 5
Praeterea, nulla substantia finita potest simul in plures operationes. Angelus
est quaedam substantia finita. Non potest ergo simul et nobis ministrare et
corpus assumere. 5. Aucune substance finie ne peut кtre en mкme temps dans plusieurs
opйrations. Mais l'ange est une substance finie. Donc il ne peut pas en mкme
temps s'occuper de nous et assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 6
Praeterea, inter assumens et assumptum debet esse aliqua proportio. Sed inter
Angelum et corpus non est aliqua proportio, cum sint omnino generum diversorum,
et per consequens incompossibilia. Ergo Angelus non potest assumere corpus. 6. Entre ce qui assume et ce qui est assumй, il doit y avoir un
rapport. Mais entre l'ange et le corps, il n'y en a aucun, puisqu'ils sont de
genres tout а fait diffйrents, et par consйquent incompatibles entre eux. Donc
l'ange ne peut pas assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 7
Praeterea, si Angelus assumit corpus: aut corpus caeleste, aut aliquod de
natura quatuor elementorum. Non quidem corpus caeleste, cum corpus caeli dividi
non possit, nec a loco suo divelli; similiter nec corpus igneum, quia sic
consumeret alia corpora quibus adhaereret; nec aereum, quia aer non est
figurabilis; nec aqueum, aqua enim figuram non retinet; similiter autem nec
terrenum, cum subito dispareant, ut patet de Angelo Tobiae. Ergo nullo modo
corpus assumunt. 7. Si l'ange assume un corps: ou c'est un corps cйleste, ou quelque
chose de la nature des quatre йlйments. Ce n'est certes pas un corps cйleste,
puisque celui-ci ne pourrait pas кtre divisй, ni enlevй de son lieu; ni non
plus de la mкme maniиre un corps ignй, parce qu'ainsi il consumerait les autres
corps auxquels il s'attacherait; ni aйrien, parce l'air n'est pas susceptible
de recevoir une figure; ni aqueux, car l'eau ne retient pas de figure, ni
terrestre non plus, puisqu'il disparaоt aussitфt, comme on le voit pour l'ange
de Tobie (XII, 21). Donc ils n'assument en aucune maniиre un corps. q. 6 a. 7 arg. 8
Praeterea, omnis assumptio ad aliquam unionem terminatur. Sed ex Angelo et
corpore non potest fieri unum aliquo illorum trium modorum unitatis quos ponit
philosophus in I Physic.: non enim possunt fieri unum continuatione, neque
indivisibilitate, neque ratione. Ergo Angelus non potest corpus assumere. 8. Toute assomption se termine а une union. Mais l'ange et le corps ne
peuvent devenir un par l'un de ces trois modes d'unitй, que signale le Philosophe
en Physique, (I, 2, 185 b 5[2]); car ils ne peuvent devenir un ni par continuitй, ni par
indivisibilitй, ni logiquement. Donc l'ange ne peut assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 9
Praeterea, si Angeli corpus assumunt, aut corpora ab eis assumpta habent veras
species quae videntur aut non. Si quidem habent veras species, cum ergo
quandoque videantur in specie hominis, corpus ab eis assumptum erit verum
corpus humanum: quod est impossibile, nisi dicatur quod Angelus assumit hominem;
quod videtur inconveniens. Si autem non sunt verae species, hoc etiam
inconveniens videtur; non enim decet aliqua fictio Angelos veritatis. Nullo
ergo modo Angelus corpus assumit. 9. Si les anges assument un corps, les corps qu'ils assument ont des
formes qui paraissent rйelles ou pas. Dans le premier cas, comme donc
quelquefois on les voit sous la forme d'un homme, le corps assumй par eux sera
un vrai corps d'homme, ce qui est impossible, а moins qu'on dise que l'ange
assume un homme, ce qui ne semble pas convenir. Mais si ce ne sont pas des
formes vйritables, cela semble ne pas convenir non plus, car feindre la vйritй
ne convient pas aux anges. Donc en aucune maniиre l'ange ne peut prendre un
corps. q. 6 a. 7 arg. 10
Praeterea, sicut supra habitum est. Angeli et Daemones virtute suae naturae non
possunt facere in istis corporibus effectus aliquos, nisi mediantibus
virtutibus naturalibus. Sed virtutes naturales non insunt rebus corporalibus ad
formandum speciem humani corporis, nisi per determinatum modum generationis, et
nisi ex determinato semine: qualiter constat quod Angeli corpus non assumunt;
et eadem ratio est de aliis formis corporum in quibus Angeli aliquando
apparent. Ergo non potest esse hoc, per hoc quod Angeli assumant corpora. 10. Comme on l'a vu plus haut (art. 3, 4 et 5 de cette question) les
anges et les dйmons ne peuvent, par le pouvoir de leur nature, produire des
effets dans ces corps que par l'intermйdiaire des pouvoirs naturels. Mais
ceux-ci ne sont dans les corps pour former l'aspect du corps humain, que par un
mode dйterminй de gйnйration, et que par une semence dйterminйe. De cette
maniиre il est bien certain que les anges n'assument pas un corps; et c'est la
mкme raison pour les autres formes des corps dans lesquels les anges apparaissent
quelquefois. Donc, ainsi il n'est pas possible que les anges assument un corps. q. 6 a. 7 arg. 11
Praeterea, oportet quod movens aliquid influat corpori moto. Non potest autem
influere, nisi aliquo modo contingat. Cum ergo non possit esse contactus
Angelorum ad corpora, videtur quod non possit movere, et per consequens nec
assumere. 11. Il faut que le moteur insinue quelque chose dans le corps mы. Mais
il ne le peut que s'il y arrive par quelque moyen. Donc, comme il ne serait pas
possible qu'il y ait un contact des anges avec les corps, il semble qu'il ne
puisse ni mouvoir, ni par consйquent assumer. q. 6
a. 7 arg. 12 Sed dicendum quod Angeli imperio solo movent corpus motu locali.- Sed
contra, movens et motum oportet esse simul, ut probatur in VII Phys. Sed ex hoc quod Angelus aliquid imperat voluntate
sua, non est simul cum corpore quod per ipsum moveri dicitur. Ergo solo
imperio movere non potest. 12. Mais il faut dire que les anges par leur seul pouvoir meuvent les
corps d'un mouvement local. — En sens contraire, le moteur et le mы doivent
кtre ensemble, comme c'est prouvй en Physique
(VII, 2, 242 b 6 – 245 b 15). Mais du fait que l'ange commande quelque chose
par sa volontй, il n'est pas en mкme temps avec le corps qu'on dit qu'il meut.
Donc par son seul commandement il ne peut pas mouvoir. q. 6 a. 7 arg. 13
Praeterea, motus corporalis non obedit Angelis ad nutum quantum ad sui
formationem, sicut supra habitum est. Figura autem quaedam forma est. Ergo non
potest, solo imperio Angeli, corpus aliquod figurari ut habeat effigiem hominis
aut alicuius huiusmodi, in quo Angelus appareat. 13. Le mouvement corporel n'obйit pas au commandement des anges pour
кtre formй, comme on l'a dit plus haut (art. 3, 4 et 5 de cette question). Mais
la figure est une forme. Donc, par le seul pouvoir de l'ange, un corps ne peut
pas кtre modelй pour avoir une forme humaine ou quelque chose de ce genre, en
qui l'ange apparaоt. q. 6 a. 7 arg. 14
Praeterea, super illud Ps. X, 4: dominus in templo sancto suo, dicit Glossa,
quod etsi Daemones exterius simulacris praesideant, intus tamen esse non
possunt; et eadem ratione nec in aliis corporibus. Sed si corpora assumunt,
oportet eos in corporibus assumptis esse. Ergo non est dicendum, quod corpora
assumant. 14. Sur le Ps. 10, 4: "Le Seigneur dans son temple saint", la
glose interlinйaire dit que, mкme si les dйmons commandaient aux statues а
l'extйrieur, cependant ils ne le peuvent pas а l'intйrieur; et pour la mкme
raison dans les autres corps non plus. Mais s'ils assument un corps, il faut
qu'ils soient en lui. Donc on ne doit pas dire qu'ils l'assument. q. 6 a. 7 arg. 15
Praeterea, si assumunt aliquod corpus, aut toti corpori uniuntur, aut alicui
parti eius: si solum alicui parti, non poterunt totum corpus movere, nisi unam
partem moveant altera mediante; quod non videtur posse contingere, nisi corpus
assumptum habeat partes organicas determinatas ad motum, quod est solum
corporum animatorum. Si autem toti corpori uniuntur immediate, oportet quod sit
in qualibet parte corporis assumpti Angelus; et constat quod totus, cum sit
impartibilis. Ergo erit in pluribus locis simul: quod est solius Dei. Non ergo
Angelus potest corpus assumere. 15. S'ils assument un corps, ou bien ils sont unis а tout le corps ou
bien а une de ses parties. Si c'est seulement а une partie, ils n'ont pu
mouvoir tout le corps, qu'en mettant en mouvement une partie par
l'intermйdiaire d'une autre; ce qui ne semble pas pouvoir arriver, а moins que
le corps assumй ait des parties organiques dйterminйes au mouvement, ce qui
appartient seulement а des corps qui donnent vie. Mais s'ils sont unis а tout
le corps sans intermйdiaire, il faut qu'il soit dans une quelconque partie du
corps assumй, et il est йvident que c'est le tout, puisqu'il n'est pas
divisible en parties. Donc il sera dans plusieurs endroits en mкme temps; ce
qui n'appartient qu'а Dieu seul. Donc l'ange ne peut pas assumer un corps.
En sens contraire: q. 6 a. 7 s. c. Sed
contra est quod legitur de Angelis apparentibus Abrahae, ut habetur in Gen.
XVIII, v. 2, qui in corporibus assumptis apparuerunt; et similiter de Angelo
qui Tobiae apparuit On lit au sujet des anges apparus а Abraham, comme on le voit en Gn.
18, 2, qu'ils apparurent dans des corps qu'ils avaient assumйs. Et de mкme pour
l'ange qui apparut а Tobie (Tob. 3, 25).
Rйponse: q. 6 a. 7
co. Respondeo. Dicendum quod quidam eorum qui sacrae Scripturae credunt, in qua
apparitiones Angelorum leguntur, dixerunt quod Angeli nunquam corpora assumunt,
sicut patet de Rabbi Moyse, qui hanc opinionem ponit; unde dicit, quod omnia
quaecumque in sacra Scriptura leguntur de apparitione Angelorum, contingunt in
visione prophetiae, secundum scilicet imaginariam visionem, quandoque quidem in
vigilando, quandoque vero in dormiendo. Certains de ceux qui croient а l'Йcriture sainte, oщ on lit qu'il y eut
des apparitions d'anges, ont dit que les anges n'assument jamais un corps,
comme c'est clair chez Rabbi Moyses, qui a йmis cette opinion: c'est pourquoi
il dit que tout ce qu'on lit dans l'Йcriture sainte sur l'apparition des anges
arrive en vision prophйtique, selon une vision apparemment imaginaire, le
prophиte йtant quelquefois йveillй, mais quelquefois endormi. Et haec positio veritatem Scripturae non salvat. Ex ipso
enim modo loquendi quo Scriptura utitur, datur intelligi quid significetur ut
res gesta, et quid per modum propheticae visionis. Cum enim aliqua apparitio
per modum visionis debeat intelligi, ponuntur aliqua verba ad visionem
pertinentia: sicut quod dicitur Ezech. cap. VIII, 3: elevavit me spiritus inter
caelum et terram, et adduxit me in Ierusalem in visionibus domini. Unde patet
quod illa quae fieri simpliciter narrantur simpliciter etiam intelligi debent
esse gesta. Sic autem legitur de pluribus apparitionibus in veteri testamento. Et cette opinion ne garde pas la vйritй de l'Йcriture. Car par la
maniиre mкme de parler dont elle use, il est donnй а comprendre ce qu'elle
signale comme rйcit et [d’autre part] ce qui dйpend d'une vision prophйtique.
Car lorsqu'une apparition doit кtre comprise comme une vision, il y a des mots
qui s'y rapportent: comme ce qui est dit (Ez. 8, 3): "L'esprit m'a йlevй
entre ciel et terre, et m'a conduit а Jйrusalem dans des visions divines."
C'est pourquoi il est clair que ce qui est fait simplement est racontй
simplement et doit кtre compris simplement comme une histoire. C'est ce qu'on
le lit pour plusieurs apparitions dans l'Ancien Testament. Unde simpliciter concedendum est quod Angeli quandoque
corpus assumunt, formando corpus sensibile, exteriori sive corporali visioni
subiectum; sicut et quandoque aliquas species in imaginatione formando apparent
secundum imaginariam visionem. Hoc autem conveniens est propter tres rationes: C'est pourquoi il faut simplement concйder que quelquefois les anges
assument un corps, donnant forme а un corps sensible, susceptible d'кtre vu
extйrieurement ou corporellement, comme aussi quelquefois ils apparaissent en
formant des images dans l'imagination selon une vision imaginaire. Cela
convient pour trois raisons: primo quidem et principaliter, quia omnes illae apparitiones
veteris testamenti ad illam apparitionem ordinantur in qua filius Dei visibilis
mundo apparuit, ut Augustinus dicit. Unde cum filius Dei verum corpus
assumpserit, et non phantasticum ut Manichaei fabulantur, conveniens fuit ut
etiam vera corpora assumendo, Angeli hominibus apparerent. 1) Principalement parce que toutes ces apparitions de l'Ancien
Testament sont ordonnйes а cette apparition en laquelle le Fils de Dieu apparut
visiblement dans le monde, comme Augustin le dit (La Trinitй, III, ch. 11 et 12). C'est pourquoi, quand le Fils de
Dieu a pris un vrai corps, et non un corps imaginaire, comme les Manichйens le
racontent, il a йtй convenable que les anges aussi, en prenant de vrais corps,
apparaissent aux hommes. Secunda ratio potest sumi ex verbis Dionysii in epistola
quam scribit ad Titum; dicit enim quod ideo in divina Scriptura res divinae
nobis sub sensibilibus traduntur, inter alias rationes, ut totus homo, quantum
possibile est, ex participatione divinorum perficiatur, non solum intellectu
capiendo intelligibilem veritatem, sed etiam in natura sensibili per sensibiles
formas, quae sunt velut quaedam imagines divinorum. Unde similiter cum Angeli
hominibus appareant ad eos perficiendos, conveniens est ut non solum intellectum
illuminent per intellectualem visionem, sed quod etiam imaginationi provideant
et exteriori sensui per imaginariam visionem, corporum scilicet assumptorum.
Unde et haec triplex visio assignatur ab Augustino. 2) La seconde raison peut кtre tirйe des paroles de Denys dans la
lettre qu'il йcrivit а Tite; car il dit qu'ainsi, dans l'Йcriture sainte, ce
qui est divin nous est transmis sous des formes sensibles, parmi d'autres
raisons, pour que tout l'homme, autant que c'est possible, soit achevй par la
participation du divin, non seulement en captant, par l'esprit, la vйritй
intelligible, mais aussi dans la nature sensible par les formes sensibles qui
sont comme des images du divin. C'est pourquoi, de la mкme maniиre, comme les
anges apparaissent aux hommes pour les perfectionner, il convient que, non
seulement ils йclairent l'esprit, par une vision intellectuelle, mais encore
pourvoient а l'imagination, et а la sensation extйrieure par une vision
imaginaire, а savoir celles des corps assumйs. C'est pourquoi cette triple
vision est concйdйe par Augustin (La
Genиse au sens littйral, XI, ch. 7 et 24). Tertia ratio potest esse, quia etsi Angeli natura sint nobis
superiores, per gratiam tamen adipiscimur eorum aequalitatem et societatem,
sicut habetur Matth. XXII, 30: erunt sicut Angeli in caelo. Et ideo, ut suam
familiaritatem et affinitatem ad nos ostendant, nobis suo modo per corporum
assumptionem conformantur, ut quod nostrum est accipientes, nostrum intellectum
in illud assurgere faciant quod proprium est ipsorum, sicut et filius Dei, dum
ad nos descendit, ad sua nos elevavit. Daemones autem quando in Angelos lucis
se transfigurant, quod boni Angeli ad nostrum profectum faciunt, ipsi ad
deceptionem facere moliuntur. 3) Il peut y avoir une troisiиme raison, parce que, mкme si les anges
nous sont supйrieurs en nature, nous obtenons cependant par grвce l'йgalitй et
la communion avec eux, comme on le voit en Mt. 22, 30: "Ils seront comme
les anges dans le ciel." Et c'est pourquoi pour nous montrer leur familiaritй
et leur affinitй, ils se conforment а nous а leur maniиre en assumant un corps,
pour que recevant ce qui est de nous, ils йlиvent notre esprit а ce qui leur
est propre, comme le Fils de Dieu, en descendant vers nous, nous йlиve а ce qui
lui est propre. Mais les dйmons, quelquefois se transforment en anges de
lumiиre, ce que les bons anges font pour notre progrиs, eux travaillent а le
faire pour nous tromper. Solutions: q. 6 a. 7 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod non omne corpus quod movet Angelus assumit. Assumere
enim dicitur quasi ad se sumere. Assumit ergo Angelus corpus non ut suae
naturae uniat, sicut homo assumit cibum; neque ut uniat suae personae, sicut
filius Dei assumpsit humanam naturam; sed ad suam repraesentationem, illo modo
quo intelligibilia per sensibilia repraesentari possunt. Tunc ergo Angelus
corpus assumere dicitur quando corpus aliquod hoc modo format quod ad
repraesentationem suam est aptum; sicut patet per Dionysium in fine caelestis
hierarchiae, ubi ostendit quod per corporales formas, Angelorum proprietates
intelliguntur. # 1. L'ange n'assume pas tout corps qu'il meut. Car on dit assumer
comme prendre pour soi. Donc l'ange assume le corps non pour s'unir а sa
nature, comme l'homme assume la nourriture, ni pour s'unir а sa personne, comme
le Fils de Dieu a assumй la nature humaine; mais pour sa reprйsentation de
cette maniиre par laquelle les intelligibles peuvent кtre reprйsentйs par les
sensibles. Alors donc on dit que l'ange assume un corps quand il forme de cette
maniиre un corps susceptible de le reprйsenter; comme cela est йvident chez
Denys а la fin de la Hiйrarchie cйleste (ch. 5), oщ il montre que par les
formes corporelles, on comprend les propriйtйs des anges. q. 6 a. 7 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod non solum imaginaria visio est utilis ad nostram
instructionem, sed etiam corporalis, ut dictum est. # 2. Non seulement la vision imaginaire est utile а notre instruction,
mais mкme la vision corporelle, comme on l'a dit. q. 6 a. 7 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut dicit Augustinus, omnes Dei apparitiones quae in
veteri testamento leguntur, factae sunt ministerio Angelorum, qui aliquas
species vel imaginarias vel corporeas formant, per quas animum hominis videntis
in Deum reducerent; sicut et sensibilibus figuris possibile est hominem in Deum
reduci. Corpora ergo apparentia, in apparitionibus praedictis Angeli
assumpserunt; sed in eis Deus apparuisse dicitur quia ipse Deus erat finis in
quem, per repraesentationem huiusmodi corporum, Angeli mentem hominis elevare
intendebant. Et ideo in illis apparitionibus Scriptura quandoque commemorat
Deum apparuisse, quandoque Angelum. # 3. Comme le dit Augustin (La
Trinitй, III, ch. 11 et 12) toutes les apparitions de Dieu qu'on lit dans
l'Ancien Testament, ont йtй rйalisйes par le ministиre des anges, qui forment
des espиces, imaginaires ou corporelles, par lesquelles ils ramиnent а Dieu
l'вme de l'homme qui les voit; de mкme il est possible que l'homme soit ramenй
а Dieu par des figures sensibles. Donc les anges assument les corps apparents
dans les apparitions dont on a parlй, mais on dit que c'est Dieu qui est apparu
parce qu'il йtait lui-mкme la fin pour laquelle, par la reprйsentation des
corps de ce genre, les anges tendaient а йlever l'esprit de l'homme. Et c'est
pourquoi dans ces apparitions, l'Ecriture rappelle que quelquefois c'est Dieu
qui est apparu, quelquefois c'est un ange. q. 6 a. 7 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod nulla res habet potestatem supra suum esse: omnis enim
rei virtus ab essentia eius fluit, vel essentiam praesupponit. Et quia anima
per suum esse unitur corpori ut forma, non est in potestate eius ut ab unione
corporis se absolvat; et similiter non est in potestate Angeli quod se uniat
corpori secundum esse ut formam; sed potest corpus assumere modo praedicto, cui
unitur ut motor, et ut figuratum figurae. # 4. Rien n'a de pouvoir au-dessus de son кtre; car tout pouvoir d'un
кtre dйcoule de son l'essence, ou la prйsuppose. Et parce que l'вme par son
кtre est unie а un corps comme une forme, il n'est pas en son pouvoir de se
sйparer du corps; et semblablement il n'est pas au pouvoir de l'ange de s'unir
а un corps selon l'кtre en tant que forme; mais selon le mode dйjа dit, il peut
assumer un corps, а qui il est uni comme moteur, et comme le figurй а la
figure. q. 6 a. 7 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod istae duae operationes, assumere corpus et ministrare,
sunt ad invicem ordinatae; et ideo nihil prohibet quin ea Angelus simul
exequatur. # 5. Ces deux opйrations: assumer un corps et servir sont ordonnйes
l'une а l'autre; et c'est pourquoi rien n'empкche que l'ange les accomplissent
en mкme temps. q. 6 a. 7 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod si proportio secundum commensurationem accipiatur, non
potest esse Angeli ad corpus proportio, cum eorum magnitudines non sint unius
generis, nec rationis eiusdem: nihil tamen prohibet quin sit aliqua habitudo
Angeli ad corpus, ut motoris ad motum et figurati ad figuram; quae proportio
potest dici. # 6. Si on accepte une proportion selon la mesure, il ne peut pas y en
avoir de l'ange au corps, puisque leurs grandeurs ne sont pas d'un seul et mкme
genre ni d'une mкme nature. Cependant rien n'empкche qu'il y ait un rapport de
l'ange au corps comme du celui du moteur au mы et du figurй а la figure,
rapport qu'on peut appeler proportion. q. 6 a. 7 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ex quolibet elemento potest Angelus corpus assumere,
vel etiam ex pluribus elementis commixtis. Magis tamen competit quod ex aere
corpus assumat, qui potest inspissari faciliter, et sic figuram recipere et
retinere et per alicuius lucidi corporis oppositionem diversimode colorari,
sicut in nubibus patet; ut quantum ad praesens non sit differentia inter purum
aerem et vaporem seu fumum, qui in aeris naturam tendunt. # 7. Avecn'importe quel йlйment, l'ange peut assumer un corps ou mкme
avec plusieurs йlйments mкlйs. Cependant il convient plus qu'il prenne un corps
de l'air, qui peut facilement s'йpaissir et ainsi recevoir une figure et la
retenir, et par l'opposition d'un corps lumineux кtre colorй de diverses
maniиres, comme on le voit dans les nuages, pour qu'а ce moment-lа il n'y ait
pas de diffйrence entre l'air pur, la vapeur ou la fumйe, qui dйploient leur
nature dans les airs. q. 6 a. 7 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod illa divisione dividitur unum simpliciter. Sic autem
Angelus corpori non unitur, sed secundum quid, sicut motor mobili et ut
figuratum figurae, sicut supra dictum est. # 8. L'unitй est simplement divisйe par cette division. Ainsi l'ange
n'est uni а un corps que relativement, comme le moteur au mobile, le figurй а
la figure, comme on l'a dit ci-dessus. q. 6 a. 7 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod corpora illa quae Angeli assumunt, habent quidem veras
formas quantum ad id quod sensus percipere potest, quae sunt sensibilia per se,
sicut color et figura; non autem quantum ad naturam speciei, quae est sensibile
per accidens. Nec propter hoc oportet quod sit ibi aliqua fictio, quia formas
humanas non obiiciunt oculis Angeli, ut homines esse credantur, sed ut per
humanas proprietates, Angelorum virtutes cognoscantur; sicut nec etiam
metaphoricae locutiones sunt falsae, in quibus ex aliorum similitudinibus res
aliae significantur. # 9. Ces corps que les anges assument ont de vraies formes, quant а ce
qui peut кtre perзu par les sens; ils sont sensibles par soi, comme la couleur
et la figure; mais non quant а la nature de la forme, qui est sensible par
accident. Et ce n'est pas pour зa qu'il faut qu'il y ait un subterfuge, parce
que les anges n'offrent pas aux yeux des formes humaines, pour qu'on croit que
ce sont des hommes; mais pour que, par des caractиres humains, leurs pouvoirs
soient connus, de mкme que les expressions mйtaphoriques, qui signifient
certaines choses par des images d'autres choses ne sont pas fausses. q. 6 a. 7 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet virtutes naturales corporum non sufficiant ad
inducendum veram speciem humani corporis nisi per debitum modum generationis,
sufficiunt tamen ad inducendum similitudinem humanorum corporum quantum ad
colorem et figuram et ad huiusmodi accidentia exteriora, et praecipue cum ad
plura horum sufficere videatur motus localis aliquorum corporum, per quem et
vapores condensantur, et rarefiunt, et nubes diversimode figurantur. # 10. Bien que les vertus naturelles des corps ne suffisent pas pour
induire la forme rйelle d'un corps humain sinon par le mode nйcessaire а la
gйnйration, elles suffisent cependant pour induire une ressemblance des corps
humains pour la couleur, la figure et les accidents extйrieurs de ce genre; et
surtout comme le mouvement local des corps parait suffire а plusieurs de
ceux-ci par lequel les vapeurs sont condensйes et rarйfiйes et les nuages
figurйes de diverses maniиres. q. 6 a. 7 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod Angelus movens corpus assumptum influit ei motum, et
tangit non tactu corporali sed spirituali, per suam virtutem. # 11. L'ange qui meut un corps assumй lui communique le mouvement et le
touche par son pouvoir non d'un toucher corporel mais spirituel. q. 6 a. 7 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod
imperium Angeli requirit executionem virtutis; unde oportet quod sit quidam
tactus spiritualis ad corpus quod movet. # 12. Le pouvoir de l'ange requiert l'accomplissement d'un pouvoir;
c'est pourquoi il faut que ce soit un toucher spirituel pour le corps qu'il
meut. q. 6 a. 7 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod figura est quaedam forma quae, per abscissionem
materiae et condensationem vel rarefactionem, vel ductionem aut aliquem motum
huiusmodi, potest fieri in materia. Unde non est eadem ratio de hac forma et
aliis. # 13. La figure est une forme qui par йpaississement de la matiиre et
condensation ou rarйfaction, ou induction ou un mouvement de ce genre, peut
кtre produite dans la matiиre. C'est pourquoi cette forme n'a pas la mкme
nature que les autres. q. 6 a. 7 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod esse in aliquo corpore potest intelligi
dupliciter: uno modo ut sit infra terminos quantitatis: et sic nihil prohibet
Diabolum in aliquo corpore esse; alio modo ut sit intra rei essentiam ut dans esse rei et
operans in re, quod est solius Dei proprium, quamvis Deus non sit pars
essentiae alicuius rei. Potest autem et secundum Glossam intelligi Daemon in
simulacro non esse sicut idololatrae putabant, ut scilicet ex simulacro et
spiritu habitante fieret unum. # 14. Etre dans un corps peut кtre compris de deux maniиres: 1) Il est en dessous des termes de quantitй; et ainsi rien n'empкche le
diable d'кtre dans un corps. 2) Il est dans l'essence de la chose, comme lui donnant l'кtre et
opйrant en elle; ce qui est le propre de Dieu seul, quoique Dieu ne soit pas
une partie de l'essence d'une chose. Mais on peut et selon la glose, comprendre
que le dйmon n'est pas dans une statue comme les idolвtres le pensaient, au
point que la statue et l'esprit qui l'habite deviennent un. q. 6 a. 7 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod Angelus est totus in toto corpore assumpto et in
qualibet parte eius, eadem ratione qua et anima: licet enim non sit forma
corporis assumpti ut anima, est tamen motor. Movens autem et motum oportet esse
simul. Et tamen non sequitur ut sit in pluribus locis simul, comparatur enim
totum corpus assumptum ad Angelum sicut unus locus. # 15. L'ange est tout entier dans tout le corps assumй, et en chacune
de ses partie, pour la mкme raison que l'вme, car bien qu'il ne soit pas la
forme du corps assumй, en tant qu'вme, il en est cependant le moteur. Mais le
moteur et le mы doivent кtre ensemble. Et cependant il n'en dйcoule pas qu'il
soit en plusieurs endroits en mкme temps, car tout corps assumй par l'ange
йquivaut pour ainsi dire а un seul lieu. [1] Parall.: Ia, qu. 51, a. 2, - II sent.
d8a2. [2]
"Or l'un se dit du continu, soit de l'indivisible, soit de ce qui a une
mкme dйfinition et une quidditй une…" (Trad. H. Carteron).
q. 6 a. 8 tit. 1
Octavo quaeritur utrum Angelus vel Daemon per corpus assumptum possit
operationes viventis corporis exercere. Et videtur quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 6 a. 8 arg. 1
Cuicumque enim competit habere virtutem ad aliquod opus, competit ei habere ea
sine quibus illud opus haberi non potest; alias talis virtus frustra ei
adesset. Sed huiusmodi opera viventium corporum sine corporeis organis exerceri
non possunt. Cum ergo Angelus non habeat corporea organa naturaliter sibi
unita, videtur quod non possit praedicta opera exercere. 1. Car а quiconque il convient d'avoir le pouvoir d'accomplir une
њuvre, il convient d'avoir ce sans quoi cette њuvre ne peut кtre accomplie;
autrement un tel pouvoir serait en vain en lui. Mais de telles њuvres des corps
vivants ne peuvent pas кtre exercйes sans les organes corporels. Donc comme
l'ange n'a pas d'organe corporel naturellement uni а lui, il semble qu'il ne peut
pas accomplir ces њuvres. q. 6
a. 8 arg. 2 Praeterea, anima est nobilior quam natura. Sed Angelus non potest
opus naturae facere nisi mediante virtute naturali. Ergo multo minus potest
facere opera animae per corpus assumptum quod anima caret. 2. L'вme est plus noble que la nature. Mais l'ange ne peut accomplir
l'њuvre de la nature que par l'intermйdiaire d'un pouvoir naturel. Donc il peut
beaucoup moins accomplir les њuvres de l'вme par le corps sans вme qu'il
assume. q. 6 a. 8 arg. 3
Praeterea, inter omnes operationes animae, quae per organa complentur, actus
sensuum sunt propinquiores intellectuali operationi, quae est propria Angeli.
Sed Angelus per corpus assumptum non potest sentire vel imaginari. Ergo multo
minus potest opera alia animae facere. 3. Parmi toutes les opйrations de l'вme, qui sont accomplies par les
organes, les actions des sens sont plus proches de l'opйration intellectuelle
qui est le propre de l'ange. Mais il ne peut ni sentir ni imaginer par le corps
qu'il assume. Donc il peut beaucoup moins accomplir les autres њuvres de l'вme. q. 6 a. 8 arg. 4
Praeterea, locutio non fit sine voce. Vox autem est sonus ab ore animalis
prolatus. Cum ergo Angelus utens corpore assumpto non sit animal, videtur quod
loqui non possit per corpus assumptum, et multo minus alia facere: nam locutio
propinquissima sibi videtur, cum sit intellectus signum. 4. La parole ne se fait pas sans la voix. Mais celle-ci est le son
profйrй par la gueule de l'animal[2]. Donc
comme l'ange, qui se sert d'une corps assumй, n'est pas un animal, il semble
qu'il ne puisse pas parler par ce corps qu’il assume, et beaucoup moins faire
d'autres choses: car la parole lui semble trиs proche puisqu'elle est le signe
de l'esprit. q. 6 a. 8 arg. 5
Praeterea, ultima operatio animae vegetabilis in uno et eodem individuo est
generatio: prius enim nutritur et augetur animal quam generet. Sed non potest
dici quod Angelus, vel corpus assumptum ab ipso, nutriatur vel motu augmenti
moveatur. Ergo non potest esse quod corpus assumptum generet. 5. La derniиre opйration de l'вme vйgйtative dans un seul et mкme
individu est la gйnйration; car l'animal se nourrit, et il grandit avant
d'engendrer. Mais on ne peut pas dire que l'ange ou le corps qu'il assume est
nourri ou mы par un mouvement de croissance. Dons il n'est pas possible qu'un
corps assumй engendre. q. 6 a. 8 arg. 6 Sed
dicendum, quod Angelus vel Daemon per corpus assumptum generare potest, non
quidem semine ex corpore assumpto deciso, sed semine hominis in muliere transfuso,
sicut et adhibendo alia propria semina quosdam veros effectus naturales
causat.- Sed contra: semen animalis praecipue ad generationem operatur per
calorem naturalem. Si autem Daemon semen portaret per aliquam magnam
distantiam, impossibile videtur quin calor naturalis evaporaret. Ergo non
posset fieri generatio hominis per modum praedictum. 6. Mais il faut dire que l'ange ou le dйmon peut engendrer par le corps
qu'il assume, cependant pas par sйparation de la semence d'avec le corps assumй;
mais par la semence d'un homme transfusйe dans la femme, et en employant
d'autres semences propres, il cause de vrais effets naturels. — En sens contraire:
la semence de l'кtre animй opиre surtout pour la gйnйration par la
chaleur naturelle. Mais si le dйmon portait la semence sur une grand distance,
il semble impossible que la chaleur naturelle ne soit pas dйtruite. Donc il ne
serait pas possible que la gйnйration de l'homme se fasse de cette maniиre. q. 6
a. 8 arg. 7 Praeterea, secundum hoc, ex tali semine homo non generaretur nisi
secundum virtutem humani seminis. Ergo illi qui dicuntur a
Daemonibus generari, non essent maioris staturae et robustiores aliis qui
communiter per semen humanum generantur; cum tamen dicatur Genes. VI, 4, quod
cum ingressi essent filii Dei ad filias hominum illaeque genuerunt, nati sunt
gigantes, potentes a saeculo, viri famosi. 7. Ainsi, l'homme n'est engendrй d'une telle semence que selon le
pouvoir de la semence humaine. Donc ceux qu'on dit engendrйs par les dйmons, ne
seraient pas d'une plus grande stature, ni plus robustes que les autres, qui
sont engendrйs communйment par la semence humaine, alors que cependant, on dit
en Genиse VI, 4, que, comme "ils s'etaient introduits chez les filles des
hommes, et elles engendrиrent, des gйants naquirent, les puissants de cette
йpoque, hommes fameux." q. 6 a. 8 arg. 8
Praeterea, comestio ad nutrimentum ordinatur. Si ergo Angeli in corporibus
assumptis non nutriuntur, videtur quod nec etiam comedant. 8. Manger est ordonnй а la nutrition. Si donc les anges dans les corps
qu'ils assument ne sont pas nourris, il semble qu'ils ne mangent pas non plus. q. 6 a. 8 arg. 9 Praeterea, ad ostendendum
veritatem corporis humani resurgentis, Christus post resurrectionem comedere
voluit. Si autem Angeli vel Daemones in corporibus assumptis
comedere possent, non esset comestio efficax argumentum resurrectionis, quod
patet esse falsum. Non ergo Angeli vel Daemones per corpus assumptum comedere
possunt. 9. Pour montrer la vйritй de son corps humain ressuscitй, le Christ,
aprиs sa rйsurrection, a voulu manger. Mais si les anges et les dйmons dans les
corps assumйs pouvaient manger, cette action de manger ne serait pas efficace
comme l'argument de la rйsurrection, ce qui paraоt faux. Donc les anges ou le
dйmons ne peuvent pas manger par le corps qu'ils assument. En sens contraire: q. 6 a. 8 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Gen. capit. XVIII, 9, de Angelis qui apparuerunt
Abrahae: cum comedissent, dixerunt ad eum: ubi est Sara uxor tua? Ergo et
comedunt et loquuntur Angeli in corporibus assumptis. 1. Il y a ce qui est dit en Gn. 18, 9 au sujet des anges qui apparurent
а Abraham: "Comme ils avaient mangй, ils lui dirent: Oщ est Sara ton
йpouse?" Donc les anges mangent et parlent dans les corps qu'ils avaient
assumйs. q. 6
a. 8 s. c. 2 Praeterea, Genes. VI, 2, super illud: videntes filii Dei, etc.,
dicit Glossa Hieron.: verbum Hebraicum Eloim utriusque numeri est: Deum enim et
deos significat. Ideo aquila filios deorum dicere ausus est deos, sanctos vel
Angelos intelligens. Ergo videtur quod Angeli generent. 2. En Gn. 6, 2 sur cette parole: "Les fils de Dieu voyant…",
la glose de Jйrфme dit: "Le mot hйbreux Elohim est de deux nombres: Car il
signifie Dieu et des dieux. C'est pourquoi Aquila a osй appelй les fils des dieux
des dieux, comprenant les saints et les anges." Donc il semble que les
anges engendrent. q. 6 a. 8 s. c. 3
Praeterea, sicut per artem hominis nihil fit frustra, ita nec per artem Angeli.
Frustra autem assumerent corpora disposita ad modum organici corporis, nisi
illis organis uterentur. Ergo videtur quod exerceant in corporibus assumptis
opera organis convenientia, sicut quod videant per oculos, et audiant per
aures, et sic de aliis. 3. Rien n'est fait en vain par l'art de l'homme, ni non plus par l'art
de l'ange. C'est en vain qu'ils assumeraient des corps disposйs а la maniиre
d'un corps organique, s'ils n'en utilisaient pas les organes. Donc il semble
qu'ils exercent dans les corps assumйs des њuvres qui conviennent а ces
organes, comme voir de leurs yeux, entendre avec leurs oreilles, etc.. Rйponse: q.
6 a. 8 co. Respondeo. Dicendum quod actio aliqua ex duobus naturalem
speciem accipere videtur: scilicet ex agente et termino. Calefactio enim ab
infrigidatione differt, quia una earum ex calore procedit et ad calorem
terminatur; alia vero a frigore et ad frigus. Proprie tamen actio, sicut et
motus, a termino speciem habet; a principio autem habet proprie quod sit
naturalis. Motus enim et actiones naturales dicuntur quae sunt a principio
intrinseco. Il faut dire qu'une action semble recevoir une forme naturelle de deux
maniиres: а savoir de l'agent et du terme[3].
Car l'йchauffement est diffйrent du refroidissement, parce que l'un des
deux procиde de la chaleur et s'y termine, l'autre du froid et s'y termine.
Cependant l'action, comme le mouvement, reзoit proprement sa forme de son terme;
mais du principe, elle a en propre ce qui lui est naturel. Car on appelle
mouvement et actions naturelles ce qui vient d'un principe intrinsиque. Considerandum est ergo, quod in operationibus animae,
quaedam sunt quae non sunt solum ab anima sicut a principio, sed etiam
terminantur ad animam et ad corpus animatum; et huiusmodi actiones Angelis in
corporibus assumptis attribui non possunt neque secundum similitudinem speciei
neque secundum naturalitatem actionis sicut sentire, augeri, nutrire et
similia. Sensus enim est secundum motum a rebus ad animam; similiter
nutrimentum et augmentum est per hoc quod aliquid generatur et additur corpori
viventi. Donc il faut considйrer que dans les opйrations de l'вme, il y en a
certaines qui ne viennent pas seulement de l'вme comme de leur principe, mais
se terminent aussi а l'вme et au corps animйs et les actions de ce genre ne
peuvent кtre attribuйes aux anges dans les corps qu'ils assument, ni selon la
ressemblance de la forme (species), ni selon le caractиre naturel de l'action:
exemple йprouver des sensations, grandir, se nourrir etc.. Car la sensation
dйpend du mouvement des objets vers l'вme; de mкme la nourriture et la
croissance viennent de quelque chose qui est engendrй et ajoutй au corps
vivant. Quaedam vero actiones sunt animae quae quidem sunt ab anima
sicut a principio, terminantur tamen ad aliquem exteriorem effectum; et si
quidem talis effectus per solam corporis divisionem vel motum localem produci
possit, talis actio attribuetur Angelo per corpus assumptum quantum ad
similitudinem speciei in effectu, non tamen erit vere naturalis actio, sed
similitudo talis actionis; sicut patet in locutione, quae formatur per motum
organorum et aeris, et comestione, quae perficitur per divisionem cibi et
traiectionem in partes interiores. Mais il y a certaines actions de l'вme qui viennent d'elle comme d'un
principe, cependant elles se terminent а un effet extйrieur; et mкme si un tel
effet pouvait se produire par la seule division du corps, ou un mouvement local;
une telle action serait attribuйe а l'ange par le corps qu'il assume quant а la
ressemblance de la forme dans l'effet, cependant ce ne sera pas vraiment une
action naturelle, mais une imitation, comme cela apparaоt dans la parole qui
est formйe par le mouvement des organes et de l'air, et le fait de manger qui
s'achиve par la division de la nourriture et son passage dans les organes
intйrieurs. Unde locutio quae attribuitur Angelis in corporibus
assumptis, non est vere naturalis locutio, sed quaedam similitudinaria per
similitudinem effectus; et similiter dicendum est de comestione. Unde et Tobiae
XII, 18, dicit Angelus: cum essem vobiscum (...) videbar quidem vobiscum
manducare et bibere; sed ego cibo invisibili et potu (...) utor. Si autem talis
effectus requirat transmutationem secundum formam, tunc non poterit fieri per
Angelum; nisi forte mediante naturali actu, sicut patet de generatione. C'est pourquoi la parole qui est attribuйe aux anges dans les corps
qu’ils assument, n'est pas vraiment une parole naturelle, mais quelque chose de
similaire par imitation de l'effet; et il faut en dire autant de la nutrition.
C'est pourquoi en Tobie, 12, 18, l'ange dit: "Quand j'йtais avec vous…
vous m'avez vu manger, et boire; mais je me nourris d'une nourriture invisible
et je me sers d'un breuvage invisible." Si un tel effet demandait un
changement de forme, alors il ne pourrait pas кtre fait par lui, а moins par hasard
d'un acte naturel intermйdiaire comme cela se voit dans la gйnйration. Solutions: q. 6 a. 8 ad
1 Ad primum ergo dicendum, quod huiusmodi operationes non naturaliter Angelus
exercet, et ideo non oportet quod habeat naturaliter organa unita. # 1. L'ange n'exerce pas naturellement des actions de ce genre et c'est
pourquoi il ne faut pas qu'il ait des organes qui lui soient unis
naturellement. q. 6 a. 8 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod veras operationes animae Angelus non facit, sed
similitudinarias, ut dictum est. # 2. L'ange ne fait pas de vraies opйrations de l'вme, mais ce sont des
imitations, comme on l'a dit. q. 6 a. 8 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod iam dictum est, quare sensus non potest Angelis in
corporibus assumptis attribui. # 3. On a dйjа dit (dans le corps de l'article), pourquoi on ne peut
pas attribuer la sensation aux anges dans le corps qu'ils assument. q. 6 a. 8 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod vera locutio attribui non potest Angelo in corpore
assumpto, sed solum similitudinaria, ut dictum est, ubi supra. # 4. Une vraie parole ne peut pas кtre attribuйe а l'ange dans le corps
qu'il assume, mais seulement des imitations de la parole, comme on l'a dit
ci-dessus. q. 6 a. 8 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Angelis bonis generare nunquam attribuitur; sed de
Daemonibus est duplex opinio: quidam enim dicunt, quod Daemones etiam nullo modo generare
possunt in corporibus assumptis, propter rationes in obiiciendo inductas. # 5. Engendrer n'est jamais attribuй aux anges; pour les dйmons il y a
deux opinions: 1) Certains en effet disent que les dйmons ne peuvent en aucune maniиre
engendrer dans les corps qu'ils assument, а cause des raisons donnйes dans
l'objection. Quibusdam vero videtur quod generare possunt, non quidem per
semen a corpore assumpto decisum, vel per virtutem suae naturae, sed per semen
hominis adhibitum ad generationem, per hoc quod unus et idem Daemon sit ad
virum succubus, et semen ab eo receptum in mulierem transfundit, ad quam fit
incubus. Et hoc satis rationabiliter sustineri potest, cum etiam alias res
naturales causent, propria semina adhibendo, ut Augustinus dicit. 2) Il semble а certains qu'ils peuvent engendrer, non par une semence
qui vient du corps qu'ils assument, ni par le pouvoir de sa nature, mais par la
semence d'un homme employйe pour la gйnйration, par le fait qu'un seul et mкme
dйmon est un succube pour l'homme et la semence reзue par lui est introduite
dans la femme, pour laquelle il devient l'incube. Et cela peut кtre soutenu
assez raisonnablement, puisqu'ils sont causes mкme d'autres choses naturelles,
en employant des semences particuliиres[4], comme Augustin
le dit (La Trinitй, III, 8 et 9). q. 6 a. 8 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod circa evaporationem seminis potest Daemon remedium
adhibere, tum per velocitatem motus, tum adhibendo aliqua fomenta, per quae
calor naturalis conservetur in semine. # 6. Le dйmon peut apporter remиde а l'йvaporation de la semence, tant
par la rapiditй du mouvement, qu'en recevant quelque combustible, par lequel il
conserve la chaleur naturelle dans la semence. q. 6 a. 8 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod procul dubio generatio, praedicto modo facta, virtute
humani seminis fit. Unde homo sic genitus, non esset filius Daemonis, sed viri
cuius fuit semen. Et tamen possibile est quod per talem modum homines fortiores
generentur et maiores, quia Daemones volentes in suis effectibus mirabiles
videri, observando determinatum situm stellarum, et viri et mulieris
dispositionem, possunt ad hoc cooperari. Et praecipue si semina, quibus utuntur
sicut instrumentis, per talem usum aliquod augmentum virtutis consequantur. # 7. Sans doute la gйnйration, accomplie d'une telle maniиre, est faite
par le pouvoir de la semence humaine. C'est pourquoi l'homme ainsi engendrй ne
serait pas fils du dйmon, mais de l'homme dont vient la semence. Et cependant
il est possible que par un tel mode les hommes engendrйs soient plus forts et
plus grands, parce que les dйmons voulant paraоtre admirables dans leurs
effets, en observant la position dйterminйe des йtoiles, et la disposition de
l'homme et de la femme, peuvent y participer. Et surtout si les semences qu'il
utilisent comme instrument, par tel usage obtiennent une augmentation de la
puissance. q. 6 a. 8 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod comestio attribuitur Angelis in corporis assumptis, non
quantum ad finem, qui est nutritio, sed simpliciter quantum ad comestionis
actum; et similiter etiam Christo post resurrectionem cuius, corpori non erat
tunc aliquid addibile. In hoc tamen differt, quod comestio Christi fuit vere
naturalis comestio, utpote eius existens qui animam vegetabilem habebat; et sic
potuit esse argumentum veritatis naturae. In utraque tamen comestione cibus non
est conversus in carnem et sanguinem, sed resolutus in materiam praeiacentem. # 8. Le fait de manger est attribuйe aux anges dans les corps qu'ils
assument, non quant а son but, qui est la nutrition, mais simplement pour
l'action de manger, et il en est de mкme aussi pour le Christ, aprиs la
rйsurrection: rien ne pouvait кtre ajoutй а son corps. Cependant il y a une
diffйrence du fait que manger pour le Christ fut vraiment naturel; en tant
qu'ayant existй auparavant, il avait une вme vйgйtative, et ainsi il a pu
dйmontrer la vйritй de sa nature. Dans l'une et l'autre repas, la nourriture
n'a pas йtй changйe en chair et sang, mais dissoute dans la matiиre qui
existait auparavant. q. 6 a. 8 ad 9 Et per hoc patet responsio ad
nonum. # 9. Et cela donne rйponse а l'objection 9. Arguments en sens contraire: q. 6 a. 8 ad s. c. 1
Ad primum vero quod in contrarium obiicitur, dicendum, quod comestio et locutio
qualiter Angelis sit attribuenda, dictum est, in corp. art. # 1. Il faut dire qu'on a parlй dans le corps de l'article de la
nutrition et de la parole telles qu'elles sont attribuйes aux anges. q. 6 a. 8 ad s. c. 2
Ad secundum dicendum, quod per filios Dei intelligit quidem filios Seth, qui
erant Dei filii per gratiam, et Angelorum per imitationem. Filii autem hominum
dicebantur filii Cain, qui a Deo recesserant, carnaliter viventes. # 2. Par les fils de Dieu, on comprend les fils de Seth, qui йtaient
fils de Dieu par grвce; et des anges par imitation. Mais les fils des hommes,
qui se sont йloignйs de Dieu en vivant charnellement, sont appelйs fils de
Caпn. q. 6 a. 8 ad s. c. 3 Ad tertium dicendum, quod
instrumenta sensuum assumunt Angeli, non ad utendum, sed ad signandum. Unde etsi
per ea non sentiant, non tamen frustra assumunt. # 3. Les anges assument les organes des sens, non pour s'en servir,
mais comme un signe. C'est pourquoi, mкme s'ils n'йprouvent pas de sensations,
ils ne l'assument pas en vain.
[1] Ia, qu. 41, a. 3 - II Sent. d8a4. [2]
Penser а l'вne de Balaam. [3]
Ou du but recherchй. [4]
Augustin (loc. cit.) parle de semences de vйgйtaux et d'animaux invisibles,
crййes par Dieu, qui ont pu servir а de premiиres naissances que les anges ou
les dйmons dйcouvrent et dont ils assurent l'йclosion (III, VIII, 13).
Article 9: Faut-il attribuer le miracle а la foi?
q. 6 a. 9 tit. 1
Nono quaeritur utrum operatio miraculi sit attribuenda fidei. Et videtur quod
non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 6 a. 9 arg. 1
Gratiae enim gratis datae a virtutibus differunt, eo quod virtutes sanctis
omnibus sunt communes, gratiae vero gratis datae diversis distribuuntur,
secundum illud I ad Cor. XII, 4: divisiones gratiarum sunt. Sed facere miracula
est gratiae gratis datae; unde in eodem capitulo dicitur: alii operatio
virtutum, et cetera. Ergo facere miracula non est attribuendum fidei. 1. Car les grвces donnйes gratuitement diffйrent des vertus, parce que
celles-ci sont communes а tous les saints, mais les grвce donnйes gratuitement,
sont distribuйes а diverses personnes selon ce mot de I Co. 12, 4: "Il y a
diversitй des grвces[2]". Mais faire des miracles vient de la grвce donnйe
gratuitement. C’est pourquoi dans le mкme chapitre il est dit (verset 10): "A
un autre l’opйration des miracles, etc.". Donc faire des miracles ne doit
pas кtre attribuй а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 2 Sed
dicendum, quod attribuitur fidei tamquam merenti, gratiae gratis datae tamquam
exequenti.- Sed contra, est quod dicit Glossa ordinaria super illud Matth. VII,
22: Domine, nonne in nomine tuo prophetavimus? etc.: prophetare, virtutes
facere, Daemones eiicere, interdum non est meriti illius qui operatur, sed
invocatio nominis Christi. Ergo videtur quod non sit fidei attribuendum. 2. Mais il faut dire qu'on l'attribue а la foi, en tant que mйritoire,
et а la grвce donnйe gratuitement en tant qu'elle l'accompagne. — En sens
contraire, il y a ce que dit la Glose ordinaire sur cette parole de Mt. 7, 12: "Seigneur,
n’avons-nous pas prophйtisй en ton nom", etc. "Prophйtiser, faire des
miracles, chasser les dйmons, parfois ne dйpend pas du mйrite de celui qui
opиre, mais de l’invocation du nom du Christ." Donc il semble qu’il ne
faut pas l’attribuer а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 3
Praeterea, caritas est principium et radix merendi, sine qua fides informis
mereri non potest. Si ergo fidei propter meritum attribuitur operatio
miraculorum, magis est attribuenda caritati. 3. La charitй est le principe et la racine du mйrite sans laquelle la
foi informelle ne peut pas mйriter. Si donc а cause du mйrite, on attribue а la
foi l’accomplissement des miracles, il est mieux de l’attribuer а la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 4
Praeterea, cum sancti orando miracula faciant, illi virtuti praecipue debet
miraculorum operatio attribui quae facit ut oratio exaudiatur. Hoc autem facit
caritas; unde dicitur Matth. XVIII, 19: Si duo ex vobis consenserint super
terram de omni re, quamcumque petierint, fiet illis a patre meo, ut in Psal.
XXXVI, 4, dicitur: Delectare in domino, et dabit tibi petitiones cordis tui;
caritas enim est quae facit homines delectari in Deo per amorem Dei, et
consentire hominibus per amorem proximi. Ergo caritati debet attribui
miraculorum operatio. 4. Comme les saints font des miracles en priant, l’accomplissement des
miracles doit кtre attribuй а ce qui fait que la priиre est exaucйe. C'est la
charitй qui le fait; c’est pourquoi il est dit en Mt. 18, 19[3]: "Si deux
d’entre vous se sont mis d'accord sur la terre sur tout ce qu’ils demanderont,
mon Pиre les exaucera." Comme il est dit dans le Ps. 36, 4: "Rйjouis-toi
dans le Seigneur et il te donnera tout ce que ton cњur demande."; car
c'est la charitй qui fait que les hommes se rйjouissent en Dieu par son amour,
et sont en sympathie avec les hommes par l’amour du prochain. Donc on doit
attribuer l’accomplissement des miracles а la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 5
Praeterea, dicitur Ioan. IX, 31: Scimus quia peccatores Deus non audit. Caritas
autem est quae sola peccata removet, quia, ut dicitur Prov. X, 12, universa
delicta operit caritas. Ergo caritati et non fidei debet attribui miraculorum
operatio. 5. Il est dit en Jn 9, 31: "Nous savons que Dieu n’йcoute pas les
pкcheurs[4]". Mais la charitй est la seule qui йloigne les pйchйs, parce
que, comme on le dit en Prov. 10, 12: "La charitй couvre tous les pкchйs".
Donc on doit attribuer l’accomplissement des miracles а la charitй et non а la
foi.
q. 6 a. 9 arg. 6
Praeterea, sancti homines non solum orando impetrant miracula fieri, sed etiam
miracula faciunt ex potestate, ut Gregorius dicit. Hoc autem est inquantum homo
Deo unitur, ut sic divina virtus homini coassistat: quam quidem unionem caritas
facit, quia qui adhaeret Deo, scilicet per caritatem, unus spiritus est, ut
dicitur I Cor. VI, 17. Ergo caritati debet attribui miracula facere. 6. Les saints obtiennent de faire des miracles, non seulement en
priant, mais aussi ils en font par puissance, comme le dit Grйgoire [le grand]
(Dialogues, II, ch. 30). Mais c’est
dans la mesure oщ l’homme est uni а Dieu, que le pouvoir divin l'assiste: cette
union, c’est la charitй qui l’accomplit, parce que "celui qui s'unit a
Dieu, а savoir par charitй, est un seul esprit [avec lui]", comme il est
dit en 1 Co. 6, 17[5]. Donc on doit attribuer l’accomplissement des miracles а
la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 7
Praeterea, caritati praecipue opponitur invidia, nam caritas congaudet bonis,
de quibus invidia tristatur. Sed immutatio in malum per fascinationem
attribuitur invidiae, ut dicitur in Glossa Gal. III, 1 (ordinaria super illud:
quis fascinavit?). Ergo et miraculorum operatio est attribuenda caritati. 7. On oppose surtout l’envie а la charitй, car celle-ci se rйjouit avec
les bons, l’envie s’en attriste. Mais le changement en mal est attribuй а
l’envie par l'ensorcellement, comme on le dit dans la glose de Gal. 3, 1, glose
ordinaire sur cette parole: "Qui vous a ensorcelйs?". Donc
l’accomplissement des miracles doit кtre attribuй а la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 8
Praeterea, intellectus non est principium operationis nisi mediante voluntate.
Fides autem est in intellectu, caritas autem in voluntate. Ergo nec fides operatur nisi per caritatem; unde
dicitur Galat. V, 6: fides quae per dilectionem operatur. Sicut ergo operatio
actuum virtutis magis attribuitur caritati quam fidei, ita et operatio
miraculorum. 8. L’intellect n’est le principe de l’opйration que par l’intermйdiaire
de la volontй. Mais la foi est dans l’esprit, et la charitй dans la volontй.
Donc la foi n’opиre que par la charitй; c’est pourquoi en Gal. 5, 6[6], il est
parlй de: "la foi qui opиre par l'amour". Donc l’accomplissement des
actes de vertu est attribuй а la charitй plus qu’а la foi, et l’accomplissement
du miracle aussi.
q. 6 a. 9 arg. 9
Praeterea, omnia alia miracula ad incarnationem Christi ordinantur, quae est
miraculum miraculorum. Sed incarnatio Christi attribuitur caritati; unde
dicitur Ioan. III, 16: Sic Deus dilexit
mundum ut filium suum unigenitum daret. Ergo et alia miracula sunt
caritati attribuenda, et non fidei. 9. Tous les autres miracles sont ordonnйs а l'Incarnation du Christ,
qui est le miracle des miracles. Mais celle-ci est attribuйe а la charitй;
c'est pourquoi il est dit en Jn 3, 16: "Le Seigneur a tant aimй le monde
qu'il lui a donnй son Fils unique." Donc il faut attribuer les autres
miracles а la charitй et non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 10
Praeterea, quod Sara anus et sterilis de vetulo concepit filium, miraculosum
fuit. Hoc autem attribuitur spei, ut dicitur Rom. IV, 18: Qui contra spem in
spem credidit. Ergo operari miracula attribuendum est spei, non fidei. 10. Que Sara, vieille femme stйrile, conзut un fils d'un vieillard, a
йtй miraculeux. Mais on l'attribue а l'espйrance, comme il est dit en Rm 4, 18:
"(Abraham) a cru contre tout espйrance." Donc opйrer des miracles est
attribuй а l'espйrance, non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 11
Praeterea, miraculum est aliquod arduum et insolitum, ut Augustinus dicit.
Arduum autem est obiectum spei. Ergo spei debet attribui operatio miraculorum. 11. Le miracle est quelque chose d'ardu et d'insolite[7], comme
Augustin le dit, (Sur l'Evangile de Jean 8, et La Trinitй, II, ch. 4). Mais l'objet de l'espйrance est ardu. Donc
l'accomplissement des miracles doit кtre attribuй а l'espйrance.
q. 6 a. 9 arg. 12
Praeterea, miraculum est manifestativum divinae potentiae. Sed sicut bonitati, quae
appropriatur spiritui sancto, respondet caritas; et veritati, quae appropriatur
filio, respondet fides; ita potestati, quae appropriatur patri, respondet spes.
Ergo facere miracula est attribuendum spei, et non fidei. 12. Le miracle manifeste la puissance de Dieu. Mais comme а la bontй
qui est appropriйe а l'Esprit saint, rйpond la charitй, et а la vйritй, qui est
appropriйe au Fils, rйpond la foi, ainsi а la puissance qui est appropriйe au
Pиre, rйpond l'espйrance. Donc faire des miracles doit кtre attribuй а
l'espйrance, non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 13
Praeterea, Augustinus dicit, quod mali homines interdum faciunt miracula per
publicam iustitiam. Ergo operatio miraculorum est attribuenda iustitiae, et non
fidei. 13. Augustin dit (Les 83 Questions, qu. 79) que les mйchants font
quelquefois des miracles par justice publique. Donc l’accomplissement des
miracles est attribuй а la justice, non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 14 Praeterea, Act. VI, 8,
dicitur, quod Stephanus plenus gratia et fortitudine faciebat prodigia et signa
magna in populo. Ergo videtur quod sit attribuendum fortitudini. 14. Il est dit en Act. 6, 8, qu' "Йtienne, plein de grвce et de
force, faisait des prodiges et des signes importants dans le peuple". Donc
il semble qu'il faille l'attribuer а la (vertu de) force.
q. 6 a. 9 arg. 15 Praeterea, Matth. XVII, 20,
dicit dominus discipulis, qui daemoniacum sanare non poterant: Hoc genus
Daemoniorum non eiicitur nisi oratione et ieiunio. Sed eiicere Daemonia inter
miracula computatur: ieiunium autem est actus virtutis abstinentiae. Ergo ad
abstinentiam pertinet miracula facere. 15. En Mt. 17, 20, le Seigneur dit aux disciples qui ne pouvaient pas
guйrir le dйmoniaque: "Ce genre de dйmon n'est chassй que par la priиre et
le jeыne". Mais chasser les dйmons est comptй parmi les miracles. Et le
jeыne est l'acte de la vertu d'abstinence. Donc c'est par elle qu'il convient
de faire des miracles.
q. 6 a. 9 arg. 16
Praeterea, Bernardus dicit quod cum muliere semper esse et feminam non
cognoscere, maius est quam mortuum suscitare. Hoc autem facit castitas. Ergo
castitatis est miracula facere, et non fidei. 16. Bernard dit qu'кtre toujours avec une femme sans la connaоtre est
plus grand que ressusciter un mort. Mais c'est la chastetй qui le fait. Donc
faire des miracles est le propre de la chastetй et non de la foi.
q. 6 a. 9 arg. 17
Praeterea, illud quod est in derogationem fidei, non est fidei attribuendum.
Sed miracula sunt in derogationem fidei, quia infideles imputabant ea magicae
arti. Ergo fidei non debet attribui facere miracula. 17. Il ne faut pas attribuer а la foi ce qui y dйroge. Mais les
miracles sont dans la dйrogation de la foi, parce que les infidиles les
imputent а l'art magique. Donc faire des miracles ne doit pas кtre attribuй a
la foi.
q. 6 a. 9 arg. 18
Praeterea, fides Petri et Andreae commendatur a Gregorio, de hoc quod, nullis
miraculis visis, crediderunt. Ergo operatio miraculorum derogat fidei; et sic
idem quod prius. 18. La foi de Pierre et d'Andrй est louйe par Grйgoire le grand (Hom.
5, sur l'Evangile), du fait que, sans avoir vu les miracles, ils ont cru. Donc
l'opйration des miracles dйroge а la foi, et ainsi de mкme que ci-dessus.
En sens contraire:
q. 6 a. 9 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Marci XVI, 17: Signa autem eos qui crediderint,
haec sequentur: in nomine meo Daemonia eiicient, et cetera. 1. Il y a ce qui est dit en Mc 16,17: "Mais voici les signes qui
accompagneront ceux qui auront cru: ils chasseront les dйmons en mon noms, etc."
q. 6 a. 9 s. c. 2
Praeterea, Matth. XVII, 19. Dominus dicit: Si habueritis fidem sicut granum
sinapis, dicetis monti huic: transi hinc illuc, et transibit; et nihil
impossibile erit vobis. 2. En Mt. 17, 19, le Seigneur dit: "Si vous aviez eu la foi comme
un grain de moutarde, nous diriez а cette montagne: Pars d'ici, et elle
partira, et rien ne vous sera impossible."
q. 6 a. 9 s. c. 3
Praeterea, si unum oppositum est causa oppositi, et reliquum oppositum est
causa reliqui. Sed incredulitas est causa
impediens miraculorum operationem: unde dicitur Marc. VI, 5, de Christo:
non poterat ibi, hoc est in patria sua, facere miracula, nisi paucos infirmos
impositis manibus curavit: et mirabatur propter incredulitatem illorum: et
Matth. XVII, 18, dicitur, dominum respondisse discipulis quaerentibus: quare
non potuimus eiicere Daemonium? Propter incredulitatem, inquit, vestram. Ergo
et fides est causa faciendi miracula. 3. Si l'opposй est la cause de l'opposй, l'opposй restant est la cause
du reste. Mais l'incrйdulitй est la cause qui empкche l'opйration des miracles;
c'est pourquoi il est dit en Mc 6, 5, а propos du Christ: "Il ne pouvait
pas faire de miracle lа (c'est-а-dire dans sa patrie) sinon qu'il guйrit peu de
malades en leur imposant les mains, et il s'йtonnait de leur incrйdulitй."
Et en Mt 17, 18, il est dit que le Seigneur rйpondit а ses disciples qui le
questionnaient: "Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser, les dйmons?- A
cause de votre incrйdulitй, dit-il." Donc la foi est la cause (qui permet
de) faire des miracles.
Rйponse:
q. 6 a. 9 co.
Respondeo Dicendum quod homines sancti miracula faciunt dupliciter, secundum
Gregorium in II Dialog.: scilicet, oratione impetrando ut miracula divinitus
fiant, et per potestatem. Utroque autem modo fides idoneum reddit hominem ad
miracula facienda, ipsa enim meretur proprie ut oratio exaudiatur de miraculis
faciendis. Les saints font des miracles de deux maniиres, selon Grйgoire
(Dialogue, II, 30): а savoir: en obtenant par la priиre, de les faire avec
l'aide de Dieu, et par leur pouvoir. Mais de l'une et l'autre maniиre, la foi
rend l'homme capable de faire des miracles, car il mйrite en propre pour que sa
priиre soit exaucйe pour faire des miracles.
Quod hac ratione videri potest: sicut enim in rebus
naturalibus videmus quod a causa universali omnes particulares causae sumunt
efficaciam agendi,- tamen effectus determinatus et proprius attribuitur causae
particulari, sicut patet de virtutibus activis inferiorum corporum respectu
virtutis caelestis corporis, et de ordinibus inferioribus (qui etsi sequantur
motum primi orbis, habent tamen singuli proprios motus),- ita etiam est de
virtutibus quibus meremur: nam omnes habent efficaciam merendi a caritate, quae
nos unit Deo a quo meremur et voluntatem perficit per quam meremur, singulae
tamen virtutes merentur singularia quaedam praemia eis proportionaliter
respondentia; sicut humilitas meretur exaltationem, et paupertas regnum. Ce qui peut-кtre montrй par cette raison: car de mкme que nous voyons
dans les choses naturelles que par la cause universelle toutes les causes
particuliиres tirent l’efficacitй de leur action, — cependant l'effet dйterminй
et plus propre est attribuй а une cause particuliиre, comme on le voit dans les
pouvoirs actifs des corps infйrieurs, par rapport а la puissance du corps cйleste,
et des ordres infйrieurs, (qui, mкme s'ils suivent le mouvement du premier ciel
ont cependant chacun des mouvements propres), — de mкme aussi il y a des vertus
par lesquelless nous mйritons: Car toutes ont un mйrite efficace par la
charitй, qui nous unit а Dieu, par lequel nous mйritons et il parfait la
volontй par laquelle nous mйritons, cependant les puissance particuliиres
mйritent des rйcompenses particuliиres qui leur correspondent
proportionnellement; ainsi l'humilitй mйrite l'йlйvation et la pauvretй le
Royaume.
Unde quandoque caritate cessante, per actum aliarum
virtutum, etsi aliquis nihil mereatur ex condigno, ex quadam tamen divina
liberalitate aliqua congrua beneficia retribuit pro huiusmodi actibus, saltem
in hoc mundo: unde dicitur, quod per ea quae sunt ex genere bona, extra
caritatem facta, merentur aliqui ex congruo interdum bonorum temporalium
multiplicationem. C'est pourquoi, si quelquefois la charitй cesse, par l'action des
autres vertus, mкme si quelqu'un ne mйrite rien d'une maniиre convenable,
cependant de par sa libйralitй, Dieu accorde des bienfaits convenables pour des
actions de ce genre, du moins en ce monde; c'est pourquoi on dit que par ce qui
est bon en son genre, produit sa charitй, certains mйritent parfois d'une
maniиre adйquate la multiplication des biens temporels.
Per hunc autem
modum fides meretur miraculorum operationem, licet radix merendi sit ex
caritate. Cuius ratio
potest triplex assignari: Par ce moyen la foi mйrite d'opйrer des miracles bien que la racine du
mйrite vienne de la charitй. On peut lui en assigner trois raisons.
primo quidem, quia miracula sunt quaedam argumenta fidei,
dum per ea facta quae naturam excedunt, illorum veritas comprobatur quae
naturalem transcendunt rationem; unde Marc. ult., vers. 20, dicitur. Illi
profecti praedicaverunt ubique, domino cooperante, et sermonem confirmante
sequentibus signis. 1) Premiиre raison, parce que les miracles sont des arguments de foi,
tant que les faits, qui dйpassent la nature, confirme la vйritй de ce qui
dйpasse la raison naturelle; c'est pourquoi en Mc, (16, 20) il est dit: "Une
fois partis, ils prкchиrent partout avec l'aide du Seigneur, et en confirmant
leurs paroles par les signes qui les accompagnaient."
Secunda ratio est, quia fides potissime divinae potentiae
innititur, quam accipit ut rationem vel medium ad assentiendum his quae supra
naturam esse videntur: et ideo divina potentia in operatione miraculorum
praecipue fidei coassistit. 2) La seconde raison: parce que la foi s'appuie trиs fortement sur la
puissance divine, qu'elle reзoit comme raison ou intermйdiaire pour approuver
ce qui semble кtre au-dessus de la nature; et c'est pourquoi la puissance
divine vient en aide а la foi surtout en accomplissant des miracles.
Tertia ratio est, quia miracula praeter naturales causas
fiunt; fides autem est quae non ex rationibus naturalibus et sensibilibus
argumenta assumit, sed ex rebus divinis. 3) La troisiиme raison: parce que les miracles se font au-delа des
causes naturelles; mais la foi tire argument non pas des raisons naturelles et
sensibles, mais de ce qui est divin.
Unde sicut paupertas temporalium rerum meretur divitias
spirituales, et humilitas meretur caelestem dignitatem, ita fides, quasi
contemnendo ea quae naturaliter fiunt, quodammodo miraculorum operationem
meretur, quae praeter naturalem virtutem fit. C'est pourquoi, de mкme que la pauvretй en biens temporels mйrite les
richesses spirituelles, et que l'humilitй mйrite la possession du ciel, de mкme
la foi, comme mйprisant ce qui arrive naturellement, d'une certaine maniиre
mйrite d'opйrer des miracles, ce qui se fait au-delа du pouvoir naturel.
Similiter autem et per fidem homo maxime disponitur ut ex
potestate miracula faciat. Quod etiam ex tribus rationibus patet: Mais de la mкme maniиre, et par la foi l'homme est parfaitement mis en
йtat de faire des miracles par son pouvoir. Ce qui apparaоt pour trois raisons:
primo quidem, quia sicut supra dictum est, sancti ex
potestate miracula dicuntur facere, non quasi miraculorum principales auctores,
sed sicut divina instrumenta, imperium divinum, cui natura obedit in miraculis,
quodammodo ipsis rebus naturalibus praesentantes. Quod autem divinum verbum in
nobis habitet, est per fidem, quae est quaedam participatio in nobis divinae
veritatis; unde per ipsam fidem homo disponitur ad miracula facienda. 1) Parce que, comme on l'a dit ci-dessus (art. 4 de cette question),
les saints font des miracles par leur pouvoir, non comme leurs auteurs
principaux, mais comme des instruments divins, rйvйlant d'une certaine maniиre
dans les choses naturelles le gouvernement divin, а qui la nature obйit dans
les miracles. Mais, c'est par la foi qui est une participation en nous а la
vйritй divine que la parole divine habite en nous; c'est pourquoi par la foi mкme,
l'homme a possibilitй de faire des miracles.
Secundo, quia sancti, qui ex potestate
miracula faciunt, operantur in virtute Dei agentis in natura. Actio enim Dei ad
totam naturam comparatur, sicut actio animae ad corpus; corpus autem ab anima
transmutatur praeter ordinem principiorum naturalium praecipue per aliquam
imaginationem fixam, ex qua corpus calefacit per concupiscentiam vel iram, aut
etiam immutatur ad febrem vel lepram. Illud ergo facit hominem dispositum ad
miracula facienda quod dat eius apprehensioni quamdam fixionem et firmitatem.
Hoc autem facit fides firma: unde firmitas fidei praecipue operatur ad miracula
facienda. Quod patet
ex hoc quod dicitur Matth. XXI, 21: si habueritis fidem et non haesitaveritis,
non solum de ficulnea facietis, sed et si monti huic dixeritis: tolle, et iacta
te in mare, fiet; et Iacob. I, 6: postulet autem in fide, nihil haesitans. 2) Parce que les saints, qui font des miracles par leur pouvoir,
opиrent dans la puissance de Dieu qui agit dans la nature. Car son action est
comparйe а la nature toute entiиre, comme l'action de l'вme sur le corps, mais
le corps est changй par l'вme, au-delа de l'ordre des principes naturels,
surtout, par une imagination assujettie par laquelle le corps s'йchauffe par
concupiscence ou colиre, et mкme subit la fiиvre ou la lиpre. Donc cela dispose
l'homme а faire des miracles, qui donne а sa connaissance fixitй et fermetй.
Cela affermit aussi la foi; c'est pourquoi la fermetй de la foi travaille
surtout а faire des miracles. Ce qui apparaоt de ce qui est dit en Mt. 21, 21: "Si
vous aviez eu la foi et si vous n'aviez pas hйsitй, non seulement vous l'auriez
fait а ce figuier et si vous aviez dit а cette montagne: Lиve-toi et jиte-toi
dans la mer, cela se ferait" et en Jc. 1, 6: "Qu'il demande avec foi
sans aucune hйsitation."
Tertio, quia cum miracula ex potestate per modum cuiusdam
imperii fiant, illud praecipue facit idoneum ad miracula facienda ex potestate
quod reddit aptum ad imperandum. Hoc autem est per quamdam separationem et abstractionem
ab illis quibus debet imperare. Unde et Anaxagoras dicit quod intellectus erat
immixtus, ad hoc quod imperet. Fides autem animum abstrahit a rebus naturalibus
et sensibilibus, et eum in rebus intelligibilibus fundat. Unde per
fidem redditur homo aptus ad hoc quod per potestatem miracula faciat.
Et inde est etiam
quod illae virtutes ad facienda miracula praecipue cooperantur, quae animum
hominis a rebus maxime corporalibus abstrahunt: sicut continentia et
abstinentia quae retrahunt ab electionibus quibus homo sensibilibus rebus
immergitur. Aliae vero virtutes quae ad disponenda temporalia ordinant, non ita ad
facienda miracula disponunt. 3) Parce que comme les miracles sont faits par la puissance а la
maniиre du commandement, cela surtout rend capable de faire des miracles par la
puissance qui rend apte а commander. Mais c'est par une sйparation et une
abstraction de ce par quoi il doit commander. C'est pourquoi Anaxagore dit
aussi que l'intelligence йtait sans mйlange pour commander. Mais la foi
abstrait l'esprit des choses naturelles et sensibles, et le fonde dans
l'intelligible. C'est pourquoi par la foi l'homme est rendu apte а faire des
miracles par sa puissance.
Et de lа vient que ces vertus pour faire des miracles aident surtout а
tirer l’esprit de l’homme de ce qui est tout а fait corporel; de mкme que la
continence et l’abstinence qui retire des йlus вr lesquel l’homme est Immergй
dans le sensible. Mais les autres vertus qui sont ordonnent а ce qui dispose au
temporel mais ils ne disposent pas а faire des miracles.
Solutions:
q. 6 a. 9 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod facere miracula attribuitur gratiae gratis datae,
sicut principio proximo fidei, autem sicut disponenti ad huiusmodi gratiam
consequendam. #1. Faire des miracles est attribuй а la grвce donnйe gratuitement,
comme au plus proche principe de la foi ou comme а ce qui dispose а acquйrir
une grвce de ce genre.
q. 6 a. 9 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod licet interdum aliquis peccator miracula faciat, non
est hoc ex merito eius,- ex merito dico condigno - sed est ex quadam
congruitate, in quantum fidem constanter confitetur, in cuius protestationem
Deus miracula facit. #2. Bien que quelquefois un pйcheur fasse des miracles, ce n'est pas
par son mйrite, — je parle du mйrite convenable — mais c'est par une certaine
conformitй, en tant qu'il confesse fermement la foi, dans le pouvoir de
laquelle Dieu fait des miracles.
q. 6 a. 9 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ex hoc quod caritas est maior virtus fide, largitur ipsi
fidei efficaciam merendi; fides tamen magis congruit ad particulariter merendum
miraculorum operationes: fides enim est perfectio intellectus, cuius operatio
consistit in hoc quod res intellectae aliquo modo sunt in ipso; caritas autem
est perfectio voluntatis, cuius operatio consistit in hoc quod voluntas in
ipsam rem tendit. Unde per caritatem homo in Deo ponitur, et cum eo unum
efficitur: per fidem autem ipsa divina ponuntur in nobis: unde dicitur Hebr.
XI, 1, quod est, sperandarum substantia rerum. Et praeterea, miracula fiunt ad
confirmationem fidei, non autem ad confirmationem caritatis. # 3. Du fait que la charitй est une plus grande vertu que la foi, elle
accorde а la foi l'efficacitй du mйrite; cependant elle correspond plus aux
opйrations pour mйriter particuliиrement des miracles, car la foi est la
perfection de l'esprit, son opйration consiste en ce que les choses comprises
sont en lui d'une certaine maniиre, mais la charitй est la perfection de la
volontй, dont l'opйration consiste en ce que la volontй tend а la chose mкme.
C'est pourquoi, par la charitй, l'homme est placй en Dieu, et devient un avec
lui, mais par la foi ce qui est divin est placй en nous; c'est pourquoi il est
dit en Hй. 11, 1[8], que "c'est la rйalitй des biens espйrйs". Et en
outre les miracles sont faits pour confirmer la foi mais pas la charitй.
q. 6 a. 9 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod caritas meretur, ut dictum est, petitionum exauditionem,
sicut universale principium merendi; sed specialiter exaudiri in miraculis
faciendis meretur fides, ut dictum est. # 4. La charitй mйrite, comme on l'a dit, l'йcoute des demandes, comme
principe universel de mйrite, mais spйcialement la foi mйrite d'кtre exaucйe
pour faire des miracles, comme on l'a dit.
q. 6 a. 9 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut Glossa ibidem dicit, verbum illud est caeci, qui
nondum erat totaliter sapientia illuminatus; unde sententiam falsam continet,
nam interdum Deus peccatores audit ex sua liberalitate, licet non ex eorum
merito. Et sic oratio eorum impetrat, licet non sit meritoria; sicut et
aliquando iusti oratio meretur sed non impetrat: nam impetratio pertinet ad id
quod petitur, et innititur soli gratiae; meritum autem pertinet ad finem quem
quis meretur, et innititur iustitiae. # 5. Comme la glose ici mкme le dit (Augustin, Sur saint Jean, tract.
44), ce mot est de l'aveugle, qui n'est pas encore йclairй par la sagesse,
c'est pourquoi il contient une phrase fausse, car parfois Dieu йcoute les
pкcheurs par sa libйralitй, bien que ce ne soit pas pour leur mйrite. Et ainsi
leur priиre est exaucйe, bien qu'elle ne soit pas mйritoire, comme quelquefois
la priиre du juste mйrite mais n'est pas exaucйe; car кtre exaucй appartient а
ce qui est demandй, et s'appuie sur la grвce seule, mais la mйrite appartient а
la foi par laquelle quelqu'un mйrite, et s'appuie sur la justice.
q. 6 a. 9 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod caritas unit Deo sicut hominem in Deum trahens: per fidem
vero divina ad nos trahuntur, ut dictum est prius. # 6. La charitй unit а Dieu, comme si elle attirait l'homme vers lui,
mais par la foi, le divin est tirй а nous, comme on l'a dit plus haut.
q. 6 a. 9 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
invidia in fascinatione effectum habere non posset, nisi imaginatio fixa ad hoc
cooperaretur. # 7. L'envie dans l'ensorcellement ne pourrait avoir d'effet si une
image assujettie n'y contribuait.
q. 6 a. 9 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ratio illa probat quod fides per caritatem meretur; et
hoc supra concessum est. Et praeterea, obiectio tenet in illis quae propria
virtute homo facit, in quibus intellectus voluntatem dirigit, quae potentiae
imperat exequenti. In his autem in quibus virtus divina est exequens, sola
fides, quae divinae potentiae innititur, sufficit ad operandum. # 8. Cette raison prouve que la foi mйrite par la charitй, et cela on
l'a concйdй ci-dessus. Et ensuite, l'objection tient en ce que l'homme fait par
son propre pouvoir, en qui l'intelligence dirige la volontй qui commande а la
puissance qui en dйcoule. Mais pour ce en quoi le pouvoir divin est exйcutй, la
foi seule, qui s'appuie sur la puissance divine, suffit pour opйrer.
q. 6 a. 9 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod obiectio illa procedit de operatione miraculi secundum
quod est a Deo, qui ad omnia quae in creaturis operatur, ex amore movetur. Nam
divinus amor non permisit eum sine germine esse, ut dicit Dionysius. Nos autem
loquimur de operatione miraculi secundum quod est ab homine. Unde ratio non est
ad propositum. # 9. Cette objection procиde de l'opйration du miracle selon qu'il
vient de Dieu, qui est poussй par amour pour tout ce qu'il opиre dans les
crйatures. Car l'amour divin ne permet pas que ce soit sans rйsultat, comme le
dit Denys (Les noms divins, IV). Mais
nous, nous parlons de l'accomplissement du miracle selon qu'il vient de
l'homme. C'est pourquoi cette raison ne convient pas а ce sujet.
q. 6 a. 9 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod spei non proprie attribuitur miracula facere; spes enim
ordinatur ad aliquid consequendum, unde est solum de aeternis. Fides autem est
de aeternis et temporalibus; unde potest se extendere ad facienda. Et propter
hoc in auctoritate inducta principalius fit mentio de spe quam de fide, cum
dicitur, quod in spem credidit. # 10. Faire des miracles n'est pas proprement attribuй а l'espйrance,
car elle est ordonnйe а acquйrir quelque chose, c'est pourquoi elle concerne
seulement l'йternitй. Mais la foi concerne l'йternitй et le temps; c'est
pourquoi elle peut parvenir а agir. Et pour cela, dans l'autoritй rapportйe, il
est fait plus mention de l'espйrance que de la foi, quand on dit qu'il a cru "contre
toute espйrance."
q. 6 a. 9 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod obiectum spei est arduum consequendum, non autem
arduum faciendum. # 11. L'objet de l'espйrance est d'obtenir ce qui est ardu, non de le
faire.
q. 6 a. 9 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod spei respondet divina potentia secundum
sublimitatem suae maiestatis, in cuius consecutionem spes tendit; sed ipsi
potentiae, secundum quod est mirabilium effectiva, praecipue innititur fides. # 12. A l'espйrance rйpond la puissance divine, selon la sublimitй de
sa majestй, que l'espйrance tend а obtenir. Mais la foi s'appuie surtout sur la
puissance mкme selon qu'elle fait de miracles.
q. 6 a. 9 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod publica iustitia est ex fide, per quam tota Ecclesia
iustificatur, secundum illud Rom. III, 22: iustitia autem Dei per fidem Iesu
Christi. # 13. La justice publique vient de la foi, par laquelle toute l'Йglise
est justifiйe, selon cette parole de Rm. 3, 22: "La justice de Dieu par la
foi en Jйsus Christ."
q. 6 a. 9 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod
fortitudo in passionibus tolerandis, et constantia confessionis erat in
martyribus propter fidei firmitatem. # 14. Les martyrs possйdaient la force pour supporter les passions, et
la fermetй de la confession а cause de la fermetй de leur foi.
q. 6 a. 9 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod etiam abstinentia ad miracula facienda
cooperatur, non tamen ita principaliter sicut fides. # 15. Mкme l'abstinence coopиre pour faire des miracles, non cependant
de faзon aussi importance que la foi.
q. 6 a. 9 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet feminam non cognoscere et semper cum femina
commorari, sit difficile, non tamen est miraculum, proprie miraculo sumpto; cum
ex virtute creata dependeat, scilicet libero arbitrio. # 16. Bien que ne pas connaоtre une femme et demeurer toujours avec
elle soit difficile, ce n'est cependant pas un miracle, en prenant le miracle
au sens propre, puisqu'il dйpend de la vertu crййe, c'est-а-dire du libre
arbitre.
q. 6 a. 9 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod abusus miraculorum in his qui miraculis
detrahebant non aufert eorum efficaciam ad fidem confirmandam, quantum ad illos
qui erant bene dispositi. # 17. Le mauvais usage des miracles en ceux qui les dйnigraient,
n'enlиve pas leur efficacitй pour confirmer la foi, pour ceux qui йtaient bien
disposйs.
q. 6 a. 9 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod fides Petri et Andreae commendatur propter
promptitudinem credendi, quae tanto maior fuit, quanto minoribus adminiculis
indiguit ad credendum: inter quae adminicula per se sunt miracula. # 18. La foi de Pierre et d'Andrй est recommandйe а cause de leur
promptitude а croire, qui est d'autant plus grande qu'elle a eu besoin de plus
petites aides pour croire. Parmi ces aides en soi, il y a les miracles.
q. 6 a. 9 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod fides non est sufficiens causa ad miracula
facienda, sed dispositio quaedam. Fiunt autem miracula secundum ordinem divinae
providentiae, quae hominibus congrua remedia pro variis causis diversimode
dispensat.
# 19. La foi n'est pas une cause suffisante pour faire des miracles, il
y faut une certaine disposition. Mais les miracles sont faits selon l'ordre de
la providence divine, qui dispense aux hommes de diverses maniиres des remиdes
convenables pour des causes variйes.
[1] Parall.: II/IIж, qu. 178, a.
1, ad 5 — I/II, qu. 111, a. 4 — CG. III, 154 – Pot. qu. 6, a. 4.— I sent.
d48q1a.2, ad. 3 — Opusc. LX, a. 15.
[2]
Il s'agit des charismes.
[3]
"…si deux d'entre vous unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit,
cela leur sera accordй par mon Pиre." (B.J.)
[4]
Id. en B.J. Il s'agit des paroles de l'aveugle-nй, guйri par Jйsus.
[5]
"Celui qui s'unit au Seigneur…n'est avec lui qu'un seul esprit."
(B.J.).
[6]
"(Ni circoncision, ni incirconcision ne comptent), mais seulement la foi,
opйrant par la charitй." (B.J.).
[7]
Cf. qu. 6, a. 2, obj. 6.
q. 6 a. 10 tit. 1
Decimo quaeritur utrum Daemones cogantur aliquibus sensibilibus et corporalibus
rebus, factis aut verbis, ad miracula facienda, quae per magicas artes fieri
videntur. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 6 a. 10
arg. 1 Dicit enim Augustinus, introducens verba Porphyrii, quod quidam in
Chaldaea tactus invidia, adiuratas spirituales potentias precibus alligavit, ne
ab alio postulata concederent. Et in 21 eiusdem Lib. dicit: non potuit primum
nisi, Daemonibus dicentibus, disci: quid quisque illorum appetat, quid
exhorreat, quo invitetur nomine, quo cogatur. Ergo Daemones a magis coguntur ad
magica facienda. 1. Car Augustin dit (La citй de
Dieu, X, 9[2]), rapportant les paroles de
Porphyre, que quelqu'un, en Chaldйe, touchй par l'envie, lia des puissances
spirituelles conjurйes par des priиres, pour qu'elles n'accordent pas ce qui
йtait demandй par un autre. Et au chapitre 21 du mкme livre, il dit: "Il
ne put apprendre que par des dйmons qui parlaient, ce que chacun d'eux demande,
ce qu'il dйteste, par quel nom il est invitй, par qui il est contraint."
Donc les dйmons sont forcйs par des magiciens а faire des choses magiques. q. 6 a.
10 arg. 2 Praeterea, quicumque facit aliquid contra suam voluntatem, aliquo
modo cogitur. Sed Daemones aliquando faciunt aliquid contra suam voluntatem per
magos adiurati. Est enim voluntas Daemonis semper ad inducendum homines in
peccatum, et tamen aliquis magica arte, ad turpem amorem incitatus, eadem arte
a violentia incitationis solvitur. Ergo Daemones
coguntur a magis. 2. Quiconque agit contre sa volontй, est forcй en quelque maniиre. Mais
les dйmons quelquefois agissent contre leur volontй, adjurйs par des magiciens.
Car c'est la volontй du dйmon de toujours pousser les hommes au pйchй, et
cependant quelqu'un, par un art magique, incitй а un amour honteux, est
affranchi, par le mкme art, de la violence de l'incitation. Donc les dйmons
sont contraints par les magiciens. q. 6 a. 10 arg. 3
Praeterea, de Salomone legitur, quod quosdam exorcismos fecit quibus Daemones
cogebantur ut ex obsessis corporibus recederent. Ergo per adiurationes Daemones
cogi possunt. 3. On lit а propos de Salomon, qu'il fit quelques exorcismes par
lesquels les dйmons йtaient forcйs de partir des corps possйdйs. Donc les
dйmons peuvent кtre forcйs par des adjurations q. 6 a. 10 arg. 4
Praeterea, si Daemones advocati a mago veniunt, aut hoc est quia alliciuntur,
aut quia coguntur. Sed non semper
advocati alliciuntur: advocantur enim per quaedam quae Daemones odiunt, sicut
per virginitatem imprecantis, cum tamen ipsi ad incestos concubitus homines
deducere non morentur. Ergo videtur quod aliquando cogantur. 4. Si les dйmons, appelйs par un magicien viennent, ou c'est parce
qu'ils sont attirйs ou parce qu'ils sont forcйs, mais appelйs, ils ne sont pas
toujours attirйs, car ils sont appelйs par certaines choses qu'ils haпssent,
comme la virginitй de celui qui prie, alors que cependant eux-mкmes n'hйsitent
pas а amener les hommes а des enlacements incestueux. Donc il semble que
quelquefois ils sont contraints. q. 6 a. 10 arg. 5
Praeterea, studium Daemonum est ut homines a Deo avertant. Sed ipsi advocati
per aliqua quae reverentiam Dei sonant, sicut per invocationem divinae
maiestatis, adveniunt. Ergo non propria voluntate hoc faciunt, sed coacti. 5. Les dйmons ont du zиle pour dйtourner les hommes de Dieu. Mais
appelйs par ce qui cйlиbre la rйvйrence de Dieu, comme par l'invocation de sa majestй
divine, ils viennent. Donc ils ne font pas cela par leur propre volontй, mais
contraints. q. 6 a. 10 arg. 6
Praeterea, si alliciantur aliquibus sensibilibus, non alliciuntur eis sicut
animalia cibis, sed sicut spiritus signis, quaecumque delectationi congruunt,
per varia genera lapidum, herbarum, lignorum, animalium, carminum, rituum, ut
Augustinus dicit. Sed signis allici non videntur: eius enim allici signis est
cuius est signis uti, quod quidem est solum habentis sensum, nam signum est
quod praeter speciem quam ingerit sensibus facit aliquid aliud in agnitionem
venire. Ergo Daemones nullo modo alliciuntur, sed magis coguntur. 6. S'ils sont attirйs par ce qui est sensible, ils ne le sont pas comme
les animaux par la nourriture, mais comme les esprit par les signes, а quelque
plaisir qu'ils s'accordent par les diffйrents espиces de pierres, d'herbes, de
bois, d'animaux, de chants, de rites comme Augustin le dit (La citй de Dieu, XX1, 6[3]).
Mais ils ne semblent pas кtre attirйs par les signes, car кtre attirй par les
signes (convient) а celui qui s'en sert, ce qui n'appartient seulement qu'а
celui qui a des sens, car le signe au-delа de l'image, qu'il insиre dans les
sens, fait venir quelque chose d'autre а la connaissance. Donc les dйmons ne
sont attirйs en aucune maniиre, mais ils sont plutфt contraints. q. 6 a. 10 arg. 7 Praeterea, Matth. XVII, 14,
dixit quidam ad Iesum: Domine, miserere filio meo, quia lunaticus est et male
patitur. In Marco autem, cap. IX, 16, dicitur: Attuli
filium meum ad te habentem spiritum mutum. Dicit autem Glossa super verbo
praedicto Matth.: hunc Marcus surdum et mutum dicit quem Matthaeus nominat
lunaticum, non quod luna Daemonibus serviat, sed Daemon lunae cursum observans
homines corrumpit. Videtur ergo quod per observationem caelestium corporum et
aliorum corporalium, Daemones ad aliquid faciendum cogantur. 7. En Mt. 17, 14, quelqu'un dit а Jйsus: "Seigneur, aie pitiй de
mon fils, parce qu'il est lunatique et il souffre beaucoup." En Mc 9, 16,
il est dit: "Je t'ai amenй mon fils; il a un esprit muet." La glose
(ordinaire) dit sur le mot de Mt.: "Marc appelle sourd et muet, celui que
Matthieu appelle lunatique, non que la lune soit soumise aux dйmons, mais le
dйmon en observant le cours de la lune, corrompt les hommes." Donc il
semble que par l'observation des corps cйlestes, et d'autres choses
corporelles, les dйmons soient forcйs а faire quelque chose. q. 6 a. 10 arg. 8
Praeterea, cum Daemones ex superbia peccaverint, non est probabile quod alliciantur
illis quae eorum excellentiae derogare videntur. Advocantur autem per
convocationes virtutis ipsorum, et per mendacia incredibilia quae derogant
scientiae ipsorum. Unde Augustinus dicit in X Lib. de civitate Dei, introducens
verba Porphyrii, sic dicentis: Quid enim homo vitio cuilibet obnoxius intendit
minas, eosque territat falso ut eis extorqueat veritatem, nam et caelum se
collidere minatur et cetera similia, homini impossibilia, ut illi dii, tamquam
insipientissimi pueri, falsis et ridiculosis comminationibus territi quae
imperantur efficiant? Ergo Daemones non alliciuntur sed coguntur advocati. 8. Comme les dйmons ont pйchй par orgueil, il n'est pas probable qu'ils
soient attirйs par ce qui semble dйroger а leur excellence. Mais on les fait
venir par un appel а leur vertu, et par les mensonges incroyables qui dйrogent
а leur science. C'est pourquoi Augustin (La
citй de Dieu, X, 11[4]) rapporte les
paroles de Porphyre, qui parle ainsi, "Car en quoi l'homme attachй а
n'importe quel vice les menace, et les frappe d'йpouvante par un mensonge, pour
leur extorquer la vйritй, car il menace le ciel de se dйtruire et autres choses
semblables, impossibles а l'homme, pour que ces dieux, comme des enfants tout а
fait stupides, terrifiйs par des menaces fausses et ridicules, accomplissent ce
qui est commandй?" Donc les dйmons ne sont pas attirйs mais une fois
appelйs, ils sont contraints. q. 6 a. 10 arg. 9
Praeterea voluntas Daemonis ad hoc tendit, ut homines in culturam idolorum
deiiciat; quod quidem praecipue fit per hoc quod spiritus Daemonum imaginibus
adsunt. Si autem propria sponte advocati venirent, semper ad talia venirent.
Non autem veniunt, nisi certis temporibus observatis, et determinatis
carminibus et ritibus, imaginibus consecratis, vel potius execratis. Non ergo
Daemones advocantur quasi allecti, sed quasi coacti. 9. La volontй du dйmon tend а faire tomber les hommes dans le culte des
idoles, ce qui se fait surtout parce que les esprits des dйmons sont prйsents
dans les images. Mais si appelйs, ils venaient toujours de leur propre
mouvement, ils viendrait toujours а de tels appels. Mais ils ne viennent qu'а
certaines йpoques qu'ils ont observйes, et par des chants et des rites prйcis,
par les images consacrйes, ou plutфt maudites. Donc les dйmons sont appelйs non
pas comme attirйs, mais comme contraints. q. 6 a. 10 arg. 10 Praeterea aliquando Daemones
magicis artibus advocantur, ut homines ad turpem amorem inclinent. Hoc autem
Daemones propria voluntate facere intendunt. Non ergo esset opus ut
allicerentur si semper hoc facerent advocati. Non semper autem hoc faciunt. Ergo
quando faciunt, advocantur non ut allecti, sed quasi coacti. 10. Quelquefois les dйmons sont appelйs par les arts magiques, pour
pousser les hommes а un amour honteux. Mais cela les dйmons tendent а le faire
de leur propre volontй. Donc ce ne serait pas la peine de les attirer si
toujours ils le faisaient une fois appelйs. Mais ils ne le font pas toujours.
Donc quand il le font, ils sont appelйs, non comme attirйs mais comme
contraints. En sens contraire: q. 6 a. 10 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Iob XLI, 24: Non est potestas super terram quae ei
possit comparari scilicet Diabolo. Maior autem potestas non cogitur a minori.
Ergo per nihil terrenum Daemones cogi possunt. 1. En Job, (41, 24) il est dit: "Il n'y a pas sur terre de
puissance qui puisse lui кtre comparйe[5]",
а savoir а celle du diable. Mais un plus grande puissance n'est pas contrainte
par une plus petite. Donc les dйmons ne peuvent кtre contraints par rien de
terrestre. q. 6 a. 10 s. c. 2
Praeterea, non est eiusdem invocari et cogi. Invocantur enim maiores, ut Porphyrius dicit, sed peioribus imperatur. Daemones
autem veniunt advocati. Ergo non coguntur. 2. Ce n'est pas la mкme chose d'кtre appelй et d'кtre forcй. Car on
appelle les plus grands, comme Porphyre le dit, mais on commande aux plus
mauvais; mais des dйmons viennent (s'ils sont) appelйs. Donc ils ne sont pas
contraints. q. 6 a. 10 s. c. 3
Sed dicendum, quod coguntur virtute divina.- Sed contra, cogere Daemones ex virtute divina est per donum gratiae, quo
perficitur ordo caelestium potestatum. Hoc autem donum gratiae non adest
infidelibus, et hominibus sceleratis quales sunt magi. Ergo nec etiam virtute
divina Daemones cogere possunt. 3. Mais il faut dire qu'ils sont contraints par le pouvoir divin.— En
sens contraire contraindre les dйmons par le pouvoir divin vient par un don de
la grвce, par lequel l'ordre des puissances cйlestes est achevй. Mais ce don de
la grвce n'est pas pour les infidиles, ni pour les scйlйrats, tels que les
magiciens. Donc les dйmons ne peuvent pas non plus contraindre par la puissance
divine. q. 6 a. 10 s. c. 4
Praeterea, facere ea quae divina virtute principaliter fiunt, non est peccatum,
sicut facere miracula. Si ergo magi virtute divina Daemones cogerent, utendo
magicis artibus non peccarent, quod patet esse falsum. Non ergo Daemones aliquo
modo magicis artibus coguntur. 4. Faire ce qui est fait principalement par la puissance divine n'est
pas un pйchй, comme faire des miracles. Donc si les magiciens contraignaient
les dйmons par la puissance divine, en se servant d'arts magiques, ils ne
pиcheraient pas, ce qui йvidemment faux. Donc les dйmons ne sont pas contraints
de quelque maniиre par les arts magiques. Rйponse: q. 6 a. 10
co. Respondeo. Dicendum quod circa effectus magicarum artium multiplex fuit
opinio. Quidam enim dixerunt, sicut Alexander, quod effectus
magicarum artium fit per aliquas potentias et virtutes in rebus inferioribus generatas
ex virtutibus quorumdam inferiorum corporum, cum observatione caelestium
motuum. Unde Augustinus dicit, quod Porphyrio videtur, herbis et lapidibus et
animantibus et sonis certis quibusdam ac vocibus et figurationibus atque
figmentis quibusdam, etiam observatis in caeli conversione motibus sidereis,
fabricari in terra ab hominibus potestates idoneas siderum variis effectibus
exequendis. A propos des effets des arts magiques, il y eut de nombreuses opinions. a) Certains ont dit, comme Alexandre[6],
que l'effet des arts magiques se fait par des puissances et des pouvoirs
engendrйs dans les choses infйrieures, par les pouvoirs de certains corps
infйrieurs, et en observant les mouvements du ciel. C'est pourquoi Augustin dit
(La Citй de Dieu, X, 1) qu'il semble
а Porphyre, que par des herbes, des pierres, des кtres animйs, certains sons,
des voix, des images, et aussi certaines reprйsentations observйes dans le ciel
par les mouvements des йtoiles, des pouvoir capables d'accompagner diffйrents
effets des astres sont fabriquйs sur terre par des hommes. Haec autem positio insufficiens videtur. Licet enim ad
aliqua quae magicis artibus fieri videntur, naturalium corporum superiorum et
inferiorum vires sufficere possint,- sicut ad quasdam corporum
transmutationes,- quaedam tamen fiunt magicis artibus ad quae nulla vis
corporalis se extendere potest. Constat vero quod locutio non est nisi ab
intellectu. Per magicas autem artes aliquae locutiones aliquorum respondentium
audiuntur; unde et oportet quod hoc fiat per aliquem intellectum, et praecipue
cum de aliquibus occultis per huiusmodi responsa homines doceantur. Mais cette opinion semble insuffisante. Car, bien que pour certaines
choses qui semblent faites par les arts magiques, les forces des corps naturels
supйrieurs et infйrieurs puissent suffire, — comme pour certaines
transformations des corps, — certaines, cependant sont faites par les arts
magiques, auxquels nulle puissance corporelle ne peut s'йtendre. Mais il est
clair que l'expression ne vient que de l'esprit. Mais par les arts magiques, on
entend certaines paroles de personnes qui rйpondent; c'est pourquoi il faut que
cela soit fait par un esprit et surtout quand les hommes apprennent de telles
rйponses de maniиre occulte sur des choses cachйes. Nec potest dici, quod hoc fiat per immutationem
imaginationis solius per modum praestigii: quia tunc istae voces non ab omnibus
circumstantibus audirentur, nec a vigilantibus et habentibus sensus solutos
istae voces audiri possent. Et on ne peut pas dire que cela se fait par le changement de la seule
imagination par imposture, parce que, alors, ces voix ne seraient pas entendues
par tous ceux qui sont autour, ni par des personnes йveillйes et qui ont des
sens sans entraves. Unde relinquitur quod fiant vel ex virtute animae hominis
magicis artibus utentis, aut fiant ab aliquo exteriori intellectum habente. Primum autem esse non potest: quod patet ex duobus: primo quidem, quia anima hominis ex sua virtute non potest
venire ad cognitionem ignotorum nisi per aliqua sibi nota; unde ex voluntate
animae hominis non potest fieri revelatio occultorum quae fit per magicas
artes, cum ad huiusmodi occulta facienda non sufficiant principia rationis. C'est pourquoi il reste que c'est fait par le pouvoir de l'вme d'un
hommes qui se sert des arts magiques, ou c'est fait par quelqu'un d'extйrieur
qui a un esprit. 1) Premiиrement cela est impossible, ce qui paraоt pour deux raisons: a) Parce que l'вme de l'homme par son pouvoir ne peut en venir а
connaоtre ce qu'il ignore que par l'intermйdiaire du connu; c'est pourquoi la
rйvйlation de ce qui est cachй qui se fait par les arts magiques ne peut pas se
faire par la volontй de l'вme humaine, puisque pour faire des choses cachйes de
ce genre, les principes de la raison ne suffisent pas. Secundo, quia si sua virtute huiusmodi effectus anima magi
faceret, non indigeret uti invocationibus aut aliquibus huiusmodi exterioribus
rebus. Constat autem quod huiusmodi effectus magicarum artium per
aliquos exteriores spiritus fiunt, non autem per spiritus iustos et bonos: quod
quidem ex duobus patet: primo, quia boni spiritus familiaritatem suam sceleratis
hominibus non exhiberent, quales plerumque sunt magicarum artium executores; secundo, quia non cooperarentur hominibus ad illicita
perpetranda, quod plerumque fit per magicas artes. Restat ergo hoc fieri per
malos spiritus quos Daemones dicimus. b) Parce que, si par son pouvoir, l'вme du magicien provoquait un effet
de ce genre, il ne manquerait pas d'utiliser des invocations ou des choses
extйrieures de ce genre. 2) Il est clair que de tels effets des arts magiques sont faits par des
esprits extйrieurs, mais pas par des esprits justes et bons, ce qui paraоt de
deux maniиres: a) Parce que les bons esprits ne montreraient pas leur familiaritй aux
scйlйrats, tels que sont la plupart de ceux qui exercent les arts magiques. b) Parce qu'ils ne collaboreraient pas avec les hommes pour perpйtrer
des actes illicites, ce qui se fait la plupart du temps par les arts magiques.
Donc il reste que cela est fait par des esprits mauvais que nous appelons
dйmons. Huiusmodi autem Daemones possunt intelligi cogi dupliciter: uno modo per aliquam superiorem virtutem, quae eis
necessitatem faciendi inducat; alio modo per modum allectionis, sicut homines dicuntur ad
aliquid cogi cuius concupiscentia alliciuntur. Mais on comprend que de tels dйmons peuvent кtre contraints de deux
maniиres: 1) Par un pouvoir supйrieur, qui les conduit а la nйcessitй de le faire; 2) au moyen d'un enrфlement, de mкme que pour les hommes on dit qu'ils
sont forcйs de faire ce qui les attire par concupiscence. Neutro autem modo rebus corporalibus, per se loquendo,
Daemones cogi possunt nisi supponantur habere corpora aerea naturaliter sibi
unita et per consequens habere sensibiles affectiones ad modum aliorum
animalium, sicut et Apuleius posuit Daemones esse animalia corpore aerea, anima
passiva. Sic enim cogi possent, utroque modo, corporali virtute et corporum
caelestium (ex quorum impressionibus in aliquas passiones inducerentur) et
etiam inferioribus corporibus in quibus delectarentur, sicut Apuleius dicit: et
delectantur in fumis sacrificiorum et in aliquibus talibus. Sed huius opinionis
falsitas ostensa est in praecedentibus quaestionibus. En aucune maniиre les dйmons ne peuvent кtre contraints par des corps,
а proprement parler, а moins qu'on suppose qu'ils ont des corps aйriens
naturellement unis а eux et par consйquent qu'ils ont des affections sensibles,
а la maniиre des autres кtres animйs. Ainsi Apulйe a pensй que les dйmons
йtaient des кtres animйs, au corps aйrien, а l'вme passive (tirй d'Augustin la Citй de Dieu, VIII, 16). Car ainsi
ils peuvent кtre contraints de deux maniиres, par le pouvoir corporel et celui
des corps cйlestes (par les pressions desquels ils sont amenйs а certaines
passions) et mкme par les corps infйrieurs dont ils se dйlectent, comme Apulйe
le dit: "Et ils se dйlectaient dans la fumйe des sacrifices et autres
choses de ce genre". Mais l'erreur de cette opinion a йtй dйmontrйe dans
les prйcйdentes questions. Restat ergo quod Daemones, per quos magicae artes
complementum habent, et coguntur et alliciuntur. Coguntur quidem a superiori;
quandoque quidem ab ipso Deo, quandoque vero a sanctis et Angelis et hominibus
virtute Dei. B) Il reste donc que les dйmons, qui apportent un complйment aux arts
magiques, sont contraints et attirйs. Ils sont contraints par un supйrieur,
quelquefois par Dieu lui-mкme, quelquefois par les saints, les anges et les
hommes, avec le pouvoir de Dieu. Car on dit qu'il convient а l'ordre des
Puissances d'йcarter les dйmons. Mais de mкme que les saints participent au don
des vertus, dans la mesures oщ ils font des miracles, de mкme ils participent
au don des pouvoirs, dans la mesure oщ ils rejettent les dйmons. Des dйmons
sont forcйs aussi quelquefois par les dйmons supйrieurs, eux-mкmes, seule cette
contrainte peut кtre faite par les arts magiques. Ils sont contraints aussi
comme attirйs par les arts magiques, non par ce qui est corporel en lui-mкme,
mais quelque chose d'autre. Primo quidem, quia per huiusmodi res corporales sciunt
facilius posse compleri effectum ad quem invocantur; et hoc ipsi appetunt, ut
scilicet eorum virtus admirabilis habeatur; et propter hoc sub certa
constellatione advocati magis adveniunt. 1) Parce que, par les corps de ce genre, ils savent qu'ils peuvent plus
facilement accomplir un effet auquel ils sont appelйs et ils le dйsirent pour
que leur pouvoir passe pour admirable, et pour cela ils arrivent plutфt appelйs
sous certaines positions des astres. Secundo, inquantum huiusmodi corporalia sunt
signa aliquorum spiritualium quibus delectantur. Unde Augustinus dicit, quod
alliciuntur Daemones in his rebus, non tamquam animalia cibis, sed quasi
spiritus signis. Quia enim homines in signum subiectionis Deo sacrificium
offerunt et prostrationes faciunt, gaudent huiusmodi reverentiae signa sibi
exhiberi. Alliciuntur autem diversi Daemones diversis signis, secundum quod
diversis vitiis ipsorum magis conveniunt. 2) Dans la mesure oщ les corps de ce genre sont des signes de certaines
choses spirituelles, dont ils se dйlectent. C'est pourquoi Augustin dit (La citй de Dieu XXI, 6) que les dйmons
sont attirйs dans ces choses, non comme les animaux par la nourriture, mais
comme l'esprit par des signes. Car, parce que les hommes en signe de soumission
offrent un sacrifice а Dieu et font des prosternations, ils se rйjouissent
qu'on leur montre des signes de rйvйrences de ce genre. Mais diffйrents dйmons
sont attirйs par des signes diffйrents, ce qui convient а leurs diffйrents
vices. Tertio alliciuntur his corporalibus rebus, inquantum homines
per eas in peccatum adducuntur; et inde est quod alliciuntur mendaciis, et his
quae homines in errorem vel peccatum inducere possunt. 3) Ils sont attirйs par les corps, dans la mesure oщ les hommes sont
conduits par eux au pйchй et de lа vient qu'ils sont attirйs par les mensonges
et par ce qui peut conduire les pйcheurs dans l'erreur et le pйchй. Solutions: q. 6 a. 10 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Daemones dicuntur
cogi per magicas artes modis praedictis. # 1. On dit que les dйmons sont contraints par les arts magiques selon
les maniиres dont on a parlй. q. 6 a. 10 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in hoc ipso Daemoni
satisfit, si per hoc quod aliquod malum impedit et ad aliquod bonum cooperatur,
facilius in sui familiaritatem et admirationem homines trahit. Nam et ipsi se
transfigurant in Angelos lucis, sicut habetur II Cor. XI, 14. # 2. Cela satisfait le dйmon, si par ce qui empкche un mal et coopиre а
un bien, il entraоne les hommes plus facilement а кtre familiers avec lui et а
l'admirer. Car eux-mкmes se transforment en anges de lumiиre, comme il est dit
en II Co. 11, 14. q. 6 a. 10 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si Salomon exorcismos
suos eo tempore fecit quando erat in statu salutis, potuit esse in illis
exorcismis vis cogendi Daemones ex virtute divina. Si autem tempore illo fecit
quo idola adoravit, ut intelligatur eum per magicas artes fecisse, non fuit in
illis exorcismis vis cogendi Daemones, nisi modo praedicto. # 3. Si Salomon a pratiquй des exorcismes au temps oщ il йtait dans
l'йtat de salut, il a pu avoir pour cela une force pour contraindre les dйmons
par le pouvoir divin. Mais s'il l'a fait au temps oщ il a adorй les idoles,
pour comprendre alors qu'il l'a fait par les arts magiques, c’est qu’il n'y
eutpas en ces exorcismes la force de contraindre les dйmons, que par la maniиre
dont on a parlй. q. 6 a. 10 ad 4 Ad quartum dicendum, quod a virginibus advocati
adveniunt, ut ex hoc in suae divinitatis opinionem homines adducant, quasi
munditiam ament. # 4. Appelйs par les vierges, ils arrivent pour conduire par cela les
hommes а l'opinion de leur divinitй, comme s'ils aimaient la puretй. q. 6 a. 10 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in hoc etiam quod ad
invocationem divinae virtutis adveniunt, volunt intelligi quod non sint a
divina iustitia omnino exclusi; non enim sic divinitatem appetunt ut summo Deo
velint aequari omnino, sed sub eo, divinitatis cultum sibi ab hominibus
exhiberi gaudent. # 5. En cela aussi qu'ils arrivent а l'appel du pouvoir divin, ils
veulent qu'on comprenne qu'ils ne sont pas exclus tout а fait de la justice
divine, car ils ne dйsirent pas la divinitй pour vouloir tout а fait йgaler le
Dieu Trиs Haut, mais sous lui, ils se rйjouissent du culte de la divinitй que
les hommes leur montrent. q. 6 a. 10 ad 6 Ad sextum dicendum, quod Daemones non dicuntur
allici signis quasi ipsi signis utantur, sed quia homines signis uti
consueverunt, delectantur in signis quibus homines utuntur propter signatum. # 6. On ne dit pas que les dйmons sont attirйs par des signes comme
s'ils s'en servaient, mais parce que les hommes ont l'habitude de s'en servir,
ils se dйlectent dans les signes dont usent les hommes, en vue de ce qui est
signifiй. q. 6 a. 10 ad 7 Ad septimum dicendum, quod sicut Glossa
ordinaria ibidem dicit, Daemones certis periodis lunae homines magis affligunt,
ut creaturas Dei infament, in hoc scilicet quod credantur Daemonibus servire,
et per hoc homines in errorem mittant. # 7. Comme la glose ordinaire le dit ici, les dйmons affligent plus les
hommes pendant certaines pйriodes de lune, pour dйshonorer les crйatures de
Dieu, en cela qu'on croit qu'ils sont asservis aux dйmons et par lа ils font
tomber les hommes dans l'erreur. q. 6 a. 10 ad 8 Ad octavum dicendum, quod licet praedicta
mendacia in derogationem virtutis Daemonum esse videantur, tamen hoc ipsum eis
est delectabile, quod homines in mendaciis confidant: quia ipse est mendax et
pater eius. # 8. Bien que les mensonges rapportйs paraissent кtre dans une
dйrogation du pouvoir des dйmons, cependant cela leur est agrйable que les
hommes aient confiance dans leur mensonge, parce que le dйmon est lui-mкme
menteur et le pиre du mensonge. q. 6 a. 10 ad 9 Ad nonum dicendum, quod ad imagines advocati
adveniunt certis horis et certis signis, rationibus praedictis. # 9. Appelй а se manifester, ils viennent а des heures et des signes
dйterminйs, pour les raisons dйjа dites. q. 6 a. 10 ad 10 Ad decimum dicendum, quod licet semper
Daemones homines desiderent pertrahere in peccata, tunc tamen magis adhuc
nituntur quando magis ad hoc inclinantur, et quando plures possunt inducere in
peccatum. # 10 Bien que les dйmons dйsirent toujours faire tomber les hommes dans
les pйchйs, ils s'y efforcent plus quand ils y sont forcйs et quand ils peuvent
en pousser plusieurs au pйchй.
[1] . Ia, qu. 113, a. 3 ,
ad 3 — qu. 110, a. 4, ad 2 et ad 3. [2]
"Un homme de bien de Chaldйe, dit-il, se plaint que son zиle а purifier
son вme n'ait pas eu de succиs parce qu'un envieux, redoutable thйurge, avait
liй les puissances en les conjurant par des priиres sacrйes." — Voir Citй
de Dieu, X, 10 et X, 11. [3]
"Car lorsque les dйmons s'insinuent dans les crйatures qui ne sont pas leur
ouvrage, mais l'ouvrage de Dieu, ils sont attirйs par des charmes divers comme
leur gйnie; ils ne cиdent pas comme les animaux а l'attrait des aliments, mais
en tant que natures spirituelles а des signes conformes а la fantaisie de
chacun, diffйrentes espиces de pierres, d'herbes, de bois, d'animaux,
enchantements et rites divers." . (Citй de Dieu, XXI, 6, trad. L. Moreau,
p. 235-236) [4]
Cite de Dieu, X, 11, 2: "Comment se fait-il qu'un homme en proie а n'importe
quel vice menace et terrifie par ses mensonges, non un dйmon, ni l'вme d'un
mort, mais le soleil lui-mкme, mкme la lune ou n'importe quel astre, pour leur
extorquer la vйritй?" [5]
Il s'agit de Lйviathan. Cf. Pot. 6, 3, obj. 1. [6]
Cf. Pot. 6, 3, c.
Question 7: La simplicitй de l’essence divine.
q. 7 pr. 1 Et primo quaeritur utrum Deus sit simplex. 1. Dieu est-il simple? q. 7 pr. 2 Secundo utrum in Deo sit substantia vel essentia
idem quod esse. 2. La substance ou l'essence en Dieu sont-elles la mкme chose que son
кtre? q. 7 pr. 3 Tertio utrum Deus sit in aliquo genere. 3. Dieu est-il dans un genre? q. 7 pr. 4 Quarto utrum bonum, iustum, sapiens et huiusmodi
praedicent in Deo accidens. 4. Bon, juste, sage, etc., attribuent-ils un accident а Dieu? q. 7 pr. 5 Quinto utrum
nomina praedicta significent divinam substantiam. 5. Ces noms attribuйs а Dieu signifient-ils sa substance? q. 7 pr. 6 Sexto utrum ista nomina sint synonyma. 6. Ces noms sont-ils synonymes? q. 7 pr. 7 Septimo utrum huiusmodi nomina dicantur de Deo et
creaturis univoce, vel aequivoce. 7. Les noms sont-ils utilisйs pour Dieu et les crйatures de maniиre
univoque ou йquivoque? q. 7 pr. 8 Octavo utrum sit aliqua relatio inter Deum et
creaturam. 8. Y a-t-il une relation entre Dieu et la crйature? q. 7 pr. 9 Nono utrum relationes quae sunt inter Deum et
creaturas, sint relativae in ipsis creaturis. 9. Les relations entre Dieu et les crйatures sont-elles relatives dans
les crйatures mкme? q. 7 pr. 10 Decimo utrum Deus realiter referatur ad creaturam,
ita quod relatio ipsa sit res aliqua in Deo. 10. Dieu est-il rйellement en relation avec la crйature, de sorte que
la relation mкme soit une rйalitй en Dieu? q. 7 pr. 11 Undecimo utrum istae relationes temporales sint in
Deo secundum rationem. 11. Ces relations temporelles en Dieu sont-elles de raison?
1 Ia,
qu. 3, a. 7 — CG. I, 16, 18 —I sent. d8q4a1— Compendium. ch. 9 — Opus
37 De quat. oppos. ch. 4 — De causis
21. 2
Cf. Pot., qu. 2, a. 16. C’est le
raisonnement de tous ceux, dont Avicenne, qui considиrent la crйation par
intermйdiaire (De causis prop. 3, 9, 16, etc.. 3
Entendre apprйhendй par l'esprit. 4
"Ces trois relations, la paternitй, la filiation et la procession sont
appelйes les propriйtйs personnelles, comme les constituant." (Ia, qu. 30, a. 2 c). Chaque personne de
la Trinitй sous une mкme essence a ses propriйtйs personnelles. 5
Le fait de donner un prйdicat, ici une catйgorie. 6Trad.
de M. de Gandillac: "…l'essence, la puissance, l'acte…" 7 Cf. I Sent. d8q4a1, obj. 4. 8
Il s'agit de l'un transcendental. 9
Cf. Raisonnement semblable mais simplifiй en Pot. 6, 6, c. 10
Thomas, n° 183. 11
Suite du texte citй en Ia, qu. 3, a. 7, c. 12
Thomas prйcise en I Sent. d8,q4,a1,
ad 4m. que la propriйtй personnelle ne diffиre pas en rйalitй, et il ajoute: "Mais
comparйe а son corrйlatif, elle produit une distinction rйelle, mais de ce cфtй
il n'y a pas union (Cf. ici ad 10m) et c'est pourquoi il n'y a pas composition.
Cela montre que les noms personnels ne signifient aucune composition en Dieu." 13
"Et rien, ne croyez-vous pas, n'empкche que le mкme acte appartiennent а
deux choses, non comme identique quant а l'essence, mais comme ce qui est en
puissance en face de ce qui est en acte." (Trad. H. Carteron). 14
Entendre l'essence et la relation. 15
Ce qui est "intelligй". La forme est dans l'esprit. 16
Les relations seront йtudiйes dans les articles 8 а 11 et dans la question 8. 17 Cf. I Sent. d8q4a1, ad 3m. 18
Comprendre: il ne peut y avoir d'union entre elles. La composition est une
union, ce qui n'est pas le cas ici.
Article 1: Dieu est-il simple?
q. 7 pr. 1 Et primo quaeritur utrum Deus
sit simplex. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 1 arg. 1 Ab uno enim
simplici non est natum esse nisi unum: idem enim semper facit idem, secundum
philosophum. Sed a Deo procedit multitudo. Ergo ipse non est simplex. 1. Car d'un кtre simple et unique,
ne peut venir qu'un seul кtre2. Car le mкme fait toujours le mкme,
selon le Philosophe (La gйnйration II.) Mais la multiplicitй procиde de
Dieu. Donc il n'est pas simple. q. 7 a. 1 arg. 2 Praeterea, simplex
si attingitur, totum attingitur. Sed Deus a beatis attingitur: quia, ut dicit
Augustinus, attingere mente Deum magna est beatitudo. Si ergo sit simplex,
totus attingitur a beatis. Sed quod totum attingitur, comprehenditur. Ergo Deus
a beatis comprehenditur, quod est impossibile. Ergo Deus non est simplex. 2. Si ce qui est simple est
atteint, il est atteint tout entier. Mais Dieu est atteint par les bienheureux,
parce que, comme le dit Augustin (De videndo Deo), c'est une grande
bйatitude d'atteindre Dieu par l'esprit. Si donc il est simple, il est atteint
tout entier par les bienheureux. Mais ce qui est atteint tout entier, est saisi3. Donc Dieu est saisi par les
bienheureux, ce qui est impossible. Donc Dieu n'est pas simple. q. 7 a. 1 arg. 3 Praeterea, idem non
se habet in ratione diversarum causarum. Sed Deus se habet in ratione diversarum
causarum, ut patet XI Metaph. Ergo in eo oportet esse diversa;
ergo oportet eum esse compositum. 3. Le mкme ne se comprte pas en
raison de causes diverses Mais Dieu oui, comme on le voit en Mйtaphysique
XI. Donc en lui, il faut qu'il y ait la diversitй. Donc il faut qu'il soit
composй. q. 7 a. 1 arg. 4 Praeterea,
ubicumque est aliquid et aliquid, est compositio. Sed in Deo est aliquid et
aliquid, scilicet proprietas et essentia. Ergo in Deo est compositio. 4. Lа oщ il y a une chose et une
autre, il y a composition, mais en Dieu il y a une chose et une autre, а savoir
la propriйtй4 et l'essence. Donc en lui il y a
composition. q. 7 a. 1 arg. 5 Sed dicendum, quod
proprietas est idem quod essentia.- Sed contra: affirmatio et negatio non verificantur de eodem. Sed essentia
divina est communicabilis tribus personis, proprietas autem est incommunicabilis.
Ergo proprietas et essentia non sunt idem. 5. Mais il faut dire que la
propriйtй est la mкme chose que l'essence — En sens contraire:
l'affirmation et la nйgation ne se vйrifient pas d'un mкme objet. Mais
l'essence divine est communicable aux trois personnes, mais la propriйtй est
incommunicable. Donc la propriйtй et l'essence ne sont pas une mкme chose. q. 7 a. 1 arg. 6 Praeterea, de
quocumque praedicantur diversa praedicamenta, illud est compositum. Sed in
divina praedicatione venit substantia et relatio, ut dicit Boetius. Ergo Deus
est compositus. 6. Celui а qui on attribue
diverses catйgories est composй; mais dans l'attribution divine5, on trouve la substance et la
relation, comme le dit Boиce (La Trinitй). Donc Dieu est composй. q. 7 a. 1 arg. 7 Praeterea, in
qualibet re est substantia, virtus et operatio, ut dicit Dionysius; ex quo
videtur quod operatio sequitur virtutem et substantiam. Sed in operationibus
divinis est pluralitas. Ergo in substantia eius invenitur multitudo et
compositio. 7. En toutes choses il y a la
substance, la puissance et l'opйration, comme le dit Denys (La hiйrarchie
cйleste, XI, § 2, 284 D6). A partir de cela, il semble que
l'opйration dйcoule de la puissance et de la substance. Mais il y a pluralitй
dans les opйrations divines. Donc dans sa substance on trouve la pluralitй et
la composition. q. 7 a. 1 arg. 8
Praeterea, ubicumque invenitur multitudo formarum, ibi oportet esse
compositionem. Sed in Deo invenitur multitudo formarum; quia, sicut
dicit Commentator, omnes formae sunt actu in primo motore, sicut sunt in
potentia in prima materia. Ergo in Deo est compositio.
8. Partout oщ l'on trouve la
pluralitй de formes, il faut qu'il y ait composition. Mais en Dieu on trouve la
pluralitй des formes, parce que, comme le dit le Commentateur (Mйtaphysique
XI, com. 18), toutes les formes sont en acte dans le premier moteur, comme
elles sont en puissance dans la matiиre premiиre. Donc en Dieu il y a
composition. q. 7 a. 1 arg. 9 Praeterea,
quidquid advenit alicui rei post esse completum, inest ei accidentaliter. Sed
quaedam dicuntur de Deo ex tempore, sicut quod sit creator et dominus. Ergo
insunt ei accidentaliter. Accidentis autem ad subiectum est aliqua compositio.
Ergo in Deo est compositio. 9. Tout ce qui arrive а une chose
aprиs son кtre complet, est en elle de maniиre accidentelle. Mais certains ont
parlй de Dieu а partir du temps, comme Crйateur et Seigneur. Donc ces attributs
sont en lui de maniиre accidentelle. Mais il y a composition de l'accident avec
le sujet. Donc en Dieu il y a composition. q. 7 a. 1 arg. 10 Praeterea,
ubicumque sunt multae res, ibi est compositio. Sed in Deo sunt tres personae,
quae sunt tres res, ut dicit Augustinus. Ergo in Deo est compositio.
10. Partout oщ les йlйments sont
nombreux7,
il y a composition, mais en Dieu il y a trois Personnes, qui sont trois
"choses", comme le dit Augustin (La doctrine chrйtienne, I,
5). Donc en Dieu il y a composition. En
sens contraire: q. 7 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Est
quod Hilarius dicit: Non humano modo ex compositis est Deus, ut in eo aliud sit quod
habet, et aliud sit ipse qui habet. 1. Il y a ce qu’Hilaire dit au
livre 8 de la Trinitй: «Dieu n'est pas par ses composйs а la maniиre
humaine, de sorte qu'en lui, ce qu'il a et celui qui l'a soient diffйrents».
q. 7 a. 1 s. c. 2 Praeterea,
Boetius dicit: Hoc
vere unum est in quo nullus est numerus. Ubicumque autem est compositio, est
aliquis numerus. Ergo Deus est absque compositione omnino simplex. 2. Boиce dit (La Trinitй )
«Est vraiment un ce en quoi il n’y a aucun nombre8».
Partout oщ il y a composition, il y a un nombre. Donc Dieu est tout а fait
simple, sans composition. Rйponse: q. 7 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod
Deum esse simplicem modis omnibus tenendum est. Quod quidem ad praesens tribus
rationibus potest probari, Il faut tenir pour assurй que Dieu
est simple de toutes les maniиres. Ce qui peut а prйsent кtre prouvй par trois
raisons, dont la premiиre est la suivante: quarum prima talis est: ostensum
est enim in alia disputatione, omnia entia ab uno primo ente esse, quod quidem
primum ens Deum dicimus. Quamvis autem in uno et eodem quod quandoque invenitur
in actu, quandoque in potentia, potentia tempore prius sit actu, natura autem
posterius, simpliciter tamen oportet actum esse priorem potentia, non solum
natura sed tempore, eo quod omne ens in potentia reducitur in actum ab aliquo
ente actu. Illud ergo ens quod omnia entia fecit esse actu, et ipsum a nullo
alio est, oportet esse primum in actu, absque aliqua potentiae permixtione. Nam
si esset aliquo modo in potentia, oporteret aliud ens prius esse per quod
fieret actu. In omni autem composito qualicumque compositione, oportet
potentiam actui commisceri. In compositis enim vel unum eorum ex quibus
est compositio est in potentia ad alterum, ut materia ad formam, subiectum ad
accidens, genus ad differentiam; vel saltem omnes partes sunt in potentia ad
totum.
1) Premiиre raison: On a
montrй, en effet, dans une autre discussion (Pot. 3, 5) que tous les
йtants venaient d'un premier йtant, que nous appelons Dieu. Mais quoique dans
un seul et mкme йtant, que l'on trouve quelquefois en acte, quelquefois en
puissance, la puissance soit chronologiquement avant l'acte, et selon la nature
aprиs, dans l'absolu, il faut que l'acte soit avant la puissance, non seulement
en nature mais chronologiquement, parce que tout йtant en puissance est ramenй
а l'acte par un йtant en acte. Donc cet йtant qui a fait que tous les йtants
sont en acte, et qui lui-mкme ne dйpend d'aucun autre, doit кtre l'кtre premier
en acte sans aucun mйlange de puissance. Car s'il йtait en quelque maniиre en
puissance, il faudrait qu'un autre йtant existe avant par lequel il deviendrait
en acte9.
Dans tout composй, quel qu'il soit en composition, il faut que la puissance
soit mкlйe а l'acte. Car dans les composйs, ou bien l'un d'eux d'oщ vient la
composition est en puissance pour l'autre, comme la matiиre pour la forme, le
sujet pour l'accident, le genre pour la diffйrence, ou bien au moins toutes les
parties sont en puissance pour le tout. Car les parties sont ramenйes а la
matiиre, le tout а la forme, comme on le montre en Physique (III, 3, 195
a 15 ss10),
et ainsi aucun composй ne peut кtre acte premier. Mais l'йtant premier, qui est
Dieu, doit кtre acte pur, comme on l'a montrй. Donc il est impossible qu'il
soit composй, c'est pourquoi il faut qu'il soit tout а fait simple. Secunda ratio est quia cum
compositio non sit nisi ex diversis, ipsa diversa indigent aliquo agente ad hoc
quod uniantur. Non enim diversa, inquantum huiusmodi, unita sunt. Omne autem
compositum habet esse, secundum quod ea, ex quibus componitur, uniuntur.
Oportet ergo quod omne compositum dependeat ab aliquo priore agente. Primum
ergo ens, quod Deus est, a quo sunt omnia, non potest esse compositum. 2) Seconde raison, parce
que, comme la composition ne vient que de parties diverses, celles-ci ont
besoin d'un agent pour les unir. Car en tant que tel, ce qui est divers n'est
pas uni. Mais tout composй a l'кtre selon que ses composants sont unis. Donc il
faut que tout composй dйpende d'un agent premier. Donc l'йtant premier, qui est
Dieu, d'ou vient tout, ne peut pas кtre composй. Tertia ratio est, quia oportet
primum ens, quod Deus est, esse perfectissimum, et per consequens optimum; non
enim rerum principia imperfecta sunt, ut Pythagoras et Leucippus aestimaverunt.
Optimum autem est in quo nihil est quod careat bonitate, sicut albissimum est
in quo nihil nigredinis admiscetur. Hoc autem in nullo composito est possibile.
Nam bonum quod resultat ex compositione partium, per quod totum est bonum, non
inest alicui partium. Unde partes non sunt bonae illa bonitate quae est totius
propria. Oportet ergo id quod est optimum, esse simplicissimum, et omni
compositione carere. Et hanc rationem ponit philosophus et Hilarius ubi dicit, quod Deus, quia lux est, non ex
obscuris coarctatur, neque quia virtus est, ex infirmis continetur.
3) Troisiиme raison: il
faut que le premier йtant, qui est Dieu, soit absolument parfait, et par
consйquent le meilleur, car les principes des choses ne sont pas imparfaits,
comme Pythagore et Leucippe l'ont pensй. Mais le meilleur est celui en qui il
n'y a rien qui manque de bontй, comme le blanc suprкme est ce en quoi rien de
noir n'est mкlй. Mais cela n'est possible dans aucun composй. Car le bien qui
rйsulte de la composition des parties, par lequel le tout est bon, n'est dans
aucune partie. C'est pourquoi les parties ne sont pas bonnes de cette bontй qui
est le propre du tout. Il faut donc que le meilleur soit absolument simple et
ne comporte aucune composition. Et le Philosophe donne cette raison (Mйtaphysique
XI) et Hilaire, (La Trinitй, VII, 27, PL. 10, 223 AB11)
oщ il dit que «Parce que Dieu est lumiиre, il n'est pas contraint par
l'obscuritй, et parce qu'il est puissance il n'est pas contenu par ce qui est
faible.» Solutions: q. 7 a. 1 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod intentio Aristotelis non est quod ab uno non possit procedere
multitudo. Cum enim agens agat sibi simile, et effectus deficiant a
repraesentatione suae causae, oportet quod illud quod in causa est unitum, in
effectibus multiplicetur; sicut in virtute solis sunt quasi unum omnes formae
generabilium corporum, et tamen in effectibus distinguuntur. Et exinde
contingit quod per unam suam virtutem res aliqua potest inducere diversos
effectus, sicut ignis per suum calorem liquefacit et coagulat, et mollificat et
indurat, et comburit et denigrat. Et homo per virtutem rationis acquirit
diversas scientias, et operatur diversarum artium opera; unde et multo amplius
Deus per unam suam simplicem virtutem potest multa creare. Sed philosophus
intendit, quod aliquid manens idem non facit diversa in diversis temporibus, si
sit agens per necessitatem naturae; nisi forte per accidens hoc contingat ex
diversitate materiae, vel alicuius alterius accidentis. Hoc tamen non est ad
propositum. # 1. La pensйe d'Aristote
n'est pas que la pluralitй ne puisse pas procйder de l'unitй. En effet, comme
l'agent fait du semblable а lui et que les effets sont dйficients par rapport а
la reprйsentation de leur cause, il faut que ce qui est uni dans une cause,
devienne multiple dans les effets; ainsi dans le pouvoir du soleil, il y a
comme une unitй toutes les formes des corps qui peuvent кtre engendrйs, et
cependant elles sont distinguйes dans les effets. Et de lа vient que par une
seule puissance, une chose peut entraоner diffйrents effets, comme le feu par
sa chaleur liquйfie, coagule, ramollit, durcit, brыle et noircit. Et l'homme
par le pouvoir de sa raison acquiert diverses sciences, et produit les
opйrations de divers arts. C'est pourquoi, et beaucoup plus, Dieu par sa
puissance une et simple peut crйer beaucoup d'кtres. Mais le philosophe soutient
que ce qui demeure le mкme ne fait pas de choses diverses dans des temps
diffйrents, s'il est agent par nйcessitй de nature; а moins que par hasard cela
arrive par accident par la diversitй de la matiиre ou de quelque autre
accident. Mais cela n'est pas dans notre propos. q. 7 a. 1 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod Deus a beatis mente attingitur totus, non tamen totaliter, quia
modus cognoscibilitatis divinae excedit modum intellectus creati in infinitum;
et ita intellectus creatus non potest Deum ita perfecte intelligere sicut
intelligibilis est, et propter hoc non potest ipsum comprehendere. # 2. Dieu tout entier est atteint
par l'esprit des bienheureux, non cependant totalement, parce que le mode par
lequel Dieu peut кtre connu excиde а l'infini l'esprit crйй; et ainsi celui-ci
ne peut pas comprendre Dieu aussi parfaitement qu'il est intelligible, et c'est
pour cela qu'il ne peut pas le saisir. q. 7 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod per unum et idem Deus in ratione diversarum causarum se habet: quia, per
hoc quod est actus primus, est agens, et est exemplar omnium formarum, et est
bonitas pura, et per consequens omnium finis. # 3. Dieu ne se comporte pas d'une
seule et mкme maniиre, en raison de causes diverses; parce qu'il est acte
premier, il est l'agent et l'exemplaire de toutes les formes, il est bontй pure
et par consйquent fin de tout.
q. 7 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum,
quod proprietas et essentia in divinis non differunt re, sed ratione tantum:
ipsa enim paternitas est divina essentia, ut post patebit. # 4. La propriйtй et l'essence ne
diffйrent pas rйellement en Dieu12,
mais en raison seulement; car la paternitй elle-mкme est l'essence divine,
comme on le montrera (qu. 8, a. 1). q. 7 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum,
quod de eo quod est idem re et differens ratione, nihil prohibet contradictoria
praedicari, ut dicit philosophus, sicut patet quod idem punctum re, differens
ratione, est principium et finis; et secundum quod est principium, non est
finis, et e contrario. Unde cum essentia et proprietas sint idem re et
differant ratione, nihil prohibet quin unum sit communicabile et aliud
incommunicabile. # 5. Pour ce qui est le
mкme en rйalitй et diffйrent en raison, rien n'empкche d'attribuer des termes
contradictoires, comme le dit le philosophe (Physique, III, 3, 202 b 813),
ainsi il apparaоt que le point, le mкme en rйalitй, diffйrent en raison, est
principe et fin; et selon qu'il est principe, il n'est pas fin, et inversement.
C'est pourquoi comme l'essence et la propriйtй sont une mкme chose en rйalitй
et diffйrente en raison, rien n'empкche que l'une soit communicable et l'autre
incommunicable. q. 7 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum,
quod absoluta et relativa in divinis non differunt secundum rem, sed solum
secundum rationem, ut dictum est; et ideo ex hoc nulla compositio relinquitur. # 6. L'absolu et le relatif14
ne diffиrent pas en Dieu en rйalitй, mais seulement en raison, comme on l'a
dit, et c'est pourquoi а partir de cela il ne reste nulle composition.
q. 7 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod operatio Dei potest considerari vel ex parte operantis
vel ex parte operati. Si ex parte operantis, sic in Deo non est nisi una
operatio, quae est sua essentia: non enim agit res per actionem aliquam quae
sit media inter Deum et suum velle, quae sunt ipsius esse. Si vero ex parte
operati, sic sunt diversae operationes, ipsum factum, sed per suum intelligere
et diversi effectus divinae operationis. Hoc autem compositionem in ipso non inducit. # 7. L'opйration de Dieu peut кtre
considйrйe du cфtй de celui qui produit ou de ce qui est produit. Si c'est du
cфtй de celui qui produit, il n'y a qu'une opйration en Dieu, qui est son
essence; car il ne fait rien par une action intermйdiaire entre lui et son
vouloir, qui sont son кtre propre. Si c'est du cфtй de ce qui est produit,
il y a diffйrentes opйrations, ce qui est produit mais par son intellection,
les diffйrents effets de l'opйration divine. Mais cela n'entraоne pas de
composition en lui. q. 7 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum,
quod forma effectus invenitur aliter in agente naturali, et aliter in agente
per artem. In agente namque per naturam, invenitur forma effectus secundum quod
agens in sua natura assimilat sibi effectum, eo quod omne agens agit sibi
simile. Quod quidem contingit dupliciter: # 8. La forme de l'effet se trouve
autrement dans l'agent naturel que dans l'agent par art. Dans l'agent par
nature, on trouve la forme de l'effet selon que l'agent fait du semblable а
lui dans sa propre nature, ce que fait tout agent. Cela arrive de deux faзons:
quando enim effectus perfecte
assimilatur agenti, utpote adaequans agentis virtutem, tunc forma effectus est
in agente secundum eamdem rationem, ut patet in agentibus univocis, ut cum
ignis generat ignem; a) en effet, lorsque l'effet
ressemble parfaitement а l'agent, en tant qu'il йgale sa puissance, alors la
forme de l'effet est dans l'agent selon la mкme nature, comme cela apparaоt
dans les agents univoques, comme quand le feu engendre le feu; quando vero effectus non perfecte
assimilatur agenti, utpote non adaequans agentis virtutem, tunc forma effectus
est in agente non secundum eamdem rationem, sed sublimiori modo; ut patet in
agentibus aequivocis, ut cum sol generat ignem. b) mais quand l'effet n'est pas
parfaitement semblable а l'agent, а savoir qu'il n'йgale pas la puissance de
l'agent, alors la forme de l'effet n'est pas dans l'agent selon la mкme nature,
mais sur un mode plus sublime; comme cela apparaоt dans les agents йquivoques,
comme quand le soleil engendre le feu. In agentibus autem per artem,
formae effectuum praeexistunt secundum eamdem rationem, non autem eodem modo
essendi, nam in effectibus habent esse materiale, in mente vero artificis
habent esse intelligibile. Cum autem in intellectu dicatur esse aliquid sicut
id quod intelligitur, et sicut species qua intelligitur, formae artis sunt in
mente artificis sicut id quo intelligitur. Nam ex hoc quod artifex concipit
formam artificiati, producit eam in materia. Mais dans les agents qui agissent par
art, les formes des effets prйexistent selon une mкme raison, mais non
selon la mкme maniиre d'кtre, car ils ont l'кtre matйriel dans les effets, et
l'кtre intelligible dans l'esprit de l'artisan. Mais comme on dit qu'il y a une
chose dans l'esprit comme ce qui est pensй15,
et comme la forme (species) par laquelle on la pense, les formes de
l'art sont dans l'esprit de l'artisan comme ce qui est pensй. Car du fait que
l'artisan conзoit la forme de l'њuvre, il la produit dans la matiиre. Utroque autem modo formae rerum
sunt in Deo: cum enim ipse agit res per intellectum, non est sine actione
naturae. In inferioribus autem artificibus ars agit virtute extraneae naturae,
qua utitur ut instrumento, sicut figulus igne ad coquendum laterem. Sed ars
divina non utitur exteriori natura ad agendum, sed virtute propriae naturae
facit suum effectum. Formae ergo rerum sunt in natura divina ut
in virtute operativa, non secundum eamdem rationem, cum nullus effectus virtutem
illam adaequet. Unde
sunt ibi ut unum omnes formae quae in effectibus multiplicantur; et sic nulla
provenit inde compositio. Similiter in intellectu eius sunt multa intellecta
per unum et idem, quod est sua essentia. Quod autem per unum intelligantur multa,
non inducit compositionem intelligentis; unde nec ex hac parte sequitur
compositio in Deo. Les formes des choses sont en Dieu
de l'une et l'autre maniиre. Quand, en effet, lui-mкme fait les choses par son
intellect, ce n'est pas sans l'action de la nature. Mais dans les њuvres d'art
infйrieures, l'art agit avec le pouvoir de la nature extйrieure, dont il se
sert comme d'un instrument, comme le briquetier pour cuire l'argile par le feu.
Mais l'art divin ne se sert pas de la nature extйrieure pour agir, mais il
produit son effet par la puissance de sa propre nature. Donc les formes sont
dans la nature divine comme dans un pouvoir opйratif, non selon la mкme nature,
puisque aucun effet n'йgale son pouvoir. C'est pourquoi, il y a lа en tant
qu'unitй toutes les formes qui sont multipliйes dans les effets et ainsi il
n'en provient aucune composition. De la mкme maniиre, dans son intellect, il y
a beaucoup de choses saisies par l'un et le mкme, qui est son essence. Le fait
que beaucoup de choses soient pensйes dans l'unitй, n'entraоne pas la
composition de celui qui les pense, c'est pourquoi de ce cфtй il ne dйcoule pas
de composition en Dieu. q. 7 a.
1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod relationes quae dicuntur de Deo ex tempore, non
sunt in ipso realiter, sed solum secundum rationem. Ibi enim est realis relatio
ubi realiter aliquid dependet ab altero, vel simpliciter vel secundum quid. Et
propter hoc scientiae est realis relatio ad scibile, non autem e converso, sed
secundum rationem tantum, ut patet per philosophum. Et ideo cum Deus ab altero
nullo dependeat, sed e converso omnia ab ipso dependeant, in rebus aliis sunt
relationes ad Deum reales, in ipso autem ad res secundum rationem tantum, prout
intellectus non potest intelligere relationem huius ad illud, nisi e converso
intelligat relationem illius ad hoc. # 9. Les relations16
qui sont dites de Dieu dans le temps, ne sont pas en lui rйellement, mais
seulement en raison. Car il y a relation rйelle lа oщ une chose dйpend
rйellement d'une autre, ou absolument ou relativement. Et c'est pour cela que
la relation de la science au connaissable est rйelle, pas inversement; mais en
raison seulement, comme le montre le Philosophe (Mйtaphysique V, 5, 1021
a 26 ss). Et c'est pourquoi, comme Dieu ne dйpend d'aucun autre, mais
qu'inversement tout dйpend de lui, dans les autres choses les relations а Dieu
sont rйelles, mais en lui la relation aux crйatures est en raison seulement,
dans la mesure oщ l'esprit ne peut comprendre la relation de celui-ci а
celui-lа, qu'en ne comprenant inversement la relation de celui-lа а celui-ci17.
q. 7 a. 1 ad 10 Ad decimum
dicendum, quod pluralitas personarum nullam compositionem in Deo inducit.
Personae enim dupliciter possunt considerari. # 10. La pluralitй des personnes
n'amиne aucune composition en Dieu. Car les personnes peuvent кtre considйrйes
de deux maniиres:
Uno modo secundum quod comparantur
ad essentiam, cum qua sunt idem re; et sic patet quod non relinquitur aliqua
compositio. a) Selon qu'on les compare а
l'essence, avec laquelle elles sont rйellement identiques, et ainsi il apparaоt
qu'il ne reste aucune composition. Alio vero modo
secundum quod comparantur ad invicem; et sic comparantur ut distinctae, non
adunatae. Et propter
hoc nec ex hac parte potest esse compositio, nam omnis compositio est unio. b) Selon qu'on les compare entre
elles; et ainsi on les compare comme distinctes, sans кtre unies. Et c'est pour
cela qu’il ne peut pas y avoir de composition de ce cфtй car toute composition
est union18.
1 Ia, qu. 3, a. 7 — CG. I, 16,
18 —I sent. d8q4a1— Compendium. ch. 9 — Opus 37 De quat.
oppos. ch. 4 — De causis 21. 2 Cf. Pot., qu. 2, a. 16. C’est le
raisonnement de tous ceux, dont Avicenne, qui considиrent la crйation par
intermйdiaire (De causis prop. 3, 9, 16, etc.. 3 Entendre apprйhendй par l'esprit. 4 «Ces trois relations, la paternitй, la
filiation et la procession sont appelйes les propriйtйs personnelles, comme les
constituant.» (Ia, qu. 30, a. 2 c). Chaque personne de la Trinitй sous
une mкme essence a ses propriйtйs personnelles. 5 Le fait de donner un prйdicat, ici une
catйgorie. 6Trad. de M. de Gandillac: «…l'essence, la
puissance, l'acte…» 7 Cf. I Sent. d8q4a1, obj. 4. 8 Il s'agit de l'un transcendental. 9 Cf. Raisonnement semblable mais simplifiй en
Pot. 6, 6, c. 10 Thomas, n° 183. 11 Suite du texte citй en Ia, qu. 3, a. 7, c. 12 Thomas prйcise en I Sent. d8,q4,a1, ad
4m. que la propriйtй personnelle ne diffиre pas en rйalitй, et il ajoute: «Mais
comparйe а son corrйlatif, elle produit une distinction rйelle, mais de ce cфtй
il n'y a pas union (Cf. ici ad 10m) et c'est pourquoi il n'y a pas composition.
Cela montre que les noms personnels ne signifient aucune composition en Dieu.» 13 «Et rien, ne croyez-vous pas, n'empкche que le
mкme acte appartiennent а deux choses, non comme identique quant а l'essence,
mais comme ce qui est en puissance en face de ce qui est en acte.» (Trad. H.
Carteron). 14 Entendre l'essence et la relation. 15 Ce qui est « intelligй ». La forme est
dans l'esprit. 16 Les relations seront йtudiйes dans les articles
8 а 11 et dans la question 8. 17 Cf. I Sent. d8q4a1, ad 3m. 18 Comprendre: il ne peut y avoir d'union entre
elles. La composition est une union, ce qui n'est pas le cas ici.
Article 2: La substance ou l’essence en Dieu
sont-elles la mкme chose que son кtre?
q. 7 a. 2 tit. 2 Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 2 arg. 1 Dicit enim Damascenus, in I Lib. Orth. fidei:
[cap. 1 et III] Quoniam quidem Deus est, manifestum est nobis; quid vero sit
secundum substantiam et naturam, incomprehensibile est omnino et ignotum. Non
autem potest esse idem notum et ignotum. Ergo non est idem esse Dei et
substantia vel essentia eius. 1. Car Jean Damascиne dit (La foi
orthodoxe, I, ch. 1 et 3): "Que
Dieu existe est йvident pour nous; mais ce qui concerne sa substance et sa
nature, est tout а fait incomprйhensible et ignorй." Le connu et
l'inconnu ne peuvent pas кtre une mкme chose. Donc l'кtre de Dieu, et sa
substance ou son essence ne sont pas une mкme chose. q. 7 a. 2 arg. 2 Sed diceretur, quod etiam ipsum esse Dei
ignotum est nobis quid sit, sicut et eius substantia.- Sed contra: duae
quaestiones diversae sunt, an est, et quid est; ad quarum unam respondere
scimus, ad aliam vero non, ut etiam ex praedicta auctoritate patet. Ergo id
quod respondet ad an est de Deo, et quod respondet ad quid est, non est idem;
sed ad an est respondet esse; ad quid est, substantia vel natura. 2. Mais on pourrait dire, que
nous ignorons ce qu'est l'кtre de Dieu, comme aussi sa substance2. — En
sens contraire, il y a deux questions diffйrentes: est-il, et qu'est-il; а
l'une nous savons rйpondre, mais а l'autre non, comme on le voit par l'autoritй
ci-dessus3. Donc ce qui rйpond а
"est-il?" au sujet de Dieu,
et ce qui rйpond а "qu'est-il"
ne sont pas une mкme chose, mais au "est-il?"
rйpond l'existence, au "quel est-il?",
la substance ou la nature. q. 7 a. 2 arg. 3 Sed dicendum, quod esse Dei cognoscitur non
per se ipsum, sed per similitudinem creaturae.- Sed contra: in creatura est
esse et substantia vel natura; et cum utrumque habeat a Deo, secundum utrumque
Deo assimilatur, eo quod agens agit sibi simile. Si ergo esse Dei cognoscitur
per similitudinem esse creati, oportet quod eius substantia cognoscatur per
similitudinem substantiae creatae: et sic de Deo sciremus non solum quoniam
est, sed quid est. 3. Mais il faut dire que
l'кtre de Dieu est connu, non en soi, mais par ressemblance avec la crйature. —
En sens contraire: dans
la crйature, il y a l'кtre et la substance ou la nature, et comme elle possиde
l'un et l'autre de Dieu, elle lui ressemble selon l'un et l'autre, parce que
l'agent fait du semblable а soi. Si donc l'кtre de Dieu est connu par sa
ressemblance avec l'кtre crйй, il faut que sa substance soit connue par la
ressemblance de la substance crййe, et ainsi nous saurions de Dieu non
seulement qu'il est, mais ce qu'il est. q. 7 a. 2 arg. 4 Praeterea, unumquodque dicitur differre ab
altero per suam substantiam. Per id autem quod est omnibus commune, nihil ab
altero differt; unde et philosophus dicit, quod ens non debet poni in
definitione, quia per hoc, definitum a nullo distingueretur. Ergo nullius rei
ab aliis distinctae substantia est ipsum esse, cum sit omnibus commune. Sed
Deus est res ab omnibus aliis rebus distincta. Ergo suum esse non est sua
substantia. 4. On dit que chaque chose est diffйrente d'une autre par sa substance.
Rien ne diffиre d'un autre par ce qui est commun а tous; c'est pourquoi le
philosophe dit (Mйtaphysique III, 3,
998 b 224), que l'йtant ne doit pas
кtre placй dans une dйfinition, parce que par lа ce qui est dйfini ne serait
distinguй de rien. Donc, la substance de rien de ce qui est distinguй des
autres n'est l'кtre mкme, puisque l'кtre est commun а tout. Mais Dieu est
diffйrent de toutes les autres choses. Donc son кtre n'est pas sa substance. q. 7 a. 2 arg. 5 Praeterea, non sunt diversae res nisi quarum
est diversum esse. Sed esse huius rei non est diversum ab esse alterius in
quantum est esse, sed in quantum est in tali vel in tali natura. Si ergo
aliquod esse sit, quod non sit in aliqua natura, quae differat ab ipso esse,
hoc non erit diversum ab aliquo alio esse. Et ita sequitur, si divina
substantia est eius esse, quod ipse sit esse cuilibet commune. 5. Les choses ne sont diffйrentes que dans la mesure oщ leur кtre est
diffйrent. Mais l'кtre d'une chose n'est pas diffйrent de celui d'une autre en
tant qu'кtre, mais en tant qu'il est en telle ou telle nature. Donc s'il y
avait un кtre tel qu'il ne soit pas dans une nature diffйrente de l'кtre mкme,
il ne serait pas diffйrent d'un autre кtre. Et ainsi il en dйcoule que si la
substance de Dieu est son кtre, lui-mкme serait un кtre commun а n'importe quel
autre. q. 7 a. 2 arg. 6 Praeterea, ens
cui non fit additio, est ens omnibus commune. Sed si Deus sit ipsum suum esse,
erit ens cui non fit additio. Ergo erit commune; et ita praedicabitur de
unoquoque, et erit Deus mixtus rebus omnibus; quod est haereticum, et contra
philosophum dicentem in Lib. de causis, quod causa prima regit omnes res
praeterquam quod commisceatur cum eis. 6. Un йtant а qui n'est pas fait d'addition, est l’йtant commun а tous5. Mais si Dieu est son кtre mкme, il sera un
йtant sans addition. Donc il sera commun, et ainsi il sera attribuй а n'importe
quoi, et il sera un Dieu mкlй а toutes choses; ce qui est hйrйtique, et contre
le philosophe qui dit dans le Livre des
Causes (prop. 20), que la cause premiиre rйgit toutes choses sans leur кtre
mкlйe. q. 7 a. 2 arg. 7 Praeterea, ei
quod est omnino simplex, non convenit aliquid in concretione dictum. Esse autem huiusmodi est: sic enim videtur se habere esse ad essentiam
sicut album ad albedinem. Ergo inconvenienter dicitur quod divina
substantia sit esse. 7. Rien de ce qui est dit dans le concret ne convient а ce qui est tout
а fait simple. Mais l'кtre est de ce genre; car il semble se comporter
vis-а-vis de l'essence comme le blanc vis-а-vis de la blancheur. Donc il ne
convient pas de dire que la substance de Dieu est son кtre. q. 7 a. 2 arg. 8 Praeterea, Boetius dicit: Omne quod est participat eo quod est esse, ut sit; alio vero participat
ut aliquid sit. Sed
Deus est. Ergo praeter esse suum est in eo aliquid aliud quo habet ut aliquid
sit. 8. Boиce dit (De Hebdom. n°
16, PL 1311 B6): "Tout ce qui est participe а l'кtre, pour
кtre; et participe а autre chose pour кtre quelque chose". Mais Dieu
existe. Donc au-delа de son кtre il y a en lui quelque chose par laquelle il a
d'кtre quelque chose. q. 7 a. 2 arg. 9 Praeterea, Deo,
qui est perfectissimus, id quod est imperfectissimum non est attribuendum. Sed
esse est imperfectissimum, sicut prima materia: sicut enim materia prima
determinatur per omnes formas, ita esse, cum sit imperfectissimum, determinari
habet per omnia propria praedicamenta. Ergo sicut materia prima non est in Deo,
ita nec esse debet divinae substantiae attribui. 9. On ne doit pas attribuer а Dieu, qui est trиs parfait, ce qui est
trиs imparfait7. Mais l'кtre est trиs
imparfait, comme la matiиre premiиre; car de mкme qu'elle est limitйe par
toutes les formes, il en est de mкme pour l'кtre, puisqu'il est trиs imparfait,
il doit кtre limitй par toutes les catйgories particuliиres. Donc de mкme qu’il
n’y a pas de matiиre premiиre en Dieu, de mкme, on ne doit pas attribuer l'кtre
а la substance divine. q. 7 a. 2 arg. 10 Praeterea, id
quod significatur per modum effectus, non convenit substantiae primae, quae non
habet principium. Sed esse est huiusmodi: nam omne ens per principia suae
essentiae habet esse. Ergo substantia Dei inconvenienter dicitur quod sit ipsum
esse. 10. Ce qui est signifiй а la maniиre de l'effet ne convient pas а la
substance premiиre qui n'a pas de principe. Mais l'кtre est de ce genre; car
tout йtant a l'кtre par les principes de son essence. Donc il ne convient pas
de dire que la substance de Dieu est l'кtre mкme. q. 7 a. 2 arg. 11 Praeterea, omnis
propositio est per se nota, in qua idem de ipso praedicatur. Sed si substantia
Dei sit ipsum suum esse, idem erit in subiecto et praedicato, cum dicitur, Deus
est. Ergo erit propositio per se nota: quod videtur esse
falsum, cum sit demonstrabilis. Non ergo ipsum esse Dei est substantia. 11. Est connue par soi toute proposition dans laquelle le mкme est
attribuй а lui-mкme. Mais si la substance de Dieu est son кtre propre, il y
aura la mкme chose dans le sujet et le prйdicat, quand on dit: Dieu est. Donc la proposition sera
connue par soi; ce qui paraоt faux, puisqu'elle peut кtre dйmontrйe. Donc
l'кtre de Dieu n'est pas sa substance. En sens contraire: q. 7 a. 2 s. c. 1 Sed contra. Est quod Hilarius dicit in Lib.
de Trinit.: Esse non est accidens Deo, sed subsistens veritas. Id autem quod
est subsistens, est rei substantia. Ergo esse Dei est eius substantia. 1. Hilaire dit au livre de la Trinitй (VII, PL. 10, 208 B): "L'кtre n'est pas un accident en Dieu, mais
vйritй subsistante". Mais ce qui est subsistant est la substance. Donc
l'кtre de Dieu est sa substance. q. 7 a. 2 s. c. 2. Praeterea, Rabbi Moyses dicit, quod Deus est
ens non in essentia, et vivens non in vita, et est potens non in potentia, et
sapiens non in sapientia. Ergo in Deo non est aliud essentia quam suum esse. 2. Rabbi Moyses8 dit que Dieu
est l'йtant sans essence, le vivant sans vie, le puissant sans puissance, et le
sage sans sagesse9. Donc en Dieu
l'essence n'est pas autre que son кtre. q. 7 a. 2 s. c. 3 Praeterea, unaquaeque res proprie denominatur
a sua quidditate: nomen enim proprie significat substantiam et quidditatem, ut
habetur IV Metaphys. Sed hoc nomen quid est, est inter cetera magis proprium
nomen Dei, ut patet Exod. IV. Cum ergo hoc nomen imponatur ab hoc quod est
esse, videtur quod ipsum esse Dei sit sua substantia. 3. Toute chose est dйnommйe en propre par sa quidditй; car le nom
signifie proprement la substance et la quidditй, comme on le lit en Mйtaphysique IV. Mais ce nom "qui est" est parmi tous les autres
le nom le plus propre de Dieu, comme on le voit en Ex. 4. Comme ce nom est imposй du fait qu'il est l'кtre, il semble
que l'кtre mкme de Dieu est sa substance. Rйponse: q. 7 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod in Deo non est aliud
esse et sua substantia. Ad cuius evidentiam considerandum est quod, cum aliquae
causae effectus diversos producentes communicant in uno effectu, praeter
diversos effectus, oportet quod illud commune producant ex virtute alicuius
superioris causae cuius illud est proprius effectus. Et hoc ideo quia, cum
proprius effectus producatur ab aliqua causa secundum suam propriam naturam vel
formam, diversae causae habentes diversas naturas et formas oportet quod
habeant proprios effectus diversos. En Dieu, l’кtre et la substance ne sont pas diffйrents. Pour le mettre
en йvidence il faut considйrer que, quand des causes qui produisent divers
effets se rencontrent dans un seul effet, en dehors des effets diffйrents, il
faut qu'elles produisent ce qui est commun par le pouvoir d’une cause
supйrieure dont c'est l’effet propre. Et cela, parce que, quand l'effet le plus
propre est produit par une cause selon sa propre nature ou sa propre forme, il
faut que les causes diverses ayant diverses natures et formes, aient divers
effets qui leur sont propres. Unde si in aliquo uno effectu conveniunt, ille non est
proprius alicuius earum, sed alicuius superioris, in cuius virtute agunt; sicut
patet quod diversa complexionata conveniunt in calefaciendo, ut piper, et
zinziber, et similia, quamvis unumquodque eorum habeat suum proprium effectum
diversum ab effectu alterius. Unde effectum communem oportet reducere in
priorem causam cuius sit proprius, scilicet in ignem. Similiter in motibus
caelestibus, sphaerae planetarum singulae habent proprios motus, et cum hoc
habent unum communem, quem oportet esse proprium alicuius sphaerae superioris
omnes revolventis secundum motum diurnum. C'est pourquoi, si elles se rassemblent en un seul effet,
celui-lа n'est pas plus propre а l'une d'elle, mais а une cause supйrieure,
dans le pouvoir de qui elles agissent; ainsi il est clair que divers
ingrйdients mйlangйs s'unissent en chauffant, comme le poivre et le gingembre,
et autres йpices, quoique chacun d'eux ait son propre effet, diffйrent de celui
de l'autre. C'est pourquoi il faut ramener l'effet commun а une cause premiиre
dont elle serait la cause la plus propre, а savoir le feu. De la mкme maniиre,
dans les mouvements cйlestes, chacune des sphиres des planиtes a ses propres
mouvements, et comme elles en ont un en commun, il faut qu'il soit propre а une
sphиre supйrieure qui les met toutes en mouvement selon le mouvement diurne. Omnes autem causae creatae communicant in uno effectu qui
est esse, licet singulae proprios effectus habeant, in quibus distinguuntur.
Calor enim facit calidum esse, et aedificator facit domum esse. Conveniunt
ergo in hoc quod causant esse, sed differunt in hoc quod ignis causat ignem, et
aedificator causat domum. Oportet ergo esse aliquam causam superiorem omnibus cuius virtute
omnia causent esse, et eius esse sit proprius effectus. Et haec causa est Deus.
Mais toutes les causes crййes ont une part en commun dans un seul effet
qui est l'кtre, bien qu'elles aient chacune des effets propres, qui les
distinguent. Car la chaleur chauffe, et l'architecte fait exister une maison.
Donc ils se rassemblent en cela qu'ils causent l'кtre, mais ils sont diffйrents
en cela que le feu cause le feu et l'architecte cause la maison. Il faut donc
qu'il y ait une cause supйrieure а toutes, que par sa puissance toutes causent
l'кtre, et que son кtre soit l'effet le plus propre. Et cette cause c'est Dieu. Proprius autem effectus cuiuslibet causae procedit ab ipsa
secundum similitudinem suae naturae. Oportet ergo quod hoc quod est esse, sit
substantia vel natura Dei. Et propter hoc dicitur in Lib. de causis, quod intelligentia non dat esse nisi in quantum est
divina, et quod primus effectus est esse, et non est ante ipsum creatum
aliquid. Mais l'effet le plus propre de n'importe quelle cause procиde d'elle
selon la ressemblance de sa nature. Il
faut donc que ce qui est l'кtre, soit substance ou nature de Dieu. Et c'est
pourquoi on dit au livre des Causes
(prop. 9) que l'intelligence ne donne l'кtre que dans la mesure oщ elle est
divine, et que le premier effet est l'кtre, et avant lui, il n'y a rien de
crйй. Solutions: q. 7 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ens et esse
dicitur dupliciter, ut patet V Metaph. Quandoque enim significat essentiam rei,
sive actum essendi; quandoque vero significat veritatem propositionis, etiam in
his quae esse non habent: sicut dicimus quod caecitas est, quia verum est
hominem esse caecum. Cum ergo dicat Damascenus, quod esse Dei est nobis
manifestum, accipitur esse Dei secundo modo, et non primo. Primo enim modo est
idem esse Dei quod est substantia: et sicut eius substantia est ignota, ita et
esse. Secundo autem modo scimus quoniam Deus est, quoniam hanc propositionem in
intellectu nostro concipimus ex effectibus ipsius. # 1. L'йtant et l'кtre se disent de deux maniиres, comme on le voit en Mйtaphysique (V, 7, 1017 a 7 — 1017 a
31). Car quelquefois il signifie l'essence
de la chose, ou l'acte d'кtre, mais quelquefois la vйritй de la proposition,
mкme en ce qui n'a pas l'кtre, ainsi nous disons que la cйcitй10 existe parce qu'il est vrai qu'un homme
est aveugle. Donc, comme Jean Damascиne dit que l'кtre de Dieu est pour nous
йvident, c'est prendre l'кtre au second sens, et non au premier. Car, pour le
premier, l'кtre de Dieu est le mкme que sa substance; et de mкme que sa
substance est inconnue, son кtre aussi. De la seconde maniиre, nous savons que
Dieu existe, puisque nous concevons cette proposition dans notre esprit, а
partir de ses effets. q. 7 a. 2 ad 2 Et per hoc patet solutio ad secundum et
tertium. # 2. 3. Et cela donne la solution а la deuxiиme et la troisiиme
objection. q. 7 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod esse divinum, quod est
eius substantia, non est esse commune, sed est esse distinctum a quolibet alio
esse. Unde per ipsum suum esse Deus differt a quolibet alio ente. # 4. L'кtre de Dieu qui est sa substance, n'est pas un кtre commun,
mais un кtre diffйrent de n'importe quel autre. C'est pourquoi par son кtre
propre Dieu diffиre de n'importe quel autre йtant. q. 7 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod sicut dicitur in libro
de Causis, ipsum esse Dei distinguitur et individuatur a quolibet alio esse,
per hoc ipsum quod est esse per se subsistens, et non adveniens alicui naturae
quae sit aliud ab ipso esse. Omne autem aliud esse quod non est subsistens,
oportet quod individuetur per naturam et substantiam quae in tali esse
subsistit. Et in eis verum est quod esse huius est aliud ab esse illius, per
hoc quod est alterius naturae; sicut si esset unus calor per se existens sine
materia vel subiecto, ex hoc ipso ab omni alio calore distingueretur: licet
calores in subiecto existentes non distinguantur nisi per subiecta. # 5. Comme on le dit au Livre des
Causes (prop. 4), l'кtre mкme de Dieu est distinguй et sйparй de n'importe
quel autre кtre, par le fait qu'il est l'кtre subsistant par soi et qu'il ne
s'ajoute а aucune nature qui serait autre que l'кtre mкme. Mais tout autre кtre
qui n'est pas subsistant, doit кtre individualisй par la nature et la substance
qui subsiste dans un tel кtre. Et en eux, il est vrai que l'кtre de l'un est
diffйrent de l'кtre de l'autre, par le fait qu'il est d'une autre nature, comme
s'il y avait une seule chaleur subsistante par soi sans matiиre ou sujet, du
fait qu'elle serait distinguйe de toute autre chaleur; bien que les chaleurs
qui existent dans un sujet ne soient distinguйes que par les sujets
(eux-mкmes). q. 7 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ens commune est cui non
fit additio, de cuius tamen ratione non est ut ei additio fieri non possit; sed
esse divinum est esse cui non fit additio, et de eius ratione est ut ei additio
fieri non possit; unde divinum esse non est esse commune. Sicut et animali
communi non fit additio, in sua ratione, rationalis differentiae; non tamen est
de ratione eius quod ei additio fieri non possit; hoc enim est de ratione
animalis irrationalis, quae est species animalis. # 6. L'йtant commun est celui а qui n'est pas fait d'addition. Il n'est
pas cependant de sa nature qu'une addition ne puisse pas lui кtre faite, mais
l'кtre divin est un кtre а qui ne se fait pas d'addition et il est de sa nature
qu'elle ne puisse pas lui en кtre fait. C'est pourquoi l'кtre divin n'est pas
un кtre commun. De mкme l'addition d'une diffйrence rationnelle n'est pas faite
а l'animal commun dans sa nature, cependant il n'est pas de sa nature que
l'addition ne puisse pas lui кtre faite; car c'est de la nature de l'animal
sans raison, qui est l'espиce animale. q. 7 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod modus significandi in
dictionibus quae a nobis rebus imponuntur sequitur modum intelligendi;
dictiones enim significant intellectuum conceptiones, ut dicitur in principio
Periher. Intellectus autem noster hoc modo intelligit esse quo modo invenitur
in rebus inferioribus a quibus scientiam capit, in quibus esse non est
subsistens, sed inhaerens. Ratio autem invenit quod aliquod esse subsistens sit:
et ideo licet hoc quod dicunt esse, significetur per modum concreationis, tamen
intellectus attribuens esse Deo transcendit modum significandi, attribuens Deo
id quod significatur, non autem modum significandi. # 7. La maniиre de s'exprimer dans des paroles dont nous nous servons
pour les choses, dйcoule de la maniиre de les comprendre; les paroles, en
effet, signifient les conceptions de l'esprit, comme on le dit au commencement
du Periher. (I, 16 a 10 ss.). Mais
notre esprit comprend l'кtre par la maniиre dont il se trouve dans les choses
infйrieures d'oщ il titre sa science, en qui l'кtre n'est pas subsistant, mais
inhйrent. Mais la raison dйcouvre qu'il y a un кtre subsistant; et c'est
pourquoi, bien que ce qu'ils appellent l'кtre
soit signifiй par maniиre de concrйation11,
cependant l'esprit attribuant l'кtre а Dieu transcende le mode de signifier,
attribuant а Dieu ce qui est signifiй, mais non le mode de le signifier. q. 7 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod dictum Boetii
intelligitur de illis quibus esse competit per participationem, non per
essentiam; quod enim per essentiam suam est, si vim locutionis attendamus,
magis debet dici quod est ipsum esse, quam sit id quod est. # 8. La parole de Boиce est comprise de ce а quoi l'кtre convient par
participation, non par essence, car ce qui est par son essence, si on tient
compte de la force de l’expression, doit кtre appelй ce qui est l’кtre mкme
plus que d’кtre ce qu’il est. q. 7 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod hoc quod dico esse est
inter omnia perfectissimum: quod ex hoc patet quia actus est semper perfectio
potentia. Quaelibet autem forma signata non intelligitur in actu nisi per hoc
quod esse ponitur. Nam humanitas vel igneitas potest considerari ut in potentia
materiae existens, vel ut in virtute agentis, aut etiam ut in intellectu: sed
hoc quod habet esse, efficitur actu existens. Unde patet quod hoc quod dico
esse est actualitas omnium actuum, et propter hoc est perfectio omnium
perfectionum. Nec intelligendum est, quod ei quod dico esse, aliquid addatur
quod sit eo formalius, ipsum determinans, sicut actus potentiam: esse enim quod
huiusmodi est, est aliud secundum essentiam ab eo cui additur determinandum.
Nihil autem potest addi ad esse quod sit extraneum ab ipso, cum ab eo nihil sit
extraneum nisi non-ens, quod non potest esse nec forma nec materia. // . # 9 Ce que j'appelle кtre
est entre tout le plus parfait, ce qui le montre c'est que l'acte est toujours
perfection en puissance. N'importe quelle forme signalйe n'est comprise en acte
que par le fait qu'on lui donne l’кtre. Car l'humanitй ou l''ignйitй' peuvent
кtre considйrйes comme existant dans la puissance de la matiиre, ou comme dans
le pouvoir de l'agent, ou aussi comme dans l'esprit; mais ce qui a l'кtre devient un existant en acte. C'est
pourquoi il est clair que ce que j'appelle l'кtre est l'actualitй de tous les actes et c'est pour cela qu'il est
la perfection de toutes les perfections. Et il ne faut pas comprendre qu'а ce
que j'appelle кtre on ajoute quelque
chose de plus formel que lui, qui le dйtermine, comme l'acte (dйtermine) la
puissance; car un кtre qui est de ce
genre est diffйrent selon l'essence de ce а quoi il faut ajouter pour le
particulariser. Mais rien ne peut кtre ajoutй а l'кtre qui lui soit extйrieur, puisque rien en lui n'est extйrieur
sinon le non кtre12, qui ne peut кtre
ni forme ni matiиre. Unde non sic determinatur esse per aliud sicut potentia per
actum, sed magis sicut actus per potentiam. Nam et in definitione formarum
ponuntur propriae materiae loco differentiae, sicut cum dicitur quod anima est
actus corporis physici organici. Et per hunc modum, hoc esse ab illo esse
distinguitur, in quantum est talis vel talis naturae. Et per hoc dicit
Dionysius, quod licet viventia sint nobiliora quam existentia, tamen esse est
nobilius quam vivere: viventia enim non tantum habent vitam, sed cum vita simul
habent et esse. C'est pourquoi, l'кtre n'est pas ainsi particularisй par autre chose
comme la puissance par l'acte, mais plutфt comme l'acte par la puissance. Car
dans la dйfinition des formes, on place les matiиres propres par la diffйrence
du lieu, comme quand on dit que l'вme est l'acte du corps organique. Et de
cette maniиre, cet кtre est distinguй
de cet autre dans la mesure oщ il est de telle ou telle nature. Et par cela
Denys dit (Les noms divins, V, 1, §
5, 820 B13) que, bien que ce qui vit
soit plus noble que ce qui existe, cependant l'кtre est plus noble que la vie,
car ce qui vit n'a pas seulement la vie, mais avec elle, en mкme temps, a aussi
l'кtre14. q. 7 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod secundum ordinem
agentium est ordo finium, ita quod primo agenti respondet finis ultimus, et
proportionaliter per ordinem alii fines aliis agentibus. Si enim considerentur
rector civitatis et dux exercitus et unus singularis miles, constat quod rector
civitatis est prior in ordine agentium, ad cuius imperium dux exercitus ad
bellum procedit; et sub eo est miles, qui secundum ordinationem ducis exercitus
manibus pugnat. Finis autem militis est prosternere hostem; quod ulterius
ordinatur ad victoriam exercitus, quod est finis ducis; et hoc ulterius
ordinatur ad bonum statum civitatis vel regni, quod est finis rectoris et
regis. Esse ergo quod est proprius effectus et finis in operatione primi
agentis oportet quod teneat locum ultimi finis. Finis autem licet sit primum in
intentione, est tamen postremum in operatione, et est effectus aliarum
causarum. Et ideo ipsum esse creatum, quod est proprius effectus respondens
primo agenti, causatur ex aliis principiis, quamvis esse primum causans sit
primum principium. # 10. L'ordre des fins dйpend de celui des agents, de sorte que, la fin
ultime rйpond au premier agent, et proportionnellement par ordre les autres
fins aux autres agents. Car si on considиre le dirigeant de la citй, le gйnйral
de l'armйe et un soldat particulier, il est clair que le dirigeant est avant
dans l'ordre des agents; par son pouvoir le gйnйral procиde а la guerre; et
sous lui il y a le soldat, qui selon l'organisation de l’armйe du gйnйral
combat de ses mains. Mais le but du soldat est d'abattre l'ennemi, ce qui est
ordonnй ensuite а la victoire de l'armйe, qui est le but poursuivi par le
gйnйral, et cela est ensuite ordonnй au bien кtre de la citй ou du royaume, qui
est le but du gouverneur et du roi. Donc il faut que l'кtre qui est l'effet le
plus proche et le but dans l'opйration du premier agent, tienne lieu de but
ultime. Mais bien que le but soit premier dans l'intention, il est cependant dernier
dans l'opйration, et elle est l'effet des autres causes. Et c'est pourquoi
l'кtre mкme, crйй, qui est le plus propre effet qui correspond au premier
agent, est causй par d'autres principes, quoique l'кtre premier qui cause soit le premier principe. q. 7 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod aliqua propositio
est per se nota de se, quae tamen huic vel illi non est per se nota; quando
scilicet praedicatum est de ratione subiecti, et tamen ratio subiecti est
alicui ignota; sicut si aliquis nesciret quid est totum, non esset ei nota ista
propositio per se, omne totum est maius sua parte; huiusmodi enim propositiones
fiunt notae cognitis terminis, ut dicitur I posteriorum. Haec autem propositio,
Deus est, quantum est de se, est per se nota, quia idem est in subiecto et
praedicato; sed quantum ad nos non est per se nota, quia quid est Deus nescimus:
unde apud nos demonstratione indiget, non autem apud illos qui Dei essentiam
vident. # 11. En soi une proposition est connue par soi qui cependant n'est pas
connue par soi par celui-ci ou celui-lа15;
quand quelquefois le prйdicat concerne la notion du sujet, et que cependant
celle-ci est ignorйe par quelqu'un; comme si quelqu'un ignorait ce qu'est le
tout, cette proposition le tout est plus
grand que sa partie ne lui serait connue par soi; car les propositions de
ce genre deviennent connues quand on connaоt les termes, comme il est dit (Les analytiques postйrieurs, I, 74 b
26). Mais cette proposition: Dieu est, quant
а elle, est connue par soi, parce que c'est la mкme notion qui est dans le
sujet et le prйdicat; mais quant а nous, elle n'est pas connue par soi, parce
que nous ignorons ce que Dieu est. C'est pourquoi nous avons besoin d'une
dйmonstration, mais pas ceux qui voient l'essence de Dieu.
Article 3: Dieu est-il dans un genre?
q. 7 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur utrum Deus sit in aliquo
genere. Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 7 a. 3 arg. 1 Dicit enim Damascenus [libro III, caput IV]:
Substantia in divinis significat communem speciem similium specie personarum;
hypostasis autem demonstrat individuum, scilicet patrem et filium et spiritum
sanctum, Petrum et Paulum. Comparatur ergo Deus ad patrem et filium et spiritum
sanctum sicut species ad individua. Sed ubicumque est invenire speciem et
individuum, ibi est invenire genus: quia species constituitur ex genere et
differentia. Ergo videtur quod Deus sit in aliquo genere. 1. Car Jean Damascиne dit (La foi orthodoxe III, 4): "La substance en Dieu signifie la forme
commune des personnes de mкme espиce; mais l'hypostase dйsigne l'individu а
savoir le Pиre, le Fils et l'Esprit saint, Pierre et Paul2." Donc Dieu est comparй au Pиre, au
Fils, а l'Esprit saint, comme l'espиce а l'individu. Mais partout oщ on doit
trouver l'espиce et l'individu, on doit trouver le genre: parce que l'espиce
est constituйe du genre et de la diffйrence. Donc il semble que Dieu est dans
un genre3. q. 7 a. 3 arg. 2 Praeterea, quaecumque sunt et nullo modo
differunt, sunt penitus eadem. Sed Deus non est
idem rebus aliis. Ergo aliquo modo differt ab eis. Omne autem quod ab alio
differt, aliqua differentia ab eo differt. Ergo in Deo est aliqua differentia,
qua differt a rebus aliis. Non autem accidentalis, cum in Deo nullum sit
accidens, ut Boetius dicit in Lib. de Trin. Omnis autem
substantialis differentia est alicuius generis divisiva. Ergo Deus est in
aliquo genere. 2. Tout ce qui est et ne diffиre en aucune maniиre, est tout а fait le
mкme. Mais Dieu n'est pas le mкme que les autres choses. Donc d'une certaine
maniиre il est diffйrent d'elles. Mais tout ce qui est diffиrent d'un autre en
diffиre par une certaine diffйrence. Donc en Dieu il y a une diffйrence par
laquelle il diffиre des autres choses. Mais elle n'est pas accidentelle,
puisqu'en Dieu il n'y a aucun accident, comme Boиce le dit (La Trinitй). Mais toute diffйrence
substantielle partage le genre. Donc Dieu est dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 3 Praeterea, idem dicitur genere et specie et
numero, ut habetur I Topic., cap. VI. Ergo et diversum similiter: nam si
multipliciter dicitur unum oppositorum, et reliquum. Aut ergo Deus est diversus
a creatura numero tantum vel numero et specie tantum; et sic, sequitur quod,
cum creatura in genere conveniat, et sic erit in genere. Si autem genere a
creatura differat, oportebit etiam quod sit in aliquo alio genere quam creatura:
nam diversitas ex multitudine causatur, et sic diversitas generis multitudinem
generum requirit. Ergo quolibet modo dicatur, oportet quod Deus sit in genere. 3. On dit la mкme chose du genre, de l'espиce et du nombre, comme on le
voit en Topique (I, 6 102 b 274). Donc il en est de mкme pour ce qui est
diffйrent, car on parle ainsi de multiples maniиres de l'un des opposйs, et du
reste. Donc ou Dieu est diffйrent de la crйature en nombre5 seulement, ou en nombre et espиce seulement
et si c'est ainsi, il en dйcoule que puisque la crйature se trouve dans un
genre, lui sera aussi dans un genre. Mais s'il diffиre de la crйature par le
genre, il faudra aussi qu'il soit dans un autre genre que la crйature; car la
diversitй est causйe par la pluralitй, et ainsi la diversitй en genre requiert
la pluralitй des genres. Donc on dirait de chaque maniиre qu'il faut que Dieu
soit dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 4 Praeterea, cuicumque convenit ratio generis
substantiae, est in genere. Sed ratio substantiae est per se existere, quod
maxime convenit Deo. Ergo Deus est in genere substantiae. 4. Quiconque а qui convient la notion du genre de la substance6 est dans un genre. Mais la nature de la
substance est d'exister par soi7, ce
qui convient au plus haut degrй а Dieu. Donc Dieu est dans le genre de la
substance. q. 7 a. 3 arg. 5 Praeterea, omne quod definitur, oportet quod
sit in genere. Sed Deus definitur: dicitur enim quod est actus purus. Ergo Deus
est in aliquo genere. 5. Tout ce qui reзoit une dйfinition8
doit кtre dans un genre. Mais Dieu est dйfini, car on dit qu'il est acte pur.
Donc Dieu est dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 6 Praeterea, omne quod praedicatur de alio in eo
quod quid, et est in plus, vel se habet ad ipsum sicut species, vel sicut
genus. Sed omnia quae praedicantur de Deo,
praedicantur in eo quod quid: nam omnia praedicamenta, cum in divinam
praedicationem venerint, in substantiam vertuntur, ut dicit Boetius: patet
etiam quod non soli Deo conveniunt, sed etiam aliis; et ita sunt in plus. Ergo
vel comparantur ad Deum sicut species ad individuum vel sicut genus ad speciem;
et utrolibet modo oportet Deum esse in genere. 6. Tout ce qui est attribuй а autre chose en ce qui est essence et est
en plus, ou bien se comporte vis-а-vis d'elle comme une espиce, ou comme un
genre. Mais tout ce qui est attribuй а Dieu est attribuй а l'essence. Car,
comme toutes les catйgories, sont venues dans l'attribution а Dieu, elles se changent
en substance, comme le dit Boиce (La
Trinitй); il est clair aussi qu'elles ne conviennent pas а Dieu seul, mais
aussi aux autres; et ainsi elles sont en plus. Donc elles sont associйes а Dieu
ou bien comme l'espиce а l'individu, ou bien comme le genre а l'espиce; et des
deux maniиres, il faut que Dieu soit dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 7 Praeterea, unumquodque mensuratur minimo sui
generis, ut dicitur X Metaph. Sed, sicut dicit Commentator ibidem, id quo
mensurantur omnes substantiae, est Deus. Ergo Deus est in eodem genere cum
aliis substantiis. 7. Chaque chose est mesurйe au plus prиs de son genre, comme il est dit
(Mйtaphysique X, 1, 1053 a 259). Mais, comme le dit le Commentateur en ce
mкme endroit (Mйtaphysique, X, com.
4), ce par quoi sont mesurйes toutes les substances, c'est Dieu. Donc il est
dans le mкme genre que les autres substances. En sens contraire: q. 7 a. 3 s. c. 1 Sed contra. Omne quod est in genere, addit
aliquid supra genus, et per consequens est compositum. Sed Deus est omnino
simplex. Ergo non est in genere. 1. Tout ce qui est dans un genre ajoute quelque chose а celui-ci et par
consйquent est composй. Mais Dieu est tout а fait simple. Donc il n'est pas
dans un genre. q. 7 a. 3 s. c. 2 Praeterea, omne
quod est in genere, potest definiri, vel sub aliquo definito comprehendi. Sed
Deus cum sit infinitus, non est huiusmodi. Ergo non est in genere. 2. Tout ce qui est dans un genre, peut кtre dйfini ou compris sous une
certaine dйfinition. Mais comme Dieu est infini, il n'est pas d’un tel genre.
Donc il n'est pas dans un genre. Rйponse: q. 7 a. 3 co. Respondeo. Dicendum quod Deus non est in genere:
quod quidem ad praesens tribus rationibus ostendi potest: Dieu n'est pas dans un genre, ce qui а prйsent peut кtre montrй par
trois raisons: primo quidem, quia nihil ponitur in
genere secundum esse suum, sed ratione quidditatis suae; quod ex hoc patet,
quia esse uniuscuiusque est ei proprium, et distinctum ab esse cuiuslibet
alterius rei; sed ratio substantiae potest esse communis: propter hoc etiam
philosophus dicit, quod ens non est genus. Deus autem est ipsum
suum esse: unde non potest esse in genere. a) Rien n'est placй dans un genre selon son кtre propre, mais en raison
de sa quidditй10; ce qui paraоt du
fait que l'кtre de n'importe quelle chose lui est propre, et diffйrent de
l'кtre de n'importe quelle autre, mais la nature de la substance peut кtre
commune; c'est pourquoi le philosophe aussi dit (Mйtaphysique III, 3, 998 b 2211),
que l'кtre n'est pas un genre12. Mais
Dieu est son кtre propre, c'est pourquoi il ne peut pas кtre dans un genre. Secunda ratio est, quia quamvis materia non sit genus, nec
forma sit differentia, tamen ratio generis sumitur ex materia, et ratio
differentiae sumitur ex forma: sicut patet quod in homine natura sensibilis ex
qua sumitur ratio animalis, est materialis respectu rationis, ex qua sumitur
differentia rationalis. Nam animal est quod habet naturam sensitivam; rationale
autem quod rationem habet. Unde in omni eo quod est in genere, oportet esse
compositionem materiae et formae, vel actus et potentiae; quod quidem in Deo
esse non potest, qui est actus purus, ut ostensum est. Unde relinquitur quod
non potest esse in genere. b) Quoique la matiиre ne soit pas un genre, et que la forme ne soit pas
une diffйrence, cependant la notion de genre est tirйe de la matiиre, et celle
de la diffйrence de la forme; ainsi il apparaоt que dans l'homme, la nature
sensible d'oщ est prise la notion d'animal est matйrielle par rapport а la
notion d'oщ est prise la diffйrence rationnelle. Car l'animal est ce qui a une
nature sensible; mais l’[animal] raisonnable celui qui a la raison. C'est
pourquoi dans tout ce qui est dans un genre, il faut qu'il y ait composition de
matiиre et de forme, ou d'acte et de puissance; ce qui ne peut pas exister en
Dieu, qui est acte pur, comme on l'a montrй (a. 1). C'est pourquoi il en
dйcoule qu'il ne peut pas кtre dans un genre. Tertia ratio est, quia, cum Deus sit
simpliciter perfectus, comprehendit in se perfectionem omnium generum: haec
enim est ratio simpliciter perfecti, ut dicitur V Metaph. Quod autem est in aliquo genere, determinatur ad ea quae
sunt illius generis; et ita Deus non potest esse in aliquo genere: sic enim non
esset infinitae essentiae, nec absolutae perfectionis, sed eius essentia et
perfectio limitaretur sub ratione alicuius generis determinati. Ex hoc ulterius
patet quod Deus non est species, nec individuum, nec habet differentiam, nec
definitionem: nam omnis definitio est ex genere et specie; unde nec de ipso
demonstratio fieri potest nisi per effectum, cum demonstrationis propter quid
medium sit definitio. c) Comme Dieu est absolument parfait, il comprend en lui la perfection
de tous les genres: car c'est lа la notion de ce qui est absolument parfait,
comme il est dit en Mйtaphysique (V,
16, 1021 b 3013). Mais ce qui est
dans un genre, est limitй a ce qui est ce genre, et de cette maniиre, Dieu ne
peut pas кtre dans un genre; car ainsi il ne serait pas d'essence infinie, ni
d’une perfection absolue, mais son essence et sa perfection seraient limitйes
par la nature d'un genre limitй. Cela montre en plus que Dieu n'est pas une
espиce, ni un individu, il n'a ni diffйrence ni dйfinition; car toute
dйfinition vient du genre et de l'espиce; c'est pourquoi on ne peut pas faire
de dйmonstration а son sujet que par l'effet, puisque la dйfinition est
l'intermйdiaire de la dйmonstration par
la cause. Solutions: q. 7 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Damascenus
loquitur similitudinarie, et non secundum proprietatem: habet enim nomen Dei,
quod est Deus, similitudinem ad speciem in hoc quod de pluribus numero
distinctis substantialiter praedicatur; non tamen species proprie dici potest,
quia species non est aliquid unum numero pluribus commune, sed ratione solum;
substantia vero divina una numero, est communis tribus personis: unde pater et
filius et spiritus sanctus sunt unus Deus, non autem Petrus et Paulus et Marcus
sunt unus homo. # 1. Jean Damascиne parle de faзon approximative et non au sens propre:
car le nom de Dieu parce qu'il est Dieu, ressemble а l'espиce du fait qu'il est
attribuй substantiellement а plusieurs choses distinctes14 en nombre; cependant on ne peut pas parler
d'espиce au sens propre, parce que l'espиce est une chose unique, commune а
plusieurs, non pas en nombre, mais en raison seulement; mais la substance
divine, une en nombre est commune aux trois personnes, c'est pourquoi le Pиre,
le Fils et l'Esprit saint sont un seul Dieu, mais Pierre, Paul et Marc ne sont
pas un seul homme. q. 7 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod differens et diversum
differunt, ut philosophus dicit. Nam diversum absolute dicitur quod non est
idem; differens vero dicitur ad aliquid: nam omne differens aliquo differt. Si
ergo proprie accipiamus hoc nomen differens, sic propositio ista est falsa:
quaecumque sunt et nullo modo differunt, sunt eadem. Si autem hoc nomen
differens large sumatur, sic est vera; et sic ista est concedenda, quod Deus a
rebus aliis differat. Non tamen sequitur quod aliqua differentia differat, sed
quod differat ab aliis per suam substantiam: hoc enim necesse est in primis et
simplicibus dici. Homo enim differt ab asino, rationali differentia; rationale
autem ulterius non differt ab asino aliqua differentia (quia sic esset abire in
infinitum), sed se ipso. # 2. Diffйrent et divers15
ont un sens diffйrent comme le philosophe le dit (Mйtaphysique X, 3, 1054 b 2316).
Car est appelй divers absolument ce qui n'est pas le mкme, mais on l'appelle
diffйrent en rapport а quelque chose, car tout ce qui est diffйrent diffиre par
quelque chose. Donc si nous acceptons au sens propre ce nom diffйrent, la proposition suivante est
fausse: "Tout ce qui est et ne
diffиre en aucune maniиre, est le mкme." Mais si ce nom diffйrent est pris au sens large, elle
est vraie, et ainsi cette phrase doit кtre concйdйe: "Dieu diffиre de toutes choses". Cependant il n'en dйcoule pas
qu'il diffиre par une diffйrence, mais qu'il diffиre des autres par sa
substance; car il est nйcessaire de le dire dans ce qui est premier et simple.
Car l'homme diffиre de l'вne, par une diffйrence de raison, mais le rationnel
ensuite ne diffиre pas de l'вne par une diffйrence (parce qu'ainsi ce serait
aller а l'infini), mais en soi17. q. 7 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Deus dicitur
diversus genere ab aliis creaturis, non quasi in alio genere existens, sed
omnino existens extra genus. # 3. On dit que Dieu est diffйrent en genre des autres crйatures, non
pas comme s'il existait dans un autre genre, mais comme tout а fait en dehors
du genre. q. 7 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ens per se non est
definitio substantiae, ut Avicenna dicit. Ens enim non potest esse alicuius
genus, ut probat philosophus, cum nihil possit addi ad ens quod non participet
ipsum; differentia vero non debet participare genus. Sed si substantia possit
habere definitionem, non obstante quod est genus generalissimum, erit eius
definitio: quod substantia est res cuius quidditati debetur esse non in aliquo.
Et sic non conveniet definitio substantiae Deo, qui non habet quidditatem suam
praeter suum esse. Unde Deus non est in genere substantiae, sed est supra omnem
substantiam. # 4. L'йtant par soi n'est pas une dйfinition de la substance, comme
Avicenne le dit (Mйtaphysique III,
ch. 8). Car l'йtant ne peut pas кtre le genre de quelque chose, comme le prouve
le philosophe (Mйtaphysique III, 3,
998 b 22), puisque rien ne peut кtre ajoutй а l'йtant qui ne participe pas de
lui; mais la diffйrence ne doit pas participer au genre. Mais si la substance
pouvait avoir une dйfinition, malgrй le genre qui est le plus gйnйral, sa
dйfinition sera: "La substance est
une chose а la quidditй de laquelle il est dы de ne pas кtre dans quelque chose."
Et ainsi la dйfinition de la substance ne conviendra pas а Dieu qui n'a pas sa
quidditй en plus de son кtre. C'est pourquoi Dieu n'est pas dans le genre de la
substance, mais est au dessus de toute substance. q. 7 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Deus definiri non
potest. Omne enim quod definitur, in intellectu definientis comprehenditur;
Deus autem est incomprehensibilis ab intellectu; unde cum dicitur quod Deus est
actus purus, haec non est definitio eius. # 5. Dieu ne peut pas кtre dйfini. Car tout ce qui est dйfini, est
saisi dans l'esprit de celui qui dйfinit. Mais Dieu est insaisissable par
l'esprit; c'est pourquoi, quand on dit que Dieu est acte pur, on ne donne pas
sa dйfinition. q. 7 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ad rationem
generis requiritur quod univoce praedicetur. Nihil autem de
Deo potest et creaturis univoce praedicari, ut infra patebit. Unde licet ea
quae de Deo dicuntur, praedicentur de ipso substantialiter, nihilominus tamen
non praedicantur de ipso ut genus. # 6. Il est nйcessaire а la notion du genre d'кtre attribuйe de maniиre
univoque. Mais rien ne peut кtre attribuй de maniиre univoque а Dieu et а la
crйature, comme plus bas (art. 7) on le verra. C'est pourquoi, bien que ce qui
est dit de Dieu lui soit attribuй substantiellement, nйanmoins ce ne lui est
pas attribuй de lui comme genre. q. 7 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet Deus non
pertineat ad genus substantiae quasi in genere contentum,- sicut species vel
individuum sub genere continentur,- potest tamen dici quod sit in genere
substantiae per reductionem, sicut principium, et sicut punctum est in genere
quantitatis continuae, et unitas in genere numeri; et per hunc modum est
mensura substantiarum omnium, sicut unitas numerorum. # 7. Bien que Dieu n'appartienne pas au genre de la substance, comme
s'il йtait contenu en un genre, — comme l'espиce ou l'individu sont contenus
sous le genre, — cependant on peut dire qu'il est dans le genre de la substance
par rйduction18, comme principe, et,
comme le point dont le genre de la quantitй continue et l'unitй dans celui du
nombre; et de cette maniиre il est la mesure de toutes substance19, comme l'unitй
pour les nombres.
1 Parall. Ia,
3, 5— CG. I, 25 — I Sent. d8q4a1 et 2: — d19q4a2 — Compendium. 12, — De Ente c. 4. Ia, 3, 5 dйmontre que, selon Aristote, l'кtre ne peut кtre
un genre, sol. 1.etc. 2
"L'essence c'est la forme commune, qui rйunit (periektiko) des hypostases
de mкme espиce, (comme Dieu, homme) hypostase par contre dйsigne l'individu
c'est-а-dire le Pиre, le Fils, le saint Esprit, Pierre, Paul." 3
Aristote dйfinit le genre ainsi: "Le genre est ce qui est attribuй
essentiellement а des choses multiples et diffйrentes spйcifiquement entre
elles." (Topiques, I, 5, 102 a
31) Trad. J. Tricot. 4
"Ce qui a trait au propre, au genre et а l'accident…" (Trad. J.
Tricot)."Numero" traduit l'identitй ou l'unitй du substrat. Ce qui
correspond au "propre" de la trad. de J. Tricot. 5
Comprendre par l'identitй. 6
Ce qu'analyse I Sent. d8q4a2. 7
Cf. Ia, 3, 5, obj. 1. 8
Parce que toute dйfinition vient du genre et de l'espиce. Voir c. 9
"La mesure est toujours du mкme genre que l'objet mesurй; les grandeurs se
mesurent par la grandeur…" (Trad. J. Tricot) Aristote n° 826, Thomas n°
1954 ss.. 10
La quidditй exprime l'essence ou la nature d'une chose, en tant qu'exprimйe par
une dйfinition (quod quid erat esse. De
ente I, 3). La quidditй s'oppose а l'кtre. 11
Thomas: lectio 8, n° 432 ss.. 12
Cf. Ia, 3, 5, sol. 2. 13
"Ce qui est dit parfait par soi est donc appelй ainsi en tout genre…tantфt
d'une maniиre gйnйrale, et c'est ce qui ne peut кtre surpassй dans chaque genre
et n'a aucune partie en dehors de soi." Thomas (n° 1040) conclut que ce
que dit Aristote c'est la condition du premier principe, c'est-а-dire Dieu. 14
Entendre les trois Personnes. 15
. Voir I Sent. d8q1a2, ad 3. 16
"Mais la diffйrence et l'altйritй sont des notions distinctes l'une de
l'autre. Pour deux кtres qui sont autres, en effet, il n'est pas nйcessaire que
l'altйritй porte sur quelque chose de dйfini, car tout ce qui est existant est
autre ou le mкme; par contre ce qui est diffйrent doit diffйrer d'une chose
dйterminйe par quelque endroit dйterminй, de sorte qu'il faut nйcessairement
qu'il y ait un йlйment identique par quoi les choses diffйrent. Cet йlйment
identique, c'est le genre, ou l'espиce. Car tout ce qui diffиre, diffиre soit
en genre, soit en espиce." (Trad. J. Tricot). 17
Cf. I Sent. d8q1a.2, ad 3m. "…Dieu
et l'кtre crйй ne diffиrent pas par des diffйrences ajoutйes а l'un ou а
l'autre, mais par eux-mкmes. C'est pourquoi on ne dit pas qu'ils sont
diffйrents au sens propre mais qu'ils sont divers, car est divers l'absolu,
mais diffйrent selon le relatif d'aprиs le philosophe. (Mйtaphysique , X, texte 13) 18
Ia, qu. 3, a. 5 c: "Il est clair
que Dieu n'est pas dans un genre, par rйduction, du fait que le principe qui
est ramenй а un genre ne s'йtend pas au-delа de ce genre. Comme le point n'est
principe que de la quantitй continue, et l'unitй celle de la quantitй discrиte.
Mais Dieu est le principe de tout l'кtre. C'est pourquoi il n'est pas contenu
dans un genre comme principe". 19
"Dieu est la mesure suprкme des substances." (Averroиs, Mйtaphysique, X, com. 7).
Article 4: 'Bon', 'sage', 'juste' etc. attribuent-ils un accident а
Dieu?
q. 7 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum bonum, sapiens, iustum
et huiusmodi, praedicent de Deo accidens. Et videtur quod sic. Il semble que oui1: Objections: q. 7 a. 4 arg. 1 Quod enim praedicatur de aliquo non
significans substantiam, sed illud quod naturam assequitur, praedicat
accidens. Sed Damascenus dicit, quod bonum et iustum et sanctum, dicta de Deo,
assequuntur naturam, non autem ipsam substantiam significant. Praedicant ergo
de Deo accidens. 1. Car ce qui est attribuй а quelque chose sans signifier sa substance,
mais reflиte sa nature, attribue un accident. Mais Jean Damascиne dit (la foi orthodoxe, I, 92), que
bon, juste, saint, employйs pour Dieu, reflиtela nature, mais ils ne
signifient pas la substance mкme. Donc ils attribuent un accident а Dieu. q. 7 a. 4 arg. 2 Sed dicebatur, quod Damascenus loquitur
quantum ad modum significandi.- Sed contra, modus significandi qui sequitur
rationem generis, oportet quod ad rem referatur: genus enim praedicatum
significat substantiam subiecti, cum praedicetur in eo quod quid. Sed
praedictis nominibus competit significare per modum assequentis naturam ratione
generis: sunt enim in genere qualitatis, quae secundum propriam rationem ad
subiectum respectum habet, nam qualitas est secundum quam quales dicimur. Ergo
oportet quod iste modus significandi referatur ad rem, ut scilicet ea quae per
praedicta nomina significantur, sint assequentia naturam eius de quo
praedicantur, et per consequens accidentia. 2. Mais on pourrait dire que
Jean Damascиne parle [selon une maniиre de signifier]. — En sens contraire, la maniиre de s’exprimer sur ce qui accompagne
la nature du genre doit faire rйfйrence а la rйalitй; car le genre attribuй
signifie la substance du sujet, puisqu'il est attribuй а ce qui est essence.
Mais il convient а ces noms attribuйs, d’exprimer а la maniиre de ce qui
reflиte la nature en raison du genre; car ils sont dans le genre de qualitй,
qui selon leur raison propre a rapport au sujet, car la qualitй c'est ce selon
quoi on les dit telles. Donc il faut que ce mode de signifier se rйfиre а la
rйalitй, pour que ce qui est signifiй par ces noms reflиte la nature de ce а
quoi ils sont attribuйs, et par consйquent les accidents. q. 7 a. 4 arg. 3 Sed dicendum, quod ista nomina non
praedicantur de Deo quantum ad genus suum, quod est qualitas; non enim proprie
dicuntur de Deo nomina a nobis imposita.- Sed contra, a quocumque removetur
genus, falso praedicatur de eo species: quod enim non est animal, falso dicitur
homo. Si ergo genus praedictorum, quod est qualitas, non praedicatur de Deo,
praedicta nomina non solum praedicabuntur improprie, sed falso de Deo, et ita
erit falsum quod dicitur, quod Deus est iustus, vel quod Deus est sanctus; quod
est inconveniens. Ergo oportet dicere, quod praedicta nomina in
Deo praedicent accidens. 3. Mais il faut dire que ces
noms ne sont pas attribuйs а Dieu quant а leur genre, qui est la qualitй, car
ce n'est pas au sens propre qu'on donne а Dieu les noms dont nous nous servons.
— En sens contraire, pour quelque
raison que le genre soit exclu, l'espиce lui est attribuйe faussement, car ce
qui n'est pas animal est faussement appelй homme. Si donc le genre de de
prйdicat qu’est la qualitй, n'est pas attribuй а Dieu, ces noms non seulement
seront attribuйs improprement, mais faussement а Dieu, et ainsi il sera faux de
dire qu'il est juste ou qu'il est saint; ce qui ne convient pas. Donc il faut
dire que ces noms attribuent un accident а Dieu. q. 7 a. 4 arg. 4 Praeterea. Philosophus dicit, quod id quod
vere est, id est substantia, nulli accidit. Ergo eadem ratione, quod secundum
se est accidens, ubique est accidens. Sed iustitia et sapientia et huiusmodi
sunt per se accidentia. Ergo et in Deo sunt accidentia. 4. Le philosophe dit (Physique, I,
3, 186 b 43) que ce qui existe
vraiment, c'est-а-dire la substance, n'est accident pour rien. Donc pour la
mкme raison, ce qui est un accident en soi est partout accident. Mais la
justice, la sagesse, etc.. sont en soi des accidents. Donc ce sont aussi des
accidents en Dieu. q. 7 a. 4 arg. 5 Praeterea, omnia quae sunt in rebus creatis,
exemplantur a Deo, qui est forma exemplaris omnium. Sed sapientia, iustitia et huiusmodi, in rebus creatis sunt accidentia. Ergo et
in Deo sunt accidentia. 5. Tout ce qui est dans les crйatures ressemble а Dieu, qui est la
forme exemplaire de tout4. Mais la
sagesse, la justice, etc., sont des accidents. Donc en Dieu aussi. q. 7 a. 4 arg. 6 Praeterea,
ubicumque est quantitas et qualitas, ibi est accidens. Sed in Deo videtur esse
quantitas et qualitas: est enim in Deo similitudo et aequalitas; dicimus enim
filium similem patri et aequalem. Similitudo autem causatur ex uno in
qualitate, aequalitas ex uno in quantitate. Ergo in Deo est accidens. 6. Partout oщ il y a quantitй et qualitй5,
il y a un accident. Mais en Dieu il semble qu'il y a quantitй et qualitй; car
il y a en lui la ressemblance et l'йgalitй; nous disons en effet que le Fils
est semblable et йgal au Pиre. Mais la ressemblance est causйe d'une part dans
la qualitй et l'йgalitй, d'autre part par la quantitй. Donc en Dieu il y a un
accident. q. 7 a. 4 arg. 7 Praeterea, unumquodque mensuratur primo sui
generis. Sed Deus non solum est mensura substantiarum, sed omnium accidentium,
quia ipse est creator et substantiae et accidentis. Ergo in Deo non tantum est
substantia, sed accidens. 7. Chaque chose est mesurйe par le premier de son genre. Mais Dieu non
seulement est la mesure des substances, mais de tous les accidents, parce qu'il
est lui-mкme crйateur de la substance et aussi de l'accident. Donc en Dieu il y
a non seulement la substance mais aussi l'accident. q. 7 a. 4 arg. 8 Praeterea, illud sine quo potest aliquid
intelligi, accidentaliter de eo praedicatur. Ex hoc enim probat Porphyrius
separabilia quaedam accidentia esse, quia potest intelligi corvus albus, et
Aethiops nitens candore. Sed Deus potest intelligi sine bono, ut patet per
Boetium. Ergo bonum significat accidens in Deo, et eadem ratione alia. 8. Ce sans quoi on peut comprendre quelque chose, lui est attribuй
accidentellement. Porphyre en effet (dans Les
prйdicables, ch. l'accident)
prouve ainsi que certains choses sйparables sont des accidents, parce que le
corbeau peut кtre envisagй comme blanc et l'йthiopien comme brillant de
blancheur. Mais Dieu peut кtre envisagй sans le bien, comme on le voit chez
Boиce (De hebdomadibus 36, PL. 64,
1312 B6). Donc le bien et d'autres
choses encore pour la mкme raison signifient un accident en Dieu. q. 7 a. 4 arg. 9 Praeterea, in significatione nominis duo est
considerare: scilicet id a quo imponitur, et id cui imponitur. Quantum ad
utrumque autem hoc nomen sapientia videtur accidens significare; imponitur enim
ab eo quod est facere sapientem, quod videtur actio esse sapientiae; id autem a
quo imponitur, est qualitas quaedam. Ergo omnibus modis hoc nomen et alia
similia significant accidens in eo de quo praedicantur; et ita in Deo est
aliquod accidens. 9. Il faut considйrer deux aspects dans la signification du mot: а
savoir ce par quoi et ce а quoi il est imputй et а quoi. Sous ces deux aspects
ce nom de sagesse semble signifier un
accident; car il est imputй par ce qui est rendre sage, ce qui semble l’action
de la sagesse, mais ce par quoi il est imputй est une qualitй. Donc de toutes
les maniиres ce nom et d'autres semblables signifient un accident en ce а quoi
ils sont attribuйs; et ainsi en Dieu il y a un accident. En sens contraire: q. 7 a. 4 s. c. 1 Sed contra. Est quod Boetius dicit, quod
Deus, cum sit forma simplex, subiectum esse non potest. Omne autem accidens est
in subiecto. Ergo in Deo non potest esse aliquod accidens. 1. Il y a ce que Boиce dit (La
Trinitй, 2, PL., 64, 12507):
comme Dieu est une forme simple, il ne peut pas кtre substrat. Or tout accident
est dans un substrat. Donc en Dieu il ne peut pas y avoir d'accident. q. 7 a. 4 s. c. 2 Praeterea, omne accidens habet dependentiam
ab alio. Sed nihil tale potest esse in Deo, quia quod dependet ab alio, oportet
esse causatum; Deus autem est causa prima nullo modo causata. Ergo in Deo
accidens esse non potest. 2. Tout accident dйpend d'autre chose. Mais rien de tel ne peut exister
en Dieu, parce que, ce qui dйpend d'un autre doit avoir une cause; mais Dieu
est la cause premiиre en aucune maniиre causйe. Donc en Dieu il ne peut y avoir
d'accident. q. 7 a. 4 s. c. 3 Praeterea, Rabbi Moyses dicit, quod huiusmodi
nomina non significant in Deo intentiones additas supra eius substantiam. Omne
enim accidens significat intentionem additam supra substantiam sui subiecti.
Ergo praedicta nomina non significant accidens in Deo. 3. Rabbi Moyses dit que de tels noms ne signifient pas en Dieu des
concepts ajoutйs а sa substance. Car tout accident signifient un concept ajoutй
а la substance de son substrat. Donc ces noms attribuйs ne signifient pas un
accident en Dieu. q. 7 a. 4 s. c. 4 Praeterea, accidens est quod adest et abest
praeter subiecti corruptionem. Sed hoc in Deo esse non potest, cum ipse sit
immutabilis ut probatur a philosopho. Ergo in Deo accidens esse non potest. 4. L'accident est ce qui est prйsent ou absent au-delа de la corruption
du substrat. Mais cela n’est pas possible en Dieu, puisqu'il est immuable,
comme le philosophe le prouve (Physique, VIII,
6, 259 b 23 – 259 b 328). Donc en Dieu
il ne peut pas y avoir d'accident.
Rйponse: q. 7 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, absque omni
dubitatione, tenendum est quod in Deo nullum sit accidens; quod quidem ad
praesens potest ostendi tribus rationibus. Sans doute aucun, il faut affirmer qu'en Dieu il n'y a aucun accident,
ce qui а prйsent peut кtre montrй par trois raisons: Prima ratio est, quia nulli naturae vel essentiae vel formae
aliquid extraneum adiungitur, licet id quod habet naturam vel formam vel
essentiam, possit aliquid extraneum in se habere; humanitas enim non recipit in
se nisi quod est de ratione humanitatis. Quod ex hoc patet, quia in
definitionibus quae essentiam rerum significant quodlibet additum vel
subtractum variat speciem, sicut etiam in numeris, ut dicit philosophus. a) Premiиre raison: parce que
rien d'йtranger n'est ajoutй а aucune nature, essence ou forme, bien que ce qui
a une nature, une forme ou une essence puisse avoir en soi quelque chose
d'йtranger; car l'humanitй ne reзoit en soi que ce qui est de la nature de l'humanitй.
Ce qui apparaоt parce que dans les dйfinitions qui signifient l'essence, quoi
que ce soit d'ajoutй ou de soustrait fait varier l'essence, comme dans les
nombres, comme le dit le philosophe (Mйtaphysique,
VIII, 3, 1044 a 19). Homo autem qui habet humanitatem, potest aliquid aliud
habere quod non sit de ratione humanitatis, sicut albedinem et huiusmodi, quae
non insunt humanitati, sed homini. In qualibet autem creatura invenitur
differentia habentis et habiti. In creaturis namque compositis invenitur duplex
differentia, quia ipsum suppositum sive individuum habet naturam speciei, sicut
homo humanitatem, et habet ulterius esse: homo enim nec est humanitas nec esse
suum; unde homini potest inesse aliquod accidens, non autem ipsi humanitati vel
eius esse. Mais l'homme qui a l'humanitй peut avoir autre chose qui ne la concerne
pas, comme la blancheur et autres choses identiques, qui ne sont pas dans
l'humanitй, mais dans l'homme. En n'importe quelle crйature on trouve la diffйrence
de celui qui a et de ce qu’il a. Car dans les crйatures composйes, on trouve
une double diffйrence, parce que le suppфt lui-mкme ou l'individu a la nature
de l'espиce10, comme l'homme a
l'humanitй et il a ensuite l'кtre; car l'homme n'est pas l'humanitй, ni son
кtre; c'est pourquoi il peut y avoir dans l'homme un accident, mais non dans
l'humanitй, ni dans son l'кtre. In substantiis vero simplicibus est una tantum differentia,
scilicet essentiae et esse. In Angelis enim quodlibet suppositum est sua natura:
quidditas enim simplicis est ipsum simplex, ut dicit Avicenna; non est autem
suum esse; unde ipsa quidditas est in suo esse subsistens. Unde in huiusmodi
substantiis potest inveniri aliquod accidens intelligibile, non autem
materiale. Dans les substances simples il y a une seule diffйrence а savoir celle
de l'essence et de l'кtre. Car dans les anges n'importe quel suppфt est sa
nature, car la quidditй de ce qui est simple est simple elle-mкme, comme le dit
Avicenne (Mйtaphysique, V ch. 5),
mais ce n'est pas son кtre; aussi la quidditй mкme subsiste en son кtre. C'est
pourquoi dans de telles substances, on peut trouver un accident intelligible,
mais pas matйriel. In Deo autem nulla est differentia habentis et habiti, vel
participantis et participati; immo ipse est et sua natura et suum esse; et ideo
nihil alienum vel accidentale potest ei inesse. Et hanc rationem videtur
tangere Boetius, dicens: id quod est,
habere potest aliquod praeterquam quod
ipsum est; ipsum vero esse, nihil aliud praeter se habet admixtum. Mais en Dieu il n'y a nulle diffйrence entre celui qui a et ce qu'il a,
ou entre participant et de ce qui est participй; mais au contraire il est
lui-mкme sa nature et son кtre11, et
c'est pourquoi rien d'йtranger ou d'accidentel ne peut кtre en lui. Et Boиce
semble traiter de cette question (De
hebdom., rиgle 4, n° 13, PL. 64, 1311 B) quand il dit: ""Ce qui est" peut avoir quelque chose en sus de lui-mкme; mais l'кtre en soi ne
peut avoir rien d'ajoutй en dehors de lui." Secunda ratio est quod, cum accidens sit extrinsecum ab
essentia subiecti, et diversa non coniungantur nisi per aliquam causam,
oportet, si accidens Deo adveniat, quod hoc sit ab aliqua causa. Non autem potest
esse ex aliqua causa extrinseca, quia sequeretur quod illa causa extrinseca
ageret in Deum, et esset prior eo, sicut movens moto, et faciens facto. Sic
enim causatur accidens in aliquo subiecto ab extrinseco in quantum exterius
agens agit in subiectum in quo causatur accidens. b) Seconde raison: comme
l'accident est extйrieur а l'essence du sujet, et que les diverses parties ne
sont jointes que par une cause, il faut, si un accident advenait en Dieu, que
cela dйpende d'une cause. Mais cela ne peut pas venir d'une cause extйrieure,
parce qu'il s'ensuivrait qu'elle agirait en Dieu, et serait avant lui, comme le
moteur avant le mы, et le producteur avant le produit. Car l'accident est causй
dans un sujet par l'extйrieur, en tant qu'un agent extйrieur agit dans le sujet
en qui l'accident est causй. Similiter etiam non potest esse ex causa intrinseca, sicut
est per se in accidentibus, quae habent causam in subiecto. Subiectum enim non
potest esse causa accidentis ex eodem ex quo suscipit accidens, quia nulla
potentia movet se ad actum. Unde oportet quod ex alio sit susceptivum
accidentis, et ex alio sit causa accidentis, et sic est compositum; sicut ista
quae recipiunt accidens per naturam materiae, et causant accidens per naturam
formae. Ostensum autem est supra, Deum non esse compositum. Unde impossibile
est quod sit in eo accidens. De la mкme maniиre aussi, il ne peut pas venir d'une cause intйrieure12, comme elle est en soi dans les accidents
qui ont une cause dans le sujet. Car le sujet ne peut pas кtre cause de
l'accident par ce mкme pouvoir par lequel il reзoit l'accident, parce que nulle
puissance ne se mиne а l'acte. C'est pourquoi il faut qu'il soit susceptible de
recevoir l'accident d'un autre et qu'il soit cause par un autre, et ainsi il
est composй, de mкme que ce qui reзoit l'accident par la nature de la matiиre
et cause l'accident par la nature de la forme. Mais on a montrй plus haut (a.
1) que Dieu n'est pas composй. C'est pourquoi il est impossible qu'il y ait en
lui un accident. Tertia ratio est, quia accidens comparatur ad subiectum
sicut actus ad potentiam, cum sit quaedam forma ipsius. Unde cum Deus sit actus
purus absque alicuius potentiae permixtione, non potest esse accidentis
subiectum. Sic ergo patet ex praehabitis quod in Deo non est compositio
materiae et formae, et quarumcumque partium substantialium, nec generis et
differentiae, nec subiecti et accidentis; patet etiam quod praedicta nomina in
Deo non praedicant accidens. c) Troisiиme raison13: parce que l'accident est comparй au
substrat comme l'acte а la puissance, puisqu'il en est la forme. C'est pourquoi
comme Dieu est acte pur, sans mйlange de puissance, il ne peut pas кtre le
substrat d'un accident. Donc ainsi il est
clair par ce qui a йtй dit, qu'en Dieu, il n'y a pas de composition de
matiиre et de forme, et de toutes parties substantielles ni de genre et de
diffйrence, ni de sujet et d'accident; ainsi il est clair que ces noms n' attribuent pas un accident а Dieu. Solutions: q. 7 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Damascenus
loquitur de istis nominibus non quantum ad id quod praedicant de Deo, sed
quantum ad id a quo imponuntur ad significandum. Imponuntur enim a nobis ad
significandum ex formis accidentalibus quibusdam, in creaturis repertis. Vult
enim ex hoc probare quod per nomina dicta de Deo non notificatur nobis eius
substantia. # 1. Jean Damascиne parle de ces noms, non pour ce qu'ils attribuent а
Dieu, mais pour ce а quoi ils sont
imputйs pour signifier. Car nous les imputons pour signifier а partir de
certaines formes accidentelles trouvйes dans les crйatures. Ill veut, en effet,
prouver que la substance de Dieu n'est pas signifiйes par les noms qu'on lui
donne. q. 7 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod licet bonitatis
humanae et sapientiae et iustitiae, qualitas sit genus; non tamen est genus
eorum secundum quod de Deo praedicantur, eo quod qualitas, in quantum
huiusmodi, dicitur ens eo quod inhaeret aliqualiter subiecto. Sapientia autem
et iustitia non ex hoc nominantur, sed magis ex aliqua perfectione vel ex
aliquo actu; unde talia veniunt in divinam praedicationem secundum rationem
differentiae et non secundum rationem generis. Et propter hoc Augustinus dicit:
intelligamus quantum possumus sine qualitate bonum, sine quantitate magnum.
Unde non oportet quod modus iste qui est assequi naturam, inveniatur in Deo. # 2. Bien que les qualitйs de bontй, de sagesse et de justice soient un
genre chez l'homme, cependant ce n'est pas leur genre qui est attribuй а Dieu,
parce que la qualitй, en tant que telle, est appelйe йtant, parce qu'elle
adhиre d'une certaine maniиre а un substrat. Mais la sagesse et la justice ne
tirent pas leur nom de cela, mais plutфt d'une perfection ou d'un acte; c'est
pourquoi de tels prйdicats viennent dans l’attribution а Dieu en raison de la
diffйrence et non du genre. Et c'est pour cela qu'Augustin dit (La Trinitй, V, 1): "Nous comprenons bon autant que nous pouvons sans la qualitй, grand sans la quantitй." C'est pourquoi il ne faut pas que ce mode
qui suit la nature se trouve en Dieu. q. 7 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si bonum et iustum
univoce de Deo praedicarentur, sequeretur quod falsa esset praedicatio, remoto
genere. Nihil autem de Deo creatura univoce praedicatur, ut infra ostendetur;
unde ratio non sequitur. # 3. Si bon et juste йtaient attribuйs de maniиre univoque а Dieu, il
s'ensuivrait que l'attribution serait fausse, si on excluait le genre. Mais
rien n'est attribuй а Dieu de faзon univoque avec la crйature, comme on le
montrera plus loin (art. 7): C'est pourquoi la raison ne vaut pas. q. 7 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sapientia, quae est
accidens, in Deo non est; sed sapientia alia non univoce dicta; et propter hoc
ratio non sequitur. # 4. La sagesse, qui est un accident, n'est pas en Dieu, mais c'est une
autre sagesse dйsignйe de maniиre non univoque, et c'est pour cela que cette
raison ne vaut pas. q. 7 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum quod exemplata non semper
repraesentant perfecte exemplar; unde quandoque quod est in exemplari
deficienter et imperfecte invenitur in exemplato; et praecipue in his quae
exemplantur a Deo, qui est exemplar omnem creaturae proportionem excedens. # 5. Les images ne reprйsentent pas toujours parfaitement l'exemplaire;
c'est pourquoi quelquefois on trouve dans l'image ce qui est dans l'exemplaire
de maniиre dйficiente et imparfaite et surtout dans ce qui est image de Dieu
qui est l'exemplaire qui dйpasse toute proportion avec la crйature. q. 7 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod similitudo et
aequalitas in Deo dicuntur non quia sit ibi qualitas vel quantitas, sed quia de
eo dicimus quaedam quae apud nos significant qualitatem vel quantitatem, cum
dicimus Deum magnum et sapientem et huiusmodi, et cetera. # 6. On parle de la ressemblance et de l'йgalitй en Dieu non pas parce
qu'il y a qualitй et quantitй, mais parce que nous disons certaines choses qui
signifient pour nous la qualitй ou la quantitй, quand nous disons que Dieu est
grand et sage etc.. q. 7 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod accidentia non
dicuntur entia nisi per relationem ad substantiam tamquam ad primum ens; unde
non oportet quod accidentia mensurentur uno primo quod est accidens, sed uno
primo quod est substantia. # 7. Les accidents ne sont appelйs йtants que par relation а la
substance en tant que premier йtant; c'est pourquoi il ne faut pas que les
accidents soient mesurйs par un premier qui est accident, mais par un premier
qui est la substance. q. 7 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum, quod omne illud sine quo
res aliqua potest intelligi secundum suam substantiam intellecta, habet
rationem accidentis: non enim potest esse quod non intelligatur id quod est de
substantia rei, re secundum suam substantiam intellecta; sicut quod
intelligatur quid est homo, et non intelligatur quid est animal. Deum autem nos
non videmus hic per essentiam, sed consideramus eum ex eius effectibus. Unde
nihil prohibet considerare ipsum ex effectu essendi, et non considerare ex
effectu bonitatis; sic enim loquitur Boetius. Sciendum tamen quod licet nos
intelligamus aliqualiter Deum, non intelligendo eius bonitatem, non tamen
possumus intelligere Deum intelligendo eum non esse bonum, sicut nec hominem
intelligendo eum non esse animal: hoc enim removeret substantiam Dei, quae est
bonitas. Sancti vero in patria qui vident Deum per essentiam, videndo Deum,
vident eius bonitatem. # 8. Tout ce sans quoi on peut comprendre une chose envisagйe selon sa
substance, a natured'accident; car il n'est pas possible que ne soit pas
compris ce qui est de sa substance, une fois qu'elle est comprise selon sa
substance; de mкme qu'on comprendrait ce qu'est un homme, et qu'on ne
comprendrait pas ce qu'est un animal. Mais nous ne voyons pas ici Dieu par son
essence mais nous le considйrons а partir de ses effets. C'est pourquoi rien
n'empкche de le considйrer par l'effet d'кtre, et ne pas le considйrer par
celui de sa bontй, car Boиce en parle ainsi. Cependant il faut savoir que, bien
que nous comprenions йgalement Dieu, sans comprendre sa bontй, nous ne pouvons
cependant pas comprendre Dieu sans comprendre qu'il est bon; de mкme qu'on ne
comprend pas que c'est un homme en comprenant qu'il n'est pas un animal: car
cela exclurait la substance de Dieu qui est sa bontй. Mais les saints, dans la
patrie, qui voient Dieu par son essence, en le voyant, voient sa bontй. q. 7 a. 4 ad 9 Ad nonum dicendum, quod hoc nomen sapientia
verificatur de Deo quantum ad illud a quo imponitur nomen. Non autem imponitur
nomen ab hoc quod est sapientem facere, sed ab hoc quod est sapientialia intellectualiter
habere. Scientia enim, in quantum scientia, refertur ad scibile; sed in quantum
est accidens vel forma, refertur ad scientem. Hoc autem quod est sapientialia
habere, est accidentale homini, non autem Deo. # 9. Ce nom de sagesse est
vйrifiй au sujet de Dieu quant а ce par quoi on impute ce nom. Mais il n’est
pas imputй par ce qui rend sage, mais par ce que c'est avoir de maniиre
intelligible ce qui concerne la sagesse. Car la science, en tant que telle, a
rapport au connaissable. Mais en tant qu'accident ou forme, elle se rapporte au
savant. Mais le fait d'avoir ce qui concerne la sagesse est accidentel pour
l'homme, mais pas pour Dieu.
Article 5: Ces noms attribuйs а Dieu signifient-ils sa
substance?
De potentia, q. 7 a. 5 tit. 1 Quinto quaeritur utrum
praedicta nomina significent divinam substantiam. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 5 arg. 1 Dicit enim Damascenus IV libro: oportet
singulum eorum quae in Deo dicuntur, non quid est secundum substantiam
significare existimare; sed quod non est ostendere, aut habitudinem quamdam,
aut aliquid eorum a quibus separatur, aut aliquid eorum quae assequuntur
naturam aut operationem. Esse autem quod substantialiter de aliquo praedicatur
significat quid est substantia eius. Praedicta ergo
nomina non praedicantur substantialiter de Deo, tamquam eius substantiam
significantia. 1. En effet, Jean Damascиne dit (La
foi orthodoxe, IV, ch. 4, PL. 94, 836 A): "Il faut penser que chacun des noms donnйs а Dieu ne signifie pas ce
qu'il est selon sa substance, mais montre ce qu'il n'est pas, soit une
relation, soit une sйparation, soit quelque chose de ce qui touche sa nature ou
son opйration." Mais l'кtre attribuй selon la substance signifie ce
qu'elle est. Donc ces noms ne sont pas attribuйs selon la substance а Dieu
comme la signifiant. q. 7 a. 5 arg. 2 Praeterea, nullum nomen quod significat
substantiam alicuius rei, vere potest de eo negari. Dicit enim Dionysius, quod
in divinis negationes sunt verae, affirmationes vero incompactae. Ergo talia
nomina non significant substantiam divinam. 2. Aucun nom qui signifie la substance d'une chose ne peut vraiment
кtre niй de lui. Car Denys dit (Les
hiйrarchie cйleste, II, § 3, 141 A2) qu'en Dieu les nйgations sont vraies
mais les affirmations inadйquates. Donc de tels noms ne signifient pas la
substance divine. q. 7 a. 5 arg. 3 Praeterea, haec nomina significant processus
divinae bonitatis in res, sicut dicit Dionysius. Sed bonitates a Deo
procedentes non sunt ipsa divina substantia. Ergo huiusmodi nomina non
significant divinam substantiam. 3. Ces noms signifient ce qui procиde de la divine bontй dans les
кtres, comme le dit Denys (Les noms
divins, I, 2, 591 D3). Mais les
bontйs qui procиdent de Dieu ne sont pas sa substance. Donc les noms de ce
genre ne signifient pas la substance de Dieu. q. 7 a. 5 arg. 4 Praeterea, Origenes dicit quod Deus dicitur
sapiens quia sapientia nos implet. Hoc autem non significat divinam
substantiam, sed effectum. Ergo praedicta nomina non significant divinam
substantiam. 4. Origиne dit que Dieu est appelй sage parce qu'il nous comble de
sagesse. Mais cela ne signifie pas la substance de Dieu, mais son effet. Donc
ces noms ne signifient pas la substance divine. q. 7 a. 5 arg. 5 Praeterea, in Lib. de causis dicitur quod
causa prima non nominatur nisi nomine causati primi, quod est intelligentia.
Cum autem causa nominatur nomine sui causati, non est praedicatio per
essentiam, sed per causam. Ergo nomina quae de Deo dicuntur, non
praedicantur de Deo substantialiter, sed causaliter tantum. 5. Dans le livre des Causes
(prop. 6, n° 63), on dit que la cause premiиre n'est appelйe que par le nom du
premier effet, qui est l'intelligence. Mais comme la cause est appelйe par le
nom de l'effet, ce n'est pas une attribution par l'essence, mais par la cause.
Donc les noms dont on se sert pour Dieu ne lui sont pas attribuйs selon la
substance, mais selon la cause seulement. q. 7 a. 5 arg. 6 Praeterea, nomina significant conceptiones
intellectuum, ut patet per philosophum. Sed nos divinam substantiam intelligere
non possumus: non enim scimus de eo quid est, sed quoniam est, ut dicit
Damascenus. Ergo non possumus eum nominare aliquo nomine, nec significare eius
substantiam. 6. Les noms signifient les conceptions de l'esprit, comme le montre le
philosophe (au dйbut du Periher. 16 a
10 ss). Mais nous ne pouvons pas saisir (intelligere)
la substance divine; car nous ne savons pas ce qu'il est, mais nous savons
qu'il est, comme le dit Jean Damascиne (liv. I, ch. 44). Donc nous ne pouvons lui donner un nom, ni
signifier sa substance. q. 7 a. 5 arg. 7 Praeterea, omnia divinam bonitatem
participant, ut patet per Dionysium. Sed non omnia participant eius
substantiam, quae est solum in tribus personis. Ergo divina bonitas non
significat eius substantiam. 7. Tout participe de la bontй de Dieu, comme le montre Denys (Les noms divins, IV, § 1, 693 B5). Mais tout ne participe pas de sa
substance, qui est seulement dans les trois personnes. Donc la bontй de Dieu ne
signifie pas sa substance. q. 7 a. 5 arg. 8 Praeterea, Deum cognoscere non possumus nisi
ex similitudine creaturae, quia, ut dicit apostolus, Rom. I, 20, invisibilia
Dei a creatura mundi per ea quae facta sunt, intellecta conspiciuntur. Sed
secundum quod ipsum cognoscimus, ita ipsum nominamus. Ergo non nominamus ipsum
nisi ex similitudine creaturarum. Sed quando aliquid nominatur ex similitudine
alterius, nomen illud non praedicatur de ipso substantialiter, sed metaphorice:
quod per hoc patet quod per posterius de Deo dicitur, et per prius de eo a quo
sumitur similitudo; cum tamen quod significat substantiam alicuius primo de eo
praedicetur. 8. Nous ne pouvons connaоtre Dieu que par la ressemblance de la
crйature, parce que, comme le dit l'Apфtre (Rm
1, 20) "Ce qu'il y a d'invisible
en Dieu depuis la crйation du monde, se laisse voir pour l'intelligence par ses
њuvres." Mais nous lui donnons un nom selon que nous le connaissons.
Donc nous ne le nommons que par la ressemblance des crйatures. Mais quand nous
nommons une chose selon la ressemblance d'une autre, ce nom ne lui est pas
attribuй selon la substance, mais par mйtaphore: par lа i lest clair que ce
qu’ont de Dieu est aperиs, et ce dont on tire la ressemablance est avant;
puisque cependant nous attribuons d'abord а une chose ce que signifie sa
substance. q. 7 a. 5 arg. 9 Praeterea, secundum philosophum, significare
substantiam est significare hoc, et nihil aliud. Si ergo hoc nomen bonum
significat substantiam divinam, nihil erit in substantia divina quod non hoc
nomine significetur, sicut etiam nihil est in substantia humana quod non
significetur hoc nomine homo. Sed hoc nomen bonum non significat sapientiam.
Ergo sapientia non erit substantia divina, et pari ratione nec omnia alia; ergo
non potest esse quod huiusmodi omnia nomina significent divinam substantiam. 9. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
VIII), dйsigner une substance c'est la dйsigner elle et rien d'autre. Si
donc ce mot bon signifie la substance
divine, rien ne sera dans sa substance qui ne soit pas signifiй par ce nom, de
mкme que rien n'est dans la substance humaine qui ne soit signifiй par ce nom homme. Mais ce mot bon ne signifie pas la sagesse. Donc la sagesse ne sera pas la
substance divine, а raison йgale, tous les autres attributs non plus; donc il
n'est pas possible que tous les noms de ce genre signifient la substance
divine. q. 7 a. 5 arg. 10 Praeterea, sicut quantitas est causa
aequalitatis, et similitudinis qualitas, ita et substantia identitatis. Si ergo
omnia huiusmodi nomina significent substantiam Dei, secundum ea non
attenderetur vel aequalitas vel similitudo, sed magis identitas; et ita
creatura dicetur idem Deo, ex hoc quod eius sapientiam vel bonitatem imitatur,
vel aliquid huiusmodi; quod est inconveniens. 10. De mкme que la quantitй est la cause de l'йgalitй, et la qualitй
celle de ressemblance, de mкme la substance est celle de l'identitй. Si donc tous
les noms de ce genre signifiaient la substance de Dieu, selon eux on
n'atteindrait ni l'йgalitй, ni la ressemblance, mais plutфt l'identitй, et
ainsi on dirait que la crйature serait identique а Dieu du fait qu'elle imite
sa sagesse et sa bontй, etc., ce qui ne convient pas. q. 7 a. 5 arg. 11 Praeterea, in Deo, qui est principium totius
naturae, nihil potest esse contra naturam; nec ipse etiam aliquid contra
naturam facit, sicut habetur in Glossa Rom. XI (Ord. super illud: contra
naturam insertus es). Hoc autem est contra naturam quod accidens sit
substantia. Cum ergo sapientia, iustitia et huiusmodi secundum se sint
accidentia, non potest esse quod in Deo sint substantia. 11. En Dieu, qui est le principe de toute la nature, rien ne peut кtre
contre elle; et il ne fait rien contre elle, comme le dit la Glose (ordinaire, Rm. 11, 24, sur ce passage: "Greffй
contre nature6…"). Mais c'est
contre la nature qu'un accident soit une substance. Donc, comme la sagesse, la
justice, etc, sont en soi des accidents, il n'est pas possible qu'ils soient
substance en Dieu. q. 7 a. 5 arg. 12 Praeterea, cum dicitur Deus bonus, iste
terminus est complexus. Nulla autem esset complexio, si bonitas Dei esset ipsa
eius substantia. Ergo non videtur quod bonum significet divinam substantiam; et
eadem ratione nec alia similia nomina. 12. Quand on appelle Dieu bon, ce
terme est complexe. Mais il n'y aurait pas de complexitй si la bontй de Dieu
йtait sa substance mкme. Donc il ne semble pas que bon signifie la substance de Dieu, et pour une mкme raison les
autres noms semblables non plus. q. 7 a. 5 arg. 13 Praeterea, Augustinus dicit quod Deus omnem
formam nostri intellectus subterfugit, et ideo intellectui permixtus esse non
potest. Hoc autem non esset, si ista nomina significarent divinam substantiam,
quia Deus corresponderet formae nostri intellectus. Ergo huiusmodi nomina non
significant divinam substantiam. 13. Augustin dit que Dieu se dйrobe а toute forme de notre esprit, et
c'est pourquoi il ne peut pas lui кtre uni. Mais cela n'existerait pas, si ces
noms signifiaient la substance divine, parce que Dieu correspondrait а la forme
de notre esprit. Donc les noms de ce genre ne signifient pas la substance de
Dieu. q. 7 a. 5 arg. 14 Praeterea, Dionysius dicit quod optime homo
Deo unitur in cognoscendo quod cognoscens de ipso nihil cognoscit. Hoc autem
non esset, si ista quae concipit et significat, essent divina substantia. Ergo
idem quod prius. 14. Denys (La thйologie mystique,1
§1 997 B) dit que l'homme est le mieux uni а Dieu en reconnaissant qu'il ne
connaоt rien de lui. Mais cela ne serait pas possible si ce qu'il conзoit et
signifie йtait la substance divine. Donc de mкme que plus haut. En sens contraire: q. 7 a. 5 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit: Deo
est hoc esse quod est fortem esse, vel sapientem esse; et si quid de illa
simplicitate dixeris quae eius substantiam significat. Ergo omnia huiusmodi
significant divinam substantiam. 1. Il y a cette parole d'Augustin (la
Trinitй, VI, 4, 67): "Pour Dieu c'est кtre que d'кtre fort, ou
sage; et ainsi on dit quelque chose de cette simplicitй qui signifie sa
substance." Donc tous les mots de ce genre signifient la substance
divine. q. 7 a. 5 s. c. 2 Praeterea, Boetius dicit, quod cum quis alia
praedicamenta praeter relationem in divinam vertit praedicationem, cuncta
mutantur in substantiam; sicut iustus, etsi qualitatem significare videatur,
significat tamen substantiam, et similiter magnus, et huiusmodi alia. 2. Boлce dit (La Trinitй VI8) que lorsque quelqu'un change les autres
catйgories au-delа de la relation dans la prйdication divine, tout est changй
en sa substance; comme juste, mкme
s'il semble signifier une qualitй, signifie cependant la substance, et de la
mкme maniиre grand, etc.. q. 7 a. 5 s. c. 3 Praeterea, omne quod dicitur per
participationem, reducitur ad aliquid per se et essentialiter dictum. Sed
praedicta nomina de creaturis dicuntur per participationem. Ergo cum reducantur
in Deum sicut in causam primam, oportet quod de Deo dicantur essentialiter; et
ita sequitur quod significent eius substantiam. 3. Tout ce qui est dit par participation est ramenй а quelque chose par
soi et dit selon l'essence. Mais ces noms attribuйs sont dits des crйatures par
participation. Donc comme ils sont ramenйs а Dieu comme а la cause premiиre, il
faut qu’on en parle en Dieu selon l'essence, et ainsi il en dйcoule qu'ils
signifient sa substance.
Rйponse: q. 7 a. 5 co. Respondeo. Dicendum quod: Il faut dire que: quidam posuerunt, quod ista nomina dicta de Deo, non
significant divinam substantiam, quod maxime expresse dicit Rabbi Moyses. Dicit
autem, huiusmodi nomina de Deo dupliciter esse intelligenda: A – Certains ont pensй que
ces noms donnйs а Dieu, ne signifient pas la substance divine, ce que dit de
faзon trиs expresse Rabbi Moyses (Doctrina
Perplexorum, part. 1, c. 58). Mais il dit que de tels noms sur Dieu doivent
кtre interprйtйs de deux maniиres: uno modo per similitudinem effectus, ut dicatur Deus sapiens
non quia sapientia aliquid sit in ipso, sed quia ad modum sapientis in suis
effectibus operatur, ordinando scilicet unumquodque ad debitum finem; et
similiter dicitur vivens in quantum ad modum viventis operatur, quasi ex se ipso
agens. 1) Par la ressemblance de l'effet, ainsi on dit que Dieu est sage, non
parce que la sagesse est quelque chose en lui, mais parce qu'il opиre а la
maniиre du sage dans ses effets, c'est-а-dire en ordonnant chaque chose а la
fin qui lui est due, et de mкme on le dit vivant en tant qu'il opиre а la
maniиre d'un vivant, comme agissant par lui-mкme. Alio modo per modum negationis; ut per hoc quod dicimus Deum
esse viventem, non significemus vitam in eo aliquid esse, sed removeamus a Deo
illum modum essendi quo res inanimatae existunt. Similiter cum dicimus Deum
intelligentem, non intelligimus significare intellectum aliquid in ipso esse,
sed removemus a Deo illum modum essendi quo bruta existunt; et sic de aliis. 2) Par mode de nйgation; ainsi en disant que Dieu est vivant, nous ne
signifions pas que la vie est quelque chose en lui, mais que nous excluons de
lui cette maniиre d'кtre par laquelle des кtres existent sans vie. De mкme
quand nous disons que Dieu est intelligent, nous n'entendons pas signifier
quelque intellection en lui, mais nous excluons de lui cette maniиre d'кtre par
laquelle les bкtes existent, et ainsi de suite... Uterque autem modus videtur esse insufficiens et
inconveniens. L'une et l'autre maniиre semble insuffisante et ne pas convenir. Primus quidem duplici ratione: quarum prima est, quia secundum expositionem nulla
differentia esset inter hoc quod dicitur, Deus est sapiens et Deus est iratus,
vel Deus ignis est. Dicitur enim iratus quia operatur ad modum irati dum punit:
hoc enim homines irati facere consueverunt. Dicitur etiam ignis, quia operatur
ad modum ignis dum purgat, quod ignis suo modo facit. Hoc autem est contra
positionem sanctorum et prophetarum loquentium de Deo, qui quaedam de Deo
probant, et quaedam ab eo removent; probant enim eum esse vivum, sapientem et
huiusmodi, et non esse corpus, neque passionibus subiectum. Secundum autem
praedictam opinionem omnia de Deo pari ratione possent dici et removeri, non
magis haec quam illa. 1) La premiиre maniиre9 d'abord pour une double raison: a) Dont la premiиre est parce
que, selon l'exposй, il n'y a aucune diffйrence entre ce qui est dit, que Dieu
est sage et Dieu est en colиre ou Dieu est feu. Car on le dit irritй parce
qu'il opиre а la maniиre de quelqu'un en colиre quand il punit. Cela les hommes
en colиre ont l'habitude de le faire. On l'appelle aussi feu; parce qu'il agit
а la maniиre du feu quand il purifie, ce que le feu fait а sa maniиre. Mais
cela est contre l'opinion des saints et des prophиtes parlant de Dieu, qui
prouvent certaines choses а son sujet et en excluent d'autres; car ils prouvent
qu'il est vivant, sage, etc., et qu'il n'est pas un corps, ni qu'il est soumis
aux passions. Selon cette opinion tout pourrait кtre dit ou exclu de Dieu а
raison йgale, pas plus ceci que cela Secunda ratio, quia cum secundum fidem nostram ponamus
creaturam non semper fuisse, quod et ipse concedit, sequeretur quod non
possemus dicere fuisse sapientem vel bonum antequam creaturae essent. Constat
enim quod antequam creaturae essent, nihil in effectibus operabatur, nec ad
modum boni nec ad modum sapientis. Hoc autem omnino sanae fidei repugnat: nisi
forte dicere velit quod ante creaturas sapiens dici poterat, non quia
operaretur ut sapiens, sed quia poterat ut sapiens operari. Et sic sequeretur
quod aliquid existens in Deo per hoc significetur, et sit per consequens
substantia, cum quidquid est in Deo sit sua substantia. b) Seconde raison: parce que,
comme selon notre foi nous pensons que la crйature n'a pas toujours existй, ce
que lui-mкme concиde, il en dйcoulerait que nous ne pourrions pas dire qu'il a
йtй sage ou bon avant que les crйatures existent. Car il est clair qu'avant
qu'elles existent, il n'opйrait rien dans les effets, ni selon sa bontй, ni
selon sa sagesse. Mais cela s'oppose а la vraie foi, а moins que par hasard, il
veuille dire qu'avant les crйatures, il pouvait кtre appelй sage, non parce
qu'il opйrait en tant que sage, mais parce qu'il pouvait le faire. Et ainsi il
en dйcoulerait que par lа serait signifiй quelque chose qui existe en Dieu, et
est par consйquent sa substance, puisque tout ce qui est en Dieu est sa
substance. Secundus autem modus eadem ratione videtur esse
inconveniens. Non enim est aliquod nomen alicuius speciei per quod non
removeatur aliquis modus qui Deo non competit. In nomine enim cuiuslibet
speciei includitur significatio differentiae, per quam excluditur alia species
quae contra eam dividitur: sicut in nomine leonis includitur haec differentia
quae est quadrupes, per quam leo differt ab ave. Si ergo praedicationes de Deo
non essent introductae nisi ad removendum, sicut dicimus Deum esse viventem,-
quia non habet esse ad modum inanimatorum, ut ipse dicit - ita possemus dicere
Deum esse leonem, quia non habet esse ad modum avis. Et praeterea intellectus
negationis semper fundatur in aliqua affirmatione: quod ex hoc patet quia omnis
negativa per affirmativam probatur; unde nisi intellectus humanus aliquid de
Deo affirmative cognosceret, nihil de Deo posset negare. Non autem cognosceret,
si nihil quod de Deo dicit, de eo verificaretur affirmative. 2) La seconde maniиre10 ne semble pas convenir pour la mкme
raison. Car il n'y a pas de nom d’une espиce par lequel ne serait pas exclu un
mode qui ne convient pas а Dieu. Car dans le nom de n'importe quelle espиce,
est inclue une signification de diffйrence, par laquelle est exclue l'autre
espиce, qui s'oppose а elle, comme dans le nom de lion est incluse cette diffйrence qu'il est quadrupиde, par
laquelle il est diffйrent de l'oiseau. Donc ainsi les attributions а Dieu
n'auraient йtй introduites que pour exclure, comme nous disons que Dieu est
vivant — parce qu'il n'a pas un кtre а la maniиre des objets inanimйs, comme il
le dit lui-mкme — de sorte que nous puissions dire que Dieu est un lion, parce
qu'il n'a pas d'кtre а la maniиre de l'oiseau. Et en plus le concept de
nйgation est toujours fondй sur une affirmation: ce qui parait du fait que
toute nйgation est prouvйe par une affirmation; c'est pourquoi а moins que
l'intellect humain ne connaisse de faзon affirmative quelque chose de Dieu, il
ne peut rien nier de lui. Mais ils ne connaоtrait pas si rien de ce qu'il dit
de Dieu n'йtait vйrifiй affirmativement. Et ideo, secundum sententiam Dionysii, dicendum est, quod
huiusmodi nomina significant divinam substantiam, quamvis deficienter et
imperfecte: quod sic patet. Cum omne agens agat in quantum actu est, et per
consequens agat aliqualiter simile, oportet formam facti aliquo modo esse in agente:
diversimode tamen: quia quando effectus adaequat virtutem agentis, oportet quod
secundum eamdem rationem sit illa forma in faciente et in facto; tunc enim
faciens et factum coincidunt in idem specie, quod contingit in omnibus univocis:
homo enim generat hominem, et ignis ignem. Quando vero effectus non adaequat
virtutem agentis, forma non est secundum eamdem rationem in agente et facto,
sed in agente eminentius; secundum enim quod est in agente habet agens virtutem
ad producendum effectum. Unde si tota virtus agentis non exprimitur in facto,
relinquitur quod modus quo forma est in agente excedit modum quo est in facto.
Et hoc videmus in omnibus agentibus aequivocis, sicut cum sol generat ignem. B. — Et c'est pourquoi, selon l'expression de Denys (Les Noms divins, XII), il faut dire que
les noms de ce genre signifient la substance divine, quoique de maniиre
dйficiente et imparfaite; ce qui paraоt ainsi: puisque tout agent agit en tant
qu'il est en acte, et par consйquent fait en quelque maniиre du semblable, il
faut que la forme de ce qui est produit soit en quelque maniиre dans l'agent;
de diverses maniиres cependant; parce que, quand l'effet йgale le pouvoir de l'agent, il faut que cette forme soit
selon une mкme raison dans ce qui produit et ce qui est produit; car alors
celui qui produit et ce qui est produit se retrouve dans l'identique en espиce,
ce qui arrive dans tout ce qui est univoque; l'homme, en effet, engendre un
homme et le feu le feu. Mais quand l'effet
n'йgale pas le pouvoir de l'agent, la forme n'est pas selon la mкme nature
dans l'agent et dans ce qui est produit, mais de maniиre plus йminente dans
l'agent, car l'agent a le pouvoir de produire l'effet selon qu’il est en lui.
C'est pourquoi si tout le pouvoir de l'agent n'est pas exprimй dans ce qu'il
produit, il reste que le mode par lequel la forme est dans l'agent dйpasse le
mode par lequel elle est dans ce qui est produit. Et nous voyons cela dans tous
les agents йquivoques, comme quand le soleil engendre le feu. Constat autem quod nullus effectus adaequat virtutem primi
agentis, quod Deus est; alias ab una virtute ipsius non procederet nisi unus
effectus. Sed cum ex eius una virtute inveniamus multos et varios effectus procedere,
ostenditur nobis quod quilibet eius effectus deficit a virtute agentis. Nulla
ergo forma alicuius effectus divini est per eamdem rationem, qua est in effectu
in Deo: nihilominus oportet quod sit ibi per quemdam modum altiorem; et inde
est quod omnes formae quae sunt in diversis effectibus distinctae et divisae ad
invicem, in eo uniuntur sicut in una virtute communi, sicut etiam omnes formae
per virtutem solis in istis inferioribus productae, sunt in sole secundum
unicam eius virtutem, cui omnia generata per actionem solis secundum suas
formas similantur. Mais il est clair qu'aucun effet n'йgale la puissance du premier agent
qui est Dieu; autrement il ne proviendrait qu'un seul effet de son pouvoir
unique. Mais comme nous trouvons que de son seul pouvoir procиdent des effets
nombreux et variйs, cela nous montre que n'importe quel effet est dйficient par
rapport а la puissance de l'agent. Donc aucune forme d'un effet divin n'est
d'une mкme nature que dans l'effet en Dieu: il faut nйanmoins qu'il y soit par
quelque mode plus йlevй et de lа vient que toutes les formes qui sont
distinctes et divisйes entre elles dans les divers effets, y sont unies, comme
dans un pouvoir commun, comme aussi toutes les formes produites par le pouvoir
du soleil dans les choses infйrieures sont dans le ciel selon son unique
pouvoir, а qui tout ce qui est engendrй par l'action du soleil ressemble selon
les formes. Et similiter perfectiones rerum creatarum assimilantur Deo
secundum unicam et simplicem essentiam eius. Intellectus autem noster cum a
rebus creatis cognitionem accipiat, informatur similitudinibus perfectionum in
creaturis inventarum, sicut sapientiae, virtutis, bonitatis et huiusmodi. Unde
sicut res creatae per suas perfectiones aliqualiter,- licet deficienter,- Deo
assimilantur, ita et intellectus noster harum perfectionum speciebus
informatur. . Et de mкme, les perfections des crйatures ont une ressemblance avec
Dieu quant а son essence unique et simple. Mais comme notre esprit reзoit la
connaissance des crйatures, il est mis en forme par les ressemblances des
perfections trouvйes dans les crйatures comme celle de la sagesse, de la vertu,
de la bontй, etc.. C'est pourquoi, de mкme que les crйatures ressemblent а Dieu
de quelque maniиre par leurs perfections — bien que de maniиre dйficiente, — de
mкme notre esprit reзoit les formes de ces perfections. Quandocumque autem intellectus per suam formam
intelligibilem alicui rei assimilatur, tunc illud quod concipit et enuntiat
secundum illam intelligibilem speciem verificatur de re illa cui per suam
speciem similatur: nam scientia est assimilatio intellectus ad rem scitam. Unde
oportet quod illa quae intellectus, harum specierum perfectionibus informatus,
de Deo cogitat vel enuntiat, in Deo vero existant, qui unicuique praedictarum
specierum respondet sicut illud cui omnes similes sunt. Si autem huiusmodi
intelligibilis species nostri intellectus divinam essentiam adaequaret in
assimilando, ipsam comprehenderet, et ipsa conceptio intellectus esset perfecta
Dei ratio, sicut animal gressibile bipes est perfecta ratio hominis. Quelquefois l'esprit par sa forme intelligible ressemble а une chose,
alors ce qu'il conзoit et йnonce selon cette forme intelligible est vйrifiй de
cette chose а laquelle elle ressemble par sa forme; car la science est la
ressemblance de l'esprit а la chose connue. C'est pourquoi, il faut que ce que
l'esprit, informй par les perfections de ces formes, pense ou йnonce de Dieu,
existe rйellement en lui, qui correspond а chacune de ces formes, comme ce а
quoi toutes sont semblables. Mais si une telle espиce intelligible de notre
esprit йgalait l'essence divine en lui ressemblant, il l'apprйhenderait et la
conception mкme de l'esprit serait la dйfinition parfaite de Dieu, comme
"animal marcheur а deux pieds" est une parfaite dйfinition de
l'homme. Non autem perfecte divinam essentiam assimilat species
praedicta, ut dictum est; et ideo licet huiusmodi nomina, quae intellectus ex
talibus conceptionibus Deo attribuit, significent id quod est divina
substantia, non tamen perfecte ipsam significant secundum quod est, sed secundum
quod a nobis intelligitur. La forme dont on a parlй n'imite pas parfaitement l'essence divine,
comme on l'a dit, et c'est pourquoi, bien que les noms de ce genre, que
l'esprit attribue а Dieu par de telles conceptions, signifient ce qu'est la
substance divine, ils ne la signifient cependant pas parfaitement selon ce
qu'elle est mais selon ce que nous en comprenons. Sic ergo dicendum est, quod quodlibet istorum nominum
significat divinam substantiam, non tamen quasi comprehendens ipsam, sed
imperfecte: et propter hoc, nomen qui est,
maxime Deo competit, quia non determinat aliquam formam Deo, sed significat
esse indeterminate. Et hoc est quod dicit Damascenus, quod hoc nomen qui est, significat substantiae pelagus
infinitum. Ainsi donc il faut dire que n'importe lequel de ces noms signifie la
substance divine, non cependant comme si elle l'apprйhendait, mais
imparfaitement, et c'est pour cela que ce nom Qui est convient tout а fait а Dieu, parce qu'il ne dйtermine pas
une forme en Dieu, mais signifie l'кtre sans dйtermination. Et c'est ce que dit
Jean Damascиne (La foi orthodoxe, I,
12, PG. 94, 833) que ce nom Qui est
signifie une mer infinie de substance11. Haec autem solutio confirmatur per verba Dionysii, qui
dicit, quod quia divinitas omnia
simpliciter et incircumfinite in seipsa existentia praeaccipit, ex diversis
convenienter laudatur et nominatur. Simpliciter dicit, quia perfectiones
quae in creaturis sunt secundum diversas formas, Deo attribuuntur secundum
simplicem eius essentiam: incircumfinite dicit, ad ostendendum quod nulla
perfectio in creaturis inventa divinam essentiam comprehendit, ut sic
intellectus sub ratione illius perfectionis in seipso Deum definiat.
Confirmatur etiam per hoc quod habetur V Metaph.,
quod simpliciter perfectum est quod habet in se perfectiones omnium generum;
quod Commentator ibidem de Deo exponit. Cette solution est confirmйe par les paroles de Denys, qui dit (les Noms divins, I, § 7, 597 A) que "parce que la Divinitй contient par avance
tout ce qui existe en elle de faзon simple et indйfinissable, elle est
convenablement louйe et nommйe par diffйrents termes12." De faзon simple, dit-il, parce que
les perfections qui sont dans les crйatures en diffйrentes formes, lui sont
attribuйes selon son essence simple; d'une faзon indйfinissable, pour montrer
qu'aucune perfection trouvйe dans les crйatures ne saisit l'essence divine, de
sorte qu'ainsi l'esprit dйfinisse Dieu en raison de cette perfection en lui.
C'est confirmй aussi par ce qui est dit en Mйtaphysique
(V, 16, 1021 b 14) qu'est absolument parfait ce qui a en soi les perfections de
tous les genres, ce que le Commentateur expose а ce mкme endroit au sujet de
Dieu. Solutions: q. 7 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Damascenus
intelligit, quod huiusmodi nomina non significant quid est Deus, quasi eius
substantiam definiendo et comprehendendo; unde et subiungit quod hoc nomen qui
est, quod indefinite significat Dei substantiam, propriissime Deo attribuitur. # 1. Jean Damascиne comprend que les noms de ce genre ne signifient pas
ce qu'est Dieu comme dйfinissant et saisissant sa substance; c'est pourquoi il
ajoute que ce nom Qui est, qui
signifie de maniиre indйfinie la substance de Dieu, est attribuй а Dieu d’une
maniиre trиs appropriйe. q. 7 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ita Dionysius dicit
negationes horum nominum esse veras de Deo quod tamen non asserit affirmationes
esse falsas et incompactas: quantum enim ad rem significatam, Deo vere attribuuntur,
quae in eo aliquo modo est, ut iam ostensum est; sed quantum ad modum quem
significant de Deo negari possunt: quodlibet enim istorum nominum significat
aliquam formam definitam, et sic Deo non attribuuntur, ut dictum est. Et ideo
absolute de Deo possunt negari, quia ei non conveniunt per modum qui
significatur: modus enim significatus est secundum quod sunt in intellectu
nostro, ut dictum est; Deo autem conveniunt sublimiori modo; unde affirmatio
incompacta dicitur quasi non omnino convenienter coniuncta propter diversum
modum. Et ideo, secundum doctrinam Dionysii,
tripliciter ista de Deo dicuntur. # 2. Ainsi Denys (La hiйrarchie
cйleste, PG. 3, 141 A13) dit, que
les nйgations de ces noms sont vraies de Dieu, il ne prйtend pas cependant que
les affirmations soient fausses et inadйquates, dans ce qu’elles signifient; on
attribue rйellement а Dieu ce qui est en lui d’une certaine maniиre, comme on l'a montrй, mais quant au mode signifiй, elles peuvent кtre niйes
de Dieu, car n'importe quel de ces noms signifie une forme dйfinie et ainsi
elles ne sont pas attribuйes а Dieu, comme on l'a dit. Et c'est pourquoi elles
ne peuvent absolument pas кtre niйes de Dieu, parce qu'elles ne lui conviennent
pas par le mode qui est signifiй. Car celui-ci est selon ce qu'elles sont dans
notre esprit, comme on l'a dit, mais elles conviennent а Dieu d'une maniиre
plus sublime; c'est pourquoi on dit que l'affirmation est inadйquate14 comme si elle n’йtait pas attribuйe
convenablement en raison d’un mode diffйrent. Et ainsi, selon la doctrine de
Denys (La thйologie mystique, I, la Hiйrarchie cйleste, II, et Les noms divins, II et III) on emploie
de trois maniиres ces affirmations а propos de Dieu. Primo quidem affirmative, ut dicamus, Deus est sapiens; quod
quidem de eo oportet dicere propter hoc quod est in eo similitudo sapientiae ab
ipso fluentis: quia tamen non est in Deo sapientia qualem nos intelligimus et
nominamus, potest vere negari, ut dicatur, Deus non est sapiens. Rursum quia
sapientia non negatur de Deo quia ipse deficiat a sapientia, sed quia
supereminentius est in ipso quam dicatur aut intelligatur, ideo oportet dicere
quod Deus sit supersapiens. a) Affirmativement: pour dire que Dieu est sage; ce qu'il faut dire de
lui, parce qu'il y a en cela une ressemblance de la sagesse qui dйcoule de lui;
b) parce que cependant il n'y a pas en Dieu une sagesse telle que nous
la comprenons et la nommons, elle peut кtre rйellement niйe, pour dire: Dieu n'est
pas sage. c) A nouveau parce que la sagesse n'est pas niйe de Dieu parce que
lui-mкme manquerait de sagesse, mais parce qu'elle est en lui de maniиre
superйminente qu'on le dit et le comprend, de sorte qu’il faut dire que Dieu
est super sage. Et sic per istum triplicem modum loquendi secundum quem
dicitur Deus sapiens, perfecte Dionysius dat intelligere qualiter ista Deo
attribuantur. Et ainsi par cette triple maniиre de parler, selon laquelle on dit
qu'il est sage, Denys donne а comprendre parfaitement de quelle maniиre on
donne ces attributs а Dieu. q. 7 a. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ista nomina dicuntur
significare divinos processus, quia primo sunt imposita ad significandum istas
processiones secundum quod sunt in creaturis et ab earum similitudine
intellectus noster manuducitur ut huiusmodi Deo eminentiori modo attribuat. # 3. On dit que ces noms signifient ce qui procиde de Dieu, parce
qu'ils sont d'abord imposйs pour signifier ces processions telles qu'elles sont
dans les crйatures et par cette ressemblance notre esprit est conduit а
l'attribuer а Dieu de maniиre plus йminente. q. 7 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod verbum Origenis non
est intelligendum quod hoc intendimus significare cum dicimus, Deus est
sapiens, quod Deus est causa sapientiae, sed quia ex sapientia quam causat,
intellectus noster manuducitur ut sibi sapientiam supereminenter attribuat, ut
dictum est. # 4. Le mot d'Origиne n'est pas а comprendre que nous entendons
signifier, quand nous disons Dieu est
sage, que Dieu est la cause de la sagesse mais, parce que par la sagesse
qu'il cause, notre esprit est conduit а lui attribuer la sagesse de maniиre
surйminente, comme on l'a dit. q. 7 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum quod, cum dicitur Deus
intelligens, nominatur nomine sui causati: quia nomen quod sui causati
substantiam significat, sibi non definite attribui potest, secundum quem modum
nomen significat; et sic hoc nomen quamvis ei aliquo modo conveniat, non tamen
convenit ei ut nomen eius, quia id quod significat nomen, est definitio;
causato vero convenit ut nomen eius. # 5. Quand on dit que Dieu est intelligent, on le dйsigne du nom de son
effet; parce que le nom qui signifie la substance de son effet, ne peut pas lui
кtre attribuй de maniиre dйfinie, selon le mode que ce nom signifie; et ainsi
quoique ce nom lui convienne de quelque maniиre, il ne lui convient cependant
pas comme son nom, parce que ce que signifie le nom est une dйfinition, il
convient comme nom а l'effet. q. 7 a. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ratio illa probat quod
Deus non potest nominari nomine substantiam ipsius definiente vel
comprehendente vel adaequante: sic enim de Deo ignoramus quid est. # 6. Cette raison prouve que Dieu ne peut pas кtre dйsignй d'un nom qui
signifie, saisit ou йgale sa substance; car nous ignorons ce qu'il est. q. 7 a. 5 ad 7 Ad septimum dicendum quod, sicut omnia
participant Dei bonitatem,- non eamdem numero, sed per similitudinem - ita
participant per similitudinem esse Dei. Sed in hoc differt: nam bonitas
importat habitudinem alicuius causae, est enim bonum diffusivum sui; essentia
autem significatur in eo in quo est, ut quiescens. # 7. De mкme que tout participe de la bontй de Dieu — non la mкme en
nombre, mais par ressemblance — de mкme tout participe par ressemblance а
l'кtre de Dieu. Mais il y a une diffйrence: car la bontй apporte la relation
d'une cause, car le bien se donne; mais l'essence est signifiйe en ce en quoi
elle est, comme s'y reposant. q. 7 a. 5 ad 8 Ad octavum dicendum, quod in effectu invenitur
aliquid per quod assimilatur suae causae, et aliquid per quod a sua causa
differt: quod quidem convenit ei vel ex materia vel ex aliquo huiusmodi, sicut
patet in latere indurato per ignem. Nam in hoc quod lutum calefiat ab igne,
igni similatur; in hoc vero quod calefactum ingrossetur et induretur differt ab
igne; sed habet hoc ex materiae conditione. Si ergo id in quo later igni
similatur, de igne dicatur, proprie dicetur de eo, et eminentius et per prius.
Ignis enim est calidior quam later, et iterum eminentius: nam later est calidus
quasi calefactus, ignis autem naturaliter. Si vero id in quo later ab igne
differt, dicamus de igne, falsum erit; et nomen huiusmodi conditionem in suo
intellectu habens, de igne non poterit dici nisi metaphorice. Falsum est enim
ignem, qui est subtilissimum corporum, grossum dici. Durus autem dici potest
propter violentiam actionis, et non facilem potentiam passionis. # 8. On trouve dans l'effet une chose par laquelle il ressemble а sa
cause, et une autre par laquelle il en diffиre: ce qui lui arrive par la
matiиre ou quelque chose de ce genre, comme on le voit dans la brique durcie
par le feu. Car du fait que l'argile est chauffйe par le feu, elle lui
ressemble et alors en tant qu'elle est chauffйe, elle s'йpaissit et se durcit,
elle devient diffйrente du feu; mais elle le tient de la condition de sa
matiиre. Si donc ce en quoi la brique ressemble au feu est dit du feu, on le
dit de lui au sens propre, et de maniиre plus йminente et auparavant. Car le
feu est plus chaud que la brique et aussi plus йminemment; car la brique est
chaude en tant que chauffйe, mais le feu l'est naturellement. Si donc ce en
quoi la brique diffиre du feu, nous l'appelons du feu, ce sera faux; et le nom
qui a un tel sens dans son concept, ne pourra кtre employй pour le feu que
mйtaphoriquement. Car il est faux d’appeler йpais le feu qui est le plus subtil
des corps. Mais on peut l'appeler dur а cause de la violence de son action,
mais non а cause de sa facilitй а subir. Similiter consideranda sunt in creaturis quaedam secundum
quae Deo similantur, quae quantum ad rem significatam, nullam imperfectionem
important, sicut esse, vivere et intelligere et huiusmodi; et ista proprie
dicuntur de Deo, immo per prius de ipso et eminentius quam de creaturis.
Quaedam vero sunt secundum quae creatura differt a Deo, consequentia ipsam
prout est ex nihilo, sicut potentialitas, privatio, motus et alia huiusmodi: et
ista sunt falsa de Deo. Et quaecumque nomina in sui intellectu conditiones
huiusmodi claudunt, de Deo dici non possunt nisi metaphorice, sicut leo, lapis
et huiusmodi, propter hoc quod in sui definitione habent materiam. Dicuntur
autem huiusmodi metaphorice de Deo propter similitudinem effectus. De mкme il faut considйrer dans les crйatures certains attributs selon
qu'elles ressemblent а Dieu, qui n'entraоnent quant а ce qui est signifiй
aucune imperfection, comme кtre, vivre, comprendre, etc. et ceux-ci sont dits
proprement de Dieu, bien plus d'abord de lui, et plus йminemment que des
crйatures. Mais il y a certains attributs en quoi la crйature est diffйrente de
Dieu, consйquence de ce qu'elle vient du nйant, comme la potentialitй, la
privation, le mouvement, etc. et ceux-ci sont faux pour Dieu. Et tous ces noms
qui enferment des extensions de sens de ce genre en leur concepts ne peuvent
кtre dits de Dieu que mйtaphoriquement, comme lion, pierre, etc., parce que la
matiиre fait partie de leur dйfinition. Mais on parle des effets de ce genre
par mйtaphore au sujet de Dieu а cause de la ressemblance. q. 7 a. 5 ad 9 Ad nonum dicendum, quod ratio illa procedit de
eo quod significat substantiam definitive vel circumscriptive. Sic autem nullum
istorum nominum substantiam Dei significat, ut dictum est. # 9. Cette raison procиde de ce qui signifie la substance d'une maniиre
dйterminйe ou indйfinissable. Mais ainsi aucun de ces noms ne signifient la
substance de Dieu, comme on l'a dit (dans le corps de l'article). q. 7 a. 5 ad 10 Ad decimum dicendum, quod quamvis huiusmodi
perfectiones in Deo sint ipsa divina substantia, tamen in creatura non sunt
substantiales praedictae divinae perfectiones, ideo secundum eas creaturae non
dicuntur Deo eadem, sed similes. # 10. Quoique les perfections de ce genre soient en Dieu la substance
divine elle-mкme, cependant dans la crйature, il n'y a pas ces perfections
substantielles divines, c'est pourquoi а cause d'elle, on ne dit pas que les
crйatures sont identiques a Dieu, mais lui sont semblables. q. 7 a. 5 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod hoc esset contra
naturam, si sapientia eiusdem rationis cum ea quae est accidens, in Deo esset:
hoc autem non est verum, ut ex praedictis patet. Nec tamen
auctoritas inducta est ad propositum: nihil enim contra naturam Deus facit in
se ipso, quia in se ipso nihil facit. # 11. Ce serait contre la nature si la sagesse йtait en Dieu de la mкme
nature que celle qui est un accident. Mais cela n'est pas vrai, comme on l'a vu
dans ce qui a йtй dit. Cependant l'autoritй15
n'a pas йtй introduite pour cela. Car Dieu ne fait rien contre la nature en
lui-mкme, parce qu'il ne fait rien en lui. q. 7 a. 5 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod complexio huius
termini, cum dicitur Deus bonus, non refertur ad aliquam compositionem quae sit
in Deo, sed ad compositionem quae est in intellectu nostro. # 12. La complexitй de ce terme, quand on dit Dieu est bon, ne se rйfиre pas а une composition qui serait en
Dieu, mais а celle de notre esprit. q. 7 a. 5 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod Deus
subterfugit formam intellectus nostri quasi omnem formam intellectus nostri
excedens; non autem ita quod intellectus noster secundum nullam formam
intelligibilem Deo assimiletur. # 13. Dieu se dйrobe а la forme de notre esprit en tant qu'il en excиde
toute forme, mais pas de telle maniиre que notre esprit ne ressemble а Dieu
selon aucune forme intelligible. q. 7 a. 5 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod ex quo
intellectus noster divinam substantiam non adaequat, hoc ipsum quod est Dei
substantia remanet, nostrum intellectum excedens, et ita a nobis ignoratur: et
propter hoc illud est ultimum cognitionis humanae de Deo quod sciat se Deum
nescire, in quantum cognoscit, illud quod Deus est, omne ipsum quod de eo
intelligimus, excedere. # 14. Du fait que notre esprit n’atteint pas la substance divine, cela
mкme qui est la substance de Dieu demeure, dйpassant notre esprit et ainsi nous
l’ignorons et а cause de cela c’est le sommet de la connaissance de Dieu par
l'homme de savoir qu’il ne connaоt pas Dieu, autant qu’il connaоt, ce que Dieu
est, dйpasse tout ce nous comprendons de lui.
1 Ia, 13, a. 2, 3 et 11. — CG. I, 31 — I Sent.
d2a2 2
"Ainsi puisque les nйgations sont vraies, en ce qui concerne les mystиres
divins, tandis que toute affirmation demeure inadйquate…" 3 (I, lect. 2, n°13, §
4 p. 14: "… nominationes Dei ad bonos Thearchiae processus…" Commentaire de Thomas: "c'est-а-dire selon
les processus des perfections qui proviennent de la bontй de Dieu dans les
crйatures." 4
"Dieu est; cela est clair, mais qu'est-il par essence et nature? Voilа qui
est absolument incomprйhensible et inconnaissable." (p. 16). 5
n° 95. Les thйologiens affirment …"que l’кtre du bien en tant que bien
essentiel, йtend sa bontй а tout кtre…" 6 Cf/. Pot. 1, 3, obj. 1. 7 B.A. 15, 480/482. Thomas n'a retenu que ce qui le concernait
directement. Trad.: "Pour Dieu, c'est кtre que d'кtre fort ou juste ou
sage et tout ce que vous attribuez а cette multiplicitй simple ou а cette
multiple simplicitй, pour dйsigner sa substance." 8
"Mais lorsqu'on se tournera vers Dieu, pour lui attribuer ces catйgories,
alors il y aura une transformation de tous les attributs. (p. 135) (Trad. H.
Merle). 9
C'est-а-dire par la ressemblance. 10
C'est-а-dire par mode de nйgation. 11
Expression empruntйe а Grйgoire de naziance, Or. XLV, 3, PG. 36, 625. 12
Noms divins Trad. M. de Gandillac: "Mais il faut ajouter qu'elle contient
d'avance en soi tout кtre de faзon simple et indйfinissable, par le don… en
sorte qu'on peut la louer ou la nommer convenablement а partir de tout кtre."
13
"Ainsi puisque les nйgations sont vraies en ce qui concerne les mystиres
divins, tandis que toute affirmation demeure inadйquate…" (p. 191). 14
"Dionysius dicit affirmationes de Deo esse incompactas." Ia, qu. 13,
a. 12 — I Sent. d4q2a1 (Cerf: "les
affirmations sont inconsistantes", et ad1m "inconsistante ou sans
convenance". 15
La glose de Rm 11, 24.
Article 6: Ces noms sont-ils synonymes?
q. 7 a. 6 tit. 1 Sexto quaeritur utrum ista
nomina sint synonyma. Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 7 a. 6 arg. 1 Synonyma enim nomina dicuntur quae omnino idem
significant. Sed omnia ista nomina de Deo dicta significant idem: quia
significant divinam substantiam, quae est omnino simplex et una, ut ostensum
est. Ergo omnia ista nomina sunt synonyma. 1. Car on appelle synonymes les noms qui ont tout а fait mкme
signification. Mais tous ces noms donnйs а Dieu signifient la mкme chose; parce
qu'ils signifient sa substance, qui est tout а fait simple et une, comme on l'a
montrй. Donc tous ces noms sont synonymes. q. 7 a. 6 arg. 2 Praeterea, Damascenus dicit
quod in divinis omnia sunt unum, praeter ingenerationem, generationem et
processionem. Sed nomina significantia unum sunt synonyma. Ergo omnia nomina
dicta de Deo, praeter ea quae significant proprietates personales, sunt
synonyma. 2. Jean Damascиne (I, 11) dit qu'en Dieu tout est un2, sauf la non-gйnйration, la gйnйration et la
procession3. Mais les noms qui
signifient une seule chose sont synonymes. Donc tous les noms dont on se sert
pour Dieu, en dehors de ceux qui signifient des propriйtйs personnelles sont
synonymes. q. 7 a. 6 arg. 3 Praeterea, quaecumque uni et eidem sunt
eadem, sibi invicem sunt eadem. Sed sapientia in Deo est idem quod sua
substantia; similiter voluntas et potentia. Ergo sapientia, potentia et
voluntas in Deo omnino sunt idem, et sic sequitur quod ista nomina sunt
synonyma. 3. Toutes les choses qui sont les mкmes pour l'un et le mкme, sont les
mкmes entre elles. Mais la sagesse en Dieu est la mкme chose que sa substance;
de mкme sa volontй et sa puissance. Donc la sagesse, la puissance et la volontй
sont en Dieu tout а fait identique, et ainsi il en dйcoule que ces noms sont
synonymes. q. 7 a. 6 arg. 4 Sed dicendum, quod ista nomina significant
unum secundum rem, significant tamen rationes diversas, et ideo non sunt
synonyma.- Sed contra: ratio cui non respondet aliquid in re, falsa est et
vana. Sed si rationes horum nominum sint multae, et res est una, videtur quod
rationes istae sint vanae et falsae. 4. Mais il faut dire que ces
noms signifient une seule chose en rйalitй, ils signifient cependant des
notions diverses, et ainsi ils ne sont pas synonymes. — Mais en sens contraire, la notion а quoi rien ne rйpond dans la
rйalitй, est fausse et vaine. Mais si les notions de ces noms sont nombreuses,
et la chose rйelle une, il semble que ces notions sont vaines et fausses. q. 7 a. 6 arg. 5 Sed dicendum, quod rationes istae non sunt
vanae, cum eis aliquid respondeat quod est in Deo.- Sed contra, secundum hoc res creatae Deo assimilantur secundum quod ab
ipso processerunt per similitudinem idealem. Sed pluralitas idearum vel
rationum idealium non attenditur secundum respectus ad creaturas: nam ipse Deus
secundum unam suam essentiam est idea omnium. Ergo nec rationes
nominum quae de Deo dicimus, ex similitudine creaturarum, habent aliquid
respondens ex parte divinae substantiae. 5. Mais il faut dire que ces
notions ne sont pas vaines, puisque quelque chose leur rйpond, qui est en Dieu.
— Mais en sens contraire, les
crйatures ressemblent а Dieu selon qu'elles procиdent de lui par ressemblance
idйale4. Mais on ne parvient pas а la
pluralitй des idйes ou des notions idйales en rapport avec les crйatures; car
Dieu lui-mкme avec une seule essence est l'idйe de toutes choses. Donc les
notions des noms dont nous nous servons а propos de Dieu, а partir de la
ressemblance des crйatures, n'ont rien qui corresponde du cфtй de la substance
divine. q. 7 a. 6 arg. 6 Praeterea, illud quod est maxime unum non
potest esse radix et fundamentum multitudinis. Sed divina
essentia est maxime una. Ergo rationes praedictorum nominum non possunt in
divina substantia fundari vel radicari. 6. Ce qui est tout а fait un ne peut pas кtre la racine et le fondement
de la pluralitй. Mais l'essence divine est tout а fait une. Donc les notions
des noms attribuйs ne peuvent кtre fondйes ni enracinйes dans la substance
divine. q. 7 a. 6 arg. 7 Praeterea, distinctio relationum quae
realiter sunt in Deo, facit pluralitatem personarum. Si ergo istis rationibus
communibus attributorum aliquid responderet in Deo, etiam secundum multitudinem
attributorum esset in Deo multitudo personarum; et sic essent in Deo plures
personae quam tres; quod est haereticum: et ita videtur quod penitus ista
nomina sint synonyma. 7. La distinction des relations qui sont rйellement en Dieu, produit la
pluralitй des personnes. Si donc par ces notions communes quelque chose des
attributs correspondait en Dieu, selon la multitude des attributs, il y aurait
en lui une multitude de personnes; et ainsi il y aurait en Dieu plus de trois
personnes; ce qui est hйrйtique; et ainsi il semble que ces noms sont tout а
fait synonymes.
En sens contraire: q. 7 a. 6 s. c. 1 Sed contra. Nomina synonyma
sibi invicem adiuncta nugationem inducunt sicut si diceretur, vestis et
indumentum. Si ergo ista nomina sint synonyma, erit nugatio, cum Deus dicitur
bonus, Deus sapiens: quod est falsum. 1. Des noms synonymes ajoutйs l'un а l'autre reviennent а une
plaisanterie, comme si on parlait de vкtement et d'habit5. Si donc ces noms sont synonymes, ce sera
une plaisanterie quand on dit que Dieu est bon, Dieu est sage, ce qui est faux. q. 7 a. 6 s. c. 2 Praeterea, quicumque negat unum synonymorum
de aliquo, negat et reliquum. Sed aliqui negaverunt eius potentiam qui non
negaverunt eius scientiam vel bonitatem. Ergo ista nomina non sunt synonyma. 2. Quiconque nie un des synonymes а propos d'une chose, nie les autres.
Mais certains ont niй sa puissance qui n'ont pas niй sa science ou sa bontй.
Donc ces noms ne sont pas synonymes. q. 7 a. 6 s. c. 3 Praeterea, hoc patet per Commentatorem XI
Metaph., qui dicit, quod haec nomina dicta de Deo non sunt synonyma. 3. Cela est йclairй par le commentateur (IX Mйtaphysique, comm. 39) qui dit que ces noms donnйs а Dieu ne sont
pas synonymes. Rйponse: q. 7 a. 6 co. Respondeo. Dicendum quod ab
omnibus intelligentibus communiter dicitur, quod haec nomina non sunt synonyma.
Quod quidem facile esset sustinere secundum illos qui dicebant haec nomina non
significare divinam substantiam, sed intentiones quasdam additas essentiales,
aut modos operandi in effectibus, vel etiam creaturarum negationes. Tous les connaisseurs disent en commun que ces noms ne sont pas
synonymes. Ce qui serait facile а soutenir pour ceux qui disaient que ces
noms ne signifient pas la substance divine, mais des concepts essentiels
ajoutйs, ou des maniиres d'opйrer dans les effets ou mкme les nйgations dans
les crйatures. Sed supposito quod haec nomina significent divinam
substantiam, sicut supra ostensum est, quaestio videtur maiorem difficultatem
continere: quia sic invenitur unum et idem simplex significatum per omnia ista
nomina, quod est divina substantia. Mais supposй que ces noms signifient la substance divine, comme
ci-dessus (article prйcйdant) on l’a montrй, la question paraоt contenir une
plus grand difficultй; parce qu’ainsi par ces noms se trouve signifier une seul
et mкme chose simple qui est la substance divine. Sed sciendum quod significatio nominis non immediate
refertur ad rem, sed mediante intellectu: sunt enim voces notae earum quae sunt
in anima passionum, et ipsae intellectus conceptiones sunt rerum similitudines,
ut patet per philosophum in principio Periherm. Mais il faut savoir que la signification d'un nom ne se rйfиre pas
immйdiatement а l'objet mais par l'intermйdiaire de l'esprit: car il y a des
mots connus qui dйpendent des passions6
dans l'вme et ces conceptions de l'esprit sont des ressemblances de la rйalitй
comme le montre le philosophe, au commencement du Periherm. (1, 16 a 47). Quod ergo aliqua nomina non sint synonyma,
potest impediri vel ex parte rerum significatarum, vel ex parte rationum
intellectarum per nomina, ad quas significandas nomina imponuntur. Horum ergo
nominum quae de Deo dicuntur, synonyma impediri non possunt per diversitatem
rerum significatarum secundum praehabita, sed solum per rationes nominum quae
sequuntur conceptiones intellectuum. Donc que des noms ne soient pas synonymes peut кtre empкchй ou bien du
cфtй de ce qui est signifiй ou bien de celui des notions comprises par les
noms, dont on se sert pour les signifier. Donc, les synonymes de ces noms qui
s'emploient а propos de Dieu ne peuvent pas кtre empкchйs par la diversitй des
choses signifiйes en tant qu'йtablies d'avance, mais seulement par les notions
des noms qui suivent les conceptions de l'esprits. Et ideo dicit Commentator XI metaphysicorum, quod
multiplicitas in Deo est solum secundum differentiam in intellectu, et non in
esse, quod nos dicimus unum secundum rem, et multa secundum rationem. Istae autem
diversae rationes in intellectu nostro existentes, non possunt tales rationes
esse quibus nihil respondeat ex parte rei: ea enim quorum sunt istae rationes,
intellectus noster Deo attribuit. Unde si nihil esset in Deo vel secundum ipsum
vel secundum eius effectum, quod his rationibus responderet, intellectus esset
falsus in attribuendo, et omnes propositiones huiusmodi attributiones
significantes; quod est inconveniens. Et c'est pourquoi le Commentateur (Mйtaphysique
XI, texte 39) dit que la multiplicitй en Dieu dйpend de la diffйrence dans
l'esprit, et non dans l'кtre, parce que nous parlons de l'un en rйalitй, et du
multiple en raison. Mais ces diverses notions qui existent dans notre esprit ne
peuvent кtre des notions telles que rien ne corresponde du cфtй de la rйalitй;
car notre esprit a attribuй а Dieu ce dont elles sont les notions. C'est
pourquoi s'il n'y avait rien en Dieu qui corresponde а ces notions, quant а lui
ou а ses effets, l'esprit se tromperait en les attribuant, ainsi qu'en
attribuant toutes les propositions qui signifient de tels attributs; ce qui ne
convient pas. Sunt autem quaedam rationes quibus in re intellecta nihil
respondet; sed ea quorum sunt huiusmodi rationes, intellectus non attribuit
rebus prout in se ipsis sunt, sed solum prout intellectae sunt; sicut patet in
ratione generis et speciei, et aliarum intentionum intellectualium: nam nihil
est in rebus quae sunt extra animam, cuius similitudo sit ratio generis vel
speciei. Nec tamen intellectus est falsus: quia ea quorum sunt istae rationes,
scilicet genus et species, non attribuit rebus secundum quod sunt extra animam,
sed solum secundum quod sunt in intellectu. Ex hoc enim quod intellectus in se
ipsum reflectitur, sicut intelligit res existentes extra animam, ita intelligit
eas esse intellectas: et sic, sicut est quaedam conceptio intellectus vel
ratio,- cui respondet res ipsa quae est extra animam,- ita est quaedam
conceptio vel ratio, cui respondet res intellecta secundum quod huiusmodi;
sicut rationi hominis vel conceptioni hominis respondet res extra animam;
rationi vero vel conceptioni generis aut speciei, respondet solum res
intellecta. A) Mais il y a des notions auxquelles
rien ne correspond en rйalitй; mais
ce de quoi sont de telles notions, l'esprit ne l’a pas attribuй au choses en
soi mais seulement en tant qu'elles sont saisies par l'esprit. Comme cela se
voit dans la notion de genre et d'espиce et des autres concepts intellectuels,
car rien n'est dans ce qui est hors de l'вme dont la ressemblance soit une
notion de genre ou d'espиce8. Et
cependant l'esprit n'est pas faux: parce que ce dont viennent ces notions, а
savoir le genre et l'espиce, il ne l'attribua pas а la rйalitй en tant qu'elle
est hors de l'вme, mais seulement selon qu'elle est dans l'esprit. Car du fait
que l’esprit rйflйchit sur lui, de mкme qu'il comprend les choses qui existent
hors de l'вme, il comprend ainsi qu'elles sont saisies: et ainsi, de mкme qu'il
y a un concept de l'esprit ou une notion а quoi correspond ce qui est hors
l'вme, de mкme il y a une conception ou notion а quoi correspond ce qui est
compris en tant que tel; ainsi а la raison ou au concept d'homme, correspond
une rйalitй hors de l'вme, mais а la notion ou au concept de genre ou d'espиce,
correspond seulement ce qui est saisi par l' esprit. Non autem est possibile huiusmodi esse rationes horum
nominum quae de Deo dicuntur: quia sic intellectus non attribueret ea Deo
secundum quod in se est, sed secundum quod intelligitur; quod patet esse
falsum: esset enim sensus, cum dicitur Deus est bonus, quod Deus sic
intelligitur non autem quod sit. Mais il n'est pas possible qu'il y ait des notions de ce genre pour ces
noms dont on se sert pour Dieu; parce qu'ainsi l'esprit ne les attribuerait pas
а Dieu selon ce qui est en lui, mais selon ce qui en est compris; ce qui paraоt
faux: car le sens, quand on dit que Dieu est bon, serait qu'il est compris mais
non pas qu'il est. Et ideo dicunt quidam, quod istis diversis rationibus
nominum respondent diversa connotata, quae sunt diversi Dei effectus: volunt
enim quod cum dicitur, Deus est bonus, significetur eius essentia cum aliquo
effectu connotato, ut sit sensus, Deus est et bonitatem causat: sicut
diversitas harum rationum causatur ex diversitate effectuum. B. Et c'est pourquoi certains
disent qu'а ces diverses notions des noms correspondent divers connotations
que sont les divers effets de Dieu; car ils veulent que quand on dit: Dieu est bon, son essence soit signifiйe
avec un effet connotй, de sorte que le sens serait Dieu est et il cause la bontй; ainsi la diversitй de ces notions
est causйe par la diversitй des effets. Sed hoc non videtur conveniens: quia cum effectus a causa
secundum similitudinem procedat, prius oportet intelligere causam aliqualem
quam effectus tales. Non ergo sapiens dicitur Deus quoniam sapientiam causet,
sed quia est sapiens, ideo sapientiam causat. Unde Augustinus dicit, quod quia
Deus est bonus, sumus; et in quantum sumus, boni sumus. Mais cela semble ne pas convenir; parce que, comme l'effet procиde de
la cause selon la ressemblance, il faut comprendre une cause quelconque avant
de tels effets. Donc on ne dit pas que Dieu est sage parce qu'il causerait la
sagesse, mais parce qu'il est sage, de sorte qu’il cause la sagesse. C'est pourquoi
Augustin dit (La doctrine chrйtienne, 32) que, parce que Dieu est bon, nous
existons, et en tant que nous existons, nous sommes bons. Et praeterea secundum hoc sequeretur quod huiusmodi nomina
per prius dicerentur de creatura quam de creatore; sicut sanitas prius dicitur
de sano quam de sanativo, quod sanum dicitur ea ratione, quia sanitatem causat.
Item si nihil aliud intelligitur, cum dicitur Deus est bonus nisi Deus est et
est bonitatis causator: sequeretur quod eadem ratione omnia nomina effectuum divinorum
de eo possent praedicari, ut diceretur, Deus est caelum, quia caelum causat. Et en plus il en dйcoulerait que de tels noms aurait йtй employйs pour
la crйature avant que pour le Crйateur; ainsi on parle de la santй а propos de
ce qui est sain avant que de ce qui soigne, parce que ce qui est sain est
appelй ainsi pour cette raison qu'il cause la santй. De mкme si on ne comprend
rien d'autre, quand on dit que Dieu est
bon, sinon que "Dieu est et est celui qui cause la bontй": il en
dйcoulerait que pour la mкme raison tous les noms des effets divins pourraient
lui кtre attribuйs, de sorte qu'on dirait qu'il est le ciel, parce qu'il en est
la cause. Et iterum si hoc dicatur de causalitate in actu, patet esse
falsum: quia secundum hoc non possumus dicere quod Deus ab aeterno fuerit bonus
vel sapiens vel aliquid huiusmodi: non enim ab aeterno fuit causa in actu. Et а nouveau si on disait cela de la causalitй en acte, il est clair
que c'est faux; parce que nous ne pouvons pas dire que Dieu a йtй йternellement
bon ou sage, etc. Car il n'a pas йtй йternellement cause en acte. Si autem hoc intelligatur de causalitate secundum virtutem,-
ut dicatur bonus quia est et habet virtutem bonitatem infundendi,- tunc
oportebit dicere, quod hoc nomen bonum significat illam virtutem. Sed illa
virtus est quaedam supereminens similitudo sui effectus, sicut et quaelibet
virtus agentis aequivoci. Unde sequeretur quod intellectus concipiens
bonitatem, assimilaretur ad id quod est in Deo et quod est Deus. Et sic rationi
vel conceptioni bonitatis respondet aliquid quod est in Deo et quod est Deus. Mais si on le comprend de la causalitй selon sa vertu, — comme on le
dirait bon parce qu'il existe et a le pouvoir de diffuser la bontй, — alors il
faudra dire que ce mot bon signifie
cette vertu. Mais celle-ci est une ressemblance surйminente de son effet, de
mкme que n'importe quelle vertu d'un agent йquivoque. C'est pourquoi il en
dйcoulerait que l'esprit qui conзoit la bontй ressemblerait а ce qui est en
Dieu et qui est Dieu. Et ainsi а la notion ou au concept de bontй correspond
quelque chose qui est en Dieu et qui est Dieu. Et ideo dicendum est quod omnes istae multae rationes et
diversae habent aliquid respondens in ipso Deo, cuius omnes istae conceptiones
intellectus sunt similitudines. Constat enim quod unius formae non potest esse
nisi una similitudo secundum speciem, quae sit eiusdem rationis cum ea; possunt
tamen esse diversae similitudines imperfectae, quarum quaelibet a perfecta
formae repraesentatione deficiat. Cum ergo, ut ex superioribus patet,
conceptiones perfectionum in creaturis inventarum, sint imperfectae
similitudines et non eiusdem rationis cum ipsa divina essentia, nihil prohibet
quin ipsa una essentia omnibus praedictis conceptionibus respondeat, quasi per
eas imperfecte repraesentata. Et sic omnes rationes sunt quidem in
intellectu nostro sicut in subiecto: sed in Deo sunt ut in radice verificante
has conceptiones. Nam
non essent verae conceptiones intellectus quas habet de re aliqua, nisi per
viam similitudinis illis conceptionibus res illa responderet. C. Et c'est pourquoi il faut dire
que toutes ces notions diverses et nombreuses ont quelque chose qui correspond
en Dieu mкme, dont toutes ces conceptions de l'esprit sont des ressemblances.
Car il est clair que d'une seule forme, il ne peut y avoir qu'une ressemblance
unique en espиce, qui soit de la mкme nature qu'elle. Il peut cependant y avoir
diverses ressemblances imparfaites, dont certaines sont dйfaillantes par
rapport а la reprйsentation parfaite de la forme. Comme, donc, ainsi qu'on le
voit plus haut, les conceptions des perfections trouvйes dans les crйatures,
sont des ressemblances imparfaites, et non d'une mкme nature que l'essence mкme
de Dieu, rien n'empкche qu'une seule essence corresponde aux conceptions
susdites, comme reprйsentйe imparfaitement par elles. Et ainsi toutes les
notions sont dans notre esprit comme dans un sujet, mais en Dieu, elles sont
comme dans la racine qui assure la vйritй de ces conceptions. Car ce ne serait
pas les vraies conceptions que l'esprit a d'une chose а moins que par voie de
ressemblance cette rйalitй corresponde а ces conceptions. Diversitatis ergo vel multiplicitatis nominum causa est ex
parte intellectus nostri, qui non potest pertingere ad illam Dei essentiam videndam
secundum quod est, sed videt eam per multas similitudines eius deficientes, in
creaturis quasi in speculo resultantes. Unde si ipsam essentiam videret, non
indigeret pluribus nominibus, nec indigeret pluribus conceptionibus. Et propter
hoc, Dei verbum, quod est perfecta conceptio ipsius, non est nisi unum; propter
hoc dicitur Zach. XIV, 9: in die illa erit dominus unus et erit nomen eius
unum, quando ipsa Dei essentia videbitur et non colligetur Dei cognitio ex
creaturis. La cause de la diversitй ou de la multiplicitй des noms vient de notre
esprit, qui ne peut parvenir а voir cette essence de Dieu telle qu'elle est,
mais la voit а travers de nombreuses ressemblances dйficientes, qui
apparaissent dans les crйatures comme dans un miroir. C'est pourquoi s'il
voyait l'essence mкme, il n'aurait pas besoin de plusieurs noms, ni de
plusieurs concepts. Et pour cela, le Verbe de Dieu, qui est sa conception
parfaite n'est qu'un; pour cela Zacharie
(14, 9) dit: "En ce jour-lа, le
Seigneur sera un et son nom sera unique", quand l'essence mкme de Dieu
sera vue et que la connaissance de Dieu ne sera pas acquise а partir des
crйatures.
Solutions: q. 7 a. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
licet ista nomina significent unam rem, multis tamen rationibus, ut dictum est;
et propter hoc non sunt synonyma. # 1. Bien que ces noms signifient une chose unique, il le font
cependant selon de nombreuses notions, comme on l'a dit; et c'est pour cela
qu'ils ne sont pas synonymes. q. 7 a. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Damascenus intelligit
quod in divinis omnia sunt unum secundum rem, praeter proprietates personales
quae realem personarum distinctionem constituunt; tamen non excludit quin ea
quae de Deo dicuntur, ratione differant. # 2. Jean Damascиne comprend qu'en Dieu tout est un en rйalitй, au delа
des propriйtйs personnelles qui constituent la distinction rйelle des personnes;
cependant il n'exclut pas que ce qu'on dit de Dieu diffиre en raison. q. 7 a. 6 ad 3 Ad tertium per hoc patet responsio: quia sicut
bonitas et sapientia sunt unum secundum rem cum divina essentia, ita et ad
invicem; cum tamen rationes horum nominum differant, ut dictum est. # 3. Par lа la rйponse а la troisiиme objection est claire, parce que
de mкme que la bontй et la sagesse sont une en rйalitй avec l'essence divine,
il en est de mкme а l'inverse; puisque cependant les notions de ces noms
diffиrent, comme on l'a dit. q. 7 a. 6 ad 4 Ad quartum dicendum, quod iam patet ex
praedictis quod licet Deus sit omnino unus, tamen istae multae conceptiones vel
rationes non sunt falsae, quia omnibus eis respondet una et eadem res
imperfecte per eas repraesentata. Essent autem falsae, si nihil eis
responderet. # 4. Il apparaоt dйsormais de ce qui vient d'кtre dit, que quoique Dieu
soit tout а fait un, cependant ces multiples conceptions ou notions ne sont pas
fausses, parce qu'une seule et mкme chose reprйsentйe de faзon imparfaite leur
correspond. Mais elles seraient fausses, si rien ne leur correspondait. q. 7 a. 6 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum omnimoda unitas sit
ex parte Dei, et multiplicitas ex parte creaturarum, sicut oportet quod in Deo
intelligente plures creaturas sit una forma intelligibilis per essentiam, et
multi respectus ad diversas creaturas; ita in intellectu nostro ex
multiplicitate creaturarum in Deum ascendente, oportet quod sint multae species
habentes relationes ad unum Deum. # 5. L'unitй, quelle qu'elle soit, est du cфtй de Dieu et la
multiplicitй est du cфtй des crйatures, de mкme il faut qu'en Dieu qui pense de
nombreuses crйatures, il y ait une seule forme intelligible par essence, et
beaucoup de rapports aux diverses crйatures; ainsi dans notre esprit, qui
s'йlиve de la multiplicitй des crйatures en Dieu, il faut qu'il y ait de
nombreuses formes qui ont des relations а un seul Dieu. q. 7 a. 6 ad 6 Ad sextum dicendum, quod istae rationes non
fundantur in divina essentia sicut in subiecto, sed sicut in causa veritatis,
vel sicut in repraesentato per omnes; quod eius simplicitati non derogat. # 6. Ces notions ne sont pas fondйes dans l'essence divine comme dans
un substrat, mais comme dans la cause de la vйritй ou comme dans ce qui est
reprйsentй par tous, ce qui ne dйroge pas а sa simplicitй. q. 7 a. 6 ad 7 Ad septimum dicendum, quod paternitas et
filiatio habent oppositionem ad invicem; et ideo exigunt realem distinctionem
suppositorum: non autem bonitas et sapientia. #7. La paternitй et la filiation s'opposent entre elles; c'est pourquoi
elles exigent une distinction rйelle des suppфts, mais pas la bontй, ni la
sagesse.
1 Ia, qu. 13, a. 4. — CG.
I, 35, — I Sent d2a3; d22a3 — Compendium. 25. 2
Le mot unitй traduit l'кtre, il dit l'individu (dans les crйatures). Nihil enim
est aliud unum quam ens indivisum. Cum unum addat supra ens unam negationem,
secundum quod aliquid est indivisum." (Pot.
9, a. 7) Il s'agit du transcendantal et non du nombre. 3
Il s'agit des trois propriйtйs personnelles dans la Trinitй. Elle signifie
l'origine comme un acte. Cf. Ia, qu.
40, a. 2, c. L'origine et la relation sont les propriйtйs personnelles des
Personnes en Dieu. 4
Comprendre relative aux idйes. 5
L'exemple est tirй de Physique III,
3, 202 b 12. 6
Dans le commentaire du Perihermeias
Thomas dit (n° 15) que les passions sont des affections, comme la colиre ou la
joie, etc.. Et il est vrai qu'elles signifient naturellement certaines paroles.
C'est un emploi inhabituel du mot qui a fait penser а certains (Andronicus) que
l'њuvre n'йtait pas authentique, mais ajoute-t-il: "Il (Aristote) appelle
passion de l'вme toutes les opйrations de l'вme et cette conception de l'esprit
peut кtre appelйe passion." (n° 16) 7
"Les mots йmis sont les symboles des йtats de l'вme…" (Trad. J.
Tricot). 8
Cf. Pot. qu. 1, a. 1, ad 10. Note sur
les trois conceptions.
Article 7: Les noms sont-ils utilisйs pour Dieu et les crйatures de
maniиre univoque ou йquivoque?
q. 7 a. 7
tit. 1 Septimo quaeritur utrum huiusmodi nomina dicantur de Deo et creaturis
univoce vel aequivoce. Et videtur quod univoce. Il semble que c'est de maniиre univoque1.
Objections: q. 7 a. 7 arg. 1 Mensura enim et mensuratum sunt unius
rationis. Sed divina bonitas est mensura omnis bonitatis creaturae, et eius
sapientia omnis sapientiae. Ergo univoce dicuntur de Deo et creatura. 1. Car la mesure et ce qui est mesurй sont sous une seule notion. Mais
la bontй divine est la mesure de toute bontй de la crйature et sa sagesse celle
de toute sagesse. Donc on parle de faзon univoque de Dieu et de la crйature. q. 7 a. 7 arg. 2 Praeterea, similia sunt quae communicant
in forma. Sed creatura potest Deo similari; quod patet Genes. I, 26: faciamus
hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Ergo creaturae ad Deum est aliqua
communicatio in forma. De omnibus autem communicantibus in forma potest aliquid
univoce praedicari. Ergo de Deo et creatura potest aliquid praedicari univoce. 2. Tout ce qui participe а une [mкme] forme est semblable. Mais la
crйature peut ressembler а Dieu, ce que montre Gn. 1, 26. "Faisons
l’homme а notre image et а notre ressemblance." Donc de la crйature а
Dieu, il y a un partage de forme. A tout ce qui est partage de forme, on peut
attribuer quelque chose de maniиre univoque. Donc on peut dire qu’on attribue
quelque chose de maniиre univoque а Dieu et а la crйature. q. 7 a. 7 arg. 3 Praeterea, maius et minus non diversificant
speciem. Sed cum creatura dicatur bona et Deus bonus, in hoc videtur differre
quod Deus est melior omni creatura. Ergo bonitas Dei et creaturae non
diversificatur secundum speciem; et sic univoce bonum praedicatur de Deo et
creatura. 3. Le plus et le moins n’apportent pas de changement а l’espиce. Mais,
comme on dit que la crйature est bonne et que Dieu est bon, il semble y avoir
une diffйrence, parce que Dieu est meilleur que toute crйature. Donc la bontй
de Dieu et celle de la crйature ne sont pas diffйrentes en espиce et ainsi on
attribue le bien de maniиre univoque а Dieu et а la crйature. q. 7 a. 7 arg. 4 Praeterea, inter ea quae sunt diversorum
generum non potest esse comparatio, sicut philosophus probat: non enim
comparabilis est velocitas alterationis velocitati motus localis. Sed inter
Deum et creaturam attenditur aliqua comparatio: dicitur enim quod Deus est
summe bonus, et creatura est bona. Ergo Deus et creatura sunt unius generis, et
ita aliquid de eis potest univoce praedicari. 4. Il ne peut y avoir de point de comparaison entre ce qui est de
genres diffйrents, comme le philosophe le prouve (Physique, VII, 4, 249 a 12 — 249 a 21); car la vitesse du
changement n’est pas comparable а celle du mouvement local. Mais entre Dieu et
la crйature, on rencontre un point commun; car on dit que Dieu est tout а fait
bon et que la crйature est bonne. Donc Dieu et la crйature sont d’un seul genre
et ainsi on peut leur attribuer quelque chose de maniиre univoque. q. 7 a. 7 arg. 5 Praeterea, nihil cognoscitur nisi per speciem
unius rationis; non enim albedo quae est in pariete per speciem quae est in
oculo cognosceretur, nisi esset unius rationis. Sed Deus per suam bonitatem
cognoscit omnia entia, et sic de aliis. Ergo bonitas Dei et creaturae sunt
unius rationis, et sic univoce bonum de Deo et creatura praedicatur. 5. Rien n’est connu que par la forme d’une seule nature, car la
blancheur qui est sur le mur ne serait connue par la forme qui est dans l'њil
que si elle йtait d’une seule nature. Mais Dieu par sa bontй connaоt tout ce
qui existe, et il en est de mкme pour ses autres attributs. Donc sa bontй et
celle de la crйature sont d’une seule nature, et ainsi on attribue de maniиre
univoque le bien а Dieu et а la crйature. q. 7 a. 7 arg. 6 Praeterea, domus quae est in mente artificis
et domus quae est in materia, sunt unius rationis. Sed omnes creaturae
processerunt a Deo sicut artificiata ab artifice. Ergo bonitas quae est in Deo,
est unius rationis cum bonitate quae est in creatura; et sic idem quod prius. 6. La maison qui est dans l’esprit de l’architecte et celle qui est
dans la matiиre sont d'une mкme nature. Mais toutes les crйatures ont procйdй
de Dieu comme les њuvres procиdent de l’architecte. Donc la bontй qui est en
Dieu est d’une seule nature avec la bontй qui est dans la crйature et ainsi de
mкme que plus haut. q. 7 a. 7 arg. 7 Praeterea, omne agens aequivocum reducitur ad
aliquid univocum. Ergo primum agens, quod Deus est, oportet esse univocum. Sed
de agente univoco et effectu eius proprio aliquid univoce praedicatur. Ergo de
Deo et creatura praedicatur aliquid univoce. 7. Tout agent йquivoque est ramenй а un agent univoque. Donc il faut
que le premier agent qui est Dieu soit univoque. Mais on attribue de maniиre
univoque quelque chose а l’agent univoque et а son effet propre. Donc on
attribue quelque chose de maniиre univoque а Dieu et а la crйature. En sens contraire: q. 7 a. 7 s. c. 1
Sed contra. Est quod philosophus dicit, quod aeterno et temporali nihil est
commune nisi nomen. Sed Deus est aeternus, et creaturae temporales. Ergo Deo et
creaturis nihil potest esse commune nisi nomen; et sic praedicantur aequivoce
pure nomina de Deo et creaturis. 1. Le philosophe dit (Mйtaphysique
X, 10, 1050 b 27) que, entre l’йternel et le temporel, il n’y a rien de
commun sinon le nom. Mais Dieu est йternel et les crйatures temporelles. Donc
entre Dieu et les crйatures, il ne peut y avoir rien de commun que le nom et
ainsi les noms sont attribuйs а Dieu et aux crйatures de maniиre purement йquivoque q. 7 a. 7 s. c. 2 Praeterea, cum genus sit prima pars
definitionis, ablato genere removetur significata ratio per nomen; unde si
aliquod nomen imponatur ad significandum id quod est in alio, erit nomen
aequivocum. Sed sapientia dicta de creatura est in genere qualitatis. Cum ergo
sapientia dicta de Deo non sit qualitas, ut supra ostensum est, videtur quod
hoc nomen sapientia aequivoce praedicetur de Deo et creaturis. 2. Comme le genre est la premiиre partie de la dйfinition, si on
l'exclut, on enlиve la nature signifiйe par le nom; c'est pourquoi si on
emploie un nom pour signifier ce qui est dans un autre, le nom sera йquivoque.
Mais la sagesse, attribuйe aux crйatures, est dans le genre de la qualitй.
Comme donc la sagesse, quand on parle de Dieu, n’est pas une qualitй, comme on
l’a montrй plus haut, il semble que ce nom de sagesse est attribuй de maniиre йquivoque а Dieu et aux crйatures. q. 7 a. 7 s. c. 3 Praeterea, ubi nulla est similitudo, ibi non
potest aliquid communiter praedicari, nisi aequivoce. Sed inter creaturam et
Deum nulla est similitudo; dicitur enim Is., XL, 18: cui ergo similem fecistis
Deum? Ergo videtur quod nihil possit praedicari univoce de Deo et creaturis. 3. Lа oщ il n’y a pas de ressemblance, on ne peut rien attribuer de
commun, sinon de maniиre йquivoque. Mais entre la crйature et Dieu il n’y a
aucune ressemblance; car il est dit (Is.
40,18): "A qui donc as-tu fait Dieu
semblable?". Donc il semble qu’on ne peut rien attribuer de maniиre
univoque а Dieu et aux crйatures. q. 7 a. 7 s. c. 4 Sed dicendum, quod licet Deus non possit dici
similis creaturae, creatura tamen potest dici similis Deo.- Sed contra est quod
dicitur Psal. LXXXII, 2: Deus, quis similis erit tibi? Quasi dicat, nullus. 4. Mais il faut dire que,
quoiqu'on ne puisse pas dire que Dieu est semblable а la crйature, on peut
cependant dire que la crйature est semblable а Dieu.— En sens contraire, il y a ce que dit le Ps. 87, 2: "Dieu, qui
sera semblable а toi?", comme si on disait personne. q. 7 a. 7 s. c. 5 Praeterea, secundum accidens non potest esse
aliquid simile substantiae. Sed sapientia in
creatura est accidens, in Deo autem est substantia. Ergo homo non
potest divinae sapientiae similari per suam sapientiam. 5. En outre, pour l'accident, il ne peut y avoir rien de semblable а la
substance. Mais la sagesse est un accident dans la crйature, mais elle est en
Dieu la substance. Donc l’homme par sa sagesse ne peut ressembler а la sagesse
divine. q. 7 a. 7 s. c. 6 Praeterea, cum in creatura aliud sit esse, et
aliud sit forma vel natura, per formam vel naturam nihil similatur ei quod est
esse. Sed ista nomina praedicata de creaturis significant aliquam naturam vel
formam: Deus autem est hoc ipsum quod est suum esse. Ergo per huiusmodi quae
dicuntur de creatura, non potest creatura Deo similari; et sic idem quod prius. 6. Comme dans la crйature, l’кtre est diffйrent de la forme ou nature,
rien ne ressemble а ce qu'est l'кtre par la forme ou la nature. Mais ces noms
attribuйs aux crйatures signifient une nature ou une forme. Or Dieu est ce
qu'est son кtre propre. Donc par ce qu'on dit de tel de la crйature, elle ne
peut pas ressembler а Dieu, et ainsi de mкme que plus haut. q. 7 a. 7 s. c. 7 Praeterea, magis differt Deus a creatura quam
numerus ab albedine. Sed stultum est dicere numerum similari albedini, aut e
converso. Ergo stultius est dici, quod aliqua creatura sit similis Deo; et sic
idem quod prius. 7. Dieu diffиre plus de la crйature que le nombre de la blancheur. Mais
il est sot de dire que le nombre est semblable а la blancheur, ou le contraire.
Donc il est plus sot de dire qu'une crйature est semblable а Dieu, et ainsi de
mкme que plus haut. q. 7 a. 7 s. c. 8 Praeterea, quaecumque similantur ad invicem,
in aliquo uno conveniunt; quae vero in uno conveniunt, sunt transmutabilia
invicem. Deus autem est omnino intransmutabilis. Ergo non potest esse aliqua
similitudo inter Deum et creaturam. 8. Tout ce qui se ressemble se rencontre en un seul genre; mais ce qui
se rencontre ainsi est interchangeable. Or Dieu est tout а fait immuable. Donc
il ne peut y avoir une ressemblance entre Dieu et la crйature. Rйponse: q. 7 a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod impossibile est aliquid
univoce praedicari de Deo et creatura; quod ex hoc patet: nam omnis effectus
agentis univoci adaequat virtutem agentis. Nulla autem creatura, cum sit
finita, potest adaequare virtutem primi agentis, cum sit infinita. Unde
impossibile est quod similitudo Dei univoce in creatura recipiatur. Il faut dire qu'il est impossible d'attribuer quelque chose d'univoque
а Dieu et а la crйature, ce qui se dйmontre ainsi: car tout effet d'un agent
univoque йgale son pouvoir. Mais aucune crйature, puisqu'elle est finie, ne
peut йgaler le pouvoir du premier agent puisqu’il est infini. Donc il est
impossible que la ressemblance de Dieu soit reзue de maniиre univoque dans la
crйature. Item patet quod, etsi una sit ratio formae existentis in
agente et in effectu, diversus tamen modus existendi impedit univocam
praedicationem; licet enim eadem sit ratio domus quae sit in materia et domus
quae est in mente artificis,- quia unum est ratio alterius,- non tamen domus
univoce de utraque praedicatur, propter hoc quod species domus in materia habet
esse materiale, in mente vero artificis immateriale. D'autre part, il est clair que mкme si est unique la nature de la forme
qui existe dans l’agent et dans l’effet, cependant une maniиre diffйrente
d’exister empкche l'attribution univoque, car bien que l'idйe de la maison qui
est dans la matiиre soit la mкme que celle qui est dans l’esprit de
l’architecte, — parce que l'une est l'idйe de l’autre, — cependant la maison
n'est pas attribuйe de maniиre univoque а l'une et а l'autre; parce que la
forme (species) de la maison dans la
matiиre a une existence matйrielle, mais dans l’esprit de l’artisan un
existence immatйrielle. Dato ergo per impossibile quod eiusdem rationis sit bonitas
in Deo et creatura, non tamen bonum univoce de Deo praedicaretur; cum quod in
Deo est immaterialiter et simpliciter, in creatura sit materialiter et
multipliciter. Et praeterea ens non dicitur univoce de substantia et accidente,
propter hoc quod substantia est ens tamquam per se habens esse, accidens vero
tamquam cuius esse est inesse. Ex quo patet quod diversa habitudo ad esse
impedit univocam praedicationem entis. Deus autem alio modo se habet ad esse
quam aliqua alia creatura; nam ipse est suum esse, quod nulli alii creaturae
competit. Unde nullo modo univoce de Deo creatura dicitur; et per consequens
nec aliquid aliorum praedicabilium inter quae est ipsum primum ens. Existente
enim diversitate in primo, oportet in aliis diversitatem inveniri; unde de
substantia et accidente nihil univoce praedicatur. S'il йtait donne par impossible que la bontй soit de la mкme
nature en Dieu et dans la crйature, on n'attribuerait pas le bien de faзon
univoque а Dieu, puisque ce qui est en lui y est nature immatйrielle et simple,
et dans la crйature de nature matйrielle et plurielle. Et en plus l’йtant n'est
pas dйfini de maniиre univoque pour la substance et l’accident, parce que la
substance est un йtant comme ayant l'кtre par soi, et l’accident comme inhйrent
а un autre. Cela montre qu'une relation diffйrente а l’кtre empкche une
attribution univoque de l'йtant. Mais Dieu se comporte quant а l'кtre d’une
autre maniиre que n'importe quelle crйature; car il est son кtre propre, ce qui
n’appartient а aucune autre crйature. C'est pourquoi en aucune maniиre on ne
parle d'univocitй de la crйature а Dieu et ni par consйquent d'aucun des autres
prйdicables2 parmi lesquels est
l’йtant premier lui-mкme. Car si la diversitй existe dans le premier, il faut
la trouver dans les autres, c'est pourquoi on n'attribue rien d'univoque а la
substance et а l’accident. Quidam autem aliter dixerunt, quod de Deo et creatura nihil
praedicatur analogice, sed aequivoce pure. Et huius opinionis est Rabbi Moyses,
ut ex suis dictis patet. D’autres ont parlй autrement, disant qu'on n'attribuait rien de maniиre
analogique а Dieu et а la crйature, mais de maniиre йquivoque seulement. Et
Rabbi Moyses est de cette opinion comme cela apparaоt dans ce qu'il a dit. Ista autem opinio non potest esse vera: quia in pure
aequivocis, quae philosophus nominat a casu aequivoca, non dicitur aliquid de
uno per respectum ad alterum. Omnia autem quae dicuntur de Deo et creaturis, dicuntur
de Deo secundum aliquem respectum ad creaturas, vel e contrario, sicut patet
per omnes opiniones positas de expositione divinorum nominum. Unde impossibile est quod sit pura
aequivocatio. Mais cette opinion ne peut pas кtre vraie, parce que, dans ce qui est
purement йquivoque, ce que le philosophe appelle йquivoque par hasard, on ne
dit rien d’une chose par rapport а une autre; mais tout ce qui est dit de Dieu
et des crйatures, est dit de lui selon un rapport aux crйatures ou le
contraire, comme cela apparaоt par toutes les opinions sur l’exposй des noms
divins. C'est pourquoi il est impossible qu’il y ait une йquivocation pure. Item, cum omnis cognitio nostra de Deo ex creaturis sumatur,
si non erit convenientia nisi in nomine tantum, nihil de Deo sciremus nisi
nomina tantum vana, quibus res non subesset. D'autre part, comme toute notre connaissance de Dieu est tirйe des
crйatures, s’il n’y avait un certain accord que dans le nom seulement, on ne
connaоtrait rien de Dieu, sinon des noms inutiles, sans que la rйalitй y
corresponde. Sequeretur etiam quod omnes demonstrationes a philosophis
datae de Deo, essent sophisticae; verbi gratia, si dicatur, quod omne quod est
in potentia, reducitur ad actum per ens actu,- et ex hoc concluderetur quod
Deus esset ens actu, cum per ipsum omnia in esse educantur,- erit fallacia
aequivocationis; et sic de omnibus aliis. Et praeterea oportet causatum esse
aliqualiter simile causae; unde oportet de causato et causa nihil pure aequivoce
praedicari, sicut sanum de medicina et animali. Il s'ensuivrait que toutes les dйmonstrations faites par les
philosophes sur Dieu, seraient fausses; par exemple, si on disait que tout ce
qui est en puissance est ramenй а l’acte par l’йtant en acte,— et que de cela
on conclut que Dieu serait un кtre en acte, puisque par lui tout vient а l’кtre
— ce serait une erreur de l'йquivocation et ainsi pour toutes les autres
choses. Et ensuite il faut que l'effet soit d’une certaine maniиre semblable а
la cause, c'est pourquoi il ne faut attribuer rien de purement йquivoque а
l'effet et а la cause, comme ce qui est sain au sujet de la mйdecine et de
l’animal. Et ideo aliter dicendum est, quod de Deo et creatura nihil
praedicetur univoce; non tamen ea quae communiter praedicantur, pure aequivoce
praedicantur, sed analogice. Huius autem praedicationis duplex est modus. Unus quo
aliquid praedicatur de duobus per respectum ad aliquod tertium, sicut ens de
qualitate et quantitate per respectum ad substantiam. Alius modus est quo aliquid praedicatur de duobus per
respectum unius ad alterum, sicut ens de substantia et quantitate. Et c’est pourquoi il faut dire
autrement: on n'attribue rien
а Dieu ni а la crйature de maniиre univoque; cependant ce qui est attribuй
communйment ne l'est pas de maniиre purement йquivoque, mais analogique. Et de cette attribution le mode est double: a) L’un par lequel un
attribut est donnй а deux sujets par rapport а un troisiиme, comme l’йtant а la
qualitй et а la quantitй par rapport а la substance. b) L’autre mode est celui par
lequel un attribut est donnй а deux sujets par rapport de l’un а l’autre, comme
l’йtant а la substance et а la quantitй. In primo autem modo praedicationis oportet esse aliquid
prius duobus, ad quod ambo respectum habent, sicut substantia ad quantitatem et
qualitatem; in secundo autem non, sed necesse est unum esse prius altero. Et
ideo cum Deo nihil sit prius, sed ipse sit prior creatura, competit in divina
praedicatione secundus modus analogiae, et non primus. Au premier mode d'attribution, il faut qu’il y ait quelque chose avant
les deux, а quoi les deux ont rapport comme la substance а la quantitй et а la
qualitй; mais dans le second, non, mais il est nйcessaire que l’un soit avant
l’autre. Et c’est pour cela, comme
rien n’existe avant Dieu, mais qu’il est lui-mкme avant la crйature, le second
mode de l’analogie convient а l'attribution divine et non le premier.
Solutions: q. 7 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ratio illa
procedit de mensura cui mensuratum potest coaequari vel commensurari; talis
autem mensura non est Deus, cum in infinitum omnia excedat per ipsum mensurata. # 1. Il faut dire que cette raison procиde de la mesure а
laquelle le mesurй peut кtre йgalй ou proportionnй, mais Dieu n’est pas une mesure
de ce genre, puisqu’il excиde par lui-mкme а l'infini tout ce qui est mesurй. q. 7 a. 7 ad 2 Ad secundum dicendum, quod similitudo creaturae
ad Deum deficit a similitudine univocorum in duobus. Primo, quia non est per participationem unius formae, sicut
duo calida secundum participationem unius caloris; hoc enim quod de Deo et
creaturis dicitur, praedicatur de Deo per essentiam, de creatura vero per
participationem; ut sic talis similitudo creaturae ad Deum intelligatur, qualis
est calidi ad calorem, non qualis calidi ad calidius. Secundo, quia ipsa forma in creatura
participata deficit a ratione eius quod Deus est, sicut calor ignis deficit a
ratione virtutis solaris, per quam calorem generat. # 2. La ressemblance de la crйature а Dieu est dйfaillante par rapport
а la ressemblance de ce qui est univoque en deux points. a) Premiиrement, parce que ce n’est pas par participation d’une seule
forme, comme deux corps chauds qui participent а une seule chaleur, car ce qui
est dit de Dieu et des crйatures est attribuй а Dieu par essence, mais а la
crйature par participation; de sorte qu’on comprend ainsi la ressemblance de la
crйature а Dieu, telle que celle du chaud а la chaleur, non telle que celle du
chaud а plus chaud. b) Deuxiиmement, parce que la forme elle-mкme participйe dans la
crйature est infйrieure а la nature de Dieu, comme la chaleur du feu est
dйfaillante par rapport а la nature du pouvoir du soleil par lequel il engendre
la chaleur. q. 7 a. 7 ad 3 Ad tertium dicendum, quod magis et minus tripliciter
potest considerari, et sic praedicari. Uno modo secundum solam quantitatem participati; sicut nix
dicitur albior pariete, quia perfectior est albedo in nive quam in pariete, sed
tamen unius rationis; unde talis diversitas secundum magis et minus non
diversificat speciem. Alio modo secundum quod unum participatur, et aliud per
essentiam dicitur; sicut diceremus, quod bonitas est melior quam bonum. Tertio modo secundum quod modo eminentiori competit idem
aliquid uni quam alteri, sicut calor soli quam igni; et hi duo modi impediunt
unitatem speciei et univocam praedicationem; et secundum hoc aliquid
praedicatur magis et minus de Deo et creatura, ut ex dictis patet. # 3. On peut considйrer le
plus et le moins de trois maniиres et l'attribuer ainsi: a) Selon la seule quantitй du participй; ainsi on dit que la neige est
plus blanche que le mur, parce que la blancheur est plus parfaite dans la neige
que sur le mur, mais cependant elle est d’une mкme nature. C'est pourquoi une
telle diversitй selon le plus et le moins ne diversifie pas l’espиce. b) Selon que l’un est participй et que l’autre est dйsignй par essence;
comme si on disait que la bontй est meilleure que le bien. c) Selon qu’une mкme chose appartient а un mode plus йminent qu’а un
autre, comme la chaleur au soleil plus qu'au feu et ces deux modes empкchent
l’unitй de l’espиce et une attribution univoque et ainsi quelque chose est
attribuй en plus ou en moins а Dieu et а la crйature, comme le montre ce qu’on
a dit. q. 7 a. 7 ad 4 Ad quartum dicendum, quod Deus non comparatur
creaturis in hoc quod dicitur melior, vel summum bonum, quasi participans
naturam eiusdem generis cum creaturis, sicut species generis alicuius, sed
quasi principium generis. # 4. Dieu n’est pas comparй
aux crйatures, parce qu'on le dit meilleur ou bien suprкme, comme s'il
participait d’une nature d'un mкme genre avec les crйatures, comme l’espиce
d’un genre, mais comme principe d'un genre. q. 7 a. 7 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quanto species
intelligibilis eminentior est in aliquo, tanto ex ea relinquitur perfectior
cognitio; sicut ex specie lapidis in intellectu quam in sensu. Unde per hoc
Deus perfectissime potest cognoscere res per suam essentiam, inquantum sua
essentia est supereminens similitudo rerum, et non adaequata. # 5. Plus la forme intelligible est йminente dans une chose, plus sa
connaissance est parfaite, ainsi (elle est plus parfaite) par la forme de la
pierre dans l’esprit que dans les sens. C'est pourquoi Dieu peut connaоtre
ainsi trиs parfaitement les choses par son essence, dans la mesure oщ celle-ci
est ressemblance des choses, surйminente et inйgalйe. q. 7 a. 7 ad 6 Ad sextum dicendum, quod inter creaturam et Deum
est duplex similitudo. Una creaturae ad intellectum divinum: et sic forma
intellecta per Deum est unius rationis cum re intellecta, licet non habeat
eumdem modum essendi; quia forma intellecta est tantum in intellectu, forma
autem creaturae est etiam in re. Alio modo secundum quod ipsa divina essentia est omnium
rerum similitudo superexcellens, et non unius rationis. Et ex hoc modo
similitudinis contingit quod bonum et huiusmodi praedicantur communiter de Deo
et creaturis, non autem ex primo. Non enim haec est ratio Dei cum dicitur, Deus
est bonus, quia bonitatem creaturae intelligit; cum iam ex dictis pateat quod
nec etiam domus quae est in mente artificis cum domo quae est in materia
univoce dicatur domus. # 6. Entre la crйature et Dieu, il y a une double ressemblance. a) Une de la crйature а l’esprit divin, et ainsi la forme pensйe par
Dieu est d’une mкme nature que ce qui est pensй, bien qu'elle n’ait pas le mкme
mode d'кtre; parce que la forme pensйe est seulement dans l’esprit, mais la
forme de la crйature est aussi dans la rйalitй. b) D’une autre maniиre selon que l’essence divine mкme est ressemblance
surйminente de toutes choses et non d’une seule nature. Et par ce mode de
ressemblance, il arrive que le bien, etc. est attribuй en commun а Dieu et aux
crйatures, mais pas de la premiиre maniиre. En effet, quand on dit que Dieu est
bon, ce n’est pas sa nature parce qu'elle dйsigne la bontй de la crйature,
comme dйjа c'est clair par ce qui a йtй dit, que la maison non plus qui est
dans l’esprit de l’architecte n’est pas signifiйe non plus de maniиre univoque
de la maison qui est dans la matiиre. q. 7 a. 7 ad 7 Ad septimum dicendum, quod agens aequivocum
oportet esse prius quam agens univocum, quia agens univocum non habet
causalitatem super totam speciem, alias esset causa sui ipsius, sed solum super
aliquod individuum speciei; agens autem aequivocum habet causalitatem super
totam speciem; unde oportet primum agens esse aequivocum. # 7. Il faut que l’agent
йquivoque soit avant l’agent univoque, parce que ce dernier n’a pas de
causalitй sur toute l’espиce, autrement il serait sa propre cause, mais
seulement sur un individu de l’espиce; mais l’agent йquivoque a causalitй sur
toute l’espиce; donc il faut que le premier agent soit йquivoque. q. 7 a. 7 ad s. c. 1 Ad primum ergo dicendum, quod in
contrarium obiicitur, dicendum, quod philosophus loquitur de communitate
naturaliter et non logice. Ea vero quae habent diversum modum essendi, non
communicant in aliquo secundum esse quod considerat naturalis; possunt tamen
communicare in aliqua intentione quam considerat logicus. Et praeterea etiam
secundum naturalem corpus elementare et caeleste non sunt unius generis; sed
secundum logicum sunt. Nihilominus tamen philosophus non intendit excludere
analogicam communitatem, sed solum univocam. Vult enim ostendere quod
corruptibile et incorruptibile non communicant in genere. En sens contraire, sur ce qui a йtй objectй, il faut dire: # 1. Le philosophe parle de
communautй de maniиre naturelle et non logique. Ce qui a un mode diffйrent
d’кtre ne communique en rien selon l’кtre que le naturaliste considиre. Cependant
cela peut кtre commun dans un concept que le logicien considиre. Et en outre
aussi selon le naturaliste le corps йlйmentaire et le corps cйleste ne sont pas
d'un mкme genre. Mais ils le sont selon le logicien. Cependant le Philosophe
n’entend pas exclure la communautй analogique mais seulement celle qui est
univoque. Car il veut montrer que le corruptible et l'incorruptible ne
communique pas dans un genre commun. (Mйtaphysique,
X, 10, 1050 b 27) q. 7 a. 7 ad s. c. 2 Ad secundum dicendum, quod licet diversitas
generis tollat univocationem, non tamen tollit analogiam. Quod sic patet. Sanum
enim, secundum quod dicitur de urina, est in genere signi; secundum vero quod
dicitur de medicina, est in genere causae. # 2. Bien que la diffйrence de genre exclut l'univocitй, elle n’exclut
cependant pas l’analogie. Ce qui apparaоt ainsi: en effet ce qui est sain,
selon qu'on parle d'urine, est dans le genre du signe, mais si on parle de
mйdecine, il est dans le genre de la cause. q. 7 a. 7 ad s. c. 3 Ad tertium dicendum, quod Deus nullo modo
dicitur esse similis creaturae, sed e contrario, quia, ut dicit Dionysius, in
causa et causatis non recipimus similitudinis conversionem, sed solum in
coordinatis; homo enim non dicitur similis suae imagini, sed e contrario, propter
hoc quod forma illa secundum quam attenditur similitudo, per prius est in
homine quam in imagine. Et ideo Deum creaturis similem non
dicimus, sed e contrario. # 3. On ne dit en aucune maniиre que Dieu est semblable а
la crйature, mais le contraire, parce que, comme le dit Denys (Les Noms divins, 9) dans la cause et
l'effet nous ne recevons pas la rйciprocitй de la ressemblance, mais seulement
en ce qui est coordonnй; car on ne dit pas que l’homme est semblable а son
image, mais on dit le contraire, parce que cette forme selon que la
ressemblance l'atteint, est dans l’homme avant que dans l’image. Et c’est
pourquoi nous ne disons pas que Dieu est semblable aux crйatures, mais nous
disons le contraire. q. 7 a. 7 ad s. c. 4 Ad quartum dicendum, quod cum dicitur,
nulla creatura est similis Deo, ut eodem cap. dicit Dionysius, hoc
intelligendum est secundum quod causata minus habent a sua causa, ab ipsa
incomparabiliter deficientia. Quod non est intelligendum secundum quantitatem
participati, sed aliis duobus modis, sicut supra dictum est. # 4. Quand on dit qu'aucune crйature n’est semblable а
Dieu, comme Denys le dit dans le mкme chapitre (9), il faut le comprendre selon
que l'effet reзoit moins de sa cause, incomparablement par sa dйficience mкme.
Ce qu’il ne faut pas comprendre selon la quantitй de ce qui participe, mais par
les deux autres modes, comme on l’a dit ci-dessus. q. 7 a. 7 ad s. c. 5 Ad quintum dicendum, quod secundum
accidens non potest esse aliquid simile substantiae, similitudine quae
attenditur secundum formam unius rationis, sed secundum similitudinem quae est
inter causatum et causam, nihil prohibet. Nam primam substantiam oportet esse
causam omnium accidentium. # 5. Pour l’accident, il ne peut y avoir rien de semblable
а la substance, par une ressemblance qui est atteinte selon la forme d'une
nature, mais rien ne l'empкche selon la ressemblance qui est entre l'effet et
la cause. Car il faut que la substance premiиre soit cause de tous les
accidents. q. 7 a. 7 ad s. c. 6 Et similiter dicendum ad sextum. # 6. Et il faut dire de mкme pour le sixiиme. q. 7 a. 7 ad s. c. 7 Ad septimum dicendum, quod albedo nec est
in genere numeri, nec est principium generis; et ideo nulla similitudo unius ad
alterum attenditur. Deus autem est principium omnis generis; et ideo ei omnia
aliqualiter similantur. # 7. La blancheur n’est pas dans le genre du nombre et
n’est pas le principe du genre, et c’est pourquoi on n'atteint aucune
ressemblance de l'une а l’autre. Mais Dieu est le principe de tout genre, et
c’est pourquoi tout est semblable а lui de maniиre йgale. q. 7 a. 7 ad s. c. 8 Ad octavum dicendum, quod ratio illa
procedit de his quae communicant in genere vel in materia; qualis conditio non
est Dei ad creaturas. # 8. Cette raison procиde de ce qui communique dans le
genre ou dans la matiиre, une telle condition n’existe pas entre Dieu et les
crйatures.
1 Parall.: Ia, qu. 13, a. 5 — CG. I, 32, 33, 34- I sent.
Prol. a.2, ad.2 — d19q5a2, ad 1 —
d35a4 — De Verit. 2, 2 —Compendium.27. 2
Prйdicables: attributs universels communs а plusieurs: ils sont au nombre de
cinq: le genre, l'espиce, la diffйrence, le propre, l'accident. Cf. Ia, qu. 77, a. 1, ad 5.
Article 8: Y a-t-il une relation entre Dieu et la crйature?
q. 7 a. 8
tit. 1 Octavo quaeritur utrum sit aliqua relatio inter Deum et creaturam. Et
videtur quod non. Il semble que non. Objections1: q. 7 a. 8 arg. 1 Relativa enim sunt simul, secundum
philosophum. Sed creatura non potest simul esse cum Deo: Deus enim omnibus
modis est prior creatura. Ergo nulla relatio potest esse inter creaturam et
Deum. 1. Car ce qui est relatif est simultanй, selon le
philosophe (les catйgories, les relations,
7, 7 b 152). Mais la crйature ne peut
pas кtre en mкme temps que Dieu, car il est а tous les points de vue antйrieur
а la crйature. Donc aucune relation ne peut exister entre la crйature et Dieu. q. 7 a. 8 arg. 2 Praeterea, inter quaecumque est aliqua
relatio, est etiam eorum aliqua ad invicem comparatio. Sed inter Deum et
creaturam non est comparatio; ea enim quae non sunt unius generis, non sunt
comparabilia, sicut numerus et linea. Ergo non est aliqua relatio inter Deum et
creaturam. 2. Entre chaque chose oщ il y a une relation, il y a aussi un certain
rapport de l’une а l’autre. Mais entre Dieu et la crйature il n’y en a pas, car
ce qui n’est pas d’un seul et mкme genre, n’est pas comparable, comme le nombre
et la ligne. Donc il n’y a pas de relation entre Dieu et la crйature. q. 7 a. 8 arg. 3 Praeterea, in quocumque genere est unum
relativorum, est etiam aliud. Sed Deus non est in eodem genere cum creatura.
Ergo non possunt relative ad invicem dici. 3. En quelque genre oщ il y a l'un des relatifs, l'autre y est aussi.
Mais Dieu n’est pas dans le mкme genre que la crйature. Donc on ne peut les
dire relatifs entre eux. q. 7 a. 8 arg. 4 Praeterea, creatura non potest esse opposita
creatori: quia oppositum non est causa sui oppositi. Sed relativa ad invicem
opponuntur. Ergo non potest esse relatio inter creaturam et Deum. 4. La crйature ne peut кtre opposйe au Crйateur, parce que l’opposй
n’est pas la cause de son opposй. Mais les choses relatives s’opposent l’une а
l’autre. Donc on ne peut pas parler de relation entre la crйature et Dieu q. 7 a. 8 arg. 5 Praeterea, de quocumque aliquid de novo
incipit dici, aliquo modo potest dici factum. Ergo sequitur, si aliquid
relative ad creaturam de Deo dicitur, quod Deus aliquo modo sit factus; quod
est impossibile, cum ipse sit immutabilis. 5. De tout ce dont on commence а parler nouvellement, on peut dire,
d’une certaine maniиre, que cela a йtй fait [crйй]. Donc il en dйcoule, si on
parle de quelque chose de relatif qui va de Dieu а la crйature, que Dieu d’une
certaine maniиre a йtй fait; ce qui est impossible, puisqu’il est immuable. q. 7 a. 8 arg. 6 Praeterea, omne quod praedicatur de aliquo,
praedicatur de eo aut per se aut per accidens. Sed ea quae important relationem
ad creaturam, non praedicantur de Deo per se, quia huiusmodi praedicata ex
necessitate et semper praedicantur; nec iterum per accidens. Ergo nullo modo aliqua talia relativa de Deo praedicari possunt. 6. Tout ce qui est attribuй, l'est par soi ou par accident. Mais ce qui
apporte une relation а la crйature, n’est pas attribuй а Dieu par soi, parce
que les attributs de ce genre sont attribuйs par nйcessitй et toujours, et pas
а nouveau par accident. Donc en aucune maniиre de telles relations ne peuvent
кtre attribuйes а Dieu. En sens contraire: q. 7 a. 8 s. c. Sed
contra, est quod Augustinus dicit, quod creator relative dicitur ad creaturam,
sicut dominus ad servum. Augustin dit (La Trinitй, V, XIII, 143) qu’on parle du crйateur en relation а la
crйature, comme du maоtre а son serviteur. Rйponse: q. 7 a. 8 co. Respondeo. Dicendum quod relatio in hoc differt a
quantitate et qualitate: quia quantitas et qualitas sunt quaedam accidentia in
subiecto remanentia; relatio autem non significat, ut Boetius dicit, ut in
subiecto manens, sed ut in transitu quodam ad aliud; unde et Porretani dixerunt,
relationes non esse inhaerentes, sed assistentes, quod aliqualiter verum est,
ut posterius ostendetur. La relation diffиre de la quantitй et de qualitй4, parce que celles-ci sont des accidents qui
demeurent dans un sujet5 . Mais la
relation ne signifie pas, comme Boиce le dit (La Trinitй, V) qu'elle demeure dans le sujet mais c'est comme si
elle passait vers un autre. C'est pourquoi les disciples de G. de la Porrйe6 ont dit que les relations ne sont pas
inhйrentes, mais assistantes7, ce qui est vrai d’une certaine maniиre,
comme on le montrera plus tard (qu. 8, a. 2, c). Quod autem
attribuitur alicui ut ab eo in aliud procedens non facit compositionem cum eo,
sicut nec actio cum agente. Et propter hoc etiam probat philosophus V Phys., quod in ad aliquid non potest
esse motus: quia, sine aliqua mutatione eius quod ad aliud refertur, potest
relatio desinere ex sola mutatione alterius, sicut etiam de actione patet, quod
non est motus secundum actionem nisi metaphorice et improprie; sicut exiens de
otio in actum mutari dicimus, quod non esset si relatio vel actio significaret
aliquid in subiecto manens. Ce qui est attribuй а une chose comme procйdant d'elle dans
une autre, ne fait pas composition avec elle, de mкme que l'action ne fait pas
composition avec l’agent8 . Et c’est
pour cela que le philosophe prouve (Physique,
V, 2, 226 a 239) que dans la
relation il ne peut pas y avoir de mouvement; parce que, sans le changement de
ce qui se rйfиre а l'autre, la relation peut cesser par le seul changement de
l’autre10, comme on le voit aussi
pour l’action, parce que ce n’est un mouvement selon l’action que
mйtaphoriquement et improprement. Ainsi nous disons que passer du repos а
l’action c’est changer, ce qui ne serait pas si la relation ou l’action
signifiait quelque chose qui demeure dans le sujet. Ex hoc autem apparet quod non est contra rationem
simplicitatis alicuius multitudo relationum quae est inter ipsum et alia; immo
quanto simplicius est tanto concomitantur ipsum plures relationes. Quanto enim
aliquid est simplicius, tanto virtus (eius) est minus limitata, unde ad plura
se extendit sua causalitas. Et ideo in libro
de causis dicitur, quod omnis virtus
unita plus est infinita quam virtus multiplicata. Cela montre que la pluralitй des relations qui est entre
lui et les autres, n’est pas contre le concept d'une certaine simplicitй; bien
plus il est d’autant plus simple que les relations qui l'accompagnent sont plus
nombreuses. Car plus une chose est simple, moins sa puissance est limitйe,
c'est pourquoi sa causalitй s’йtend а davantage d’effets. Et c’est pour cela
que dans le livre Des Causes (prop.
17) on dit que "toute puissance unie
est infinie plus qu’une puissance multipliйe 11." Oportet autem intelligi aliquam relationem inter principium
et ea quae a principio sunt, non solum quidem relationem originis, secundum
quod principiata oriuntur a principio, sed etiam relationem diversitatis: quia
oportet effectum a causa distingui, cum nihil sit causa sui ipsius Mais il faut comprendre une relation entre le principe et
ce qui en dйcoule12, non seulement
comme relation d’origine, selon que
ce qui dйpend du principe en dйcoule, mais encore comme relation de diversitй; parce qu’il faut que l’effet
soit distinguй de la cause, puisque rien n’est sa propre cause. Et ideo ad summam Dei simplicitatem consequitur quod
infinitae habitudines sive relationes existant inter creaturas et ipsum,
secundum quod ipse creaturas producit a seipso diversas, aliqualiter tamen sibi
assimilatas. Et c’est pourquoi pour la simplicitй suprкme de Dieu, il dйcoule que
les relations infinies ou celles qui existent entre les crйatures et lui, selon
qu’il les crйe diffйrentes de lui, lui ressemblent cependant d’une certaine
maniиre. Solutions: q. 7 a. 8 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa
relativa sunt simul natura quae pari ratione mutuo referuntur, sicut pater ad
filium, dominus ad servum, duplum ad dimidium. Illa vero
relativa in quibus non est eadem ratio referendi ex utraque parte, non sunt
simul natura, sed alterum est prius naturaliter, sicut etiam philosophus dicit,
de sensu et sensibili, scientia et scibili. Et sic patet quod non oportet quod
Deus et creatura sint simul natura, cum non sit eadem ratio referendi ex
utraque parte. Nihilominus autem non est necesse in illis etiam relativis quae
sunt simul natura, quod subiecta sint naturaliter simul sed relationes solae. # 1. Ces relatifs qui sont en rapport а
raison йgale13 entre eux sont
ensemble par nature, comme le pиre avec fils, le maоtre avec serviteur, le
double а la moitiй. Les relatifs dans lesquels il n’y a pas la mкme raison de
rйfйrence de chaque cфtй, ne sont pas ensemble par nature, mais l’un est
naturellement avant, comme le philosophe le dit (Les catйgories, les
relations, 7, 7 b 23-25 ) de la sensation et du sensible, de la
connaissance et du connaissable . Et ainsi il apparaоt qu’il ne faut pas que
Dieu et la crйature soient simultanйment par nature, puisque ce n'est pas la
mкme nature de rйfйrence des deux cфtйs. Cependant il n’est pas nйcessaire pour
ces relatifs, qui sont ensemble par nature, que les sujets soient ensemble,
mais que les relations seules le soient. q. 7 a. 8 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non omnium est
comparatio quorum est relatio ad invicem, sed solum illorum quorum est relatio
secundum unam quantitatem vel qualitatem, ut ex hoc possit unum altero dici
maius aut melius, vel albius vel aliquid huiusmodi. Relationum autem
diversitates possunt ad invicem referri etiam quae diversorum generum sunt: ea
enim quae diversorum generum sunt, sunt ad invicem diversa. Nihilominus tamen
quamvis Deus in eodem genere non sit cum creatura sicut contentum sub genere,
est tamen in omnibus generibus sicut principium generis: et ex hoc potest esse
aliqua relatio inter creaturam et Deum sicut inter principiata et principium. # 2. La
comparaison n’est pas pour tout ce en quoi il y a une relation rйciproque, mais
seulement pour ceux dont la relation est selon une quantitй ou une qualitй;
pour que par lа l’un puisse кtre dit plus grand ou meilleur que l’autre, ou
plus blanc, etc.. Mais les relations en leur diversitй peuvent se rйfйrer l'une
а l'autre, mкme celles qui sont de genres diffйrents; car celles-ci sont
diffйrentes l'une de l'autre. Cependant, quoique Dieu ne soit pas dans le mкme
genre que la crйature, en tant que limitйe а un genre, il est cependant dans
tous les genres, en tant que principe du genre, et par lа il peut y avoir une
relation entre la crйature et Dieu comme entre ce qui dйpend d'un principe et
le principe [mкme]. q. 7 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non oportet subiecta
relationum esse unius generis, sed solum relationes ipsas; ut patet in hoc quod
quantitas a quidditate diversa dicitur. Et tamen, ut dictum est, non est eadem
ratio de Deo et creaturis, sicut de his quae sunt in diversis generibus ad
invicem nullo modo coordinata. # 3. Il n'est pas nйcessaire que les substrats des relations soit d’un
seul genre, mais seulement les relations elles-mкmes, comme cela apparaоt dans
le fait qu'on dit que la quantitй est diffйrente de la quidditй. Et cependant,
comme on l’a dit, ce n’est pas la mкme raison pour Dieu et les crйatures, comme
de celles qui sont dans diffйrents genres, en aucune maniиre coordonnйes entre
elles. q. 7 a. 8 ad 4 Ad quartum dicendum, quod oppositio relationis
in duobus differt ab aliis oppositionibus: quorum primum est quod in aliis
oppositis unum dicitur alteri opponi, in quantum ipsum removet: negatio enim
removet affirmationem, et secundum hoc ei opponitur; oppositio vero privationis
et habitus et contrarietatis includit oppositionem contradictionis, ut IV
Metaph. dicitur. Non autem est hoc in relativis. Non enim per hoc opponitur
filius patri quod ipsum removeat, sed propter rationem habitudinis ad ipsum. # 4. L’opposition
de la relation est diffйrente des autres oppositions en deux points a) Dans les autres opposйs, l’un est dit opposй а l’autre,
dans la mesure oщ il l'exclut lui-mкme, car la nйgation exclut l’affirmation et
c'est en cela qu'elle lui est opposйe, mais l’opposition de privation, de
possession et de contrariйtй inclut celle de contradiction, comme il est dit en
Mйtaphysique (IV, 3, 1005 b 25). Mais
cela n’est pas dans les relatifs. Car le fils n’est pas opposй au pиre, parce
qu’il l’exclut lui-mкme, mais а cause de la nature de sa relation avec lui: Et ex hoc causatur secunda differentia, quia in aliis
oppositis semper alterum est imperfectum; quod accidit ratione negationis quae
includitur in privatione et altero contrariorum. Hoc autem in relativis non
oportet, immo utrumque considerari potest ut perfectum, sicut patet maxime in
relativis aequiparantiae, et in relativis originis, ut aequale, simile, pater
et filius. Et ideo relatio magis potest attribui Deo quam aliae oppositiones.
Ratione quidem primae differentiae potest attendi oppositio relationis inter
creaturam et Deum, non autem alia oppositio,- cum ex Deo sit magis creaturarum
positio quam earum remotio; est tamen aliqua habitudo, creaturarum ad Deum.
Ratione vero secundae differentiae est in ipsis divinis personis (in quibus
nihil imperfectum esse potest) oppositio relationi, et non alia, ut posterius,
apparebit. b) Et cela cause une seconde
diffйrence, parce que, dans les autres opposйs, l’autre est toujours
imparfait, ce qui arrive par la nature de la nйgation qui est incluse dans la
privation et dans l’autre des contraires. Mais il ne faut pas dans les
relatifs, que l’un et l’autre puissent кtre considйrйs comme parfaits, comme
cela paraоt au plus haut point dans les relatifs d’йquivalence et dans ceux
d'origine, en tant qu'йgal, semblable, pиre et Fils. Et c’est pourquoi la
relation peut davantage кtre attribuйe а Dieu que les autres oppositions. Par
la nature de la premiиre diffйrence, on peut atteindre l’opposition de relation
entre la crйature et Dieu, mais non une autre opposition — puisque la situation
des crйatures vient plus de Dieu que leur йloignement; cependant il y a une
relation des crйatures а Dieu. Mais par la nature de la seconde diffйrence, il
y a dans les personnes divines mкmes (en qui rien ne peut кtre imparfait) une
opposition а la relation et non une autre opposition comme cela apparaоtra plus
loin (question 8). q. 7 a. 8 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum fieri sit proprie
mutari, non est secundum relationem nisi per accidens, scilicet mutato eo ad
quod consequitur relatio: ita nec fieri. Corpus enim mutatum secundum
quantitatem fit aequale, non quod mutatio per se aequalitatem respiciat, sed
per accidens se habet ad ipsam. Et tamen non oportet, ad hoc quod de aliquo
relatio aliqua de novo dicatur, quod aliqua mutatio in ipso fiat, sed sufficit
quod fiat mutatio in aliquo extremorum: causa enim habitudinis inter duos est
aliquid inhaerens utrique. Unde ex quacumque parte fiat mutatio illius quod habitudinem
causabat, tollitur habitudo quae est inter utrumque. Et secundum hoc, per hoc
quod in creatura aliqua mutatio fit, aliqua relatio de Deo incipit dici. Unde
ipse non potest dici factus,- nisi metaphorice,- quia se habet ad similitudinem
facti, in quantum de Deo aliquid novum dicitur. Et sic dicimus: domine,
refugium factus es nobis. # 5. Comme кtre fait c’est а proprement parler
subir un changement, ce n’est selon la relation que par accident, а savoir une
fois changй ce qu’atteint la relation. Ainsi il en est de mкme pour ne pas кtre
fait. Car un corps changй en quantitй devient йgal, non parce que le changement
atteint en soi l’йgalitй, mais il se comporte vis-а-vis d'elle par accident. Et
cependant il ne faut pas parler de relation nouvelle si un changement se fait
en quelque chose, mais il suffit que le changement se fasse dans l’un des
extrкmes; car la cause de la relation entre deux choses est quelque chose
d’inhйrent а l’un et а l’autre. C'est pourquoi le changement se fait de chaque
cфtй de ce qui causait la relation; celle qui йtait entre l’un et l’autre est
exclue. Et par le fait que dans la crйature il se fait un changement, on peut
commencer а parler d’une relation а Dieu. C'est pourquoi on ne peut pas dire
qu’il est lui-mкme fait — sinon mйtaphoriquement — parce qu’il se comporte а la
ressemblance de ce qui est fait dans la mesure oщ on parle de quelque chose de
nouveau pour lui. Et ainsi nous disons: "Seigneur, tu es devenu pour nous un refuge" (Ps. 89, 1). q. 7 a. 8 ad 6 Ad sextum dicendum, quod huiusmodi relationes
cum Deo dici incipiant propter mutationem in creatura factam, patet quod causa
quare de Deo dicantur, est ex parte creaturae, et per accidens de Deo dicuntur.
Non quidem accidens quod in Deo sit, ut Augustinus dicit, sed secundum aliquid
extra ipsum existens, quod ad ipsum accidentaliter comparatur. Non enim esse
Dei a creatura dependet, sicut nec esse aedificatoris a domo. Unde sicut
accidit aedificatori quod domus sit, ita Deo quod creatura. Omne enim dicimus
per accidens se habere ad aliquid, sine quo illud esse potest. # 6. Si on
commence а parler des relations de ce genre avec Dieu а cause du changement
opйrй dans la crйature, il est clair que la cause pour laquelle on n'en parle
pas en Dieu vient du cфtй de la crйature et on en parle pour Dieu par accident.
Ce n'est pas un accident qui serait en Dieu, comme le dit Augustin, mais qui
existe selon la relation hors de lui; parce qu'il lui est accouplй
accidentellement. Car l’кtre de Dieu ne dйpend pas de la crйature, comme celui
du bвtisseur ne dйpend pas de la maison non plus. C'est pourquoi c'est comme un
accident pour lui que la maison existe, de mкme pour Dieu que la crйature
existe. Car nous appelons accidentel tout ce qui se comporte vis-а-vis de ce
sans quoi il ne pourrait кtre autre.
1 Ia, qu. 28, a. 1 ad 3 — I Sent. d14q1a1 — CG II,
11. 2
"On appelle relatives ces choses dont tout l'кtre consiste en ce qu'elles
sont dites dйpendre d'autres choses, ou se rapporter de quelque autre faзon а
autre chose.(Catйgories, 7, 6a 36) —
7 b 15: "Il semble bien qu'entre les relatifs il y ait simultanйitй
naturelle" Mais il ajoute plus loin (7 b 23):"Cependant il n'est pas
vrai, semble-t-il bien, que dans tous les cas, les relatifs soient
naturellement simultanйs" 3
"Crйateur dit relation а la crйature." 4
On retrouve la mкme chose en Pot. 7,
2, c (§2). 5
Thomas distingue l'aspect accident, la relation est dans le substrat et
l'aspect relation ou ordre: elle est pour un autre en tant que passant en lui. Pot. qu.7, a. 9, ad 7. 6
Ce n’est un hasard si Thomas cite les disciples de Gilbert de la Porrйe, aprиs
Boиce. Ce dernier avait dit: "Quand on dit Dieu, le Pиre, Dieu, le Fils,
Dieu, l’Esprit saint, la rйpйtition semble plus qu’une йnumйration." Gilbert,
йvкque de POITIERS (vers 1076 -? 1154) l’interpйtait comme une rйpйtition. Il
admettait une distinction rйelle entre la divinitй et les relations
constitutives des trois personnes en Dieu: "Les trois personnes sont
йternelle, les relations, propriйtйs, singularitйs ou unitйs, etc. qui sont en
Dieu, ne sont pas йternelles et ne sont pas Dieu" (texte condamnй).
Gilbert fut attaquй au concile de Reims qui se rйunit en prйsence du pape
Eugиne, le 21 mars 1148. Gilbert obtint, grвce а un plaidoirie habile, que le
pape ne condamne pas les chapitres qu’il avait йcrit comme hйrйtiques. Saint
Bernard attaque dans son њuvre Sur le
Cantique (80, 6), non Gilbert lui-mкme, mais ceux qui lisent ou rйpandent
l’ouvrage incriminй. 7
7. Cf. Ia, qu. 28, a. 2, c "[Gilbert]
a dit que les relations en Dieu sont"assistantes", c'est-а-dire
accolйes au dehors. (extrinsиques
affixae." ] Cf. Pot. 7, 9,
ad 7. 8
8. Le fait que l'agent agisse n'amиne pas composition d'un agent et d'une
action. 9
225 b 10: "Pas de mouvement pour la relation…226 a 23: "Puisqu'il n'y
a pas de mouvement, ni de la substance, ni du relatif, ni de l'action et
passion, reste qu'il y a seulement mouvement selon la qualitй, la quantitй et
le lieu; car dans chacune de ces catйgories, il y a contrariйtй." (Trad.
H. CARTERON) 10
Cf. BOИCE, Trin. V, si on supprime,
dit-il en substance, le terme "esclave" dans la relation maоtre
esclave, on supprime le terme "maоtre", mais si on supprime le terme
"blanc" on ne supprime pas ce qui est blanc. 11
Thomas dйmontre ainsi l’assertion (n° 331): "Toutes les puissances
infinies dйpendent d’un premier infini qui est la Puissance des puissances. Il
faut donc que plus cette puissance a йtй proche de cette premiиre puissance,
plus elle participe а son infinitй, mais cette puissance premiиre est unique
par essence. Il faut donc que, plus une chose est unique, plus infinie soit sa
puissance. Et de lа vient que la puissance de l’intelligence qui est premiиre
parmi les puissances causйes infinies, est tout а fait infinie en tant que plus
proche de l’UN premier. Mais du fait que les puissances qui sont multipliйes
soient dйfaillantes par rapport а l’unitй, leur pouvoir en est limitй." 12
A comprendre comme cause et effet. 13
En Ia, qu. 13, a 7, ad 6, il dit plus
clairement que si l’une des deux inclut l’autre et rйciproquement, alors elles
sont simultanйes. Si l’une inclut, sans que ce soit rйciproque, alors il n’y a
pas simultanйitй.
Article 9: De telles relations entre les crйatures et Dieu sont-elles
rйellement en elles? i
q. 7 a. 9 tit.
1 Nono quaeritur utrum huiusmodi relationes, quae sunt inter creaturas et Deum,
sint realiter in ipsis creaturis. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 9 arg. 1 Aliquae enim relationes inveniuntur in quibus
ex nulla parte relatio aliquid realiter ponit, sicut Avicenna dicit de
relatione quae est inter ens et non ens. Sed nulla extrema relationis magis ad
invicem distant quam Deus et creatura. Ergo ista relatio non ponit aliquid
realiter ex parte neutra. 1. Car on trouve des relations dans lesquelles la relation n’йtablit
rien de reel d’aucun cфtй., comme Avicenne le dit (Mйtaphysique, IV, ch.
102 ) de la relation entre l’йtant et
le non йtant. Mais aucune des extrйmitйs rйciproques de la relation n’est plus
distante que Dieu et la crйature. Donc cette relation n’йtablit rйellement rien
d'aucun cфtй. q. 7 a. 9 arg. 2 Praeterea, omne illud negandum est ad quod
sequitur processus in infinitum. Sed si in creatura relatio ad Deum sit res
aliqua, erit procedere in infinitum: relatio enim illa aliquid creatum erit, si
est res quaedam; et ita erit alia relatio ipsius ad Deum pari ratione, et sic
in infinitum. Non ergo ponendum est quod in creatura ad Deum relatio sit res aliqua. 2. Il faut nier tout ce pour quoi dйcoule une progression а l’infini.
Mais si dans la crйature la relation а Dieu est une rйalitй, il faudra aller
jusqu'а l’infini: car cette relation sera quelque chose de crйй, si elle est
rйelle et ainsi ce sera une autre relation d'elle-mкme а Dieu а raison йgale,
et ainsi а l’infini. Il ne faut donc pas penser que la relation а Dieu est
rйelle dans la crйature. q. 7 a. 9 arg. 3 Praeterea, nihil refertur nisi ad determinatum
et unum; unde duplum non refertur ad quodlibet, sed ad dimidium, et pater ad
filium, et sic de aliis. Oportet ergo secundum differentiam eorum quae
referuntur, esse differentias eorum ad quae fit relatio. Sed Deus est unum ens
simpliciter. Ergo non potest ad ipsum fieri relatio omnium creaturarum, aliqua
relatione reali. 3. Rien n’est en rapport qu’avec quelque chose de dйterminй et d’unique
(comme il est dit en Mйtaphysique,
IV, 15, 1020 b 32 ss.); ainsi le double ne se rйfиre pas а n’importe quoi, mais
а la moitiй, le pиre au fils et ainsi de suite. Donc il faut donc que selon la
diffйrence de ce qui se rйfиre, il y ait les diffйrences de ce pour quoi se
fait la relation. Mais Dieu est un кtre absolument un. Donc la relation de
toutes les crйatures ne peut pas кtre йtablie pour lui par une relation rйelle. q. 7 a. 9 arg. 4 Praeterea, secundum hoc, creatura refertur ad
Deum secundum quod ab ipso procedit. Sed creatura procedit a Deo secundum ipsam
substantiam. Ergo secundum suam substantiam refertur ad Deum, et non secundum
aliquam relationem supervenientem. 4. La crйature se rйfиre а Dieu selon qu'elle procиde de lui. Mais la
crйature procиde de Dieu selon la substance mкme. Donc c'est par elle qu'elle
se rйfиre а Dieu et non par une relation ajoutйe. q. 7 a. 9 arg. 5 Praeterea, relatio est aliquid medium inter
extrema relationis. Sed nihil potest esse realiter medium inter Deum et
creaturam immediate a Deo creatam. Ergo relatio ad Deum non est aliqua res in
creatura. 5. La relation est quelque chose d'intermйdiaire entre les extrкmes de
la relation. Mais rien ne peut кtre rйellement intermйdiaire entre Dieu et la
crйature qu'il a crййe sans intermйdiaire. Donc la relation а Dieu n'est pas
une rйalitй dans la crйature. q. 7 a. 9 arg. 6 Praeterea, philosophus dicit, quod si omnia
apparentia essent vera, res sequeretur opinionem nostram et sensum. Sed constat quod omnes creaturae sequuntur
aestimationem, sive scientiam, sui creatoris. Ergo creaturae
omnes substantialiter referuntur ad Deum, et non per aliquam relationem
inhaerentem. 6. Le philosophe (Mйtaphysique
IV, 5, 1010 a 73) dit que, si tout ce
qui apparaоt йtait vrai, la rйalitй dйcoulerait de notre opinion et nos sens.
Mais il est clair que toutes les crйatures dйcoulent de l'йvaluation ou de la
science de leur crйateur. Donc toutes se rйfиrent substantiellement а Dieu et
non par une relation inhйrente. q. 7 a. 9 arg. 7 Praeterea, inter quae est maior distantia,
minus videtur esse relatio. Sed est maior
distantia creaturae ad Deum quam unius creaturae ad aliam. Non est autem
relatio creaturae ad creaturam res aliqua, ut videtur, nam cum non sit
substantia, oportet quod sit accidens; et ita, quod subiecto insit, et quod ab
eo removeri non possit sine mutatione subiecti: cuius contrarium supra de
relatione est dictum. Ergo nec relatio creaturae ad Deum est res aliqua. 7. La relation paraоt plus petite entre ce en quoi la distance est plus
grande. Mais la distance de la crйature а Dieu est plus grande que celle d'une
crйature а une autre. Et la relation d'une crйature а une autre n'est pas
rйelle, а ce qu'il semble, car, comme la relation n'est pas substance, il faut
qu'elle soit accident; et ainsi, qu'elle soit dans un substrat, et qu'elle ne
puisse en кtre exclue sans changement de substrat; on a dit ci-dessus le contraire
pour la relation. Donc celle de la crйature а Dieu n'est pas rйelle. q. 7 a. 9 arg. 8 Praeterea, sicut ens creatum distat a non ente
in infinitum, ita etiam a Deo in infinitum distat. Sed inter ens creatum et non
ens purum, non est aliqua relatio, ut Avicenna dicit. Ergo nec inter ens
creatum et ens increatum. 8. L'йtant crйй est йloignй du non йtant а l'infini, de mкme il est
йloignй de Dieu а l'infini. Mais entre l'йtant crйй et le pur nйant, il n'y a
aucune relation, comme Avicenne le dit (Mйtaphysique,
IV, 11). Donc ni entre l'йtant crйй, et l'йtant incrйй. En sens contraire: q. 7 a. 9 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit: quod
temporaliter dici incipit Deus quod antea non dicebatur, manifestum est
relative dici, non tamen secundum accidens Dei, quod ei aliquid acciderit; sed
plane secundum accidens eius ad quod Deus incipit dici relative. Sed accidens
res aliqua in subiecto est. Ergo relatio ad Deum est res aliqua in creatura. 1. Augustin dit (La Trinitй, V,
164) "Le fait qu'on commence а dire de Dieu temporairement ce qu'on ne disait
pas auparavant manifeste qu'on parle de relation", non cependant selon
un accident en Dieu, parce que quelque chose lui serait arrivй, mais
absolument, selon l'accident de ce en quoi Dieu commence а кtre appelй de faзon
relative. Mais l'accident est une rйalitй dans le sujet. Donc la relation а
Dieu est quelque chose dans la crйature. q. 7 a. 9 s. c. 2 Praeterea, omne quod refertur ad
aliquid per sui mutationem realiter refertur ad ipsum. Sed creatura refertur ad
Deum per sui mutationem. Ergo realiter refertur ad Deum. 2. Tout ce qui se rapporte а quelque chose par son changement se rйfиre
rйellement а lui-mкme. Mais la crйature se rйfиre а Dieu par son changement.
Donc elle se rйfиre rйellement а lui. Rйponse: q. 7 a. 9 co. Respondeo. Dicendum quod relatio ad Deum est
aliqua res in creatura. Ad cuius evidentiam sciendum est, quod sicut dicit
Commentator in XI Metaph., quia relatio est debilioris esse inter omnia
praedicamenta, ideo putaverunt quidam eam esse ex secundis intellectibus. Prima
enim intellecta sunt res extra animam, in quae primo intellectus intelligenda
fertur. Secunda autem intellecta dicuntur intentiones consequentes modum
intelligendi: hoc enim secundo intellectus intelligit in quantum reflectitur
supra se ipsum, intelligens se intelligere et modum quo intelligit. Il faut dire que la relation а Dieu est une rйalitй dans la crйature.
Pour йclaircir cette question, il faut savoir que, comme le dit le Commentateur
en Mйtaphysique, XI, (texte 19), parce que la relation est
d’un кtre plus faible parmi toutes les catйgories, certains5 ont pensй qu’elle venait des intellections
secondes6. Car ce qui est compris en
premier, c'est ce qui est hors de l’вme7
que l'intellect est d'abord portй а saisir. Mais on appelle ce qui est compris
en second les concepts qui dйcoulent du mode d'intellection; car cela l’esprit
le comprend en second dans la mesure oщ il rйflйchit en comprenant qu'il se
comprend et le mode par lequel il comprend. Secundum ergo hanc positionem sequeretur quod relatio non
sit in rebus extra animam, sed in solo intellectu, sicut intentio generis et
speciei, et secundarum substantiarum. Il dйcoulerait de cette opinion que la relation ne serait pas dans la
rйalitй [qui est] hors de l'вme, mais dans l'esprit seulement, comme le concept
de genre, d’espиce et de substances secondes. Hoc autem esse non potest. In nullo enim praedicamento ponitur
aliquid nisi res extra animam existens. Nam ens rationis dividitur contra ens
divisum per decem praedicamenta ut patet V
Metaph. Si autem relatio non esset in rebus extra animam non poneretur ad
aliquid unum genus praedicamenti. Et praeterea perfectio et bonum quae sunt in
rebus extra animam, non solum attenditur secundum aliquid absolute inhaerens
rebus, sed etiam secundum ordinem unius rei ad aliam, sicut etiam in ordine
partium exercitus, bonum exercitus consistit: huic enim ordini comparat
philosophus ordinem universi. Mais cela n'est pas possible. Car, on ne place en aucune catйgorie ce qui
existe hors de l'вme. Car l'йtant de raison est sйparй de l'йtant qui se divise
en dix catйgories, comme cela apparaоt en Mйtaphysique
(V, 7, 1017 a 238). Mais, si la
relation n'йtait pas dans la rйalitй hors de l'вme, on ne la placerait pas
comme un genre de catйgorie. Et en outre, la perfection et le bien qui sont
dans la rйalitй hors de l'вme, non seulement sont atteints selon une relation
absolument inhйrente aux choses, mais selon un rapport de l'un а l'autre, de
mкme le bien de l'armйe consiste dans l'ordre de ses parties: car c'est а lui
que le philosophe compare l'ordre de l'univers. (Mйtaphysique XII, 1075 a 11). Oportet ergo in ipsis rebus ordinem quemdam esse; hic autem
ordo relatio quaedam est. Unde oportet in rebus ipsis relationes quasdam
esse, secundum quas unum ad alterum ordinatur. Ordinatur autem una res ad aliam vel
secundum quantitatem, vel secundum virtutem activam seu passivam. Ex his enim
solum duobus attenditur aliquid in uno, respectu extrinseci. Mensuratur enim
aliquid non solum a quantitate intrinseca, sed etiam ab extrinseca. Per
virtutem etiam activam unumquodque agit in alterum et per passivam patitur ab
altero; per substantiam autem et qualitatem ordinatur aliquid ad seipsum
tantum, non ad alterum, nisi per accidens; scilicet secundum quod qualitas,-
vel forma substantialis aut materia,- habet rationem virtutis activae vel passivae,
et secundum quod in eis consideratur aliqua ratio quantitatis, prout unum in
substantia facit idem, et unum in qualitate simile, et numerus, sive multitudo,
dissimile et diversum in eisdem, et dissimile secundum quod aliquid magis vel
minus altero consideratur: sic enim albius aliquid altero dicitur. Et propter hoc philosophus in V Metaph. species assignans relationis,
quasdam ponit ex quantitate causatas, quasdam vero ex actione et passione. Il faut donc qu’il y ait un rapport dans les choses mкmes, et ce
rapport est une relation. C'est pourquoi, il faut qu’il y ait des relations
dans les choses, selon lesquelles l’une est ordonnйe а l’autre. Mais une chose
est ordonnйe а une autre, selon la quantitй ou selon la puissance active ou
passive9. Car c'est seulement par ces
deux relations qu'une chose est atteinte dans une autre par un rapport
extйrieur. Car une chose est mesurйe non seulement par une quantitй intйrieure
mais aussi extйrieure. Mais par la puissance active chacun agit sur l’autre et
par la puissance passive supporte de l'autre. Par sa substance et sa qualitй
une chose est ordonnйe а elle-mкme seulement, non а une autre, sinon par
accident, c’est-а-dire selon que la qualitй — ou la forme substantielle ou la matiиre
— a raison de puissance active ou passive, et selon qu'on considиre une notion
de quantitй en elles, selon que l’un fait le mкme dans la substance, et l'autre
du semblable dans la qualitй et le nombre ou la pluralitй, du diffйrent et du
divers dans les mкmes, et dissemblable selon que quelque chose est considйrй en
plus ou en moins dans l’autre; en effet on dit ainsi qu'une chose est plus
blanche qu’une autre. Et c’est pour cela que le Philosophe (Mйtaphysique V, 1021 a 15 ss.) en
attribuant l’espиce de relation pense que quelques-unes sont causйes par la
quantitй, mais quelques autres par l’action et la passion. Sic ergo oportet quod res habentes ordinem ad aliquid,
realiter referantur ad ipsum, et quod in eis aliqua res sit relatio. Omnes
autem creaturae ordinantur ad Deum et sicut ad principium et sicut ad finem,
nam ordo qui est partium universi ad invicem, est per ordinem qui est totius
universi ad Deum; sicut ordo qui est inter partes exercitus, est propter
ordinem exercitus ad ducem, ut patet XII Metaph. Unde oportet quod
creaturae realiter referantur ad Deum, et quod ipsa relatio sit res quaedam in
creatura. Ainsi donc il faut que ce qui a un rapport а une chose,
se rйfиre rйellement а elle et qu'en elle quelque chose soit la relation. Mais
toutes les crйatures sont ordonnйes а Dieu comme а leur principe et а leur fin;
car l’ordre qui concerne ces parties de l’univers entre elles, dйpend de celui
de tout l’univers а Dieu, comme l’ordre qui est entre les parties de l’armйe
est en raison de l’ordre de l’armйe au gйnйral, comme on le voit en Mйtaphysique (XII, 10, 1075 a 12). C'est
pourquoi il faut que les crйatures se rйfиrent rйellement а Dieu et que cette
relation soit une rйalitй dans la crйature. Solutions: q. 7 a. 9 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod hoc quod aliqua
relatio est inter creaturas ad invicem quae in neutro extremorum aliquid ponat,
non est propter creaturarum distantiam, sed propter hoc quod aliqua relatio non
attenditur secundum ordinem aliquem qui sit in rebus, sed secundum ordinem qui
est in intellectu tantum; quod non potest dici de ordine creaturarum ad Deum. # 1. S'il existe une relation des crйatures entre elles, qui ne place
rien dans aucun des deux extrкmes, ce n'est pas en raison de la distance des
crйatures, mais parce qu'une relation n'est pas atteinte selon un ordre qui
serait dans la rйalitй, mais dans l'esprit seulement; ce qu'on ne peut pas dire
du rapport des crйatures а Dieu. q. 7 a. 9 ad 2 Ad secundum dicendum, quod relationes
ipsae non referuntur ad aliud per aliam relationem sed per se ipsas, quia
essentialiter relationes sunt. Non autem est simile de his quae habent
substantiam absolutam; unde non sequitur processus in infinitum. # 2. Les relations elles-mкmes ne se rйfиrent pas а autre chose par une
autre relation mais par elles-mкmes, parce qu'elles sont essentiellement
relations. Mais ce n'est pas pareil pour ce qui a une substance absolue; c'est
pourquoi le processus ne va pas а l'infini. q. 7 a. 9 ad 3 Ad tertium dicendum, quod philosophus
ibidem concludit, quod si omnia referantur ad optimum, oportet infinitum specie
esse optimum. Et sic ad id quod est infinitum specie, nihil prohibet
infinita referri. Tale autem est Deus, cum perfectio suae substantiae ad nullum
genus determinetur, ut supra habitum est. Et propter hoc nihil prohibet
infinitas creaturas ad Deum referri. # 3. Le philosophe conclut lа mкme (Mйtaphysique,
IV, 15, 1020 b 32 ss.) que si tout est rйfйrй au meilleur, il faut que l'infini
en espиce soit le meilleur. Et ainsi pour ce qui est de l'infini en espиce,
rien n'empкche ce qui est infini de s'y rйfйrer. Mais tel est Dieu, puisque la
perfection de sa substance n'est dйterminйe а aucun genre, comme on l'a vu plus
haut. Et а cause de cela rien n'empкche des crйatures infinies de se rйfйrer а
Dieu. q. 7 a. 9 ad 4 Ad quartum dicendum, quod creatura refertur ad
Deum secundum suam substantiam, sicut secundum causam relationis; secundum vero
relationem ipsam formaliter; sicut aliquid dicitur simile secundum qualitatem
causaliter, secundum similitudinem formaliter: ex hoc enim creatura similis
denominatur. # 4. La crйature se rйfиre а Dieu selon sa substance, de mкme que selon
la cause de la relation, mais formellement selon la relation mкme; de mкme on
dit que quelque chose est semblable selon la cause, quand а la qualitй et
formellement quant а la ressemblance, car c'est а cause de cela que l'on
dйfinit la crйature comme semblable. q. 7 a. 9 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum dicitur creatura
immediate a Deo procedere, excluditur causa media creans, non tamen excluditur
mediata realis habitudo, quae naturaliter sequitur ad productionem creaturae;
sicut aequalitas sequitur productionem quantitatis indeterminate, ita habitudo
realis naturaliter sequitur ad productionem substantiae creatae. # 5. Quand on dit que la crйature procиde de Dieu sans intermйdiaire,
on exclut la cause crйatrice intermйdiaire, cependant on n'exclut pas la
relation rйelle intermйdiaire, qui naturellement se rattache а la production de
la crйature; de mкme que l'йgalitй dйcoule de faзon indйterminйe du changement
de la quantitй; de mкme la relation rйelle dйcoule naturellement pour la
production de la substance crййe. q. 7 a. 9 ad 6 Ad sextum dicendum, quod creaturae sequuntur Dei
scientiam sicut effectus causam, non sicut propriam rationem essendi, ut sic
nihil aliud sit creaturam esse quam a Deo sciri. Hoc autem modo ponebant,
dicentes omnia apparentia esse vera, et rem sequi opinionem et sensum, ut
scilicet unicuique hoc esset esse quod ab alio sentiri vel opinari. # 6. Les crйatures dйcoulent de la science de Dieu10, comme l'effet de sa cause, non comme
propre raison d'кtre, de sorte qu'ainsi кtre crйature n'est rien d'autre que
d'кtre connu par Dieu. C'est ainsi qu'ils11
le pensaient, disant que tout ce qui est apparence est vrai et que
l'opinion et les sens suivent la rйalitй, de sorte que pour cet кtre serait ce
qui est senti et pensй par un autre. q. 7 a. 9 ad 7 Ad septimum dicendum, quod ipsa relatio quae
nihil est aliud quam ordo unius creaturae ad aliam, aliud habet in quantum est
accidens et aliud in quantum est relatio vel ordo. In quantum enim accidens
est, habet quod sit in subiecto, non autem in quantum est relatio vel ordo; sed
solum quod ad aliud sit quasi in aliud transiens, et quodammodo rei relatae
assistens. Et ita relatio est aliquid inhaerens, licet non ex hoc ipso quod est
relatio; sicut et actio ex hoc quod est actio, consideratur ut ab agente; in
quantum vero est accidens, consideratur ut in subiecto agente. Et ideo nihil
prohibet quod esse desinat huiusmodi accidens sine mutatione eius in quo est,
quia sua ratio non perficitur prout est in ipso subiecto, sed prout transit in
aliud; quo sublato, ratio huius accidentis tollitur quidem quantum ad actum,
sed manet quantum ad causam; sicut et subtracta materia, tollitur calefactio,
licet maneat calefactionis causa. # 7. La relation elle-mкme, qui n'est rien d'autre que le rapport d'une
crйature а une autre, a quelque chose de diffйrent en tant qu'accident et en
tant que relation ou rapport. Car en tant qu'elle est accident, elle est dans
un substrat, mais pas en tant que relation ou ordre, mais elle est seulement
relation pour un autre en tant que passant en lui, et d'une certaine maniиre
assistante pour ce qui est12. Et de
mкme cette relation est quelque chose d'inhйrent, bien que ce ne soit pas du
fait qu'elle est relation: et de mкme l'action, en tant que telle, est
considйrйe comme venant d'un agent, mais en tant qu'accident, elle est
considйrйe comme dans le substrat agent. Et ainsi rien n'empкche qu'elle cesse
d'кtre un accident de ce genre sans changement de ce en quoi elle est, parce
que sa nature n'est pas achevйe du fait qu'elle est dans le sujet mкme, mais du
fait qu'elle passe dans un autre; si on l'exclut, la nature de cet accident est
enlevй, quant а l'acte mais elle demeure quant а la cause, comme une fois la
matiиre soustraite, le rйchauffement est enlevй, bien que sa cause demeure. q. 7 a. 9 ad 8 Ad octavum dicendum, quod ens creatum non habet
ordinem ad non ens, habet autem ordinem ad ens increatum; et ideo non est
simile. # 8. L'йtant crйй n'a pas de relation au non йtant, mais il en a une а
l'йtant incrйй, et ainsi ce n'est pas pareil.
1 Parall: Ia, qu. 13, 7 - Ia, qu. 34, a. 3, ad 2 — qu. 6 a. 2 ad 1— qu. 28 a.1 ad 3; a.4, c
— qu. 45, a.3, ad 1 — IIIa , 2, 7 c — I
Sent. d30a1 — d37q2a3 — De Verit.
q. 4, a.5 — Pot. q. 3, a. 3. 2 . Cf. Pot. 3, 4 Non entis enim ad ens…Pot. 3,
1 ad 7. Boиce – 3
Thomas, lectio 12, n° 683. 4
p. 466 lа oщ il y a (924), citй mot а mot. Trad. BA. 5
Peut-кtre Avicebron (La source vie) "ce
que l'intelligence distingue doit кtre йgalement distinguй dans la rйalitй."
Ia, qu. 50, a. 2, c. 6
Sur le fonctionnement de l'intellect et les intellection premiиre et seconde,
voir qu. 1, a. 1, sol. 10.et 8, 1, obj. 2, avec mкme rйfйrence."On appelle
substances secondes les espиces dans lesquelles les substances prises au sens
premier sont contenues, et aux espиces, il faut ajouter les genres de ces
espиces." (Catйgories, 5, 20, 14). 7
Cette expression, reprise plusieurs fois, semble une insistance: l'intellection
premiиre, la relation sont des rйalitйs. Ce n'est pas ce que l'agent conзoit. 8
"L'кtre par essence reзoit toutes les acceptions qui sont indiquйes par
les types de catйgories, car les sens de l'кtre sont en nombre йgal а ces
catйgories." 9
Quantitй, fondement de la relation йgalitй, inйgalitй. L'action et la passion,
fondements de la relation de cause. Aristote, Mйtaphysique , V, 15, 1021 a 15. La relation de l'actif au passif
est relation de la puissance active а la puissance passive et des actes de ces
puissances. 10
Cf. Ia, qu. 14, a. 8. 11
C'est-а-dire les philosophes. Cf. l'objection. . 12
Cf. Pot. 7, 8, c note C'est l'opinion
de Gilbert de la Porrйe.
Article 10: Dieu se rйfиre-t-il а la crйature, de telle sorte que cette
relation soit une rйalitй en lui?
q. 7 a. 10 tit. 1 Decimo quaeritur utrum Deus
realiter referatur ad creaturam, ita quod ipsa relatio sit res aliqua in Deo.
Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 7 a. 10 arg. 1 Movens enim realiter refertur ad motum; unde
philosophus, V Metaph., ponit relationem moventis et moti ut species
praedicamenti relationis. Sed Deus
comparatur ad creaturam ut movens ad motum. Ergo refertur realiter ad
creaturam. 1. Car le moteur est rйellement en relation avec le mы; c'est pourquoi
le philosophe (Physique, V, 2, 225 b 10) place la relation du moteur et du mы
comme une espиce de catйgorie de relation. Mais Dieu est comparй2 а la crйature comme le moteur au mы. Donc il
se rйfиre rйellement а la crйature. q. 7 a. 10 arg. 2 Sed diceretur, quod movet creaturas sine sui
mutatione; et ideo non realiter refertur ad rem motam.- Sed contra, unum,
relative oppositorum, non est causa quod alterum dicatur de eodem: non enim
propter hoc aliquid est duplum, quia est dimidium; nec ideo Deus est pater,
quia est filius. Si ergo movens et motum relative dicuntur, non ideo relatio
moventis est in aliquo, quia est in eo relatio moti. Quod ergo Deus non movetur
non impedit quin realiter referatur ut movens ad motum. 2. Mais on pourrait dire
qu'il meut les crйatures sans changement pour lui et c'est pourquoi il ne se
rйfиre pas rйellement а ce qui est mы.— En
sens contraire, l'un, relativement aux opposйs, n'est pas une raison pour
parler d'une mкme chose а propos d'un autre. Car une chose n'est pas double,
parce qu'elle est moitiй; et ainsi Dieu n'est pas Pиre, parce qu'il y a le
Fils. Si donc on parle relativement du moteur et du mы, ce n'est pas parce que
la relation du moteur est dans une chose, parce qu’il y a en lui une relation
de mы. Donc que Dieu ne soit pas mы, n'empкche pas qu'il soit rйellement en
relation comme le moteur а ce qui est mы. q. 7 a. 10 arg. 3 Praeterea, sicut pater dat esse filio,
ita creator dat esse creaturae. Sed pater realiter refertur ad filium. Ergo et
creator ad creaturam. 3. De mкme que le Pиre donne l'кtre au Fils, le Crйateur donne l'кtre а
la crйature. Mais le Pиre se rйfиre rйellement aux Fils. Donc le Crйateur а la
crйature aussi. q. 7 a. 10 arg. 4 Praeterea, ea quae proprie dicuntur de Deo et
non metaphorice, rem significatam ponunt in Deo. Sed inter ista nomina
commemorat Dionysius hoc nomen dominus. Ergo res significata per hoc nomen
dominus, realiter est in Deo. Haec autem est relatio ad creaturam. Ergo, et
cetera. 4. Ce qui est dit proprement de Dieu, sans mйtaphore, place ce qui est
signifiй en Dieu. Mais Denys rappelle, parmi ces noms, celui de Seigneur (Les Noms divins, 1). Donc ce qui est signifiй par ce nom Seigneur est rйellement en Dieu. Mais
c'est une relation а la crйature. Donc, etc. q. 7 a. 10 arg. 5 Praeterea, scientia realiter refertur ad
scibile, ut patet V Metaph. Sed Deus
comparatur ad res creatas ut sciens ad scitum. Ergo in Deo est
aliqua relatio ad creaturam. 5. La connaissance se rйfиre rйellement au connaissable, comme on le
voit en Mйtaphysique (V, 15, 1021 a
26-313). Mais Dieu est comparй aux
crйatures comme celui qui connaоt au connu. Donc en Dieu il y a une relation а
la crйature. q. 7 a. 10 arg. 6 Praeterea, illud quod movetur, semper
habet realem relationem ad movens. Sed voluntas comparatur ad volitum ut ad
movens motum: nam appetibile est movens non motum; appetitus, movens motum, ut
dicitur XII Metaph. Cum ergo Deus velit res esse, videtur quod realiter
referatur ad creaturam. 6. Ce qui est mы a toujours une relation rйelle avec le moteur. Mais la
volontй est comparйe а ce qui est voulu, comme le mы au moteur; car l'appйtible
est moteur non mы, l'appйtit un moteur mы, comme il est dit en Mйtaphysique, ( XII, 7, 1072 a 26). Donc
comme Dieu veut que les choses existent (Car
"tout ce qu'il a voulu, il l'a fait." Ps. 113, 314), il semble qu'il est rйellement en relation
avec les crйatures. q. 7 a. 10 arg. 7 Praeterea, si Deus ad creaturas non
referatur, non videtur esse alia ratio, nisi quia a creaturis non dependet, et
quia creaturas excedit. Sed similiter corpora caelestia a corporibus elementaribus
non dependent, et ea quasi improportionaliter excedunt. Ergo secundum hoc
sequeretur quod nulla esset realis relatio corporum superiorum ad inferiora. 7. Si Dieu ne se rйfиre pas aux crйatures, il n'y a pas d'autre raison,
semble-t-il, sinon qu'il ne dйpend pas des crйatures, et qu'il les surpasse.
Mais de la mкme maniиre les corps cйlestes ne dйpendent pas des corps
йlйmentaires et les surpassent pour ainsi dire sans aucune proportion. Donc il
en dйcoulerait qu'il n'y aurait aucune relation rйelle des corps supйrieurs aux
corps infйrieurs. q. 7 a. 10 arg. 8
Praeterea, omnis denominatio est a forma. Forma autem est
aliquid inhaerens ei cuius est. Cum ergo Deus
nominetur a relationibus ad creaturam, videtur quod ipsae relationes aliquid
sint in Deo. 8. Toute dйnomination vient de la forme. Mais elle est quelque chose
d'inhйrent а ce dont elle est. Donc comme Dieu est nommй par les relations aux
crйatures, il semble que celles-ci soient rйelles en Dieu. q. 7 a. 10 arg. 9 Praeterea, proportio, quaedam relatio realis
est, sicut duplum ad dimidium; sed aliqua proportio videtur esse Dei ad
creaturam, cum inter movens et motum oporteat esse proportionem. Ergo videtur
quod Deus ad creaturam realiter referatur. 9. La proportion est une relation rйelle, comme le double а la moitiй;
mais il semble qu'il y ait une proportion de Dieu а la crйature, puisque, entre
le moteur et le mы, il faut qu'il y ait une proportion. Donc il semble que Dieu
se rйfиre rйellement а la crйature. q. 7 a. 10 arg. 10 Praeterea, cum intellectus sit rerum
similitudines, et voces sint signa rerum, ut dicit philosophus, aliter
ordinantur ista apud discipulum, et aliter apud doctorem. Doctor enim incipit a
rebus in quibus scientiam accipit in suo intellectu, cuius conceptiones voces
signant; discipulus autem incipit a vocibus per quas in conceptiones
intellectus magistri pervenit; et ab eis in rerum cognitionem. Oportet autem
quod huiusmodi quae de relationibus praedictis dicuntur, ab aliquo doctore sint
prius accepta. Ergo apud eum huiusmodi nomina relativa consequuntur
conceptiones intellectus sui, quae consequuntur rem; et ita videtur quod
huiusmodi relationes sint reales. 10. Comme l'esprit est l'image des choses et les mots en sont les
signes, comme le dit le philosophe (De
l'Interprйtation, I, 16 a 3-5), ils sont dans un ordre diffйrent dans le
disciple et le maоtre. Car celui-ci part de la rйalitй d'oщ il reзoit la
connaissance dans son esprit, dont les conceptions dйfinissent les mots, mais
le disciple commence par les mots par lesquelles il parvient aux concepts de
l'esprit du maоtre et d'elles а la connaissance de la rйalitй. Mais il faut que
ce qui est dit de tel pour ces relations soit d'abord reзu par le maоtre. Donc
chez lui de tels noms relatifs dйcoulent des conceptions de son esprit qui
dйcoulent de la rйalitй et ainsi il semble que de telles relations sont
rйelles. q. 7 a. 10 arg. 11 Praeterea, huiusmodi relativa quae de Deo
dicuntur ex tempore, aut sunt relativa secundum esse, aut secundum dici. Si sunt relativa secundum dici, in neutro extremorum aliquid ponunt
realiter. Hoc autem est falsum, secundum praedicta: nam in creatura relata ad
Deum realiter existunt. Relinquitur ergo quod sunt relativa secundum esse; et
ita videtur quod in utroque extremorum aliquid ponant realiter. 11. De tels relatifs signifiйs temporellement pour Dieu, sont des
relatifs quant а l'кtre, ou en parole5.
Si elles sont transcendantales, elles ne placent rйellement rien dans aucune
des extrйmitйs. Mais cela est faux d'aprиs ce qui a йtй dit: car, dans les
crйatures, les relations а Dieu existent rйellement. Il reste donc qu'elles
sont des relations prйdicamentales et ainsi il semble qu'elles placent
rйellement quelque chose а l'une et а l'autre des extrйmitйs. q. 7 a. 10 arg. 12
Praeterea, haec est natura relativorum, quod posito uno ponitur aliud, et uno
interempto aliud interimitur. Si igitur in
creatura est aliqua realis relatio, oportet quod in Deo relatio ad creaturam
sit realis. 12. Il est de la nature des relatifs que, si on en place un, on place
l'autre et si on enlиve l'un, on enlиve l'autre aussi. Si donc dans la crйature
il y a une relation rйelle, il faut qu'en Dieu la relation а la crйature soit
rйelle. En sens contraire: q. 7 a. 10 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit, V de
Trin.: manifestum est Deum relative dici secundum accidens eius ad quod dici
Deus aliquid incipit relative. Ergo videtur quod istae relationes dicantur de
Deo, non secundum aliquid quod in ipso sit, sed secundum aliquid quod extra ipsum
est; et ita nihil realiter in ipso ponunt. 1. Il y a ce que dit Augustin (La Trinitй V, XVI, 17): "Il est clair qu'on parle relativemen de Dieu
t а la suite de l’accident pour lequel Dieu commence а кtre appelй d’un nom
relatif6". Donc il semble
qu'on parle de ces relations en Dieu, non selon ce qui est en lui, mais hors de
lui, et ainsi on ne place rйellement rien en lui. q. 7 a. 10 s. c. 2 Praeterea, sicut scibile est mensura
scientiae, ita Deus est mensura omnium rerum, ut Commentator dicit, X Metaph. Sed scibile non refertur ad scientiam per relationem
quae in ipso realiter sit, sed potius per relationem scientiae ad ipsum, ut
patet per philosophum, V Metaph. Ergo videtur quod nec Deus dicatur relative ad
creaturam propter aliquam relationem quae sit realiter in eo. 2. De mкme que le connaissable est la mesure de la connaissance, de
mкme Dieu est la mesure de toutes choses, comme le dit le Commentateur (Mйtaphysique, X). Mais le connaissable
ne se rйfиre pas а la connaissance par une relation qui est rйellement en lui,
mais plutфt par une relation de la connaissance en lui, comme on le voit chez
le philosophe (Mйtaphysique, V, 15,
1021 a 287). Donc il semble qu'on ne
parle pas de Dieu relativement а la crйature а cause d'une relation qui est
rйellement en lui. q. 7 a. 10 s. c. 3 Praeterea, Dionysius dicit: in causis et
causatis non recipimus conversionem similitudinis: nam effectus dicitur similis
causae, non autem e contrario. Eadem autem ratio videtur de relatione
similitudinis et de aliis relationibus. Ergo videtur quod nec quantum ad alias
relationes fiat conversio a Deo ad creaturam: ut quia creatura realiter
refertur ad Deum, Deus realiter referatur ad creaturam. 3. Denys dit (les Noms divins, IX
913D8): "Dans les causes et les effets, nous ne prenons pas en compte la
rйciprocitй de la ressemblance; car l'effet est dit semblable а la cause, mais
pas le contraire." C'est la mкme raison qui semble exister pour la
relation de ressemblance et les autres relations. Donc il semble que pour les
autres relations non plus, il n'y a pas retour de Dieu а la crйature, de sorte
que, parce que la crйature se rйfиre rйellement а Dieu, Dieu se rйfиre
rйellement а elle. Rйponse: q. 7 a. 10 co. Respondeo. Dicendum quod relationes, quae
dicuntur de Deo ad creaturam, non sunt realiter in ipso. Ad cuius evidentiam
sciendum est, quod cum relatio realis consistat in ordine unius rei ad rem
aliam, ut dictum est; in illis tantum mutua realis relatio invenitur in quibus
ex utraque parte est eadem ratio ordinis unius ad alterum: quod quidem
invenitur in omnibus relationibus consequentibus quantitatem. Nam cum
quantitatis ratio sit ab omni sensibili abstracta, eiusdem rationis est
quantitas in omnibus naturalibus corporibus. Et pari ratione qua unum habentium
quantitatem realiter refertur ad alterum, et aliud ad ipsum. Il faut dire que les relations de Dieu а la crйature ne sont pas
rйellement en lui. Pour йclaircir la question, il faut savoir que, comme la
relation rйelle consiste dans le rapport d’une chose а une autre, comme on l’a
dit, on trouve seulement une relation mutuelle rйelle dans celles oщ de chaque
cфtй il y a la mкme nature de rapport de l'une а l’autre: ce qu’on trouve dans
toutes les relations qui dйpendent de la quantitй. En effet, comme la nature de
la quantitй est abstraite de ce qui est sensible, elle est de mкme nature dans
tous les corps naturels. Et а raison йgale, c'est pourquoi l’un de ceux qui a
la quantitй se rйfиre rйellement а l’autre et l’autre а lui. Habet autem una quantitas absolute considerata ad aliam
ordinem secundum rationem mensurae et mensurati, et secundum nomen totius et
partis, et aliorum huiusmodi quae quantitatem consequuntur. In relationibus
autem quae consequuntur actionem et passionem, sive virtutem activam et
passivam, non est semper motus ordo ex utraque parte. Oportet namque id quod
semper habet rationem patientis et moti, sive causati, ordinem habere ad agens
vel movens, cum semper effectus a causa perficiatur, et ab ea dependeat: unde
ordinatur ad ipsam sicut ad suum perfectivum. Une quantitй considйrйe dans l’absolu a un rapport а une autre en
raison de la mesure et du mesurй, et selon le nom du tout et de la partie et
d’autres choses de ce genre qui dйcoulent de la quantitй. Mais dans les
relations qui dйcoulent de l’action et de la passion, soit de la puissance
active et passive, le mouvement n'est pas toujours le rapport de l'une а
l'autre. Car il faut que ce qui a toujours un rapport de patient, de mы, ou de
causй, ait rapport а l’agent ou au moteur, puisque toujours l’effet est achevй
par la cause, et en dйpend. C'est pourquoi, il est en rapport avec elle comme а
ce qui le rend parfait. Agentia autem, sive moventia, vel etiam causae, aliquando
habent ordinem ad patientia vel mota vel causata, in quantum scilicet in ipso
effectu vel passione vel motu inductis, attenditur quoddam bonum et perfectio
moventis vel agentis; sicut maxime patet in agentibus univocis quae per
actionem suae speciei similitudinem inducunt, et per consequens esse perpetuum
quod est possibile, conservant. Les agents, les moteurs ou mкme les causes ont quelquefois rapport а ce
qui subit, est mы ou est causй, dans la mesure oщ une fois induits dans l'effet
lui-mкme, dans ce qui supporte ce qui est mы, sont atteintes une certain bien
et la perfection du moteur ou de l'agent, comme c'est tout а fait manifeste
dans les agents univoques qui par leur action induisent une ressemblance de
leur espиce, et par consйquent conservent l’кtre perpйtuel qui est possible. Patet hoc etiam idem in omnibus aliis quae mota movent vel
agunt vel causant; nam ex ipso suo motu ordinantur ad effectus producendos; et
similiter in omnibus in quibus quodcumque bonum causae provenit ex effectu.
Quaedam vero sunt ad quae quidem alia ordinantur, et non e converso, quia sunt
omnino extrinseca ab illo genere actionum vel virtutum quas consequitur talis
ordo; sicut patet quod scientia refertur ad scibile, quia sciens, per actum
intelligibilem, ordinem habet ad rem scitam quae est extra animam. Ipsa vero
res quae est extra animam, omnino non attingitur a tali actu, cum actus
intellectus non sit transiens in exteriorem materiam mutandam; unde et ipsa res
quae est extra animam, omnino est extra genus intelligibile. Et propter hoc
relatio quae consequitur actum intellectus, non potest esse in ea. On voit la mкme chose dans tous les autres qui meuvent, agissent ou
causent; car par leur mouvement mкme ils sont ordonnйs а produire des effets et
de la mкme maniиre dans tout en quoi tout bien provient de la cause par
l’effet. Mais il y en a certains а qui les autres sont ordonnйs, et non le
contraire, parce qu'ils sont tout а fait en dehors de ce genre d’action ou de
pouvoir d'oщ dйcoule un tel rapport; ainsi il est clair que la connaissance est
en rapport avec le connaissable, parce que celui qui connaоt, par un acte
intelligible, a rapport а la chose connue qui est hors de l'вme. Mais ce qui
est hors de l'вme n'est absolument pas atteint par un tel acte, puisque l'acte
de l'esprit ne transite pas pour changer la matiиre extйrieure, c'est pourquoi
ce qui est hors de l'вme est tout а fait hors du genre intelligible. Et pour
cela la relation qui suit l'acte de l'esprit ne peut кtre en elle. Et similis ratio est de sensu et sensibili: licet enim
sensibile immutet organum sensus in sua actione, et propter hoc habeat
relationem ad ipsum,- sicut et alia agentia naturalia ad ea quae patiuntur ab
eis,- alteratio tamen organi non perficit sensum in actu, sed perficitur per
actum virtutis sensitivae: cuius sensibile quod est extra animam, omnino est
expers. Similiter homo comparatur ad columnam ut dexter, ratione virtutis
motivae quae est in homine, secundum quam competit ei dextrum et sinistrum,
ante et retro, sursum et deorsum. Et ideo huiusmodi relationes in homine vel
animali reales sunt, non autem in re quae tali virtute caret. Similiter nummus
est extra genus illius actionis per quam fit pretium; quae est conventio inter
aliquos homines facta: homo etiam est extra genus artificialium actionum, per
quas sibi imago constituitur. C'est la mкme raison pour la sensation et le sensible. Car, bien que le
sensible modifie l'organe des sens dans son action, et а cause de cela, il a
une relation а lui-mкme.— comme les autres agents naturels а ce qui est
supportй par eux, — cependant la modification de l'organe n'atteint pas le sens
en acte, mais il l'achиve par l'acte du pouvoir sensitif; dont le sensible hors
de l'вme, est tout а fait dйpourvu. De mкme l'homme est comparй а la colonne,
comme а droite, parce qu'il peut se mouvoir, selon que lui conviennent la
droite et la gauche, l'avant et l'aprиs, le dessus et le dessous. Et c'est
pourquoi les relations de ce genre dans l'homme ou l'animal sont rйelles, mais
pas dans ce qui manque d'un tel pouvoir. De mкme la piиce de monnaie est hors
du genre de l'action par laquelle elle devient une valeur; celle-ci йtant une
convention йtablie entre des hommes9;
l'homme aussi est hors du genre des actions artificielles, qui constitue une
image pour lui. Et ideo nec homo
habet relationem realem ad suam imaginem, nec nummus ad pretium, sed e
contrario. Deus autem non agit per actionem mediam, quae intelligatur a Deo
procedens, et in creaturam terminata: sed sua actio est sua substantia, et
quidquid in ea est, est omnino extra genus esse creati, per quod creatura
refertur ad Deum. Nec iterum aliquod bonum accrescit creatori ex creaturae
productione, unde sua actio est maxime liberalis, ut Avicenna dicit. Patet
etiam quod non movetur ad hoc quod agat, sed absque omni sua mutatione
mutabilia facit. Et c'est pourquoi l'homme n'a pas de relation rйelle а son image, ni la
piиce de monnaie а sa valeur, mais c'est le contraire. Mais Dieu n'agit pas par
une action intermйdiaire qui est comprise comme procйdant de lui et terminйe а
la crйature; mais son action est sa substance et tout ce qui est en lui est
tout а fait en dehors du genre de l'кtre crйй, par lequel la crйature se rйfиre
а Dieu. Et en plus aucun bien ne s'ajoute au Crйateur par la production de la
crйature. C'est pourquoi son action est tout а fait libre, comme Avicenne le
dit (Mйtaphysique, VII, 7). Il est
clair aussi qu'il n'est pas poussй а agir mais il fait ce qui change sans aucun
changement de sa part. Unde relinquitur
quod in eo non est aliqua relatio realis ad creaturam, licet sit relatio
creaturae ad ipsum, sicut effectus ad causam. C'est pourquoi il reste qu'en lui il n'y a pas de relation rйelle а
la crйature, bien qu'elle existe de la crйature а Dieu, comme l'effet а la
cause. In hoc autem deficit multipliciter Rabbi, qui voluit probare
quod non esset relatio inter Deum et creaturam, quia cum Deus non sit corpus,
non habet relationem ad tempus nec ad locum. Consideravit enim solam relationem
quae consequitur quantitatem, non eam quae consequitur actionem et passionem. Rabi Moyses10 se trompe en
cela de multiples faзons, lui qui a voulu prouver qu'il n'y avait pas de
relation entre Dieu et la crйature parce que, comme Dieu n'est pas un corps, il
n'a de relation ni avec le temps, ni avec le lieu. Car il a considйrй la seule
relation qui dйcoule de la quantitй, non celle qui dйcoule de l'action et la
passion. Solutions: q. 7 a. 10 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod movens et agens
naturale movet et agit actione vel motu medio, qui est inter movens et motum,
agens et passum. Unde oportet quod saltem in hoc medio conveniant agens et
patiens, movens et motum. Et sic agens, in quantum est agens, non est extraneum
a genere patientis in quantum est patiens. Unde utriusque est realis ordo unius
ad alterum, et praecipue cum ipsa actio media sit quaedam perfectio propria
agentis; et per consequens id ad quod terminatur actio, est bonum eius. Hoc
autem in Deo non contingit, ut dictum est; et ideo non est simile. # 1. Le moteur et l'agent naturel meuvent et agissent par une action ou
par un mouvement intermйdiaire, entre le moteur et le mы, l'agent et le
patient. C'est pourquoi il faut au moins que l'agent et le patient, le moteur
et le mы se rencontrent dans cet intermйdiaire. Et ainsi, l'agent, en tant que
tel, n'est pas йtranger au genre du patient en tant que tel. C'est pourquoi le
rapport de l'un а l'autre est rйel et surtout puisque l'action intermйdiaire
mкme est une perfection propre de l'agent; et par consйquent ce а quoi se
termine l'action est son bien. Mais cela n'arrive pas en Dieu, comme on l'a
dit, et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 7 a. 10 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc quod
movens movetur, non est causa quare relatio moventis in eo sit realiter, sed
signum quoddam. Ex hoc enim apparet quod aliquo modo coincidit in genus moti,
ex quo et ipsum movet motum; et iterum apparet quod ipsum ad quod movetur, sit
quoddam bonum eius, ex quo ad hoc per suum motum ordinatur. # 2. Le fait que le moteur soit mы n'est pas la raison pour laquelle la
relation du moteur est rйellement en lui, mais c'est un signe. Car il apparaоt
de lа que, d'une certaine maniиre, il tombe dans le genre du mы, par lequel
lui-mкme meut le mы, et а nouveau il apparaоt que ce pourquoi il est mы, est
son bien par lequel il lui est ordonnй par son mouvement. q. 7 a. 10 ad 3 Ad tertium dicendum, quod pater dat esse filio
sui generis, cum sit agens univocum; non autem tale esse dat Deus creaturae; et
ideo non est simile. # 3. Le pиre donne l'кtre а un fils de son genre, puisqu'il est agent
univoque; mais ce n'est pas un tel кtre que Dieu donne а la crйature, et c'est
pourquoi ce n'est pas pareil. q. 7 a. 10 ad 4 Ad quartum dicendum, quod hoc nomen, dominus,
tria in suo intellectu includit: scilicet, potentiam coercendi subditos, et
ordinem ad subditos qui consequitur talem potestatem, et terminationem ordinis
subditorum ad dominum; in uno enim relativo est intellectus alterius relativi.
Salvatur ergo huius significatio nominis in Deo quantum ad primum et tertium,
non autem quantum ad secundum. Unde Ambrosius dicit, quod hoc nomen, dominus,
nomen est potestatis; et Boetius dicit, quod dominium est potestas quaedam qua
servus coercetur. # 4. Ce nom, Seigneur, inclut
trois sens en son concept, а savoir la puissance de contraindre ceux qui lui
sont soumis, le rapport а ceux qui sont soumis qui dйcoule d'un tel pouvoir et
la limite du rapport de ceux qui sont soumis au Seigneur; car dans ce qui est
relatif, il y a le concept d'un autre relatif. Donc la signification de ce nom
est conservй en Dieu, quand au premier et au troisiиme sens, mais non quant au
second. C'est pourquoi, Ambroise dit (La
foi, I, 711) que ce nom, Seigneur, est celui de la puissance et
Boиce dit que la domination du Seigneur est un pouvoir auquel le serviteur est
soumis. q. 7 a. 10 ad 5 Ad quintum dicendum, quod scientia Dei aliter
comparatur ad res quam scientia nostra; comparatur enim ad eas sicut et causa
et mensura. Tales enim res sunt secundum veritatem, quales Deus sua scientia
eas ordinavit. Ipsae autem res sunt causa et mensura scientiae nostrae. Unde
sicut et scientia nostra refertur ad res realiter, et non e contrario: ita res
referuntur realiter ad scientiam Dei, et non e contrario. Vel dicendum, quod
Deus intelligit res alias intelligendo se; unde relatio divinae scientiae non
est ad res directe, sed ad ipsam divinam essentiam. # 5. La science de Dieu est dans un rapport aux choses diffйrent de
celui de notre science; car elle est en rapport avec elles comme cause et
mesure. Car les choses sont en vйritй telles que Dieu par sa science les a
ordonnйes. Mais elles sont la cause et la mesure de notre science. C'est
pourquoi de mкme que notre science se rйfиre rйellement а la rйalitй et non le
contraire, de mкme les choses se rйfиrent rйellement а la science de Dieu et
non le contraire. Ou bien, il faut
dire que Dieu comprend les autres choses en se comprenant lui-mкme, c'est
pourquoi la relation de la connaissance en Dieu а la rйalitй n'est pas directe
mais elle est relation а l'essence divine mкme. q. 7 a. 10 ad 6 Ad sextum dicendum, quod appetibile quod movet
appetitum, est finis; ea vero quae sunt ad finem non movent appetitum nisi
ratione finis. Finis autem divinae voluntatis non est aliquid aliud quam divina
bonitas. Unde non sequitur quod res aliae comparentur ad divinam voluntatem
sicut movens ad motum. # 6. L'appйtible qui meut l'appйtit est une fin. Ce qui concerne la fin
ne meut l'appйtit qu'en raison de la fin. Mais la fin de la volontй divine
n'est pas quelque chose d'autre que sa bontй. C'est pourquoi il n'en dйcoule
pas que les autres choses sont en rapport avec la volontй divine, comme le
moteur au mы. q. 7 a. 10 ad 7 Ad septimum dicendum, quod corpora caelestia
referuntur realiter ad inferiora secundum relationes consequentes quantitatem,
propter hoc quod est eadem ratio quantitatis in utrisque; et iterum quantum ad
relationes consequentes virtutem activam et passivam, quia movent mota per
actionem mediam quae non est eorum substantia, cum aliquod bonum ipsorum
attendatur in hoc quod sunt inferiorum causa. # 7. Les corps cйlestes sont rйellement en rapport avec choses
infйrieures selon des relation qui dйcoulent de la quantitй, parce que la mкme
nature de quantitй est dans chacune et а nouveau quant aux relation qui
dйcoulent de la puissance active et passive, parce qu'ils meuvent ce qui est mы
par une action intermйdiaire qui n'est pas leur substance, puisque l'un de
leurs biens est atteint du fait qu'ils sont la cause des choses infйrieures. q. 7 a. 10 ad 8 Ad octavum dicendum est, quod illud a quo
aliquid denominatur, non oportet quod sit semper forma secundum rei naturam,
sed sufficit quod significetur per modum formae, grammatice loquendo.
Denominatur enim homo ab actione et ab indumento, et ab aliis huiusmodi, quae
realiter non sunt formae. # 8. Ce par quoi on dйsigne une chose ne doit pas кtre toujours la
forme selon sa nature, mais il suffit qu'elle soit signifiйe а la maniиre d'une
forme, grammaticalement parlant. Car l'homme est dйsignй par l'action et le
vкtement, et autres choses, qui ne sont pas rйellement des formes. q. 7 a. 10 ad 9 Ad nonum dicendum, quod si proportio
intelligatur aliquis determinatus excessus, nulla est Dei ad creaturam
proportio. Si autem per proportionem intelligatur habitudo sola, sic patet quod
est inter creatorem et creaturam; in creatura quidem realiter, non autem in
creatore. # 9. Si on comprend une proportion comme un йcart dйterminй, il n'y en
a aucune de Dieu а la crйature. Mais si par la proportion on comprend la
relation seule, alors il est clair qu'elle existe entre le Crйateur et la
crйature; rйellement dans la crйature, mais pas dans le Crйateur. q. 7 a. 10 ad 10 Ad decimum dicendum, quod licet doctor
incipiat a rebus, tamen alio modo recipiuntur rerum conceptiones in mente
doctoris quam sint in natura rei, quia unumquodque recipitur in altero per
modum recipientis: patet enim quod conceptiones in mente doctoris sunt
immaterialiter, et materialiter in natura. # 10. Bien que le maоtre commence par la rйalitй, cependant les
conceptions des choses sont reзues d'une autre maniиre dans son esprit qu'elles
le sont dans la nature, parce que chaque chose est reзue dans l'autre par le
mode de ce qui reзoit. Car il est clair que les conceptions sont
immatйriellement dans l'esprit du maоtre, et matйriellement dans la nature. q. 7 a. 10 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod distinctio ista
relativorum secundum esse et secundum dici, nihil facit ad hoc quod sit relatio
realis. Quaedam enim sunt relativa secundum esse quae non sunt realia, sicut
dextrum et sinistrum in columna; et quaedam sunt relativa secundum dici, quae
tamen important relationes reales, sicut patet de scientia et sensu. Dicuntur enim relativa secundum esse, quando nomina sunt imposita ad
significandas ipsas relationes; relativa vero secundum dici, quando nomina sunt
imposita ad significandas qualitates vel aliquid huiusmodi principaliter, ad
quae tamen consequuntur relationes. Nec
quantum ad hoc differt, utrum sint relationes reales vel rationis tantum. # 11. Cette distinction des choses relatives selon l'кtre et la parole,
ne fait rien pour qu'elle soit une relation rйelle. Car certaines sont
relatives quant а l'кtre, qui ne sont pas rйelles comme la droite et la gauche
dans une colonne, et certaines sont relatives en parole qui apportent cependant
des relations rйelles, comme c'est йvident pour la connaissance et la
sensation. Car on parle des relations selon l'кtre, quand ces noms sont imposйs
pour les signifier, mais de relatifs en parole, quand les noms sont imposйs
pour signifier des qualitйs ou principalement quelque chose de ce genre, pour
lesquelles cependant dйcoulent des relations. Et а ce sujet, il n'y a pas de
diffйrence si les relations sont rйelles ou de raison seulement. q. 7 a. 10 ad 12 Ad ultimum dicendum, quod licet posito uno
relativorum ponatur aliud, non tamen oportet quod eodem modo ponatur utrumque,
sed sufficit quod unum ponatur secundum rem, et aliud secundum rationem. # 12. Bien que, si on pose l'un des relatifs, on pose l'autre, il ne
faut pas cependant que l'un et l'autre soient йtablis de la mкme maniиre, mais
il suffit que l'un soit йtabli en rйalitй et l'autre en raison.
1 Parall.: Ia, qu. 13, a. 7 ad 2 et ad 4 — qu. 28,
a. 1, ad 3 et ad 4 — CG. II, 12,13 — I
Sent. d26q2a3, ad 2. 2
En plus de l'idйe de comparaison il y a celle d'йquivalence. 3
"Le relatif est aussi comme le mesurй а la mesure, le connaissable а la
connaissance, le sensible а la sensation." 4
Ajoutй dans l’Йd. Marietti. 5
Relations prйdicamentales ou relations transcendantales. 6
"…Les nom d'origine temporelle donnйs а Dieu et qui ne l’йtaient point
auparavant, ont manifestement un sens relatif. Cependant ils ne l'ont point en
faction d'un accident de Dieu, comme si quelque chose lui arrivait а lui, mais
bien а la suite d'un accident de l'кtre par rapport auquel Dieu reзoit un nom
relatif nouveau." (BA Trinitй V,
XVI, 7). 7
"Tout au contraire le mesurable, le connaissable, le pensable ne sont pas
dits relatifs en ce sens qu'une autre chose est relative а eux." (Thomas,
lect. 17, n° 1028). 8
913 D "Mais quand il s'agit de la relation de cause а effet, nous ne
pouvons admettre aucune rйciprocitй." (Trad. M. de Gandillac) 9
Ce passage est inspirй d’Aristote (Mйtaphysiquen
V, 15, 1021 b. les deux emples: colonnes et monnaies, sont repris dans son
commentaire n° 1027. 10
Maпmonide. 11
PL. 16, 530 B
Article 11: Ces relations temporelles en Dieu sont-elles de raison?
q. 7 a. 11 tit. 1 Undecimo quaeritur utrum
istae relationes temporales sint in Deo secundum rationem. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 11 arg. 1 Ratio enim cui non respondet res, est cassa
et vana, sicut Boetius dicit. Sed istae relationes non sunt in Deo secundum rem
ut ex praedictis patet. Esset ergo ratio cassa et vana, si essent in Deo
secundum rationem. 1. Car une notion (ratio2)
а quoi rien ne correspond est vide et vaine, comme Boиce le dit (Prйambule de Porphyre dans les Prйdicables). Mais ces relations ne
sont pas rйellement en Dieu, comme cela apparaоt de ce qui a йtй dit. Donc la
notion (ratio) serait vide et vaine,
si en Dieu elles йtaient de raison. q. 7 a. 11 arg. 2 Praeterea, quae sunt secundum rationem
tantum, non attribuuntur rebus nisi secundum quod sunt in intellectu, sicut
genus et species et ordo. Sed huiusmodi relationes temporales non attribuuntur
Deo secundum quod est in intellectu nostro tantum: sic enim nihil esset dictu,
Deus est dominus, quoniam Deus intelligitur creaturis praeesse; quod patet esse
falsum. Ergo huiusmodi relationes non sunt secundum rationem in Deo. 2. Ce qui est de raison seulement, n'est attribuй aux choses que selon
qu'elles sont dans l'esprit, comme le genre, l'espиce et l'ordre3. Mais des relations temporelles de ce genre
ne sont pas attribuйes а Dieu selon ce qui est dans notre esprit seulement, car
ainsi ce ne serait rien dire. Dieu est Seigneur, puisqu'on comprend qu'il a
existй avant les crйatures; ce qui paraоt faux. Donc de telles relations ne
sont pas de raison en Dieu. q. 7 a. 11 arg. 3 Praeterea, hoc nomen, dominus, relationem
significat, cum sit relativum secundum esse. Sed Deus est dominus non secundum
rationem tantum. Ergo nec huiusmodi relationes sunt in Deo secundum rationem
tantum. 3. Ce nom, Seigneur, signifie
une relation, puisqu'il est relatif selon l'кtre. Mais Dieu est Seigneur, mais
pas en raison seulement. Donc de telles relations en Dieu ne sont pas en raison
seulement. q. 7 a. 11 arg. 5 Praeterea, id quod est secundum rationem
nostram tantum, non fuit ab aeterno. Sed
aliquae relationes Dei ad creaturam fuerunt ab aeterno, sicut relationes
importatae in nomine scientiae et praedestinationis. Ergo huiusmodi relationes
non sunt in Deo secundum rationem tantum. 5. Ce qui est selon notre raison seulement n'a pas existй
йternellement. Mais certaines relations de Dieu а la crйature ont йtй
йternelles, comme les relations apportйes au nom de connaissance4 et de prйdestination. Donc de telles
relations ne sont pas en Dieu selon la raison seulement. En sens contraire: q. 7 a. 11 s. c. Sed contra, est quod nomina significant
rationes, sive intellectus, ut dicitur in principio Periher. Constat autem ista
nomina relative dici. Ergo oportet huiusmodi relationes secundum rationem esse. Les noms signifient des notions (ratio)
ou des concepts, comme il est dit au dйbut de l'Interprйtation. (2, 16 a 18). Il est clair que ces noms sont dits
de faзon relative. Donc il faut que de telles relations soient de raison5. Rйponse: q. 7 a. 11 co. Respondeo. Dicendum quod sicut realis relatio
consistit in ordine rei ad rem, ita relatio rationis consistit in ordine
intellectuum; quod quidem dupliciter potest contingere: Il faut dire que de mкme que la relation rйelle consiste dans le
rapport d'une chose а une autre, de mкme la relation de raison consiste dans le
rapport des significations, ce qui peut arriver de deux maniиres: uno modo secundum quod iste ordo est adinventus per
intellectum, et attributus ei quod relative dicitur; et huiusmodi sunt
relationes quae attribuuntur ab intellectu rebus intellectis, prout sunt
intellectae, sicut relatio generis et speciei: has enim relationes ratio
adinvenit considerando ordinem eius quod est in intellectu ad res quae sunt
extra, vel etiam ordinem intellectuum ad invicem. 1) Premiиre maniиre, selon
que cet ordre est dйcouvert par l'esprit et attribuй а ce dont on parle
relativement, et telles sont les relations attribuйes par l'esprit а des
pensйes, dans la mesure oщ elles sont comprises comme relation de genre et
d'espиce6; car la raison dйcouvre ces
relations en considйrant l'ordre ce qui est dans l'esprit а ce qui est а
l'extйrieur ou mкme l'ordre des concepts entre eux. Alio modo secundum quod huiusmodi relationes consequuntur
modum intelligendi, videlicet quod intellectus intelligit aliquid in ordine ad
aliud; licet illum ordinem intellectus non adinveniat, sed magis ex quadam
necessitate consequatur modum intelligendi. Et huiusmodi relationes intellectus
non attribuit ei quod est in intellectu, sed ei quod est in re. 2) Seconde maniиre: les
relations de ce genre rйsultent du mode de penser, а savoir que l'esprit pense
une chose en rapport а une autre, bien qu'il ne parvienne pas а ce rapport,
mais plutфt rйsulte du mode de penser par une certaine nйcessitй. Et l'esprit
n'attribue pas de telles relations а ce qui est en lui mais а ce qui est en
rйalitй. Et hoc quidem contingit secundum quod aliqua non habentia
secundum se ordinem, ordinate intelliguntur; licet intellectus non intelligat
ea habere ordinem, quia sic esset falsus. Ad hoc autem quod aliqua habeant
ordinem, oportet quod utrumque sit ens, et utrumque distinctum (quia eiusdem ad
seipsum non est ordo) et utrumque ordinabile ad aliud. Et cela arrive selon que certaines choses n'ayant pas de rapport en
soi, sont comprises avec rapport, bien que l'esprit ne comprenne pas qu'elles
en ont un, parce qu'ainsi ce serait faux. Mais du fait que certaines choses ont
un rapport, il faut que l'une et l'autre soient un йtant et l'une et l'autre
soient distinctes (parce qu'il n'y a pas de rapport d'un mкme а lui-mкme et
l'une et l'autre en rapport possible avec l'autre. Quandoque autem intellectus accipit aliqua duo ut entia,
quorum alterum tantum vel neutrum est ens: sicut cum accipit duo futura, vel
unum praesens et aliud futurum, et intelligit unum cum ordine ad aliud, dicens
alterum esse prius altero; unde istae relationes sunt rationis tantum, utpote
modum intelligendi consequentes. Quelquefois l'esprit reзoit les deux comme des йtants dont l'un
seulement un йtant ou ni l'un, ni l'autre; ainsi quand il reзoit deux йtants
futurs, ou l'un prйsent et l'autre futur, il comprend l'un en rapport avec
l'autre, en disant que l'un est avant l'autre; c'est pourquoi ces relations sont de raison seulement; en tant
qu'elles rйsultent du mode de penser. Quandoque vero accipit unum ut duo, et intelligit ea cum
quodam ordine: sicut cum dicitur aliquid esse idem sibi; et sic talis relatio
est rationis tantum. Quelquefois il reзoit l'une comme deux et il les comprend avec un
certain rapport. Comme quand on dit que quelque chose est identique а lui-mкme,
et ainsi une telle relation est de raison
seulement7. Quandoque vero accipit aliqua duo ut ordinabilia ad invicem,
inter quae non est ordo medius, immo alterum ipsorum essentialiter est ordo:
sicut cum dicit relationem accidere subiecto; unde talis relatio relationis ad
quodcumque aliud rationis est tantum. Quelquefois il reзoit les deux comme pouvant кtre en rapport l'un avec
l'autre, entre lesquels il n'y a pas de rapport intermйdiaire. Bien plus l'un
d'eux est essentiellement rapport: comme quand on dit que la relation arrive au
substrat; c'est pourquoi une telle relation
de relation а quelque chose d'autre est de
raison seulement. Quandoque vero accipit aliquid cum ordine ad aliud, in
quantum est terminus ordinis alterius ad ipsum, licet ipsum non ordinetur ad
aliud: sicut accipiendo scibile ut terminum ordinis scientiae ad ipsum; et sic
cum quodam ordine ad scientiam, nomen scibilis relative significat; et est
relatio rationis tantum. Et similiter aliqua nomina relativa Deo attribuit
intellectus noster, in quantum accipit Deum ut terminum relationum creaturarum
ad ipsum; unde huiusmodi relationes sunt rationis tantum. Quelquefois il reзoit une chose avec rapport а une autre, en tant
qu'elle est le terme d'un autre rapport а lui, bien qu'il ne soit pas ordonnйe
а l'autre; comme en recevant le connaissable, comme terme du rapport de la
connaissance а lui, et ainsi avec un rapport а la connaissance, le nom
connaissable signifie relativement et c'est
une relation de raison seulement. Et de mкme notre esprit attribue des noms
relatifs а Dieu en tant qu'il le reзoit comme terme des relations des crйatures
а lui; c'est pourquoi les relations de ce
genre sont de raison seulement. Solutions: q. 7 a. 11 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in huiusmodi
relationibus aliquid respondet ex parte rei, scilicet relatio creaturae ad
Deum. Sicut enim scibile dicitur relative, non quia ipsum referatur ad
scientiam, sed quia scientia referatur ad ipsum, ut habetur V Metaph., ita Deus
dicitur relative, quia creaturae referuntur ad ipsum. # 1. Il faut donc dire que dans les relations de ce genre, quelque
chose rйpond du cфtй de la chose, а savoir la relation de la crйature а Dieu.
Car de mкme qu'on parle du connaissable relativement, non parce qu'il se rйfиre
а la connaissance, mais parce que la connaissance se rйfиre а lui, comme on le
trouve en Mйtaphysique (V, 15, 1020 b 318),
de mкme on parle de Dieu relativement, parce que les crйatures se rйfиrent а
lui. q. 7 a. 11 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ratio illa procedit
de illis relationibus rationis quae sunt per rationem inventae, et rebus in
intellectu existentibus attributae. Tales autem non sunt relationes istae, sed
consequentes modum intelligendi. # 2. Cette raison procиde de ces relations de raison, trouvйes par
raison et attribuйes а ce qui existe dans l'esprit. Mais ces relations ne sont
pas telles, mais elles suivent le mode de penser. q. 7 a. 11 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut aliquis est
idem sibi realiter, et non solum secundum rationem, licet relatio sit secundum
rationem tantum, propter hoc quod relationis causa est realis, scilicet unitas
substantiae quam intellectus sub relatione intelligit: ita potestas coercendi
subditos est in Deo realiter, quam intellectus intelligit in ordine ad subditos
propter ordinem subditorum ad ipsum; et propter hoc dicitur dominus realiter,
licet relatio sit rationis tantum. Et eodem modo apparet quod dominus esset,
nullo existente intellectu. # 3. De mкme que quelqu'un est rйellement identique а lui-mкme et non
seulement en raison, bien que la relation soit en raison seulement, du fait que
la cause de la relation est rйelle, а savoir l'unitй de la substance que
l'esprit comprend sous la relation, de mкme la puissance de contraindre ceux
qui lui sont soumis est rйellement en Dieu. L'esprit la comprend en rapport а ceux
qui sont soumis а cause du rapport de ceux qui sont soumis а lui9 et c'est pour cela qu'on l'appelle Seigneur,
rйellement, bien que la relation soit de raison seulement. Et de la mкme
maniиre, il apparaоt qu'il serait le Seigneur mкme s'il n'existait aucun
esprit. q. 7 a. 11 ad 4 Unde patet solutio ad quartum. # 4. Par la apparaоt la solution а l'objection 4. q. 7 a. 11 ad 5 Ad quintum dicendum, quod relatio scientiae Dei
ad creaturam non est primo et per se, ut dictum est prius, sed ad essentiam
creatoris, per quam Deus omnia scit. # 5. La relation de la science de Dieu а la crйature n'est pas en
premier et par soi, comme on l'a dit d'abord (dans le corps de l'article) mais
c'est la relation а l'essence du crйateur, par laquelle Dieu connaоt tout.
1 Parall.: Ia, qu. 6, a. 2, ad 1 —qu. 13, a. 7 —
qu. 28, a. 1, ad 3 — qu. 32, a. 2,— qu. 45,a. 1, ad 3 — IIIa, qu. 35, a. 5 — I Sent.
d8q4a1, ad 3 — d30q1a1, ad 1, a3 c. — CG.
II, 13 — Quodl. I, a. 2, — Quodl.
IX, a. 4. 2
Thomas emploie trois fois le mot ratio (mot
aux nombreux sens). Il semble йvident que les deux premiers emplois n'ont pas
le mкme sens que le troisiиme. C'est pourquoi nous nous sommes permis deux
traductions diffйrentes. 3
ce qui correspond aux secondes intellections. 4
Connaissance en Dieu des crйatures avant la crйation (idйes). 5
La relation de raison est attribuйe paradoxalement а Dieu, puisque c'est
l'esprit humain qui le conзoit! 6
Il s'agit des intellections secondes, ou conceptions secondes. Cf. qu. 1, a. 1
ad 10 — qu. 7, a. 8… 7
Cf. Ia, qu. 13, a. 7 c. 8
Voir qu. 7, a. 1, obj. 5 9
Il exprime ici un rapport rйciproque: rapport de Dieu а ceux qui lui sont
soumis; rapport de ceux qui sont soumis а Dieu.
Question 8:
Ce qu'on appelle relations йternelles en Dieu
q. 8 pr. 1 Et primo quaeritur utrum relationes
dictae de Deo ab aeterno, quae importantur his nominibus pater et filius, sint
relationes reales vel rationis tantum. 1. Les relations appelйes йternelles en Dieu, rapportйes sous les noms
de "Pиre" et de "Fils", sont-elles rйelles ou de raison
seulement? q. 8 pr. 2 Secundo
utrum relatio in Deo sit eius substantia. 2. La relation en Dieu est-elle sa substance? q. 8 pr. 3 Tertio utrum relationes constituant et distinguant
personas et hypostases. 3. Les relations constituent-elles et distinguent-elles les personnes
et les hypostases? q. 8 pr. 4 Quarto utrum remota relatione secundum intellectum,
remaneat hypostasis in divinis. 4. Si on exclut en esprit la relation, l'hypostase demeure-t-elle en
Dieu?
Article 1: Les relations appelйes йternelles en Dieu, rapportйes par
les noms de "Pиre" et "Fils", sont-elles rйelles ou de
raison seulement?
q. 8 a. 1 tit. 1 Et primo quaeritur utrum
relationes dictae de Deo ab aeterno, quae importantur his nominibus pater et
filius, sint relationes reales, vel rationis tantum. Et videtur quod non sint
reales. Il semble qu'elles ne soient pas rйelles1
. Objections: q. 8 a. 1 arg. 1 Quia, ut dicit Damascenus, in substantiali
Trinitate commune quidem et unum re consideratur, cognitione vero et intellectu
est quod diversum vel distinctum est. Sed
distinctio personarum fit per relationes. Ergo relationes in divinis sunt
rationis tantum. 1 Parce que, comme le dit Jean Damascиne (La foi orthodoxe I, 11): "2." Mais la distinction des personnes se
fait par les relations. Donc3 les
relations en Dieu sont de raison seulement. q. 8 a. 1 arg. 2 Praeterea, Boetius dicit: similis est relatio
patris ad filium in Trinitate, et utriusque ad spiritum sanctum, ut eius quod
est idem ad id quod idem est. Sed relatio identitatis est rationis tantum. Ergo
et relatio paternitatis et filiationis. 2. Boиce dit (La Trinitй, VI4): "Semblable est la relation du Pиre au
Fils dans le Trinitй et de l'un et l'autre а l'Esprit saint, comme ce qui est
du mкme au mкme5". Mais la
relation d'identitй est de raison seulement. Donc celle de paternitй et de
filiation aussi. q. 8 a. 1 arg. 3 Praeterea, in Deo ad creaturam non est relatio
realis, propter hoc quod Deus sine sui mutatione creaturas producit, ut
Augustinus dicit. Sed multo magis sine mutatione producit pater filium, et
filius procedit a patre. Ergo non est aliqua realis relatio patris ad filium in
divinis, vel e contrario. 3. En Dieu il n'y a pas de relation rйelle а la crйature, du fait qu'il
les produit sans changement de sa part, comme Augustin le dit (La Trinitй. V,
XVI, 17). Mais c'est encore avec beaucoup moins de changement que le Pиre
produit le Fils, et que le Fils procиde du Pиre. Donc il n'y a pas de relation
rйelle du Pиre au Fils ou inversement. q. 8 a. 1 arg. 4 Praeterea, ea quae non sunt perfecta, Deo non
attribuuntur, sicut privatio, materia et motus. Sed relatio inter omnia entia
habet debilius esse intantum quod eam quidam aestimaverunt de secundis
intellectis, ut patet per Commentatorem. Ergo in Deo esse non potest. 4. Ce qui n'est pas parfait n'est pas attribuй а Dieu, comme la
privation, la matiиre et le mouvement. Mais la relation entre tous les йtants a
l’кtre le plus faible au point que certains l'ont considйrйe comme des
intellections secondes6, comme
on le voit chez le Commentateur (Mйtaphysique
XI, 19). Donc elle ne peut pas exister en Dieu. q. 8 a. 1 arg. 5 Praeterea, omnis relatio in creaturis
compositionem facit cum eo cuius est relatio: non enim potest una res alteri
inesse sine compositione. Sed in Deo nulla compositio esse potest. Ergo in eo
non potest esse realis relatio. 5. Toute relation dans les crйatures amиne une composition avec ce dont
elle est relation: car une chose ne peut кtre en une autre sans composition.
Mais en Dieu il ne peut y avoir aucune composition. Donc il ne peut pas y avoir
en lui de relation rйelle. q. 8 a. 1 arg. 6 Praeterea, simplicissima seipsis differunt.
Sed divinae personae sunt simplicissimae. Ergo seipsis differunt, et non per
relationes aliquas; ergo non oportet relationes in Deo ponere, cum ad nihil
aliud ponantur nisi ad distinguendas personas. 6. Les choses les plus simples diffиrent entre elles. Mais les
personnes divines sont extrкmement simples. Donc elles diffиrent entre elles,
mais ce n'est pas par des relations7;
donc il ne faut pas en placer en Dieu, puisqu'on les placerait pour rien
d'autre que de distinguer les personnes. q. 8 a. 1 arg. 7 Praeterea, sicut relationes sunt proprietates
personarum divinarum, ita attributa absoluta sunt proprietates essentiae. Sed
attributa absoluta sunt in Deo secundum rationem tantum. Ergo relationes sunt
in Deo secundum rationem et non reales. 7. Les relations sont les propriйtйs des personnes divines, de mкme les
attributs absolus sont les propriйtйs de l'essence. Mais en Dieu ces attributs
sont en raison seulement. Donc les relations en Dieu sont en raison et non
rйelles. q. 8 a. 1 arg. 8 Praeterea, perfectum est cui nihil deest, ut
dicitur III Phys. Sed substantia divina est
perfectissima. Ergo nihil quod ad perfectionem pertineat, ei deest. Superfluum
est ergo ponere relationes in Deo. 8. Est parfait ce а quoi rien ne manque, comme il est dit en Physique (III, 6, 207 a 8 – 207 a 138). Mais la substance divine est
absolument parfaite. Donc rien qui concerne la perfection ne lui manque. Donc
il est superflu de poser des relations en Dieu. q. 8 a. 1 arg. 9 Praeterea, cum Deus sit summum rerum
principium et ultimus finis, ea quae oportet in alia priora reduci, in Deo esse
non possunt, sed solum ea ad quae alia reducuntur: sicut esse mobile reducitur
ad immobile, et per accidens ad per se; et propter hoc Deus non movetur, nec
est in eo aliquod accidens. Sed omne quod
dicitur ad aliud, reducitur ad absolutum quod ad se est. Ergo nihil est in
Deo ad aliud, sed solum ad se tantum dictum. 9. Comme Dieu est le principe suprкme des choses et leur fin ultime, ce
qui doit кtre ramenй а d'autres choses antйrieures, ne peut pas exister en lui,
mais seulement ce а quoi les autres choses sont ramenйes; ainsi l'кtre mobile
est ramenй а l'immobile et ce qui est par accident au par soi, et c’est pour
cela que Dieu n'est pas mы, et qu’il n'y a en lui aucun accident. Mais tout ce
qu'on appelle relatif est ramenй а l'absolu qui est pour soi. Donc
rien n'est en Dieu qui est relatif mais seulement ce qui est dit pour soi. q. 8 a. 1 arg. 10 Praeterea, Deum esse per se necesse est. Sed
omne quod est per se necesse esse, est absolutum: relativum enim non potest
esse sine correlativo. Quod autem est per se necesse esse, etiam alio remoto
esse potest. Ergo in Deo non est aliqua relatio realis. 10. Il est nйcessaire que Dieu soit par soi. Mais tout ce qui est
nйcessaire par soi est absolu; le relatif en effet ne peut pas exister sans
corrйlatif. Mais ce qui est par soi a nйcessitй d'кtre, mкme si l'autre est
exclu, il peut exister. Donc en Dieu il n'y a pas de relation rйelle. q. 8 a. 1 arg. 11 Praeterea, omnis relatio realis, ut in
praecedenti quaestione, est habitum, consequitur aliquam quantitatem vel
actionem vel passionem. Sed quantitas in Deo non est: dicimus enim Deum sine
quantitate magnum, ut Augustinus dicit. Numerus etiam in eo non est, ut dicit
Boetius, quem relatio consequi posset, etsi ponatur numerus quem relatio facit.
Oportet ergo, si est relatio realis in Deo, quod competat
Deo secundum aliquam eius actionem. Non autem potest secundum actionem qua
creaturas producit, quia in quaestione praecedenti, est habitum quod in Deo non
est realis relatio ad creaturam. Nec iterum secundum actionem personalem quae
ponitur in divinis, sicut est generare: nam cum generare in divinis non sit
nisi suppositi distincti, distinctionem autem sola relatio facit in divinis,
oportet praeintelligere relationem tali actioni; et sic relatio talem actionem
consequi non potest. Restat ergo, si aliquam actionem consequatur relatio
realiter in Deo existens quod consequatur actionem eius aeternam vel
essentialem quae est intelligere et velle. Sed etiam hoc esse non potest:
huiusmodi enim actionem consequitur relatio intelligentis ad intellectum, quae
in Deo reales non sunt,- alias oporteret quod intelligens et intellectum
realiter in divinis distinguerentur,- quod patet esse falsum, quia utrumque de
singulis personis praedicatur: non solum enim pater est intelligens, sed et
filius et spiritus sanctus; similiter et quilibet eorum est in intellectu. Nulla
ergo relatio realis in Deo esse potest, ut videtur. 11. Toute relation rйelle, comme on l'a vu dans la prйcйdente question
(qu. 7, a. 9), dйcoule de la quantitй, de l'action ou de la passion. Mais il
n'y a pas de quantitй en Dieu; car nous disons que Dieu est grand sans
quantitй, comme Augustin le dit (La
Trinitй, V, 1, 29). Mais il n'y a
pas non plus de nombre en lui, comme le dit Boиce (La Trinitй, V) dont puisse dйcouler une relation, mкme si on place
un nombre que la relation йtablit. Il faut donc, si la relation est rйelle en
Dieu, qu'elle lui convienne selon une de ses actions. Mais il ne le peut pas
avec l'action par laquelle il produit les crйatures, parce que dans la question
prйcйdente (qu. 7, a. 10) on a vu qu'en Dieu il n'y a pas de relation rйelle
avec la crйature. Ni а nouveau avec une action personnelle placйe en lui, comme
la gйnйration, car engendrer en Dieu ne venant que d'un suppфt distinct, seule
la relation apporte en lui la distinction, il faut la concevoir avant une telle
action. Et ainsi la relation ne peut pas en dйcouler. Donc il reste, si la
relation qui existe rйellement en Dieu dйcoule d'une action, elle dйcoulerait
de son action йternelle ou essentielle qui est l'intellection et le vouloir.
Mais cela non plus n'est pas possible; car la relation de celui qui pense а ce
qui est pensй, qui en Dieu ne sont pas des relations rйelles, dйcoule d'une
action de ce genre — autrement il faudrait que celui qui pense et ce qui est
pensй soient rйellement distinguйs en Dieu — ce qui paraоt faux, parce que l’un
et l’autre sont attribuйs а chaque personne en particulier; car non seulement
la Pиre pense mais le Fils et l'Esprit saint pensent aussi; il en est de mкme
pour n’importe lequel d’entre eux qui est dans l'esprit. Donc aucune relation
rйelle ne peut exister en Dieu, а ce qu'il semble. q. 8 a. 1 arg. 12 Praeterea, ratio naturalis humana potest
pervenire ad cognitionem divini intellectus; probatum est enim demonstrative a
philosophis quod Deus est intelligentia. Si ergo actionem intellectus
consequantur relationes reales, quae in divinis personas distinguere dicuntur,
videtur quod per rationem humanam Trinitas personarum inveniri posset, et sic
non esset articulus fidei: nam fides est sperandarum substantia rerum,
argumentum non apparentium. 12. La raison humaine naturelle peut parvenir а la connaissance de
l'esprit divin, car il a йtй prouvй dйmonstrativement par les philosophes que
Dieu est une intelligence. Donc si les relations rйelles, qui, dit-on
distinguent les personnes en Dieu, dйcoulent de l'action de l'intellect, il
semble que la Trinitй des personnes pourrait кtre dйcouverte par le raison
humaine, et ainsi ce ne serait pas un article de foi: Car "la foi est la
substance de ce qu’on espиre, rйalitй de ce qu’on ne voit pas." (Hй. 11, 1). q. 8 a. 1 arg. 13
Praeterea, relativa opposita contra alia opposita dividuntur. In Deo
autem alia genera oppositionis poni non possunt. Ergo nec relatio. 13. Les opposйs relatifs sont sйparйs des autres opposйs. Mais en Dieu
on ne peut pas placer d'autres genres d'opposition. Donc pas de relation non
plus. En sens contraire: q. 8 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Boetius dicit, quod sola relatio
multiplicat Trinitatem. Haec autem multiplicatio non est secundum rationem
tantum, sed secundum rem, ut patet per Augustinum, qui dicit, quod pater et
filius et spiritus sanctus sunt tres res. Ergo oportet quod relatio sit in
divinis non solum rationis, sed etiam rei. 1. Boиce dit (La Trinitй, V,
110) que seule la relation multiplie
la Trinitй. Cette multiplication n'est pas en raison seulement, mais rйelle,
comme on le voit chez Augustin qui dit (La Trinitй I, IV, 7) que le Pиre, le
Fils et l'Esprit saint sont trois rйalitйs (res). Donc il faut que la relation
existe en Dieu non seulement en raison, mais en rйalitй. q. 8 a. 1 s. c. 2 Praeterea, nulla res constituitur nisi per
rem. Sed relationes in divinis sunt proprietates constituentes personas;
persona autem est nomen rei. Ergo oportet et relationes in divinis res esse. 2. Rien n'est constituй qu'en rйalitй. Mais les relations en Dieu sont
les propriйtйs qui constituent les personnes, or la personne est le nom de la
rйalitй. Donc il faut que les relations soit rйelles en Dieu. q. 8 a. 1 s. c. 3 Praeterea, perfectior est generatio in
divinis quam in creaturis. Sed ad generationem in creaturis sequitur relatio
realis, scilicet patris et filii. Ergo multo fortius in divinis sunt
relationes reales. 3. La gйnйration est plus parfaite en Dieu que dans les crйatures. Mais
de la gйnйration dans les crйatures dйcoule une relation rйelle, а savoir celle
du pиre et du fils. Donc а plus forte raison les relations sont rйelles en
Dieu. Rйponse: q. 8 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod, sententiam fidei
Catholicae sequentes, oportet dicere in divinis relationes reales esse. Ponit
enim fides Catholica tres personas in Deo unius essentiae. Numerus autem omnis
aliquam distinctionem consequitur: unde oportet quod in Deo sit aliqua
distinctio non solum respectu creaturarum, quae a Deo per essentiam differunt,
sed etiam respectu alicuius in divina essentia subsistentis. Ceux qui suivent la doctrine de la foi catholique doivent dire que les
relations sont rйelles en Dieu. Car la foi йtablit qu'il y a trois personnes
d'une seule essence. Mais tout nombre dйcoule d'une distinction: c'est pourquoi
il faut qu'il y ait en Dieu une distinction non seulement par rapport aux
crйatures, qui diffиrent de lui par l'essence, mais aussi par rapport а ce qui
subsiste dans l'essence divine. Haec autem distinctio non potest esse secundum aliquod
absolutum: quia quidquid absolute in divinis praedicatur, Dei essentiam
significat; unde sequeretur quod personae divinae per essentiam
distinguerentur, quod est haeresis Arii. Relinquitur ergo quod per sola
relativa distinctio in divinis personis attenditur. Cette distinction ne peut pas кtre un absolu: parce que ce qui est
attribuй а Dieu dans l’absolu signifie son essence. Aussi il en dйcoulerait que
les personnes divines seraient distinguйes par l'essence, ce qui est l'hйrйsie
d'Arius11. Donc il reste que la
distinction dans les personnes divines est atteinte par les seules relations.. Haec tamen distinctio non potest esse rationis tantum: quia
ea quae sunt sola ratione distincta, nihil prohibet de se invicem praedicari,
sicut dicimus principium esse finem, quia punctum unum secundum rem est
principium et finis, licet ratione differat; et ita sequeretur quod pater est
filius et filius pater, quia, cum nomina imponantur ad significandum rationes
nominum, sequeretur quod personae in divinis non distinguerentur nisi secundum
nomina: quod est haeresis Sabelliana. Cette distinction ne peut pas кtre que de raison seulement: car rien
n’empкche que ce qui est distinguй en raison seulement ne soit attribuй
rйciproquement а soi. Ainsi nous disons que le principe est la fin, parce qu'un
seul point est en rйalitй principe et fin, bien qu'ils diffиrent en raison, et
ainsi il en dйcoulerait que le Pиre est le Fils et le Fils est le Pиre, parce
que, comme les noms sont employйs pour signifier leurs relations, il en
dйcoulerait que les personnes ne seraient distinguйes que par les noms. Ce qui
est l'hйrйsie de Sabellius12. Relinquitur ergo quod oportet dicere, relationes in Deo
quasdam res esse: quod qualiter sit, sequendo sanctorum dicta, investigari
oportet, licet ad plenum ad hoc ratio pervenire non possit. Sciendum est ergo,
quod cum realis relatio intelligi non possit, nisi consequens quantitatem vel
actionem seu passionem, oportet quod aliquo istorum modorum ponamus in Deo
relationem esse. Donc il reste qu'il faut dire que les relations en Dieu sont des
rйalitйs; de quelque maniиre que ce soit, en suivant les paroles des saints, il
faut faire des recherches, bien que la raison ne puisse y parvenir
parfaitement. Donc il faut savoir que, comme la relation ne pourrait кtre
comprise que si elle dйcoulait de la quantitй, de l'action ou de la passion, il
faut que par l'une de ces maniиres nous йtablissions qu'il y a en Dieu une
relation. In Deo autem quantitas esse non potest, neque continua neque
discreta, nec aliquid cum quantitate similitudinem habens, nisi multitudo quam
relatio facit, cui oportet relationem praeintelligere, et unitas quae essentiae
competit, ad quam relatio consequens non est realis, sed rationis tantum; sicut
relatio quam importat hoc nomen idem, ut supra dictum est. Or en Dieu la quantitй ne peut pas exister, ni continue, ni discrиte13 ni rien qui ressemble а la quantitй, sinon
une pluralitй que la relation йtablit; il faut y comprendre cette relation
avant, et l'unitй qui appartient а l'essence, pour laquelle la relation qui en
dйcoule n'est pas rйelle, mais de raison seulement; comme la relation
qu'apporte le mot identique, comme on l'a dit ci-dessus (qu. 7, 10 c.). Relinquitur ergo quod oportet in eo ponere relationem
actionem consequentem. Actionem dico non quae in aliquod patiens transeat: quia
in Deo nihil potest esse patiens, cum non sit ibi materia; ad id autem quod est
extra Deum, non est in Deo realis relatio, ut ostensum est. Il reste donc qu'il faut placer en lui une relation qui dйcoule de
l'action. Je dis action, mais pas celle qui passe dans un patient, car en Dieu
rien ne peut кtre un patient, puisqu'il n'y a pas de matiиre, car il n'y a pas
de relation rйelle avec ce qui est hors de lui, comme on l'a montrй (qu. 7, a.
10). Relinquitur ergo quod consequatur relatio realis in Deo
actionem manentem in agente: cuiusmodi actiones sunt intelligere et velle in
Deo. Sentire enim, cum organo corporeo compleatur, Deo non potest competere,
qui est omnino incorporeus. Et propter hoc dicit Dionysius, quod in Deo est
paternitas perfecta, idest non corporaliter nec materialiter, sed
intelligibiliter. Intelligens autem in intelligendo ad quatuor potest habere
ordinem: scilicet ad rem quae intelligitur, ad speciem intelligibilem, qua fit
intellectus in actu, ad suum intelligere, et ad conceptionem intellectus. Il reste donc que la relation rйelle en Dieu dйcoule de l'action
immanente dans l'agent: les actions de ce genre sont l'intellection et le
vouloir. En effet, la sensation йtant effectuйe par un organe corporel, ne peut
appartenir а Dieu qui est tout а fait incorporel. Et c'est pour cela que Denys
(Les noms divins, XI) dit qu'en Dieu
la paternitй est parfaite, c'est-а-dire ni corporelle, ni matйrielle, mais
intellectuelle. Dans l’intellection celui qui pense peut avoir rapport а quatre
choses: а savoir a) а ce qui est pensй, b) а l'espиce intelligible, qui le
constitue en acte, c) а son intellection et d) au concept de l'esprit14. Quae quidem conceptio a tribus praedictis differt. A re quidem intellecta, quia res intellecta est interdum
extra intellectum, conceptio autem intellectus non est nisi in intellectu; et
iterum conceptio intellectus ordinatur ad rem intellectam sicut ad finem:
propter hoc enim intellectus conceptionem rei in se format ut rem intellectam
cognoscat. Differt autem a specie intelligibili: nam species
intelligibilis, qua fit intellectus in actu, consideratur ut principium
actionis intellectus, cum omne agens agat secundum quod est in actu; actu autem
fit per aliquam formam, quam oportet esse actionis principium. Ce dernier concept diffиre des trois autres: a) De ce qui est pensй, parce qu’elle est parfois hors de l'esprit,
mais la conception de l'esprit n'est qu'en lui, et en plus cette conception est
ordonnйe а ce qui est pensй, comme а sa fin. Car c'est pour la connaоtre que
l'intellect forme en lui la conception de la chose. b) Il diffиre aussi de l’espиce (species) intelligible: car celle-ci,
par laquelle l'esprit devient en acte, est considйrйe comme le principe de son
action, puisque tout agent agit selon qu'il est en acte, mais il devient en
acte par une forme qui doit кtre le principe de l'action. Differt autem ab actione intellectus: quia praedicta
conceptio consideratur ut terminus actionis, et quasi quoddam per ipsam
constitutum. Intellectus enim sua actione format rei definitionem, vel etiam
propositionem affirmativam seu negativam. Haec autem conceptio intellectus in
nobis proprie verbum dicitur: hoc enim est quod verbo exteriori significatur:
vox enim exterior neque significat ipsum intellectum, neque speciem
intelligibilem, neque actum intellectus, sed intellectus conceptionem qua
mediante refertur ad rem. c) Il diffиre de l’action de l’esprit, parce que cette conception en
est considйrйe comme le terme, et comme quelque chose de constituй par elle.
Car l'intellect, par son action, forme la dйfinition ou aussi la proposition
affirmative ou nйgative. Cette conception de l'esprit en nous est proprement
appelйe verbe. Car c'est lui qui est signifiй par le verbe extйrieur, car la
voix extйrieure ne signifie pas l'esprit mкme, ni l'espиce intelligible, ni
l'acte de l'esprit, mais sa conception par l'intermйdiaire de laquelle elle a
rapport а la rйalitй. Huiusmodi ergo conceptio, sive verbum, qua intellectus
noster intelligit rem aliam a se, ab alio exoritur, et aliud repraesentat.
Oritur quidem ab intellectu per suum actum; est vero similitudo rei
intellectae. Cum vero intellectus seipsum intelligit, verbum praedictum, sive
conceptio, eiusdem est propago et similitudo, scilicet intellectus seipsum
intelligentis. Et hoc ideo contingit, quia effectus similatur causae secundum
suam formam: forma autem intellectus est res intellecta. Et ideo verbum quod
oritur ab intellectu, est similitudo rei intellectae, sive sit idem quod
intellectus, sive aliud. Donc un tel concept, ou verbe, par lequel notre esprit comprend ce qui
est autre que lui, vient d'un autre et reprйsente un autre. Il prend naissance
de l'esprit par son acte, il est l’image de ce qui est pensй. Mais quand
l'esprit se pense lui-mкme, ce verbe dont on parle, ou son concept est son
rejeton et son image, celle de l'esprit qui se pense lui-mкme. Et cela arrive,
parce que l'effet ressemble а sa cause quant а la forme; mais la forme de
l'esprit est ce qui est pensй. Et c'est pourquoi le verbe qui prend naissance de
l'esprit est l’image de ce qui est pensй, qu’il soit identique а l'esprit ou
autre15. Huiusmodi autem verbum nostri intellectus, est quidem
extrinsecum ab esse ipsius intellectus (non enim est de essentia, sed est quasi
passio ipsius), non tamen est extrinsecum ab ipso intelligere intellectus, cum
ipsum intelligere compleri non possit sine verbo praedicto. Un tel verbe de notre esprit est extйrieur а l'кtre de l'esprit
lui-mкme (car il ne vient pas de l'essence, mais est pour ainsi dire sa
passion), l'intellection n'est cependant pas extйrieure а lui, puisqu’elle ne
peut pas кtre complйtйe sans ce verbe. Si ergo aliquis intellectus sit cuius intelligere sit suum
esse, oportebit quod illud verbum non sit extrinsecum ab esse ipsius
intellectus, sicut nec ab intelligere. Huiusmodi autem est intellectus divinus:
in Deo enim idem est esse et intelligere. Oportet ergo quod eius verbum non sit
extra essentiam eius, sed ei coessentiale. Si donc il y a un esprit dont l'intellection soit son кtre propre, il
faudra que ce verbe ne soit pas hors de l’esprit, ni non plus de son
intellection. Mais l'esprit divin est tel. Car en Dieu l’кtre et l’intellection
sont identiques. Il faut donc que son verbe ne soit pas hors de son essence, mais
lui soit coessentiel. Sic ergo in Deo potest inveniri origo alicuius ex aliquo,
scilicet verbi et proferentis verbum, unitate essentiae servata. Ubicumque enim
est origo alicuius ab aliquo, ibi oportet ponere realem relationem vel tantum
ex parte eius quod oritur, quando non accipit eamdem naturam quam habet suum
principium, sicut patet in exortu creaturae a Deo; vel ex parte utriusque,
quando scilicet oriens attingit ad naturam sui principii, sicut patet in
hominum generatione, ubi relatio realis est et in patre et in filio. Verbum
autem in divinis est coessentiale suo principio, ut ostensum est. Relinquitur
ergo quod in divinis sit realis relatio et ex parte verbi et ex parte
proferentis verbum. Ainsi donc en Dieu on peut trouver l'origine de l'un а partir de
l'autre, а savoir celle du Verbe et de celui qui le profиre, tout en conservant
l'unitй de l'essence. Car partout oщ il y a origine d'une chose а partir d'un
autre, il faut placer une relation rйelle surtout du cфtй de ce dont elle est
issue, quand elle ne reзoit pas la mкme nature que son principe, comme cela
apparaоt dans la sortie de la crйature de Dieu, ou du cфtй de l'un et l'autre,
quand par exemple ce qui en est issu atteint la nature de son principe, comme
cela apparaоt dans la gйnйration de l'homme oщ la relation est rйelle dans le
pиre et le fils. Mais le Verbe en Dieu est coessentiel а son principe, comme on
l'a montrй. Il reste donc qu'en Dieu il y a une relation rйelle, du cфtй du
Verbe et de celui qui le profиre
Solutions: q. 8 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in divinis
personis re quidem essentiali est unitas; distinctio vero ratione, id est
relatione, quae non differt ab essentia re, sed sola ratione, ut infra patebit. # 1. Dans les personnes divines l'unitй est de l’essence, et la
distinction est de raison, c'est-а-dire par une relation qui ne diffиre pas
rйellement de l’essence, mais seulement en raison, comme cela apparaоtra plus
bas. q. 8 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod relatio quae est in
divinis personis habet quidem similitudinem cum relatione identitatis, si
unitas essentiae consideretur; sed si consideretur origo unius ab alio in eadem
natura, ex hoc relationes praedictas oportet esse reales. # 2. La relation, dans les personnes divines, ressemble а la relation
d'identitй, si on considиre l'unitй de l'essence, mais si on considиre
l'origine de l'un а partir de l'autre dans une mкme nature, alors il faut que
ces relations soient rйelles. q. 8 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut Deus non mutatur
in productione suae creaturae, ita non mutatur in productione sui verbi: sed
tamen creatura non attingit ad essentiam et naturam divinam; unde essentia
divina non communicatur creaturae. Et propter
hoc relatio Dei ad creaturam non fit propter aliquid quod sit in Deo, sed solum
secundum id quod fit ex parte creaturae. Sed verbum producitur ut coessentiale
ipsi Deo; et ideo secundum id quod in Deo est, refertur Deus ad suum verbum,
non solum secundum id quod ex parte verbi est. Tunc enim est relatio realis ex
parte unius et non ex parte alterius, quando relatio consequitur per id quod
est ex uno, et non per id quod ex alio, sicut patet in scibili et scientia:
huiusmodi enim relationes causantur per actum scientis, non per aliquid
scibile. # 3. Dieu ne subit pas de changement dans la production de sa crйature,
de mкme il n’en subit pas non plus dans le production de son Verbe, mais
cependant la crйature ne concerne pas l'essence et la nature divine; c'est
pourquoi l'essence divine n'est pas communiquйe а la crйature. Et la relation
de Dieu а la crйature ne se fait pas а cause de quelque chose qui serait en
Dieu, mais seulement selon ce qui se fait du cфtй de la crйature. Mais le Verbe
est produit comme coessentiel а Dieu mкme; et c'est pourquoi Dieu, selon ce qui
est en lui, est en relation avec son Verbe, et pas seulement selon ce qui est
du cфtй du verbe. Car alors c'est une relation rйelle du cфtй de l'un et non du
cфtй de l'autre, quand la relation dйcoule de ce qui vient de l'un et non de ce
qui vient de l'autre, comme on le voit pour le connaissable et la connaissance,
car les relations de ce genre sont causйes par l'acte de celui qui connaоt, non
par quelque chose de connaissable. q. 8 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod relatio habet esse
debilissimum quod est eius tantum; sic tamen non est in Deo: non enim habet
aliud esse quam esse substantiae, ut infra patebit; unde ratio non sequitur. # 4. La relation possиde un кtre trиs faible, parce qu'elle ne vient
que d'elle seulement, cependant il n’en est pas ainsi en Dieu, car elle n'a pas
d'autre кtre que celui de la substance, comme on le verra plus loin (8, 2);
c'est pourquoi celle raison ne vaut pas. q. 8 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod ratio illa procedit de
relatione reali, quae habet aliud esse ab esse substantiae cui inest; sic autem
non est in proposito, ut infra patebit. # 5. Cette raison procиde de la relation rйelle, qui a un кtre
diffйrent de celui de la substance en qui elle est; mais ainsi elle ne concerne
pas notre propos, comme on le verra plus loin. q. 8 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod cum personae divinae
relationibus distinguantur, non alio differunt quam seipsis, quia relationes
sunt ipsae personae subsistentes, ut infra, patebit. # 6. Comme les personnes divines sont distinguйes par des relations,
elles ne diffиrent de l'autre que par elles-mкmes, parce que les relations sont
les personnes mкme subsistantes, comme cela apparaоtra plus bas (article 4). q. 8 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod attributa essentialia
quae sunt proprietates essentiae, sunt in Deo realiter, et non secundum
rationem. Bonitas enim Dei est res quaedam, et similiter eius sapientia, et ita
de aliis, licet ab essentia non differant nisi ratione; sic etiam est de
relationibus, ut infra patebit. # 7. Les attributs essentiels, qui sont les propriйtй de l'essence sont
en Dieu rйellement et non en raison. Car la bontй de Dieu est une rйalitй et sa
sagesse aussi, de mкme pour les autres attributs, bien qu'ils ne diffиrent de
l'essence qu'en raison et il en est ainsi des relations, comme cela paraоtra
plus loin. q. 8 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod substantia Dei esset
imperfecta si aliquid ei inesset quod non esset ipsa. Relatio autem in Deo est
substantia eius, ut infra patebit; unde ratio non sequitur. # 8. La substance de Dieu serait imparfaite, s'il y avait quelque chose
en lui qui ne soit pas sa substance. Or la relation en Dieu est sa substance,
comme on le verra plus loin, c'est pourquoi cette raison ne convient pas. q. 8 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod mobile et accidens
reducuntur ad aliquid prius sicut imperfectum ad perfectum. Nam
accidens imperfectum est, et similiter motus est imperfecti actus. Sed hoc quod
dicitur ad aliud, quandoque sequitur perfectionem rei, sicut patet in
intellectu: nam consequitur eius operationem quae est eius perfectio; et ideo
perfectio divina non prohibet relationem in Deo ponere sicut prohibet ibi
ponere motum et accidens. # 9. Le mobile et l'accident sont ramenйs а ce qui est avant comme
l'imparfait au parfait. Car l'accident est imparfait, et semblablement le
mouvement est d'un acte imparfait. Mais ce qui est appelй relation, quelquefois
dйcoule de la perfection, comme on le voit dans l'esprit; car il poursuit son
opйration qui est sa perfection, et c'est pourquoi la perfection divine
n'empкche pas de poser une relation en Dieu, comme elle empкche d'y poser le
mouvement et l'accident. q. 8 a. 1 ad 10 Ad decimum dicendum, quod id quod necesse est
per se esse, non refertur ad aliquid quod sit extraneum ab ipso: nihil tamen
prohibet quin referatur ad aliquid intra ipsum. Unde cum non dicatur esse
necesse per aliud, dicitur esse necesse per se ipsum. # 10. Ce qui est nйcessairement кtre par soi n’a rapport а rien
d'extйrieur а lui; cependant rien n'empкche qu'il ait rapport а quelque chose
en lui. C'est pourquoi, comme on ne dit pas qu'il est nйcessaire par un autre,
on dit qu'il est nйcessaire par soi. q. 8 a. 1 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod relatio realis in
Deo consequitur actionem intellectus, non quidem ita quod relatio realis
intelligatur intelligentis ad intellectum, sed ad verbum: quia intellectum non
oritur ab intelligente, sed verbum. # 11. La relation rйelle en Dieu dйcoule de l'action de l'esprit, non
de sorte qu’on comprenne la relation rйelle de celui qui pense а la pensйe,
mais au verbe; parce que la pensйe ne prend pas son origine dans celui qui
pense, mais c'est le verbe. q. 8 a. 1 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod licet ratio
naturalis possit pervenire ad ostendendum quod Deus sit intellectus, modum
tamen intelligendi non potest invenire sufficienter. Sicut enim de Deo scire
possumus quod est, sed non quid est; ita de Deo scire possumus quod intelligit,
sed non quo modo intelligit. Habere autem conceptionem verbi in intelligendo,
pertinet ad modum intelligendi: unde ratio haec sufficienter probare non
potest; sed ex eo quod est in nobis aliqualiter per simile coniecturare. # 12. Bien que la raison naturelle puisse parvenir а montrer que Dieu
est un esprit, cependant on ne peut pas arriver а le comprendre suffisamment.
En effet, de mкme que nous pouvons savoir que Dieu existe, mais non ce qu'il
est, de mкme nous pouvons savoir qu'il pense mais non de quelle maniиre il le
fait. Avoir la conception du verbe en pensant convient au mode de penser, c'est
pourquoi cette raison ne peut pas prouver suffisamment, mais elle peut le
conjecturer en nous en quelque maniиre par ce qui lui ressemble. q. 8 a. 1 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod in aliis
oppositionibus semper alterum est ut imperfectum, vel non ens vel ut habens
aliquid de non ente: negatio enim est non ens, et privatio est quaedam negatio,
et duorum contrariorum alterum semper habet aliquid privationis; unde aliae
oppositiones in Deo esse non possunt sicut oppositio relationis, quae ex neutra
parte importat imperfectionem. # 13. Dans les autres oppositions, toujours l'un est comme imparfait ou
comme non йtant ou comme ayant quelque chose du non йtant: car la nйgation
n'est pas le non йtant, et la privation est une certaine nйgation et l'un des
deux contraires a toujours quelque chose d'une privation: c'est pourquoi les
autres oppositions en Dieu ne peuvent pas exister comme une opposition de
relation, qui n'apporte d'imperfection ni d'un cфtй ni de l'autre.
1 Parall.: 1a, qu. 28, a. 1 — a. 2, —qu. 29,
a. 4 c. — qu. 39, a. 1,— qu. 40, a. 1 — CG. IV, 14—I sent. d26q2a1. — d33q1a1
— Pot. qu. 2, a. 1, ad 3, ad 12 — Quodl. VI, a. 1, — Comp. 53. 2
Dйjа йvoquй en Pot. qu. 2, a. 1, obj. 4, а propos de la puissance gйnйrative du
Pиre. 3
Pourquoi cette conclusion? Parce que la relation n'est ni commune, ni une. 4
PL. 64 1255 A – 1256 A. 5
"…c'est une relation de ce type qui est, dans la Trinitй, celle du Pиre au
Fils et de l'un а l'autre а l'Esprit saint, celle de ce qui est le mкme а ce
qui est le mкme." (Courts traitйs de Thйologie, Trad. H. Merle, p. 143).
Le Pиre est Dieu, le Fils est Dieu: la relation est de Dieu а Dieu. 6
Sur les intellections secondes, ("intentions secondes" ou aspect
logique de la rйalitй) voir Pot. qu. 1, a. 1 – qu. 7, a. 8 – qu. 7, a. 9— qu.7,
a. 11. 7
Ce serait donc du fait d'йtants diffйrents. 8
La chose qui n’a plus rien au-delа est achevйe et entiиre …Mais ce а quoi
manque quelque chose qui reste au dehors n'est pas un tout si peu qu'il lui
manque, car nous dйfinissons l'entier ce dont rien n'est absent. (Physique, III, 6, 207 a 8) 9
"Concevons donc Dieu, si nous pouvons, autant que nous pouvons, bon sans
qualitй, grand sans quantitй…" (Trad. BA. 15, p. 427) 10
"Ainsi donc, la substance maintient l'unitй, la relation introduit un
йlйments multiple dans la Trinitй." (Trad. H. Merle). 11
Pour Arius, voir Pot. qu. 2, a. 3. 12
Hйrйsie du Modalisme reprochйe а Sabellius (IIIe siиcle). La monarchianisme de
Praxйas et de Noлt (IIe siиcle) est proche de cette hйrйsie. Les noms de Pиre,
Fils, Esprit dйsignent une mкme personne et sont des attributs ou des modes
accidentels d’un mкme Dieu, personnel et crйateur, Rйdempteur et
sanctificateur. 13
"La quantitй est soit discrиte, soit continue." (Les Catйgories, 6, 4 b 20. Trad. J. Tricot.) 14
Thomas dйsigne frйquemment la parole intйrieure comme conception, conceptum,
conceptus. On peut hйsiter pour traduire conceptio entre conception et concept.
Thomas emploi plusieurs mots pour dйsigner la mкme chose. En Ia, qu. 34, a. 1
d: il emploie conceptio, intellectus. Il emploie encore intentio ou ratio.
H.-F. Dondaine traduit (La Trinitй,I, Йd. des Jeunes, p. 217) a) chose connue,
b) la species intelligible qui le constitua en acte de connaissant, c) l'acte
de connaоtre, d) la conception de l'esprit. "Quiconque connaоt
(intelligit) du fait qu'il sait que quelque chose procиde de lui, qui est le
concept de ce qui est connu (quod est conceptio rei intellectae)…on l'appelle
"verbe intйrieur" (verbum cordis). Cf Veritate qu. 4, a. 1 c:Le verbe
intйrieur qui n'est rien d'autre que ce qui est considйrй en acte par
l'intellect… 15
Le verbe a deux aspects: il est objet de la pensйe – il vient d’autre chose.
Article 2: La relation en Dieu est-elle sa substance?
q. 8 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur utrum
relatio in Deo sit eius substantia. Et videtur quod non. Il semble que non1: Objections: q. 8 a. 2 arg. 1 Nulla enim substantia est relatio: haec est
quaedam propositio immediata, sicut et haec: nulla substantia est quantitas.
Ergo nec divina substantia est relatio. 1. Car aucune substance n'est une relation: proposition йvidente, de mкme
que celle-ci: Aucune substance n'est une
quantitй2. Donc la substance
divine n'est pas une relation. q. 8 a. 2 arg. 2 Sed dicendum, quod divina substantia est
relatio secundum rem, non tamen secundum rationem.- Sed contra, ratio cui nihil
respondet in re, est cassa et vana. Sed nihil vane in Deo debet poni. Ergo non
potest esse quod relatio differat ab essentia ratione existente. 2. Mais il faut dire que la
substance divine est une relation en rйalitй, mais non en raison — En sens contraire, le concept а quoi
rien ne correspond en rйalitй est vide et vain. Mais on ne doit rien placer de
vain en Dieu. Donc il n'est pas possible que la relation diffиre de l'essence
si elle existe en raison. q. 8 a. 2 arg. 3 Praeterea, personae divinae distinguuntur
relationibus, sola enim relatio multiplicat Trinitatem, ut dicit Boetius. Si
ergo personae divinae secundum substantiam non distinguuntur,- relatio autem
nihil addit supra substantiam secundum rem, sed solum secundum rationem,-
sequetur quod personae divinae distinguantur solum secundum rationem, quod est haeresis
Sabellianae. 3. Les personnes divines se distinguent par les relations, car seule la
relation multiplie la Trinitй, comme le dit Boиce (La Trinitй VI3). Si donc
les personnes divines ne se distinguent pas par la substance — la relation
n'ajoute rien а la substance en rйalitй, mais seulement en raison — il en
dйcoule que les personnes divines se distinguent seulement en raison, ce qui
est l'hйrйsie de Sabellius4. q. 8 a. 2 arg. 4 Praeterea, personae divinae non distinguuntur
secundum aliquid absolutum, quia sequeretur quod distinguerentur secundum
essentiam, ex hoc quod ea quae de Deo dicuntur absolute significant eius
essentiam, ut bonitas, sapientia, et huiusmodi. Si ergo relationes sunt idem
quod divina substantia, oportebit quod vel personae non distinguantur secundum
relationes, vel quod distinctio personarum sit secundum essentiam. 4. Les personnes divines ne se distinguent pas dans l’absolu, parce
qu'il en dйcoulerait qu'elles se distingueraient selon l'essence, du fait que
ce qui est dit selon l'absolu de Dieu signifie son essence, comme la bontй, la
sagesse5, etc.. Donc si les relations
sont identiques а la substance divine, il faudra que, ou bien les personnes ne
se distinguent pas par les relations ou bien que la distinction des personnes
vienne de l'essence. q. 8 a. 2 arg. 5 Praeterea, si relatio est ipsa substantia Dei,
sequeretur quod sicut Deus et sua magnitudo pertinet ad praedicamentum
substantiae in divinis,- ex hoc quod Deus est sua magnitudo - ita pari ratione
paternitas pertinebit ad praedicamentum substantiae; et sic omne quod de Deo
dicitur, dicetur secundum substantiam; quod est contra Augustinum qui dicit,
quod non omne quod de Deo dicitur, dicitur secundum suam substantiam: dicitur
enim Deus ad aliquid, sicut pater ad filium. 5. Si la relation est la substance mкme de Dieu, il en dйcoulera que,
de mкme que Dieu et sa grandeur conviennent а la catйgorie de la substance — du
fait qu'il est sa propre grandeur — de mкme, а raison йgale, la paternitй
conviendra а la catйgorie de la substance et ainsi tout ce qu'on dit de Dieu,
sera attribuй а la substance; ce qui est contre Augustin (La Trinitй V, 4 et 5) qui dit que ce n'est pas tout ce qu'on dit de
Dieu qui est appelй sa substance; car on parle de Dieu comme relation, en tant
que Pиre vis-а-vis du Fils. q. 8 a. 2 arg. 6
Praeterea, quidquid praedicatur de praedicato, praedicatur de subiecto. Sed si
relatio est ipsa essentia divina, haec praedicatio erit vera: essentia divina
est paternitas; et pari ratione ista: filiatio est divina essentia. Ergo
sequetur quod filiatio est paternitas. 6. Tout ce qui est attribuй а un prйdicat, est attribuй au sujet. Mais
si la relation est l'essence divine elle-mкme, l'attribution suivante est vraie:
L'essence divine est la paternitй; et
а raison йgale: La filiation est
l'essence divine. Donc il en dйcoulera que la filiation est la paternitй. q. 8 a. 2 arg. 7 Praeterea, quaecumque sunt idem, ita se
habent, quod quidquid praedicatur de uno, praedicetur de alio, quia, secundum
philosophum, quantamcumque differentiam assignaverimus, ostendentes erimus quod
non idem. Sed de essentia divina praedicatur quod sit sapiens, quod creet
mundum, et huiusmodi; quae non videntur praedicari posse de paternitate vel
filiatione. Ergo relatio in divinis non est essentia divina. 7. Tout ce qui est identique se comporte de sorte que tout ce qui est
attribuй а l'un, est attribuй а l'autre, parce que, selon le philosophe (Topiques, I, 18, 108 b 26) si
petite que soit la diffйrence que nous aurons attribuйe, nous aurons montrй que
ce n'est pas la mкme chose. Mais on attribue а l'essence divine la sagesse,
la crйation du monde, etc.; ces deux notions qui ne semblent pas pouvoir кtre
attribuйes а la paternitй et ni а la filiation. Donc la relation en Dieu n'est
pas l'essence divine. q. 8 a. 2 arg. 8 Praeterea, id quod facit distinctionem in
divinis personis, non est idem cum eo quod non distinguit nec distinguitur. Sed
relatio in divinis distinguit; essentia autem non distinguit neque
distinguitur. Ergo non sunt idem. 8. Ce qui apporte une distinction dans les personnes divines n'est pas
identique а ce qui n'a apportй ni subit de distinction. Mais la relation a
apportй une distinction en Dieu; et l'essence n'apporte ni ne subit de
distinction. Donc elles ne sont pas identiques. q. 8 a. 2 arg. 9 Praeterea, idem per suam essentiam non potest
esse principium contrariorum, nisi per accidens. Sed distinctio, cuius est
principium relatio in divinis, opponitur unitati, cuius est principium
essentia. Ergo relatio et essentia non sunt idem. 9. Ce qui est identique par essence ne peut кtre le principe des
contraires que par accident. Mais la distinction, dont la relation en Dieu est
le principe, s'oppose а l'unitй, dont le principe est l'essence. Donc la
relation et l'essence ne sont pas identiques. q. 8 a. 2 arg. 10 Praeterea, eorum quae sunt idem, in quocumque
est unum et aliud. Si ergo essentia divina et paternitas est idem, in quocumque
est essentia divina, erit et paternitas. Sed essentia divina est in filio. Ergo
et paternitas; quod patet esse falsum. 10. Parmi chacune de ces choses qui sont identiques, il y en a une et
une autre. Donc si l'essence divine et la paternitй sont identiques, partout oщ
il y a l'essence divine, il y aura la paternitй aussi. Mais l'essence divine
est dans le Fils. Donc la paternitй sera aussi en lui, ce qui paraоt faux. q. 8 a. 2 arg. 11 Praeterea, relatio et essentia differunt
saltem ratione in divinis. Sed ubi est diversa ratio, sive definitio, est
diversorum esse: quia definitio est oratio indicans quid est esse. Ergo aliud
erit esse relationis in divinis, et aliud substantiae. Ergo relatio et
substantia differunt secundum esse, et ita realiter. 11. La relation et l'essence diffиrent au moins en raison en Dieu. Mais
lа oщ il y a une nature (ratio) ou
une dйfinition diffйrentes, cela vient d'кtres diffйrents, parce que la
dйfinition est une proposition qui indique ce qu'est l'кtre. Donc l'кtre de la
relation en Dieu sera diffйrent de celui de la substance. Donc la relation et
la substance diffиrent selon l'кtre et donc rйellement. q. 8 a. 2 arg. 12 Praeterea, ad aliquid dicuntur quorum esse
est ad aliud se habere, ut dicitur in praedicamentis. Esse ergo relationis est
in respectu ad aliud, non autem esse substantiae. Ergo relatio et substantia
non sunt idem secundum esse; et sic idem quod prius. 12. On appelle relation ce dont l'кtre a rapport avec autre chose,
comme on le dit dans Les Catйgories, (les
relations 7, 6 a 367). Donc l'кtre de
la relation est en rapport а autre chose, mais pas l'кtre de la substance. Donc
la relation et la substance ne sont pas identiques selon l'кtre et ainsi de
mкme que ci-dessus. q. 8 a. 2 arg. 13 Praeterea, Augustinus dicit, quod aliquid
dicitur in Deo non substantive sed relative. Quod autem substantiam divinam
significat, dicitur substantialiter. Ergo relatio in divinis non significat
substantiam divinam; et sic idem quod prius. 13. Augustin dйclare (la Trinitй,
V, 4, 5 et 68) qu'on dit qu’il y a
quelque chose en Dieu qui n’est pas substance mais relation. On parle
substantiellement de ce que la substance divine signifie. Donc la relation ne
signifie pas la substance, et ainsi de mкme que plus haut. q. 8 a. 2 arg. 14 Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus non eo
Deus est quo pater est. Sed essentia divina est Deus; paternitate autem est
pater. Ergo essentia non est paternitas; et sic relationes in Deo non sunt
divina substantia. 14. Augustin dit (La Trinitй, VII,
6) que Dieu n'est pas tant Dieu que Pиre. Mais l'essence divine est Dieu, et
par la paternitй il est Pиre. Donc l'essence n'est pas la paternitй, et ainsi les
relations en Dieu ne sont pas la substance divine. En sens contraire: q. 8 a. 2 s. c. 1 Sed contra. Quidquid est in Deo, Deus est, ut
Augustinus dicit. Sed relatio est in Deo, sicut paternitas in patre. Ergo
relatio est ipse Deus, et divina substantia. 1. Tout ce qui est en Dieu est Dieu, comme Augustin le dit (La Trinitй V, 5 et sq.). Mais la
relation est en Dieu, comme la paternitй dans le Pиre. Donc la relation est
Dieu lui-mкme, et la substance divine. q. 8 a. 2 s. c. 2 Praeterea, omne suppositum in quo sunt
diversae res, est compositum. Sed in persona patris est paternitas et essentia.
Si igitur paternitas et essentia divina sunt duae res, sequeretur quod persona
patris sit composita; quod patet esse falsum. Oportet ergo quod relatio in
divinis sit ipsa substantia. 2. Tout suppфt en qui il y a diverses parties est composй. Mais dans la
personne du Pиre, il y a la paternitй et l'essence. Si donc la paternitй et
l'essence divine sont deux rйalitйs, il en dйcoulera que la personne du Pиre
est composйe; il est clair que c’est faux. Il faut donc que la relation en Dieu
soit sa propre substance. Rйponse: q. 8 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod, supposito quod
relationes in divinis sint, de necessitate oportet dicere quod sint essentia
divina: alias oporteret ponere compositionem in Deo, et quod relationes in
divinis essent accidentia, quia omnis res inhaerens alicui praeter suam
substantiam est accidens. Oporteret etiam quod aliqua res esset aeterna, quae
non erit substantia divina; quae omnia sunt haeretica. Si on suppose qu’il y a des relations en Dieu, il faut nйcessairement
dire qu'elles sont l'essence divine, autrement il faudrait placer une
composition en Dieu et les relations seraient des accidents, parce que tout ce
qui est inhйrent а quelque chose au-delа de sa substance est un accident. Il
faudrait aussi qu'une chose qui ne serait pas la substance divine, soit
йternelle, toutes opinions qui sont hйrйtiques. Ad huius ergo evidentiam sciendum est, quod inter novem
genera quae continentur sub accidente, quaedam significantur secundum rationem
accidentis: ratio enim accidentis est inesse; et ideo illa dico significari per
modum accidentis quae significantur ut inhaerentia alteri, sicut quantitas et
qualitas; quantitas enim significatur ut alicuius in quo est, et similiter
qualitas. Ad aliquid vero non significatur secundum rationem accidentis: non
enim significatur ut aliquid eius in quo est, sed ut ad id quod extra est. Et
propter hoc etiam dicit philosophus, quod scientia, in quantum est relatio, non
est scientis, sed scibilis. Donc pour йclaircir cette question, il faut savoir que parmi les neuf
genres qui sont contenus sous l'accident, certains sont signifiйs en tant que
tel; car la nature de l'accident est d'кtre inhйrent et c'est pourquoi je dis
qu'est signifiй а la maniиre de l'accident ce qui est signifiй comme inhйrent а
autre chose, comme la quantitй et la qualitй, car la quantitй est signifiйe
comme de ce en quoi elle est, et de mкme la qualitй. Mais la relation n'est pas signifiйe comme ayant nature d'accident,
car on ne la dйfinit pas comme quelque chose de ce en quoi elle est, mais comme
dirigйe vers ce qui est а l'extйrieur. Et c'est pour cela aussi que le
Philosophe dit (Mйtaphysique, V, 15,
1021 a 259) que la connaissance, en
tant que relation, ne vient pas de celui qui connaоt mais du connaissable10. Unde quidam attendentes modum significandi in relativis,
dixerunt, ea non esse inhaerentia substantiis, scilicet quasi eis assistentia:
quia significantur ad quoddam medium inter substantiam quae refertur, et id ad
quod refertur. Et ex Et ex hoc sequebatur quod in rebus creatis relationes non
sunt accidentia, quia accidentis esse est inesse. hoc sequebatur quod in rebus
creatis C'est pourquoi certains examinant
la maniиre de s'exprimer dans les relatifs, ont dit qu'ils ne sont pas
inhйrents aux substances, c'est-а-dire comme une assistance pour elles, parce
qu'ils sont signifiйs pour quelque chose d'intermйdiaire entre la substance qui
est rйfйrйe et ce а quoi elle est rйfйrйe. Et de lа il dйcoulait que dans les
crйatures, les relations ne sont pas des accidents, parce que le propre de
l'accident est d'кtre inhйrent. Unde etiam quidam theologi, scilicet Porretani, huiusmodi
opinionem usque ad divinam relationem extenderunt, dicentes, relationes non
esse in personis, sed eis quasi assistere. Et quia essentia divina est in
personis, sequebatur quod relationes non sunt essentia divina; et quia omne
accidens inhaeret, sequebatur quod non essent accidentia. Et secundum hoc
solvebant verbum Augustini inductum, quod scilicet relationes non praedicantur
de Deo secundum substantiam, nec secundum accidens. Sed ad hanc opinionem
sequitur quod relatio non sit res aliqua, sed solum secundum rationem: omnis
enim res vel est substantia vel accidens. C'est pourquoi aussi, d’anciens
thйologiens11, а savoir les
Porrйtains, ont йtendu une telle opinion а la relations en Dieu, disant qu'elle
n'est pas dans les personnes, mais c'est comme si elles les assistaient12. Et parce que l'essence divine est dans
les personnes, il en dйcoulait que les relations ne sont pas l'essence divine,
et parce que tout accident est inhйrent, il en dйcoulait qu'elles n'йtaient pas
des accidents. Et ils rejetaient ainsi la parole citйe d'Augustin, disant que
les relations ne sont pas attribuйes а Dieu selon la substance, ni selon
l'accident. Mais il dйcoule de cette opinion que la relation n'est pas une
rйalitй, mais elle est seulement de raison, car tout est substance ou accident.
Unde etiam quidam antiqui posuerunt relationes esse de
secundis intellectis, ut Commentator dicit XI Metaph. Et ideo oportet hoc etiam
Porretanos dicere, quod relationes divinae non sunt nisi secundum rationem. Et
sic sequetur quod distinctio personarum non erit realis; quod est haereticum. C'est pourquoi certains anciens
ont pensй que les relations venaient des intellections secondes, comme le dit
le Commentateur (Mйtaphysique, XI,
com. 19). Et c'est pourquoi les Porrйtains sont obligйs de dire que les
relations divines n'existent qu'en raison. Et ainsi il en dйcoulera que la
distinction des personnes ne sera pas rйelle, ce qui est hйrйtique. Unde dicendum est, quod nihil prohibet aliquid esse
inhaerens, quod tamen non significatur ut inhaerens, sicut etiam actio non
significatur ut in agente, sed ut ab agente, et tamen constat actionem esse in
agente. Et similiter, licet ad aliquid non significetur ut inhaerens, tamen oportet
ut sit inhaerens. Et hoc quando relatio est res aliqua; quando vero est
secundum rationem tantum, tunc non est inhaerens. Et sicut in rebus creatis
oportet quod sit accidens, ita oportet quod sit in Deo substantia, quia
quidquid est in Deo, est eius substantia. Oportet ergo relationes secundum rem,
esse divinam substantiam; quae tamen non habent modum substantiae, sed habent
alium modum praedicandi ab his quae substantialiter praedicantur in Deo. C'est pour cela qu'il faut dire que
rien n'empкche quelque chose d'кtre inhйrent, qui n'est pas cependant signifiй
en tant que tel, ainsi l'action n'est pas signifiйe comme йtant dans l'agent,
mais comme venant de lui et cependant il est clair qu’elle est en lui. Et de
mкme, bien que la relation ne soient pas signifiйe comme inhйrente, il faut
cependant qu'elle le soit. Et cela quand la relation est rйelle, mais quand
elle est de raison seulement, alors elle n'est pas inhйrente. Et de mкme que
dans les crйatures, il faut qu'elle soit un accident, de mкme il faut qu'elle
soit en Dieu la substance, parce que tout ce qui est en Dieu est sa substance.
Donc il faut que les relations rйelles soient la substance divine; elles n'ont
pas cependant le mode de la substance, mais un autre mode d'attribution que ce
qui attribuй substantiellement а Dieu Solutions: q. 8 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod nulla substantia
quae est in genere, potest esse relatio, quia est definita ad unum genus; et
per consequens excluditur ab alio genere. Sed essentia divina non est in genere
substantiae, sed est supra omne genus, comprehendens in se omnium generum
perfectiones. Unde nihil prohibet id quod est relationis, in ea inveniri. # 1. Aucune substance, qui est dans un genre, ne peut кtre relation,
parce qu'elle est limitйe а un seul genre, par consйquent elle est exclue d'un
autre. Mais l'essence divine n'est pas dans le genre de la substance, mais est
au-dessus de tout genre, comprenant en soi les perfections de tous les genres.
C'est pourquoi rien n'empкche qu'on trouve en elle ce qui est une relation. q. 8 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod alia est ratio
substantiae et relationis, et utrique respondet aliquid in re, quae Deus est;
non tamen aliqua res diversa, sed una et eadem. Et hoc praecipue convenit quod
duabus rationibus respondet una res, quando natura perfecte comprehendit ipsam
rem; et sic est in proposito. # 2. La nature de la substance est autre que celle de la relation, et а
chacune correspond quelque chose dans la rйalitй, qui est Dieu. Cependant ce
n'est pas une chose diffйrente, mais une seule et mкme rйalitй. Et surtout il
convient qu'une seule rйalitй corresponde aux deux natures, quand la nature
exprime parfaitement la rйalitй mкme; et ainsi cela concerne notre sujet. q. 8 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod licet relatio non
addat supra essentiam aliquam rem, sed solum rationem, tamen relatio est aliqua
res, sicut etiam bonitas est aliqua res in Deo, licet non differat ab essentia
nisi ratione; et similiter est de sapientia. Et ideo sicut ea quae pertinent ad
bonitatem vel sapientiam, realiter Deo conveniunt, ut intelligere et alia
huiusmodi, ita etiam id quod est proprium realis relationis, scilicet opponi et
distingui, realiter in divinis invenitur. # 3. Bien que la relation n'ajoute rien а l'essence, mais seulement un
rapport (ratio), elle est rйelle,
comme la bontй aussi est une rйalitй en Dieu, bien qu'elle ne diffиre de
l'essence qu'en raison; et il en est de mкme de la sagesse. Et ainsi de mкme
que ce qui concerne la bontй et la sagesse convient rйellement а Dieu, comme
l'intellection, etc.; de mкme aussi ce qui est le propre de la relation rйelle,
а savoir l'opposition et la distinction, se trouvent rйellement en Dieu. q. 8 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod attributa essentialia
non solum significant id quod est essentia divina, sed etiam significant per
talem modum, quia significant aliquid ut in Deo existens; et propter hoc
differentia, quae esset secundum absoluta, redundaret in diversitatem
essentiae. Relationes autem divinae, licet significent id quod est divina
essentia, non tamen per modum essentiae, quia non per modum inexistentis, sed
per modum se habentis ad aliud. Unde distinctio quae attenditur secundum
relationes in divina, non designat distinctionem in essentia, sed solum in hoc
quod est ad aliud se habere per modum originis, ut supra expositum est. # 4. Les attributs essentiels signifient non seulement ce qu'est
l'essence divine, mais ils la signifient aussi d’une certaine maniиre, parce
qu'ils signifient quelque chose comme existant en Dieu et а cause de cela une
diffйrence selon l'absolu, apporterait quelque chose en trop dans la diffйrence
qui est dans l'essence. Mais bien que les relations en Dieu signifient ce
qu'est son essence, ce n'est pas
cependant а la maniиre de l'essence, parce que ce n'est pas par la maniиre
de ce qui n'existe pas mais а celle de ce qui a rapport а autre chose. C'est
pourquoi la distinction qui est atteinte selon les relations en Dieu, ne
dйsigne pas une distinction dans l'essence, mais seulement dans ce qui se
comportent comme relation par mode d'origine, comme on l'a exposй ci-dessus. q. 8 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod licet relatio sit
substantia divina, non tamen significat per modum substantiae, ut supra
expositum est; et ideo non dicitur secundum substantiam, quia dici secundum
substantiam pertinet ad modum significandi. # 5. Bien que la relation soit la substance divine, elle n'a cependant
pas de signification а la maniиre de la substance, comme on l'a exposй
ci-dessus et ainsi on n'en parle pas selon la substance, parce qu'en parler
ainsi convient а la maniиre de la signifier. q. 8 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ratio illa tenet in
praedicabilibus per se. Per se autem praedicatur aliquid de aliquo, quod
praedicatur de eo secundum propriam rationem; quod vero non secundum propriam
rationem praedicatur, sed propter rei identitatem, non etiam praedicatur per
se. Cum ergo dicitur: essentia divina est paternitas, non praedicatur
paternitas de essentia divina propter identitatem rationis, sed propter
identitatem rei; et similiter nec essentia de paternitate, ut iam dictum est,
quia alia est ratio essentiae et relationis. Et ideo in praedicto processu
incidit fallacia accidentis: licet enim in Deo nullum sit accidens, est tamen
quaedam similitudo accidentis, in quantum ea quae de se invicem praedicantur
secundum accidens et differunt ratione, sunt unum subiecto. # 6. Cette raison tient aux prйdicables par soi13. Mais quelque chose est attribuй par soi а
quelque chose qui lui est attribuй selon sa nature propre. Mais ce qui est
attribuй non pas selon sa nature propre mais а cause de son identitй14 n'est pas attribuй par soi. Donc quand on
dit que la paternitй est l'essence divine,
on n'attribue pas la paternitй а l'essence divine а cause d'une identitй de
raison, mais d'une identitй rйelle. Et de la mкme maniиre on n'attribue pas
l'essence а la paternitй, comme on l'a dйjа dit, parce que la nature de
l'essence est autre que celle de la relation. Et c'est pourquoi dans le
dйveloppement dйjа signalй15 on en
arrive а une erreur а propos de l'accident; car bien qu'en Dieu il n'y ait nul
accident, il y a cependant quelque chose
qui y ressemble, dans la mesure oщ ce qui est attribuй а soi rйciproquement
selon l'accident et qui diffиre en raison, est un dans le substrat. q. 8 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod sicut philosophus
dicit in III Phys., non oportet quod omnia eadem praedicentur quolibet modo de
eisdem, sed solum de eisdem secundum rationem. Essentia autem divina et
paternitas, etsi sint idem re, non sunt idem ratione; et ideo non oportet quod
quidquid praedicatur de aliquo uno, praedicetur de alio. Sciendum tamen, quod
quaedam sunt quae consequuntur proprias rationes essentiae et relationis: sicut
quod esse commune sequitur ad essentiam, distinguere sequitur ad relationem.
Unde unum horum ab alio removetur, neque enim essentia distinguit, neque
relatio est communis. Quaedam vero non quantum ad principale significatum, sed
quantum ad modum significandi, habent aliquam differentiam a ratione essentiae
vel relationis; et ista praedicantur quidem de essentia vel relatione, licet
non proprie; et huiusmodi sunt adiectiva, et verba substantialia, ut bonus, sapiens,
intelligere, et velle: huiusmodi enim quantum ad rem significatam, significant
ipsam essentiam; sed tamen significant eam per modum suppositi, et non in
abstracto. Et ideo propriissime dicuntur de personis, et de nominibus
essentialibus concretis, ut Deus, vel pater bonus, sapiens, creans, et alia
huiusmodi; de essentia autem in abstracto significata, et non per modum
suppositi, sed improprie. Adhuc autem minus proprie de relationibus, quia
huiusmodi conveniunt supposito secundum essentiam, non autem secundum
relationem: Deus enim est bonus, vel creans, ex eo quod habet essentiam, non ex
eo quod habet relationem. # 7. Comme le philosophe le dit (Physique,
III, 3, 202 b 1516), il ne faut pas
attribuer tout ce qui est identique d'une certaine maniиre а l'identique mais,
seulement а ce qui est identique en raison. Mais mкme si l'essence divine et la
paternitй sont identiques en rйalitй, elles ne le sont pas en raison; c'est
pourquoi il ne faut pas que ce qui est attribuй а l'un le soit а l'autre. Il faut savoir cependant qu'il y a certaines choses
qui suivent leur propre nature d'essence et de relation: ainsi l'кtre commun se
rattache а l'essence, et la distinction se rattache а la relation. C'est
pourquoi l'une de ces choses est exclue par l'autre, car l'essence n'a pas
distinguй, et la relation n'est pas commune. Mais certaines, non pas pour le
signifiй principal, mais quant au mode de signifier, ont une diffйrence par la
nature de l'essence ou de la relation, et ces choses sont attribuйes а
l'essence ou а la relation, bien que non au sens propre. Les adjectifs sont de
ce genre et les mots substantiels comme bon, sage, intellection, vouloir. Car
de cette maniиre, pour ce qui est signifiй, ils signifient l'essence, mais
cependant il la signifie par le mode de suppфt, et non dans l'abstrait. Et
c'est pourquoi on les dit les plus propres pour les personnes et les noms
essentiels concrets, comme Dieu ou Pиre bon, sage, crйateur, etc., pour
l'essence signifiйe dans l'abstrait aussi et non par mode de suppфt, mais
improprement. Mais encore moins proprement des relations, parce qu'elles
conviennent en tant que telles au suppфt selon l'essence mais non selon la
relation: car Dieu est bon ou crйateur du fait qu'il a l'essence, mais non du
fait qu'il a la relation. q. 8 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod illud quod facit
distinctionem, potest esse cum eo quod nec distinguit nec distinguitur, idem
re, sed non ratione. # 8. Ce qui fait la distinction peut кtre avec ce qui ne l'apporte, ni
ne la subit; identique en rйalitй, mais pas en raison. q. 8 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod unitas essentiae non
opponitur distinctioni relationum: unde non sequitur quod relatio et essentia
sint causae oppositorum. # 9. L'unitй de l'essence n'est pas opposйe а la distinction des
relations. C'est pourquoi il n'en dйcoule pas que la relation et l'essence sont
les causes des opposйs. q. 8 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod quaecumque sunt eadem
re et ratione oportet quod in quocumque est unum, sit aliud. Non autem hoc
oportet de his quae sunt eadem re, sed non ratione; sicut instans est idem quod
est principium futuri et finis praeteriti, non tamen principium futuri dicitur
esse in praeterito, sed id quod est futuri principium; et similiter non dicitur
quod paternitas est in filio, sed id quod est, scilicet essentia. # 10. Tout ce qui est identique en rйalitй et en raison doit кtre autre
en chaque chose oщ il est en tant qu’unitй. Mais il ne le faut pas pour ce qui
est identique en rйalitй, mais non en raison, comme l'instant, qui est le
commencement du futur et la fin du passй est le mкme, on ne dit pas cependant
que le commencement du futur est dans le passй, mais on dit que c’est ce qui
est le commencement du futur, et de mкme on ne dit pas que la paternitй est
dans le Fils, mais ce qu’il est, а savoir l'essence. q. 8 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod in divinis nullo
modo est esse nisi essentiae, sicut nec intelligere nisi intellectus; et
propter hoc, sicut in Deo est tantum unum intelligere, ita etiam unum esse. Et
ideo nullo modo concedendum est, quod aliud sit esse relationis in divinis, et
aliud essentiae. Ratio autem non significat esse, sed esse quid, id est quid
aliquid est. Unde duae rationes unius rei non demonstrant duplex esse eius sed
demonstrant quod dupliciter de illa re potest dici quid est; sicut de puncto
potest dici quid est sicut principium et ut finis, propter diversam rationem
principii et finis. # 11. En Dieu, il n'y a en aucune maniиre d’кtre que celle de l'essence,
de mкme qu'il n'y a d'intellection sinon de l'esprit, et ainsi, de mкme qu'en
Dieu, il n'y a qu’une seule intellection, il n'y a aussi qu'un seul кtre. Et
c'est pourquoi en aucune maniиre il ne faut concйder que l'кtre de la relation
en Dieu est autre que celui de l'essence. Mais la raison ne signifie pas l'кtre
mais кtre quelque chose, c'est-а-dire ce qu’il est. C'est pourquoi deux natures
d'une mкme chose unique ne rйvиlent pas que son кtre est double; mais qu'on
peut parler de deux maniиres de ce qu'elle est; comme d'un point, on peut dire
qu'il est aussi bien le commencement que la fin, а cause de la nature
diffйrente du commencement et de la fin. q. 8 a. 2 ad 12 Ad duodecimum dicendum quod, cum relatio sit
accidens in creaturis, esse suum est inesse; unde esse suum non est ad aliud se
habere; sed esse huius secundum quod ad aliquid, est ad aliud se habere. # 12. Comme la relation est un accident dans les crйatures, son кtre
est d'кtre inhйrente. C'est pourquoi son кtre n’a pas rapport а un autre mais
l'кtre de ce selon quoi il y a relation apporte une relation а un autre. q. 8 a. 2 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod dicuntur
relativa de Deo praedicari non substantialiter, quia non praedicantur per modum
existentis in substantia, sed per modum ad aliud se habentis, non ideo quin
illud quod significant, sit substantia. # 13. On dit que les relatifs ne sont pas attribuйs а Dieu
substantiellement, parce qu'ils ne sont pas attribuйs par mode d'existence dans
la substance mais а la maniиre de ce qui est en relation а un autre, non de
telle sorte que ce qu'ils signifient soit la substance. q. 8 a. 2 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod Deus dicitur
non eo Deus quo pater, propter diversum modum significandi divinitatis et
paternitatis, ut expositum est. 14. On dit que Dieu n'est pas tant Dieu que Pиre а cause de la maniиre
diffйrente de signifier sa divinitй et sa paternitй, comme on l'a exposй (dans
le corps de l'article).
1 Parall.: Ia, qu. 28, a. 2 — I Sent. d33q1a1 — CG. IV, 14 —Qdl.
VI, q. 1 — Comp. 54, 66, 67. — Qdl. VI, 1, c.: "Il en
dйcoulerait qu'en Dieu il y aurait composition…La propriйtй personnelle diffиre
cependant de l'essence selon la maniиre de la comprendre ou de la signifier, car
on parle de l'essence dans l'absolu, mais la propriйtй personnelle apporte une
relation. 2
Cf. qu. 9, a. 4, obj. oщ les termes sont inversйs. 3
Citй Pot. qu. 8, a. 1, sed contra. 1. 4
Cf. qu. 8, a. 1, c. 5
Cf. ce qu’il prйcise qu. 8, 1, a.sol. 7. 6
"Car une fois que nous aurons dйcouvert une diffйrence, quelle qu'elle
soit, entre les objets qui nous sont proposйs, nous aurons par lа mкme montrй
qu'ils ne sont pas une seule et mкme chose." 7
"On appelle relatives ces choses dont tout l'кtre consiste en ce qu'elles
sont dites dйpendre d'autres choses, ou se rapporte de quelque autre faзon а
autre choses." (Trad. J. Tricot). 8
"Il ne s'ensuit pas, toutefois que toute attribution ait un sens
substantiel, il y a en effet, la relation, par exemple, le Pиre est relatif au
Fils et le Fils relatif au Pиre, qui n'est pas un accident…" 9
Aristote n° 496, Thomas, 1028. 10
C’est le connaissable qui devient inhйrent а celui qui connaоt. 11
Antiqui thйologi (Йd. Marietti)
dйsignent les thйologiens des XIe et XIIe siиcles. 12
"Les relations so sont assistantes, c'est-а-dire accolйes du dehors.
(relationes in divinis sunt assistentes, sive extrinsecus affixae)" Ia, qu. 28, a. 2, c.. 13
Les prйdicables sont cinq: le genre, l'espиce, la diffйrence, le propre,
l'accident. Cf. Ia, qu. 77, a. 1, ad 5. 14
Identitas opposй а diversitas. 15
L'opinion des Porrйtains. 16
Thomas, lectio 5, n° 317: "…car l'identitй totale n'appartient pas aux
choses qui sont identiques d'une faзon quelconque, mais seulement а celle dont
l'essence est identique."
Article 3: Si on exclut en esprit la relation, l'hypostase
demeure-t-elle en Dieu?
q. 8 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum remota relatione secundum intellectum, remaneat
hypostasis in divinis. Et videtur quod sic. Il semble que oui1.
Objections: q. 8 a. 4 arg. 1 Ea enim quae sunt in creaturis, sunt exemplata ab his
quae sunt in Deo. Sed in humanis,
remotis relationibus et proprietatibus hypostasis, adhuc remanent hypostases.
Ergo et similiter in divinis. 1. Car ce qui est
dans les crйatures est l'image (exemplata) de ce qui est en Dieu.
Mais chez les hommes, si on exclut leurs relations et leurs propriйtйs, les
hypostases demeurent encore. Et il en est donc de mкme en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 2
Praeterea, pater non habet ab eodem quod sit quis et quod sit pater, cum etiam
filius sit quis et non sit pater. Remoto ergo a patre quod sit pater, remanet
quod sit quis. Est autem quis in quantum est hypostasis. Remota ergo
paternitate per intellectum, adhuc remanet hypostasis patris. 2. Le Pиre ne
tient pas d'une mкme [nature] d'кtre ce qu'il est et d'кtre Pиre, puisque le
Fils aussi est ce qu'il est et n'est pas Pиre. Donc si on exclut du Pиre qu'il
est Pиre, il demeure qu'il est ce qu'il est. Mais il est ce qu’il est en tant
qu'hypostase. Donc si on exclut en esprit la paternitй, l'hypostase du Pиre demeure
encore. q. 8 a. 4 arg. 3
Praeterea, cum quaelibet res intelligatur per suam definitionem, potest
unaquaeque res intelligi remoto eo quod in eius definitione non ponitur. Sed
relatio non ponitur in definitione hypostasis. Ergo remota relatione adhuc intelligitur
hypostasis. 3. Comme chaque
chose est comprise par sa dйfinition, elle peut кtre comprise si on exclut ce
qui n'est pas placй dans sa dйfinition. Mais la relation n'est pas placйe dans
la dйfinition de l'hypostase. Donc si on exclut la relation, on comprend encore
l'hypostase. q. 8 a. 4 arg. 4
Praeterea, Iudaei et gentiles intelligunt in Deo hypostasim: intelligunt enim
Deum esse rem quamdam per se subsistentem, nec tamen intelligunt in eo
paternitatem et filiationem, et huiusmodi relationes. Ergo remotis huiusmodi
relationibus per intellectum, remanent adhuc hypostases in divinis. 4. Les Juifs et
les paпens comprennent une hypostase en Dieu. Car ils comprennent que Dieu est
un кtre qui subsiste par soi et cependant ils ne comprennent pas en lui la
paternitй, la filiation et les relations de ce genre. Donc si on exclut en
esprit ces relations, les hypostases demeurent en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 5
Praeterea, omne quod se habet ex additione, remota additione, remanet id cui
fit additio; sicut homo addit supra animal rationale: est enim homo animal
rationale; unde remoto rationale, remanet animal. Sed persona addit
proprietatem supra hypostasim: est enim persona hypostasis proprietate
distincta, ad dignitatem pertinente. Ergo remota proprietate a persona secundum
intellectum, remanet hypostasis. 5. Pour tout ce
qui comporte un ajout, si on l'enlиve, demeure ce а quoi est fait cet ajout;
ainsi homme ajoute le raisonnable а animal, car il est un animal
raisonnable; c'est pourquoi, si on enlиve le raisonnable, l'animal
demeure. Mais la personne ajoute une propriйtй а l'hypostase. Car elle est
hypostase par une propriйtй distincte, qui se rattache а sa dignitй. Donc si on
exclut en esprit cette propriйtй de la personne, l'hypostase demeure. q. 8 a. 4 arg. 6 Praeterea, Augustinus dicit, quod
verbum est sapientia genita. Sapientia vero hypostasim supponit, genitum autem
proprietatem. Remoto ergo a verbo quod sit genitum, remanet hypostasis verbi,
et eadem ratione in aliis personis. 6. Augustin
dit (la Trinitй VII, 2) que le Verbe est la Sagesse engendrйe. Mais la
Sagesse suppose une hypostase, et le fait d'кtre engendrй une propriйtй. Donc
si on exclut du Verbe qu'il est engendrй, son hypostase demeure et pour la mкme
raison, elle demeure dans les autres personnes. q. 8 a. 4 arg. 7
Praeterea, remota paternitate et filiatione secundum intellectum, adhuc remanet
in divinis qui ab alio, et a quo alius. Haec autem hypostases designant. Ergo
remotis relationibus, adhuc remanent hypostases in divinis. 7. Si on exclut en
esprit la paternitй, la filiation, il demeure encore dans la divinitй ce qui
vient d’un autre, et par quoi il est autre. Mais cela les hypostases le
dйsignent. Donc si on exclut les relations, les hypostases demeurent encore en
Dieu. q. 8 a. 4 arg. 8 Praeterea, remota
differentia constitutiva, adhuc remanet genus. Sed proprietates personales, cum
constituant personas, sunt in divinis sicut differentiae constitutivae. Ergo
remotis proprietatibus, remanet genus personae, quod est hypostasis. 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le
genre demeure encore, mais comme les propriйtйs personnelles constituent les
personnes, elles sont en Dieu comme des diffйrences constitutives. Donc si on
les exclut, le genre de la personne, qui est l'hypostase, demeure. q. 8 a. 4 arg. 9
Praeterea, Augustinus dicit, quod remoto hoc quod est pater, adhuc remanet
ingenitus. Sed ingenitus est quaedam proprietas cuius suppositum esse non
potest nisi hypostasis. Ergo remota paternitate, adhuc remanet hypostasis
patris. 9. Augustin dit (La
Trinitй, V, 6), que si on exclut ce qui est le Pиre, demeure encore l'inengendrй.
Mais кtre inengendrй est une propriйtй dont le suppфt ne peut кtre que
l'hypostase. Donc si on exclut la paternitй, l'hypostase du Pиre demeure
encore. q. 8 a. 4 arg. 10
Praeterea, sicut relationes sunt proprietates hypostasum, ita attributa sunt
proprietates essentiae. Sed remoto per intellectum attributo essentiali, adhuc
remanet intellectus divinae substantiae. Boetius enim dicit quod remota
bonitate a Deo per intellectum, adhuc remanet quod sit Deus. Ergo similiter
remotis relationibus, adhuc remanent hypostases in divinis. 10. Les relations
sont les propriйtйs des hypostases; de mкme les attributs sont les propriйtйs
de l'essence. Mais si on exclut en esprit un attribut essentiel, le concept de
la substance divine demeure encore. Car Boиce dit (De hebdomadibus) que
si on exclut en esprit la bontй de Dieu, ce qui est Dieu demeure encore. Donc
de la mкme maniиre, si on exclut les relations, les hypostases demeurent encore
en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 11 Praeterea, secundum Boetium,
proprium est intellectus, coniuncta secundum naturam dividere. Proprietas autem et
hypostasis sunt realiter coniuncta in Deo. Ergo intellectus potest ea ab
invicem separare. 11. Selon Boиce (Sur
le Prйambule de Porphyre, dans les prйdicables) le propre de
l'intellect, c'est de diviser ce qui est joint en nature. Mais la propriйtй et
l'hypostase sont rйellement jointes en Dieu. Donc l'esprit peut les sйparer
l'une de l'autre. q. 8 a. 4 arg. 12
Praeterea, remoto eo quod est in aliquo, potest intelligi id in quo est; sicut
remoto accidente potest intelligi subiectum. Sed relationes ponuntur in divinis
hypostasibus esse. Ergo remotis relationibus secundum intellectum, adhuc
remanent hypostases. 12. Si on exclut
ce qui est dans une chose, on peut connaоtre ce en quoi elle est; ainsi si on
exclut l'accident, on peut connaоtre le sujet. Mais les relations sont placйes
pour кtre dans les hypostases divines. Donc, si on les exclut en esprit,
restent encore les hypostases. En
sens contraire : q. 8 a. 4 s. c. Sed
contra. In divinis distinctio non potest esse nisi secundum relationes. Sed
hypostasis dicit aliquid distinctum. Ergo remotis relationibus non remanet
hypostasis. Cum enim in divinis non ponantur nisi duo modi praedicandi,
scilicet secundum substantiam, et ad aliquid, remotis relationibus non remanent
nisi ea quae ponuntur secundum substantiam. Haec autem sunt quae pertinent ad
essentiam; et sic non remanent hypostases distinctae. En Dieu la distinction
ne peut exister que selon les relations. Mais l'hypostase dйsigne ce qui est
distinct. Donc, si on exclut les relations, l'hypostase ne demeure pas. En
effet, comme en Dieu, on ne place que deux modes d'attribution, а savoir selon
la substance et selon la relation, si on exclut les relations, il ne demeure
que ce qui est placй selon la substance, mais c'est ce qui concerne l'essence
et ainsi les hypostases ne demeurent pas distinctes. Rйponse
: q. 8 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, sicut supra
dictum est, quidam posuerunt hypostases in divinis non constitui nec distingui
relationibus, sed per solam originem. Relationes autem dicebant consequi ipsam
originem personarum, sicut originis terminos, quibus complementum originis
designatur, et sic ad quamdam dignitatem pertinent. Unde cum persona videatur
esse nomen dignitatis, intellectis huiusmodi relationibus supra hypostases,
dicebant constitui personas; et sic huiusmodi relationes dicebant esse
constitutivas personarum, sed non hypostasum. Comme ci-dessus (article prйcйdant2)
on l'a dit, certains ont pensй que les hypostases en Dieu ne sont pas
constituйes ni distinguйes par les relations, mais par leur seule origine, Mais
ils disaient que les relations dйcoulaient de l'origine mкme des personnes,
comme ses limites, par lesquelles est dйsignй ce qui la complиte et ainsi elles
se rattachent а une certaine dignitй. C'est pourquoi, comme la personne semble
кtre un nom de dignitй, si de telles relations sont comprises en plus des
hypostases, ils disaient que les personnes йtaient constituйes et ainsi ils
disaient que de telles relations йtaient constitutives des personnes mais pas
des hypostases. Et pro tanto apud quosdam huiusmodi relationes
personalitates dicuntur; et ideo sicut apud nos, remotis ab aliquo homine his
quae ad dignitatem pertinent, quae faciunt eum esse personam, remanet eius
hypostasis, ita in divinis, remotis per intellectum huiusmodi relationibus personalibus
a personis, dicunt, quod remanebant hypostases, non tamen personae. Et pour
autant chez certains, les relations de ce genre sont appelйes les
‘personnalitйs’: et c'est pourquoi, de mкme que pour nous, si on exclut de
l’homme ce qui concerne sa dignitй, qui en fait une personne, son hypostase
demeure, de mкme en Dieu, si une fois exclues en esprit de telles relations des
personnes, ils disent que les hypostases demeuraient, mais cependant pas les
personnes. Sed quia iam supra
ostensum est quod relationes praedictae et hypostases constituunt et
distinguunt, ideo secundum alios dicendum est, quod remotis per intellectum
huiusmodi relationibus, sicut non remanent personae, ita non remanent
hypostases. Remoto enim eo quod est constitutivum alicuius, non potest remanere
id quod per ipsum constituitur.Mais
parce que dйjа ci-dessus, on a montrй que ces relations constituent et
distinguent les hypostases, il faut en consйquence dire selon d'autres,
que, si on exclut en esprit de telles relations, les personnes ne demeurent
pas, et les hypostases non plus. Car si on exclut ce qui est constitutif, ce
qui en est constituй par soi ne peut pas demeurer. Solutions: q. 8 a. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in hominibus hypostases non constituuntur neque per
relationes neque per proprietates, sicut constituuntur in divinis, ut ostensum
est; et ideo non est simile. # 1. Chez les
hommes les hypostases ne sont constituйes ni par les relations, ni par les
propriйtйs, comme elles le sont en Dieu, comme on l'a montrй, et c'est pourquoi
ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod pater ab eodem habet quod sit quis et quod sit pater:
ab eodem, inquam, secundum rem, et non secundum rationem, sed differenti
secundum rationem, vel sicut differt generale a speciali, vel commune a proprio:
sicut patet quod homo ab eadem forma substantiali habet quod sit animal et quod
sit homo; non enim sunt unius rei plures formae substantiales secundum rem
diversae: et tamen ab anima, inquantum est anima sensibilis, tantum habet quod
sit animal; inquantum vero est anima sensibilis et rationalis, habet ab ea quod
sit homo. Et propter hoc et equus est animal, sed non est homo, quia non habet
animam sensibilem eamdem numero quam habet homo: et pro tanto etiam non est
idem animal numero. Similiter dico in proposito, quod pater habet quod sit quis
et quod sit pater a relatione; sed quod sit quis, habet a relatione communiter
sumpta; quod autem sit hic quis, habet ab hac relatione quae est paternitas; et
propter hoc etiam filius, in quo est relatio, sed non haec relatio quae est
paternitas, est quis, sed non est hic quis qui est pater. # 2. Par une mкme
[nature], le Pиre a qu'il est tel et est Pиre; par un mкme [nature], dis-je, en
rйalitй, et non en raison, mais diffйrente en raison; comme le gйnйral diffиre
du particulier, ou ce qui est commun de ce qui est propre; ainsi il est clair
que l'homme par la mкme forme substantielle est animal et homme; car il
n'existe pas plusieurs formes substantielles d'une seule chose diffйrentes en
rйalitй. Et cependant par l'вme en tant qu'elle est sensitive, il est seulement
animal, mais par l’вme, en tant que sensitive et raisonnable, il est un homme.
Et le cheval est un animal, et pas un homme, parce qu'il a une вme sensitive la
mкme en nombre que celle de l'homme, et pour autant il n'est pas le mкme animal
en nombre. Je dis qu'il en est de mкme pour notre propos, parce que le Pиre est
tel et est Pиre par relation, mais qu'il soit tel vient d'une relation assumйe
en commun, mais qu'il soit ce qu’il est, il l'a par cette relation qui
est la paternitй et а cause de cela le Fils aussi, en qui est la relation, mais
cette relation qui est la paternitй n'est pas ce qu’il est et ce n’est pas ce
qu’il est qui est Pиre. q. 8 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod aliquid in
relatione alicuius potest poni dupliciter: scilicet explicite, sive in actu, et
implicite sive in potentia. In ratione enim animalis non ponitur anima
rationalis explicite et in actu, quia sic omne animal haberet animam rationalem;
sed implicite et in potentia, quia animal est substantia animata sensibilis.
Sicut autem sub anima in potentia continetur anima rationalis, ita sub animato
rationale: et ideo quando definitio animalis actu attribuitur homini, oportet
quod rationale sit de definitione animalis explicite, secundum quod animal est
idem homini. Et similiter est in proposito; hypostasis enim, communiter sumpta,
est substantia distincta: unde cum in divinis non possit esse distinctio nisi
per relationem, cum dico hypostasim divinam, oportet quod intelligatur
relatione distincta. Et ita relatio, quamvis non cadat in definitione
hypostasis quod est homo, cadit tamen in definitione hypostasis divinae. # 3. On peut
placer quelque chose en relation de deux maniиres : а savoir explicitement, ou
en acte, et implicitement, ou en puissance. Car dans la nature de l'animal on
ne place pas l'вme raisonnable explicitement et en acte, parce qu'ainsi tout
animal aurait une вme raisonnable, mais implicitement et en puissance, parce
que l'animal est une substance animйe, douйe de sensibilitй. De mкme que l'вme
raisonnable est contenue en puissance sous l'вme; de mкme le raisonnable sous
l'animй; et ainsi quand la dйfinition de l'animal en acte est attribuйe а
l'homme, il faut que le raisonnable soit de la dйfinition de l'animal
explicitement selon que l’animal est identique а l'homme. Et il en est de mкme
pour notre propos: car l'hypostase prise communйment est une substance
distincte: c'est pourquoi, comme en Dieu, il ne peut y avoir de distinction que
par la relation, quand je parle de l'hypostase divine, il faut comprendre
qu'elle est distincte par une relation. Et ainsi, quoique la relation ne soit
pas comprise dans la dйfinition de l'hypostase, parce qu'il est l'homme, elle
s’applique cependant а la dйfinition de l'hypostase divine. q. 8 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Iudaei et gentiles non intelligunt essentiam distinctam
nisi ab his quae sunt alterius naturae, quae quidem distinctio fit per ipsam
divinam essentiam. Sed apud nos hypostasis intelligitur ut distincta ab eo quod
est eiusdem naturae, a quo non potest distingui nisi per relationem tantum: et
ideo ratio non procedit. # 4. Les Juifs et
les Paпens ne comprennent une essence distincte que par ce qui est d’une autre
nature. Cette distinction se fait par l'essence divine elle-mкme. Mais pour
nous, l'hypostase est comprise comme distincte de ce qui est d’une mкme nature3,
elle ne peut en кtre distinguйe que par relation seulement; et c'est pourquoi
cette raison ne vaut pas. q. 8 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod alius est
modus quo definiuntur accidentia, et quo definiuntur substantiae. Substantiae
enim non definiuntur per aliquid quod sit extra essentiam eorum: unde id quod
primo ponitur in definitione substantiae est genus, quod praedicatur in eo quod
quid de definito. Accidens vero definitur per aliquid quod est extra essentiam
eius, scilicet per subiectum, a quo secundum suum esse dependet. Unde id quod
ponitur in definitione eius, loco generis, est subiectum; sicut cum dicitur:
simum est nasus curvus. Sicut ergo in definitionibus substantiarum, remotis
differentiis, remanet genus; ita in definitione accidentium, remoto accidente,
quod ponitur loco differentiae, remanet subiectum; aliter tamen et aliter.
Remota enim differentia remanet genus, sed non idem numero: remoto enim
rationali, non remanet idem numero animal, quod est animal rationale; sed
remoto eo quod ponitur loco differentiae in definitionibus accidentium, remanet
idem subiectum numero: remoto enim curvo vel concavo, remanet idem nasus
numero. Et hoc est, quia accidens non complet essentiam subiecti sicut
differentia complet essentiam generis. Cum ergo dicitur: persona est
hypostasis, proprietate distincta ad dignitatem pertinente, non ponitur
hypostasis in definitione personae ut subiectum, sed ut genus. Unde remota
proprietate ad dignitatem pertinente, non remanet hypostasis eadem, scilicet
numero vel specie, sed solum secundum genus, prout salvatur in substantiis non
rationalibus. # 5. La maniиre
dont on dйfinit les accidents est diffйrente de celle dont on dйfinit les
substances. Car ces derniиres ne sont pas dйfinies par quelque chose qui est en
dehors de leur essence ; c'est pourquoi ce qui est d'abord placй dans la
dйfinition de la substance est le genre, qui est attribuй en ce qui est
l'essence de ce qui est dйfini. Mais l'accident est dйfini par quelque chose
qui est hors de son essence, а savoir par le sujet, de qui il dйpend selon son
кtre. C'est pourquoi ce qui est placй dans sa dйfinition, а la place du genre,
c’est le sujet; ainsi quand on parle de camus4
c’est le nez concave. Donc, de mкme que dans les dйfinitions des
substances, si on exclut les diffйrences, le genre demeure, de mкme dans celle
des accidents, si on exclut l'accident qui est mis а la place de la diffйrence,
le sujet demeure; de faзon diffйrente cependant. Car si on exclut la diffйrence,
le genre demeure, mais non le mкme en nombre; mais si on exclut le rationnel,
l'animal ne demeure pas le mкme en nombre parce que c'est un animal raisonnable;
car si on exclut le courbe ou le concave, le mкme nez demeure en nombre. Et
c'est parce que l'accident n'achиve pas l'essence du sujet comme la diffйrence
achиve l'essence du genre. Donc quand on dit: la personne est une hypostase par
une propriйtй distincte, qui convient а sa dignitй, on ne place pas une
hypostase dans la dйfinition de la personne comme sujet, mais comme genre.
C'est pourquoi, si on exclut la propriйtй qui concerne la dignitй, l'hypostase
ne demeure pas la mкme, а savoir en nombre ou en espиce, mais seulement en
genre dans la mesure oщ elle est conservйe dans les substances sans raison. q. 8 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod cum dicitur: verbum est sapientia genita, ly sapientia
supponit pro hypostasi, non tamen significat hypostasim; et ideo in
significatione eius non clauditur proprietas, sed oportet quod addatur; sicut si
dicam, quod Deus est filius genitus. # 6. Quand on dit :
le Verbe est la sagesse engendrйe, la "sagesse" remplace l'hypostase
mais ne la signifie cependant pas; et c'est pourquoi sa propriйtй n'est pas
enfermйe dans sa signification, mais il faut l’ajouter: comme si je disais que
Dieu est le Fils engendrй. q. 8 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod qui ab
alio et a quo alius, non differunt a paternitate et a filiatione, nisi sicut
commune a proprio, quia filius significat eum qui est ab alio per generationem;
et pater significat eum a quo alius per generationem; nisi forte dicamus, quod
a quo alius et qui ab alio, importent originem, et pater et filius relationes
originis consequentes. Sed ex supradictis iam patet quod per origines non
constituuntur hypostases, sed per relationes. # 7. Celui qui
vient d'un autre et celui par lequel il est autre ne diffиrent de la paternitй
et de la filiation que comme le commun du propre5,
parce que le Fils signifie celui qui dйpend d'un autre par gйnйration; et le
Pиre signifie celui d'oщ (vient) un autre par gйnйration; а moins que, par
hasard, on dise que celui par qui il est autre et celui qui vient
d’un autre rйvиlent l'origine et Pиre et Fils apportent les relations qui
en dйpendent . Mais on a montrй dйjаci-dessus que les hypostases ne sont pas
constituйes par les origines, mais par les relations. q. 8 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum quod, remota
differentia constitutiva, remanet genus in communi, non in eodem secundum
speciem vel numerum. # 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le
genre demeure dans ce qui est commun, non dans le mкme selon l'espиce et le
nombre. q. 8 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod intentio Augustini non fuit dicere: quod Deus pater
remaneat ingenitus, remota paternitate, nisi forte prout ingenitus tunc
importaret conditionem naturae, et non proprietatem personae. Fuit autem eius
intentio ostendere quod, remota paternitate, potest remanere ingenitum in
communi. Non enim oportet quod quidquid est ingenitum, sit pater.
# 9. L'intention
d'Augustin n'a pas йtй de dire que Dieu le Pиre demeure inengendrй, si on
exclut la paternitй, а moins que par hasard inengendrй apporte une
condition de nature et non une propriйtй de la personne. Son intention a йtй de
montrer que, si on exclut la paternitй, il peut demeurer l’inengendrй en
commun. Car il ne faut pas que tout ce qui est inengendrй soit le Pиre. q. 8 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod ratio bonitatis non constituit rationem essentiae, immo
intelligitur bonum ut informativum entis; sed proprietas constituit hypostasim;
et ideo non est simile.
# 10. La nature de
la bontй ne constitue pas celle de l'essence, bien plus on comprend le bien
comme formateur de l'кtre, mais la propriйtй a constituй l'hypostase et c'est
pourquoi ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod licet intellectus possit aliqua coniuncta dividere,
non tamen omnia: non enim potest dividere illa quorum unum est de ratione
alterius; non enim potest dividere animal ab homine. Proprietas autem est de
ratione hypostasis, et ideo ratio non sequitur.
# 11. Bien que
l'intellect puisse sйparer6
certaines choses jointes, il ne le peut pas pour tout; car il ne peut pas
sйparer ce dont l'un est de la nature de l'autre, car, il ne peut pas, en
effet, sйparer l'animal de l'homme. Mais la propriйtй dйpend de la nature de
l'hypostase et c'est pourquoi cette raison ne convient pas. q. 8 a. 4 ad 12 Ad
ultimum dicendum, quod remoto eo quod est in aliquo sicut in subiecto, vel
sicut in loco, remanet id in quo est; non autem remoto eo quod est in aliquo
sicut pars essentiae eius. Non enim remoto rationali, remanet homo; et
similiter nec remota proprietate, remanet hypostasis. # 12. Si on exclut
ce qui est en quelque chose, comme dans un sujet, ou comme dans un lieu,
demeure ce en quoi il est; mais pas si on exclut ce qui est dans quelque
chose comme une partie de son essence. Car si le raisonnable n’est pas exclu,
l'homme demeure, et de mкme si la propriйtй n’est pas exclue, l'hypostase
demeure. 1 Parall.: Ia, qu. 40, a.
3 — I Sent. d26q1a2 — Comp. 61. 2 Cf. 8, 3, resp. § 4. 3 Ce qui est d’une mкme nature, c’est l’essence. 4 Cf. Mйtaphysique, VII, 10, 1035 a 4 (p.
401, note 5). Par exemple, ce n’est pas de la concavitй que la chair est une
partie (car la chair est la matiиre dans laquelle la concavitй se rйalise),
c’est du camus qu’elle est une partie (camus : nez concave est le composй,
la concavitй est la forme.) Thomas n° 1472 5 Propre: primo modo; ce qui convient а une seule
espиce, mais pas а tous les individus de cette espиce (mйdecin) , secundo modo;
propre а tous les individus d'une mкme espиce, mais pas а eux seuls (bipиdes). 6 Il s'agit d'analyse. Article 4: Si on exclut en esprit la relation, l'hypostase
demeure-t-elle en Dieu?
q. 8 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum remota
relatione secundum intellectum, remaneat hypostasis in divinis. Et videtur quod
sic. Il semble que oui1. Objections: q. 8 a. 4 arg. 1 Ea enim quae sunt in creaturis, sunt
exemplata ab his quae sunt in Deo. Sed in humanis, remotis relationibus et
proprietatibus hypostasis, adhuc remanent hypostases. Ergo et similiter in
divinis. 1. Car ce qui est dans les crйatures est l'image (exemplata) de ce qui
est en Dieu. Mais chez les hommes, si on exclut leurs relations et leurs
propriйtйs, les hypostases demeurent encore. Et il en est donc de mкme en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 2 Praeterea, pater non habet ab eodem quod sit
quis et quod sit pater, cum etiam filius sit quis et non sit pater. Remoto ergo
a patre quod sit pater, remanet quod sit quis. Est autem quis in quantum est
hypostasis. Remota ergo paternitate per intellectum, adhuc remanet hypostasis
patris. 2. Le Pиre ne tient pas d'une mкme [nature] d'кtre ce qu'il est et
d'кtre Pиre, puisque le Fils aussi est ce qu'il est et n'est pas Pиre. Donc si
on exclut du Pиre qu'il est Pиre, il demeure qu'il est ce qu'il est. Mais il
est ce qu’il est en tant qu'hypostase. Donc si on exclut en esprit la
paternitй, l'hypostase du Pиre demeure encore. q. 8 a. 4 arg. 3 Praeterea, cum quaelibet res intelligatur per
suam definitionem, potest unaquaeque res intelligi remoto eo quod in eius
definitione non ponitur. Sed relatio non ponitur in definitione hypostasis.
Ergo remota relatione adhuc intelligitur hypostasis. 3. Comme chaque chose est comprise par sa dйfinition, elle peut кtre
comprise si on exclut ce qui n'est pas placй dans sa dйfinition. Mais la
relation n'est pas placйe dans la dйfinition de l'hypostase. Donc si on exclut
la relation, on comprend encore l'hypostase. q. 8 a. 4 arg. 4 Praeterea, Iudaei et gentiles intelligunt in
Deo hypostasim: intelligunt enim Deum esse rem quamdam per se subsistentem, nec
tamen intelligunt in eo paternitatem et filiationem, et huiusmodi relationes.
Ergo remotis huiusmodi relationibus per intellectum, remanent adhuc hypostases
in divinis. 4. Les Juifs et les paпens comprennent une hypostase en Dieu. Car ils
comprennent que Dieu est un кtre qui subsiste par soi et cependant ils ne
comprennent pas en lui la paternitй, la filiation et les relations de ce genre.
Donc si on exclut en esprit ces relations, les hypostases
demeurent en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 5 Praeterea, omne quod se habet ex additione,
remota additione, remanet id cui fit additio; sicut homo addit supra animal
rationale: est enim homo animal rationale; unde remoto rationale, remanet
animal. Sed persona addit proprietatem supra hypostasim: est enim persona
hypostasis proprietate distincta, ad dignitatem pertinente. Ergo remota
proprietate a persona secundum intellectum, remanet hypostasis. 5. Pour tout ce qui comporte un ajout, si on l'enlиve, demeure ce а quoi
est fait cet ajout; ainsi homme ajoute
le raisonnable а animal, car il est
un animal raisonnable; c'est pourquoi, si on enlиve le raisonnable, l'animal
demeure. Mais la personne ajoute une propriйtй а l'hypostase.
Car elle est hypostase par une propriйtй distincte, qui se rattache а sa
dignitй. Donc si on exclut en esprit cette propriйtй de la personne,
l'hypostase demeure. q. 8 a. 4 arg. 6 Praeterea, Augustinus dicit, quod verbum est
sapientia genita. Sapientia vero hypostasim supponit, genitum autem proprietatem.
Remoto ergo a verbo quod sit genitum, remanet hypostasis verbi, et eadem
ratione in aliis personis. 6. Augustin dit (la
Trinitй VII, 2) que le Verbe est la Sagesse engendrйe. Mais la Sagesse
suppose une hypostase, et le fait d'кtre engendrй une propriйtй. Donc si on
exclut du Verbe qu'il est engendrй, son hypostase demeure et pour la mкme
raison, elle demeure dans les autres personnes. q. 8 a. 4 arg. 7 Praeterea, remota paternitate et filiatione
secundum intellectum, adhuc remanet in divinis qui ab alio, et a quo alius.
Haec autem hypostases designant. Ergo remotis relationibus, adhuc remanent
hypostases in divinis. 7. Si on exclut en esprit la paternitй, la filiation, il demeure encore
dans la divinitй ce qui vient d’un autre, et par quoi il est autre. Mais cela
les hypostases le dйsignent. Donc si on exclut les relations, les hypostases
demeurent encore en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 8
Praeterea, remota differentia constitutiva, adhuc remanet genus. Sed
proprietates personales, cum constituant personas, sunt in divinis sicut
differentiae constitutivae. Ergo remotis proprietatibus, remanet genus
personae, quod est hypostasis. 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le genre demeure encore,
mais comme les propriйtйs personnelles constituent les personnes, elles sont en
Dieu comme des diffйrences constitutives. Donc si on les exclut, le genre de la
personne, qui est l'hypostase, demeure. q. 8 a. 4 arg. 9 Praeterea, Augustinus dicit, quod remoto hoc
quod est pater, adhuc remanet ingenitus. Sed ingenitus est quaedam proprietas
cuius suppositum esse non potest nisi hypostasis. Ergo remota paternitate,
adhuc remanet hypostasis patris. 9. Augustin dit (La Trinitй, V,
6), que si on exclut ce qui est le Pиre, demeure encore l'inengendrй. Mais кtre inengendrй est une propriйtй dont le suppфt
ne peut кtre que l'hypostase. Donc si on exclut la paternitй, l'hypostase du
Pиre demeure encore. q. 8 a. 4 arg. 10 Praeterea, sicut relationes sunt proprietates
hypostasum, ita attributa sunt proprietates essentiae. Sed remoto per
intellectum attributo essentiali, adhuc remanet intellectus divinae
substantiae. Boetius enim dicit quod remota bonitate a Deo per intellectum,
adhuc remanet quod sit Deus. Ergo similiter remotis relationibus, adhuc
remanent hypostases in divinis. 10. Les relations sont les propriйtйs des hypostases; de mкme les
attributs sont les propriйtйs de l'essence. Mais si on exclut en esprit un
attribut essentiel, le concept de la substance divine demeure encore. Car Boиce
dit (De hebdomadibus) que si on exclut
en esprit la bontй de Dieu, ce qui est Dieu demeure encore. Donc de la mкme
maniиre, si on exclut les relations, les hypostases demeurent encore en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 11 Praeterea, secundum Boetium, proprium est
intellectus, coniuncta secundum naturam dividere. Proprietas autem et hypostasis sunt realiter coniuncta in Deo. Ergo
intellectus potest ea ab invicem separare. 11. Selon Boиce (Sur le Prйambule
de Porphyre, dans les prйdicables)
le propre de l'intellect, c'est de diviser ce qui est joint en nature. Mais la
propriйtй et l'hypostase sont rйellement jointes en Dieu. Donc l'esprit peut
les sйparer l'une de l'autre. q. 8 a. 4 arg. 12 Praeterea, remoto eo quod est in aliquo,
potest intelligi id in quo est; sicut remoto accidente potest intelligi subiectum.
Sed relationes ponuntur in divinis hypostasibus esse. Ergo remotis relationibus
secundum intellectum, adhuc remanent hypostases. 12. Si on exclut ce qui est dans une chose, on peut connaоtre ce en
quoi elle est; ainsi si on exclut l'accident, on peut connaоtre le sujet. Mais
les relations sont placйes pour кtre dans les hypostases divines. Donc, si on
les exclut en esprit, restent encore les hypostases. En sens contraire: q. 8 a. 4 s. c. Sed contra. In divinis distinctio non potest
esse nisi secundum relationes. Sed hypostasis dicit aliquid distinctum. Ergo
remotis relationibus non remanet hypostasis. Cum enim in divinis non ponantur
nisi duo modi praedicandi, scilicet secundum substantiam, et ad aliquid,
remotis relationibus non remanent nisi ea quae ponuntur secundum substantiam.
Haec autem sunt quae pertinent ad essentiam; et sic non remanent hypostases
distinctae. En Dieu la distinction ne peut exister que selon les relations. Mais
l'hypostase dйsigne ce qui est distinct. Donc, si on exclut les relations,
l'hypostase ne demeure pas. En effet, comme en Dieu, on ne place que deux modes
d'attribution, а savoir selon la substance et selon la relation, si on exclut
les relations, il ne demeure que ce qui est placй selon la substance, mais
c'est ce qui concerne l'essence et ainsi les hypostases ne demeurent pas
distinctes. Rйponse: q. 8 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, sicut supra dictum est,
quidam posuerunt hypostases in divinis non constitui nec distingui
relationibus, sed per solam originem. Relationes autem dicebant consequi ipsam
originem personarum, sicut originis terminos, quibus complementum originis
designatur, et sic ad quamdam dignitatem pertinent. Unde cum persona videatur
esse nomen dignitatis, intellectis huiusmodi relationibus supra hypostases,
dicebant constitui personas; et sic huiusmodi relationes dicebant esse
constitutivas personarum, sed non hypostasum. Comme ci-dessus (article prйcйdant2)
on l'a dit, certains ont pensй que
les hypostases en Dieu ne sont pas constituйes ni distinguйes par les
relations, mais par leur seule origine, Mais ils disaient que les relations
dйcoulaient de l'origine mкme des personnes, comme ses limites, par lesquelles
est dйsignй ce qui la complиte et ainsi elles se rattachent а une certaine
dignitй. C'est pourquoi, comme la personne semble кtre un nom de dignitй, si de
telles relations sont comprises en plus des hypostases, ils disaient que les
personnes йtaient constituйes et ainsi ils disaient que de telles relations йtaient
constitutives des personnes mais pas des hypostases. Et pro tanto apud quosdam huiusmodi relationes
personalitates dicuntur; et ideo sicut apud nos, remotis ab aliquo homine his
quae ad dignitatem pertinent, quae faciunt eum esse personam, remanet eius
hypostasis, ita in divinis, remotis per intellectum huiusmodi relationibus
personalibus a personis, dicunt, quod remanebant hypostases, non tamen
personae. Et pour autant chez certains, les relations de ce genre sont appelйes
les ‘personnalitйs’: et c'est pourquoi, de mкme que pour nous, si on exclut de
l’homme ce qui concerne sa dignitй, qui en fait une personne, son hypostase
demeure, de mкme en Dieu, si une fois exclues en esprit de telles relations des
personnes, ils disent que les hypostases demeuraient, mais cependant pas les
personnes. Sed quia iam supra ostensum est quod relationes praedictae
et hypostases constituunt et distinguunt, ideo secundum alios dicendum est,
quod remotis per intellectum huiusmodi relationibus, sicut non remanent
personae, ita non remanent hypostases. Remoto enim eo quod est constitutivum
alicuius, non potest remanere id quod per ipsum constituitur. Mais parce que dйjа ci-dessus, on a montrй que ces relations
constituent et distinguent les hypostases, il
faut en consйquence dire selon d'autres, que, si on exclut en esprit de
telles relations, les personnes ne demeurent pas, et les hypostases non plus.
Car si on exclut ce qui est constitutif, ce qui en est constituй par soi ne
peut pas demeurer. Solutions: q. 8 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in hominibus
hypostases non constituuntur neque per relationes neque per proprietates, sicut
constituuntur in divinis, ut ostensum est; et ideo non est simile. # 1. Chez les hommes les hypostases ne sont constituйes ni par les
relations, ni par les propriйtйs, comme elles le sont en Dieu, comme on l'a
montrй, et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod pater ab eodem habet
quod sit quis et quod sit pater: ab eodem, inquam, secundum rem, et non secundum
rationem, sed differenti secundum rationem, vel sicut differt generale a
speciali, vel commune a proprio: sicut patet quod homo ab eadem forma
substantiali habet quod sit animal et quod sit homo; non enim sunt unius rei
plures formae substantiales secundum rem diversae: et tamen ab anima, inquantum
est anima sensibilis, tantum habet quod sit animal; inquantum vero est anima
sensibilis et rationalis, habet ab ea quod sit homo. Et propter hoc et equus
est animal, sed non est homo, quia non habet animam sensibilem eamdem numero
quam habet homo: et pro tanto etiam non est idem animal numero. Similiter dico
in proposito, quod pater habet quod sit quis et quod sit pater a relatione; sed
quod sit quis, habet a relatione communiter sumpta; quod autem sit hic quis,
habet ab hac relatione quae est paternitas; et propter hoc etiam filius, in quo
est relatio, sed non haec relatio quae est paternitas, est quis, sed non est
hic quis qui est pater. # 2. Par une mкme [nature], le Pиre a qu'il est tel et est Pиre; par un
mкme [nature], dis-je, en rйalitй, et non en raison, mais diffйrente en raison;
comme le gйnйral diffиre du particulier, ou ce qui est commun de ce qui est
propre; ainsi il est clair que l'homme par la mкme forme substantielle est
animal et homme; car il n'existe pas plusieurs formes substantielles d'une
seule chose diffйrentes en rйalitй. Et cependant par l'вme en tant qu'elle est
sensitive, il est seulement animal, mais par l’вme, en tant que sensitive et
raisonnable, il est un homme. Et le cheval est un animal, et pas un homme,
parce qu'il a une вme sensitive la mкme en nombre que celle de l'homme, et pour
autant il n'est pas le mкme animal en nombre. Je dis qu'il en est de mкme pour
notre propos, parce que le Pиre est tel et est Pиre par relation, mais qu'il
soit tel vient d'une relation assumйe en commun, mais qu'il soit ce qu’il est, il l'a par cette relation
qui est la paternitй et а cause de cela le Fils aussi, en qui est la relation,
mais cette relation qui est la paternitй n'est pas ce qu’il est et ce n’est pas
ce qu’il est qui est Pиre. q. 8 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod aliquid in relatione
alicuius potest poni dupliciter: scilicet explicite, sive in actu, et implicite
sive in potentia. In ratione enim animalis non ponitur anima rationalis explicite
et in actu, quia sic omne animal haberet animam rationalem; sed implicite et in
potentia, quia animal est substantia animata sensibilis. Sicut autem sub anima
in potentia continetur anima rationalis, ita sub animato rationale: et ideo
quando definitio animalis actu attribuitur homini, oportet quod rationale sit
de definitione animalis explicite, secundum quod animal est idem homini. Et
similiter est in proposito; hypostasis enim, communiter sumpta, est substantia
distincta: unde cum in divinis non possit esse distinctio nisi per relationem,
cum dico hypostasim divinam, oportet quod intelligatur relatione distincta. Et
ita relatio, quamvis non cadat in definitione hypostasis quod est homo, cadit
tamen in definitione hypostasis divinae. # 3. On peut placer quelque chose en relation de deux maniиres: а
savoir explicitement, ou en acte, et implicitement, ou en puissance. Car dans
la nature de l'animal on ne place pas l'вme raisonnable explicitement et en
acte, parce qu'ainsi tout animal aurait une вme raisonnable, mais implicitement
et en puissance, parce que l'animal est une substance animйe, douйe de
sensibilitй. De mкme que l'вme raisonnable est contenue en puissance sous l'вme;
de mкme le raisonnable sous l'animй; et ainsi quand la dйfinition de l'animal
en acte est attribuйe а l'homme, il faut que le raisonnable soit de la
dйfinition de l'animal explicitement selon que l’animal est identique а
l'homme. Et il en est de mкme pour notre propos: car l'hypostase prise
communйment est une substance distincte: c'est pourquoi, comme en Dieu, il ne
peut y avoir de distinction que par la relation, quand je parle de l'hypostase
divine, il faut comprendre qu'elle est distincte par une relation. Et ainsi,
quoique la relation ne soit pas comprise dans la dйfinition de l'hypostase,
parce qu'il est l'homme, elle s’applique cependant а la dйfinition de
l'hypostases divine. q. 8 a. 4 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod Iudaei et gentiles non intelligunt essentiam distinctam nisi ab
his quae sunt alterius naturae, quae quidem distinctio fit per ipsam divinam
essentiam. Sed apud nos hypostasis intelligitur ut distincta ab eo quod est
eiusdem naturae, a quo non potest distingui nisi per relationem tantum: et ideo
ratio non procedit. # 4. Les Juifs et les Paпens ne comprennent une essence distincte que
par ce qui est d’une autre nature. Cette distinction se fait par l'essence
divine elle-mкme. Mais pour nous, l'hypostase est comprise comme distincte de
ce qui est d’une mкme nature3, elle ne
peut en кtre distinguйe que par relation seulement; et c'est pourquoi cette
raison ne vaut pas. q. 8 a. 4 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod alius est modus quo definiuntur accidentia, et quo definiuntur
substantiae. Substantiae enim non definiuntur per aliquid quod sit extra
essentiam eorum: unde id quod primo ponitur in definitione substantiae est
genus, quod praedicatur in eo quod quid de definito. Accidens vero definitur
per aliquid quod est extra essentiam eius, scilicet per subiectum, a quo
secundum suum esse dependet. Unde id quod ponitur in definitione eius, loco
generis, est subiectum; sicut cum dicitur: simum est nasus curvus. Sicut ergo
in definitionibus substantiarum, remotis differentiis, remanet genus; ita in
definitione accidentium, remoto accidente, quod ponitur loco differentiae,
remanet subiectum; aliter tamen et aliter. Remota enim differentia remanet
genus, sed non idem numero: remoto enim rationali, non remanet idem numero
animal, quod est animal rationale; sed remoto eo quod ponitur loco differentiae
in definitionibus accidentium, remanet idem subiectum numero: remoto enim curvo
vel concavo, remanet idem nasus numero. Et hoc est, quia accidens non complet
essentiam subiecti sicut differentia complet essentiam generis. Cum ergo dicitur: persona est hypostasis,
proprietate distincta ad dignitatem pertinente, non ponitur hypostasis in
definitione personae ut subiectum, sed ut genus. Unde remota proprietate ad
dignitatem pertinente, non remanet hypostasis eadem, scilicet numero vel
specie, sed solum secundum genus, prout salvatur in substantiis non
rationalibus. # 5. La maniиre dont on dйfinit les accidents est diffйrente de celle
dont on dйfinit les substances. Car ces derniиres ne sont pas dйfinies par
quelque chose qui est en dehors de leur essence; c'est pourquoi ce qui est
d'abord placй dans la dйfinition de la substance est le genre, qui est attribuй
en ce qui est l'essence de ce qui est dйfini. Mais l'accident est dйfini par
quelque chose qui est hors de son essence, а savoir par le sujet, de qui il
dйpend selon son кtre. C'est pourquoi ce qui est placй dans sa dйfinition, а la
place du genre, c’est le sujet; ainsi quand on parle de camus4 c’est le nez concave. Donc, de mкme que dans
les dйfinitions des substances, si on exclut les diffйrences, le genre demeure,
de mкme dans celle des accidents, si on exclut l'accident qui est mis а la
place de la diffйrence, le sujet demeure; de faзon diffйrente cependant. Car si
on exclut la diffйrence, le genre demeure, mais non le mкme en nombre; mais si
on exclut le rationnel, l'animal ne demeure pas le mкme en nombre parce que
c'est un animal raisonnable; car si on exclut le courbe ou le concave, le mкme
nez demeure en nombre. Et c'est parce que l'accident n'achиve pas l'essence du
sujet comme la diffйrence achиve l'essence du genre. Donc quand on dit: la
personne est une hypostase par une propriйtй distincte, qui convient а sa
dignitй, on ne place pas une hypostase dans la dйfinition de la personne comme
sujet, mais comme genre. C'est pourquoi, si on exclut la propriйtй qui concerne
la dignitй, l'hypostase ne demeure pas la mкme, а savoir en nombre ou en
espиce, mais seulement en genre dans la mesure oщ elle est conservйe dans les
substances sans raison. q. 8 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod cum dicitur: verbum est
sapientia genita, ly sapientia supponit pro hypostasi, non tamen significat
hypostasim; et ideo in significatione eius non clauditur proprietas, sed
oportet quod addatur; sicut si dicam, quod Deus est filius genitus. # 6. Quand on dit: le Verbe est la sagesse engendrйe, la
"sagesse" remplace l'hypostase mais ne la signifie cependant pas; et
c'est pourquoi sa propriйtй n'est pas enfermйe dans sa signification, mais il
faut l’ajouter: comme si je disais que Dieu est le Fils engendrй. q. 8 a. 4 ad 7 Ad septimum
dicendum, quod qui ab alio et a quo alius, non differunt a paternitate et a
filiatione, nisi sicut commune a proprio, quia filius significat eum qui est ab
alio per generationem; et pater significat eum a quo alius per generationem;
nisi forte dicamus, quod a quo alius et qui ab alio, importent originem, et
pater et filius relationes originis consequentes. Sed ex supradictis iam patet
quod per origines non constituuntur hypostases, sed per relationes. # 7. Celui qui vient d'un autre et celui par lequel il est autre ne
diffиrent de la paternitй et de la filiation que comme le commun du propre5, parce que le Fils signifie celui qui dйpend
d'un autre par gйnйration; et le Pиre signifie celui d'oщ (vient) un autre par
gйnйration; а moins que, par hasard, on dise que celui par qui il est autre et celui
qui vient d’un autre rйvиlent l'origine et Pиre et Fils apportent les
relations qui en dйpendent . Mais on a montrй dйjаci-dessus que les hypostases
ne sont pas constituйes par les origines, mais par les relations. q. 8 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum quod, remota differentia
constitutiva, remanet genus in communi, non in eodem secundum speciem vel
numerum. # 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le genre demeure dans ce
qui est commun, non dans le mкme selon l'espиce et le nombre. q. 8 a. 4 ad 9 Ad nonum dicendum, quod intentio Augustini non
fuit dicere: quod Deus pater remaneat ingenitus, remota paternitate, nisi forte
prout ingenitus tunc importaret conditionem naturae, et non proprietatem
personae. Fuit autem eius intentio ostendere quod, remota paternitate, potest
remanere ingenitum in communi. Non enim oportet quod quidquid est ingenitum,
sit pater. # 9. L'intention d'Augustin n'a pas йtй de dire que Dieu le Pиre
demeure inengendrй, si on exclut la paternitй, а moins que par hasard inengendrй apporte une condition de
nature et non une propriйtй de la personne. Son intention a йtй de montrer que,
si on exclut la paternitй, il peut demeurer l’inengendrй en commun. Car il ne
faut pas que tout ce qui est inengendrй soit le Pиre. q. 8 a. 4 ad 10 Ad decimum dicendum, quod ratio bonitatis non
constituit rationem essentiae, immo intelligitur bonum ut informativum entis;
sed proprietas constituit hypostasim; et ideo non est simile. # 10. La nature de la bontй ne constitue pas celle de l'essence, bien
plus on comprend le bien comme formateur de l'кtre, mais la propriйtй a
constituй l'hypostase et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod licet intellectus
possit aliqua coniuncta dividere, non tamen omnia: non enim potest dividere
illa quorum unum est de ratione alterius; non enim potest dividere animal ab
homine. Proprietas autem est de ratione hypostasis, et ideo ratio non sequitur. # 11. Bien que l'intellect puisse sйparer6
certaines choses jointes, il ne le peut pas pour tout; car il ne peut pas
sйparer ce dont l'un est de la nature de l'autre, car, il ne peut pas, en
effet, sйparer l'animal de l'homme. Mais la propriйtй dйpend de la nature de
l'hypostase et c'est pourquoi cette raison ne convient pas. q. 8 a. 4 ad 12 Ad ultimum dicendum, quod remoto eo quod est in
aliquo sicut in subiecto, vel sicut in loco, remanet id in quo est; non autem
remoto eo quod est in aliquo sicut pars essentiae eius. Non enim remoto
rationali, remanet homo; et similiter nec remota proprietate, remanet
hypostasis. # 12. Si on exclut ce qui est
en quelque chose, comme dans un sujet, ou comme dans un lieu, demeure ce en quoi il est; mais pas si on exclut ce
qui est dans quelque chose comme une partie de son essence. Car si le
raisonnable n’est pas exclu, l'homme demeure, et de mкme si la propriйtй n’est
pas exclue, l'hypostase demeure.
1 Parall.: Ia, qu. 40, a. 3 — I Sent. d26q1a2 — Comp.
61. 2
Cf. 8, 3, resp. § 4. 3
Ce qui est d’une mкme nature, c’est l’essence. 4
Cf. Mйtaphysique, VII, 10, 1035 a 4
(p. 401, note 5). Par exemple, ce n’est pas de la concavitй que la chair est
une partie (car la chair est la matiиre dans laquelle la concavitй se rйalise),
c’est du camus qu’elle est une partie (camus: nez concave est le composй, la
concavitй est la forme.) Thomas n° 1472 5
Propre: primo modo; ce qui convient а une seule espиce, mais pas а tous les
individus de cette espиce (mйdecin) , secundo modo; propre а tous les individus
d'une mкme espиce, mais pas а eux seuls (bipиdes). 6
Il s'agit d'analyse.
Question 9: Les personnes divines
q. 9 pr. 1 Et primo quaeritur utrum quomodo se
habeat persona ad essentiam, subsistentiam et hypostasim. 1. Quel est le rapport de la personne vis-а-vis de l'essence, de la
subsistance, et de l'hypostase? q. 9 pr. 2 Secundo quid
sit persona. 2. Qu'est-ce que la personne? q. 9 pr. 3 Tertio utrum in Deo possit esse persona. 3. Le nom de personne peut-il кtre en Dieu? q. 9 pr. 4 Quarto utrum hoc nomen persona in divinis significet
aliquid relativum vel absolutum. 4. Ce nom personne signifie-t-il,
en Dieu, le relatif ou l'absolu? q. 9 pr. 5 Quinto utrum numerus personarum sit in divinis. 5. Le nombre des personnes est-il en Dieu? q. 9 pr. 6 Sexto utrum nomen personae convenienter possit
pluraliter praedicari in divinis. 6. Le nom de personne peut-il кtre convenablement attribuй а Dieu au
pluriel? q. 9 pr. 7 Septimo quomodo termini numerales praedicentur in
divinis, utrum scilicet positive, vel remotive tantum. 7. Comment les termes numйraux sont-ils attribuйs aux personnes
divines, positivement ou nйgativement? q. 9 pr. 8 Octavo utrum in Deo sit aliqua diversitas. 8. Y a-t-il une certaine diversitй en Dieu? q. 9 pr. 9 Nono utrum in divinis sint tres personae tantum, an
plures vel pauciores. 9. Y a-t-il trois Personnes seulement en Dieu, ou plus, ou moins?
Article 1: Quel est le rapport de la personne vis-а-vis de l'essence,
de la subsistance, et de l'hypostase?
q. 9 a. 1 tit. 1 Et primo quaeritur quomodo se
habeat persona ad essentiam, subsistentiam et hypostasim. Et videtur quod
omnino sint idem. Il semble que ces termes sont tout а fait tout а fait synonymes1. Objections: q. 9 a. 1 arg. 1 Dicit enim Augustinus in VII de Trin., quod
idem intelligunt Graeci cum confitentur in Deo tres hypostases, et Latini cum
confitentur tres personas. Ergo hypostasis et persona significant idem. 1. Car Augustin dit (la Trinitй, VII, 3) que les grecs
comprennent quelque chose d’identique quand ils confessent en Dieu trois
hypostases et les latins trois personnes. Donc hypostase et personne sont
synonymes. q. 9 a. 1 arg. 2 Sed dicendum, quod persona differt ab
hypostasi in hoc quod hypostasis significat individuum cuiuscumque naturae in
genere substantiae, persona vero solum individuum rationalis naturae.- Sed
contra est quod Boetius dicit, quod Graeci utuntur hoc nomine hypostasis solum
pro individuo rationalis naturae. Si ergo persona significat individuum
rationalis naturae, omnino sunt idem hypostasis et persona. 2. Mais il faut dire que la
personne diffиre de l'hypostase du fait que celle-ci signifie un individu de
quelque nature dans le genre de la substance, mais la personne signifie un seul
individu de nature raisonnable. — En sens
contraire, Boиce dit (Les deux
natures, III, PL. 64, 13442) que
les Grecs se servent de ce nom hypostase, seulement pour un individu de nature
raisonnable. Si donc la personne signifie
la mкme chose, hypostase et personne sont tout а fait synonymes. q. 9 a. 1 arg. 3
Praeterea, nomina imponuntur a rationibus rerum quas significant. Sed eadem ratio individuationis est in his quae sunt
rationalis naturae, et in aliis substantiis. Ergo individuum rationalis naturae
non debet habere speciale nomen prae aliis individuis in genere substantiae, ut
per hoc sit differentia inter hypostasim et personam. 3. Les noms s’imposent par la nature de ce qu'ils signifient, mais on
trouve la mкme nature d'individuation dans ce qui est d'une nature raisonnable
que dans les autres substances. Donc l'individu de nature raisonnable ne doit
pas avoir un nom spйcial en comparaison d'autres кtres individuels dans le
genre de la substance, pour qu’il y ait une diffйrence entre l'hypostase et la
personne. q. 9 a. 1 arg. 4 Praeterea, nomen subsistentiae a subsistendo
sumitur. Nihil autem subsistit nisi individua in genere substantiae, in quibus
sunt et accidentia et secundae substantiae, quae sunt genera et species, ut
dicitur in praedicamentis. Sola ergo individua in genere substantiae sunt
subsistentiae. Individuum autem in genere substantiae est hypostasis vel
persona. Ergo idem est subsistentia quod hypostasis et persona. 4. Le nom de subsistance est
pris de subsister. Mais rien ne subsiste que l'individu dans le genre de la
substance, en qui il y a les accidents et les substances secondes3, que sont les genres et les espиces, comme
il est dit dans Les Catйgories (5, 2
a 11 ss.). Donc seuls les individus dans
le genre de la substance sont des subsistances, mais un tel individu est
l’hypostase ou la personne. Donc la subsistance est identique а l’hypostase et
а la personne. q. 9 a. 1 arg. 5 Sed dicendum, quod genera et species in genere
substantiae subsistunt, eo quod eorum est subsistere, ut Boetius dicit, in Lib.
de duabus naturis.- Sed contra, subsistere nihil aliud est quam per se
existere. Quod ergo existit solum in alio, non subsistit. Sed genera et species
sunt solum in alio: sunt enim solum in primis substantiis, quibus interemptis,
impossibile est aliquid aliorum remanere, ut dicitur in praedicamentis. Non est
ergo subsistere, generum et specierum, sed solum individuorum in genere
substantiae; et sic remanet quod subsistentia sit idem quod hypostasis. 5. Mais il faut dire que les
genres et les espиces subsistent dans le genre de la substance, parce que c’est
leur nature de subsister, comme Boиce le dit (Les deux Natures, 3, PL. 64, 1342). — Mais en sens contraire, subsister n’est rien d'autre qu'exister par
soi4 . Donc ce qui existe seulement
dans un autre, ne subsiste pas5. Mais
les genres et les espиces sont seulement dans un autre: car ils sont seulement
dans les substances premiиres, lesquelles une fois enlevйes, il est impossible
que quelque chose d'autre demeure, comme on le dit dans les Catйgories (5, Les substances). Donc ce n'est pas le propre des genres et des
espиces de subsister, mais seulement des individus dans le genre de la
substance, et ainsi il reste que la subsistance est synonyme d'hypostase. q. 9 a. 1 arg. 6 Praeterea, Boetius dicit, quod ousia id est
essentia, significat compositum ex materia et forma. Hoc autem oportet esse
individuum: nam materia est individuationis principium. Ergo essentia
significat individuum; et sic idem est persona, hypostasis, essentia, et
subsistentia. 6. Boиce dit (dans le commentaire des Catйgories) que l'ousia,
c'est-а-dire l'essence, signifie le composй de matiиre et de forme. Mais il
faut que ce soit l'individu; car la matiиre est principe d’individuation. Donc
l'essence signifie l'individu, et ainsi la personne, l'hypostase, l'essence et
la subsistance sont synonymes. q. 9 a. 1 arg. 7 Praeterea, essentia est quam significat
definitio, cum per definitionem sciatur quid est res. Definitio autem rei
naturalis, quae est ex materia et forma composita, non solum continet formam,
sed etiam materiam, ut patet per philosophum. Ergo essentia est aliquid
compositum ex materia et forma. 7. L'essence est ce que signifie la dйfinition, puisque c’est par elle
qu’on sait ce que c’est. Mais la dйfinition d’une chose naturelle, composйe de
matiиre et de forme, non seulement contient la forme, mais aussi la matiиre,
comme le montre le philosophe (Mйtaphysique,
VI et VII, com. 33 ss.). Donc l'essence est un composй de matiиre et de forme. q. 9 a. 1 arg. 8 Sed dicendum, quod essentia significat naturam
communem, alia vero tria, scilicet subsistentia, hypostasis et persona, significant
individuum in genere substantiae.- Sed contra universale et particulare
inveniuntur in quolibet genere. In aliis autem generibus non distinguitur nomen
particularis et universalis: eodem enim nomine nominatur qualitas aut
quantitas, sive sit universalis sive sit particularis. Ergo nec in genere
substantiae debent esse distincta nomina ad significandum substantiam
universalem et particularem: et sic videtur quod praedicta nomina non
differant. 8. Mais il faut dire que
l'essence signifie la nature commune, et les trois autres, а savoir la
subsistance, l'hypostase et la personne signifient l'individu dans le genre de
la substance.— Mais en sens contraire,
l'universel et le particulier se trouve en n'importe quel genre. Mais dans les
autres genres, on ne fait pas la distinction entre le nom particulier et le nom
universel; car on dйsigne par un mкme nom la qualitй ou la quantitй, qu'elles
soient universelles et particuliиres. Donc les noms, dans le genre de la
substance, ne doivent pas кtre diffйrents pour signifier la substance
universelle et la substance particuliиre et de fait il semble que ces noms ne
le soient pas.
En sens contraire: q. 9 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Est quod Boetius dicit in
commento praedicamentorum quod ousia id est essentia, significat compositum ex
materia et forma; ousiosis id est subsistentia, significat formam; hypostasis
vero materiam. Ergo praedicta differunt. 1. Boиce dit dans le commentaire des Catйgories que l'ousia, c'est-а-dire l'essence, signifie
le composй de matiиre et de forme, ousiфsis,
c'est-а-dire la subsistance, signifie la forme; et l'hypostase signifie la
matiиre. Donc ces noms sont diffйrents. q. 9 a. 1 s. c. 2 Praeterea, idem videtur ex hoc quod idem
auctor assignat praedictorum nominum differentiam in Lib. de duobus naturis. 2. En plus on voit la mкme chose du fait que le mкme auteur assigne une
diffйrence а ces noms dans le livre des
deux Natures (3).
Rйponse: q. 9 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod philosophus ponit
substantiam dupliciter dici: Le philosophe (Mйtaphysique, V, 8, 1017 b 136 ) pense qu'on peut parler de la substance en
deux sens. dicitur enim uno modo substantia ipsum subiectum ultimum,
quod non praedicatur de alio: et hoc est particulare in genere substantiae; a) Car on dit dans un premier
sens que la substance est le sujet ultime qui n'est pas attribuй а un autre
et cela est particulier au genre de la substance7. alio modo dicitur substantia forma vel natura
subiecti. b) Dans un autre sens, on dit
qu'elle est la forme ou la nature du sujet. Huius autem distinctionis ratio est, quia inveniuntur plura
subiecta in una natura convenire, sicut plures homines in una natura hominis.
Unde oportuit distingui quod est unum, ab eo quod multiplicatur: natura enim
communis est quam significat definitio indicans quid est res; unde ipsa natura
communis, essentia vel quidditas dicitur. La raison de cette distinction est qu'on trouve que plusieurs sujets se
rencontrent dans une seule nature, ainsi un grand nombre d’hommes dans la seule
nature humaine. C'est pourquoi il a fallu distinguer ce qui est un de ce qui
est multipliй; car la nature commune est ce que signifie la dйfinition, qui
indique ce qu'est la chose; c'est pourquoi la nature commune mкme est appelйe
essence ou quidditй. Quidquid ergo est in re ad naturam communem pertinens, sub
significatione essentiae continetur, non autem quidquid est in substantia
particulari, est huiusmodi. Si enim quidquid est in substantia particulari ad
naturam communem pertineret, non posset esse distinctio inter substantias
particulares eiusdem naturae. Hoc autem quod est in substantia particulari
praeter naturam communem, est materia individualis quae est singularitatis
principium, et per consequens accidentia individualia quae materiam praedictam
determinant. Donc tout ce qui dans une chose se rattache а la nature commune est
contenu sous la signification d'essence,
mais tout ce qui est dans une substance particuliиre n'est pas de ce genre. Car
si tout ce qui est dans la substance particuliиre se rattachait а la nature
commune, il ne pourrait pas y avoir de distinction entre les substances
particuliиres de nature identique. Mais ce qui est dans la substance
particuliиre au-delа de la nature commune, c’est la matiиre individuelle qui
est le principe de l’individuation, et par consйquence les accidents
individuels qui la dйterminent. Comparatur ergo
essentia ad substantiam particularem ut pars formalis ipsius, ut humanitas ad
Socratem. Et ideo in
rebus, ex materia et forma compositis, essentia non est omnino idem quod
subiectum; unde non praedicatur de subiecto: non enim dicitur quod Socrates sit
una humanitas. Donc on compare l'essence а la substance particuliиre, comme sa part
formelle, comme l'humanitй а Socrate. Et c'est pourquoi, dans ce qui est
composй de matiиre et de forme, l'essence n'est pas tout а fait identique au
sujet; aussi on ne l'attribue pas au sujet; car on ne dit pas que Socrate est
une [seule] humanitй. In substantiis vero simplicibus, nulla est differentia
essentiae et subiecti, cum non sit in eis materia individualis naturam communem
individuans, sed ipsa essentia in eis est subsistentia. Et hoc patet per
philosophum et per Avicennam, qui dicit, in sua metaphysica, quod quidditas
simplicis est ipsum simplex. Mais, dans les substances simples, il n'y a pas de diffйrence entre
l'essence et la sujet, puisqu'il n'y a pas en elles de matiиre individuelle qui
individualise la nature commune, mais l'essence elle-mкme est en eux
subsistance. Et cela, le philosophe le montre (Mйtaphysique, VII 6, passim)
et aussi Avicenne, qui dit, en sa Mйtaphysique,
que la quidditй de ce qui est simple est simple elle-mкme. Substantia vero quae est subiectum, duo habet propria: Mais la substance qui est le sujet, a deux propriйtйs: quorum primum est quod non indiget extrinseco fundamento in
quo sustentetur, sed sustentatur in seipso; et ideo dicitur subsistere, quasi
per se et non in alio existens. a) La premiиre est qu'elle
n'a pas besoin d'un fondement extrinsиque en qui elle serait soutenue, mais
elles se soutient d'elle-mкme; et c'est pourquoi, on la dit subsister, comme
par soi et sans exister dans un autre. Aliud vero est quod est fundamentum accidentibus substentans
ipsa; et pro tanto dicitur substare. b) L'autre est qu'elle est,
elle-mкme fondement subsistant pour les accidents. Et pour autant, on dit
qu’elle est sujet8. Sic ergo substantia quae est subiectum, in quantum
subsistit, dicitur ousiosis vel subsistentia; in quantum vero substat, dicitur
hypostasis secundum Graecos, vel substantia prima secundum Latinos. Patet ergo
quod hypostasis et substantia differunt ratione, sed sunt idem re. Donc ainsi la substance, qui est le sujet, en tant qu'elle subsiste,
est appelй ousiфsis ou subsistance,
en tant qu’elle est sujet, elle est appelйe hypostase chez les Grecs, ou
substance premiиre chez les latins. Il est donc clair que l'hypostase et la
substance diffиrent en raison, mais sont identiques en rйalitй. Essentia vero in substantiis quidem materialibus non est
idem cum eis secundum rem, neque penitus diversum, cum se habeat ut pars
formalis; in substantiis vero immaterialibus est omnino idem secundum rem, sed
differens ratione. Persona vero addit supra hypostasim determinatam naturam:
nihil enim est aliud quam hypostasis rationalis naturae Mais l'essence dans les
substances matйrielles n'est pas identique а elles en rйalitй, ni tout а fait
diffйrente, puisqu'elle se comporte comme une partie formelle, mais dans les
substances immatйrielles, elle est tout а fait identique en rйalitй, mais
diffйrente en raison. Et la personne
ajoute а l'hypostase une nature dйterminйe, car elle n'est rien d’autre que
l'hypostase de nature raisonnable.
Solutions: q. 9 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod, ex quo persona non
addit supra hypostasim nisi rationalem naturam, oportet quod hypostasis et
persona in rationali natura sint penitus idem; sicut cum homo addat supra
animal, rationale, oportet quod animal rationale sit homo; et ideo verum est
quod Augustinus dicit, quod idem significant Graeci cum confitentur in Deo tres
hypostases, et Latini cum confitentur tres personas. # 1. Donc il faut dire que, du fait que la personne n'ajoute а
l'hypostase que la nature raisonnable, il faut que l'hypostase et la personne
soient tout а fait identiques dans cette nature raisonnable; ainsi quand homme
ajoute raisonnable а animal, il faut
que l'animal raisonnable soit un homme, et c'est pour cela que ce que dit
Augustin est vrai (La Trinitй VII, 4):
lorsque les Grecs confessent qu'en Dieu il y a trois hypostases et les Latins
trois personnes, ils signifient la mкme chose. q. 9 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc nomen hypostasis,
in Graeco ex proprietate significationis habet quod significet individuam
substantiam cuiuscumque naturae; sed ex usu loquentium habet quod significet
individuum rationalis naturae tantum. # 2. Ce nom hypostase, en
grec, au sens propre, signifie une substance individuelle de n’importe quelle
nature; mais par l'usage des locuteurs, il signifie l'individu d'une nature
raisonnable seulement. q. 9 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut substantia
individua proprium habet quod per se existat, ita proprium habet quod per se
agat: nihil enim agit nisi ens actu; et propter hoc calor sicut non per se est,
ita non per se agit; sed calidum per calorem calefacit. Hoc autem quod est per
se agere, excellentiori modo convenit substantiis rationalis naturae quam
aliis. Nam solae substantiae rationales habent dominium sui actus, ita quod in
eis est agere et non agere; aliae vero substantiae magis aguntur quam agant. Et
ideo conveniens fuit ut substantia individua rationalis naturae, speciale nomen
haberet. # 3. La substance individuelle a en propre d’exister par soi; de la
mкme maniиre elle a en propre d’agir par soi; car rien n'agit qu'un йtant en
acte, et c'est pourquoi de mкme que cette chaleur n'est pas par soi, de mкme
elle n'agit pas par soi, mais elle chauffe par la chaleur. Mais agir par soi
convient aux substances de nature raisonnable d'une maniиre plus excellente
qu'aux autres. Car seules elles ont pouvoir sur leurs actes, de sorte que c’est
leur nature d'agir et ne pas agir, mais les autres substances sont "agies"
plus qu'elles n'agissent. Et c'est pourquoi il a йtй convenable que la substance
individuelle de nature raisonnable porte un nom spйcial. q. 9 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis nihil
subsistat nisi individua substantia, quae hypostasis dicitur, tamen non eadem
ratione dicitur subsistere et substare: sed subsistere in quantum non est in
alio; substare vero in quantum alia insunt ei. Unde si aliqua substantia esset
quae per se existeret, non tamen esset alicuius accidentis subiectum, posset
proprie dici subsistentia, sed non substantia. # 4. Quoique rien ne subsiste sinon la substance individuelle, qui est
appelйe hypostase, cependant on ne dit pas subsistere
(subsister) et substare (кtre sujet)
pour la mкme raison. Subsister c’est
en tant qu’elle n’est pas dans un autre. Etre
sujet c’est en tant que les autres9
sont en elle. C'est pourquoi, si
quelque substance existait par soi, sans кtre cependant le substrat d'un
accident, elle pourrait кtre proprement appelй subsistance, mais pas substance.
q. 9 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Boetius loquitur
secundum opinionem Platonis, qui posuit genera et species esse quasdam formas
separatas subsistentes, ab accidentibus denudatas; et secundum hoc poterant
dici subsistentiae, sed non hypostases. Vel dicendum, quod subsistere
attribuitur generibus et speciebus, non quia subsistant, sed quia individua in
eorum naturis subsistunt, etiam omnibus accidentibus remotis. # 5. Boиce parle selon l'opinion de Platon10 qui a pensй que les genres et les espиces
йtaient des formes sйparйes subsistantes, sans accident, et ainsi, on pouvait
les appeler subsistances et non hypostases. Ou
bien il faut dire que subsister est attribuй aux genres et aux espиces, non
pas parce qu'ils subsistent, mais parce que les individus subsistent dans leur
nature, mкme si on exclut tous les accidents.
q. 9 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod essentia in substantiis
materialibus significat compositum ex materia et forma, non tamen ex materia
individuali, sed ex materia communi: definitio enim hominis quae significat
eius essentiam, continet quidem carnes et ossa, sed non has carnes vel haec
ossa. Sed materia individualis comprehenditur in significatione hypostasis et
subsistentiae in rebus materialibus. # 6. L'essence dans les substances matйrielles signifie le composй de
matiиre et de forme; cependant pas de la matiиre individuelle, mais de la
matiиre commune. Car la dйfinition de l'homme qui signifie son essence,
contient les chairs et les os, mais non ces chairs et ces os11. Mais la matiиre individuelle est comprise
dans la signification de l'hypostase et de la subsistance dans ce qui est
matйriel. q. 9 a. 1 ad 7 Et per hoc patet solutio ad septimum. # 7. Cela йclaire la septiиme objection. q. 9 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod accidentia non
individuantur nisi ex suis subiectis. Sola autem substantia per seipsam
individuatur, et per propria principia; et ideo convenienter in solo genere
substantiae particulare habet proprium nomen. # 8. Les accidents ne sont individualisйs que par leurs substrats, mais
seule la substance est individualisйe par elle-mкme et par ses propres
principes, et c'est pourquoi il est convenable qu’elle ait, dans le seul genre
particulier de la substance, un nom qui lui est propre q. 9 a. 1 ad s. c. Rationes quae sunt in oppositum, concedimus;
tamen sciendum, quod Boetius aliter accipit ista nomina in commento
praedicamentorum, quam sit communis usus eorum, prout exponit ea in Lib. de
duabus naturis. Attribuit enim nomen hypostasis materiae quasi primo principio
substandi, ex qua habet substantia prima quod substet accidenti: nam forma
simplex subiectum esse non potest, ut dicit idem Boetius in Lib. de Trinit.
Nomen autem ousiosis vel subsistentiae attribuit formae quasi essendi
principio, per ipsam enim est res in actu; nomen autem ousia vel essentiae
attribuit composito. Unde ostendit
quod in substantiis materialibus tam forma quam materia sunt essentialia
principia. Les raisons qui sont en sens
contraire, nous les
concйdons. Cependant, il faut savoir que Boиce prend ces noms, dans le
commentaire des Catйgories d'une
autre maniиre que leur usage commun, tel qu’il les expose dans le livre des deux Natures. Car il a attribuй le
nom d'hypostase а la matiиre comme au premier principe du sujet, par laquelle
la substance premiиre est sujet d'un accident. Car la forme simple ne peut pas
кtre substrat, comme le dit le mкme Boиce dans La Trinitй. Mais le nom ousiфsis,
ou subsistance, il l'a attribuй а la
forme comme principe d'кtre, car par elle la chose est en acte, mais le nom d'ousia ou d'essence, il l'a attribuй au composй. C'est pourquoi il montre que
dans les substance matйrielles, tant la forme que la matiиre sont des principes
essentiels.
1 Parall.: .Ia. qu. 29. a. 2 — 1 Sent.,
d23a1. 2
Le texte est en Ia, qu. 29, a. 2,
obj. 1. Graeci "naturae rationabilis individuam substantiam hypostaseos
nomine vocaverunt.". 3
La substance premiиre (ex. l’homme individuel). La substance seconde: les
espиces et les genres. S’il n’y a pas de substance premiиre, il n’y pas de
substance seconde, puisque c’est а partir d’elle que l’esprit conзoit la
substance seconde. Catйgories, V, 2 a
11: La substance premiиre: "Ce qui n’est ni affirmй d’un sujet, ni dans un
sujet, par exemple l'homme individuel…"— Mйtaphysique, V, lectio 10, n° 903: La substance particuliиre
diffиre de la substance universelle en trois points: a) La substance
particuliиre n’est pas attribuйe а quelque chose d’infйrieur, comme la
substance universelle. b) La substance universelle n'existe qu'en raison du
particulier qui subsiste par soi.. c) La substance universelle est en de
nombreuses choses, mais elle est sйparable et distincte de toutes les autres. 4
"Sub-siste, en effet, ce qui par soi-mкme pour pouvoir кtre n’a pas besoin
d’accident." (Boиce) La diffйrence entre subsistere et substare est
chez Boиce, Les deux Natures III. "Les
genres ou les espиces "subsistent" uniquement car il n'advient pas
d'accident aux genres et aux espиces. Les choses individuelles, en revanche,
non seulement subsistent, mais sont aussi substances ( substant) …elles donnent aux accidents la possibilitй d'exister, en
mкme temps qu'elles ont, bien entendu, un substrat (subjectum) pour eux." 5
"Le caractиre commun а toute substance, c’est de n’кtre pas dans un sujet".
(Catйgories, 5, 3 a 7). 6
(1) "Toutes ces choses sont appelйes substances, parce qu’elles ne sont
pas prйdicats d’un sujet, mais que, au contraire, les autres choses sont
prйdicats d’elles." (2) 17: "Ce sont aussi les parties immanentes de
tels кtres, parties qui les limitent et marquent leur individualitй et dont la
destruction serait la destruction de tout." (Trad. J. Tricot) 7
Catйgories, 5, 3 a 7: "Le
caractиre commun а toute substance, c’est de n’кtre pas dans un sujet." 8
Sub-stat: se tient en dessous. Elle
en est le substant. 9
C'est-а-dire les accidents. 10
Phaedon ch. 48-49 (voir Ia, qu. 29, a. 2) 11
Au sens concret.
Article 2: Qu'est-ce que la personne?
q. 9 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur quid sit
persona. Videtur quod inconvenienter definiat eam Boetius in Lib. de duabus
naturis dicens quod persona est: rationalis naturae individua substantia. Il semble que Boиce dans le livre Des
deux Natures, donne une dйfinition qui ne convient pas, en disant que la
personne est "une substance
individuelle de nature raisonnable." Objections1: q. 9 a. 2 arg. 1 Nullum enim singulare definitur, ut
patet per philosophum. Sed persona significat singulare in genere substantiae,
ut dictum est. Ergo non potest definiri. 1. Car on ne dйfinit rien de singulier, comme le montre le philosophe (Mйtaphysique,
VII, 15, 1039 b 272). Mais la
personne signifie quelque chose de singulier dans le genre de la substance,
comme on l'a dit. Donc elle ne peut pas кtre dйfinie. q. 9 a. 2 arg. 2 Sed dicendum, quod licet id quod est persona
sit quoddam singulare, tamen ratio personae communis est, et pro tanto persona
in communi definiri potest.- Sed contra, id quod est commune omnibus
substantiis individuis rationalis naturae, est intentio singularitatis, quae
quidem non est in genere substantiae. Ergo non debet in definitione personae
poni substantia quasi genus. 2. Mais il faut dire que,
bien que ce qu’est une personne soit quelque chose de singulier, cependant sa
notion est commune, et pour autant la personne peut avoir une dйfinition
commune. — En sens contraire, ce qui
est commun а toutes les substances individuelles de nature raisonnable est le
concept de singularitй3, qui n'est pas
dans le genre de la substance. Donc la substance
ne doit pas кtre placйe dans la dйfinition de la personne en tant que
genre. q. 9 a. 2 arg. 3 Sed dicendum, quod hoc nomen persona non
significat tantum intentionem, sed intentionem simul cum subiecto intentionis.-
Sed contra est quod philosophus probat, quod compositum ex subiecto et ex
accidente, non potest definiri,- sequeretur enim nugatio in definitione,- cum
enim in definitione accidentis ponatur subiectum, sicut nasus in definitione
simi, oportebit quod in definitione compositi ex subiecto et accidente, ponatur
bis subiectum: semel pro se, et semel pro accidente. Si ergo persona significat
intentionem et subiectum, inconveniens est quod definiatur. 3. Mais il faut dire que ce
nom de personne ne signifie pas
seulement le concept, mais un concept en mкme temps que son sujet. — En sens contraire, il y a ce que le
philosophe prouve (Mйtaphysique, VII,
5, 1031 a 44.) qu'on ne peut pas
dйfinir ce qui est composй d’un sujet et d'un accident — en effet, il en
dйcoulerait une niaiserie dans la dйfinition —car comme on place le substrat
dans la dйfinition de l’accident, comme le nez dans la dйfinition du camus, il
faudra que, dans ce qui est composй d’un sujet et d’un l'accident, on place
deux fois le sujet: une fois pour lui et une fois pour l'accident. Si donc la
personne signifie le concept et le substrat, il ne convient pas de la dйfinir. q. 9 a. 2 arg. 4 Praeterea, subiectum huius intentionis
communis est aliquod singulare. Si ergo persona significat simul intentionem et
subiectum intentionis, adhuc sequeretur quod, definita persona, definiatur
singulare; quod est inconveniens. 4. Le sujet de ce concept commun est quelque chose de singulier. Donc
si la personne signifiait en mкme temps le concept et le substrat du concept,
il en dйcoulerait alors, qu’une fois dйfinie la personne, on aurait dйfini ce
qui est singulier, ce qui ne convient pas. q. 9 a. 2 arg. 5 Praeterea, intentio non ponitur in definitione
rei, nec accidens in definitione substantiae. Persona autem est nomen rei et
substantiae. Inconvenienter igitur in definitione personae ponitur individuum,
quod est nomen intentionis et accidentis. 5. Le concept n'est pas placй dans la dйfinition de la chose, ni
l'accident dans la dйfinition de la substance. Mais la personne est le nom de
la chose et de la substance. Donc il ne convient pas de placer dans la
dйfinition de la personne l’individu
qui est le nom du concept et de l’accident q. 9 a. 2 arg. 6 Praeterea, illud in cuius definitione
ponitur substantia pro genere, oportet quod sit species substantiae. Sed
persona non est species substantiae, quia condivideretur contra alias
substantiae species. Ergo inconvenienter ponitur substantia in definitione
personae quasi genus. 6. Si la substance est mise а la place du genre, cela doity кtre
l’espиce de la usbstance. Mais la personne n’est pas l’espиce de la substance,
parce qu’elle serait sйparйe des autres espиces de substances. Donc il ne
convient pas de placer la substance
dans la dйfinition de la personne comme genre. q. 9 a. 2 arg. 7 Praeterea, substantia dividitur per primam et
secundam. Sed substantia secunda non potest poni in definitione personae: esset
enim oppositio in adiecto,- cum dicitur substantia individua,- nam substantia
secunda est substantia universalis. Similiter autem neque substantia prima, nam
substantia prima est substantia individua; et sic esset nugatio cum additur
individuum supra substantiam in definitione personae. Inconvenienter ergo
substantia ponitur in definitione personae. 7. La substance est divisйe en premiиre et en seconde5, mais la substance seconde ne peut кtre
placйe dans la dйfinition de la personne, car il y aurait une opposition dans
ce qui serait ajoutй — quand on parle de la substance individuelle — car la
substance seconde est la substance universelle. De mкme la substance premiиre
non plus, car elle est substance individuelle, et ainsi ce serait une niaiserie
d’ajouter l’individu а une substance dans la dйfinition de la personne. Donc il
ne convient pas de placer la substance
dans la dйfinition de la personne. q. 9 a. 2 arg. 8 Praeterea, nomen subsistentiae propinquius
esse videtur personae quam substantia: dicimus enim in Deo tres subsistentias,
sicut et tres personas; non autem dicimus tres substantias, sed unam. Magis
ergo debuit persona per subsistentiam quam per substantiam definiri. 8. Le noms de subsistance paraоt plus proche de la personne que la
substance; car nous disons qu'il y a trois subsistances en Dieu comme aussi
trois personnes; nous ne disons pas trois substances, mais une. Donc la personne
aurait dы кtre dйfinie plutфt par la subsistance
que par la substance. q. 9 a. 2 arg. 9 Praeterea, quod ponitur in definitione tamquam
genus, multiplicato definito multiplicatur, plures enim homines sunt plura
animalia. Sed in Deo sunt tres personae, non autem tres substantiae. Ergo
substantia non debet poni in definitione personae quasi genus. 9. Ce qui est placй dans la dйfinition en tant que genre, est multipliй
si on multiplie ce qui est dйfini, car plus il y a d'hommes plus il y a
d'animaux, mais en Dieu il y a trois personnes, mais pas trois substances. Donc
la substance ne doit pas кtre placйe
dans la dйfinition de la personne en tant que genre. q. 9 a. 2 arg. 10 Praeterea, rationale est differentia
animalis. Sed persona invenitur in his quae non sunt animalia, scilicet in
Angelis et in Deo. Ergo rationale non debuit poni in definitione personae. 10 Le rationnel est la diffйrence avec l'animal; mais on trouve la
personne dans ces (кtres) qui ne sont pas des animaux, а savoir les anges et
Dieu. Donc le raisonnable ne doit pas кtre placй dans la dйfinition de la
personne. q. 9 a. 2 arg. 11 Praeterea, natura est tantum in rebus
mobilibus: est enim principium motus, ut dicitur in II Phys. Sed essentia est
tam in rebus mobilibus quam in immobilibus. Ergo convenientius fuit in
definitione personae ponere essentiam quam naturam, cum etiam persona
inveniatur tam in rebus mobilibus quam in immobilibus: est enim in hominibus,
in Angelis et in Deo. 11. La nature n’est que dans ce qui est mobile; car elle est le principe
du mouvement, comme on le dit (Physique,
II, 1, 192 b 206). Mais l'essence est
autant dans ce qui est mobile que dans ce qui est immobile. Donc, dans la
dйfinition de la personne, il a йtй plus convenable de placer l'essence que la nature, puisque la personne se trouve autant dans ce qui est mobile
que dans ce qui est immobile, car elle est dans les hommes, les anges et Dieu. q. 9 a. 2 arg. 12
Praeterea, definitio debet converti cum definito. Non autem omne
quod est rationalis naturae individua substantia, est persona. Essentia enim
divina, secundum quod est essentia, non est persona, alioquin esset in Deo una
persona, sicut est una essentia. Ergo inconvenienter definitur persona
definitione praedicta. 12. La dйfinition doit кtre convertible avec ce qu’elle dйfinit. Mais
tout ce qui est substance individuelle de nature rationnelle est une personne.
L'essence divine, en effet, en tant que telle, n'est pas une personne,
autrement il n'y aurait qu'une seule personne en Dieu, comme il n’y a qu’une
seule essence. Donc la personne est mal caractйrisйe par la dйfinition. q. 9 a. 2 arg. 13 Praeterea, humana natura in Christo est
rationalis naturae individua substantia: neque enim est accidens, neque
universalis substantia, neque irrationalis naturae; non tamen humana natura in
Christo est persona: sequeretur enim quod persona divina quae assumpsit humanam
naturam, assumpsisset humanam personam; et sic essent in Christo duae personae,
scilicet divina assumens, et humana assumpta; quod est haeresis Nestorianae.
Non ergo omnis individua substantia rationalis naturae est persona. 13. La nature humaine dans le Christ est une substance individuelle de
nature rationnelle: car elle n'est ni un accident, ni une substance
universelle, ni d'une nature sans raison: cependant la nature humaine dans le
Christ n'est pas une personne, car il en dйcoulerait que la personne divine qui
a assumй la nature humaine, aurait assumй une personne humaine; et ainsi il y
aurait dans le Christ deux personnes, а savoir la personne divine, qui assume
et la personne humaine, qui est assumйe; ce qui est l'hйrйsie nestorienne. Donc
toute substance individuelle de nature rationnelle n'est pas une personne. q. 9 a. 2 arg. 14 Praeterea, anima separata a corpore per mortem,
non dicitur esse persona; et tamen est rationalis naturae individua substantia.
Non ergo haec est conveniens definitio personae. 14. L'вme sйparйe du corps par la mort n'est pas appelйe personne, et
cependant c'est une substance individuelle d'une nature raisonnable. Donc ce ne
n'est pas une dйfinition convenable de la personne . Rйponse: q. 9 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod rationabiliter,
individuum in genere substantiae speciale nomen sortitur: quia substantia ex
propriis principiis individuatur,- et non ex alio extraneo,- sicut accidens ex
subiecto. Inter individua etiam substantiarum rationabiliter individuum in
rationali natura, speciali nomine nominatur, quia ipsius est proprie et vere
per se agere, sicut supra dictum est. Selon la raison (comme cela se voit dans ce qui a йtй dit7) l'individu reзoit un nom spйcial dans le
genre de la substance, parce que celle-ci est individuйe par ses propres
principes8 — et non par quelque autre
chose extйrieure, — comme l'accident l’est par son substrat. Parmi les
individus des substances individuelles, raisonnable dans une nature
raisonnable, elle est nommйe par un nom spйcial, parce qu'il lui appartient
rйellement et vraiment d’agir par soi, comme on l'a dit ci-dessus. Sicut ergo hoc nomen hypostasis, secundum Graecos, vel
substantia prima secundum Latinos, est speciale nomen individui in genere
substantiae; ita hoc nomen persona, est speciale nomen individui rationalis
naturae. Utraque ergo specialitas sub nomine personae continetur. Donc de mкme que ce nom d'hypostase,
selon les grecs, ou de substance
premiиre, selon les Latins, est le nom spйcial d'un individu dans le genre
de la substance, de mкme ce nom de personne
est le nom spйcial d'un individu de nature raisonnable. Donc l’une et l’autre
particularitйs sont contenues sous le nom de personne. Et ideo ad ostendendum quod est specialiter individuum in
genere substantiae, dicitur quod est substantia individua; ad ostendendum vero
quod est specialiter in rationali natura, additur rationalis naturae. Per hoc
ergo quod dicitur substantia, excluduntur a ratione personae accidentia quorum
nullum potest dici persona. Per hoc vero quod dicitur individua, excluduntur
genera et species in genere substantiae quae etiam personae dici non possunt;
per hoc vero quod additur rationalis naturae, excluduntur inanimata corpora,
plantae et bruta quae personae non sunt. Et c'est pourquoi, pour montrer que l'individu est spйcialement dans le
genre de la substance, on dit que c'est une substance
individuelle; mais pour montrer qu’il est spйcialement dans la nature
raisonnable, on ajoute de nature
raisonnable. Donc du fait qu’il est appelй substance, les accidents sont exclus de la nature de la personne,
dont aucun ne peut кtre appelй personne.
Par le fait qu’on parle d’individus sont
exclus les genres et les espиces dans le genre de la substance qui ne peuvent
pas кtre appelйs non plus des personne; du fait qu'on ajoute de nature raisonnable, sont exclus les
corps inanimйs, les plantes, les animaux qui ne sont pas des personnes. Solutions: q. 9 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in substantia
particulari, est tria considerare: quorum unum est natura generis et speciei in singularibus
existens; secundum est modus existendi talis naturae, quia in
singulari substantia existit natura generis et speciei, ut propria huic
individuo, et non ut multis communis; # 1. Dans la substance particuliиre, il faut considйrer trois aspects: a) L'un est la nature du genre et de l'espиce, qui existe dans les
objets particuliers b) Le mode d'existence d'une telle nature, parce que la nature du genre
et de l'espиce existe dans la substance particuliиre, comme propre а cet
individu et non comme commun а beaucoup. objets particuliers. tertium est principium ex quo causatur talis modus
existendi. c) Le troisiиme est le principe qui cause un tel mode d'existence. Sicut autem natura in se considerata communis est, ita et
modus existendi naturae; non enim invenitur natura hominis existens in rebus
nisi aliquo singulari individuata: non enim est homo qui non sit aliquis homo,
nisi secundum opinionem Platonis, qui ponebat universalia separata. Sed
principium talis modi existendi quod est principium individuationis, non est
commune; sed aliud est in isto, et aliud in illo; hoc enim singulare
individuatur per hanc materiam, et illud per illam. Sicut ergo nomen quod
significat naturam, est commune et definibile,- ut homo vel animal,- ita nomen
quod significat naturam cum tali modo existendi, ut hypostasis vel persona.
Illud vero nomen quod in sua significatione includit determinatum
individuationis principium, non est commune nec definibile, ut Socrates et
Plato. Mais de mкme que la nature, considйrйe en soi, est commune, son mode
d'existence aussi, car on ne trouve la nature d'un homme qui existe en rйalitй
qu'individualisйe par quelque chose de particulier, car il n'y a pas d'homme
qui ne soit pas un certain homme, sinon selon l'opinion de Platon qui plaзait
des universels sйparйs. Mais le principe d'un tel mode d'existence qui est un
principe d'individuation n'est pas commun; mais il est diffйrent dans l'un et
dans l'autre; car cet кtre singulier est individuй par cette matiиre et cet
autre par celle-lа. De mкme donc que le nom qui signifie la nature est commun
et dйfinissable, — comme homme ou animal — de mкme le nom qui signifie la
nature avec un tel mode d'existence, comme hypostase,
ou personne. Mais ce nom qui inclut
dans sa signification un principe dйterminй d'individuation, n'est ni commun,
ni dйfinissable, comme Socrate et Platon. q. 9 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non solum intentio
singularitatis est communis omnibus individuis substantiis, sed etiam natura
generis cum tali modo existendi; et hoc modo significat hoc nomen hypostasis
naturam generis substantiae ut individuatam; hoc autem nomen persona solum
naturam rationalem sub tali modo existendi. Et propter hoc neque hypostasis
neque persona est nomen intentionis, sicut singulare vel individuum, sed nomen
rei tantum; non autem rei et intentionis simul. # 2. Non seulement le concept de singularitй est commun а toutes les
substances individuelles, mais la nature du genre aussi avec un tel mode
d'existence; et de cette maniиre le nom d'hypostase
signifie la nature du genre de la substance en tant qu’individualisйe; mais ce
nom de personne signifie seulement la
nature raisonnable qui existe sous un tel mode d’existence. Et c'est pour cela
que ni hypostase, ni personne, ne sont le nom du concept en tant que singulier
ou individuel; mais le nom de la chose seulement; mais pas celui de la chose et
du concept en mкme temps. q. 9 a. 2 ad 3 Unde patet solutio ad tertium et quartum. # 3. 4. Ainsi s’йclaire la solution а la troisiиme et quatriиme
objection. q. 9 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum quod, quia essentiales rerum
differentiae sunt ignotae frequenter et innominatae, oportet interdum uti
accidentalibus differentiis ad substantiales differentias designandas, sicut
docet philosophus, et hoc modo individuum ponitur in definitione personae, ad
designandum individualem modum essendi. # 5. Parce que les diffйrences essentielles sont frйquemment ignorйes
et sans nom, il faut parfois se servir des diffйrences accidentelles, pour
dйsigner des diffйrences substantielles, comme le montre le philosophe (Mйtaphysique, VIII, 2, 1043 a 5) et de
cette maniиre on place l’individu
dans la dйfinition de la personne pour dйsigner le mode individuel d'кtre. q. 9 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum quod, cum dividitur
substantia in primam et secundam, non est divisio generis in species,- cum
nihil contineatur sub secunda substantia quod non sit in prima,- sed est
divisio generis secundum diversos modos essendi. Nam secunda substantia
significat naturam generis secundum se absolutam; prima vero substantia
significat eam ut individualiter subsistentem. Unde magis est divisio analogi
quam generis. Sic ergo persona continetur quidem in genere substantiae, licet
non ut species, sed ut specialem modum existendi determinans. # 6. Quand la substance est divisйe en premiиre et seconde, ce n'est
pas une division du genre en espиce — puisque rien n'est contenu sous la
substance seconde qui ne soit dans la substance premiиre — mais c'est une
division du genre selon les diverses maniиres d'кtre. Car la substance seconde
signifie la nature absolue du genre en soi; mais la substance premiиre signifie
celle en tant qu’elle subsiste individuellement. C'est pourquoi c'est plus une
division de l’analogue que du genre. Ainsi donc la personne est contenue dans
le genre de la substance, bien qu'elle n’y soit pas comme espиce, mais comme ce
qui dйtermine un mode spйcial d'existence. q. 9 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod quidam dicunt, quod
substantia ponitur in definitione personae prout significat hypostasim, sed cum
de ratione hypostasis sit individuum, secundum quod opponitur communitati
universalis vel parti,- quia nullum universale, nec aliqua pars, ut manus vel
pes, potest dici hypostasis,- ulterius de ratione personae est individuum,
secundum quod opponitur communitati assumptibilis. Dicunt enim, quod humana natura in Christo est hypostasis, sed non
persona. Et ideo ad excludendum assumptibilitatem additur individuum in
definitione personae. # 7. Certains disent que la substance est placйe dans la dйfinition
de la personne dans la mesure oщ elle signifie l'hypostase, mais comme
l’individu concerne le concept d'hypostase, selon qu'il est opposй au caractиre
commun de l'universel ou а la partie — parce que rien d'universel, ni une
partie, comme la main ou le pied ne peut кtre appelй hypostase — l'individu
concerne en plus le concept de personne selon qu’il est opposй а l’йtat commun
de ce qui ne peut кtre assumй. Car ils disent que la nature humaine dans le
Christ est une hypostase, mais non une personne. Et c'est pourquoi pour exclure
qu’elle puisse кtre assumйe, on ajoute individu dans la dйfinition de la
personne. Sed hoc videtur esse contra intentionem Boetii, qui in Lib. de duabus naturis, per hoc quod
dicitur individuum, excludit universalia a ratione personae. Et ideo melius est
ut dicatur, quod substantia non ponitur in definitione personae pro hypostasi,
sed pro eo quod est commune ad substantiam primam, quae est hypostasis, et
substantiam secundam, et dividitur in utraque. Et sic illud commune, per hoc
quod additur individuum, contrahitur ad hypostasim, ut idem sit dicere:
substantia individua rationalis naturae, ac si diceretur hypostasis rationalis
naturae. Mais cela paraоt opposй а la pensйe de Boиce, qui dans le livre Des deux natures, du fait qu'on parle d’individu, est exclu ce qui est universel
de la nature de la personne. Et c'est pourquoi il est meilleur de dire que la substance n'est pas placйe dans la
dйfinition de la personne а la place de l’hypostase, mais pour ce qui est
commun а la substance premiиre, qui est l'hypostase, et а la substance seconde
et elle est divisйe en l'une et l'autre. Et ainsi ce qui est commun, par le
fait qu'on ajoute individu, est
rйunie а l'hypostase pour que ce soit la mкme chose de dire: substance individuelle de nature raisonnable
comme si on parlait d’une hypostase de nature raisonnable. q. 9 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum quod, secundum praedicta,
ratio non procedit: quia substantia accipitur non pro hypostasi, sed pro eo
quod est commune ad omnem substantiae acceptionem. Si tamen acciperetur
substantia pro hypostasi, adhuc ratio non sequeretur: substantia enim quae est
hypostasis, propinquius se habet ad personam quam subsistentia; cum tamen
persona dicat aliquid subiectum, sicut substantia prima, et non solum sicut
subsistens ut subsistentia. Sed quia nomen substantiae refertur etiam apud
Latinos ad significationem essentiae, ideo ad vitandum errorem non dicimus tres
substantias, sicut tres subsistentias. Graeci vero apud quos est distinctum
nomen hypostasis a nomine ousias indubitanter in Deo tres hypostases
confitentur. # 8. Selon ce qui a йtй dit, cette raison ne vaut pas, parce que la
substance est prise non pour une hypostase mais pour ce qui est commun а toute
l'acception de la substance. Si cependant la substance йtait prise а la place
de l'hypostase, la raison ne vaudrait pas non plus, car la substance qui est
l’hypostase se montre plus proche de la personne que la subsistance; йtant
donnй que la personne dйsigne un substrat, de mкme que la substance premiиre et
non seulement en tant que subsistant comme subsistance. Mais parce que le nom
de substance est rapportй aussi chez
les Latins а la signification de l'essence, pour йviter une erreur, nous
parlons de trois substances, comme de trois subsistances. Mais les Grecs, chez
qui le nom hypostase est distinguй de
ousia, confessent, sans doute aucun,
trois hypostases en Dieu. q. 9 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum quod, sicut dicimus in Deo
tres personas, ita possumus dicere tres substantias individuas; unam tamen
substantiam quae est essentia. # 9. De mкme que nous disons qu'il y a trois personnes en Dieu, de mкme
nous pouvons parler de trois substances individuelles, cependant d’une seule
substance qui est l'essence. q. 9 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod rationale est
differentia animalis, secundum quod ratio, a qua sumitur, significat
cognitionem discursivam, qualis est in hominibus, non autem in Angelis nec in
Deo. Boetius autem sumit rationale communiter pro intellectuali, quod dicimus
convenire Deo et Angelis et hominibus. # 10. Raisonnable dйsigne la
diffйrence de l'animal selon que la notion, d'oщ il est pris, signifie la
connaissance discursive telle qu'elle est dans l'homme, mais non dans les anges9, ni en Dieu. Mais Boиce prend raisonnable communйment pour
intellectuel, que nous disons convenir а Dieu, aux anges et aux hommes. q. 9 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum quod natura in
definitione personae non accipitur prout est principium motus, sicut definitur
a philosopho, sed sicut definitur a Boetio: quod natura est unumquodque
informans specifica differentia. Et quia differentia complet definitionem et
determinat definitum ad speciem, ideo nomen naturae magis competit in
definitione personae,- quae specialiter in quibusdam substantiis invenitur,- quam
nomen essentiae, quod est communissimum. # 11. La nature, dans la
dйfinition de la personne n'est pas prise selon qu'elle est le principe du
mouvement comme le philosophe la dйfinit (Physique,
II, 193 a 3010), mais comme elle est
dйfinie par Boиce (dans Les deux natures,
III) parce que la nature est une
diffйrence spйcifique qui donne forme а chaque chose. Et parce que la
diffйrence complиte la dйfinition et dйtermine le dйfini а l'espиce, le nom de nature appartient plus а la dйfinition
de la personne — qui se trouve spйcialement en certaines substances — que le
nom essence qui est trиs commun. q. 9 a. 2 ad 12 Ad duodecimum dicendum quod individuum, in
definitione personae, sumitur pro eo quod non praedicatur de pluribus; et
secundum hoc essentia divina non est individua substantia secundum
praedicationem,- cum praedicetur de pluribus personis,- licet sit individua
secundum rem. Richardus tamen de sancto Victore, corrigens definitionem Boetii,
secundum quod persona in divinis accipitur, dixit: quod persona est divinae
naturae incommunicabilis existentia, ut per hoc quod dicitur incommunicabilis,
essentia divina, persona non esse, ostenderetur. # 12. L’individu, dans la dйfinition de la personne, est pris pour ce
qui est attribuй а plusieurs, et ainsi l'essence divine n'est pas une substance
individuelle selon l'attribution — puisqu'elle est attribuйe а plusieurs
personnes — bien qu'elle soit individuelle en rйalitй; cependant Richard de
saint Victor (La Trinitй, IV, 18 et 23),
corrigeant la dйfinition de Boиce, selon que la personne est reзue en Dieu, a
dit que: "La personne est une
existence incommunicable de nature divine." pour montrer que parce
qu’on la dit incommunicable,
l'essence divine n’est pas une personne. q. 9 a. 2 ad 13 Ad decimumtertium dicendum quod cum substantia
individua sit quoddam completum per se existens, humana natura in Christo, cum
sit assumpta in personam divinam, non potest dici substantia individua,- quae
est hypostasis,- sicut nec manus nec pes nec aliquid eorum quae non subsistunt
per se ab aliis separata; et propter hoc non sequitur quod sit persona. # 13. Comme la substance individuelle est quelque chose de complet
existant par soi, comme la nature humaine dans le Christ a йtй assumйe dans la
personne divine, elle ne peut pas кtre appelйe substance individuelle — qui est
une hypostase,— de mкme que ni la main ni le pied, ni quelque chose de ce qui
ne subsiste pas par soi sйparй des autres; et pour cela il n'en dйcoule pas
qu’elle soit une personne. q. 9 a. 2 ad 14 Ad decimumquartum dicendum quod anima separata
est pars rationalis naturae, scilicet humanae, et non tota natura rationalis
humana, et ideo non est persona. # 14. L'вme sйparйe est une partie de la nature raisonnable, а savoir
de la nature humaine, et non toute la nature raisonnable humaine et c'est pour
cela que ce n'est pas une personne.
1 PARALL.: Ia, qu. 29, a. 1 — a. 3, ad 2, 4 — IIIa, qu. 2, a. 2— I Sent. D. 25, a. 1. De unione Verbi. a. 1, (§ 1: dйfinition de la nature, § 2, dйfinition de
la personne. ) 2
"Et la raison pour laquelle des substances sensibles individuelles il n’y
a ni dйfinition, ni dйmonstration, c’est que ces substances ont une matiиre
dont la nature est de pouvoir et кtre et n’кtre pas…" (p. 434) Thomas
1606-1612) Cf. Anal. Post. I, 8, 75 b 24: l’universalitй de
la dйfinition ne peut porter que sur des universaux. 3
Singularitas: le fait d’кtre unique,
individualitй. 4
"On voit donc que c’est de la substance seule qu’il y a dйfinition."
(Trad. Tricot, p. 369). 5
Voir qu. 9, a. 1, note 6. 6
"Car la nature est un principe et une cause de mouvement et de repos pour
la chose en laquelle elle rйside immйdiatement, par essence et non pas
accident." (Trad. H. Carteron). Cf. De
Caelo, I, 2, 268 b 15: "Tous les corps naturels et toutes les
grandeurs sont, prйtendons-nous, mobiles, de par soi, selon le lieu, nous
disons en effet que la nature est le principe de leur mouvement." 7
Йd. Marietti ajoute: [sicut ex praemissis
patet]. 8
Cf. Ia, qu. 29, a. 1, c. "La
substance est individuйe par elle-mкme, les accidents le sont pas le sujet.". 9
La connaissance dans les anges; Voir Pйchaire, Intellectus et ratio selon saint Thomas. V.g. p. 71. 10
"Mais en un autre sens, c’est le type et la forme, la forme dйfinissable.
Article 3: Peut-il y avoir une personne en Dieu?
q. 9 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur utrum in Deo
possit esse persona. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 9 a. 3 arg. 1 Sicut enim dicit Boetius nomen personae
sumitur a personando, quia homines larvati personae dicebantur, quia in
comoediis vel tragoediis aliquid personabant. Sed esse larvatum non competit Deo,
nisi forte metaphorice. Ergo nomen personae non potest dici de Deo, nisi forte
metaphorice. 1. Car, comme le dit Boиce (Les deux Natures, III, PL. 64, 1344 A),
le nom de personne vient de personare
(c'est-а-dire rйsonner): les hommes qui portaient un masque йtaient appelйs des
personnes, parce que, dans les comйdies et les tragйdies, leurs voix
rйsonnaient. Mais porter un masque ne convient pas а Dieu sinon par mйtaphore.
Donc le nom de personne ne peut кtre employй pour Dieu, sinon йventuellement par
mйtaphore. q. 9 a. 3 arg. 2 Praeterea, sicut dicit Damascenus, de nullo
eorum quae dicuntur de Deo, possumus scire quid est, prout ei conveniunt. Sed de persona scimus quid est, per definitionem praemissam. Ergo persona
non competit Deo, ad minus secundum definitionem praedictam. 2. Comme le dit Jean Damascиne (La
foi orthodoxe I, 1, 2 et 4), de tout ce qu'on dit а propos de Dieu, nous ne
pouvons savoir ce qu’il est, dans la mesure oщ cela lui convient. Mais pour la
personne, nous savons ce qu’elle est, par la dйfinition rapportйe ci-dessus (a.
2). Donc le nom de personne ne convient pas а Dieu, au moins selon la
dйfinition qu’on en a donnйe. q. 9 a. 3 arg. 3 Praeterea, Deus non est in aliquo genere; cum
enim sit infinitus, sub nullius generis terminis comprehendi potest. Persona
autem significat aliquid quod est in genere substantiae. Ergo persona Deo non
convenit. 3. Dieu n'est pas dans un genre, car comme il est infini, il ne peut
кtre compris sous les termes d'aucun genre. Mais la personne signifie quelque
chose qui est dans le genre de la substance. Donc la personne ne convient pas а
Dieu. q. 9 a. 3 arg. 4 Praeterea, in Deo nulla est compositio. Sed
persona significat aliquid compositum; singulare enim humanae naturae, quod est
persona, est maximae compositionis; partes etiam definitionis personae
demonstrant personam esse compositam. Non est ergo in Deo persona. 4. Il n'y a nulle composition en Dieu. Mais la personne signifie
quelque chose de composй; car l'individu particulier de nature humaine, qui est
une personne est d’une trиs grande composition; les parties de la dйfinition de
la personne montrent aussi qu'elle est composйe. Donc il n'y a pas de personne
en Dieu. q. 9 a. 3 arg. 5 Praeterea, in Deo nulla est materia.
Principium autem individuationis materia est. Cum ergo persona sit substantia
individua, non potest Deo convenire. 5. En Dieu il n'y a pas de matiиre. Mais le principe d'individuation
est la matiиre. Comme la personne est une substance individuelle, elle ne peut
convenir а Dieu. q. 9 a. 3 arg. 6 Praeterea, omnis persona est subsistentia. Sed
Deus non potest dici subsistentia, quia non existit sub aliquo. Ergo non est
persona. 6. Toute personne est une subsistance. Mais Dieu ne peut pas кtre
appelй subsistance, parce qu'il n'est placй sous rien2 . Donc il n'est pas une personne. q. 9 a. 3 arg. 7 Praeterea, persona sub hypostasi continetur.
Sed in Deo non potest esse hypostasis, quia non est in eo aliquod accidens, cum
hypostasis dicat subiectum accidentis, ut supra dictum est. Ergo in Deo non est
persona. 7. La personne est contenue sous l'hypostase. Mais en Dieu il ne peut
pas y avoir d'hypostase, parce qu'en lui, il n'y a pas d'accident, puisqu’on
dit que l’hypostase est le substrat de l’accident, comme ci-dessus (art. 13) on l'a dit. Donc en Dieu il n'y a pas de
personne. En sens contraire: q. 9 a. 3 s. c. Sed contrarium, apparet per Athanasium in
symbolo quicumque vult, etc., et per Augustinum in VII de Trinit., et per communem
Ecclesiae usum, quae a spiritu sancto edocta non potest errare. Le contraire apparaоt dans le Symbole d'Athanase4:"Quiconque veut… etc." et chez
Augustin (La Trinitй, VII, 6) et par
l'usage commun de l'Йglise, qui, instruite par l'Esprit saint, ne peut pas se
tromper. Rйponse: q. 9 a. 3 co. Respondeo. Dicendum quod persona, sicut dictum
est, significat quamdam naturam cum quodam modo existendi. Natura autem, quam
persona in sua significatione includit, est omnium naturarum dignissima,
scilicet natura intellectualis secundum genus suum. Similiter etiam modus
existendi quem importat persona est dignissimus, ut scilicet aliquid sit per se
existens La personne, comme il a йtй dit, signifie une nature avec un certain
mode d'existence. Mais la nature, que "personne" inclut dans sa
signification est la plus digne de toutes les natures, а savoir, selon son
genre, la nature intellectuelle. De mкme aussi le mode d'existence qu'apporte
la personne est le plus digne, en tant que rйalitй qui existe en soi. Cum ergo omne quod est dignissimum in creaturis, Deo sit
attribuendum, convenienter nomen personae Deo attribui potest, sicut et alia
nomina quae proprie dicuntur de Deo. Donc, comme tout ce qui est le plus digne dans les crйatures doit кtre
attribuй а Dieu, il convient que le nom
de personne puisse lui кtre attribuй, comme les autres noms qui lui sont
attribuйs en propre. Solutions: q. 9 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod in nomine aliquo
est duo considerare: scilicet, illud ad quod significandum nomen imponitur, et
illud a quo imponitur ad significandum. Frequenter enim imponitur nomen aliquod
ad significandum rem aliquam, ab aliquo accidente aut actu aut effectu illius
rei; quae tamen non sunt principaliter significata per illud nomen, sed potius
ipsa rei substantia, vel natura sicut hoc nomen lapis sumitur a laesione pedis,
quam tamen non significat, sed potius corpus quoddam in quo tale accidens
frequenter invenitur. Unde laesio pedis magis pertinet ad etymologiam huius nominis
lapis, quam ad eius significationem. # 1. Dans un nom il y a deux aspects а considйrer: l’un s’impose pour
signifier pour quoi? et l’autre par quoi?
Car frйquemment le nom sert pour signifier quelque chose par un accident, un
acte ou un de ses effets; cependant cela n'est pas signifiй principalement par
ce nom, mais plutфt par la substance de la chose, ou sa nature; ainsi le nom pierre est pris de "qui blesse le
pied5". Ce que cependant il ne
signifie pas, mais il signifie plutфt un corps dans lequel se trouve
frйquemment un tel accident. C'est pourquoi la blessure du pied appartient а
son йtymologie plus qu'а sa signification. Quando ergo illud ad quod significandum nomen imponitur, Deo
non competit,- sed aliqua proprietas eius secundum similitudinem quamdam,- tunc
illud nomen de Deo metaphorice dicitur: sicut Deus nominatur leo, non quia
natura illius animalis Deo conveniat, sed propter fortitudinem quae in leone
invenitur. Quando vero res significata per nomen Deo convenit, tunc illud nomen
proprie de Deo dicitur, sicut bonum, sapiens et huiusmodi; licet etiam
quandoque illud a quo tale nomen imponitur, non conveniat Deo. Sic ergo licet
personare ad modum larvati hominis a quo impositum fuit nomen personae, Deo non
conveniat, tamen illud quod significatur per nomen, scilicet subsistens in
natura intellectuali, competit Deo; et propter hoc nomen personae proprie
sumitur in divinis. Donc quand ce а quoi sert le nom pour signifier quelque chose ne lui
convient pas — mais une de ses propriйtйs selon une ressemblance quelconque —
alors ce nom est employй pour Dieu mйtaphoriquement; ainsi Dieu est appelй
lion, non pas parce que la nature animale lui convient, mais а cause de la
force qui est dans le lion. Mais quand une chose signifiйe par le nom lui
convient, alors il est employй au sens propre, comme bon, sage, etc.; bien que
quelquefois aussi ce par quoi on se sert d'un tel nom ne lui convienne pas.
Ainsi donc, bien que crier а voix forte
а la maniиre d’un homme masquй, par qui a йtй imposй le nom de personne, ne
convienne pas а Dieu, cependant ce qu’il signifie, а savoir qui subsiste dans une nature intellectuelle,
lui convient, et а cause de cela le nom de personne
est pris en lui au sens propre. q. 9 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum quod tam nomen personae
quam definitio de persona data, si recte intelligatur, convenit Deo: non tamen
ita quod sit definitio eius, quia plus est in Deo quam significetur per nomen.
Unde id quod Dei est, per rationem nominis non definitur. # 2. Tant le nom de personne que la dйfinition qu’on lui donne, si on
les comprend bien, conviennent а Dieu, non cependant de sorte que ce soit sa
dйfinition, parce qu'il y a plus en Dieu que ce qui est signifiй par le nom.
C'est pourquoi ce qui appartient а Dieu n'est pas dйfini par la signification
de ce nom. q. 9 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum quod, licet Deus non
sit in genere substantiae tamquam species, pertinet tamen ad genus substantiae
sicut generis principium. # 3. Bien que Dieu ne soit pas dans le genre de la substance, comme
espиce, il se rapporte cependant au genre de la substance comme principe du
genre. q. 9 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum quod accidit personae, in
quantum huiusmodi, quod sit composita, ex hoc quod complementum vel perfectio,
quae requiritur ad rationem personae, non invenitur statim in uno simplici, sed
requirit adunationem multorum, sicut in hominibus patet. In Deo autem, cum
summa simplicitate est summa perfectio; et ideo est ibi persona absque
compositione. Partes vero positae in definitione personae non ostendunt aliquam
compositionem personae, nisi in substantiis materialibus: individuum autem cum
sit negatio, per hoc quod substantiae additur, nulla compositio importatur.
Unde remanet ibi sola compositio individuae substantiae, id est hypostasis ad
naturam: quae duo, in substantiis immaterialibus, secundum rem, sunt idem
omnino. # 4. Il arrive а la personne en tant que telle, d’кtre composйe, du
fait que ce qui l'achиve ou la parfait, requis pour sa nature, ne se trouve pas
constamment dans ce qui est un et simple, mais requiert l'union de beaucoup de
parties, comme on le voit pour l'homme. Mais en Dieu, comme la perfection
surpкme vient de sa suprкme simplicitй, il y a une personne sans composition.
Aussi les parties placйes dans la dйfinition de la personne ne montrent une
composition de la personne que dans les substance matйrielles; mais comme
l’individu est une nйgation, du fait qu'il est ajoutй а la substance, il
n’apporte aucune composition. C'est pourquoi la seule composition de la
substance individuelle y demeure, c'est-а-dire l'hypostase pour la nature; les
deux, dans les substances immatйrielles, sont tout а fait identiques en
rйalitй. q. 9 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum quod rebus materialibus, in
quibus formae non sunt per se subsistentes, sed materiae inhaerentes, oportet
quod principium individuationis sit ex materia: formae vero immateriales, cum
sint per se subsistentes, ex seipsis individuantur; ex hoc enim quod aliquid
est subsistens, habet quod de pluribus praedicari non potest: et ideo nihil
prohibet in rebus immaterialibus substantiam individuam et personam inveniri. # 5. Pour les choses matйrielles, en qui les formes ne sont pas
subsistantes par soi, mais inhйrentes а la matiиre, il faut que le principe
d'individuation vienne de la matiиre: mais comme les formes immatйrielles sont
subsistantes par soi, elles sont individuйes par elles-mкmes; car du fait que
quelque chose est subsistant, il a ce qui ne peut pas кtre attribuй а
plusieurs; et c'est pourquoi rien n'empкche de trouver dans les choses
immatйrielles, une substance individuelle et une personne. q. 9 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum quod, licet in Deo non sit
compositio, ut in eo aliquid sub alio intelligi possit, tamen secundum
intellectum nostrum, seorsum accipimus esse eius et substantiam ipsius sub esse
eius existentem, ut huic subsistens dicatur. Vel dicendum, quod licet subesse,-
a quo imponitur vocabulum subsistendi,- Deo non conveniat, tamen per se esse,-
ad quod significandum imponitur,- competit ei. # 6. Bien qu'en Dieu, il n'y ait pas de composition, qui puisse faire
penser qu'une chose en lui est soumise а une autre, cependant, selon notre
esprit, nous avons admis ci-dessus que son кtre et sa substance existent sous
son кtre, pour le dire subsistant. Ou bien
il faut dire, que bien qu' "кtre
sujet"— notion qu’impose le terme de subsister, ne convienne pas а Dieu
cependant кtre par soi, — ce а quoi il sert а le signifier — lui convient. q. 9 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum quod, licet in Deo non sint
accidentia, sunt tamen in eo proprietates personales, quibus hypostases
substant. # 7. Bien qu'en Dieu il n'y ait pas d'accidents, il y a cependant des
propriйtйs personnelles6 dont les
hypostases sont le substrat.
1 Parall.: Ia, qu. 29, a. 3 — I Sent. d23a2. 2
Sub-sistence selon l’йtymologie: ‘qui
demeure sous’. 3
Boиce, Les deux natures, 3, PL. 64,
1344. 4
IVe siиcle. Denz. 75-76 Symbole et des
dйfinitions de la foi. Il exprime la foi de l’Йglise: trois Personnes en
une seule nature. 5Йtymologie
classique mais fantaisiste pour nous. "Attendu que les essences des йtants
nous sont fonciиrement cachйes… ce ne sont pas les essences, mais les accidents
des choses" qui servent au langage. "Peu importe, dit-il, que cette
explication des origines soit fausse… Ce que ce mot lapis vise par sa signification — la pierre en tant que pierre,
c'est-а-dire l’essence de pierre — va bien au-delа de ce qu’il exprime
йtymologiquement." Philipp. W. Rosemann, Omne ens est aliquid. Louvain-Paris 1996, p. 148-149. 6
Pot. 7, 5, obj. 2. "Jean
Damascиne (I, 11) dit qu'en Dieu tout est un, sauf la non-gйnйration, la
gйnйration et la procession" Il s'agit des trois propriйtйs personnelles
dans la Trinitй. Elle signifie l'origine comme un acte. Cf. Ia, qu. 40, a. 2, c. L'origine et la
relation sont les propriйtйs personnelles des Personnes en Dieu.
Article 4: Ce nom "personne" signifie-t-il en Dieu, le
relatif ou l'absolu1?
q. 9 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum hoc
nomen persona in divinis significet relativum, vel aliquid absolutum. Et
videtur quod significet aliquid absolutum. Il semble qu'il signifie l'absolu2.
Objections: q. 9 a. 4 arg. 1 Dicit enim Augustinus, quod cum Ioannes dicit:
tres sunt qui testimonium dant in caelo, pater, verbum et spiritus sanctus; et
quaereretur quid tres essent, responsum est quod sunt tres personae. Sed quid
quaerit de essentia. Ergo hoc nomen persona in divinis significat essentiam. 1. Car Augustin rapporte (La Trinitй, VII, IV, 73) que Jean dit: "Il y en a trois qui donnent leur tйmoignage dans le ciel, le Pиre, le
Fils et l'Esprit saint.", et si on cherche ce qu’ils sont, on rйpond:
ce sont trois personnes. Mais quid interroge
sur l'essence. Donc ce nom de personne
signifie l'essence en Dieu. q. 9 a. 4 arg. 2 Praeterea, in eodem Lib. Augustinus dicit,
quod idem est Deo esse quod personam esse. Sed esse in divinis significat
essentiam, et non relationem. Ergo et persona. 2. Dans le mкme livre (La
Trinitй, VII, VI, 114), Augustin
dit que c’est pareil pour Dieu d’кtre et d’кtre une personne. Mais l'кtre en
Dieu signifie l'essence et non la relation. Donc la personne aussi. q. 9 a. 4 arg. 3 Praeterea, Augustinus dicit ibidem: ad se
proprie dicitur persona, non ad filium vel spiritum sanctum, sicut ad se
dicitur Deus, et magnus et bonus et iustus. Sed haec omnia essentiam
significant, et non relationem. Ergo et persona. 3. Augustin dit au mкme endroit5:
"On parle de personne absolument au
sens propre, mais pas en rapport au Fils ou а l'Esprit saint, comme on dit
absolument Dieu, grand, bon et juste." Mais tous ces noms signifient
l'essence et non la relation. Donc la personne aussi. q. 9 a. 4 arg. 4 Praeterea, Augustinus ibidem dicit quod,
quamvis commune est illis, scilicet patri et filio et spiritui sancto, nomen
essentiae, ita ut singulus quisque dicatur essentia, tamen illis commune est
personae vocabulum. Sed relatio in divinis non est commune, sed distinctivum.
Ergo persona in divinis non significat relationem. 4. Augustin au mкme endroit (ch. 4) dit que, quoique le nom d’essence
leur soit commun, а savoir au Pиre, au Fils et а l'Esprit saint, de sorte que
chacun en particulier est appelй essence, cependant, le nom de personne leur est
commun. Mais la relation en Dieu n'est pas commune mais distinctive. Donc la
personne n'y signifie pas la relation. q. 9 a. 4 arg. 5 Sed dicendum, quod persona est commune ratione
et non re in divinis.- Sed contra, in divinis non est universale; unde Augustinus
in eodem libro improbat opinionem illorum qui dicebant quod essentia in divinis
est sicut genus vel sicut species; persona vero sicut species vel individua.
Quod autem est commune ratione et non re, est commune per modum universalis.
Ergo persona non est commune in divinis ratione tantum, sed etiam re; et ita
non potest significare relationem. 5. Mais il faut dire que le
nom personne est commun en Dieu en raison, mais pas en rйalitй. — En sens contraire, en Dieu l'universel
n’existe pas. C'est pourquoi, Augustin dans le mкme livre (Trinitй, VII, VI, 11) rйprouve l'opinion de ceux qui disaient que
l'essence lui est comme un genre ou une espиce et la personne comme une espиce
ou un individu. Mais ce qui est commun en raison et non en rйalitй est commun а
la maniиre de l'universel. Donc la personne n'est pas commune en lui, en raison
seulement, mais aussi en rйalitй, et ainsi elle ne peut pas signifier une
relation. q. 9 a. 4 arg. 6 Praeterea, nullum nomen significat res
diversorum generum, nisi aequivoce: acutum enim aequivoce dicitur in saporibus
et magnitudinibus. Manifestum est autem quod persona in Angelis et hominibus
non significat relationem, sed aliquid absolutum. Si ergo in Deo significet
relationem, erit aequivoce dictum. 6. Aucun nom ne signifie des choses de genres diffйrents sinon de
maniиre йquivoque. Important, en effet, se dit de maniиre йquivoque dans les
saveurs et les grandeurs6. Mais il est
clair que la personne dans les anges et dans les hommes ne signifie pas une
relation, mais quelque chose d'absolu. Si donc en Dieu, elle signifie la
relation, on en parlera de maniиre йquivoque. q. 9 a. 4 arg. 7 Praeterea, quod accidit rei significatae per
nomen, est extra significationem nominis; sicut extra significationem hominis
est album, quod accidit homini. Res autem significata per hoc nomen persona est
substantia individua rationalis naturae; quia ratio quam significat nomen, est
definitio, secundum philosophum, in IV Metaph.: substantiae autem tali accidit
ad aliud referri. Relatio ergo est extra significationem huius nominis persona. 7. Ce qui s’ajoute а ce qui est signifiй par le nom est hors de sa
signification; comme le blanc, accident dans l'homme, est hors de sa
signification; mais ce qui est signifiй par le nom de personne est la substance individuelle de nature raisonnable; parce
que la notion que signifie le nom est la dйfinition, selon le philosophe (Mйtaphysique, IV, 7, 1012 a 237), mais, il arrive а une telle substance de
se rйfйrer а autre chose. Donc la relation est hors de la signification de ce
nom de personne. q. 9 a. 4 arg. 8 Praeterea, nullum nomen potest intelligi de
aliquo vere praedicari, cui non intelligitur convenire res significata per
nomen; sicut non potest intelligi esse homo quod intelligitur non esse animal
rationale mortale. Iudaei autem et Pagani confitentur Deum esse personam; non
tamen confitentur in eo relationes, quas nos ponimus secundum fidem. Ergo hoc
nomen persona in divinis non significat huiusmodi relationes. 8. On peut comprendre qu’aucun nom ne soit vraiment attribuй а une
chose, si on ne comprend pas que ce qu’il signifie lui convient; ainsi il est
impossible de comprendre "кtre homme" sans comprendre кtre un animal
raisonnable mortel — Mais les Juifs et les Paпens confessent que Dieu est une
personne; mais ils ne confessent cependant pas en lui les relations que nous,
nous posons selon notre foi. Donc ce nom de personne
en Dieu ne signifie pas des relations de ce genre. q. 9 a. 4 arg. 9 Sed dicendum, quod Iudaei et Pagani erroneam
habent opinionem de Deo; unde ex eorum opinione non potest accipi argumentum.-
Sed contra, error opinionis non variat nominis significationem, nec etiam
veritas. Si ergo apud errantes de Deo nomen persona non significat relationem,
nec etiam significabit apud recte sentientes de Deo. 9. Mais il faut dire que les
Juifs et les Paпens ont une opinion erronйe sur Dieu. C'est pourquoi, on ne
peut pas tirer argument de leur opinion. — En
sens contraire, l'erreur dans l'opinion ne change pas la signification du
nom, la vйritй non plus du reste. Si donc parmi ceux qui se trompent sur Dieu,
le om de personne ne signifie pas la
relation, il ne le signifiera pas non plus chez ceux qui pensent sur Dieu avec
rectitude. q. 9 a. 4 arg. 10 Praeterea, voces, secundum philosophum, sunt
signa intellectuum: intellectus enim qui concipitur ex hoc nomine persona est
in intellectu substantiae primae. Ergo hoc nomen persona significat substantiam
primam, qua nihil est magis absolutum, cum sit per se existens; ergo hoc nomen
persona non significat relationem, sed aliquid absolutum. 10. Les mots, selon le philosophe (Perih.
I) sont les signes du concept, car celui-ci qui est conзu par ce nom de
personne est dans le concept de substance premiиre. Donc ce nom de personne signifie la substance premiиre,
dont rien n'est plus absolu, puisqu'elle existe par soi; donc ce nom de personne ne signifie pas une relation
mais l'absolu. q. 9 a. 4 arg. 11 Sed dicendum, quod hoc nomen persona
significat relationem per modum substantiae.- Sed contra, haec propositio est
immediata: nulla relatio est substantia, sicut et haec: nulla quantitas est
substantia, sicut patet per philosophum. Si ergo hoc nomen persona significat
substantiam, ut probatum est, impossibile est quod significatum eius sit
relatio. 11. Mais il faut dire que ce
nom personne signifie une relation а
la maniиre de la substance. — En sens
contraire, cette proposition est йvidente: "Aucune relation n'est une substance", de la mкme maniиre que: "Aucune quantitй n'est une substance8", comme le montre le philosophe (Posteriorum, I, 34) — Si donc ce nom personne signifie la substance, comme
cela a йtй prouvй, il est impossible que ce qui est signifiй soit sa relation. q. 9 a. 4 arg. 12 Praeterea, opposita non possunt verificari de
eodem. Sed esse per se et esse ad aliud, sunt opposita. Si ergo quod
significatur nomine personae est substantia, quae est ens per se, impossibile
est quod sit ad aliquid. 12. Les opposйs ne peuvent pas se prйsenter comme vrais sous un mкme
rapport. Mais кtre par soi et кtre pour un autre sont des opposйs9. Si donc ce qui est signifiй par le nom de personne est une substance, qui est un
йtant par soi, il est impossible que ce soit une relation. q. 9 a. 4 arg. 13 Praeterea, omne nomen significans relationem,
refertur ad aliquid quod consignificat, sicut dominus et servus. Sed patet quod
hoc nomen persona non refertur ad aliud. Ergo non significat relationem, sed
aliquid absolutum. 13. Tout nom qui signifie une relation se rйfиre а une rйalitй dont il
rйvиle la relation, comme maоtre et serviteur. Mais il est clair que ce nom personne ne se rйfиre pas а autre chose.
Donc il ne signifie pas une relation, mais l'absolu. q. 9 a. 4 arg. 14 Praeterea, persona dicitur quasi per se una. Unitas autem in divinis pertinet ad essentiam. Ergo hoc
nomen persona significat essentiam, et non relationem. 14. On dit que la personne est pour ainsi dire unique par soi. Mais
l'unitй en Dieu appartient а l'essence. Donc ce nom personne signifie l'essence et non la relation. q. 9 a. 4 arg. 15 Sed dicendum, quod hoc nomen significat unum
distinctum, et quia distinctio in divinis est per relationem, ideo significat
relationem.- Sed contra, filius et spiritus sanctus dicuntur distingui in
divinis secundum modum originis: nam filius procedit per modum intellectus, ut
verbum, sed spiritus sanctus per modum voluntatis, ut amor. Non ergo per solas
relationes est distinctio in divinis; et sic non oportet quod persona
relationem significet. 15. Mais il faut dire que ce
nom signifie une rйalitй distincte et parce que la distinction en Dieu se fait
par relation, elle la signifie. — En sens
contraire, on dit que le Fils et l'Esprit saint sont distinguйs en Dieu par
le mode d'origine; car le Fils procиde par mode d'intellect, comme Verbe, mais
l'Esprit saint par mode de volontй comme amour. Donc la distinction en Dieu
n'est pas par les relations seules et ainsi il ne faut que la personne signifie
une relation. q. 9 a. 4 arg. 16 Praeterea, si relatio in divinis est
distinguens; persona autem est quid distinctum, non distinguens; non
significabit relationem nomen personae. 16. Si la relation en Dieu apporte une distinction, (mais la personne
est ce qui est distinguй et qui ne distingue pas), le nom de personne ne signifiera pas une relation. q. 9 a. 4 arg. 17 Praeterea, relationes in divinis dicuntur
esse proprietates. Persona autem significat aliquid substans proprietati. Non
ergo significat relationem. 17. On dit que les relations en Dieu sont des propriйtйs. Mais la
personne signifie quelque chose qui est le substant de la propriйtй. Donc elle
ne signifie pas la relation. q. 9 a. 4 arg. 18 Praeterea, quatuor sunt relationes in
divinis: scilicet paternitas, filiatio, processio, communis spiratio:
innascibilitas enim, quae est quinta notio, non est relatio. Sed hoc nomen
persona nullam harum significat. Si enim significaret paternitatem, non
diceretur de filio; si filiationem, non diceretur de patre; si autem
processione spiritus sancti, non diceretur neque de patre neque de filio; si
vero communem spirationem, non diceretur de spiritu sancto. Non ergo significat
relationem hoc nomen persona. 18. Les relations en Dieu sont quatre: la paternitй, la filiation, la
procession, la spiration commune; car l'innascibilitй qui est la cinquiиme
notion n'est pas une relation. Mais ce nom de personne ne signifie aucune d'entre elles. Car si elle signifiait
la paternitй, on ne l’emploierait pas pour le Fils, si elle signifiait la
filiation, on ne l’emploierait pas pour Pиre, et si elle signifiait la
procession de l’Esprit saint, on ne l’emploierait ni pour le Pиre ni pour le
Fils; si elle signifiait la spiration commune, on ne l’emploierait pas pour
l'Esprit saint. Donc ce nom de personne ne
signifie pas une relation. En sens contraire: q. 9 a. 4 s. c. 1 Sed contra. Boetius dicit, quod omne nomen,
ad personas pertinens, relationem significat. Sed nullum nomen magis pertinet
ad personas quam hoc nomen persona. Ergo hoc nomen persona relationem
significat. 1. Boиce dit (La Trinitй, VI) que tout nom en rapport avec les personnes, signifie une relation.
Mais aucun nom ne se rapporte plus aux personnes que celui de personne. Donc il signifie une relation.
q. 9 a. 4 s. c. 2 Praeterea, sub persona in divinis continentur
pater et filius et spiritus sanctus. Sed haec nomina relationem significant.
Ergo et nomen personae. 2. En Dieu le Pиre, le Fils et l'Esprit saint sont contenus sous le nom
de personne. Mais ces noms signifient une relation. Donc le nom de personne aussi. q. 9 a. 4 s. c. 3 Praeterea, nullum absolutum distinguitur in divinis. Sed
persona distinguitur. Ergo non est absolutum, sed relativum. 3. Rien de ce qui est absolu n’est distinguй en Dieu. Mais on distingue
la personne. Donc elle n'est pas absolue, mais relative. Rйponse: q. 9 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod hoc nomen persona habet
commune cum nominibus absolutis in divinis quod de qualibet persona
praedicatur, nec secundum nomen ad aliud defertur; cum nominibus vero
relationem significantibus, quod distinguitur, et pluraliter praedicatur. Et
ideo videtur quod utraque significatio et relativi et absoluti pertineat ad
personam. Qualiter autem utraque significatio ad nomen personae pertineat est
diversimode a diversis assignatum. Ce nom de personne a en commun avec les noms
absolus d’кtre attribuй а n’importe quelle personne et il n’est pas dйfйrй
nominativement а autre chose; mais avec les noms qui signifient une relation,
il distingue et est attribuй au pluriel. Et c'est pourquoi il semble que l'une
et l'autre signification, du relatif et de l'absolu, se rapporte а la personne.
Mais de quelque maniиre que l'une et l'autre signification se rapporte au nom
de personne, cela est confйrй de diverses maniиres par diverses choses. Dicunt enim quidam quod persona significat utrumque, sed per
modum aequivocationis. Dicunt enim quod hoc nomen persona, quantum est de se,
absolute significat essentiam, tam in singulari quam in plurali, sicut hoc
nomen Deus, aut bonus, aut magnus: sed propter insufficientiam nominum ad
loquendum de Deo, accommodatum est hoc nomen persona a sanctis patribus in
Nicaeno Concilio, ut quandoque possit sumi pro relativo, et praecipue in
plurali, cum dicimus quod pater et filius et spiritus sanctus sunt tres
personae, vel cum termino partitivo adiuncto, ut cum dicitur: alia est persona
patris, alia filii; vel cum dicitur: filius est alius a patre in persona. In
singulari autem cum absolute praedicatur, potest indifferenter significare
essentiam vel personam, ut cum dicitur: pater est persona, vel filius est
persona.- Et haec videtur esse opinio Magistri in I sententiarum. A. Car certains disent que la
personne signifie l'un et l'autre10, mais de maniиre йquivoque. Ils disent en
effet que ce nom de personne, quant а
lui, signifie l'essence dans l'absolu, tant au singulier qu'au pluriel, comme
ce nom Dieu, ou bon, ou grand; mais а
cause de l'insuffisance des noms pour parler de Dieu, celui-ci a йtй adoptй par
les saints Pиres au Concile de Nicйe, pour que, quelquefois il puisse кtre pris
pour relation, et surtout au pluriel, quand nous disons que le Pиre, le Fils et
l'Esprit saint sont trois personnes, ou avec un terme partitif joint, comme
quand on dit: Autre est la personne du
Pиre; autre celle du Fils; ou quand on dit: Le Fils est autre que le Pиre en personne. Au singulier, quand il
est attribuй dans l'absolu, il peut indiffйremment signifier l'essence ou la
personne, comme quand on dit: Le Pиre est
une personne, ou Le Fils est une
personne. — Et cela paraоt кtre l'opinion du Maоtre dans le livre I des
Sentences (D. 25). Sed non videtur sufficienter dici: non enim absque ratione
ex propria significatione nominis sumpta, sancti patres divinitus inspirati,
hoc nomen invenerunt ad confessionem verae fidei exprimendam; et praecipue quia
dedissent occasionem erroris dicendo tres personas, si hoc nomen persona
significat essentiam absolute. Mais on voit bien que ce n’est pas suffisant. Car ce n'est pas sans une
raison tirйe de la propre signification du nom, que les saints Pиres,
divinement inspirйs, ont trouvй ce nom pour exprimer la confession de la vraie
foi; et surtout parce qu'ils auraient donnй une occasion d'erreur en parlant de
trois personnes, si ce nom personne
signifiait l'essence dans l’absolu. Et ideo alii dixerunt quod simul significat essentiam, et
relationem, sed non aequaliter; sed unum in recto, et aliud in obliquo. Quorum
quidam dixerunt, quod significat essentiam in recto, et relationem in obliquo;
quidam e converso. B. Et c'est pourquoi d'autres ont
dit qu'il signifie l'essence et la relation en mкme temps, mais pas а
йgalitй: l'une directement, l'autre indirectement. Certains d'entre eux ont dit
qu'il signifie l'essence directement et la relation indirectement, certains ont
dit le contraire. Sed neutri dubitationem solvunt: quia si essentiam in recto
significant, non deberet pluraliter praedicari; si vero relationem, non deberet
ad se dici, nec de singulis praedicari. Et ideo alii dixerunt quod significat utrumque
in recto. Mais aucune des deux opinions ne supprime l’incertitude; parce que,
s'ils signifient l'essence directement, on ne devrait pas l’attribuer au
pluriel, mais si c’est la relation, on ne devait pas en parler dans l’absolu,
ni l’attribuer а chaque personne Quorum quidam dixerunt, quod significat essentiam et
relationem ex aequo, et neutrum circa aliud ponitur. C. Certains d'entre eux ont dit qu'il signifie l'essence et la relation
а йgalitй et aucune des deux n'est placйe en rapport avec autre chose. Sed hoc non est intelligibile: quia quod non significat unum
nihil significat. Unde omne nomen significat unum in una acceptione, ut dicit
philosophus in IV Metaph. Mais cela n'est pas comprйhensible; parce que ce qui ne signifie pas
l'unitй ne signifie rien. C'est pourquoi tout nom signifie l’unitй dans une
seule acception, comme le dit le philosophe (Mйtaphysique, IV, 2, 1003 b 25 ss.11) Et ideo alii dixerunt quod relatio ponitur circa absolutum.
Quod quidem difficile est videre, cum relationes non determinent essentiam in
divinis. D. Et c'est pourquoi, d'autres
ont dit que la relation est en rapport avec l'absolu. Ce qui est difficile
а voir, puisque les relations ne dйterminent pas l'essence en Dieu. Sed sciendum, quod aliquid significat
dupliciter: uno modo formaliter, et alio modo materialiter. Mais il faut savoir qu’une chose signifie de deux maniиres;
formellement et matйriellement Formaliter quidem significatur per nomen ad id quod
significandum nomen est principaliter impositum, quod est ratio nominis; sicut
hoc nomen homo significat aliquid compositum ex corpore et anima rationali. a) Est signifiй formellement
par ce nom dont on se sert principalement pour le signifier, et qui en est la
notion, comme ce nom homme signifie
quelque chose de composй d'un corps et d'une вme raisonnable. Materialiter vero significatur per nomen, illud in quo talis
ratio salvatur; sicut hoc nomen homo significat aliquid habens cor et cerebrum
et huiusmodi partes, sine quibus non potest esse corpus animatum anima
rationali b) Est signifiй matйriellement
par ce nom ce en quoi une telle notion est conservйe, comme ce nom homme signifie un кtre qui a un corps,
un cerveau et des organes de ce genre, sans lesquels il ne peut pas кtre un
corps animй par une вme raisonnable. . Secundum hoc ergo dicendum est, quod hoc nomen persona
communiter sumpta nihil aliud significat quam substantiam individuam rationalis
naturae. Et quia sub substantia individua rationalis naturae continetur substantia
individua,- id est incommunicabilis et ab aliis distincta, tam Dei quam hominis
quam etiam Angeli,- oportet quod persona divina significet subsistens
distinctum in natura divina, sicut persona humana significat subsistens
distinctum in natura humana; et haec est formalis significatio tam personae
divinae quam personae humanae. Selon cela, il faut donc dire que ce nom personne, pris communйment ne signifie rien d'autre que la
substance individuelle de nature raisonnable. Et parce que sous la substance individuelle
de nature raisonnable est contenue la substance individuelle,— c'est-а-dire
incommunicable et distincte des autres, tant de Dieu que de l'homme, et de
l'ange aussi — il faut que la personne divine signifie le subsistant distinct
dans la nature divine, comme la personne humaine signifie un subsistant
distinct dans la nature humaine et c'est la signification formelle tant de la
personne divine que de la personne humaine. Sed quia distinctum subsistens in natura humana non est nisi
aliquid per individualem materiam individuatum et ab aliis diversum, ideo
oportet quod hoc sit materialiter significatum, cum dicitur persona humana. Mais parce que le subsistant distinct dans la nature humaine n’est que
quelque chose d'individuй par la matiиre individuelle, et diffйrente des autres
choses, il faut que cela soit signifiй matйriellement, quand on parle de la
personne humaine. Distinctum vero incommunicabile in natura divina non potest
esse nisi relatio, quia omne absolutum est commune et indistinctum in divinis.
Relatio autem in Deo est idem secundum rem quod eius essentia. Et sicut
essentia in Deo idem est et habens esse essentiam, ut deitas et Deus: ita idem
est relatio et quod per relationem refertur. Unde sequitur quod idem sit
relatio et distinctum in natura divina subsistens. Mais ce qui est distinct et incommunicable dans la nature divine ne
peut кtre qu’une relation, parce que tout ce qui est absolu est commun et
indistinct en Dieu. Mais en lui la relation est en rйalitй identique а son
essence. Et de mкme que l'essence est identique а ce qui possиde l’essence,
comme la Divinitй et Dieu, de mкme la relation et ce qui est rйfйrй par
relation est identique. C'est pourquoi il en dйcoule que la relation et ce qui
subsiste de distinct dans la nature divine est identique. Patet ergo quod persona, communiter sumpta, significat
substantiam individuam rationalis naturae; persona vero divina, formali
significatione, significat distinctum subsistens in natura divina. Et quia hoc
non potest esse nisi relatio vel relativum, ideo materiali significatione
significat relationem vel relativum. Et propter hoc potest dici, quod
significat relationem per modum substantiae, non quae est essentia, sed quae
est hypostasis; sicut et relationem significat non ut relationem, sed ut
relativum, idest ut significatur hoc nomine pater, non ut significatur hoc
nomine paternitas. Sic enim relatio significata includitur oblique in
significatione personae divinae, quae nihil aliud est quam distinctum relatione
subsistens in essentia divina. Il est donc clair que la personne, prise communйment, signifie
la substance individuelle de nature raisonnable, mais la personne divine, par
sa signification formelle, signifie un subsistant distinct dans la nature
divine. Et parce que cela ne peut кtre que relation ou relatif, elle signifie
par signification matйrielle la relation ou le relatif. Et ainsi on peut dire
qu'il signifie la relation par mode de substance, qui n’est pas l'essence, mais
l'hypostase; de mкme elle signifie aussi la relation, non comme telle, mais
comme relatif, c'est-а-dire qu’elle est signifiй par ce nom Pиre et non par ce nom paternitй. Car ainsi la relation
signifiйe est incluse indirectement dans la signification de la personne
divine, qui n'est rien d'autre qu’un subsistant, distinct par relation dans
l'essence divine.
Solutions: q. 9 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quid non solum
quaerit de essentia sed quandoque etiam de supposito, ut: quid natat in mari?
Piscis. Et sic, ad quid respondendum est per nomen persona. # 1. Quid non seulement interroge sur l'essence, mais quelquefois aussi
sur le suppфt; comme “Qui nage dans la mer?" — "un poisson". Et
ainsi а quid il faut rйpondre par le
nom de personne. q. 9 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum quod, propter modum
significandi huius nominis persona, dicit Augustinus: idem est Deo esse quod
persona esse. Non enim significat per modum relationis, sicut pater et filius. #2. A cause de la maniиre de signifier de ce nom personne, Augustin dit (La
Trinitй, VII, 6): "C'est la mкme
chose d'кtre pour Dieu que d'кtre une personne.". Car il ne signifie
pas par mode de relation, comme Pиre et Fils. q. 9 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum quod hoc provenit ex formali
significatione personae quod ad se dicitur et ad aliud non refertur. # 3. Ce qui est dit pour soi et ne se rйfиre pas а un autre provient de
la signification formelle de la personne. q. 9 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum quod essentia est communis
re in divinis, sed persona secundum rationem tantum, sicut et hoc nomen
relatio. # 4. En Dieu, l’essence est commune en rйalitй, mais la personne en
raison seulement, en tant que nom de relation. q. 9 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum quod in divinis nihil est
diversificatum secundum esse, cum ibi sit tantum unum esse. Hoc autem est
contra rationem universalis; et ideo non est ibi universale, licet sit ibi unum
secundum rationem, et non secundum rem. # 5. En Dieu rien n'est diffйrenciй selon l'кtre, puisqu'il n'y en a
qu'un seul. Or c'est contre la notion de l'universel, et c'est pourquoi il n’y
en a pas, bien qu'il y ait l’unitй en raison et non en rйalitй. q. 9 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum quod, hoc quod persona aliud
significat in Deo et homine, pertinet ad diversitatem suppositionis magis quam
ad diversam significationem huius communis, quod est persona. Diversa autem
suppositio non facit aequivocationem, sed diversa significatio. # 6. Que le nom de personne signifie autre chose en Dieu et dans
l'homme appartient а la diversitй de la supposition12 plus qu'а la signification diffйrente de
ce qui est commun, qui est la personne.
Mais кtre suppфt de maniиre diffйrente n’apporte pas d'йquivoque mais une
signification diffйrente. q. 9 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet relatio accidat
ei quod significatur communiter per hoc nomen persona, non tamen accidit
personae divinae, sicut ostensum est. # 7. Bien que la relation arrive а ce qui est signifiй communйment par
ce nom de personne, elle n'arrive
cependant pas а la personne divine, comme on l'a montrй. q. 9 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum, quod obiectio illa procedit
de formali significatione nominis, et non de materiali. # 8. Cette objection procиde de la signification formelle du nom et non
de sa signification matйrielle. q. 9 a. 4 ad 9 Et similiter dicendum ad nonum. # 9. Et il faut dire de mкme pour cette objection. q. 9 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod substantia prima dicitur absoluta, quasi ab alio non
dependens. Relativum autem in divinis non excludit absolutum quod est ab alio
dependens; sed excludit absolutum quod ad aliud non refertur. # 10. La substance premiиre est dite absolue, comme ne dйpendant pas
d'un autre. Mais le relatif en Dieu n'exclut pas l'absolu, qui dйpend d'un
autre, mais il exclut celui qui ne se rйfиre pas а un autre. q. 9 a. 4 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod ista propositio,
nulla relatio est substantia, est immediata, si accipiatur relatio et
substantia quae sunt in genere. Sed Deus non limitatur terminis alicuius
generis, sed habet in se perfectiones omnium generum. Unde non distinguitur in
eo secundum rem relatio et substantia. # 11. Cette proposition: Aucune
relation n'est une substance est йvidente, si on prend la relation et la
substance qui sont dans le genre. Mais Dieu n'est pas limitй par les termes
d'un genre: il a en lui les perfections de tous les genres. C'est pourquoi on
ne distingue pas rйellement en lui la relation et la substance. q. 9 a. 4 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod per se existens
opponitur ad non per se existens, non autem ei quod est ad aliquid. # 12. Ce qui existe par soi est opposй а ce qui n'existe pas par soi,
mais pas а ce qui est relation. q. 9 a. 4 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod persona
secundum nomen ad aliud non refertur, propter modum quem significat. # 13. La personne par son nom ne se rйfиre pas а autre chose, а cause
de la maniиre d’кtre qu'elle signifie. q. 9 a. 4 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod unum in
divinis se habet communiter ad essentiam et relationem; dicimus enim quod
essentia est una, et quod pater est unus. # 14. L’unitй en Dieu est se
comporte de maniиre commune vis-а-vis de l'essence et de la relation; car nous
disons que l'essence est une, et que le Pиre est un. q. 9 a. 4 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod forte modus
ille processionis diversus,- quo dicitur filius procedere per modum
intellectus, spiritus sanctus vero per modum voluntatis,- non sufficit ad
distinguendum personaliter spiritum sanctum a filio, cum voluntas et
intellectus non distinguantur personaliter in divinis. Si tamen concedatur quod
hoc ad eorum distinctionem sufficiat, manifestum est quod uterque a patre per
relationem distinguitur, prout unus eorum procedit a patre ut genitus, alius ut
spiratus; et hae relationes constituunt eorum personas. # 15. C’est par hasard que ce mode diffйrent de procession — par lequel
on dit que le Fils procиde par mode d'intellection et l'Esprit saint par mode
de volontй — ne suffit pas а distinguer personnellement l'Esprit saint du Fils,
puisque la volontй et l'intellect ne sont pas distinguйs pour chaque personne
en Dieu. Cependant si on concиde que cela suffit а leur distinction, il est
clair que l'un et l'autre sont distinguйs du Pиre par relation, dans la mesure
oщ l'un d'eux procиde du Pиre comme engendrй, l'autre comme spirй; et ces
relations constituent leurs personnes. q. 9 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod sicut
relatio significat ut distinguens in divinis, ita relatum significatur ut
distinctum. In Deo autem non est aliud relatio et relatum, sicut nec
essentia et quod est; et ideo nec distinguens et distinctum in Deo differunt. # 16. De la mкme maniиre que la relation apporte une signification en
tant qu’elle apporte une distinction en Dieu, le relatif est signifiй comme
distinct. Mais en Dieu, la relation et le relatй ne sont pas diffйrents, de mкme
que l'essence et ce qui est, non plus; et c'est pourquoi ce qui apporte la
distinction et ce qui la subit n’est pas diffйrent en Dieu. q. 9 a. 4 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod proprietas in
divinis non est accidentalis, sed est idem secundum rem ei cuius est
proprietas; sed differt secundum modum intelligendi. Persona ergo non
significat relationem prout est proprietas, sed prout est proprietati et
essentiae subsistens. # 17. La propriйtй en Dieu n'est pas accidentelle, mais elle est
identique en rйalitй а ce dont elle est la propriйtй; mais elle diffиre selon
la maniиre de la comprendre. Donc la personne ne signifie pas la relation en
tant que propriйtй, mais selon qu'elle subsiste а la propriйtй et а l'essence. q. 9 a. 4 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod licet
universale non possit esse praeter singularia, potest tamen intelligi, et per
consequens significari. Et propter hoc sequitur, si non est aliquod
singularium, quod non sit universale. Non tamen sequitur, si non intelligitur
aut significatur aliquod singularium, quod non intelligatur vel significetur
universale: hoc enim nomen homo non significat aliquem singularium hominum, sed
solum hominem in communi; et similiter hoc nomen persona, etsi non significet
paternitatem neque filiationem neque communem spirationem aut processionem,
tamen significat relationem in communi, per modum iam dictum, sicut et hoc
nomen relatio suo modo. # 18. Bien que l'universel ne puisse pas exister en dehors du
singulier, on peut cependant le comprendre, et par consйquent le signifier.
C’est pour cela qu’il en dйcoule, s’il n’y a pas de singulier, qu'il n’y a pas
d’universel. Il n'en dйcoule pas cependant, si quelque chose de particulier
n'est pas compris, ni signifiй, que l’universel n'est pas compris ni signifiй;
car ce nom d'homme ne signifie pas
l’un des hommes particuliers, mais seulement l'homme en commun, et
semblablement ce nom de personne,
mкme s'il ne signifie pas la paternitй ou la filiation, ni la spiration commune
ou la procession, signifie cependant la relation en commun par la maniиre dйjа
dite (dans le corps de l'article) comme ce nom relation le fait aussi а sa maniиre.
1 A savoir, la signification du mot
"personne" l’essence ou la relation? 2 Ia, qu. 29, a. 4 — I Sent. d23a3 — d26q1a1. 3
"Le Pиre, le Fils, le saint Esprit sont trois, nous cherchons donc trois
quoi?." (BA p. 530-531). Augustin ne cite pas Jean (Йd. Jeunes, note 50,
p. 183) Ce texte n’appartient pas а la Vulgate. Il n’y apparaоt qu’au IXe
siиcle. Note 57 p. 186. Thomas s’est inspirй de Pierre Lombard. 4
"Car pour Dieu, кtre et кtre une personne n'est pas diffйrent, c'est
absolument la mкme chose." (BA). 5
""Personne" est un terme absolu; non un terme relatif au Fils,
ou au saint Esprit, comme sont des termes absolus, Dieu, grand, bon, juste"
(BA p. 540). Augustin dit avant ce texte: "…de mкme que la substance du
Pиre est le Pиre lui-mкme, non par ce qui fait le Pиre, mais ce qui le fait
кtre, pareillement la Personne du Pиre n’est pas autre chose que le Pиre
lui-mкme…" 6
Il est difficile de trouver en franзais un terme qui convienne aux deux
significations. 7
"Ratio namque cuius nomen est signum definitio est", "La
notion…signifiйe par le nom est la dйfinition." 8
Donc il rappelle que la relation est une catйgorie. En Pot. 8, 2, obj. 1, on trouve les mкmes phrases mais inversйes:
aucune substance n’est une relation… 9
C'est-а-dire la substance et l'accident. 10
Le relatif et l’absolu. 11
Aristote n° 301."Maintenant, l’Etre et l’un sont identiques et de mкme
nature, en ce qu’ils sont corrйlatifs l’un de l’autre,…" 12
Comprendre le fait d’кtre suppфt.
Article 5: Le nombre des personnes est-il en Dieu?
q. 9 a. 5 tit. 1 Quinto quaeritur utrum
numerus personarum sit in divinis. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 9 a. 5 arg. 1 Dicit enim Boetius: hoc vere unum est in quo
nullus est numerus. Sed Deus est verissime unus. Ergo in eo nullus est numerus. 1. Car Boиce dit (La Trinitй, 3, PL. 64, 1251 A): "Est vraiment un ce en quoi il n'y a
aucun nombre". Mais Dieu est absolument un. Donc il n'y a aucun nombre
en lui2. q. 9 a. 5 arg. 2 Sed dicendum, quod in Deo non est numerus
simpliciter, sed numerus personarum.- Sed contra, semper ad secundum quid
sequitur simpliciter, quando determinatio non est diminuens; sequitur enim: est
homo albus; ergo est homo; sed non sequitur: est homo mortuus; ergo est homo.
Sed hoc quod dicitur numerus personarum, non est determinatio diminuens, cum
persona sit quoddam completissimum. Ergo sequitur, si est in divinis numerus
personarum, quod sit ibi numerus simpliciter. 2. Mais il faut dire qu'en
Dieu il n'y a absolument pas de nombre, mais le nombre des personnes. — En sens contraire, toujours pour ce qui
en dйcoule dans l’absolu, quand la dйfintion partielle ne s’affaiblit pas, car
il en dйcoule: "L'homme est blanc,
donc c'est un homme", mais il n'en dйcoule pas: "L'homme est mort, donc c'est un homme".
Mais ce qui est dit du nombre des personnes n'est pas une dйfinition partielle
qui limite, puisque la personne est quelque chose de trиs complet. Donc il en
dйcoule, s'il y a en Dieu le nombre des personnes, qu'il y aurait un nombre
dans l'absolu. q. 9 a. 5 arg. 3 Praeterea, uni opponitur multitudo, secundum
philosophum. Sed opposita non insunt eidem. Cum ergo in Deo sit summa unitas,
non potest in eo esse aliquis numerus vel aliqua pluralitas. 3. La pluralitй s'oppose а l'unitй, selon le philosophe (Mйtaphysique, X, 6, 1056 b 323). Mais les opposйs ne sont pas dans une mкme
rйalitй. Donc comme en Dieu, il y a unitй suprкme, il ne peut pas y avoir en
lui de nombre ou de pluralitй. q. 9 a. 5 arg. 4 Praeterea, ubicumque est numerus, ibi est
pluralitas unitatum. Ubi autem sunt plures unitates, ibi est multiplex esse:
aliud enim est esse huius unitatis, et aliud illius. Si ergo in Deo est
numerus, oportet quod sit in eo multiplex essentia; quod patet esse falsum. 4. Partout oщ il y a un nombre, il y a pluralitй d'unitйs. Mais lа oщ
il y a plusieurs unitйs, l'кtre est multiple: car l'кtre de cette unitй est
diffйrent de celui de cette autre. Si donc il y a un nombre en Dieu, il faut
qu'il y ait en lui une essence multiple; il est йvident que c’est faux. q. 9 a. 5 arg. 5 Sicut unum est indivisum, ita multitudo non
est sine divisione. Sed in Deo non potest esse aliqua divisio, cum non sit ibi
aliqua compositio. Ergo non potest esse in divinis aliquis numerus. 5. De mкme que l'un est indivisible, de mкme la pluralitй n'est pas
sans division. Mais en Dieu, il ne peut pas y avoir de division, puisqu'il n'y
a aucune composition. Donc il ne peut pas y avoir de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 6 Praeterea, omnis numerus habet partes:
componitur enim ex unitatibus. Sed in Deo non sunt aliquae partes, cum non sit
ibi compositio. Ergo in Deo non est numerus. 6. Tout nombre a des parties; car il est composй d'unitйs, mais en
Dieu, il n'y a pas de parties, puisqu'il n'y a pas de composition. Donc il n'y
a pas de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 7 Praeterea, illud per quod creatura differt a
Deo, non debet Deo attribui. Creatura autem differt a Deo per hoc quod in
numero quodam constituta est, secundum illud Sap. cap. XI, 21: omnia in numero,
pondere et mensura constituisti. Numerus ergo non debet poni in divinis. 7. Ce par quoi la crйature diffиre de Dieu ne doit pas кtre attribuй а
Dieu. Car elle diffиre de lui par le fait qu'elle a йtй constituйe dans un
nombre, selon cette parole de la Sagesse
(11, 21): "Tu as tout constituй en
nombre, poids et mesure". Donc on ne doit pas placer de nombre en
Dieu. q. 9 a. 5 arg. 8 Praeterea, numerus est species quantitatis. In
Deo autem non est aliqua quantitas; propter quod si aliquid quantitatem
significans in divinam praedicationem venerit, mutatur in substantiam, ut dicit
Boetius. Aut ergo numerus nullo modo est in divinis, aut ad substantiam
pertinet, quod est contra fidem. 8. Le nombre est une espиce de la quantitй. Mais en Dieu il n'y a pas
de quantitй, parce que, si un йlйment signifiant la quantitй est venu dans
l'attribution divine, il est changй en sa substance, comme le dit Boиce (La Trinitй). Ou bien donc le nombre
n'est en aucune maniиre en Dieu, ou il convient а sa substance, ce qui est
contre la foi. q. 9 a. 5 arg. 9 Praeterea, ubicumque est numerus, ibi sunt
numeri passiones, ut perfectum et diminutum, multiplicatio et divisio, et alia
huiusmodi quae consequuntur numerum. Haec autem in Deo esse non possunt. Ergo
in Deo non potest esse numerus. 9. Partout oщ il y a un nombre, il y a ce qui supporte le nombre, comme
ce qui est parfait et ce qui est limitй, la multiplication et la division, et
autres choses, qui dйcoule du nombre. Mais cela n'est pas possible en Dieu.
Donc, il ne peut pas y avoir de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 10 Praeterea, omnis numerus finitus est. Quod
ergo infinitum, non est numerabile. Ergo cum Deus sit infinitus, in eo non
potest esse numerus. 10. Tout nombre est fini. Donc ce qui est infini n'est pas mesurable.
Donc, comme Dieu est infini, il ne peut pas y avoir de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 11 Sed dicendum, quod Deus etsi est infinitus
nobis, est tamen finitus sibi.- Sed contra, verius
competit Deo quod competit ei secundum seipsum quam quod competit ei secundum
nos. Si ergo Deus est finitus sibi, infinitus autem nobis, verius est
finitus, quam infinitus; quod patet esse falsum. 11. Mais il faut dire que,
mкme si Dieu est infini pour nous, il est cependant fini pour lui.— En sens contraire, ce qui appartient а
Dieu d’aprиs lui-mкme, lui appartient vraiment plus que ce qui lui appartient
d’aprиs nous. Si donc Dieu est fini pour lui, mais infini pour nous, il est
plus vraiment fini qu'infini; il est clair que c’est faux. q. 9 a. 5 arg. 12 Praeterea, secundum philosophum, numerus est
multitudo mensurata per unum. Deus est mensura non mensurata. Ergo in Deo non
est numerus. 12. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
X, 6, 1057 a 34), le nombre est la
pluralitй mesurйe par l'un. Dieu est la mesure non mesurйe. Donc en Dieu il n'y
a pas de nombre. q. 9 a. 5 arg. 13 Praeterea, in omni natura quae non differt a
suo supposito, impossibile est multiplicari supposita illius naturae: propter
hoc enim possibile est esse plures homines in una natura humana, quia hic homo
non est sua humanitas; et ideo multiplicatio individuorum in una natura humana,
consequitur diversitatem principiorum individualium, quae non sunt de ratione
naturae communis. In substantiis autem immaterialibus in quibus ipsa natura
speciei est suppositum subsistens, non est possibile esse plura individua unius
speciei. Sed in Deo est idem natura et suppositum, quia ipsum esse divinum,-
quod est natura divina,- est subsistens. Impossibile est ergo quod in natura
divina sint plura supposita vel plures personae. 13. Dans toute nature qui n’est pas diffйrente de son suppфt, il est
impossible de multiplier les suppфts de cette nature, car, c'est pour cela
qu'il est possible qu'il y ait plusieurs hommes dans la nature humaine, parce
que cet homme n'est pas son humanitй; et c'est pourquoi la multiplication des
individus dans une seule nature humaine, suppose la diversitй des principes
individuels, qui ne sont pas du concept de la nature commune. Mais dans les
substances immatйrielles, en qui la nature de l'espиce est un suppфt
subsistant, il n'est pas possible qu'il y ait plusieurs individus d'une seule
espиce. Mais en Dieu, la nature et le suppфt sont identiques, parce que l’кtre
divin — qui est la nature divine — est subsistant. Donc il est impossible que
dans la nature divine il y ait plusieurs suppфts ou plusieurs personnes. q. 9 a. 5 arg. 14
Praeterea, persona est nomen rei. Ergo ubi non est numerus rerum, non est
numerus personarum. Sed in Deo non est numerus rerum; dicit enim Damascenus,
quod in divinis pater et filius et spiritus sanctus re quidem sunt unum,
ratione autem et cogitatione differunt. Ergo in Deo non est numerus personarum. 14. La personne est le nom d’une rйalitй. Donc lа oщ il n'y a pas le
nombre des rйalitйs, il n'y a pas le nombre des personnes. Mais en Dieu il n'y
a pas le nombre des rйalitйs, car Jean Damascиne dit (la foi orthodoxe, I, 11) que le Pиre, le Fils et l'Esprit saint
sont un en rйalitй, mais ils diffиrent en raison et en pensйe. Donc en Dieu il
n'y a pas le nombre des personnes. q. 9 a. 5 arg. 15 Praeterea, impossibile est in aliquo uno esse
rerum pluralitatem absque rerum compositione: Deus autem unus est. Si ergo in
Deo sunt plures personae, quod est esse plures res, sequitur quod in eo sit
compositio; quod simplicitati divinae repugnat. 15. Il est impossible que dans un кtre unique, il y ait pluralitй sans
composition. Mais Dieu est un. Si donc en lui il y a plusieurs personnes, ce
qui correspond а plusieurs rйalitйs, il en dйcoule qu'il y a en lui
composition, ce qui s'oppose а la simplicitй divine. q. 9 a. 5 arg. 16 Praeterea, absolutum perfectius est quam
relatum. Sed proprietates absolutae, idest attributa essentialia, ut sapientia,
iustitia et huiusmodi, non constituunt in Deo plures personas. Ergo nec
proprietates relativae, ut paternitas et filiatio. 16. L'absolu est plus parfait que le relatif. Mais les propriйtйs
absolues, c'est-а-dire les attributs essentiels, comme la sagesse la justice,
etc., ne constituent pas plusieurs personnes en Dieu. Donc, les propriйtйs
relatives, comme la paternitй et la filiation non plus. q. 9 a. 5 arg. 17 Praeterea, ea quibus aliqua ab invicem
distinguuntur, comparantur ad ipsa sicut differentiae constitutivae ipsorum. Si
ergo personae in divinis relationibus distinguuntur, oportet quod relationes
sint quasi differentiae constitutivae personarum; et ita in personis divinis
erit aliqua compositio, cum differentia adveniens generi constituat speciem. 17. Ce par quoi certaines choses se distinguent les unes des autres est
assimilй а elles, comme leurs diffйrences constitutives. Si donc les personnes
en Dieu se distinguent par des relations, il faut qu'elles soient comme les
diffйrences constitutives des personnes et ainsi en elles, il y aura une
composition, puisqu’une diffйrence qui s’ajoute а un genre constitue une
espиce. q. 9 a. 5 arg. 18 Praeterea, ea quae distinguuntur per formas
specie differentes, necesse est specie differre; sicut homo et equus differunt
specie sicut rationale et irrationale. Paternitas autem et filiatio sunt
relationes specie differentes. Ergo si personae divinae solis relationibus
distinguuntur, necesse est quod specie differant; et ita non erunt unius
naturae, quod est contra fidem. 18. Ce qui est distinguй par des formes diffйrentes en espиces, diffиre
nйcessairement en espиce; comme l'homme et le cheval diffиrent en espиce, en
tant que raisonnable et non raisonnable. Mais la paternitй et la filiation sont
des relations diffйrentes en espиce. Donc si les personnes divines se
distinguent par les seules relations, il est nйcessaire qu'elles diffйrent en
espиce, et ainsi elles ne seront pas d'une seule nature, ce qui est contre la
foi. q. 9 a. 5 arg. 19 Praeterea, non est intelligibile quod aliqua
sint supposita diversa, quorum est unum esse. Sed in divinis non est nisi unum
esse. Ergo impossibile est quod sint ibi plura supposita vel plures personae. 19. Il n'est pas pensable qu'il y ait des suppфts diffйrents dont
l'кtre soit unique. Mais en Dieu il n'y a qu'un seul кtre. Donc il est
impossible qu'il y ait plusieurs suppфts ou plusieurs personnes. q. 9 a. 5 arg. 20 Praeterea, cum creatio sit proprie actio Dei,
oportet quod procedat a quolibet supposito divinae naturae. Impossibile est
autem quod haec actio, cum sit una, proveniat a pluribus suppositis, quia una
actio non est nisi ab uno agente. Ergo impossibile est quod divinae naturae
sint plura supposita sive plures personae. 20. Comme la crйation est proprement l'action de Dieu, il faut qu'elle
procиde d'un suppфt de nature divine. Mais il est impossible que cette action,
puisqu'elle est unique, provienne de plusieurs suppфts, parce qu'une action
unique ne vient que d'un seul agent. Donc il est impossible qu’il y ait
plusieurs suppфts ou plusieurs personnes de nature divine. q. 9 a. 5 arg. 21 Praeterea, diversitas proprietatum non facit
diversa supposita in istis inferioribus: non enim per hoc quod hic est albus et
ille niger, est hoc suppositum humanae naturae aliud ab illo. Sed per
diversitatem materiae individualis, quae est substantia individuorum, hoc
suppositum est aliud ab illo. Si ergo in divinis non est distinctio nisi per
proprietates relativas, impossibile est quod sit ibi pluralitas suppositorum
vel personarum. 21. La diversitй des propriйtйs ne rend pas diffйrents les suppфts dans
les choses infйrieures; car ce n'est pas par cela que celui-ci est blanc et
celui-lа noir, et ce suppфt de nature humaine diffйrent de celui-lа. Mais par
la diversitй de la matiиre individuelle qui est la substance des individus, ce
suppфt est diffйrent de celui-lа. Donc si en Dieu il n'y a de distinction que
par les propriйtйs relatives, il est impossible qu'il y ait pluralitй de
suppфts ou de personnes. q. 9 a. 5 arg. 22
Praeterea, supremae creaturae sunt Deo similiores quam infimae. In infimis autem creaturis sunt plura supposita in una
natura, non autem in supremis sicut in corporibus caelestibus. Ergo nec in Deo
sunt plures personae in una natura. 22. Les crйatures les plus hautes sont plus semblables а Dieu que les
plus petites. Mais dans ces derniиres, il y a plusieurs suppфts dans une seule
nature; mais pas dans les plus hautes, comme dans les corps cйlestes. Donc il
n'y a pas plusieurs personnes en Dieu dans une seule nature. q. 9 a. 5 arg. 23 Praeterea, quando tota perfectio speciei
invenitur in uno supposito, non sunt plura supposita illius naturae, sicut
philosophus probat, quod est unus tantum mundus, quia constat ex tota sua
materia. Tota autem perfectio divinae naturae invenitur
in uno supposito. Non ergo sunt plura supposita vel personae in una natura. 23. Quand toute la perfection de l'espиce se trouve dans un seul
suppфt, il n'y en a pas plusieurs de cette nature; ainsi le philosophe prouve (Le ciel et le monde I, 1, 268 b 65), qu'il n’y a qu’un seul monde, parce qu'il
est composй de toute sa matiиre. Mais toute la perfection de la nature divine
se trouve en un suppфt. Donc il n'y a pas plusieurs suppфts ou personnes dans
une seule nature. q. 9 a. 5 arg. 24 Sed dicendum, quod ad plenitudinem gaudii
requiritur quod sit consortium plurium in divina natura, quia nullius rei sine
consortio potest esse iucunda possessio, ut dicit Boetius. Oportet etiam ad
perfectionem amoris ut unus diligat alterum quantum seipsum.- Sed contra,
plenitudinem gaudii et amoris habere in alio, est eius qui non habet bonitatis
sufficientiam in seipso. Unde philosophus dicit, quod mali, qui non habent
delectabile in seipsis, quaerunt cum aliis conversari; boni autem quaerunt
conversari secum, quasi in seipsis causam iucunditatis habentes. Divina autem
natura non potest esse absque omni sufficientia bonitatis. Ergo cum unum
suppositum divinae naturae habeat in se omnem plenitudinem gaudii et amoris,
non propter hoc oportet ponere in divinis plura supposita vel plures personas. 24. Mais il faut dire qu'il
est requis pour la plйnitude de la joie qu'il y ait une association de
plusieurs dans la nature divine, parce que rien, sans association il ne peut
pas y avoir une joyeuse possession, comme le dit Boиce. Il faut aussi pour la
perfection de l'amour que l'un aime l'autre autant que lui-mкme. En sens contraire, possйder la plйnitude
de la joie et de l’amour dans un autre appartient а celui qui n’a pas en lui
suffisamment de bontй. C'est pourquoi le philosophe dit (Ethique, IX, 4, 1166 b 206)
que les mйchants qui n'ont rien de dйlectable en eux-mкmes cherchent а кtre
avec les autres; mais les bons cherchent а demeurer avec eux-mкmes, comme
possйdant la cause de leur joie. Mais la nature divine ne peut pas exister sans
toute la suffisance de la bontй. Donc comme un suppфt de nature divine a en lui
toute la plйnitude de la joie et de l'amour, ce n'est pas pour cela qu’il faut
placer en Dieu plusieurs suppфts ou plusieurs personnes. En sens contraire: q. 9 a. 5 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicitur I Ioan. cap. V,
7: tres sunt qui testimonium dant in caelo: pater, verbum et spiritus sanctus. 1. Il y a ce que dit Jean (I Jn V, 7): "Ils sont trois а donner leur tйmoignage au ciel, le Pиre, le Verbe et l'Esprit saint7". q. 9 a. 5 s. c. 2 Praeterea, Athanasius dicit in symbolo: totae
tres personae aeternae sibi sunt et coaequales. Ergo est in divinis numerus
personarum. 2. Athanase dit dans son symbole: "Toutes les trois personnes coйternelles sont aussi coйgales entre elles8". Donc le nombre des personnes est en
Dieu. Rйponse: q. 9 a. 5 co. Respondeo. Dicendum quod pluralitas personarum in
divinis est de his quae fidei subiacent, et naturali ratione humana nec
investigari nec sufficienter intelligi potest; sed in patria intelligendum
expectatur, cum Deus per essentiam videbitur visione fidei succedente. Sed
tamen sancti patres propter instantiam eorum qui fidei contradicunt, coacti
sunt et de hoc disserere, et de aliis quae spectant ad fidem, modeste tamen et
reverenter absque comprehendendi praesumptione. Nec talis inquisitio est
inutilis, cum per eam elevetur animus ad aliquid veritatis capiendum quod
sufficiat ad excludendos errores. Unde Hilarius dicit: hoc credendo, scilicet
pluralitatem personarum in divinis, incipe, percurre, persiste; et si non
perventurum me sciam, tamen gratulabor profecturum. Qui enim pie infinita
prosequitur, etsi non contingat aliquando, tamen proficiet prodeundo. Il faut dire que la pluralitй des personnes en Dieu fait partie des
notions qui dйpendent de la foi et qui ne peuvent кtre examinйes ni comprises
suffisamment par la raison naturelle de l'homme; mais on espиre le comprendre
dans la patrie, puisque Dieu sera vu par son essence dans une vision qui
succиdera а la foi. Mais cependant les saints Pиres, а cause de l’acharnement
de ceux qui contredisent la foi, ont йtй forcйs de disserter sur ce sujet, et
sur d’autres qui regardent la foi, avec modestie cependant et rйvйrence, sans
la prйtention de comprendre. Et une telle recherche n'est pas inutile,
puisqu’elle йlиve l'esprit а comprendre une part de la vйritй qui suffit а exclure
les erreurs. C'est pourquoi Hilaire dit
(La Trinitй, II): "En croyant cela, а savoir la pluralitй
des personnes en Dieu, entreprends,
parcours, persiste, et si je savais ne pas y parvenir, cependant je me
satisferais d'avancer. Car qui recherche ce qu’est l'infini avec piйtй, mкme
s’il n'y arrive pas quelquefois, cependant fera des progrиs en avanзant ."
Ad manifestationem ergo aliqualem huius quaestionis, et
praecipue secundum quod Augustinus eam manifestat, considerandum est quod omne
quod est perfectum in creaturis oportet Deo attribui, secundum id quod est de
ratione illius perfectionis absolute; non secundum modum quo est in hoc vel in
illo. Non enim bonitas est in Deo vel sapientia secundum aliquod accidens sicut
in nobis, quamvis in eo sit summa bonitas et sapientia perfecta. Donc pour une rйelle dйcouverte sur cette question et surtout selon ce
qu'Augustin en rйvиle, il faut considйrer que tout ce qui est parfait dans les
crйatures doit кtre attribuй а Dieu, selon la nature de cette perfection dans
l’absolu; non selon le mode par lequel il est en ceci ou en cela. Car la bontй
n'est pas en Dieu, ni la sagesse, comme un accident, comme en nous, quoique en
lui la bontй soit suprкme et la sagesse parfaite. Nihil autem nobilius et perfectius in creaturis invenitur
quam intelligere; cuius signum est quod inter ceteras creaturas, intellectuales
substantiae sunt nobiliores, et secundum intellectum ad Dei imaginem factae
dicuntur. Oportet ergo quod intelligere Deo conveniat et omnia quae sunt de
ratione eius, licet alio modo conveniat sibi quam creaturis. Mais on ne trouve rien de plus noble et de plus parfait dans les
crйatures que l’intellection: le signe en est que, parmi les autres crйatures,
les substances intellectuelles sont plus nobles et, on les dit faites а l'image
de Dieu selon l’esprit. Il faut donc que l’intellection et tout ce qui la
concerne convienne а Dieu, bien qu'elle lui convienne d'une autre maniиre
qu'aux crйatures. De ratione autem eius quod est intelligere, est quod sit
intelligens et intellectum. Id autem quod est per se intellectum non est res
illa cuius notitia per intellectum habetur, cum illa quandoque sit intellecta
in potentia tantum, et sit extra intelligentem, sicut cum homo intelligit res
materiales, ut lapidem vel animal aut aliud huiusmodi: cum tamen oporteat quod
intellectum sit in intelligente, et unum cum ipso. Neque etiam intellectum per
se est similitudo rei intellectae, per quam informatur intellectus ad
intelligendum: intellectus enim non potest intelligere nisi secundum quod fit
in actu per hanc similitudinem, sicut nihil aliud potest operari secundum quod
est in potentia, sed secundum quod fit actu per aliquam formam. Haec ergo
similitudo se habet in intelligendo sicut intelligendi principium, ut calor est
principium calefactionis, non sicut intelligendi terminus. Mais en raison de ce qu’est l’intellection, il faut qu’il y ait celui
qui pense et ce qui est pensй. Car ce qui est pensй par soi n'est pas cette
chose dont on a la connaissance par l'esprit, puisque quelquefois celle-ci est
pensйe en puissance seulement et est hors de celui qui pense; ainsi quand
l’homme pense les choses matйrielles, comme la pierre ou l'animal et autres de
ce genre; alors que cependant il faut que ce qui est pensй soit dans celui qui
pense, et soit un avec lui. Et aussi ce qui est pensй par soi est la
ressemblance de la rйalitй pensйe; par laquelle l'esprit est mis en forme pour
penser. Car l'esprit ne peut penser que selon qu'il devient en acte par cette
ressemblance, puisque rien d'autre ne peut opйrer selon qu'il est en puissance,
mais selon qu'il devient en acte par la forme. Donc cette ressemblance se
comporte dans l'intellection comme son principe, comme la chaleur est le
principe de l’йchauffement, non comme son terme de l’intellection. Hoc ergo est primo et per se intellectum, quod intellectus
in seipso concipit de re intellecta, sive illud sit definitio, sive enuntiatio,
secundum quod ponuntur duae operationes intellectus, in III de anima. Hoc autem
sic ab intellectu conceptum dicitur verbum interius, hoc enim est quod
significatur per vocem; non enim vox exterior significat ipsum intellectum, aut
formam ipsius intelligibilem, aut ipsum intelligere, sed conceptum intellectus
quo mediante significat rem: ut cum dico, homo vel homo est animal. Et quantum
ad hoc non differt utrum intellectus intelligat se, vel intelligat aliud a se.
Sicut enim cum intelligit aliud a se, format conceptum illius rei quae voce
significatur, ita cum intelligit se ipsum, format conceptum sui, quod voce etiam
potest exprimere. Donc est compris d’abord par soi ce que l’esprit comprend en lui-mкme
de la rйalitй comprise, que ce soit ou bien une dйfinition ou bien un йnoncй,
selon que sont placйes les deux opйrations de l'esprit, (L'вme, III, VI, 43 b 279).
Ce qui est ainsi conзu par l'esprit est appelй verbe intйrieur10, car c'est ce qui est signifiй par le
mot; le mot extйrieur ne signifie pas, en effet, ce qui est pensй ou sa forme
intelligible ou son intellection, mais le concept de l'esprit par
l'intermйdiaire duquel il signifie la rйalitй, comme, lorsque je dis
"homme", ou "l'homme est un animal". Et а ce sujet, il n'y
a pas de diffйrence si l'esprit se comprend, ou comprend autre chose que lui.
Car, de mкme que, lorsqu’il comprend quelque chose d'autre que lui, il forme le
concept de cette rйalitй qui est signifiйe par le mot, de mкme, quand il se
comprend lui-mкme, il en forme un concept, qu'il peut aussi exprimer par un
mot. Cum ergo in Deo sit intelligere, et intelligendo seipsum
intelligat omnia alia, oportet quod ponatur in ipso esse conceptio intellectus,
quae est absolute de ratione eius quod est intelligere. Si autem possemus
comprehendere intelligere divinum quid et quomodo est sicut comprehendimus
intelligere nostrum, non esset supra rationem conceptio verbi divini, sicut
neque conceptio verbi humani. Donc comme en Dieu il y a l'intellection et qu'en se pensant lui-mкme,
il pense toutes les autres choses, il faut placer en lui une conception de
l'intellect, qui est dans l’absolu la nature de ce qu’est intellection. Mais si
nous pouvions comprendre l'intellection divine, ce qu’elle est et comment elle
est, comme nous apprйhendons notre intellection, la conception du verbe divin,
ni la conception du verbe humain ne seraient pas au-dessus de la raison. Possumus tamen scire quid non sit et quomodo non sit illud
intelligere; per quod possumus scire differentiam verbi concepti a Deo, et
verbi concepti ab intellectu nostro. Scimus enim primo quod in Deo est tantum
unum intelligere, non multiplex sicut in nobis: aliud enim est intelligere
nostrum quo intelligimus lapidem et quo intelligimus plantam; sed unum est Dei
intelligere, quo Deus intelligit et se et omnia alia. Et ideo intellectus noster
concipit multa verba, sed verbum conceptum a Deo est unum tantum. Cependant nous pouvons savoir ce
que cela n'est pas et comment cette intellection n’est pas; ainsi nous
pouvons connaоtre la diffйrence du verbe conзu par Dieu et de celui qui est conзu
par notre esprit. Car nous savons d'abord qu'en Dieu il n’y a qu’une seule
intellection, non pas une intellection multiple comme en nous. Car notre
intellection est diffйrente pour concevoir la pierre et la plante; mais en Dieu
il y en a une seule, par laquelle il se pense, lui et toutes les autres choses.
Et c'est pourquoi notre esprit conзoit de nombreuses paroles, mais le verbe
conзu par Dieu est seulement un. Iterum intellectus noster imperfecte plerumque intelligit et
seipsum et alia; intelligere autem divinum non potest esse imperfectum. Unde
verbum divinum est perfectum, perfecte omnia repraesentans: verbum autem
nostrum frequenter est imperfectum. Par contre, la plupart du temps, notre esprit se conзoit
imparfaitement, lui-mкme et les autres choses; mais l'intellection de Dieu ne
peut pas кtre imparfaite. C'est pourquoi le Verbe divin est parfait et
reprйsente tout parfaitement; mais notre verbe est frйquemment imparfait. Iterum in intellectu nostro aliud est intelligere et aliud
est esse; et ideo verbum conceptum in intellectu nostro, cum procedat ab
intellectu in quantum est intellectus, non unitur ei in natura, sed solum in
intelligere. Intelligere autem Dei est esse eius; unde verbum quod procedit a
Deo in quantum est intelligens, procedit ab eo in quantum est existens; et
propter hoc verbum conceptum habet eamdem essentiam et naturam quam intellectus
concipiens. Et quia quod recipit naturam in rebus viventibus dicitur genitum et
filius, verbum divinum dicitur genitus et filius. Verbum autem nostrum non
potest dici genitum ab intellectu nostro nec filius eius, nisi metaphorice. A nouveau, dans notre esprit, intellection et кtre sont diffйrents et
c'est pourquoi comme le verbe conзu dans notre esprit en procиde en tant que
concept, il ne nous est pas uni en nature, mais il est seulement dans
l'intellection. Mais l'intellection de Dieu est son кtre; c'est pourquoi le
verbe qui procиde de lui en tant qu'il pense, procиde de lui en tant qu'il
existe; et c'est pour cela que le verbe conзu a la mкme essence et la mкme
nature que l'intellect qui le conзoit. Et parce que ce qui reзoit la nature
dans le vivant est appelй engendrй et fils, le verbe divin est appelй engendrй
et Fils. Mais le nфtre ne peut pas кtre dit engendrй par notre esprit, ni
appelй son fils, sinon par mйtaphore. Sic ergo relinquitur quod cum verbum intellectus nostri ab
intellectu differat in duobus, in hoc scilicet et quod est ab eo, et est
alterius naturae, subtracta a divino verbo naturae differentia, ut ostensum
est, relinquitur quod sit differentia secundum hoc solum quod est ab alio. Cum
ergo differentia causet numerum, relinquitur quod in Deo sit solum numerus
relationum. Relationes autem in divinis non sunt accidentia, sed unaquaeque
earum est realiter divina essentia. Unde et unaquaeque earum est subsistens,
sicut divina essentia; et sicut divinitas est idem quod Deus, ita paternitas
est idem quod pater, et per hoc pater idem quod Deus. Numerus ergo
relationum est numerus rerum subsistentium in divina natura. Res autem
subsistentes in divina natura sunt divinae personae, ut ex praecedenti articulo
patet. Et propter hoc
ponimus personarum numerum in divinis. Ainsi donc il reste que, comme le verbe de notre esprit diffиre
de lui en deux points, а savoir ce qui est de lui, et ce qui est d'une autre
nature, si on exclut la diffйrence de nature du verbe divin, comme on l'a
montrй, (qu. 8, a. 1), il reste qu'il y a une diffйrence seulement selon qu'il
vient d'un autre. Donc comme la diffйrence cause le nombre, il reste qu'en Dieu
il y a seulement le nombre des relations. Elles ne sont pas des accidents, mais
chacune d'elles est rйellement l'essence divine. C'est pourquoi chacune est
subsistante, comme l'essence divine; et de mкme que ce qu’est la divinitй est
identique а Dieu, la paternitй est identique au pиre, et par lа le Pиre est
identique а Dieu. Donc le nombre des relations est celui des rйalitйs
subsistantes dans la nature divine. Mais ce qui est subsistant, ce sont les
personnes divines, comme on le montre dans l'article prйcйdant. Et c'est pour
cela que nous plaзons le nombre des personnes en Dieu. Solutions: q. 9 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Boetius per verba
illa intendit excludere numerum a divina essentia; de hoc enim agit. # 1. Boиce, par ces paroles, tend а exclure le nombre de l'essence
divine, car c'est de cela qu'il s'agit. q. 9 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum quod, licet personae, in
quantum sunt subsistentes, non habeant quod diminuant de ratione numeri, habent
hoc tamen in quantum sunt relationes; nam distinctio secundum relationes est
minima, sicut et relatio minimum habent de ente inter omnia genera. # 2. Bien que les personnes, en tant que subsistantes, ne puissent
apporter de limite en raison du nombre, elles le peuvent cependant en tant que
relations; car la distinction dans les relations est minimale, comme la
relation aussi, elles sont ce qui a le moins d’кtre parmi tous les genres. q. 9 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod unitas et pluralitas attribuuntur Deo non secundum idem,
sed unitas secundum essentiam, pluralitas secundum personas; vel unitas
secundum absoluta, pluralitas secundum relationes. # 3. L'unitй et la pluralitй sont attribuйes а Dieu, non а l’identique,
mais l'unitй selon l'essence, la pluralitй selon les personnes, ou l'unitй
selon l'absolu, la pluralitй selon les relations. q. 9 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod cum pluralitas
unitatum ex aliqua distinctione causetur, ubi est distinctio secundum esse,
oportet quod unitates secundum esse differant; ubi autem est distinctio
secundum relationes, oportet quod unitates ex quibus consistit pluralitas,
solum relationibus ab invicem distinguantur. # 4. La pluralitй des unitйs йtant causйe par une distinction, lа oщ
elle est selon l'кtre, il faut que les unitйs diffиrent selon l'кtre. Mais lа
oщ elle est selon les relations, il faut que les unitйs, en quoi consiste la
pluralitй, soient distinguйes seulement par les relations entre elles. q. 9 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quaelibet distinctio
sufficit ad pluralitatem similem constituendam. Unde, sicut in Deo non est
divisio secundum absoluta,- quae sine compositione esse non potest,- sed solum
distinctio relationum; ita non est in Deo pluralitas quantum ad absoluta, sed
solum quantum ad relationes, ut iam dictum est. # 5. N'importe quelle distinction suffit pour constituer une pluralitй
semblable. C'est pourquoi, de mкme qu'en Dieu, il n'y a pas de divisions dans
l'absolu11 — celle-ci ne peut pas
exister sans composition — mais seulement une distinction des relations, de
mкme il n'y a pas en Dieu de pluralitй quant а l'absolu, mais seulement quant
aux relations; comme on l'a dйjа dit (dans le corps de l'article). q. 9 a. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod unitates semper sunt
partes numeri, si loquamur de numero absoluto quo numeramus; si autem loquamur
de numero qui est in rebus, tunc non est ratio totius et partis in numero, nisi
sicut invenitur totum et pars in rebus numeratis. Diversae autem relationes in
divinis non sunt partes, sicut paternitas et filiatio non sunt partes Socratis,
quamvis sit pater et filius diversorum. Unde nec unitates relationum
comparantur ad numerum relationum ut partes. # 6. Les unitйs sont toujours les parties du nombre, si nous parlons de
nombre absolu par lequel nous comptons, mais si nous parlons du nombre qui est
dans la rйalitй, alors il n’y a pas la raison du tout et de la partie dans le
nombre, а moins que ce soit comme on trouve le tout et la partie dans les
choses dйnombrйes12. Mais diffйrentes
relations en Dieu ne sont pas des parties, de mкme que la paternitй et la
filiation ne sont pas des parties de Socrate, bien qu'il soit pиre et fils
d’кtres diffйrents. C'est pourquoi les unitйs des relations ne sont pas
associйes au nombre des relations comme des parties. q. 9 a. 5 ad 7 Ad septimum dicendum, quod creatura
differt a Deo in hoc quod producitur in numero essentialium principiorum. Talis
autem non est numerus personarum. # 7. La crйature est diffиrente de Dieu du fait qu'elle est produite dans
le nombre des principes essentiels. Mais tel n'est pas le nombre des personnes. q. 9 a. 5 ad 8 Ad octavum dicendum, quod numerus qui est
species quantitatis, causatur ex divisione continui; unde sicut quantitas
continua est quid mathematicum,- quia est separata a materia sensibili secundum
rationem, et non secundum esse,- ita et numerus qui est species quantitatis,
qui est etiam subiectum arithmeticae, cuius principium est unum quod est prima
mensura quantitatis. Unde patet quod hic numerus non potest esse in rebus
immaterialibus, sed est in eis multitudo, quae opponitur uni quod convertitur
cum ente; quae quidem causatur ex divisione formali, quae est per quasdam
formas oppositas, vel absolutas vel relativas. Et talis numerus est in divinis. # 8. Le nombre qui est une espиce de quantitй est causй par la division
du continu; c’est pourquoi, de mкme que la quantitй continue est un concept
mathйmatique,— parce qu’elle est sйparйe de la matiиre sensible en raison et
non selon l’кtre — de mкme le nombre aussi qui est l’espиce de la quantitй,
lui-mкme sujet de l’arithmйtique; son principe est l’unitй qui est la premiиre
mesure de la quantitй. C’est pourquoi il est clair que ce nombre ne peut pas
кtre dans les rйalitйs immatйrielles, mais il y a en elles une pluralitй,
opposйe а l’un qui est convertible avec l’йtant; elle est causйe par la
division formelle, qui est par des formes opposйes, ou absolues ou relatives;
et un tel nombre est en Dieu. q. 9 a. 5 ad 9 Ad nonum dicendum, quod illae passiones
consequuntur numerum qui est species quantitatis, qui non competit in divinis,
ut dictum est. # 9. Ces passions supposent le nombre, qui est de l’espиce de la
quantitй, ce qui ne convient pas Dieu, comme on l’a dit. q. 9 a. 5 ad 10 Ad decimum dicendum, quod Deus est infinitus
secundum perfectionem magnitudinis et sapientiae et huiusmodi: unde in Ps.
CXLVI, 5, dicitur, quod sapientiae eius non est numerus; sed processio in
divinis, secundum quam multiplicantur personae divinae, non est in infinitum;
non enim est immoderata divina generatio, ut Augustinus dicit in Lib. de
Trinit.; et ideo nec personarum numerus est infinitus. # 10. Dieu est infini selon la perfection de la grandeur, de la
sagesse, etc.. C’est pourquoi au Ps.
146, 5, il est dit: "Il n'y a pas de
nombre pour sa sagesse." mais la procession en Dieu selon laquelle les
personnes divines sont multipliйes, n’est pas dans l’infini: car la gйnйration
en Dieu n’est pas sans limite, comme Augustin le dit, (La Trinitй) et c’est pourquoi le nombre des personnes n’est pas
infini. q. 9 a. 5 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod Deus dicitur esse
finitus sibi, non quia cognoscat se esse finitum, sed quia ita comparatur ad se
sicut ad nos comparantur finita, in quantum comprehendit seipsum. # 11. On dit que Dieu est fini pour lui, non pas parce qu’il se connaоt
comme tel, mais parce qu’il est comparй а lui comme le fini est comparй а nous,
en tant qu’il se comprend lui-mкme. q. 9 a. 5 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod illa definitio
datur de numero secundum quod est in genere quantitatis, ad quod pertinet ratio
mensurae. # 12. On donne cette dйfinition du nombre en tant qu’il est dans le
genre de la quantitй, а quoi se rattache la notion de mesure. q. 9 a. 5 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod in rebus
creatis principia individuantia duo habent: quorum unum est quod sunt principium subsistendi (natura
enim communis de se non subsistit nisi in singularibus); 13. Dans les crйatures il y a deux prinicipes qui individualisent: a) L’un est qu’ils sont le
principe de subsistance (car la nature commune ne subsiste de soi que dans les
кtres particuliers). aliud est quod per principia individuantia supposita naturae
communis ab invicem distinguuntur. In divinis autem proprietates personales hoc solum habent
quod supposita divinae naturae ab invicem distinguuntur, non autem sunt
principium subsistendi divinae essentiae: ipsa enim divina essentia est
secundum se subsistens; sed e converso proprietates personales habent quod
subsistant ab essentia: ex eo enim paternitas habet quod sit res subsistens,
quia essentia divina, cui est idem secundum rem, est res subsistens; ut inde
sequatur quod sicut essentia divina est Deus, ita paternitas est pater. Et ex
hoc est etiam quod essentia divina non multiplicatur secundum numerum ex
pluralitate suorum suppositorum, sicut accidit in istis inferioribus. Nam ex eo
aliquid secundum numerum multiplicatur, ex quo subsistentiam habet. Licet autem
divina essentia secundum seipsam, ut ita dicam, individuetur, quantum ad hoc
quod est per se subsistere, tamen, ipsa una existente secundum numerum, sunt in
divinis plura supposita ab invicem distincta per relationes subsistentes. b) L’autre est qu’ils se
distinguent entre eux par des principes qui individualisent les suppфts de
nature commune. Mais en Dieu, les propriйtйs personnelles sont telles seulement que les
suppфts de nature divine se distinguent entre eux, mais elles ne sont pas le
principe de subsistance de l’essence divine; car celle-ci est subsistante par
soi, mais а l’inverse, les propriйts personnelles sont telles qu’elles
subsistent par l’essence; car ainsi la paternitй est telle qu’elle est une
rйalitй subsistante, parce que l’essence divine, а laquelle elle est identique
en rйalitй est ce qui subsiste; de sorte qu’ainsi il en dйcoule que de mкme que
l’essence divine est Dieu, la paternitй est le Pиre. Et de lа vient aussi que
l’essence divine n’est pas multipliйe en nombre par la pluralitй de ses
suppфts, comme cela arrive dans les кtres infйrieurs. Car une chose est
multipliйe en nombre, par le fait qu’elle a sa subsistance. Mais bien qu’en soi
l’essence divine, soit pour ainsi dire individuйe, pour ce qui est subsister
par soi, cependant comme cette unitй existe selon le nombre, il y a plusieurs
suppфts en Dieu distinguйs entre eux, par les relations subsistantes. q. 9 a. 5 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod si pater et
filius et spiritus sanctus non re, sed solum ratione differunt, nihil prohibet
unum de altero praedicari: sicut vestis et tunica de se invicem praedicantur;
et similiter pater esset filius, et e converso; quod est haeresis Sabellianae.
Unde dicendum est, quod pater et filius et spiritus sanctus sunt tres res, ut
Augustinus dicit in Lib. I de Doctr. Christ., si tamen res pro
re relativa accipiatur; si enim sumatur pro absoluto, sic sunt una res, ut idem
Augustinus dicit. Et hoc modo sumendum est quod Damascenus dicit, quod sunt
unum re. Quod autem dicit, quod ratione tantum distinguuntur, communiter
exponitur, id est relatione. Nam relatio etsi per comparationem ad relationem
oppositam, distinctionem realem faciat in divinis, tamen ab essentia divina non
differt nisi ratione; cum hoc etiam relatio inter omnia genera debiliori modo
res est. # 14. Si le Pиre, le Fils et l’Esprit saint diffиrent non pas en
rйalitй mais seulement en raison, rien n’empкche d’attribuer l’un а l’autre;
comme le vкtement et la tunique s’attribuent de l’un а l’autre13; et de la mкme maniиre, le Pиre serait le
Fils et а l’inverse; ce qui est l’hйrйsie de Sabellius14. C’est
pourquoi il faut dire que le Pиre, le Fils et l’Esprit saint sont trois
rйalitйs, comme Augustin le dit au livre I de La doctrine chrйtienne (ch. V15),
si cependant la rйalitй est reзue comme chose relative, car si elle est prise
pour l’absolu, ils sont une seule rйalitй, comme le mкme Augustin le dit. Et de
cette maniиre, il faut prendre ce que Jean Damascиne dit qu’ils sont un en
rйalitй. Mais ce qu’il dit qu’ils sont distinguйs en raison, c’est ce qu’on
expose communйment, c’est-а-dire par la relation. Car mкme si la relation
apporte une distinction rйelle par comparaison а la relation opposйe, en Dieu,
l’essence divine ne diffиre qu’en raison; avec cela aussi la relation est d’un
mode plus faible parmi tous les genres. q. 9 a. 5 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod pluralitas
rerum in divinis est pluralitas relationum subsistentium oppositarum, ex quo
non sequitur compositio in divinis. Nam relatio, comparata ad essentiam
divinam, non differt re, sed ratione solum; unde non facit compositionem cum
ipsa, sicut nec bonitas nec aliud essentialium attributorum; sed per
comparationem ad oppositam relationem est pluralitas rerum, non tamen
compositio; quia relationes oppositae, in quantum huiusmodi, ab invicem
distinguuntur. Compositio vero non est ex aliquibus distinctis in quantum
distincta sunt. # 15. La pluralitйs des rйalitйs en Dieu est une pluralitй de relations
subsistantes opposйes, d’oщ ne dйcoule pas de la composition. Car la relation,
comparйe а l’essence divine n’en diffиre pas en rйalitй, mais en raison
seulement; c’est pourquoi elle ne fait pas composition avec elle; la bontй non
plus, ni aucun autre des attributs essentiels; mais par comparaison а la
relation opposйe, il y a la pluralitй des rйalitйs, mais cependant pas
composition, parce que les relations opposйes, en tant que telles, se
distinguent entre elles. Mais la composition ne vient pas de certaines choses
distinctes en tant que telles. q. 9 a. 5 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod attributa
essentialia nullam ad invicem habent oppositionem sicut relationes; et ideo
licet subsistant sicut relationes, non tamen constituunt pluralitatem
suppositorum ab invicem distinctorum, cum pluralitas distinctionem sequatur;
distinctio vero formalis fit ex aliqua oppositione. # 16. Les attributs essentiels n’ont aucune opposition entre eux, comme
les relations; et c’est pourquoi, bien qu’ils subsistent comme les relations,
ils ne constituent pas une pluralitй de suppфts distincts les uns des autres,
puisque la pluralitй ne dйcoule pas de la distinction; mais la distinction
formelle se fait par une opposition. q. 9 a. 5 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod in divinis
non differt quod significatur per modum formae et quod significatur per modum
suppositi: ut divinitas et Deus, paternitas et pater; et ideo non oportet quod,
licet proprietates relativae sint quasi differentiae constituentes personas,
faciant compositionem aliquam cum personis constitutis. # 17. En Dieu, il n’y a pas de diffйrence entre ce qui est signifiй par
la forme et par le suppфt; comme la divinitй et Dieu, la paternitй et le Pиre;
et c’est pourquoi il ne faut pas que, bien que les propriйtйs relatives soient
comme des diffйrences qui constituent les personnes, elles apportent une
composition avec les personnes constituйes. q. 9 a. 5 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod licet pater et
filius non distinguantur ab invicem nisi paternitate et filiatione, non tamen
oportet quod pater et filius quasi specie differant in divinis: quia paternitas
et filiatio sunt relationes secundum speciem diversae. Non enim istae
relationes se habent ad divinas personas ut speciem dantes, sed magis ut
supposita distinguentes et constituentes. Illud autem quod se habet ad personas
divinas ut speciem dans, est natura divina, in qua filius est similis patri:
nam generans generat sibi similem secundum speciem, non secundum individuales
proprietates. Sicut ergo Socrates et Plato licet non distinguerentur ad invicem
individualiter nisi albedine et nigredine, quae sunt diversae qualitates
secundum speciem, non tamen specie differrent: quia id quod est species albo et
nigro, non est species Socrati et Platoni; ita nec sequitur quod pater et
filius specie differant propter differentiam paternitatis et filiationis
secundum speciem: licet in divinis non possit proprie dici aliquid differre
secundum speciem, cum non sit ibi species et genus. # 18. Bien que le Pиre et le Fils ne se distinguent l’un de l’autre que
par la paternitй et la filiation, il ne faut cependant pas qu’ils diffиrent
comme en espиce; parce que la paternitй et la filiation sont des relations
diffйrentes en espиce. Car elles ne se comportent pas vis-а-vis des personnes
divines comme donnant une espиce, mais plutфt comme distinguant les suppфts et
les constituant. Mais ce qui se comporte vis-а-vis des personnes divines, comme
donnant l’espиce, c’est la nature divine, en laquelle le Fils est semblable au
Pиre. Car celui qui engendre engendre du semblable а lui en espиce, mais pas
selon les propriйtйs individuelles. Donc ainsi, bien que Socrate et Platon ne
soient distinguйs l’un de l’autre individuellement que par la blancheur et la
noirceur, qui sont des qualitйs diverses en espиce, ils ne diffиrent cependant
pas en espиce, parce que ce qui est l’espиce, pour le blanc et le noir, n’est
pas une espиce pour Socrate et Platon; ainsi il n’en dйcoule pas que le Pиre et
le Fils soient diffйrents en espиce а cause d’une diffйrence de paternitй et de
filiation en espиce; bien qu’en Dieu on ne puisse а proprement parler d’une
diffйrence en espиce, puisqu’il n’y a en lui ni espиce, ni genre. q. 9 a. 5 ad 19 Ad decimumnonum dicendum, quod omnino
concedendum est quod in divinis non sit nisi unum esse: cum esse semper ad
essentiam pertineat, et praecipue in Deo, cuius esse est sua essentia.
Relationes autem quae distinguunt supposita in divinis, non addunt aliud esse
super esse essentiae, quia non faciunt compositionem cum essentia, ut dictum
est. Omnis autem forma addens aliquod esse super esse substantiale, facit
compositionem cum substantia, et ipsum esse est accidentale, sicut esse albi et
nigri. Diversitas ergo secundum esse sequitur pluralitatem suppositorum, sicut
et diversitas essentiae, in rebus creatis. Neutrum autem in divinis. # 19. Il faut absolument concйder qu’en Dieu il n’y a qu’un seul кtre,
puisque l’кtre se rapporte toujours а l’essence, et surtout en Dieu, dont
l’кtre est l’essence. Mais les relations qui distinguent les suppфts n’ajoutent
pas un autre кtre а celui de l’essence; parce qu’ils ne font pas composition
avec elle, comme on l’a dit. Mais toute forme qui ajoute quelque chose а l’кtre
substantiel, apporte une composition avec la substance et l’кtre mкme est
accidentel, comme l’кtre du blanc et du noir. Donc la diversitй selon l’кtre
dйcoule de la pluralitй des suppфts, comme la diversitй de l’essence, dans les
crйatures. Mais ni l’un ni l’autre n’est en Dieu. q. 9 a. 5 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod operatio egreditur
ab agente ratione formae vel virtutis, quae est principium operationis; et ideo
nihil prohibet a tribus personis, quae sunt unius naturae et virtutis, unam
creationem procedere: sicut si trium calidorum esset unus numero calor, una
numero ab eis calefactio proveniret. # 20. L’opйration sort de l’agent en raison de la forme ou du pouvoir,
qui est le principe de l’opйration; et c’est pourquoi rien n’empкche qu’une
seule crйation procиde des trois personnes qui sont d’une seule nature et d’un
seul pouvoir, comme si de trois chaleurs il n’y en avait qu’une seule en
nombre, des trois proviendrait un seul rйchauffement en nombre. q. 9 a. 5 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod formae
individuantes in rebus creatis non sunt subsistentes sicut in divinis; et ideo
non est simile. # 21. Les formes qui individualisent dans les crйatures ne sont pas
subsistantes comme en Dieu, et c’est pourquoi ce n’est pas pareil. q. 9 a. 5 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod in
rebus creatis ad multitudinem suppositorum sequitur multiplicatio essentiae,
quod non accidit in divinis; unde ratio non sequitur. # 22. Dans les crйatures, la pluralitй de l’essence amиne а la
pluralitй des suppфts, ce qui n’arrive pas en Dieu. C’est pourquoi la raison ne
vaut pas. q. 9 a. 5 ad 23 Ad vicesimumtertium dicendum quod, licet tota
et perfecta divinitas sit in qualibet trium personarum secundum proprium modum
existendi, tamen ad perfectionem divinitatis pertinet ut sint plures modi
existendi in divinis ut scilicet sit ibi a quo alius et ipse a nullo, et
aliquis qui est ab alio. Non enim esset omnimoda perfectio in divinis, nisi
esset ibi processio verbi et amoris. # 23. Bien que la divinitй parfaite soit toute entiиre en chacune des
trois personnes selon leur propre mode d’existence, cependant il convient а la
perfection de la divinitй qu’il y ait plusieurs modes d’existence en Dieu, а
savoir qu’il y en a un par lequel il est autre, et lui-mкme qui ne dйpend de
personne et un qui est par un autre16.
Car il n’y aurait de toute maniиre de perfection en Dieu, que s’il y avait la
procession du verbe et de l’amour. q. 9 a. 5 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum, quod ratio illa
procedit ac si divinae personae per essentiam distinguerentur. Sic enim
plenitudo gaudii quam habet pater in filio, esset in aliquo extrinseco, et non
haberet pater hoc in seipso; sed quia filius est in patre ut verbum ipsius, non
posset esse patri plenum gaudium de seipso nisi in filio; sicut nec homo de
seipso gaudet nisi per conceptionem quam de seipso habet. # 24. Cet argument est avancй, comme si les personnes divines se
distinguaient par l’essence. Car ainsi la plйnitude de joie que le Pиre a dans
le Fils dйpendrait de quelqu’un d’extйrieur et le Pиre ne l’aurait pas en lui;
mais parce que le Fils est dans le Pиre comme son verbe, il ne pourrait y avoir
la pleine joie pour le Pиre de lui-mкme, que dans le Fils; ainsi l’homme ne se
rйjouit lui-mкme que par la conception qu’il se fait de lui-mкme.
1 Parall.: Ia, qu. 30, a. 1 — I Sent. D. 2 q. 4 — D. 23, a. 4 — Compendium C. 50, 55 — Quodl.
VII, 3, qu. a. 1 2
En Ia, qu. 30, a. 3, l’objecteur tire
une autre conclusion: "Donc, il y n’a pas plusieurs personnes en Dieu".
Mais c’est en fait un autre aspect de cet article. Cf. obj. 13. 3
"L’un et la Pluralitй dans les nombres sont donc opposйs comme mesure au
mesurable, notions qui sont opposйes comme les relations qui ne sont pas des
relations par soi." Aristote, n° 874 (Trad. J. Tricot). Thomas, n° 2087. 4
"Le nombre est une multiplicitй mesurable par l’UN." Trad. J. Tricot, p.
562. (Aristote, 875) 5 Thomas I, lectio 2,
n° 18. 6 Aristote 1308,
Thomas, 1817. 7
Cf. Pot. 9, 4, obj. 1. Le texte n’est
pas dans saint Jean avant le IXe siиcle. 8
Denz. 39. (?75) 9
Trad. p. 94, Th. 177) 10
Verbum interius est ipsum interius intellectum. ——— Verbum intellectum…id est
ad quod operatio intellectus nostri terminatur, quod est ipsum intellectum,
quod dicitur conceptio intellectus. (Veritate,
qu. 4, a. 1 c.). 11
Selon l’essence. 12
Cf. Ia, qu. 30, a. 1: En Dieu pour le
nombre pris au sens absolu,"rien n’empкche qu’on y vйrifie le tout et la
partie; cela n’existe que dans la considйration de notre esprit, car le nombre
tel qu’il est dans les choses dйnombrйes, ne se trouve que dans la pensйe."
Choses dйnombrйes; dans les crйatures un, deux ou trois sont comme la partie au
tout, en Dieu cela ne vaut pas. Le Pиre est aussi grand que la Trinitй. 13
Voir Mйtaphysique, Thomas n° 545. 14
Sur Sabellius voir note Pot. 1, 1, sol. 1; (cf. Pot. 8, 1 & 2 et 9,??? c) 15
"On ne peut trouver facilement, en effet, un nom qui convienne а pareille
excellence…Ainsi le Pиre et le Fils et le Saint Esprit sont-ils Dieu ainsi que
chacun sйparйement…" (Trad. J.-Y. Boriaux) Comment en effet traduire res 16
Il y a trois personnes dans la Trinitй, le Fils, diffйrent du Pиre, et l’Esprit
saint. En 9, 9, on retrouve deux expressions semblables; duae relationes,
scilicet a quo alius et qui ab alio.
Article 6: Le nom de personne peut-il кtre convenablement attribuй а
Dieu au pluriel?
q. 9 a. 6 tit. 1 Sexto quaeritur utrum nomen
personae convenienter possit praedicari pluraliter in divinis. Et videtur quod
non. Il semble que non1. Objections: q. 9 a. 6 arg. 1 Persona enim est substantia, ut ex definitione
Boetii patet. Sed substantia non praedicatur pluraliter in divinis. Ergo nec
persona. 1. Car la personne est une substance, comme le montre la dйfinition de
Boиce. Mais la substance n’est pas attribuйe au pluriel а Dieu. Donc la
personne non plus. q. 9 a. 6 arg. 2 Praeterea, alia nomina absoluta praedicantur
tantum singulariter in divinis, ut sapiens, bonus et huiusmodi. Sed hoc nomen
persona est nomen absolutum. Ergo non debet praedicari pluraliter in divinis. 2. Tous les noms absolus sont attribuйs а Dieu seulement au singulier,
comme sage, bon, etc.. Mais ce nom personne
est un nom absolu. Donc il ne doit pas кtre attribuй au pluriel. q. 9 a. 6 arg. 3 Item, nomen personae a subsistendo sumi
videtur, cum significet individuum in genere substantiae, et persona dicatur
quasi per se una. Subsistere autem ad essentiam pertinere videtur, quae non
multiplicatur in divinis. Ergo nec nomen personae pluraliter potest praedicari. 3. Le nom de personne semble pris de "subsister" puisqu’il
signifie l’individu dans le genre de la substance et on parle de la personne
comme unique par soi. Mais subsister semble appartenir а l’essence qui n’est
pas multipliйe en Dieu. Donc le nom de personne ne peut pas кtre attribuй au
pluriel. q. 9 a. 6 arg. 4 Sed dicendum, quod licet subsistere sumatur ab
essentia, tamen dicere possumus quod in divinis sunt tres subsistentes, et
similiter quod tres personae.- Sed contra, ea quae significant essentiam in
divinis, non possunt praedicari pluraliter, nisi sint adiectiva, quae non
trahunt numerum a forma significata, sed a suppositis, cum e converso sit in
substantivis. Unde dicimus, quod in Deo sunt tres aeterni, si ly aeterni
adiective sumatur; si vero substantive, tunc verum est quod Athanasius dicit in
Symb. quod non sunt tres aeterni, sed unus aeternus. Hoc autem nomen persona
est substantivum, non adiectivum. Ergo non debet praedicari in plurali. 4. Mais il faut dire, que
bien que subsister soit pris de
l’essence, nous pouvons cependant dire qu’en Dieu il y a trois (кtres)
subsistants et de mкme qu’il y a trois personnes — Mais en sens contraire, ce qui signifie l’essence en Dieu ne peut
кtre attribuй au pluriel а moins que ce soient des adjectifs qui n’entraоnent
pas un nombre par la forme qu’ils signifient mais par les suppфts2, alors que c’est l’inverse dans les
substantifs. C’est pourquoi nous disons qu’en Dieu il y a trois йternels, si "йternel"
est pris comme adjectif; mais s’il est pris substantivement, alors est vrai ce
qu’Athanase dit dans le symbole qu’il n’y
a pas trois йternels, mais un seul. Mais ce nom de personne est un substantif, non un adjectif. Donc il ne doit pas
кtre attribuй au pluriel. q. 9 a. 6 arg. 5 Praeterea, licet adiectiva essentialia
praedicentur pluraliter in divinis, tamen formae significatae non praedicantur
pluraliter, sed singulariter tantum. Etsi enim aliquo
modo dicamus pluraliter tres aeternos in divinis, nullo tamen modo dicimus tres
aeternitates. Etsi ergo aliquo modo possit dici quod sint tres personae in
divinis, nullo tamen modo poterit dici quod sint tres personalitates. 5. Bien que les adjectifs essentiels soient attribuйs а Dieu au
pluriel, cependant les formes signifiйes ne le sont pas au pluriel, mais au
singulier seulement. Car mкme si, de quelque maniиre, nous parlons au pluriel
de trois йternels en Dieu, cependant nous ne disons en aucune maniиre trois
йternitйs. Donc, mкme si d’une certaine maniиre, on pourrait dire qu’il y a
trois personnes en Dieu, en aucune maniиre, on ne pourrait dire qu’il y a trois
personnalitйs. q. 9 a. 6 arg. 6 Praeterea, sicut Deus significat divinitatem
habentem, ita persona divina significat subsistentem in divinitate. Sed sicut
dicimus in divinis tres subsistentes in divinitate, ita tres habentes
divinitatem. Si ergo hac ratione potest dici quod in divinis sint tres
personae, similiter poterit dici quod sint ibi tres dii, quod est haereticum. 6. De mкme que Dieu signifie celui qui a la divinitй, la personne divine
signifie ce qui subsiste dans la divinitй. Mais de mкme que nous disons qu’il y
en a trois qui subsistent, de mкme nous disons qu’il y en a trois qui ont la
divinitй. Donc si pour cette raison, on peut dire qu’il y a trois personnes, de
la mкme maniиre, on pourra dire qu’il y a trois dieux, ce qui est hйrйtique. q. 9 a. 6 arg. 7 Praeterea, Boetius dicit, quod ideo non sunt
tres dii, quia Deus non differt a Deo in divinitate. Sed similiter persona
divina non differt a persona divina aliqua personalitatis differentia, ut
videtur, cum commune sit eis hoc quod est esse personam. Ergo persona non
potest pluraliter praedicari in divinis. 7. Boиce dit (La Trinitй, III)
qu’il n’y a pas trois dieux, parce que Dieu n’est pas diffиrent de Dieu dans la
divinitй. Mais de la mкme maniиre la personne divine ne diffиre pas de la
personne divine par une diffйrence de personnalitй, а ce qu’il semble puisque
le fait d’кtre une personne leur est commun. Donc la personne ne peut pas кtre
attribuйe а Dieu au pluriel. En sens contraire: q. 9 a. 6 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit, quod
quaerentibus quid tres essent pater et filius et spiritus sanctus, responsum
est, quod sunt tres personae. Ergo persona pluraliter in divinis praedicatur. 1. Augustin dit (La Trinitй, VIII, 4) que а ceux qui
cherchent qui sont les trois, le Pиre, le Fils et l’Esprit saint, il faut
rйpondre que ce sont trois personnes. Donc on attribue le nom de personne au
pluriel en Dieu. q. 9 a. 6 s. c. 2
Praeterea, Athanasius dicit, ubi Sup., quod alia est persona patris, alia
filii, alia spiritus sancti. Distinctio autem est causa numeri. Ergo
persona pluraliter debet praedicari in divinis. 2. Athanase, а la suite de ce qui est йcrit ci-dessus (obj. 4) dit qu’"Autre est la personne du Pиre, celle du Fil,s
celle de l’Esprit saint". Mais
la distinction est cause du nombre. Donc le nom de personne doit кtre attribuй
au pluriel en Dieu.
Rйponse: q. 9 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum quod nomina substantiva, sicut iam supra dictum est,
trahunt numerum a forma significata, adiectiva vero a suppositis. Cuius ratio
est, quia nomina substantiva significant per modum substantiae, adiectiva vero
per modum accidentis quod individuatur et multiplicatur per subiectum,
substantia vero per seipsam. Il faut dire que les substantifs, comme on l’a dit ci-dessus,
entraоnent un nombre par la forme qu’ils signifient, et les adjectifs par les
suppфts. La raison en est que les substantifs signifient en tant que substance,
et les adjectifs en tant qu’accident; celui-ci est individualisй et multipliй
par le sujet, mais la substance l’est par elle-mкme. Cum ergo hoc nomen persona sit substantivum, oportet ex
forma significata ipsius considerare, utrum possit pluraliter praedicari. Forma
autem significata nomine personae non est natura absolute: quia sic idem
significaretur nomine hominis et nomine personae humanae, quod patet esse
falsum; sed nomine personae significatur formaliter incommunicabilitas, sive
individualitas subsistentis in natura, sicut ex praemissis patet. Donc, comme ce nom personne
est un substantif, il faut considйrer par la forme qu’il signifie s’il est
possible de l’attribuer au pluriel. Mais la forme signifiйe par le nom de
personne n'est pas absolument la nature, parce qu’ainsi ce qui serait signifiй
par le nom d’homme et celui de personne humaine serait identique; ce qui paraоt
faux. Mais par le nom de personne est
signifiй formellement l’incommunicabilitй ou l’individualitй de ce qui subsiste
dans la nature, comme on le voit par ce qui a йtй dit plus haut. Cum ergo proprietates facientes esse distinctum et
incommunicabile in divinis sint plures, oportet quod nomen personae pluraliter
praedicetur in divinis; sicut etiam in humanis pluraliter praedicatur nomen
personae propter pluralitatem principiorum individuantium. Donc comme les propriйtйs qui rendent l’кtre distinct et
incommunicable en Dieu sont plusieurs, il faut que le nom de personne soit
attribuй au pluriel; comme aussi pour les homme le nom de personne est attribuй
au pluriel а cause de la pluralitй des principes qui les individualisent.
Solutions: q. 9 a. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod persona est
substantia individua, quae est hypostasis; et hoc pluraliter praedicatur, sicut
patet ex usu Graecorum. # 1. La personne est la substance individuelle, qui est une hypostase;
et cela est attribuй au pluriel, comme on le voit par l’usage des Grecs. q. 9 a. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod nomen personae est
absolutum ex modo significandi; significat tamen relationem, sicut ex
praemissis patet. # 2. Le nom de personne est
absolu par la maniиre de signifier; cependant il signifie la relation comme on
le voit de ce qui a йtй dit. q. 9 a. 6 ad 3 Ad tertium dicendum, quod nomen personae non
designat hoc solum quod est subsistere, quod videtur ad essentiam pertinere,
sed etiam hoc quod est distinctum esse et incommunicabile, quod est propter
proprietates relativas in divinis. # 3. Le nom de personne ne
dйsigne pas seulement ce qui subsiste, qui semble convenir а l’essence, mais
aussi le fait d’кtre diffйrent et incommunicable, qui est а cause des
propriйtйs relatives en Dieu. q. 9 a. 6 ad 4 Ad quartum dicendum, quod forma significata per
nomen personae non est essentia absolute, sed illud quod est principium
incommunicabilitatis sive individuationis; et ideo pluraliter praedicatur,
licet sit nomen substantivum: et propter hoc etiam, quia sunt plures
proprietates distinguentes in divinis, dicuntur esse plures personalitates. # 4. La forme signifiйe par le nom de personne n’est pas l’essence dans l’absolu, mais ce qui est le
principe d’incommunicabilitй ou d’individuation; et c’est pourquoi il est
attribuй au pluriel, bien qu’il soit un substantif; et aussi, parce qu’il y a
plusieurs propriйtйs, qui apportent la distinction en Dieu, on dit qu’il y a
plusieurs personnalitйs. q. 9 a. 6 ad 5 Unde patet solutio ad quintum. # 5. Et ainsi la solution 5 est claire. q. 9 a. 6 ad 6 Ad sextum dicendum, quod hoc nomen persona
significat subsistentem in natura divina, cum distinctione et
incommunicabilitate; hoc autem nomen Deus significat habentem divinam naturam
nihil importans de distinctione vel incommunicabilitate; ideo non est simile. # 6. Ce nom de personne
signifie ce qui subsiste dans la nature divine, avec distinction et
incommunicabilitй; mais ce nom de Dieu signifie
celui qui a la nature divine sans rien apporter dans la distinction et
l’incommunicabilitй; et c’est pourquoi ce n’est pas pareil. q. 9 a. 6 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet Deus a Deo non
differat aliqua differentia divinitatis,- quia non est nisi una divinitas
numero,- persona tamen divina differt a persona divina differentia
personalitatis, quia ad personalitatem pertinet in divinis etiam proprietas
distinguens personas. # 7. Bien que Dieu ne diffиre pas de Dieu par une diffйrence de
divinitй, — parce qu’il n’y a qu’une seule divinitй en nombre — cependant la
personne divine diffиre de la personne divine par une diffйrence de
personnalitй, parce qu’en Dieu aussi la propriйtй qui distingue les personnes
convient а cette personnalitй.
1. Parall.: Ia, qu. 30, a. 4 — I Sent. d25a3. 2
L’adjectif reprйsente un accident dans un suppфt. Ce sont les suppфts eux-mкmes
et non les accidents qui apportent le nombre. Pour plus d’explication, voir Ia, 39, 5, ad 5m
Article 7: Comment les termes numйriques sont-ils attribuйs aux
personne divines, est-ce positivement ou nйgativement seulement?
q. 9 a. 7 tit. 1 Septimo quaeritur quomodo
termini numerales praedicentur de divinis personis, utrum scilicet positive vel
remotive tantum. Et videtur quod positive. Et il semble que c’est positivement1. Objections: q. 9 a. 7 arg. 1 Si enim nihil ponunt in divinis, tunc qui
dicit tres personas, nihil dicit quod sit in Deo. Ergo et qui negat tres
personas, nihil negat de Deo quod sit in ipso. Non ergo contra veritatem
loquitur, et ita non est haereticus. 1. Car si on ne place rien en Dieu, alors celui qui parle de trois
personnes, ne dit rien de ce qui est en lui. Donc celui qui nie les trois
personnes, ne nie rien de ce qui est en lui. Donc il ne parle pas contre la
vйritй, et ainsi il n’est pas hйrйtique. q. 9 a. 7 arg. 2 Praeterea, secundum Dionysium in Lib. de
Divin. Nom., tribus modis dicitur aliquid de Deo: scilicet per negationem, per
eminentiam et per causam. Quocumque autem istorum modorum termini numerales
praedicentur in divinis, oportet quod aliquid ponant. Quod quidem manifestum
est, si quidem praedicentur per eminentiam vel per causam similiter autem et si
praedicentur negative. Non enim sic aliqua negantur de Deo, ut idem Dionysius
dicit, quasi omnino ei desint, sed quia non eodem modo ei conveniunt sicut et
nobis. Oportet ergo omnibus modis quod termini numerales aliquid ponant. 2. Selon Denys (les Noms divins,
Thйologie mystique, I), on parle de
quelque chose en Dieu de trois maniиres; а savoir par nйgation, par йminence,
et par la cause. De n’importe quelle de ces maniиres que les termes numйriques
sont attribuйs а Dieu, il faut qu’ils y йtablissent quelque chose. Ce qui est
clair, s’ils sont attribuйs par йminence ou par cause, de la mкme maniиre aussi
s’ils sont attribuйs nйgativement. Car ce n’est pas ainsi que certaines choses
sont niйes de Dieu, comme le mкme Denys le dit (La Hiйrarchie cйleste, II, Les
Noms divin, IV et XI), comme si elles lui manquaient tout а fait, mais
parce qu’elles ne se rencontrent pas en lui de la mкme maniиre qu’en nous. Il
faut donc que de toutes les maniиres, les termes numйriques placent quelque
chose. q. 9 a. 7 arg. 3 Praeterea, quidquid praedicatur de Deo et
creaturis, nobiliori modo de Deo quam de creaturis praedicatur. Termini autem
numerales de creaturis praedicantur positive. Ergo multo magis de Deo. 3. Tout ce qui est attribuй а Dieu et aux crйatures, est attribuй d’une
maniиre plus noble а Dieu qu’aux crйatures. Mais les termes numйriques sont
attribuйs positivement aux crйatures. Donc beaucoup plus а Dieu. q. 9 a. 7 arg. 4 Praeterea, multitudo et unitas importata per
terminos numerales, secundum quod praedicatur de Deo, non sunt in intellectu
tantum: quia sic non essent tres personae in Deo nisi secundum intellectum;
quod pertinet ad haeresim Sabellianam. Ergo oportet quod
sint aliquid in ipso Deo secundum rem; et ita positive de Deo dicuntur. 4. La pluralitй et l’unitй apportйes par les termes numйriques, selon
ce qui est attribuй а Dieu, ne sont pas dans l’esprit seulement: parce qu’ainsi
il n’y aurait trois personnes en Dieu que selon l’esprit; ce qui appartient а
l’hйrйsie sabellienne2. Donc il faut
qu’elles soient quelque chose en Dieu mкme, en rйalitй, et ainsi on en parle
positivement en Dieu. q. 9 a. 7 arg. 5 Praeterea, sicut unum est in genere
quantitatis, ita bonum est in genere qualitatis; in Deo autem nec est quantitas
nec qualitas nec aliquod accidens; et tamen bonum non praedicatur de Deo
remotive sed positive. Ergo similiter unum, et per consequens multitudo, quam
constituit unum. 5. Le ‘un’ est dans le genre de la quantitй, de mкme le bien est dans
le genre de la qualitй; mais en Dieu, il n’y a ni quantitй, ni qualitй, ni
accident; et cependant le bien n’est pas attribuй а Dieu nйgativement, mais
positivement. Donc de la mкme maniиre le ‘un’ et par consйquent la pluralitй
que constitue l’unitй. q. 9 a. 7 arg. 6 Praeterea, quatuor prima entia dicuntur,
scilicet ens, unum, verum et bonum. Sed tria eorum, scilicet ens, verum et
bonum, dicuntur de Deo positive. Ergo et unum, et per consequens multitudo. 6. On dit qu’il y a quatre кtres premiers3
а savoir l’йtant, l’un, le vrai et le bien. Mais on parle positivement pour
Dieu de trois d’entre eux, а savoir l’йtant, le vrai et le bien. Donc l’un
aussi et par consйquent la pluralitй. q. 9 a. 7 arg. 7 Praeterea, multitudo et magnitudo pertinent ad
duas species quantitatis, quae sunt discreta quantitas et continua. Sed
magnitudo praedicatur de Deo positive, cum dicitur Ps. CXLVI, 5: magnus dominus
et magna virtus eius. Ergo et multitudo et unum. 7. La pluralitй et la grandeur appartiennent а deux espиces de
quantitй, la quantitй discrиte et la quantitй continue. Mais la grandeur est
attribuйe positivement а Dieu quand il est dit (Ps. 146, 5): "Le
Seigneur est grand et grande est sa puissance". Donc la pluralitй et
l’unitй aussi. q. 9 a. 7 arg. 8 Praeterea, creaturae Dei similitudinem
praeferunt, secundum quod in eis vestigium divinitatis apparet. Sed secundum
Augustinum, quaelibet creatura vestigium quoddam divinae Trinitatis in se
habet, in quantum est aliquid unum et specie formatur et ordinem aliquem habet.
Ergo creatura est una ad similitudinem Dei. Sed unum
praedicatur de creatura positive: ergo et de Deo. 8. Les crйatures de Dieu manifestent la ressemblance selon qu’apparaоt
en elles un vestige de la divinitй.
Mais selon Augustin (La Trinitй, X,
11), n’importe quelle crйature porte en elle un vestige de la divine Trinitй,
en tant qu’elle est une et est mise en forme en l’espиce et a un ordre. Donc la
crйature est une а la ressemblance а Dieu. Mais l’unitй est attribuйe positivement а la crйature. Donc а Dieu
aussi. q. 9 a. 7 arg. 9 Praeterea, si unum praedicatur de Deo
privative, oportet quod aliquid removeat, et non nisi multitudinem.
Multitudinem autem non removet; non enim sequitur, si est una persona, quod non
sint plures. Unum ergo non dicitur remotive de Deo, et per consequens nec
multitudo. 9. Si on attribue nйgativement l’unitй
а Dieu, il faut qu’elle exclut quelque chose et pas seulement la pluralitй.
Mais elle ne l’exclut pas; car il n’en dйcoule pas, s’il y a une personne qu’il
y en ait pas plusieurs. Donc on ne parle pas de l’unitй nйgativement en Dieu et
par consйquent de la pluralitй non plus. q. 9 a. 7 arg. 10
Praeterea, privatio nihil constituit. Unum autem constituit
multitudinem. Non ergo dicitur privative. 10. La privation n’a rien constituй. Mais l’unitй a constituй la
pluralitй. Donc on n’en parle pas nйgativement. q. 9 a. 7 arg. 11 Praeterea, nulla privatio est in Deo, quia
privatio omnis pertinet ad defectum. Unum autem praedicatur de Deo. Ergo non
significat privationem. 11. Il n’y aucune privation en Dieu, parce que toute privation concerne
une dйfaillance. Mais l’unitй est
attribuйe а Dieu. Donc elle ne signifie pas une privation. q. 9 a. 7 arg. 12 Praeterea, Augustinus dicit, quod quidquid
praedicatur de Deo, praedicatur secundum substantiam, vel secundum relationem.
Et Boetius etiam dicit, quod omnia quae veniunt in divinam praedicationem,
mutantur in substantiam praeter ad aliquid. Si ergo termini numerales
praedicantur de Deo, oportet quod significent substantiam vel relationem; et
ita oportet quod positive de Deo praedicentur. 12. Augustin dit (la Trinitй,
V, 5) que tout ce qui est attribuй а Dieu l’est selon la substance ou selon la
relation. Et Boиce dit aussi (dans son livre sur La Trinitй) que tout ce qui vient dans l’attribution divine est
changй en substance hormis la relation. Donc si les termes numйriques sont
attribuйs а Dieu, il faut qu’ils signifient la substance ou la relation; et
ainsi il faut qu’ils soient attribuйs positivement а Dieu. q. 9 a. 7 arg. 13 Praeterea, unum et ens convertuntur et
videntur esse synonyma. Sed ens praedicatur de Deo positive. Ergo et unum, et
per consequens multitudo. 13. L’unitй et l’йtant sont convertibles et semblent synonymes. Mais
l’йtant est attribuй positivement а Dieu. Donc l’unitй aussi et par consйquent
la pluralitй. q. 9 a. 7 arg. 14 Praeterea, si unum praedicatur de Deo
remotive, oportet quod removeat multitudinem tamquam sibi oppositam. Hoc autem
non potest esse, cum multitudo constituatur ex unitatibus; unum autem
oppositorum non constituitur ex alio. Ergo unum non praedicatur de Deo
remotive. 14. Si l’unitй est attribuйe
а Dieu nйgativement, il faut exclure la pluralitй, comme s’opposant а elle.
Mais cela n’est pas possible, puisque la pluralitй est constituйe d’unitйs;
mais l’un des opposйs n’est pas constituй par un autre. Donc l’unitй n’est pas attribuйe а Dieu
nйgativement. q. 9 a. 7 arg. 15 Praeterea, si unum dicitur per remotionem
multitudinis, oportet quod unum opponatur multitudini, sicut privatio habitui.
Habitus autem est naturaliter prior privatione, et etiam secundum rationem,
quia privatio non potest definiri nisi per habitum. Ergo multitudo erit prior uno secundum naturam et secundum rationem; quod
videtur inconveniens. 15. Si l’unitй est dйfinie
par l’exclusion de la pluralitй, il faut que l’unitй soit opposйe а la
pluralitй, comme la privation а la possession. Mais la possession est
naturellement avant la privation et aussi en raison, parce qu’elle ne peut кtre
dйfinie que par une possession. Donc la pluralitй sera avant l’unitй en nature
et en raison, ce qui ne paraоt pas convenir. q. 9 a. 7 arg. 16 Praeterea, si unum et multa in divinis
praedicantur remotive, oportet quod unum removeat multitudinem et multitudo
removeat unitatem. Hoc autem est inconveniens, quia sequeretur circulus unius
et multi, ut dicatur, quod unum est quod non est multa, et multa sunt quae non
sunt unum; et sic per ista nihil fieret notum. Non est ergo dicendum, quod unum
et multa in Deo dicantur privative. 16. Si l’un et le multiple sont attribuйs nйgativement а Dieu, il faut
que l’unitй exclut la pluralitй et que celle-ci exclut l’unitй. Mais cela ne
convient pas, parce qu’il en dйcoulerait un cercle entre l’unitй et le
multiple, de sorte qu’on dirait que l’un est ce qui n’est pas multiple et le
multiple est ce qui n’est pas un; et ainsi on ne connaоtrait rien. Donc il ne
faut pas dire qu’on parle nйgativement de l’un et du multiple en Dieu. q. 9 a. 7 arg. 17 Praeterea, unum et multa cum se habeant ut
mensura et mensuratum, videntur opponi ad invicem relative. In relative autem
oppositis utrumque dicitur positive. Ergo tam unum quam multa positive
praedicantur de Deo. 17. Comme l’un et le multiple ne se comportent pas comme la mesure et
le mesurй, ils semblent opposйs relativement entre eux. Mais dans ce qui est
opposй relativement, on parle de l’un et de l’autre positivement. Donc on
attribue positivement а Dieu autant l’un que le multiple. En sens contraire: q. 9 a. 7 s. c. 1 Sed contra. Dionysius dicit, IV de Divin.
nominibus: unitas laudata et Trinitas, quae est super omnia divinitas, non est
neque unitas neque Trinitas quae a nobis aut alio quodam existentium sit
cognita. Videtur ergo quod termini numerales per
remotionem dicantur de Deo. 1. Denys dit (les Noms divins, IV, 13): "L’unitй est louйe et la Trinitй qui est la
divinitй au-dessus de tout, n’est ni unitй, ni Trinitй, pour qu’elle soit
connue par nous ou par quelqu’un d’autre parmi ceux qui existent". Il
semble donc qu’on parle par йloignement des termes numйraux en Dieu. q. 9 a. 7 s. c. 2 Praeterea, Augustinus dicit: quaesivit humana
inopia quid tria diceret, et dixit substantias sive personas. Quibus nominibus
non diversitatem intelligi voluit sed singularitatem noluit. Sunt ergo
huiusmodi termini numerales introducti in divinis magis ad removendum quam ad
ponendum. 2. Augustin dit (La Trinitй, VII,
4, 9): "La pauvretй humaine a
cherchй ce que trois voulait dire et elle a dit: les substances ou les
personnes. Par ces noms elle a voulu ne pas comprendre la diversitй, mais elle
n'a pas voulu comprendre la singularitй." Donc il y a des termes
numйraux de ce genre qui sont introduits en Dieu, plus pour exclure que pour
poser. q. 9 a. 7 s. c. 3 Praeterea, unum et multitudo, sive numerus,
sunt in genere quantitatis. In Deo autem non potest esse aliqua quantitas, cum
quantitas sit accidens et dispositio materiae. Termini ergo numerales in Deo
nihil ponunt. 3. L’un et la pluralitй ou le nombre sont dans le genre de la quantitй.
Mais en Dieu il ne peut pas y avoir de quantitй, puisqu’elle est un accident et
une disposition de la matiиre. Donc les termes numйraux ne placent rien en
Dieu. q. 9 a. 7 s. c. 4 Sed dicendum, quod licet quantitas secundum
rationem sui generis, vel secundum rationem accidentis, non possit esse in Deo,
tamen secundum rationem speciei aliqua quantitas potest praedicari de Deo,
sicut aliqua qualitas, ut scientia vel iustitia.- Sed contra, illae solae
species qualitatis in divinam praedicationem assumuntur quae secundum rationem
suae speciei nullam imperfectionem important, sicut scientia, iustitia et
aequitas; non autem ignorantia nec albedo. Omnis autem quantitas secundum
rationem suae speciei imperfectionem importat: cum enim quantum sit quod est
indivisibile, species quantitatis distinguuntur secundum diversos modos
divisionis; sicut pluralitas est quae divisibilis est in non continua, linea
autem quae est divisibilis secundum unam dimensionem, superficies autem
secundum duas, corpus vero secundum tres. Divisio autem perfectioni divinae
simplicitatis repugnat. Nulla ergo quantitas secundum rationem suae speciei
potest praedicari de Deo. 4. Mais il faut dire que,
bien que la quantitй en raison de son genre, ou en raison de l’accident, ne
puisse pas exister en Dieu, cependant en raison de l’espиce, on peut attribuer
certaine quantitй а Dieu, de mкme que certaine qualitй, comme la science et la
justice.— En sens contraire, on admet
dans l’attribution divine ces seules espиces de qualitй qui n’apportent aucune
imperfection en raison de leur espиce, comme la science, la justice et l’йquitй;
mais pas l’ignorance ni la blancheur. Mais toute quantitй en raison de son
espиce apporte une imperfection; comme, en effet, quant а ce qui est
indivisible, les espиces de quantitй sont distinguйes selon divers modes de
division, ainsi la pluralitй est ce qui est divisible dans ce qui n’est pas
continu, la ligne ce qui est divisible selon une dimension, la superficie selon
deux, le corps selon trois4, mais la
division s’oppose а la perfection de la simplicitй divine. Donc aucune quantitй
en raison de son espиce ne peut кtre attribuйe а Dieu. q. 9 a. 7 s. c. 5 Sed dicendum, quod distinctio per
relationes quae facit numerum personarum in divinis, non importat
imperfectionem in Deo.- Sed contra, omnis divisio vel distinctio aliquam
multitudinem causat. Non autem omnis multitudo est numerus qui est species
quantitatis: cum multitudo et unum circumeant omnia genera. Non ergo
omnis divisio vel distinctio sufficit ad constituendum numerum qui est species
quantitatis, sed sola illa divisio quae est secundum quantitatem, qualis non
est distinctio relationum. 5. Mais il faut dire que la
distinction par les relations qui apportent le nombre des personnes en Dieu, ne
lui apporte pas d’imperfection.— En sens
contraire, toute division ou distinction cause une pluralitй, mais toute
pluralitй n’est pas un nombre qui est une espиce de quantitй, puisque la
pluralitй et l’unitй enferment tous les genres. Donc toute division ou
distinction ne suffit pas а constituer un nombre, qui est une espиce de
quantitй, mais cette seule division qui est selon la quantitй; telle n’est pas
la distinction des relations. q. 9 a. 7 s. c. 6 Sed dicendum, quod omnis multitudo est
species quantitatis, et omnis divisio sufficit ad constituendam speciem
quantitatis.- Sed contra, ad positionem substantiae non sequitur positio
quantitatis, cum substantia possit esse sine accidente. Sed positis solis
formis substantialibus, sequitur distinctio in substantiis. Ergo non quaelibet
distinctio constituit multitudinem quae est accidens et species quantitatis. 6. Mais il faut dire que
toute pluralitй est une espиce de quantitй, et toute division suffit а
constituer une espиce de quantitй. — En
sens contraire, placer la quantitй ne revient pas а placer la substance,
puisque celle-ci peut exister sans accident. Mais si on place les seules formes
substantielles, il en dйcoule une distinction dans les substances. Donc ce
n’est pas n’importe quelle distinction qui constitue la pluralitй qui est
accident et espиce de quantitй. q. 9 a. 7 s. c. 7 Praeterea, discretio quae constituit numerum,
quae est species quantitatis, opponitur continuo. Discretio autem continuo
opposita est, quae consistit in divisione continui. Ergo sola divisio continui,
quae non competit Deo, causat numerum qui est species quantitatis; et ita non
potest praedicari de Deo numerus qui est species quantitatis. 7. Ce qui constitue le nombre discret qui est espиce de quantitй,
s’oppose а ce qui constitue le nombre continu. Mais "cette discrйtion"
est opposйe au continu qui consiste dans la division du contenu. Donc la seule
division du contenu, qui ne convient pas а Dieu, cause le nombre qui est
l’espиce de quantitй, et ainsi on ne peut pas attribuer а Dieu un nombre qui
est une espиce de quantitй. q. 9 a. 7 s. c. 8 Praeterea, quaelibet substantia dicitur una.
Aut ergo est una per essentiam suam, aut per aliquid aliud. Si per aliquid
aliud, cum et illud oporteat esse unum, necesse est quod et illud per se sit
unum, vel per aliquid aliud, et illud iterum per aliud. Impossibile est autem
quod hoc procedat in infinitum. Ergo statur alicubi. Melius est ergo quod
stetur in primo, ut scilicet substantia per seipsam sit una. Non ergo unum est
aliquid additum substantiae; et ita non videtur significare aliquid positive. 8. On dit que n’importe quelle substance est une. Ou bien donc elle est
une par son essence, ou bien par quelque chose d’autre. Si c’est par quelque
chose d’autre, puisque aussi cela doit кtre un, il est nйcessaire que cela soit
un par soi, ou par quelque chose d’autre et celui-ci а nouveau par quelque
chose d’autre. Mais il est impossible que cela procиde а l’infini. Donc on
s’arrкte quelque part. Donc il est meilleur de s’arrкter au premier stade, pour
que la substance soit une par elle-mкme5.
Donc l’un n’est pas quelque chose d’ajoutй а la substance, et ainsi il ne
semble pas avoir une signification positive. q. 9 a. 7 s. c. 9 Sed dicendum, quod substantia non est una per
seipsam, sed per unitatem ei accidentem; unitas autem est per se una; prima
enim denominant seipsa, sicut bonitas est bona, veritas est vera, et similiter
unitas est una.- Sed contra, huiusmodi seipsa denominant propter hoc quod sunt
primae formae, nam secundae formae non denominant seipsas, sicut albedo non est
alba. Quae autem se habent ex additione ad aliud, non sunt prima. Ergo unitas et
bonitas non se habent ex additione ad substantiam. 9. Mais il faut dire que la
substance n’est pas une par elle-mкme, mais par une unitй qui lui est
accidentelle; mais l’unitй est une par soi; car les transcendantaux se nomment
eux-mкmes, ainsi la bontй est bonne, la vйritй vraie et de la mкme maniиre
l’unitй une.— En sens contraire, ceux
de ce genre se nomment eux-mкmes parce qu’ils sont des formes premiиres; car
les formes secondes ne se nomment pas elles-mкmes, ainsi la blancheur n’est pas
blanche. Ce qui se comporte par addition а autre chose n’est pas premier
(transcendantal). Donc l’unitй et la bontй ne se comportent pas par addition а
la substance. q. 9 a. 7 s. c. 10 Praeterea, secundum philosophum, omnia
dicuntur unum in quantum non dividuntur. Hoc autem quod est non dividi, non
ponit aliquid, sed solum removet. Ergo unum non praedicatur positive sed
remotive in divinis; et per consequens multitudo, quae constituitur ex unis. 10. Selon le philosophe (Mйtaphysique
V, 6, 1018 a 18 passim), on
appelle un tout ce qui n’est pas divisй. Mais ce qui n’est pas divisй ne place
rien, mais exclut seulement. Donc l’un n’est pas attribuй positivement а Dieu,
mais nйgativement; et par consйquent la pluralitй qui est constituйe par des
unitйs aussi. Rйponse: q. 9 a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod de uno et multo diversa
inveniuntur, quae etiam apud philosophos fuerunt occasio diversa sentiendi.
Invenitur enim de uno, quod est principium numeri, et quod convertitur cum ente;
similiter invenitur de multo, quod pertinet ad quamdam speciem quantitatis,
quae dicitur numerus, et iterum quod circuit omne genus, sicut et unum, cui
videtur multitudo opponi. Pour l’un et le multiple, on trouve diffйrentes questions qui ont йtй
l’occasion pour les philosophes d’opinions diffйrentes. Car on trouve l'un, qui
est le principe du nombre, et qui est convertible avec l’йtant; de mкme on
trouve le multiple qui se rapporte а une certaine espиce de quantitй qui est
appelйe le nombre, et а nouveau ce qui comprend tout genre, comme l’un а qui
semble opposйe la pluralitй. Fuerunt ergo aliqui inter philosophos qui non distinxerunt
inter unum quod convertitur cum ente, et unum quod est principium numeri,
aestimantes quod neutro modo dictum unum aliquid super substantiam adderet; sed
unum quolibet modo dictum significaret substantiam rei. Ex quo sequebatur quod
numerus, qui ex unis componitur, sit substantia omnium rerum secundum opinionem
Pythagorae et Platonis. A. Donc il y en eut certains
parmi les philosophes qui n’ont pas distinguй entre l’un qui est convertible
avec l’йtant, et l’un qui est le principe du nombre, pensant que d’aucune des
deux maniиres ce qui est appelй un ajouterait quelque chose а la substance,
mais l’un qui est employй de n’importe quelle maniиre signifierait la substance.
Et il en dйcoulait que le nombre qui serait composй d’unitйs, serait la
substance de toutes les choses selon
l’opinion de Pythagore et de Platon6. Quidam vero non distinguentes inter unum quod convertitur
cum ente, et unum quod est principium numeri, crediderunt e contrario, quod
utrolibet modo dictum unum, adderet aliquod esse accidentale supra substantiam;
et per consequens omnis multitudo oportet quod sit aliquod accidens pertinens
ad genus quantitatis. Et haec fuit positio Avicennae, quam quidem videntur
secuti fuisse omnes antiqui doctores. Non enim intellexerunt per unum et multa
nisi aliquod pertinens ad genus quantitatis discretae. B. Mais certains qui ne
distinguent pas entre l’un qui est convertible avec l’йtant, et l’un principe
du nombre, ont cru au contraire que de l’une et l’autre maniиre, ce qui est
appelй un ajouterait un кtre accidentel а la substance et par consйquence il
faut que toute pluralitй soit un accident qui concerne le genre de la quantitй.
Et ce fut la position d’Avicenne7 qu’assurйment toutes les docteurs anciens
semblent avoir suivi. Car ils n’ont compris par un et beaucoup que quelque
chose qui appartenait au genre de la quantitй discrиte. Quidam vero fuerunt qui attendentes quod in Deo nulla
quantitas esse potest, posuerunt quod termini significantes unum vel multa de
Deo non ponunt aliquid, sed removeant tantum. Non enim possunt ponere nisi quod
significant, scilicet quantitatem discretam, quae nullo modo potest esse in
Deo. Sic ergo secundum eos unum dicitur de Deo ad removendum multitudinem
quantitatis discretae; termini vero significantes pluralitatem, dicuntur de Deo
ad removendum unitatem, quae est principium quantitatis discretae. C. Mais certains, qui ont йtй
attentifs а ce qu’en Dieu il ne peut y avoir aucune quantitй, ont pensй que les
termes qui signifiaient l’un ou beaucoup ne placent rien en Dieu, mais excluent
seulement. Car ils ne peuvent placer que ce qu’ils signifient, а savoir la
quantitй discrиte, qui ne peut en aucune maniиre кtre en Dieu. Donc ainsi selon
eux, on parle de l’un en Dieu pour exclure la multiplicitй de la quantitй
discrиte; mais les termes que signifient la pluralitй en Dieu, pour exclure
l’unitй, qui est le principe de la quantitй discrиte. Et haec videtur fuisse opinio Magistri, quae ponitur in 24
dist. I sententiarum. Quae quidem, supposita suae opinionis radice, scilicet
quod omnis multitudo significaret quantitatem discretam, et omne unum esset
eiusdem quantitatis principium, inter omnes rationabilior invenitur. Nam et
Dionysius dicit, quod negationes sunt maxime verae in Deo; affirmationes vero
sunt incompactae. Non enim scimus de Deo quid est, sed magis quid non est, ut
Damascenus dicit. Et cela semble avoir йtй l’opinion
du Maоtre qu’on trouve exposй dans la I
Sent. d24. Si on suppose l’origine de son opinion, а savoir que toute
pluralitй signifierait une quantitй discrиte, et toute unitй serait le principe
d’une mкme quantitй, cette opinion est trouvйe plus rationnelle parmi toutes.
Car Denys aussi (La Hiйrarchie cйleste,
II) dit que les nйgations sont tout а fait vraies en Dieu, mais les
affirmations sont inadйquates. Car nous ne savons pas de Dieu ce qu’il est,
mais plutфt ce qu’il n’est pas, comme Jean Damascиne le dit (I, 4). Unde et Rabbi Moyses omnia quae affirmative videntur dici de
Deo, dicit magis esse introducta ad removendum quam ad aliquid ponendum.
Dicimus enim Deum esse vivum ad removendum ab eo illum modum essendi quem
habent res quae apud nos non vivunt, non ad ponendum vitam in ipso, cum vita et
omnia huiusmodi nomina sint imposita ad significandum quasdam formas et
perfectiones creaturarum quae longe absunt a Deo; quamvis hoc non sit
usquequaque verum, nam, sicut dicit Dionysius, sapientia et vita et alia
huiusmodi non removentur a Deo quasi ei desint, sed quia excellentius habet ea
quam intellectus humanus capere, vel sermo significare possit; et ex illa
perfectione divina descendunt perfectiones creatae, secundum quamdam
similitudinem imperfectam. Et ideo de Deo, secundum Dionysium, non solum
dicitur aliquid per modum negationis et per modum causae, sed etiam per modum
eminentiae. C’est pourquoi Rabbi Moyses
dit que tout ce qui paraоt кtre dit affirmativement de Dieu est plus introduit
plus pour exclure que pour poser quelque chose. Car nous disons que Dieu est
vivant pour йloigner de lui ce mode d’кtre qu’ont les choses qui chez nous ne
vivent pas, mais pas pour placer la vie en eux, puisque la vie et tous les noms
de ce genre sont imposйs pour signifier des formes et les perfections des
crйatures, qui sont trиs loin de Dieu; quoique cela ne soit pas toujours vrai,
car, comme le dit Denys (Les Noms divins,
12), la sagesse et la vie, etc., ne sont pas exclues de Dieu, comme si elles
lui manquaient, mais parce qu’il les possиde plus excellemment que ce que
l’esprit humain peut en saisir ou la parole signifier; et de cette perfection
divine descendent les perfections crйes selon une ressemblance imparfaite. Et
c’est pourquoi au sujet de Dieu, selon Denys (La Thйologie mystique I et La
Hiйrarchie cйleste, I, et Les Noms
divins, II) non seulement on parle par mode de nйgation et de cause , mais
aussi par mode d’йminence. Sed quidquid sit de spiritualibus perfectionibus, certum est
quod materiales dispositiones removentur omnino a Deo. Unde cum quantitas sit
dispositio materiae, si termini numerales non significant nisi quod est in
genere quantitatis, necesse est quod de Deo non dicatur nisi ad removendum quae
significant, sicut Magister posuit, loc. cit. Nec sequitur ex eius positione
circulus,- dum unitas removet multitudinem, multitudo unitatem,- quia
removentur a Deo unitas et multitudo, quae sunt in genere quantitatis, quorum
neutrum de Deo dicitur. Et sic unitas dicta de Deo, quae removet multitudinem,
non removetur, sed alia unitas, quae de Deo dici non potest. Mais quoi qu’il en soit des perfections spirituelles, il est certain
que les dispositions matйrielles sont tout а fait exclues de Dieu. C’est
pourquoi, puisque la quantitй est une disposition de la matiиre, si les termes
numйraux ne signifient que ce qui est dans le genre de la quantitй, il est
nйcessaire qu’on n’en parle au sujet de Dieu que pour exclure ce qu’ils
signifient, comme le Maоtre l’a pensй (loc.
cit.). Et il ne dйcoule pas que cette disposition est circulaire — en tant
que l’unitй exclut la pluralitй, et la pluralitй l’unitй — parce que l’unitй et
la pluralitй, qui sont dans le genre de la quantitй sont exclues de Dieu. On ne
parle d’aucun des deux а propos de lui. Et ainsi l’unitй dont on parle en lui,
qui exclut la pluralitй, n’est pas exclue, mais c’est l’autre unitй dont on ne
peut parler en Dieu. Quidam vero, non intelligentes quod nomina affirmativa ad
removendum possint in praedicationem divinam induci, nec iterum ponentes unum
et multa,- nisi quod est in genere quantitatis discretae, quam in Deo ponere
non audebant,- dixerunt quod termini numerales non praedicantur de Deo quasi
dictiones significantes aliquam rem conceptam sed quasi dictiones officiales,
exercentes aliquid in divinis, scilicet distinctionem ad modum
syncategorematicae distinctionis. Quod quidem fatuum apparet, cum nihil tale ex
horum terminorum significatione possit haberi. D. Certains, ne comprenant pas que des noms affirmatifs puissent кtre introduits dans l’attribution divine pour
exclure, et en plus n’y plaзant l’un et le multiple — qui est dans le genre de
la quantitй discrиte qu’ils n’osaient pas placer en Dieu — certains, donc, ont
dit que les termes numйraux ne sont pas attribuйs а Dieu comme des expressions
qui signifient une espиce de concept, mais comme des expressions officielles
qui ont quelque pouvoir en Dieu, а savoir une distinction pour un mode de
distinction catйgorique. Ce qui paraоt insensй, puisque rien de tel ne peut
кtre possйdй par la signification de ces termes. Et ideo alii dixerunt, quod praedicti termini aliquid
positive ponunt in Deo, licet supponant quod unum et multa sunt solum in genere
quantitatis; dicunt enim quod non est inconveniens aliquam speciem quantitatis
Deo attribui, licet genus removeatur a Deo; sicut et aliquae species
qualitatis, ut sapientia et iustitia, dicuntur de Deo positive, licet in Deo
qualitas esse non possit. E. Et c’est pourquoi, d’autres, ont
dit que les termes en question placent positivement quelque chose en Dieu, bien
qu’ils supposent que ni l’un et ni multiple sont seulement dans le genre de la
quantitй: car ils disent qu’il n’y a pas d’inconvйnient а attribuer une espиce
de quantitй а Dieu, bien que le genre soit exclu de lui; comme on parle
positivement de certaines espиces de qualitйs comme la sagesse, et la justice,
bien qu’il ne puisse y avoir en lui de qualitй. Sed illud non est simile, ut in obiiciendo est tactum, nam
omnes species quantitatis ex ratione suae speciei habent imperfectionem, non
autem omnes species qualitatis. Et praeterea quantitas proprie est dispositio
materiae; unde omnes species quantitatis sunt mathematica quaedam, quae
secundum esse non possunt a materia sensibili separari, nisi tempus et locus
quae sunt naturalia, et magis materiae sensibili annexa. Unde patet quod nulla
species quantitatis potest in rebus spiritualibus convenire, nisi secundum
metaphoram. Qualitas autem sequitur formam, unde quaedam qualitates sunt omnino
immateriales, quae attribui possunt rebus spiritualibus. Mais cela n’est pas pareil que ce qu’on en dit dans l’objection, car
toutes les espиces de quantitй ont une imperfection en raison de leur espиce,
mais pas toutes les espиces de qualitй. Et ensuite la quantitй est en propre
une disposition de la matiиre; c’est pourquoi toutes les espиces de quantitй
sont mathйmatiques qui, selon l’кtre, ne peuvent pas кtre sйparйs de la matiиre
sensible sauf le temps et le lieu, qui sont naturels, et plus attachйs а la
matiиre sensible. C’est pourquoi il est clair qu’aucune espиce de quantitй ne
peut convenir aux кtres spirituels, sinon par mйtaphore. Mais la qualitй suit
la forme, c’est pourquoi il y a certaines qualitйs tout а fait immatйrielles,
qui peuvent кtre attribuйes aux choses spirituelles. Hae igitur opiniones processerunt, supposito quod idem sit
unum quod convertitur cum ente et quod est principium numeri, et quod non sit
aliqua multitudo nisi numerus qui est species quantitatis. Quod quidem patet
esse falsum: nam cum divisio multitudinem causet, indivisio vero unitatem,
oportet secundum rationem divisionis de uno et multo iudicium sumi. F. Donc ces opinions ont
progressй, en supposant que soient identiques l’un qui est convertible avec
l’йtant et celui qui est le principe du nombre, et qu’il n’y ait pas d’autre
pluralitй que le nombre qui est une espиce de la quantitй. Ce qui paraоt faux.
Comme la division, en effet, cause la pluralitй, et l’indivision l’unitй, il
faut juger de l’un et du multiple en raison de la division. Est autem quaedam divisio quae omnino genus quantitatis
excedit, quae scilicet est per aliquam oppositionem formalem, quae nullam
quantitatem concernit. Unde oportet quod multitudo hanc divisionem consequens,
et unum quod hanc divisionem privat, sint maioris communitatis et ambitus quam
genus quantitatis. Il y a une division qui transcende tout а fait le genre de la quantitй,
celle qui vient par une opposition formelle qui ne concerne aucune quantitй.
C’est pourquoi il faut que la pluralitй qui dйcoule de cette division, et l’un
qui en prive, soient plus communs et d’une plus grande amplitude que le genre
de la quantitй. Est autem et alia divisio secundum quantitatem quae genus
quantitatis non transcendit. Unde et multitudo consequens hanc divisionem, et
unitas eam privans, sunt in genere quantitatis. Quod quidem unum, aliquid
accidentale addit supra id de quo dicitur, quod habet rationem mensurae; alias
numerus ex unitate constitutus, non esset aliquod accidens, nec alicuius
generis species. Unum vero quod convertitur cum ente, non addit supra ens nisi
negationem divisionis, non quod significet ipsam indivisionem tantum, sed
substantiam eius cum ipsa: est enim unum idem quod ens indivisum. Et similiter
multitudo correspondens uni nihil addit supra res multas nisi distinctionem,
quae in hoc attenditur quod una earum non est alia; quod quidem non habent ex
aliquo superaddito, sed ex propriis formis. Mais il y a aussi une autre division, relative а la quantitй, qui n’en
dйpasse pas le genre. C’est pourquoi la pluralitй qui suit cette division et
l’unitй qui en prive, sont dans le genre de la quantitй. L’un ajoute quelque
chose d’accidentel а ce dont on parle, ayant raison de mesure, autrement le
nombre constituй par l’unitй ne serait pas un accident, ni l’espиce d’un genre.
Mais l’un qui est convertible avec l’йtant, n’y ajoute que la nйgation de la
division, non qu’il signifie seulement l’indivision elle-mкme, mais il signifie
sa substance avec elle, car il y a une unitй
identique а l’йtant indivis. Et de la mкme maniиre la pluralitй qui
correspond а l’un n’ajoute rien а la multiplicitй des choses, sinon la
distinction qui consiste en ce que l’une d’elle n’est pas l’autre; ce qui ne
vient pas de quelque chose ajoutй, mais de leurs propres formes. Patet ergo quod unum quod convertitur cum ente, ponit quidem
ipsum ens, sed nihil superaddit nisi negationem divisionis. Multitudo autem ei
correspondens addit supra res, quae dicuntur multae, quod unaquaeque earum sit
una, et quod una earum non sit altera, in quo consistit ratio distinctionis. Et
sic, cum unum addat supra ens unam negationem,- secundum quod aliquid est
indivisum in se,- multitudo addit duas negationes, prout scilicet aliquid est
in se indivisum, et prout est ab alio divisum. Quod quidem dividi est unum
eorum non esse alterum. Il est йvident que l’un qui est convertible avec l’йtant pose l’йtant
lui-mкme, mais il n’ajoute que la nйgation de la division. Mais la pluralitй
qui lui correspond ajoute а ce qui est dit multiple, que chacune d’elles est
une et que l’une d’elle n’est pas l’autre, en quoi consiste la raison de la
distinction. Et ainsi, comme l’unitй ajoute une nйgation а l’йtant — selon que
quelque chose est indivis en soi, la pluralitй ajoute deux nйgations, dans la
mesure oщ une chose est indivise en soi, et dans la mesure oщ elle est divisйe
par un autre. Кtre divisй est l’unitй de ceux qui ne sont pas autres. Dico ergo, quod in divinis non praedicantur unum et multa
quae pertinent ad genus quantitatis, sed unum quod convertitur cum ente, et
multitudo ei correspondens. Unde unum et multa ponunt quidem in divinis ea de
quibus dicuntur; sed non superaddunt nisi distinctionem et indistinctionem,
quod est superaddere negationes, ut supra expositum est. Unde concedimus, quod
quantum ad id quod superaddunt eis de quibus praedicantur, remotive in Deo
accipiuntur; in quantum autem includunt in sua significatione ea de quibus
dicuntur, positive accipiuntur. Unde ad utrasque rationes respondendum est. G. Je dis donc qu’en Dieu ne
sont attribuйs ni l’un et ni le multiple qui se rapportent au genre de la
quantitй, mais l’un qui est convertible avec l’йtant et la pluralitй qui lui
correspond. C’est pourquoi l’un et le multiple placent en Dieu ce dont on parle;
mais ils ne surajoutent que la distinction et la non distinction, ce qui est
ajouter des nйgations, comme on l’a exposй plus haut. C’est pourquoi, nous
concйdons que pour ce qu’ils ajoutent а ce а quoi ils sont attribuйs, il sont reзus en Dieu nйgativement; en
tant qu’ils incluent dans leur signification ce dont nous parlons, ils sont reзus positivement. C’est pourquoi il faut rйpondre aux deux raisons. Solutions: q. 9 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod qui dicit tres
personas, aliquid in Deo dicit, scilicet distinctionem personarum; quam qui
negat, haereticus est. Ista autem distinctio non addit aliquid supra personas
distinctas. # 1. Qui dit trois personnes dit une rйalitй en Dieu, а savoir la
distinction des personnes; qui la nie est hйrйtique, mais cette distinction
n’ajoute rien aux personnes distinctes. q. 9 a. 7 ad 2 Ad secundum dicendum quod, licet in remotione
quorumdam a Deo, sit cointelligenda praedicatio eorumdem de Deo per eminentiam
et per causam, tamen quaedam solummodo negantur de Deo et nullo modo
praedicantur; sicut cum dicitur: Deus non est corpus. Et hoc modo posset dici
secundum opinionem Magistri, quod omnino negatur a Deo quantitas numeralis; et
similiter secundum id quod ponimus, omnino negatur ab eo essentiae divisio, cum
dicitur: essentia divina est una. # 2. Bien qu’en excluant certaines choses de Dieu, il faille comprendre
leur attribution par йminence, et par cause, cependant, certaines sont
seulement niйes et ne lui sont attribuйes en aucune maniиre, comme quand on dit:
Dieu n’est pas un corps. Et de cette maniиre on pourrait dire selon l’opinion
du Maоtre, que la quantitй numйrale est tout а fait niйe pour Dieu; et de la
mкme maniиre selon ce que nous y plaзons, cela nie tout а fait la division de
l’essence, quand on dit: l’essence divine est une. q. 9 a. 7 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in rebus creatis
termini numerales non ponunt aliquid superadditum rebus de quibus dicuntur,
nisi prout significant id quod est in genere quantitatis discretae, secundum
quem modum non praedicantur de Deo; et hoc pertinet ad perfectionem ipsius. # 3. Dans les crйatures, les termes numйraux ne placent rien de
surajoutй а ce dont on parle, sinon dans la mesure oщ ils signifient ce qui est
dans le genre de la quantitй discrиte; sous ce mode, elles ne sont pas
attribuйes а Dieu; et cela convient а sa perfection. q. 9 a. 7 ad 4 Ad quartum dicendum, quod unitas et multitudo
quae significantur per terminos numerales dictos de Deo, non sunt solum in
intellectu nostro, sed sunt in Deo secundum rem; non tamen propter hoc
significatur aliquid positive praeter intellectum eorum quibus ista
attribuuntur. # 4. L’unitй et la pluralitй qui sont signifiйes par les termes
numйraux employйs pour Dieu, ne sont pas seulement dans notre esprit, mais ils
sont en Dieu en rйalitй; ce n’est pas cependant а cause de cela que quelque
chose est signifiй positivement au-delа du concept de ceux а qui ils sont
attribuйs. q. 9 a. 7 ad 5 Ad quintum dicendum quod bonum quod est in
genere qualitatis, non est bonum quod convertitur cum ente, quod nullam rem
supra ens addit; bonum autem quod est in genere qualitatis, addit aliquam
qualitatem qua homo dicitur bonus; et simile est de uno, sicut ex dictis patet.
Sed in hoc differt quod bonum utroque modo acceptum potest venire in divinam
praedicationem, non autem unum: non enim est eadem ratio de quantitate et
qualitate, sicut ex dictis patet. # 5. Le bien qui est dans le genre de la qualitй, n’est pas le bien qui
est convertible avec l’йtant, parce qu’il n’ajoute rien а l’йtant; mais le bien
qui est dans le genre de la qualitй ajoute une qualitй par laquelle on dit que
l’homme est bon; et c’est pareil pour l’unitй, comme on le voit d’aprиs ce qui
a йtй dit. Mais il y a une diffйrence: le bien reзu de l’une et l’autre maniиre
peut venir dans l’attribution divine, mais pas l’unitй; car la quantitй et la
qualitй n’ont pas une nature identique, comme on le voit de ce qui a йtй dit. q. 9 a. 7 ad 6 Ad sextum dicendum, quod inter ista quatuor
prima, maxime primum est ens: et ideo oportet quod positive praedicetur;
negatio enim vel privatio non potest esse primum quod intellectu concipitur,
cum semper quod negatur vel privatur sit de intellectu negationis vel
privationis. Oportet autem quod alia tria super ens addant aliquid quod ens non
contrahat; si enim contraherent ens, iam non essent prima. Hoc autem esse non
potest nisi addant aliquid secundum rationem tantum; hoc autem est vel negatio,
quam addit unum (ut dictum est), vel relatio ad aliquid quod natum sit referri
universaliter ad ens; et hoc est vel intellectus, ad quem importat relationem
verum, aut appetitus, ad quem importat relationem bonum; nam bonum est quod
omnia appetunt, ut dicitur in I Ethic. # 6. Parmi les quatre transcendantaux, celui qui est absolument le
premier est l’йtant et c’est pourquoi il faut qu’il soit attribuй positivement;
car la nйgation ou la privation ne peuvent кtre ce qui est conзu en premier par
l’esprit, puisque toujours ce qui est niй ou privй est du concept de nйgation
ou de privation. Mais il faut que les trois autres ajoutent а l’йtant quelque
chose qui ne le limite pas; car s’ils le limitaient , ils ne seraient plus des
transcendantaux. Mais cela n’est pas possible а moins qu’ils ajoutent quelque
chose en raison seulement. Mais c’est ou bien la nйgation qui ajoute l’unitй
(comme on l’a dit) ou bien une relation ou ce qui est destinй а кtre rйfйrй а
l’йtant selon l’universel: et c’est ou bien le concept, а qui le vrai apporte
une relation ou bien l’appйtit, а laquelle le bien apporte la relation; car le
bien est ce que tous recherchent, comme on le dit dans l’Йthique (I, 1, 1094 a 2). q. 9 a. 7 ad 7 Ad septimum dicendum, quod secundum philosophum,
multum dicitur dupliciter: # Selon le philosophe (Mйtaphysique
X, 6, 1056 b 17 ss.), on parle de beaucoup
en plusieurs sens: `uno modo absolute,
et sic dicitur per oppositum ad unum; a) D’une premiиre maniиre, selon l’absolu et ainsi on l’emploie par
opposition а l’unitй: alio modo dicitur comparative, prout importat excessum
quemdam respectu minoris numeri, et sic multum opponitur pauco. b) D’une autre maniиre, on en parle comparativement dans la mesure oщ
il apporte un surplus par rapport а un nombre plus petit, et ainsi beaucoup est
opposй а peu. Similiter autem et magnum potest dupliciter dici: De la mкme maniиre on parle de grand
de deux maniиres: uno modo absolute, prout importat quantitatem continuam quae
dicitur magnitudo; a) D’une premiиre maniиre selon l’absolu, dans la mesure oщ le terme
apporte une quantitй continue qui est appelйe grandeur. alio modo comparative, rout importat excessum respectu
minoris quantitatis.. b) D’une autre maniиre, comparativement, dans la mesure oщ il apporte
un surplus par rapport а une quantitй plus petite. Primo ergo modo magnum non praedicatur de Deo;
sed secundo, ut importetur eius eminentia super omnem creaturam Donc de la premiиre maniиre, grand n’est pas attribuй а Dieu, mais de
la seconde, il est attribuй pour apporter son йminence au-dessus de tout
crйature. q. 9 a. 7 ad 8 Ad octavum dicendum, quod unum quod pertinet ad
vestigium Dei in creaturis, est unum quod convertitur cum ente, quod quidem
ponit aliquid, in quantum ponit ipsum ens, cui solam negationem superaddit, ut
dictum est. # 8. L’unitй qui appartient au vestige de Dieu dans les crйatures est
l’un qui est convertible avec l’йtant, qui place quelque chose en tant qu’il
place l’йtant а qui il ajoute seulement une nйgation, comme on l’a dit. q. 9 a. 7 ad 9 Ad nonum dicendum, quod unum oppositorum non
excludit aliud, nisi ab eo de quo praedicatur. Non enim sequitur, si Socrates
est albus, quod nihil sit nigrum: sed quod ipse non est niger. Sic ergo
sequitur quod si patris persona est una, patris personae non sunt plures; non
autem sequitur quod non sint plures personae in divinis. # 9. L’un des opposйs n’exclut l’autre que par ce qui lui est attribuй.
Car il n’en dйcoule pas, si Socrate est blanc, que rien ne soit noir; mais que
lui-mкme n’est pas noir. Ainsi donc il en dйcoule que si la personne du Pиre
est une, les personnes du Pиre ne sont pas plusieurs, mais il n’en dйcoule pas
qu’il n’y ait pas plusieurs personnes en Dieu. q. 9 a. 7 ad 10 Ad decimum dicendum, quod unum non constituit
multitudinem ex parte privationis, sed ex parte illa qua ponit ens. # 10. L’un n’a pas constituй la pluralitй du cфtй de la privation mais
de ce cфtй oщ il place l’йtant. q. 9 a. 7 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod sicut dicitur
in V Metaph., privatio tribus modis dicitur: uno modo proprie,
quando removetur ab aliquo quod natum est habere, et in quo tempore natum est
habere; sicut carere visu est privatio visus in homine. Alio modo
communiter, quando removetur ab aliquo quod ipsum quidem non est natum habere,
sed genus eius; sicut si non habere visum dicatur esse privatio visus in talpa.
# 11. Comme il est dit en Mйtaphysique,
(V, 22, 1022 b 21 ss.), on parle de la privation de trois maniиres: a) Au sens propre, quand est exclu de quelque chose ce qu’il est
destinй а avoir et, en quel temps, il est destinй а l’avoir, comme ne pas avoir
la vue est la privation de la vue dans l’homme. b) D’une autre maniиre, communйment, quand est exclu d’une chose ce
qu’elle n’est pas destinйe а avoir, mais que son genre est destinй а ne pas
avoir; ainsi, si ne pas avoir la vision йtait appelй privation de la vue pour
la taupe. Tertio modo communissime, quando removetur ab aliquo id quod
a quocumque alio natum est haberi, non tamen ab ipso, nec ab alio sui generis:
sicut si non habere visum, dicatur esse privatio visus in planta. Et haec
privatio medium est inter privationem veram et simplicem negationem, habens
commune aliquid cum utroque; cum privatione quidem vera, in hoc quod est
negatio in aliquo subiecto, unde non competit simpliciter non enti; cum
negatione vero simplici, in hoc quod non requirit aptitudinem in subiecto. Per
hunc autem modum unum privative dicitur, et potest simili modo praedicari in
divinis, sicut et alia quae simili modo praedicantur in divinis, ut invisibilis
et immensus et huiusmodi. c) De maniиre trиs commune, quand est exclu d’une chose ce qu’elle est
destinйe а avoir par n’importe quel autre, cependant pas par elle-mкme, ni par
un autre de son genre; comme si on disait que ne pas avoir la vue, c’est la
privation de la vue dans la plante. Et cette privation est intermйdiaire entre
la vraie privation et la nйgation simple, ayant quelque chose de commun avec
l’une et l’autre; avec une vraie privation, du fait que c’est une nйgation dans
un sujet; c’est pourquoi il n’appartient pas simplement au non-кtre; avec une
nйgation simple du fait qu’il ne requiert pas d’aptitude dans le sujet. Par ce
moyen l’un est dit nйgativement et peut кtre attribuй а Dieu d’une maniиre
semblable, comme les autres qui sont attribuйs а Dieu d’une maniиre semblable,
comme invisible, immense, etc. q. 9 a. 7 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod termini numerales
non addunt aliquid in divinis supra id de quo praedicantur; et ideo quando
praedicantur de essentialibus, significant essentiam; quando vero de
personalibus, significant relationem. # 12. Les termes numйraux n’ajoutent rien en Dieu, au-dessus de ce а
quoi ils sont attribuйs; et c’est pourquoi quand ils sont attribuйs а ce qui
est l’essence, ils la signifient, mais s’ils sont attribuйs а ce qui est
personnel, ils signifient la relation. q. 9 a. 7 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod unum et ens
convertuntur secundum supposita; sed tamen unum addit secundum rationem,
privationem divisionis; et propter hoc non sunt synonyma, quia synonyma sunt
quae significant idem secundum rationem eamdem. #13. L’un et l’кtre sont convertibles selon les suppфts; mais cependant
l’un ajoute en raison la privation de division, et c’est pour cela qu’ils ne
sont pas synonymes, parce que les synonymes signifient une chose identique sous
le mкme rapport. q. 9 a. 7 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod unum potest
considerari dupliciter: uno modo quantum ad illud quod ponit, et sic constituit
multitudinem; alio modo quantum ad negationem quam superaddit, et sic
opponitur unum multitudini privative. # 14. L’un peut кtre
considйrй de deux maniиres; a) Quant а ce qu’il pose; et ainsi il a constituй une pluralitй. b) D’une autre maniиre quant а la nйgation qu’il ajoute et ainsi l’un est
opposй nйgativement а la pluralitй. q. 9 a. 7 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod secundum
philosophum, multitudo est prior uno secundum sensum, sicut totum partibus et
compositum simplici; sed unum est prius multitudine naturaliter et secundum
rationem. Hoc autem non videtur sufficere ad hoc quod unum opponatur
multitudini privative. Nam privatio est posterior secundum rationem, cum in
intellectu privationis sit eius oppositum, per quod definitur: nisi forte hoc
referatur solum ad nominis rationem, prout hoc nomen unum significat privative,
nomen vero multitudinis positive; nomina enim imponuntur a nobis secundum quod
cognoscimus res. Unde ad hoc quod aliquid significetur per nomen ut privatio,
sufficit qualitercumque sit posterius in nostra cognitione; quamvis hoc non
sufficiat ad hoc quod res ipsa sit privativa, nisi sit posterius secundum
rationem. # 15. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
X, 3, 1054 a 288), la pluralitй
est avant l’unitй, selon le sens, comme le tout avant les parties et le composй
avant le simple. Mais l’un est naturellement et en raison avant la pluralitй.
Mais cela ne paraоt pas suffire, pour que l’un soit opposй nйgativement а la
multitude, car la privation est aprиs en raison, puisque dans le concept de
privation il y a son opposй, par lequel il est dйfini; а moins que par hasard
cela se rapporte seulement а la nature du nom, dans la mesure oщ il signifie
nйgativement l’unitй, mais
positivement le nom de pluralitй. Car
les noms s’imposent а nous selon que nous connaissons la rйalitй. C’est
pourquoi, pour qu’une chose soit signifiйe par un nom comme privation, il
suffit de quelque maniиre qu’il soit postйrieur dans notre connaissance;
quoique cela ne suffise pas pour que la chose soit nйgative, а moins qu’elle
soit postйrieure en raison. Et ideo potest melius dici, quod divisio est causa
multitudinis, et est prior secundum intellectum quam multitudo; unum autem
dicitur privative respectu divisionis, cum sit ens indivisum, non autem
respectu multitudinis. Unde divisio est prior, secundum rationem, quam unum;
sed multitudo posterius. Quod sic patet: Et c’est pourquoi on peut dire mieux: la division est la cause
de la pluralitй, et elle est avant elle en esprit; mais on parle d’unitй
nйgativement par rapport а la division, puisqu’elle est l’йtant non divisй,
sans rapport avec la pluralitй. C’est pourquoi la division est en raison avant
l’unitй; mais la pluralitй aprиs. Ce qui paraоt ainsi: primum enim quod in intellectum cadit, est ens; a) En premier ce qui arrive
dans l’esprit c’est l’йtant; secundum vero est negatio entis; b) en second, la nйgation de
l’йtant; ex his autem duobus sequitur tertio intellectus divisionis
(ex hoc enim quod aliquid intelligitur ens, et intelligitur non esse hoc ens,
sequitur in intellectu quod sit divisum ab eo); c) mais de ces deux dйcoule en troisiиme
le concept de division (car du fait que quelque chose est compris comme йtant,
et que cet йtant est compris comme n’йtant pas celui-lа, il dйcoule en esprit,
qu’il est sйparй de lui); quarto autem sequitur in intellectu ratio unius, prout
scilicet intelligitur hoc ens non esse in se divisum; d) quatriиmement: la nature
de l’un dйcoule dans l’esprit, dans la mesure oщ cet йtant est compris comme
non divisй en soi, quinto autem sequitur intellectus multitudinis, prout
scilicet hoc ens intelligitur divisum ab alio, et utrumque ipsorum esse in se
unum. Quantumcumque enim aliqua intelligantur divisa, non intelligetur
multitudo, nisi quodlibet divisorum intelligatur esse unum. e) cinquiиmement, il en
dйcoule le concept de pluralitй dans la mesure oщ cet йtant est compris comme
sйparй d’un autre et l’un et l’autre d’entre eux sont uniques en soi. Car
chaque fois que quelque chose est compris comme sйparй d’un autre, la pluralitй
n’est pas comprise а moins que l’une des choses divisйes soit comprise comme un
кtre. Et sic etiam patet quod non erit circulus in definitione
unius et multitudinis. Et ainsi il est clair qu’il n’y aura pas de cercle vicieux dans la
dйfinition de l’un et de la pluralitй. q. 9 a. 7 ad 16 Unde patet responsio ad decimumsextum. # 16. Ainsi s’йclaire la rйponse а la 16me objection. q. 9 a. 7 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod unum quod est
principium numeri, comparatur ad multitudinem ut mensura ad mensuratum; quod
quidem unum positive aliquid supra substantiam addit, ut dictum est. # 17. L’un qui est le principe du nombre est comparй а la pluralitй,
comme la mesure au mesurй; cette unitй ajoute positivement quelque chose а la
substance, comme on l’a dit (dans le corps de l’article). q. 9 a. 7 ad s. c. Ad ea quae in oppositum obiiciuntur,
secundum praemissa, facile est respondere considerantibus secundum quid
veritatem concludant. Unum tamen quod in illis obiectionibus tangebatur
considerandum est, quod huiusmodi prima, scilicet essentia, unitas, veritas et
bonitas, denominant seipsa ea ratione, quia unum, verum et bonum consequuntur
ad ens. Cum autem ens sit primum quod in intellectu concipitur oportet quod
quidquid in intellectum cadit, intelligatur ut ens, et per consequens ut unum,
verum et bonum. Unde cum intellectus apprehendat essentiam, unitatem, veritatem
et bonitatem in abstracto, oportet quod de quolibet eorum praedicetur, ens, et
alia tria concreta. Et inde est quod ista denominant seipsa, non autem alia
quae non convertuntur cum ente. Pour ce qui est objectй en sens
contraire, selon
ce qui a йtй dit, il est facile de rйpondre а ceux qui considиrent en quoi ils
limitent la vйritй. Cependant il faut considйrer que ce qui йtait abordй dans
ces objections les transcendantaux de ce genre, а savoir l’essence, l’unitй, la
vйritй et la bontй, signifient eux-mкmes par cette raison que l’un, le vrai et
le bien supposent l’йtant. Mais comme l’йtant est le premier qui est conзu par
l’esprit, il faut que quelque chose arrive dans l’esprit et soit compris comme
йtant, et par consйquent comme un, vrai et bon. C’est pourquoi, comme l’esprit
saisit l’essence, l’unitй, la vйritй et la bontй dans l’abstrait, il faut que
soit attribuй а chacun d’eux l’йtant et les trois autres concrets. Et de lа
vient qu’ils se signifient eux-mкmes, mais pas les autres qui ne se
convertissent pas avec l’йtant.
1 Parall.: Ia, qu. 30, a. 3 — I Sent. d24a3 —Qdl, X,
qu. 1, a. 1. "Son йnoncй met en
discussion l’opinion du Lombard… qui a recours а la voie nйgative. ‘un’ et
‘trois’, а propos de Dieu, n’y disent rien de positif, mais en nient quelque
limite" Йd. des Jeunes, p. 189, Cf. I
Sent., d24q1. 2
Sabellius Cf. Pot. 1, 1, note, et 8, 1 et 8, 2. 3
Les transcendantaux. 4
Cf. Mйtaphysique, V, 6, 1016 b 26
ss.. 5
Thomas dit cela de maniиre plus abstraite dans le de veritate, qu. 1, a. 1, c: "De mкme que dans ce qu’on
dйmontre il faut en revenir а des principes connus par soi par l’esprit (donc йvident), de mкme en cherchant ce
que c’est, autrement dans les deux cas on irait а l’infini et ainsi pйrirait
toute connaissance." 6
"Et parce que le nombre est composй d’unitйs (Pythagore et Platon) ont cru
que les nombres seraient la substance de toutes choses" (Ia, qu. 11, a. 1, ad 1. Il y a chez eux
confusion entre l’unitй transcendantale et l’unitй prйdicamentale qui est
l’unitй d’une chose quantifiйe, considйrйe comme indivisible et reзue comme
mesure de quantitй. 7
Avicenne, Mйtaphysique, Trad. III, c.
2, 3 (p. 160 ss) 8
"…de sorte que la pluralitй est logiquement antйrieure а l’indivisible, en
raison des conditions de perception." (Trad. J. Tricot)
Article 8: Y a-t-il de la diversitй en Dieu?
q. 9 a. 8 tit. 1 Octavo quaeritur utrum in Deo
sit aliqua diversitas. Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 9 a. 8 arg. 1 Quia, secundum philosophum, unum in substantia
facit idem, multitudo autem in substantia facit diversum. In divinis autem est
multitudo secundum substantiam, dicit enim Hilarius, quod pater et filius et
spiritus sanctus sunt per substantiam tria, per consonantiam vero unum. Ergo in
divinis est diversitas. 1. Parce que, selon le philosophe
(Mйtaphysique V, 6, 1015 b 18),
l’unitй dans la substance fait l’identique, mais la pluralitй apporte en elle la diversitй. Mais en Dieu, il y a pluralitй selon la substance, car
Hilaire dit (Les Synodes) que le
Pиre, le Fils et l’Esprit saint sont trois par la substance, mais un par
accord. Donc en Dieu il y a de la diversitй. q. 9 a. 8 arg. 2 Praeterea, secundum philosophum, diversum
dicitur absolute, differens vero relative; unde omne differens est diversum,
non autem omne diversum est differens. Sed in divinis conceditur esse
differentia; dicit enim Damascenus: differentiam personarum in tribus
proprietatibus, id est paternali et filiali et processibili recognoscimus. Ergo
in divinis est diversitas. 2. Selon le philosophe (Mйtaphysique
X, 3, 1054 b 23 ss2.) on parle de divers absolument, de diffйrent relativement; c’est pourquoi
tout ce qui est diffйrent est divers, mais tout ce qui est divers n’est pas
diffйrent. Mais en Dieu on concиde qu’il y a des diffйrences; car Jean
Damascиne (La foi orthodoxe III) dit:
"Nous reconnaissons la diffйrence
des personnes en trois propriйtйs, c'est-а-dire la paternitй, la filiation et
la procession." Donc il y a de la diversitй en Dieu. q. 9 a. 8 arg. 3 Praeterea, differentia accidentalis facit
alterum solum; differentia vero substantialis facit aliud, idest diversum. Cum
ergo in divinis sit differentia, et non possit ibi esse accidentalis
differentia,- et per consequens oportet quod sit differentia substantialis,-
oportet quod sit ibi diversitas. 3. La diffйrence accidentelle rend diffйrent seulement, mais la diffйrence
substantielle fait que quelque chose est autre, c'est-а-dire divers. Donc comme
en Dieu il y a une diffйrence et qu’il ne peut pas y avoir lа de diffйrence
accidentelle, — par consйquent il faut que ce soit une diffйrence substantielle
— il faut qu’il y ait diversitй. q. 9 a. 8 arg. 4 Praeterea, multitudo causatur ex divisione,
sicut iam dictum est. Ubi autem est divisio sequitur diversitas. Ergo in
divinis cum sit multitudo, erit ibi diversitas. 4. La pluralitй est causйe par la division, comme on l’a dйjа dit
(article prйcйdent, qu. 9, a. 7, sol. 15). Mais lа oщ il y a division dйcoule
la diversitй. Donc en Dieu, comme il y a pluralitй, il y a diversitй. q. 9 a. 8 arg. 5 Praeterea, idem et diversum sufficienter
dividunt ens. Sed pater non est idem filio: non enim conceditur quod pater
generando filium, generet se Deum. Ergo filius est diversus a patre. 5. Le mкme et le divers divisent suffisamment l’йtant. Mais le Pиre
n’est pas le mкme que le Fils, car il n’a pas йtй concйdй que le Pиre en
engendrant le Fils s’engendrerait Dieu3.
Donc le Fils est diffйrent du Pиre. En sens contraire: q. 9 a. 8 s. c. 1 Sed contra. Est quod Hilarius dicit: nihil in
divinis novum, nihil diversum, nihil alienum, nihil separabile. 1. Il y a ce que dit Hilaire (La Trinitй, VII): "Rien de nouveau en Dieu, rien de divers, rien d’йtranger, rien de
sйparable." q. 9 a. 8 s. c. 2 Praeterea, Ambrosius dicit: pater et filius
divinitate unum sunt, nec est ibi substantiae differentia, nec ulla diversitas. 2. Ambroise dit (La Trinitй):
"Le Pиre et le Fils sont un par la
divinitй, et il n’y a pas de diffйrence de substance, ni aucune diversitй." Rйponse: q. 9 a. 8 co. Respondeo. Dicendum quod, sicut dicit Hieronymus,
ex verbis inordinate prolatis, incurritur haeresis. Et ideo sic loquendum est
de divinis ut nulla errori occasio praebeatur. Fuerunt autem circa divina duo
errores, praecipue cavendi ab illis qui de unitate et Trinitate in divinis
loquuntur: scilicet error Arii, qui unitatem essentiae negavit, ponens aliam
essentiam esse patris et aliam filii. Alius error est Sabelli, qui negavit
pluralitatem personarum dicens, eumdem esse patrem qui est filius. Il faut dire, comme Jйrфme, que l’hйrйsie provient des paroles
profйrйes sans mesure. Et c’est pourquoi il faut parler de Dieu, de sorte qu’il
n’y ait aucune occasion donnйe а l’erreur. Mais il y a surtout deux erreurs а
propos de Dieu, qui doivent кtre йvitйes par ceux qui parlent d’unitй et de
Trinitй: а savoir l’erreur d’Arius qui a niй l’unitй de l’essence, en
йtablissant que celle du Pиre йtait diffйrente de celle du Fils. L’autre erreur
est celle de Sabellius, qui a niй la pluralitй des personnes, en disant que le
Pиre йtait le mкme que le Fils. Ad evitandum ergo errorem Arii sunt nobis quatuor cavenda in
fidei confessione: primo diversitas per quam tollitur unitas essentiae, quam
confitemur dicendo esse unum Deum; secundo divisio, quae obviat divinae
simplicitati; Donc pour йviter l’erreur d’Arius, il faut faire attention dans la
confession de la foi а quatre sujets: a) La diversitй par laquelle on enlиve l’unitй de l’essence que nous
confessons en disant qu’il y a un seul Dieu. b) La division qui s’oppose а la simplicitй divine. tertio disparitas, quae repugnat aequalitati divinarum
personarum; quarto ut non confiteamur filium esse alienum a patre, per
quod tollitur similitudo. c) La disparitй qui s’oppose а l’йgalitй des personnes divines. d) Ne pas confesser que le Fils est йtranger au Pиre, ce qui supprime
la ressemblance. Similiter contra errorem Sabelli sunt quatuor
cavenda. Primo singularitas, per quam tollitur naturae
divinae communicabilitas; secundo nomen unici, per quod tollitur realis
distinctio personarum; De la mкme maniиre contre l’erreur de Sabellius, il faut faire
attention а quatre sujets: a) La singularitй par laquelle est supprimйe la communicabilitй de la
nature divine b) Le nom d’unique par lequel est supprimйe la rйelle distinction des
personnes. tertio confusio, per quam tollitur ordo qui est in divinis
personis; c) La confusion, par laquelle est supprimй l’ordre qui est dans les
personnes divines. quarto solitudo, per quam tollitur consociatio divinarum
personarum. d) La solitude par laquelle est supprimйe la communion des personnes
divines. Confitemur autem contra diversitatem, unitatem essentiae;
contra divisionem, simplicitatem; contra disparitatem, aequalitatem; contra
alienum, similitudinem; contra singularitatem personarum, pluralitatem; contra
unicum, distinctionem; contra confusionem, discretionem; contra solitarium,
consonantiam et connexionem amoris. Aussi nous confessons contre la diversitй, l’unitй de l’essence;
contre la division, la simplicitй, contre la disparitй, l’йgalitй, contre la
rupture la ressemblance, contre la singularitй des personnes la pluralitй,
contre l’unicitй, la quantitй discrиte, contre la confusion, la distinction,
contre la solitude, l’accord et l’union de l’amour. Solutions: q. 9 a. 8 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod substantia
accipitur ibi pro hypostasi, non pro essentia, cuius multitudo faceret
diversitatem. # 1. Donc il faut dire que la substance y est reзue pour l’hypostase,
non pour l’essence, dont la pluralitй causerait la diversitй. q. 9 a. 8 ad 2 Ad secundum dicendum quod, licet a quibusdam
doctoribus Ecclesiae inveniatur nomen differentiae circa divina, non tamen est
communiter utendum, nec ampliandum, quia differentia importat distinctionem
aliquam secundum formam, quae non potest esse in divinis, cum forma Dei sit
divina natura, ut Augustinus dicit. Sed exponenda est differentia, ut ponatur
pro distinctione, quae minimum distinctionis importat; cum etiam secundum
relationes vel secundum solam rationem aliqua distingui dicantur. Sic etiam
exponendum est, si inveniatur diversitas in divinis; utpote si dicatur quod
diversa est persona patris a persona filii, accipiendum est diversum pro
distincto. Magis tamen cavendum est nomen diversitatis in divinis quam
differentiae; quia diversitas magis pertinet ad essentialem divisionem, nam
qualiscumque formarum multitudo facit differentiam; diversitas autem fit solum
per formas substantiales. # 2. Bien que certains docteurs de l’Йglise emploient le nom de
diffйrence а propos de Dieu, il ne faut cependant pas s’en servir communйment,
ni йlargir son emploi, parce que la diffйrence apporte une distinction selon la
forme qui ne peut pas exister en Dieu, puisque la forme de Dieu est sa nature
divine, comme Augustin le dit. Mais il faut exposer la diffйrence pour poser
comme distinction ce qui apporte un minimum de distinction, puisqu’on dit aussi
que certaines choses sont distinguйes selon les relations par la seule raison.
Mais il faut montrer aussi, si on trouve la diversitй en Dieu, que, si on
disait que la personne du Pиre est ‘diverse’ de celle du fils, il faut prendre
diverse pour distinct. Cependant il faut faire attention plus au nom de diversitй en Dieu qu’а celui de diffйrence; parce que la diversitй
convient plus а la division essentielle, car n’importe quelle pluralitй des
formes fait la diffйrence; mais la diversitй se fait seulement par les formes
substantielles. q. 9 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum quod, licet in divinis non
sit accidens, est tamen ibi relatio, cuius oppositio distinctionem facit in
divinis, non autem diversitatem. # 3. Bien qu’en Dieu il n’y ait pas d’accident, il y a cependant une
relation, dont l’opposition produit la distinction en lui mais pas la
diversitй. q. 9 a. 8 ad 4 Ad quartum dicendum quod, licet in divinis non
sit proprie loquendo divisio, est tamen ibi distinctio per relationes, quae
sufficit ad numerum personarum. # 4. Bien qu’en Dieu il n’y ait pas а proprement parler de division, il
y a cependant une distinction par les relations qui suffit pour le nombre des
personnes. q. 9 a. 8 ad 5 Ad quintum dicendum quod filius est idem Deus
cum patre; non tamen potest dici quod pater se Deum genuerit, filium generando:
quia ly se, cum sit reciprocum, refert idem suppositum: pater autem et filius
sunt duo supposita in divinis. # 5. Le Fils est un mкme Dieu que le Pиre; on ne peut cependant pas
dire que le Pиre s’est engendrй comme Dieu, en engendrant le Fils, parce que,
comme le pronom se est rйciproque, il
remplace le mкme suppфt; mais le Pиre et le Fils sont deux suppфts en Dieu.
1 Parall.: Ia, qu. 31, a. 3 — I Sent. D. 9, qu. 1 — D. 19, qu. 1, a. 1, ad 2 — D. 24, qu. 2,
a. 1. 2
"Pour deux кtres qui sont autres, il n’est pas nйcessaire que l’altйritй
porte sur quelque chose de dйfini; car tout ce qui existant est autre ou le
mкme; par contre ce qui est diffйrent
doit diffйrer d’une chose dйterminйe par quelque endroit dйterminй, de sorte
qu’il faut nйcessairement qu’il y ait un йlйment identique par quoi les choses
diffиrent." (Autre correspond
ici а divers)Thomas, lectio 4, n°
2017: "…car deux [choses] dont l’une est ‘diverse’ de l’autre, il n’est
pas nйcessaire qu’elle le soit par quelque chose (per aliquid)…". 2018: "Mais ce qui est diffйrent doit
кtre diffйrent par quelque chose. C’est pourquoi il est nйcessaire que ce par
quoi ils diffиrent, soit quelque chose de semblable (idem) en ce qui ne
diffиrent pas ainsi. Ce qui est le mкme en plusieurs c’est le genre ou
l’espиce. Donc tout ce qui est diffйrent diffиre en genre ou en espиce." 3
Cf. I sent. d4q1a2.
Article 9: En Dieu, y a-t-il trois personnes, ou plus, ou moins?
q. 9 a. 9
tit. 1 Nono quaeritur utrum in divinis sint tres personae tantum, an plures vel
pauciores. Et videtur quod plures. Il semble qu’il y en a plus. Objections1: q. 9 a. 9 arg. 1 Dicit enim Augustinus in libro contra Maximinum:
filius non genuit creatorem; neque enim non potuit, sed non oportuit. In
divinis autem non differt esse et posse, quia nec in aliquibus sempiternis.
Ergo filius genuit alium filium; et sic sunt duo filii in divinis, et per
consequens plures personae quam tres. 1. Augustin dit (Contre Maximinien, III, 11): "Le Fils n’a pas engendrй le crйateur, car ce
n’est pas qu’il ne l’a pas pu, mais il ne l’a pas fallu". Mais en Dieu
кtre et pouvoir ne diffиrent pas, parce qu’ils ne diffиrent pas dans les кtres
йternels non plus (selon le philosophe, Physique
III, 4 203 b 282). Donc le Fils a
engendrй un autre Fils et ainsi il y a deux fils en Dieu et par consйquent il y
a plus de trois personnes. q. 9 a. 9 arg. 2 Sed diceretur, quod hoc quod dicit: neque enim
non potuit, exponendum est: idest, non ex impotentia fuit.- Sed contra,
unicuique supposito alicuius naturae convenit actus naturae illius, nisi
propter eius impotentiam. Generatio autem est actus ad perfectionem naturae divinae
pertinens; alioquin non conveniret patri, in quo non est nisi quod perfectionis
est. Si ergo filius non generat alium filium, hoc erit ex impotentia eius. 2. Mais on pourrait dire que
ce qu’il dit: "Car c’est qu’il ne
l’a pas pu" doit кtre exposй ainsi: cela ne vient pas de l’impuissance
— En sens contraire, а chaque suppфt
d’une certaine nature convient l’acte de cette nature, а moins que ce soit а
cause de son impuissance. Mais la gйnйration est un acte qui convient а la
perfection de la nature divine, autrement elle ne conviendrait pas au Pиre en
qui il n’y a que perfection. Si donc le Fils n’a pas engendrй un autre fils,
cela viendra de son impuissance. q. 9 a. 9 arg. 3 Praeterea, si filius non potest generare,
potest autem generari; habet ergo potentiam ut generetur, non potentiam ut
generet. Aliud autem est generare, et aliud generari. Cum ergo potentiae
distinguantur penes obiecta, non erit eadem potentia patris et filii, quod est
haereticum. 3. Si le Fils ne peut engendrer, il peut cependant кtre engendrй; donc
il a la puissance d’кtre engendrй et pas celle d’engendrer. Mais engendrer et
кtre engendrй sont deux [puissances] diffйrentes. Donc puisqu’elles sont
distinguйes par leurs objets, il n’y aura pas la mкme puissance pour le Pиre et
le Fils, ce qui est hйrйtique. q. 9 a. 9 arg. 4 Praeterea, actio et passio in his quae agunt
et patiuntur, reducuntur ad diversa principia; nam agit aliquid per rationem
formae in rebus creatis, patitur vero ratione materiae. Generare autem et
generari significantur per modum actionis et passionis. Ergo oportet quod ad
diversa principia referantur; et sic non potest esse una potentia qua pater
generat, et qua filius generatur. 4. L’action et la passion, en ce qui agit ou subit, sont ramenйes а des
principes diffйrents; car une chose agit en raison de la forme dans les
crйatures, et subit en raison de la matiиre. Mais engendrer et кtre engendrй
sont signifiйs par l’action et la passion. Donc il faut qu’ils soient rйfйrйs а
des principes diffйrents et ainsi il ne peut pas n’y avoir qu’une seule
puissance par laquelle le Pиre engendre et le Fils est engendrй. q. 9 a. 9 arg. 5 Sed diceretur, quod est eadem potentia, in
quantum utraque radicatur in essentia divina, quae una est patris et filii.-
Sed contra, potentia calefaciendi et desiccandi radicantur in uno subiecto,
scilicet igne; nec tamen est una et eadem potentia: alia enim qualitas est
calor, qui est principium calefaciendi, et alia siccitas, quae est principium
desiccandi. Ergo unitas divinae essentiae non sufficit ad hoc quod sit eadem
potentia qua pater generat et filius generatur. 5. Mais on pourrait dire que
c’est la mкme puissance, dans la mesure oщ l’une et l’autre prennent leur
source dans l’essence divine, qui est unique pour le Pиre et le Fils. En sens contraire, la puissance de
chauffer et celle de sйcher prennent leur source dans un seul sujet, а savoir
le feu; et cependant ce n’est pas une seule et mкme puissance; car la qualitй
de la chaleur qui est le principe de l’йchauffement est diffйrente de l’assиchement
qui est le principe du sйchage. Donc l’unitй de l’essence divine ne suffit pas
pour que la puissance par laquelle le Pиre engendre et celle par laquelle le
Fils est engendrй soient identiques. q. 9 a. 9 arg. 6 Praeterea, omnis sapiens et intelligens ex sua
sapientia aliquam conceptionem habet. Sed filius est sapiens et intelligens,
sicut et pater. Ergo habet aliquam conceptionem. Conceptio autem patris est
verbum: quod est filius. Ergo filius etiam habet alium filium. 6. Tout кtre sage et intelligent tire une conception par sa sagesse.
Mais le Fils est sage et intelligent, comme le Pиre. Donc il a une conception3. Mais celle du Pиre est le Verbe, qui est le
Fils. Donc le Fils aussi a un autre fils. q. 9 a. 9 arg. 7 Sed diceretur, quod verbum dicitur in divinis
non solum personaliter, sed essentialiter; et sic verbum essentialiter dictum
potest esse conceptio filii.- Sed contra, verbum dicit speciem conceptam
ordinatam ad manifestationem, et ita importat originem. Quae autem important
originem in divinis, dicuntur personaliter, et non essentialiter. Ergo verbum
essentialiter dici non potest. 7. Mais on pourrait dire
qu’on parle du verbe en Dieu, non seulement personnellement mais aussi selon
l’essence; et ainsi le verbe, si on en parle selon l’essence peut кtre la
conception du Fils. — En sens contraire,
le verbe annonce l’espиce conзue ordonnйe а une manifestation et ainsi il
apporte l’origine. Mais on parle de ce qui apporte l’origine en Dieu selon la
personne et non selon l’essence. Donc on ne peut pas parler du verbe selon
l’essence. q. 9 a. 9 arg. 8 Praeterea, Anselmus dicit in Monologio, quod
sicut pater dicit se, ita et filius et spiritus sanctus. Idem autem est patrem
dicere se, quod generare filium, ut ipse ibidem dicit. Ergo filius generat
alium filium; et sic idem quod prius. 8. Anselme dit dans le Monologium
(62), que, de mкme que le Pиre se
dit; le Fils et l’Esprit saint aussi. C’est la mкme chose pour le Pиre de se
dire et d’engendrer le Fils, comme Anselme lui mкme le dit. Donc le Fils
engendre un autre Fils et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 9 a. 9 arg. 9 Praeterea, ex hoc probatur quod Deus generat,
quia generationem aliis tribuit, secundum illud Isai. LXVI, 9: si ego qui
generationem caeteris tribuo, sterilis ero? Dicit dominus. Sicut autem pater
dat generationem, ita et filius, quia indivisa sunt opera Trinitatis, et filius
generat filium. 9. On prouve que Dieu engendre, du fait qu’il accorde la gйnйration а
d’autres, selon cette parole d’Isaпe (65, 9): "Ainsi moi, qui apporte la gйnйration aux autres, serai-je stйrile? dit
le Seigneur." De mкme que le Pиre donne la gйnйration, le Fils aussi
parce que les њuvres de la Trinitй ne sont pas divisйes et le Fils engendre un
fils. q. 9 a. 9 arg. 10 Praeterea, Augustinus dicit in Lib. ad
Orosium, quod pater generat filium natura. Damascenus etiam
dicit, quod generatio est opus naturae. Eadem autem est natura patris et filii.
Ergo sicut pater generat, ita et filius; sunt ergo plures filii in divinis, et
ita plures personae quam tres. 10. Augustin dit (A Orose,
Dialogue sur les 65 quest. ch. 74)
que le Pиre engendre le Fils par nature; Jean Damascиne dit aussi que la
gйnйration est l’њuvre de la nature. La nature du Pиre est identique а celle du
Fils. Donc de mкme que le Pиre engendre, le Fils aussi, donc il y a plusieurs
fils en Dieu et ainsi plus de trois personnes. q. 9 a. 9 arg. 11 Sed dicendum, quod ea ratione non possunt
esse plures filii in divinis, quia non potest ibi esse nisi una filiatio; forma
enim unius speciei non multiplicatur nisi per divisionem materiae, quae nulla
est in divinis.- Sed contra, omnis differentia nata est facere pluralitatem.
Potest autem esse differentia inter duas filiationes, non solum ex materia, sed
etiam ex hoc quod haec filiatio est talis, illa vero talis. Ergo nihil prohibet
plures filiationes ponere in divinis, licet ibi non sit materia. 11. Mais il faut dire qu’il
ne peut pas y avoir plusieurs fils en Dieu, parce qu’il ne peut y avoir qu’une
seule filiation; car la forme d’une espиce n’est multipliйe que par la division
de la matiиre, qui n’existe pas en Dieu. — En
sens contraire, toute diffйrence est destinйe а provoquer la pluralitй.
Mais il peut y avoir une diffйrence entre deux filiations, non seulement par la
matiиre, mais aussi du fait que cette filiation est diffйrente d’une autre.
Donc rien n’empкche de placer plusieurs filiations en Dieu, bien qu’il n’y ait
pas de matiиre. q. 9 a. 9 arg. 12 Praeterea, filius procedit a patre sicut
splendor a sole, secundum illud Hebr., I, 3: cum sit splendor gloriae. Sed
splendor etiam potest alium splendorem producere. Ergo et filius potest alium
filium generare; et sic sequitur quod in divinis sint plures filii, et personae
plures tribus. 12. Le Fils procиde du Pиre comme la splendeur procиde du soleil, selon
ce mot de Hйb. 1, 3: "Puisqu’il est la splendeur de gloire…" Mais la splendeur peut aussi
produire une autre splendeur. Donc le Fils aussi peut engendrer un autre Fils
et ainsi il en dйcoule qu’en Dieu il y a plusieurs fils et plus de trois
personnes. q. 9 a. 9 arg. 13 Praeterea, spiritus sanctus est amor quo
pater diligit filium. Sed etiam spiritum sanctum amat pater. Ergo oportet quod
sit alius spiritus quo pater amat spiritum sanctum; et sic quatuor sunt
personae in divinis. 13. L’Esprit saint est l’amour par lequel le Pиre aime le Fils. Mais il
aime aussi l’Esprit saint. Donc il faut qu’il y ait un autre esprit par lequel
le Pиre aime l’Esprit et ainsi il y a quatre personnes en Dieu. q. 9 a. 9 arg. 14 Praeterea, secundum Dionysium bonum est
communicativum sui. Bonitas autem spiritui sancto appropriatur, sicut potentia
patri et sapientia filio. Ergo propriissime ad spiritum sanctum pertinere
videtur quod naturam divinam alii personae communicet; et sic sunt plures
tribus personis in divinis. 14. Selon Denys (Les Noms divins,
45), le bien se communique. Mais la
bontй est appropriйe а l’Esprit saint, comme la puissance au Pиre et la sagesse
au Fils. Donc il semble convenir tout а fait au sens propre que l’Esprit saint
communique la nature divine а une autre personne et ainsi il y a plus de trois
personnes en Dieu. q. 9 a. 9 arg. 15 Praeterea, secundum philosophum in IV
Meteororum, perfectum unumquodque est, quando potest sibi simile ex se
producere. Spiritus autem sanctus est perfectus Deus. Ergo potest aliam divinam
personam producere; ergo, et cetera. 15. Selon le philosophe (Mйtйores
IV, de l’Вme II, 4, 415 a 25),
chaque chose est parfaite quand elle peut produire du semblable а elle. Mais
l’Esprit saint est un Dieu parfait. Donc il peut produire une autre personne
divine, donc, etc.. q. 9 a. 9 arg. 16 Praeterea, filius a patre divinam naturam non
recipit perfectius quam spiritus sanctus. Recipit autem filius a patre divinam
naturam non solum passive (ut ita dixerim) quasi ab eo genitus, sed etiam
active, quia potest eamdem naturam alii communicare. Ergo et spiritus sanctus
divinam naturam potest alii personae communicare. 16. Le Fils n’a pas reзu du Pиre la nature divine plus parfaitement que
l’Esprit saint, mais il a reзu du Pиre la nature divine non seulement de faзon
passive (pour ainsi dire) comme engendrй par lui, mais aussi de faзon active,
parce qu’il peut communiquer cette mкme nature а un autre. Donc l’Esprit saint
peut communiquer la nature divine а une autre personne. q. 9 a. 9 arg. 17 Praeterea, quod est perfectionis in rebus
creatis, oportet Deo attribui. Communicare autem naturam ad perfectionem in
rebus creatis pertinet, licet modus communicandi aliquam imperfectionem habeat,
in quantum talem communicationem consequitur aliqua divisio, vel aliqua
transmutatio generantis. Ergo communicare divinam naturam est perfectionis in
Deo; et ita spiritui sancto est attribuendum. Procedit ergo a spiritu sancto
aliqua divina persona; et sic sequitur quod in divinis sint personae plures
tribus. 17. Ce qui concerne la perfection dans les crйatures, doit кtre
attribuй а Dieu, mais communiquer la nature convient а la perfection, bien que
ce mode de communication ait quelque imperfection, dans la mesure oщ il en
dйcoule une division, ou quelque changement de celui qui engendre. Donc
communiquer la nature divine appartient а la perfection de Dieu; et ainsi il
faut l’attribuer а l’Esprit saint. Donc une personne divine procиde de l’Esprit
saint et il en dйcoule qu’il y a plus de trois personnes en Dieu. q. 9 a. 9 arg. 18 Praeterea, sicut divinitas est quoddam bonum
in patre, ita et paternitas. Ex eo autem quod nullius boni sine consortio
potest esse iucunda possessio, probatur a quibusdam quod sunt plures habentes
divinam naturam. Ergo pari ratione sunt plures patres in divinis; et similiter
plures filii, et plures spiritus sancti; et ita personae plures tribus. 18. De mкme que la divinitй est un bien dans le Pиre, la paternitй aussi.
Du fait qu’une possession agrйable6 ne
peut exister sans partage d’aucun bien, certains prouvent qu’il y a plus de
personnes qui ont la nature divine. Donc а raison йgale, il y a plusieurs pиres
et de mкme plusieurs fils et plusieurs esprits saints. Et ainsi les personnes
sont plus de trois. q. 9 a. 9 arg. 19 Praeterea, filius et spiritus videntur
distingui ab invicem in hoc quod filius procedit a patre per modum intellectus
ut verbum: spiritus sanctus per modum voluntatis ut amor. Sunt autem plura
attributa essentialia quam voluntas et intellectus, ut bonitas, potentia et
huiusmodi. Ergo plures personae procedunt a patre quam filius et spiritus
sanctus. 19. Le Fils et l’Esprit semblent se distinguer entre eux du fait que le
Fils procиde du Pиre par mode d’intellect comme Verbe, l’Esprit saint par mode
de volontй comme amour. Mais il y a plus d’attributs essentiels que la volontй
et l’intellect, comme la bontй, la puissance, etc.. Donc il y a plus de
personnes qui procиdent du Pиre que le Fils et l’Esprit saint. q. 9 a. 9 arg. 20 Praeterea, processio naturae plus videtur
differre a processione intellectus quam processio voluntatis. In rebus autem
creatis processionem intellectus semper concomitatur processio voluntatis, quia
quaecumque aliquid intelligunt, etiam aliquid volunt; processionem autem
naturae non semper concomitatur processio intellectus quia non in omnibus quae
naturaliter generant, intellectus invenitur. Si ergo persona quae procedit per
modum voluntatis ut amor, est alia in divinis a persona quae procedit per modum
intellectus ut verbum, etiam erit persona quae procedit per modum intellectus
ut verbum, alia a persona quae procedit per modum naturae ut filius. Sunt ergo
tres personae procedentes in divinis, et una non procedens; et sic sunt quatuor
personae. 20. La procession de nature paraоt diffйrer davantage de la procession
de l’esprit que de celle de la volontй. Dans les crйatures, la
procession de la volontй est toujours concomitante avec celle de l’esprit,
parce que tout ce qui comprend quelque chose le veut aussi; mais la procession
de l’esprit n’est pas toujours concomitante avec celle de la nature, parce que
ce n’est pas dans tout ce qui engendre naturellement qu’on trouve l’esprit.
Donc si la personne qui procиde par mode de volontй comme amour, est autre en
Dieu que la personne qui procиde par mode d’intellect, comme verbe, la personne
qui procиde de l'esprit comme verbe sera autre que celle qui procиde par nature
comme fils. Donc il y a trois personnes qui procиdent en Dieu et une qui ne
procиde pas et ainsi il y a quatre personnes. q. 9 a. 9 arg. 21 Praeterea, personae multiplicantur in divinis
propter relationes, quae subsistunt. Ponuntur autem in divinis quinque
relativae notiones, scilicet paternitas, filiatio, processio, innascibilitas,
et communis spiratio. Sunt ergo quinque personae in divinis. 21. Les personnes sont multipliйes en Dieu en raison des relations qui
subsistent. Mais on place en lui cinq notions relatives, а savoir: la
paternitй, la filiation, la procession, l’innascibilitй et la spiration
commune. Donc il y a cinq personnes. q. 9 a. 9 arg. 22 Praeterea, relationes quae ab aeterno de Deo
dicuntur, non sunt in creaturis, sed in Deo. Quidquid autem est in Deo, est
subsistens, cum in Deo non sit aliquod accidens. Omnes ergo relationes quae ab
aeterno Deo conveniunt, sunt subsistentes, et per consequens sunt personae.
Tales autem sunt infinitae; nam ideae rerum creatarum ab aeterno sunt in Deo,
quae non distinguuntur ab invicem nisi per respectus ad creaturas. Sunt ergo
infinitae personae in divinis. 22. Les relations qu’on dit йternelles en Dieu n’existent pas dans les
crйatures, mais en lui. Tout ce qui est en lui est subsistant puisqu’il n’y a
en lui aucun accident. Donc toutes les relations, qui conviennent йternellement
а Dieu, sont subsistantes et par consйquent sont des personnes. De telles
relations sont infinies, car les idйes des crйatures sont йternellement en Dieu;
elles ne sont distinguйes entre elles que par des rapports aux crйatures. Donc
les personnes sont en Dieu а l’infini. q. 9 a. 9 arg. 23 Sed contra, videtur quod sint pauciores
tribus. 23. En sens contraire: il semble qu’elles sont moins de trois. In una enim natura non est nisi unus modus communicationis
illius naturae; unde, secundum Commentatorem, animalia quae generantur ex
semine, non sunt unius speciei cum animalibus ex putrefactione generatis. Divina autem natura
est maxime una. Ergo non potest communicare nisi uno modo. Sic ergo non possunt
esse nisi duae personae, una divinitatem communicans per aliquem modum, et
persona per illum modum divinitatem recipiens. Car dans une seule nature il n'y a qu’un mode de communication; c’est
pourquoi, selon le Commentateur (Physique VIII), les animaux qui sont
engendrйs par semence ne sont pas de la mкme espиce que les animaux engendrйs
par putrйfaction. Mais la nature divine est tout а fait une. Donc elle ne peut
communiquer que d’une seule maniиre. Donc ainsi il ne peut y avoir que deux
personnes, une qui communique la divinitй d’une maniиre et la personne qui la
reзoit de cette maniиre. q. 9 a. 9 arg. 24 Praeterea, Hilarius, ostendit filium
naturaliter a patre procedere, quia talis existit qualis Deus est; creaturas
vero a Deo procedere voluntarie, quia tales sunt quales eas voluit Deus esse,
non qualis est Deus. Sed spiritus sanctus, sicut et filius, talis est qualis
est Deus pater. Ergo spiritus sanctus procedit naturaliter a patre, sicut et
filius. Non ergo est distinctio inter spiritum sanctum et filium ex eo quod filius
procedit per modum naturae non autem spiritus sanctus. 24. Hilaire (Les Synodes7) montre que le Fils procиde naturellement du
Pиre, parce qu’il existe tel que Dieu est; mais les crйatures procиdent de Dieu
volontairement, parce qu’elles sont telles qu’il les a voulues, non telles que
Dieu. Mais l’Esprit saint comme le Fils aussi est tel que Dieu le Pиre. Donc
l’Esprit saint procиde naturellement du Pиre comme le Fils. Il n’y a donc pas
de distinction entre l’Esprit saint et le Fils du fait que celui-ci procиde par
mode de nature mais pas l’Esprit saint. q. 9 a. 9 arg. 25 Praeterea, natura voluntatis et intellectus
non differunt in Deo nisi secundum rationem tantum. Ergo processio per modum
naturae et intellectus et voluntatis non differunt in Deo nisi ratione tantum.
Si ergo per hoc distinguuntur filius et spiritus sanctus, quod unus procedit
per modum naturae vel intellectus, et alius per modum voluntatis, non erunt
distincti nisi secundum rationem. Ergo non erunt duae personae, cum pluralitas
personarum, rerum pluralitatem importet. 25. La nature de la volontй et celle de l’intellect en Dieu ne sont
diffйrentes qu’en raison seulement. Donc la procession par mode de nature,
celle par mode d’intellect et celle par mode de volontй ne diffиrent qu’en
raison seulement. Si donc le Fils et l’Esprit saint sont distinguйs, parce que
l’un procиde par mode de nature ou d’intellect, l’autre par mode de volontй,
ils ne sont diffйrents qu’en raison. Donc il n’y aura que deux personnes, puisque
la pluralitй des personnes apporte la pluralitй des rйalitйs. q. 9 a. 9 arg. 26 Praeterea, personae in divinis distinguuntur
solum secundum relationes originis. Ad designandam autem originem sufficiunt
duae relationes, scilicet a quo alius, et qui ab alio. Ergo in divinis non sunt
nisi duae personae. 26. Les personnes en Dieu se distinguent seulement selon les relations
d’origine. Pour dйsigner l’origine, il suffit de deux relations, а savoir "celui
par qui il est autre" et "celui qui est d’un autre8". Donc en Dieu il n’y a que deux
personnes. q. 9 a. 9 arg. 27 Praeterea, omnis relatio exigit duo extrema.
Sicut ergo in divinis personae non distinguuntur nisi secundum relationem: ita
oportet quod sint in divinis vel duae relationes, et sic erunt quatuor personae;
vel una relatio tantum, et sic erunt solum duae personae. 27. Toute relation exige deux extrкmes. Donc de mкme qu’en Dieu les
personnes ne sont distinguйes que par la relation, il faut qu’il y ait en lui
ou bien deux relations et ainsi il y aura quatre personnes, ou bien une seule
et il y aura seulement deux personnes. En sens contraire: q. 9 a. 9 s. c. 1
Sed contra, videtur quod sint tantum tres personae in divinis, per hoc quod
dicitur I Ioan. V, 7: tres sunt qui testimonium dant in caelo. Interrogantibus
autem quid tres, respondit Ecclesia, quod tres personae, ut dicit Augustinus.
Ergo in divinis sunt tres personae. # 1.Il semble qu’il n’y a que trois personnes en Dieu. Par le fait
qu’il est dit en I Jn 5, 7: "Ils sont trois qui portent tйmoignages dans le ciel9.". Mais а ceux qui demandent qui sont
ces trois, l’Йglise rйpond: trois personnes, comme le dit Augustin (La Trinitй, VII, 4). Donc en Dieu il y a
trois personnes. q. 9 a. 9 s. c. 2 Praeterea, ad perfectionem divinae bonitatis,
felicitatis et gloriae requiritur, quod sit in Deo vera et perfecta caritas;
nihil enim est caritate melius, nihil caritate perfectius, ut dicit Richardus
in III de Trinitate. Felicitas autem absque iucunditate non est, quae maxime
per caritatem habetur. Ut enim in eodem libro dicitur, nihil caritate dulcius,
nihil caritate iucundius, caritatis deliciis rationalis vita nihil dulcius
experitur, nulla delectatione delectabilius fruitur. Perfectio etiam gloriae in
quadam magnificentia perfectae communicationis consistit, quam caritas facit.
Vera autem et perfecta caritas requirit in divinis ternarium numerum
personarum. Amor enim quo aliquis se tantum diligit, est amor privatus, et non
caritas vera. Alium autem summe Deus diligere non potest qui non sit summe
diligibilis; nec summe diligibilis est, nisi sit summe bonus. Unde patet quod
vera caritas in Deo summa esse non potest si sit ibi tantum una persona; nec
etiam perfecta, si sint duae tantum: quia ad perfectionem caritatis requiritur
quod amans velit id quod ab eo amatur, etiam aeque ab alio diligi. Indicium
namque magnae infirmitatis est non posse pati consortium amoris; posse vero
pati, signum magnae perfectionis. Magis gratanter suscipere, maximo est
desiderio requirere, ut dicit Richardus in eodem Lib. Oportet ergo, si sit in
Deo perfectio bonitatis, felicitatis et gloriae, quod sit in divinis ternarius
personarum numerus. #2. Pour la perfection de la divine bontй, de son bonheur et de sa
gloire, il est requis qu’il y ait en Dieu une charitй vraie et parfaite, car
rien n’est meilleur, rien de plus parfait que la charitй comme le dit Richard (La Trinitй, III, 2). Mais le bonheur
n’existe pas sans la joie; qui est surtout possйdйe par la charitй. En effet,
comme il est dit dans le mкme livre ( ch. 5):"Rien n’est plus doux que la charitй, rien de plus joyeux. La vie
raisonnable n’йprouve rien de plus doux que les dйlices de la charitй, ne jouit
plus agrйablement d’aucun plaisir".
Mais la perfection de la gloire consiste dans une certaine magnificence de
la communication parfaite qu’opиre la charitй. Mais la charitй vraie et
parfaite requiert en Dieu le nombre de trois personnes. Car l’amour par lequel
quelqu’un s’aime seulement est un amour privй, et non une charitй vraie. Dieu
ne peut pas aimer un autre absolument qui ne soit pas absolument digne d’amour;
et il n’est pas absolument digne d’amour s’il n’est pas suprкmement bon. C’est
pourquoi il est clair que la vraie charitй en Dieu ne peut pas кtre parfaite, s’il n’y a qu’une personne seulement, et
elle n’est pas parfaite, s’il y a deux
personnes seulement, parce que pour la perfection de la charitй il est
requis que celui qui aime veuille ce que l’autre aime, et aussi кtre aimй
йgalement par un autre. Car c’est une marque de grande faiblesse de ne pas
pouvoir supporter l’accord de l’amour; mais pouvoir supporter est le signe
d’une grande perfection. "Recevoir
avec plus de reconnaissance c’est rechercher avec un trиs grand dйsir"
comme le dit Richard dans le mкme livre. Il faut donc, s’il y a en Dieu la
perfection de la bontй, du bonheur et de la gloire qu’il y ait en Dieu le
nombre de trois personnes. q. 9 a. 9 s. c. 3 Praeterea, cum bonum sit communicativum sui,
perfectio divinae bonitatis requirit quod Deus summe sua communicet. Si autem
esset tantum una persona in divinis, non summe communicaret suam bonitatem:
creaturis enim non summe se communicat; si vero essent solum duae personae, non
communicarentur perfecte deliciae mutuae caritatis. Oportet ergo esse secundam
personam, cui perfecte communicetur divina bonitas, et tertiam cui perfecte
communicentur divinae caritatis deliciae. # 3. Comme le bien se communique, la perfection de la divine bontй
requiert que Dieu communique au plus haut point ce qui est а lui10. Mais s’il n’y avait seulement qu’une
personne en Dieu, il ne communiquerait pas sa bontй au plus haut point; car il
ne se communique pas au plus haut point aux crйatures; mais s’il n’y avait que
deux personnes, les dйlices mutuelles de la charitй ne seraient pas
parfaitement communiquйs. Il faut donc qu’il y ait une seconde personne а qui
la bontй divine est communiquйe parfaitement et une troisiиme а qui sont
communiquйs parfaitement les dйlices de la charitй divine. q. 9 a. 9 s. c. 4 Praeterea, ad amorem tria requiruntur,
scilicet amans, id quod amatur, et ipse amor, ut Augustinus dicit in VIII de
Trinitate. Duo autem mutuo se amantes, sunt pater et filius; amor autem qui est
eorum nexus est spiritus sanctus. Sunt ergo tres personae in divinis. 4. Trois choses sont requises pour l’amour, а savoir celui qui aime, ce
qui est aimй et l’amour mкme; comme Augustin le dit (La Trinitй, VIII, livre IX, 1 et 2). Les deux qui s’aiment
mutuellement sont le Pиre et le Fils; mais l’amour qui est leur lien est
l’Esprit saint. Donc il y a trois personnes en Dieu. q. 9 a. 9 s. c. 5 Praeterea, sicut Richardus dicit, in V de
Trinitate, in rebus humanis videbis quod persona de personis procedit tribus
modis: quandoque immediate tantum, sicut Eva de Adam; quandoque mediate tantum,
sicut Enoch de Adam; quandoque immediate et mediate simul, sicut Seth de Adam;
immediate in quantum eius filius fuit, mediate vero in quantum fuit filius Evae
quae ab Adam processit. In divinis autem non potest procedere persona de
persona mediate tantum, quia non esset ibi summa germanitas. Relinquitur ergo
quod in divinis sit una persona quae non procedit ab alia, scilicet persona
patris, a qua procedunt aliae personae; una immediate tantum, scilicet filius;
alia mediate simul et immediate, scilicet spiritus sanctus, qui ex patre
filioque procedit. Ergo est personarum ternarius in divinis. 5. Comme Richard le dit (La
Trinitй, V, 6) chez les hommes, on verra que la personne procиde de la
personne par trois moyens: quelquefois sans intermйdiaire, seulement, comme Иve
d’Adam, quelquefois avec intermйdiaire seulement, comme Йnoch а partir d’Adam;
quelquefois avec et sans intermйdiaire, en mкme temps, comme Seth d’Adam; sans
intermйdiaire en tant qu’il fut son fils, avec intermйdiaire seulement en tant
qu’il fut le fils d’Иve qui a procйdй d'Adam. Mais en Dieu la personne ne peut
pas procйder avec intermйdiaire parce qu’il n’y aurait pas une communautй
d’origine parfaite. Il reste donc qu’il y a une personne, qui ne procиde pas
d’une autre, а savoir celle du Pиre, de laquelle procиdent les autres, une
seulement sans intermйdiaire а savoir le Fils, l’autre avec ou sans
intermйdiaire en mкme temps, а savoir l’Esprit saint, qui procиde du Pиre et du
Fils. Donc il y a trois personnes en Dieu. q. 9 a. 9 s. c. 6 Praeterea, inter dare plenitudinem
divinitatis et non accipere, et accipere et non dare, medium est dare et
accipere. Dare autem plenitudinem divinitatis et non accipere, pertinet ad
personam patris; accipere vero et non dare, pertinet ad personam spiritus
sancti. Oportet ergo esse tertiam personam, quae plenitudinem divinitatis et
det et accipiat; et haec est persona filii. Sunt ergo tres personae in divinis. 6. Entre donner la plйnitude de la divinitй et ne pas recevoir et entre
recevoir et ne pas donner, l’intermйdiaire est donner et recevoir. Mais donner
la plйnitude de la divinitй et ne pas la recevoir convient а la personne du
Pиre, recevoir et ne pas donner convient а la personne de l’Esprit saint. Il faut
donc qu’il y ait une troisiиme personne qui donne et reзoit la plйnitude de la
divinitй et cette personne c’est celle du Fils. il y a donc trois personnes en
Dieu. Rйponse: q. 9 a. 9 co.
Respondeo. Dicendum quod, secundum positionem haereticorum, nullo modo potest
poni certus personarum numerus in divinis. Selon l’opinion des hйrйtiques, on ne peut en aucune maniиre poser un
nombre certain de personnes en Dieu. Intellexit enim Arius personarum Trinitatem hoc modo, quod
filius et spiritus sanctus essent quaedam creaturae; quod etiam Macedonius de
spiritu sancto sensit. Processio autem creaturarum a Deo non de necessitate
certo numero terminatur, cum divina virtus ex sua infinitate hoc habeat quod
omnem creaturae modum, speciem et numerum excedat. Unde si Deus pater
omnipotens creavit duas excellentissimas creaturas, quas Arius dicit filium et
spiritum sanctum, non est remotum quin alias aequales vel etiam maiores creare
poterit. Car Arius11,
a compris la Trinitй des personnes de telle maniиre que le Fils et l’Esprit
saint seraient des crйatures. Ce que Macйdonius12 a pensй de l’Esprit saint. Mais la
procession des crйatures de Dieu ne se termine pas nйcessairement а un certain
nombre, puisque le pouvoir divin par son infinitй dйpasse tout mode de
crйature, toute espиce et nombre. C’est pourquoi, si Dieu, le Pиre
tout-puissant, a crйй deux super crйatures, qu’Arius appelle le Fils et
l’Esprit saint, il n’est pas exclus qu’il ait pu en crйer d’autres, йgales ou
mкme plus grandes. Sabellius autem posuit quod pater et filius et spiritus
sanctus non distinguuntur nisi nomine et ratione; quae etiam patet in infinitum
posse multiplicari, secundum quod ratio nostra infinitis modis de Deo cogitare
potest ex variis effectibus, et eum diversimode nominare. Sabellius13 aussi a pensй que le Pиre, le Fils et
l’Esprit saint ne se distinguent que par le nom et la nature; ce qui paraоt
pouvoir кtre multipliй а l’infini selon que notre raison peut penser а propos
de Dieu par des modes infinis, par des effets variйes et donner des noms
divers. Sola autem Catholica fides, quae ponit unitatem divinae
naturae in personis realiter distinctis, ternarii numeri potest rationem in divinis
assignare. Impossibile enim est quod una natura simplex sit nisi in uno sicut
in principio. Unde Hilarius dicit, quod qui confitetur in divinis duos
innascibiles, confitetur duos deos; unum enim Deum praedicari natura unius
innascibilis Dei exigit. Mais seule la foi catholique,
qui pose l’unitй de la nature divine dans des personnes rйellement distinctes
peut donner la raison du nombre trois en Dieu. Car il est impossible qu’une
nature simple existe sinon dans une seule rйalitй, comme en son principe. C’est
pourquoi Hilaire (Les Synodes14) dit que celui qui confesse en Dieu deux
[personnes] incrййes confessent deux dieux; car la nature d’un Dieu incrйй
exige d’attribuer un seul Dieu. Unde et quidam philosophi dixerunt, quod in rebus quae sunt
sine materia non potest esse pluralitas nisi secundum originem. Una enim natura
potest in pluribus esse ex aequo propter materiae divisionem, quae in Deo locum
non habet. C’est pourquoi certains
philosophes ont dit que, dans les кtres immatйriels, il ne peut y avoir de
pluralitйs que selon l’origine. Car une seule nature peut кtre en plusieurs а
йgalitй а cause de la division de la matiиre; ce qui n’a pas de place en Dieu. Unde impossibile est ponere in divinis nisi unam personam
innascibilem quae ab alio non procedat. Si autem ab eo aliae personae
procedant, oportet quod hoc sit per aliquam actionem. Non autem per actionem
transeuntem in id quod est extra agentem, sicut calefacere vel secare sunt
actiones ignis et serrae, et creatio ipsius Dei; quia sic personae procedentes
essent extra naturam divinam. A partir de lа, il n’est possible de poser en Dieu qu’une seule
personne incrййe qui ne procиde pas d’une autre. Mais si d’autres personnes
procиdent de lui, il faut que cela soit par une action. Mais pas par une action
transitive hors de l’agent, comme rйchauffer ou couper sont les actions du feu
et de la scie et la crйation, de Dieu lui-mкme; parce qu’ainsi les personnes
procйderaient hors de la nature divine. Relinquitur ergo quod processio personarum in unam naturam
divinam non sit nisi secundum operationes quae non transeunt extra, sed manent
in operante. Hae autem in natura intellectuali sunt solum duae, scilicet
intelligere et velle. Secundum autem utramque earum invenitur aliquid procedens
cum hae operationes perficiuntur. Ipsum enim intelligere non perficitur nisi
aliquid in mente intelligentis concipiatur, quod dicitur verbum; non enim
dicimur intelligere, sed cogitare ad intelligendum, antequam conceptio aliqua
in mente nostra stabiliatur. Similiter etiam ipsum velle perficitur amore ab
amante per voluntatem procedente, cum amor nihil sit aliud quam stabilimentum
voluntatis in bono volito. Il reste donc que la procession des personnes dans une seule
nature divine n’est que selon les opйrations qui ne passent pas а l’extйrieur,
mais demeurent dans celui qui opиre. Mais celles-ci, dans une nature
intellectuelle, ne sont que deux, l’intellection et le vouloir. Selon l’une et
l’autre on trouve quelque chose qui procиde quand ces opйrations
s’accomplissent. Car l’intellection n’est achevйe que si quelque chose est
conзu dans l’esprit de celui qui pense; ce qui est appelй le verbe; car on ne dit pas qu’on comprend mais qu’on pense pour
comprendre avant qu’une conception s’йtablisse dans notre esprit. De mкme aussi
le vouloir est achevй par l’amour de
celui qui aime et procиde par volontй, puisque l’amour n’est rien d’autre que
le soutien de la volontй dans le bien qui est voulu. Verbum autem et amor in creatura quidem non sunt personae
subsistentes in natura intelligente et volente. Intelligere enim et velle
creaturae non est esse eius. Unde verbum et amor sunt quaedam supervenientia
creaturae intelligenti et volenti, sicut accidentia quaedam. Cum autem in Deo
idem sit esse, intelligere et velle, necessarium est quod verbum et amor in Deo
non accidant, sed subsistant in natura divina. Non autem est in Deo nisi unum
simplex intelligere et unum simplex velle, quia intelligendo essentiam suam,
intelligit omnia; et volendo bonitatem suam, vult omnia quae vult. Non est ergo
nisi unum verbum et unus amor in divinis. Mais le verbe et l’amour dans la crйature ne sont pas des personnes
subsistantes dans une nature intellectuelle et volontaire. Car l’intellection
et le vouloir de la crйature ne sont pas son кtre. C’est pourquoi le verbe et
l’amour s’ajoutent а la crйature qui pense et qui veut, comme des accidents.
Mais comme en Dieu l’кtre, l’intellection et le vouloir sont identiques, il est
nйcessaires que le verbe et l’amour n’arrivent pas en lui comme des accidents,
mais subsistent dans sa nature. Il n’y a en lui qu’une intellection une et
simple et un vouloir un et simple, parce qu’en pensant son essence, il pense
tout; et en voulant sa bontй, il veut tout ce qu’il veut. Donc, il n’y a qu’un
verbe et un amour en Dieu. Ordo autem intelligendi et volendi aliter se habet in Deo et
nobis. Nos enim cognitionem intellectivam a rebus exterioribus accipimus; per
voluntatem vero nostram in aliquid exterius tendimus tamquam in finem. Et ideo
intelligere nostrum est secundum motum a rebus in animam; velle vero secundum
motum ab anima ad res. Deus autem non accipit scientiam a rebus, sed per
scientiam suam causat res; nec per voluntatem suam tendit in aliquid exterius
sicut in finem, sed omnia exteriora ordinat in se sicut in finem. Est ergo tam
in nobis quam in Deo circulatio quaedam in operibus intellectus et voluntatis;
nam voluntas redit in id a quo fuit principium intelligendi: sed in nobis
concluditur circulus ad id quod est extra, dum bonum exterius movet intellectum
nostrum, et intellectus movet voluntatem, et voluntas tendit per appetitum et
amorem in exterius bonum; sed in Deo iste circulus clauditur in se ipso. Nam
Deus intelligendo se, concipit verbum suum, quod est etiam ratio omnium
intellectorum per ipsum, propter hoc quod omnia intelligit intelligendo seipsum:
et ex hoc verbo procedit in amorem omnium et sui ipsius. Unde dixit quidam,
quod monas monadem genuit, et in se suum
reflectit ardorem. Postquam vero circulus conclusus est, nihil ultra addi
potest; et ideo non potest sequi tertia processio in natura divina, sed
sequitur ulterius processio in exteriorem naturam. Mais l’ordre de l’intellection et du vouloir se comporte diffйremment
en Dieu et en nous; car nous recevons la connaissance intellectuelle de
l’extйrieur; par notre volontй nous tendons а quelque chose d’extйrieur comme а
une fin. Et c’est pourquoi notre intellection est selon le mouvement de la
rйalitй [qui arrive] dans l’вme, mais le vouloir selon le mouvement de l’вme
vers la rйalitй. Mais Dieu ne reзoit pas sa science des choses, mais il les
cause par elle, et par sa volontй il ne tend pas а quelque chose d’extйrieur
comme а une fin, mais il ordonne а lui tout ce qui est extйrieur comme а sa fin;
c’est donc tant en nous qu’en Dieu un mouvement circulaire dans les opйrations
de l’esprit et de la volontй; car la volontй revient а ce d’oщ est venu le
principe de l’intellection; mais en nous le cercle se limite а ce qui est
extйrieur, pendant que le bien extйrieur meut notre esprit et celui-ci meut la
volontй et cette derniиre tend par appйtit et amour au bien extйrieur; mais en
Dieu ce cercle se ferme sur lui-mкme. Car Dieu, en se pensant, conзoit son
verbe, qui est aussi la raison de toutes les intellections par lui, parce qu’il
pense tout en se pensant lui-mкme. Et par ce verbe, il procиde dans l’amour de
tout et de lui-mкme. C’est pourquoi quelqu’un a dit (Mercure ou Hermиs Trimйgiste) que "la monade a engendrй la monade et rйflйchit en elle son ardeur".
Mais une fois le cercle fermй, rien d’autre ne peut кtre ajoutй, et c’est
pourquoi il ne peut pas dйcouler une troisiиme procession dans la nature
divine, mais il en dйcoule une en plus dans la nature extйrieure. Sic ergo oportet quod in divinis sit una tantum persona non
procedens, et duae solae personae procedentes; quarum una persona procedit ut
amor, et alia ut verbum; et sic est personarum ternarius numerus in divinis. Ainsi donc il faut qu’en Dieu il y ait une seule
personne qui ne procиde pas, deux personnes seulement qui procиdent. L’une
d’elles procиde comme amour et l’autre comme verbe; et ainsi le nombre des
personnes en Dieu est de trois. Cuius quidem ternarii similitudo in creaturis apparet
tripliciter: primo quidem sicut effectus repraesentat causam; et hoc modo
principium totius divinitatis, scilicet pater, repraesentatur per id quod est
primum in creatura, scilicet per hoc quod est in se una subsistens; verbum vero
per formam cuiuslibet creaturae: nam in his quae ab intelligente aguntur, forma
effectus a conceptione intelligentis derivatur; amor vero in ordine creaturae.
Nam ex eo quod Deus amat seipsum, omnia ordine quodam in se convertit; et ideo
haec similitudo dicitur vestigii, quod repraesentat pedem sicut effectus
causam. La ressemblance de ce nombre trois apparaоt de trois maniиres dans les
crйatures: a) Comme l’effet reprйsente la
cause, et de cette maniиre, le principe de toute la divinitй, а savoir le
Pиre est reprйsentй par ce qui est premier dans la crйature, c'est-а-dire par
ce qui est en soi une seule rйalitй subsistante; mais le verbe est reprйsentй
par la forme de n’importe quelle crйature; car en ce qui est agi par celui qui
pense, la forme de l’effet est dйrivйe de sa conception; mais l’amour est dans
l’ordre de la crйature. Car du fait que Dieu s’aime lui-mкme, il tourne tout
vers lui par un ordre, et c’est pourquoi cette ressemblance est appelйe
vestige, qui reprйsente le pied comme l’effet [reprйsente] la cause. Alio modo secundum eamdem rationem operationis; et sic
repraesentatur in creatura rationali tantum, quae potest se intelligere et
amare, sicut et Deus, et sic verbum et amorem sui producere, et haec dicitur
similitudo naturalis imaginis; ea enim imaginem aliorum gerunt quae similem
speciem praeferunt. b) D’une autre maniиre selon la
mкme nature d’opйration; et ainsi est reprйsentй dans la crйature
raisonnable seulement, ce qui peut se comprendre et aimer, comme Dieu aussi et
ainsi produire le verbe et son amour et cela est appelй la ressemblance de
l’image naturelle; car ce qui rйvиle une espиce semblable porte l’image des
autres. Tertio modo per unitatem obiecti, in quantum creatura
rationalis intelligit et amat Deum; et haec est quaedam unionis conformitas,
quae in solis sanctis invenitur qui idem intelligunt et amant quod Deus. c) Troisiиme maniиre par l’unitй
de l’objet, en tant que la crйature raisonnable pense et aime Dieu et c’est
une certaine conformitй de l’union qui se trouve dans les seuls saints qui
pensent et aiment la mкme chose que Dieu. De prima quidem similitudine dicitur Iob XI, 7: forsitan vestigia Dei
comprehendes? De secunda Genes. I, 26:
faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram; et dicitur imago
creationis. De tertia II Cor. III, 18:
nos enim omnes revelata facie gloriam
domini speculantes, in eamdem imaginem transformamur; et haec dicitur imago
recreationis. De la premiиre ressemblance, il est dit en Job (7, 117): "Peut-кtre
comprendras-tu les vestiges de Dieu". De la seconde, il est dit dans
la Genиse (1, 26) dit: "Faisons l’homme а notre image et а notre ressemblance",
et on l’appelle l’image de la crйation; de la troisiиme, en 2 Co. 3, 18, il est dit:"Car
nous tous, а visage dйcouvert, contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes
transformйs en cette mкme image". Et celle-ci est appelйe l’image de
la recrйation. Solutions: q. 9 a. 9 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod ideo dicit
Augustinus quod non est dicendum quod filius non potuit generare, sed non
oportuit: quia non ex impotentia filii est quod non generat, ut hoc quod dicit
non potuit sumatur privative, et non simpliciter negative; per hoc autem quod
dicit quod non oportuit, significat quod sequeretur inconveniens, si in divinis
filius alium filium generaret. Quod quidem inconveniens ex quatuor potest
considerari: primo quidem quia cum filius in divinis procedat ut verbum,
si filius filium generaret, sequeretur quod in Deo verbum ex verbo procederet,
quod quidem esse non potest nisi in intellectu inquisitivo et discursivo in quo
verbum ex verbo procedit, dum ex consideratione unius veritatis in alterius
veritatis considerationem procedit; quod nullo modo convenit perfectioni et
simplicitati intellectus divini, qui uno intuitu omnia simul videt. # 1. Augustin йcrit qu’il ne faut pas dire que le Fils n’a pas pu
engendrer, mais il ne l’a pas fallu: parce que ce n’est pas par impuissance que
le Fils n’engendre pas; ce que dit il n’a pas pu est pris de faзon
privative, et non absolument nйgative; et par le fait qu’il dit qu’il ne l’a pas fallu, il signifie
qu’il en dйcoulerait un inconvйnient si le Fils en engendrait un autre; cet
inconvйnient peut-кtre considйrй а quatre points de vue: a) Parce que, si le Fils procйdant en Dieu, comme Verbe, engendrait un
fils, il en dйcoulerait qu’en Dieu le verbe procйderait du Verbe, ce qui ne
peut кtre que dans un esprit discursif en recherche, dans lequel le verbe
procиde du verbe, pendant qu’il passe de la considйration d’une vйritй а une
autre; ce qui ne convient en aucune maniиre а la perfection et а la simplicitй
de l’intellect divin, qui voit tout en mкme temps en un seul regard. Secundo, quia illud per quod aliquid individuatur et
incommunicabile efficitur, impossibile est pluribus esse commune. Id enim per
quod Socrates est hoc aliquid, nec intelligi potest pluribus inesse. Unde si
filiatio in divinis pluribus conveniret, non esset filiatio constituens
incommunicabilem filii personam; et ita oporteret quod filius individua persona
constitueretur per aliquid absolutum, quod essentiae divinae unitati non
convenit. b) Parce qu’il est impossible que ce par quoi une chose est individuйe
et devient incommunicable, soit commune а plusieurs. Car, on ne peut pas
comprendre que ce par quoi Socrate est une rйalitй soit en plusieurs. C’est
pourquoi, si la filiation en Dieu convenait а plusieurs, il n’y aurait pas la
filiation qui constitue la personne incommunicable du Fils et ainsi il faudrait
que le Fils, personne individuelle, soit constituй par quelque chose d’absolu,
ce qui ne convient pas а l’unitй de l’essence divine. Tertio, quia nihil unum secundum speciem existens, potest
secundum numerum multiplicari nisi ratione materiae; et hac ratione in divinis
non potest esse nisi una essentia, quia divina essentia est immaterialis
omnino. Si autem essent plures filii in divinis, oporteret etiam esse
filiationes plures; et ita oporteret eas secundum materiam subiectam
multiplicari; quod divinae immaterialitati non convenit. c) Parce que rien d’une unique espиce ne peut кtre multipliй en nombre
que par la matiиre; et pour cette raison, il ne peut y avoir en Dieu qu’une
seule essence, parce que l’essence divine est tout а fait immatйrielle. S’il y
avait plusieurs fils en Dieu, il faudrait qu’il y ait aussi plusieurs
filiations, et ainsi il faudrait qu’elles soient multipliйes selon une matiиre
sujette; ce qui ne convient pas а l’immatйrialitй de Dieu. Quarto, quia filius dicitur aliquis ex hoc quod naturaliter
procedit; natura autem ad unum se habet determinate, nisi per accidens ex
aliquo naturaliter plura proveniant propter materiae divisionem; et ideo ubi
est omnino immaterialis natura, oportet solum filium unum esse. d) Parce que le Fils est appelй quelqu’un15
du fait qu’il procиde naturellement; mais la nature ne se comporte pas de
maniиre dйterminйe vis-а-vis de l’un а moins que par accident plusieurs
proviennent naturellement de quelqu’un а cause de la division de la matiиre et
c’est pourquoi oщ la nature est tout а fait immatйrielle, il faut qu’il n’y ait
qu’un seul fils. q. 9 a. 9 ad 2 Ad secundum dicendum, quod dupliciter aliquid
potest esse naturae alicuius: uno modo secundum quod absolute consideratur; et
sic oportet ut quae ad aliquam naturam pertinent, conveniant omnibus suppositis
in natura illius; et sic convenit naturae divinae esse omnipotentem, creatorem,
et alia huiusmodi, quae sunt communia tribus personis. Alio modo pertinet
aliquod ad naturam secundum quod consideratur in aliquo uno supposito; et sic
non oportet quod id quod convenit naturae, conveniat cuilibet supposito illius
naturae: sicut enim natura generis habet aliquid in una specie quod alteri
speciei non convenit,- quemadmodum ad naturam sensitivam consequuntur quaedam
in homine, non autem in animalibus brutis, ut habere excellentissimum tactum et
reminisci, et alia huiusmodi,- ita etiam aliquid pertinet ad naturam speciei prout
est in uno individuo, quod non convenit alii individuo eiusdem speciei; sicut
patet quod naturae humanae prout fuit in Adam convenit quod non sit per
generationem naturalem accepta, quod tamen in aliis individuis humanae naturae
non invenitur; et per hunc modum posse generare, consequitur naturam divinam,
prout est in persona patris; quod patet ex hoc quod pater non constituitur
persona incommunicabilis nisi ex ipsa paternitate, quae competit ei secundum
quod est generans; et ideo non sequitur quod filius, licet sit perfectum
suppositum divinae naturae possit generare. # 2. Une chose peut exister d’une certaine nature de deux maniиres: a) Selon qu’on la considиre dans l'absolu; et ainsi il faut que ce qui
convient а une nature, convienne а tous les suppфts dans cette nature; et ainsi
il convient а la nature divine d’кtre un crйateur tout puissant, et autres
qualitйs de ce genre qui sont communes aux trois personnes. b) Une chose convient а la nature, selon ce qu’elle est considйrйe dans
un suppфt unique; et ainsi il ne faut pas que ce qui convient а la nature
convienne а n’importe quel suppфt de cette nature. Car de mкme que la nature du
genre a quelque chose dans une espиce qui ne convient pas а une autre espиce —
de quelque maniиre que certaines йchoient а la nature sensible dans l’homme,
mais pas dans les animaux, comme avoir un toucher excellent, et se souvenir, et
autres choses de ce genre — de mкme aussi une chose convient а la nature de
l’espиce dans la mesure oщ elle est dans un individu, ce qui ne convient pas а
un autre individu de mкme espиce; ainsi il est clair qu’il convient а la nature
humaine, dans la mesure oщ elle a йtй en Adam, de ne pas кtre reзue par une
gйnйration naturelle, ce que cependant on ne trouve pas dans les autres
individus de la nature humaine et pouvoir engendrer de cette maniиre, dйcoule
de la nature divine, dans la mesure oщ elle est dans la personne du Pиre. Ainsi
il est clair que le Pиre n’est constituй comme personne incommunicable que par
sa paternitй, qui lui convient selon qu’il engendre; et c’est pourquoi il n’en
dйcoule pas bien que le Fils soit un parfait suppфt de nature divine, qu’il
puisse engendrer. q. 9 a. 9 ad 3 Ad tertium dicendum quod, licet pater possit
generare, non autem filius, non tamen sequitur quod potentiam aliquam habeat
pater quam non habet filius. Eadem enim potentia est patris et filii, per quam
et pater generat et filius generatur. Nam potentia absolutum quiddam est; et
ideo non distinguitur in divinis, sicut nec bonitas, nec aliquid sic dictum. Generare
vero et generari in divinis non significant aliquid absolutum, sed solam
relationem in divinis. Relationes autem oppositae, in uno et eodem absoluto
communicant in divinis, et ipsum non dividunt; sicut patet quod in patre et
filio est una essentia, unde nec potentia distinguitur in divinis per hoc quod
est ad generare et generari. Non enim etiam in creaturis oportet quod per
quamcumque obiectorum distinctionem potentia distinguatur sed per differentiam
formalem obiectorum, et quae in eodem genere accipiatur; sicut potentia visiva
non distinguitur per hoc quod est videre hominem et videre asinum, quia ista
differentia non est sensibilis in quantum est sensibile; et similiter in
divinis absolutum per relationem non distinguitur. # 3. Il faut dire que, bien que le Pиre puisse engendrer, mais pas le
Fils, il n’en dйcoule cependant pas que le Pиre a une puissance que n’a pas le
Fils. Car la puissance du Pиre et celle du Fils, par laquelle le Pиre engendre
et le Fils est engendrй sont identiques. Car la puissance est quelque chose
d’absolu 16; et c’est pourquoi elle
n’est pas distinguйe en Dieu, ni la bontй non plus, ni ce qu’on appelle ainsi.
Mais engendrer et кtre engendrй en Dieu ne signifient pas quelque chose
d’absolu, mais seulement une relation. Mais les relations opposйes communiquent
dans un seul et mкme absolu et ne le divisent pas; ainsi il est clair que dans
le Pиre et dans le Fils il y a une seule essence. C’est pourquoi la puissance
n’est pas distinguйe par une distinction quelconque des objets, mais par le
fait d’engendrer ou d’кtre engendrй. Car il ne faut pas non plus dans les
crйatures que la puissance soit distinguйe par la diffйrence formelle des
objets et ce qui est reзu en un mкme genre comme la puissance de la vision
n’est pas distinguйe par le fait de voir un homme ou un вne, parce que cette
diffйrence n’est pas sensible en tant telle, et de la mкme maniиre en Dieu
l’absolu n’est pas distinguй par la relation. q. 9 a. 9 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in omni operatione
quae transit ab agente in rem exteriorem, requiritur aliud principium in
agente, per quod est agens, et aliud principium in patiente, per quod est
patiens. In operatione autem quae non transit in rem exteriorem, sed manet in
operante, non requiritur nisi unum operationis principium; sicut ad volendum
requiritur principium ex parte volentis, per quod possit velle. In creaturis
autem est generatio secundum operationem transeuntem in rem exteriorem: unde
oportet quod sit alia potentia activa in generante, et alia passiva in
generato. Sed generatio divina attenditur secundum operationem non quidem in
aliquid exterius transeuntem, sed interius manentem, idest secundum
conceptionem verbi. Unde non oportet quod alia sit potentia activa in patre, et
alia passiva in filio. # 4. En toute opйration qui passe d’un agent dans un objet extйrieur,
il est requis un principe dans l’agent, par lequel il est agent et un autre
principe dans le patient, par lequel il est patient. Mais dans l’opйration qui
ne passe pas а l’extйrieur, mais demeure dans celui qui opиre, il n’est requis
qu’un seul principe d’opйration, ainsi pour vouloir il est requis un principe
de la part de celui qui veut, par lequel il puisse vouloir. Mais, dans les
crйatures, la gйnйration est selon une opйration qui passe а l’extйrieur; c’est
pourquoi il faut qu’il y ait une autre puissance active dans celui qui
engendre, diffйrente de la puissance passive de celui qui est engendrй. Mais la
gйnйration divine ne tend pas par son opйration а quelque chose qui passe а
l’extйrieur, mais а ce qui demeure а l’intйrieur, c'est-а-dire selon la
conception du Verbe. C’est pourquoi il ne faut pas qu'il y ait une puissance
dans le Pиre et une autre puissance passive dans le Fils. q. 9 a. 9 ad 5 Ad quintum dicendum, quod calor et sapor prout
in se considerantur, sunt qualitates quaedam, possunt tamen dici potentiae
secundum quod sunt actuum quorumdam principia; unde patet quod licet radix
prima et remota, quae est subiectum, sit una radix, tamen propinqua, quae est
qualitas, non est una. # 5. La chaleur et la saveur, considйrйes en soi, sont des qualitйs, on
peut cependant les appeler des puissances en tant que principes de certains
actes; c’est pourquoi il est clair que bien que l’origine premiиre et йloignйe
qui est le sujet, soit une seule origine, cependant l’origine proche, qui est
la qualitй, n’est pas unique. q. 9 a. 9 ad 6 Ad sextum dicendum quod, sicut pater est Deus
generans, filius autem est Deus genitus: ita dicendum est quod pater est
sapiens ut concipiens, filius vero sapiens ut verbum conceptum. Filius enim in
eo quod est verbum, est quaedam conceptio sapientis. Sed quia quidquid est in
Deo, est Deus, oportet quod ipsa conceptio sapientis Dei sit Deus, et sapiens,
et potens, et quidquid aliud competit Deo. # 6. De mкme que le Pиre est le Dieu qui engendre, le Fils est le Dieu
engendrй, de mкme il faut dire que le Pиre est sage en tant qu’il conзoit le
Fils sage comme verbe conзu. Car le Fils, en ce qui est le Verbe est une
conception du sage. Mais parce que tout ce qui est en Dieu est Dieu, il faut
que cette conception du Dieu sage soit Dieu, et aussi sage et puissant, et tout
ce qui d’autre convient а Dieu. q. 9 a. 9 ad 7 Ad septimum dicendum, quod verbum in divinis non
potest dici nisi personaliter, si proprie accipiatur. Nulla enim alia origo in
divinis esse potest nisi immaterialis, et quae sit conveniens intellectuali
naturae, qualis est origo verbi et amoris; unde si processio verbi et amoris
non sufficit ad distinctionem personalem insinuandam, nulla poterit esse
personalis distinctio in divinis. Unde et Ioannes tam in principio sui
Evangelii quam in prima canonica sua, nomine verbi pro filio utitur, nec est
aliter loquendum de divinis quam sacra Scriptura loquatur. # 7. On ne peut parler du Verbe en Dieu que personnellement, si on le
prend au sens propre. Car aucune autre origine ne peut кtre en Dieu
qu’immatйrielle et celle qui convient а sa nature intellectuelle, telle qu’est
l’origine du verbe et de l’amour; c’est pourquoi si la procession du verbe et
de l’amour ne suffit pas а introduire la distinction des personnes, il ne
pourra y avoir aucune distinction personnelle en Dieu. C’est pourquoi Jean,
tant au commencement de son Йvangile que dans sa premiиre йpоtre, se sert du
nom de Verbe pour le Fils, et il ne
faut pas parler de Dieu autrement que l’Йcriture sainte en parle. q. 9 a. 9 ad 8 Ad octavum dicendum, quod dicere potest
dupliciter sumi: uno modo proprie secundum quod dicere idem est quod verbum
concipere; et sic dicit Augustinus, quod non
singulus quisque in divinis, sed solus pater est dicens. Alio modo
communiter, prout dicere nihil est aliud quam intelligere; et sic dicit
Anselmus, quod non solum pater est dicens, sed etiam filius et spiritus sanctus;
et tamen licet sint tres dicentes, est unum solum verbum,- quod est filius,-
quia solus filius est conceptio patris intelligentis et concipientis verbum. # 8. Dire peut кtre pris en
deux sens: a) D’une premiиre maniиre, au
sens propre selon que dire est la
mкme chose que concevoir un verbe; et en ce sens Augustin (La Trinitй, VII) dit que "ce
n’est pas chaque personne particuliиre qui dit [parle] en Dieu, mais le Pиre
seul". b) D’une autre maniиre au
sens commun, selon que dire n’est rien d’autre que l’intellection; et ainsi
Anselme dit (loc. cit. dans
l’argument17) que non seulement le
Pиre parle, mais aussi le Fils et l’Esprit saint; et cependant, bien qu’il y en
ait trois qui parlent, il n’y a qu’un seul verbe — qui est le Fils — parce que
seul le Fils est la conception du Pиre qui pense et conзoit le verbe. q. 9 a. 9 ad 9 Ad nonum dicendum, quod non sequitur quod sit
generatio in divinis ex hoc solum quod tribuit generationem aliis sicut causa
effectiva, quia pari ratione sequeretur quod in Deo sit motus, quia tribuit
aliis motum. Sequitur autem quod sit in Deo generatio ex hoc quod tribuit aliis
generationem ut causa effectiva et exemplaris: pater autem est exemplar
generationis ut generans, sed filius ut genitus; unde non oportet quod generet. # 9. Il ne dйcoule pas qu’il y a gйnйration en Dieu du seul fait qu’il
a attribuй la gйnйration а d’autres, comme cause efficiente, parce qu’а raison
йgale, il en dйcoulerait qu’il y a en Dieu du mouvement, parce qu’il en a
attribuй aux autres. Mais il dйcoule qu’il y a en Dieu une gйnйration par le
fait qu’il a attribuй aux autres la gйnйration comme cause efficiente et
exemplaire; le Pиre est l’exemplaire de la gйnйration, en tant qu’il engendre;
et le Fils en tant qu’engendrй; c’est pourquoi il ne faut pas qu’il engendre. q. 9 a. 9 ad 10 Ad decimum dicendum, quod generatio est opus
divinae naturae, prout est in persona patris, ut supra dictum est, unde non
oportet quod conveniat filio. # 10. La gйnйration est l’њuvre de la nature divine, dans la mesure oщ
elle est dans la Personne du Pиre, comme on l’a dit ci-dessus, c’est pourquoi
il ne faut pas que cela convienne au Fils. q. 9 a. 9 ad 11 Ad undecimum dicendum quod, cum filiatio sit
relatio consequens determinatum modum originis,- scilicet quae est per modum naturae,-
impossibile est quod filiatio a filiatione differat differentia formali; nisi
forte secundum differentiam naturarum, quae per generationem communicantur,
sicut potest dici quod alia species filiationis est qua hic homo est filius, et
qua hic equus est filius. In divinis autem non est nisi una natura; unde non
possunt ibi esse plures filiationes formaliter differentes; et patet etiam quod
nec materialiter. Et sic sequitur quod ibi sit tantum una filiatio et unus
filius. # 11. Comme la filiation est une relation qui suit un mode dйterminй
d’origine, — а savoir, qu’elle est par le mode de nature — il est impossible
qu’une filiation diffиre de la filiation par une diffйrence formelle; а moins
que par hasard, ce soit selon la diffйrence des natures, qui sont communiquйes
par gйnйration, comme on peut dire qu’il y a une autre espиce de filiation par
laquelle cet homme est fils et par laquelle ce cheval est fils. En Dieu il n’y
a qu’une seule nature, c’est pourquoi il ne peut pas y avoir plusieurs filiations
formellement diffйrentes; et il est clair aussi que [ce n’est pas possible]
matйriellement non plus. Et ainsi il en dйcoule qu’il y a lа seulement une
filiation et un seul Fils. q. 9 a. 9 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod unus splendor ab
alio splendore procedit, ex eo quod lux diffunditur ad aliud subiectum: et sic
patet quod hoc fit per divisionem materialem, quae non potest esse in divinis. # 12. Une splendeur procиde d’une autre, du fait que la lumiиre est
diffusйe vers un autre sujet, et ainsi il est clair que cela se fait par une
division matйrielle, qui ne peut pas exister en Dieu. q. 9 a. 9 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod unumquodque
amatur in quantum est bonum; unde cum una et eadem sit bonitas patris et filii
et spiritus sancti, eodem amore, qui est spiritus sanctus, pater diligit et
filium et spiritum sanctum, et totam creaturam; sicut eodem verbo, quod est
filius, dicit se et filium et spiritum sanctum, et totam creaturam. # 13. Chaque chose est aimйe en tant qu’elle est bonne. C’est pourquoi,
comme la bontй du Pиre, du Fils et de l’Esprit saint est une et la mкme, par un
mкme amour qui est l’Esprit saint, le Pиre aime le Fils et l’Esprit saint et
toute la crйature, de mкme par un mкme Verbe qui est le Fils, il se dit et dit
aussi le Fils et l’Esprit saint et toute la crйature. q. 9 a. 9 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod bonitas
est id ad quod terminatur operatio viventis, quae manet in operante. Primo enim
intelligitur aliquid ut verum, et sic deinceps desideratur ut bonum; et ibi sistit
et quiescit operatio intranea, sicut in fine. Sed ex hinc incipit processus
operationis ad exteriora, quia ex hoc quod intellectus desiderat et amat
aliquid praeconsideratum ut bonum, incipit exterius operari ad illud. Unde ex
hoc ipso quod bonitas spiritui sancto appropriatur, convenienter accipi potest
quod processio divinarum personarum ultra non porrigitur. Sed quod
sequitur, est processio creaturae, quae est extra naturam divinam. # 14. La bontй est ce а quoi se termine l’opйration du vivant qui demeure
dans celui qui opиre. Car d’abord on comprend quelque chose comme vrai et ainsi
immйdiatement aprиs il est dйsirй comme bien; et lа se tient et s’achиve
l’opйration interne, comme dans sa fin. Mais de lа commence le processus de
l’opйration а l’extйrieur, parce que du fait que l’esprit dйsire et aime, ce
qu’il a considйrй auparavant comme bien, il commence а agir а l’extйrieur vers
ce bien. C’est pourquoi du fait que la bontй est appropriйe а l’Esprit saint,
on peut interprйter comme ce qui convient que la procession des personnes
divines ne s’йtend pas plus loin. Mais il en dйcoule que c’est la procession de
la crйature qui est hors de la nature divine. q. 9 a. 9 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod inter omnes
lineas linea circularis est perfectior, quia non recipit additionem. Unde hoc
ipsum ad perfectionem spiritus sancti pertinet quod sua processione quasi
quemdam circulum divinae originis concludit, ut ultra iam addi non possit,
sicut supra, iam ostensum est. # 15. Parmi toutes les lignes, le cercle est plus parfait parce qu’il
ne reзoit pas d’addition. C’est pourquoi cela convient а la perfection de
l’Esprit saint qu'il se ferme en sa procession comme un cercle d’origine
divine, pour que (rien) ne puisse кtre ajoutй, comme on l’a dйjа montrй ci-dessus
[dans le corps de l’article]. q. 9 a. 9 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod in hoc quod est
accipere vel communicare naturam divinam, non attenditur differentia nisi solum
secundum relationes; quae quidem differentia inaequalitatem perfectionis constituere
non potest, quia, ut dicit Augustinus contra Maximinum, cum quaeritur quis de
quo sit, est quaestio originis, non aequalitatis vel inaequalitatis. # 16. Pour ce qui est recevoir ou communiquer la nature divine, la
diffйrence ne s’йtend seulement que selon les relations. Cette diffйrence ne
peut pas constituer une inйgalitй de perfection, parce que, comme le dit
Augustin (Contre Maximinien III, 18):
"Quand on cherche qui vient de qui,
c’est une question d’origine, non d’йgalitй ou d’inйgalitй." q. 9 a. 9 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod sicut
communicare divinam naturam, est perfectionis de patre in filio, ita perfecte
accipere communicatam est perfectionis in spiritu sancto; et utraque perfectio
non differt secundum quantitatem, sed secundum relationem, quae inaequalitatem
non constituit, ut dictum est. # 17. De mкme que communiquer la nature divine est de la perfection du
Pиre dans le Fils, de mкme recevoir parfaitement la nature communiquйe est de
la perfection de l’Esprit saint et l’une et l’autre perfection ne diffиre pas
en quantitй mais en une relation, qui n’a pas constituй une inйgalitй, comme on
l’a dit. q. 9 a. 9 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod illud per quod
aliqua persona est incommunicabilis, non potest esse multis commune, ut supra
dictum est. Unde habere consortium in illo non
faceret iucunditatem, sed destructionem distinctionis personarum. Unde si
pater in paternitate haberet consortem in divinis, sequeretur confusio
personarum; et eadem ratio est de filiatione et processione. # 18. Ce par quoi une personne n'est pas communicable ne peut кtre
commun а plusieurs, comme on l’a dit ci-dessus. C’est pourquoi la participation
en cela n’apporterait pas la joie, mais la destruction de la distinction des
personnes. C’est pourquoi, si le Pиre avait quelqu’un qui participe а la
paternitй, il en dйcoulerait une confusion des personnes; et la raison est la
mкme pour la filiation et la procession. q. 9 a. 9 ad 19 Ad decimumnonum dicendum est quod alia
attributa non habent operationem intrinsecam, secundum quam possit attendi
processus divinae personae, sicut intellectus et voluntas. # 19. Les autres attributs n’ont pas d’opйration intrinsиque qui puisse
parvenir а une procession de la personne divine comme l’intellect et la
volontй. q. 9 a. 9 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod processio naturae
et intellectus conveniunt in hoc quod in utraque processione procedit unum ab
uno ut similitudo eius a quo procedit. Amor autem qui
procedit secundum voluntatem, procedit a duobus mutuo se amantibus. Nec ex hoc
quod est amor, habet quod id sit similitudo amantis; et ideo in divinis idem
procedit per modum naturae et intellectus, scilicet ut filius et verbum; sed
alia persona est quae procedit per modum voluntatis ut amor. # 20. La procession de nature et celle de l’esprit se rencontrent en
ceci que dans les deux processions, l’un procиde d’un autre comme image de
celui dont elle procиde. Mais l’amour qui procиde selon la volontй procиde de
deux [кtres] qui s’aiment mutuellement. Et du fait que c’est l’amour, il n’a
pas l’image de celui qui aime, et c’est pourquoi, en Dieu le mкme procиde par
mode de nature et d’intellect, а savoir comme fils et verbe; mais l’autre
personne est celle qui procиde par mode de volontй, comme amour. q. 9 a. 9 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod licet sint
quinque notiones in divinis, tamen solum sunt tres proprietates personales
constituentes personas; et propter hoc solum sunt tres personae. # 21. Bien qu’il y ait cinq notions en Dieu, seules cependant trois
propriйtйs personnelles constituent les personnes et c’est pour cela qu’il y a
seulement trois personnes. q. 9 a. 9 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod
relationes ideales sunt Dei ad id quod est extra, scilicet ad creaturas; et
ideo per eas non distinguuntur personae in divinis. Oportet etiam
respondere ad rationes alias, quibus concludebatur quod personae divinae sunt
tribus pauciores. # 22. Les relations idйales18 sont
de Dieu vers l’extйrieur, а savoir vers les crйatures; c’est pourquoi par elles
les personnes ne sont pas distinguйes par elles. Il faut aussi rйpondre aux
autres raisons, par lesquelles on concluait que les personnes
divines sont moins de trois. q. 9 a. 9 ad 23 Ad quorum primum dicendum, quod in qualibet
natura creata inveniuntur multi modi processionum, non tamen secundum quemlibet
eorum natura speciei communicatur; et hoc est propter imperfectionem naturae
creatae, in qua non subsistit quidquid in ea est; sicut verbum hominis, quod
procedit ab intellectu eius, non est aliquid subsistens, nec etiam amor qui
procedit a voluntate humana. Sed filius, qui generatur per operationem naturae,
est subsistens in natura humana; et propter hoc hic est solus modus quo natura
communicatur, licet in eo sint plures modi processionum. Sed in Deo est
subsistens quidquid in ipso est; et ideo secundum quemlibet modum processionis
communicatur natura in divinis. # 1. En n’importe quelle nature crййe, on trouve de nombreux modes de
procession, cependant la nature de l’espиce n’est pas communiquйe par n’importe
lequel d’entre eux et c’est а cause de l’imperfection de la nature crййe, dans
laquelle il ne subsiste rien de ce qui est en elle; ainsi le verbe de l’homme,
qui procиde de son esprit n’est pas quelque chose de subsistant, ni non plus
l’amour qui procиde de la volontй humaine. Mais le Fils, qui est engendrй par
une opйration de nature subsiste dans la nature humaine et c’est pour cela
qu’il y a un seul mode par lequel la nature est communiquйe, bien qu’en lui il
y ait plus de modes de processions. Mais en Dieu, tout ce qui est en lui est
subsistant et c’est pourquoi la nature est communiquйe en Dieu selon n’importe
quel mode de procession. q. 9 a. 9 ad 24 Ad secundum dicendum, quod nihil prohibet etiam
a voluntate aliquid naturaliter procedere: nam et voluntas aliquid naturaliter
vult et amat, scilicet felicitatem et veritatis cognitionem, et ideo nihil
prohibet quin spiritus sanctus naturaliter procedat a patre et filio, quamvis
procedat per modum voluntatis. # 2. Rien n’empкche non plus que quelque chose procиde naturellement de
la volontй, car elle veut et aime naturellement, а savoir le bonheur et la
connaissance de la vйritй, et c’est pourquoi rien n’empкche que l’Esprit saint
procиde naturellement du Pиre et du Fils, quoiqu’il procиde par mode de
volontй. q. 9 a. 9 ad 25 Ad tertium dicendum quod, licet voluntas et
intellectus non differant in Deo nisi secundum rationem, tamen oportet illum
qui procedit per modum intellectus, realiter distingui ab eo qui procedit per
modum voluntatis. Nam verbum, quod procedit per modum intellectus, procedit ab
uno tantum, sicut a dicente; spiritus vero sanctus, qui procedit per modum
voluntatis ut amor, oportet quod procedat a duobus mutuo se amantibus, vel
etiam ex dicente et verbo: nihil enim potest amari cuius verbum in intellectu
non praeconcipitur. Et sic oportet quod ille qui procedit per modum voluntatis,
sit ab eo qui procedit per modum intellectus, et per consequens quod
distinguatur ab eo. # 3. Bien que la volontй et l’intellect ne diffиrent en Dieu qu’en
raison, il faut cependant que celui qui procиde par mode d’intellect soit
rйellement distinguй de celui qui procиde par volontй. Car le Verbe qui procиde
par mode d’intellect, procиde de l’un seulement, comme de celui qui parle. Mais
l’Esprit saint, qui procиde par mode de volontй comme amour, doit procйder de
deux (personnes) qui s’aiment mutuellement, ou aussi de celui qui parle et du
verbe: car rien ne peut кtre aimй dont le verbe ne soit pas prйconзu dans
l’esprit. Et ainsi il faut que celui qui procиde par mode de volontй soit de
celui qui procиde par mode d’intellection et par consйquent qu’il soit
distinguй de lui. q. 9 a. 9 ad 26 Ad quartum dicendum, quod qui est ab alio in
divinis, potest esse dupliciter: scilicet vel per modum verbi, vel per modum
amoris; et ideo qui est ab alio secundum quod communiter dicitur, non sufficit
ad constituendum personam incommunicabilem, sed solum secundum quod ad propria
determinatur. # 4. Celui qui est d’un autre en Dieu peut l’кtre de deux maniиres: а
savoir par mode de verbe ou par mode d’amour, et c’est pourquoi ce qui est d’un
autre selon ce qu’on dit communйment, ne suffit pas pour constituer une
personne incommunicable, mais seulement selon ce qui est dйterminй а ce qui lui
est propre. q. 9 a. 9 ad 27 Ad quintum dicendum, quod in divinis sunt
quatuor relationes, nedum duae; sed solum tres ex eis sunt personales, nam una
earum,- scilicet communis spiratio,- non est proprietas personalis, cum sit
communis duabus personis: et ideo non sunt in divinis nisi tres personae. # 5. En Dieu, il y a quatre relations, et pas seulement deux; mais
seules trois d’entre elles sont personnelles, car l’une d’elle, а savoir la
spiration commune, n’est pas une propriйtй personnelle, puisqu’elle est commune
а deux personnes, et c’est pourquoi il n’y a en Dieu que trois personnes. q. 9 a. 9 ad s. c.
Alias rationes concedimus. Les autres raisons, nous les concйdons.
1 Parall.:Ia, qu. 30, a. 2. — Qu. 31, a. 1 — I sent. d24qu2a2 — CG. IV, 26 — II Sent.
d10a.5 — d33a.2, ad 1 — Compend. 56, 60. 2
"En effet, entre le possible et l’кtre, il n’y a aucune diffйrence, dans
les choses йternelles." p. 97. 3
Il s’agit d’une conception intellectuelle, comme celle du verbe. 4
PL. 40, 736. Voir note qu. 2, a. 3, obj. 15. 5
§ 1 693 B:"…l'кtre mкme du bien, en tant que Bien essentiel, йtend sa
bontй а tout кtre." (Trad. M. de Gandillac). 6
Iucunda possessio. Cf. qu. 2, a. 4,
obj. 12. 7
Synodes, 58, PL. 10, 520 C. Canon 24 profession de foi de Sirmium. 8
Cf. Pot. 9, 5, ad 23. 9
Sur l'authenticitй de ce texte, le 13 janvier 1897, le saint office a rйpondu
non. Voir Denz 3681, 3682 . Rйponse
du st office 2 juin 1927. Ils inclinent vers une conception opposйe а
l'authenticitй. L'expression trois personnes ou trois hypostases dйvint
authentique а la fin de la crise arienne. Concile d'Antioche, 362, Rome (382,
Tomus Damasi) et Constantinople 382. (Denz 78, Symbole>172 10
"Sed contra qui est
explicitement le principe dionysien de la diffusion du bien." (Vanier, …
p. 46). 11
Sur Arius, voir qu. 2, a. 4. 12
Йvкque de Constantinople, 342-346, semi arien, considйrй comme hйrйsiarque
aprиs sa mort. Les Macйdoniens sont des hйrйtiques opposйs а l'Esprit saint.
Premier concile de Constantinople, (mai 30 juillet 381)contre les ariens contre
les Macйdoniens. Anathиme concile de Rome 381 (Tomus Damasi). 13
Doctrine monarchienne, d'abord enseignйe par Noлl (Smyrne entre 180 et 200). Sa
doctrine: un seul Dieu: le Pиre. C'est lui qui йtait nй, qui avait souffert et
йtait mort. Condamnй vers 200. Ensuite Praxйas rйfutй par Tertullien..
Sabellius (lybien?) vient а Rome peut avant 217. La doctrine se propagea aprиs
sa condamnation en Asie Mineure sous la forme du modalisme. Dieu s'exprime par
des modes diffйrents (Йpiphane, Haeres.
LXII, PG. 41, 1052) "Dieu, monade simple et indivisible est une personne
unique. On le nomme Pиre, Fils mais en tant qu'il le monde il prend le nom de
Vereb… Les trois йtats successifs de la monade ne constituent pas trois
personnes distinctes; ils sont seulement trois aspects, trois virtualitйs,
trois modalitйs er comme trois noms d'un mкme кtre." (Sabellius, CG. IV, 5… rйfutй 259-268 Lettre а
Denys. 14
PL. 10, 521 A. canon 28. Denz 140. 15
Aliquis est, Aliquid est un des
transcendantaux par lequel l’кtre s’affirme comme quelque chose par rapport а
ce qui l’entoure. Cf. Gardeil, Mйtaphysique,
p. 73, § 2. 16
C'est-а-dire selon l’essence. 17
Monologium, 61. 18
Il s’agit des idйes.
Question 10:
Les processions des Personnes divines
q. 10 pr. 1 Et primo quaeritur utrum sit
aliqua processio in divinis. 1. Y a-t-il une procession en Dieu? q. 10 pr. 2 Secundo
utrum in divinis sit tantum una processio. 2. N’y a-t-il qu’une seule procession en Dieu? q. 10 pr. 3 Tertio de ordine processionum ad relationem in
divinis. 3. L’ordre des processions а la relation en Dieu. q. 10 pr. 4 Quarto utrum spiritus sanctus procedat a filio. 4. L’Esprit saint procиde-t-il du Fils? q. 10 pr. 5 Quinto utrum spiritus sanctus remaneret a filio
distinctus, si ab eo non procederet. 5. L’esprit saint demeurerait-il distinct du Fils, s’il ne procйdait
pas de lui?
Article 1: Y a-t-il une procession dans les personnes divines?
q. 10 a. 1 tit. 1 Et primo quaeritur utrum sit
aliqua processio in divinis personis. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objection: q. 10 a. 1 arg. 1 Omne enim quod procedit ab aliquo, distat ab
eo. Sed divinarum personarum non est aliqua distantia ab invicem: dicit enim
filius, Ioan. XIV, 10: ego in patre et pater in me est; et idem dici potest de
spiritu sancto, quod scilicet sit in patre et filio, et e converso. Ergo in
divinis una persona non procedit ab alia. 1. Car tout ce qui procиde de quelque chose en est diffйrent. Mais il
n'y pas de diffйrence dans les personnes divines entre elles. Car le Fils dit (Jn 14,10): "Moi je suis dans le Pиre et le Pиre est en moi" et on peut
dire de mкme pour l'Esprit saint, parce qu'il est assurйment dans le Pиre et le
Fils et inversement. Donc en Dieu une personne ne procиde pas d'une autre. q. 10 a. 1 arg. 2 Praeterea, nihil quod ad motum pertinet, Deo
proprie attribui potest, sicut nec aliquid quod materiam importat. Processio autem
significat quemdam motum. Ergo non proprie potest dici in divinis. 2. On ne peut rien attribuer en propre а Dieu qui concerne le
mouvement, ni rien qui apporte de la matiиre. Mais la procession signifie un
mouvement. Donc en Dieu on ne peut pas en parler au sens propre. q. 10 a. 1 arg. 3 Praeterea, omne procedens praeintelligitur
processioni: nam procedens est processionis subiectum: sed in divinis non
potest esse aliquid procedens processioni praeintellectum: essentia enim divina
non est procedens, sicut nec genita; relatio autem non praeintelligitur
processioni, sed e converso, sicut iam dictum est. Non ergo potest esse
processio in divinis. 3. Tout ce qui procиde est conзu avant la procession; car ce qui
procиde en est le sujet. Mais en Dieu, il ne peut pas y avoir quelque chose qui
procиde qui soit conзu avant la procession: car l'essence divine ne procиde
pas, de mкme qu'elle n'est pas engendrйe; et la relation n'est pas comprise
avant la procession, mais c'est le contraire, comme on l'a dйjа dit (qu. 8, a. 3). Donc il ne peut pas y
avoir de procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 4 Praeterea, omne procedens sicut ab aliquo
procedit, ita oportet quod procedat in aliquid. Quod autem in aliquid procedit,
non est per se subsistens. Cum ergo personae divinae sint per se subsistentes,
non videtur eis competere quod procedant. 4. Tout ce qui procиde, procиde d’une chose, et doit procйder dans une
autre. Mais ce qui procиde en une chose n'est pas subsistant par soi. Donc
comme les personnes divines sont subsistantes par soi, apparemment il ne leur
convient pas de procйder. q. 10 a. 1 arg. 5 Praeterea, cum creaturae nobiliores sint
etiam Deo similiores, quod invenitur in inferioribus creaturis, non autem in
superioribus, nec etiam in Deo invenitur sicut quantitas dimensiva, materia, et
alia huiusmodi. Processio autem invenitur in
inferioribus creaturis, in quibus unum individuum generat aliud eiusdem speciei;
quod non contingit in creaturis superioribus. Ergo neque in Deo
processio invenitur. 5. Comme les crйatures plus nobles ressemblent davantage а Dieu, ce qui
se trouve dans les crйatures infйrieures, mais pas dans les crйatures
supйrieures, ne se retrouve pas non plus en Dieu, comme la quantitй mesurable,
la matiиre, etc.. Mais on trouve la procession dans les crйatures infйrieures
dans lesquelles un des individus en engendre un autre de la mкme espиce; ce qui
n'arrive pas dans les crйatures supйrieures. Donc on ne trouve pas non plus de
procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 6
Praeterea, illud quod derogat divinae dignitati, nullo modo est Deo
attribuendum. In hoc autem maxime consideratur divina dignitas, quod est prima
causa essendi non habens ab alio esse, cui videtur repugnare processio: nam
omne procedens quodammodo ab alio est. Non ergo dicendum est quod aliquid
sit procedens in divinis. 6. Ce qui dйroge а la dignitй de Dieu ne doit en aucune maniиre lui
кtre attribuй. Mais en cela on considиre surtout sa dignitй, parce qu'il est la
cause premiиre de l’кtre, sans avoir l'кtre d'un autre: la procession
apparemment ne lui convient pas; car tout ce qui procиde en quelque maniиre
dйpend d'un autre. Donc il ne faut pas dire que quelque chose procиde en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 7 Praeterea, persona est hypostasis proprietate
distincta ad dignitatem pertinente. Accipere autem ab alio (quod importat
processio), non videtur ad dignitatem pertinere. Non ergo processio debet
attribui divinis personis sicut aliqua personalis proprietas. 7. La personne est une hypostase, avec une propriйtй distincte qui
convient а sa dignitй. Mais recevoir d'un autre (ce que la procession apporte)
ne semble pas convenir а sa dignitй. Donc la procession ne doit pas кtre
attribuйe aux personnes divines comme une quelconque propriйtй personnelle. q. 10 a. 1 arg. 8 Praeterea, illud a quo aliquid procedit,
oportet esse aliquo modo causam illius. Sed una persona non potest esse causa
alterius: neque enim esse potest una alterius causa intrinseca, formalis
scilicet vel materialis, cum in divinis non sit compositio formae et materiae;
nec iterum causa extrinseca, cum una persona sit in alia. Non ergo est
processio in divinis. 8. Ce dont quelque chose procиde doit кtre d'une certaine maniиre sa
cause. Mais une personne ne peut pas кtre cause d'une autre. Elle ne peut pas,
en effet, кtre la seule cause intrinsиque d'une autre, c'est-а-dire la cause
formelle ou matйrielle, puisqu'en Dieu il n'y a pas composition de forme et de
matiиre; elle ne peut non plus кtre la cause extrinsиque, puisqu'une personne
est dans l'autre. Donc il n'y a pas de procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 9 Praeterea, omne procedens procedit ab aliquo
sicut a principio. Una autem persona non potest dici alterius principium,
quia,- cum principium ad principiatum dicatur,- oportet aliquam personam
principiatam dici, quod videtur solis creaturis competere. Non ergo est
processio in divinis. 9. Tout ce qui procиde procиde de quelque chose comme d’un principe.
Mais on ne peut pas dire qu'une personne est le principe d'une autre, parce
que, — comme on parle de principe pour ce qui en dйpend, — il faut dire qu'il y
a une personne qui dйpend d’un principe, ce qui semble ne convenir qu’aux
seules crйatures. Donc pas de procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 10 Praeterea, nomen principii a prioritate
sumptum esse videtur. Sed in personis divinis nihil est prius et posterius, ut
Athanasius dicit. Non est ergo una persona principium alterius; et sic non
debet dici una procedens ab alia. 10. Le nom de principe semble кtre pris de "prioritй2". Mais dans les personnes divines rien
n'est avant ou aprиs, comme Athanase le dit (dans le Symbole3). Donc une
personne n'est pas le principe d'une autre; et ainsi on ne doit pas dire que
l'une procиde d'une autre. q. 10 a. 1 arg. 11 Praeterea, omne principium est operativum
vel factivum. Sed una persona non est factiva alterius nec operativa, alioquin
in divinis personis esset aliquid factum vel creatum. Ergo divina persona non
habet principium, neque est procedens. 11. Tout principe peut opйrer ou produire. Mais une personne ne peut en
produire une autre, ou opйrer, autrement dans les personnes divines il y aurait
quelque chose de produit ou de crйй. Donc la personne divine n'a pas de
principe, et elle ne procиde pas. q. 10 a. 1 arg. 12 Praeterea, quandocumque est aliquid ab
aliquo procedens, oportet esse aliquid commune utrique, quod scilicet
procedenti communicatur ab eo a quo procedit, et aliquid proprium, per quod
procedens distinguitur ab eo a quo procedit: nihil enim procedit a se ipso.
Ubicumque autem est aliquid et aliquid, ibi est compositio. Ergo ubicumque est
processio, ibi est compositio. In divinis autem non est compositio. Ergo neque
processio. 12. Chaque fois qu'une chose procиde d'une autre, il faut qu'il y ait
quelque chose de commun а l'une et а l'autre, qui naturellement est communiquй
а celle qui procиde par celle de qui il procиde, et quelque chose de propre,
par lequel celui qui procиde est distinguй de celui dont il procиde; car rien
ne procиde de soi. Mais partout oщ il y a une chose et une autre, il y a
composition. Donc partout oщ il y a procession, il y a composition. Mais en
Dieu il n'y a pas de composition. Ni en consйquence de procession. q. 10 a. 1 arg. 13 Praeterea, omne procedens ab alio, recipit
aliquid ab eo. Quod autem recipit aliquid, est indigentis naturae: nisi enim
indigeret, non reciperet; propter quod etiam in rebus naturalibus
receptibilitas attribuitur materiae. Ergo omne procedens est indigentis
naturae. In divinis autem non est aliqua indigentia, sed summa perfectio. Ergo
non est ibi processio. 13. Tout ce qui procиde d'un autre en reзoit quelque chose. Parce qu’il
reзoit, il en a naturellement besoin. Car s’il n’en avait pas besoin il ne le
recevrait pas; c'est pour cela aussi que dans ce qui est naturel aussi la rйceptivitй
est attribuйe а la matiиre. Donc tout ce qui procиde est ce qui йprouve un
besoin par nature. Mais en Dieu il n'y a pas de besoin, mais une perfection
suprкme. Donc il n'y a pas de procession. q. 10 a. 1 arg. 14 Sed dices, quod recipiens quando praeexistit
receptioni, est indigens, quando vero iam recipit, habet et non est indigens;
filius autem et spiritus sanctus recipiunt quidem a Deo patre, non tamen
praeexistunt receptioni; et sic in eis nulla est indigentia.- Sed contra,
creatura quaelibet est indigentis naturae, et tamen non praeexistit receptioni
qua recipit esse a Deo. Non ergo excludit indigentiam a recipiente hoc quod
receptioni non praeexistit. 14. Mais on dira que celui
qui reзoit, quand il prйexiste а la rйception, en a besoin, mais quand il l'a
reзu, il n’en a plus besoin. Le Fils et l'Esprit saint reзoivent de Dieu le
Pиre, cependant ils ne prйexistent pas а la rйception; et ainsi il n'y a en eux
aucun besoin. — En sens contraire n'importe
quelle crйature est d'une nature dans le besoin et cependant elle ne prйexiste
pas а la rйception par laquelle elle reзoit l'кtre de Dieu. Donc, ce qui ne
prйexiste pas а la rйception n'exclut pas le besoin de celui qui reзoit. q. 10 a. 1 arg. 15 Praeterea, omne quod non habet aliquid nisi
secundum quod recipit illud ab alio, in se consideratum caret illo; sicut aer
in se consideratus caret lumine, quod ab alio recipit. Si ergo filius et
spiritus sanctus non habent esse nisi per hoc quod recipiunt a patre (quod
oportet dicere, si a patre procedunt), necesse est quod si in se considerentur,
nihil sint. Quod autem in se consideratum nihil est, si habeat esse ab alio,
oportet quod ex nihilo est, et ita quod sit creatura. Si ergo filius et
spiritus sanctus procedunt a patre, oportet quod sint creaturae; quod est
Arianae impietatis. Non ergo est processio in divinis personis. 15. Tout ce qui n'a que dans la mesure oщ il le reзoit d'un autre,
considйrй en soi, en manque; ainsi l'air considйrй en soi manque de lumiиre,
qu'il reзoit d'un autre. Donc si le Fils et l'Esprit n'ont l'кtre que par ce
qu'ils reзoivent du Pиre (ce qu'il faut dire, s'ils procиdent de lui), il est
nйcessaire que, si on les considиre en soi, ils ne soient rien. Mais ce qui
n'est rien en soi, s'il a l'кtre d'un autre, doit venir du nйant et ainsi кtre
une crйature. Donc si le Fils et l'Esprit saint procиdent du Pиre, il faut
qu'ils soient des crйatures, ce qui est l'hйrйsie Arienne. Il n’y a donc pas de
procession dans les personnes divines. q. 10 a. 1 arg. 16 Praeterea, quod procedit ab aliquo, ad
hoc procedit ut sit. Quod autem procedit ut sit, non semper fuit; sicut quod
procedit ad locum, non semper fuit in loco illo. Personae
autem divinae sunt sempiternae. Ergo nulla persona divina est procedens. 16. Ce qui procиde de quelque chose, en procиde pour exister. Mais ce
qui procиde pour exister n'a pas toujours existй; ainsi ce qui ‘procиde’ vers
un lieu n'y a pas toujours йtй. Mais les Personnes divines sont йternelles.
Donc aucune ne procиde. q. 10 a. 1 arg. 17 Praeterea, principium a quo aliquid
procedit, habet aliquam auctoritatem respectu illius quod procedit a principio.
Si ergo aliqua persona divina procedit ab alia, utpote filius et spiritus
sanctus a patre, oportet quod in patre sit aliqua auctoritas respectu filii et
spiritus sancti: et ita, cum auctoritas sit quaedam dignitas, aliqua dignitas
erit in patre quae non est in filio et spiritu sancto; et sic erit inaequalitas
in divinis personis: quod est contra Athanasium dicentem quod in Trinitate
nihil est prius et posterius; nihil maius aut minus: sed totae tres personae
coaeternae sibi sunt et coaequales. Non ergo est processio in divinis
personis. 17. Le principe d'oщ quelque chose procиde, a une autoritй par rapport
а ce qui procиde de lui. Donc si une personne divine procиde d'une autre, а
savoir si le Fils et l'Esprit saint procиdent du Pиre, il faut qu’il y ait dans
le Pиre une autoritй sur le Fils et l'Esprit saint, et comme l’autoritй est une
dignitй, il y aura dans le Pиre une dignitй qui n’est pas dans le Fils et
l’Esprit saint et ainsi il y aura une inйgalitй dans les personnes divines, ce
qui est contre Athanase qui dit (dans le Symbole)
que "dans la Trinitй, rien n’est
avant ni aprиs; rien de plus grand ou plus petit, mais les trois personnes sont
coйternelles et йgales entre elles". Donc il n'y a pas de procession
dans les personnes divines. En sens contraire: q. 10 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicit filius Ioan. cap.
VIII, 42: ego ex Deo processi et veni. 1.Il y a ce que dit le Fils (Jn, 8, 42): "Moi, j’ai procйdй4 et je suis venu de Dieu." q. 10 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Ioan. XV, 26, dicitur, quod
spiritus veritatis, qui a patre procedit. Est ergo processio in divinis
personis. 2. En Jn 15, 26, il est dit
que "L'Esprit de vйritй…, (qui) procиde du Pиre…" Donc il y a
procession dans les personnes divines. Rйponse: q. 10 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod cognitio intellectiva
in nobis sumit principium a phantasia et sensu, quae ultra continuum se non
extendunt; et inde est quod ex his quae in continuo inveniuntur, transumimus
nomina ad omnia quae capimus intellectu; sicut patet in nomine distantiae, quae
primo invenitur in loco, et exinde transumitur ad quamcumque formarum
differentiam, propter quod omnia contraria, in quocumque sint genere, dicuntur
esse maxime distantia, licet distantia primo inveniatur in ubi, ut philosophus
dicit in X Metaph Il faut dire que la connaissance intellectuelle prend en
nous son principe de l'imagination et de la sensation qui ne s'йtendent pas
au-delа de ce qui est continu5 et de
lа vient que, de ce qui se trouve dans le continu, nous transfйrons les noms а
tout ce que nous saisissons par l'esprit; comme cela apparaоt dans le nom de
distance qui se trouve d'abord dans le lieu, et de lа est transfйrй а n’importe
quelle diffйrence de formes, en raison de quoi on dit que tous les contraires,
en n'importe quel genre qu'ils soient, sont trиs distants, bien que la distance
se trouve d'abord dans le lieu, comme le dit le philosophe (Mйtaphysique X, 4, 1055 a 86). Similiter autem nom processionis primo est inventum ad
significandum motum localem, secundum quem aliquid ordinate ab uno loco per
media ordinatim in extremum transit; et ex hoc transumitur ad significandum
omne illud in quo est aliquis ordo unius ex alio, vel post aliud; et inde est
quod in omni motu utimur nomine processionis; sicut dicimus, quod corpus
procedit ab albedine in nigredinem, et de parva quantitate ad magnam et de non
esse in esse, et e converson, et similiter utimur nomine processionis, ubi est
aliqua emanatio alicuius ab aliquo; sicut dicims quod radius procedit a sole,
et omnis operatio ab operante, et etiam operatum, sicut artificiatum ab
artifice, vel genitum a generante; et universaliter omnium huiusmodi ordinem
nomine processionis significamus. Mais de la mкme maniиre on a trouvй d'abord le nom de procession pour
signifier le mouvement local selon lequel quelque chose passe avec ordre d'un
lieu а son extrйmitй par des intermйdiaires et de lа il est transfйrй pour
signifier tout ce en quoi il y a un ordre de l'un par un autre, ou aprиs
l'autre; et de lа vient que dans tout mouvement nous utilisons le nom de
procession; ainsi nous disons, que le corps ‘procиde’ de la blancheur а la
noirceur, d'une petite quantitй а une grande, et du non кtre а l'кtre, et
inversement, et de la mкme maniиre nous utilisons le nom de procession lа ou il
y a une йmanation d’une chose а partir d’une autre7,
comme nous disons que le rayon procиde du soleil, et toute opйration de celui
qui opиre, et aussi l’њuvre, comme њuvre artisanale procиde de l'artisan,
l'engendrй de celui qui engendre, et universellement nous dйsignons du nom de
procession l'ordre de toutes choses de ce genre. Est autem duplex operatio: quaedam quidem transiens ab operante in aliquid extrinsecum,
sicut calefactio ab igne in lignum; et haec quidem operatio non est perfectio
operantis, sed operati: non enim aliquid acquiritur igni ex hoc quod est
calefaciens, sed calefactio acquiritur calor. Alia vero est operatio non transiens in aliquid extrinsecum,
sed manens in ipso operante, sicut intelligere, sentire, velle, et huiusmodi.
Hae autem operationes sunt perfectiones operantis: intellectus enim non est
perfectus nisi per hoc quod est intelligens actu; et similiter nec sensus, nisi
per hoc quod actu sentit. Mais l'opйration est double: a) L'une qui passe de celui
qui opиre en quelque chose d'extйrieur, comme l'йchauffement dans le bois par
le feu, et cette opйration n'est pas la perfection de celui qui opиre, mais de
ce qui subit l’opйration; car rien n'est acquis pour le feu du fait qu'il
chauffe, mais l'йchauffement est acquis comme chaleur. b) L’autre est l’opйration qui ne passe pas sur quelque chose
d’extйrieur, mais demeure dans celui qui opиre, comme comprendre, sentir,
vouloir, etc.. Ces opйrations sont les perfections de celui qui opиre; car
l’intellect n’est parfait que par celui qui comprend en acte; et de la mкme
maniиre, les sens non plus а moins qquil йprouve une sensation en acte. Primum autem operationum genus commune est viventibus et non
viventibus, sed secundum operationum genus est proprium viventium; unde, si
largo modo accipiamus motum pro qualibet operatione, sicut philosophus accipit
in III de anima, ubi dicitur, quod sentire et intelligere sunt motus quidam,
non quidem motus qui est actus imperfecti, ut definitur III Physic., sed motus qui est actus
perfecti, sic proprium videtur esse viventis, et in hoc ratio videtur consistere,
quod aliquid sit movens se ipsum. Nam quidquid invenimus per se et in se
operari quocumque modo, dicimus vivere; et per hunc modum Plato posuit, quod
primum movens movet se ipsum. Le premier genre d'opйration est commun aux vivants et
aux non vivants, mais le second est le propre des vivants; c'est pourquoi, si
nous considйrons le mouvement au sens large pour une opйration quelconque,
comme le Philosophe l'admet (L’вme, III,
7, 431 a 7), lа oщ il est dit que la sensation et l'intellection sont des mouvements8, non cependant le mouvement qui est d’un
acte imparfait, comme il est dйfini en Physique
(III, 1, 200 b 30 – 201 a 29), mais le
mouvement qui est d'un acte parfait, alors il apparaоt comme le propre du
vivant, et c’est en cela que semble consister la raison pour laquelle une chose
se meut elle-mкme. Car nous disons que vit tout ce que nous trouvons qui opиre
par soi et en soi de quelque maniиre, et de cette maniиre Platon a pensй (Timйe) que le premier moteur se meut
lui-mкme. Secundum autem utrumque operationis genus invenitur in
creaturis aliqua processio: nam secundum primum genus dicimus, quod generatum
procedit a generante, et factum a faciente. Quantum autem ad secundum operationis
genus, dicimus, quod verbum procedit a dicente, et amor ab amante. Huiusmodi
autem duplex operationis genus Deo attribuimus. Genus quidem operationis in
aliud extrinsecum transeuntis Deo attribuimus, in quantum dicimus, quod creat,
conservat et gubernat omnia. Ex quo quidem operationis genere nulla perfectio Deo
advenire significatur, sed magis quod proveniat in creatura perfectio ex
perfectione divina. On trouve une procession dans les crйatures selon ces deux genres
d'opйration. Car selon le premier genre,
nous disons que l'engendrй procиde de celui qui engendre, et ce qui est fait de
ce qui le fait. Quant au second genre,
nous disons que le verbe procиde de celui qui parle, et l'amour de celui qui
aime. On attribue а Dieu ce double genre d'opйration. Celui de l'opйration qui
passe en un autre qui est extйrieur, nous l'attribuons а Dieu dans la mesure oщ
nous disons qu'il crйe, conserve et gouverne tout. Ce genre d'opйration
signifie qu'aucune perfection ne peut venir en Dieu, mais plutфt que la perfection
parvient а la crйature а partir de la perfection divine. Aliud vero operationis genus Deo attribuimus, in quantum
ipsum intelligentem et volentem dicimus, in quo ipsius perfectio significatur.
Non enim esset perfectus, nisi esset intelligens et volens actu; et inde est
quod confitemur eum viventem. Mais l’autre genre d’opйration,
nous l’attribuons а Dieu dans la mesure oщ nous parlons de son intellection et
de sa volontй, en quoi est signifiйe sa perfection. Car il ne serait pas
parfait s'il n’йtait intelligent et volontaire en acte; et de lа vient que nous
confessons qu'il est vivant. Secundum ergo utramque operationem Deo processionem
attribuimus: secundum quidem primum operationis genus dicimus divinam
sapientiam aut bonitatem in creaturas procedere, ut Dionysius dicit, IX cap. de Divin. Nomin.: et etiam quod
creaturae procedunt a Deo. Secundum vero aliud operationis genus dicimus in
divinis processionem verbi et amoris; et haec est processio personae filii a
patre, qui est verbum ipsius, et spiritus sancti, qui est amor eius et spiramen
vivificum. Unde Athanasius in quodam sermone Nicaeni Concilii dicit, quod
Ariani ponentes filium et spiritum sanctum non esse coessentiales patri, per
consequens videbantur dicere Deum non viventem et intelligentem, sed mortuum et
sine mente. Donc nous attribuons la procession а Dieu selon l’une et
l’autre opйrations. Selon le premier genre, nous disons que la sagesse ou la
bontй divines procиdent dans les crйatures, comme Denys le dit (Les Noms divins, 9) et aussi que les
crйatures procиdent de Dieu. Mais, selon l'autre genre d'opйration, nous
parlons en Dieu de la procession du verbe et de l'amour, et c'est celle de la
personne du Fils а partir du Pиre, qui est son Verbe, et celle de l'Esprit
saint qui est son amour et le souffle vivificateur. C'est pourquoi Athanase,
dans un sermon du Concile de Nicйe (dans la lettre contre ceux qui disent que
l'Esprit saint est une crйature), dit que les Ariens pensant que le Fils et
l'Esprit saint n'йtaient pas coessentiels au Pиre, paraissaient par consйquent
dire que Dieu n'йtait ni vivant ni intelligent, mais mort et sans esprit Solutions: q. 10 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod obiectio illa
procedit de processione quae attenditur secundum operationem in aliquid
extrinsecum transeuntem. Sic autem non procedunt divinae personae, sed magis
per modum processionis quae attenditur secundum operationem in operante
manentem; quod enim sic procedit non distat ab eo a quo procedit; sicut etiam
humanum verbum est in intellectu loquentis, non distans ab eo. # 1. Cette objection provient de la processions qui concerne
l'opйration qui passe dans quelque chose d'extйrieur. Mais ce n'est pas ainsi
que les personnes divines procиdent, mais plutфt а la maniиre de la procession
qui s’йtend а l'opйration qui demeure dans celui qui opиre; car ce qui procиde
ainsi n'est pas йloignй de ce dont il procиde; ainsi le verbe humain est dans
l'intellect de celui qui parle, sans кtre йloignй de lui. q. 10 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod processio prout
significat motum localem, non ponitur in divinis personis, sed secundum quod
importat quemdam emanationis ordinem. # 2. Dans la mesure oщ elle signifie le mouvement local, la procession
n'est pas йtablie dans les personnes divines, mais selon qu'elle apporte un
certain ordre d'йmanation. q. 10 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in processione quae
est motus localis, necesse est quod procedens processioni praeintelligatur, cum
sit eius subiectum; sed in processione quae importat originis ordinem procedens
se habet ad processionem ut terminus. Unde si procedens sit ex materia et forma
compositum, et per viam generationis in esse productum, materia quidem
praeexistit processioni ut subiectum, forma vero vel etiam compositum, sequitur
secundum intellectum ad processionem ut terminus; sicut cum ignis ab igne per
generationem procedit. Cum vero id quod procedit, non est compositum, sed forma
tantum, vel etiam per creationem in esse eductum,- cuius terminus est tota rei
substantia,- tunc nullo modo procedens praeintelligitur processioni, sed e
converso; sicut creatura non praeintelligitur creationi, nec splendor
processioni ipsius a sole, nec verbum processioni eius a dicente; et similiter
nec verbum processioni eius a patre. # 3. Dans la procession qui est un mouvement local, il est nйcessaire
que ce qui procиde soit prйconзu а la procession, puisqu'il est son substrat,
mais dans la procession qui apporte un rapport а l'origine, ce qui procиde se
comporte comme le terme. C'est pourquoi si ce qui procиde est composй de
matiиre et de forme, et a йtй amenй а l'кtre par voie de gйnйration, la matiиre
prйexiste а la procession comme substrat, mais la forme ou aussi le composй
arrive selon le concept а la procession comme а son terme; comme quand le feu
procиde du feu par gйnйration. Mais quand ce qui procиde n'est pas composй,
mais est une forme seulement, ou encore est amenй а l’кtre par crйation,— dont
le terme est toute la substance de la chose — alors ce qui procиde n’est conзu
en aucune maniиre avant la procession, mais c’est le contraire; ainsi la
crйature n'est pas conзue avant la crйation, ni la splendeur а sa procession du
soleil, ni le verbe avant la procession de celui qui l'йnonce et semblablement
ni le Verbe avant sa procession du Pиre. q. 10 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod secundum processionem
quae importat originis ordinem, potest aliquid procedere ut in se subsistens,
non relatum ad aliud; quamvis secundum processionem localem procedat aliquid,
non ut simpliciter in se subsistat, sed ut sit in loco. Talis autem processio
non est in divinis personis. # 4. Selon la procession qui apporte un rapport а l'origine, quelque
chose peut procйder comme subsistant en soi, et sans rapport а autre chose,
quoique quelque chose procиde selon la procession locale, non pour subsister
simplement en soi, mais pour кtre en un lieu. Mais une telle procession n'est
pas dans les personnes divines. q. 10 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in intellectualibus
substantiis, quae sunt nobilissimae creaturae, est etiam processio secundum
operationem intellectus et voluntatis; et quantum ad hoc invenitur in eis
increatae Trinitatis imago. Sed verbum et amor in eis non sunt personae
subsistentes: earum enim intelligere et velle non est ipsarum substantia, sed
hoc proprium Dei est; unde verbum et amor procedunt in Deo ut personae
subsistentes, non autem in intellectualibus creaturis. # 5. Dans les substances intellectuelles, qui sont les crйatures les
plus nobles, il y a aussi une procession selon l'opйration de l'esprit et de la
volontй; et c'est en cela qu'on trouve en elles l'image de la Trinitй incrййe.
Mais le verbe et l'amour ne sont pas en elles des personnes subsistantes; car
leur intellection et leur volontй ne sont pas leur substance, mais c’est le
propre de Dieu; c'est pourquoi le verbe et l'amour procиdent en Dieu comme
personnes subsistantes, mais non pas dans les crйatures intellectuelles. q. 10 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod habere originem ab
aliquo quod sit in essentia diversum, derogat dignitati divinae: hoc enim est
proprium creaturae; sed habere originem ab aliquo coessentiali, magis ad
perfectionem divinam pertinet. Non enim esset in divinitate perfectio, nisi
esset ibi intelligere et velle in actu. Quibus positis necesse est poni verbi
et amoris processionem. # 6. Tirer une origine de quelque chose qui est diffйrent en essence
dйroge а la dignitй divine; car c’est le propre de la crйature; mais avoir une
origine de quelqu'un de coessentiel, convient mieux а la perfection divine. Car
il n'y aurait pas de perfection en Dieu, s'il n'y avait pas d'intellection et
de vouloir en acte. Ceux-ci йtablis, il est nйcessaire de placer la procession
du verbe et de l'amour. q. 10 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet accipere, in
quantum huiusmodi, perfectionem non dicat, tamen ex parte eius a quo accipitur,
perfectionem importat, et praecipue in divinis personis, quae accipiunt
plenitudinem deitatis. # 7. Bien que recevoir, en
tant que tel, n'indique pas une perfection, cependant du cфtй de ce qui est
reзu, cela apporte une perfection, et principalement dans les personnes divines
qui reзoivent la plйnitude de la divinitй. q. 10 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod Latini doctores raro
vel nunquam ad significandum originem divinarum personarum, nomine causae
utuntur: tum quia causae apud nos respondet effectus,- unde ne cogamur filium
vel spiritum sanctum factos dicere, patrem non dicimus causam eorum,- tum quia
apud nos nomen causae significat aliquid in essentia diversum; dicimus enim
causam ad quam sequitur aliud; tum etiam quia apud gentiles philosophos nomen
causae dictum de Deo, habitudinem ipsius ad creaturas designat. Dicunt enim
Deum esse primam causam, et creaturas esse eius causata. Unde ne aliquis filium
et spiritum sanctum inter creaturas secundum essentiam a Deo diversas
suspicetur esse ponendas, nomen causae refugimus in divinis. Graeci tamen
absolutius in divinis utuntur nomine causae, ex ipso solam originem
significantes; et ideo in divinis personis utuntur nomine causae. Aliquid enim
inconvenienter in lingua Latina dicitur quod propter proprietatem idiomatis
convenienter in lingua Graeca dici potest. Non autem oportet si nomen causae
confitemur in divinis secundum Graecos, quod eodem modo accipiatur sicut cum de
creaturis dicitur, prout in quatuor genera secundum philosophos dividitur. # 8. Les docteurs latins, utilisent rarement ou mкme jamais le nom de
cause pour signifier l'origine des personnes divines; d’une part, parce que
l'effet ne rйpond pas а la cause pour nous — c'est pourquoi pour ne pas кtre
forcйs de dire que le Fils ou le Saint Esprit ont йtй faits, nous ne disons pas que le Pиre est leur cause, - d’autre
part, parce que, pour nous, le nom de cause signifie quelque chose de diffйrent
dans l'essence; car nous parlons de la cause pour ce d’oщ dйcoule une autre
chose; enfin aussi, parce que chez les philosophes paпens le nom de cause
employй pour Dieu dйsigne sa relation aux crйatures. Car ils disent que Dieu
est la cause premiиre et que les crйatures sont ses effets. C'est pourquoi pour
que personne ne soupзonne qu'on place le Fils et l'Esprit saint parmi les
crйatures diffйrentes de Dieu selon l'essence, nous refusons le nom de cause en
Dieu. Cependant les Grecs usent du nom de cause de faзon plus absolue, en
signifiant sa seule origine; et c'est pourquoi pour les personnes divines, ils
se servent de ce nom de cause. Car on dit quelque chose de maniиre inconvenante
en latin, qui а cause de la propriйtй de la langue peut кtre dit convenablement
en grec. Mais, il ne faut pas, si nous utilisons le nom de cause en Dieu, selon
les grecs, qu'il soit reзu de la mкme maniиre dont on parle des crйatures,
selon que la cause est divisйe en quatre genres par les philosophes. q. 10 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod inter omnia ad
originem spectantia magis convenit in divinis hoc nomen principium. Quia enim
divina comprehendi a nobis non possunt, convenientius a nobis significantur per
nomina communia quae indefinite aliquid significant, quam per nomina specialia,
quae definite rei species exprimunt; unde hoc nomen qui est, quod secundum
Damascenum significat substantiae pelagus infinitum, convenientissimum nomen
dicitur esse, ut patet Exod. III, 14. Sicut autem causa communior est quam
elementum, quod significat aliquid primum et simplex in genere causae
materialis, ita etiam principium est communius quam causa; nam prima pars motus
vel lineae dicitur principium sed non causa. In quo patet quod
principium potest dici aliquid quod non est secundum essentiam distinctum, ut
punctum lineae; non autem causa, maxime si loquamur de causa originante, quae
est causa efficiens. Quamvis autem pater dicatur esse principium filii et
spiritus sancti, non tamen videtur indifferenter dicendum, quod filius sit
principiatum, vel etiam spiritus sanctus, licet etiam hoc modo loquendi Graeci
utantur, et possit apud sane intelligentes concedi; tamen ea quae minorationem
aliquam importare videntur, refugere debemus, ne filio vel spiritui sancto
attribuantur, propter Arianorum errorem vitandum; sicut Hilarius, etsi concedat
patrem esse maiorem filio propter auctoritatem originis, non tamen concedit
quod filius sit minor patre cui est aequale esse donatum a patre. Et similiter
non est extendendum nomen subauctoritatis vel principiati in filio, licet nomen
auctoritatis, vel principii concedatur in patre. # 9. Pour tout ce qui concerne l'origine, le nom de principe convient plus en Dieu. En
effet, parce que nous ne pouvons pas comprendre ce qui concerne Dieu, on le
signifie par des noms communs qui ont une signification indйfinie plus
convenablement que par les noms spйciaux qui expriment l'espиce de maniиre
dйfinie; c'est pourquoi ce nom "qui
est" , qui, selon Jean Damascиne, signifie une mer infinie de
substance, est considйrй comme le nom qui convient le mieux, comme on le voit
dans Ex. 3, 1410. De mкme que la cause est plus commune que
l'йlйment qui signifie quelque chose de premier et de simple, dans le genre de
la cause matйrielle, de mкme le principe est plus commun que la cause; car la
premiиre partie du mouvement ou de la ligne est appelйe principe mais non pas
cause. En quoi il apparaоt qu’on peut dire que le principe est quelque chose de
distinct selon l'essence, comme le point de la ligne; mais non pas la cause,
surtout si nous parlons de la cause d'origine qu’est la cause efficiente. Mais
quoiqu'on dise que le Pиre est le principe du Fils et de l'Esprit saint,
cependant il ne semble pas qu'on doive dire indiffйremment que le Fils ou aussi
l'Esprit saint dйpendent d’un principe, bien que les Grecs utilisent cette
maniиre de parler, et on pourrait l’accepter de ceux qui pensent juste; par
contre nous devons refuser ce qui semble apporter une diminution, pour ne pas
l'attribuer au Fils ou а l'Esprit saint, pour йviter l'erreur des Ariens; selon
Hilaire (la Trinitй, 7), mкme s'il
concиde que le Pиre est plus grand que le Fils а cause de l'autoritй d'origine,
il ne concиde cependant pas que le Fils soit plus petit que le Pиre11, lui en qui il y a un кtre йgal donnй par
le Pиre. Et de la mкme maniиre, il ne faut pas йtendre au Fils le nom de
soumission ou de dйpendance а un principe, bien que le nom d'autoritй ou de
principe soit concйdй au Pиre. q. 2 a. 1 ad 10 Ad decimum dicendum, quod filius Dei non se
habet ad potentiam generativam sicut effectus, cum eum genitum, non factum
confiteamur. Si tamen esset effectus, potentia generantis non finiretur ad
ipsum, quamvis alius generari filius non possit, quia ipse infinitus est. Quod
autem alius filius in divinis esse non potest, contingit, quia ipsa filiatio
est proprietas personalis ipsius; et hoc quo, ut ita dicam, individuatur.
Cuilibet autem individuo principia individuantia sunt soli sibi; alias
sequeretur quod persona vel individuum esset communicabile ratione. # 10. Le Fils de Dieu ne se
comporte pas vis-а-vis de la puissance gйnйrative comme un effet, puisque nous
confessons qu’il est engendrй et non crйй. Si cependant il йtait un effet, la
puissance de celui qui engendre ne se terminerait pas а lui quoiqu'un autre
fils ne puisse кtre engendrй, puisqu’il est lui-mкme infini. Mais le fait qu’un
autre fils ne puisse pas exister en Dieu, arrive parce que la filiation mкme
est sa propriйtй personnelle et ce par quoi il est personalisй pour ainsi dire.
Pour n’importe quel individu les principes qui individualisent sont pour lui
seul; autrement il s’ensuivrait que la personne ou l’individu serait
communicable en raison. q. 2 a. 1 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod verbum illud
Avicennae intelligendum est, quando id quod recipitur ab alio, non idem numero
est in recipiente et dante, sicut accidit in creaturis respectu Dei. Unde omne
receptum in creatura, est quasi unitas respectu esse divini: quia creatura non
potest esse recipere secundum illam perfectionem quae in Deo est. Sed filius in
divinis accipit a patre eamdem naturam numero quam pater habet: et ideo non
procedit. # 11. Il faut comprendre que
ce mot d’Avicenne s’applique quand ce qui est reзu d’un autre n’est pas
identique en nombre dans celui qui reзoit et celui qui donne, comme cela arrive
pour les crйatures par rapport а Dieu. C'est pourquoi tout ce qui est reзu dans
la crйature est comme une unitй par rapport а l’кtre divin; parce que la
crйature ne peut pas recevoir l’кtre selon cette perfection qui est en Dieu.
Mais le Fils reзoit du Pиre une nature identique en nombre а celle du Pиre; et
c’est pourquoi, cette objection n'est pas valable. q. 10 a. 1 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod non omne est
aliquid commune patri, scilicet essentia; et aliquid per quod a patre
distinguitur, scilicet relatio. Non tamen est ibi compositio, quia relatio est
secundum rem essentia, sicut ex superioribus disputationibus patet. # 12. Tout n’est pas commun avaec Pиre, comme l'essence; il y a quelque
chose par quoi il est ditinguй du Pиre а savoir la relation. Cependant il n'y a
pas composition, parce que la relation est rйellement l'essence, comme cela
paraоt dans les discussions ci-dessus (qu. 8, a. 2). q. 10 a. 1 ad 13 Ad decimumtertium dicendum quod recipiens,
antequam recipiat, indiget,- ad hoc enim accipit, ut indigentiam repleat,- sed
postquam iam acceperit non indiget, habet enim quo indigebat. Si ergo aliquid
est quod receptioni non praeexistit, sed semper est in recepisse, hoc nullo
modo est indigens. Filius autem non sic accipit a patre quasi prius non habens
et postea accipiens; sed quia hoc ipsum quod est, habet a patre. Unde non
sequitur quod sit indigens. # 13. Ce qui reзoit, avant de recevoir en йprouve le besoin — car il
reзoit cela pour combler son manque, — mais aprиs qu'il a reзu il n'en a plus
besoin, car il a ce qui lui manquait. Donc s'il y a quelque chose qui ne
prйexiste pas а la rйception, mais est toujours comme ayant reзu, il n’en
йprouve le besoin en aucune maniиre. Mais le Fils ne reзoit pas du Pиre, comme
s’il n’avait pas auparavant, et recevait ensuite; mais parce que ce qu’il est,
il le tient du Pиre. C'est pourquoi il n'en dйcoule pas qu'il en a besoin. q. 10 a. 1 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod creatura
accipit a Deo esse quoddam, quod non esset permanens, nisi divinitus
conservaretur; et ideo etiam postquam esse accepit, indiget divina operatione
ut conservetur in esse, et sic est naturae indigentis. Filius autem accipit a
patre idem numero esse et eamdem naturam numero quam pater habet; unde non est
naturae indigentis. # 14. La crйature reзoit de Dieu un кtre, qui ne serait pas permanent
s'il n'йtait divinement conservй et c'est pourquoi mкme aprиs qu'elle l'a reзu,
elle a besoin de l'opйration divine pour кtre conservйe а l'кtre, et ainsi elle
est d'une nature qui est dans le besoin. Mais le Fils reзoit du Pиre le mкme
кtre en nombre, la mкme nature en nombre12,
que le Pиre; c'est pourquoi il n'est pas d'une nature dans le besoin. q. 10 a. 1 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod filius in se
consideratur secundum illud quod absolute habet, quod est patris essentia; et
secundum hoc non est nihil, sed unum cum patre. Secundum vero quod refertur ad
patrem, consideratur ut recipiens esse a patre: unde nec sic etiam est nihil;
et ita nullo modo filius est nihil. Esset autem in se consideratus nihil, si
esset in eo aliquid absolutum distinctum a patre, sicut est in creaturis. # 15. Le Fils est considйrй en soi, selon ce qu'il a dans l’absolu, qui
est l'essence du Pиre, et selon cela il n'est pas nйant, mais un avec le Pиre.
Mais pour ce qui se rapporte au Pиre, il est considйrй comme recevant l’кtre de
lui; c'est pourquoi ainsi non plus il n'est pas nйant, et ainsi en aucune
maniиre le Fils n’est nйant. Mais il le serait, considйrй en soi, s'il y avait
en lui quelque chose d'absolu distinct du Pиre, comme dans les crйatures. q. 10 a. 1 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod filius ad hoc
procedit ut sit; sed processio eius est aeterna, sicut processio splendoris a
sole est ei coaeva; et propter hoc etiam filius est aeternus. # 16. Le Fils procиde pour кtre, mais sa procession est йternelle,
comme la procession de la splendeur du soleil lui est contemporaine. Et c'est
pour cela que le Fils est йternel. q. 10 a. 1 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod auctoritas
in patre non est aliud quam relatio principii. Secundum relationem autem non
dicitur aliquid aequale vel inaequale, sed secundum quantitatem, ut Augustinus
dicit et propter hoc filius non est inaequalis patri. # 17. L'autoritй dans le Pиre n'est pas autre chose qu'une relation de
principe. Mais pour la relation, on ne parle pas d’йgalitй ou d’inйgalitй, mais
on en parle selon la quantitй13,
comme Augustin le dit (La Trinitй, VI,
III, 5) et а cause de cela le Fils n'est pas inйgal au Pиre.
1 Parall.: Ia, 27, 1 — 1 Sent. D. 13, a. 1— CG. IV, 11. 2
Ce qui se trouve premier (princeps: primum caput). 3
Symbole "Quicumque", dit
d’Athanase. Denz. 75 (25-26). 25.
Dans la trinitй, rien n'est antйrieur ou postйrieur, rien n'est plus grand ou
moins grand. (Symbole et dйfinitions). 4
B.J. ".…c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens." 5
"Le continu est ce dont les extrйmitйs sont une seule chose… Il est
impossible qu’un continu soit formй d’indivisible" (Physique, VI, 1, 231 a 20) "Le continu en tant que tel est
divisible а l’infini" Ia, qu. 3,
a. 1, c. Le sens de continu comme proche de matiиre. 6
"Or la distance des extrкmes, et, par consйquent aussi des contraires, est
la distance maxima…" (Trad. J. Tricot, p. 546). 7
Vanier, p. 46: "On a cru voir dans ce texte le thиme de tout le De Potentia" p. 46. 8
Opйration ad intra corporelle (sens) et spirituelle (intelligence et volontй). 9
"…Il n’y a pas de mouvement hors des choses; en effet, ce qui change,
change toujours substantiellement, ou quantitativement, ou localement… il n’y
aura ni mouvement ni changement en dehors des choses qu’on vient de dire,
puisqu’il n’y a rien hors de ces choses." (Physique III, 1, 200 b 30- 201 a 2). 10
L’article 11 de la qu. 13, dans la Somme Thйologique, est consacrй а ce sujet.
La formule est la plus propre pour Dieu, a) parce qu’elle signifie l’esse. b) а cause de son universalitй.
Les autres noms ont moins d’extension. c) Elle signifie l’кtre dans le prйsent.
Cf. I Sent. D. 8 qu. 1, a. 1. — Pot. qu. 2, a. 1,— qu. 7, a. 5 — Les noms divins, c. 5, lectio 1. 11 Contra errores
Graecorum, c 1, ch.
2. 12
"La communication qui se fait ainsi du Pиre aux autres personnes est
perзue comme une diffusion." Vanier p. 46. 13
Qui n’existe pas en Dieu.
Article 2: En Dieu n'y a-t-il qu'une seule procession ou plusieurs?
q. 10 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur utrum in
divinis sit una tantum processio vel plures. Et videtur quod sit una tantum. Il semble qu'il n'y en a qu'une seulement1. Objections: q. 10 a. 2 arg. 1 Dicit enim Boetius in libro de Trinitate,
quod processio in Deo est substantialis. Substantialia autem non multiplicantur
in divinis. Ergo processiones in divinis non sunt plures. 1. Car Boиce dit (La Trinitй)
que la procession en Dieu est selon la substance. Mais ce qui est substantiel
n'est pas multipliй en lui. Donc il n’y a pas plusieurs processions. q. 10 a. 2 arg. 2 Sed dicendum, quod processiones in divinis
non distinguuntur per distinctionem substantiae, quae secundum processionem
communicatur, ratione cuius processiones substantiales dicuntur; sed
distinguuntur seipsis.- Sed contra, quaecumque ab invicem distinguuntur, vel
distinguuntur per divisionem materiae, sicut individua eiusdem speciei; vel
formaliter, sicut ea quae differunt vel genere vel specie. Processione autem
non distinguuntur in divinis ad modum eorum quae materialiter distinguuntur,
cum Deus sit omnino immaterialis. Relinquitur ergo quod omnis distinctio quae est
in divinis, sit ad modum eorum quae formaliter distinguuntur. Omnis autem
formalis distinctio est per aliquam oppositionem, et maxime eorum quae sunt
unius generis: nam genus dividitur contrariis differentiis, per quas species
distinguuntur, ut dicitur in X Metaph. Oportet ergo, si processiones
distinguantur in divinis, quod hoc sit ratione alicuius oppositionis.
Processiones autem et actiones et motus non habent oppositionem ad invicem nisi
ratione principiorum vel ratione terminorum, sicut patet de calefactione et
infrigidatione, ascensu et descensu. Ergo impossibile est quod processiones in
divinis distinguantur seipsis: sed si distinguuntur, oportet quod distinguantur
ex parte principii processionis, vel ex parte termini, id est personae ad quam
processio terminatur. 2. Mais il faut dire que les
processions en Dieu ne se distinguent pas par la substance, qui est communiquйe
selon la procession, pour la raison que les processions sont appelйes
substantielles; mais elles se distinguent d'elles-mкmes — Mais en sens contraire, tout ce qui se distingue l'un de l'autre se
distingue par la division de la matiиre, comme les individus d'une mкme espиce,
ou formellement, comme ce qui diffиre en genre ou en espиce. Mais les
processions ne se distinguent pas en Dieu а la maniиre de ce qui est distinguй
par la matiиre, puisque Dieu est tout а fait immatйriel. Il reste donc qu’en
lui toute distinction serait а la maniиre de ce qui se distingue par la forme.
Mais toute distinction formelle se fait par une opposition et surtout pour ce
qui est d'un seul genre; car le genre est divisй par des diffйrences
contraires, par lesquelles les espиces se distinguent, comme il est dit en Mйtaphysique X, 8, 1058 a 282. Il faut donc, si les processions se
distinguent en Dieu, que ce soit en raison d'une opposition entre elles. Mais
les processions, les actions et les mouvements n’ont d’oppositions entre eux,
qu’en raison des principes ou en raison des termes, comme cela apparaоt pour le
rйchauffement ou le refroidissement, la montйe ou la descente. Donc il est
impossible que les processions en Dieu se distinguent par elles-mкmes, mais si
elles se distinguent, il faut qu'elles le soient du cфtй du principe de la
procession, ou du cфtй du terme, c'est-а-dire de la personne а laquelle la
procession se termine. q. 10 a. 2 arg. 3 Praeterea, ea quae possunt simul esse, non
sunt distinctiva aliquorum: sicut album et dulce non sunt distinctiva duorum
substantivorum, quia possunt eidem inesse; ex hoc enim unumquodque ab altero
distinguitur quod unum eorum alterum esse non potest. Quod aliqua autem non
possint esse simul, hoc contingit ex natura alicuius oppositionis; ea enim
dicuntur esse opposita quae simul esse non possunt. Nihil igitur distinguitur
ab altero nisi ratione alicuius oppositionis; nam et in divisione quae est
secundum materiam, attenditur oppositio secundum situm, cum eadem divisio sit
secundum quantitatem. Si ergo oppositio processionum esse non potest nisi
ratione terminorum vel principiorum, ut dictum est, impossibile est quod
processiones distinguantur seipsis. 3 Ce qui peut кtre ensemble n’apporte pas de distinction; comme la
blancheur et la douceur n’apportent pas de distinction entre deux substances (??),
parce qu'elles peuvent кtre dans une mкme rйalitй, car l'une se distingue de
l'autre, parce que l'une ne peut pas кtre l’autre. Que certains ne puissent pas
кtre ensemble, cela arrive en raison d'une opposition; car on dit que les
opposйs ne peuvent pas кtre ensemble. Donc une chose ne se distingue d’une
autre qu’en raison d’une opposition, car dans la division d’aprиs la matiиre,
une opposition est atteinte suivant le lieu, puisque c'est la mкme division
pour la quantitй. Si donc l'opposition des processions ne peut exister qu'en
raison des termes ou des principes, comme on l'a dit, il est impossible que les
processions se distinguent d'elles-mкmes. q. 10 a. 2 arg. 4 Sed dicendum, quod processiones distinguuntur
in divinis ex eo quod una est per modum naturae, scilicet processio filii, et
altera per modum voluntatis, scilicet processio spiritus sancti.- Sed contra,
quod procedit naturaliter, procedit per modum naturae. Spiritus sanctus autem
procedit a patre naturaliter: dicit enim Athanasius quod est naturalis spiritus
patris. Ergo procedit per modum naturae. 4. Mais il faut dire que les
processions se distinguent en Dieu parce que l'une est par mode de nature, а
savoir la procession du Fils, l'autre par mode de volontй, а savoir celle de
l'Esprit saint. — En sens contraire, ce
qui procиde naturellement procиde par mode de nature. L'Esprit saint procиde du
Pиre naturellement. Car Athanase dit (Lettre contre ceux qui disent que
l'Esprit saint est une crйature et qui commence: Ta lettre, trиs saint…) qu'il est l'Esprit naturel du Pиre. Donc il
procиde par mode de nature. q. 10 a. 2 arg. 5 Praeterea, voluntas libera est. Quod ergo
procedit per modum voluntatis procedit per modum libertatis. Si ergo spiritus
sanctus procedit per modum voluntatis, oportet quod procedat per modum
libertatis. Quod autem procedit per modum libertatis, potest procedere et non
procedere, et in tantum vel non in tantum procedere; quia quae libere fiunt,
non sunt determinata ad unum, ergo pater potuit producere spiritum sanctum vel
non producere, et dare ei quamcumque mensuram magnitudinis vellet. Sequitur
ergo quod spiritus sanctus sit ens possibile, et non ens per se necesse esse:
et sic non erit divinae naturae; quod est haeresis Macedonianae. 5. La volontй est libre. Donc ce qui procиde par mode de volontй
procиde par mode de libertй. Si donc l’Esprit saint procиde par mode de
volontй, il faut qu’il procиde par mode de libertй. Mais ce qui procиde ainsi,
peut procйder ou ne pas procйder; et procйder dans telle mesure ou pas; parce
que ce qui se fait librement n’est pas limitй а un seul effet, donc le Pиre a
pu produire l’Esprit saint ou ne pas le produire, et lui donner n’importe
quelle grandeur qu’il voulait. Il en dйcoule donc que l’Esprit saint est un
йtant possible et non un йtant qui est nйcessairement par soi; et ainsi il ne
sera pas de nature divine; ce qui est l’hйrйsie de Macйdonius. q. 10 a. 2 arg. 6 Praeterea, Hilarius dicit, differentiam
assignans inter creaturas et filium, quod omnibus creaturis substantiam Dei
voluntas attulit, filius autem naturali nativitate substantiam a patre accepit.
Si ergo spiritus sanctus procedit per modum voluntatis, sequitur quod procedit
sicut creatura. 6. Hilaire dit (dans le livre des
Synodes), assignant une diffйrence entre les crйatures et le Fils, que la
volontй de Dieu apporte а toutes crйatures la substance, mais le Fils reзoit la
sienne du Pиre par une naissance naturelle. Si donc l’Esprit saint procиde par
mode de volontй, il en dйcoule qu’il procиde comme les crйatures. q. 10 a. 2 arg. 7 Praeterea, natura et voluntas in Deo non
differunt nisi secundum rationem. Si ergo processio filii et spiritus sancti
distinguantur ex eo quod una est per modum naturae, altera vero per modum
voluntatis, sequitur quod processio filii et spiritus sancti non differant nisi
ratione tantum; et ita filius et spiritus sanctus personaliter non
distinguuntur. 7. La nature et la volontй en Dieu ne diffиrent qu’en raison. Si donc
la procession du Fils et celle de l’Esprit saint sont distinguйes par le fait
que l’une est par mode de nature, l’autre par mode de volontй, il en dйcoule
que la procession du Fils et celle de l’Esprit saint ne diffиrent qu’en raison
seulement, et ainsi le Fils et l’Esprit saint ne sont pas distinguйs
personnellement. q. 10 a. 2 arg. 8 Sed dicendum quod vis spirativa et generativa
in patre differunt ratione tantum, et tamen haec est distinctio realis in filio
et spiritu sancto; et similiter natura et voluntas possunt realem distinctionem
in processionibus et procedentibus constituere, licet differant ratione
tantum.- Sed contra, filius et spiritus sanctus distinguuntur per ea quae in
eis sunt. Vis autem generativa non est in filio, nec spirativa in spiritu
sancto. Ergo per haec filius et spiritus sanctus non distinguuntur. 8. Mais il faut dire que la
puissance de spiration et la puissance gйnйrative dans le Pиre diffйrent en
raison seulement et cependant c’est une distinction rйelle dans le Fils et
l’Esprit saint; et de la mкme maniиre, la nature et la volontй peuvent
constituer une distinction rйelle dans les processions et dans ce qui procиde,
bien qu’ils diffиrent en raison seulement.— En
sens contraire, le Fils et l’Esprit saint se distinguent par ce qui est en
eux. Mais la puissance gйnйrative n’est pas dans le Fils, ni la puissance de
spiration dans l’Esprit saint. Donc ce n’est pas cela qui distingue le Fils et
l’Esprit saint. q. 10 a. 2 arg. 9 Praeterea, ex hoc ostenditur quod generatio,
quae est processio per modum naturae, est in divinis, quod eius similitudo
creaturae communicatur, ut patet Is., LXVI, 9: numquid ego qui (...)
generationem aliis tribuo sterilis ero? Processio autem quae est per modum
voluntatis non communicatur creaturae, non enim invenitur in creaturis aliquid
quod naturam accipiat nisi per modum generationis. Non est ergo aliqua
processio in divinis personis per modum voluntatis. 9. Par lа, on montre que la gйnйration, qui est une procession par mode
de nature, est en Dieu, parce que sa ressemblance est communiquйe а la
crйature, comme cela paraоt en Is. 66,
9: "Est-ce que moi qui… accorde la
gйnйration aux autre, je serai stйrile?" Mais la procession qui est
par mode de volontй n’est pas communiquйe aux crйatures, car on ne trouve rien
en elles qui reзoit la nature sinon par mode de gйnйration. Donc il n’y a pas
de procession dans les personnes divines par mode de volontй. q. 10 a. 2 arg. 10 Praeterea, modus aliquid adiicit rei et per
consequens compositionem facit; et multo magis, si sit modorum pluralitas. Sed
in divinis est omnimoda simplicitas. Ergo non est ibi modorum pluralitas, ut
possit dici, quod filius procedit uno modo, scilicet per modum naturae, et
spiritus sanctus alio modo, scilicet per modum voluntatis. 10. Une modalitй est un ajout et par consйquent produit une
composition, et beaucoup plus, s’il y a pluralitй de modalitйs. Mais en Dieu il
y a la simplicitй de toutes les maniиres. Donc il n’y a pas pluralitй de
modalitйs, pour qu’on puisse dire que le Fils procиde d’une maniиre, а savoir
celui de la nature, et l’Esprit saint d’une autre, а savoir celui de la
volontй. q. 10 a. 2 arg. 11 Praeterea, in divinis voluntas non plus
differt a natura quam intellectus. Sed non est alia processio in divinis per
modum intellectus ab ea quae est per modum naturae. Ergo etiam non est alia
processio quae est per modum voluntatis, ab ea quae est per modum naturae. 11. En Dieu la volontй ne diffиre pas plus de la nature que
l’intellect. Mais il n’y a d’autre procession par mode d’esprit que celle qui
est par mode de nature. Donc il n’y a pas d’autre procession qui est par mode
de volontй que celle qui est par mode de nature. q. 10 a. 2 arg. 12 Sed dicendum, quod processio spiritus sancti
differt a processione filii, ex eo quod processio filii est a non procedente
tantum, scilicet a patre; processio autem spiritus sancti est a non procedente
et procedente, et simul, scilicet a patre et filio.- Sed contra, si ponantur
duae processiones in divinis, oportet quod differant numero tantum aut specie.
Si numero tantum, sequitur quod utraque processio debeat dici generatio vel
nativitas, et uterque procedens debeat dici filius; si autem differant specie,
oportet quod natura per processionem communicata specie differat: sic enim
specie differt processio hominis et equi a suo principio, non autem processio
Socratis et Platonis. Cum ergo una tantum sit natura divina, non possunt esse
plures processiones specie differentes, per hoc quod una est a procedente, alia
vero non. 12. Mais il faut dire que la procession de l’Esprit saint diffиre de
celle du Fils, par le fait que celle du Fils est seulement par quelqu’un qui ne
procиde pas, а savoir par le Pиre; mais la procession de l’Esprit saint est par
l’un qui ne procиde pas et l’autre qui procиde, en mкme temps, а savoir par le
Pиre et le Fils. — En sens contraire,
si on place deux processions en Dieu, il faut qu’elles diffиrent en nombre
seulement ou en espиce. Si c’est en nombre seulement, il en dйcoule que l’une
et l’autre processions doivent кtre appelйes gйnйration ou naissance, et l’un
et l’autre qui procиdent doivent кtre appelй fils, mais si elles diffиrent en
espиce, il faut que la nature communiquйe par la procession diffиre en espиce:
car ainsi la ‘procession’ de l’homme et du cheval diffиre en espиce par son
principe, mais pas celle de Socrate et de Platon. Donc comme la nature divine
est une seulement, il n’est pas possible qu’il y ait plusieurs processions
diffйrentes en espиces, par le fait que l’une vient de celui qui procиde et
l’autre non. q. 10 a. 2 arg. 13 Praeterea, filius et spiritus sanctus non
distinguuntur ad modum eorum quae specie differunt in creaturis: sunt enim
unius naturae hypostases. Processiones autem quibus procedunt aliqua quae sunt
specie unum, numero vero differentia, non differunt secundum speciem, sicut
generatio Socratis et generatio Platonis. Ergo processio filii et processio
spiritus sancti non sunt distinctae processiones secundum speciem. 13. Le Fils et l’Esprit saint ne se distinguent pas а la maniиre de
ceux qui dans les crйatures diffиrent en espиce; car les hypostases sont d’une
seule nature. Les processions par lesquelles procиdent ce qui est un en espиce,
mais diffйrent en nombre, ne diffиrent pas en espиce, comme la gйnйration de
Socrate et celle de Platon. Donc la procession du Fils et celle de l’Esprit
saint ne sont pas des processions diffйrentes en espиce. q. 10 a. 2 arg. 14 Praeterea, sicut aliquid potest esse
procedens a procedente, ita potest esse aliquis natus a nato, ut patet in
hominibus, in quibus qui nascitur ab uno habet alium de se natum. Si ergo in divinis sunt duae processiones per hoc quod
a procedente alius procedit, pari ratione poterunt esse duae generationes per
hoc quod a genito alius generatur. 14. Quelque chose peut procйder de celui qui procиde, de mкme il peut y
avoir quelqu’un nй de quelqu’un qui est nй, comme on le voit chez les hommes,
en qui celui qui naоt de l’un a un autre nй de lui. Donc si en Dieu il y a deux
processions par le fait qu’un autre procиde de celui qui procиde, а raison
йgale, il pourra y avoir deux gйnйrations par le fait qu’un autre est engendrй
par celui qui est engender. q. 10 a. 2 arg. 15 Praeterea, si processio spiritus sancti
distinguitur a processione filii per hoc quod spiritus sanctus procedit a non
procedente et procedente, id est a patre et filio, aut procedit ab eis in
quantum sunt unum, aut in quantum sunt plures. Si in quantum sunt plures
sequitur quod spiritus sanctus sit compositus: nam processio unius simplicis
non potest esse nisi ab uno sicut a principio. Si autem procedit ab eis in
quantum sunt unum, nihil differt quod procedit a pluribus, aut quod procedit ab
uno solo. Non ergo potest processio spiritus sancti distingui a processione
filii per hoc quod filius procedit ab uno solo, sed spiritus sanctus a duobus. 15. Si la procession de l’Esprit saint se distingue de celle du Fils
par le fait que l’Esprit saint procиde de celui qui ne procиde pas et de celui
qui procиde, c'est-а-dire du Pиre et du Fils, ou bien il procиde d’eux en tant
qu’ils sont un, ou en tant qu’ils sont plusieurs. Si c’est en tant qu’ils sont
plusieurs, il en dйcoule que l’Esprit saint est composй; car la procession d’un
кtre simple ne peut venir que par un seul en tant que principe. Mais s’il
procиde d’eux en tant qu’ils sont un, il n’y a aucune diffйrence qu’il procиde
de plusieurs ou qu’il procиde d’un seul. Donc la procession de l’Esprit saint
ne peut pas кtre distinguйe de celle du Fils par le fait que celui-ci procиde
d’un seul, mais l’Esprit saint de deux. q. 10 a. 2 arg. 16 Praeterea, processio condividitur
paternitati et filiationi: dicuntur enim tres esse proprietates personales. Sed in divinis est tantum una paternitas et una filiatio. Ergo etiam tantum
una processio. 16. La procession est divisйe en paternitй et filiation: car on dit
qu’il y a trois propriйtйs personnelles3.
Mais en Dieu il y a une seule paternitй et une seule filiation. Donc aussi une
seule procession. q. 10 a. 2 arg. 17 Praeterea, in creaturis non invenitur nisi
unus processionis modus per quem communicetur natura, propter quod Commentator
dicit, quod non sunt eadem specie animalia quae generantur ex semine, et quae
generantur sine semine per putrefactionem. Natura autem divina est una tantum.
Ergo non potest communicari nisi per unum modum processionis: non sunt ergo
plures processiones in divinis. 17. Dans les crйatures, on ne trouve qu'un mode de procession, par
lequel la nature est communiquйe; c'est pourquoi le Commentateur (Physique, VII, com. 23) dit que les
animaux qui sont engendrйs de la semence ne sont pas de la mкme espиce que ceux
qui le sont sans semence, par putrйfaction. Mais la nature divine est une
seulement. Donc elle ne peut кtre communiquйe que par un seul mode de
procession; donc il n'y a pas plusieurs processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 18
Praeterea, filius procedit a patre ut splendor, secundum illud Hebr. I, 3: qui
cum sit splendor gloriae; et hoc ideo, quia filius procedit a patre ut
coaeternus ei, sicut splendor a sole vel ab igne. Sed similiter spiritus
sanctus procedit a patre coaeternus ei. Ergo procedit ab eo eodem modo sicut
filius; et ita non sunt plures processiones in divinis. 18. Le Fils procиde du Pиre comme splendeur, selon ce mot d'Hйbr. 1, 3: "Celui qui est splendeur de gloire…"; parce que le Fils procиde
du Pиre, et lui est coйternel comme la splendeur est contemporaine du soleil ou
du feu. Mais de la mкme maniиre, l'Esprit saint procиde du Pиre et lui est
coйternel. Donc il procиde de la mкme maniиre que le Fils, et ainsi il n'y a
pas plusieurs processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 19 Praeterea, processio aeterna divinae
personae est ratio et causa temporalis processionis creaturae et eius quod in
creatura est. Unde Augustinus super Genesim ad
litteram, sic exponit illud quod dicit Genes. I: dixit et
factum est; id est: verbum genuit, in quo erat ut fieret. Filius autem est
perfecte ratio et causa productionis creaturae. Non ergo oportet esse aliam
processionem divinae personae praeter processionem filii. 19. La procession йternelle de la personne divine est la raison et la
cause temporelle de la procession de la crйature et de ce qui est dans la
crйature. C'est pourquoi Augustin (La
Genиse au sens littйral, II, 6, 14) expose ainsi ce qui est dit en Gn. 1: "Il dit et cela fut fait", c'est-а-dire "il engendra le Verbe dans lequel il y avait
que cela serait fait4". Mais
le Fils est raison et cause parfaites de la production de la crйature. Donc il
ne faut pas qu'il y ait une autre procession de la personne divine en dehors de
celle du Fils. q. 10 a. 2 arg. 20
Praeterea, quanto natura est perfectior, tanto per pauciora operatur. Sed natura
divina est perfectissima. Cum ergo natura creata una non communicetur nisi per
unum modum processionis, nec divina natura communicari poterit nisi per unum
processionis modum. 20. Plus la nature est parfaite, plus les moyens par lesquels elle
opиre sont petits. Mais la nature divine est absolument parfaite. Donc comme
une seule nature crййe n'est communiquйe que par un mode de procession, la
nature divine ne pourra кtre communiquйe que par une seul mode de procession. q. 10 a. 2 arg. 21 Praeterea, ab uno simplici non potest esse
nisi unum. Sed pater est unum simplex. Ergo ab eo non potest esse nisi
processio una; non sunt ergo processiones plures in divinis. 21. D’une chose simple ne peut venir qu'une seule chose. Mais le Pиre
est unique et simple. Donc de lui il ne peut y avoir qu'une procession; ainsi
il n'y a pas plusieurs processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 22 Praeterea, unumquodque ex hoc generari
dicitur quod accipit formam; nam generatio in rebus creatis est mutatio ad
formam. Sed spiritus sanctus sua processione accipit formam, id est
essentiam divinam, de qua dicitur Philipp. II, 6: cum in forma Dei esset, non
rapinam arbitratus est esse se aequalem Deo. Ergo processio spiritus sancti est
generatio; et ita non differt a generatione filii. 22. On dit que chaque chose est engendrйe du fait qu'elle reзoit sa
forme5; car la gйnйration dans les
crйatures est changement pour la forme. Mais l'Esprit saint reзoit la forme,
c'est-а-dire l'essence divine, par sa procession, dont il est dit (Phil. 2, 6): "Comme il йtait de
forme divine, il n'a pas jugй comme une usurpation d’кtre йgal а Dieu6". Donc la procession de l'Esprit saint est une gйnйration,
et ainsi elle ne diffиre pas de la gйnйration du Fils. q. 10 a. 2 arg. 23 Praeterea, nativitas est via in naturam,
sicut ipsum nomen demonstrat. Sed per processionem spiritus sancti communicatur
ei divina natura. Ergo processio spiritus sancti est nativitas; non ergo
differt a processione filii; et ita non sunt duae processiones in divinis. 23. La naissance est un processus naturel, comme le nom
mкme le montre. Mais la nature
divine est communiquйe а l’Esprit saint par
une procession. Donc celle-ci est une naissance; donc elle ne diffиre pas de
celle du Fils, et ainsi il n’y a pas deux processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 24 Videtur quod sint in divinis plures
processiones quam duae. Est enim processio per modum naturae, secundum quam
filius nominatur, et processio per modum intellectus, secundum quod nominatur
verbum, et processio per modum voluntatis, secundum quam nominatur in divinis
amor procedens. Sunt ergo in divinis tres processiones. 24. Il semble qu’il y ait plus de deux processions. Car il y a la
procession par mode de nature, selon lequel on dйsigne le Fils, celle par mode
d’intellect selon lequel on l’appelle le Verbe et celle par mode de volontй
selon laquelle on dйsigne l’amour qui procиde en Dieu. Donc en Dieu il y a
trois processions. En sens contraire7: q. 10 a. 2 s. c. Sed contra, videtur quod in divinis sint duae
tantum processiones. Dicit enim Augustinus in V de Trinit., quod processio
filii, genitura vel nativitas est, processio autem spiritus sancti, nativitas
non est; utraque tamen ineffabilis est. Sunt ergo in divinis duae tantum
differentes processiones. On voit bien qu'en Dieu il n'y a que deux processions seulement. Car
Augustin dit (La Trinitй, V) que la
procession du Fils est engendrement et naissance, mais celle de l'Esprit saint,
n'est pas naissance; cependant l'une et l'autre sont ineffables. Donc en Dieu
il n'y a seulement que deux processions diffйrentes. Rйponse: q. 10 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod haereticorum instantia
coegit antiquos fidei doctores de his quae sunt fidei disputare. La pression des hйrйtiques a forcй les anciens docteurs а disserter sur
la foi. Arius enim aestimavit quod esse ab alio, divinae repugnaret
naturae; unde posuit quod filius et spiritus sanctus, qui in Scripturis sanctis
ab alio esse dicuntur, sint creaturae. Ad cuius erroris destructionem
necessarium fuit sanctis patribus manifestare quod non est impossibile esse
aliquid procedens a Deo patre quod sit ei coessentiale, in quantum accipit ab
eo eamdem naturam quam pater habet A. Car Arius a estimй que dйpendre
d'un autre s’oppose а la nature de Dieu; c'est pourquoi il a pensй que le Fils
et l'Esprit saint, dont l’Йcriture sainte dit qu’ils sont d’un autre, sont des
crйatures. Pour dйtruire cette erreur il a йtй nйcessaire aux saints Pиres de
montrer qu'il n'est pas impossible que ce qui procиde de Dieu le Pиre lui soit
coessentiel, dans la mesure oщ cela reзoit de lui la mкme nature que lui. . Sed quia filius ex eo quod accipit a patre eius naturam,
dicitur ab eo natus vel genitus, spiritus sanctus autem non dicitur in
Scripturis natus vel generatus, et tamen dicitur esse a Deo, aestimavit
Macedonius quod spiritus sanctus non sit coessentialis patri, sed sit eius
creatura; non enim credebat quod aliquis possit ab alio naturam eius accipere
nisi ab eo nasceretur et eius filius esset. Unde aestimavit infallibiliter
sequi, si spiritus sanctus accipit a patre naturam et essentiam eius, quod sit
genitus et filius. Et ideo ad huius erroris exclusionem necessarium fuit quod
doctores nostri manifestarent quod divina natura potest communicari duplici
processione; quarum una est generatio vel nativitas, alia vero non; et hoc est
quaerere processionum distinctionem in divinis. B. Mais parce qu’on dit que le Fils, du fait qu'il reзoit sa nature du
Pиre, est nй de lui ou est engendrй, et que l'Esprit Saint, n'est pas appelй
dans les Йcritures nй ou engendrй, et cependant il est de Dieu, Macйdonius a estimй que l'Esprit saint
n'йtait pas coessentiels au Pиre, mais qu'il йtait sa crйature; car il ne
croyait pas que quelqu'un puisse recevoir sa nature d'un autre, а moins qu'il
ne soit nй de lui et soit son fils. C'est pourquoi, il a estimй qu’il en
dйcoulait infailliblement, si l'Esprit saint reзoit du Pиre sa nature et son
essence, qu'il serait engendrй et fils. Et c'est pourquoi pour repousser cette
erreur il a йtй nйcessaire que nos docteurs dйmontrent que la nature divine
peut кtre communiquйe par une double procession; dont l'une est la gйnйration
ou naissance, mais pas l'autre, et c'est cela chercher la distinction des processions
en Dieu. Quidam ergo dixerunt, quod processiones in divinis
distinguuntur seipsis; et ratio huius positionis fuit, quia ponebant quod
relationes non distinguunt divinas hypostases, sed earum distinctionem
manifestant tantum, aestimantes quod relationes in divinis essent ad modum
proprietatum individualium in rebus creatis, quae distinctionem individuorum
non causant, sed manifestant tantum. Dicunt ergo quod hypostases in divinis
distinguuntur solum per originem. Et quia ea quibus primo aliqua distinguuntur,
oportet quod seipsis distinguantur, sicut differentiae oppositae, quibus
species differunt, distinguuntur seipsis,- ne in infinitum procedatur,- ideo
dicunt, quod processiones in divinis distinguuntur se ipsis I. Donc certains ont dit que
les processions se distinguent d’elles-mкmes en Dieu; et la raison de cette
position a йtй qu'ils pensaient que les relations ne distinguent pas les
hypostases divines, mais manifestent leur distinction seulement, estimant que
les relations en Dieu sont а la maniиre des propriйtйs individuelles, dans les
crйatures, qui ne causent pas la distinction des individus, mais la manifestent
seulement. Donc ils disent que les
hypostases se distinguent en Dieu seulement par l'origine. Et parce qu’il faut
que ce par quoi certaines choses se distinguent d’abord, ce soit qu’elles se
distinguent d’elles-mкmes, de mкme que les diffйrences opposйes par lesquelles
les espиces diffиrent se distinguent d’elles-mкmes — pour ne pas procйder а
l'infini, — а cause de cela donc, ils disent que les processions en Dieu se
distinguent d’elles-mкmes. Hoc autem non potest esse verum: nam unumquodque
distinguitur ab alio secundum speciem per id a quo speciem habet, et secundum
numerum per id a quo individuatur. Differentia autem inter processiones
divinas oportet quod sit non solum sicut ea quae differunt numero tantum, sed
etiam sicut ea quae differunt specie, cum una sit generatio, alia vero non. Relinquitur ergo quod
processiones divinae distinguantur secundum id a quo speciem habent. Nulla autem
processio nec operatio nec motus habet speciem a se, sed sortitur speciem a
termino vel a principio. Unde nihil est dictu, quod processiones aliquae distinguantur
seipsis; sed oportet quod distinguantur penes principia vel penes terminos. Mais cela ne peut pas кtre vrai; car toute chose se distingue d'une
autre selon l'espиce par ce par quoi elle a l'espиce, et selon le nombre par ce
par quoi elle est individuйe. Mais il faut que la diffйrence entre les
processions divines soit non seulement comme ce qui diffиre en nombre
seulement, mais aussi comme ce qui diffиre par l'espиce, puisqu'il y a une
seule gйnйration, et pas d’autre. Il
reste donc que les processions divines se distinguent par ce par quoi elles
ont l'espиce. Mais aucune procession ni opйration ni mouvement n'a l'espиce par
soi, mais il la reзoit du terme ou du principe. C'est pourquoi que certaines
processions se distinguent d’elles-mкmes, c’est ne rien dire, mais il faut
qu'elles soient distinguйes selon les principe ou les termes8. Et ideo dixerunt quidam, quod processiones in divinis
distinguuntur penes principia; secundum hoc, dico, quod una processio est per
modum naturae vel intellectus, alia vero per modum voluntatis; nomina enim
intellectus et voluntatis significare videntur quaedam operationum et
processionum principia. II. Et c'est pourquoi certains
ont dit que les processions en Dieu se distinguent en raison des principes;
а ce sujet, je dis qu’une procession est par mode de nature ou d’esprit, l’autre
par mode de volontй; car les noms d’esprit et de volontй semblent signifier
certaines des opйrations et les principes des processions. Sed, si quis diligenter consideret, de facili videre potest
quod hoc non sufficit ad divinarum processionum distinctionem, nisi aliud
addatur. Cum enim oporteat in procedente inveniri similitudinem eius quod est
processionis principium, sicut in rebus creatis similitudinem formae generantis
necesse est esse in genito; oportet, quod si processiones in divinis
distinguuntur per hoc quod principium unius est natura vel intellectus,
alterius vero voluntas, quod in procedente secundum unam processionem
inveniatur tantum id quod naturae est vel intellectus; in altero vero id quod
est voluntatis tantum; quod patet esse falsum. Nam per unam processionem, quae
est filii a patre, communicat pater filio quidquid habet, et naturam et
intellectum et potentiam et voluntatem, et quidquid absolute dicitur: ut sicut
filius est verbum, id est sapientia genita, ita posset dici natura vel voluntas
vel potentia genita, idest per generationem accepta, vel magis huiusmodi per
generationem accipiens. Mais, si on considиre avec attention, on peut voir facilement que cela
ne suffit pas pour la distinction des processions divines, а moins d’ajouter autre
chose. Comme il faut, en effet, trouver dans celui qui procиde la ressemblance
avec le principe de la procession, de mкme qu’il est nйcessaire dans les
crйatures que la ressemblance de la forme qui engendre soit dans celui qui est
engendrй; il faut que, si les processions en Dieu se distinguent du fait que le
principe de l’une est la nature ou l’esprit, mais celui de l’autre la volontй,
qui procиde selon une seule procession on trouve seulement ce qui est de la
nature ou de l’esprit; et dans l’autre ce qui est de la volontй seulement, il
est clair que c’est faux. Car par une seule procession, celle du Fils par le
Pиre, celui-ci communique au Fils ce qu’il a, la nature, l’esprit, la
puissance, et la volontй et tout ce qui est appelй absolu: pour que, de mкme
que le Fils est le Verbe, c'est-а-dire la sagesse engendrйe, de mкme on puisse
dire qu’il est la nature, la volontй, la puissance engendrйes, c'est-а-dire
reзues par gйnйration ou celui qui reзoit plus de ce genre par gйnйration. Unde patet quod ex quo omnia attributa essentialia
concurrunt in unam processionem filii, non possit processionum differentia
inveniri secundum rationes attributorum diversas; ita quod per unam
processionem attendatur communicatio unius attributi, et per aliam communicatio
alterius. Cum autem processionis terminus sit habere (cum ad hoc procedat
persona divina ut habeat quod accipit procedendo) processiones autem secundum
terminos distinguantur, necesse est ut sicut habens distinguitur in divinis,
ita distinguatur et procedens. Habens autem non distinguitur in divinis ab
habente per hoc quod hic habeat haec attributa, ille vero alia; sed per hoc
quod eadem unus habet ab alio. Nam omnia quae habet pater habet filius; sed in
hoc distinguitur filius a patre, quia filius habet ea a patre. C’est pourquoi il est clair que par le fait que tous les attributs
essentiels arrivent dans la seule procession du Fils, on ne pourrait trouver
une diffйrence des processions selon la nature diverse des attributs, de sorte que, par une seule procession,
soit atteinte la communication d’un seul attribut et par une autre la
communication d’un autre. Mais comme le terme de la procession c’est la possession (puisque la personne
divine procиde pour avoir ce qu’elle reзoit en procйdant) les processions se
distinguent par les termes, il est nйcessaire que celui qui a, pour ainsi dire,
soit distinguй en Dieu, de mкme celui qui procиde. Mais celui qui a n’est pas
distinguй d’un autre parce que l’un a ces attributs, et l’autre en a d’autres;
parce que l’un a les mкmes choses d’un autre. Car tout ce qu’a le Pиre le Fils
l’a; mais le Fils est distinguй du Pиre parce qu’il l’a du Pиre. Sic ergo procedens ab alio procedente distinguitur non quia
unus haec procedendo accipiat, alius illa, sed quia unus eorum ab alio accipit.
Quidquid ergo invenitur in processione divina quod statim in una processione
potest intelligi, nulla alia praeintellecta, unius tantum processionis est; ibi
vero statim alia processio inveniri potest, ubi eadem quae per prima
processionem sunt accepta, iterum derivantur in aliam. Ainsi donc celui qui procиde d’un autre qui procиde est
distinguй, non parce que l’un reзoit ces choses en procйdant, et l’autre
d’autres choses, mais parce que l’un d’eux le reзoit d’un autre. Donc tout ce
qu’on trouve dans la procession divine qui peut кtre compris aussitфt dans une
seule procession, sans rien d’autre de prйconзu, vient d’une seule procession;
mais aussitфt on peut trouver une autre procession, lа oщ les mкmes choses qui
sont reзues par la premiиre procession, а nouveau sont dйtournйes dans une
autre. Et sic solus ordo processionum qui attenditur secundum
originem processionis, multiplicat in divinis. Unde convenienter dixerunt qui
posuerunt unam processionem esse per modum naturae et intellectus, aliam per
modum voluntatis, quantum ad id quod processio quae est secundum naturam vel
intellectum non praeexigit aliam processionem; processio autem quae est per
modum voluntatis, aliam processionem praeexigit: nam amor alicuius rei non
potest a voluntate procedere nisi praeintelligatur processisse ab intellectu
illius rei verbum conceptum; bonum enim intellectum est obiectum voluntatis. Et ainsi le seul ordre de procession qui est atteint selon l’origine de
la procession apporte la multiplication en Dieu. C’est pourquoi ils ont parlй
convenablement ceux qui ont pensй qu’une seule procession йtait par mode de
nature et d’esprit, l’autre par mode de volontй, du fait que la procession qui
est par nature ou esprit n’exige pas auparavant une autre procession, mais la
procession, par mode de volontй, en exige une autre auparavant: car aimer
quelque chose ne peut procйder de la volontй sans que soit compris auparavant
que le verbe conзu ait procйdй du concept de cette chose; le bien en effet est
compris comme l’objet de la volontй. Solutions: q. 10 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod processio
in divinis dicitur esse substantialis quia non secundum aliquod accidens
attenditur; sed per eam, substantiam recipit persona procedens. # 1. On dit que la procession en Dieu est substantielle, parce qu’on ne
la considиre pas comme un accident; mais, par elle la personne qui procиde
reзoit sa substance. q. 10 a. 2 ad 2 Secundum et tertium concedimus. # 2. 3. Les seconde et troisiиme objections, nous les concйdons. q. 10 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum est, quod nihil prohibet a
voluntate aliquid naturaliter procedere. Voluntas enim naturaliter tendit in
ultimum finem, sicut et quaelibet alia potentia naturaliter operatur ad suum
obiectum; et inde est quod homo naturaliter appetit felicitatem; et eodem modo
Deus naturaliter amat suam bonitatem, sicut etiam naturaliter intelligit suam
veritatem. Sicut ergo filius naturaliter procedit a patre ut verbum, ita
spiritus sanctus naturaliter procedit ab eo ut amor. Nec tamen spiritus sanctus
procedit per modum naturae: hoc enim procedere dicitur in divinis per modum
naturae quod procedit sicut ea quae in creaturis a natura producuntur, et non a
voluntate. Sic ergo differt naturaliter produci, et produci per modum naturae;
dicitur enim aliquid produci naturaliter propter naturalem habitudinem quam
habet ad suum principium: per modum vero naturae produci dicitur quod
producitur ab aliquo principio sic producente sicut natura producit. # 4. Il faut dire que rien n’empкche que quelque chose procиde
naturellement de la volontй. Car celle-ci tend naturellement а la fin ultime,
comme n’importe quelle autre puissance opиre naturellement en vue de son objet;
et de lа vient que l’homme recherche naturellement son bonheur et de la mкme
maniиre Dieu aime naturellement sa bontй; comme aussi il comprend naturellement
sa vйritй. Donc de mкme que le Fils procиde naturellement du Pиre, comme verbe,
de mкme l’Esprit saint procиde naturellement de lui comme amour. Et cependant
l’Esprit saint ne procиde pas par mode de nature: car on appelle en Dieu
procйder par mode de nature procйder comme ce qui est produit dans les
crйatures par la nature, et non par la volontй. Donc ainsi il y a une
diffйrence entre кtre produit naturellement et кtre produit par mode de nature;
car on dit qu’une chose est produite naturellement а cause de la relation
naturelle qu’elle a а son principe; mais on dit qu’est produit par mode de
nature ce qui est produit par un principe qui produit comme la nature produit. q. 10 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod naturalis necessitas
secundum quam voluntas aliquid ex necessitate velle dicitur, ut felicitatem,
libertati voluntatis non repugnat, ut Augustinus docet. Libertas enim
voluntatis violentiae vel coactioni opponitur. Non est autem violentia vel
coactio in hoc quod aliquid secundum ordinem suae naturae movetur, sed magis in
hoc quod naturalis motus impeditur: sicut cum impeditur grave ne descendat ad
medium; unde voluntas libere appetit felicitatem, licet necessario appetat
illam. Sic autem et Deus sua voluntate libere amat seipsum, licet de
necessitate amet seipsum. Et necessarium est quod tantum amet seipsum quantum
bonus est, sicut tantum intelligit seipsum quantum est. Libere ergo spiritus
sanctus procedit a patre, non tamen possibiliter, sed ex necessitate. Nec
possibile fuit ipsum procedere minorem patre; sed necessarium fuit ipsum patri
esse aequalem, sicut et filium, qui est verbum patris. # 5. La nйcessitй naturelle, selon laquelle on dit que la volontй veut
quelque chose par nйcessitй, comme le bonheur, ne s’oppose pas а la libertй de
la volontй, comme Augustin l’enseigne (la
Citй de Dieu, V, 10). La libertй de la volontй, en effet, s’oppose а la
violence et а la contrainte. Il n’y a ni violence, ni contrainte dans ce qui
est mis en mouvement selon l’ordre de sa nature, mais il y a plus si le
mouvement naturel est empкchй: comme quand ce qui est lourd est empкchй de
descendre en son juste milieu; c’est pourquoi la volontй cherche librement le
bonheur, qu’elle dйsire nйcessairement. Mais ainsi Dieu s’aime lui-mкme
librement par sa volontй, bien qu’il s’aime nйcessairement. Et il est
nйcessaire qu’il s’aime autant qu’il est bon, comme il se comprend autant qu’il
est. Donc l’Esprit saint procиde librement du Pиre, non cependant selon le possible
mais par nйcessitй. Et il ne lui a pas йtй possible de procйder moindre que le
Pиre; mais il a йtй nйcessaire qu’il soit йgal au Pиre, comme le Fils qui est
le Verbe du Pиre. q. 10 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod creatura non procedit
a voluntate divina naturaliter neque ex necessitate; licet enim Deus sua
voluntate naturaliter et ex necessitate amet suam bonitatem, et talis amor
procedens sit spiritus sanctus; non tamen naturaliter aut ex necessitate vult
creaturas produci, sed gratis. Non enim creaturae sunt ultimus finis voluntatis
divinae, neque ab eis dependet bonitas Dei, qui est ultimus finis, cum ex
creaturis divinae bonitati nihil accrescat; sicut etiam homo ex necessitate
vult felicitatem, non tamen ea quae ad felicitatem ordinantur. # 6. La crйature ne procиde de la volontй divine ni naturellement ni
par nйcessitй; car bien que Dieu aime sa bontй naturellement par sa volontй et
par nйcessitй, et qu’un tel amour qui procиde soit l’Esprit saint, cependant il
ne veut pas produire les crйatures naturellement ou par nйcessitй mais
gratuitement. Car les crйatures ne sont pas la fin ultime de la volontй divine,
et sa bontй, qui est la fin ultime, ne dйpend pas d’elles, puisque elles
n’ajoutent rien а sa bontй; ainsi l’homme veut le bonheur par nйcessitй, et
cependant [il ne vient] pas ce qui est ordonnй au bonheur9 . q. 10 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet natura et
voluntas in Deo non differant re, sed ratione tantum, tamen ille qui procedit
per modum voluntatis, oportet quod realiter differat ab eo qui procedit per
modum naturae, et una processio realiter ab alia differat. Dictum est enim,
quod processio per modum naturae intelligitur quando aliquid procedit ab aliquo
sicut illud quod procedit a natura; et similiter per modum voluntatis quando
procedit sicut id quod procedit a voluntate. Semper enim voluntas aliquid
producit aliqua processione praesupposita. Non enim voluntas in aliquid tendit
nisi praeexistente productione intellectus aliquid concipientis: cum bonum
intellectum moveat voluntatem. Processio autem quae est a naturali agente, non
praesupponit aliam processionem nisi per accidens, in quantum scilicet unum
naturale agens dependet ab alio naturali agente: sed tamen hoc non pertinet ad
rationem naturae in quantum natura est. Unde illa processio per modum naturae
intelligitur in divinis quae nullam aliam praesupponit; illa vero per modum
voluntatis quae ex praesupposita processione principium sumit. Et sic oportet
processionem esse ex processione, et procedentem ex procedente; hoc autem facit
realem differentiam in divinis. # 7. Bien que la nature et la volontй en Dieu ne diffиrent pas en
rйalitй, mais en raison seulement, cependant celui qui procиde par mode de
volontй doit diffйrer rйellement de celui qui procиde par mode de nature, et
une procession diffиre rйellement d’une autre. Car il a йtй dit que la
procession par mode de nature est comprise quand une chose procиde d’une autre
comme ce qui procиde par nature; et de la mкme maniиre par mode de volontй,
quand il procиde comme ce qui procиde de la volontй. Car toujours la volontй
produit quelque chose de prйsupposй а la procession. Car la volontй ne tend а
une chose que par une production prйexistante de l’esprit qui la conзoit;
puisque le bien conзu met en mouvement la volontй. Mais la procession qui vient
d’un agent naturel, ne prйsuppose une autre procession que par accident, en
tant qu’un agent naturel dйpend d’une autre; mais cependant cela ne convient
pas а la raison de la nature, en tant que telle. C’est pourquoi cette
procession par mode de nature est comprise en Dieu sans rien prйsupposer; mais
c’est celle qui est par mode de volontй qui prend son principe d’une procession
prйsupposйe. Et ainsi il faut que la procession vienne de la procession et
celui qui procиde de celui qui procиde; et cela fait une diffйrence rйelle en
Dieu. q. 10 a. 2 ad 8 Octavum concedimus. # 8. Nous la concйdons. q. 10 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod utriusque
processionis similitudinem Deus indidit creaturis: sed tamen per processionem
quae est per modum naturae, natura in rebus creatis communicari potest:
effectus enim est similis agenti in quantum est agens; unde per actionem cuius
natura est principium, effectus naturam recipere potest; sed per actionem cuius
voluntas est principium, effectus non potest recipere nisi similitudinem eius
quod est in voluntate, sicut finis vel formae, ut in artificialibus patet. Quidquid
autem est in Deo, est divina natura; unde oportet quod per utramque
processionem natura communicetur. # 9. Dieu induit dans les crйatures la ressemblance de l’une et l’autre
procession10; mais cependant, par
celle qui est par mode de nature, la nature peut кtre communiquйe dans les
crйatures; car l’effet est semblable а l’agent en tant que tel; c’est pourquoi
par l’action dont la nature est le principe, l’effet peut recevoir la nature,
mais par l’action dont le principe est la volontй, l’effet ne peut recevoir que
la ressemblance de ce qui est dans la volontй, comme la fin ou les formes,
comme on le voit dans les њuvres artisanales. Mais tout ce qui est en Dieu est
nature divine; c’est pourquoi il faut que la nature soit communiquйe par l’une
et l’autre procession. q. 10 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod cum dicitur in
divinis processio per modum naturae vel voluntatis, non ponitur in Deo modus
qui sit qualitas divinae substantiae superaddita, sed ostenditur similitudinis
cuiusdam comparatio inter processiones divinas et processiones quae sunt in
rebus creatis. # 10. Quand on parle en Dieu de la procession par mode de nature ou de
volontй, on ne place pas une modalitй qui serait une qualitй surajoutйe а la
substance divine, mais on montre la comparaison d’une certaine ressemblance
entre les processions en Dieu et celles qui sont dans les crйatures. q. 10 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod in divinis
processio quae est per modum intellectus, non distinguitur a processione quae
est per modum naturae; distinguitur autem ab utraque processio quae est per
modum voluntatis. Et hoc propter tria: # 11. En Dieu la procession, par mode d’esprit, n’est pas distinguйe de
celle par mode de nature; mais la procession par mode de volontй est distinguйe
de l’une et l’autre. Et cela pour trois raisons: primo quidem, quia sicut processio quae est per modum
naturae, non praeexigit aliam processionem, ita nec processio quae est per
modum intellectus; processio autem quae est per modum voluntatis, de
necessitate praeexigit processionem quae est per modum intellectus. a) Parce que de mкme que la procession par mode de nature, n’exige pas
auparavant une autre procession, la procession par mode d’esprit non plus, mais
celle qui est par mode de volontй, exige nйcessairement auparavant la
procession par mode d’esprit. Secundo, quia sicut natura producit aliquid in similitudinem
sui, ita et intellectus tam intra quam extra; intra quidem, sicut verbum est
similitudo rei intellectae, et intellectus intelligentis seipsum; extra autem,
sicut forma intellecta inducitur in artificiatum. Voluntas autem non producit
suam similitudinem nec intus, nec extra. Intus quidem non, quia amor, qui est
intranea processio voluntatis, non est similitudo aliqua voluntatis vel voliti,
sed quaedam impressio relicta ex volito in voluntate, aut quaedam unio unius ad
alterum. Extra autem non, quia voluntas imprimit in artificiatum formam
intellectam prius quam volitam secundum ordinem rationis; unde principaliter
est similitudo intellectus, licet secundario voluntatis. b) Parce que de mкme que la nature produit quelque chose а sa
ressemblance, l’esprit aussi tant а l’intйrieur qu’а l’extйrieur; а l’intйrieur
de mкme que le verbe est la ressemblance de ce qui est pensй et de l’esprit de
celui qui se pense; de mкme а l’extйrieur la forme conзue est induite dans
l’objet fabriquй. Mais la volontй ne produit pas de ressemblance, ni а
l’intйrieur ni а l’extйrieur11. A
l’intйrieur non, parce que l’amour, qui est la procession intйrieure de la
volontй n’est pas une ressemblance de la volontй ou de ce qui est voulu, mais
une impression laissйe par la volontй dans celui qui est voulu, ou une union de
l’un а l’autre. A l’extйrieur, non plus, parce que la volontй imprime dans
l’objet fabriquй la forme conзue, avant la forme voulue selon l’ordre de la
raison; c’est pourquoi principalement c’est la ressemblance de l’esprit, bien
que secondairement ce soit celle de la volontй. Tertio, quia processio naturae est tantum ab uno sicut ab
agente, si sit perfectum agens. Nec obstat quod in animalibus generatur aliquid
ex duobus, scilicet ex patre et matre; nam solus pater est agens in
generatione, mater vero patiens. Similiter autem processio intellectus est ab
uno solo; sed amicitia, quae est amor mutuus, procedit ex duobus ad invicem se
amantibus. c) Parce que la procession de nature vient seulement d’un seul, comme
d’un agent, s’il est agent parfait. Et rien n’empкche que dans les animaux
quelque chose soit engendrй de deux (кtres) а savoir du pиre et de la mиre; car
seul le Pиre est agent dans la gйnйration, et la mиre le patient. Mais de la
mкme maniиre la procession de l’esprit est d’un seul; mais l’amitiй, qui est
l’amour mutuel, procиde de deux (кtres) qui s’aiment mutuellement. q. 10 a. 2 ad 12 Ad duodecimum dicendum quod, licet in divinis
non proprie dicatur genus et species, vel universale et particulare, tamen,- ut
de divinis secundum quamdam similitudinem creaturarum loquamur,- pater et
filius et spiritus sanctus distinguuntur sicut plura individua unius speciei,
ut etiam Damascenus dicit. Sed attendendum est, quod in aliquo individuo in
genere substantiae possumus speciem dupliciter considerare: # 12. Bien qu’en Dieu on ne puisse parler au sens propre ni de genre et
d’espиce, ni d’universel et de particulier, cependant, — comme on parle а son
sujet d’une certaine ressemblance avec les crйatures, — le Pиre, le Fils et
l’Esprit saint se distinguent comme plusieurs individus d’une mкme espиce,
comme Jean Damascиne le dit aussi (La foi
orthodoxe, III, 4). Mais il faut remarquer que dans un individu dans le
genre de la substance, nous pouvons considйrer l’espиce de deux maniиres: uno modo speciem hypostasis ipsius; a. Selon l’espиce de l’hypostase elle-mкme. alio modo speciem proprietatis individualis. b. Selon l’espиce de la propriйtй individuelle. Dato enim quod Socrates sit albus et Plato sit niger, et
posito quod albedo et nigredo sint proprietates individuantes Socratem et
Platonem, verum erit dicere, quod Socrates et Plato sunt unum specie, sub qua
specie hypostases continentur. Conveniunt enim in humanitate, sed distinguuntur
secundum speciem proprietatis; albedo enim et nigredo specie differunt; et
similiter est in patre et filio. Considerantur enim ut unum specie, cuius istae
hypostases sunt supposita, in quantum conveniunt in una natura deitatis; sed
secundum speciem proprietatis personalis inveniuntur differre; paternitas enim
et filiatio sunt relationes secundum speciem diversae. Sciendum est etiam, quod
generatio in rebus creatis per se ordinatur ad speciem: natura enim intendit
generare hominem; unde et natura speciei per generationem multiplicatur in
rebus creatis. Processio autem in divinis est ad multiplicationem hypostasum,
in quibus natura divina una numero invenitur: unde processiones in divinis sunt
differentes quasi secundum speciem, propter differentiam proprietatum
personalium, licet in procedentibus sit una natura communis. Car йtant donnй que Socrate est blanc et Platon est noir, et une fois
admis que la blancheur et la noirceur sont des propriйtйs qui individualisent
Socrate et Platon, il sera vrai de dire qu’ils sont un en espиce, sous laquelle
ces hypostases sont contenues. Car ils se rencontrent dans l’humanitй, mais se
distinguent selon l’espиce de la propriйtй; car la blancheur et la noirceur
diffиrent en espиce, et il en est de mкme dans le Pиre et dans le Fils. Car ils
sont considйrйs comme un en espиce, dont ces hypostases sont les suppфts, en
tant qu’ils se rencontrent dans la seule nature divine; mais selon l’espиce de
la propriйtй personnelle ils se trouvent diffйrer; car la paternitй et la
filiation sont des relations diffйrentes en espиce. Mais il faut savoir que la
gйnйration dans les crйatures est ordonnйe par soi а l’espиce, car la nature
tend а la gйnйration de l’homme: c’est pourquoi la nature de l’espиce est
multipliйe par la gйnйration dans les crйatures. Mais la procession en Dieu est
pour la multiplication des hypostases, en qui la nature divine se trouve une en
nombre: c’est pourquoi les processions en Dieu sont diffйrentes pour ainsi dire
en espиce, а cause de la diffйrence des propriйtйs personnelles, bien que dans
celles qui procиdent il y ait une seule nature commune. q. 10 a. 2 ad 13 Et per hoc patet solutio ad
decimumtertium et ad decimumquartum. # 13. 14. Et cela йclaire les solutions 13 et 14. q. 10 a. 2 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod spiritus
sanctus procedit a patre et filio in quantum sunt plures, si habeatur respectus
ad supposita spirantia. Cum enim spiritus sanctus sit amor mutuus et nexus
duorum, oportet quod a duobus spiretur. Sed si habetur respectus ad id quo
spirantes spirant, sic procedit ab eis, in quantum sunt unum in natura divina:
non enim potest ab aliquo procedere Deus nisi a Deo. # 15. L’Esprit saint procиde du Pиre et du Fils en tant qu’ils sont
plusieurs, si on considиre le rapport aux suppфts qui spirent. Comme l’Esprit
saint, en effet, est amour mutuel et lien des deux, il faut qu’il soit spirй
par les deux. Mais si on considиre le rapport а ce par quoi spirent ceux qui
spirent, il procиde ainsi d’eux, en tant qu’ils sont un dans la nature divine:
car Dieu ne peut procйder que de Dieu. q. 10 a. 2 ad 16 Ad decimumsextum dicendum est quod processio,
quae condividitur paternitati et filiationi, est proprietas personalis spiritus
sancti; quae licet sit relatio, quia tamen non est nominata, sicut paternitas
et filiatio, significatur nomine processionis, ac si filiatio esset innominata
et significaretur nomine nativitatis, quod est speciale nomen processionis
filii. Processio autem spiritus sancti non habet speciale nomen, eo quod per talem
modum processionis non invenitur in creaturis aliqua natura communicari, ut iam
dictum est. Nomina vero a creaturis in divina
transferimus; unde non sequitur quod processio communis in divinis sit una
tantum. # 16. La procession, qui est divisйe en paternitй et filiation est la
propriйtй personnelle de l’Esprit saint; bien qu’elle soit relation, parce que
cependant elle n’a pas de nom, comme la paternitй et la filiation, elle est
signifiйe par le nom de procession, comme si la filiation йtait sans nom et
signifiйe par le nom de naissance, qui est le nom spйcifique de la procession
du Fils. Mais la procession de l’Esprit saint n’a pas de nom spйcial, parce
qu’on ne trouve pas dans les crйatures que quelque nature soit communiquйe par
un tel mode de procession, comme dйjа on l’a dit. Mais nous transfйrons en Dieu
les noms qui viennent des crйatures; c’est pourquoi il n’en dйcoule pas que la
procession commune soit seulement une en Dieu. q. 10 a. 2 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod in creatura
quae est accidentium susceptiva, potest aliquid esse quod non est rei natura;
non autem in Deo: et propter hoc in divinis secundum quemlibet modum
processionis communicatur natura, non autem in creaturis; licet enim sint in
eis processiones diversae, tamen natura non communicatur nisi per unum modum. # 17. Dans la crйature susceptible d'accueillir des accidents, il peut
y avoir quelque chose qui ne soit pas sa nature, mais pas en Dieu, et c’est
pour cela qu’en lui la nature est communiquйe selon n’importe quelle mode de
procession, mais pas dans les crйatures; car bien qu’il y ait en elles des
processions diverses, cependant la nature n’est communiquйe que d’une seule
maniиre. q. 10 a. 2 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod procedere a
patre secundum modum coaeternitatis competit processioni filii in quantum est
processio divina: unde convenit etiam processioni spiritus sancti; tamen non
competit processioni filii secundum quod distinguitur a processione spiritus
sancti. # 18. Procйder du Pиre selon le mode de la coйternitй appartient а la
procession du Fils en tant qu’elle est procession divine: c’est pourquoi cela
convient aussi а la procession de l’Esprit saint; cependant il n’appartient pas
а la procession du Fils de se distinguer de la procession de l’Esprit saint. q. 10 a. 2 ad 19 Ad decimumnonum dicendum, quod filius est
sufficiens ratio processionis temporalis creaturae ut verbum et exemplar; sed
oportet quod spiritus sanctus sit ratio processionis creaturae ut amor. Sicut
enim dicitur Sap. IX, 1, quod Deus facit omnia suo verbo, ita dicitur Sap. XI,
25; quod diligit omnia quae sunt, et nihil odit eorum quae fecit; et Dionysius
dicit, quod divinus amor non permisit ipsum sine germine esse. # 19. Le Fils est la raison suffisante de la procession temporelle de
la crйature en tant qu’il est Verbe et exemplaire; mais il faut que l’Esprit
saint soit la raison de la procession de la crйature comme amour. Car de mкme
qu’il est dit en Sg. 11, 1, que Dieu
fait tout par son Verbe, de mкme il est dit en Sg. 11, 25 qu’il aime tout ce qui est, et qu’il ne hait rien de ce
qu’il a fait, et Denys dit (Les noms
divins, IV), que l’amour divin ne lui a pas permis d’кtre sans descendance. q. 10 a. 2 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod natura perfecta in
multas operationes potest, licet ad unamquamque operationem ei pauca
sufficiant. # 20. Il faut dire que la nature peut кtre parfaite en de nombreuses
opйrations, bien que peu lui suffise pour chaque opйration. q. 10 a. 2 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod a patre uno
et solo, est una sola processio, scilicet filii; a patre autem et a filio
simul, est alia processio, scilicet spiritus sancti. # 21. Du Pиre, un et seul, il n’y a qu’une seule procession, а savoir
celle du Fils; mais du Pиre et du Fils ensemble, il y a une autre procession, а
savoir celle de l’Esprit saint. q. 10 a. 2 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod processio
spiritus sancti est processio amoris. Per processionem autem amoris non
producitur aliquid ut recipiens formam eius a quo procedit, sive naturam; et ideo
processio amoris non habet rationem generationis vel nativitatis. Sed quod
spiritus sanctus naturam et formam Dei patris recipiat sua processione, hoc
habet in quantum est amor Dei, in quo non est aliquid quod non sit de natura
ipsius. # 22. La procession de l’Esprit saint est une procession d’amour. Mais
par cette procession rien n’est produit comme recevant de ce dont il procиde,
la forme ou la nature; et c’est pour cela que la procession d’amour n’a pas
nature de gйnйration ou de naissance. Mais que l’Esprit saint reзoive la nature
et la forme de Dieu le Pиre, par sa procession, cela il l’a en tant qu’il est
l'amour de Dieu en qui il n’y a rien qui ne soit de sa nature. q.10 a. 2 ad 23 Et
per hoc patet responsio ad vicesimumtertium. # 23. Et par lа s'йclaire la rйponse а la vingt-troisiиme objection. Ad ea etiam quibus ostendebatur quod sunt in divinis plures
processiones quam duae, respondendum est. Et il faut rйpondre а ce par quoi on montrait qu'il y a en Dieu plus de
deux processions: q. 10 a. 2 ad 24 Ad quorum primum dicendum, quod in divinis una
et eadem est processio quae est per modum intellectus et quae est per modum
naturae, ut supra, ostensum est. ## 1. En Dieu, c’est une seule et mкme procession qui est par mode
d’esprit et qui est par mode de nature, comme on l’a montrй ci-dessus (sol. 7
et 11). q. 10 a. 2 ad 25 Ad secundum dicendum quod natura humana
materialis est, id est ex materia et forma composita; et ideo in hominibus
processio per modum naturae non potest esse nisi secundum aliquam transmutationem
naturalem; processio autem quae est per modum intellectus, semper est
immaterialis, secundum quod ipse intellectus immaterialis est; unde in
hominibus non potest esse una et eadem processio quae est per modum naturae et
quae est per modum intellectus; in divinis autem est una et eadem, eo quod
natura divina immaterialis est. ##2. La nature humaine est matйrielle, c'est-а-dire composйe de matiиre
et de forme; et c’est pourquoi chez les hommes la procession par mode de nature
ne peut exister que selon un changement naturel; mais la procession qui est par
mode d’esprit est toujours immatйrielle; du fait que l’esprit lui-mкme est
immatйriel, c’est pourquoi dans les hommes il ne peut pas y avoir une seule et
mкme procession par mode de nature et par mode d’esprit, mais en Dieu c’est une
seule et mкme procession, parce que la nature divine est immatйrielle. q. 10 a. 2 ad 26 Ad tertium dicendum, quod aliud est procedere
in alterum, et aliud est procedere ab alio; procedere enim in alterum est suam
similitudinem alteri communicare: et per hunc modum est intelligenda divinae
bonitatis processio in creaturas, secundum Dionysium; procedere autem ab alio
est esse ab alio habere; et sic loquimur hic de processione, secundum quem
modum constat quod non convenit patri procedere. ## 3. Procйder dans un autre est different de procйder d’un autre; car
procйder dans un autre c’est
communiquer sa ressemblance а un autre, et il faut comprendre de cette maniиre
la procession de la bontй divine dans les crйatures, selon Denys; mais procйder
d’un autre c’est avoir l’кtre d’un
autre; et nous parlons ici de procession de sorte qu’il est clair qu’il ne
convient pas au Pиre de procйder de cette maniиre.
1
Parall.: Ia, 27, a. 3 - I Sent. d13a2 — CG. IV,
19 — Contra errores Graecorum , c.3 2 Thomas, lectio 10, n° 2126. 3 La paternitй, la filiation, la procession. 4 Cf. Mкme citation, Pot. qu. 2, a. 3, obj. 7. On y trouvera le texte d’Augustin . 5 Argument d’Avicenne, et de divers auteurs. 6 "Lui, de condition divine, ne retient
pas jalousement le rang qui l'йgalait а Dieu". BJ. 7 Ici encore les sed contra sont des objections d’ordre diffйrent des premiиres, ils
ne reprйsentent pas la rйponse au problиme. 8 Le terme, c’est le but atteint. Du Pиre,
principe procиde le Fils en tant que terme. Plus loin il dit que le terme de la
procession, c’est la possession, c'est-а-dire ce que la personne reзoit en
procйdant. 9 C'est-а-dire les moyens pour y parvenir.
C’est lа qu’il commet des erreurs.. 10 Par mode de nature ou par mode de volontй. 11 "Ce qui procиde par mode d’esprit ,
comme verbe procиde avec une certaine ressemblance, comme qui ce qui procиde
par mode de nature, …mais l’amour en tant que tel ne procиde pas avec une
ressemblance (bien qu’en Dieu l’amour soit coessentiel en tant que divin) et
c’est pourquoi on n’appelle pas cette procession une gйnйration." (Ia, qu. 30, a. 2, ad 2).
Article 3: L’ordre de la procession а la relation en Dieu
q. 10 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur de ordine processionis ad
relationem in divinis. Et videtur quod processio secundum intellectum sit prior
relatione in divinis. Il semble que selon l’esprit la procession soit avant la relation en
Dieu.
Objections 1: q. 10 a. 3 arg. 1 Dicit enim Magister in XXVII distinct. I Lib.
Sentent., quod pater semper est pater, quia semper genuit filium. Generatio
autem processionem significat, pater autem relationem. Ergo processio secundum
intellectum praecedit relationes in divinis. 1. Car le Maоtre (I Sent. d27),
dit que le Pиre est toujours le Pиre, parce qu’il a toujours engendrй le Fils.
Mais la gйnйration signifie la procession, et Pиre signifie une relation. Donc
la procession, selon l’esprit, prйcиde les relations en Dieu. q. 10 a. 3 arg. 2 Praeterea, philosophus dicit, quod relationes
ex actionibus nascuntur, vel ex quantitatibus. Constat autem quod relationes
divinae non innascuntur ex quantitate. Ergo secundum modum intelligendi
consequitur ex actione. Processiones autem in divinis personis significantur
per modum personalium actionum. Ergo processiones in divinis praecedunt
secundum intellectum relationes. 2. Le philosophe dit (Mйtaphysique,
V, 15; 1020 b 25 ss.2) que les
relations naissent des actions, ou des quantitйs. Mais il est clair que les
relations divines ne prennent pas leur source de la quantitй. Donc selon la
maniиre de comprendre, cela dйcoule de l’action. Mais les processions dans les
personnes divines sont signifiйes а la maniиre des actions personnelles. Donc
selon l’esprit les processions en Dieu prйcиdent les relations. q. 10 a. 3 arg. 3 Praeterea, absolutum est prius relativo,
sicut unum est prius quam multa. Sed actiones magis ad absoluta accedunt quam
relationes. Ergo priores sunt secundum intellectum. 3. L’absolu est avant le relatif, comme l’un est avant le multiple.
Mais les actions s’approchent plus de l’absolu que les relations. Donc selon
l’esprit elles sont avant. q. 10 a. 3 arg. 4 Praeterea, omne relativum ad aliud dicitur.
Non autem potest esse aliud ubi non est distinctio. Ergo relatio distinctionem
praesupponit. Distinctio autem in divinis personis est secundum originem, prout
scilicet unus procedit ab alio. Ergo processiones secundum intellectum
praecedunt relationes in divinis. 4. On parle de tout relatif en rapport а autre chose. Mais il ne peut
pas y en avoir un autre lа oщ il n’y a pas de distinction. Donc la relation
prйsuppose une distinction. Mais celle-ci dans les personnes divines dйpend de
l’origine, selon que l’une procиde de l’autre. Donc les processions selon
l’esprit prйcиdent les relations en Dieu. q. 10 a. 3 arg. 5 Praeterea, omnis processio praecedit secundum
intellectum processionis terminum. Filiatio autem quae est relatio filii, est
terminus nativitatis, quae est eiusdem filii processio. Ergo processio filii
praecedit filiationem. Sed filiatio et paternitas sunt simul non solum natura
et tempore, sed etiam intellectu; quia unum relativorum est de intellectu
alterius. Nativitas ergo filii praecedit paternitatem secundum intellectum, et
multo magis generatio, quae est actus patris. Processiones ergo simpliciter
relationes praecedunt secundum intellectum in divinis. 5. Toute procession precede son terme, selon l’esprit. Mais la
filiation qui est la relation du fils est le terme de la naissance, qui est la
procession de ce mкme Fils. Donc celle-ci prйcиde la filiation. Mais la filiation
et la paternitй sont en mкme temps non seulement en nature et en temps, mais
aussi en esprit; parce que l’un des relatifs est de l’esprit de l’autre. Donc
la naissance du Fils prйcиde la paternitй selon l’esprit, et beaucoup plus la
gйnйration, qui est l’acte du Pиre. Donc les processions prйcиdent absolument
les relations selon l’esprit. En sens contraire: q. 10 a. 3 s. c. 1 Sed contra. Prius secundum intellectum est
persona quam actio personalis. Relationes autem sunt constitutivae personarum,
processiones autem sunt quasi personales actiones. Ergo prius secundum
intellectum sunt relationes quam processiones. 1. La personne est selon l’esprit avant l’action personnelle. Les
relations sont constitutives des personnes, et les processions sont comme des
actions personnelles. Donc elles sont avant les processions selon l’esprit. q. 10 a. 3 s. c. 2 Praeterea, processio oportet quod sit
alicuius ab alio; sicut enim nulla res generat seipsam ut sit, ut Augustinus
dicit, ita nulla res a seipsa procedit. Processio ergo distinctionem in divinis
requirit. Distinctio autem non est in divinis nisi per relationes. Ergo
processiones in divinis praesupponunt relationes. 2. Il faut que la procession vienne а quelqu’un par un autre3; car de mкme que rien ne s’engendre soi-mкme
pour exister, comme Augustin le dit (La
Trinitй, I, 1), de mкme rien ne procиde de soi. Donc la procession requiert
une distinction en Dieu. Mais celle-ci n’est en lui que par les relations. Donc
les processions en Dieu prйspposent les relations. Rйponse: q. 10 a. 3 co. Respondeo. Dicendum quod ordo absque
distinctione non est. Unde ubi non est distinctio secundum rem, sed solum
secundum modum intelligendi, ibi non potest esse ordo nisi secundum modum
intelligendi. Distinctio autem secundum rem in divinis non est, nisi personarum
ad invicem, et oppositarum relationum; unde in divinis non est ordo realis nisi
quantum ad personas, inter quas est ordo naturae, secundum Augustinum, prout
est alter ex altero, non quod alter sit prior altero. Il faut dire que l’ordre n’existe pas sans distinction. C’est pourquoi
oщ il n’y a pas de distinction, en rйalitй mais seulement selon la maniиre de
comprendre, il ne peut y avoir d’ordre que de cette maniиre de comprendre. Mais
la distinction en Dieu n’est en rйalitй que celle des personnes entre elles, et
celle des relations opposйes; c’est pourquoi en lui il n’y a d’ordre rйel que
pour les personnes, entre lesquelles il y a l’ordre de la nature, selon
Augustin, dans la mesure oщ l’un vient de l’autre, non que l’un soit avant
l’autre. Processiones autem et relationes non distinguuntur in
divinis secundum rem, sed solum secundum modum intelligendi. Unde et Augustinus
dicit quod proprium patris est quod genuit filium. In quo datur intelligi, quod
generare filium sit proprietas patris; nec est alia proprietas quam paternitas,
quae dicitur esse patris proprietas personalis. Non est ergo inter processionem
et relationem in divinis quaerendus ordo secundum rem, sed secundum modum
intelligendi tantum. Mais les processions et les relations ne sont pas rйellement
distinguйes en Dieu, mais seulement selon la maniиre de les comprendre. C’est
pourquoi Augustin (Fulgence) dit (La foi
а Pierre, II) que le propre du Pиre est d’avoir engendrй le Fils. En quoi
il est donnй а comprendre qu’engendrer le Fils est la propriйtй du Pиre; et il
n’y a pas d’autre propriйtй que la paternitй, qu’on appelle la propriйtй
personnelle du Pиre. Donc entre la procession et la relation il n’y a pas а
chercher un ordre en rйalitй, mais selon la maniиre de le comprendre seulement. Sicut autem relatio et processio in divinis sunt idem
secundum rem, et differunt secundum rationem tantum, ita et ipsa relatio,
quamvis sit una secundum rem, est tamen multiplex secundum modum intelligendi.
Intelligimus enim ipsam relationem ut constitutivam personae; quod quidem non
habet in quantum est relatio. Quod ex hoc patet, quia relationes in rebus
humanis non constituunt personas, cum relationes sint accidentia; persona vero
est aliquid subsistens in genere substantiae; substantia autem per accidens
constitui non potest. Sed habet hoc relatio in divinis quod personam constituat
in quantum est divina relatio; ex hoc enim habet quod sit idem cum divina
essentia, cum in Deo nullum accidens esse possit: relatio enim, quia secundum
rem est ipsa natura divina, hypostasim divinam constituere potest. Est ergo
alius modus intelligendi quo intelligitur relatio ut constitutiva divinae
personae, et alius quo intelligitur relatio ut relatio est. Unde nihil prohibet
quod quantum ad unum modum intelligendi, relatio praesupponat processionem,
quantum vero ad alium sit e converso. Mais de mкme que la relation et la procession sont identiques en
rйalitй, et diffиrent en raison seulement, de mкme la relation elle-mкme,
quoiqu’elle soit une en rйalitй, est cependant multiple selon la maniиre de la
comprendre. Car nous comprenons la relation elle-mкme comme constitutive de la
personne; ce qu’elle n’a pas en tant qu’elle est relation. De ce fait il est
clair que les relations chez les hommes ne constituent pas les personnes,
puisqu’elles sont des accidents; mais la personne est quelque chose de
subsistant dans le genre de la substance; la substance ne peut pas кtre
constituйe par un accident. Mais la relation en Dieu elle constitue la personne
en tant qu’elle est relation divine; car du fait qu’elle est identique а
l’essence divine, car en Dieu il ne peut pas y avoir d’accidents, elle peut
constituer une hypostase divine. Donc il y a une maniиre de comprendre la relation
comme constitutive de la personne divine, et une autre maniиre par laquelle on
comprend la relation comme telle. C’est pourquoi rien n’empкche selon la
premiиre maniиre de comprendre, que la relation prйsuppose les processions,
selon l’autre, c’est le contraire. Sic ergo dicendum est, quod si consideretur relatio ut
relatio est, praesupponit processionis intellectum; si autem consideretur ut
est constitutiva personae, sic relatio quae est constitutiva personae, a qua
est processio, est prior secundum intellectum quam processio; sicut paternitas
in quantum est constitutiva personae patris, est prior secundum intellectum
quam generatio. Relatio autem quae est constitutiva personae procedentis etiam
in quantum est constitutiva personae, est posterior secundum intellectum quam
processio, sicut filiatio quam nativitas; et hoc ideo quia persona procedens
intelligitur ut terminus processionis. Ainsi il faut donc dire que, si on considиre la relation comme telle,
elle prйsuppose le concept de procession; mais si on la considиre comme
constitutive de la personne, alors cette relation, d’oщ vient la procession,
est selon l’esprit avant la procession; de mкme que la paternitй en tant que
constitutive de la personne du Pиre est selon l’esprit avant la gйnйration.
Mais la relation qui est constitutive de la personne qui procиde aussi en tant
que constitutive de la personne, est selon l’esprit aprиs la procession, comme
la filiation est aprиs la naissance; et cela parce que la personne qui procиde
est comprise comme le terme de la procession. Solutions: q. 10 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Magister loquitur
de paternitate considerata secundum quod relatio est. # 1. Le Maоtre parle de la paternitй considйrйe comme relation. q. 10 a. 3 ad 2 Et similiter dicendum ad secundum et tertium. # 2. 3. Il faut dire la mкme chose pour la seconde et la troisiиme
objection. q. 10 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in rebus in quibus
relationes sunt accidentia, oportet quod relatio praesupponat distinctionem; in
divinis autem relationes constituunt tres personas distinctas. # 4. Dans ce en quoi les relations sont des accidents, il faut que la
relation prйsuppose la distinction; mais en Dieu les relations constituent
trois personnes distinctes. q. 10 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod paternitas est de
intellectu filiationis, et e converso, secundum quod utrumque consideratur ut
relatio quaedam. Sic autem dicimus, quod relationes sequuntur processiones
ordine intellectus. # 5. La paternitй fait partie du concept de filiation et inversement,
selon que l’une et l’autre sont considйrйes comme une relation. Ainsi nous
disons que les relations suivent les processions dans l’ordre du concept. q. 10 a. 3 ad s. c. Aliae duae rationes procedunt de
relationibus secundum quod sunt constitutivae personarum. Les deux autres raisons procиdent des relations selon qu’elles sont
constitutives des personnes.
1 Parall.: Ia, qu. 42, a. 3, — I Sent. D. 12, a. 1 — D. 20, a. 3 — Contra errores Graecorum, P. II, c. 31. 2 Thomas 1001-1002. Tricot p. 294. 3
Celui qui procиde vient d’un autre.
Article 4: L’Esprit saint procиde-t-il du Fils? q. 10 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum
spiritus sanctus procedat a filio. Et videtur quod non. Il semble que non. Objections1:
q. 10 a. 4 arg. 1 Dicit enim Dionysius, quod filius et spiritus
sanctus sunt sicut flores deigenae divinitatis. Flos autem non est a flore.
Ergo spiritus sanctus non est a filio. 1. Car Denys (les Noms divins, III) dit que le Fils et
l’Esprit saint sont comme les fleurs de la divinitй qui engendre Dieu. Mais la
fleur ne vient pas de la fleur. Donc l’Esprit saint ne vient pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 2 Praeterea, si filius est principium spiritus
sancti, aut hoc habet a se, aut ab alio. A se non habet: non enim filio in
quantum filius est, convenit esse principium, sed magis esse a principio. Si
autem habet a patre, oportet quod hoc modo sit principium sicut pater. Pater
autem est principium per generationem. Ergo filius erit principium spiritus
sancti per generationem; et ita spiritus sanctus erit filius filii. 2. Si le Fils est le principe de l’Esprit saint ou bien il le tient de
lui-mкme ou d’un autre. Il ne le tient pas de lui, car ce n’est pas au Fils en
tant que tel qu’il convient d’кtre principe, mais plutфt de dйpendre du
principe. Mais s’il le tient du Pиre, il faut que de cette maniиre, il soit principe
comme (le) pиre. Mais le Pиre est le principe par gйnйration. Donc le Fils sera
principe de l’Esprit saint par gйnйration; et ainsi l’Esprit saint sera le fils
du Fils. q. 10 a. 4 arg. 3 Praeterea, quidquid est commune patri et
filio, similiter convenit utrique. Si ergo esse principium est commune patri et
filio, filius erit principium eo modo quo pater. Pater autem est principium per
generationem. Ergo et filius; et sic idem quod prius. 3. Tout ce qui est commun au Pиre et au Fils convient de la mкme
maniиre а l’un et а l’autre. Si donc кtre principe est commun au Pиre et au
Fils, le Fils sera principe а la maniиre du Pиre. Mais le Pиre est le principe
par gйnйration. Donc le Fils aussi; et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 10 a. 4 arg. 4 Praeterea, filius ideo filius est, quia
procedit a patre et est verbum ipsius; spiritus autem sanctus dicitur verbum
filii, secundum Basilium, qui hoc accipit ex eo quod apostolus dicit Hebr. I,
3, quod filius portat omnia verbo virtutis suae. Si ergo spiritus sanctus procedit
a filio, oportet quod sit filius filii. 4. Le Fils est ainsi, parce qu’il procиde du Pиre et est son Verbe;
mais on dit que l’Esprit saint est le verbe du Fils, selon Basile (Contre Eunome, V, ch. commenзant par propterea) qui le reзoit du fait que
l’Apфtre dit en Hйbr. I, 3, que le
Fils porte "tout par le verbe de sa
puissance2". Si donc l’Esprit
saint procиde du Fils, il faut qu’il soit le fils du Fils. q. 10 a. 4 arg. 5 Praeterea, licet secundum rem paternitas et
filiatio per prius sit in Deo quam in nobis, secundum illud apostoli ad Ephes.
III, 15: ex quo, scilicet Deo patre, omnis paternitas in caelo et in terra
nominatur; tamen secundum nominis impositionem haec nomina translata sunt ab
humanis ad divina. Sed in humanis procedens a filio vocatur nepos. Si ergo
spiritus sanctus procedit a filio, erit nepos patris; quod est absurdum. 5. Bien qu’en rйalitй la paternitй et la filiation soient en Dieu avant
d’кtre en nous, selon cette parole de l’Apфtre Eph. III, 15: De qui, а
savoir de Dieu le Pиre, toute paternitй
tire son nom au ciel et sur terre…"; cependant selon leur
dйnomination, ces noms ont йtй transfйrйs de ce qui est humain а ce qui est
divin. Mais chez les hommes celui qui procиde du fils est appelй petit-fils. Si
donc l’Esprit saint procиde du Fils, il sera le petit-fils du Pиre, ce qui est
absurde. q. 10 a. 4 arg. 6 Praeterea, proprietas filii est in
accipiendo: ex hoc enim filius dicitur quod accipit naturam patris per
generationem. Si ergo filius ex se emittat spiritum sanctum, erunt in filio
proprietates contrariae; quod est inconveniens. 6. La propriйtй du Fils est dans la rйception; du fait qu’on dit que le
Fils reзoit la nature du Pиre par gйnйration. Si donc le Fils йmet l’Esprit
saint а partir de lui-mкme, il y aura en lui deux propriйtйs contraires, ce qui
ne convient pas. q. 10 a. 4 arg. 7 Praeterea, quidquid est in divinis, aut est
commune, aut proprium. Emittere autem spiritum sanctum non est commune toti
Trinitati: non enim convenit spiritui sancto. Ergo est proprium patris, et sic
non convenit filio. 7. Tout ce qui est en Dieu, est commun ou propre. Mais йmettre l’Esprit
saint n’est pas commun а toute la Trinitй; car cela ne convient pas а l’Esprit
saint. Donc c’est le propre du Pиre, et ainsi cela ne convient pas au Fils. q. 10 a. 4 arg. 8 Praeterea, spiritus sanctus amor est, ut
Augustinus probat in Lib. de Trinit. Amor autem patris in filium gratuitus est;
non enim amat filium quasi aliquid ab eo accipiens, sed solum quasi aliquid ei
dans. Amor autem filii in patrem, est amor debitus; sic enim amat patrem quasi
aliquid ab eo accipiens. Amor autem debitus est alius ab amore gratuito. Si
ergo spiritus sanctus sit amor a patre et filio procedens, sequitur quod sit
alius a seipso. 8. L’Esprit saint est amour, comme Augustin le prouve dans La Trinitй. Mais l’amour du Pиre dans le
Fils est gratuit, car il n’aime pas le Fils comme celui qui reзoit quelque
chose de lui, mais seulement comme lui donnant quelque chose. Mais l’amour du
Fils dans le Pиre est un amour dы; car il aime le Pиre en tant qu’il reзoit de
lui. Mais l’amour dы est autre que l’amour gratuit. Si donc l’Esprit saint est
l’amour qui procиde du Pиre et du Fils, il en dйcoule qu’il est autre que
lui-mкme. q. 10 a. 4 arg. 9 Praeterea, spiritus sanctus est amor
gratuitus; unde et ab eo profluunt divisiones gratiarum, secundum illud I Cor.
XII, 4: divisiones gratiarum sunt, idem vero spiritus. Si ergo amor filii in
patrem non est amor gratuitus, spiritus sanctus non erit amor filii; non ergo
procedit a filio. 9. L’Esprit saint est l’amour gratuit; c’est pourquoi coule de lui la
diversitй de grвces, selon ce mot de I
Co. 12, 4: Il y a diversitй des grвces, mais c’est le mкme Esprit."
Si donc l’amour du Fils dans le Pиre n’est pas un amour gratuit, l’Esprit saint
ne sera pas l’amour du Fils; donc il ne procиde pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 10 Praeterea, si spiritus sanctus
procedit a filio ut amor, cum filius amet patrem sicut mater filium, oportebit
quod spiritus sanctus sicut procedit a patre in filium, ita procedat a filio in
patrem. Hoc autem est impossibile, ut videtur; sequeretur enim quod pater
aliquid a filio reciperet, quod penitus esse non potest. 10. Si l’Esprit saint procиde du Fils comme amour, puisque le Fils aime
le Pиre comme une mиre aime son fils, il faudra que l’Esprit saint procиde du
Pиre dans le Fils, de mкme qu’il procиde du Fils dans le Pиre. Mais cela est
impossible, semble-t-il; car il en dйcoulerait que le Pиre recevrait quelque
chose du Fils, ce qui est tout а fait impossible. q. 10 a. 4 arg. 11 Praeterea, sicut pater et filius diligunt
se, ita filius et spiritus sanctus, vel pater et spiritus sanctus. Si ergo
spiritus sanctus procedit a patre et filio, quia pater et filius diligunt se;
pari ratione quia pater et spiritus sanctus diligunt se, procedit spiritus
sanctus a seipso, quod est impossibile. 11. De mкme que le Pиre et le Fils s’aiment, de mкme aussi le Fils et
l’Esprit saint, ou le Pиre et l’Esprit saint. Si donc l’Esprit saint procиde du
Pиre et du Fils, parce que le Pиre et le Fils s’aiment, а raison йgale, parce
que le Pиre et l’Esprit saint s’aiment, l’Esprit saint procиde de lui-mкme, ce
qui est impossible. q. 10 a. 4 arg. 12 Praeterea, Dionysius dicit: universaliter
non est audendum dicere aliquid nec etiam cogitare de supersubstantiali occulta
divinitate, praeter ea quae divinitus nobis ex sacris eloquiis sunt expressa. 12. Denys dit (les Noms divins, I,
PG, 3, 588 A3): "Gйnйralement il ne faut pas oser dire
quelque chose ni le penser de la divinitй supersubstantielle cachйe, au-delа de
ce qui nous a йtй divinement exprimй par les paroles sacrйes". In Scriptura autem sacra non exprimitur quod spiritus
sanctus procedat a filio, sed solum quod procedat a patre, secundum illud Ioan. XV, 26: cum venerit Paraclitus quem ego mittam vobis a patre, spiritum
veritatis, qui a patre procedit. Non ergo dicendum est nec cogitandum quod
spiritus sanctus procedit a filio. Mais dans l’Йcriture sainte, il n’est pas dit que l’Esprit saint procиde
du Fils, mais seulement qu’il procиde du Pиre, selon cette parole de Jean, 15, 26: "Quand sera venu le Paraclet que je vous enverrai par le Pиre, l’Esprit
de vйritй, qui procиde du Pиre…". Donc il ne faut ni dire ni penser
que l’Esprit saint procиde du Fils. q. 10 a. 4 arg. 13 Praeterea, in gestis I Ephesinae synodi sic
dicitur, quod perlecto symbolo Nicenae synodi decrevit sancta synodus aliam
fidem nulli licere proferre vel conscribere vel componere, praeter definitam a
sanctis patribus, qui in Nicaea congregati sunt cum spiritu sancto;
praesumentes autem aut componere fidem alteram aut protendere aut proferre
volentibus converti ad notitiam veritatis vel ex Paganitate vel ex Iudaismo,
vel ex haeresi aliqua; hos, si quidem sint episcopi aut clerici, alienos esse
episcopos ab episcopatu, et clericos a clericatu; si vero sint laici,
anathematizari. Et similiter in gestis Chalcedonensis synodi, post recitatam
determinationem Conciliorum subditur: eos autem qui ausi sunt componere fidem
alteram, aut proferre aut docere aut tradere alterum symbolum volentibus vel ex
gentilitate ad cognitionem veritatis, vel Iudaeis, vel ex haeresi quacumque
converti; hoc, si episcopi fuerint aut clerici, alienos esse episcopos ab
episcopatu, et clericos a clero; si vero monachi aut laici fuerint,
anathematizari. In praemissa autem Concilii determinatione non habetur quod
spiritus sanctus procedit a filio, sed solum quod procedat a patre. Legitur
etiam in symbolo Constantinopolitanae synodi: credimus in spiritum sanctum
dominum et vivificantem, ex patre procedentem, cum patre et filio adorandum et
conglorificandum. Nullo ergo modo debuit addi in symbolo fidei
quod spiritus sanctus procedat a filio. 13. Dans les actes du Concile d’Йphиse, I4,
on dit ainsi qu’ayant parcouru le Symbole du Concile de Nicйe, le saint Concile
dйcrйta "ne permettre а personne de
profйrer, d’йcrire ou d’йtablir une autre foi, que celle dйfinie par les pиres
qui se sont rassemblйs а Nicйe, avec l’Esprit saint; mais ceux qui osent
йtablir une autre foi, la rйpandre, ou la profйrer а ceux qui veulent se
convertir pour connaоtre la vйritй, qu’ils soient du paganisme, du Judaпsme, ou
d’une hйrйsie, si ceux-ci sont des Йvкques ou des clercs, que les йvкques
soient dйpossйdйs de l’йpiscopat, et les clercs de la clйricature; mais si ce
sont des laпcs, qu’il soient anathиmes." Et de la mкme maniиre dans
les actes du Concile de Chalcйdoine5,
aprиs avoir lu la dйcision des conciles, il est ajoutй: "Ceux qui ont osй prйsenter une autre foi, ou profйrer ou
enseigner ou rapporter un autre symbole а ceux qui voulaient se convertir du
paganisme pour la connaissance de la vйritй ou des Juifs, ou d’une hйrйsie
quelconque, que si ce sont des йvкques ou des clercs, si ce sont des йvкques
qu’ils soient dйpossйdйs de l’йpiscopat, les clercs de la clйricature, si ce
sont des moines ou des laпcs qu’ils soient anathиmes." Dans la
dйcision annoncйe du concile, il n’y a pas que l’Esprit saint procиde du Fils,
mais seulement qu’il procиde du Pиre. On lit aussi dans le Symbole du Concile
de Constantinople6: "Nous croyons dans l’Esprit saint Seigneur et
vivificateur, qui procиde du Pиre, qui doit кtre adorй et glorifiй avec le Pиre
et Fils" En aucune maniиre il n’a dы кtre ajoutй dans le symbole de la
foi que l’Esprit saint procиde du Fils. q. 10 a. 4 arg. 14 Praeterea, si spiritus sanctus dicitur a
filio procedere, aut hoc dicitur propter aliquam auctoritatem Scripturae, aut
propter aliquam rationem. Auctoritas quidem sacrae Scripturae ad hoc
ostendendum nulla videtur esse sufficiens; habetur siquidem in sacris
Scripturis, quod spiritus sanctus sit filii; sicut dicitur Galat. IV, 6: misit
Deus spiritum filii sui in corda vestra; et Rom. VIII, 9: si quis spiritum
Christi non habet, hic non est eius. Habetur etiam quod spiritus sanctus sit
missus a filio: dicit enim Christus, Ioan. XVI, 7: si enim non abiero,
Paraclitus non veniet ad vos, si autem abiero, mittam eum ad vos. Non autem
sequitur quod spiritus sanctus procedat a filio ex eo quod est filii, quia hoc
huius multipliciter dicitur, secundum philosophum. Similiter etiam neque ex eo
quod spiritus sanctus dicitur missus a filio; quia licet filius non sit a
spiritu sancto dicitur tamen a spiritu sancto missus, secundum illud Is.
XLVIII, 16, ex persona Christi: et nunc misit me dominus Deus, et spiritus
eius; et Is., LXI, 1: spiritus domini super me (...) ad evangelizandum
mansuetis misit me: quod in se dicit Christum esse completum.- Similiter etiam
non potest per rationem efficaciter probari. Licet enim spiritus sanctus non
sit a filio, adhuc tamen, ut videtur, distincti ad invicem remanebunt:
differunt enim suis proprietatibus personalibus. Nihil ergo videtur cogere ad
dicendum spiritum sanctum procedere a filio. 14. Si on dit que l’Esprit saint procиde du Fils, ou on le dit а cause
d’une autoritй de l’Йcriture, ou pour une autre raison. Aucune autoritй de l’Йcriture sainte ne semble suffisante
pour le montrer; il y a toutefois dans l’йcriture sainte que l’Esprit saint est
du Fils; comme il est dit en Ga. 4, 6:"Dieu a envoyй l’Esprit de son Fils dans vos
cњurs;" et Rm. 8, 9: "Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ,
celui-lа n’est pas de lui". On trouve aussi que l’Esprit saint a йtй
envoyй par le Fils; car le Christ dit (Jn
16, 7): "Car si je ne m’en vais
pas, le Paraclet ne viendra pas а vous, mais si je m’en vais, je vous
l’enverrai." Mais il n’en dйcoule pas que l’Esprit saint procиde du
Fils, du fait qu’il est du Fils, parce que huius
(de celui-ci7) est employй de nombreuses maniиres, selon
le philosophe. De la mкme maniиre aussi, ce n’est pas du fait qu’on dit que
l’Esprit saint est envoyй par le Fils, parce que, bien que le Fils ne soit pas
de l’Esprit saint, on dit cependant qu’il a йtй envoyй par lui selon cette
parole d’Is . 48, 16: "Et maintenant le Seigneur Dieu et son Esprit
m’ont envoyй" et Is. 61, 1:"L’esprit du Seigneur est sur moi… il m’a
envoyй pour annoncer la bonne nouvelle aux doux", ce qui dit en soi
que le Christ est un кtre complet.— De la mкme maniиre on ne peut pas le
prouver efficacement par la raison.
Car bien que l’Esprit saint ne soit pas du Fils, cependant jusqu’ici, а ce
qu’il semble, ils demeureront distincts entre eux: car ils diffиrent par leurs
propriйtйs personnelles. Donc rien ne semble forcer а dire que l’Esprit saint
procиde du Fils. q. 10 a. 4 arg. 15 Praeterea, omne quod procedit ab
aliquo, habet aliquid ab eo. Si ergo spiritus sanctus procedit a
duobus, scilicet a patre et filio, oportet quod a duobus accipiat; et sic
videtur sequi quod sit compositus. 15. Tout ce qui procиde de quelqu’un a quelque chose de lui. Si donc
l’Esprit saint procиde des deux, а savoir du Pиre et du Fils, il faut qu’il
reзoive des deux; et ainsi il semble en dйcouler qu’il est composй. q. 10 a. 4 arg. 16 Praeterea, de ratione principii est quod non
sit ab alio, secundum philosophum. Sed filius est ab alio, scilicet a patre.
Ergo filius non est principium spiritus sancti. 16. C’est la nature du principe de ne pas dйpendre d’un autre, selon le
philosophe (Physique I, 6, 189 a 30).
Mais le Fils est d’un autre, а savoir du Pиre. Donc le Fils n’est pas le
principe de l’Esprit saint. q. 10 a. 4 arg. 17 Praeterea, voluntas movet intellectum ad
operandum, homo enim intelligit quando vult. Sed spiritus sanctus procedit per
modum voluntatis ut amor, filius autem per modum intellectus ut verbum. Non ergo videtur quod spiritus procedat a filio, sed magis e converso. 17. La volontй met en mouvement l’esprit pour opйrer; car l’homme
comprend quand il le veut. Mais l’Esprit saint procиde par mode de volontй
comme amour, et le Fils par mode d’esprit comme Verbe. Il ne semble pas que
l’Esprit saint procиde du Fils, mais c’est plutфt le contraire. q. 10 a. 4 arg. 18 Praeterea,
nihil procedit ab eo in quo quiescit. Sed spiritus sanctus a patre procedit et
in filio quiescit, ut scribitur in passione beati Andreae. Ergo spiritus
sanctus non procedit a filio. 18. Rien ne procиde de celui en qui il se repose. Mais l’Esprit saint
procиde du Pиre et se repose dans le Fils, comme il est йcrit dans la passion
du bienheureux Andrй8. Donc l’Esprit
saint ne procиde pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 19 Praeterea, simplex non potest procedere a
duobus, quia effectus esset simplicior et prior quam causa. Sed spiritus
sanctus est simplex. Non ergo procedit a duobus, scilicet a patre et filio. 19. Ce qui est simple ne peut pas procйder de deux кtres, parce que
l’effet serait encore plus simple et avant la cause. Mais l’Esprit saint est
simple. Donc il ne procиde pas des deux, а savoir du Pиre et du Fils. q. 10 a. 4 arg. 20 Praeterea, si aliquid perfecte procedit ab
uno, superfluum est quod procedat a duobus. Sed spiritus sanctus perfecte
procedit a patre. Ergo superfluum esset quod procederet a patre et filio simul. 20. Si quelque chose procиde parfaitement de l’un, il est superflu
qu’il procиde des deux. Mais l’Esprit saint procиde parfaitement du Pиre. Donc
il serait superflu qu’il procиde du Pиre et du Fils en mкme temps. q. 10 a. 4 arg. 21 Praeterea, sicut pater et filius sunt unum
in substantia et natura, ita pater et spiritus sanctus. Sed spiritus sanctus
non convenit cum patre in generatione filii. Ergo nec filius convenit cum patre
in emissione spiritus sancti. 21. De mкme que le Pиre et le Fils sont un en substance et nature, de
mкme le Pиre et l’Esprit saint. Mais l’Esprit saint ne se rencontre pas avec le
Pиre dans la gйnйration du Fils. Donc le Fils ne se rencontre pas avec le pиre
dans l’йmission de l’Esprit saint. q. 10 a. 4 arg. 22 Praeterea, filius est radius patris, ut
patet per Dionysium. Spiritus autem sanctus est splendor. Splendor autem non
est a radio. Ergo nec spiritus sanctus est a filio. 22. Le Fils est le rayon du Pиre, comme on le voit chez Denys (La hiйrarchie cйleste). Mais l’Esprit
saint est la splendeur. Mais celle-ci ne vient pas du rayon. Donc l’Esprit
saint ne vient pas non plus du Fils. q. 10 a. 4 arg. 23 Praeterea, filius est quoddam lumen patris,
cum sit verbum eius. Spiritus autem sanctus est sicut calor, est enim amor
quidam; unde et super apostolos in specie ignis apparuit. Calor autem non est a
lumine. Ergo nec spiritus sanctus a filio. 23. Le Fils est une lumiиre du Pиre, puisqu’il est son verbe. Mais
l’Esprit saint est comme la chaleur, car il est l’amour; c’est pourquoi il
apparut sur les Apфtres, sous l’espиce du feu (Act. 2, 3). Mais la chaleur ne vient pas de la lumiиre. Donc
l’Esprit saint ne vient pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 24 Praeterea, Damascenus dicit, quod spiritus
sanctus dicitur esse filii, sed non a filio. 24. Jean Damascиne rapporte qu’on dit que l’Esprit saint est du Fils,
mais non par le Fils. En sens contraire: q. 10 a. 4 s. c. 1 Sed contra. Est quod Athanasius dicit:
spiritus sanctus a patre et filio non factus nec creatus nec genitus, sed
procedens. 1. Il y a ce qu’Athanase dit (dans le Symbole9): "L’Esprit
saint par le Pиre et par le Fils, ni fait, ni crйй, ni engendrй, mais procйdant
d’eux". q. 10 a. 4 s. c. 2
Praeterea, spiritus sanctus dicitur tertia in Trinitate persona, secunda
filius, prima pater. Ternarius autem procedit ab unitate mediante binario. Ergo
spiritus sanctus procedit a patre mediante filio. 2. L’Esprit saint est appelй la troisiиme personne de la Trinitй, le
Fils la seconde, le Pиre la premiиre. Mais le troisiиme procиde d’une double
unitй intermйdiaire. Donc l’Esprit saint procиde du Pиre par l’intermйdiaire du
Fils. q. 10 a. 4 s. c. 3 Praeterea, cum inter divinas personas sit
summa convenientia, quaelibet divinarum personarum ad aliam habet immediatam
germanitatem. Hoc autem non esset, si spiritus sanctus non esset a filio; tunc
enim filius et spiritus sanctus non haberent germanitatem ad invicem immediate,
sed solum mediante patre, in quantum ambo sunt ab uno. Ergo spiritus sanctus
est a filio. 3. Comme parmi les personnes divines, il y a un accord suprкme,
n’importe laquelle des personnes a une parentй immйdiate avec l’autre. Mais
cela n’existerait pas, si l’Esprit saint ne venait pas du Fils, car alors le
Fils et l’Esprit saint n’aurait pas de parentй immйdiate entre eux; mais
seulement par l’intermйdiaire du Pиre, en tant que les deux viennent d’un seul.
Donc l’Esprit saint est du Fils. q. 10 a. 4 s. c. 4 Praeterea, divinae personae non
distinguuntur ab invicem nisi secundum originem. Si ergo spiritus sanctus non
esset a filio, non distingueretur ab eo, quod est inconveniens. 4. Les personnes divines ne se distinguent entre elles que selon
l’origine. Si donc l’Esprit saint n’йtait pas du Fils, il ne serait pas
distinguй de lui, ce qui ne convient pas. Rйponse: q. 10 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, secundum ea quae supra
determinata sunt, necesse est spiritum sanctum a filio procedere; oportet enim,
si filius et spiritus sanctus sunt duae personae, quod alia sit processio unius
et alia alterius. Ostensum autem est supra, quod non possunt esse duae
processiones in divinis nisi secundum ordinem processionum, ut scilicet a
procedente secundum unam processionem sit alia processio. Necesse est ergo quod
spiritus sanctus sit a filio. Selon ce qui a йtй dйterminй ci-dessus, il est nйcessaire que l’Esprit
saint procиde du Fils; car il faut, si le Fils et l’Esprit saint sont deux
personnes, que la procession de l’une soit diffйrente de celle de l’autre. Mais
on a montrй ci-dessus (art. 2) qu’il ne peut y avoir deux processions en Dieu
que selon leur ordre, pour qu’il y ait une autre procession de celui qui
procиde par une premiиre procession. Donc il est nйcessaire que l’Esprit saint
vienne du Fils. Sed praeter hanc rationem etiam ex aliis rationibus de
necessitate probatur quod spiritus sanctus sit a filio. Oportet enim quod omnis
differentia aliquorum sequatur ex prima radice distinctionis ipsorum; nisi
forte sit differentia per accidens, sicut ambulans differt a sedente; et hoc
ideo quia quaecumque per se insunt alicui, vel sunt de essentia eius, vel
consequuntur essentialia principia, ex quibus est prima radix distinctionis
rerum. In divinis autem non potest esse aliquid per accidens; quia omne quod
inest alicui per accidens, cum sit extraneum a natura eius, oportet quod
conveniat ei ex aliqua exteriori causa: quod non potest dici in divinis. Mais en dehors de cette raison, on prouve nйcessairement par d’autres
raisons que l’Esprit saint est du Fils. Car il faut que toute la diffйrence des
choses dйcoule de la premiиre racine de leur distinction; а moins que par
hasard, il y ait une diffйrence par accident, ainsi celui qui marche est
diffйrent de celui qui est assis. Et cela parce que tout ce qui est par soi dans
une autre chose, ou est de son essence, ou bien accompagne les principes
essentiels, par lesquels il y a la premiиre racine de la distinction. Mais en
Dieu il ne peut rien y avoir par accident; parce qu’il faut que tout ce qui est
en quelqu’un par accident, comme cela est йtranger а sa nature, lui convienne
par quelque cause extйrieure; ce qu’on ne peut pas dire en Dieu. Oportet ergo quod omnis differentia divinarum personarum ad
invicem sequatur ex prima radice distinctionis earum. Prima autem radix distinctionis
patris et filii, est ex paternitate et filiatione. Oportet ergo quod omnis
differentia quae est inter patrem et filium, sequatur ex hoc quod ipse est
pater, et ille filius. Esse autem principium spiritus sancti non convenit patri
in quantum pater est, ratione paternitatis: sic enim non refertur nisi ad
filium; unde sequeretur quod spiritus sanctus esset filius. Il faut donc que toute diffйrence des personnes divines entre elles
dйcoule par la premiиre racine de leur distinction. Mais cette premiиre racine
du Pиre et du Fils vient de la paternitй et de la filiation. Il faut donc que
toute diffйrence entre le Pиre et le Fils, dйcoule du fait que l’un est le Pиre
et l’autre le Fils. Mais кtre le principe de l’Esprit saint ne convient pas au
Pиre en tant que Pиre, en raison de sa paternitй: car ainsi il ne se rйfиre
qu’au Fils: aussi il en dйcoulerait que l’Esprit saint serait le Fils. Similiter autem nec hoc repugnat rationi filiationis, quia,
secundum filiationem, non refertur ad aliud nisi ad patrem. Non ergo potest
esse differentia inter patrem et filium in hoc quod pater sit principium
spiritus sancti, non autem filius. De la mкme maniиre, cela ne s’oppose pas а la nature de la filiation,
parce que, selon elle, il ne se rйfиre а un autre qu’au Pиre. Donc il ne peut
pas y avoir de diffйrence entre le Pиre et le Fils du fait que le Pиre est le
principe de l’Esprit saint , mais pas le Fils. Item, sicut in libro
de synodis dicitur, creaturae proprium est quod voluntate sua Deus eam
produxerit. Quod Hilarius ex hoc probat quod creatura non est talis qualis est
Deus, sed qualem Deus eam voluit esse. Quia vero filius est talis qualis est
pater, dicitur quod pater genuit filium naturaliter. Eadem autem ratione
spiritus sanctus est a patre naturaliter, quia est similis et aequalis patri:
natura enim producit sibi simile. Oportet autem quod creatura, quae est a patre
secundum suam voluntatem, sit etiam a filio: quia eadem est voluntas patris et
filii. Similiter autem et eadem est natura utriusque. De mкme, comme il est dit dans le livre des Synodes, le propre de la crйature est que Dieu l’ait produit par sa
volontй. Ce qu’Hilaire prouve du fait que la crйature n’est pas telle que Dieu,
mais telle que Dieu a voulu qu’elle soit. Mais parce que le Fils est tel que le
Pиre, on dit que le Pиre a engendrй le Fils par nature. Mais, pour la mкme
raison, l’Esprit saint est du Pиre par nature, parce qu’il est semblable et
йgal au Pиre; car la nature produit du semblable а elle. Il faut que la
crйature qui est du Pиre selon sa volontй, soit aussi du Fils; parce que la
volontй du Pиre et celle du Fils sont identiques. De la mкme maniиre la nature
de l’un et l’autre est identique. Oportet ergo quod sicut spiritus sanctus est a patre, ita
sit a filio. Nec tamen sequitur quod filius vel spiritus sanctus sint a spiritu
sancto, licet et ipse habeat unam naturam cum patre; sicut sequitur quod
creatura est ab eo in quantum habet unam voluntatem cum patre, propter
repugnantiam quae sequeretur, si spiritus sanctus diceretur esse a seipso, vel
si ab eo diceretur esse filius, qui est eius principium. Il faut donc que, de mкme que l’Esprit saint est du Pиre,
il soit aussi du Fils. Et cependant il n’en dйcoule pas que le Fils ou l’Esprit
saint soit de l’Esprit saint, bien que lui-mкme ait une seule nature avec le
Pиre; ainsi il dйcoule que la crйature est par lui en tant qu’il a une seule
volontй avec le Pиre, а cause de l’incompatibilitй qui en dйcoulerait, si on
disait que l’Esprit saint est de lui-mкme, ou si on disait que le Fils, est de
celui qui est son principe. Hoc autem apparet alio modo: non enim potest esse in divinis
personis distinctio nisi secundum relationes; ea enim quae absolute dicuntur in
divinis, essentiam significant, et communia sunt, ut bonitas, sapientia et
huiusmodi. Relationes autem diversae non possunt facere distinctionem nisi
ratione suae oppositionis; diversae enim relationes possunt esse unius ad idem:
patet enim quod idem eiusdem potest esse filius, discipulus, aequalis, et
quaecumque aliae relationes quae oppositionem non includunt. Mais cela apparaоt d’une autre maniиre. Car il n’est pas possible qu’il
y ait une distinction dans les personnes divines, sinon par les relations; car
ce qui est dit dans l’absolu en Dieu, signifie l’essence, et est commun, comme
la bontй, la sagesse etc. Mais les diffйrentes relations ne peuvent apporter de
distinction qu’en raison de leur opposition; car les relations diffйrentes ne
peuvent кtre d’un seul au mкme; car il est clair que le mкme du mкme peut кtre
fils, disciple, йgal et toutes les autres relations qui n’incluent pas
d’opposition. Patet autem quod filius distinguitur a patre per hoc quod
aliqua relatione ad ipsum refertur, et similiter spiritus sanctus a patre
distinguitur propter aliquam relationem. Istae ergo relationes quantumcumque videantur
disparatae, nullo modo poterunt distinguere spiritum sanctum a filio, nisi sint
oppositae. Oppositio
autem alia in divinis esse non potest nisi secundum originem, prout scilicet
unus est ab alio. Nullo ergo modo filius et spiritus sanctus poterunt esse
distincti per hoc quod uterque diversimode referatur ad patrem, nisi unus eorum
referatur ad alterum ut ab eo existens. Mais il est clair que le Fils se distingue du Pиre, parce qu’il se
rйfиre а lui par une relation et de la mкme maniиre l’Esprit saint se distingue
du Pиre а cause d’une relation. Donc ces relations pour si diffйrentes qu’elles
paraissent, n’ont pu en aucune maniиre distinguer l’Esprit saint du Fils, а
moins qu’elles ne soient opposйes. Mais une autre opposition en Dieu ne peut
exister que selon l’origine, dans la mesure oщ l’un est par l’autre. Donc en
aucune maniиre le Fils et l’Esprit saint n’ont pu кtre distincts parce que l’un
et l’autre sont en rapport de maniиres diverses au Pиre, sauf si l’un d’eux est
en rapport avec l’autre comme existant par lui. Constat autem quod filius non est a spiritu sancto: de
ratione enim filii est quod non referatur nisi ad patrem ut ab eo existens.
Relinquitur, ergo de necessitate quod spiritus sanctus sit a filio. Mais il est bien certain que le Fils n’est pas par l’Esprit saint: car
il est de sa nature de n’avoir rapport qu’au Pиre comme existant par lui. Il
reste donc nйcessairement que l’Esprit saint est du Fils. Sed quia potest aliquis dicere, quod ea quae sunt fidei non
sunt solum rationibus sed auctoritatibus confirmanda, restat ostendere per
auctoritates sacrae Scripturae quod spiritus sanctus sit a filio. Habetur enim
in pluribus sacrae Scripturae locis quod spiritus sanctus sit filii; sicut Rom. VIII, 9: qui spiritum Christi non habet, hic non est eius; et Galat., IV, 6: misit Deus spiritum filii sui in corda vestra; et Act. XVI, 7: tentabant ire Bithyniam, et non permisit eos spiritus Iesu. Non
enim potest intelligi quod spiritus sanctus sit spiritus Christi solum secundum
humanitatem, quasi ipsum replens, quia spiritus sanctus est alicuius hominis ut
habentis, non autem ut dantis. Filii autem est spiritus sanctus ut dantis
ipsum, secundum illud I Ioan. IV, 13:
in hoc cognoscimus quoniam in eo manemus,
et ipse in nobis, quia de spiritu suo dedit nobis; et Act. V, 32, dicitur, quod dedit spiritum sanctum obedientibus sibi.
Mais parce qu’on peut dire que ce qui concerne la foi ne dйpend pas
seulement de raisonnements mais doit кtre confirmй par les autoritйs de l’Йcriture
sainte, il reste а montrer par les autoritйs que l’Esprit saint est du Fils.
Car on trouve en plusieurs endroits de l’Йcriture sainte, que l’Esprit saint
est du Fils; comme en Rm, 16, 7: "Qui n’a pas l’Esprit du Christ, celui-lа
n’est pas de lui"; et Ga. 4,
6: "Dieu a envoyй l’Esprit du Fils
dans vos cњurs;" et Act. 16,
7: "Ils tentaient d’aller en
Bithynie, et l’Esprit de Jйsus ne le permit pas". Car on ne peut pas
comprendre que l’Esprit saint soit l’Esprit du Christ seulement selon
l’humanitй, comme le complйtant, parce que l’Esprit saint est d’un homme en
tant qu’il possиde, mais non en tant qu’il donne10.
Mais l’Esprit saint est du Fils en tant qu’il le donne selon ce mot de Jn 4, 13: "A cela nous connaissons que nous demeurons en lui et lui-mкme en nous,
parce qu’il nous l’a donnй de son Esprit" et en Act. 5, 32, il est dit qu’il a donnй son Esprit saint а ceux qui
lui obйissent. Oportet ergo quod dicatur esse spiritus sanctus filii, in
quantum est divina persona. Aut ergo dicitur esse absolute eius, aut dicitur
esse eius ut spiritus eius. Si autem absolute, tunc oportet quod sit aliqua
auctoritas filii respectu spiritus sancti. Apud nos enim potest dici aliquis
esse alterius secundum quid, qui non habet auctoritatem respectu ipsius, sicut
cum dicitur, Petrus est socius Ioannis; sed non potest dici, Petrus esse
Ioannis absolute, nisi sit quaedam possessio eius, sicut servus, hoc ipsum quod
est, dicitur esse domini. In divinis autem non potest esse aliquid serviens vel
subiectum; sed intelligitur ibi auctoritas secundum solam originem. Oportebit
ergo quod spiritus sanctus habeat originem a filio. Il faut donc dire que l’Esprit saint est du Fils, en tant que personne
divine. Donc, ou bien on dit qu’il est de lui selon l’absolu, ou bien comme son
esprit. Si c’est selon l’absolu, alors
il faut qu’il y ait une autoritй du Fils par rapport а l’Esprit saint. Chez
nous en effet on peut dire de quelqu’un qu’il est d’un autre sous un certain
rapport, qui n’a pas d’autoritй par rapport а lui, comme quand on dit; Pierre
est le compagnon de Jean; mais on ne peut pas dire que Pierre est de Jean dans
l’absolu, а moins qu’il soit sa possession, comme esclave, ce qu’il est est dit
du maоtre. Mais en Dieu il ne peut pas y avoir un serviteur ou un sujet, mais
on comprend l’autoritй selon la seule origine. Donc il faudra que l’Esprit
saint tire une origine du Fils. Et idem sequitur, si dicatur spiritus sanctus esse filii ut
spiritus eius; quia spiritus, secundum quod est nomen personale, importat
relationem originis ad spirantem, sicut filius ad generantem. Similiter etiam
invenitur in Scripturis quod filius mittit spiritum sanctum, sicut supra dictum
est. Semper autem mittens videtur habere auctoritatem supra missum. Auctoritas
autem in divinis, ut dictum est, non est nisi secundum originem. Unde sequitur
quod spiritus sanctus originem habeat a filio. Et il en dйcoule la mкme chose, si on dit que l’Esprit saint est du
Fils comme son esprit; parce que l’Esprit , selon qu’il est un nom personnel,
apporte une relation d’origine а celui qui spire, comme le Fils а celui qui
engendre. De la mкme maniиre aussi on trouve dans les Йcritures que le Fils
envoie l’Esprit saint, comme on l’a dit ci-dessus. Mais toujours celui qui
envoie semble avoir l’autoritй sur celui qui est envoyй. Mais l’autoritй en
Dieu, comme on l’a dit, ne dйpend que de l’origine. C’est pourquoi il en
dйcoule que l’Esprit saint tire son origine du Fils. Habetur autem ex sacra Scriptura quod per spiritum sanctum
configuramur filio, secundum illud Rom.
VIII, 15: accepistis spiritum adoptionis
filiorum; et Galat. IV, 6: quoniam estis filii, misit Deus spiritum
filii sui in corda vestra. Nihil autem configuratur alicui nisi per eius
proprium characterem. In naturis etiam creatis ita est quod id quod conformat
aliquid alicui, est ab eo; sicut semen hominis non assimilatur equo, sed homini
a quo est. Spiritus autem sanctus est a filio tamquam proprius character eius;
unde dicitur de Christo, II Cor. I,
21-22: quod signavit nos, et unxit nos et
dedit pignus spiritus in cordibus nostris. Expressius autem filii, de
spiritu sancto dicentis: ille me clarificabit quia de meo accipiet. Constat
autem quod non accipit a filio spiritus sanctus, quasi prius non habens: quia
sic esset mutabilis et indigentis naturae. Constat ergo quod ab aeterno accipit
a filio; nec potuit accipere aliquid quod non sit eius essentia ab aeterno.
Ergo accepit spiritus sanctus essentiam de filio. On voit aussi par l’Йcriture sainte que nous sommes configurйs au Fils
par l’Esprit saint, selon cette parole de Rm
8, 15: "Vous avez reзu un Esprit
d’adoption de fils11" et Ga. 4, 6: "Parce que vous кtes des fils, Dieu a envoyй l’Esprit de son Fils en vos
cњurs". Mais rien n’est configurй а quelqu’un que par sa propre
marque. Dans les crйatures aussi ce qui conforme quelque chose а quelqu’un
vient de lui; ainsi la semence de l’homme n’est pas semblable а celle du cheval;
mais а l’homme d’oщ elle vient. Mais l’Esprit saint est du Fils comme sa marque
la plus propre; c’est pourquoi il est dit du Christ II Co. 1, 21-22: "Il (le
Pиre) nous a marquй du sceau, donnй
l’onction et le gage de l’Esprit dans nos cњurs12." Mais plus expressйment du Fils qui
dit au sujet de l’Esprit saint: "Il
m’a glorifiй parce qu’il a reзu de moi." Il est clair que l’Esprit saint n’a pas reзu du Fils
comme n’ayant pas avant lui: parce qu’ainsi il serait changeant et d’une nature
dans le besoin. Donc il est clair qu’il a reзu du Fils de toute йternitй; et
n’a pu recevoir rien qui ne soit pas son essence de toute йternitй. Donc
l’Esprit saint a reзu l’essence du Fils. Rationem autem quare de filio acceperit spiritus sanctus,
ipsemet filius subiunxit, dicens, Ioan.
XVI, 15: omnia quaecumque habet pater mea
sunt. Propterea dixi: quia de meo accipiet; quasi diceret quia eadem est
essentia patris et mea, non potest spiritus sanctus esse de essentia patris,
quin sit de mea essentia. Traditur etiam in sacra Scriptura quod
filius per spiritum operatur, sicut habetur Rom.
XV, 18: per me effecit Christus, scilicet
miracula, et alia bona in spiritu sancto,
idest per spiritum sanctum; et Hebr.
IX, 14, dicitur quod per spiritum sanctum
obtulit semetipsum. Quandocumque autem aliquis per aliquem dicitur operari,
oportet quod vel operans det virtutem operativam ei per quem operatur, sicut
rex dicitur operari per praepositum vel ballivum; vel e converso, sicut cum
dicitur ballivus operari per regem. La raison pour laquelle l’Esprit saint a reзu du Fils, le Fils lui-mкme
l’a ajoutй, en disant Jn 16, 15:"Tout ce qu’a le Pиre est а moi. C’est
pourquoi j’ai dit: parce qu’il a reзu de moi…", comme s’il disait que
l’essence du Pиre et la mienne est la mкme, l’Esprit saint ne peut pas кtre de
l’essence du Pиre, qu’il ne soit de la mienne. L’Йcriture sainte rapporte aussi
que le Fils opиre par l’Esprit, comme on le voit en Rm 15, 18: "Le Christ
l’a fait par moi", а savoir les miracles et autres biens (dit
l’Apфtre) dans l’Esprit saint",
c'est-а-dire par l’Esprit saint et en Hйbr.
9, 14: il est dit que "par
l’Esprit saint il s’est offert lui-mкme" . Quelquefois aussi on dit
que quelqu’un opиre par un autre, il faut que ou bien celui qui opиre lui donne
le pouvoir d’opйrer, par lequel il opиre, comme on dit que le roi opиre par un
prйvфt ou un bailli, ou au contraire comme quand on dit que le bailli opиre par
le roi. Oportet ergo, si filius operatur per spiritum sanctum, quod
vel spiritus sanctus det virtutem operativam filio, vel filius spiritui sancto;
et ita quod unus alteri det essentiam, cum virtus operativa utriusque non sit
aliud quam eius essentia. Constat autem quod spiritus sanctus non dat essentiam
filio, cum filius non sit filius nisi patris. Relinquitur ergo quod spiritus
sanctus sit a filio. Il faut donc, si le Fils opиre par l’Esprit saint que ou
bien celui-ci donne le pouvoir d’opйrer au Fils ou bien que le Fils le donne а
l’Esprit saint; et ainsi que l’un donne l’essence а l’autre, puisque le pouvoir
d’opйrer de l’un et l’autre n’est pas autre que son essence. Mais il est clair
que l’Esprit saint ne donne pas l’essence au Fils, puisque celui-ci n’est le
Fils que du Pиre. Il reste donc que l’Esprit saint est du fils. Ex hac ergo ratione per ea quae Graeci confitentur, potest
idem haberi: confitentur enim ipsi quod spiritus sanctus est a patre per
filium, et quod pater spirat spiritum sanctum per filium. Semper autem illud
per quod aliquid producitur est principium eius quod producitur. Oportet ergo
quod filius sit principium spiritus sancti. Si autem refugiant confiteri quod
spiritus sanctus sit a filio, quia filius est ab alio,- et sic non est prima
radix originis spiritus sancti,- manifestum est quod vane moventur; nullus enim
refugit dicere lapidem moveri a baculo, licet baculus moveatur a manu; nec
Iacob esse ab Isaac, licet Isaac sit ab Abraham. Sed adhuc minus est in
proposito refugiendum; est enim una vis productiva patris et filii; quod non
accidit in moventibus et agentibus creatis. Et pour cette raison par ce que les Grecs confessent, on peut avoir le mкme
rйsultat. Car ils confessent eux-mкmes que l’Esprit saint est du Pиre par le
Fils et que le Pиre spire l’Esprit saint par le Fils. Mais toujours ce qui
produit est le principe de ce qui est produit. Il faut donc que le Fils soit le
principe de l’Esprit saint. Mais s’ils refusaient de confesser que l’Esprit
saint est du Fils, parce que le Fils est d’un autre — et ainsi il n’est pas la
premiиre racine de l’origine de l’Esprit saint — il est clair qu’ils s’agitent
en vain; car personne ne refuse de dire que la pierre est mue par le bвton,
bien que le bвton soit mы par la main; et que Jacob n’est pas d’Isaac, bien que
ce dernier soit d’Abraham. Mais il faut encore moins le refuser, car il y a une
force productive du Pиre et du Fils; ce qui n’arrive pas dans les moteurs et
les agents crййs. Unde sicut confitendum est quod creaturae sunt a filio,
licet filius sit a patre, ita confitendum est quod spiritus sanctus sit a
filio, licet filius sit a patre. Manifestum est ergo quod dicentes spiritum
sanctum esse a patre per filium, non autem a filio, propriam vocem ignorant,
sicut Aristoteles de Anaxagora dicit: volentes
enim esse legis doctores, non intelligunt neque de quibus loquuntur, neque de
quibus affirmant, ut dicitur I
Timoth. cap. I, 7. C’est pourquoi de la mкme maniиre qu’il faut confesser que
les crйatures sont du Fils, bien que le Fils soit du Pиre, de mкme il faut
confesser que l’Esprit saint est du Fils, bien que le Fils soit du Pиre. Donc
il est clair que ceux qui disent que l’Esprit saint est du Pиre par le Fils,
mais pas du Fils, ignorent ce qu’ils disent; comme Aristote le dit d’Anaxagore.
"Car voulant кtre des docteurs de la
loi, ils ne comprennent pas ni de quoi ils parlent ni ce qu’ils affirment",
comme il est dit en 1 Tm. 1, 7. Solutions: q. 10 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod filius et
spiritus sanctus dicuntur flores deigenae divinitatis, id est paternae, prout
uterque a patre est. Sed quantum ad hoc quod spiritus sanctus a filio est,
potest dici filius esse radix, et spiritus sanctus flos; non enim oportet ut
similitudo rerum corporalium observetur quantum ad omnia in divinis. # 1. Il faut donc dire que le Fils et l’Esprit saint sont appelйs des
fleurs engendrйes de Dieu, c'est-а-dire des fleurs paternelles dans la mesure
oщ l’un et l’autre sont du Pиre. Mais quant а ce que l’Esprit saint est du
Fils, on peut dire que le Fils est la racine, et l’Esprit saint la fleur; car
il ne faut pas tenir compte de la ressemblance avec ce qui est corporel pour
tout ce qui est en Dieu. q. 10 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod filius hoc habet a
patre quod ex se spiritum sanctum emittat: unde et eodem modo convenit ei sicut
et patri. Sed pater non est principium divinae personae uno modo tantum, sed
duobus, scilicet per generationem et spirationem. Unde non potest concludi quod
filius sit principium spiritus sancti per generationem; sed est fallacia
consequentis, et praecipue cum nec etiam pater sit principium spiritus sancti
per generationem. # 2. Le Fils tient du Pиre qu’il йmet l’Esprit saint de lui: c’est
pourquoi et de la mкme maniиre cela lui convient comme au Pиre. Mais le Pиre
n’est pas le principe de la personne divine d’une seule maniиre, mais de deux,
а savoir par gйnйration et spiration. C’est pourquoi on ne peut conclure que le
Fils est le principe de l’Esprit saint, par gйnйration, mais c’est une erreur
de raisonnement et surtout puisque le Pиre n’est pas le principe de l’Esprit
saint par gйnйration. q. 10 a. 4 ad 3 Et similiter dicendum est ad tertium. # 3. Il faut dire de mкme pour la troisiиme objection. q. 10 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod spiritus sanctus non
potest dici verbum proprie, sed communiter, prout omne quod est manifestativum
alicuius verbum ipsius dicitur. Spiritus enim sanctus est manifestativus filii,
secundum quod de spiritu sancto filius dicit Ioan. XVI, 14: ille me
clarificabit, quia de meo accipiet. Filius autem proprie dicitur verbum, quasi
conceptio intellectus divini. # 4. L’Esprit saint ne peut pas кtre appelй verbe au sens propre, mais
communйment, dans la mesure oщ tout ce qui manifeste quelque chose est appelй
son verbe. Car l’Esprit saint
manifeste le Fils, selon ce que le Fils dit de lui: Jn 16,14: "Il me
glorifiera, parce qu’il a reзu de moi". Mais le Fils est appelй le
Verbe au sens propre, comme une conception de l’esprit divin. q. 10 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in humana origine
dicitur nepos qui eodem modo procedit a filio sicut filius a patre. Spiritus
autem sanctus non procedit in divinis a filio sicut filius a patre; et ideo
ratio non sequitur. # 5. Dans la gйnйration chez les hommes, on appelle petit-fils celui
qui procиde de la mкme maniиre du fils comme le fils procиde du Pиre. Mais
l’Esprit saint ne procиde pas du Fils en Dieu, comme le fils du Pиre, et c’est
pourquoi la raison n’est pas valable. q. 10 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod esse principium non
est contrarium ei quod est esse a principio, nisi intelligatur respectu
eiusdem: non enim potest esse aliquid principium eius a quo est sicut a
principio. Unde non sequitur quod in filio sint contrariae proprietates, si sit
a patre sicut a principio et sit principium spiritus sancti. # 6. Кtre principe n’est pas contraire а celui qui vient du principe а
moins qu’on le comprenne par rapport а lui-mкme; car rien ne peut кtre le
principe de ce dont il vient comme par son principe. C’est pourquoi il n’en
dйcoule pas que dans le Fils il y ait des propriйtйs contraires, s’il йtait du
Pиre, comme de son principe et qu’il soit le principe de l’Esprit saint q. 10 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod omne quod est in
divinis, est commune vel proprium. Sed proprium dupliciter dicitur: uno modo simpliciter et absolute, quod uni soli convenit,
sicut risibile homini; alio modo dicitur aliquid proprium non simpliciter, sed ad
aliquid; ut si dicatur, quod rationale est proprium homini in comparatione ad
equum, licet et alii conveniat, scilicet Angelo. Est ergo in divinis aliquid
commune quod convenit tribus personis, ut esse Deum et huiusmodi; aliquid quod
est proprium simpliciter, quod convenit uni personae tantum; et aliquid quod
est proprium quoad aliquid, sicut spirare spiritum sanctum est proprium patri
et filio per respectum ad spiritum sanctum; tale enim proprium oportet in
divinis poni, etiam si spiritus sanctus non sit a filio; quia esse ab alio, adhuc
remanet proprium filio et spiritui sancto in comparatione ad matrem. # 7. Tout ce qui est en Dieu est commun ou propre; mais on parle de ce
qui est propre de deux maniиres: a) Simplement et absolument; ce qui convient а un seul, comme le
risible а l’homme. b) D’une autre maniиre, on dit que c’est propre non pas selon l’absolu
mais selon la relation; comme si on disait que le raisonnable est propre а
l’homme en comparaison au cheval, bien qu’il convienne а un autre, comme
l’ange. Donc il y a en Dieu quelque chose de commun qui convient aux trois
personnes, comme кtre Dieu, etc. et quelque chose qui est propre selon l’absolu;
qui ne convient qu’а une seule personne, et ce qui est propre selon un rapport,
comme spirer l’Esprit saint est propre au Pиre et au Fils par rapport а
l’Esprit saint; car il faut placer ce qui est propre en Dieu ainsi, mкme si
l’Esprit saint n’est pas du Fils; parce que кtre d’un autre, demeure encore
propre au Fils et а l’Esprit saint en comparaison de l’origine. q. 10 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum, quod nomen debiti in
personis divinis, si quis recte diiudicare velit, non omnino recte sonat; quia
debitum quamdam subiectionem et obligationem importat, quae in divinis esse non
possunt. Richardus tamen de sancto Victore, utitur distinctione amoris gratuiti
et debiti; nec intelligit per gratuitum nisi quod non est ab alio, per debitum
vero quod ab alio est; secundum quem modum nihil prohibet intelligi eumdem
amorem esse gratuitum ut est patris, debitum vero ut est filii; idem est enim amor
quo pater et quo filius amat; sed hunc amorem filius a patre habet, pater vero
a nullo. # 8. Le nom de dы dans les
personnes divines, si on veut en juger droitement, ne sonne pas tout а fait
juste; parce que ce qui est dы apporte une sujйtion et une obligation, qui ne
peut pas exister en Dieu. Richard de saint Victor cependant (La Trinitй, III, c. 3, et V, c. 17 et
18), se sert de la distinction de l’amour gratuit et de l’amour dы, et il ne
comprend par gratuit que ce qui ne vient pas d’un autre, par dы ce qui en vient;
de cette maniиre rien n’empкche de comprendre que le mкme amour est gratuit,
comme il est du Pиre, mais dы comme il est du Fils; car l’amour par lequel le
Pиre aime et le Fils aime est identique; mais le Fils tient cet amour du Pиre,
mais le Pиre de personne. q. 10 a. 4 ad 9 Ad nonum dicendum, quod spiritus sanctus est
tantum gratuitus amor, secundum quod amori gratuito contraponitur mercenarius
amor, quo aliquid non propter seipsum amatur, sed propter aliquem extrinsecum
fructum. Secundum vero quod gratuitus amor dicitur, propter hoc quod ab alio
sumit originem, non est contra rationem spiritus sancti quod sit gratuitus
amor: nam et ille amor quo per spiritum sanctum Deum diligimus, originem habet
ex his quae nobis a Deo sunt data; et sic nihil prohibet etiam amorem filii,
qui ab alio habet quod amat, spiritum sanctum esse. # 9. L’Esprit saint est seulement l’amour gratuit, selon que l’amour
mercenaire est opposй а l’amour gratuit, par lequel une chose est aimйe non а
cause d’elle-mкme, mais а cause d’un gain extйrieur. Mais selon qu’on parle
d’amour gratuit, du fait qu’il prend son origine d’un autre ce n’est pas contre
la nature de l'Esprit saint, parce que cet amour est gratuit; car cet amour par
lequel nous aimons par l’Esprit saint tire son origine de ce qui nous a йtй
donnй par Dieu, et ainsi rien n’empкche aussi l’amour du Fils, qui tient d’un
autre d’aimer, d’кtre l’Esprit saint. q. 10 a. 4 ad 10 Ad decimum dicendum, quod spiritus
sanctus et a patre procedit in filium, et a filio in patrem, non quidem sicut
in recipientem, sed sicut in obiectum amoris. Dicitur enim spiritus sanctus a
patre in filium procedere, in quantum est amor quo pater amat filium; et simili
ratione potest dici quod spiritus sanctus est a filio in patrem, in quantum est
amor quo filius patrem amat; potest autem intelligi quod procedat a patre in
filium, in quantum filius a patre accipit virtutem spiritum sanctum spirandi;
sed sic non potest dici quod procedat a filio in patrem, cum a filio nihil
accipiat pater. # 10. L’Esprit saint procиde du Pиre dans le Fils et du Fils dans le
Pиre, non comme dans celui qui reзoit, mais comme dans un objet d’amour. Car on
dit que l’Esprit saint procиde du Pиre dans le Fils, en tant qu’il est l’amour
par lequel le Pиre aime le Fils, et pour une raison semblable on peut dire que
l’Esprit saint est du Fils dans le Pиre, en tant qu’il est l’amour par lequel
le Fils aime le Pиre, mais on peut aussi comprendre qu’il procиde du Pиre dans
le Fils, en tant que le Fils reзoit du Pиre le pouvoir de spirer l’Esprit saint;
mais ainsi on ne peut pas dire qu’il procиde du Fils dans le Pиre, puisque le
Pиre ne reзoit rien du Fils. q. 10 a. 4 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod hoc verbum diligit
non solum dicit missionem amoris, sed etiam quamdam affectionem vel
dispositionem secundum amorem. Ea vero quae in divinis emissionem dicunt,
personaliter tantum accipi possunt, ut generare, spirare et huiusmodi: quae
vero non important emissionem, sed magis ad informationem eius pertinent de quo
dicuntur, essentialiter in divinis dicuntur, ut esse bonum, intelligentem et
huiusmodi. Et inde est quod spiritus sanctus dicitur diligere non quasi amorem
emittens,- sic enim convenit tantum patri et filio,- sed secundum quod diligere
sumitur essentialiter in divinis. # 11. Ce mot: il aime non
seulement dit encore la mission de l’amour, mais aussi une certaine affection
ou une disposition selon l’amour. Ce qu’ils appellent йmission en Dieu, ils
peuvent l’accepter personnellement seulement, comme engendrer, spirer, etc; ce
qui n’apporte pas d’йmission, mais qui convient plus а l’information de ce dont
ils parlent, ils en parlent selon l’essence, comme кtre bon, intelligent etc.
Et de lа vient qu’on dit que l’Esprit saint aime non comme йmettant l’amour, —
en effet il convient ainsi seulement au Pиre et au Fils — mais dans la mesure
oщ aimer est pris selon l’essence en Dieu. q. 10 a. 4 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod hoc regulariter
in sacra Scriptura invenitur, quod id quod dicitur de patre, oportet quod de
filio intelligatur; et quod dicitur de utroque vel altero eorum, oportet
intelligi de spiritu sancto, etiam si dictio exclusiva ponatur, praeter illa
tantum quibus personae divinae ab invicem distinguuntur; sicut quod dicitur
Ioan. XVII, 3: haec est vita aeterna: ut cognoscant te, solum Deum verum, et
quem misisti Iesum Christum. Non enim potest dici, quod filio non conveniat
esse Deum verum, quod ipse filius soli patri attribuit; quia cum pater et
filius unum sint, licet non unus, oportet quod de patre dicitur, de filio
quoque intelligi. Nec etiam negandum est in cognitione spiritus sancti vitam
aeternam non esse, cum sit una cognitio trium. Similiter autem non est
subtrahenda spiritui sancto patris filiique cognitio, licet Matth. XI, 27,
dicatur: nemo novit filium nisi pater; neque patrem quis novit nisi filius.
Unde, cum hoc quod est habere ex se spiritum sanctum procedentem, non pertineat
ad rationem paternitatis et filiationis, quibus pater et filius distinguuntur,
oportet ut cum dicitur in Evangelio, quod spiritus sanctus de patre procedit,
in hoc ipso intelligatur quod procedat a filio. # 12. Il faut dire qu’on trouve rйguliиrement dans l’Йcriture sainte,
que ce qui est dit du Pиre doit кtre compris du Fils; et ce qui est dit de l’un
et l’autre ou de l’un d’eux, doit кtre compris de l’Esprit saint, mкme si on
place un propos exclusif, au-delа de ce par quoi les personnes divines se
distinguent entre elles, comme ce qui est dit en Jn. 17, 3:"C’est la vie
йternelle: qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as
envoyй, Jйsus Christ". Car on ne peut pas dire qu’il ne convient pas
au Fils d’кtre le vrai Dieu, ce que le Fils lui-mкme a attribuй au Pиre seul,
parce que, comme le Pиre et le Fils sont un, bien qu’ils ne soient pas un seul13, il faut que ce qui est dit du Pиre, soit
compris aussi du Fils. Et aussi il ne faut pas nier (parce qu’on n’a pas lа
mention de l’Esprit saint) que dans la connaissance de l’Esprit saint il n’y a
pas de vie йternelle, puisqu’il y a une seule connaissance pour les trois. De
la mкme maniиre, il ne faut pas soustraire la connaissance qu’ont le Pиre et le
Fils de l’Esprit saint, bien qu’en Mt. 11,
27 il soit dit: "Personne ne connaоt
le Fils, sinon le Pиre; et personne ne connaоt le Pиre sinon le Fils".
C’est pourquoi, comme la possession de l’Esprit saint qui procиde de soi, ne
convient pas а la nature de la paternitй et de la filiation, par lesquelles le
Pиre et le Fils se distinguent, il faut, comme il est dit dans l’Йvangile, que
par le fait que l’Esprit saint procиde du Pиre, on comprenne qu’il procиde du
Fils. q. 10 a. 4 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod doctrina
Catholicae fidei sufficienter tradita fuit in symbolo Nicaeno; unde sancti
patres in sequentibus synodis non intenderunt aliquid addere, sed propter
insurgentes haereses id quod implicite continebatur explicare studuerunt; unde
in determinatione Chalcedonensis synodi dicitur: praesens nunc sancta et magna
atque universalis synodus praedicationem hanc ab initio inconcussam docens,
definivit principaliter trecentorum decem et octo sanctorum patrum, qui
scilicet in Nicaea convenerunt fidem manere intentabilem; et propter illos
quidem qui adversum spiritum sanctum pugnant, posteriori tempore a patribus
apud Constantinopolim centum quinquaginta congregatis, de substantia spiritus
traditam doctrinam corroborat, quam illi omnibus notam fecerunt, non quasi
quidem aliquid esset minus in praecedentibus, inferentes; sed de spiritu sancto
intellectum eorum adversus eos qui dominium eius respuere tentaverunt,
Scripturarum testimoniis declarantes. # 13. La doctrine de la foi catholique a йtй suffisamment rapportйe
dans le symbole de Nicйe; c’est pourquoi les saints Pиres dans les Conciles
suivants ne tentиrent point d’ajouter quelque chose, mais ils s’appliquиrent а
expliquer, а cause des hйrйsies qui surgissaient, ce qu’il contenait
implicitement. C’est pourquoi dans la dйcision, du Concile de Chalcйdoine, il
est dit: Maintenant le prйsent Concile
grand, saint et universel enseignant cette prйdication inйbranlable depuis le
dйbut principalement celle des 318 saints Pиres, qui se sont rassemblйs а
Nicйe, a dйcidй de maintenir la foi incorruptible; et а cause de ceux qui
combattent contre l’Esprit saint, plus tard, par les cent cinquante Pиres
rassemblйs а Constantinople, il renforce la doctrine rapportйe sur la substance
de l’Esprit, qu’ils ont fait connaоtre а tous, en la rapportant non comme
quelque chose d’infйrieur dans les prйcйdents Conciles, mais au sujet de
l’Esprit saint en annonзant par le tйmoignage des Йcritures leur concept contre
ceux qui tentиrent de repousser leur pouvoir, en proclamant le tйmoignage des
Йcritures." Et per hunc modum dicendum est, quod processio spiritus
sancti a filio implicite in symbolo Constantinopolitano continetur, in quantum
continetur ibi quod procedit a patre, quia quod de patre intelligitur, oportet
et de filio intelligi, cum in nullo differant, nisi quia hic est filius et ille
pater. Sed propter insurgentes errores eorum qui spiritum a filio esse negabant,
conveniens fuit ut in symbolo poneretur, non quasi aliquid additum, sed
explicite interpretatum quod implicite continebatur. Sicut si insurgeret
haeresis quae negaret spiritum sanctum esse factorem caeli et terrae, oporteret
hoc explicite poni, cum in praedicto symbolo hoc non dicatur nisi de patre.
Sicut autem posterior synodus potestatem habet interpretandi symbolum a priore
synodo conditum, ac ponendi aliqua ad eius explanationem, ut ex praedictis
patet; ita etiam Romanus pontifex hoc sua auctoritate potest, cuius auctoritate
sola synodus congregari potest, et a quo sententia synodi confirmatur, et ad
ipsum a synodo appellatur. Quae omnia patent ex gestis Chalcedonensis synodi. Et il faut dire par ce moyen que la procession de l’Esprit saint du Fils
est contenue implicitement dans le
Symbole de Constantinople, en tant qu’il contient lа qu’il procиde du Pиre,
parce que ce qu’on comprend du Pиre, il faut le comprendre aussi du Fils;
puisqu’ils ne diffиrent en rien, sinon parce que l’un est le Fils et l’autre le
Pиre. Mais а cause de ceux qui soulиvaient les erreurs de ceux qui niaient que
l’Esprit йtait du Fils, il a йtй convenable qu’on le place dans le Symbole, non
comme quelque chose d’ajoutй, mais interprйtй explicitement parce qu’il y йtait
contenu implicitement. De mкme, si se levait une hйrйsie qui nierait que
l’Esprit saint soit le Crйateur du ciel et de la terre, il faudrait l’exposer
explicitement, puisque dans ce symbole on ne le dit que du Pиre. Mais de mкme
que le Concile suivant a le pouvoir d’interprйter le symbole fondй par le
prйcйdant, et de poser quelque chose pour son explicitation, pour qu’il
devienne clair а partir de ce qui a йtй dit, de mкme aussi le Pontife romain le
peut par son autoritй; par sa seule autoritй il peut rйunir le Concile et en
confirmer l’avis, et le concile l’appelle а lui. Tout cela est йclairй par les
actes du Concile de Chalcйdoine. Nec est necessarium quod ad eius expositionem faciendam
universale Concilium congregetur, cum quandoque id fieri prohibeant bellorum
dissidia, sicut in septima synodo legitur, quod Constantinus Augustus dixit,
quod propter imminentia bella universaliter episcopos congregare non potuit;
sed tamen illi qui convenerunt, quaedam dubia in fide exorta, sequentes
sententiam Agathonis Papae, determinaverunt, scilicet quod in Christo sint duae
voluntates et duae actiones; et similiter patres in Chalcedonensi synodo
congregati, secuti sunt sententiam Leonis Papae, qui determinavit Christum esse
in duabus naturis post incarnationem. Et il n’est pas nйcessaire que pour en faire l’exposition soit
rassemblй un Concile universel puisque quelquefois les menaces de guerre
empкchent que ce soit fait, ainsi pour le septiиme Concile, on lit que
Constantin Auguste a dit, qu’а cause des guerres imminentes il n’a pas pu
ressembler les Йvкques du monde entier. Mais cependant ceux qui se
rassemblиrent, quelques doutes s’йtant йlevйs sur la foi, suivant l’opinion du
Pape Agathon14, dйterminиrent que
dans le Christ il y a deux volontйs, et deux actions; et de la mкme maniиre les
Pиres rassemblйs au Concile de Chalcйdoine, ont suivi l’avis du Pape Lйon15, qui dйtermina que le Christ est dans deux
natures aprиs l’Incarnation. Attendi tamen debet, quod ex determinatione principalium
Conciliorum habetur, quod spiritus sanctus procedit a filio. Suscepit enim
Chalcedonensis synodus, sicut in eius determinatione dicitur, epistolas beati
Cyrilli Alexandrinae Ecclesiae praesulis synodicas ad Nestorium et ad alios per
orientem. In quarum una sic legitur: quoniam
ad demonstrationem suae divinitatis Christus utebatur suo spiritu ad magnas
operationes, glorificari se dicebat ab eo, velut si quispiam dicat eorum qui
secundum nos sunt insita sibi fortitudine vel disciplina, vel de quolibet, quia
glorificabunt me. Sic enim et est in subsistentia spiritus speciali, vel certe
intelligitur per se, secundum quod spiritus est et non filius; sed tamen non
est alienus ab eo: spiritus enim veritatis nominatur, et est spiritus
veritatis, et profluit ab eo, sicut denique et ex Deo patre. Nec obstat
quod dicit: profluit, et non procedit; quia sicut ex praedictis
patet, hoc verbum procedit, est communissimum eorum quae ad originem spectant.
Unde quidquid emittitur vel profluit vel quocumque modo exoritur, ex hoc
sequitur quod procedat. Habetur etiam in determinatione quinti Concilii
Constantinopolitani: sequimur per omnia
sanctos patres et doctores Ecclesiae, Athanasium, Hilarium, Basilium, Gregorium
theologum, et Gregorium Nicaenum, Ambrosium, Augustinum, Theophilum, Ioannem
Constantinopolitanum, Gulielmum, Leonem, Proculum; et suscipimus omnia quae de
recta fide ad condemnationem haereticorum exposuerunt. Patet autem quia a
pluribus horum in doctrina fidei traditum est, quod spiritus sanctus procedit a
filio; a nullo vero eorum invenitur esse negatum. Unde non est contra Concilia,
sed eis consonum, quod spiritus sanctus procedere dicatur a filio. Cependant on doit кtre attentif au fait qu’on sait par la dйcision des
principaux Conciles, que l’Esprit saint procиde du Fils. Car le concile de
Chalcйdoine a reзu, comme il est dit dans sa dйcision, du bienheureux Cyrille
qui prйside l’йglise d’Alexandrie les lettres conciliaires pour Nestorius, et
pour d’autres en orient. Dans l’une de celles-ci, on peut lire ainsi: "Puisque pour la dйmonstration de sa divinitй
le Christ se servait de son Esprit en vue de grandes opйrations, il disait
qu’il йtait glorifiй par lui, comme si quelqu’un de ceux qui, selon nous, ont
йtй introduits en lui par force et discipline, ou au sujet de quelque chose
disait qu’il me glorifieront. Car ainsi il est dans une subsistance spйciale de
l’Esprit, ou bien il est compris certainement par soi selon qu’il est l’Esprit
et non le Fils; mais cependant il ne lui est pas йtranger; car il est appelй
Esprit de vйritй, et il l’est et il dйcoule de lui, comme en dernier lieu de
Dieu le Pиre." Et rien n’empкche qu’il dise il dйcoule, et non il procиde;
parce que, comme on le voit de ce qui a йtй dit, ce mot il procиde, est le plus commun de ceux qui concernent l’origine.
C’est pourquoi, tout ce qui est йmis ou dйcoule, procиde ou sort de quelque
maniиre. On trouve aussi dans la conclusion du cinquiиme Concile de
Constantinople: "Nous suivons pour
tout les saints Pиres et docteurs de l’Йglise, Athanase, Hilaire, Basile,
Grйgoire le thйologien (de Naziance) et Grйgoire de Nysse, Ambroise, Augustin,
Thйophile, Jean de Constantinople, Guillem, Lйon, Procule; et nous recevons
tout ce qui a йtй exposй concernant la foi droite, pour la condamnation des hйrйtiques". Mais il est clair, parce
que cela a йtй rapportй par plusieurs d’entre eux dans la doctrine de la foi,
que l’Esprit saint procиde du Fils; et on ne l’a trouvй niй par aucun d’eux.
C’est pourquoi ce n’est pas contre les Conciles, mais en accord avec eux qu’on
dit que l’Esprit saint procиde du Fils. q. 10 a. 4 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod licet hoc
huius multipliciter dicatur, tamen in divinis hoc intelligi non potest nisi
secundum habitudinem originis. Circa missionem vero sciendum est, quod in hoc
omnes doctores conveniunt, quod persona non mittitur nisi quae ab alio est;
unde patri, qui a nullo est, penitus non convenit mitti. Sed quantum ad
personam a qua fit missio, diversa est doctorum sententia:- Athanasius autem et
quidam alii dicunt, quod nulla persona mittitur temporaliter nisi ab illa a qua
est aeternaliter, sicut filius mittitur temporaliter a patre, a quo ab aeterno
processit; et secundum hoc infallibiliter concludi potest, si spiritus sanctus
a filio mittitur, quod aeternaliter ab eo existat. Quod vero dicitur filius a
spiritu sancto mitti, intelligendum est de filio secundum humanam naturam, qui
a spiritu sancto missus est ad praedicandum; unde significanter dicitur Isai.
LXI, 1: ad evangelizandum pauperibus misit me; et sic exponit Ambrosius in
libro de spiritu sancto, licet Hilarius hoc exponat, ut per spiritum
intelligatur pater, secundum quod spiritus aeternaliter sumitur in divinis.-
Augustinus vero ponit quod persona procedens temporaliter mittatur ab ea etiam
a qua aeternaliter non procedit. Nam cum missio divinae personae intelligatur
secundum aliquem effectum in creatura, quae est a tota Trinitate, persona Missa
a tota Trinitate mittitur; ut in missione non intelligatur auctoritas mittentis
ad personam quae mittitur, sed causalitas ad effectum, secundum quem dicitur
mitti persona. Non autem excluditur ratio probans spiritum sanctum a filio
procedere per distinctionem ipsorum, per hoc quod proprietatibus distinguuntur;
quia proprietates illae relativae sunt, et distinguere non possunt nisi ad
invicem opponantur, sicut ex dictis patet. # 14. Bien que ce huius (de
celui-ci) soit employй de multiples faзons, cependant en Dieu on ne peut le
comprendre que selon la relation d’origine. Mais а propos de la mission, il
faut savoir que tous les docteurs sont d’accord, que n’est envoyйe que la
personne qui est d’un autre; c’est pourquoi au Pиre, qui ne dйpend de personne,
il ne convient absolument pas d’кtre envoyй. Mais quant а la personne qui
accomplit la mission, l’avis des docteurs est diverse. — Athanase (dans sa lettre contre ceux qui disent que l’Esprit saint
est une crйature, qui commence "Ta
lettre, trиs saint homme…") et certains autres disent qu’aucune
personne n’est envoyйe temporairement que par celle par qui elle est
йternellement, comme le Fils est envoyй temporairement par le Pиre, duquel il
procиde йternellement. Et selon cela, on peut conclure infailliblement que si
l’Esprit saint est envoyй par le Fils, il existe йternellement par lui. Mais
dire que le Fils est envoyй par l’Esprit saint, doit кtre compris du Fils selon
la nature humaine, qui a йtй envoyй par l’Esprit saint pour prкcher; c’est
pourquoi il est dit d’une maniиre expressive, Is. 61, 1: "Il m’a
envoyй pour йvangйliser les pauvres" et ainsi l’expose Ambroise (L’Esprit saint, III, 1), bien qu’Hilaire
(La Trinitй, VIII) expose que la Pиre
est pensй а travers l’Esprit, selon que l’esprit est assumй йternellement en
Dieu. — Mais Augustin (La Trinitй et
l’unitй, X) pense que la personne qui procиde temporairement est envoyйe
par celle aussi d’oщ elle ne procиde pas йternellement. Car, comme la mission
de la personne divine est comprise selon un effet dans la crйature, qui est de
toute la Trinitй, la personne envoyйe l’est par toute la Trinitй; pour que dans
la mission on ne comprenne pas l’autoritй de celui qui envoie pour la personne
qui est envoyйe, mais la causalitй pour l’effet, selon qu’on dit que la
personne est envoyйe. Et la raison qui prouve que l’Esprit saint procиde du
Fils par leur distinction n’est pas exclue par le fait qu’ils sont distinguйs
par les propriйtйs, parce que celles-ci sont relatives, et ne peuvent
distinguer que si elles sont opposйes entre elles, comme on le voit par ce qui
a йtй dit (qu. 8, a. 3 et 4). q. 10 a. 4 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod licet
spiritus sanctus sit a duobus, non tamen est compositus, quia illi duo,
scilicet pater et filius, sunt per essentiam unum.q. 10 a. # 15. Bien que l’Esprit saint vienne des deux, il n’est pas cependant
composй, parce que ces deux, а savoir le Pиre et le Fils, existent par une
seule essence. q. 10 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod philosophus
attribuit principiis non esse ab alio, in quantum sunt prima. Principium autem
primum, est principium non de principio, quod est pater. # 16. Le philosophe (Physique,
I, 6, 189 a 3016) montre que les
principes ne sont pas d’un autre, en tant qu’ils sont premiers. Mais le
principe premier (pour ainsi dire) est principe mais pas d’un principe qui est
le Pиre. q. 10 a. 4 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod licet
voluntas moveat intellectum ad aliquid intelligendum, non tamen voluntas
aliquid velle potest, nisi sit praeintellectum; unde cum non sit procedere in
infinitum, oportet devenire ad hoc quod intellectus aliquid intelligit
naturaliter non ex imperio voluntatis. Filius autem procedit a patre
naturaliter; unde quamvis procedat per modum intellectus, non sequitur quod sit
a spiritu sancto, sed e converso. # 17. Bien que la volontй meuve l’esprit pour penser, elle ne peut
cependant vouloir que ce qui est connu d’avance: c’est pourquoi comme on ne
peut pas procйder а l’infini, il faut en arriver а ce que l’intellect pense
naturellement non par le pouvoir de la volontй. Mais le Fils procиde du Pиre
naturellement; c’est pourquoi bien qu’il procиde par mode d’esprit, il n’en
dйcoule pas qu’il vienne de l’Esprit saint, mais c’est le contraire. q. 10 a. 4 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod spiritus
sanctus potest dici quiescere in filio tripliciter: uno modo secundum humanam naturam, secundum illud Is., XI, 1: egredietur virga de radice Iesse, et flos de radice eius ascendet, et
requiescet super eum spiritus domini. # 18. On peut dire que l’Esprit saint se repose dans le Fils de trois
maniиres: a) Selon la nature humaine, d’aprиs cette parole d’Isaпe (11, 1): "Un rameau sortira de la souche de Jessй et
une fleur montera de sa souche, et l’Esprit du Seigneur reposera sur lui." Alio modo, ut intelligatur spiritus in filio
requiescere, quia virtus spirativa a patre datur filio, et ultra non
protenditur. Tertio modo secundum quod amor dicitur
requiescere in amato, in quo quietatur amantis affectus. Nullo autem istorum modorum excluditur
processio spiritus sancti a filio. b) Pour qu’on comprenne que l’Esprit se repose dans le Fils, parce que
le pouvoir de spirer est donnй au Fils par le Pиre, et ne s’йtend pas au-delа. c) Selon qu’on dit que l’amour se repose dans l’aimй, en qui
l’affection de de celui qui aime se repose. Mais par aucune de ces maniиres
n’est exclue du Fils la procession de l’Esprit saint dans le Fils. q. 10 a. 4 ad 19 Ad decimumnonum dicendum, quod non repugnat
simplicitati spiritus sancti, quod procedit a duobus, scilicet patre et filio,
cum sint per essentiam unum. # 19. Que l’Esprit saint procиde des deux, а savoir qu’il procиde du
Pиre et du Fils, puisqu’ils existent par une seule essence ne s’oppose pas а sa
simplicitй. q. 10 a. 4 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod eadem est
perfectio patris et filii: unde per hoc quod spiritus sanctus procedit a patre
perfecte, non excluditur quin procedat a filio; alioquin sequeretur quod
creatura non creetur a filio cum perfecte creetur a patre. # 20. La perfection du Pиre et celle du Fils sont identiques; c’est
pourquoi par le fait que l’Esprit saint procиde du Pиre parfaitement, il n’est
pas exclu qu’il procиde du Fils, autrement il en dйcoulerait que la crйature ne
serait pas crййe par le Fils, puisqu’elle est crййe parfaitement par le Pиre. q. 10 a. 4 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod unitas
essentiae non inducit confusionem personarum; unde ex unitate essentiae non
possunt concludi illa quae repugnant distinctioni relativae; et sic ex hoc quod
pater et spiritus sanctus sunt unum, non potest concludi quod filius sit a spiritu
sancto, licet filius sit a patre: quia spiritus sanctus est ab eo; et iterum
quia sequeretur quod spiritus sanctus esset pater, cum nihil aliud sit esse
patrem quam habere filium de se procedentem. # 21. L’unitй de l’essence n’induit pas la confusion des personnes;
c’est pourquoi de l’unitй de l’essence, on ne peut pas tirer des conclusions
sur ce qui s’oppose а la distinction relative; et ainsi du fait que le Pиre et
l’Esprit saint sont un, on ne peut pas conclure que le Fils soit de l’Esprit
saint, bien que le Fils soit du Pиre, parce que l’Esprit saint est de lui, et а
nouveau parce qu’il en dйcoulerait que l’Esprit saint serait le Pиre, alors
qu’кtre Pиre ce n’est rien d’autre qu’avoir un Fils qui procиde de soi. q. 10 a. 4 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod
splendor est a radio, cum nihil aliud sit quam reverberatio radii ad corpus
clarum; et tamen splendor filio attribuitur, Heb. I, 3: cum sit
splendor gloriae. # 22. La splendeur vient du rayon, puisqu’elle n’est rien d’autre que
la rйflexion du rayon dans un corps clair; et cependant la splendeur est
attribuйe au Fils: Hйbr. 1, 3: "Puisqu’il est la splendeur du Pиre…" q. 10 a. 4 ad 23 Ad vicesimumtertium dicendum, quod calor est a
splendore: nam corpora caelestia in istis inferioribus per suos radios causant
calorem. # 23. La chaleur vient de la splendeur; car les corps cйlestes causent
la chaleur par leurs rayons dans ces (corps) infйrieurs. q. 10 a. 4 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum, quod positio
Nestorianorum fuit quod spiritus sanctus non sit a filio; unde in quodam
symbolo Nestorianorum, condemnato in I Ephesina synodo, dicitur sic: spiritum
sanctum neque filium putamus, neque per filium essentiam accepisse. Propter
quod Cyrillus contra Nestorium, in epistola praedicta, posuit spiritum sanctum
esse a filio. Theodorus vero, in quadam epistola ad Ioannem Antiochenum sic
dicit: spiritus sanctus non ex filio aut per filium habens substantiam, sed
procedens quidem a patre; spiritus vero filii, eo quod et ei consubstantialis
sit, nominatus. Haec autem verba Theodorus praedictus imponit Cyrillo, tamquam
ab eo sint dicta in epistola quam ad Ioannem Antiochenum scripsit, licet in
illa epistola hoc non legatur; sed dicitur ibi sic: spiritus Dei patris
procedit quidem ex ipso, est autem et a filio non alienus secundum unius
essentiae rationem. Hanc autem Theodori sententiam secutus est postmodum
Damascenus, quamvis dogmata eiusdem Theodori sint in quinta synodo condemnata.
Unde in hoc non est standum sententiae Damasceni. # 24. La position des Nestoriens17
a йtй que l’Esprit saint n’est pas du Fils; c’est pourquoi, dans un symbole des
Nestoriens, condamnй au premier Concile d’Йphиse; il est dit ainsi: "Nous pensons que l’Esprit saint n’a pas reзu
le Fils, ni son essence par le Fils." C’est pourquoi Cyrille dans la
lettre contre Nestorius dont on a parlй, a йtabli que l’Esprit saint йtait du
Fils. Mais Thйodoret, dans une lettre а Jean d’Antioche (Epist. 171) dit ainsi: "L’Esprit
saint n’est pas du Fils ou n’a pas sa substance par le Fils, mais il procиde du
Pиre; et il a йtй nommй l’Esprit du Fils, parce qu’il lui est consubstantiel". Mais ces paroles, Thйodoret dont on a
parlй, les attribue а Cyrille comme dites par lui dans une lettre qu’il йcrivit
а Jean d’Antioche, bien qu’on ne les lise pas dans cette lettre; mais il y est
dit ainsi: "L’Esprit de Dieu le Pиre
procиde de lui, il n’est pas йtranger au Fils selon la nature d’une unique
essence." Et par la suite Damascиne18
a suivi cette opinion de Thйodoret, quoique ses dogmes soient condamnйs dans le
cinquiиme Concile. C’est pourquoi dans ce cas il ne faut pas s’en tenir а
l’opinion de Jean Damascиne.
1 Parall.: Ia, qu. 36, a. 2 — CG. IV, 24, 26 — I Sent.
d11a1— Opusc. Contra
errores Graecorum P. II, c.
27-32; Comp. C. 49 —Opusc. Contra Graeco s c. 4, In Ioan. ch. 15, lectio 6, ch. 16,
lectio 4. 2
B. J. "qui soutient l’univers par sa parole puissante." 3 Thomas lectio 1. Cf. Ia, qu. 36, a. 2, obj. 1. 4
En 431. Denz. 125. 5En
451. Le concile d’Йphиse, puis celui de Chalcйdoine interdisent, sous peine de
dйposition et d’excommunication d’ajouter au symbole de Nicйe. Le filioque fut ajoutй au symbole au VIe
siиcle en Espagne. Il ne fut adoptй par la liturgie romaine qu’au XIe siиcle. 6
Premier concile 381. Denz. 86. 7
Gйnitif de possession. 8
Lйgende de saint Andrй, PG. 2, 1257 A. Il salue "ceux qui croient en un
seul Esprit saint qui procиde du Pиre, et qui demeure dans le Fils." 9
Denz 39/ 10
Comprendre l’Esprit saint est de Jйsus, homme. C’est Jйsus qui possиde. Mais il
n’apporte а l’Esprit en tant que tel qu'en tant que Fils. 11
BJ. Un esprit de fils adoptif. 12
2 Co 1, 21-22 B.J.: "Celui qui
nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous a donnй l’onction, c’est
Dieu lui qui nous a aussi marquй du sceau et a mis dans nos cњurs les arrhes de
l’Esprit." (TOB id.) 13
Une seule unitй (mкme essence), et un parmi trois (personnes). 14
Agathon pape de 678-681. 6e concile њcumйnique (680) а
Constantinople, contre le monothйlitisme. 15
Lйon le Grand, 440-461. Concile (451) contre Eutychиs. 16
"Or le principe ne peut s’attribuer а aucun sujet; car il y aurait
principe de principe." (Trad. H. Carteron). Thomas, lectio 11, 91: "…comme le sujet est le principe de l’accident
qui lui est attribuй, et qu’il est naturellement avant lui, il en dйcoulerait
que si le premier principe йtait l’accident attribuй au sujet, il serait le
principe de principe et que quelque chose serait avant ce qui est premier." 17
Nestorius (vers 380, vers 451), condamnй en 431 au Concile d’Йphиse. 18
L’opinion du Damascиne (La foi orthodoxe,
I, 8) est rapportйe dans Ia, qu. 36,
a. 2, obj. 3. "Nous disons que l’Esprit saint est du Pиre (ex) et nous l’appelons l’Esprit du Pиre,
nous ne disons pas que l’Esprit est du Fils (ex) mais nous l’appelons l’Esprit du Fils (gйnitif).
FIN 1 Parall.: Ia,
qu. 36, a. 2 et 4, — CG. IV, 25 —I Sent. D. 11, q. 2 a. 4 — D. 29, a. 4. 2
La foi orthodoxe, I, 12 Damascиne fut
fidиle aux formules des Pиres grecs. Voir article prйcйdant. 3
Cf. Pot. 8, 1: "Tout ce qui est
attribuй selon l’absolu en Dieu signifie l’essence". 4
Thomas, lectio 3, n° 1722. Les 10 QUESTIONS DISPUTЙES SUR LA
PUISSANCE (DE POTENTIA) Saint Thomas d'Aquin Docteur de l'Eglise Texte,
traduction et notes © Raymond
Berton, Docteur en Philosophie Premiиre йdition numйrique, http://www.tradere.org Fйvrier 2004 Deuxiиme йdition numйrique http://docteurangelique.free.fr Janvier 2005 Les њuvres complиtes de saint Thomas d'Aquin
Question 1: La puissance en
Dieu Article 1: Y a-t-il de la puissance en Dieu? Article 2: La puissance de Dieu est-elle infinie? Article 3: Ce qui est impossible а la nature
est-il possible а Dieu? Article 4: Faut-il juger le possible et
l'impossible selon les causes infйrieures ou supйrieures? Article 5: Dieu peut-il faire ce qu'il ne fait pas
et abandonner ce qu'il fait? Article 6: Dieu peut-il faire ce qui est possible
а d'autres, comme pйcher, marcher etc.? Article 7: Pourquoi dit-on que Dieu est
tout-puissant? Question 2: La puissance gйnйrative en Dieu. Article 1: Y a-t-il une puissance gйnйrative en
Dieu? Article 2: Parle-t-on de la puissance gйnйrative
en Dieu selon l'essence ou la notion ? Article 4: Peut-il y avoir plusieurs Fils en Dieu? Article 5: La puissance d'engendrer est-elle
comprise dans la toute puissance? Article 6: La puissance d'engendrer et celle de
crйer sont-elles identiques? Question 3: La crйation qui est le premier effet
de la puissance divine. Article 1: Dieu peut-il crйer de rien? Article 2: La crйation est-elle un changement? Article 3: La crйation est-elle une rйalitй dans
la crйature et si oui, quelle est-elle? Article 4: Le pouvoir ou mкme l'acte de crйer
peut-il кtre communiquй а une crйature? Article 5: Est-il possible que quelque chose ne
soit pas crйй par Dieu? Article 6: N'y a-t-il qu'un seul principe de
crйation? Article 7: Dieu agit-il dans l'opйration de
nature? Article 10: L'вme rationnelle est-elle crййe dans
le corps ou hors du corps? Article 13: Un кtre qui dйpend d'un autre peut-il
кtre йternel? Article 14: Ce qui est diffиrent de Dieu par
essence peut-il кtre йternel? Article 16: La pluralitй peut-elle procйder d'un
premier кtre unique? Article 17: Le monde a-t-il toujours existй? Article 18: Les anges ont-ils йtй crййs avant le
monde visible? Article 19: Les anges ont-ils pu exister avant le
monde visible? Question 4: La crйation de la matiиre sans forme Article 1: La crйation de la matiиre sans forme
a-t-elle prйcйdй la crйation dans la durйe? Article 2: La mise en forme de la matiиre a-t-elle
eu lieu toute en mкme temps ou successivement? Question 5: La conservation des crйatures dans
l'кtre par Dieu. Article 3: Dieu peut-il ramener la crйature au
nйant? Article 4: Une crйature doit-elle retourner au
nйant, ou mкme y retournera-t-elle? Article 5: Le mouvement du ciel cessera-t-il un
jour? Article 6: L'homme peut-il savoir quand le
mouvement du ciel s'arrкtera? Article 7: Quand cessera le mouvement du ciel, les
йlйments demeureront-ils? Article 9: Les plantes, les animaux et les
minйraux demeureront-ils aprиs la fin du monde? Article 10: Les corps humains demeureront-ils
quand cessera le mouvement du ciel? Article 3: Les crйatures spirituelles peuvent-elles
accomplir des miracles par leur pouvoir naturel? Article 4: Les bons anges et les hommes
peuvent-ils faire des miracles par un don de la grвce?_ Article 5: Les dйmons aussi travaillent-ils а
faire des miracles? Article 6: Les anges et les dйmons ont-ils des
corps qui leur sont unis naturellement? Article 7: Les anges ou les dйmons peuvent-ils
assumer un corps? Article 9: Faut-il attribuer le miracle а la foi? Question 7: La simplicitй de l’essence divine Article 1:
Dieu est-il simple? Article 2: La substance ou l’essence en Dieu
sont-elles la mкme chose que son кtre Article 3: Dieu est-il dans un genre Article 4: 'Bon', 'sage', 'juste' etc.
attribuent-ils un accident а Dieu? Article 5: Ces noms attribuйs а Dieu
signifient-ils sa substance? Article 6: Ces noms sont-ils synonymes? Article 7: Les noms sont-ils utilisйs pour Dieu et
les crйatures de maniиre univoque ou йquivoque? Article 8: Y a-t-il une relation entre Dieu et la
crйature? Article 9: De telles relations entre les crйatures
et Dieu sont-elles rйellement en elles? i Article 11: Ces relations temporelles en Dieu
sont-elles de raison? Question 8: Ce qu'on appelle relations йternelles
en Dieu Article 2: La relation en Dieu est-elle sa
substance? Article 3: Si on exclut en esprit la relation,
l'hypostase demeure-t-elle en Dieu? Article 4: Si on exclut en esprit la relation,
l'hypostase demeure-t-elle en Dieu? Question 9: Les personnes divines Article 2: Qu'est-ce que la personne? Article 3: Peut-il y avoir une personne en Dieu? Article 4: Ce nom "personne"
signifie-t-il en Dieu, le relatif ou l'absolu1? Article 5: Le nombre des personnes est-il en Dieu? Article 6: Le nom de personne peut-il кtre
convenablement attribuй а Dieu au pluriel? Article 8: Y a-t-il de la diversitй en Dieu? Article 9: En Dieu, y a-t-il trois personnes, ou
plus, ou moins? Question 10: Les processions des Personnes divines Article 1: Y a-t-il une procession dans les
personnes divines? Article 2: En Dieu n'y a-t-il qu'une seule
procession ou plusieurs? Article 3: L’ordre de la procession а la relation
en Dieu Article 4: L’Esprit saint procиde-t-il du Fils? Question 1:
La puissance en Dieu
q.
1 pr. 1 Et primo quaeritur utrum in Deo sit potentia. 1. Y a-t-il de la puissance en Dieu? q. 1
pr. 2 Secundo utrum potentia Dei sit infinita. 2. La puissance de Dieu est-elle infinie? q. 1 pr. 3 Tertio
utrum ea quae sunt naturae impossibilia, Deo sint possibilia. 3. Ce qui est impossible а la nature est-il possible а Dieu? q. 1 pr. 4 Quarto
utrum iudicandum sit aliquid possibile vel impossibile, secundum causas
inferiores vel superiores. 4. Faut-il juger du possible ou de l'impossible selon les causes
infйrieures ou les causes supйrieures? q. 1 pr. 5 Quinto
utrum Deus possit facere quae non facit, et dimittere quae facit. 5. Dieu pourrait-il faire ce qu'il ne fait pas et dйfaire ce qu'il fait? q. 1 pr. 6 Sexto
utrum Deus possit facere quae alii faciunt, ut peccare, ambulare, et cetera. 6. Peut-il faire ce que d'autres font, c'est-а-dire pйcher, marcher,
etc.? q. 1 pr. 7 Septimo
utrum Deus dicatur omnipotens. 7. Dit-on que Dieu est tout-puissant?
Article 1: Y a-t-il de la puissance en Dieu?
q. 1 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum in Deo sit potentia. Et videtur quod non.
Il semble que non[1].
Objections q. 1 a. 1 arg. 1
Potentia enim est operationis principium. Sed operatio Dei, quae est eius
essentia, non habet principium, quia neque est genita neque procedens. Ergo in
Deo non est potentia. 1. La puissance est en effet le principe[2] de l'opйration. Mais
l’opйration de Dieu, qui est son essence, n’a pas de principe[3], parce qu’elle
n'est ni engendrйe, ni dйpendante. Donc en Dieu il n’y a pas de puissance.
q. 1 a. 1 arg. 2
Praeterea, omne perfectissimum est Deo attribuendum, secundum Anselmum. Ergo
quod respicit aliquid se perfectius, non debet Deo attribui. Sed omnis potentia
respicit se perfectius, scilicet passiva formam et activa operationem. Ergo
potentia Deo attribui non potest.
2. On doit attribuer а Dieu tout ce qu'il y a de plus parfait, selon
Anselme (Monologium, XV[4]). Donc, on
ne doit pas lui attribuer ce qui trouve plus parfait que soi. Mais toute
puissance trouve plus parfait qu’elle, а savoir la forme pour la puissance
passive, et l’opйration pour la puissance active (Mйtaphysique, IX, 9, 1051 a 4-15). Donc on ne peut attribuer la
puissance а Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 3
Praeterea, potentia est principium transmutandi in aliud secundum quod est
aliud: secundum philosophum; sed principium relatio quaedam est; et est relatio
Dei ad creaturas, prout significatur in potentia creandi vel movendi. Nulla
autem talis relatio est in Deo secundum rem, sed solum secundum rationem. Ergo
potentia non est in Deo secundum rem.
3. La puissance est le principe de changement dans un autre кtre en
tant qu’autre, selon le Philosophe[5], (Mйtaphysique,
V, 12, 1019 a 15-16[6]), mais ce principe est une relation et c’est la relation
de Dieu а ses crйatures, telle qu'elle est signifiйe dans sa puissance а crйer
ou а mouvoir. Mais en Dieu, il n’y a aucune relation de ce genre en rйalitй,
mais seulement en raison[7]. Donc, il n'y a pas rйellement de puissance en
Dieu.
q. 1
a. 1 arg. 4 Praeterea, habitus est perfectior potentia, utpote operanti
propinquior. Sed habitus non ponitur in Deo. Ergo nec potentia 4. L'habitus[8] est plus parfait que la puissance, en tant que plus
proche de celui qui opиre, mais on n’admet pas d’habitus en Dieu. Donc pas de
puissance non plus.
. q. 1 a. 1 arg. 5 Praeterea, nihil debet in Deo significari per quod
derogetur eius primitiae vel simplicitati. Sed Deus, in quantum est simplex, et
primum agens, agit per essentiam suam. Ergo non debet significari agere per
potentiam, quae saltem secundum modum significandi super essentiam addit. 5. On ne doit rien signaler en Dieu qui dйrogerait а sa prййminence ou
а sa simplicitй. Mais Dieu, en tant qu'кtre simple et agent premier, agit par
son essence. Donc, on ne doit pas signifier qu’il agit par une puissance qui,
au moins, selon la maniиre de la signifier, ajoute а son essence.
q. 1 a. 1 arg. 6
Praeterea, secundum philosophum, in perpetuis non differt esse et posse: multo
minus ergo in divinis. Sed ubi est eadem res, debet esse idem nomen a digniori
sumptum. Dignius autem est essentia quam potentia: quia potentia essentiae
advenit. Ergo in Deo debet nominari essentia tantum, non autem potentia.
6. Selon le Philosophe (Physique,
III, 4, 203 b 28[9]), dans ce qui est йternel, кtre et pouvoir ne diffиrent pas
toujours; donc encore beaucoup moins en Dieu. Mais lа oщ plusieurs choses sont
identiques, il doit y avoir un nom identique pris de la plus digne. L’essence
est plus digne que la puissance, parce que cette derniиre s’ajoute а l’essence.
Donc en Dieu, on ne doit dйsigner que l’essence seule et non la puissance [10].
q. 1
a. 1 arg. 7 Praeterea, sicut materia prima est pura potentia, ita Deus est
purus actus. Sed prima materia secundum essentiam suam considerata, est
denudata ab omni actu. Ergo Deus in essentia sua consideratus,
est absque omnipotentia. 7. De mкme que la matiиre premiиre[11] est puissance pure, de mкme Dieu
est acte pur. Mais la matiиre premiиre, considйrйe en son essence, est dйnuйe
de tout acte. Donc Dieu, considйrй en son essence, est dйnuй de toute
puissance.
q. 1 a. 1 arg. 8
Praeterea, omnis potentia ab actu separata est imperfecta: et ita, cum nihil
imperfectum Deo conveniat, talis potentia in Deo esse non potest. Si ergo in
Deo est potentia, oportet quod semper sit actui coniuncta: et ita potentia
creandi est coniuncta actui semper; et sic sequitur quod ab aeterno creavit res;
quod est haereticum. 8. Toute puissance sйparйe de l'acte est imparfaite et ainsi, comme
rien d’imparfait ne convient а Dieu, une telle puissance ne peut pas exister en
lui[12]. Si donc il y a une puissance en Dieu, il faut qu’elle soit toujours
jointe а l’acte, et si la puissance de crйer est toujours jointe а son acte, il
en dйcoule alors qu’il a crйй de toute йternitй, ce qui est hйrйtique.
q. 1 a. 1 arg. 9 Praeterea, quando aliquid
sufficit ad aliquid agendum, superflue aliquid superadditur. Sed essentia Dei
sufficit ad hoc quod Deus per eam aliquid agat. Ergo superflue
ponitur in eo potentia per quam agat. 9. Quand quelque chose suffit pour agir, il est superflu d’ajouter
autre chose. Mais l’essence de Dieu est suffisante pour qu’il agisse par elle.
Donc il est superflu de lui ajouter une puissance pour agir.
q. 1 a. 1 arg. 10
Sed dices, quod potentia non est aliud quam essentia secundum rem; sed solum
secundum modum intelligendi.- Sed contra, omnis intellectus cui non respondet
aliquid in re est cassus et vanus. 10. Mais on pourrait dire que la puissance n’est pas en rйalitй autre
chose que l’essence; mais seulement selon la maniиre de la comprendre. — En
sens contraire, tout concept а quoi rien ne correspond dans la rйalitй est vide
et vain.
q. 1 a. 1 arg. 11
Praeterea, praedicamentum substantiae est nobilius aliis praedicamentis. Sed
Deo non attribuitur, ut Augustinus dicit. Multo ergo minus praedicamentum
qualitatis. Sed potentia est in secunda specie qualitatis. Ergo Deo attribui
non debet.
11. La catйgorie de substance[13] est plus noble que les autres
catйgories. Mais on ne l’attribue pas а Dieu, comme le dit Augustin (La
Trinitй. VII, 5, 10[14]). Donc on lui attribue encore moins la catйgorie de
qualitй. Mais la puissance est dans la seconde espиce de qualitй[15]. Donc on
ne doit pas l’attribuer а Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 12
Sed dices, quod potentia quae Deo attribuitur, non est qualitas, sed Dei
essentia, sola ratione differens.- Sed contra, aut isti rationi aliquid respondet
in re, aut nihil. Si nihil ratio vana est. Si autem aliquid in re ei respondet,
sequitur quod aliquid in Deo sit potentia praeter essentiam, sicut ratio
potentiae est praeter rationem essentiae 12. Mais on pourrait dire que la puissance, attribuйe а Dieu, n’est pas
une qualitй mais son essence qui diffиre en raison seulement. En sens
contraire, а cette notion (ratio[16]), quelque chose correspond en rйalitй ou
rien. Si ce n’est rien, la notion est vaine. Mais si quelque chose lui
correspond en rйalitй, il s’ensuit que quelque chose serait en Dieu puissance
en plus de l’essence, ainsi la notion de puissance est en plus de celle
d’essence.
q. 1 a. 1 arg. 13
Praeterea, secundum philosophum, omnis potestas et omne effectivum est propter
aliud eligendum. Nullum autem huiusmodi Deo convenit: quia ipse non est propter
aliud. Ergo potentia Deo non convenit.
13. Selon le Philosophe (Les Topiques, IV, 5, 126 b 5[17]) tout pouvoir
et tout ce qui agit est en vue d'autre chose. Rien de ce genre ne convient а
Dieu, parce qu’il n’est pas lui-mкme en vue d’une autre chose. Donc la
puissance ne convient pas а Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 14
Praeterea, virtus a Dionysio ponitur media inter substantiam et operationem.
Sed Deus non agit per aliquod medium. Ergo non agit per virtutem; et ita nec
per potentiam: et sic potentia non est in Deo.
14. Le pouvoir[18] est considйrй par Denys (La hiйrarchie cйleste, XI, 284 D[19]) comme intermйdiaire entre la
substance et l'opйration, Mais Dieu n’agit pas par un intermйdiaire. Donc il
n’agit pas par pouvoir, ni en consйquence par puissance. Et ainsi il n’y a pas
de puissance en Dieu.
q. 1 a. 1 arg. 15
Praeterea, secundum philosophum potentia activa, quae soli Deo potest
competere, est principium transmutationis in aliud, secundum quod est aliud.
Sed Deus agit sine transmutatione, sicut patet in creatione. Ergo Deo potentia
activa attribui non potest.
15. Selon le Philosophe (Mйtaphysique
IX, 1, 1046 a 10 - et V, 12, 1019 a 15-16) la puissance active, la seule qui
peut convenir а Dieu, est le principe d’un changement en autre chose en tant
qu’autre. Mais Dieu opиre sans changement, comme cela apparaоt dans la
crйation[20] . Donc on ne peut pas lui attribuer la puissance.
q. 1 a. 1 arg. 16
Praeterea, philosophus dicit, quod eiusdem est potentia actionis et passionis.
Sed potentia passionis Deo non convenit. Ergo nec potentia actionis.
16. Le Philosophe (Mйtaphysique,
IX, 1, 1046 a 19) dit que la puissance active et la puissance passive sont de
mкme nature. Mais cette derniиre ne convient pas а Dieu. En consйquence la
puissance active non plus.
q. 1 a. 1 arg. 17
Praeterea, philosophus dicit, quod potentiae activae est contraria privatio.
Sed contraria nata sunt fieri circa idem. Cum ergo in Deo nullo modo sit
privatio, non erit ibi potentia.
17. Le Philosophe (Mйtaphysique,
IX, 1, 1046 a 29) dit que la privation est le contraire de la puissance active.
Mais les contraires concernent un mкme genre. Donc, comme en Dieu il n’y a en
aucune maniиre de privation, il n’y aura pas de puissance.
q. 1 a. 1 arg. 18
Praeterea, Magister dicit quod agere non proprie competit Deo. Sed ubi non est
actio, ibi non potest esse potentia activa nec passiva, ut patet. Ergo nulla.
18. Le Maоtre des Sentences (II Sent., Dist. 1[21]) dit qu’agir
n’appartient pas au sens propre а Dieu. Mais lа oщ il n’y a pas d’action, il ne
peut y avoir de puissance, ni active, ni passive, c'est йvident. Donc pas de
puissance en Dieu.
En sens contraire: q. 1 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur in Psalm. LXXXVIII, 9: potens es, domine, et
veritas tua in circuitu tuo. 1. On lit dans le Ps. 88, 9: "Tu es puissant, Seigneur et ta
Vйritй t’entoure[22] ."
1 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Matth. III, 9: potens est Deus de lapidibus
istis suscitare filios Abrahae. 2. Mt. 3, 9: "Dieu a le pouvoir de faire naоtre de ces pierres des
enfants а Abraham."
q. 1
a. 1 s. c. 3 Praeterea, omnis operatio ab aliqua potentia procedit. Sed Deo
maxime convenit operari. Ergo Deo maxime potentia convenit. 3. Toute opйration procиde d’une puissance. Mais il convient tout а
fait а Dieu d’agir. Donc, la puissance lui convient tout а fait[23].
Rйponse
q. 1 a. 1 co.
Respondeo. Ad huius quaestionis evidentiam sciendum, quod potentia dicitur ab
actu: actus autem est duplex: scilicet primus, qui est forma; et secundus, qui
est operatio: et sicut videtur ex communi hominum intellectu, nomen actus primo
fuit attributum operationi: sic enim quasi omnes intelligunt actum; secundo
autem exinde fuit translatum ad formam, in quantum forma est principium
operationis et finis. Pour йclairer cette question, il faut savoir qu’on parle de la
puissance а partir de l’acte. Or celui-ci est double: d'abord une forme et
ensuite une opйration[24]. Et d’aprиs la maniиre gйnйrale de le comprendre[25],
le nom d’acte a d’abord йtй attribuй а l’opйration. En effet, c’est ainsi que
presque tout le monde comprend l’acte, mais ensuite il fut transmis а la forme,
dans la mesure oщ elle est le principe de l’opйration et sa fin.
Unde et similiter duplex est potentia: una activa cui respondet actus,
qui est operatio; et huic primo nomen potentiae videtur fuisse attributum: alia
est potentia passiva, cui respondet actus primus, qui est forma, ad quam
similiter videtur secundario nomen potentiae devolutum. Sicut autem nihil
patitur nisi ratione potentiae passivae, ita nihil agit nisi ratione actus
primi, qui est forma. Dictum est enim, quod ad ipsum primo nomen actus ex
actione devenit. Deo autem convenit esse actum purum et primum; unde ipsi
convenit maxime agere, et suam similitudinem in alias diffundere, et ideo ei
maxime convenit potentia activa; nam potentia activa dicitur secundum quod est
principium actionis.
De la mкme maniиre, il y a aussi deux sortes de puissances: l’une est
active, а quoi correspond l’acte en tant qu’opйration; c’est а celle-ci d’abord
que le nom de puissance paraоt avoir йtй attribuй; l’autre est la puissance
passive а quoi correspond l’acte premier qui est la forme, а qui de la mкme
maniиre le nom de puissance paraоt avoir йtй dйvolu en second. De mкme que rien
ne subit sinon en raison de la puissance passive, de mкme rien n’agit qu’en
raison de l’acte premier qui est la forme. Car il a йtй dit que le nom d’acte
vient d'abord de l’action. Mais il convient а Dieu d'кtre acte pur et premier:
il lui convient donc йminemment d’agir et de diffuser sa ressemblance dans les
autres[26] et c’est pourquoi la puissance active lui convient tout а fait; car
on l’appelle ainsi parce qu’elle est le principe de l’action.
Sed et sciendum, quod intellectus noster Deum exprimere nititur sicut
aliquid perfectissimum. Et quia in ipsum devenire non potest nisi ex effectuum
similitudine; neque in creaturis invenit aliquid summe perfectum quod omnino
imperfectione careat: ideo ex diversis perfectionibus in creaturis repertis,
ipsum nititur designare, quamvis cuilibet illarum perfectionum aliquid desit;
ita tamen quod quidquid alicui istarum perfectionum imperfectionis adiungitur,
totum a Deo amoveatur. Verbi gratia esse significat aliquid completum et
simplex sed non subsistens; substantia autem aliquid subsistens significat sed
alii subiectum. Mais il faut savoir que notre esprit s'efforce d’exprimer Dieu comme un
кtre absolument parfait. Et parce qu'il ne peut parvenir а lui que par une
ressemblance dans ses effets et que dans les crйatures, il ne trouve rien
d'absolument parfait, exempt de toute imperfection, а partir des diffйrentes
perfections qu'il trouve dans les crйatures, il s’efforce de le reprйsenter,
bien qu'il y ait quelque manque а chacune de ces perfections[27]. De sorte
cependant qu'on exclut de Dieu entiиrement ce qui d'imparfait est ajoutй а une
de ces perfections. Par exemple l’кtre dйsigne quelque chose de complet et de
simple, mais de non subsistant; mais la substance signifie quelque chose de
subsistant mais substrat pour un autre.
Ponimus ergo in Deo substantiam et esse, sed substantiam ratione
subsistentiae non ratione substandi; esse vero ratione simplicitatis et
complementi, non ratione inhaerentiae, qua alteri inhaeret. Et similiter
attribuimus Deo operationem ratione ultimi complementi, non ratione eius in
quod operatio transit. Potentiam vero attribuimus ratione eius quod permanet et
quod est principium eius, non ratione eius quod per operationem completur. Nous plaзons donc en Dieu la substance et l’кtre, mais la substance en
raison de sa subsistance, non du fait d’кtre substrat[28], l’кtre en raison de
sa simplicitй et de sa perfection, non en raison de l’inhйrence а un sujet[29].
Et de mкme nous attribuons а Dieu l’opйration en raison de sa perfection
ultime, non en raison de ce en quoi elle passe. Nous attribuons la puissance du
fait qu'elle demeure et est son principe, mais non pas parce qu'elle est
complйtйe par l'opйration.
Solutions: q. 1 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod potentia non solum est operationis principium, sed
etiam effectus; unde non oportet, quod si potentia in Deo ponitur quae sit
effectus principium, quod essentiae divinae quae est operatio, sit aliquod
principium. Vel dicendum, et melius, quod in divinis invenitur duplex relatio.
Una realis, illa scilicet qua personae ad invicem distinguuntur, ut
paternitas et filiatio; alias personae divinae non realiter sed ratione
distinguerentur, ut Sabellius dixit.
Alia rationis tantum, quae significatur, cum dicitur quod operatio
divina est ab essentia divina, vel quod Deus operatur per essentiam suam.
Praepositiones enim quasdam habitudines designant. Et hoc ideo contingit, quia
cum attribuitur Deo operatio secundum suam rationem quae requirit aliquod
principium, attribuitur etiam ei relatio existentis a principio, unde ista
relatio non est nisi rationis tantum. Est autem de ratione operationis habere
principium, non de ratione essentiae; unde licet essentia divina non habeat
aliquod principium neque re neque ratione, tamen operatio divina habet aliquod
principium secundum rationem. # 1. La puissance est non seulement le principe de l’opйration, mais
aussi de l'effet[30]; c'est pourquoi, il ne faut pas, si on place en Dieu une
puissance qui est le principe de l’effet, qu’elle soit un principe de l’essence
divine, qui est l’opйration. Ou pour mieux dire, on trouve en Dieu une double
relation[31]:
a) une premiиre relation rйelle, c’est-а-dire celle par laquelle on
distingue les personnes entre elles, comme la paternitй et la filiation;
autrement les personnes divines ne seraient pas distinguйes rйellement mais en
raison, comme l'a dit Sabellius[32].
b) L’autre relation de raison[33] seulement, qu'on dйsigne, quand on
dit que l’opйration divine vient de (ab) son essence ou que Dieu opиre par
(per) son essence. Car ces prйpositions dйsignent des relations. Et cela
arrive, parce que, quand on attribue а Dieu une opйration selon sa nature qui
requiert un principe, on lui attribue une relation avec ce qui existe par ce
principe. C'est pourquoi, cette relation n’est qu’en raison seulement. Mais il
est de la nature de l’opйration d’avoir un principe, non de celle de l’essence;
c'est pourquoi, bien que l’essence divine n’ait pas de principe, ni en rйalitй,
ni en raison, cependant l’opйration divine a un principe en raison[34].
q. 1 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod licet omne perfectissimum sit Deo attribuendum, non
tamen oportet quod omne illud quod Deo attribuitur, sit perfectissimum; sed
oportet quod sit conveniens ad designationem perfectissimi, ad quod competit
aliquid ratione suae perfectionis quod habet aliquid se perfectius, cui tamen
deest illa quam aliud habet. # 2. Bien qu'il faille attribuer tout ce qu'il y a de trиs parfait а
Dieu, il ne faut pas cependant que tout ce qui lui est attribuй le soit absolument[35],
mais il faut que cela convienne pour dйsigner ce qui est trиs parfait, а quoi
correspond une rйalitй en raison de sa perfection qui a plus parfait que lui, а
qui cependant manque celle que l'autre possиde[36].
q. 1 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod potentia dicitur principium non quia sit ipsa relatio
quam significat nomen principii sed quia est id quod est principium. # 3. La puissance est appelйe principe, non pas parce qu’elle est la
relation mкme que signifie ce nom, mais parce qu’elle est ce qu'est un principe
q. 1 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod habitus numquam est in potentia activa, sed solum in
passiva, et ea est perfectior: talis autem potentia Deo non attribuitur. # 4. L’habitus n’est jamais dans la puissance active, mais seulement
dans la puissance passive[37] et il est plus parfait qu’elle, aussi on
n’attribue pas une telle puissance а Dieu.
q. 1 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ista sunt impossibilia, quod Deus ponatur agere per
essentiam suam, et quod non sit in Deo potentia: hoc enim quod est actionis
principium, potentia est: unde essentia divina ex hoc ipso quod ponitur Deus
per ipsam agere, ponitur esse potentia. Et sic ratio potentiae in Deo non
derogat neque simplicitati neque primitiae eius, quia non ponitur quasi aliquid
additum essentiae. # 5. Il est impossible de penser que Dieu agit par son essence sans
penser qu’il y a de puissance en lui[38]. Car le principe de son action, c’est
sa puissance; c'est pourquoi du fait qu’on pense que Dieu agit par son essence,
on la pense comme puissance. Et ainsi la nature de la puissance en Dieu ne
dйroge ni а sa simplicitй[39] ni а sa prййminence, parce qu’on ne la pense pas
comme ajoutйe а son essence.
q. 1 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod cum dicitur, quod in perpetuis non differt esse et posse,
intelligitur passiva; et sic nihil facit ad propositum, quia talis potentia non
est in Deo. Tamen quia verum est quod potentia activa est idem in Deo quod eius
essentia, ideo dicendum, quod licet essentia divina et potentia sint idem
secundum rem, tamen quia potentia maxime modum significandi addit, ideo
speciale nomen requirit: nam nomina respondent intellectibus, secundum
philosophum.
# 6. Quand on dit que кtre et pouvoir ne diffиrent pas dans ce qui est
йternel, on le comprend de la puissance passive et ainsi, cela ne change rien а
notre propos, puisqu’une telle puissance n’existe pas en Dieu. Cependant parce
qu’il est vrai que la puissance active en Dieu est identique а son essence, il
faut dire que, bien que l’essence divine et sa puissance soient identiques en
rйalitй, cependant, parce que la puissance ajoute surtout une maniиre de
signifier, elle requiert un nom spйcial, car les noms rйpondent а ce que
l’esprit conзoit, selon le philosophe (L'Interprйtation[40], I, 16 a 4).
q. 1 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ratio illa probat quod in Deo non sit potentia passiva,
et hoc concedimus. # 7. Cet argument prouve qu'en Dieu il n’y a pas de puissance passive
et cela nous le concйdons.
q. 1 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod potentia Dei semper est coniuncta actui, id est
operationi (nam operatio est divina essentia); sed effectus sequuntur secundum
imperium voluntatis et ordinem sapientiae. Unde non oportet quod semper sit
coniuncta effectui; sicut nec quod creaturae fuerint ab aeterno. # 8. La puissance de Dieu est toujours jointe а un acte, c'est-а-dire а
son opйration (car l'opйration est l’essence divine), mais les effets en
dйcoulent selon le pouvoir de sa volontй et l’ordre de sa sagesse. C'est
pourquoi, il ne faut pas qu’elle soit toujours jointe а l’effet; ainsi les
crйatures n’auront pas existй йternellement.
q. 1 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod essentia Dei sufficit ad hoc quod per eam Deus agat, nec
tamen superfluit potentia: quia potentia intelligitur quasi quaedam res addita
supra essentiam, sed superaddit secundum intellectum solam relationem principii:
ipsa enim essentia ex hoc quod est principium agendi, habet rationem potentiae. # 9. L’essence suffit а Dieu pour agir et cependant sa puissance n’est
pas superflue, parce qu’elle est comprise comme ajoutйe а l’essence, mais elle
surajoute seulement, en esprit, une relation de principe, car, l’essence
elle-mкme, du fait qu’elle est le principe d’action, a nature de puissance.
q. 1 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod intellectui respondet aliquid in re dupliciter. Uno modo
immediate, quando videlicet intellectus concipit formam rei alicuius extra
animam existentis, ut hominis vel lapidis. # 10. Quelque chose rйpond а l’esprit dans la rйalitй de deux
maniиres[41]:
a) D’abord immйdiatement, quand, par exemple, l’esprit[42] conзoit la
forme de ce qui existe hors de l’вme comme celle d’homme ou de pierre.
Alio modo mediate, quando videlicet aliquid sequitur actum
intelligendi, et intellectus reflexus supra ipsum considerat illud. Unde res
respondet illi considerationi intellectus mediate, id est mediante
intelligentia rei: verbi gratia, intellectus intelligit naturam animalis in
homine, in equo, et multis aliis speciebus: ex hoc sequitur quod intelligit eam
ut genus. Huic intellectui quo intellectus intelligit genus, non respondet
aliqua res extra immediate quae sit genus; sed intelligentiae, ex qua
consequitur ista intentio, respondet aliqua res. Et similiter est de relatione
principii quam addit potentia supra essentiam: nam ei respondet aliquid in re
mediate, et non immediate. Intellectus enim noster intelligit creaturam cum
aliqua relatione et dependentia ad creatorem: et ex hoc ipso quia non potest
intelligere aliquid relatum alteri, nisi e contrario reintelligat relationem ex
opposito, ideo intelligit in Deo quamdam relationem principii, quae consequitur
modum intelligendi, et sic refertur ad rem mediate.
b) D’une autre maniиre, indirectement, quand par exemple, un concept
dйcoule de l’acte d’intellection et que l’esprit le considиre, en rйflйchissant
sur lui. C'est pourquoi, la chose correspond а cette considйration de l’esprit
indirectement, c’est-а-dire par le moyen de l’intellection de la chose: par
exemple, l’esprit comprend la nature de l’animal dans l’homme, dans le cheval
et dans beaucoup d’autres espиces. Il en dйcoule que l’esprit les comprend
comme genre. A cette conception par laquelle l’esprit comprend le genre, rien
ne correspond immйdiatement dans l’objet extйrieur qui soit un genre, mais pour
l’intelligence d’oщ dйcoule ce concept rйpond une rйalitй. Et il en est de mкme
de la relation de principe que la puissance ajoute а l'essence; car quelque
chose lui correspond dans la rйalitй indirectement et non immйdiatement. Car
notre esprit comprend la crйature en relation et en dйpendance au crйateur[43]
et du fait qu'il ne peut comprendre une chose en rapport а une autre, а moins
au contraire de comprendre de nouveau la relation, а son opposй, il comprend
ainsi en Dieu une relation de principe, qui accompagne le mode de comprйhension
et ainsi notre esprit est indirectement en relation avec la rйalitй[44].
q. 1 a. 1 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod potentia, quae est in secunda specie qualitatis, non
attribuitur Deo: haec enim est creaturarum, quae non immediate per formas suas
essentiales agunt, sed mediantibus formis accidentalibus: Deus autem immediate
agit per suam essentiam. # 11. Cette puissance, qui est dans la seconde espиce de qualitй[45],
n’est pas attribuйe а Dieu, car c'est celle des crйatures qui agissent non pas
immйdiatement par leurs formes essentielles, mais par l'intermйdiaire de formes
accidentelles. Mais Dieu agit par son essence sans intermйdiaire.
q. 1 a. 1 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod diversis rationibus attributorum respondet aliquid in
re divina, scilicet unum et idem. Quia rem simplicissimam, quae Deus est,
propter eius incomprehensibilitatem, intellectus noster cogitur diversis formis
repraesentare; et ita istae diversae formae quas intellectus concipit de Deo,
sunt quidem in Deo sicut in causa veritatis, in quantum ipsa res quae Deus est,
est repraesentabilis per omnes istas formas; sunt tamen in intellectu nostro
sicut in subiecto. # 12. Aux diverses notions d'attributs correspond rйellement quelque
chose en Dieu, а savoir l'un et le mкme. Parce que notre esprit est forcй de
reprйsenter cet кtre absolument simple qu’est Dieu, а cause de son
incomprйhensibilitй, par des formes diverses, et ainsi ces formes, que l’esprit
conзoit а son sujet, sont en lui comme dans la cause de la vйritй[46], en tant
que ce qui est Dieu est reprйsentable par toutes ces formes; elles sont
cependant dans notre esprit comme dans un substrat.
q. 1 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod philosophus intelligit de potentiis activis et
effectivis, et huiusmodi, quae sunt in artificialibus et in rebus humanis: nam
nec etiam in rebus naturalibus verum est quod potentia activa sit semper
propter suos effectus. Ridiculum enim est dicere, quod potentia solis sit
propter vermes, qui eius virtute generantur; multo minus divina potentia est
propter suos effectus. # 13. Le Philosophe comprend au sujet des puissances actives et
pratiques etc., celles qui sont dans les rйalisations artistiques et les
affaires humaines, car, dans les choses naturelles, il n’est pas vrai que la
puissance active soit toujours en vue de ses effets. Il est ridicule de dire en
effet que la puissance du soleil est pour les vers qui sont engendrйs par son
pouvoir[47]: la puissance divine est, beaucoup moins en vue de ses effets.
q. 1 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum quod potentia Dei non est media secundum rem, quia non
distinguitur ab essentia, nisi ratione; et ex hoc habetur quod significetur ut
medium. Deus autem non agit per medium realiter differens a se ipso: unde ratio
non sequitur. # 14. La puissance de Dieu n’est pas rйellement un intermйdiaire, parce
qu’elle n’est distinguйe de l’essence qu'en raison et de lа vient qu’on la
signifie comme intermйdiaire. Mais Dieu n’agit pas par un intermйdiaire
diffйrent rйellement de lui-mкme. C'est pourquoi l’argument n’a pas de valeur
pas.
q. 1 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod duplex est actio. Una quae est cum transmutatione
materiae; alia est quae materiam non praesupponit; ut patet in creatione: et
utroque modo Deus agere potest, ut infra patebit. Unde patet quod Deo recte
potentia activa potest attribui, licet non semper agat transmutando. # 15. L’action est double. L’une, avec changement de la matiиre,
l’autre ne prйsuppose pas de matiиre, comme on le voit dans la crйation et Dieu
peut agir de deux maniиres, comme cela apparaоtra plus loin[48]. Donc il est
clair qu'on peut lui attribuer une puissance active, bien qu’il n’agisse pas
toujours en opйrant des changements.
q. 1 a. 1 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod philosophus non loquitur universaliter, sed
particulariter, quando scilicet aliquid movet se ipsum, sicut animal. Quando
autem aliquid movetur ab altero, tunc non est eadem potentia passionis et
actionis. # 16. Le philosophe ne parle pas de maniиre universelle mais
particuliиre[49], quand par exemple quelque chose se meut lui-mкme comme
l’animal. Quand un кtre est mы par un autre, alors ce n’est pas la mкme
puissance pour la passion et l’action.
q. 1 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod potentiae dicitur esse contraria privatio,
scilicet impotentia; non tamen de contrarietate facienda est circa Deum mentio,
quia nihil quod est in Deo, habet contrarium, cum non sit in genere. # 17. On dit que la privation est le contraire de la puissance,
c'est-а-dire que c'est l'impuissance: cependant on ne doit pas faire mention de
contradiction en Dieu, parce que rien en lui n’a de contraire, puisqu’il n’est
pas dans un genre.
q. 1 a. 1 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod
agere non removetur a Deo simpliciter, sed per modum rerum naturalium, quae
agunt et patiuntur simul. # 18. Agir n'est absolument pas refusй а Dieu, mais seulement par
comparaison aux кtres naturels qui agissent et subissent en mкme temps.
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[1] Parall.: Ia, 25, 1, — CG. I,
16; II, 7-10 — 1 Sent. d42q1a1.— Pot.
7, 1 — In Mйta 5, texte 17 — In Phys. III, texte 32.
[2]
C’est le premier sens donnй par Aristote (Mйtaphysique,
V, 1, 1012 b 33): "Point de dйpart du mouvement (ici de l'opйration),
origine". "Le principe est ce dont quelque chose procиde, de quelque
maniиre que ce soit" (J. Elders, La Philosophie de la nature de saint
Thomas d’Aquin, p. 45), soit donc dans l'ordre logique, ontologique ou
chronologique.
[3]
En Ia, 25, 1, obj.4, Thomas nous dit: "La cause et le principe sont une
mкme chose." Mais prйcise-t-il (Pot. qu. 10, a. 1, ad 9) "le principe
est plus commun que la cause; car la premiиre partie du mouvement ou de la
ligne est appelйe principe mais pas cause. En quoi il apparaоt qu’on peut dire
que le principe est quelque chose qui n’est pas distinct de l’essence, comme le
point de la ligne, mais non pas la cause, surtout si nous parlons de la cause
d’origine qu’est la cause efficiente." Pour Dieu, avoir un principe
supposerait qu'il dйpendrait d'un кtre supйrieur а lui. De plus l'opйration est
son essence: "Donc rien n'est principe de son essence parce qu'elle n'est
pas engendrйe, et ne procиde de rien" Cf. I Sent, d42qa1, obj. 4. Le mot
principe йvoque une idйe de relation entre deux termes, alors que la cause
exprime surtout une activitй efficiente.
[4]
"Il est impie (nefas) de penser que quelque chose de la nature suprкme
soit en quelque maniиre meilleur et il est nйcessaire qu'elle soit absolument
meilleure que ce qui n'est pas elle, car elle est la seule dont rien n'est tout
а fait meilleur.." Monologium
XV. Citй aussi par Bonaventure. L'axiome se retrouve plusieurs fois dans
l'њuvre. Dans les derniиres questions il est citй sans rйfйrence а Anselme. Ia,
qu. 13, a. 3, donne les modalitйs propres а cette attribution.
[5]
Pour Thomas et ses contemporains, par antonomase, le philosophe (par
excellence) c'est Aristote.
[6]
Dйfinition classique de la puissance. (Mйtaphysique,
Thomas, V, lectio 14). C’est а cette dйfinition que se rattache la notion de
toutes les puissances, en leur sens premier (Mйtaphysique, IX, 1, 1046 a 10).
[7]
Il n’y a pas de relation rйelle de Dieu а la crйature, mais il y en a de la
crйature а Dieu. Thomas revient plusieurs fois dans cet article sur ce point de
vue. Ce genre de relation sera explicitй en Pot. qu. 7, a. 8, 9, 10, qu. 8. Cf.
CG. II, 11 а 14.
[8]
Habitus fait partie de ces mots difficiles а traduire en franзais (Cf. Ia/IIж,
qu. 49, et 50). Il n'est pas l'йquivalent d'habitude, ni de possession. C'est
une puissance plus achevйe, intermйdiaire entre l’acte et la puissance (Ia, qu.
14, a. 1, obj. 1), parce qu'elle vient parfaire la puissance. Or en Dieu, il
n'y a pas de puissance passive. "On compare ceux qui ont des habitus а des
gens qui dorment." (CG. I, 92, § 3) C'est en effet une possibilitй, qui
n'a pas toujours le pouvoir de passer de la puissance а l'acte. Les vertus et
les vices sont des habitus. C'est la derniиre catйgorie de l'кtre et le
neuviиme et dernier accident. "Mais en Dieu l'acte est absolument parfait.
Donc pas d'habitus". (CG. I, 56). En un autre sens (tirй de habere et non
se habere comme le premier sens) c'est la possession.
[9]
"…entre le possible et l'кtre il n'y a aucune diffйrence, dans les choses
йternelles." (Trad. H. Carteron) Thomas (n° 285) ajoute pas toujours.
Texte citй а nouveau en Pot. 3, 14 et 9, 9, obj. 1.
[10]
Si l’essence et la puissance sont identiques, on ne doit conserver que le nom
de la plus noble, c'est-а-dire de l’essence. On supprime ainsi la distinction.
[11]
La matiиre premiиre est puissance passive seulement; le parallйlisme entre la
matiиre premiиre (prima potentia) et l’acte pur est plus marquй en I Sent.
d42q1a1, obj. 1: "L’acte premier se comporte vis-а-vis de la puissance
comme la puissance premiиre vis-а-vis de l’acte".
[12]
L'objection est reprise en Pot. 2, 1, obj. 4, avec des consйquences
diffйrentes.
[13]
Les catйgories comprennent la substance et les neuf accidents. La substance
n'est pas dans les accidents.
[14]
"Dieu ne sert pas de sujet а quelque chose en lui…Donc il est interdit de
dire qu'il subsiste" . § 2: appeler Dieu substance est une impropriйtй… "il
est essence, terme juste et propre au point d'ailleurs que peut-кtre, le terme
d'essence appartient а Dieu seul." (Trad. BA. 15 ). Car les substances les
plus simples "sont la cause de ce qui est composй, au moins la substance
premiиre et simple qui est Dieu.". Dans la solution, Thomas ne rйpond pas
directement au texte d'Augustin.
[15]
Cf. Aristote, Catйgories, 8, 9 a 13 ss. . Cf. Ia/IIж, qu. 49, a. 1. La qualitй
est un accident et il n’y a pas d’accident en Dieu.
[16]
Ratio a de nombreux sens (Thomas les йnumиre dans le Commentaire sur les Noms
divins, ch. VII, lectio 5, n° 735). Il semble meilleur ici de distinguer deux
traductions: la raison (pouvoir de connaissance quaedam cognoscitiva virtus) et
la notion (la notion de puissance aliquid simplex abstractum a multis…), pour
mieux comprendre la pensйe de Thomas, mкme si c'est dans un mкme paragraphe.
[17]
"Car toute puissance, tout possible et tout facteur de production n'est
dйsirable qu'en vue d'autre chose." (Trad. J. Tricot, p.143, §1).
[18]
Le sens de virtus est trиs proche de celui de puissance (active). (IIIa, qu. 1,
a. 1, sc.: "…potentia Dei vel virtus…") "Il signifie la
puissance а son plus haut degrй." (A. Krempel, La doctrine de la relation
chez saint Thomas, Paris, Vrin, 1952,, p. 183 et 213.) Il renvoie а l’Op de
occultis operationibus naturae, n° 444, "…potentia secundum refertur ad
ultimum in quo aliquid potest, acceptit nomen et rationem virtutis." Nous
le traduisons le plus souvent par pouvoir, puisque Thomas emploie les deux mots
quelquefois dans une mкme phrase ou un mкme paragraphe comme ici. Mais а cause
de cet emploi, on a l’impression que par la suite, il ne parle plus tellement
de puissance parce que la puissance divine correspond plus а virtus qu’а
potentia. Ici le texte de Denys suggиre le terme de puissance (voir note
suivante).
[19]
"Au sens de toutes les intelligence divines, on distingue en effet… trois
qualitйs: l'essence, la puissance et l'acte" (Trad. M. de Gandillac).
[20]
Bonaventure (I sent, d42a1q1.) donne а ce sujet plus d'importance que Thomas.
Et pourtant l’objection est importante. La puissance telle que dйfinit par
Aristote ne convient pas а la crйation, puisqu’il n’y a pas de changement. La
solution n’est pas convaincante.
[21]
"Mais il faut savoir que ces mots: crйer, faire, agir, ne peuvent кtre
employйs pour Dieu de la mкme maniиre qu'ils sont employйs pour les crйatures".
L'argument se sert d'un texte interprйtй tendancieusement. Cf. Augustin, La Genиse au sens littйral, I, XVIII, 36:
"…Dieu n'agit pas comme l'homme ou l'ange, par mouvements spirituels ou
corporels qui se dйveloppent dans le temps" (Trad. P. Agaлsse et A.
Solignac; BA. 48.) L'action n'est pas refusйe а Dieu mais seulement par
comparaison aux crйatures. – Pierre Lombard, йvкque de Paris, a publiй les
Sentences entre 1145-1150.
[22]
L’autoritй tirйe du Ps 88, 9 concerne plus la toute puissance, telle qu'elle
est conзue dans l'AT que la puissance active, notion fortement imprйgnйe
d'aristotйlisme.
[23]
Cf. le sed contra de I Sent. d42q1a1: "Tout effet est produit par la
puissance de la cause efficiente. Mais Dieu est la cause efficiente des crйatures.
Donc il faut placer en lui la puissance". Il y a lа un rapport qui n’est
pas йvoquй ici.
[24]
Les deux sens de l'acte: forme, l'acte entitatif, et l'opйration, l'acte
opйratif considйrй comme second.
[25]
Ex communi hominum intellectu: Emploi particulier du terme intellectus. Cf. J.
Pesghaire, Intellectus et ratio d’aprиs saint Thomas, p. 24.
[26]
Ce sont deux consйquences de l'acte pur.
[27]
Il y a ici un rapprochement йvident avec la quatriиme voie des preuves de
l'existence de Dieu (Ia, qu. 2, a. 3). Le plus et le moins dans l'ordre
qualitatif se dit par rapport а un maximum. Ici raisonnement sur la perfection,
plus ou moins grande dans les crйatures, maximale, absolue en Dieu.
[28]
La substance n'est attribuйe а Dieu que par analogie. Dieu est nйcessaire et ne
sert de support а aucun accident..
[29]
L'inhйrence est le propre de l'accident.
[30]
Pour approfondir le sens de cette solution, on lira CG. II, 8, 9 et surtout 10
§ 1. Thomas ajoute en Ia, qu. 25, a. 1, ad 3: "Donc ainsi on sauvegarde en
Dieu la raison de la puissance du fait qu'elle est principe de l'effet, mais
non du fait qu'elle est principe de l'action qui est son essence." Ce qui
veut dire que la puissance est ce qui permet а Dieu d'йtendre son action ad
extra.
[31]
L'action ad intra et ad extra est envisagйe ici sous l'angle de la relation. La
premiиre en Dieu est rйelle. Elle est par nйcessitй, l'autre est volontaire. La
relation de Dieu а la crйature est de raison et celle de la crйature а Dieu est
rйelle (qu. 7, etc.).
[32]
Sabellius est un Libyen, qui est а Rome vers 217. Il prкche le modalisme, et
est condamnй par le Pape Callixte. Le Sabellianisme, hйrйsie du IIIe et IVe
siиcle, est apparentй au Modalisme. Il dйsigne un mкme et unique Dieu sous
trois noms diffйrents. C’est dans les modalitйs de son action extйrieure que
Dieu prend une forme trinitaire.
[33]
C’est le raisonnement qui la dйcouvre mais elle n'est pas rйelle.
[34]
En Dieu il y a l’essence (sans principe), la puissance et l'opйration Les deux
derniиres appartiennent а l'essence ("la puissance de Dieu est son essence",
dйmontrй en CG. II, 8). La puissance est son action et Dieu est acte lui-mкme,
parce que la puissance n'est pas participйe. Il n'y a rien de participй en Dieu
(CG. II, 8, § 3), parce que la puissance est son кtre. Dieu est son кtre. Donc
il est sa puissance (§4).
La
puissance a une double relation: a) interne, en quelque sorte, а Dieu,
puisqu'elle est principe de l'opйration (qui est l'essence mкme de Dieu) b)
externe, puisqu'elle est principe de l'effet produit par l'opйration de Dieu en
tant que cause. D'oщ la distinction entre l'action ad intra et ad extra par la
puissance, йtant donnй la relation quasiment causale de la puissance а l'effet
(le principe est proche de la cause et en relation avec l'effet.) Il distingue
donc une relation rйelle en Dieu (Trinitй) et une relation "de
raison" avec les crйatures.
[35]
C'est-а-dire ce qui n'est pas tout а fait parfait dans les crйatures, mais peut
l'кtre en Dieu.
[36]
L’esprit humain se sert de ce qui est plus ou moins parfait pour concevoir une
qualitй absolument parfaite en Dieu, а condition que le terme le supporte, ou
si cela correspond а une rйalitй en lui.
[37]
Parce que par nature l'habitus n'est pas en acte.
[38]
L'essence quand elle agit est aussi puissance (Cf. note 34).
[39]
L'essence et la puissance sont une mкme chose, car Dieu est absolument simple.
Cf. Pot. qu. 7, a. 1. Chaque fois que Thomas parle de simplicitй, il faut
considйrer son texte comme une rйponse а Avicenne.
[40]
C'est-а-dire le Perihermeneias.
[41]
L'esprit conзoit la rйalitй de trois maniиres.
a)
Le concept rйpond immйdiatement (sans intermйdiaire) а l’objet extйrieur.
L’esprit conзoit l’image de cet objet, ou sa forme, "ce qui est conзu de
ce nom ‘homme’". Le fondement est la chose rйelle. "Une telle
conception… par sa conformitй avec l’esprit, fait que celle-ci est vraie et que
le nom qui signifie ce concept est dit de la chose elle-mкme" (I Sent. d
2q1 a1) "Ce sont des йtants complets comme l’homme ou la pierre." (I
Sent. d19q5a1). Rapport avec la substance premiиre et la substance seconde,
Pot. 9, 1, note 4.
b)
Le concept rйpond par l’intermйdiaire d’une rйflexion (conception seconde). Ce
qui est conзu c'est l'abstraction, le genre, les concepts universels de temps,
d’espace, de vйritй, de substance, etc..
c)
Le concept est complиtement йtranger au monde rйel: c’est le fruit de
l’imagination comme la chimиre.
Ces
trois conceptions sont йvoquйes en I Sent. d19q 5a1 et d30q1a3. Ici la
troisiиme est omise, comme inutile. On retrouve les deux premiиres en Pot. qu.
7, a. 6 et la deuxiиme conception est signalйe en Pot. qu. 7, a. 11: "…l’esprit
dйcouvre ces relations en considйrant l’ordre qui est dans l’esprit pour ce qui
est а l'extйrieur, ou l’ordre des conceptions entre elles. (Cf. A. Krempel, La
doctrine de la relation chez Thomas, p. 313 ss).
[42]
Le mot qui peut le mieux traduire intellectus est intellect. Celui-ci est la
facultй des кtres intellectuels sur le plan naturel (Cf. Ia, qu. 79, a. 10). "Intelligere
enim est simpliciter veritatem intelligibilem apprehendere" C'est de
l'extйrieur que vient l'intelligible.par lequel l'intellectus possibilis est
informй. (Cf. Floucat, L'intime fйconditй de l'intelligence, p. 23.Mais c'est
un mot peu facile а employer. Aussi nous le rйservons en quelques cas а Dieu et
nous traduisons le plus souvent par esprit, ce qui peut faciliter la lecture du
texte. Mais il faut se souvenir de cette distinction. Dans le Commentaire des
Sentences, Thomas emploie le plus souvent mens, ici dans des raisonnements
semblables, il emploie exclusivement intellectus.
[43]
"Notre maniиre humaine de connaоtre l'exigence d'une relation rйelle entre
Dieu et les crйatures, relation descendante qui rйpondrait а une relation
ascendante." (Geiger, La participation dans la philosophie de st Thomas
d'Aquin, p. 182, note 1)
[44]
"Ce passage fait comprendre "pourquoi nos concepts des relations de
Dieu а nous manque de fondement objectif immйdiat." A. Krempel, op.cit. p.
318.
[45]
Cf. Ia / IIж, qu. 49, a. 2, Cf. CG II, 8, § 5: La puissance en Dieu n'est pas
celle qui appartient а la catйgorie de qualitй, qui est celle des crйatures.
Elle ne lui convient pas. Cf. Aristote , Les
Catйgories, 8, Les qualitйs, 9 a 15-20. Dans les crйatures oщ la puissance
n'appartient pas а la substance, elle est un accident.
[46]
La vйritй prend sa source en Dieu. "Omnis alia veritas est a prima
veritate quae est Deus." (Verit. qu. 1, a. 8, sc 2.)
[47]
Il s'agit de la gйnйration dite spontanйe, qui a une grande importance dans la
science de l’йpoque.
[48]
La premiиre action, avec changement, est l'action naturelle, qui n'est jamais
crйation pure, mais modification (l’њuvre artisanale), l'autre est la crйation
ex nihilo par Dieu.
[49]
Il semble qu'il faille entendre cette maniиre particuliиre comme celle qui
s'applique aux crйatures. De maniиre universelle elle s'appliquerait а Dieu et
aux crйatures. S'il y a puissance en Dieu, elle ne peut qu'кtre active, а la
diffйrence de la puissance dans les crйatures.
Article 2: La puissance de Dieu est-elle infinie?
q. 1 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum potentia Dei sit infinita Et videtur quod non. Il semble que non. Objections[1]: 1 q. 1 a. 2 arg. 1 Quia, ut dicitur in IX Metaph., frustra
esset in natura aliqua potentia activa cui non responderet aliqua passiva. Sed
potentiae infinitae divinae non respondet aliqua passiva in natura. Ergo
frustra esset divina potentia infinita. 1. Parce que, comme il est dit en Mйtaphysique
(IX, 1, 1046 a 18[2]), une puissance active
serait vaine dans la nature si ne lui correspondait pas une puissance passive.
Mais а la puissance divine infinie ne correspond pas de puissance passive dans
la nature. Donc la puissance divine infinie serait sans raison. q. 1 a. 2 arg. 2
Praeterea philosophus probat, non esse potentiam infinitam magnitudine infinita:
quia sequeretur quod ageret in non tempore. Nam maior virtus agit in minori
tempore: unde quanto virtus est maior, tanto tempus est minus. Sed potentiae
infinitae ad finitam nulla est proportio. Ergo nec temporis in quo agit
potentia infinita, ad tempus in quo agit potentia finita. Cuiuslibet autem
temporis ad quodlibet tempus est proportio. Ergo cum potentia finita moveat in
tempore, potentia infinita movebit in non tempore. Eadem ratione si potentia
Dei est infinita, semper operabitur in non tempore; quod falsum est. 2. Le Philosophe prouve (Physique,
VIII, 10, 266 a 24 Р b 5) qu'il n'y a pas de puissance infinie de grandeur
infinie, parce qu'il s'ensuivrait qu'elle n'agirait pas dans le temps. Car un
plus grand pouvoir agit dans un temps plus court; aussi, plus le pouvoir est
grand, plus le temps est court. Mais il n'y a aucune proportion d'une puissance
infinie а une puissance finie. Donc, non plus du temps dans lesquels agit la
puissance infinie au temps dans lequel agit une puissance finie. Or d'un temps
а un autre, il y a une proportion. Donc comme une puissance finie meut dans le
temps, la puissance infinie le fera hors du temps. Par la mкme raison, si la
puissance de Dieu est infinie, il opйrera toujours hors du temps, ce qui est
faux. q. 1 a. 2 arg. 3 Sed
dices, quod voluntas divina non determinat quanto tempore velit effectum suum
compleri; et sic non oportet quod potentia divina semper agat in non tempore.-
Sed contra, voluntas divina non potest immutare eius potentiam. Sed de ratione
potentiae infinitae est quod agat in non tempore. Ergo hoc per voluntatem
divinam immutari non potest. 3. Mais on pourrait dire que la volontй divine ne dйtermine pas en
combien de temps elle veut que son effet soit accompli; et ainsi il ne faut pas
que le puissance divine agisse toujours hors du temps. – En sens contraire, la
volontй de Dieu ne peut pas modifier sa puissance. Mais il est de la nature
d'une puissance infinie d'agir hors du temps. Donc cela ne peut pas кtre changй
par la volontй divine. q. 1 a. 2 arg. 4
Praeterea, omnis potentia manifestatur per suum effectum. Sed Deus non potest
facere effectum infinitum. Ergo potentia Dei non est infinita. 4. Toute puissance se manifeste par son effet. Mais Dieu ne peut pas
produire un effet infini. Donc la puissance de Dieu n'est pas infinie. q. 1 a. 2 arg. 5
Praeterea, potentia proportionatur operationi. Sed operatio Dei est simplex.
Ergo et potentia. Simplex autem et infinitum ad invicem repugnant. Ergo ut
prius. 5. La puissance est proportionnйe а l'opйration. Mais l'opйration de
Dieu est simple. Donc sa puissance aussi. Mais le simple et l'infini s'opposent
l'un а l'autre. Donc comme ci-dessus. q. 1 a. 2 arg. 6
Praeterea, infinitum est passio quantitatis, ut philosophus dicit. Sed Deus est
absque quantitate et magnitudine. Ergo eius potentia non potest esse infinita. 6. L'infini est le support de la quantitй, comme le dit Aristote (Physique, I, 2, 185 a 15 - b 33-34[3]), mais Dieu est sans quantitй ni grandeur.
Donc sa puissance ne peut pas кtre infinie. q. 1 a. 2 arg. 7
Praeterea, omne quod est distinctum est finitum. Sed potentia Dei est distincta
a rebus aliis. Ergo est finita. 7. Tout ce qui est distinct est fini. Mais la puissance de Dieu est
distincte des autres choses. Donc elle est finie. q. 1 a. 2 arg. 8
Praeterea, infinitum dicitur per remotionem finis. Finis autem est triplex;
scilicet magnitudinis, ut punctus; perfectionis, ut forma; intentionis, ut
causa finalis. Haec autem duo ultima, cum sint
perfectionis, a Deo removeri non debent. Ergo divina potentia non debet
dici infinita. 8. 0n parle d'infini si on exclut la fin. Mais la fin est triple:
c'est-а-dire celle de la grandeur, comme le point; de la perfection comme la
forme; de la fin comme la cause finale. Ces deux derniиres, puisqu'elles
concernent la perfection ne doivent pas кtre exclues de Dieu. Donc on ne peut
pas dire que la puissance divine est infinie. q. 1 a. 2 arg. 9
Praeterea, si potentia Dei est infinita, hoc non potest esse nisi quia est
effectuum infinitorum. Sed multa alia sunt quae habent effectus infinitos in
potentia, ut intellectus, qui potest intelligere infinita in potentia, et sol
qui potest producere effectus infinitos. Si ergo potentia Dei dicatur infinita,
pari ratione et multae aliae erunt infinitae; quod est impossibile. 9. Si la puissance de Dieu est infinie, cela n'est possible que parce
qu'il s'agit d'effets infinis. Mais il y a beaucoup d'autres choses qui ont des
effets infinis en puissance, comme l'esprit, qui peut comprendre l'infini en
puissance et le soleil qui peut produire des effets infinis. Donc, si on dit
que la puissance de Dieu est infinie, а raison йgale, beaucoup d'autres choses
seront infinies, ce qui est impossible. q. 1 a. 2 arg. 10 Praeterea, finis est quoddam
ad nobilitatem pertinens. Sed omne quod est huiusmodi, rebus
divinis debet attribui. Ergo potentia divina debet dici finita. 10. La fin a quelque rapport avec la noblesse. Mais tout ce qui est de
ce genre doit кtre attribuй а Dieu. Donc on doit dire que la puissance divine
est finie. q. 1 a. 2 arg. 11
Praeterea, infinitum, secundum philosophum, est partis, et materiae: quae
imperfectionis sunt, et Deo non conveniunt. Ergo nec infinitum est in potentia
divina. 11. L'infini, selon le Philosophe (Physique,
III, 6, 207 a 26[4]), concerne la partie et la
matiиre, qui sont imparfaites et ne conviennent pas а Dieu. Donc il n'y a pas
d'infini dans la puissance divine. q. 1 a. 2 arg. 12
Praeterea, secundum philosophum, terminus neque finitus neque infinitus est.
Sed divina potentia est omnium rerum terminus. Ergo non est infinita. 12. Selon le Philosophe (Physique,
I, 2, 185 b 16-18[5]), le terme n'est ni fini,
ni infini. Mais la puissance divine est le terme de tout. Donc elle n'est pas
infinie. q. 1 a. 2 arg. 13
Praeterea, Deus agit tota potentia sua. Si ergo potentia eius est infinita,
semper effectus eius erit infinitus; quod erat impossibile. 13. Dieu agit par toute sa puissance. Si donc elle est infinie, son
effet sera toujours infini; ce qui йtait impossible. En sens contraire q. 1 a. 2 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicit Damascenus, quod infinitum est quod neque tempore
neque loco neque comprehensione finitur. Hoc autem convenit
divinae potentiae. Ergo divina potentia est infinita. 1. Il y a ce que dit Jean Damascиne (La foi orthodoxe, I, 4[6]): l'infini est ce qui est sans limite, ni dans
le temps, ni le lieu, ni dans son apprйhension[7].
Cela convient а la puissance divine. Donc la puissance divine est infinie. q. 1 a. 2 s. c. 2
Praeterea, Hilarius dicit: Deus immensae virtutis, vivens potestas, quae
nusquam non adsit nec usquam desit. Omne autem immensum est infinitum. Ergo
potentia Dei est infinita. 2. Hilaire dit (La Trinitй, VIII,
24[8]): "Dieu d'immense pouvoir, puissance
vivante, qui jamais n'est absente ni jamais ne manque". Tout ce qui est
immense est infini. Donc la puissance de Dieu est infinie[9]. Rйponse q. 1 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod infinitum dicitur dupliciter. Uno modo privative; et
sic dicitur infinitum quod natum est habere finem et non habet: tale autem
infinitum non invenitur nisi in quantitatibus. Alio modo dicitur infinitum
negative, id est quod non habet finem. On parle de l'infini de deux maniиres. a) D'une maniиre privative et ainsi on appelle infini ce qui est
destinй а avoir une fin et n'en a pas; un tel infini ne se trouve que dans les
quantitйs. b) D'une autre maniиre, on parle d'infini de maniиre nйgative, c'est-а-dire
de ce qui n'a pas de fin. Infinitum primo modo acceptum Deo convenire non potest, tum
quia Deus est absque quantitate, tum quia omnis privatio imperfectionem
designat, quae longe a Deo est. L'infini reзu en Dieu de la premiиre maniиre ne peut pas convenir,
d'une part parce qu'il n'y a pas de quantitй en lui, d'autre part parce que
toute privation dйsigne une imperfection, ce qui ne convient pas а Dieu. Infinitum autem
dictum negative convenit Deo quantum ad omnia quae in ipso sunt. Quia nec ipse
aliquo finitur, nec eius essentia, nec sapientia, nec potentia, nec bonitas;
unde omnia in ipso sunt infinita. Sed de infinitate eius potentiae specialiter
sciendum est, quod cum potentia activa sequatur actum, quantitas potentiae
sequitur quantitatem actus; unumquodque enim tantum abundat in virtute agendi
quantum est in actu. L'infini exprimй nйgativement convient а Dieu pour tout ce qui est en
lui. Parce que lui-mкme n'est fini par rien, ni son essence, ni sa sagesse, ni
sa puissance, ni sa bontй, non plus; c'est pourquoi tout en lui est infini.
Mais а propos de l'infinitй de sa puissance, il faut savoir spйcialement que,
puisque la puissance active suit l'acte, la grandeur de la puissance suit la
grandeur de l'acte; car chaque chose est riche en pouvoir d'agir qu'autant
qu'il est en acte. Deus autem est actus infinitus, quod patet ex hoc quod actus
non finitur nisi dupliciter. Uno modo ex parte agentis; sicut ex voluntate
artificis recipit quantitatem et terminum pulchritudo domus. Alio modo ex parte
recipientis; sicut calor in lignis terminatur et quantitatem recipit secundum
dispositionem lignorum. Dieu est aussi acte infini, ce qui paraоt du fait que l'acte n'est fini
que de deux maniиres: a) Du cфtй de l'agent; ainsi la beautй de la maison reзoit de la
volontй de l'artisan sa grandeur et sa destination. b) Du cфtй de celui qui reзoit; ainsi la chaleur s'achиve dans les
morceaux de bois et reзoit son intensitй de leur disposition[10].
Ipse autem divinus actus non finitur ex aliquo agente, quia
non est ab alio, sed est a se ipso; neque finitur ex alio recipiente, quia cum
nihil potentiae passivae ei admisceatur, ipse est actus purus non receptus in
aliquo; est enim Deus ipsum esse suum in nullo receptum. Mais l'acte divin mкme n'est limitй par aucun agent, parce qu'il ne
dйpend pas d'un autre mais de lui-mкme, et il n'est pas limitй par un autre qui
le reзoit, parce que, rien en lui n'est mкlй а une puissance passive, il est
acte pur, reзu en rien; car Dieu est son кtre mкme, reзu en rien[11]. Unde patet quod Deus est infinitus; quod sic videri potest.
Esse enim hominis terminatum est ad hominis speciem, quia est receptum in
natura speciei humanae; et simile est de esse equi, vel cuiuslibet creaturae.
Esse autem Dei, cum non sit in aliquo receptum, sed sit esse purum, non
limitatur ad aliquem modum perfectionis essendi, sed totum esse in se habet; et
sic sicut esse in universali acceptum ad infinita se potest extendere, ita
divinum esse infinitum est; et ex hoc patet quod virtus vel potentia sua
activa, est infinita. Par lа, il apparaоt que Dieu est infini: ce qu'on peut montrer ainsi:
l'кtre de l'homme, en effet, se termine а son espиce, parce qu'il est reзu dans
la nature de l'espиce humaine; et c'est pareil pour l'кtre du cheval ou celui
de n'importe quelle crйature. Mais comme l'кtre de Dieu n'est reзu en rien,
mais qu'il est pur, il n'est pas limitй а un mode de perfection d'кtre, mais il
possиde tout l'кtre en lui; et ainsi de mкme que l'кtre reзu en son sens
universel peut s'йtendre а l'infini, de mкme l'кtre divin est infini; et cela
montre que son pouvoir ou sa puissance active[12]
est infinie. Sed sciendum quod quamvis potentia habeat infinitatem ex
essentia, tamen ex hoc ipso quod comparatur ad ea quorum est principium,
recipit quemdam modum infinitatis quem essentia non habet. Nam in obiectis
potentiae, quaedam multitudo invenitur; in actione etiam invenitur quaedam
intensio secundum efficaciam agendi, et sic potest potentiae activae attribui
quaedam infinitas secundum conformitatem ad infinitatem quantitatis et
continuae et discretae. Discretae quidem secundum quod quantitas potentiae
attenditur secundum multa vel pauca obiecta; et haec vocatur quantitas
extensiva: continuae vero, secundum quod quantitas potentiae attenditur in hoc
quod remisse vel intense agit; et haec vocatur quantitas intensiva. Prima autem
quantitas convenit potentiae respectu obiectorum, secunda vero respectu
actionis. Istorum enim duorum activa potentia est principium. Mais il faut savoir que, quoique la puissance possиde l'infinitй par
l'essence, cependant du fait qu'elle est comparйe а ce dont elle est le
principe, elle reзoit un mode d'infinitй que l'essence ne possиde pas. Car dans
ce qui prйsente de la puissance, on trouve une certaine pluralitй; mais dans
l'action aussi, on trouve un accroissement selon l'efficacitй de l'action et
ainsi on peut attribuer а la puissance active une infinitй en conformitй а
l'infini d'une quantitй continue et discrиte. Discrиte[13]
selon que la quantitй de la puissance est dirigйe vers beaucoup ou peu d'objets;
on l'appelle quantitй extensive; continue, selon que la quantitй de la
puissance est poussйe а agir doucement ou intensйment et on l'appelle la
quantitй intensive. La premiиre quantitй convient а la puissance par rapport
aux objets, la seconde par rapport а l'action. Car la puissance active est le
principe des deux. Utroque autem modo divina potentia est infinita. Nam nunquam
tot effectus facit quin plures facere possit, nec unquam ita intense operatur
quin intensius operari possit. Intensio autem in operatione divina non est
attendenda secundum quod operatio est in operante, quia sic semper est
infinita, cum operatio sit divina essentia; sed attendenda est secundum quod
attingit effectum; sic enim a Deo moventur quaedam efficacius, quaedam minus
efficaciter. Des deux maniиres la puissance divine est infinie. Car jamais elle ne
produit tant d'effets qu'elle ne puisse en produire davantage, et jamais elle
n'opиre de faзon si intense qu'elle ne puisse opйrer plus intensйment. Mais
l'intensitй ne doit pas кtre йtablie dans l'opйration divine selon que
l'opйration est dans celui qui opиre, parce qu'elle est toujours infinie,
puisque l'opйration est l'essence divine; mais elle doit кtre йtablie selon
qu'elle arrive а un effet; car certaines choses sont ainsi mues par Dieu plus
efficacement, d'autres moins. Solutions: q. 1 a. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod nihil quod est in Deo, potest dici frustra, quia
frustra est quod est ad aliquem finem quem non potest attingere; Deus autem et
quae in ipso sunt, non sunt ad finem, sed sunt finis. Vel dicendum, quod
philosophus loquitur activa naturali. Res enim naturales coordinatae sunt ad
invicem, et etiam omnes creaturae: Deus autem est extra hunc ordinem; ipse enim
est ad quem totus hic ordo ordinatur, sicut ad bonum extrinsecum, ut exercitus
ad ducem, secundum philosophum. Et ideo non oportet ut ei quod est in Deo,
aliquid in creaturis respondeat. # 1. Rien de ce qui est en Dieu ne peut кtre considйrй comme vain,
parce qu'est vain ce qui est en vue d'une fin qu'il ne peut atteindre. Mais
Dieu, ainsi que ce qui est en lui, n'est pas en vue d'une fin, mais est la fin.
Ou bien il faut dire que le Philosophe parle de puissance active naturelle. Car
les choses naturelles sont coordonnйes entre elles, toutes les crйatures aussi:
mais Dieu est hors de cet ordre; car lui-mкme est celui а quoi tout cet ordre
est ordonnй comme а un bien extrinsиque, comme l'armйe est ordonnйe au gйnйral,
selon le Philosophe (Mйtaphysique,
XII, 10, 1075 a 13). Et c'est pourquoi il ne faut pas que quelque chose dans
les crйatures corresponde а ce qui est en Dieu. q. 1 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod secundum Commentatorem in VIII Physic., demonstratio
illa de proportione temporis et potentia moventis procedit infinita in
magnitudine, quae proportionatur infinito temporis cum sint unius generis
determinati, scilicet continuae quantitatis, non autem tenet de infinito extra
magnitudinem, quod non est proportionale infinito temporis, utpote alterius
rationis existens. Vel dicendum, ut tactum est in obiiciendo, quod Deus quia
agit voluntarie, mensurat motum eius quod ab eo movetur, sicut vult. # 2. Il faut dire que, pour le Commentateur[14]
(Physique, VIII, 10[15]),
cette dйmonstration au sujet de la proportionnalitй du temps et de la puissance
du moteur, procиde d'une puissance infinie en grandeur, proportionnйe а un
infini de temps, puisqu'ils sont d'un seul genre dйterminй, а savoir de la
quantitй continue, mais elle ne tient pas d'un infini hors grandeur, qui est
sans proportion avec l'infini du temps, du fait qu'il existe d'une autre
maniиre. Ou il faut dire, comme cependant on l'a signalй dans l'objection, que
parce qu'il agit volontairement, Dieu mesure le mouvement de ce qu'il meut,
comme il le veut. q. 1 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod licet voluntas Dei non possit mutare eius potentiam,
potest tamen determinare eius effectum. Nam voluntas potentiam movet. # 3. Quoique la volontй de Dieu ne puisse pas modifier sa puissance, il
peut cependant dйterminer son effet. Car c'est la volontй qui met en mouvement
la puissance. q. 1 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ipsa ratio
facti vel creati repugnat infinito. Nam ex hoc ipso
quod fit ex nihilo, habet aliquem defectum, et est in potentia, non actus purus;
et ideo non potest aequari primo infinito ut sit infinitum. # 4. La nature de l'objet fabriquй ou de la crйature rйpugne а
l'infini. En effet, ce qui est fait de rien a une imperfection et est en
puissance et non acte pur; et c'est pourquoi, cela ne peut кtre йgalй au
premier infini pour кtre infini. q. 1 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod infinitum privative dictum, quod est passio quantitatis,
repugnat simplicitati, non autem infinitum quod est negative dictum. # 5. L'infini dit privatif qui est ce qui supporte la quantitй,
s'oppose а la simplicitй mais pas l'infini dit nйgatif. q. 1 a. 2 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod illa ratio procedit de infinito privative dicto. # 6. Cette raison procиde de l'infini dit privatif. q. 1 a. 2 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod aliquid potest esse distinctum dupliciter. Uno modo per
aliud sibi adiunctum, sicut homo distinguitur per rationalem differentiam ab
asino, et tale distinctum oportet esse finitum, quia illud adiunctum determinat
ipsum ad aliquid. Alio modo per se ipsum; et sic Deus est distinctus ab
omnibus rebus, et hoc eo ipso quia nihil addi ei est possibile; unde non
oportet quod sit finitus neque ipse neque aliquid quod in ipso significatur. # 7. Quelque chose peut кtre distinct de deux faзons: a) Par ce qui d'autre lui est ajoutй, ainsi l'homme est distinguй de
l'вne par la raison et ce qui est distinct de cette faзon doit кtre fini, parce
que ce qui est ajoutй, le limite а une chose. b) Par soi-mкme. Ainsi Dieu est distinguй de tout, et cela parce qu'il
est impossible de rien lui ajouter; c'est pourquoi il ne faut pas qu'il soit
fini, ni lui-mкme ni rien de ce qui est signifiй en lui. q. 1 a. 2 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod finis cum sit perfectionis, Deo nobilissimo modo
attribuitur, scilicet ut ipse essentialiter sit finis, non denominative
finitus. # 8. Il faut dire que, comme la fin concerne la perfection, elle est
attribuйe а Dieu par le mode le plus noble, а savoir pour qu'il soit lui-mкme
essentiellement la fin et qu'on ne le dйsigne pas comme fini. q. 1 a. 2 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut in quantitatibus potest considerari infinitum
secundum unam dimensionem et non secundum aliam, et iterum infinitum secundum
omnem dimensionem, ita et in effectibus. Possibile est enim aliquam creaturam
posse producere effectus infinitos quantum est de se, secundum aliquid, utpote
secundum numerum in eadem specie; et sic omnium illorum effectuum natura est
finita, utpote ad unam speciem determinata, ut si accipiamus homines vel asinos
infinitos. Non est autem possibile ut sit aliqua creatura quae possit in
effectus infinitos omnibus modis et secundum numerum et secundum species et secundum
genera; sed hoc solius Dei est, et ideo sola eius potentia est simpliciter
infinita. # 9. Dans les quantitйs, on peut considйrer l'infini selon une
dimension et non selon une autre, et а nouveau l'infini selon toute dimension;
il en est de mкme pour les effets. Car il est possible qu'une crйature puisse
produire des effets infinis quant а elle, sous un rapport, par exemple, selon
le nombre dans la mкme espиce; et ainsi la nature de tous ces effets est finie,
en tant que limitйe а une seule espиce, comme si nous admettions des hommes ou
des вnes infinis. Mais il n'est pas possible qu'il y ait une crйature qui
puisse avoir des effets infinis de toutes les maniиres, selon le nombre,
l'espиce et le genre; cela n'appartient qu'а Dieu seul et c'est pourquoi seule
sa puissance est absolument infinie. q. 1 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, sicut ad
octavum. # 10. Il faut dire comme pour la solution 8. q. 1 a. 2 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod ratio illa procedit de infinito privative dicto. # 11. Cette raison procиde de l'infini dit privatif. q. 1 a. 2 ad 12 Et
similiter dicendum ad duodecimum. # 12. Il faut dire de mкme. q. 1 a. 2 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod Deus semper agit tota sua potentia; sed effectus
terminatur secundum imperium voluntatis, et ordinem rationis. # 13. Dieu agit toujours par toute sa puissance, mais son effet est
limitй selon le pouvoir de sa volontй et l'ordre de la raison.
[1] Parall.: Ia, qu. 25, a. 2- CG. I, 43
- I Sent. d43q1a1 – Comp. 18 - Phys. 8, lectio 23 - Mйtaphysique XII, lectio 8. [2]
"Il est donc manifeste que la puissance active et la puissance passive ne
sont, en un sens, qu'une seule puissance (car un кtre est puissant, soit parce
qu'il a lui-mкme la puissance d'кtre modifiй, soit parce qu'un autre кtre a la
puissance d'кtre modifiй par lui), tandis que, en un autre sens, elles sont
diffйrentes." Trad. J. Tricot. Diffйrentes parce que situй diffйremment.
Cf. Thomas, lect. 21, n° 1146 ss. [3]
Physique, 1, 2, 185 a 32: "Or
Mйlissos dit que l'кtre est infini; l'кtre est donc une quantitй; car l'infini
est dans la quantitй, mais la substance ne peut кtre infinie, ni la qualitй, ni
l'affection, si ce n'est par accident, existant а titre de telle ou telle
quantitй, car, dans la dйfinition de l'infini, la quantitй intervient...."
(Trad. H. Carteron). Cf. Thomas I, lectio 3, n° 21. [4]
"...Il apparaоt que l'infini rentre plutфt dans la notion de la partie que
dans celle du tout; car la matiиre est partie du tout, comme l'airain l'est
dans la statue d'airain." (Trad. H. Carteron). [5]
"...Maintenant si l'un est indivisible, on supprime quantitй et qualitй,
alors l'кtre ne sera ni infini, comme le voulait Mйlissos, ni fini comme le
voulait Parmйnide." (Trad. H. Carteron). [6]
PG. 94, 79. [7]
Maniиre de le comprendre sous tous ses aspects. L'infini est insaisissable par
l'esprit,en rapport avec le fait qu'on ne peut savoir qui est Dieu. [8]
PL. 10, 253 B. [9]
On trouve un Sed contra, basйe sur le Ps. 144, 3: "Le Seigneur est grand
et digne de toute louange et sa grandeur n'a pas de fin". en I Sent.
D43q1a1 et CG. I, 43, § 16. [10]
"La distinction affirmйe dans ce texte de deux maniиres au moins
d'expliquer la limitation de l'acte, montre assez avec quels discernement il
convient d'user du principe: actus finitur per potentiam. Non seulement il faut
distinguer dans la notion d'acte par oщ elle s'oppose а la puissance dans
l'ordre existentiel et l'aspect par lequel elle exprime une certaine plйnitude
dans l'ordre quodditatif, mais encore le rфle du sujet peut varier
considйrablement suivant son indйpendance plus ou moins grande а l'йgard de la
cause productrice et l'action qu'il est capable d'exercer sur l'acte qu'il est
censй concevoir." G.L.Geiger . La participation dans la philosophie de st
Thomas d'Aquin, Paris, Vrin 1953, p. 394, note 1 et 2. [11]
"Ce qui a un esse absolu, en aucune maniиre reзu en quelque chose
est tout а fait son кtre, cet кtre est absolument infini, et ses attributs sont
infinis" (I Sent. d43q1a1.) "Tout acte, inhйrent а un autre, reзoit
sa limite... L'acte qui n'existe en rien n'est dйterminй par rien. C'est le cas
de Dieu, donc il est infini." (CG. I, 43, § 2). Cf. Les Noms divins, V, 1,
n° 629. La dйmonstration fait appel а l'acte pur, reзu en rien sans dйpendance. [12]
Un cas parmi d'autres oщ potentia et virtus sont employйs dans une mкme
phrase, tout en йtant pratiquement synonymes. [13]
Quantitй discrиte: composйe d'йlйments sйparйs. [14]
Averroиs. Nй а Cordoue en 1126, mort а Marrakech en 1198. Il йcrivit de
nombreux commentaires sur Aristote, en essayant de revenir а la pure doctrine,
sans le platonisme d'Avicenne. [15]
Cf. Aristote, Physique, VIII, 266 a
24 - b 5.
Article 3: Ce qui est impossible а la nature est-il possible а Dieu?
q. 1 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum ea quae sunt naturae impossibilia, sint Deo possibilia.
Et videtur quod non.
Il semble que non.
Objections[1]: q. 1 a. 3 arg. 1
Dicit enim quaedam Glossa, Rom. XI, vers. 24, quod Deus cum sit auctor naturae
non potest facere contra naturam. Sed ea quae sunt impossibilia naturae sunt
contra naturam. Ergo Deus ea facere non potest. 1. Une glose[2], au sujet de Rm. 11, 24: ("Greffй contre nature..."),
dit que, puisque Dieu est l'auteur de la nature, il ne peut pas agir contre
elle. Mais ce qui est impossible а la nature est contre elle. Donc Dieu ne peut
pas le faire.
q. 1 a. 3 arg. 2
Praeterea, sicut omne in natura necessarium est demonstrabile, ita omne
impossibile in natura, est improbabile per demonstrationem. Sed in omni
conclusione demonstrationis includuntur demonstrationis principia; in omnibus
autem demonstrationis principiis includitur hoc principium, quod affirmatio et
negatio non sunt simul vera. Ergo istud principium includitur in quolibet
impossibili naturae. Sed Deus non potest facere quod negatio et affirmatio sint
simul vera, ut respondens dicebat. Ergo nullum impossibile in natura potest
facere. . 2. Tout ce qui est nйcessaire dans la nature peut кtre dйmontrй, de
mкme tout ce qui y est impossible ne peut pas кtre prouvй par dйmonstration.
Mais les principes sont inclus dans toute conclusion d'une dйmonstration; donc
dans toutes est inclus ce principe: "L'affirmation et la nйgation ne sont
pas vraies en mкme temps". Donc ce principe est inclus dans tout ce qui
est impossible dans la nature. Mais Dieu ne peut faire que la nйgation et
l'affirmation soient vraies en mкme temps, comme un objecteur le disait. Donc
il ne peut rien faire d'impossible dans la nature.
q. 1
a. 3 arg. 3 Praeterea, sub Deo sunt duo principia, ratio et natura. Sed Deus
ea quae sunt impossibilia rationi, facere non potest, sicut quod genus non
praedicetur de specie. Ergo nec illa quae sunt impossibilia naturae. 3. Il y a deux principes sous Dieu: la raison[3] et la nature. Mais
Dieu ne peut pas faire ce qui est impossible pour la raison, par exemple que le
genre ne soit pas attribuй а l'espиce. Donc il ne peut pas faire ce qui est
impossible а la nature
q. 1 a. 3 arg. 4
Praeterea, sicut se habet falsum et verum ad cognitionem, ita se habet
possibile et impossibile ad operationem. Sed illud quod est falsum in natura,
Deus scire non potest. Ergo quod est impossibile in natura, Deus non potest
operari. 4. De la mкme maniиre que le faux et le vrai se comportent par rapport
а la connaissance, le possible et l'impossible le font par rapport а
l'opйration. Mais Dieu ne peut pas connaоtre ce qui est faux dans la nature[4].
Donc Dieu ne peut pas faire ce qui est impossible dans la nature.
q. 1 a. 3 arg. 5
Praeterea, quando est simile de uno et omnibus, quod probatur de uno,
intelligitur de omnibus esse probatum; sicut si probatur de uno triangulo,
demonstrato quod habeat tres aequales duobus rectis, de omnibus intelligitur
esse probatum. Sed similis ratio videtur de omni impossibili, quod Deus illud
possit et non possit; tum ex parte facientis, quia divina potentia infinita est:
tum ex parte facti, quia omnis res habet potentiam obedientiae ad Deum. Ergo si
aliquod impossibile est naturae quod facere non possit, ut respondens dicebat,
videtur quod nullum impossibile facere possit. 5. Quand la partie et le tout sont semblables, ce qui est prouvй pour
la partie est compris comme prouvй pour le tout. Ainsi si on prouve, aprиs
dйmonstration, qu'un triangle a trois angles йgaux а deux droits, on comprend
que c'est prouvй pour tous les triangles. Mais une raison semblable paraоt
s'appliquer а tout ce qui est impossible, que Dieu le puisse ou ne le puisse
pas; d'une part du cфtй de celui qui agit, parce que la puissance divine est
infinie, d'autre part du cфtй de ce qui est fait, parce que toute chose a une
puissance obйdientielle а Dieu. Donc s'il y a quelque chose d'impossible а la
nature qu'il ne puisse pas faire, comme celui qui a rйpondu le disait, il
semble qu'il ne puisse rien faire d'impossible.
q. 1 a. 3 arg. 6 Praeterea, II Timoth. II, 13,
dicitur: fidelis Deus, qui se ipsum negare non potest. Negaret autem se ipsum,
ut dicit Glossa, si promissum non impleret. Sicut autem promissum Dei est a Deo,
ita omne verum est a Deo: quia, ut dicit Glossa Ambrosii I Cor. XII, 3, super
illud: nemo potest dicere, dominus Iesus, omne verum, a quocumque dicatur, a
spiritu sancto est. Ergo non potest facere contra aliquod verum. Faceret autem
contra verum, si faceret aliquid impossibile. Ergo Deus non potest facere
aliquid impossibile in natura. 6. En 2 Tm. 2,13, il est dit: "Le Dieu fidиle qui ne peut pas se
nier lui-mкme...". Il se nierait lui-mкme, comme le dit la glose
[interlinйaire[5]], s'il n'accomplissait pas ce qu'il a promis. De mкme que la
promesse de Dieu vient de lui, de mкme toute vйritй vient de lui, parce que,
comme le dit la glose d'Ambroise (Ambrosiaster) au sujet de I Co. 12, 3: "Personne
ne peut dire, Seigneur Jйsus...", toute vйritй, qui que soit celui qui la
dise, vient de l'Esprit Saint. Donc il ne peut pas agir contre la vйritй. Il
agirait contre elle, s'il faisait quelque chose d'impossible. Donc Dieu ne peut
rien faire d'impossible dans la nature.
q. 1 a. 3 arg. 7
Praeterea, Anselmus dicit, quod minimum inconveniens Deo est impossibile. Sed
inconveniens esset quod affirmatio et negatio essent simul vera, quia
intellectus esset ligatus. Ergo Deus non potest facere hoc; et ita non potest
facere omnia impossibilia in natura. 7. Anselme dit (Cur Deus homo, livre 1, ch. 20[6]) que la plus petite
inconvenance est impossible а Dieu. Mais il serait inconvenant que
l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme temps, parce que l'esprit
aurait йtй liй. Donc Dieu ne peut pas le faire; et ainsi il ne peut pas faire
tout ce qui est impossible dans la nature.
q. 1 a. 3 arg. 8
Praeterea, nullus artifex potest operari contra artem suam: quia principium
suae operationis est ars. Sed Deus faceret contra artem suam, si faceret
aliquid impossibile in natura: quia naturae ordo, secundum quem illud est
impossibile, est secundum artem divinam. Ergo Deus et cetera. 8. Aucun artisan ne peut opйrer contre son art, parce que celui-ci est
le principe de son opйration. Mais Dieu agirait contre son art, s'il faisait
quelque chose d'impossible dans la nature; parce que l'ordre de la nature, qui
entraоne l'impossibilitй, dйpend de l'art divin. Donc Dieu, etc..
q. 1 a. 3 arg. 9
Praeterea, magis est impossibile quod est impossibile per se quam quod est
impossibile per accidens. Sed Deus non potest facere quod est impossibile per
accidens, scilicet quod id quod fuit non fuerit, ut patet per Hieronymum qui
dicit, quod cum cetera Deus possit, non potest facere virginem de corrupta; et
per Augustinum, et per philosophum. Ergo Deus non potest facere id quod est
impossibile per se in natura.
9. Plus est impossible ce qui est impossible en soi que ce qui l'est
par accident. Mais Dieu ne peut pas faire ce qui est impossible par
accident[7], par exemple que ce qui a existй ne l'ait pas йtй, comme on le voit
chez Jйrфme (Lettre а Eustochium sur la sauvegarde de la virginitй) qui dit
qu'encore que Dieu puisse toutes les autres choses, il ne peut pas rendre
vierge celle qui est dйflorйe. Augustin (C. Faust. 26[8]) et le philosophe (Йthique,
VI, 2, 1139 b 10[9]) le montrent aussi. Donc Dieu ne peut pas faire ce qui est
impossible en soi dans la nature[10].
En sens contraire[11]. q. 1 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Lucae I, 37: non erit impossibile apud Deum omne
verbum. 1. En Lc (1, 37) il est dit: "Aucune parole[12] ne sera impossible
а Dieu."
q. 1 a. 3 s. c. 2
Praeterea, omnis potentia quae potest facere hoc et non illud, est potentia
limitata. Si ergo Deus potest facere possibilia in natura, et non impossibilia,
vel haec impossibilia et non illa, videtur quod Dei potentia sit limitata, quod
est contra supra determinata. Ergo et cetera. 2. Toute puissance qui peut faire ceci et non cela est une puissance
limitйe. Si donc Dieu peut faire dans la nature ce qui est possible et ne pas
faire ce qui y est impossible, ou certaines choses impossibles et non d'autres,
sa puissance semble limitйe, ce qui est contre ce qui a йtй expliquй
ci-dessus[13] . Donc...
q. 1 a. 3 s. c. 3
Praeterea, omne illud quod non limitatur per aliquid quod est in re, per nihil
quod est in re impediri potest. Sed Deus non limitatur per aliquid quod est in
re. Ergo per nihil quod est in re potest impediri; et ita veritas huius
principii: affirmatio et negatio non possunt esse simul, non potest impedire quin
Deus possit facere. Et pari ratione de omnibus aliis. 3. Tout ce qui n'est pas limitй par quelque chose de rйel, ne peut кtre
empкchй par rien de rйel. Mais Dieu n'est limitй par rien de rйel. Donc il ne
peut кtre empкchй par rien en rйalitй et ainsi la vйritй de ce principe: "L'affirmation
et la nйgation ne peuvent exister simultanйment", ne peut pas empкcher que
Dieu puisse agir. Et а raison йgale pour tout le reste.
q. 1 a. 3 s. c. 4
Praeterea, privationes non suscipiunt magis et minus. Sed impossibile dicitur
secundum privationem potentiae. Si ergo unum impossibile est quod Deus facere
potest, ut caecum illuminare, videtur pari ratione quod potest facere omnia. 4. Les privations ne reзoivent ni plus ni moins. Mais on parle
d'impossible en raison de la privation de puissance. Si donc il y a une seule
chose impossible que Dieu peut faire, comme rendre la vue а un aveugle, а
raison йgale, il semble qu'il peut tout faire.
q. 1 a. 3 s. c. 5
Praeterea, omne quod resistit alicui, resistit in ratione alicuius
oppositionis. Sed potentiae divinae nihil est oppositum, ut ex supra dictis
patet. Ergo ei nihil potest resistere; et ita potest facere omnia impossibilia. 5. Tout ce qui rйsiste а quelque chose, lui rйsiste en raison d'une
opposition. Mais rien n'est opposй а la puissance divine, comme on le voit dans
ce qui a йtй dit ci-dessus. Donc rien ne peut lui rйsister et ainsi il peut
accomplir tout ce qui est impossible.
q. 1
a. 3 s. c. 6 Praeterea, sicut caecitas opponitur visioni, ita virginitas
partui. Sed Deus fecit quod virgo, manens virgo, pareret. Ergo pari ratione
potest facere quod caecus, manens caecus, videat, et potest facere quod
affirmatio et negatio sint simul vera, et per consequens omnia impossibilia. 6. La cйcitй est opposйe а la vision, comme la virginitй а
l'enfantement. Mais Dieu a fait qu'une vierge enfante, en demeurant vierge.
Donc а raison йgale, il peut faire que l'aveugle voit tout en demeurant aveugle
et que l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme temps et par
consйquence il peut faire tout ce qui est impossible.
q. 1 a. 3 s. c. 7
Praeterea, difficilius est coniungere formas substantiales disparatas quam
formas accidentales. Sed Deus coniunxit in unum formas substantiales maxime
disparatas, scilicet divinam et humanam, quae differunt secundum creatum et
increatum. Ergo multo amplius potest coniungere duas formas accidentales in
unum, ut faciat quod idem sit album et nigrum: et sic idem quod prius. 7. Il est plus difficile d'unir des formes substantielles diffйrentes
que des formes accidentelles. Mais Dieu a rйuni en un кtre les formes
substantielles les plus йloignйes, c'est-а-dire la forme divine et la forme
humaine qui diffиrent en tant que crййe et incrййe. Donc il peut bien davantage
unir deux formes accidentelles en une seule, pour faire qu'une mкme chose soit blanche
et noire, et ainsi de mкme que plus haut[14].
q. 1 a. 3 s. c. 8
Praeterea, posito quod a definito removeatur aliquid quod cadat in eius
definitione, sequitur contraria esse simul, sicut quod homo non sit rationalis.
Sed terminari ad duo puncta est in definitione
lineae rectae. Ergo si quis hoc removeat a linea recta, sequitur
quod duo contraria sint simul. Sed Deus hoc fecit quando intravit ianuis
clausis ad discipulos: tunc enim fuerunt duo corpora simul, et sic sequitur
quod duae lineae fuerunt terminatae ad duo puncta tantum, et unaquaeque ad duo
puncta. Ergo Deus potest facere quod affirmatio et negatio sint simul vera, et
per consequens potest facere omnia impossibilia. 8. Supposй qu'on exclut de ce qui est dйfini quelque chose qui tombe
dans sa dйfinition, il en dйcoule que les contraires sont ensemble; ainsi que
l'homme ne soit pas raisonnable. Mais la ligne droite est par dйfinition
terminйe par deux points. Donc si on exclut cela de la ligne droite, il
s'ensuit que deux contraires sont ensemble. Mais Dieu le fit quand il entra
chez les disciples, les portes fermйes: car il y eut deux corps en mкme temps,
et ainsi il s'ensuit que deux lignes se sont terminйes а deux points seulement,
et chacune а deux points. Donc Dieu peut faire que l'affirmation et la nйgation
soit vraies en mкme temps et par consйquence il peut faire tout ce qui est
impossible.
Rйponse q. 1 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum, quod, secundum philosophum, possibile et impossibile
dicuntur tripliciter.
Uno modo secundum aliquam potentiam activam vel passivam;
sicut dicitur homini possibile ambulare secundum potentiam gressivam, volare
vero impossibile.
Alio modo non secundum aliquam potentiam, sed secundum se
ipsum, sicut dicimus possibile quod non est impossibile esse, et impossibile
dicimus quod necesse est non esse. Il faut dire que, selon le Philosophe (Mйtaphysique, V, 12, 1019 b 23 ss.), on parle de possible et
d'impossible de trois maniиres[15]:
a) Selon une puissance active ou passive; ainsi on dit qu'il est
possible а un homme de marcher selon qu'il en a le pouvoir, mais voler lui est
impossible.
b) Hors puissance mais en soi; ainsi nous appelons possible ce qui n'a
pas l'impossibilitй d'кtre et nous appelons impossible ce qui a nйcessitй de ne
pas кtre.
Sciendum est ergo quod impossibile quod dicitur secundum
nullam potentiam, sed secundum se ipsum, dicitur ratione discohaerentiae
terminorum. Omnis autem discoherentia terminorum est in ratione alicuius
oppositionis; in omni autem oppositione includitur affirmatio et negatio, ut
probatur X Metaph.; unde in omni tali impossibili implicatur affirmationem et
negationem esse simul. Hoc autem nulli activae potentiae attribui potest; quod
sic patet. Omnis activa potentia consequitur actualitatem et entitatem eius
cuius est.
Donc il faut savoir que l'impossible dont on parle hors puissance, mais
en soi, est dйfini en raison de la contradiction des termes. Toute
contradiction des termes vient d'une opposition: dans toute opposition sont
incluses l'affirmation et la nйgation, comme c'est prouvй en Mйtaphysique (IV, 3, 1005 b 18[16]).
C'est pourquoi en toute impossibilitй de ce genre est impliquй que
l'affirmation et la nйgation soient en mкme temps. Cela ne peut кtre attribuй а
aucune puissance active; ce qui paraоt ainsi: toute puissance active suit
l'actualitй et l'entitй de ce dont elle dйpend.
Unumquodque autem agens est natum agere sibi simile; unde
omnis actio activae potentiae terminatur ad esse. Etsi enim aliquando fit per
actionem non esse, ut in corruptione patet, tamen hoc non est nisi in quantum
esse unius non compatitur esse alterius, sicut esse calidi non compatitur esse
frigidi; et ideo calor ex principali intentione generat calidum, sed quod
corrumpat frigidum, hoc est ex consequenti. Hoc autem quod est affirmationem et
negationem esse simul, rationem entis habere non potest, nec etiam non entis,
quia esse tollit non esse, et non esse tollit esse: unde nec principaliter nec
ex consequenti potest esse terminus alicuius actionis potentiae activae.
Tout agent est destinй а faire du semblable а soi: c'est pourquoi toute
action d'une puissance active se termine а l'кtre. Car mкme si quelquefois par
son action, cela devient du non кtre, comme cela se voit dans la corruption, cependant
cela n'arrive que dans la mesure oщ l'кtre de l'un ne supporte pas celui de
l'autre; ainsi l'кtre du chaud ne supporte pas celui du froid; et c'est
pourquoi la chaleur tend principalement а engendrer le chaud, mais elle dйtruit
le froid, en consйquence. Le fait que l'affirmation et la nйgation soient
ensemble, ne peut avoir nature d'кtre, ni mкme de non кtre, parce que l'кtre
enlиve le non кtre et le non кtre enlиve l'кtre: c'est pourquoi ni
principalement, ni par consйquence, cela ne peut pas кtre le terme de l'action
d'une puissance active.
Impossibile vero quod dicitur secundum aliquam potentiam
potest attendi dupliciter.
Uno modo propter defectum ipsius potentiae ex se ipsa, quia
videlicet ad illum effectum non potest se extendere, utpote quando non potest
agens naturale transmutare aliquam materiam. Ce qu'on dйsigne comme impossible selon la puissance peut
кtre atteint de deux maniиres:
1) A cause de la dйfaillance de la puissance mкme par soi, parce qu'il
est clair qu'elle ne peut parvenir а cet effet; par exemple quand l'agent
naturel ne peut pas opйrer un changement dans la matiиre.
alio modo ab extrinseco, utpote cum potentia
alicuius impeditur vel ligatur. Sic ergo aliquid dicitur impossibile fieri
tribus modis.
Uno modo propter defectum activae potentiae,
sive in transmutando materiam, sive in quocumque alio;
alio modo propter aliquod resistens vel
impediens;
tertio modo propter hoc quod id quod dicitur impossibile
fieri, non potest esse terminus actionis. 2) De l'extйrieur, par exemple, quand la puissance est empкchйe ou
liйe. Ainsi donc, on dit qu'une chose devient impossible de trois maniиres:
a) A cause de la dйfaillance de la puissance active, soit dans la
transformation de la matiиre, soit en tout autre chose d'autre.
b) A cause d'une rйsistance ou d'un empкchement.
c) Parce que ce qu'on dit impossible а rйaliser ne peut pas кtre le
terme de l'action.
Ea ergo quae sunt impossibilia in natura primo
vel secundo modo, Deus facere potest. Quia eius potentia, cum sit infinita, in
nullo defectum patitur, nec est aliqua materia quam transmutare non possit ad
libitum; eius enim potentiae resisti non potest. Sed id quod tertio modo dicitur
impossibile, Deus facere non potest, cum Deus sit actus maxime, et principale
ens. Unde eius actio non nisi ad ens terminari potest principaliter, et ad non
ens consequenter. Et ideo non potest facere quod affirmatio et negatio sint
simul vera, nec aliquod eorum in quibus hoc impossibile includitur. Nec hoc
dicitur non posse facere propter defectum suae potentiae: sed propter defectum
possibilis, quod a ratione possibilis deficit; propter quod dicitur a quibusdam
quod Deus potest facere, sed non potest fieri.
Donc ce qui est impossible dans la nature de la premiиre ou de la
deuxiиme maniиre, Dieu peut le faire. Parce que, comme sa puissance est
infinie, elle ne souffre de dйfaillance en rien et il n'y pas de matiиre qu'il
ne puisse transformer а sa guise, car elle ne peut rйsister а sa puissance.
Mais pour l'impossible de la troisiиme maniиre, Dieu ne peut pas le faire,
parce qu'il est acte au plus haut point et l'кtre principe. C'est pourquoi son
action ne peut se terminer qu'а l'йtant, et en consйquence au non йtant. Et
c'est pourquoi il ne peut pas faire que l'affirmation et la nйgation soient
vraies en mкme temps, ni rien dans ce en quoi cette impossibilitй est inclue.
Et on ne peut pas dire qu'il ne peut pas le faire а cause de la dйfaillance de
sa puissance: mais а cause de la dйfaillance du possible, parce que celui-ci a
perdu sa raison de possible, c'est pour cela que certains ont dit que Dieu peut
le faire, mais cela ne peut pas кtre fait.
Solutions q. 1 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod verbum Augustini in Glossa illa non est
intelligendum quod Deus non possit facere aliter quam natura faciat, cum ipse
frequenter faciat contra consuetum cursum naturae; sed quia quidquid in rebus
facit, non est contra naturam, sed est eis natura, eo quod ipse est conditor et
ordinator naturae. Sic enim in rebus naturalibus videtur, quod quando aliquod
corpus inferius a superiori movetur, est ei ille motus naturalis, quamvis non
videatur conveniens motui quem naturaliter habet ex seipso; sicut mare movetur
secundum fluxum et refluxum a luna; et hic motus est ei naturalis, ut
Commentator dicit, licet aquae secundum se ipsum motus naturalis sit ferri
deorsum; et hoc modo omnes creaturae quasi pro naturali habent quod a Deo in
eis fit. Et propter hoc in eis distinguitur potentia duplex: una naturalis ad
proprias operationes vel motus; alia quae obedientiae dicitur, ad ea quae a Deo
recipiunt.
# 1. Par la parole d'Augustin dans cette glose, on ne doit pas
comprendre que Dieu ne pourrait pas agir autrement que la nature, puisque
lui-mкme frйquemment agit contre son cours habituel; mais parce que tout ce qu'il
fait dans les choses n'est pas contre leur nature, mais c'est leur nature, du
fait qu'il en est lui-mкme le crйateur et l'ordonnateur. Ainsi dans ce qui est
naturel, il semble que, quand un corps infйrieur est mis en mouvement par un
corps supйrieur, ce mouvement lui est naturel, quoiqu'il ne paraisse pas
convenir au mouvement qu'il possиde naturellement de lui-mкme; ainsi la mer est
mise en mouvement, selon le flux et le reflux, par la lune, et ce mouvement lui
est naturel[17], comme le dit le Commentateur (Le ciel et le monde, III, com. 20), bien que le mouvement naturel
de l'eau en lui-mкme la porte vers le bas et de cette maniиre ce que Dieu
accomplit dans les crйatures est pour ainsi dire naturel en elles. Et а cause
de cela on distingue en elles une double puissance: l'une, naturelle pour les
opйrations ou les mouvements propres; l'autre qui est appelйe obйdientielle,
pour ce qu'elles reзoivent de Dieu.
q. 1 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in quolibet impossibili implicatur affirmationem et negationem
esse simul secundum hoc quod est impossibile; sed ea quae sunt impossibilia
propter defectum potentiae naturalis, ut caecum, videntem fieri, vel aliquid
huiusmodi, cum non sint impossibilia secundum se ipsa, non implicant huiusmodi
impossibile secundum se ipsa, sed per comparationem ad potentiam naturalem cui
sunt impossibilia, ut si dicamus, natura potest facere caecum videntem,
implicatur praedictum impossibile, quia naturae potentia est terminata ad
aliquid, ultra quod est id quod ei attribuitur. # 2. N'importe quel impossible implique que l'affirmation et la
nйgation sont ensemble, du fait que c'est impossible; mais ce qui est
impossible а cause de la dйfaillance de la puissance naturelle, ainsi rendre la
vue а un aveugle, ou autre chose de ce genre, puisque ce n'est pas impossible
en soi, n'implique pas une telle impossibilitй en soi, mais par comparaison а
la puissance naturelle pour qui cela est impossible; comme si on disait: la
Nature peut rendre la vue а un aveugle, cela implique une affirmation
impossible, parce que la puissance de la nature est limitйe а une chose au-delа
de laquelle il y a ce qui lui est attribuй.
q. 1 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod impossibilia rationalis philosophiae non sunt secundum
aliquam potentiam, sed secundum se ipsa: quia ea quae sunt in rationali
philosophia, non sunt applicata ad materiam, vel ad aliquas potentias
naturales. # 3. Ce qui est impossible pour la philosophie rationnelle ne l'est pas
selon une puissance, mais de soi, parce que ce qui est en cette philosophie
n'est pas appliquй а la matiиre ou а des puissances naturelles.
q. 1 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod illud quod est falsum in natura, est falsum simpliciter,
et ideo non est simile. # 4. Ce qui est faux dans la nature est faux absolument et c'est
pourquoi ce n'est pas pareil.
q. 1 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod non est eadem ratio de omni impossibili: quia quaedam
sunt impossibilia per se, quaedam per respectum ad aliquam potentiam, ut supra
dictum est. Nec hoc quod dissimiliter se habent ad divinam potentiam, impedit
infinitatem divinae potentiae, vel obedientiam creaturae. # 5. Toute impossibilitй n'est pas identique; parce que certaines
choses sont impossibles en soi, certaines par rapport а une puissance, comme on
l'a dit ci-dessus. Et ce qui se comporte diffйremment vis-а-vis de la puissance
divine, n'entrave pas l'infinitй de sa puissance, ni l'obйdience de la
crйature.
q. 1 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus id quod iam verum est, non destruit; quia non facit
ut quod verum fuit, non fuerit; sed facit quod aliquod non sit verum, quod
alias verum esset. Sicut cum suscitat mortuum, facit quod non sit verum eum
esse mortuum, quod aliter verum esset. Vel aliter dicendum, quod non est
simile, quia ex hoc quod Deus non impleret promissum, sequeretur eum non esse
veracem: ex hoc autem quod aliquem suum effectum destruit, hoc non sequitur:
quia non ordinavit ut suus effectus perpetuo maneret, sicut ordinavit quod
promissum impleret. # 6. Dieu ne dйtruit pas ce qui est dйsormais vrai; parce qu'il ne fait
pas que ce qui a йtй vrai n'ait pas йtй; mais il fait que quelque chose ne soit
pas vrai, qui autrement serait vrai. Ainsi quand il ressuscite un mort, il fait
que ce ne soit pas vrai qu'il soit mort, ce qui autrement serait vrai. Ou bien
il faut dire autrement, ce qui n'est pas pareil; parce que du fait que Dieu
n'accomplirait pas ce qu'il a promis, il en dйcoulerait qu'il n'est pas
vйridique; mais cela ne dйcoule pas du fait qu'il dйtruit un de ses effets,
parce qu'il n'a pas disposй son effet pour demeurer toujours, de mкme qu'il a
disposй qu'il accomplirait sa promesse.
q. 1 a. 3 ad s. c. 7
Ad septimum dicendum, quod illa opposita, creatum et increatum, non fuerunt in
Christo secundum idem, sed secundum diversas naturas; unde non sequitur quod
Deus potest facere opposita inesse eidem secundum idem. # 7. Ces opposйs, le crйй et l'incrйй, ne furent pas dans le Christ
selon le mкme ordre, mais selon des natures diffйrentes. C'est pourquoi il n'en
dйcoule pas que Dieu peut faire que des opposйs soient dans le mкme кtre sous
un mкme rapport.
q. 1 a. 3 ad s. c. 8
Ad octavum dicendum, quod quando Christus intravit ianuis clausis, et duo
corpora fuerunt simul, non est aliquid factum contra geometriae principia. Nam ad duo puncta diversorum corporum ex una parte, non terminabatur una
linea, sed duae. Quamvis enim duae lineae mathematicae non sint distinguibiles
nisi secundum situm, ita quod intelligi non potest duas lineas tales simul esse;
tamen duae naturales distinguuntur in subiecto; ita quod, posito quod duo
corpora sint simul, sequitur quod duae lineae sint simul, et duo puncta, et
duae superficies. # 8. Quand le Christ est entrй, les portes йtant closes, deux corps
furent ensemble, ce n'est pas quelque chose de fait contre les principes de la
gйomйtrie. Car en deux points des corps diffйrents d'un cфtй se terminait une
ligne mais pas deux. Car, quoique deux lignes mathйmatiques ne puisent pas кtre
distinguйes, sinon par le lieu, de sorte qu'on ne peut pas comprendre que deux
lignes telles soient ensemble, cependant on distingue deux [lignes] naturelles
dans le sujet, de sorte que, une fois les deux corps placйs ensemble, il en
dйcoule que deux lignes sont ensemble, ainsi que deux points et deux surfaces.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia, q. 25, a. 4 –CG.
Il, 25 – I Sent. d42q2 – Qudl., V,
q. 2 a, l – Йth., VI, 1. 2.
[2]
Le texte en est donnй en Pot. 6, 1, obj. 1: "Dieu, le crйateur de toutes
les natures, ne peut rien faire contre la nature."
[3]
Il s'agit ici de logique en opposition а la rйalitй, les deux йtant considйrйes
comme parallиles.
[4]
L'impossible, le faux, c'est-а-dire le non кtre, sont inconnaissables. Seul
l'кtre est connaissable.
[5]
Cet argument est repris en Pot. 3, 15, obj. 12, а propos de la bontй de Dieu.
[6]
"Ce qui est impossible si Dieu n'a rien laissй sans ordre en son rиgne,
mais cela est limitй parce que n'importe quelle petite inconvenance est
impossible en Dieu." PL 158, 392 A.
[7]
Le syllogisme se trouve dйjа en I Sent. d42q2a2: A propos de l'impossible par
soi et l'impossible par accident; le premier est plus impossible que le second,
mais, Dieu ne peut pas faire le deuxiиme. Donc encore plus le premier. C'est un
argument contre Pierre Damien qui reconnaissait а Dieu le pouvoir de faire que
ce qui a existй n'ait jamais existй. De divina omnipotentia, PL. 145, 620.
[8]
C. Faustum, 26: "Celui qui dit: Dieu est tout puissant, qu'il fasse que ce
qui est fait ne le soit pas, ne voit-il pas qu'en disant cela, il fait que ce
qui est vrai par le fait mкme que cela est vrai, est faux."
[9]
"Cela seul manque а Dieu, de faire que ce qui a йtй n'existe pas."
[10]
Cf. Ia, qu. 25, a. 4, obj. 3. et I Sent. d42q2a3, obj. 3. On y lit: "Il
est clair... que donner une conception а une vierge est impossible par nature."
Problиmedйjа examinй par Pierre Damien. Quodl. V, qu. 2, Sed contra.
[11]
Contrairement aux habitudes, certains des Sed contra ne reprйsentent pas la
pensйe dйfinitive de Thomas. On verra plus loin les limites а ces affirmations
(Rйponses
aux arguments en sens contraire), qui peuvent paraоtre surprenantes au premier
abord. On peut supposer que Thomas avait de bonnes raisons pour prйsenter ces
objections, pour pouvoir en dйmontrer leur faussetй.
[12]
Aucune parole, aucun "verbe". A propos de cette traduction, voir les Rйponses aux
arguments en sens contraire.
[13]
a. 2. Sa puissance est infinie.
[14]
C'est la liaison des deux propositions qui est mise en avant ici. Si Dieu peut
unir deux formes aussi йloignйes que la forme divine et la forme humaine, il
peut faire la mкme chose pour le blanc et le noir. Mais la solution: l'union
forme divine, forme humaine est diffйrente de ce qui est annoncй. Donc la
deuxiиme proposition: deux contraires ensemble n'est pas valable.
[15]
Apparemment, il faut compter la puissance pour deux: puissance active et
puissance passive.
[16]
En Ia/IIж, qu. 94, a. 2, on lit: "Ce qui est apprйhendй en premier (par
l'esprit), c'est l'йtant dont l'intellection est incluse dans tout ce qu'on
apprйhende. Et c'est pourquoi le premier principe indйmontrable est que
affirmer et nier en mкme temps est impossible, ce qui se fonde sur la nature de
l'йtant et du non йtant et tout le reste est fondй sur ce principe, comme il
est dit en Mйtaphysique IV." Cf.
I Sent. d42q2a3. c. § 1 Cf. Pot.1, 4. obj. 5, sol. 5. Cf. P.-C. Courtиs, L'кtre
et le non кtre, p. 134-135.
[17]
Mкme argument en Pot. 4, 1, sol. 20.
Article 4: Faut-il juger le possible et l'impossible selon les causes
infйrieures ou supйrieures?
q. 1 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum sit iudicandum aliquid possibile vel impossibile
secundum causas inferiores aut secundum causas superiores Et videtur quod secundum superiores. Il semble que ce soit selon les causes supйrieures: Objections [1]: q. 1 a. 4 arg. 1
Quia sicut dicit quaedam Glossa I Cor. I, 20: stultitia sapientium mundi fuit,
quia iudicaverunt possibile et impossibile secundum quod videbant in rerum
natura. Ergo non est iudicandum de possibili et impossibili secundum causas
inferiores, sed secundum superiores. 1. Comme le dit la glose (interlinйaire) а
propos de 1 Co. 1, 20: La sottise des sages de ce monde fut qu'ils jugиrent du
possible et de l'impossible selon ce qu'ils voyaient dans la nature. Donc on ne
doit pas en juger selon les causes infйrieures, mais selon les causes
supйrieures. q. 1 a. 4 arg. 2 Praeterea,
secundum philosophum, illud quod est primum in omni genere, est mensura omnium
quae sunt illius generis. Sed divina potentia est prima potentia. Ergo secundum
eam debet aliquid iudicari possibile et impossibile. 2. Selon le philosophe (Mйtaphysique X, 1, 1052 b 18[2])
ce qui est premier en tout genre est la mesure de tout ce qui appartient а ce
genre. Mais la puissance divine est la premiиre puissance. Donc c'est selon
elle qu'on doit juger du possible et de l'impossible[3]. q. 1 a. 4 arg. 3 Praeterea, quanto
causa magis influit in effectum, tanto secundum eam magis debet iudicium sumi. Sed causa prima magis influit in effectum quam causa secunda. Ergo
secundum causam primam magis debet iudicari de effectu. Effectus ergo iudicandi
sunt possibiles vel impossibiles secundum causas superiores. 3. Plus une cause a d'influence sur l'effet,
plus c'est sur elle qu'on doit baser son jugement. Mais la cause premiиre
influe plus sur l'effet que la cause seconde[4].
Donc c'est plus sur la cause premiиre qu'on doit juger de l'effet. Donc les
effets doivent кtre jugйs possibles ou impossibles selon les causes
supйrieures. q. 1 a. 4 arg. 4 Praeterea,
illuminare caecum est impossibile secundum causas inferiores; et tamen hoc est
possibile, cum quandoque fiat. Ergo non est iudicandum si aliquid impossibile
sit, secundum causas inferiores, sed secundum superiores. 4. Rendre la vue а un aveugle est impossible
par les causes infйrieures et cependant cela est possible puisque cela arrive
quelquefois. Donc il ne faut pas juger si quelque chose est impossible selon
les causes infйrieures mais selon les causes supйrieures. q. 1 a. 4 arg. 5 Praeterea, mundum
fore fuit possibile antequam mundus esset. Non autem fuit possibile secundum
causas inferiores. Ergo idem quod prius. 5. Que le monde existe a dы кtre possible
avant qu'il existe[5]. Mais il ne fut pas possible selon les
causes infйrieures. Donc de mкme que ci-dessus.
En sens contraire: q. 1 a. 4 s. c. 1
Sed contra. Secundum illam causam effectus debet iudicari possibilis a qua
recipit possibilitatem. Sed effectus recipit possibilitatem vel contingentiam,
aut etiam necessitatem, a causa proxima, non autem a remota; sicut meritum
recipit contingentiam a libero arbitrio, quod est causa proxima; non autem
necessitatem a praedestinatione divina, quae est causa remota. Ergo secundum causas inferiores, quae sunt proximae, debet iudicari
aliquid possibile vel impossibile. 1. L'effet doit кtre jugй possible selon la
cause dont il reзoit sa possibilitй. Mais l'effet reзoit sa possibilitй, sa
contingence ou mкme sa nйcessitй de la cause la plus proche, et non d'une cause
йloignйe; ainsi le mйrite reзoit sa contingence du libre arbitre qui est la
cause la plus proche; mais il ne reзoit pas sa nйcessitй de la prйdestination
divine qui est sa cause йloignйe. Donc c'est selon les causes infйrieures, qui
sont les plus proches, qu'on doit juger du possible ou de l'impossible. q. 1 a. 4 s. c. 2 Praeterea, quod
est possibile secundum causas inferiores, est etiam possibile secundum causas
superiores, et ita est possibile secundum omnem modum. Sed quod est possibile
secundum omnem modum, est possibile simpliciter. Ergo secundum causas
inferiores est aliquid iudicandum possibile simpliciter. 2. Ce qui est possible selon les causes
infйrieures est aussi possible selon les cause supйrieures, et ainsi c'est
possible de toute maniиre. Mais ce qui est possible de toute maniиre est
possible dans l'absolu. Donc il faut juger dans l'absolu du possible selon les
causes infйrieures. q. 1 a. 4 s. c. 3 Praeterea,
causae superiores sunt necessariae. Si ergo secundum eas essent iudicandi
effectus, omnes effectus erunt necessarii: quod est impossibile. 3. Les causes supйrieures sont nйcessaires.
Donc si les effets devaient кtre jugйs selon elles, tous les effets seraient
nйcessaires, ce qui est impossible. q. 1 a. 4 s. c. 4
Praeterea, Deo sunt omnia possibilia. Si ergo secundum ipsum possibile
et impossibile iudicetur, omnino nihil est impossibile: quod est inconveniens. 4. Tout est possible а Dieu. Si donc on juge
selon lui du possible ou de l'impossible, il n'y a absolument rien d'impossible;
ce qui ne convient pas. q. 1 a. 4 s. c. 5 Praeterea,
nominibus utendum est secundum quod plures loquuntur. Sed hoc modo homines
loquuntur, quod sint ita ordinatae, potentia, dispositio, necessitas et actus.
Haec autem inveniuntur in causis inferioribus non superioribus. Ergo non est iudicandum de possibilitate rerum secundum causas
superiores, sed secundum inferiores. 5. Il faut utiliser les noms que la plupart
des hommes emploient. Mais les hommes parlent de la puissance de maniиre que la
puissance, la disposition, la nйcessitй et l'acte soient ordonnйs de telle
sorte. Cela se trouve dans les causes infйrieures et non dans les causes
supйrieures. Donc il ne faut pas juger de la possibilitй selon les causes
supйrieures, mais selon les causes infйrieures.
Rйponse q. 1 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod iudicium de
possibili et impossibili potest considerari dupliciter: uno modo ex parte
iudicantium; alio modo ex parte eius de quo iudicatur. On peut juger du possible et de l'impossible de deux maniиres: d'abord du
cфtй de ceux qui jugent, d'autre part de cфtй de ce qui est jugй. Quantum ad primum, sciendum est, quod si sunt duae
scientiae, quarum una considerat causas altiores, et alia minus altas; iudicium
in utraque non eodem modo sumetur, sed secundum causas quas utraque considerat,
ut patet in medico et astrologo; quorum astrologus considerat causas supremas,
medicus autem causas proximas. Unde medicus dabit iudicium de sanitate vel
morte infirmi secundum causas proximas, id est virtutem naturae et virtutem
morbi; astrologus vero secundum causas remotas, scilicet secundum positionem
siderum. 1) Pour le premier cas, il faut savoir que s'il y a
deux sciences, dont l'une considиre les causes les plus hautes, et l'autre les
moins hautes, le jugement en l'une et l'autre n'est pas pris de la mкme
maniиre, mais selon les causes que chacune considиre, comme on le voit chez le
mйdecin et l'astronome[6]; ce dernier considиre
les causes suprкmes, mais le mйdecin les causes les plus proches. Donc le
mйdecin donnera son jugement sur la santй ou la mort du malade selon les causes
les plus proches, c'est-а-dire le pouvoir de la nature et celui de la maladie;
l'astronome jugera selon les causes йloignйes, c'est-а-dire selon la position
des astres. Eodem modo est in
proposito. Est enim duplex sapientia: scilicet mundana, quae dicitur
philosophia, quae considerat causas inferiores, scilicet causas causatas, et
secundum eas iudicat; et divina, quae dicitur theologia, quae considerat causas
superiores, id est divinas, secundum quas iudicat. Dicuntur autem superiores
causae, divina attributa, ut sapientia, bonitas, et voluntas divina, et
huiusmodi. Il en est de mкme pour notre sujet. Car la sagesse est
double: c'est-а-dire celle du monde, qu'on appelle philosophie, qui considиre
les causes infйrieures, c'est-а-dire les causes causйes[7],
et qui juge selon elles; et (la sagesse) divine qu'on appelle thйologie qui
considиre les causes supйrieures, c'est-а-dire divines, selon lesquelles elle
juge. On appelle causes supйrieures les attributs divins, comme la sagesse, la
bontй, et la volontй[8], etc. Sciendum tamen, quod ista quaestio frustra
movetur de affectibus qui non possunt esse nisi superiorum causarum, id est
quos solus Deus facere potest; illos enim non convenit dici possibiles vel
impossibiles secundum causas inferiores. Sed haec quaestio movetur de illis
effectibus qui sunt causarum inferiorum: hi enim effectus sunt inferiorum et
superiorum: sic enim potest in dubitationem verti. Similiter etiam ista
quaestio non habet locum in illis possibilibus et impossibilibus, quae non
dicuntur secundum aliquam potentiam, sed secundum se ipsa. Effectus autem
causarum secundarum, de quibus est quaestio, secundum iudicium theologi,
dicuntur possibiles et impossibiles secundum causas superiores; secundum autem
iudicium philosophi, dicuntur possibiles vel impossibiles secundum causas
inferiores. Cependant il faut savoir qu'on traite en vain cette
question pour les effets qui ne peuvent кtre que par des causes supйrieures,
c'est-а-dire celles que Dieu seul peut faire; car il ne convient pas de les
appeler possibles ou impossibles selon les causes infйrieures. Mais on traite
cette question pour ces effets qui viennent des causes infйrieures; ainsi, en
effet, elle peut кtre mise en doute. De la mкme maniиre cette question n'a pas
place dans ce genre de possible ou d'impossible, dont on ne parle pas selon une
puissance mais en soi. Les effets des causes secondes, dont il est question,
selon le jugement du thйologien, sont appelйes possibles et impossibles selon
les causes supйrieures; mais selon le jugement du philosophe, elles sont
appelйes possibles ou impossibles selon les causes infйrieures. Si autem consideretur istud iudicium
quantum ad naturam eius de quo iudicatur, sic patet quod effectus debent
iudicari possibiles secundum causas proximas, cum actio causarum remotarum,
secundum causas proximas determinetur, quas praecipue effectus imitantur: et
ideo secundum eas praecipue iudicium de effectibus sumitur. Et hoc patet etiam
per simile passiva. Nam materia non dicitur, proprie loquendo, in potentia ad
aliquid, quae est remota, sicut terra ad scyphum; sed quae est propinqua, uno
motore potens exire in actum, ut patet per philosophum, sicut aurum est
potentia scyphus sola arte educente in actum. Et similiter effectus, in quantum
est ex sui natura, non nisi propinquis causis possibiles vel impossibiles
dicuntur. 2) Mais si on considиre ce jugement quant а la nature
de ce dont on le juge, il est clair ainsi que les effets doivent кtre jugйs
possibles selon les causes les plus proches, puisque l'action des causes
йloignйes est limitйe par les causes les plus proches, que les effets imitent
surtout et c'est pourquoi c'est а partir de ces effets qu'on tire surtout le
jugement. Et il apparaоt que c'est la mкme chose pour la puissance passive. Car
on ne dit pas, а proprement parler, que la matiиre est en puissance а quelque
chose, si elle en est йloignйe comme l'argile pour une coupe, mais elle l'est
pour celle qui est proche, qui peut par un moteur passer en acte[9]
, comme on le voit chez le philosophe (Mйtaphysique IX, 1, 1046 a 12[10]).
Ainsi l'or est une coupe en puissance par le seul art qui la conduit а l'acte.
Et de mкme les effets, autant qu'il en est de leur nature, ne sont appelйs
possibles ou impossibles que par les causes proches. Solutions: q. 1 a. 4 ad 1 Ad
primum dicendum, quod sapientes mundi propter hoc stulti vocantur, quia quae
secundum causas inferiores sunt impossibilia simpliciter et absolute
impossibilia iudicabant, etiam Deo. # 1. Les sages de ce monde sont appelйs des
sots, parce qu'ils jugeaient simplement et absolument impossible mкme pour Dieu
ce qui йtait impossible selon les causes infйrieures. q. 1 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod comparatio possibilis ad
potentiam, non est sicut mensurati ad mensuram, sed sicut obiecti ad potentiam.
Contingit tamen divinam potentiam omnium potentiarum esse mensuram. 2. La comparaison du possible а la puissance
n'est pas comme celle du mesurйe а la mesure, mais comme celle de l'objet а la
puissance. Cependant il arrive que la puissance divine soit la mesure de toutes
les puissances[11]. q. 1 a. 4 ad 3 Ad tertium
dicendum, quod licet causa prima maxime influat in effectum, tamen eius
influentia per causam proximam determinatur et specificatur; et ideo eius
similitudinem imitatur effectus. # 3. Bien que la cause premiиre soit celle
qui influe le plus sur l'effet, cependant son influence est dйterminйe et
spйcifiйe par la cause la plus proche; et c'est pourquoi l'effet est а sa
ressemblance. q. 1 a. 4 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod quamvis illuminare caecum sit Deo possibile, non tamen potest
dici omnino possibile. # 4. Quoique rendre la vue а l'aveugle soit
possible а Dieu, on ne peut cependant le dire comme tout а fait possible[12]. q. 1 a. 4 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod mundum fore, fuit possibile respectu causarum superiorum: unde
hoc non pertinet ad quaestionem praesentem. Et propterea istud dictum: mundum
fore, est possibile non solum secundum divinam potentiam activam, sed secundum
se ipsum, quia termini non sunt discohaerentes. # 5. Il faut dire que le monde а venir a йtй
possible par rapport aux causes supйrieures: c'est pourquoi cela ne concerne
pas la prйsente question. Et а cause de cela, cette parole: le monde а venir
est possible non seulement selon la puissance divine active, mais en soi, parce
que les termes ne sont pas contradictoires.
Rйponses aux
arguments contraires q. 1 a. 4 ad s. c. 1 Ad primum
quod in contrarium obiicitur, dicendum, quod ratio illa procedit quantum ad
naturam effectus de quo iudicatur. ## 1. Cette raison procиde de la nature de l'effet sur
lequel porte le jugement. q. 1 a. 4 ad s. c. 2
Ad secundum dicendum, quod licet illud quod est possibile secundum causas
inferiores, sit etiam possibile secundum superiores, non tamen est ita de impossibili,
immo magis e contrario; unde non sequitur quod iudicium debeat sumi universale
sive universaliter secundum causas inferiores de possibili et impossibili. ## 2. Bien que ce qui est possible, selon les
causes infйrieures, soit aussi possible selon les causes supйrieures, cependant
il n'en est pas de mкme pour l'impossible, bien au contraire. C'est pourquoi il
n'en dйcoule pas que le jugement doit кtre pris comme universel ou
universellement selon les causes infйrieures au sujet du possible et de
l'impossible. q. 1 a. 4 ad s. c. 3 Ad tertium
dicendum, quod non iudicantur aliqua impossibilia vel possibilia secundum
aliquas causas, quia sint similes illis causis in possibilitate vel in
impossibilitate, sed quia causis illis sunt possibiles vel impossibiles. ## 3. Le possible et l'impossible ne sont pas
jugйs selon des causes, parce qu'ils leur seraient semblables en possibilitй et
impossibilitй, mais parce qu'ils sont possibles ou impossibles par ces causes. q. 1 a. 4 ad s. c. 4 Ad quartum
dicendum, quod secundum considerationem theologi, omnia illa quae non sunt in
se impossibilia, possibilia dicuntur, secundum illud, Marc. IX, 22: omnia
possibilia sunt credenti; et: non est impossibile apud Deum omne verbum: Luc.
I, 37. ## 4. Selon la considйration du thйologien,
tout ce qui n'est pas en soi impossible est appelй possible, selon ce mot de Mc
(9, 22): "Tout est possible а celui qui croit" et "Aucune parole
n'est impossible а Dieu" (Lc 1, 37). q. 1 a. 4 ad s. c. 5 Ad quintum
dicendum, quod licet omnia illa in causis superioribus non inveniantur, tamen
causis superioribus sunt subiecta; et propterea obiectio illa procedit passiva,
non de activa de qua nunc loquimur. # 5. Bien qu'on ne trouve pas tout cela[13] dans les causes supйrieures, cependant cela est soumis а
des causes supйrieures et c'est pourquoi cette objection procиde de la
puissance passive et non de la puissance active dont nous parlons maintenant.
[1] Parall.: I Sent. d42q2a3 –Ia, 25,
a.3, ad 4. [2] L'essence
de l'Un..."enfin et surtout, c'est кtre la mesure premiиre de chaque
genre." Cf. Thomas, lectio 2, n° 1938. [3] Selon cet argument, la puissance divine serait la mesure
de la possibilitй. Cf. G Stolarski, La possibilitй et l'кtre, p. 99. [4] C'est
la proposition I du De causis. [5] Cela sera repris en Pot. qu. 3, a. 3 qui traite de la
crйation. Les causes infйrieures ne jouent pas puisque la crйation se fait а
partir du nйant. La solution ajoute cependant une condition supplйmentaire. [6] "Les
astronomes (astrologus ou astrologues) peuvent prйdire l'avenir en gйnйral mais
pas dans les cas particuliers." (Ia, qu. 115, a. 4, ad 3) (Ils prйvoient
ce qui concerne l'astronomie, et pour le reste, les hommes peuvent rйsister а
l'influence des astres). [7] Ou causes secondes. [8] Parce
que c'est sa sagesse et sa bontй qui incitent Dieu а crйer et il le fait selon
sa volontй. [9] Cf. I Sent. d42q2a3,
c. [10] "...la
puissance passive c'est-а-dire dans l'кtre passif le principe du changement qui
est susceptible de subir par l'action d'un autre кtre, ou de lui-mкme en tant
qu'autre." (Cf. Thomas, lectio 1, n° 1773 ss.) [11] "La puissance divine ne peut pas кtre la mesure des
objets des autres puissances, parce que c'est l'objet de la puissance qui est
appelй possible selon cette puissance. L'objet de la puissance est mesurй par
elle-mкme, et jamais par l'autre puissance, mкme la puissance divine".
Stolarski, p. 100 § 1. [12] Cf.
Pot. qu. 6, a. 1. [13] C'est-а-dire puissance, disposition, nйcessitй (voir Sed
contra).
Article 5: Dieu peut-il faire ce qu'il ne fait pas et abandonner ce
qu'il fait?
q. 1 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum Deus possit facere quae non facit et dimittere quae
facit. Et videtur quod non.
Il semble que non.`
Objections[1]. q. 1 a. 5 arg. 1
Deus non potest facere nisi quod praescit se facturum. Sed non praescit se
facturum nisi quod facit. Ergo Deus non potest facere nisi quod facit. 1. Dieu ne peut faire que ce qu'il prйvoit de faire. Mais il ne prйvoit
de faire que ce qu'il fait. Donc Dieu ne peut faire que ce qu'il fait .
q. 1 a. 5 arg. 2 Sed
dicit respondens, quod ratio ista procedit de potentia in ordine ad
praescientiam, non de potentia absoluta.- Sed contra, immobiliora sunt divina
humanis. Sed apud nos quae fuerunt, non possunt non fuisse. Ergo multo minus
quae Deus praescivit, non potest non praescivisse. Sed praescientia manente,
non potest alia facere. Ergo Deus, absolute loquendo, non potest alia facere
quam quae facit. 2. Mais, dit celui qui rйpond: cette raison procиde de la puissance en
rapport avec la prescience, mais pas de puissance absolue. – En sens contraire,
le divin est plus immuable que l'humain. Mais pour nous ce qui a йtй ne peut
pas ne pas avoir йtй. Donc encore beaucoup moins ce que Dieu a prйvu, il ne
peut pas ne pas l'avoir prйvu. Mais si la prescience demeure, il ne peut pas
faire autre chose. Donc Dieu, absolument parlant, ne peut faire autre chose que
ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 3
Praeterea, sicut divina natura est immutabilis, ita et divina sapientia. Sed
ponentes Deum agere ex necessitate naturae ponebant eum non posse alia quam
quae fecit. Ergo similiter et nos debemus ponere, qui dicimus Deum agere
secundum ordinem sapientiae. 3. La nature de Dieu est immuable, sa sagesse aussi. Mais ceux[2] qui
pensaient que Dieu agissait par nйcessitй de nature pensaient qu'il ne peut
faire autre chose que ce qu'il a fait. Donc, de la mкme faзon, nous devons
aussi le penser, nous qui disons que Dieu agit selon l'ordre de sa sagesse[3].
q. 1 a. 5 arg. 4 Sed
dicet respondens, quod ratio ista procedit de potentia regulata per sapientiam,
non de potentia absoluta. - Sed contra, illud quod non potest fieri secundum
ordinem sapientiae absolute homini Christo impossibile dicitur; quamvis illud
potuerit absoluta. Dicitur enim Ioan. VIII, 55: si dixero quod non novi eum,
ero similis vobis mendax. Poterat enim Christus haec verba pronuntiare; sed
quia contra ordinem sapientiae erat, dicitur absolute, quod Christus non
potuerit mentiri. Ergo multo amplius quod non est secundum ordinem sapientiae,
absolute loquendo, Deus non potest. 4. Mais dira celui qui nous rйpond: cette raison procиde de la
puissance ordonnйe par la sagesse, non de la puissance absolue. – En sens
contraire, on dit que ce qui ne peut pas кtre fait selon l'ordre de la sagesse
est absolument impossible pour le Christ en tant qu'homme, bien qu'il l'aurait
pu en puissance absolue. Car il est dit en Jn (8, 55): "Si je vous avais
dit que je ne le connais pas, je serais menteur, comme vous". Le Christ
pouvait, en effet, prononcer ces paroles; mais parce que c'йtait contre l'ordre
de la sagesse, on dit de faзon absolue qu'il n'a pas pu mentir. Donc beaucoup
plus, Dieu ne peut pas, absolument parlant, ce qui n'est pas selon l'ordre de
la sagesse.
q. 1 a. 5 arg. 5
Praeterea, in Deo duo contradictoria simul esse non possunt. Sed absolutum et
regulatum contradictionem implicant; nam absolutum est quod secundum se
consideratur; illud vero quod regulatur, ordinem ad aliud habet. Ergo in Deo non debet poni potentia absoluta et regulata. 5. Deux contradictoires ne peuvent exister en Dieu en mкme temps. Mais
l'absolu et l'ordonnй impliquent contradiction, car l'absolu est ce qui est
considйrй en soi, mais ce qui est ordonnй a rapport а un autre. Donc en Dieu on
ne doit pas poser une puissance absolue et une puissance ordonnйe.
q. 1
a. 5 arg. 6 Praeterea, potentia et sapientia Dei sunt aequales. Una ergo aliam
non excedit; potentia ergo absque sapientia esse non potest; et ita potentia
divina semper est sapientia regulata. 6. La puissance et la sagesse de Dieu sont йgales. Donc l'une n'excиde
pas l'autre; donc la puissance ne peut exister sans la sagesse et ainsi la
puissance divine est toujours ordonnйe а la sagesse.
q. 1 a. 5 arg. 7
Praeterea, quod Deus fecit, est iustum. Sed non potest facere nisi iustum. Ergo
non potest facere nisi quod fecit vel faciet. 7. Ce que Dieu a fait est juste. Mais il ne peut faire que ce qui est
juste. Donc il ne peut faire que ce qu'il a fait ou fera.
q. 1 a. 5 arg. 8
Praeterea, bonitatis divinae est ut non solum se communicet, sed ordinatissime
se communicet. Sic ergo ea quae
fiunt a Deo, ordinate fiunt. Sed praeter ordinem Deus facere non potest. Ergo non
potest facere alia quam quae fecit. 8. Le propre de la bontй divine est non seulement de se communiquer,
mais de le faire avec beaucoup d'ordre. Ainsi donc ce qui est fait par Dieu est
fait de maniиre ordonnйe. Mais il ne peut pas le faire contre l'ordre. Donc il
ne peut faire autre chose que ce qu'il a fait.
q. 1 a. 5 arg. 9 Praeterea, Deus non potest
facere nisi quod vult; quia in agentibus per voluntatem potentia sequitur
voluntatem, velut imperantem. Sed non vult nisi quae facit. Ergo
non potest facere nisi quod facit. 9. Dieu ne peut faire que ce qu'il veut, parce que, pour celui qui agit
par volontй, la puissance suit la volontй, en tant qu'elle gouverne. Mais il ne
veut que ce qu'il fait. Donc il ne peut faire que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 10
Praeterea, Deus, cum sit sapientissimus operator, nihil agit sine ratione.
Rationes autem quibus Deus agit, Dionysius dicit esse productivas existentium;
existentia autem sunt quae sunt; et sic Deus rationes non habet nisi eorum quae
sunt. Ergo non potest facere nisi ea quae facit. 10. Puisque Dieu est un "ouvrier" suprкmement sage, il ne
fait rien sans raison. Denys (Les noms
divins, 5) dit que les raisons[4] pour lesquelles Dieu agit, produisent ce
qui existe; mais ce qui existe est ce qui est, et ainsi Dieu n'a de raisons que
de ce qui est. Donc il ne peut faire que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 11
Praeterea, secundum philosophos, res naturales sunt in primo motore, qui Deus
est, sicut artificiata in artifice; et sic Deus operatur tamquam artifex. Sed
artifex non operatur sine forma vel idea sui operis; domus enim quae est in
materia, est a domo quae est in mente artificis, secundum philosophum. Sed Deus
non habet ideas nisi eorum quae fecit, vel facit, vel facturus est. Ergo
praeter hoc Deus nihil agere potest. 11. Selon les philosophes, les кtres naturels sont dans le premier
moteur qui est Dieu, comme les oeuvres dans [l'esprit de] l'artisan et ainsi
Dieu opиre comme un artisan. Mais l'artisan n'opиre pas sans forme ni idйe de
son oeuvre; car la maison qui est dans la matiиre tire son origine de la maison
qui est dans l'esprit de l'artisan, selon le Philosophe (La gйnйration des animaux, II, 1). Mais Dieu n'a d'idйes que de ce
qu'il a fait, de ce qu'il fait ou fera. Donc, en dehors de cela, Dieu ne peut
rien faire.
q. 1 a. 5 arg. 12
Praeterea, Augustinus in Lib. de symbolo dicit: hoc solum Deus non potest nisi
quod non vult. Sed non vult nisi quae fecit. Ergo non potest nisi quae facit. 12. Augustin dans Le symbole, dit: "Dieu ne peut pas que ce qu'il
ne veut pas". Mais il ne veut que ce qu'il a fait. Donc il ne peut faire que
ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 13
Praeterea, Deus mutari non potest. Ergo non se habet ad utrumlibet contrariorum;
et sic sua potentia est determinata ad unum. Ergo non potest facere nisi quae
facit. 13. Dieu ne peut pas subir de changement. Donc il n'a а faire а aucun
de deux contraires; et ainsi sa puissance est limitйe а un seul objet. Donc il
ne peut faire que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 arg. 14
Praeterea, quidquid Deus facit aut dimittit, facit aut dimittit optima ratione.
Sed Deus non potest facere aliquid aut dimittere nisi optima ratione. Ergo non
potest facere nec dimittere, nisi quod facit aut dimittit. 14. Tout ce que Dieu fait ou omet, il le fait ou l'omet pour la
meilleure raison. Mais Dieu ne peut le faire ou l'omettre que pour la meilleure
raison. Donc il ne peut faire ni abandonner que ce qu'il fait ou abandonne.
q. 1 a. 5 arg. 15 Praeterea, optimi est optima
adducere, secundum Platonem, et sic Deus, cum sit optimus, optimum facit. Sed
optimum cum sit superlativum, uno modo est. Ergo Deus non potest facere alio modo vel alia quam quae fecit. 15. C'est au meilleur d'кtre cause du meilleur selon Platon[5], et
ainsi comme Dieu est le meilleur, il fait le meilleur. Mais comme le meilleur
est un superlatif, il n'existe que d'une seule maniиre. Donc Dieu ne peut pas
faire d'autre maniиre ou d'autre choses que ce qu'il a fait.
En sens contraire. q. 1 a. 5 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicit Christus Deus et homo: Matth. XXVI, 53: an non
possum rogare patrem? Poterat ergo Christus aliquid quod non faciebat. 1. Il y a ce que dit le Christ, Dieu et homme: (Mt. 26, 53): "Ne
puis-je pas prier mon Pиre?" Donc le Christ pouvait faire ce qu'il ne
faisait pas.
q. 1 a. 5 s. c. 2
Praeterea, Ephes. III, 20, dicitur: ei qui potest omnia facere superabundanter
quam intelligimus aut petimus. Non tamen omnia
facit. Ergo potest alia facere quam quae facit. 2. En Ep. 3, 20, il est dit: "A celui qui peut tout faire bien
au-delа de ce que nous pensons et demandons". C'est donc qu'il ne fait pas
tout. Donc il peut faire d'autres choses que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 s. c. 3
Praeterea, potentia Dei est infinita. Hoc autem non esset si determinaretur ad
ea tantum quae facit: ergo potest alia facere quam quae facit. 3. La puissance de Dieu est infinie. Mais cela ne serait pas si elle
йtait dйterminйe seulement а ce qu'il fait; donc il peut faire autre chose que
ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 s. c. 4
Praeterea, Hugo de sancto Victore dicit, quod omnipotentiae Dei non adaequatur
opus. Ergo potentia excedit opus: et ita plura potest facere quam quae facit. 4. Hugues de Saint Victor dit que l'oeuvre de Dieu n'йgale pas sa
toute-puissance. Donc sa puissance excиde son oeuvre et ainsi il peut faire
plus que ce qu'il fait.
q. 1 a. 5 s. c. 5
Praeterea, potentia Dei est actus non finitus, quia non per aliquid finitur.
Hoc autem non esset, si limitaretur ad ea quae facit. Ergo idem quod prius. 5. La puissance de Dieu est un acte infini, parce qu'elle n'est limitйe
par rien. Cela ne serait pas, si elle se limitait а ce qu'il fait. Donc de mкme
que ci-dessus.
Rйponse. q. 1 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum quod hic error, scilicet Deum non posse facere nisi quae
facit, duorum fuit: Cette erreur, que Dieu ne peut faire que ce qu'il fait, vient de deux
opinions:
primo fuit quorumdam philosophorum dicentium Deum agere ex
necessitate naturae. Quod si esset, cum natura sit determinata ad unum, divina
potentia ad alia agenda se extendere non posset quam ad ea quae facit. 1. D'abord elle fut celle de certains philosophes[6] qui disaient que
Dieu agit par nйcessitй de nature. Si c'йtait vrai, comme sa nature serait
limitйe а un seul objet, la puissance divine ne pourrait parvenir а faire
d'autres choses, que ce qu'il fait.
Secundo fuit quorumdam theologorum considerantium ordinem
divinae iustitiae et sapientiae, secundum quem res fiunt a Deo, quem Deum
praeterire non posse dicebant; et incidebant in hoc, ut dicerent, quod Deus non
potest facere nisi quae facit. Et imponitur hic error magistro Petro Almalareo.
2. Ensuite, elle fut celle de certains thйologiens qui, considйrant
l'ordre de sa justice et de sa sagesse selon laquelle les choses sont faites
par Dieu, disaient qu'il ne pouvait passer outre, et ils en arrivaient а dire
qu'il ne peut faire que ce qu'il fait. Et on attribue cette erreur au maоtre
Pierre Abйlard[7].
Harum ergo positionum veritatem inquiramus, vel falsitatem;
et primo primae. Quod enim Deus non agat ex necessitate naturae planum est
videre. Omne enim agens agit propter finem, quia omnia optant bonum. Actio
autem agentis, ad hoc quod sit conveniens fini, oportet quod ei adaptetur et
proportionetur quod non potest fieri nisi ab aliquo intellectu, qui finem et
rationem finis cognoscat, et proportionem finis ad id quod est ad finem; aliter
convenientia actionis ad finem casualis esset. Sed intellectus praeordinans in
finem, quandoque quidem est coniunctus agenti vel moventi, ut homo in sua
actione; quandoque separatus, ut patet in sagitta, quae ad determinatum finem
tendit, non per intellectum sibi coniunctum, sed per intellectum hominis ipsam
dirigentem. Impossibile est autem, id quod agit ex naturae necessitate, sibi
ipsi determinare finem: quia quod est tale, est ex se agens; et quod est agens
vel motum ex se ipso, in ipso est agere vel non agere, moveri vel non moveri,
ut dicitur VIII Physic., et hoc non potest competere ei quod ex necessitate
movetur, cum sit determinatum ad unum. A) Cherchons donc la vйritй ou la faussetй de ces positions et d'abord
de la premiиre. Il est aisй de voir que Dieu n'agit pas par nйcessitй de
nature. Car tout agent agit en vue d'une fin, parce que tout aspire au bien.
L'action de l'agent du fait qu'elle s'accorde а une fin, doit lui кtre adaptйe
et proportionnйe, ce qui ne peut se faire que par un esprit qui connaоt la fin,
sa nature et son rapport avec la fin qui la concerne; autrement la conformitй
de l'action а sa fin serait fortuite. Mais l'esprit qui prй-ordonne а une fin,
quelquefois est joint а l'agent ou au moteur, comme l'homme dans son action;
quelquefois il en est sйparй, comme cela apparaоt dans la flиche qui tend а un
but dйterminй, non par un esprit qui lui est ajoutй, mais par celui de l'homme
qui la dirige. Il est impossible que ce qui agit par nйcessitй de nature,
dйtermine une fin pour soi, parce que ce qui est tel est agent par soi, et ce
qui est agent ou mы par soi agit ou pas, se meut ou pas, comme il est dit en Physique (VIII), et cela ne peut
convenir а ce qui est mы par nйcessitй, puisqu'il est limitй а un seul objet.
Unde oportet quod omni ei quod agit ex necessitate naturae,
determinetur finis ab aliquo quod sit intelligens. Propter quod dicitur a
philosophis, quod opus naturae est opus intelligentiae. Unde si aliquando
aliquod corpus naturale adiungitur alicui intellectui, sicut in homine patet,
quantum ad illas actiones quibus intellectus illius finem determinat, obedit
natura voluntati, sicut ex motu locali hominis patet: quantum vero ad illas
actiones in quibus ei finem non determinat, non obedit, sicut in actu
nutrimenti et augmenti. Ex his ergo colligitur quod id quod ex necessitate
natura agit, impossibile est esse principium agens, cum determinetur sibi finis
ab alio. Et sic patet quod impossibile est Deum agere ex necessitate naturae;
et ita radix primae positionis falsa est.
C'est pourquoi il faut que, pour tout ce qui agit par nйcessitй de
nature, la fin soit programmйe par un кtre intelligent. En raison de quoi les
philosophes disent que l'oeuvre de la nature est l'oeuvre d'une intelligence.
C'est pourquoi, si quelquefois un corps naturel est uni а un esprit, comme on
le voit dans l'homme, pour ces actions pour lesquelles son esprit dйtermine une
fin, la nature obйit а la volontй, comme cela apparaоt dans ses dйplacements:
mais pour les actions pour lesquelles il ne dйtermine pas de fin, elle n'obйit
pas, comme pour la nourriture ou la croissance. Par lа on comprend que pour ce
que fait la nature par nйcessitй il est impossible que ce soit un principe
agent puisque sa fin est dйterminйe par un autre. Donc il est clair qu'il est
impossible que Dieu agisse par nйcessitй de nature; ainsi le fondement de la
premiиre proposition est fausse.
Sic autem restat investigare de secunda positione. Circa
quod sciendum est, quod dupliciter dicitur aliquis non posse aliquid.
Uno modo absolute; quando scilicet aliquid principiorum,
quod sit necessariam actioni, ad actionem illam non se extendit; ut si pes sit
confractus, homo non potest ambulare. Il reste а faire des recherches sur la seconde proposition: а ce sujet
il faut savoir qu'on dit que quelqu'un ne peut pas quelque chose de deux maniиres:
a) L'une, de maniиre absolue, quand par exemple un des principes, qui
serait nйcessaire pour l'action, ne s'йtend pas jusqu'а lа; ainsi avec un pied
cassй, l'homme ne peut pas marcher.
Alio modo ex suppositione; posito enim opposito alicuius actionis,
actio fieri non potest; non enim possum ambulare dum sedeo. Cum autem Deus sit
agens per voluntatem et intellectum, ut probatum est, oportet in ipso tria
actionis principia considerare; et primo intellectum, secundo voluntatem,
tertio potentiam naturae. Intellectus ergo voluntatem dirigit, voluntas vero
potentiae imperat quae exequitur. Sed intellectus non movet nisi in quantum
proponit voluntati suum appetibile; unde totum movere intellectum est in
voluntate.
b) L'autre par hypothиse, car si on йtablit ce qui s'oppose а l'action,
celle-ci ne peut кtre accomplie; en effet, je ne peux pas marcher tant que je
suis assis. Comme Dieu est un agent par volontй et esprit, comme on l'a prouvй,
il faut considйrer en lui trois principes d'action; l'intellect, la volontй, et
la puissance de sa nature. Donc l'esprit dirige la volontй, et la volontй
commande а la puissance qui l'exйcute. Mais l'esprit ne met en mouvement que
dans la mesure oщ il propose а la volontй ce qui est dйsirable pour elle; donc
mouvoir tout l'esprit dйpend de la volontй.
Sed dupliciter dicitur Deum absolute non posse aliquid. Mais on dit que Dieu ne peut absolument pas quelque chose de deux
maniиres:
Uno modo quando potentia Dei non se extendit in illud: sicut
dicimus quod Deus non potest facere quod affirmatio et negatio sint simul vera,
ut ex supra dictis patet. Sic autem non potest dici quod Deus non potest facere
nisi quod facit; constat enim quod potentia Dei ad multa alia potest se
extendere.
a) D'une premiиre maniиre quand sa puissance ne vas pas jusqu'а lа;
ainsi nous disons qu'il ne peut pas faire que l'affirmation et la nйgation
soient vraies en mкme temps, comme c'est clair d'aprиs de ce qu'on a dit plus
haut. Mais on ne peut pas dire que Dieu ne peut faire que ce qu'il fait; car il
est clair que sa puissance peut s'йtendre а beaucoup d'autres effets.
Alio modo quando voluntas Dei ad illud se
extendere non potest. Oportet enim quod quaelibet voluntas habeat aliquem finem
quem naturaliter velit, et cuius contrarium velle non possit; sicut homo
naturaliter et de necessitate vult beatitudinem, et miseriam velle non potest.
Cum hoc autem quod voluntas velit necessario finem suum naturalem, vult etiam
de necessitate ea sine quibus finem habere non potest, si hoc cognoscat; et haec
sunt quae sunt commensurata fini; sicut si volo vitam, volo cibum. Ea vero sine quibus finis haberi
potest, quae non sunt fini commensurata; non de necessitate vult.
b) D'une autre maniиre, quand la volontй de Dieu ne peut pas s'йtendre
jusqu'а lа. Car il faut que n'importe quelle volontй ait une fin qu'elle veut
naturellement, et qu'elle ne puisse pas vouloir le contraire; ainsi l'homme
naturellement et par nйcessitй veut son bonheur et il ne peut pas vouloir le
malheur. Mais comme la volontй veut nйcessairement sa fin naturelle, elle veut
aussi par nйcessitй ce sans quoi elle ne peut obtenir cette fin, si elle la
connaоt; et c'est ce qui est proportionnй а la fin; ainsi si on veut la vie, on
veut la nourriture. Mais ce sans quoi on ne peut atteindre la fin qui n'est pas
proportionnй а cette fin, elle ne le veut pas par nйcessitй.
Finis ergo naturalis divinae voluntatis est eius bonitas,
quam non velle non potest. Sed fini huic non commensurantur creaturae, ita quod
sine his divina bonitas manifestari non possit; quod Deus intendit ex
creaturis. Sicut enim manifestatur divina bonitas per has res quae nunc sunt et
per hunc rerum ordinem, ita potest manifestari per alias creaturas et alio modo
ordinatas: et ideo divina voluntas absque praeiudicio bonitatis, iustitiae et
sapientiae, potest se extendere in alia quam quae facit. Et in hoc fuerunt
decepti errantes: aestimaverunt enim ordinem creaturarum esse quasi
commensuratum divinae bonitati quasi absque eo esse non posset.
Donc la fin naturelle de la volontй de Dieu est sa bontй, qu'il ne peut
pas ne pas vouloir. Mais les crйatures ne sont pas proportionnйes а cette fin,
de sorte que la bontй divine ne puisse pas manifester sans elles ce que Dieu
atteint par elles. Car, de mкme que la bontй divine se manifeste par ce qui est
maintenant et par cet ordre des choses, de mкme elle peut se manifester par
d'autres crйatures, ordonnйes autrement; et c'est pourquoi la volontй divine,
sans prйjudice de sa bontй, de sa justice et de sa sagesse, peut s'йtendre а
d'autres choses que ce qu'il fait. Et c'est en cela que ceux qui sont dans
l'erreur se sont trompйs: car ils ont pensй que l'ordre des crйatures йtait
proportionnй а la bontй divine comme si, sans lui, cet ordre ne pouvait pas
exister.
Patet ergo quod absolute Deus potest facere
alia quam quae fecit. Sed quia ipse non potest facere quod contradictoria sint
simul vera, ex suppositione potest dici, quod Deus non potest alia facere quam
quae fecit: supposito enim quod ipse non velit alia facere, vel quod praesciverit
se non alia facturum, non potest alia facere, ut intelligatur composite, non
divisim.
Il est donc clair que Dieu peut absolument faire d'autres choses que ce
qu'il fait. Mais, parce qu'il ne peut pas faire que les contradictoires soient
vrais en mкme temps, on peut dire par hypothиse que Dieu ne peut pas faire
autre chose que ce qu'il a fait: car supposй que lui-mкme ne veuille pas faire
autre chose ou qu'il ait prйvu qu'il ne ferait rien d'autre, il ne peut pas
faire autre chose, pour qu'on le comprenne avec ordre et non sйparйment.
Solutions q. 1 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod haec locutio, Deus non potest facere nisi quod
praescit se facturum, est duplex: quia exceptio potest referri ad potentiam
quae importatur per ly potest, vel ad actum, qui importatur per ly facere. Si
primo modo, tunc locutio est falsa. Plura enim potest facere quam praesciat se
facturum; et in hoc sensu ratio procedebat. Si autem secundo modo, sic locutio
est vera; et est sensus, quod non potest esse quod aliquid fiat a Deo, et non
sit a Deo praescitum. Sed hic sensus non est ad propositum. # 1. Cette proposition: "Dieu ne peut faire que ce qu'il prйvoit
de faire", a deux sens. La restriction peut porter sur la puissance
dйsignйe par potest (peut), ou sur l'acte dйsignй par facere (faire[8]). Selon
le premier sens la proposition est fausse. Car il peut faire plus qu'il ne
prйvoit de faire; et c'est en ce sens que l'objection йtait avancйe. Si c'est
l'autre sens, la proposition est vraie, et le sens est qu'il n'est pas possible
que quelque chose soit fait par Dieu sans qu'il l'ait prйvu. Mais ce sens ne
convient pas а notre propos.
q. 1 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in Deo non cadit praeteritum et futurum; sed quidquid
est in eo, est totum in praesenti aeternitatis. Nec praeteritum vel futurum in
eo verbum significatur, nisi per respectum ad nos; unde non habet hic locum
obiectio de necessitate praeteriti. Nihilominus dicendum est, quod obiectio non
est ad propositum: quia praescientia non commensuratur potentiae faciendi, de
qua est quaestio; sed solum divinae actioni, ut dictum est. # 2. En Dieu, il n'y a ni passй ni futur, mais tout ce qui est en lui
est tout entier dans un prйsent d'йternitй. Le mot de passй et de futur n'a de
sens en lui que par rapport а nous. C'est pourquoi l'objection sur la nйcessitй
du passй n'a pas d'objet ici. Cependant il faut dire que l'objection est hors
sujet: parce que la prescience n'est pas proportionnйe а la puissance d'agir
dont il est question; mais seulement а l'action divine, comme on l'a dit.
q. 1 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod illi qui dicebant Deum agere ex necessitate naturae,
ponebant positionem de qua agitur, non solum ratione immutabilitatis naturae,
sed ratione determinationis naturae ad unum. Sapientia autem divina non est
determinata ad unum, sed se habet ad multa scienda; unde non est simile. # 3. Ceux qui disaient que Dieu agit par nйcessitй de nature, prenaient
cette position, non seulement en raison de l'immutabilitй de sa nature[9], mais
de sa dйtermination а un seul objet. La sagesse de Dieu n'est pas limitйe а un
seul objet mais elle est pour connaоtre beaucoup de choses. C'est pourquoi ce
n'est pas pareil.
q. 1 a. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Christus non poterat velle dicere illa verba absolute,
quae mendacium important, sine praeiudicio suae bonitatis. Sic autem non est in
proposito, ut ex dictis patet; et ideo non sequitur. # 4. Le Christ ne pouvait pas, dans l'absolu, vouloir dire ces paroles,
qui apportent un mensonge, sans prйjudice pour sa bontй. Mais ce n'est pas
notre sujet, comme on le voit par ce qui a йtй dit, et c'est pourquoi cela ne
vaut pas.
q. 1 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod absolutum et regulatum non attribuuntur divinae
potentiae nisi ex nostra consideratione: quae potentiae Dei in se consideratae,
quae absoluta dicitur, aliquid attribuit quod non attribuit ei secundum quod ad
sapientiam comparatur, prout dicitur ordinata. # 5. L'absolu et ce qui est ordonnй ne sont attribuйs а la puissance
divine que par notre rйflexion. A cette puissance de Dieu, considйrйe en soi,
qu'on appelle absolue, elle attribue quelque chose qu'elle ne lui a pas
attribuй selon qu'elle est comparйe а la sagesse, dans la mesure oщ on la dit
ordonnйe.
q. 1 a. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod potentia
Dei numquam est in re sine sapientia: sed a nobis consideratur sine ratione
sapientiae. # 6. La puissance de Dieu n'est jamais en rйalitй sans sagesse; mais
c'est nous qui la considйrons sans rapport avec elle.
q. 1 a. 5 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Deus fecit quidquid est iustum in actu, non autem
quidquid est iustum in potentia; potest enim aliquid facere quod nunc non est
iustum, quia non est: tamen si esset, faceret iustum. # 7. Dieu a fait tout ce qui est juste en acte, mais pas tout ce qui
est juste en puissance; car il peut faire une chose qui maintenant n'est pas
juste, parce qu'elle n'existe pas: cependant si elle existait, il la ferait
juste.
q. 1 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod divina bonitas potest se communicare ordinate, non solum
isto modo quo res operatur, sed multis aliis. # 8. La divine bontй peut se communiquer avec ordre, non seulement de
la maniиre dont elle opиre, mais de nombreuses autres maniиres.
q. 1 a. 5 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet Deus non velit facere nisi quae facit, potest tamen
alia velle; et ideo, absolute loquendo, potest alia facere. # 9. Bien que Dieu ne veuille faire que ce qu'il fait, il peut
cependant vouloir d'autres choses, et c'est pourquoi, absolument parlant, il
peut en faire d'autres.
q. 1 a. 5 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod rationes illas, de quibus Dionysius loquitur, intelligit
esse productivas existentium absolute, non solum autem eorum quae nunc sunt in
actu. # 10. Denys comprend que ces raisons dont il parle sont productives
d'кtres dans l'absolu, mais pas seulement de ceux qui sont en acte maintenant.
q. 1 a. 5 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in hac quaestione versatur, utrum eorum quae nec sunt,
nec erunt, nec fuerunt, quae tamen Deus facere potest, sit idea. Videtur
dicendum, quod si idea secundum completam rationem accipiatur, scilicet
secundum quod idea nominat formam artis, non solum intellectu excogitatam, sed
etiam per voluntatem ad opus ordinatam, sic praedicta non habent ideam; si vero
accipiatur secundum imperfectam rationem, prout scilicet est solum excogitata
in intellectu artificis, sic habent ideam. Patet enim in artifice creato quod
excogitat aliquas operationes quas nunquam operari intendit. In Deo vero
quidquid ipse cognoscit, est in eo per modum excogitati; cum in ipso non differat
cognoscere actu et habitu. Ipse enim novit totam potentiam suam, et quidquid
potest: unde omnium quae potest habet rationes quasi excogitatas.
# 11. Dans cette question, on cherche а savoir s'il y a une idйe de ce
qui n'est pas, ne sera pas et n'a pas йtй, et que cependant Dieu peut rйaliser.
Il semble qu'il faut dire que, si on conзoit l'idйe, selon sa pleine acception,
c'est-а-dire selon que l'idйe dйsigne une forme de l'art, non seulement pensйe
par l'esprit, mais aussi ordonnйe а l'oeuvre par la volontй, ce dont on parle
n'a pas d'idйe, mais si on le prend selon une acception imparfaite dans la
mesure oщ elle est seulement pensйe dans l'esprit de l'artisan, alors ce dont
on parle a une idйe. Car on voit dans l'oeuvre crййe qu'il invente des opйrations
qu'il n'a jamais l'intention de faire. Mais ce qu'il connaоt lui-mкme est en
lui par mode de pensйe; puisqu'il n'y a pas en lui de diffйrence entre
connaоtre en acte et en habitus. Car il connaоt lui-mкme toute sa puissance, et
tout ce qu'il peut. C'est pourquoi il possиde les raisons de tout ce qu'il
peut, en tant qu'elles sont pensйes.
q. 1 a. 5 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod intelligendum est hoc Deum non posse quod non vult se
posse: et sic non facit ad propositum. # 12. Il faut comprendre que Dieu ne peut pas ce qu'il ne veut pas
pouvoir et c'est а dessein qu'il ne le fait pas.
q. 1 a. 5 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet Deus sit immutabilis, tamen eius voluntas
non est determinata ad unum in his quae facienda sunt: et ideo habet liberum
arbitrium. # 13. Bien que Dieu soit immuable, cependant sa volontй n'est pas
dйterminйe а un seul objet parmi ce qu'il doit faire et c'est pourquoi il a le
libre arbitre.
q 1 a. 5 ad 14 Ad decimumquartum dicen. dum, quod optima ratio, qua
Deus omnia facit, est sua bonitas et sua sapientia: quae maneret, etiam si
alia, vel alio modo faceret. # 14. La meilleure raison, par laquelle Dieu fait tout, c'est sa bontй
et sa sagesse, qui demeureraient mкme s'il faisait d'autres choses ou d'une
autre maniиre.
q. 1 a. 5 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod illud quod facit, est optimum per ordinem ad Dei
bonitatem: et ideo quidquid aliud est ordinabile ad eius bonitatem secundum
ordinem suae sapientiae, est optimum. # 15. Ce que Dieu fait est le meilleur par rapport а sa bontй et c'est
pourquoi toute autre chose qui peut кtre ordonnйe а sa bontй selon l'ordre de
sa sagesse est le meilleur.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia, qu. 25, a. 5 –
CG. II, 23, 26-27 – III, 98 – I Sent. d43q2a2.
[2]
Parmi ces auteurs inconnus, il faut compter Avicenne.
[3]
Assimilation de la soumission а la sagesse а une nйcessitй de nature.
[4]
Le sens de ratio est proche de "idйe". Il s'agit des idйes divines.
Voir objection suivante.
[5]
Cf. Pot. 5, 1, obj. 14, oщ il prйcise que cet axiome vient du Timйe.
[6]
Hйraclite, les stoпciens, les Nйoplatoniciens et quelques auteurs attachйs au
dйterminisme ou а l'optimisme. Il faut ajouter Avicenne.
[7]
On lit sur les mns Petro Almalareo. On peut vraisemblablement conjecturer qu'il
s'agit d'Abйlard, car cela correspond а ce qu'il dit dans son Introduction а la
Thйologie, III, 5. PL 178, 1096. Denz. 726.
[8]
Soit Dieu ne peut pas faire, ou il peut ne pas faire.
[9]
Pour certains, dont Avicenne, l'immutabilitй entraоne la nйcessitй de nature.
Cf. ad 13.
Article 6: Dieu peut-il faire ce qui est possible а d'autres, comme
pйcher, marcher etc.?
q. 1 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum Deus possit facere quae sunt aliis possibilia, ut
peccare, ambulare et huiusmodi. Et videtur quod sic. Il semble que oui: Objections[1]: q. 1 a. 6 arg. 1
Quia Augustinus dicit, quod melior est natura quae potest peccare, quam quae
peccare non potest. Sed omne quod est optimum, est Deo attribuendum. Ergo Deus
potest peccare. 1. Parce que Augustin (Enchiridium,
105[2]) dit que meilleure est la nature qui peut pйcher
que celle qui ne le peut pas[3]. Mais tout ce qui est le
meilleur doit кtre attribuй а Dieu. Donc il peut pйcher. q. 1 a. 6 arg. 2
Praeterea, illud quod est laudabilitatis, non debet Deo subtrahi. Sed in laudem
viri dicitur Eccli. XXXI, 10: qui potuit transgredi et non est transgressus.
Ergo posse transgredi et non transgredi Deo debet attribui. 2. Ce qui est louable ne doit pas кtre retirй а Dieu. Mais а la louange
de l'homme, l'Ecclйsiaste (Si 31, 10) dit: "Qui a pu pйcher et n'a pas pйchй..."
Donc le pouvoir de pйcher et ne pas pйcher doit кtre attribuй а Dieu. q. 1 a. 6 arg. 3
Praeterea, philosophus dicit: potest Deus et studiosus prava agere. Ergo Deus
potest peccare. 3. Le Philosophe dit (Topique.
IV, 5, 126 a 37-39[4]): "Dieu peut et avec zиle faire de mauvaises actions". Donc Dieu
peut pйcher. q. 1 a. 6 arg. 4
Praeterea, quicumque consentit in peccatum mortale, peccat mortaliter. Sed
quicumque praecipit peccatum mortale, consentit, immo quodammodo principaliter
facit. Cum ergo Deus praeceperit peccatum mortale Abrahae, scilicet quod
interficeret filium innocentem; et Oseae, quo acciperet mulierem fornicariam,
et faceret ex ea filios fornicationis, et Semei, ut malediceret David, ut
habetur II Reg. XVI, 7, quem constat peccasse ex poena sibi inflicta III Reg.
II, 36, videtur quod ipse peccaverit mortaliter. 4. Quiconque consent а un pйchй mortel, pиche mortellement. Mais
quiconque l'ordonne consent; bien plus d'une certaine maniиre c'est surtout lui
qui l'accomplit. Donc, comme Dieu a ordonnй un pйchй mortel а Abraham, а savoir
tuer son fils innocent; а Osйe (Os.1,
2), de prendre pour йpouse une prostituйe et d'avoir d'elle des enfants de
prostitution et а Shimeп (II Sam. 16,
7) de maudire David, lequel est reconnu avoir pйchй vu le chвtiment qui lui fut
infligй (I Rois 2, 36[5]),
il semble que Dieu a lui-mкme pйchй mortellement. q. 1 a. 6 arg. 5
Praeterea, quicumque cooperatur peccanti mortaliter, ipse peccat mortaliter.
Sed Deus cooperatur peccanti mortaliter: ipse enim operatur in omni operatione,
et per consequens in omni eo qui mortaliter peccat. Ergo Deus peccat. 5. Quiconque coopиre avec qui pиche mortellement, pиche mortellement
lui aussi. Mais Dieu coopиre ainsi car il agit lui-mкme dans toute opйration[6] et par consйquent dans tout homme qui pиche mortellement.
Donc Dieu pиche. q. 1 a. 6 arg. 6
Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus operatur in cordibus hominum, inclinando
voluntates eorum in quodcumque voluerit, sive in bonum, sive in malum. Sed inclinare voluntatem hominis in malum, est
peccatum. Ergo Deus peccat. 6. Augustin dit (De la grвce et
du libre arbitre, ch. 21), comme on le voit dans la glose, (Rm 1) que Dieu opиre dans le coeur des
hommes, en inclinant leur volontй vers tout ce qu'il aura voulu, soit en bien,
soit en mal. Mais incliner la volontй de l'homme au mal est un pйchй. Donc Dieu
pиche. q. 1 a. 6 arg. 7
Praeterea, homo factus est ad imaginem Dei, ut habetur Gen. I, 26. Sed quod
invenitur in imagine oportet inveniri in exemplari. Hominis autem voluntas est
ad utrumlibet. Ergo et voluntas Dei; et ita potest peccare et non peccare. 7. L'homme a йtй crйй а l'image de Dieu (Gn. 1, 26). Mais ce qu'on trouve dans l'image, on doit le trouver
dans l'exemplaire[7]. Mais la volontй de l'homme penche
vers le bien et vers le mal. Donc la volontй de Dieu aussi. Et ainsi il peut
pйcher et ne pas pйcher. q. 1 a. 6 arg. 8
Praeterea, quidquid potest virtus inferior, potest et superior. Sed homo cuius
virtus est inferior divina virtute, potest ambulare, peccare et alia huiusmodi
facere. Ergo et Deus. 8. Ce que peut un pouvoir infйrieur, un pouvoir supйrieur le peut aussi.
Mais l'homme dont le pouvoir est infйrieur au pouvoir divin peut marcher,
pйcher et accomplir d'autres actes de ce genre. Donc Dieu aussi. q. 1 a. 6 arg. 9
Praeterea, tunc aliquis omittit quando non facit bona quae potest. Sed Deus
potest multa bona facere quae non facit. Ergo omittit, et ita peccat. 9. Quelqu'un commet une nйgligence, quand il ne fait pas le bien qu'il
peut faire. Mais Dieu peut faire beaucoup de bien qu'il ne fait pas. Donc, il
commet une nйgligence et ainsi il pиche. q. 1 a. 6 arg. 10
Praeterea, quicumque potest prohibere peccatum et non prohibet, videtur
peccare. Sed Deus potest prohibere omnia peccata. Cum ergo non prohibeat,
videtur quod peccet. 10. Qui peut empкcher le pйchй et ne le fait pas, semble pйcher. Mais
Dieu peut empкcher tous les pйchйs. Donc, comme il ne le fait pas, il semble
qu'il pиche. q. 1 a. 6 arg. 11
Praeterea, Amos III, 6, habetur: non est malum in civitate quod Deus non
faciat. Hoc autem non potest intelligi de malo poenae: nam dicitur Sap. I, 13,
quod Deus mortem non fecit. Ergo oportet intelligi de malo culpae; et sic Deus
est auctor mali culpae. 11. On lit dans Amos ((3, 6[8]): "Il n'y a pas de mal dans la citй sans que
Dieu ne le fasse". Mais cela ne peut pas кtre compris du mal du chвtiment.
Car il est dit (Sg 1, 13) que "Dieu n'a pas fait la mort". Donc il
faut le comprendre du mal de la faute et ainsi Dieu est l'auteur de ce mal. En sens contraire: q. 1 a. 6 s. c. 1
Sed contra. I Ioan. I, 5, dicitur: Deus lux est, et tenebrae in eo non sunt
ullae. Sed peccata sunt tenebrae spirituales. Ergo peccatum
in Deo esse non potest. 1. Il est dit en I Jean 1, 5
que "Dieu est lumiиre et il n'y a
pas de tйnиbres en lui". Mais les pйchйs sont des tйnиbres
spirituelles. Donc le pйchй ne peut pas exister en Dieu. q. 1 a. 6 s. c. 2
Praeterea, princeps propriis legibus astrictus non tenetur. Sed omne peccatum
est contra legem divinam, ut Augustinus dicit. Ergo Deus peccato astringi non
potest. 2. Le prince n'est pas assujetti а ses propres lois. Mais tout pйchй
est contre la loi divine, comme Augustin le dit (Contre. Fauste, XXII, 27). Donc Dieu ne peut y кtre assujetti. Rйponse q. 1 a. 6 co. Respondeo. Dicendum, quod sicut supra dictum est, Deum absolute aliquid
non posse dicitur dupliciter: uno modo ex parte voluntatis; alio modo ex parte
potentiae. Comme on l'a indiquй ci-dessus, on dit que Dieu ne peut absolument pas
quelque chose, de deux maniиres: 1) du cфtй de sa volontй, 2) du cфtй de sa
puissance. Ex parte siquidem voluntatis, Deus non potest facere quod
non potest velle. Cum autem nulla voluntas possit velle contrarium eius quod
naturaliter vult, sicut voluntas hominis non potest velle miseriam; constat
quod voluntas divina non potest velle contrarium suae bonitatis, quam
naturaliter vult. Peccatum autem est defectus quidam a divina bonitate: unde
Deus non potest velle peccare. Et ideo absolute concedendum est, quod Deus
peccare non potest. 1) Du cфtй de sa volontй:
Dieu ne peut pas faire ce qu'il ne peut pas vouloir. Puisque aucune volontй ne
peut vouloir le contraire de ce qu'elle veut naturellement, – ainsi la volontй
de l'homme ne peut pas vouloir le malheur –, il est clair que la volontй divine
ne peut vouloir le contraire de sa bontй qu'il veut naturellement. Mais le
pйchй est un manquement а la divine bontй; c'est pourquoi Dieu ne peut pas
vouloir pйcher. Et c'est pourquoi il faut absolument concйder que Dieu ne peut
pas pйcher. Ex parte vero potentiae dicitur Deum non posse
aliquid, dupliciter: uno modo ratione ipsius potentiae; alio modo ratione
possibilis. 2) Du cфtй de sa puissance,
on dit que Dieu ne peut pas une chose pour deux raisons: a) en raison de la
puissance mкme; b) en raison de la possibilitй. Potentia siquidem eius quantum in se est, cum sit infinita,
in nullo deficiens invenitur quod ad potentiam pertineat. Sed quaedam sunt quae
secundum nomen potentiam important, quae secundum rem sunt potentiae defectus;
sicut multae negationes sunt, quae in affirmationibus includuntur; ut cum
dicitur posse deficere, videtur secundum modum loquendi, quaedam potentia
importari, cum magis potentiae defectus importetur. Et propter hoc potentia
aliqua dicitur esse perfecta, secundum philosophum, quando ista non potest. Sicut enim
illae affirmationes habent vim negationum secundum rem, ita istae negationes
habent vim affirmationum. Et propter hoc dicimus, Deum non posse deficere, et per consequens
non posse moveri (quia motus et defectus quamdam imperfectionem important) et
per consequens non posse eum ambulare, nec alios actus corporeos exercere, qui
sine motu non fiunt. a) Sa puissance, quant а elle, йtant infinie, on ne la
trouve dйfaillante en rien qui la concerne. Mais il y a des choses qui sous le
nom de puissance apportent ce qui en rйalitй est une dйfaillance de la
puissance. Ainsi il y a de nombreuses nйgations incluses dans les affirmations;
comme quand on dit 'pouvoir dйfaillir', il semble, selon la maniиre de parler,
qu'on apporte une puissance, alors que c'est plutфt sa dйfaillance. Et c'est
pour cela qu'on dit qu'une puissance est parfaite, selon le Philosophe (Mйtaphysique V, 17, 1021 b 25 ss.),
quand elle ne le peut pas. Car de mкme que ces affirmations ont force de
nйgation en rйalitй, ainsi ces nйgations ont force d'affirmation. Et c'est pour
cela que nous disons que Dieu ne peut pas avoir de dйfaillance et par
consйquent, ne peut кtre mы (parce que le mouvement et la dйfaillance apportent
une imperfection) et par consйquence, il ne peut pas marcher, ni accomplir
d'autres actes corporels qui ne se font pas sans mouvement[9]. Ratione vero possibilis dicitur Deum aliquid non posse
facere quia id contradictionem implicat, ut ex supra dictis, art. 5, patet; et
per hunc modum dicitur quod non potest facere alium Deum aequalem sibi.
Implicatur enim contradictio ex eo quod factum oportet esse in potentia aliquo
modo, cum recipiat esse ab alio, et sic non potest esse actus purus, quod est
proprium ipsius Dei. b) En raison de la possibilitй,
on dit que Dieu ne peut pas faire une chose parce qu'elle implique contradiction,
comme on l'a dit а l'article 5 et c'est pourquoi on dit qu'il ne peut faire un
autre Dieu йgal а lui. Car cela implique contradiction: il faut que ce qui est
fait soit en puissance d'une certaine maniиre, puisqu'il reзoit l'кtre d'un
autre et ainsi il ne peut pas кtre acte pur, ce qui est le propre de Dieu
lui-mкme. Solutions: q. 1 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod illa comparatio non est intelligenda universaliter,
sed solum inter hominem et animalia bruta. # 1. Cette comparaison ne doit pas кtre comprise universellement, mais
seulement de l'homme et de l'animal. q. 1 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod id quod dicitur in laudem hominis non semper est
congruum laudi divinae, immo esset blasphemia; ut si dicerem Deum poenitere et
huiusmodi. Aliquid enim, ut dicit Dionysius est in inferiori natura laudabile
quod in superiori natura vituperatur. # 2. Ce qu'on dit а la louange de l'homme ne convient pas toujours а la
louange divine. Bien plus ce serait un blasphиme; ainsi si je disais que Dieu
se repend, etc.. Car, comme le dit Denys (Les
noms divins 4), est louable dans une nature infйrieure ce qui est blвmй
dans une nature supйrieure. q. 1 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod verbum philosophi est intelligendum sub conditione
voluntatis. Haec enim conditionalis est vera: Deus potest prava agere si vult:
nihil enim prohibet conditionalem esse veram, licet antecedens et consequens
sint impossibilia; ut patet in hac: si homo volat, habet alas. # 3. Il faut comprendre le mot du Philosophe sous condition de volontй.
Car, si elle est conditionnelle, elle est vraie: Dieu peut commettre des choses
perverses s'il le veut: car rien n'empкche la condition d'кtre vraie, bien que
l'antйcйdent et la consйquence soient impossibles, comme cela paraоt dans cet
exemple: si un homme vole, il a des ailes. q. 1 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod nihil prohibet aliquem actum qui in se esset peccatum
mortale, aliqua circumstantia addita fieri virtuosum: occidere enim hominem
absolute peccatum mortale est; sed ministro iudicis occidere hominem propter
iustitiam ex praecepto iudicis, non est peccatum, sed actus iustitiae. Sicut
autem princeps civitatis habet disponere de hominibus quantum ad vitam et
mortem, et alia quaecumque pertinent ad finem sui regiminis, qui est iustitia,
ita Deus habet omnia in sui dispositione dirigere ad finem sui regiminis quod
est eius bonitas. Et ideo licet occidere filium innocentem, de se possit esse
peccatum mortale, tamen si hoc fiat ex praecepto Dei propter finem quem Deus
praevidit et ordinavit, licet etiam sit homini ignotus, non est peccatum, sed
meritum. Et similiter etiam dicendum est de fornicatione Oseae, cum constet
Deum esse ordinatorem totius humanae generationis: quamvis quidam dicant, quod
hoc non acciderit secundum veritatem rei, sed secundum visionem prophetiae. De
praecepto autem Semei est dicendum aliter. Dicitur enim Deus dupliciter
praecipere. # 4. Rien n'empкche qu'un acte qui serait en soi un pйchй mortel, si on
ajoute les circonstances, ne devienne vertueux; car tuer un homme est
absolument un pйchй mortel; mais pour l'assistant du juge tuer un homme а cause
de la justice et sur l'ordre du juge, ce n'est pas un pйchй, mais un acte de
justice. De mкme que le prince d'une citй doit disposer des hommes а la vie et
а la mort, et [prendre] d'autres dйcisions qui concernent le but de son
gouvernement, qui est la justice; de mкme Dieu a tout а sa disposition pour
parvenir а la finalitй de son gouvernement qui est sa bontй. Et c'est pourquoi,
bien que tuer son fils innocent puisse кtre en soi un pйchй mortel, cependant
si cela se fait sur l'ordre de Dieu en vue d'une fin qu'il a lui-mкme prйvue et
ordonnйe, mкme si elle est ignorйe de l'homme, ce n'est pas un pйchй mais un
mйrite. Et il faut parler de la fornication d'Osйe de la mкme maniиre, puisque
il est clair que Dieu est celui qui ordonne toute la gйnйration humaine.
Cependant certains disent que cela ne serait pas arrivй en rйalitй mais selon
une vision prophйtique. Pour ce qui est prescrit а Shimйп, il faut parler
autrement. Car on dit que Dieu donne ses prescriptions de deux maniиres: Uno modo loquendo spiritualiter vel corporaliter per
substantiam creatam; et sic praecepit Abrahae et prophetis. Alio modo inclinando, sicut dicitur praecepisse vermi ut
comederet hederam, Ionae I. Et per hunc modum praecepit Semei ut malediceret
David, in quantum cor eius inclinavit; et hoc per modum qui infra in solutione
ad sextum, dicetur. a) La premiиre, en parlant spirituellement ou corporellement par une
substance crййe, et ainsi il commande а Abraham et aux prophиtes. b) En inclinant: ainsi on dit qu'il prescrivit aux vers de manger le
lierre (Jonas 4, 7). Et de cette mкme
maniиre il prescrivit а Shimeп de maudire David, dans la mesure oщ il y inclina
son coeur et par le moyen signalй ci-dessous, а la solution six. q. 1 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod operatio peccati, quantum ad id quod habet de entitate
et actualitate, refertur in Deum sicut in causam; quantum vero ad id quod habet
de deformitate peccati, refertur in liberum arbitrium, non in Deum; sicut
quidquid motus est in claudicatione, est a virtute gressiva; deformitas autem
eius est a curvitate cruris. # 5. L'action pйcheresse quant а ce qui concerne son entitй et son
actualitй, se rйfиre а Dieu comme а sa cause; mais on rapporte l'infamie du
pйchй au libre arbitre, non а Dieu; ainsi tout mouvement dans la claudication
vient du pouvoir de marcher, mais la difformitй vient de la courbure de la
jambe. q. 1 a. 6 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus non dicitur inclinare voluntates hominum in malum,
immittendo malitiam, vel ad malitiam commovendo; sed permittendo et ordinando,
ut videlicet qui crudelitatem exercere consentiunt, in illos exerceant quos
dignos Deus iudicat. # 6. On ne dit pas que Dieu incline la volontй de l'homme au mal, en
envoyant la malice ou en les y incitant, mais en permettant et en ordonnant;
pour qu'assurйment ceux qui consentent а exercer la cruautй, l'exercent contre
ceux que Dieu en juge dignes. q. 1 a. 6 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod non est necessarium, quidquid in homine invenitur,
quamvis sit ad imaginem Dei, in Deo inveniri; et tamen in proposito voluntas
Dei est ad utrumlibet, quia non est ad unum obiectum determinata. Potest enim
hoc facere vel non facere, aut facere hoc vel illud: non tamen sequitur quod
aliquid istorum possit male facere, quod est peccare. # 7. Il n'est pas nйcessaire que ce qu'on trouve dans l'homme, quoique
qu'il soit а l'image de Dieu, se retrouve en Dieu et cependant dans le propos,
la volontй de Dieu concerne deux aspects, parce qu'elle n'est pas dйterminйe а
un seul objet. Car il peut faire ou ne pas faire, faire ceci ou cela; cependant
il n'en dйcoule pas qu'il puisse mal faire l'une d'elle, ce qui est pйcher. q. 1 a. 6 ad 8 Ad octavum dicendum, quod
obiectio illa tenet in his quae pertinent ad potestatis perfectionem, non autem
in his quae important potestatis defectum. # 8. Cette objection tient а ce qui concerne la perfection de la
puissance, mais non а ce qui en cause la dйfaillance. q. 1 a. 6 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet Deus possit multa bona facere quae non facit, non
tamen omittit: quia non debet illa facere, quod requiritur ad rationem
omissionis. # 9. Bien que Dieu puisse faire beaucoup de bien qu'il ne fait pas,
cependant il ne commet pas d'omission, parce qu'il ne doit pas le faire,
condition requise pour dйfinir une omission. q. 1 a. 6 ad 10 Et
similiter dicendum est ad decimum; nam non est reus peccati qui peccatum non
impedit nisi quando impedire debet. # 10. Ici il faut dire la mкme chose, car celui qui n'empкche pas un
pйchй n'est coupable de pйchй que quand il doit l'empкcher . q. 1
a. 6 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod verbum Amos intelligitur de malo poenae.
Quod autem dicitur Sap. I, 13: Deus mortem non fecit intelligitur quantum ad
ipsam causam mortis, quae est meritum culpae, vel quantum ad primam naturae
institutionem, qua fecit hominem suo modo immortalem. # 11. Le mot d'Amos est а comprendre comme la peine du chвtiment. Ce
qui est dit en Sagesse (1, 13): "Dieu n'a pas fait la mort" est
compris quant а la cause mкme de la mort, qui est la consйquence de la faute;
ou quant а la premiиre institution de la nature, par laquelle il rendit l'homme
immortel а sa maniиre.
[1] Parall.: C. G. II, 25 – I Sent. d4q2a1 – Ia, q.
25, a. 3, ad 2. [2]
"Mais il ne fallait pas renoncer а l'ordre d'aprиs lequel Dieu voulait
faire voir quel bien reprйsente cet animal raisonnable qui est mкme capable de
ne pas pйcher, bien qu'il fыt mieux encore (pour lui) d'кtre incapable de
pйcher." BA. 9, trad. J. Riviиre. Le traducteur note que "beaucoup
d'йditions anciennement omettent la nйgation. Mais elle figure dans les
manuscrits et d'ailleurs est indispensable au sens". [3]
Ce qui peut pйcher est douй de raison. [4]
"...puisque mкme Dieu et l'honnкte homme ont la capacitй de faire de
mauvaises actions, et pourtant ce n'est pas leur caractиre..." (Trad. J.
Tricot) [5]
Il fut tuй sur ordre de Salomon pour ne pas avoir obйi а son ordre de ne pas
quitter Jйrusalem. [6]
Cette notion, le concours divin, sera expliquйe longuement en Pot. qu. 3, a. 7. [7]
A comprendre comme un modиle. [8]
"Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que Yahvй en soit l'auteur?"
(B.J.) [9]
Il y a deux sortes de mouvements: le mouvement physique, imparfait (parce
qu'inachevй), et le mouvement parfait qui est le propre du vivant: la chose se
meut elle-mкme. La sensation et l'intellection sont des mouvements parfaits
considйrйs comme d'une autre espиce par Aristote (De anima, III, 7, 431 a 5 ss.); le mouvement a йtй dйfini comme
l'acte de ce qui est inachevй, tandis que l'acte au sens absolu est diffйrent (Pot. qu. 10, a. 1, c.).
Article 7: Pourquoi dit-on que Dieu est tout-puissant?
q. 1 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur quare Deus dicatur omnipotens. Et videtur quod dicatur
omnipotens quia simpliciter omnia possit. On le dit tout puissant, semble-t-il, parce qu'il peut absolument tout. Objections[1]: q. 1 a. 7 arg. 1
Sicut enim Deus dicitur omnipotens, ita dicitur omnisciens. Sed dicitur
omnisciens, quia simpliciter omnia scit. Ergo et omnipotens dicitur, quia
simpliciter omnia potest. 1. Car de mкme qu'on dit Dieu tout-puissant, on le dit omniscient. Mais
on le dit omniscient parce qu'il connaоt absolument tout. Donc on le dit tout
puissant parce qu'il peut absolument tout. q. 1 a. 7 arg. 2
Praeterea, si non ideo dicatur omnipotens quia simpliciter omnia possit, tunc
haec distributio importata, non est absoluta, sed accommodata. Talis autem
distributio non est universalis, sed determinatur ad aliquid. Ergo divina
potentia esset ad aliquid determinata, et non esset infinita. 2. Si on ne le dit pas tout puissant parce qu'il pourrait absolument
tout, alors cette attribution ajoutйe n'est pas absolue, mais appropriйe. Or
une telle attribution n'est pas universelle, elle est limitйe а un objet. Donc
la puissance divine serait limitйe а un objet et ne serait pas infinie. Sed contra, Deus non potest facere, sicut dictum est, art. 3
et 5, ut affirmatio et negatio sint simul vera; nec potest peccare nec mori.
Haec autem includuntur in hac distributione, si absolute sumatur. Ergo non
debet absolute sumi; et ita Deus non potest dici omnipotens quia omnia possit
absolute. En sens contraire: Dieu ne peut pas faire, comme on l'a dit, aux
articles 3 et 5, que l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme temps;
et il ne peut pas pйcher ni mourir. Cela est inclus dans cette attribution, si
elle est prise dans l'absolu. Donc elle ne doit pas кtre prise dans l'absolu,
et ainsi on ne peut pas dire que Dieu soit tout-puissant parce qu'il peut absolument
tout. q. 1 a. 7 arg. 3
Item videtur quod dicatur omnipotens quia potest omnia quae vult: dicit enim
Augustinus in Enchiridion: non ob
aliud vocatur omnipotens, nisi quia quidquid vult, potest. 3. Il semble qu'on le dit tout-puissant "parce qu'il peut tout ce
qu'il veut". Car Augustin dit (Enchiridion
ch. 96): "Il n'est appelй tout-puissant pour rien d'autre sinon qu'il peut
tout ce qu'il veut". Sed contra, beati possunt quidquid volunt: aliter voluntas
eorum non esset perfecta. Non tamen dicuntur omnipotentes. Ergo hoc non
sufficit ad rationem omnipotentiae, quod Deus possit quidquid vult. Praeterea,
voluntas sapientis non est de impossibili: unde nullus sapiens vult nisi quod
potest; nec tamen quilibet sapiens est omnipotens. Ergo idem quod prius. En sens contraire: Les bienheureux peuvent ce qu'ils veulent,
autrement leur volontй ne serait pas parfaite[2].
Cependant on ne dit pas qu'ils sont tout-puissants. Donc cela ne suffit pas а
la nature de la toute-puissance, que Dieu puisse tout ce qu'il veut. En plus la
volontй du sage ne concerne pas l'impossible. C'est pourquoi aucun sage ne veut
que ce qu'il peut; et cependant n'importe quel sage n'est pas tout-puissant.
Donc de mкme que ci-dessus. q. 1 a. 7 arg. 4
Item videtur quod dicatur omnipotens, quia possit omnia possibilia. Dicitur
enim omnisciens, quia scit omnia scibilia. Ergo pari ratione dicitur
omnipotens, quia potest omnia possibilia. 4. Il semble qu'on l'appelle tout-puissant "parce qu'il peut tout
ce qui est possible". On l'appelle en effet omniscient, parce qu'il
connaоt tout ce qui peut кtre connu. Donc а raison йgale, on l'appelle
tout-puissant parce qu'il peut tout ce qui est possible. Sed contra, si dicitur omnipotens quia potest omnia
possibilia; aut hoc est quia potest omnia possibilia sibi, aut quia potest
omnia possibilia naturae. Si quia potest omnia possibilia naturae, tunc eius
omnipotentia naturae potentiam non excedit; quod est absurdum. Si vero quia
potest omnia possibilia sibi, tunc pari ratione quilibet dicetur omnipotens,
quia quilibet potest omnia possibilia sibi. Et praeterea est ibi quaedam
expositio per circumlocutionem, quae non est conveniens. En sens contraire: si on l'appelle tout-puissant parce qu'il peut
tout ce qui est possible, ou bien c'est parce qu'il peut tout ce qui est
possible pour lui, ou parce qu'il peut tout ce qui est possible а la nature. Si
c'est parce qu'il peut tout ce qui est possible а la nature, alors sa
toute-puissance n'excиde pas la puissance de la nature, ce qui est absurde.
Mais si c'est parce qu'il peut tout ce qui est possible pour lui, alors а
raison йgale, n'importe qui est appelй tout-puissant parce qu'il peut ce qui
est possible pour lui. Et en plus il y a lа une exposition par une
circonlocution qui ne convient pas. q. 1 a. 7 arg. 5
Item quaeritur quare Deus dicitur omnipotens et omnisciens, et non omnivolens. 5. De mкme, on cherche pourquoi Dieu est appelй celui qui peut tout,
qui sait tout et pas celui qui veut tout. Rйponse. q.
1 a. 7 co. Respondeo. Dicendum, quod quidam volentes rationem
omnipotentiae assignare, quaedam acceperunt quae ad rationem omnipotentiae non
pertinent, sed magis sunt causa omnipotentiae, vel pertinentia ad perfectionem
omnipotentiae, vel pertinentia ad rationem potentiae, vel ad modum habendi
potentiam. Certains voulant assigner une dйfinition а la toute-puissance ont
acceptй des notions qui ne conviennent pas а sa dйfinition; mais qui en sont
plutфt la cause ou ce qui appartient а la perfection de la toute puissance ou а
celle de la puissance ou а son mode de possession. Quidam enim dixerunt, quod ideo Deus est omnipotens, quia
habet potentiam infinitam. Qui non dicunt rationem omnipotentiae, sed causam;
sicut anima rationalis est causa hominis, sed non est eius definitio. Quidam
vero ideo dixerunt Deum omnipotentem, quia non potest aliquid pati nec potest
deficere, nec aliquid potest in ipsum, et alia huiusmodi, quae ad perfectionem
potentiae pertinent. Certains, en effet, ont dit que Dieu est tout-puissant, parce qu'il a
une puissance infinie. Ils n'en donnent pas la raison mais la cause; ainsi
l'вme raisonnable est cause de l'homme, mais ce n'est pas sa dйfinition.
Certains aussi ont dit que Dieu est tout-puissant, parce qu'il ne peut rien
subir, ni кtre dйfaillant et il ne peut rien en lui ni autres choses de ce
genre qui concernent la perfection de sa puissance. Quidam etiam dixerunt, quod ideo dicitur omnipotens, quia
potest quidquid vult; et hoc habet a se et per se; quod pertinet ad modum
habendi potentiam. Certains mкme ont dit qu'on l'appelle tout-puissant parce qu'il peut
tout ce qu'il veut, et cela il l'a de lui et par lui, ce qui concerne sa
maniиre de possйder la puissance. Hae autem rationes omnes ideo sunt insufficientes, quia
praetermittunt rationes operationum ad obiecta, quas implicat omnipotentia. Et
ideo dicendum est, quod accipienda est aliqua trium viarum quae tactae sunt in
obiiciendo, et dicunt comparationem ad obiecta. Mais toutes ces raisons sont insuffisantes, parce qu'elles omettent les
raisons des opйrations pour les objets qu'implique la toute-puissance. Et c'est
pourquoi on doit dire qu'il faut accepter l'une des trois voies qui ont йtй
avancйes en objections et qui apportent une comparaison avec les objets. Dicendum ergo est, quod, sicut supra dictum est, potentia
Dei, quantum est de se, ad omnia illa obiecta se extendit quae contradictionem
non implicant. Nec etiam instantia de illis est quae defectum important, vel
corporalem motum; quia posse ea, Deo est non posse. Ea vero quae
contradictionem implicant Deus non potest; quae quidem sunt impossibilia
secundum se. Relinquitur ergo quod Dei potentia ad ea se extendat quae sunt possibilia
secundum se. Haec autem sunt quae contradictionem non implicant. Constat ergo
quod Deus ideo dicitur omnipotens quia potest omnia quae sunt possibilia
secundum se. Il faut donc dire, comme on l'a dit plus haut, que la puissance de
Dieu, quant а elle, s'йtend а tout ces objets qui n'impliquent pas
contradiction. Et cela ne concerne pas ce qui apporte une dйfaillance ou un mouvement
corporel, parce que ce pouvoir, Dieu ne l'a pas. Ce qui implique une
contradiction Dieu ne le peut pas; cela est impossible en soi. Donc il reste
que la puissance de Dieu s'йtend а ce qui est possible en soi. C'est ce qui
n'implique pas contradiction. Donc il est clair qu'on dit que Dieu est
tout-puissant parce qu'il peut tout ce qui est possible en soi[3]. Solutions q. 1 a. 7 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Deus dicitur omnisciens quia scit omnia scibilia;
falsa autem, quae non sunt scibilia, nescit. Impossibilia autem secundum se
comparantur ad potentiam sicut falsa ad scientiam. # 1. Dieu est appelй omniscient parce qu'il connaоt tout ce qui peut
кtre connu; il ignore l'erreur qui n'est pas connaissable. Ce qui est impossible
en soi est comparй pour la puissance а l'erreur pour la science. q. 1 a. 7 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ratio illa procederet, si distributio terminaretur
infra genus possibilium hoc modo quod non se extenderet ad omnia possibilia. # 2. Cette raison conviendrait si l'attribution se terminait а
l'intйrieur du genre des possibles; de telle maniиre qu'elle ne s'йtendrait pas
а tous les possibles. Ad illud quod quaeritur de alia ratione omnipotentiae,
dicendum, quod posse quidquid vult facere non est sufficiens ratio
omnipotentiae, sed est sufficiens signum omnipotentiae; et sic intelligendum
est verbum Augustini. Pour ce qu'on cherche au sujet de l'autre raison de la toute-puissance,
il faut dire que pouvoir ce qu'on veut faire n'est pas une raison suffisante de
toute puissance, mais en est un signe suffisant. C'est ainsi qu'il faut
comprendre la parole d'Augustin. q. 1 a. 7 ad 3 Ad
illud quod arguitur de tertia ratione, dicendum, quod Deus dicitur omnipotens,
quia potest omnia possibilia absolute; et ideo obiectio non recte procedit de
possibilibus Deo vel naturae. # Pour le troisiиme argument, il faut dire qu'on appelle Dieu le
tout-puissant, parce qu'il peut absolument tout ce qui est possible et c'est
pourquoi l'objection ne procиde pas correctement[4]
ce qui possible pour Dieu ou pour la nature. q. 1 a. 7 ad 5 Ad
illud quod ultimo quaeritur, dicendum, quod in his quae aguntur per voluntatem,
ut dicitur IX Metaph., potentia et scientia determinantur ad opus per
voluntatem; et ideo scientia et potentia in Deo quasi non determinata
universaliter pronuntiantur, ut cum dicitur omnisciens vel omnipotens, sed
voluntas quae determinat, non potest esse omnium, sed eorum tantum ad quae
potentiam et scientiam determinat; et ideo Deus non potest dici omnivolens. # 5. Pour ce qu'on cherche а la derniиre objection, il faut dire que
dans ce qui est fait par volontй, comme il est dit (Mйtaphysique IX, 5, 1048 a 10), la puissance et la connaissance
sont limitйes а une oeuvre par la volontй; et c'est pourquoi la science et la
puissance sont annoncйes en Dieu comme non limitйes universellement, comme
quand on le dit omniscient ou tout puissant, mais la volontй qui limite ne peut
pas кtre pour tout, mais seulement pour ce а quoi elle limite sa puissance et
sa connaissance et c'est pourquoi on ne peut pas dire que Dieu veuille tout.
[1] Parall.: Ia, qu. 25, a. 3 - IIIa,
13, 1 – CG. II, 22, 25 – I Sent.
d42q2a2 – III Sent. d1q2a3 – Pot. 5, 3 – Qudl III, qu. 1, a. 1 – XII, qu. 2, a.
1 – Йth.,V, lectio 2. [2]
"En effet, si tu dis qu'il est appelй tout-puissant parce qu'il peut tout
ce qu'il veut pouvoir, Pierre aussi peut de mкme кtre dit tout-puissant (ou n'importe
lequel des saints bienheureux) car il peut tout ce qu'il veut pouvoir, et il
peut faire tout ce qu'il veut faire." Pierre Lombard, I Sent. d42, ch. 3,
4. [3]
La nuance est minime entre tout ce qui est possible en soi et ce qui est
possible pour lui (obj. 4). La grammaire du reste permet les deux traductions:
possible en soi, possible pour lui. [4]
Elle ne tient pas compte de ce qui est impossible. Question 2:
La puissance gйnйrative en Dieu.
q. 2 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum in divinis sit generativa potentia. 1. Y a-t-il une puissance gйnйrative en Dieu? q. 2 pr. 2 Secundo
utrum potentia generativa in divinis dicatur essentialiter vel notionaliter. 2. Parle-t-on de la puissance gйnйrative en Dieu selon l'essence ou la
notion? q. 2 pr. 3 Tertio
utrum potentia generativa in actum generationis procedat per imperium
voluntatis. 3. La puissance gйnйrative en son acte dйpend-elle par le pouvoir de la
volontй? q. 2 pr. 4 Quarto
utrum in divinis possint esse plures filii. 4. En Dieu peut-il y avoir plusieurs fils? q. 2 pr. 5 Quinto
utrum potentia generandi sub omnipotentia comprehendatur. 5. La puissance d'engendrer est-elle incluse dans la toute puissance? q. 2 pr. 6 Sexto
utrum potentia generandi et potentia creandi sint idem. 6. La puissance d'engendrer et celle de crйer sont-elles une mкme
puissance? Article 1: Y a-t-il une puissance gйnйrative en Dieu?
q. 2 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum in divinis sit potentia generativa. Et videtur quod non. Il semble que non[1]:
Objections. q. 2 a. 1 arg. 1
Omnis enim potentia vel est activa vel passiva. Sed in divinis non potest esse
potentia passiva aliqua; nec ibi generativa potentia potest esse activa; quia
sic filius esset actus vel factus, quod est contra fidem. Ergo in divinis non
est potentia generativa. 1. Car toute puissance est active ou passive. Mais en Dieu il ne peut
pas y avoir de puissance passive, et la puissance gйnйrative ne peut pas y кtre
active, parce que le Fils de Dieu serait un acte ou un produit[2]; ce qui est
contre la foi. Donc, en Dieu, il n'y a pas de puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 2
Praeterea, secundum philosophum, cuius est potentia, eius est actio. Sed generatio non est in divinis. Ergo nec generativa potentia. Probatio
mediae. Ubicumque est generatio ibi est communicatio naturae, et receptio
eiusdem. Sed cum recipere sit materiae, vel passivae potentiae, quae in divinis
non est, receptio Deo competere non potest. Ergo in divinis non potest esse
generatio. 2. Selon le philosophe (Le Sommeil et Veille ch.1), l'action vient de
celui qui a la puissance [1]. Mais il n'y a pas de gйnйration en Dieu [2]. Donc
pas de puissance gйnйrative [3]. Preuve intermйdiaire[3]: Partout oщ il y a
gйnйration, il y a communication d'une nature et sa rйception. Mais comme
recevoir est propre а la matiиre ou а la puissance passive, qui (toutes deux)
n'existent pas en Dieu, la rйception ne peut lui convenir. Donc en Dieu il ne
peut pas y avoir de gйnйration.
q. 2 a. 1 arg. 3
Praeterea, generans oportet esse distinctum a genito. Non autem secundum illud
quod generans communicat genito, quia in hoc potius conveniunt. Ergo debet esse
in genito aliquid aliud ab eo quod est sibi per generationem communicatum; et
ita oportet omne genitum esse compositum, ut videtur. In divinis autem non est
aliqua compositio. Ergo non potest esse genitus Deus; et sic non est ibi
generatio; et ita ut prius. 3. L'engendeur doit кtre distinct de l'engendrй. Mais pas sur ce que
communique l'engendreur а l'engendrй, parce que c'est en cela qu'ils se
rencontrent le plus. Donc il doit y avoir dans l'engendrй quelque chose d'autre
que ce qui lui est communiquй par gйnйration; et ainsi il faut, comme on le
voit, que tout ce qui est engendrй soit composй. Mais en Dieu il n'y a pas de
composition. Donc il ne peut y avoir un Dieu engendrй; et ainsi il n'y a pas de
gйnйration. Et de mкme que ci-dessus.
q. 2 a. 1 arg. 4
Praeterea, nihil imperfectionis est Deo attribuendum. Sed omnis potentia respectu sui actus, imperfecta est, tam activa quam
passiva. Ergo potentia generativa in Deo ponenda non est. 4. Il ne faut rien attribuer d'imparfait а Dieu[4]; mais toute
puissance, tant active que passive, est imparfaite par rapport а son acte[5].
Donc on ne doit pas attribuer de puissance gйnйrative а Dieu.
q. 2 a. 1 arg. 5 Sed
dicit respondens, quod hoc est verum de potentia non coniuncta actui.- Sed
contra, omne quod perficitur per alterum est minus perfectum eo per quod
perficitur. Sed potentia coniuncta actui perficitur per actum. Ergo actus est
ea perfectior; et sic etiam potentia actui coniuncta, respectu actus,
imperfecta est. 5. Mais celui qui rйpond dit que c'est vrai de la puissance qui n'est
pas jointe а un acte l'acte – Mais en sens contraire, tout ce qui est achevй
par un autre est moins parfait que ce par quoi il est achevй. Mais la puissance
jointe а l'acte est achevйe par lui. Donc l'acte est plus parfait qu'elle, et
ainsi mкme la puissance jointe а l'acte, par rapport а lui, est imparfaite.
q. 2
a. 1 arg. 6 Praeterea, natura divina est efficacior in agendo quam natura
creata. Sed in creaturis invenitur natura aliqua quae non operatur per aliquam
potentiam mediam sed per se ipsam, sicut sol illuminat aerem et anima vivificat
corpus. Ergo multo fortius divina natura non per aliquam potentiam, sed per se
ipsam est principium generationis; et ita in divinis non est ponenda potentia
generativa. 6. La nature divine est plus efficace en agissant que la nature crййe.
Mais on trouve dans les crйatures une nature qui n'opиre pas par une puissance
intermйdiaire mais par elle-mкme; ainsi le soleil illumine l'air et l'вme donne
vie au corps. Donc la nature divine, beaucoup plus intensйment est principe de
gйnйration, non pas par quelque puissance, mais par elle-mкme, et ainsi il ne
faut pas placer en Dieu de puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 7
Praeterea, generativa potentia aut attestatur dignitati aut indignitati. Non
autem attestatur dignitati, quia sic in superioribus creaturis esset magis quam
in infimis, scilicet in Angelis et caelestibus corporibus magis vel potius quam
in animalibus et in plantis. Ergo attestatur indignitati, et sic non est in Deo
ponenda. 7. La puissance gйnйrative rйvиle sa dignitй ou son indignitй. Mais
elle ne rйvиle pas sa dignitй, sinon elle serait plus dans les crйatures
supйrieures que dans les crйatures infйrieures, c'est-а-dire dans les anges et
les corps cйlestes, plus ou mieux que dans les animaux et les plantes. Donc
elle rйvиle son indignitй et il ne faut pas la placer en Dieu.
q. 2 a. 1 arg. 8 Praeterea, in rebus
inferioribus duplex invenitur generativa potentia: scilicet completa ut in his
quorum generatio est per sexuum commixtionem; et incompleta quae est sine
sexuum commixtione ut in plantis. Cum ergo completa Deo non attribuatur, quia
non potest poni in divinis sexuum commixtio, videtur quod nullo modo sit ibi
potentia generativa. 8. Dans les кtres infйrieurs, on trouve deux sortes de puissance
gйnйrative; а savoir une puissance complиte, comme dans ceux dont la gйnйration
s'accomplit par union des sexes; et incomplиte, sans union des sexes comme dans
les plantes. Donc, comme la gйnйration complиte n'est pas attribuйe а Dieu,
parce qu'il n'est pas possible de placer en lui l'union des sexes, on voit bien
qu'en aucune maniиre il n'y a en lui de puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 9
Praeterea, sub potentia non cadit nisi possibile, cum potentia respectu
possibilis dicatur. Sed generationem esse in divinis, non est possibile vel
contingens, cum sit aeternum. Ergo respectu eius, potentia in divinis dici non
potest; et sic non est ibi generativa potentia. 9. Sous la puissance ne tombe que le possible, puisqu'on dit que la
puissance est en rapport avec lui[6]. Mais qu'il y ait de la gйnйration en Dieu
n'est ni possible, ni contingent, puisqu'il est йternel. Donc on ne peut parler
de puissance en rapport avec lui et ainsi il n'y a pas de puissance gйnйrative
en lui.
q. 2 a. 1 arg. 10
Praeterea, potentia Dei cum sit infinita, non finitur neque ad actum neque ad
obiectum. Sed si sit in Deo potentia generativa, eius actus erit generatio,
effectus vero filius. Ergo potentia patris non se habebit tantum ad unum filium
generandum, sed ad plures; quod est absurdum. 10. Comme la puissance de Dieu est infinie, elle ne se termine ni а
l'acte, ni а l'objet. Mais s'il y a en Dieu une puissance gйnйrative, son
action sera la gйnйration, et son effet un fils. Donc la puissance du Pиre ne
consistera pas а engendrer seulement un fils, mais plusieurs, ce qui est
absurde.
q. 2 a. 1 arg. 11 Praeterea,
secundum Avicennam quando res aliqua habet aliquid tantum ab altero, ei
secundum se consideratae attribuitur oppositum eius, sicut aer qui non habet
lumen nisi ab alio secundum se consideratus est tenebrosus, et per hunc modum
omnes creaturae, quae habent ab alio esse, veritatem et necessitatem, secundum
se consideratae, sunt non entes, falsae et impossibiles. Sed nihil tale potest
esse in divinis. Ergo non potest ibi esse aliquis qui tantum habeat esse ab
altero; et ita non potest ibi esse aliquis genitus; et per consequens nec
generatio nec generativa potentia. 11. Selon Avicenne[7], quand une chose ne possиde quelque chose que
d'une autre, c'est son contraire qui lui est attribuй[8], considйrйe en soi;
ainsi l'air sans lumiиre, а moins de la recevoir d'une autre chose, considйrй
en soi, est tйnйbreux et de cette maniиre toutes les crйatures qui tiennent
d'un autre l'кtre, la vйritй et la nйcessitй, considйrйes en soi, sont des non
йtants, des crйatures fausses et impossibles. Mais il ne peut y avoir rien de
tel en Dieu. Donc il ne peut y avoir en lui quelqu'un qui tienne son кtre
seulement d'un autre, et ainsi il ne peut y avoir quelqu'un d'engendrй, et par
consйquent ni gйnйration, ni puissance gйnйrative.
q. 2 a. 1 arg. 12
Praeterea, in divinis filius non habet aliquid nisi quod a patre accipit;
aliter sequeretur quod esset ibi compositio. Sed a patre accepit essentiam.
Ergo in filio non est nisi essentia. Si ergo est ibi generatio, vel filius est
genitus, oportebit essentiam esse genitam; quod est falsum, quia sic essentia
distingueretur in divinis. 12. En Dieu, le Fils n'a rien d'autre que ce qu'il reзoit du Pиre,
autrement il s'ensuivrait qu'il y aurait composition. Mais du Pиre il a reзu
l'essence. Donc en lui, il n'y a que l'essence. Si donc il y a gйnйration, ou
si le Fils est engendrй, il faudra que l'essence soit engendrйe, ce qui est
faux, parce qu'ainsi elle serait diffйrente.
q. 2 a. 1 arg. 13
Praeterea, si pater generat in divinis, oportet quod ei conveniat secundum suam
naturam. Sed eadem est natura in patre et filio et spiritu sancto. Ergo eadem
ratione et filius et spiritus sanctus generabunt; quod est contra fidei
documenta. 13. Si, en Dieu, le Pиre engendre, il faut que cela convienne а sa
nature. Mais la nature est identique dans le Pиre, le Fils et l'Esprit Saint.
Donc pour la mкme raison, le Fils et l'Esprit Saint engendreront, ce qui est
contre les dogmes de la foi.
q. 2 a. 1 arg. 14
Praeterea, natura quae perpetuo et perfecte in uno supposito invenitur, non
communicatur alteri supposito. Sed natura divina perfecte invenitur in patre,
et perpetuo, cum sit incorruptibilis. Ergo alteri supposito non communicatur;
et ita non est ibi generatio. 14. La nature qui se trouve de faзon perpйtuelle et parfaitement dans
un suppфt unique, n'est pas communiquйe а un autre. Mais la nature divine se
trouve parfaitement dans le Pиre, et perpйtuellement, puisqu'elle est
incorruptible. Donc elle n'est pas communiquйe а un autre suppфt et ainsi il
n'y a pas lа de gйnйration.
q. 2 a. 1 arg. 15 Praeterea,
generatio est species mutationis. Sed in divinis non est aliqua mutatio. Ergo
nec generatio: ergo nec generativa potentia. 15. La gйnйration est une espиce de changement. Mais en Dieu il n'y pas
de changement: donc pas de gйnйration, donc pas de puissance gйnйrative.
En sens contraire: q. 2 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Secundum philosophum perfectum unumquodque est quando potest
alterum tale facere quale ipsum est. Sed Deus pater est perfectus. Ergo potest
alterum talem facere qualis ipse est; et sic potest filium generare. 1. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
V, 16, 1022 a 2[9]) un кtre est parfait quand il peut faire un autre tel que
lui. Mais Dieu le Pиre est parfait. Donc il peut faire une autre tel que lui et
ainsi il peut engendrer un Fils.
q. 2 a. 1 s. c. 2
Praeterea, Augustinus dicit quod si pater generare non potuit, impotens fuit.
Sed in Deo nullo modo est impotentia. Ergo potuit generare: et sic est ibi
potentia generandi. 2. Augustin (Contre Maximinien, III,
ch. 7[10]) dit que, si le Pиre n'a pu engendrer, il a йtй impuissant. Mais, en
Dieu, il n'y a absolument pas d'impuissance. Donc il a pu engendrer et ainsi il
a la puissance d'engendrer.
Rйponse q. 2 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum, quod natura cuiuslibet actus est, quod seipsum communicet
quantum possibile est. Unde unumquodque agens agit secundum quod in actu est.
Agere vero nihil aliud est quam communicare illud per quod agens est actu,
secundum quod est possibile. Natura autem divina maxime et purissime actus est.
Unde et ipsa seipsam communicat quantum possibile est. Communicat autem se
ipsam per solam similitudinem creaturis, quod omnibus patet; nam quaelibet
creatura est ens secundum similitudinem ad ipsam. Sed fides Catholica etiam
alium modum communicationis ipsius ponit, prout ipsamet communicatur
communicatione quasi naturali: ut sicut ille cui communicatur humanitas, est
homo, ita ille cui communicatur deitas, non solum sit Deo similis, sed vere sit
Deus. Il est de la nature de n'importe quel acte de se communiquer autant que
possible. C'est pourquoi chaque agent agit selon qu'il est en acte. Mais agir
n'est rien d'autre que communiquer ce par quoi l'agent est acte, dans la mesure
du possible. Mais la nature divine est au plus haut point et trиs exclusivement
un acte[11]. C'est pourquoi elle se communique dans la mesure du possible[12].
Elle se communique par sa seule ressemblance aux crйatures, ce qui se voit en
toutes, car une crйature est un йtant а sa ressemblance. Mais la foi catholique
aussi place un autre moyen de communication selon qu'elle est communiquйe d'une
maniиre pour ainsi dire naturelle[13]; ainsi de mкme que celui а qui est
communiquйe l'humanitй est un homme, de mкme celui а qui est communiquйe la
divinitй, non seulement est semblable а Dieu, mais il est vraiment Dieu.
Oportet autem circa hoc advertere, quod natura divina a formis
materialibus in duobus differt: Mais а ce sujet, il faut faire attention que la nature divine est
diffйrente des formes matйrielles de deux maniиres:
primo quidem per hoc quod formae materiales non sunt subsistentes; unde
humanitas in homine non est idem quod homo qui subsistit: deitas autem est idem
quod Deus; unde ipsa natura divina est subsistens. 1) Du fait que ces derniиres ne sont pas subsistantes; c'est pourquoi
l'humanitй dans l'homme n'est pas identique а l'homme qui subsiste; mais la
divinitй est identique а Dieu, c'est pourquoi sa nature propre est subsistante.
Aliud est quod nulla forma vel natura creata est suum esse; sed ipsum
esse Dei est eius natura et quidditas; et inde est quod proprium nomen ipsius
est: qui est, ut patet Exod. cap. III, 14, quia sic denominatur quasi a propria
sua forma. 2) Nulle forme ou nature crййe n'est son кtre, mais l'кtre mкme de Dieu
est sa nature et sa quidditй[14]; et pour cela son nom propre est Qui est,
comme on le voit en Ex. 3,14[15], parce qu'il est ainsi dйfini comme par sa
propre forme.
Forma ergo in istis inferioribus, quia per se non subsistit, oportet
quod in eo cui communicatur, sit aliquid aliud per quod forma vel natura subsistentiam
recipiat: et haec est materia, quae subsistit formis materialibus et naturis.
Quia vero natura materialis vel forma, non est suum esse, recipit esse per hoc
quod in alio suscipitur; unde secundum quod in diversis est, de necessitate
habet diversum esse: unde humanitas non est una in Socrate et Platone secundum
esse, quamvis sit una secundum propriam rationem. Donc, parce que la forme dans les кtres infйrieurs ne subsiste pas par
elle-mкme, il faut que ce en quoi elle est communiquйe soit quelque chose
d'autre par laquelle la forme ou la nature reзoit sa subsistance[16]; et c'est
la matiиre qui subsiste par les formes et les natures matйrielles. Mais, parce
que la nature matйrielle ou la forme n'est pas son кtre, elle le reзoit du fait
qu'elle est reзue dans un autre. C'est pourquoi, selon qu'elle est dans ce qui
est diffйrent, elle a nйcessairement un кtre diffйrent. Ainsi l'humanitй n'est
pas une dans Socrate et Platon selon l'кtre, bien qu'elle le soit selon sa
propre dйfinition.
In communicatione vero qua divina natura communicatur, quia ipsa est
per se subsistens, non requiritur aliquid materiale per quod subsistentiam
recipiat; unde non recipitur in aliquo quasi in materia, ut sic genitus, ex
materia et forma inveniatur compositus. Et quia iterum ipsa essentia est suum
esse, non accipit esse per supposita in quibus est: unde per unum et idem esse
est in communicante et in eo qui communicatur; et sic manet eadem secundum
numerum in utroque. Dans l'acte par lequel la nature divine se communique, parce qu'elle
est subsistante par soi, elle n'a pas besoin de quelque chose de matйriel pour
recevoir sa subsistance; donc elle n'est pas reзue dans quelque chose comme
dans la matiиre, de sorte que ce qui est engendrй se trouverait composй de
matiиre et de forme. Et parce que, а nouveau, sa propre essence est son кtre,
elle ne le reзoit pas par les suppфts en qui elle est; c'est pourquoi par un
seul et mкme кtre, elle est dans celui qui communique et dans celui qui est
communiquй et ainsi elle demeure la mкme selon le nombre dans les deux.
Huius autem communicationis exemplum in operatione intellectus
congruentissime invenitur. Nam ipsa divina natura spiritualis est, unde per
exempla spiritualia melius manifestatur. Cum enim alicuius rei extra animam per
se subsistentis noster intellectus concipit quidditatem, fit quaedam
communicatio rei quae per se existit, prout a re exteriori intellectus noster
eius formam aliquo modo recipit; quae quidem forma intelligibilis, in
intellectu nostro existens, aliquo modo a re exteriori progreditur. Sed quia
res exterior diversa a natura intelligentis est; aliud est esse formae
intellectus comprehensae, et rei per se subsistentis. L'exemple de cette communication, on le trouve de maniиre trиs
pertinente dans l'opйration de l'esprit[17]. Car la nature divine est
spirituelle; c'est pourquoi elle est plus facilement rйvйlйe par des exemples
spirituels. Car lorsque notre esprit conзoit la quidditй de ce qui subsiste par
soi hors de l'вme, ce qui existe par soi se communique dans la mesure oщ notre
esprit reзoit sa forme d'une certaine maniиre de la rйalitй extйrieure; cette
forme intelligible, qui existe dans notre esprit, vient de la rйalitй
extйrieure d'une certaine maniиre. Mais parce que cela est diffйrent de la
nature de celui qui la pense, l'кtre de la forme pensйe par l'intellect et de
ce qui subsiste par soi est diffйrent.
Cum vero intellectus noster sui ipsius quidditatem concipit, utrumque
servatur: quia videlicet et ipsa forma intellecta ab intelligente in intellectum
aliquo modo progreditur cum intellectus eam format; et unitas quaedam servatur
inter formam conceptam quae progreditur et rem unde progreditur, quia utrumque
habet intelligibile esse, nam unum est intellectus, et aliud est intelligibilis
forma, quae dicitur verbum intellectus. Quia tamen intellectus noster non est
secundum suam essentiam in actu perfecto intellectualitatis, nec idem est
intellectus hominis quod humana natura; sequitur quod verbum praedictum etsi
sit in intellectu, et ei quodammodo conforme, non tamen sit idem quod ipsa
essentia intellectus, sed eius expressa similitudo. Nec iterum in conceptione
huiusmodi formae intelligibilis, natura humana communicatur, ut generatio
proprie dici possit, quae communicationem naturae importat. Mais quand notre esprit conзoit sa propre quidditй, l'un et l'autre
sont conservйs, parce que la forme mкme pensйe par celui qui la pense en son
esprit sort en quelque maniиre quand l'esprit lui donne forme et une certaine
unitй est conservйe entre la forme conзue qui sort et ce dont elle sort, parce
que les deux ont un кtre intelligible, car l'un est l'esprit et l'autre la
forme intelligible qu'on appelle le verbe de l'esprit. Cependant parce que
notre esprit n'est pas, en son essence, en acte parfait d'intelligibilitй, et
que l'esprit de l'homme n'est pas identique а la nature humaine, il en dйcoule
que ce verbe, mкme s'il est dans l'esprit et de mкme forme d'une certaine
maniиre, n'est cependant pas le mкme que l'essence mкme de l'esprit, mais sa
ressemblance exprimйe. Et а nouveau, dans la conception d'une forme
intelligible de ce genre, la nature humaine n'est pas communiquйe, comme on
pourrait le dire а proprement parler de la gйnйration qui apporte communication
de la nature.
Sicut autem in nostro intellectu seipsum intelligente invenitur quoddam
verbum progrediens, eius a quo progreditur similitudinem gerens; et ita in
divinis invenitur verbum similitudinem eius a quo progreditur habens. Cuius
processione in duobus verbi nostri processionem superat. Dans notre esprit qui se comprend lui-mкme, on trouve un verbe qui
sort, portant ressemblance de ce dont il sort; et de mкme, en Dieu, on trouve
un verbe qui a ressemblance de celui dont il sort. Par sa procession il dйpasse
en deux points celle de notre verbe.
Primo in hoc quod verbum nostrum est diversum ab essentia intellectus,
ut dictum est; intellectus vero divinus qui in perfecto actu intellectualitatis
est secundum suam essentiam, non potest aliquam formam intelligibilem recipere
quae non sit sua essentia; unde verbum eius unius essentiae cum ipso est, et
iterum ipsa divina natura eius intellectualitas est; et sic communicatio quae
fit per modum intelligibilem, est etiam per modum naturae, ut generatio dici
possit; 1) Premiиrement, en ce que notre verbe est diffйrent de l'essence de
l'esprit comme on l'a dit; mais l'esprit divin qui est, selon son essence, en
acte parfait d'intelligibilitй, ne peut recevoir une forme intelligible qui ne
soit pas son essence. C'est pourquoi son verbe est d'une seule essence avec lui
et en plus la nature divine elle-mкme est son intellectualitй et ainsi la
communication qui se fait par mode intelligible est aussi par mode de nature
pour qu'on puisse l'appeler gйnйration.
in quo secundo processionem verbi nostri Dei verbum excedit.
Et hunc modum generationis
Augustinus assignat. 2) Deuxiиmement, le verbe de Dieu dйpasse la procession de notre verbe.
Et c'est ce mode de gйnйration qu'Augustin attribue а Dieu (La Trinitй).
Quia vero de divinis loquimur secundum modum nostrum,- quem intellectus
noster capit ex rebus inferioribus, ex quibus scientiam sumit,- ideo sicut in
rebus inferioribus cuicumque attribuitur actio, attribuitur aliquod actionis
principium, quod potentia nominatur; ita et in divinis, quamvis in Deo non sit
differentia potentiae et actionis, sicut in rebus creatis. Et propter hoc,
generatione in Deo posita, quae per modum actionis significatur, oportet ibi
concedere potentiam generandi, vel potentiam generativam. Parce que nous parlons de Dieu а notre maniиre: notre esprit prend des
choses infйrieurs, et il en tire sa connaissance, –aussi de mкme que dans les
кtres infйrieurs, а qui que ce soit qu'on attribue l'action, on attribue un
principe d'action, qu'on appelle puissance; de mкme on l'attribue а Dieu,
quoique en lui il n'y ait pas, comme dans les crйatures, de diffйrence entre la
puissance et l'action. Et c'est pour cela qu'une fois йtablie la gйnйration en
Dieu qui est signifiйe par son mode d'action, il faut lui accorder la puissance
d'engendrer ou puissance gйnйrative.
Solutions q. 2 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod potentia quae in Deo ponitur nec proprie activa nec
passiva est, cum in ipso non sit nec praedicamentum actionis nec passionis, sed
sua actio est sua substantia; sed ibi est potentia per modum potentiae activae
significata. Nec tamen oportet quod filius sit actus vel factus, sicut nec
oportet quod proprie sit ibi actio vel passio. # 1. La puissance qu'on place en Dieu n'est, а proprement parler, ni
active ni passive, puisqu'il n'y a pas en lui les catйgories d'action ou de
passion[18], mais son action est sa substance, mais c'est lа qu'est la
puissance signifiйe par le mode de puissance active. Cependant il ne faut que
le Fils soit ni un acte ou un produit, de mкme qu'il ne faut pas qu'il y ait lа
proprement action ou passion.
q. 2 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod cum recipere terminetur ad habere, sicut ad finem;
dupliciter dicitur aliquid esse recipiens, sicut dupliciter est, habens. # 2. Comme la rйception se termine а la possession en tant qu'elle en
est la fin, on parle de deux maniиres de ce qui reзoit, de mкme que de ce qui
possиde.
Habet enim uno modo materia formam suam, et subiectum accidens, vel
qualitercumque habitum est extra essentiam habentis; a) Car la matiиre possиde d'une seule maniиre sa forme et le sujet son
accident, mкme de quelque maniиre que ce qui est possйdй soit hors de l'essence
de celui qui le possиde.
habet autem alio modo suppositum naturam, ut hic homo humanitatem; quae
quidem non est extra essentiam habentis, immo est eius essentia. Socrates enim
est vere id quod homo est. Genitus ergo in humanis etiam non recipit formam
generantis sicut materia formam, vel sicut subiectum accidens sed sicut
suppositum vel hypostasis habet naturam speciei; et similiter est in divinis.
Unde non oportet quod sit in Deo genito aliqua materia vel subiectum naturae
divinae: sed quod ipse filius subsistens sit qui naturam divinam habeat. b) Mais le suppфt possиde sa nature d'une autre maniиre, comme cet
homme possиde l'humanitй, qui n'est pas hors de l'essence de son possesseur,
mais est tout а fait son essence. Car Socrate est vйritablement ce qu'est un
homme. Donc celui qui est engendrй chez les hommes, ne reзoit pas la forme de
celui qui l'engendre, comme la matiиre reзoit sa forme, ou comme le sujet
l'accident, mais comme le suppфt ou l'hypostase possиde la nature de l'espиce;
il en est de mкme en Dieu. C'est pourquoi il ne faut pas qu'il y ait en ce Dieu
qui est engendrй de la matiиre ou un substrat de nature divine: mais que le
Fils subsistant soit lui-mкme celui qui possиde la nature divine[19].
q. 2 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod Deus genitus non distinguitur a Deo generante per
aliquam essentiam additam, cum, sicut dictum est, non requiratur aliqua materia
in qua recipiatur natura divina. Distinguitur autem per ipsam relationem, quae
est ab alio habere naturam, ita quod in filio ipsa relatio filiationis tenet
locum omnium principiorum individuantium in rebus creatis (propter quod dicitur
proprietas personalis), ipsa autem natura divina tenet locum naturae speciei.
Quia autem ipsa relatio secundum rem a natura divina non differt, non fit ibi
aliqua compositio, sicut apud nos ex principio speciei et ex individuantibus
quaedam compositio relinquitur. # 3. Dieu engendrй n'est pas distinct du Dieu qui engendre par une
essence ajoutйe, puisque, comme on le dit (dans le corps de l'article), il n'a
pas besoin de matiиre dans laquelle serait reзue la nature divine. Mais il est
distinguй par la relation qui consiste а possйder sa nature d'un autre, de
sorte que dans le Fils la relation de filiation tient lieu de tous les
principes qui individualisent dans les crйatures (c'est pour cela qu'on
l'appelle propriйtй personnelle), mais la nature divine mкme tient lieu de la
nature de forme (species). Parce que la relation en rйalitй ne diffиre pas de
la nature divine; il ne se fait lа aucune composition, comme chez nous, une
certaine composition demeure par le principe de l'espиce et ce qui
l'individualise.
q. 2 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod ratio illa procedit, quando potentia illa ab actu
differt, sive sit coniuncta actui, sive non; hoc autem non habet locum in
divinis. # 4. Cette raison[20] est valable quand cette puissance est diffйrente
de l'acte, qu'elle lui soit jointe, ou non, mais cela n'a pas de place en Dieu.
q. 2 a. 1 ad 5 Et
sic patet solutio ad quintum. # 5. Et ainsi la solution а l'objection 5 est йvidente.
q. 2 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod omne illud quod est principium actionis, ut quo agitur,
habet potentiae rationem; sive sit essentia, sive aliquod accidens medium, puta
qualitas quaedam inter essentiam et actionem. In creaturis tamen corporalibus
vel vix vel nunquam invenitur aliqua actio alicuius naturae substantialis nisi
mediante aliquo accidente: sol enim mediante luce quae in ipso est, illuminat.
Quia vero anima vivificat corpus est per essentiam animae. Sed vivificare,
licet per modum actionis dicatur, non tamen est in genere actionis, cum sit
actus primus magis quam secundus. # 6. Tout ce qui est principe d'action, comme par quoi il subit, a
valeur de puissance; que ce soit l'essence, ou quelque accident intermйdiaire;
par exemple une qualitй entre l'essence et l'action. Cependant dans les
crйatures corporelles, rarement ou jamais, on ne trouve une action d'une nature
substantielle, sinon par quelque accident intermйdiaire. Le soleil, en effet,
йclaire а l'aide de la lumiиre, qui est en lui. Ainsi parce que l'вme donne vie
au corps c'est par son essence. Mais donner vie, bien qu'on le dise par mode d'action,
n'est cependant pas dans le genre de l'action, puisque c'est un acte premier
plus qu'un acte second[21].
q. 2 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod in creaturis non potest esse generatio sine divisione
essentiae vel naturae secundum esse, cum natura non sit suum esse; et ideo in
creaturis est generatio cum aliqua indignitate: et propter hoc in creaturis
nobilioribus non competit generatio. Sed in Deo potest esse generatio huiusmodi
sine huiusmodi vel alia imperfectione; et ideo nihil prohibet generationem ibi
ponere. # 7. Dans les crйatures il ne peut y avoir gйnйration sans division de
l'essence ou de la nature selon l'кtre, puisque la nature n'est pas son кtre et
c'est pourquoi en elles, il y a une gйnйration avec une certaine indignitй et
c'est pour cela que la gйnйration ne convient pas aux crйatures plus nobles.
Mais en Dieu il peut y avoir une telle gйnйration sans imperfection de ce genre
ou autre et c'est pourquoi rien n'empкche de placer la gйnйration en lui.
q. 2 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod illa ratio procedit de generatione materiali; unde ad
propositum, locum non habet. # 8. Cette raison procиde de la gйnйration matйrielle; donc elle n'a
pas place dans notre propos.
q. 2 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod illud quod est obiectum potentiae activae vel passivae
cuius actio vel passio est cum motu, oportet esse possibile et contingens, cum
omne mobile huiusmodi sit. Talis autem non est potentia generativa in Deo, ut
dictum est; unde ratio non sequitur. # 9. Ce qui est l'objet d'une puissance active ou passive, dont
l'action ou la passion est avec mouvement, doit кtre possible et contingent,
puisque tout ce qui est mobile est de ce genre. Mais telle n'est pas la
puissance gйnйrative en Dieu, comme on l'a dit; donc cette raison ne convient
pas.
q. 2 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod filius Dei non se habet ad potentiam generativam sicut
effectus, cum eum genitum, non factum confiteamur. Si tamen esset effectus,
potentia generantis non finiretur ad ipsum, quamvis alius generari filius non
possit, quia ipse infinitus est. Quod autem alius filius in divinis esse non
potest, contingit, quia ipsa filiatio est proprietas personalis ipsius; et hoc
quo, ut ita dicam, individuatur. Cuilibet autem individuo principia
individuantia sunt soli sibi; alias sequeretur quod persona vel individuum
esset communicabile ratione. # 10. Le Fils de Dieu ne se comporte pas vis-а-vis de la puissance
gйnйrative comme un effet, puisque nous confessons qu'il est engendrй et non
crйй. Si cependant il йtait un effet, la puissance de celui qui engendre ne se
terminerait pas а lui bien qu'un autre fils ne puisse кtre engendrй, puisqu'il
est lui-mкme infini. Mais le fait qu'un autre fils ne puisse pas exister en
Dieu, arrive parce que la filiation mкme est sa propriйtй personnelle et ce par
quoi il est personalisй pour ainsi dire. Pour n'importe quel individu les
principes qui individualisent sont pour lui seul; autrement il s'ensuivrait que
la personne ou l'individu serait communicable en raison.
q. 2 a. 1 ad 11 Ad undecimum
dicendum, quod verbum illud Avicennae intelligendum est, quando id quod
recipitur ab alio, non idem numero est in recipiente et dante, sicut accidit in
creaturis respectu Dei. Unde omne receptum in creatura, est quasi unitas
respectu esse divini: quia creatura non potest esse recipere secundum illam
perfectionem quae in Deo est. Sed filius in divinis accipit a patre eamdem
naturam numero quam pater habet: et ideo non procedit. # 11. Il faut comprendre que ce mot d'Avicenne s'applique quand ce qui
est reзu d'un autre n'est pas identique en nombre dans celui qui reзoit et
celui qui donne, comme cela arrive pour les crйatures par rapport а Dieu. C'est
pourquoi tout ce qui est reзu dans la crйature est comme une unitй par rapport
а l'кtre divin; parce que la crйature ne peut pas recevoir l'кtre selon cette
perfection qui est en Dieu. Mais le Fils reзoit du Pиre une nature identique en
nombre а celle du Pиre; et c'est pourquoi, cette objection n'est pas valable.
q. 2 a. 1 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod filius non habet aliquid realiter divisum ab essentia
quam a patre recipit: sed hoc ipso quod a patre recipit, oportet in ipso esse
relationem qua ad patrem referatur, et per quam ab eo distinguatur. Ipsa tamen
relatio realiter ab essentia non differt. # 12. Le Fils n'a rien qui soit rйellement sйparй de l'essence qu'il
reзoit du Pиre; mais il faut que ce qu'il reзoit du Pиre soit en lui une
relation par laquelle il se rйfиre au Pиre, et par laquelle il est distinguй de
lui. Cependant cette relation n'est pas rйellement diffйrente de l'essence[22].
q. 2 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet eadem natura sit in patre et filio, est
tamen secundum alium modum existendi, scilicet cum alia relatione et ideo non
oportet quod quidquid convenit patri per naturam suam, conveniat filio. #13. Bien que la nature soit la mкme dans le Pиre et le Fils, elle
prйsente un autre mode d'existence, c'est-а-dire avec une autre relation et
c'est pourquoi il ne faut pas que ce qui convient au Pиre par sa nature convienne
au Fils.
q. 2 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod creaturae per hoc quod participant naturam
speciei, pertingunt ad divinam similitudinem: unde quod aliquod suppositum
creatum subsistat in natura creata, est ordinatum ad alterum tamquam ad finem;
et ideo ex quo sufficienter pervenitur ad finem per unum individuum, secundum
perfectam et propriam participationem naturae speciei, non oportet aliud
individuum in illa natura subsistere. Sed natura divina est finis: et non
propter aliquem finem. Fini autem congruit ut communicetur secundum omnem
possibilem modum. Unde quamvis ibi in uno supposito perfecte et proprie
inveniatur; nihil prohibet quin etiam inveniatur in alio. # 14. En participant а la nature de l'espиce, les crйatures parviennent
а la ressemblance divine: c'est pourquoi le fait qu'un suppфt crйй subsiste
dans la nature crййe est ordonnй а un autre comme а sa fin, et ainsi du fait
qu'on parvient avec suffisance а la fin par un individu, selon la participation
parfaite et propre de la nature de l'espиce, il ne faut pas qu'un autre
individu demeure dans cette nature. Mais la nature divine est la fin et non en
vue d'une fin. Il convient а une fin d'кtre communiquйe, de toute maniиre
possible. C'est pourquoi, quoique lа on le trouve dans un suppфt parfaitement
et en propre, rien n'empкche qu'on le trouve dans un autre.
q. 2 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod generatio est species mutationis ex parte illa
qua natura per generationem communicata recipitur in aliqua materia, quae est
mutationis subiectum. Hoc autem non accidit in divina generatione; ideo ratio
non sequitur. # 15. La gйnйration est une espиce de changement du cфtй oщ la nature
communiquйe par gйnйration est reзue dans une matiиre qui est le sujet du
changement. Mais cela n'arrive pas dans la gйnйration divine, c'est pourquoi
l'argument ne convient pas.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: Ia. qu. 27. a. 2 – Ia, q. 41, a. 4 –1 Sent., d7q1a1. Contra Graecos,
3, Compendium 40, 43 – (Ad Col. 1, lectio 4).
[2]
La puissance active est comprise ici comme dans la question I, comme puissance
crйatrice, puissance de faire, qui aboutit а une crйature.
[3]
Dйmonstration de la deuxiиme proposition du syllogisme. Les propositions sont
ici numйrotйes. La gйnйration est ici conзue а l'image de la gйnйration des
crйatures oщ il y a communication et rйception dans la matiиre.
[4]Anselme, Monologium, XV. Cf. Pot. 1, 1, obj. 2.
[5]Vient
d'Aristote. Mйtaphysique, IX, 9, 1051
a 4-15. L'argument est utilisй pour la puissance en gйnйral. "Toute
puissance trouve plus parfait qu'elle, а savoir la forme pour la puissance
passive et l'opйration pour la puissance active." Cf. obj. suivante.
[6]
Cela a йtй dйmontrй qu. 1, a. 3.
[7]
Avicenne, Ibn Sina, 980-1037, mйdecin, philosophe et thйologien arabe. Il vйcut
en Perse de 980 а 1037. Son oeuvre a eu une influence importante sur la
philosophie chrйtienne de l'вge scolastique. Il est souvent citй dans le De
potentia. Son influence y est importante."...l'ordre du De potentia
s'explique bien si on l'oppose а une philosophie йmanatiste, analogue а celle
d'Avicenne..." Maurice Bouyges, l'idйe gйnйratrice du De potentia de saint
Thomas, p. 267.
L'objection
courantes des Musulmans contre la Trinitй est qu'elle est impossible а cause de
la simplicitй de Dieu. Ici c'est une seconde objection.
[8]
La gйnйration s'opиre dans l'opposй.
[9]
De Finance, p. 187, note 1. Les rйfйrences en Pot. 3, 9, obj. 25, sont Mйtйores
IV, 3, 380 a 11-15 - L'вme, II, 4, 415
a 33. Cf. Ia, qu. 4, a. 1.
[10]
PL 42, 762.
[11]
Il est acte pur.
[12]
Il s'agit du possible dans ce qui reзoit. Cf. Rosemann, P.W. Omne ens est
aliquid Louvain, Paris 1996. "Puisque "l'autre" sur lequel porte
l'opйration porte aussi une tendance а s'йpanouir qui s'opposera а celle de
l'agent, aucun action ne parviendra а s'assimiler tout а fait
"l'autre" avec lequel elle entre en contact." p. 66.
L'argumentation
est la mкme que chez Albert. Cf. P. Vanier, Thйologie trinitaire chez saint
Thomas d'Aquin, Montrйal, Paris, 1953, p. 46.
[13]
Thomas dйmontrera que la crйation dйpend de la volontй et la gйnйration est de
la nature (a. 3). En I Sent, d7q1a1, en parallиle а la puissance naturelle chez
l'homme, il place en Dieu une puissance rationnelle (potentia rationalis), et
en Ia,qu. 27,a. 2, c, un modus intelligibilis actionis (mode d'activitй
intellectuelle, Trad. Йd. des Jeunes). La conception de l'esprit est la
ressemblance de la chose conзue, mais ici il ne parle pas de puissance, mais de
communication.
[14]
Quidditй: nature d'une chose telle qu'elle est exprimйe par sa dйfinition.
[15]
Cf. note de la solution 9 en Pot. qu. 10, a. 1. Ce nom est considйrй comme
celui qui convient le mieux.
[16]
Au sens scolastique du terme. "Car selon que la substance existe par soi
et non dans un autre, elle est appelйe subsistance, car nous disons que
subsiste ce qui n'est pas dans un autre, mais qui existe en soi" (Ia, qu.
29, a. 2, Cf. Pot. 9, 1, c). La subsistance est "le mode substantiel
terminant l'essence individuelle et la rendant incommunicable", (Gardeil, Mйtaphysique, p. 231). Elle est
diffйrente de l'essence et de l'existence.
[17]
Thomas emploie ici presque exclusivement dans le de Potentia, le terme
intellectus, mais dans les passages parallиles des Sentences, il se sert plutфt
du mot mens.
[18]
La substance est la premiиre catйgories, mais elle n'est pas un accident.
[19]
On peut rйsumer ainsi la sol. 2: Deux rйceptions, c'est-а-dire 1. Le devenir en
acte: la matiиre reзoit la forme, le sujet l'accident. 2. La gйnйration: le
suppфt reзoit la nature de son espиce qui est son essence. C'est identique en
Dieu oщ il n'y a pas de matiиre. Le Fils reзoit la nature divine.
[20]
La puissance est imparfaite par rapport а l'acte. "Toute puissance trouve
plus parfait qu'elle ..." Cf. Pot. qu. 1, a. 1. qui renvoie а Mйtaphysique, IX, 9,1051 a 4-15.
[21]
Il s'agit d'une mise en forme et non d'une action rйelle.
[22]
Cf. qu. 8, a. 2.
Article 2: Parle-t-on de la puissance gйnйrative en Dieu selon
l'essence ou la notion ?
q. 2 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur utrum potentia generativa in
divinis dicatur essentialiter vel notionaliter. Et videtur quod notionaliter
tantum. Il semble que c'est selon la notion seulement. Objections[1][1]: q. 2 a. 2 arg. 1 Potentia enim rationem principii habet, ut patet
per definitiones positas V Metaph. Sed principium in divinis respectu divinae
personae notionaliter dicitur. Cum ergo potentia generandi hoc modo principium
importet, videtur quod notionaliter dicatur. 1.
Car la puissance a raison de principe, comme on le voit dans les dйfinitions
donnйes au livre V de la Mйtaphysique (V, 12, 1019 a 15-16[2][2]). Mais on parle de principe en Dieu
en rapport avec la personne divine selon la notion. Donc comme la puissance
d'engendrer de cette maniиre apporte un principe, il semble qu'on en parle
selon la notion. q. 2 a. 2 arg. 2 Sed dicitur, quod significat simul essentiam et
notionem. Sed contra, in divinis,
secundum Boetium, sunt haec duo praedicamenta; substantia, ad quam pertinet
essentia; et ad aliquid, ad quod pertinent notionalia. Non potest autem aliquid esse in duobus
praedicamentis, quia homo albus non est aliquid unum nisi per accidens, ut
habetur V Metaph. Ergo potentia generandi non potest in sua ratione utrumque
complecti, scilicet substantiam et notionem. 2.
Mais on dit que la puissance signifie en mкme temps l'essence et la notion. – En
sens contraire en Dieu, selon Boиce[3][3] (la Trinitй, V), il y a ces
deux catйgories: la substance а laquelle se rattache l'essence; et la relation
а laquelle se rattachent les notions[4][4]. Mais rien ne peut кtre dans deux
catйgories, parce que l'homme blanc n'est quelque chose d'unique que par
accident, comme on le dit (Cf. Mйtaphysique V, 7, 1017 a 8 ss[5][5].). Donc la puissance d'engendrer ne
peut pas par dйfinition embrasser les deux, c'est-а-dire la substance et la
notion. q. 2 a. 2 arg. 3 Praeterea, principium in
divinis distinguitur ab eo cuius est principium. Sed essentia non debet
distingui. Ergo non competit ei ratio principii: et ita potentia, quae rationem
principii includit, non significat essentiam. 3. En Dieu, on distingue le principe de ce dont il est
le principe. Mais on ne doit pas faire de distinctions pour l'essence. Donc la
raison de principe ne lui convient pas, et ainsi la puissance, qui inclut la
raison du principe, ne signifie pas l'essence[6][6].
q. 2 a. 2 arg. 4 Praeterea, in divinis quod
est proprium, est relativum et notionale; quod vero est commune, est essentiale
et absolutum. Potentia autem generandi non est communis patri et filio, sed
propria patris. Ergo dicitur relative sive notionaliter, non essentialiter nec
absolute. 4. En Dieu, ce qui est en propre est relatif et
notionnel[7][7], et ce qui est commun, essentiel et
absolu. Mais la puissance d'engendrer n'est pas commune au Pиre et au Fils,
mais propre au Pиre. Donc on la dйfinit comme relative ou notionnelle, mais non
comme essentielle ou absolue. q. 2 a. 2 arg. 5 Praeterea, propriae
actionis est principium propria forma, non communis; sicut homo per intellectum
intelligit: nam haec actio est sibi propria respectu animalium aliorum, sicut
et forma rationalitatis sive intellectualitatis. Sed generatio est propria
operatio patris in quantum est pater. Ergo eius principium est paternitas, quae
est propria forma patris, et non deitas, quae est forma communis. Paternitas
vero ad aliquid dicitur. Ergo potentia generandi non solum quantum ad rationem
principii, sed etiam quantum ad id quod est principium, dicitur ad aliquid. 5. Le principe de l'action propre est la forme propre,
non commune; ainsi l'homme comprend par son esprit; car cette action lui est
propre par rapport aux autres кtres animaux, de mкme que la forme de la
rationalitй ou de l'intellectualitй. Mais la gйnйration est l'opйration propre
du Pиre en tant que tel. Donc son principe est la paternitй qui est la forme
propre du Pиre et non la divinitй qui est la forme commune. Et la paternitй est
dйsignйe comme une relation. Donc la puissance d'engendrer, non seulement quant
а la nature du principe, mais aussi quant а ce pour quoi elle est principe, est
appelйe relation. q. 2 a. 2 arg. 6 Praeterea, sicut potentia
generandi realiter ab essentia divina non differt, ita nec etiam paternitas.
Sed hoc non obstante paternitas dicitur tantum ad aliquid. Ergo nec propter hoc
debet dici quod potentia generandi, cum relatione significet essentiam. 6. La puissance d'engendrer ne diffиre pas rйellement
de l'essence divine, la paternitй non plus. Cependant cela n'empкche pas que la
paternitй ne soit dйfinie qu'en tant que relation. Donc ce n'est pas а cause de
cela qu'on doit dire que la puissance d'engendrer signifie l'essence avec une
relation. q. 2 a. 2 arg. 7 Praeterea, in divinis tria
invenimus quae rationem principii habent, scilicet potentiam et scientiam et
voluntatem, quae essentialiter dicuntur in Deo. Sed scientia et voluntas non
simul significantur cum aliqua relatione vel notione in divinis. Ergo pari
ratione nec potentia; et sic non potest dici quod potentia generandi significet
simul essentiam ex parte potentiae, et notionem ex parte generationis; sed
videtur quod significet tantum notionem per rationes inductas. 7. En Dieu, nous trouvons trois attributs qui ont
raison de principe, а savoir la puissance, la science et la volontй, dont on
parle en lui en rapport avec l'essence. Mais on ne signifie pas la science et
la volontй en mкme temps avec une relation ou une notion. Donc, а raison йgale,
la puissance non plus, et ainsi on ne peut pas dire que la puissance
d'engendrer signifie en mкme temps l'essence du cфtй de la puissance et la
notion du cфtй de la gйnйration, mais il semble qu'elle signifie seulement la
notion pour les raisons invoquйes. q. 2 a. 2 s. c. 1 Sed contra. Est quod
Magister dicit, 7 dist., I Senten., quod potentia generandi in patre est ipsa
divina essentia. 1. Il y a ce que dit la Maоtre des sentences (I Sent.
d7[8][8]) que la puissance d'engendrer dans le Pиre est
l'essence divine mкme. q. 2 a. 2 s. c. 2 Praeterea, Hilarius
dicit, quod pater generat virtute naturae divinae. Ergo ipsa natura est
generationis principium; et sic rationem potentiae habet. 2. Hilaire dit (Les synodes[9][9])
que le Pиre engendre par le pouvoir de sa nature divine. Donc sa propre nature
est le principe de la gйnйration et ainsi elle a raison de puissance. q. 2 a. 2 s. c. 3 Praeterea, Damascenus
dicit, quod generatio est opus naturae existens; et sic idem quod prius. 3. Jean Damascиne (La foi orthodoxe, 1, 8[10][10]) dit que la gйnйration est l'oeuvre
de la nature et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 2 s. c. 4 Praeterea, in divinis est tantum una potentia.
Sed potentia creandi dicitur essentialis. Ergo et potentia generandi. 4.
En Dieu, il n'y a qu'une seule puissance[11][11].
Mais on dit que la puissance de crйer est essentielle[12][12].
Donc la puissance d'engendrer aussi. q. 2 a. 2
co. Respondeo. Dicendum quod circa hoc est multiplex opinio. Quidam
enim dixerunt, quod potentia generandi in divinis dicitur tantum ad aliquid: et
movebantur hac ratione: quia potentia secundum suam rationem est principium
quoddam; principium autem relative dicitur et est notionale, si referatur ad
divinam potentiam et non ad creaturas. Sed in hac ratione videntur fuisse
decepti propter duo: ` Sur ce sujet les
opinions sont nombreuses. A)
Car certains ont dit qu'on parle de la puissance d'engendrer en Dieu
seulement comme relation[13][13], et ils y йtaient poussйs parce que
la puissance par nature est un principe; on dit d'un principe qu'il est relatif
et il est notionnel, si on le rapporte а la puissance divine et non aux crйatures.Mais
dans ce raisonnement, ils paraissent s'кtre trompйs pour deux raisons: primo, quia licet potentiae conveniat ratio principii, quod in
genere relationis est, tamen id quod est principium actionis vel passionis, non
est relatio, sed aliqua forma absoluta; et id est essentia potentiae; et inde
est quod philosophus ponit potentiam non in genere relationis, sed qualitatis,
sicut et scientiam, quamvis utrique aliqua relatio accidat. a)
Parce que, bien que la nature du principe, qui est dans le genre de la
relation, convienne а la puissance, cependant ce qui est principe d'action ou
de passion n'est pas une relation mais une forme absolue; et c'est l'essence de
la puissance; et de lа vient que le philosophe place la puissance non pas dans
le genre de la relation mais dans celui de qualitй comme la connaissance aussi,
quoique en chacune des deux on trouve une relation[14][14]. Secundo, quia ea quae in divinis important principium respectu
operationis, non dicuntur notionaliter, sed solum ea quae dicunt principium
respectu eius quod est operationis terminus: principium enim quod notionaliter
dicitur in divinis, est respectu personae subsistentis; operatio autem non
significatur ut subsistens: unde ea quae respectu operationis rationem
principii habent, non oportet in divinis notionaliter dici; alias voluntas et
scientia et intellectus et omnia huiusmodi notionaliter dicerentur. b)
Parce qu'on ne dйsigne pas comme notion ce qui apporte en Dieu un principe en
rapport avec l'opйration, mais seulement de ce qu'ils appellent le principe en
rapport avec le terme de l'opйration[15][15];
car le principe qu'on dйsigne comme notion en Dieu, est en rapport avec une
personne subsistante; mais l'opйration n'est pas signifiйe comme subsistante.
C'est pourquoi ce qui a raison de principe en rapport avec l'opйration ne doit
pas кtre signifiй en Dieu comme une notion, autrement la volontй, la
connaissance, l'esprit et tout ce qui est de ce genre serait signifiй comme
notions. Potentia autem, licet sit principium quandoque et actionis et eius
quod est per actionem productum, tamen unum accidit ei, alterum vero competit
ei per se: non enim potentia activa semper, per suam actionem, aliquam rem
producit quae sit terminus actionis, cum sint multae operationes quae non
habent aliquid operatum, ut philosophus dicit; semper enim potentia est
actionis vel operationis principium. Unde non oportet quod propter relationem
principii, quam nomen potentiae importat, relative dicatur in divinis. Mais
bien que la puissance soit parfois principe de l'action et de ce qu'elle
produit, cependant une seule chose lui arrive, et l'autre lui convient par soi;
car la puissance active, par son action, ne produit pas toujours ce qui est le
terme de l'action, puisqu'il y a de nombreuses opйrations qui n'ont aucun
rйsultat, comme le philosophe le dit (Йthique I, 1, 1094 a 4 et Mйtaphysique
IX, 8, 1050 a 3[16][16]), car la puissance est toujours
principe de l'action ou de l'opйration. Donc il ne faut pas que, а cause de la
relation de principe qu'introduit le nom de puissance, on en parle selon la
relation en Dieu. Ipsa etiam positio veritati consona non videtur. Nam si id quod est
potentia, est ipsa res quae est principium actionis, oportet naturam divinam
esse id quod est principium in divinis: cum enim omne agens, in quantum
huiusmodi, agat simile sibi, illud est principium generationis in generante
secundum quod genitus generanti similatur, homo enim virtute humanae naturae
generat filium, qui sibi in natura humana similis invenitur: Deo autem patri
conformis est Deus genitus in natura divina: unde natura divina est
generationis principium, ut cuius virtute generat pater, sicut Hilarius dicit,
loc. cit. Cette
position ne semble pas non plus en accord avec la vйritй. Car si ce qui est la
puissance est ce qui est principe de l'action, il faut que la nature divine
soit ce qui est le principe en Dieu; puisque, en effet, tout agent, en tant que
tel, fait du semblable а lui; c'est cela le principe de la gйnйration dans
celui qui engendre selon que l'engendrй lui ressemble, car l'homme par le
pouvoir de sa nature, engendre un fils qui se trouve lui ressembler dans la
nature humaine, mais le Dieu engendrй dans la nature divine est conforme а Dieu
le Pиre. C'est pourquoi la nature divine est principe de gйnйration, comme de
ce que le Pиre engendre par son pouvoir, comme le dit Hilaire (Loc. cit.). et propter hoc alii dixerunt, quod potentia generandi significat
essentiam tantum. Sed illud etiam conveniens non videtur: actio enim quae fit
virtute naturae communis per aliquid sub natura communi contentum, aliquem
modum accipit ex propriis illius principiis; sicut actio quae debetur naturae
animalis, fit in homine secundum quod competit principiis speciei humanae: unde
et homo perfectius habet actum virtutis imaginativae quam alia animalia,
secundum quod competit eius rationalitati. Similiter etiam actio hominis
invenitur in hoc et in illo homine secundum quod competit principiis
individualibus huius vel illius, ex quibus contingit quod unus homo clarius
alio intelligit. Et ideo oportet quod si natura communis sit principium
alicuius operationis quae solum patri convenit, oportet quod sit principium,
secundum quod competit proprietati personali patri. Et propter hoc in ratione
potentiae includitur quodammodo paternitas, etiam quantum ad id quod est
generationis principium. B)
Et c'est pour cela que d'autres ont dit que la puissance d'engendrer
signifie l'essence seulement. Mais mкme cela ne paraоt pas convenir. Car
l'action qui se fait par le pouvoir d'une nature commune par quelque chose
contenu dans la nature commune, reзoit un mode par ses propres principes; de
mкme que l'action, due а la nature de l'animal est accomplie dans l'homme selon
qu'elle rйpond aux principes de l'espиce humaine: c'est pourquoi l'homme a un
acte de son pouvoir imaginatif plus
parfait que les autre animaux, selon qu'il rйpond а sa rationalitй. De la mкme
maniиre, on trouve l'action de l'homme dans cet homme et dans celui-lа, selon
qu'il rйpond aux principes individuels de celui-ci ou celui-lа, par lesquels il
se trouve qu'un homme pense plus clairement qu'un autre. Et c'est pourquoi, si
la nature commune est le principe d'une opйration qui convient seulement au
Pиre, il faut qu'elle soit le principe, selon qu'elle convient par la propriйtй
personnelle du Pиre. Et а cause de cela la paternitй est incluse d'une certaine
maniиre aussi dans la nature de la puissance, pour ce qui est aussi le principe
de la gйnйration. Et propter hoc cum aliis dicendum est, quod potentia generandi
simul essentiam et notionem significat. C)
Et c'est pour cela qu'il faut le dire avec d'autres[17][17],
la puissance d'engendrer signifie en mкme temps essence et notion. q. 2 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod potentia importat
rationem principii respectu operationis, quae notionaliter non dicitur in
divinis, ut dictum est. #
1. La puissance apporte une raison de principe en rapport avec l'opйration dont
on ne parle pas comme une notion en Dieu, comme on l'a dit[18][18]. q. 2 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in rebus creatis unum
praedicamentum accidit alteri, propter quod non potest ex duobus fieri unum,
nisi unum per accidens; sed in divinis relatio est realiter ipsa essentia: et
ideo non est simile. #
2. Dans les crйatures, il n'y a qu'une seule catйgorie qui arrive dans
une autre, parce qu'on ne peut de deux en faire une а moins qu'elle ne soit
une, par accident[19][19]; mais en Dieu, la relation est
rйellement l'essence mкme et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 2 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in rebus creatis
principium generationis est duplex, scilicet generans et quo generatur: sed
generans quidem per generationem distinguitur a genito, cum nulla res generet
se ipsam; sed id quod generans generat, non distinguitur, sed est commune
utrique, ut dictum est, in corp. art. unde non oportet naturam divinam
distingui, sicut potentia generandi, cum potentia sit principium ut quo. #
3. Dans les crйatures, le principe de la gйnйration est double: celui qui
engendre et ce par quoi il est engendrй; mais celui qui engendre est diffйrent
de l'engendrй par la gйnйration, puisque rien ne s'engendre soi-mкme; mais ce
que ce qui engendre engendre n'est pas diffйrent, mais est commun а l'un et а
l'autre, comme on l'a dit, dans le corps de l'article. C'est pourquoi il ne
faut pas que la nature divine soit diffйrent comme la puissance d'engendrer,
puisque la puissance est le principe d'origine. q. 2 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ratione relationis
implicitae, potentia generandi non est communis, sed propria. #
4. Par la nature de la relation implicite, le pouvoir d'engendrer n'est pas
commun, mais personnel. q. 2 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in qualibet generatione
principium generationis principaliter non est aliqua forma individualis, sed
forma quae pertinet ad naturam speciei. Item non oportet quod genitum similetur
generanti quantum ad conditiones individuales, sed quantum ad naturam speciei.
Paternitas autem non est in patre per modum formae speciei, sicut humanitas in
homine, sic enim in eo est divina natura; sed est in eo, ut ita dicam, sicut
principium individuale, est enim proprietas personalis: et ideo non oportet
quod sit generationis principium principaliter, sed quodammodo cointellectum
ratione supradicta: aliter sequeretur quod pater per generationem non solum
deitatem, sed paternitatem communicaret; quod est inconveniens. #
5. Dans n'importe quelle gйnйration, le principe n'est pas
principalement une forme individuelle, mais celle qui rйpond а la nature de
l'espиce. D'autre part, il ne faut pas que l'engendrй ressemble а celui qui
engendre pour les caractиres individuels, mais pour la nature de l'espиce. La
paternitй n'est pas dans le Pиre а la maniиre d'une forme d'espиce, comme
l'humanitй dans l'homme, car ainsi il y a en lui la nature divine; mais elle
est en lui, pour ainsi dire, comme principe individuel, car elle est une
propriйtй personnelle; et c'est pourquoi il ne faut pas qu'elle soit
principalement le principe de la gйnйration mais d'une certaine maniиre,
comprise avec lui pour la raison qu'on a donnйe; autrement il en dйcoulerait
que le Pиre communiquerait non seulement la divinitй par gйnйration mais aussi
sa paternitй, ce qui ne convient pas. q. 2 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod potentia generandi est idem
realiter cum natura divina ita quod natura includitur in ratione ipsius: non
autem sic est de paternitate, unde non est simile. #
6. La puissance d'engendrer est identique en rйalitй а la nature divine, de
sorte que la nature est incluse dans sa raison d'кtre, mais il n'en est pas ainsi
de la paternitй, donc ce n'est pas pareil. q. 2 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod scientia vel voluntas non
est principium generationis, cum generatio sit naturae, quae in quantum est
actionis principium, rationem potentiae habet. Et inde est quod potentia
consignificatur cum eo quod est ad aliquid in divinis, non autem scientia vel
voluntas. #
7. La science ou la volontй n'est pas un principe de gйnйration, puisque
celle-ci vient de la nature, qui, en tant que principe d'action, a raison de
puissance. Et de lа vient que la puissance est signifiйe en mкme temps avec ce
qui est relation en Dieu, mais non la connaissance ou la volontй. q. 2 a. 2 ad s. c. Ad ea autem quae sunt in contrarium de facili
patet responsio ex praedictis. A
partir de ce qui vient d'кtre dit, la rйponse est facile pour les arguments
contraires. [20][1] Parall.: Ia,
qu. 41, a. 1, ad 1 et 2, a.5 – I Sent. d7q1a1, ad 2 et a.2– d6q1a.3 – (Sur les notions voir I
Sent. d33a2 - Ia, 32, a. 2). L'article revient а poser la question suivante:
la puissance gйnйrative procиde-t-elle de l'essence ou bien elle est une
notion, c'est-а-dire la propriйtй caractйristique d'une personne. On dйsigne
les notions en Dieu non comme des rйalitйs mais des raisons formelle par
lesquelles sont connues les personnes, bien que les notions ou les relations
soient rйellement en Dieu » (Ia, qu. 28, a.1). «L'Йcriture n'en fait pas
mention: mais elle signale les personnes en qui on comprend les notions comme
l'abstrait dans le concret.» Ia, qu. 32, a. 2, sol. 1. Les actes qui
dйsignent l'ordre des origines sont appelйs des actes notionnels (notionales) quia
notiones personarum sunt personarum habitudinem ad invicem (Cf. Ia, 32, 2,
3). Les notions personnelles sont au nombre de 3: paternitй, filiation,
procession. «L'origine ne peut кtre dйsignйes que par des actes», C'est
pourquoi il a fallu attribuer des actes notionnels aux personnes. Ia,
qu. 41, a, 1 c2). Cet йlйment doit appartenir aux relation d'origine en dehors
desquelles tout en Dieu est commun. [21][2] . «On appelle puissance le principe du mouvement ou
du changement, qui est dans un autre кtre, ou dans le mкme кtre en tant
qu'autre.» (Trad. J.Tricot, p.
283-284). Dйjа citй qu. 1. a. 1. Ici, et plusieurs fois ailleurs, Thomas ne
retient que la notion de principe parce que le principe suppose une relation. [22][3] . Boиce, philosophe chrйtien, (480- 524 ou
526). Thomas a commentй son De Trinitate, et le De hebdomadibus.
Il cite aussi dans le De potentia les Deux natures du Christ. Ses
opuscules ont йtй lus et commentйs par les scolastiques. Il est le dernier
reprйsentant de la philosophie occidentale avant le Moyen Age. [23][4] . Rappelons que les Catйgories (ou
prйdicaments) genres suprкmes de l'кtre, comprennent la substance et neuf
accidents, la relation est le troisiиme (Aristote
Catйgories, (c. 5 et 7). On parle de substance en Dieu par analogie.
Quant а la relation, vu son peu de rйalitй, et le fait qu'elle renvoie а autre
chose, elle peut-кtre acceptйe pour Dieu, parce qu'elle n'est pas rйellement un
accident. [24][5] . L'кtre par accident: «Il est par accident quand,
par exemple, nous disons que le juste est musicien, ou que l'homme est
musicien...» "L'homme blanc" est un exemple donnй par Boиce. [25][6] . En Pot. qu. 1. a. 1, il a montrй que la
puissance appartient а l'essence. (v.g. ad 5, ad 9. Cf. ici sc. 1) [26][7] . Cela sera montrй plus clairement dans la question
8. En Dieu, ce qui est commun, c'est l'essence ; la personne est signifiйe
par la relation. A ce sujet, il cite Jean Damascиne (la foi orthodoxe)
I, 11. (qu. 8, a. 1, obj. 1). [27][8] . «Le Pиre n'est puissant pour engendrer que par
nature. Car sa puissance est sa nature ou son essence» (§6). [28][9] . PL 10, 520 C, XXIV, 58. [29][10] . I, 8, PG. 94, 813 A. «C'est de la nature du Pиre
que vient la gйnйration.» (Trad. E. Ponsoye). [30][11] . Cette affirmation anticipe l'article 6 de la
question. [31][12] . Concerne l'essence. [32][13] . Cf. Pot. qu. 1 a. 1, obj. 3: Le principe
est une relation. [33][14] . Cf. Aristote,
Catйgories, 8, 9 a 17. Il s'agit de la relation de celui qui connaоt au
connaissable, trиs souvent йvoquйe comme typique. [34][15] . Cf. Pot. qu. 1, a. 1, ad 1, la puissance
est non seulement le principe de l'opйration, mais aussi de l'effet, mais ici
l'effet est diffйrent. [35][16] . Il s'agit de l'action ad intra. Aristote, Йthique « Mais on
observe en fait une certaine diffйrence entre les fins: les unes consistent
dans des activitйs, et les autres dans certaines oeuvres distinctes des
activitйs elles-mкmes.» (Trad. J.
Tricot). [36][17] . Cf. Ia, qu. 41, a. 5, «Il faut dire que la
puissance d'engendrer signifie principalement l'essence divine, comme le
Maоtre des Sentences le dit (I Sent. d7), mais pas la relation
seulement.». [37][18] . Voir Pot.
I, qu. 1, a. 1, ad 3. Cf. I Sent. d42q1a2, ad 1. «La puissance gйnйrative dйsigne ce qui concerne
l'essence joint а ce qui concerne la notion, comme, quand on dit Dieu engendre
... Car le Pиre engendre par la mкme puissance que le Fils naоt, mais la notion
demeure le propre du Pиre». [38][19] . Les catйgories sont ici la substance et la notion.
Article 3: La puissance gйnйrative en son acte de gйnйration
procиde-t-elle du pouvoir de la volontй?
Qu. 2, a. 3q. 2 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur utrum potentia generativa
in actum generationis procedat per imperium voluntatis. Et videtur quod sic. Il semble que oui.
Objections[1]. q. 2 a. 3 arg. 1
Hilarius enim dicit, quod non naturali ductus necessitate pater genuit filium.
Sed si non genuit voluntate, genuit naturali necessitate, quia agens vel est
voluntarium vel naturale. Ergo pater genuit
filium voluntate; et sic potentia generativa per imperium voluntatis exit in
actum generandi. 1. Hilaire dit, en effet, dans Les Synodes (PL. 10, 59[2]) que "ce
n'est pas poussй par une nйcessitй naturelle que le Pиre a engendrй le Fils".
Mais s'il n'a pas engendrй volontairement, il l'a engendrй par nйcessitй
naturelle, parce qu'un agent agit par volontй ou par nature. Donc le Pиre a
engendrй le Fils par volontй, et ainsi la puissance gйnйrative en vient а
l'acte d'engendrer par le pouvoir de la volontй.
q. 2 a. 3 arg. 2 Sed
dicebat, quod pater non genuit filium neque voluntate praecedente, neque
voluntate consequente, sed concomitante.- Sed contra, videtur quod haec ratio
sit insufficiens. Cum enim quidquid est in Deo sit aeternum, nihil quod est in
Deo, potest tempore praecedere aliquid in Deo existens: et tamen invenitur quod
aliquid habet ad aliud rationem principii, sicut voluntas Dei ad electionem qua
eligit iustos ex hoc solo quod ab intellectu procedit. Ergo quamvis voluntas
generationem filii tempore non praecedat, nihilominus, ut videtur, potest poni
principium generationis filii ex hoc quod procedit ab intellectu. 2. Mais on pourrait dire que le Pиre n'a engendrй le Fils, ni par
volontй antйcйdente ni volontй consйquente, mais volontй concomitante. – En
sens contraire, cette raison semble insuffisante. Comme, en effet, tout ce qui
est en Dieu est йternel, rien de ce qui est en lui ne peut prйcйder
chronologiquement ce qui existe en lui et cependant on trouve que quelque chose
a raison de principe pour une autre; comme la volontй de Dieu pour l'йlection
par laquelle il йlit les justes du seul fait que cela procиde de son esprit.
Donc quoique la volontй ne prйcиde pas la gйnйration du Fils chronologiquement,
nйanmoins, а ce qu'il semble, on peut poser le principe de la gйnйration du
Fils du fait qu'il procиde de son esprit.
q. 2 a. 3 arg. 3
Praeterea, filius procedit per actum intellectus cum procedat ut verbum: verbum
enim intellectuale non est nisi cum intelligimus aliquid cogitantes, ut Augustinus
dicit. Sed voluntas est principium intellectualis operationis: imperat enim
actum intellectus, sicut et aliarum potentiarum, ut Anselmus dicit; intelligo
enim quia volo, sicut et ambulo quia volo. Ergo voluntas est principium
processionis filii. 3. Le Fils procиde par un acte de l'esprit, puisqu'il procиde en tant
que Verbe, car le verbe intellectuel n'existe que lorsque nous saisissons
quelque chose par la pensйe, comme Augustin le dit (la Trinitй, IX, VII, 11).
Mais la volontй est le principe de l'opйration intellectuelle; car elle
commande l'acte de l'esprit, comme celui des autres puissances, comme le dit
Anselme (De similit. 2); car je pense, parce que je le veux, de mкme que je me
promиne parce que je le veux. Donc la volontй est le principe de la procession
du Fils.
q. 2 a. 3 arg. 4 Sed
dices, quod in humanis verum est quod voluntas imperat actum intellectus, non
autem in divinis.- Sed contra, praedestinatio quodammodo est actus intellectus:
dicimus enim, quod Deus praedestinavit Petrum quia voluit, secundum illud Rom.
IX, 18: cuius vult miseretur et quem vult indurat. Ergo non solum in humanis
sed etiam in divinis voluntas imperat actum intellectus. 4. Mais on dira que chez l'homme, il est vrai que la volontй commande
l'acte de l'esprit, mais pas en Dieu. – En sens contraire, la prйdestination
est d'une certaine maniиre un acte de l'esprit; car nous disons que Dieu a
prйdestinй Pierre parce qu'il l'a voulu, selon cette parole de Rm. 9,18: "Il
a pitiй de qui il veut et il endurcit qui il veut." Donc non seulement
chez l'homme mais aussi en Dieu, la volontй commande l'acte de l'esprit.
q. 2 a. 3 arg. 5
Praeterea, secundum philosophum, quod movetur ex se ipso potest moveri et non
moveri; et eadem ratione quod agit ex se ipso agere potest et non agere. Sed
natura non potest agere et non agere, cum sit determinata ad unum. Ergo non
agit ex se ipsa, sed quasi mota ab alio. Hoc autem in divinis esse non potest.
Nulla ergo actio in divinis est a natura; et sic nec generatio. Et ita
generatio est a voluntate, cum omnia agentia reducantur in naturam vel
voluntatem, ut patet II Physic. 5. Selon le philosophe (Physique,
VIII, 5, 256 a 13), ce qui se meut de lui-mкme a pouvoir de se mouvoir ou pas;
et pour la mкme raison, ce qui agit de soi-mкme a pouvoir d'agir ou pas. Mais
la nature ne peut pas agir ou ne pas agir, puisqu'elle est dйterminйe а un seul
objet. Donc elle n'agit pas d'elle-mкme, mais comme mue par un autre. Mais cela
ne peut pas exister en Dieu. Donc nulle action en lui ne dйpend de la nature, la
gйnйration non plus. Et ainsi la gйnйration dйpend de la volontй, puisque tous
les agents sont ramenйs а la nature ou а la volontй, comme on le voit en Physique (II, 4, 196 a 28[3]).
q. 2 a. 3 arg. 6
Praeterea, si actio naturae praecedat actionem voluntatis, sequitur
inconveniens, quod scilicet ratio voluntatis tollatur. Nam cum natura sit
determinata ad unum, si voluntatem moveat, eam ad unum tantum movebit; quod est
contra rationem voluntatis, quae secundum quod huiusmodi, libera est. Si vero
voluntas naturam moveat, neque tolletur ratio naturae neque voluntatis, quia
quod se habet ad plura, nihil prohibet quod ad unum moveat. Ergo rationabiliter actio voluntatis praecedit actionem naturae, magis
quam e converso. Sed generatio filii est pura actio sive operatio. Ergo est
a voluntate. 6. Si l'action de la nature prйcиde l'action de la volontй, il en
dйcoule un inconvйnient: on exclut la raison d'кtre de la volontй. Car, puisque
la nature est dйterminйe а un seul objet, si elle meut la volontй, elle la mettra
en mouvement pour un seul objet, ce qui est contre la nature de la volontй,
qui, en tant que telle, est libre. Mais si la volontй meut la nature, et que la
raison d'кtre de la nature et de la volontй n'est pas exclue, parce qu'elle
s'йtend а plusieurs objets, rien n'empкche qu'elle meuve pour un seul objet.
Donc en raison, l'action de la volontй prйcиde l'action de nature, plus que le
contraire. Mais la gйnйration du Fils est pure action ou pure opйration. Donc
elle dйpend de la volontй.
q. 2 a. 3 arg. 7
Praeterea, in Psalm. CXLVIII, 5, dicitur: dixit, et facta sunt, quod Augustinus
exponit: id est, verbum genuit in quo erant ut fierent. Sic ergo processio
verbi a patre, est ratio creaturae producendae. Si ergo filius non procedit a
patre per imperium voluntatis sed naturae, videtur sequi quod omnes creaturae a
Deo naturaliter et non solum voluntarie procedant, quod est erroneum. 7. Dans le Ps. 148,5 il est dit: "Il dit et ce fut fait"
qu'Augustin expose ainsi (La Genиse au
sens littйral, II, VI, 13 et II, VII) "C'est-а-dire il engendra le
Verbe dans lequel il йtait que cela serait fait[4]". Ainsi donc la
procession du Verbe а partir du Pиre est la raison de la production de la
crйature. Si donc le Fils ne procиde pas du Pиre par le pouvoir de la volontй,
mais par celui de la nature, il paraоt en dйcouler que toutes les crйatures
procиdent de Dieu naturellement et pas seulement volontairement, ce qui est une
erreur[5].
q. 2 a. 3 arg. 8
Praeterea, Hilarius dicit in libro de synodis: si quis nolente patre natum
dicat filium, anathema sit. Non ergo pater genuit filium involuntarie; et sic
idem quod prius. 8. Hilaire dit dans le livre des Synodes (57, PL. 10, 520 C, canon 25):
"Si quelqu'un dit que le Fils est nй sans que le Pиre le veuille, qu'il
soit anathиme". Donc le Pиre ne l'a pas engendrй involontairement et ainsi
de mкme que plus haut.
q. 2 a. 3 arg. 9
Praeterea, Ioan. III, 35, dicitur: pater diligit filium, et omnia dedit in manu
eius, quod secundum unam Glossam exponitur de datione generationis aeternae.
Dilectio ergo patris ad filium est signum potius quam ratio generationis
aeternae. Sed dilectio est a voluntate. Ergo voluntas est principium
generationis filii. 9. En Jean 3, 35, il est dit: "Le Pиre aime le Fils et a tout mis
dans sa main", qu'on expose, selon une glose, comme le don de la
gйnйration йternelle. Donc l'amour du Pиre pour le Fils est le signe plus que
la raison de la gйnйration йternelle. Mais l'amour vient de la volontй. Donc la
volontй est le principe de la gйnйration du Fils.
q. 2 a. 3 arg. 10
Praeterea, Dionysius dicit, quod divinus amor non permittit ipsum sine germine
esse. Ex quo etiam videtur idem, scilicet quod amor sit ratio generationis. 10. Denys (Les Noms divins, ch. 4) dit que l'amour de Dieu ne lui
permet pas d'кtre sans descendance. Cela montre la mкme chose, а savoir que
l'amour est la raison de la gйnйration.
q. 2 a. 3 arg. 11 Praeterea, positio ad quam non
sequitur aliquod inconveniens sive error, potest poni in divinis. Sed si
ponatur quod pater genuerit filium voluntate, non sequitur aliquod inconveniens:
neque enim sequitur quod filius non sit aeternus, ut videtur; neque quod non
sit consubstantialis aut aequalis patri: quia spiritus sanctus, qui procedit
per modum voluntatis, coaeternus est, coaequalis et consubstantialis patri et
filio. Ergo videtur quod non sit erroneum dicere, quod pater genuit filium
voluntate. 11. On peut йmettre sur Dieu une hypothиse d'oщ ne dйcoule ni
inconvйnient ni erreur. Si l'on pense que le Pиre a engendrй le Fils par
volontй, il n'en dйcoule aucun d'inconvйnient; en effet il n'en dйcoule pas que
le Fils n'est pas йternel, а l'йvidence; ni qu'il ne soit pas consubstantiel ou
йgal au Pиre, parce que l'Esprit Saint qui procиde par mode de volontй est
coйternel, coйgal et consubstantiel au Pиre et au Fils. Donc il semble que ce
n'est pas une erreur de dire que le Pиre engendre le Fils par volontй.
q. 2 a. 3 arg. 12
Praeterea, voluntas quaelibet non potest non velle suum ultimum finem. Sed
finis divinae voluntatis est communicatio suae bonitatis, quae maxime fit per
generationem. Ergo voluntas patris non potest non velle generationem filii:
voluntate ergo genuit filium. 12. Toute volontй ne peut pas ne pas vouloir sa fin ultime. Mais la fin
de la volontй divine est la communication de sa bontй, ce qui se fait au plus
haut degrй par gйnйration. Donc la volontй du Pиre ne peut pas ne pas vouloir
la gйnйration du Fils; donc il a engendrй le Fils par sa volontй.
q. 2
a. 3 arg. 13 Praeterea, humana generatio a divina extrahitur, secundum illud Ephes.
cap. III, 15: ex quo omnis paternitas in caelo et in terra nominatur. Sed
humana generatio subiacet imperio voluntatis: aliter in actu generationis
peccatum non esset. Ergo etiam divina; et sic idem quod
prius. 13. La gйnйration humaine dйcoule de celle de Dieu, selon cette parole
de Ep. 3,15: "De lui toute paternitй dans le ciel et sur la terre tire son
nom." Mais la gйnйration humaine est soumise au pouvoir de la volontй.
Autrement, dans l'acte de gйnйration, il n'y aurait pas de pйchй. Donc de mкme dans
la gйnйration divine et ainsi de mкme que plus haut.
q. 2
a. 3 arg. 14 Praeterea, omnis actio naturae immutabilis est necessaria. Sed
natura divina omnino est immutabilis. Si ergo generatio sit operatio naturae et
non voluntatis, sequitur quod sit necessaria, et ita quod pater genuit filium
necessitate: quod est contra Augustinum. 14. Toute action d'une nature immuable est nйcessaire. Mais la nature
divine est tout а fait immuable. Si donc la gйnйration est une opйration de
nature et non de la volontй, il s'ensuit qu'elle est nйcessaire et ainsi que le
Pиre a engendrй le Fils par nйcessitй, ce qui s'oppose а Augustin (а Orose, ch.
7[6]).
q. 2 a. 3 arg. 15
Praeterea, Augustinus dicit, quod filius est consilium de consilio et voluntas
de voluntate. Sed haec praepositio de denotat principium. Ergo voluntas est
principium generationis filii, et sic idem quod prius. 15. Augustin dit (la Trinitй, XV, XX, 38) que le Fils est le conseil du
conseil, le volontй de la volontй[7]. Mais cette prйposition de dйsigne un
principe. Donc la volontй est le principe de la gйnйration du Fils et ainsi de
mкme que ci-dessus.
En sens contraire. q. 2 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Est quod Augustinus dicit: pater neque voluntate neque necessitate
genuit filium. 1. Il y a ce que dit Augustin (а Orose[8]): "Le Pиre n'a engendrй
le Fils, ni par volontй, ni par nйcessitй".
q. 2 a. 3 s. c. 2
Praeterea, summa diffusio voluntatis est per modum amoris. Filius autem non
procedit per modum amoris, sed potius spiritus sanctus. Ergo voluntas non est
principium generationis filii. 2. La plus haute diffusion de la volontй s'accomplit par mode d'amour.
Le Fils ne procиde pas par mode d'amour, mais c'est plutфt l'Esprit Saint. Donc
la volontй n'est pas le principe de la gйnйration du Fils.
q. 2 a.
3 s. c. 3 Praeterea, filius procedit a patre ut splendor a luce, secundum illud
Hebr. cap. I, vers. 3: qui cum sit splendor gloriae et figura
substantiae eius. Sed splendor non procedit a luce voluntate
mediante. Ergo nec filius a patre. 3. Le Fils procиde du Pиre comme la splendeur (procиde) de la lumiиre,
selon ce mot de Hйb. 1, 3: "Il est la splendeur de sa gloire et l'effigie
de sa substance[9]". Mais la splendeur ne procиde pas de la lumiиre par
l'intermйdiaire de la volontй. Donc ni le Fils du Pиre.
Rйponse q. 2 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum, quod generatio filii potest se habere ad voluntatem ut
voluntatis obiectum: pater enim et filium voluit et filii generationem ab
aeterno: nullo autem modo voluntas esse potest divinae generationis principium:
quod sic patet. Voluntas, inquantum voluntas,
cum sit libera, ad utrumlibet se habet. Potest enim voluntas agere vel non
agere, sic vel sic facere, velle et non velle. Et si respectu alicuius hoc
voluntati non conveniat, hoc accidet voluntati non in quantum voluntas est, sed
ex inclinatione naturali quam habet ad aliquid, sicut ad finem ultimum, quem
non potest non velle; sicut voluntas humana non potest non velle beatitudinem,
nec potest velle miseriam. Ex quo patet quod omne illud cuius voluntas est
principium, quantum in se est, possibile est esse vel non esse, et esse tale
vel tale, et tunc vel nunc (...) Il faut dire que la gйnйration du Fils se comporte par rapport а la
volontй comme son objet. Car le Pиre a voulu le Fils et sa gйnйration
йternellement. Mais en aucune maniиre, la volontй ne peut кtre le principe de
la gйnйration divine; ce qu'on montre ainsi. Comme la volontй, en tant que
telle, est libre, elle choisit entre deux solutions. Car la volontй peut agir
ou pas, agir ainsi ou diffйremment, vouloir ou ne pas vouloir. Et si par
rapport а quelque chose cela ne convient pas а la volontй, cela lui arrive, non
en tant que telle, mais par l'inclination naturelle qu'elle a pour quelque
chose comme а sa fin ultime qu'elle ne peut pas ne pas vouloir; ainsi la
volontй humaine ne peut pas ne pas vouloir la bйatitude, et elle ne peut
vouloir le malheur. Par lа il est clair que tout ce dont la volontй est le
principe quant а soi, a la possibilitй d'кtre ou ne pas кtre, et кtre tel ou
tel et alors ou maintenant.
omne autem illud quod sic se habet, est creatum: quia in eo quod
increatum est, non est potestas ad esse vel non esse. Sed per se necesse est
esse, ut Avicenna probat. Si ergo ponitur filius voluntate genitus, necessario
sequitur ipsum esse creaturam. Et propter hoc Ariani qui ponebant filium
creaturam, dicebant eum esse genitum voluntate. Catholici autem dicunt filium
non natum voluntate, sed natura. Natura enim ad unum determinata est. Et
secundum hoc ex hoc quod filius est a patre genitus natura, oportet quod ipse
non possit esse non genitus, et quod non possit esse alio modo quam est, aut
patri non consubstantialis; cum quod naturaliter procedit, procedat in
similitudinem eius a quo procedit. Et hoc est quod Hilarius dicit: omnibus
creaturis substantiam Dei voluntas attulit; sed naturam filio dedit perfecta
nativitas; et ideo talia sunt cuncta qualia Deus esse voluit; filius autem
talis est qualis est Deus. Tout ce qui se comporte ainsi est crйй, parce que, en ce qui est
incrйй, le pouvoir d'кtre ou ne pas кtre n'existe pas. Mais il lui est
nйcessaire d'кtre par soi, comme Avicenne le prouve (Mйtaphysique VIII, 4[10]). Donc si on pense que la Fils a йtй
engendrй par volontй, il en dйcoule nйcessairement qu'il est une crйature. Et
c'est pour cela que les Ariens, qui affirmaient que le Christ йtait une
crйature, disaient qu'il avait йtй engendrй par volontй. Mais les Catholiques
disent que le Fils n'est pas nй par volontй mais par nature. Car la nature est
dйterminйe а un seul but. Et du fait que le Fils a йtй engendrй du Pиre par
nature, il faut que lui-mкme ne puisse pas ne pas кtre engendrй, et qu'il ne
puisse pas exister d'une autre maniиre qu'il n'est, ou sans кtre consubstantiel
au Pиre; puisque ce qui procиde naturellement procиde dans la ressemblance de
ce dont il procиde. Et c'est ce que Hilaire dit (Les Synodes, n°58[11]): "La
volontй de Dieu apporte la substance а toutes les crйatures, mais une naissance
parfaite a donnй la nature au Fils"; et ainsi toute chose est telle que
Dieu a voulu qu'elle existe, mais le Fils est tel que Dieu.
Sicut autem dictum est, voluntas licet respectu aliquorum ad utrumlibet
se habeat, tamen respectu finis ultimi naturalem inclinationem habet; et
similiter intellectus respectu cognitionis principiorum primorum, naturalem
quemdam motum habet. Principium autem divinae cognitionis est ipse Deus qui est
finis suae voluntatis; unde illud quod procedit in Deo per actum intellectus
cognoscentis seipsum realiter procedit; et similiter quod procedit per actum
voluntatis diligentis se ipsam. Et propter hoc cum filius procedat ut verbum
per actum intellectus divini in quantum pater cognoscit seipsum et spiritus
sanctus per actum voluntatis in quantum pater diligit filium: sequitur quod tam
filius quam spiritus sanctus naturaliter procedant, et ex hoc ulterius quod
sint consubstantiales et coaequales et coaeterni patri et sibi invicem. Comme on l'a dit, bien que la volontй choisisse entre deux solutions,
cependant elle a une inclination naturelle par rapport а la fin ultime; et semblablement
l'esprit a un mouvement naturel en rapport avec la connaissance des premiers
principes. Mais le principe de la connaissance divine est Dieu lui-mкme qui est
la fin de sa volontй, c'est pourquoi ce qui procиde en Dieu par un acte de
l'esprit qui se connaоt lui-mкme procиde rйellement de lui et il en est de mкme
pour ce qui procиde par un acte de la volontй qui s'aime elle-mкme. Et а cause
de cela, comme le Fils procиde comme Verbe, par un acte de l'esprit divin, dans
la mesure oщ le Pиre se connaоt lui-mкme, et comme l'Esprit Saint procиde par
un acte de la volontй dans la mesure oщ le Pиre aime le Fils, il s'ensuit que
tant le Fils que l'Esprit Saint procиdent naturellement et par lа en plus ils
sont consubstantiels et co-йgaux et coйternels au Pиre et l'un avec l'autre.
Solutions: q. 2 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Hilarius loquitur de necessitate quae importat
violentiam: quod patet per hoc quod subdit: non naturali necessitate ductus,
cum vellet generare filium. # 1. Hilaire parle d'une nйcessitй qui apporte la violence, ce qui
apparaоt par ce qu'il ajoute: "Il n'йtait pas poussй par une nйcessitй
naturelle, quand il voulait engendrer son Fils[12]."
q. 2 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod respectu nullius rei est in Deo voluntas antecedens;
quia quidquid aliquando Deus vult, ab aeterno voluit. Concomitans vero est
respectu omnium bonorum quae sunt tam in ipso quam in creaturis; vult enim se
esse et creaturam esse. Sed praecedens vel antecedens tempore quidem non est
nisi respectu creaturae, quae ab aeterno non fuit; praecedens vero intellectus
est respectu actuum aeternorum qui significantur ad creaturas terminari; sicut
dispositio, praedestinatio et huiusmodi. Generatio vero filii, neque est
creatura, neque ad creaturam significatur terminari. Unde respectu eius non est
voluntas praecedens nec tempore neque intellectu, sed solum voluntas
concomitans. # 2. La volontй antйcйdente en Dieu n'est en rapport avec rien; parce
que tout ce que Dieu veut quelquefois il l'a voulu йternellement. Mais la
volontй concomitante est en rapport avec tous les biens qui sont tant en lui
que dans les crйatures; car il veut кtre et que la crйature soit. Mais la
[volontй] antйcйdente chronologiquement ne peut l'кtre qu'en rapport avec la
crйature qui n'a pas existй йternellement, mais l'esprit prйcйdent est en
rapport avec les actes йternels qui sont dйsignйs comme se terminant aux
crйatures, comme la disposition, la prйdestination, etc.. Mais la gйnйration du
Fils n'est pas une crйature, et n'est pas signifiйe comme se terminant а une
crйature. C'est pourquoi, par rapport а lui, il n'y a pas de volontй
prйcйdente, ni chronologiquement, ni selon l'esprit, mais seulement une volontй
concomitante.
q. 2 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut actus intellectus videtur sequi actum voluntatis,
in quantum a voluntate imperatur; ita e converso actus voluntatis videtur sequi
actum intellectus, in quantum per intellectum praesentatur voluntati suum
obiectum, quod est bonum intellectum. Unde esset procedere in infinitum, nisi
esset ponere statum vel in actu intellectus vel in actu voluntatis. Non autem
potest status poni in actu voluntatis, cum obiectum praesupponatur ad actum;
unde oportet ponere statum in actu intellectus, qui naturaliter intellectum
consequitur; ita quod a voluntate non imperatur. Et per hunc modum procedit
filius Dei ut verbum secundum actum intellectus divini, ut ex dictis, in corp.
art., patet. # 3. De mкme que l'acte de l'esprit paraоt suivre celui de la volontй,
dans la mesure oщ elle le commande, ainsi а l'inverse, l'acte de la volontй
parait suivre celui de l'esprit dans la mesure oщ son objet qui est un bien
conзu est prйsentй а la volontй. C'est pourquoi, il faudrait procйder а
l'infini, sinon il faut placer un arrкt dans l'acte de l'esprit ou dans celui
de la volontй. Mais on ne peut pas le placer dans un acte de la volontй,
puisque l'objet est prйsupposй а l'acte; c'est pourquoi il faut le placer dans
l'acte de la volontй qui suit naturellement la conception de sorte qu'il ne
soit pas commandй par la volontй. Et de cette maniиre, le Fils de Dieu procиde
comme Verbe selon l'acte de l'esprit divin, comme cela apparaоt dans ce qui a
йtй dit dans le corps de l'article.
q. 2 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod actus intellectus divini naturalis est secundum quod ad
ipsum Deum terminatur, qui est principium suae cognitionis; secundum vero quod
significatur ad creaturas terminari, ad quas sic se habet quodammodo ut
intellectus noster ad conclusiones, non naturaliter ab intellectu progreditur sed
voluntarie; et ideo in divinis aliqui actus intellectus significantur ut
imperati a voluntate. # 4. L'acte de l'esprit divin est naturel, dans la mesure oщ il se
termine en Dieu mкme, qui est le principe de sa connaissance; mais selon qu'on
le signifie comme se terminant aux crйatures, envers lesquelles il se comporte
d'une certaine maniиre comme notre esprit vis-а-vis des conclusions, il ne sort
pas de l'esprit naturellement mais volontairement; et c'est pourquoi en Dieu,
certains actes de l'esprit sont dйcrits comme commandйs par la volontй.
q. 2 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quoad
ea ad quae natura potest se extendere secundum propria principia essentialia,
non indiget ut ab alio determinetur, sed ad ea tantum ad quae propria principia
non sufficiunt. Unde philosophi non sunt ducti ut ponerent opus naturae, opus
intelligentiae, ex operibus quae competunt calido et frigido secundum se ipsa;
quia in has, etiam ponentes res naturales ex necessitate materiae accidere,
omnia naturae opera reducebant. Ducti sunt autem ex illis
operationibus ad quas non possunt sufficere virtus calidi et frigidi, et
huiusmodi qualitatum; sicut ex membris ordinatis in corpore animalis tali modo
quod natura salvatur. Quia ergo naturae divinae secundum se opus est generatio
non oportet quod ad hanc actionem ab aliqua voluntate determinetur.- Vel
dicendum, quod natura determinatur ab aliquo, ut in finem. Illi autem naturae
quae est finis, et non ad finem, non competit ab aliquo determinari. # 5. Jusqu'oщ la nature peut s'йtendre selon ses propres principes
essentiels, cela n'a pas besoin d'кtre dйterminй par un autre, mais seulement
pour ce а quoi les principes propres ne suffisent pas. C'est pourquoi les
philosophes par ces opйrations а qui conviennent le chaud et le froid en soi
n'ont pas йtй amenйs а penser l'oeuvre de la nature, comme l'oeuvre d'une
intelligence. Parce que, pensant qu'en elles les choses naturelles arrivent par
nйcessitй de la matiиre, ils y ramenaient toutes les oeuvres de la nature. Mais
ils y ont йtй amenйs par ces opйrations oщ le pouvoir du chaud et du froid et
les qualitйs de ce genre ne peuvent pas suffire; de mкme ils y ont йtй amenйs
par la disposition des membres dans le corps d'un animal de telle sorte que la
nature se conserve. Donc parce que l'oeuvre de la nature divine en soi est la
gйnйration, il ne faut pas qu'elle soit dйterminйe а cette action par une
volontй – Ou bien il faut dire que la nature est dйterminйe par quelque chose
comme а sa fin. Mais а cette nature, qui est la fin, il ne convient pas d'кtre
dйterminйe par quelque chose pour la fin.
q. 2 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod in diversis considerando, actio voluntatis actionem
naturae praecedit. Unde totius naturae inferioris actio ex voluntate
gubernantis procedit. Sed in eodem oportet quod actio naturae praecedat
actionem voluntatis. Natura enim secundum intellectum praecedit voluntatem, cum
natura intelligatur esse principium quo res subsistit, voluntas vero ultimum
quo ad finem ordinatur. Nec tamen sequitur quod tollatur ratio voluntatis.
Quamvis enim ad inclinationem naturae voluntas ad aliquid unum determinetur,
quod est ultimus finis a natura intentus, respectu tamen aliorum indeterminata
manet; sicut patet in homine, qui naturaliter vult beatitudinem et de
necessitate, non autem alia. Sic ergo in Deo naturae actio actionem voluntatis
praecedit natura et intellectu; nam generatio filii est ratio omnium eorum quae
per voluntatem producuntur, scilicet creaturarum. # 6. En prenant en considйration divers йlйments, l'action de la volontй
prйcиde celle de la nature. C'est pourquoi, l'action de toute la nature
infйrieure procиde de la volontй de celui qui gouverne. Mais dans un mкme кtre,
il faut que l'action de la nature prйcиde celle de la volontй. Car la nature
selon l'esprit prйcиde la volontй, puisqu'on comprend la nature comme le
principe par lequel un кtre subsiste, mais la volontй est le principe ultime
par lequel elle est ordonnйe а sa fin. Cependant il n'en dйcoule pas qu'on
exclut la raison d'кtre de la volontй. Car quoique pour l'inclination de la
nature la volontй soit dйterminйe, а un objet unique, qui est sa fin ultime
dйcidйe par la nature, cependant, par rapport aux autres, elle demeure
indйterminйe; comme on le voit chez l'homme qui veut la bйatitude naturellement
et nйcessairement, mais pas autre chose. Ainsi donc en Dieu l'action de la
nature prйcиde celle de la volontй par nature et par l'esprit; car la
gйnйration du Fils est la raison de tout ce qui est produit par la volontй, а
savoir les crйatures[13].
q. 2 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod licet in verbo Dei a patre genito fuerit ut omnes
creaturae fierent, non tamen oportet, si verbum naturaliter procedit, quod
creaturae etiam naturaliter procedant; sicut nec sequitur, si intellectus
noster principia naturaliter cognoscit, quod naturaliter cognoscat ea quae ex
principiis consequuntur: eo enim quod naturaliter habemus, voluntas utitur ad
utramque partem. # 7. Bien que dans le Verbe de Dieu, engendrй par le Pиre, il y ait le
pouvoir de crйer toutes les crйatures, cependant il ne faut pas, si le Verbe
procиde par nature, que les crйatures procиdent aussi par nature, il n'en
dйcoule pas, non plus, si notre esprit connaоt naturellement les principes,
qu'il connaisse naturellement ce qui dйcoule d'eux; car la volontй se sert de
ce que nous avons naturellement pour l'une et l'autre solution.
q. 2 a. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod pater voluntarie genuit; sed in hoc non designatur nisi
voluntas concomitans. # 8. La Pиre a engendrй volontairement, mais on ne dйsigne par lа que
la volontй concomitante.
q. 2 a. 3 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod si verbum illud de generatione aeterna intelligatur,
dilectio patris ad filium non est intelligenda ut ratio illius dationis qua
pater filio aeternaliter omnia dat, ut signum. Similitudo enim ratio est
amoris. # 9. Si cette parole[14] est comprise de la gйnйration йternelle,
l'amour du Pиre pour le Fils ne doit pas кtre compris comme la raison de ce
don, par lequel il donne tout au Fils йternellement, comme un sceau. Car la
ressemblance est la raison de l'amour.
q. 2 a. 3 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod Dionysius loquitur de productione creaturae, non de
generatione filii. # 10. Denys parle de la production de la crйature, non de la gйnйration
du Fils.
q. 2 a. 3 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod spiritus sanctus procedere dicitur per modum
voluntatis, quia procedit per actum qui naturaliter est a voluntate, scilicet
per hoc quod pater amat filium, et e converso. Ipse enim amor est spiritus
sanctus, sicut filius est verbum quo pater dixit se ipsum. # 11. On dit que l'Esprit Saint procиde par mode de volontй, parce
qu'il procиde par un acte qui dйpend naturellement de la volontй[15], а savoir
que le Pиre aime le Fils et inversement. Car l'Esprit Saint est l'amour mкme,
comme le Fils est le Verbe, par lequel le Pиre se dit lui-mкme.
q. 2 a. 3 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod ex illa etiam ratione non sequitur nisi quod pater
rationem filii velit; quod pertinet ad voluntatem concomitantem, quae respicit
generationem sicut obiectum, non sicut id cuius sit principium. # 12. De cette raison[16] il dйcoule seulement que le Pиre veut la
nature du Fils, ce qui convient а la volontй concomitante, qui regarde la
gйnйration comme objet, non comme ce dont elle est le principe.
q. 2 a. 3 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod humana generatio fit per virtutem naturalem,
scilicet generativam potentiam, mediante potentia motiva, quae imperio subiacet
voluntatis, non autem generativa potentia. Hoc autem non accidit in divinis; et
ideo non est simile. # 13. La gйnйration chez l'homme se fait par un pouvoir naturel,
c'est-а-dire la puissance gйnйrative; par l'intermйdiaire de la puissance
motrice, qui est soumise au pouvoir de la volontй, mais pas la puissance
gйnйrative. Mais cela n'arrive pas en Dieu; et c'est pourquoi ce n'est pas
pareil.
q. 2 a. 3 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod
Augustinus non intendit negare necessitatem immutabilitatis, de qua ratio
procedit, sed necessitatem coactionis. # 14. Augustin n'entend pas nier la nйcessitй de l'immutabilitй, d'oщ
procиde cet argument, mais la nйcessitй de coaction[17].
q. 2 a. 3 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod cum dicitur filius esse voluntas de voluntate,
intelligitur esse de patre, qui est voluntas. Unde haec praepositio de notat
generationis principium, quod est generans, non id quo generatur, de quo est
praesens quaestio. # 15. Quand on dit que le Fils est volontй de la volontй, on comprend
qu'il est du Pиre qui est la volontй. C'est pourquoi cette prйposition de
indique le principe de la gйnйration qui est celui qui engendre, non ce par
quoi il est engendrй, ce dont il s'agit dans la prйsente question.
--------------------------------------------------------------------------------
[1] Parall.: Ia , qu. 41 a. 2 –
CG. IV, 11 – I Sent. d6q1a1, 2, 3 – Pot. 10, a. 2, ad 4, 5.
[2]
PL 520 C, canon 25 de la premiиre profession de Sirmium (351) n° 140, Denz.
247). A propos de ce texte Ia, 41, 2 ad 1m: "Cette autoritй (celle
d'Hilaire) est contre ceux qui rejetaient la concomitance du vouloir paternel
de la gйnйration du Fils, en disant qu'il avait engendrй le Fils par nature, de
sorte qu'il n'en avait pas la volontй.. de mкme que nous subissons par
nйcessitй naturelle bien des maux contre notre volontй: mort, vieillesse et
autres afflictions. Cette intention de l'auteur ressort clairement du contexte."
[3]
"Les animaux ni les plantes
n'existent ni ne sont engendrйs par fortune (c'est-а-dire par le hasard), la
cause de cette gйnйration йtant nature, intelligence, ou quelque autre chose de
tel." (Trad. H. Carteron)
[4]
Pot. qu. 10, a. 2, obj. 19 et ailleurs: id est, Verbum genuit a quo erant, ut
fierent. Augustin "Dixit: fiat, id est, in Verbo Dei aeterno erat, ut
fieret. ("Il йtait dans le Verbe йternel que cela fut fait." (Trad.
BA. 48, p. 166-167).
[5]
Ce qui sera dйmontrй en Pot. qu. 3, a. 15.
[6]
Dialogue des 65 questions, qu. 7, PL 40, 736 D, "Il n'a engendrй ni par
volontй ni par nйcessitй parce qu'il n'y a pas de nйcessitй en Dieu".
Оuvre attribuйe а Augustin (La Clavis Patrum latinorum n'en parle pas),
composйe d'extraits de son oeuvre. La question 7 serait tirйe du de Trinitate
(PL, Admonitio 734-735).
[7]
Aprиs avoir rйfutй les Eunomiens, qui prйtendaient que le Fils йtait non de la
nature de la substance et l'essence, mais de sa volontй, il ajoute:"Certains,
pour ne pas dire que le verbe unique йtait Fils du conseil et de la volontй de
Dieu, ont dit que le Verbe йtait le conseil mкme, la volontй mкme du Pиre. Il
vaut mieux, а mon sens, dire que le Verbe est conseil du conseil, volontй de la
volontй.", pour йviter "cette opinion absurde... que le Fils
donnerait au Pиre sagesse et vouloir." (Trad. BA. 16).
[8]
Contre les Ariens. (Denz. 71. Formule appelйe Fides Damasi.).
[9]
Mкme citation, Pot. 2, 4, obj. 13, qu. 9, a. 9 obj. 13. en 9, 9. En 2, 3 il est
question de lumiиre, mais prйcise Thomas, qui admet l'image, il ne faut pas
appliquer la comparaison intйgralement.
[10]
Anawati, 345. L'incrйй est nйcessaire; il n'a pas le pouvoir d'кtre ou ne pas
кtre.
[11]
Canon 24 de la profession de Sirmium. PL 10, 520C.
Le
concile de Sirmium: Photin, йvкque de Sirmium, passait pour reproduire les
idйes de Marcel d'Ancyre. Il fut condamnй а Milan en 345 et 347, mais refusa de
se retirer de son siиge йpiscopal. En 351, Constance est а Sirmium. Les
orientaux en profitent, pour convoquer une assemblйe contre Photin. Le concile
йmet une profession de foi pour combattre la doctrine antitrinitaire de Photin
et йtablir la distinction des personnes divines. Photin est dйposй et expulsй.
Ce concile dont les textes sont dans le de Synodis de saint Athanase, (PG. 26,
735 ss.) prйsente un texte а tendance subordinationniste (3e et 4e anathиmes:
nous ne plaзons pas le Fils sur la mкme ligne que le Pиre, mais nous le
subordonnons au Pиre") Mais Hilaire qui rapporte le concile en donne une
interprйtation favorable (PL. 10, 518)
[12]
Canon 25, Sirmium,PL.10, 520 C. Sur la nйcessitй cf. Ia, 41, 2 ad 5: "Il y
a le nйcessaire par soi, et le nйcessaire par un autre. Nйcessaire par un
autre. On peut l'кtre par un autre de deux maniиres. D'abord, par une cause
efficiente et contraignante; on appelle ainsi nйcessaire ce qui est violent.
Ensuite, par la cause finale; ainsi dans ce qui est en vue d'une fin, on
appellera "nйcessaire" ce sans quoi la fin ne peut se rйaliser, ni
bien se rйaliser. Mais la gйnйration divine est nйcessaire d'aucune des deux
maniиres; car Dieu n'est pas ordonnй а une fin, et aucune contrainte n'a prise
sur lui. Le nйcessaire par soi, c'est ce qui ne peut pas ne pas кtre; ainsi
est-il nйcessaire que Dieu existe. Et de cette maniиre il est nйcessaire que le
Pиre engendre le Fils."
[13]
C'est par le Fils que tout est crйй.
[14]
De saint Jean (obj. 9).
[15]
L'amour est volontaire.
[16]
A savoir la communication de la bontй.
[17]
Nйcessitй de coaction: elle ne peut en aucune maniиre arriver а ce qui agit par
volontй, puisqu'elle est liйe а la violence. "La nйcessitй d'inclination
naturelle: Dieu vit nйcessairement et en telle nйcessitй, la volontй veut
quelque chose nйcessairement". (De Ver. qu. 22, a. 5, c ).
Article 4: Peut-il y avoir plusieurs Fils en Dieu?
q. 2 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum in divinis possint esse plures filii. Et videtur quod
sic. Il semble que oui: Objections[1]: q. 2 a. 4 arg. 1
Operatio enim naturae quae convenit uni supposito, convenit etiam omnibus
suppositis eiusdem naturae. Sed generatio, secundum Damascenum, est opus
naturae, et convenit patri. Ergo etiam filio et spiritui sancto qui sunt
supposita eiusdem naturae. Sed filius non generat se ipsum: nam, secundum
Augustinum, nulla res potest generare se ipsam. Ergo generat alium filium, et
sic in divinis possunt esse plures filii. 1.Car l'opйration de nature qui convient а un suppфt, convient aussi а
tous les suppфts de mкme nature. Mais la gйnйration, selon Jean Damascиne (la foi orthodoxe, II, 27) est l'oeuvre
de la nature et convient au Pиre. Donc aussi au Fils et а l'Esprit Saint qui
sont des suppфts de mкme nature. Mais le Fils ne s'engendre pas lui-mкme, car
selon Augustin, rien ne peut s'engendrer soi-mкme. Donc il engendre un autre
fils et ainsi il peut y avoir plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 2 Praeterea, totam virtutem suam
pater in filium transfundit. Sed potentia generandi pertinet ad virtutem
patris. Ergo huiusmodi potentiam habet filius a patre; et sic idem quod prius. 2. Le Pиre a transmis tout son pouvoir au Fils. Mais la puissance
d'engendrer appartient au pouvoir du Pиre. Donc le Fils reзoit du Pиre une
puissance de ce genre, et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 3
Praeterea, filius est perfecta imago patris, ad quod requiritur perfecta
assimilatio; quae non esset si filius non quantum ad omnia patrem imitaretur.
Ergo sicut pater filium generat, ita et filius; et sic idem quod prius. 3. Le Fils est l'image parfaite du Pиre, cela requiert une ressemblance
parfaite, qui n'existerait pas si le Fils n'imitait pas en tout le Pиre. Donc,
comme le Pиre engendre le Fils, le Fils aussi engendre et ainsi de mкme que
ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 4
Praeterea, perfectior est assimilatio ad Deum secundum conformitatem actionis
quam secundum conformitatem alicuius formae, ut patet per Dionysium: sicut soli
magis assimilatur quod lucet et illuminat quam quod lucet tantum. Sed filius
perfectissime assimilatur patri. Ergo est ei conformis non solum in potentia,
sed etiam in actu generandi; et sic idem quod prius. 4. La ressemblance а Dieu est plus parfaite en conformitй avec l'action
qu'avec celle d'une forme, comme le montre Denys (La hiйrarchie cйleste, 3[2]); ainsi ce qui
brille et illumine ressemble plus au soleil que ce qui brille seulement. Mais
le Fils ressemble trиs parfaitement au Pиre. Donc il lui est conforme non
seulement en puissance, mais aussi dans l'acte d'engendrer; et ainsi de mкme
que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 5
Praeterea, ex hoc contingit quod Deus facta una creatura potest facere aliam,
quia eius potentia neque exhauritur neque diminuitur in creando. Sed similiter
potentia patris neque exhauritur neque diminuitur ex hoc quod generat filium.
Ergo per hoc quod generat filium, non prohibetur quin possit alium filium
generare; et sic possunt esse plures filii in divinis. 5. De ce fait il arrive que Dieu, ayant crйй une crйature, peut en
crйer une autre, parce que sa puissance n'est ni augmentйe ni diminuйe en
crйant. Mais de la mкme maniиre la puissance du Pиre n'est ni augmentйe ni
diminuйe du fait qu'il engendre le Fils. Donc par le fait qu'il l'engendre, il
n'est pas empкchй de pouvoir engendrer un autre fils et ainsi il peut y avoir
plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 6 Sed
dices, quod ideo non generat alium filium, quia sequeretur inconveniens quod
Augustinus ponit, scilicet quod infinita esset divina generatio, si pater
plures filios generaret vel filius patri generaret nepotem, et sic de aliis.
Sed contra. In Deo nihil est in potentia quod non sit in actu: esset enim
imperfectus. Si ergo est in potentia patris quod plures filios generet, nullo
inconvenienti prohibente, erunt plures filii in divinis. 6. Mais on pourrait dire qu'il
n'engendre pas un autre fils, parce qu'il en dйcoulerait un inconvйnient
qu'Augustin expose, а savoir que la gйnйration divine serait infinie, soit que
le Pиre engendre plusieurs fils, soit que le Fils engendre un petit-fils au
Pиre, etc.. – En sens contraire: en Dieu rien n'est en puissance qui ne soit en
acte: car il serait imparfait. Si donc il est dans la puissance du Pиre
d'engendrer plusieurs fils, si nul inconvйnient ne l'empкche, il y aura
plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 7
Praeterea, de natura geniti est ut procedat in similitudinem generantis. Sed
sicut filius est similis patri, ita et spiritus sanctus; et ita spiritus
sanctus est filius, et sic sunt plures filii in divinis. 7. Il est de la nature de celui qui est engendrй d'aboutir а la
ressemblance de celui qui l'engendre. Mais le Fils est semblable au Pиre,
l'Esprit Saint aussi et ainsi il est aussi fils et il y a donc plusieurs fils
en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 8
Praeterea, secundum Anselmum, nihil est aliud dicere patrem filium generare,
quam patrem dicere se ipsum. Sed sicut pater potest dicere se ipsum, ita et
filius et spiritus sanctus. Ergo pater et filius et spiritus sanctus possunt
filios generare; et sic idem quod supra. 8. Selon Anselme (Monologium,
62), que le Pиre engendre le Fils, ce n'est rien d'autre que le Pиre se dit
lui-mкme. Mais de mкme que le Pиre peut se dire lui-mкme, le Fils et l'Esprit
Saint aussi. Donc le Pиre, le Fils et l'Esprit saint peuvent engendrer des
fils, et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 9
Praeterea, ex hoc pater dicitur filium generare, quod similitudinem suam in
intellectu suo concipit. Sed hoc idem possunt facere filius et spiritus
sanctus. Ergo idem quod prius. 9. On dit que du fait que le Pиre engendre le Fils, il conзoit sa
ressemblance dans son esprit. Mais le Fils et l'Esprit Saint peuvent faire de
mкme. Donc de mкme que ci-dessus. q. 2 a. 4 arg. 10
Praeterea, potentia est media inter essentiam et operationem. Sed una est
essentia patris et filii, eademque potentia. Ergo et una operatio; et sic filio
convenit generare; et ita ut prius. 10. La puissance est intermйdiaire entre l'essence et l'opйration. Mais
l'essence du Pиre et du Fils est une, et la puissance est la mкme. Donc il y a
une seule opйration et ainsi il convient au Fils d'engendrer et de mкme que
plus haut. q. 2 a. 4 arg. 11
Praeterea, bonitas est diffusionis principium. Sed sicut est infinita bonitas
in patre et filio, ita etiam in spiritu sancto. Ergo sicut pater infinita
communicatione suam naturam communicat filium generando, ita spiritus sanctus
aliquam divinam personam producendo; non enim infinite communicatur divina
bonitas creaturae; et sic videtur quod possint esse plures filii in divinis. 11. La bontй est le principe de la diffusion. Mais la bontй dans le
Pиre et le Fils est infinie, de mкme aussi dans l'Esprit saint. Donc le Pиre
communique sa nature dans une communication infinie en engendrant le Fils; de
mкme l'Esprit Saint aussi en produisant une personne divine; car la divine
bontй n'est pas communiquйe de maniиre infinie а la crйature et ainsi il semble
qu'il peut y avoir plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 12
Praeterea, nullius boni sine consortio potest esse iucunda possessio. Sed
filiatio est quoddam bonum in filio. Ergo videtur oportere ad perfectam
iucunditatem filii, esse alium filium in divinis. 12. Une possession agrйable ne peut exister sans partage d'aucun bien[3]. Mais la filiation dans le Fils est un bien. Donc on voit
bien qu'il faut pour la joie parfaite du Fils qu'il y ait un autre fils en
Dieu. q. 2 a. 4 arg. 13
Praeterea, filius procedit a patre ut splendor a luce, ut patet Hebr. I, 3: qui
cum sit splendor gloriae, et figura substantiae eius. Sed splendor potest alium
splendorem producere, et ille alium, et alius alium. Ergo similiter videtur
esse in processione divinarum personarum, quod filius possit alium filium
generare, et sic idem ut prius. 13. Le Fils procиde du Pиre comme la splendeur de la lumiиre, comme il
est dit en Hйb. 1,3[4]:
"Il est la splendeur de sa gloire et
l'effigie de sa substance" Mais la splendeur peut produire une autre
splendeur et celle-ci une autre et l'autre une autre. Donc de la mкme maniиre,
il semble que dans la procession des personnes divines, il soit possible que le
Fils puisse engendrer un autre fils et ainsi de mкme que plus haut. q. 2 a. 4 arg. 14 Praeterea, paternitas in patre
ad eius dignitatem pertinet. Sed eadem est dignitas patris et filii.
Ergo paternitas convenit filio; et sic sunt plures filii in divinis. 14. La paternitй dans le Pиre convient а sa dignitй. Mais elle est
identique pour le Pиre et le Fils. Donc la paternitй convient au Fils, et ainsi
il y a plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 arg. 15
Praeterea, eius est potentia cuius est actus. Sed potentia generandi est in
filio. Ergo filius generat. 15. La puissance dйpend de ce dont elle est l'acte. Mais la puissance
d'engendrer est dans le Fils. Donc le Fils engendre. En sens contraire. q. 2 a. 4 s. c. 1
Sed contra. Illa sunt perfectissima in creaturis quae ex tota materia sua
constant, et sunt eorum in singulis speciebus singula tantum. Sed sicut
creaturae materiales individuantur per materiam, ita filii persona constituitur
filiatione. Ergo cum Deus filius sit perfectus filius, videtur quod in ipso
solo in divinis filiatio inveniatur. 1. Sont trиs parfaites parmi les crйatures celles qui sont composйes de
toute leur matiиre et sont seules dans leur espиce. Mais de mкme que les
crйatures matйrielles sont individualisйes par la matiиre, de mкme la personne
du Fils est constituйe par la filiation. Donc, comme Dieu le Fils est un fils
parfait, il est clair qu'on ne trouve la filiation en Dieu qu'en lui seul. q. 2 a. 4 s. c. 2
Praeterea, Augustinus dicit, quod si pater posset generare et non generaret,
invidus esset. Sed filius non est invidus. Ergo cum non generet, generare non
potest. Et sic non possunt esse plures filii in divinis. 2. Augustin dit (Contre
Maximinien, III, ch. 7, 18 et 23[5]) que, si le Pиre
pouvait engendrer et n'engendrait pas, il serait envieux, mais le Fils n'est
pas envieux. Donc puisqu'il n'engendre pas, il ne peut engendrer. Et ainsi il
ne peut y avoir plusieurs fils en Dieu. q. 2 a. 4 s. c. 3
Praeterea, quod perfecte dictum est semel iterum dici non oportet. Sed filius
est verbum perfectum, cui nihil deest, secundum Augustinum. Ergo non oportet
esse plura verba in divinis, et ita nec plures filios. 3. Ce qui est parfaitement
dit une fois n'a pas besoin d'кtre rйpйtй. Mais le Fils est le verbe parfait а
qui rien ne manque, selon Augustin (La
Trinitй VI, 10 et VII, 2). Donc, il ne faut pas qu'il y ait plusieurs
verbes en Dieu, ni plusieurs fils non plus. Rйponse. q. 2 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum, quod in divinis impossibile est esse plures filios; quod
sic patet. Personae namque divinae cum in omnibus absolutis conveniant, utpote
sibi invicem essentiales, distingui non possunt nisi secundum relationes, nec
secundum alias nisi secundum relationes originis. Nam aliarum relationum
quaedam distinctionem praesupponunt, ut aequalitas et similitudo; quaedam vero
inaequalitatem designant, ut dominus et servus, et alia huiusmodi. Relationes
vero originis ex sui ratione conformitatem important: quia quod oritur ex alio,
eius similitudinem retinet in quantum huiusmodi. Il est impossible qu'en Dieu il y ait plusieurs fils, ce qu'on montre
ainsi: les personnes divines, en effet, s'accordent en tous les absolus, dans
la mesure oщ elles sont de la mкme essence l'une et l'autre, elles ne peuvent
кtre distinguйes que par des relations et par rien d'autre que les relations
d'origine. Car certaines prйsupposent qu'on les distinguent des autres
relations comme l'йgalitй et la ressemblance; certaines dйsignent l'inйgalitй,
comme maоtre et esclave, etc.. Mais les relations d'origine apportent une
conformitй par leur propre nature; parce que ce qui sort d'un autre, conserve
sa ressemblance en tant qu'il est de ce genre. Non est igitur aliquid in divinis quo filius distinguatur ab
aliis personis nisi sola relatio filiationis, quae est eius personalis
proprietas, et qua filius non solum est filius, sed est hoc suppositum vel haec
persona. Il n'y a rien en Dieu qui distingue le Fils des autres personnes que la
seule relation de filiation qui est sa propriйtй personnelle, par laquelle il
est non seulement le Fils, mais aussi ce suppфt ou cette personne. Impossibile autem est quod illud quo aliquod suppositum est
hoc in pluribus inveniri: quia sic suppositum ipsum esset communicabile; quod
est contra rationem individui, suppositi, vel personae. Unde nullo modo potest
esse alius filius in divinis quam unus. Non enim potest dici, quod una filiatio
constituat hunc filium et alia alium: quia cum filiationes ratione non
differant, oporteret quod si materia vel quocumque supposito distinguerentur,
esset in divinis materia, aut aliquid aliud distinguens quam relatio. Il est impossible que ce par quoi quelque chose est un suppфt se trouve
en plusieurs; parce qu'ainsi le suppфt mкme serait communicable, ce qui est
contre la notion d'individu, de suppфt ou de personne. Donc en aucune maniиre,
il ne peut y avoir un autre fils en Dieu; il n'y en a qu'un. Car on ne peut pas
dire qu'une filiation constitue ce fils et une autre filiation en constitue un
autre, parce que, comme les filiations ne diffиrent pas en raison, il faudrait
que, si elles sont distinguйes par la matiиre ou un suppфt quelconque, qu'il y
ait de la matiиre en Dieu ou quelque chose d'autre que la relation qui les
distingue. Potest autem et alia ratio specialis assignari, quare pater
tantum unum filium gignere possit. Natura enim ad unum determinatur; unde cum
pater natura generet filium, non potest esse nisi unus filius a patre genitus.
Nec potest dici, quod sint plures numero in eadem specie existentes, sicut apud
nos accidit; cum ibi non sit materia, quae est principium distinctionis
secundum numerum in eadem specie. On peut attribuer une autre raison spйcifique pour laquelle le Pиre ne
peut engendrer qu'un seul fils. Car la nature est dйterminйe а un seul objet,
donc, comme le Pиre engendre le Fils par nature il ne peut y avoir qu'un fils
unique engendrй par le Pиre. Et on ne peut pas dire qu'ils soient plusieurs en nombre
dans une mкme espиce, comme cela arrive pour nous, puisque lа, il n'y a pas la
matiиre qui est le principe de la distinction selon le nombre dans la mкme
espиce. Solutions: q. 2 a. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod generatio quamvis in patre sit quodammodo opus
naturae divinae, est tamen eius cum quadam concomitantia personalis
proprietatis patris, ut supra, art. 2, dictum est; unde non oportet quod
conveniat filio, in quo natura divina sine tali proprietate invenitur. # 1. Quoique d'une certaine maniиre, la gйnйration soit dans le Pиre
l'oeuvre de la nature divine, elle est en mкme temps sa propriйtй personnelle
de Pиre, comme on la dit (a. 2). C'est pourquoi il ne faut pas qu'elle
convienne au Fils en qui la nature divine se trouve sans une telle propriйtй. q. 2 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod pater
totam virtutem suam communicat filio, quae naturam divinam sequitur absolute. Potentia
vere generandi sequitur naturam divinam cum adiunctione proprietatis patris, ut
dictum est. # 2. Le Pиre communique au Fils tout son pouvoir qui dйcoule de la
nature divine dans l'absolu. Mais la puissance d'engendrer suit la nature
divine avec adjonction de la propriйtй du Pиre, comme on l'a dit. q. 2 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod imago
assimilatur ei cuius est imago quantum ad speciem, non quantum ad relationem.
Non enim oportet quod si imago est ab aliquo quod id cuius est imago, sit ab
alio: quia nec similitudo proprie secundum relationem attenditur, sed secundum
formam. # 3. L'image ressemble а celui dont il est l'image quant а la forme,
non quant а la relation. Car il ne faut pas que, si l'image vient de quelque
chose dont elle est l'image, elle vienne d'un autre, parce que la ressemblance
n'est pas atteinte en propre par la relation, mais par la forme[6]. q. 2 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut filius assimilatur patri in natura divina, non in
proprietate personali; ita et assimilatur ei in actione quae concomitatur
naturam, sine concomitantia proprietatis praedictae. Talis autem actio non est
generatio; unde ratio non sequitur. # 4. Le Fils ressemble au Pиre dans sa nature divine, mais pas dans une propriйtй personnelle, et de mкme il lui
ressemble dans l'action qui accompagne la nature, sans кtre accompagnй de cette
propriйtй. Mais une telle action n'est pas la gйnйration; donc l'argument ne
vaut pas. q. 2 a. 4 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod licet potentia generativa patris non exhauriatur neque
minuatur per generationem filii; tamen eius infinitatem adaequat filius, qui est
intellectus infinitus, non autem creatura finita; unde non est simile. # 5. Bien que la puissance gйnйrative du Pиre ne soit ni augmentйe ni
diminuйe par la gйnйration du Fils, cependant le Fils, qui est un esprit
infini, mais non une crйature finie, йgale son infinitй; c'est pourquoi ce
n'est pas pareil. q. 2 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod in ratione ducente ad inconveniens non oportet quod sola
inconvenientis vitatio sit causa removendae positionis ex qua inconveniens
sequitur, sed etiam causae manifestationis inconvenientis; unde non oportet
quod propter hoc solum non sint plures filii in divinis, ne sit generatio
infinita. # 6. Si une raison conduit а un inconvйnient, il ne faut pas que
l'йviter soit une raison pour exclure la position d'oщ il vient, mais aussi la
cause de sa manifestation. C'est pourquoi, il ne faut pas que pour cette seule
raison il n'y ait pas plusieurs fils en Dieu, pour que la gйnйration ne soit
pas infinie. q. 2 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
spiritus sanctus procedit per modum amoris. Amor autem non significat aliquid
figuratum vel specificatum specie amantis vel amati, sicut verbum significat
speciem dicentis et eius quod dicitur habens; et ideo cum filius procedat per
modum verbi, ex ipsa ratione suae processionis habet, ut procedat in similem
speciem generantis, et sic quod sit filius, et eius processio generatio
dicatur. Non autem spiritus sanctus hoc habet ratione suae processionis, sed
magis ex proprietate divinae naturae, quia in Deo non potest esse aliquid quod non
sit Deus; et sic ipse amor divinus Deus est, in quantum quidem divinus, non in
quantum amor. # 7. L'Esprit Saint procиde
par mode d'amour. Mais l'amour ne signifie rien de figurй ou de spйcifiй par la
forme de l'amant et de l'aimй, comme le verbe signifie la forme de celui qui
parle et de celui qui est dit le possйder; et ainsi comme le Fils procиde par
mode de verbe, par la nature mкme de la procession, il peut aboutir а une forme
semblable а celui qui l'engendre et ainsi parce qu'il est le Fils, sa procession
est appelйe gйnйration. Mais l'Esprit saint ne l'a pas en raison de sa
procession, mais plus par la propriйtй de la nature divine, parce qu'en Dieu,
il ne peut rien y avoir qui ne soit pas Dieu, et ainsi l'amour divin mкme est
Dieu, en tant que divin, non en tant qu' amour. q. 2 a. 4 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod hoc verbum dicere potest accipi dupliciter: stricte et
large: stricte accipiendo dicere, idem est quod verbum a se emittere; et sic
est notionale, et convenit tantum patri: et sic accipit dicere Augustinus; unde
ponit in principio VI de Trinitate, quod solus pater dicit se. Alio modo potest
accipi communiter, prout dicere idem est quod intelligere; et sic essentiale.
Et hoc modo Anselmus accipit in Monologio, ubi dicit, quod pater et filius et
spiritus sanctus dicunt se. # 8. Ce mot dire peut кtre compris en deux sens, au
sens strict ou au sens large. En le prenant au sens strict, dire c'est la mкme chose qu'йmettre une
parole de soi, et ainsi il est notionnel et il convient seulement au Pиre. Et
c'est ainsi que le dit Augustin; c'est pourquoi au dйbut du livre VI de La Trinitй (VII) il pense en principe
que seul le Pиre se dit. D'une autre maniиre on peut le prendre communйment,
selon que dire est la mкme chose que
l'intellection; et ainsi cela concerne l'essence. Et c'est de cette maniиre
qu'Anselme le prend dans le Monologium
(62[7]) oщ il dit que le Pиre, le Fils et l'Esprit saint
se disent. q. 2 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut generare soli patri convenit in divinis, ita et
concipere; unde solus pater suam similitudinem concipit in intellectu, quamvis
filius et spiritus sanctus intelligant; quia in intelligendo nulla relatio
exprimitur, nisi forte secundum modum intelligendi tantum; sed in generando et
in concipiendo exprimitur realis origo. # 9. En Dieu, engendrer convient au Pиre seul, concevoir aussi. C'est
pourquoi, seul le Pиre conзoit sa ressemblance dans son esprit, quoique le Fils
et l'Esprit saint pensent (intelligant),
parce que, en pensant, aucune relation n'est exprimйe, sinon par hasard selon
le mode de l'intellection seulement; mais dans le fait d'engendrer et de
concevoir s'exprime l'origine rйelle. q. 2 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod ratio illa recte procedit de actione quae consequitur naturam
absolute sine aliquo respectu ad proprietatem: talis autem non est generatio;
unde ratio non sequitur. # 10. Cette raison procиde directement de l'action qui suit la nature
dans l'absolu sans aucun rapport avec la propriйtй; mais telle n'est pas la
gйnйration, c'est pourquoi la raison ne vaut pas. q. 2 a. 4 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in divinis non potest esse nisi spiritualis processio,
quae quidem est solum secundum intellectum et voluntatem: et ideo non potest a
spiritu sancto alia persona divina procedere; quia ipse procedit per modum
voluntatis ut amor. Filius per modum intellectus ut verbum. # 11. En Dieu, il ne peut y avoir qu'une procession spirituelle, qui
est seulement selon l'esprit et la volontй et c'est pourquoi une autre personne
divine ne peut pas procйder de l'Esprit saint, parce que lui-mкme procиde par
mode de volontй comme (l')amour. Le Fils par l'esprit (intellectus) en tant que verbe. q. 2 a. 4 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod proprietas personalis oportet ut sit incommunicabilis,
ut supra dictum est; unde in ea consortium fieri non requirit iucunditas. # 12. Il faut que la propriйtй personnelle soit incommunicable comme on
l'a dit ci-dessus, donc y participer ne requiert pas la joie. q. 2 a. 4 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod illa similitudo non oportet quod teneat quantum
ad omnia. # 13. Il ne faut qu'il ait une ressemblance totale pour tout[8]. q. 2 a. 4 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod sicut paternitas in patre et filiatio in filio sunt
una essentia: ita et sunt una dignitas et una bonitas. # 14. De mкme que la paternitй dans le Pиre et la filiation dans Fils
sont une seule essence, il y a une seule dignitй et une seule bontй. q. 2 a. 4 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum quod cum dicitur potentia generandi, hoc gerundium
generandi tripliciter potest accipi. # 15. Quand on parle de la
puissance d'engendrer ce gйrondif d'engendrer, peut кtre compris en trois sens: Uno modo prout est gerundium verbi activi; et sic ille habet
potentiam generandi qui habet potentiam ad hoc quod generet a) Selon qu'il est le gйrondif d'un verbe actif, et ainsi a la
puissance d'engendrer celui qui en a la puissance pour le faire . Alio modo prout gerundium est verbi passivi; et sic ille
habet generandi potentiam qui habet potentiam ad hoc ut generetur. b) Selon que le gйrondif est d'un verbe passif; et ainsi a la puissance
(кtre engendrй[9]) celui qui en a la puissance. Tertio modo prout est gerundium verbi impersonalis; et sic
dicitur ille habere potentiam generandi qui habet potentiam illam qua ab alio
generatur. c) Selon qu'il est le gйrondif d'un verbe impersonnel. et ainsi on dit
qu'a la puissance d'кtre engendrй celui qui a cette puissance par laquelle il
est engendrй par un autre. Primo ergo modo potentia generandi non
convenit filio, sed secundo et tertio; unde ratio non sequitur. Selon le premier mode la puissance d'engendrer ne convient pas au Fils,
mais selon le second et le troisiиme, oui. Donc la raison ne vaut pas[10].
Article 5: La puissance d'engendrer est-elle comprise dans la toute
puissance?
q. 2 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum potentia generandi sub omnipotentia comprehendatur. Et
videtur quod non. Il semble que non. Objections[1]: q. 2 a. 5 arg. 1
Omnipotentia enim convenit filio, secundum illud symboli: omnipotens pater,
omnipotens filius, omnipotens spiritus sanctus. Non autem convenit ei potentia
generandi. Ergo sub omnipotentia non comprehenditur. 1. Car la toute puissance convient au Fils selon ce que dit le Symbole[2]: "Le Pиre
tout-puissant, le Fils tout-puissant et l'Esprit saint tout puissant."
Mais la puissance d'engendrer ne lui convient pas. Donc elle n'est pas comprise
sous la toute puissance. q. 2 a. 5 arg. 2
Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus dicitur omnipotens, quia potest omnia
quae vult. Ex quo videtur quod potentia illa ad omnipotentiam pertineat quae a
voluntate imperatur. Potentia autem generandi non est huiusmodi: quia pater non
genuit filium voluntate, ut supra, art. 3, habitum est. Ergo potentia generandi
ad omnipotentiam non pertinet. 2. Augustin dit (Enchiridion,
XXIV, 96[3]) que Dieu est appelй tout-puissant, parce
qu'il peut tout ce qu'il veut. Cela montre que cette puissance concerne la
toute-puissance qui est commandйe par la volontй. Mais la puissance d'engendrer
n'est pas de ce genre; parce que le Pиre n'a pas engendrй le Fils par volontй,
comme on la dit ci-dessus (a. 3). Donc la puissance d'engendrer ne concerne pas
la toute-puissance. q. 2 a. 5 arg. 3
Praeterea, omnipotentia Deo attribuitur, in quantum eius omnipotentia ad omnia
quae sunt in se possibilia se extendit. Sed generatio filii vel ipse filius non
est de possibilibus, sed de necessariis. Ergo potentia generandi sub
omnipotentia non comprehenditur. 3. On attribue la toute puissance а Dieu dans la mesure oщ elle s'йtend
а tout ce qui est possible en soi. Mais la gйnйration du Fils ou le Fils
lui-mкme ne sont pas du domaine du possible mais de celui du nйcessaire. Donc
la puissance d'engendrer n'est pas comprise sous la toute-puissance. q. 2 a. 5 arg. 4
Praeterea, quod convenit pluribus communiter, convenit eis secundum aliquid eis
commune, sicut habere tres aequilatero et gradato, secundum hoc quod triangulus
sunt. Ergo quod convenit alicui soli, convenit ei secundum hoc quod sibi est
proprium. Omnipotentia autem non est propria patris. Cum ergo potentia
generandi soli patri conveniat in divinis, non convenit ei in quantum est
omnipotens; et ita ad omnipotentiam non pertinebit. 4. Ce qui convient en commun а plusieurs leur convient selon ce qui
leur est commun; ainsi avoir trois angles йquilatйraux ou des cфtйs inйgaux
convient en cela au triangle. Donc ce qui convient а un seul, lui convient
selon ce qui lui est propre. Mais la toute-puissance n'est pas le propre du
Pиre. Donc, comme la puissance d'engendrer en Dieu ne convient qu'au Pиre seul,
elle ne lui convient pas en tant que tout-puissant et ainsi elle ne concernera
pas la toute-puissance. q. 2 a. 5 arg. 5
Praeterea, sicut est una essentia patris et filii, ita et una omnipotentia. Sed
ad omnipotentiam filii non reducitur posse generare. Ergo nec ad omnipotentiam
patris; et sic nullo modo potentia generandi ad omnipotentiam pertinet. 5. Il y a une seule essence pour le Pиre et le Fils, de mкme une seule
toute-puissance. Mais pouvoir engendrer n'est pas ramenй а la toute-puissance
du Fils. Donc ni а la toute puissance du Pиre, et ainsi la puissance
d'engendrer ne concerne en aucune maniиre la toute puissance[4]. q. 2 a. 5 arg. 6
Praeterea, ea quae non sunt unius rationis, sub una distributione non cadunt:
non enim cum dicitur omnis canis, distributio sumitur pro latrabili et
caelesti. Sed generatio filii et productio aliorum quae omnipotentiae
subiacent, non sunt unius rationis. Ergo cum dicitur: Deus est omnipotens, non
includitur ibi potentia generandi. 6. Ce qui n'est pas d'une seule nature ne tombe pas sous une seule
rйpartition. En effet, quand on parle de n'importe quel chien, on ne l'attribue ni а celui qui aboie, ni а la
constellation du chien. Mais la gйnйration du Fils et la crйation des autres
qui sont soumis а la toute puissance ne sont pas d'une seule nature. Donc quand
on dit: Dieu est tout puissant, on n'y inclut pas la puissance d'engendrer. q. 2 a. 5 arg. 7
Praeterea, illud ad quod omnipotentia se extendit, est omnipotentiae subiectum.
Sed in divinis nihil est subiectum, ut Hieronymus dicit Damascenus, libro IV,
capit. XIX et libro III, capit. XXI. Ergo nec generatio filii nec filius
omnipotentiae subditur; et sic idem quod prius. 7. Ce а quoi s'йtend la toute-puissance en est le sujet. Mais en Dieu,
rien n'est sujet, comme le dit Jean Damascиne, (IV, 19 et III, 21). Donc ni la
gйnйration du Fils, ni le Fils ne sont soumis а la toute-puissance; et ainsi de
mкme que ci-dessus. q. 2 a. 5 arg. 8 Praeterea,
secundum philosophum relatio non potest esse terminus motus per se, et per
consequens nec actionis; et ita nec potentiae obiectum, quae dicitur respectu
actionis. Sed generatio et filius in divinis relative dicuntur. Ergo Dei
potentia ad ea se non extendit; et sic posse generare non includitur in
omnipotentia. 8 Selon le philosophe (Physique,
V, 2, 225 b 10[5] et prйcйdent), la relation ne peut кtre
le terme du mouvement par soi ni, par consйquence, celui de l'action et non
plus de l'objet de la puissance dont on parle en rapport avec l'action. Mais on
parle de la gйnйration et du Fils en Dieu selon la relation. Donc la puissance
de Dieu ne s'y йtend pas et pouvoir engendrer n'est pas inclus dans la toute
puissance. En sens contraire: q. 2 a. 5 s. c. 1
Sed contra. Est quod Augustinus dicit, si pater non potest generare filium sibi
aequalem, ubi est eius omnipotentia? Ergo omnipotentia ad generationem se
extendit. 1. Augustin dit Contra Maximinien (III, c. 7, 17 et 18): "Si le
Pиre ne peut engendrer un Fils йgal а lui, oщ est sa toute puissance?"
Donc la toute-puissance s'йtend а la gйnйration[6]. q. 2 a. 5 s. c. 2
Praeterea, omnipotentia in Deo dicitur non solum respectu actuum exteriorum, ut
creare, gubernare et huiusmodi, qui ad effectus exterius terminari
significantur; sed etiam respectu actuum interiorum; ut intelligere et velle.
Si quis enim Deum non posse intelligere diceret, eius omnipotentiae derogaret.
Sed filius procedit ut verbum per actum intellectus. Ergo respectu generationis
filii omnipotentia Dei intelligitur. 2. On parle de la toute-puissance en Dieu, non seulement en rapport
avec les actes extйrieurs, comme crйer, gouverner etc., qui sont signifiйs se
terminer aux effets а l'extйrieur, mais aussi en rapport avec les actes
intйrieurs, comme penser et vouloir. Car si quelqu'un disait que Dieu ne peut
pas penser, cela dйrogerait а sa toute-puissance. Mais le Fils procиde en tant
que Verbe par un acte de l'esprit. Donc on comprend la toute-puissance de Dieu
en rapport avec la gйnйration du Fils[7]. q. 2 a. 5 s. c. 3
Praeterea, maius est generare filium quam creare caelum et terram. Sed posse
creare caelum et terram est omnipotentiae. Ergo multo magis posse filium generare. 3. Il est plus grand d'engendrer le Fils que de crйer le ciel et la
terre. Mais pouvoir crйer le ciel et la terre est le propre de la
toute-puissance. Donc beaucoup plus le pouvoir d'engendrer un Fils. q. 2 a. 5 s. c. 4
Praeterea, in quolibet genere est unum principium, ad quod omnia quae sunt
illius generis, reducuntur. In genere autem potentiarum principium est
omnipotentia. Ergo omnis potentia ad omnipotentiam reducitur; ergo et potentia
generandi vel continetur sub omnipotentia, vel in genere potentiarum erunt duo
principia, quod est impossibile. 4. Dans n'importe quel genre, il y a un seul principe auquel est ramenй
tout ce qui est de ce genre. Or dans le genre des puissances, le principe c'est
la toute-puissance. Donc chaque puissance est ramenйe а la toute-puissance.
Donc la puissance d'engendrer, ou bien est contenue sous la toute puissance, ou
bien elle sera dans le genre des puissances, il y aura deux principes, ce qui
est impossible. Rйponse: q. 2 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum, quod potentia generandi pertinet ad omnipotentiam patris,
non autem ad omnipotentiam simpliciter: quod sic patet. Cum enim potentia in
essentia radicari intelligatur, et sit principium actionis, oportet idem esse
iudicium de potentia et actione quod est de essentia. In essentia autem divina
hoc considerandum est, quod propter eius summam simplicitatem quidquid est in
Deo, est divina essentia; unde et ipsae relationes quibus personae ad invicem
distinguuntur, sunt ipsa divina essentia secundum rem. Et quamvis una et eadem
essentia sit communis tribus personis, non tamen relatio unius personae
communis est tribus, propter oppositionem relationum ad invicem. Ipsa enim
paternitas est divina essentia, nec tamen paternitas filio inest, propter
oppositionem paternitatis et filiationis. La puissance d'engendrer convient а la toute-puissance du Pиre, mais
pas la toute-puissance dans l'absolu[8]; ce qui apparaоt
ainsi: йtant donnй que la puissance, en effet, est comprise comme ayant sa
racine dans l'essence, et est ainsi principe d'action, il faut que le jugement
sur la puissance et sur l'action soit identique, parce qu'il concerne
l'essence. Il faut considйrer dans l'essence divine qu'а cause de sa suprкme
simplicitй suprкme, tout ce qui est en Dieu est son essence; c'est pourquoi les
relations mкmes par lesquelles les personnes se distinguent entre elles, sont
rйellement l'essence divine elle-mкme. Et quoiqu'une seule et mкme essence soit
commune aux trois personnes, cependant la relation d'une personne n'est pas
commune aux trois а cause de l'opposition des relations entre elles. Car la
paternitй mкme est l'essence divine et cependant elle n'est pas dans le Fils а
cause de l'opposition de la paternitй et de la filiation. Unde potest dici, quod paternitas est divina essentia prout
est in patre, non prout est in filio: non enim eodem modo est in patre et
filio, sed in filio ut ab altero accepta, in patre autem non. Nec tamen
sequitur quod quamvis paternitatem filius non habeat quam pater habet, aliquid
habeat pater quod non habet filius: nam ipsa relatio secundum rationem sui
generis, in quantum est relatio, non habet quod sit aliquid, sed solum quod sit
ad aliquid. Quod sit vero aliquid secundum rem, habet ex illa parte qua inest,
vel ut idem secundum rem, ut in divinis, vel ut habens causam in subiecto,
sicut in creaturis. Unde cum id quod est absolutum, communiter sit in patre et
filio, non distinguuntur secundum aliquid, sed secundum ad aliquid tantum; unde
non potest dici quod aliquid habet pater quod non habet filius; sed quod
aliquid secundum unum respectum convenit patri, et secundum alium aliquid
filio. C'est pourquoi, on peut dire que la paternitй est l'essence divine
selon qu'elle est dans le Pиre, mais non selon qu'elle est dans le Fils, car
elle n'est pas de la mкme maniиre dans le Pиre et le Fils; elle est dans le
Fils comme reзue d'un autre mais pas dans le Pиre. Et cependant il n'en dйcoule
pas que, quoique le Fils n'ait pas la paternitй qu'a le Pиre, le Pиre a quelque
chose que n'a pas le Fils; car la relation en tant que telle selon la nature de
son genre n'a pas а кtre quelque chose mais seulement а кtre relation. Mais que
ce soit quelque chose en rйalitй vient de cette partie dans laquelle elle est
ou comme identique en rйalitй, comme en Dieu, ou comme ayant sa cause dans le
sujet, comme dans les crйatures. C'est pourquoi puisque ce qui est absolu est
en commun dans le Pиre et dans le Fils, ils ne sont pas distinguйs par leur
nature, mais par la relation seulement. C'est pourquoi on ne peut pas dire que
le Pиre a quelque chose que le Fils n'a pas, mais que quelque chose convient
selon un rapport au Pиre et selon un autre au Fils. Similiter ergo dicendum est de actione et potentia. Nam
generatio significat potentiam cum aliquo respectu, et potentia generandi
significat potentiam cum respectu; unde ipsa generatio est Dei actio, sed prout
est patris tantum; et similiter ipsa potentia generandi est Dei omnipotentia,
sed prout est patris tantum. Nec tamen sequitur quod aliquid possit pater quod
non possit filius. Sed omnia quaecumque potest pater, potest filius, quamvis
generare non possit: nam generare ad aliquid dicitur. Il faut en dire autant de l'action et de la puissance. Car la
gйnйration signifie la puissance avec une certaine relation et la puissance
d'engendrer signifie la puissance avec une relation; c'est pourquoi la
gйnйration mкme est l'action de Dieu, mais en tant qu'il est Pиre seulement, et
semblablement la puissance mкme d'engendrer est la toute-puissance de Dieu
selon qu'elle est du Pиre seulement. Et cependant il n'en dйcoule pas que le
Pиre puisse ce que ne peut pas le Fils. Mais tout ce que peut le Pиre, le Fils
le peut, quoiqu'il ne puisse engendrer, car on dit qu'engendrer est une
relation. Solutions q. 2 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod posse generare, ad omnipotentiam pertinet, sed non
prout est in filio, ut dictum est, in corp. articuli. # 1. Pouvoir engendrer concerne la toute-puissance, mais pas dans la
mesure oщ elle est dans le Fils, comme on l'a dit dans le corps de l'article. q. 2 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Augustinus non intendit ostendere totam rationem
omnipotentiae in verbis illis, sed quoddam omnipotentiae signum. Nec loquitur de omnipotentia nisi secundum quod ad creaturas se extendit. # 2. Augustin n'a pas l'intention de montrer toute la nature de la
toute-puissance dans ces paroles, mais d'en montrer un aspect. Et il n'en parle
que dans la mesure oщ elle s'йtend aux crйatures. q. 2 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod possibile ad quod omnipotentia se extendit, non est
accipiendum solum pro contingenti: quia et necessaria sunt per divinam
potentiam ad esse producta: et sic nihil prohibet generationem filii computari
inter possibilia divinae potentiae. # 3. Le possible а quoi s'йtend la toute-puissance n'est pas а recevoir
seulement pour ce qui est contingent, parce que ce qui est nйcessaire est amenй
а l'кtre par la puissance divine, et ainsi rien n'empкche que la gйnйration du
Fils soit comptйe parmi les possibilitйs de la puissance divine. q. 2 a. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod licet omnipotentia absolute considerata non sit propria
patris, tamen prout cointelligitur ei determinatus modus existendi, sive
determinata relatio, propria fit patri; sicut hoc quod dicitur Deus pater,
patri proprium est, quamvis Deus sit tribus commune. # 4. Quoique la toute-puissance, considйrйe dans l'absolu, ne soit pas
le propre du Pиre, cependant dans la mesure oщ un mode dйterminй d'existence ou
une relation dйterminйe est comprise en lui, elle devient propre au Pиre; ainsi
ce qui est appelй Dieu Pиre est propre au Pиre, quoique Dieu soit commun aux
trois personnes. q. 2 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut una et eadem est essentia trium personarum, non
tamen sub eadem relatione, vel secundum eumdem modum existendi est in tribus
personis; ita est et de omnipotentia. # 5. Une seule et mкme essence pour les trois personnes, non cependant
sous la mкme relation, ou selon le mкme mode d'existence est dans les trois
personnes, il en est de mкme pour la toute-puissance. q. 2 a. 5 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod generatio filii et productio creaturarum non sunt unius
rationis secundum univocationem, sed secundum analogiam tantum. Dicit enim
Basilius quod accipere filius habet commune cum omni creatura; et ratione huius
dicitur primogenitus omnis creaturae et hac ratione potest eius generatio
productionibus creaturae communicari sub una distributione. # 6. La gйnйration du Fils et la production des crйatures ne sont pas
d'une mкme nature selon l'univocitй, mais par analogie seulement. Car Basile
dit (Hom. 15 Sur le foi ) que le fait de recevoir, le Fils l'a eu en commun
avec toute crйature, et sous ce rapport, il est appelй "premier-nй de
toute crйature" (Col. 1, 15) et pour cette raison sa gйnйration peut кtre
attribuйe aux productions de la crйature sous une seule attribution[9]. q. 2 a. 5 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod generatio filii est subiecta omnipotentiae, non hoc
modo quo subiectum inferioritatem designat sed hoc modo quo designat solummodo
potentiae obiectum. # 7. La gйnйration du Fils est soumise а la toute-puissance, non de
cette maniиre oщ elle dйsigne un sujet infйrieur, mais de celle oщ elle dйsigne
seulement l'objet de la puissance. q. 2 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod generatio filii significat relationem per modum
actionis, et filius per modum hypostasis subsistentis; et ideo nihil prohibet
quin respectu horum omnipotentia dicatur. # 8. La gйnйration du Fils signifie une relation par mode d'action[10] et le Fils [est signifiй] par mode d'hypostase
subsistante[11]; et c'est pourquoi rien n'empкche qu'on
dйsigne la toute-puissance en rapport avec cela. q. 2 a. 5 ad s. c. Aliae vero rationes non
concludunt, nisi quod posse generare ad omnipotentiam patris pertineat. Les autres raisons n'apportent pas de conclusions, sinon que le pouvoir
d'engendrer concerne la toute-puissance du Pиre.
[1] . Parall.: Ia, qu. 28, a. 3 – I Sent. d7q1a1. [2]
. Symbole Quicumque, dit d'Athanase. [3]
. Si Dieu le Pиre "reзoit avec raison le nom de tout puissant, c'est
uniquement pour ce motif que tout ce qu'il veut il le peut, sans que la volontй
d'aucune crйature puisse empкcher sa volontй toute puissante de sortir son
effet." Trad. BA. 9 [4]
. Si on considиre ce sur quoi porte la toute puissance, c'est-а-dire la
crйation, elle n'est qu'en rapport avec les crйatures. Mais si on considиre
l'opйration, la toute puissance s'йtend а celui qui engendre (le Pиre). I Sent. d20,q1a1, ad 4. [5]
."Selon la substance, il n'y a pas mouvement, parce qu'il n'y a aucun кtre
qui soit contraire а la substance. Pas davantage pour la relation; car а la
suite du changement de l'un des relatifs, cela peut aussi se vйrifier aussi
pour l'autre sans qu'il ait changй en rien." (Trad. H. Carteron) [6]
. Id. Pot. 2, 1, sed contra. 2. [7]
.Cet argument est prйsentй comme solution en I Sent.d20q1a1. [8]
. Pour la raison que le Fils et l'Esprit saint n'engendrent pas. L'absolu
correspond а l'essence [9]
. "La procession des crйatures а partir d Dieu a pour cause exemplaire la
procession mкme des personnes divines." (Geiger, La participation dans la philosophie de s. Thomas d'Aquin, p. 225 [10]
. Elle signifie l'identitй rйelle de l'action notionnelle et de la relation
divine.(Vanier p. 41) [11]
. "Dans cette relation signifiant l'йmanation de l'action notionnelle et
distincte pour l'esprit de la relation personnelle, il ne faut sans doute voir
qu'une relation de raison (relatio
intellecta in origine) – laissant intacte l'identification rйelle et
d'action notionnelle et de la relation personnelle. Vanier Thйologie trinitaire chez Saint Thomas d'Aquin. p. 47.
Article 6:
q. 2 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum potentia generandi et potentia creandi sint idemq. Et
videtur quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 2 a. 6 arg. 1
Generatio enim est operatio vel opus naturae, sicut Damascenus dicit; creatio
vero est opus voluntatis, ut patet per Hilarium in libro de Synod. sed voluntas
et natura non sunt idem principium, sed ex opposito dividuntur, ut patet II
Phys. Ergo potentia generandi et potentia creandi non sunt idem. 1. Car la gйnйration est l'opйration ou l'oeuvre de la nature, comme
Jean Damascиne le dit (II, 27): mais la crйation est l'oeuvre de la volontй,
comme le montre Hilaire (Les synodes). Mais la volontй et la
nature ne sont pas un mкme principe, mais elles sont divisйes par opposition,
comme on le voit en Physique (II, 4,
196 a 28 et 5, 196 b 18[2]). Donc la puissance d'engendrer
et celle de crйer ne sont pas identiques. q. 2 a. 6 arg. 2
Praeterea, potentiae distinguuntur per actus, ut habetur II de anima. Sed
generatio et creatio sunt actus multum differentes. Ergo et potentia generandi
et potentia creandi non sunt una potentia. 2. On distingue les puissances par les actes, comme il est dit dans L'вme, II, 4, 415 a 20[3].
Mais la gйnйration et la crйation sont des actes trиs diffйrents. Donc la
puissance d'engendrer et celle de crйer ne sont pas une seule puissance. q. 2 a. 6 arg. 3
Praeterea, minor unitas est eorum quae in aliquo univocantur, quam eorum quae
habent idem esse. Sed potentia generandi et potentia creandi in nullo
univocantur; sicut nec generatio et creatio nec filius et creatura. Ergo
potentia generandi et potentia creandi non sunt idem secundum esse. 3. L'unitй de ceux qui sont dйsignйs par un mкme nom est moindre que
celle de ceux qui ont un кtre identique. Mais la puissance d'engendrer et celle
de crйer ne sont univoques en rien, la gйnйration et la crйation, non plus, le
Fils et la crйature, non plus. Donc la puissance d'engendrer et celle de crйer
ne sont pas identiques selon l'кtre. q. 2 a. 6 arg. 4
Praeterea, inter ea quae sunt idem, non cadit ordo. Sed potentia creandi est
prior quam potentia generandi secundum intellectum, sicut essentiale notionali.
Ergo praedictae potentiae non sunt idem. 4. Il n'y a pas d'ordre en ce qui est identique. Mais la puissance de
crйer est avant la puissance d'engendrer selon l'esprit, comme ce qui est de
l'essence est avant ce qui est de la notion. Donc les puissances dont on parle
ne sont pas identiques. En sens contraire: q. 2 a. 6 s. c. 1
Sed contra. In Deo non differt potentia et essentia. Sed una tantum est divina essentia. Ergo et una tantum potentia. Non ergo
praedictae potentiae distinguuntur. 1. En Dieu la puissance et l'essence ne sont pas diffйrentes. Il y a
seulement une seule essence divine. Donc une seule puissance. Donc ces
puissances ne sont pas distinguйes. q. 2 a. 6 s. c. 2
Praeterea, Deus non facit per plura quod potest facere per unum. Sed per unam
potentiam Deus potest generare et creare, praecipue cum generatio filii sit
ratio productionis creaturae; secundum illam Augustini expositionem: dixit, et
facta sunt; id est, verbum genuit, in quo erat ut fierent. Ergo una tantum
potentia est generandi et creandi. 2. Dieu ne fait pas par plusieurs moyens ce qu'il peut faire par un
seul. Mais par une seule puissance Dieu peut engendrer et crйer, surtout parce
que la gйnйration du Fils est la raison de la production de la crйature; selon
ce qu'expose Augustin (La Genиse au sens
littйral, II, 6 et 7): "Il dit
et ce fut fait, c'est-а-dire, il engendra le Verbe en qui йtait ce qui йtait а
faire." Donc la puissance d'engendrer et de crйer est une seulement. Rйponse: q. 2 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum, quod, sicut supra, dictum est, ea quae de potentia
dicuntur in divinis, consideranda sunt ex ipsa essentia. In divinis autem licet
una relatio ab altera distinguatur realiter propter oppositionem relationum,
quae reales in Deo sunt; ipsa tamen relatio non est aliud secundum rem quam
ipsa essentia, sed solum ratione differens: nam relatio ad essentiam
oppositionem non habet. Et ideo non est concedendum quod aliquid absolutum in
divinis multiplicetur, sicut quidam dicunt, quod in divinis est duplex esse,
essentiale et personale. Comme on l'a dit ci-dessus (a. 5) ce qui est dit de la puissance en
Dieu doit кtre considйrй а partir de l'essence mкme. En Dieu, bien qu'une
relation soit distinguйe d'une autre, rйellement а cause de l'opposition des
relations qui sont rйelles en lui, cependant elle n'est pas autre chose en
rйalitй que l'essence mкme, mais diffйrente en raison seulement, car la
relation ne s'oppose pas а l'essence. Et c'est pourquoi il ne faut pas concйder
que ce qui est absolu en Dieu est multipliй, comme certains disent qu'en lui il
y a une кtre double, essentiel et personnel.
Omne enim esse in divinis essentiale est, nec persona est
nisi per esse essentiae. In potentia vero, praeter id quod est ipsa potentia,
consideratur respectus quidam vel ordo ad id quod potentiae subiacet. Si ergo
potentia quae est respectu actus essentialis, sicut potentia intelligendi vel
creandi, comparetur ad potentiam quae est respectu actus notionalis (cuiusmodi
est potentia generandi) secundum id quod est ipsa potentia, invenitur una et
eadem potentia, sicut est unum et idem esse naturae et personae. Sed tamen
utrique potentiae cointelligitur alius et alius respectus, secundum diversos
actus ad quos potentiae dicuntur. Car tout l'кtre en Dieu est essentiel et la personne n'est que par
l'кtre de l'essence. Mais dans la puissance, au-delа de ce qu'elle est
elle-mкme, on considиre un rapport ou un ordre а ce qui lui est soumis. Donc si
la puissance, qui est en rapport avec l'acte essentiel, comme la puissance de
penser (intelligendi) et de crйer, est assimilйe а celle qui est en rapport
avec l'acte notionnel (la puissance d'engendrer est de ce genre) selon ce qui
est la puissance mкme, on trouve une seule et mкme puissance de mкme que l'кtre
de la nature et de la personne est un et identique. Mais cependant, on comprend
avec chaque puissance un rapport diffйrent selon les actes diffйrents pour
lesquels elles sont appelйes puissance. Sic ergo potentia generandi et creandi est una et eadem
potentia, si consideretur id quod est potentia; differunt tamen secundum
diversos respectus ad actus diversos. Donc ainsi la puissance d'engendrer et celle de crйer sont une seule et
mкme puissance, si on considиre ce qu'est la puissance, elles diffиrent
cependant selon des rapports diffйrents а des actes diffйrents. Solutions: q. 2 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet in creaturis differant natura et propositum,
in divinis tamen sunt idem secundum rem. Vel potest dici, quod potentia creandi
non nominat propositum sive voluntatem, sed potentiam prout a voluntate
imperatur. Potentia autem generandi, secundum quod natura inclinat, agit. Hoc autem non facit diversitatem potentiae, nam
nihil prohibet aliquam potentiam ad aliquem actum imperari a voluntate et ad
alium inclinari a natura. Sicut intellectus noster ad credendum
inclinatur a voluntate, ad intelligendum prima principia ducitur ex natura. 1. Bien que, dans les crйatures, la nature et l'intention soient
diffйrentes, cependant en Dieu elles sont identiques en rйalitй. Ou bien, on
peut dire que la puissance de crйer ne dйsigne pas l'intention ou la volontй,
mais une puissance dans la mesure oщ elle est commandйe par la volontй. Mais la
puissance d'engendrer agit selon ce а quoi la nature l'incline. Mais cela ne
crйe pas la diversitй de la puissance, car rien n'empкche qu'une puissance soit
commandйe pour un acte par la volontй et inclinйe а un autre par la nature.
Ainsi notre esprit est poussй а croire par la volontй, il est conduit а
comprendre les premiers principes par la nature. q. 2 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quanto aliqua potentia est superior, tanto ad plura se
extendit, unde minus est distinguibilis per diversitatem obiectorum; sicut
imaginatio una potentia est respectu omnium sensibilium, respectu quorum sensus
proprii distinguuntur. Divina autem potentia est summe elevata: unde
differentia actuum in ipsa potentia, quantum ad id quod est, diversitatem non
inducit, sed secundum unam potentiam Deus omnia potest. 2. Plus une puissance est supйrieure, puis elle s'йtend а de nombreux
objets; c'est pourquoi elle est moins distincte par la diversitй des objets,
ainsi l'imagination est une seule puissance par rapport а tout le sensible, par
le rapport dont les sens propres se distinguent. Mais la puissance divine est
trиs au-dessus; c'est pourquoi la diffйrence des actes dans la puissance mкme,
quant а ce qu'il en est, n'apporte pas de diversitй, mais, Dieu peut tout par
une seule puissance.. q. 2 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod potentia generandi et potentia creandi quantum ad ipsam
(ut ita loquar) potentiae substantiam, non solum univocantur, sed sunt unum.
Sed quod analogice dicantur, hoc est ex ordine actus. 3. La puissance d'engendrer et celle de crйer, quant а la substance de
la puissance, pour ainsi dire, ne sont pas univoques, mais sont une seule mкme
puissance. Mais ce qui est dit analogiquement vient de la nature de l'acte. q. 2 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod praedictae potentiae non ordinantur secundum prius et
posterius, nisi prout distinguuntur. Unde ordo earum non attenditur nisi per respectum ad actus. Et ex hoc
patet quod potentia generandi est prior potentia creandi, sicut generatio
creatione. Quantum vero ad hoc quod ad essentiam comparantur, sunt idem, et non
est in eis ordo 4. Les puissances dont on a parlй ne sont ordonnйes selon l'avant et
l'aprиs, que si on les distingue. Donc leur ordre n'est atteint que par rapport
а l'acte. Cela montre que la puissance d'engendrer reste avant la puissance de
crйer, comme la gйnйration est avant la crйation. Mais dans la mesure oщ on les
compare а l'essence, elles sont identiques et il n'y a pas d'ordre en elles.
Question 3:
La crйation qui est le premier effet de la puissance divine.
q. 3 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum Deus possit aliquid creare. Article 1. Dieu peut-il crйer? q. 3
pr. 2 Secundo utrum creatio sit mutatio. Article 2. La crйation est-elle un changement? q. 3 pr. 3 Tertio
utrum creatio sit aliquid realiter in creatura. Article 3. La crйation est-elle quelque chose de rйel dans la crйature?
q. 3 pr. 4 Quarto
utrum potentia creandi sit creaturae communicabilis. Article 4. La puissance de crйer est-elle communicable а la crйature? q. 3 pr. 5 Quinto
utrum possit esse aliquid quod non sit a Deo creatum. Article 5. Peut-il exister quelque chose qui ne soit pas crйй par Dieu? q. 3 pr. 6 Sexto utrum sit unum tantum
creationis principium. Article 6. N'y a-t-il qu'un seul principe de crйation? q. 3 pr. 7 Septimo
utrum Deus operetur in omni operatione naturae. Article 7. Dieu opиre-t-il dans tout opйration de la nature? q. 3
pr. 8 Octavo utrum creatio operi naturae admisceatur. Article 8. La crйation est-elle mкlйe а l'opйration de nature? q. 3
pr. 9 Nono utrum anima creetur. Article 9. L'вme est-elle crййe? q. 3 pr. 10 Decimo
utrum anima sit creata in corpore, vel extra corpus. Article 10. L'вme est-elle crййe dans le corps ou hors du corps? q. 3 pr. 11 Undecimo
utrum anima sensibilis et vegetabilis sint per creationem. Article 11. L'вme sensitive et l'вme vйgйtative existent-elles par
crйation ou par transmission de la semence? q. 3 pr. 12
Duodecimo utrum sint in semine quando discinditur. Article 12. L'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont-elles dans la
semence dиs le moment oщ elle se sйpare? q. 3 pr. 13
Decimotertio utrum aliquod ens ab alio, possit esse aeternum. Article 13. Un йtant qui dйpend d'un autre peut-il кtre йternel? q. 3 pr. 14
Decimoquarto utrum id quod est divisum a Deo per essentiam, possit semper
fuisse. Article 14. Ce qui est diffйrent de Dieu en essence peut-il avoir
toujours existй? q. 3 pr. 15
Decimoquinto utrum res processerint a Deo per necessitatem naturae. Article 15. Les crйatures procиdent-elles de Dieu par nйcessitй de
nature? q. 3
pr. 16 Decimosexto utrum ab uno primo possit procedere multitudo. Article 16. La pluralitй procиde-t-elle d'une unitй premiиre? q. 3
pr. 17 Decimoseptimo utrum mundus semper fuerit. Article 17. Le monde a-t-il toujours existй? q. 3
pr. 18 Decimoctavo utrum Angeli sint creati ante mundum visibilem. Article 18. Les anges ont-ils йtй crййs avant le monde visible? q. 3 pr. 19
Undevigesimo utrum potuerint esse Angeli ante mundum visibilem. Article 19. Les anges ont-ils pu exister avant le monde visible?
Article 1: Dieu peut-il crйer de rien?
q. 3 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum Deus possit aliquid creare ex nihilo. Et videtur quod
non. Il semble que non[1].
Objections: q. 3 a. 1 arg. 1
Deus enim non potest facere contra communem animi conceptionem, sicut quod
totum non sit maius sua parte. Sed, sicut dicit philosophus [in I Phys.,
text.33], communis conceptio ex sententia philosophorum fuit, quod ex nihilo
nihil fiat. Ergo Deus non potest de nihilo aliquid facere. 1. Dieu ne peut agir contre la conception commune de l'esprit: faire
comme par exemple que le tout ne soit pas plus grand que la partie. Mais, comme
le dit le philosophe (I Phys. 4, 187 a 26), la conception commune: "Rien
ne vient а partir de rien[2]" provient de l'opinion des philosophes[3].
Donc Dieu ne peut rien faire а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 2
Praeterea, omne quod fit, antequam esset, possibile erat esse: si enim erat
impossibile esse, non erat possibile fieri: nihil enim mutatur ad id quod est
impossibile. Sed potentia qua aliquid potest esse, non potest esse nisi in
aliquo subiecto; nisi forte ipsamet sit subiectum; nam accidens absque subiecto
esse non potest. Ergo omne quod fit, fit ex materia vel subiecto. Impossibile
est ergo ex nihilo aliquid fieri. 2. Tout ce qui est fait, avant d'exister, en avait la possibilitй[4]:
car s'il lui йtait impossible d'кtre, il ne pouvait pas кtre fait. Car rien ne
se change en ce qui est impossible. Mais la puissance par laquelle quelque
chose peut exister ne peut кtre que dans un substrat, а moins que par hasard
elle-mкme soit le substrat; car un accident ne peut pas exister sans substrat.
Donc tout ce qui est fait est fait а partir de la matiиre ou d'un substrat. En
consйquence, il est impossible que quelque chose soit fait а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 3
Praeterea, infinitam distantiam non contingit pertransire. Sed non entis
simpliciter ad ens est infinita distantia; quod ex hoc patet, quia quanto
potentia est minus ad actum disposita, tanto magis ab actu distat; unde si
omnino potentia subtrahatur, erit infinita distantia. Ergo impossibile est quod
aliquid transeat simpliciter de non ente ad ens. 3. On ne peut traverser une distance infinie. Mais du non йtant absolu
а l'йtant, la distance est infinie. Ce qui apparaоt ainsi: moins une puissance
est disposйe а l'acte, plus elle en est distante. C'est pourquoi, si on
supprime tout а fait la puissance, la distance sera infinie. Donc il est
impossible que quelque chose passe du non йtant absolu а l'йtant.
q. 3 a. 1 arg. 4
Praeterea, philosophus dicit [in I de Gen.,comm. 48], quod omnifariam
dissimile, non agit in omnifariam dissimile; oportet enim quod agens et patiens
conveniant in genere et in materia. Sed non ens simpliciter et Deus in nullo
conveniunt. Ergo Deus non potest agere in non ens simpliciter, et ita non
potest facere aliquid de nihilo. 4. Le philosophe (De la Gйnйration et de la corruption, I, 10[5]) dit
que des objets tout а fait dissemblables n'interagissent pas entre eux. Car il
faut que l'agent et le patient s'accordent dans le genre et la matiиre. Mais le
non йtant absolu et Dieu ne s'accordent en rien. Donc Dieu ne peut agir sur le
non йtant absolu et ainsi il ne peut pas faire quelque chose de rien.
q. 3 a. 1 arg. 5 Sed
dicebat, quod ratio ista procedit de agente cuius actio differt a sua
substantia, quam oportet in aliquo subiecto recipi.- Sed contra Avicenna dicit
[lib. IX Metaph., cap II] quod si calor esset a materia expoliatus, per se
ipsum ageret absque materia; et tamen eius actio non esset sua substantia. Ergo
hoc quod actio Dei est sua essentia, non est ratio quod materia non indigeat. 5. Mais on pourrait dire que cette raison procиde d'un agent dont
l'action est diffйrente de la substance, qui doit кtre reзue dans un substrat.
En sens contraire, Avicenne (Mйtaphysique,
IX, ch. 2) dit que si la chaleur йtait dйpourvue de matiиre, elle agirait par
elle-mкme, sans matiиre et cependant son action ne serait pas sa substance.
Donc le fait que l'action de Dieu soit son essence n'est pas une raison pour
qu'il n'ait pas besoin de matiиre[6].
q. 3 a. 1 arg. 6
Praeterea, ex nihilo nihil concluditur: quod est quoddam fieri rationis. Sed
esse rationis consequitur esse naturae. Ergo etiam in natura ex nihilo nihil
fieri potest. 6. A partir de rien, on ne conclut rien, ce qui est un certain
cheminement de la raison[7]. Mais l'кtre de raison suit l'кtre de nature. Donc
mкme dans la nature, on ne peut rien faire а partir de rien
q. 3 a. 1 arg. 7
Praeterea, si ex nihilo aliquid fiat, haec praepositio ex aut notat causam, aut
ordinem. Causam autem non videtur notare nisi efficientem, vel materialem.
Nihil autem neque efficiens causa entis esse potest, neque materia; et sic in
proposito non denotat causam; similiter nec ordinem, quia, ut dicit Boetius,
entis ad non ens non est aliquis ordo. Ergo nullo modo ex nihilo potest aliquid
fieri.
7. [Dans la phrase]: “Si quelque chose est fait а partir de (ex) rien,
la prйposition “ex” (de[8]) dйsigne la cause ou une relation. Si c'est la
cause, elle paraоt ne signifier qu'une cause efficiente ou matйrielle. Mais le
nйant ne peut pas кtre la cause efficiente de l'йtant, la matiиre non plus et
ainsi dans cette proposition, elle n'indique pas la cause, ni de la mкme
maniиre la relation, parce que, comme le dit Boиce, de l'кtre au non-кtre, il
n'y a pas de relation. Donc, en aucune maniиre, rien ne peut кtre fait de
rien[9].
q. 3 a. 1 arg. 8
Praeterea, potentia activa secundum philosophum [IV Metaph., com. 17] est
principium transmutationis in aliud, secundum quod est aliud. Potentia autem
Dei non est nisi potentia activa. Ergo requirit aliquod subiectum
transmutationis; et sic non potest ex nihilo aliquid facere. 8. La puissance active, selon le philosophe (Mйtaphysique V, 12, 1019 a 15-16), est le principe d'un changement
en autre chose, en tant qu'autre. Mais la puissance de Dieu est uniquement
active. Donc elle requiert un substrat а transformer et ainsi elle ne peut pas
faire quelque chose а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 9
Praeterea, in rebus invenitur diversitas, prout una res est alia perfectior.
Huius autem diversitatis causa non est ex parte Dei, qui est unus et simplex.
Ergo oportet huius diversitatis causam assignare ex parte materiae. Oportet
ergo ponere res factas esse ex materia et non ex nihilo. 9. Dans les кtres, on trouve la diversitй du fait qu'une chose est plus
parfaite qu'une autre. Mais la cause de cette diversitй ne vient pas de Dieu
qui est un et simple[10]. Donc il faut en assigner la cause а la matiиre. En
consйquence, il faut penser que les crйatures ont йtй faites de matiиre et non
а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 10
Praeterea, quod ex nihilo factum est, habet esse post non esse. Est ergo considerare
aliquod instans in quo ultimo non est, ex quo non esse desinit, et aliquod in
quo primo est, ex quo esse incipit. Aut ergo est unum et idem instans, aut
diversa. Si idem, sequitur duo contradictoria esse in eodem instanti; si
diversa, cum inter duo instantia sit tempus medium, sequitur aliquid esse
medium inter affirmationem et negationem: nam non potest dici non esse post
ultimum instans in quo non fuit, nec esse ante primum instans in quo fuit.
Utrumque autem est impossibile, scilicet contradictionem esse simul, et eam
habere medium. Ergo impossibile est aliquid fieri ex nihilo.
10. Ce qui est fait а partir de rien possиde l'кtre aprиs le non кtre.
Il faut donc considйrer un instant, а la fin duquel il n'existe pas et oщ cesse
le non кtre et un autre instant au dйbut duquel il existe et auquel il commence
а кtre. Donc ou c'est un mкme et unique instant ou ce sont des instants
diffйrents. Si c'est le mкme, il s'ensuit que deux choses contradictoires
existent en mкme temps; s'ils sont diffйrents, comme entre deux instants il y a
un temps intermйdiaire, il s'ensuit que quelque chose est intermйdiaire entre
l'affirmation et la nйgation; car on ne peut pas dire qu'il n'йtait pas aprиs
l'ultime instant en lequel il ne fut pas, ni qu'il est avant le premier dans
lequel il a existй. L'un et l'autre sont impossibles, c'est-а-dire que les deux
termes de la contradiction soient en mкme temps et qu'elle ait un
intermйdiaire. Donc il est impossible que quelque chose soit fait а partir de
rien.
q. 3 a. 1 arg. 11
Praeterea, quod factum est, necesse est aliquando fieri; et quod creatum est,
aliquando creari. Aut ergo simul fit et factum est, quod creatur, aut non
simul. Sed non potest dici quod non simul, quia creatura non est antequam facta
sit. Si ergo fieri eius sit antequam facta sit, oportebit esse aliquod
factionis subiectum, quod est contra creationis rationem. Si autem simul fit et
factum est, sequitur quod simul fit et non fit, quia quod factum est in
permanentibus, est; quod tamen fit, non est. Hoc autem est impossibile. Ergo
impossibile est aliquid fieri ex nihilo, vel creari.
11. Il est nйcessaire que ce qui a йtй fait, le soit dans un temps
donnй et ce qui a йtй crйй aussi. Ou bien donc ce qui est crйй est fait et a
йtй fait en mкme temps ou pas. Mais on ne peut pas dire que ce n'est pas en
mкme temps, parce que la crйature n'existe pas avant d'avoir йtй faite. Si donc
son devenir est avant d'avoir йtй faite, il faudra qu'il y ait quelque substrat
de l'action, ce qui est contre la notion de crйation. S'il se fait et a йtй
fait en mкme temps, il s'ensuit qu'il est fait et non fait en mкme temps, parce
que ce qui a йtй fait dans ce qui demeure existe; ce qui cependant se fait
n'est pas. Mais cela est impossible. Donc il est impossible que quelque chose
soit fait ou crйй а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 12
Praeterea, omne agens agit simile sibi. Omne autem agens agit secundum quod est
in actu. Ergo nihil fit nisi quod est in actu. Sed materia prima non est in
actu. Ergo fieri non potest, praecipue a Deo, qui est purus actus; et sic
quaecumque fiunt, fiunt ex praesupposita materia, et non ex nihilo. 12. Tout agent fait du semblable а lui. Mais tout agent n'agit que
selon qu'il est en acte. Donc rien n'est fait que ce qui est en acte[11]. Mais
la matiиre premiиre n'est pas en acte. Donc elle ne peut pas кtre faite,
surtout par Dieu qui est acte pur; et ainsi tout ce qui est fait, est fait
d'une matiиre prйsupposйe, et non а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 13
Praeterea, quidquid facit Deus, per ideam operatur, sicut artifex agit
artificiata per formas artis. Sed materia prima non habet ideam in Deo: quia
idea forma est, et similitudo ideati. Materia autem prima cum intelligatur
secundum suam essentiam absque omni forma, non potest forma eius esse
similitudo. Ergo materia prima a Deo fieri non potest; et sic idem quod prius. 13. Tout ce que Dieu fait, il l'opиre par l'idйe, comme l'artisan fait
ses oeuvres par les formes de son art. Mais la matiиre premiиre n'a pas d'idйe
en Dieu, parce que l'idйe est une forme, et une ressemblance de l'idйat[12].
Comme on comprend la matiиre premiиre, selon son essence, hors de toute forme,
sa forme ne peut pas en кtre une ressemblance. Donc elle ne peut avoir йtй
faite par Dieu; et de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 1 arg. 14
Praeterea, non potest esse idem perfectionis et imperfectionis principium. In
rebus autem imperfectio invenitur, cum rerum quaedam aliis potiores sint; quod
contingere non potest nisi per inferiorum imperfectionem. Cum ergo perfectionis
principium sit Deus, oportebit imperfectionem in aliud principium reducere. Sed
non nisi in materiam. Ergo oportebit res ex aliqua materia esse factas, et non
ex nihilo.
14. Il ne peut pas y avoir de principe identique pour la perfection et
l'imperfection. On trouve l'imperfection dans des choses, puisque certaines
sont meilleures que d'autres, ce qui ne peut arriver que par l'imperfection des
infйrieures. Donc puisque le principe de la perfection est Dieu, il faudra
ramener l'imperfection а un autre principe. Mais il n'est que dans la matiиre.
Donc il faudra que les choses aient йtй faites d'une matiиre et non а partir de
rien[13].
q. 3 a. 1 arg. 15
Praeterea, si aliquid fit ex nihilo aut fit ex eo sicut ex subiecto, sicut
statua ex aere; aut sicut ex opposito, sicut figuratum ex infigurato; aut ex
composito, sicut statua ex aere infigurato. Sed aliquid non potest fieri ex
nihilo sicut ex subiecto, quia non ens non potest esse entis materia; neque
sicut ex composito, quia sic non ens converteretur in ens, sicut aes
infiguratum convertitur in aes figuratum; et ita oporteret aliquid esse commune
enti et non enti, quod est impossibile; neque etiam sicut ex opposito, cum plus
differant non esse simpliciter et ens quam duo entia diversorum generum, ex
quorum uno non fit aliud, sicut figura non fit color, nisi forte per accidens.
Ergo nullo modo aliquid potest fieri ex nihilo.
15. Si quelque chose est fait а partir de rien ou il en est fait comme
d'un substrat; - ainsi la statue est faite d'airain, ou bien comme d'un
opposй[14], comme ce qui est formй est fait de ce qui est sans forme - ou bien
d'un composй comme la statue est faite de l'airain sans forme. Mais rien ne
peut кtre fait а partir du nйant comme d'un substrat, parce que le non йtant ne
peut кtre la matiиre d'un йtant, ni fait comme d'un composй, parce qu'ainsi le
non йtant serait transformй en йtant, comme l'airain sans forme est transformй
en airain en forme et ainsi il faudrait que quelque chose soit commun а l'йtant
et au non йtant, ce qui est impossible; ni mкme fait comme de l'opposй, puisque
le non йtant absolu et l'йtant diffиrent encore plus que deux йtant de genres
diffйrents; il ne devient pas autre а partir de l'un d'eux; ainsi la figure ne
devient pas couleur, sinon par hasard par accident. Donc en aucune maniиre, quelque
chose ne peut кtre fait а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 16 Praeterea, omne quod est per
accidens, reducitur ad per se. Sed ex opposito fit aliquid per accidens, ex
subiecto autem per se; sicut statua ex infigurato fit per accidens, ex aere
autem per se, quia aeri accidit esse infiguratum. Si ergo aliquid
fiat ex non ente, hoc erit per accidens. Ergo oportet quod fiat per se ex
aliquo subiecto; et ita non fit ex nihilo.
16. Tout ce qui est par accident est ramenй au par soi. A partir de
l'opposй, on fait quelque chose par accident et а partir du substrat, on fait
quelque chose par soi; ainsi la statue est faite а partir de quelque chose sans
forme par accident, mais elle est faite а partir de l'airain par soi, parce
qu'il arrive а l'airain d'кtre sans forme. Si donc quelque chose est fait а
partir du non кtre, il le sera par accident. Donc il faut qu'il soit fait par
soi а partir d'un substrat, et ainsi il n'est pas fait а partir de rien.
q. 3 a. 1 arg. 17
Praeterea, ei quod fit faciens dat esse. Si ergo Deus facit aliquid ex nihilo,
Deus alicui dat esse. Aut ergo est aliquid recipiens esse, aut nihil. Si nihil:
ergo nihil constituitur in esse per illam actionem; et sic non fit aliquid. Si
autem est aliquid recipiens esse, hoc erit aliud ab eo quod est Deus; quia non
est idem recipiens et receptum. Ergo Deus facit ex aliquo praeexistenti, et ita
non ex nihilo.
17. Celui qui fait donne l'кtre а ce qui est fait. Si donc Dieu fait
quelque chose а partir de rien, il donne l'кtre а quelque chose. Donc, ou il y
a quelque chose qui reзoit l'кtre, ou il n'y a rien. S'il n'a a rien, donc ce
rien est constituй dans l'кtre par cette action, et ainsi il ne devient pas
quelque chose. Mais s'il y a quelque chose qui reзoit l'кtre, cela sera autre
chose que ce qui est Dieu, parce que celui qui reзoit et ce qui est reзu ne
sont pas identiques. Donc Dieu crйe а partir de quelques chose qui prйexiste,
et non а partir de rien.
En sens contraire: q. 3 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Genes. I, 1: in principio creavit Deus caelum et terram, dicit
Glossa, ex Beda, quod creare est ex nihilo facere aliquid. Ergo Deus potest
facere aliquid ex nihilo. 1. "Au commencement Dieu crйa le ciel et la terre" (Gn. 1,
1). La glose de Bиde dit que “Crйer, c'est faire quelque chose а partir de rien”.
Donc Dieu peut faire quelque chose а partir de rien .
q. 3 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Avicenna dicit quod
agens cui accidit agere, requirit materiam in quam agat. Sed Deo non accidit
agere, immo sua actio est sua substantia. Ergo non requirit materiam in quam
agat, et ita potest ex nihilo aliquid facere. 2. Avicenne (Mйtaphysique
VII, 2) dit que l'agent qui agit par accident a besoin de la matiиre sur
laquelle il agit. Mais Dieu n'agit pas par accident[15], au contraire son
action est sa substance. Donc il n'a pas besoin de matiиre sur laquelle agir et
ainsi il peut faire quelque chose а partir de rien.
q. 3 a. 1 s. c. 3
Praeterea, virtus divina est potentior quam virtus naturae. Sed virtus naturae
facit aliquod ens ex hoc quod erat in potentia. Ergo virtus divina aliquid
amplius facit, et ita facit ex nihilo. 3. La pouvoir de Dieu est plus puissant que celui de la nature. Mais
celui-ci fait un йtant de ce qui йtait en puissance[16]. Donc le pouvoir de
Dieu fait quelque chose de plus et ainsi il le fait а partir de rien.
Rйponse q. 3 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum, quod tenendum est firmiter, quod Deus potest facere
aliquid ex nihilo et facit. Ad cuius evidentiam sciendum est, quod omne agens
agit, secundum quod est actu; unde oportet quod per illum modum actio alicui
agenti attribuatur quo convenit ei esse in actu. Res autem particularis est
particulariter in actu: et hoc dupliciter:
primo ex comparatione sui, quia non tota substantia sua est actus, cum
huiusmodi res sint compositae ex materia et forma; et inde est quod res
naturalis non agit secundum se totam, sed agit per formam suam, per quam est in
actu. Il faut affirmer fermement que Dieu peut faire quelque chose а partir
de rien et qu'il le fait. Pour le mettre en йvidence, il faut savoir que tout agent
agit selon qu'il est en acte. C'est pourquoi il faut que de cette maniиre,
l'action soit attribuйe а un agent а qui il convient d'кtre en acte. Un кtre
particulier est en acte partiellement. Et cela de deux maniиres:
1) Par comparaison а lui-mкme, parce que ce n'est pas toute sa
substance qui est acte, puisque les choses de ce genre sont composйes de
matiиre et de forme et de lа vient qu'une chose naturelle n'agit pas tout
entiиre par soi mais agit par la forme par laquelle elle est en acte.
Secundo in comparatione ad ea
quae sunt in actu. Nam in nulla re naturali includuntur actus et perfectiones
omnium eorum quae sunt in actu; sed quaelibet illarum habet actum determinatum
ad unum genus et ad unam speciem; et inde est quod nulla earum est activa entis
secundum quod est ens, sed eius entis secundum quod est hoc ens, determinatum
in hac vel illa specie: nam agens agit sibi simile. 2) Par comparaison а ce qui est en acte. Car en rien de naturel ne sont
inclus l'acte et les perfections de tout ce qui est en l'acte, mais n'importe
lesquels parmi eux a un acte limitй а un seul genre et а une seule espиce, et
de lа vient qu'aucun n'est actif en son кtre, en tant qu'йtant, mais en cet
йtant, en tant qu'il est, limitй а cette espиce-ci ou а celle-lа, car l'agent
fait quelque chose de semblable а lui.
Et ideo agens naturale non producit simpliciter ens, sed ens
praeexistens et determinatum ad hoc vel ad aliud, ut puta ad speciem ignis, vel
ad albedinem, vel ad aliquid huiusmodi. Et propter hoc, agens naturale agit
movendo; et ideo requirit materiam, quae sit subiectum mutationis vel motus, et
propter hoc non potest aliquid ex nihilo facere. Ipse autem Deus e contrario
est totaliter actus,- et in comparatione sui, quia est actus purus non habens
potentiam permixtam - et in comparatione rerum quae sunt in actu, quia in eo
est omnium entium origo; unde per suam actionem producit totum ens subsistens,
nullo praesupposito, utpote qui est totius esse principium, et secundum se
totum. Et propter hoc ex nihilo aliquid facere potest; et haec eius actio
vocatur creatio. Et c'est pourquoi l'agent naturel ne produit absolument pas un йtant,
mais l'йtant prйexistant et limitй а ceci ou а cela, comme par exemple limitй а
l'espиce du feu, а la blancheur ou а quelque chose de ce genre. Et c'est
pourquoi, l'agent naturel agit en provoquant le mouvement et ainsi il a besoin
de la matiиre qui est le substrat du changement ou du mouvement et, pour cela,
il ne peut pas faire quelque chose а partir de rien. Dieu au contraire est totalement
acte – et par rapport а lui-mкme, parce qu'il est acte pur, sans puissance
mкlйe – et par rapport а ce qui est en acte, parce que l'origine de tous les
кtres est en lui. C'est pourquoi, par son action, il produit l'йtant subsistant
tout entier, sans rien de prйsupposй, йtant donnй qu'il est le principe de
l'кtre entier et tout entier principe en soi. Et а cause de cela il peut faire
quelque chose а partir de rien et cette action est appelйe crйation.
Et inde est quod in Lib. de causis, dicitur, quod esse eius est per
creationem, vivere vero, et caetera huiusmodi, per informationem. Causalitates
enim entis absolute reducuntur in primam causam universalem; causalitas vero
aliorum quae ad esse superadduntur; vel quibus esse specificatur, pertinet ad
causas secundas, quae agunt per informationem, quasi supposito effectu causae
universalis: et inde etiam est quod nulla res dat esse, nisi in quantum est in
ea participatio divinae virtutis. Propter quod etiam dicitur in Lib. de causis,
quod anima nobilis habet operationem divinam in quantum dat esse.
C'est pour cela qu'il est dit dans le Livre des Causes (prop. 18) que l'кtre existe par crйation, mais
que la vie et les autres choses de ce genre existent par mise en forme. Car les
causalitйs de l'кtre sont ramenйes absolument а la cause premiиre universelle,
mais pour ce qui est ajoutй а l'кtre ou ce par quoi il est spйcifiй, la
causalitй appartient aux causes secondes qui agissent par mise en forme,
l'effet de la cause universelle йtant pour ainsi dire supposйe. Et de lа vient
que rien ne donne l'кtre que dans la mesure oщ il y a en lui participation[17]
du pouvoir divin. C'est pour cela qu'on dit aussi dans le Livre des Causes (prop. 3[18]) que l'вme noble a une opйration
divine dans la mesure oщ elle donne l'кtre.
Solutions: q. 3 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ex nihilo nihil fieri, philosophus dicit esse
communem animi conceptionem vel opinionem naturalium, quia agens naturale, quod
ab eis consideratur, non agit nisi per motum; unde oportet esse aliquod
subiectum motus vel mutationis, quod in agente supernaturali non oportet, ut
dictum est. # 1. “Rien ne vient а partir de rien”. Le philosophe dit que c'est la
conception du sens commun ou l'opinion des Naturalistes, parce que l'agent
naturel qu'ils considиrent n'agit que par mouvement. C'est pour cela qu'il faut
qu'il y ait un substrat au mouvement ou au changement, qui n'est pas nйcessaire
pour l'agent surnaturel, comme on l'a dit.
q. 3 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod antequam mundus esset, possibile erat mundum esse; non
tamen oportet quod aliqua materia praeexisteret, in qua potentia fundaretur.
Dicitur enim V Metaph., aliquid aliquando dici possibile, non secundum aliquam
potentiam, sed quia in terminis ipsius enuntiabilis non est aliqua repugnantia,
secundum quod possibile opponitur impossibili. Sic ergo dicitur, antequam
mundus esset, possibile mundum fieri, quia non erat repugnantia inter
praedicatum enuntiabilis et subiectum. Vel potest dici, quod erat possibile
propter potentiam activam agentis, non propter aliquam potentiam passivam
materiae. Philosophus autem utitur hoc argumento, in generationibus naturalibus
contra Platonicos, qui dicebant formas separatas esse naturalis generationis
principia. # 2. Avant que le monde ait existй, son existence йtait possible: il ne
faut pas cependant qu'une matiиre prйexiste dans laquelle serait йtablie la
puissance. Car on lit (Mйtaphysique
V, 3, 1047 a, 24-26[19]), qu'on dit que quelque chose est quelquefois possible,
non en raison d'une puissance, mais parce que, dans les termes de son йnoncй,
il n'y a rien qui s'y oppose, selon que le possible est opposй а l'impossible.
Ainsi donc, on dit qu'avant que le monde ait existй, il йtait possible qu'il
soit fait, parce qu'il n'y avait aucune opposition entre le prйdicat de
l'йnoncй et le sujet. On peut dire aussi qu'il йtait possible а cause d'une
puissance active de l'agent, non а cause de la puissance passive de la matiиre.
Le philosophe use de cet argument (Mйtaphysique
VII, 8, 1033 b 26[20]) dans les gйnйrations naturelles contre les Platoniciens
qui disaient que les formes sйparйes йtaient les principes de la gйnйration
naturelle.
q. 3 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod entis et non entis simpliciter est aliquo modo et semper
infinita distantia, non tamen eodem modo: sed quandoque quidem ex utraque parte
infinita, sicut cum comparatur non esse ad esse divinum quod infinitum est, ac
si comparetur albedo infinita ad nigredinem infinitam; quandoque autem est
finita ex una parte tantum, sicut cum comparatur non esse simpliciter ad esse
creatum quod finitum est, ac si comparetur nigredo infinita ad albedinem
finitam. In illud ergo esse quod est infinitum, non potest fieri transitus ex
non esse; sed in illud esse quod est finitum, talis transitus fieri potest,
prout distantia non esse ad illud esse ex una parte terminatur, quamvis non sit
transitus proprie: sic enim est in motibus continuis, per quos transit pars
post partem. Sic enim contingit nullo modo infinitum transire. # 3. Il faut dire que de l'кtre au non кtre absolu, il y a de quelque
maniиre et toujours une distance infinie, mais pas cependant de la mкme
maniиre. Quelquefois d'une partie infinie а une autre infinie, comme lorsqu'on
compare le non кtre а l'кtre divin qui est infini, comme si on comparait la
blancheur infinie au noir infini. Quelquefois ce n'est fini que d'un cфtй,
comme quand on compare le non кtre absolu а l'кtre crйй qui est fini, comme si
on comparaоt le noir infini а une blancheur finie. Donc en cet кtre qui est
infini, le passage а partir du non кtre ne peut pas se faire, mais dans celui
qui est fini un tel passage peut se faire, selon que la distance du non кtre а
cet кtre est limitйe d'un cфtй, quoique ce ne soit pas а proprement parler un
passage: car c'est ainsi dans les mouvements continus par lesquels passe partie
aprиs partie. Car ainsi, en aucune maniиre, on n'arrive а traverser
l'infini[21].
q. 3 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod cum fit aliquid ex nihilo, non esse, sive nihil, non se
habet per modum patientis nisi per accidens, sed magis per modum oppositi ad id
quod fit per actionem. Nec etiam in naturalibus oppositum se habet per modum
patientis nisi per accidens, sed magis subiectum. # 4. Quand quelque chose est fait а partir de rien, le non кtre ou le
nйant ne joue le rфle de patient que par accident, mais il joue davantage le
rфle de contraire, pour qui se fait par l'action. Et mкme dans ce qui est
naturel, l'opposй ne joue le rфle de patient que par accident, mais c'est
plutфt le substrat qui le joue.
q. 3 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod calor, si esset expoliatus a materia, ageret quidem sine
materia quae requireretur ex parte agentis, sed non sine materia quae
requireretur ex parte patientis. # 5. Si la chaleur йtait exclue de matiиre, elle agirait sans la matiиre
requise du cфtй de l'agent, mais non sans celle nйcessaire du cфtй au patient.
q. 3 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod concludi se habet in actibus rationis sicut moveri in
actibus naturae, eo quod in concludendo ratio ab uno in aliud discurrit; et ideo
sicut motus omnis naturalis est ex aliquo, ita et omnis conclusio rationis.
Sicut vero intelligere principia, quod est concludendi principium, non est ex
aliquo ex quo concludatur, ita creatio, quae est omnis motus principium, non
est ex aliquo. # 6. La conclusion se comporte dans les actions de raison comme le
mouvement dans les actions de la nature, parce qu'en concluant, la raison passe
d'un objet а une autre. Et de mкme que tout mouvement naturel dйpend de quelque
chose, toute conclusion de la raison aussi. De mкme que comprendre les
principes, ce qui est le principe pour conclure, ne dйpend pas de quelque chose
d'oщ l'on conclut, de mкme la crйation, qui est le principe de tout mouvement,
ne dйpend de rien.
q. 3 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod cum dicitur aliquid fieri ex nihilo, duplex est sensus,
ut patet per Anselmum in suo Monologio. Nam negatio importata in nihilo potest
negare praepositionem ex, vel potest includi sub praepositione. Si autem neget
praepositionem, adhuc potest esse duplex sensus # 7. Quand on dit que quelque chose est fait а partir de rien, il y a
deux sens, comme le montre Anselme dans son Monologium
(ch. 5 et 7). Car la nйgation exprimйe par “rien” peut nier la prйposition[22]
ex, ou peut кtre incluse sous elle[23]. Mais si elle nie la prйposition, elle
peut encore avoir deux sens:
unus, ut negatio feratur ad totum, et negetur non solum praepositio,
sed etiam verbum, ut si dicatur aliquid ex nihilo fieri quia non fit, sicut de
tacente possumus dicere quod de nihilo loquitur: et sic de Deo possumus dicere
quod de nihilo fit, quia omnino non fit; quamvis iste modus loquendi non sit
consuetus. a) Comme la nйgation porte sur le tout, non seulement la prйposition
est niйe, mais encore le mot (verbum), comme si on disait quelque chose est
fait а partir de rien, parce qu'il n'est pas fait, comme on peut dire de celui
qui se tait qu'il ne parle de rien (de nihilo[24]): et ainsi nous pouvons dire
de Dieu qu'il est fait de rien (de nihilo), parce qu'il n'est absolument pas
fait: cependant ce mode de parler n'est pas habituel.
Alius sensus est, ut verbum remaneat affirmatum, sed negatio feratur
solum ad praepositionem; et ideo dicatur aliquid ex nihilo fieri, quia fit
quidem, sed non praeexistit aliquid ex quo fiat; sicut dicimus aliquem tristari
ex nihilo, quia non habet tristitiae suae causam: et hoc modo per creationem
dicitur aliquid ex nihilo fieri. Si vero praepositio includit negationem, tunc
est duplex sensus: unus verus, et alius falsus. b) Autre sens: de sorte que le mot (verbum) demeure affirmй, mais la
nйgation porte seulement sur la prйposition et ainsi on dit que quelque chose
est fait а partir de rien parce qu'il est fait, mais rien de ce а partir de
quoi il est fait n'a prйexistй. Ainsi nous disons que quelqu'un s'attriste а
partir de rien parce que sa tristesse n'a pas de cause, et de cette maniиre,
pour la crйation on dit, que quelque chose est fait а partir de rien. Mais si
la prйposition inclut la nйgation, alors le sens est double: l'un est vrai,
l'autre faux.
Falsus quidem, si positio importet habitudinem causae (non ens enim
esse nullo modo potest causa entis); verus autem, si importet ordinem tantum,
ut dicatur aliquid fieri ex nihilo quia fit post nihilum, quod etiam verum est
in creatione. Quod autem Boetius dicit, quod non entis ad ens non est ordo,
intelligendum est de ordine determinatae proportionis, vel de ordine qui sit
realis relatio, quae inter ens et non ens esse non potest, ut Avicenna dicit.
i) Faux si sa position exprime une relation de cause (car le non йtant
ne peut en aucune maniиre кtre cause de l'йtant);
ii) vrai si elle exprime l'ordre seulement, comme on dit que quelque
chose est fait а partir de rien parce qu'il est fait aprиs rien, ce qui est
vrai dans la crйation. Mais quand Boиce dit que du non йtant а l'йtant, il n'y
a pas d'ordre, il faut le comprendre de l'ordre d'un rapport dйterminй ou de
celui d'une relation rйelle, qui ne peut exister entre l'йtant et le non йtant,
comme Avicenne le dit (Mйtaphysique,
III[25]).
q. 3
a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod definitio illa intelligitur de potentia
activa naturali. # 8. Cette dйfinition est comprise de la puissance active naturelle.
q. 3 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod Deus non producit res ex necessitate naturae, sed ex
ordine suae sapientiae. Et ideo diversitas rerum non oportet quod sit ex
materia, sed ex ordine divinae sapientiae; quae ad complementum universi
diversas naturas instituit. # 9. Dieu ne crйe pas par nйcessitй de nature[26], mais selon l'ordre
de sa sagesse. Et c'est pourquoi il ne faut pas que la diversitй des choses[27]
viennent de la matiиre, mais de l'ordre de la sagesse divine, qui institua des
natures diverses pour parfaire l'univers[28] .
q. 3 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod cum fit aliquid ex nihilo, esse quidem eius quod fit,
est primo in aliquo instanti; non esse autem non est in illo instanti nec in
aliquo reali, sed in aliquo imaginario tantum. Sicut enim extra universum non
est aliqua dimensio realis, sed imaginaria tantum, secundum quam possumus dicere
quod Deus potest aliquid facere extra universum tantum, vel tantum distans ab
universo; ita ante principium mundi non fuit aliquod tempus reale, sed
imaginarium; et in illo possibile est imaginari aliquod instans in quo ultimo
fuit non ens. Nec oportet quod inter ista duo instantia sit tempus medium, cum
tempus verum et tempus imaginarium non continuentur.
# 10. Quand une chose est fait а partir de rien, son кtre est d'abord
dans un instant, mais le non кtre n'est ni dans cet instant ni dans un instant
rйel, mais imaginaire seulement, En effet, hors de l'univers, il n'y a pas de
dimension rйelle, mais imaginaire seulement, selon laquelle nous pouvons dire
que Dieu peut faire quelque chose hors de l'univers seulement ou seulement
quelque chose d'йloignй de l'univers: de la mкme maniиre avant le commencement
du monde, il n'y eut pas de temps rйel, mais un temps imaginaire, et en lui il
est possible d'imaginer un instant а la fin duquel il y eut le non йtant. Et il
ne faut pas, qu'entre ces deux instants, il y ait un temps intermйdiaire,
puisque le temps rйel et le temps imaginaire n'ont pas de rapport.
q. 3 a. 1 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod illud quod fit ex nihilo, simul fit et factum est; et
similiter est in omnibus mutationibus momentaneis; simul enim aer illuminatur
et illuminatus est. Ipsum enim factum esse in talibus dicitur fieri, secundum
quod est in primo instanti in quo factum est. Vel potest dici quod id quod fit
ex nihilo, dicitur fieri quando factum est non secundum motum, quod est ab uno termino
in alterum, sed secundum effluxum ab agente in factum. Haec enim duo in
generatione naturali inveniuntur, scilicet transitus de uno termino in alterum,
et effluxus ab agente in factum, quorum alterum tantum proprie est in
creatione. # 11. Ce qui est fait а partir de rien, se fait et est fait en mкme
temps[29]. Et il en est de mкme dans tous les changements instantanйs. Car au
mкme moment l'air s'illumine et est illuminй. Car on dit qu'avoir йtй fait en
telles conditions, c'est кtre fait, selon qu'il est dans le premier instant
dans lequel il a йtй fait. Ou bien on peut dire que ce qui est fait de rien,
est dit fait, quand il a йtй fait non selon le mouvement, qui passe d'un terme
а un autre, mais selon l'йcoulement а partir de l'agent а ce qui est fait. Car
on trouve les deux dans la gйnйration naturelle, а savoir le passage d'un terme
а un autre et l'йcoulement а partir de l'agent dans ce qui est fait, dont l'un
des deux seulement est proprement dans la crйation.
q. 3 a. 1 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod neque materia neque forma neque accidens proprie
dicuntur fieri; sed id quod fit est res subsistens. Cum enim fieri terminetur
ad esse, proprie ei convenit fieri cui convenit per se esse, scilicet rei
subsistenti: unde neque materia neque forma neque accidens proprie dicuntur
creari, sed concreari. Proprie autem creatur res subsistens, quaecumque sit. Si
tamen in hoc vis non fiat, tunc dicendum, quod materia prima habet
similitudinem cum Deo in quantum participat de ente. Sicut enim lapis est similis
Deo in quantum ens, licet non sit intellectualis sicut Deus, ita materia prima
habet similitudinem cum Deo in quantum ens, non in quantum est ens actu. Nam
ens, commune est quodammodo potentiae et actui. # 12. On ne peut pas dire а proprement parler que la matiиre, la forme,
et l'accident sont faits, mais ce qui est fait c'est ce qui subsiste. En effet,
comme le devenir se termine а l'кtre, il convient proprement d'кtre fait а ce а
quoi il convient d'кtre par soi, c'est-а-dire а ce qui subsiste; c'est pourquoi
on dit que ni la matiиre, ni la forme, ni l'accident sont proprement crййs mais
concrййs. Proprement c'est la chose subsistante qui est crййe, quelle qu'elle
soit. Si cependant le caractиre essentiel n'y est pas fait, alors il faut dire
que la matiиre premiиre a une ressemblance avec Dieu dans la mesure oщ elle
participe de l'йtant. Car de mкme que la pierre est semblable а Dieu en tant
qu'йtant, bien qu'elle ne soit pas spirituelle comme lui, de mкme la matiиre
premiиre ressemble а Dieu en tant qu'йtant, non en tant qu'йtant en acte. Car
l'кtre est commun d'un certaine maniиre а la puissance et а l'acte[30].
q. 3 a. 1 ad 13 Et sic etiam patet responsio ad
decimumtertium. # 13. Et ainsi on rйpond а la 13e objection. Car а proprement parler la
matiиre n'a pas d'idйe[31], mais le composй en a une, puisque l'idйe est une
forme qui crйe. Cependant on peut dire qu'il y a une idйe de la matiиre selon
qu'elle imite l'essence divine d'une certaine maniиre.
q. 3 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod non oportet, si duarum creaturarum est aliqua
dignior, quod minus digna habeat aliquam imperfectionem: nam imperfectio
designat carentiam alicuius quod natum est haberi vel debet haberi. Unde et in
gloria, quamvis unus sanctorum alium excedat, nullus tamen imperfectus erit. Si
tamen aliqua imperfectio in creaturis sit, non oportet quod sit ex Deo neque ex
materia; sed in quantum creatura est ex nihilo. # 14. Il ne faut pas, si de deux crйatures l'une est plus digne, que la
moins digne ait une imperfection. Car l'imperfection dйsigne un manque de ce
qu'elle est destinйe а avoir ou qu'elle doit avoir. Donc dans la gloire,
quoique un des saints en dйpasse un autre, cependant aucun ne sera imparfait.
Mais s'il y a quelque imperfection dans les crйatures, il ne faut pas qu'elle
vienne de Dieu ni de la matiиre, mais du fait que la crйature ne vient de rien.
q. 3 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod ex nihilo dicitur aliquid fieri sicut ex opposito
secundum unum sensum superius expositum. Nec tamen oportet quod ex ente unius
generis fiat ens alterius generis, sicut ex colore et figura; ens enim et non
ens non possunt esse simul; color autem et figura simul esse possunt. In autem
ex quo aliquid fit, debet esse in contingens ei quod fit, ut dicitur I Phys.,
quod non contingat simul esse.
15. On dit que quelque chose est fait а partir de rien comme de son
opposй selon le sens exposй plus haut. Cependant il ne faut pas que d'un кtre
d'un genre soit fait un кtre d'un autre genre, comme de la couleur et la
figure. Car l'йtant et le non йtant ne peuvent coexister, mais la couleur et la
figure le peuvent. Mais le "dans" (in) а partir duquel la chose se
fait doit кtre un "dans" (in) qui arrive а qui se fait, comme on le
dit en I Physique, V, (188 a - 188b)
parce qu'il n'arriverait pas а кtre en mкme temps.
q. 3 a. 1 ad 16 Ad decimumsextum
dicendum, quod si ly ex nominet causam, non fit aliquid ex opposito nisi per
accidens, ratione scilicet subiecti. Si vero nominet ordinem, tunc fit aliquid
ex opposito etiam per se; unde et privatio dicitur principium esse fiendi, sed
non essendi. Hoc autem modo dicitur aliquid fieri ex nihilo, ut prius dictum
est, in corp. art. 16. Si la prйposition “ex” (de) dйsigne la cause, ce qui se fait n'est
fait а partir de son opposй que par accident, а savoir en raison du substrat.
Si elle dйsigne l'ordre, alors ce qui est fait est fait de l'opposй mкme par
soi, c'est pourquoi la privation est appelйe principe de l'кtre а faire, mais
non d'кtre. De cette maniиre, on dit que quelque chose est fait а partir de
rien, comme on l'a dit plus haut dans le corps de l'article.
q. 3 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod Deus simul dans esse, producit id quod esse
recipit: et sic non oportet quod agat ex aliquo praeexistenti. 17. Dieu, en mкme temps qu'il donne l'кtre, produit ce qui le reзoit.
Et ainsi il ne faut pas qu'il agisse а partir de quelque chose de prйexistant.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
. Parall.: laq. 45, a. 2 – CG. II 16 –II Sent., dlqla2 – Compendium, c. 69
–Opusc. De quatuor opposit., c. 4 – VIII Phy., I, 2.
[2]
. J'emploie sans enthousiasme cette traduction un peu lourde qui permet de
faire la distinction entre ex nihilo et de nihilo.
[3]
. Thomas puise sa documentation sur l'histoire des philosophies prйsocratiques
chez Aristote. Physique I, 187 a 20: "Anaxagore,
semble-t-il, tient aussi pour l'infinitй, parce qu'il acceptait l'opinion
commune des physiciens, que rien ne peut кtre engendrй de rien." Trad. H.
Carteron.
[4]
. Cette objection se retrouve en Ia, qu. 46, a. 1, obj. 1, а propos de
l'йternitй du monde. On y trouve plus clairement йnoncй que la matiиre paraоt
nйcessaire. "Mais ce qui a possibilitй d'кtre c'est la matiиre qui est en
puissance pour кtre". Si le monde a existй, il y avait la matiиre avant,
dit l'objecteur. Mais ajoute-t-il, la matiиre sans forme ne peut pas exister.
Donc le monde a existй avant de commencer ce qui est impossible. Cf. Pot. qu.
3, a. 17, obj. 10: "S'il йtait possible qu'il existвt, il y avait alors
une puissance par rapport а lui et mкme ainsi il y avait un substrat ou une
matiиre puisque la puissance ne peut exister que dans un substrat."
Il
faut distinguer le possible, conception dans l'esprit qui le conзoit, et qui
n'est pas dans la rйalitй, de l'objet en puissance qui a besoin d'un substrat.
C'est pourquoi la crйation est possible, mais elle n'est pas en puissance.
[5]
. La gйnйration. "La mixtion (le mйlange) exige que les deux corps (qui
doivent se mйlanger) soient dans une condition semblable"(32 7 b 3 ou 4).
– Aristote dйmontre ensuite que certaines "mixtions", certains
mйlanges ne peuvent se faire parce que les йlйments en question sont
dissemblables (ainsi 327 b 11: bois et feu. Conclusion (20): "Tout ne peut
pas кtre mйlangй а tout". b 22: il constate que les кtres en actes et ceux
qui sont en puissance ne peuvent se mйlanger. "On a distinguй par la suite
le corpus mixtum ou les йlйments sont diffйrents du composй (comme l'eau est
diffйrente de l'oxygиne et l'hydrogиne) et la mixtio imperfecta ou mйlange
comme le sucre et l'eau." (Elders, La philosophie de la nature de saint
Thomas, 189-190).
[6]
. "Si une intelligibilitй signifie pour elle-mкme, telle l'humanitй ou la
blancheur, se trouvant кtre subsistante (c'est-а-dire existant par soi et pour
soi, et non point dans autre chose а titre d'attribut) alors elle serait
nйcessairement unique. Ce qui permet de conclure que toutes les choses autres
que Dieu ne sauraient кtre leur propre кtre, mais ne sont qu'en participant а
l'кtre et de l'кtre." (Cf. Ia, qu. 11, a. 3 et 4). Dubarle, Ontologie, p.
204.
[7]
. L'кtre de raison est l'objet de la logique. Il peut y avoir analogie avec la
rйalitй, mais le parallйlisme n'est pas toujours vrai. Thomas en donne des
exemples. "On ne peut pas кtre surpris que les lois des concepts et celles
du langage ne s'appliquent pas toujours aux relations du rйel... Autres sont
les agencements des choses, objet de la science, autres les agencements des
кtres de raison qui sont les moyens de la science.” Sertillanges, Dieu II, (Йd.
des Jeunes) note 42 p. 334. On trouve en de nombreux autres endroits une
analogie entre la dйmarche intellectuelle et les faits naturels.
[8]
. Ex soit "de", soit locution prйpositive "а partir de".
[9]
. Cf. Ia, qu. 45, a. 1, obj. 3: "Cette prйposition " de "
implique un rapport de causalitй, surtout de causalitй matйrielle, comme
lorsque nous disons qu'une statue est faite " de " bronze. Mais rien
ne peut кtre la matiиre de l'кtre, ni en кtre cause d'aucune maniиre. Donc
crйer n'est pas faire quelque chose de rien." (Trad. J-M. Maldamй, Йd du
Cerf).
[10]
. Objection inspirйe d'Avicenne
[11]
L'agent est en acte. Il fait du semblable, donc quelque chose en acte. En
effet, l'apport de la forme met l'йtant en acte.
[12]
. C'est-а-dire а l'effet de l'idйe.
[13]
. L'objecteur suppose deux principes, un bon et un mauvais. Cf. Pot. qu. 3, a.
6.
[14]
La gйnйration et le changement supposent un opposй. L'objecteur pense la
crйation comme un changement. Cf. Pot. qu. 3, a. 2.
[15]
. Il arrive а la crйature d'agir, mais Dieu est acte pur. Il agit toujours.
[16]
. C'est-а-dire un кtre potentiel. Ainsi l'enfant avant sa conception est en
puissance.
[17].
Cette participation, c'est que Dieu donne l'кtre et alors les causes secondes
peuvent agir. Il ne faut pas comprendre que Dieu donne le pouvoir de crйer (Cf.
article 4).
[18].
Prop. 3: "n° 27 – "Toute вme noble a trois opйrations; car parmi ses
opйration il y l'opйration animante, intellectuelle et divine." Cf. Pot.
3, 7, Concours divin; "Rien ne donne l'кtre que... par participation du pouvoir
divin" par l'action de la cause premiиre, et de la cause seconde. Le livre
des causes, prop. 18.
[19]
. Cf. Ia, qu. 45, a. 2, ad 4m: La distance infinie entre l'йtant et le non
йtant: Cette objection procиde d'une fausse imagination. Comme s'il y avait un
intervalle infini entre le nйant et l'кtre. Cela apparaоt comme faux. Cette
fausse imagination vient du fait qu'on dйcrit la crйation comme un changement
entre deux termes qui existent.
"...du
non-кtre а l'кtre il n'y a ni ordre ni proportions, ni relations. On en parle
comme s'il n'y avait entre eux une succession c'est-а-dire une relation rйelle,
mais il ne faut pas se rendre dupe des mots... En rйalitй le nйant ne peut rien
prйcйder, et au nйant rien ne peut suivre" Sertillanges, L'idйe de crйation,
p. 14.
[20]
. "Il est donc йvident que la causalitй des Idйes que certains philosophes
ont coutume d'attribuer aux Idйes, ne peut, en supposant qu'il existe de telles
rйalitйs, distinctes des individus, servir а rien, du moins pour la gйnйration
et la constitution des substances." (Trad. J. Tricot).
[21]
. Cf. De Veritate 27, 3, ad 9m. les trois solutions possibles sont envisagйes;
infini infini, fini fini, infini fini. Puissance passive: ici le possible n'en
dйpend pas puisque cette puissance est la matiиre, qui n'existe pas avant la
crйation, la puissance active: derniиre partie de la rйponse, et enfin en
deuxiиme position le possible sans rapport avec la puissance. C'est ce qu
dйmontre Aristote en Mйtaphysique,
IX, 3, 1047 a 24: "Une chose est possible si son passage а acte dont elle
est dite avoir la puissance n'entraоne aucune impossibilitй." Cf. I
Analytiques, I, 13, 32 a 18. ("Cette dйfinition du possible ...renferme
peut-кtre un cercle vicieux." remarque J. Tricot).
[22]
. Si on s'en tient а la traduction а partir de, il faut parler alors de
locution prйpositionnelle.
[23]
. Voir Pot. qu. 3, a. 8, obj. 4. Ex indique une cause efficiente ou une cause
matйrielle.
[24]
. L'expression de nihilo est employйe en deux endroits dans l'article. la nuance
dans l'objection 4 est minime et n'est plus reprise dans la solution. "Le
rien", le nйant est considйrй par l'objecteur comme un substrat, qui
pourrait кtre "un patient", ce que nie la solution. Ici (sol. 7) le
de nihilo n'est pas appliquй а la crйation: le silencieux parle au sujet de
rien. Il n'y a pas non plus crйation ou passage а partir du nйant pour Dieu
(mode inhabituel de parler, remarque Thomas.
[25]
. "Thomas se persuada que si Avicenne niait la crйation, du moins il
rйfutait bien le concept erronй de crйation des Mokekallim qui imaginaient le
nйant comme une privation ou une puissance." (Chossat, DTC, Dieu, 1224)
[26]
. Cela est dйmontrй plus loin, Pot. 3, 15.
[27]
. L'ultime raison de la multiplicitй et de la vйritй des choses rйside... dans
l'ordo sapientiae. Cf. Pot. 3, 16. La pluralitй peut-elle procйder d'un [кtre]
premier unique? Cf. Ia, qu. 47, a. 1, - Ia , qu. 47, a. 2 - CG II, 26 etc.
M.Seckler, le salut et l'histoire, p. 110. "La distinction et la pluralitй
dйpendent de l'intention du premier agent qui est Dieu." Le principe est
confirmй en Ia, qu. 42, a. 2: "La distinction et l'inйgalitй des choses
viennent de Dieu.". l'inйgalitй dans la perfection parce que les choses
viennent du nйant (Ia, qu. 90, a. 3 ou 3)
[28]
. Il ne faut du reste pas parler de perfection et d'imperfection. Voir Ia, qu.
90, 2 ou 3?
[29]
. Cf. I, qu. 45, a. 2, ad 3m.
[30]
. L'йtant commun est composй de matiиre (en puissance) et de la forme (en
acte).
[31]
. Il s'agit de l'idйe en Dieu. Dans le De veritate qu. 3, a. 5, c, on lit que
1° A la diffйrence de Platon, il est nйcessaire de placer une idйe en Dieu
parce que la matiиre premiиre est crййe et ce qui est causй par Dieu possиde
quelque ressemblance avec lui. 2° Cependant la matiиre n'a pas en Dieu d'idйe
distincte de celle de la forme ou du composй..
Article 2: La crйation est-elle un changement?
q. 3 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum creatio sit mutatio. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 3 a. 2 arg. 1
Mutatio enim secundum nomen suum designat hoc esse post hoc, ut patet V Phys.
Sed hoc habet creatio: nam fit esse post non esse. Ergo creatio est mutatio. 1. Car un changement, d'aprиs son nom, montre qu'une chose est aprиs
l'autre, comme on le dйmontre (Phys.
V, 7, 224 b 35 - 225 a[2]). Mais c'est ainsi que se
comporte la crйation: l'кtre, en effet, est crйй aprиs le non кtre. Donc la
crйation est un changement. q. 3 a. 2 arg. 2
Praeterea, omne quod fit, fit aliquo modo ex non ente; quia quod est, non fit.
Sicut ergo se habet generatio, secundum quam fit res secundum partem
substantiae suae, ad privationem formae, quae est non esse secundum quid; ita
se habet creatio, per quam fit secundum totam substantiam suam, ad non esse
simpliciter. Sed privatio proprie loquendo, est terminus generationis. Ergo et
non esse simpliciter, proprie loquendo, est terminus creationis; et sic
creatio, proprie loquendo, est mutatio. 2. Tout ce qui est fait est fait d'une certaine maniиre а partir du non
кtre, parce que ce qui est ne se fait pas. Donc, de la mкme maniиre que se
comporte la gйnйration, d'aprиs laquelle une chose est faite selon une partie
de sa substance, pour combler la privation de la forme, qui est un non кtre
relatif, de cette mкme maniиre se comporte la crйation par laquelle la chose
est faite selon toute sa substance pour combler le non кtre absolu. Mais la
privation de la forme est а proprement parler le terme de la gйnйration. Donc
le non кtre absolu est proprement le terme de la crйation et ainsi, а vrai
dire, la crйation est un changement. q. 3 a. 2 arg. 3
Praeterea, quanto est maior distantia inter terminos, tanto maior est mutatio.
Maior enim est mutatio de albo in nigrum quam de albo in pallidum. Sed plus
distat non ens simpliciter ab ente quam contrarium a contrario, vel non ens
secundum quid ab ente. Ergo cum transitus de contrario in contrarium, vel de
non ente secundum quid in ens, fit mutatio, multo magis transitus de non ente
simpliciter in ens, quod est creatio, erit mutatio. 3. Plus grande est la distance entre les termes, plus grand est le
changement. Car le changement est plus grand de blanc а noir que de blanc а
blanc pвle. Mais le non кtre absolu est plus distant de l'кtre qu'un contraire
de son contraire ou le non йtant relatif de l'йtant[3].
Donc comme le passage d'un contraire а son contraire, ou du non кtre relatif de
l'кtre, devient changement, le passage du non кtre absolu а l'кtre, qu'est la
crйation, sera beaucoup plus un changement[4]. q. 3 a. 2 arg. 4
Praeterea, quod non similiter habet se nunc et prius, mutatur vel movetur. Sed
quod creatur non similiter se habet nunc et prius: quia prius erat simpliciter
non ens, et postea fit ens. Ergo quod creatur, movetur vel mutatur. 4. Ce qui ne se comporte pas de la mкme maniиre maintenant
qu'auparavant est soumis au changement ou au mouvement. Mais ce qui est crйй ne
se comporte pas de la mкme maniиre maintenant qu'auparavant; parce qu'avant
c'йtait un non йtant absolu et aprиs il est devenu un йtant. Donc, ce qui est
crйй est mы ou changй. q. 3 a. 2 arg. 5
Praeterea, illud quod exit de potentia in actum, mutatur. Sed quod creatur,
exit de potentia in actum; quia ante creationem erat tantum in potentia
facientis, postea autem est in actu. Ergo quod creatur, movetur vel mutatur:
ergo creatio est mutatio. 5. Ce qui passe de la puissance а l'acte subit un changement. Mais ce
qui est crйй passe de la puissance а l'acte; parce qu'avant la crйation il
йtait seulement dans la puissance du crйateur, mais ensuite il est en acte.
Donc ce qui est crйй, a subi un mouvement ou un changement: donc la crйation
est un changement. En sens contraire. q. 3 a. 2 s. c. Sed
contra, species motus vel mutationis sunt sex, secundum philosophum in
praedicamentis. Nulla autem earum est creatio ut patet per singula inducenti.
Ergo creatio non est mutatio. Les espиces de mouvements ou de changements sont au nombre de six,
selon Aristote, dans Les catйgories (chapitre
sur le mouvement). Aucun d'elles n'est crйation, comme cela paraоt а qui les
examine une а une. Donc la crйation n'est pas un changement. Rйponse: q. 3 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod in mutatione qualibet requiritur quod sit aliquid
idem commune utrique mutationis termino. Si enim termini mutationis oppositi in
nullo eodem convenirent, non posset vocari transitus ex uno in alterum. In
nomine enim mutationis et transitus designatur aliquid idem, aliter se habere
nunc et prius; et etiam ipsi mutationis termini non sunt incontingentes, quod
requiritur ad hoc ut sint mutationis termini, nisi in quantum referuntur ad
idem. Nam duo contraria si ad diversa subiecta referantur,
contingit simul esse. Dans un changement, il faut quelque chose de commun а chacun des deux
termes du changement. Car si les termes opposйs du changement ne concordaient
en rien, on ne pourrait pas parler de passage de l'un а l'autre. En effet, sous
le nom de changement et celui de passage, on dйsigne une mкme chose, qui
se comporte autrement maintenant qu'auparavant. Et aussi ces termes du
changement ne sont pas incompatibles, ce qui est requis pour qu'ils en soient
les termes, а moins qu'ils se rapportent а un mкme кtre. Il arrive en effet que
deux contraires soient ensemble s'ils se rapportent а des sujets diffйrents. Quandoque ergo contingit quod utrique mutationis termino est
unum commune subiectum actu existens; et tunc proprie est motus; sicut accidit
in alteratione et augmento et diminutione et loci mutatione. Nam in omnibus his
motibus subiectum unum et idem actu existens, de opposito in oppositum mutatur.
Quandoque vero est idem commune subiectum utrique termino, non quidem ens actu,
sed ens in potentia tantum, sicut accidit in generatione et corruptione
simpliciter. Formae enim substantialis et privationis subiectum est materia
prima, quae non est ens actu: unde nec generatio nec corruptio proprie dicuntur
motus, sed mutationes quaedam.// Donc parfois il arrive que, pour chaque terme du changement, il y a un
seul substrat commun[5] qui existe en acte; c'est alors
proprement un mouvement, comme cela arrive dans l'altйration, la croissance, la
diminution et le changement de lieu. Car dans tous ces mouvements un seul et
mкme substrat, qui existe en acte, est changй en opposй а partir de son. Mais
quelquefois c'est le mкme substrat commun aux deux termes[6],
non un йtant en acte, mais en puissance seulement, comme cela arrive simplement
dans la gйnйration et la corruption. Car le substrat de la forme substantielle
et celui de la privation est la matiиre premiиre qui n'est pas un йtant en
acte. C'est pour cela que ni la gйnйration, ni la corruption ne sont а
proprement parler des mouvements, mais des changements. Quandoque vero non est aliquod subiectum commune neque actu
neque potentia existens; sed est idem tempus continuum, in cuius prima parte
est unum oppositum et in secunda aliud, ut cum dicimus hoc fieri ex hoc, id est
post hoc, sicut ex mane fit meridies. Sed haec non proprie vocatur mutatio, sed
per similitudinem, prout ipsum tempus imaginamur quasi subiectum eorum quae in
tempore aguntur. Mais parfois il n'y a de substrat commun ni en acte ni en puissance:
mais c'est le mкme temps continu, dans la premiиre partie duquel il y a un
opposй et dans la seconde un autre, comme quand on dit que ceci a йtй fait de
cela, c'est-а-dire aprиs cela, comme le midi est fait du matin. Mais on
n'appelle pas cela un changement au sens propre, mais par analogie, dans la
mesure oщ on imagine le temps lui-mкme comme sujet de ce qui se fait dans ce
temps. In creatione autem non est aliquid commune aliquo
praedictorum modorum. Neque enim est aliquod commune subiectum actu existens,
neque potentia. Tempus etiam non est idem, si loquamur de creatione universi;
nam ante mundum tempus non erat. Invenitur tamen aliquod commune subiectum esse
secundum imaginationem tantum, prout scilicet imaginamur unum tempus commune
dum mundus non erat, et postquam mundus in esse productus est. Sicut enim extra
universum non est aliqua realis magnitudo, possumus tamen eam imaginari; ita et
ante principium mundi non fuit aliquod tempus, quamvis sit possibile ipsum
imaginari: et quantum ad hoc creatio secundum veritatem, proprie loquendo, non
habet rationem mutationis, sed solum secundum imaginationem quamdam; non
proprie, sed similitudinarie. Mais dans la crйation, il n'y a rien de commun avec l'un des modes dont
on a parlй. Car il n'y a pas de substrat commun ni en acte ni en puissance. Le
temps non plus n'est pas le mкme, si nous parlons de la crйation de l'univers[7]: car avant le monde, le temps n'existait pas. Cependant
on trouve un sujet commun en imagination seulement, c'est-а-dire dans la mesure
oщ nous imaginons un seul temps commun, pendant lequel le monde n'existait pas
et aprиs lequel il a йtй produit dans l'кtre. Car hors de l'univers il n'y a
pas de grandeur rйelle, nous pouvons cependant en imaginer une; de la mкme
maniиre, avant le commencement du monde, le temps n'a pas existй, quoiqu'il
soit possible de l'imaginer. Et pour cela, la crйation, а proprement parler,
n'est pas vйritablement dйfinie comme un changement mais l'est seulement e n
imagination; non au sens propre, mais par analogie. Solutions: q. 3 a. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod mutatio secundum suum nomen designat hoc esse post
hoc circa aliquid idem, ut praedictum est, in corp. art. Hoc autem in creatione
non est. # 1. Le changement, par son nom, dйsigne un йtat qui existe aprиs un
premier йtat, pour quelque chose de semblable, comme il a йtй dit dans le corps
de l'article. Cela n'existe pas dans la crйation. q. 3 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in generatione, secundum quam fit aliquid secundum
partem substantiae suae, est aliquid commune subiectum privationi et formae, et
non est in actu existens: et ideo sicut proprie ibi accipitur terminus, sic
etiam et proprie accipitur ibi transitus; quod in creatione non est. # 2. Dans la gйnйration, d'aprиs laquelle une chose est faite selon une
partie de sa substance, il y a un substrat commun а la privation et а la forme
et il n'existe pas en acte et c'est pourquoi de mкme qu'on prend ici le terme
au sens propre, on prend aussi le passage au sens propre, ce qui n'existe pas
dans la crйation, comme on l'a dit dans le corps de l'article. q. 3 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ubi est maior distantia terminorum, est maior mutatio,
supposita identitate subiecti. # 3. Plus grande est la distance entre les termes, plus grand est le
changement, si on suppose l'identitй du sujet. q. 3 a. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod id quod non similiter se habet nunc et prius, mutatur,
supposita consistentia subiecti: alias non ens simpliciter mutaretur; quia non
ens simpliciter, non similiter se habet nunc et prius, neque dissimiliter.
Oportet autem ad hoc quod sit mutatio, quod sit aliquid idem dissimiliter se
habens nunc et prius. # 4. Ce qui ne se comporte pas de la mкme maniиre maintenant et avant,
subit un changement, si on suppose la prйservation du substrat. Autrement le
non кtre absolu serait changй, parce qu'il ne se comporte pas d'une maniиre
semblable maintenant et avant ni mкme d'une maniиre diffйrente. Mais il faut,
pour qu'il y ait un changement, qu'il y ait une mкme chose qui se comporte de
maniиre diffйrente maintenant et auparavant. q. 3 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod potentia passiva est subiectum mutationis, non autem
activa; et ideo quod exit de potentia passiva in actum, mutatur, non autem quod
de potentia activa exit: et ideo non valet obiectio. # 5. La puissance passive est substrat de changement, mais pas la
puissance active et c'est pourquoi ce qui passe de la puissance passive а
l'acte est changй, mais non ce qui sort de la puissance active et c'est
pourquoi l'objection ne vaut pas.
[1] Parall.: Ia, 45, 1, ad 2– CG. II,
17, – II Sent. d1q1a 2. [2]
Aristote, Physique, V, 224 b 35- 225
a "Or, puisque tout changement va d'un terme а un autre (c'est aussi ce
que [en grec] montre le mot (metabolк): en effet, il exprime une succession,
c'est-а-dire la distinction d'un antйrieur et d'un postйrieur." [3]
Les contraires appartiennent au mкme genre. Le non йtant relatif est celui du
changement, ce qui n'existe pas encore, mais existera. [4]
Ils sont citйs au resp. § 2. Thomas fait appel а une autoritй. Aristote en
l'occurrence. Sinon il n'y aurait pas de preuve que le crйation ne soit pas un
mouvement.– 6. Il s'agit de potentialitй. Le crйй avant la crйation est
possible. Il n'y a aucune contradiction dans les termes. Cf. Pot. 3, 1 obj.? [5]
Diffйrence entre le changement et le mouvement. [6]
C'est-а-dire celui de dйpart et celui d'arrivйe. [7]
Parce qu'il y a deux sortes de crйation, la premiиre, celle de l'univers, et la
crйation contraire (celle qui se poursuit dans le temps).
Article 3: La crйation est-elle une rйalitй dans la crйature et si oui,
quelle est-elle?
q. 3 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum creatio sit aliquid realiter in creatura, et si est,
quid sit. Et videtur quod non sit aliquid reale in creatura. La crйation n'est pas, semble-t-il, une rйalitй dans la crйature[1].. Objections: q. 3 a. 3 arg. 1 Ut
enim dicitur in libro de causis, omne quod recipitur in aliquo, est in eo per
modum recipientis. Sed actio Dei creantis recipitur simpliciter in
non ente: quia Deus creando ex nihilo aliquid facit. Ergo creatio
nihil reale ponit in creatura. 1. Comme on le dit dans le Livre
des Causes (prop. 10[2]) tout ce qui est
reзu en quelque chose, y est selon le mode de celui qui reзoit. Mais l'action
de Dieu Crйateur est entiиrement reзue dans le non йtant: parce que Dieu en
crйant fait quelque chose а partir de rien. Donc la crйation n'apporte rien de
rйel dans la crйature. q. 3 a. 3 arg. 2
Praeterea, omne quod est in rerum natura, aut est creator aut creatura. Sed
creatio non est creator, quia sic esset ab aeterno; nec etiam creatura, quia
aliqua creatione crearetur; quae etiam creatio, aliqua creatione indigeret
creari, et sic in infinitum. Ergo creatio non est aliquid in rerum natura. 2. Tout ce qui est dans le nature est crйateur ou crйature. Mais la
crйation n'est ni le crйateur, parce qu'ainsi elle serait йternelle, ni non
plus une crйature, parce qu'elle serait crййe par une crйation; laquelle aurait
besoin d'кtre crййe par une crйation et ainsi а l'infini. Donc la crйation
n'est rien dans la nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 3
Praeterea, omne quod est, vel est substantia vel accidens. Sed creatio non est
substantia, cum non sit nec materia neque forma neque compositum, ut de facili
patere potest: nec etiam accidens, quia accidens sequitur suum subiectum;
creatio autem est naturaliter prior creato, quod nullum sibi supponit subiectum.
Ergo creatio non est aliquid in rerum natura. 3. Tout ce qui existe est substance ou accident. Mais la crйation n'est
pas une substance, puisque elle n'est ni matiиre, ni forme, ni composй, comme
on peut le dйcouvrir facilement. Elle n'est pas non plus un accident parce que
celui-ci suit son substrat. Mais la crйation est naturellement antйrieure au
crйй, parce qu'il ne suppose en soi aucun substrat. Donc la crйation n'est rien
dans la nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 4
Praeterea, sicut se habet generatio ad rem generatam, ita se habet creatio ad
rem creatam. Sed generationis subiectum non est res generata, sed magis
terminus; subiectum vero eius est materia prima, ut dicitur in de Generat. et
Corrupt. Ergo nec subiectum creationis est res creata. Nec potest dici quod
subiectum eius sit aliqua materia, cum res creata non creetur ex aliqua
materia. Ergo creatio non habet subiectum aliquod, et ita non est accidens.
Constat autem quod non est substantia. Ergo non est aliquid in rerum natura. 4. La crйation se comporte vis-а-vis de la crйature comme la gйnйration
vis-а-vis de l'engendrй. Mais le substrat de la gйnйration n'est pas ce qui est
engendrй, mais c'est plutфt son terme. Son substrat est la matiиre premiиre,
comme il est dit dans La gйnйration et la
corruption (texte 1). Donc le substrat de la crйation n'est pas la
crйature. Et on ne peut pas dire que son substrat soit une certaine matiиre
puisque la crйature n'est pas crййe а partir de la matiиre. Donc la crйation
n'a pas de substrat et ainsi elle n'est pas un accident. Il est clair qu'elle
n'est pas une substance. Donc elle n'est rien[3]
dans la nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 5
Praeterea, si creatio est aliquid in rerum natura, cum non sit mutatio, ut
supra dictum est, maxime videtur esse relatio. Sed non est relatio, cum in
nulla relationis specie contineri possit. Simpliciter enim non enti, ex quo est
relatio, ens simpliciter neque supponitur neque aequatur. Ergo creatio non est
aliquid in rerum natura. 5. Si la crйation est quelque chose dans la nature des choses, comme
elle n'est pas changement, comme on l'a dit plus haut, elle paraоt кtre surtout
une relation. Mais ce n'en est pas une, puisqu'elle ne peut кtre contenue dans
aucune espиce de relation. Car l'йtant n'est absolument ni soumis, ni йgalй au
non йtant absolu d'oщ part la relation. Donc la crйation n'est rien dans la
nature des choses. q. 3 a. 3 arg. 6
Praeterea, si creatio importet relationem entis creati ad Deum a quo esse habet;
cum ista relatio semper maneat in creatura, non solum quando incipit esse, sed
quamdiu res est; continue aliquid crearetur: quod videtur absurdum. Ergo
creatio non est relatio: et sic idem quod prius. 6. Si la crйation apporte une relation de l'йtant crйй а Dieu de qui il
tient l'кtre, comme cette relation demeure toujours dans la crйature, non
seulement quand elle commence а кtre, mais aussi longtemps qu'elle existe,
quelque chose serait crйй continuellement, ce qui paraоt absurde. Donc la
crйation n'est pas une relation et ainsi de mкme que plus haut. q. 3 a. 3 arg. 7
Praeterea, omnis relatio realiter in rebus existens, acquiritur ex aliquo quod
est diversum ab ipsa relatione, sicut aequalitas a quantitate, et similitudo a
qualitate. Si ergo creatio sit aliqua relatio in creatura realiter existens,
oportet quod differat ab eo ex quo acquiritur relatio. Hoc autem est quod per
creationem accipitur. Sequitur ergo quod ipsa creatio non sit per creationem
accepta; et ita sequitur quod sit aliquid increatum: quod est impossibile. 7. Toute relation qui existe rйellement dans les choses est acquise de
quelque chose qui est diffйrent de la relation mкme, comme l'йgalitй est
diffйrente de la quantitй et la ressemblance de la qualitй. Donc si la crйation
est une relation qui existe rйellement dans la crйature, il faut qu'elle
diffиre de ce par quoi la relation est acquise. Mais c'est ce qui est reзu par
crйation. Donc il s'ensuit que la crйation mкme ne serait pas reзue par une
crйation et ainsi il en dйcoule qu'elle serait quelque chose d'incrйй, ce qui
est impossible. q. 3 a. 3 arg. 8 Praeterea, omnis mutatio
reducitur ad illud genus ad quod terminatur, sicut alteratio ad qualitatem, et
augmentum ad quantitatem; et propter hoc dicitur, in III Phys., quod quot sunt
species entis, tot sunt species motus. Sed creatio terminatur ad substantiam;
nec tamen potest dici quod sit in genere substantiae, ut supra, argum. 3, dictum
est. Ergo non videtur quod sit aliquid secundum rem. 8. Tout changement est ramenй au genre oщ il se termine, comme
l'altйration а la qualitй et la croissance а la quantitй et а cause de cela il
est dit (III Physique, 201 a 8[4]) qu'il y a autant d'espиces de mouvements qu'il y a
d'espиces d'йtants. Mais la crйation se termine а la substance; et cependant on
ne peut pas dire qu'elle soit dans le genre de la substance, comme on l'a dit
ci-dessus а l'objection 3. Donc il ne paraоt pas que ce soit quelque chose de
rйel. En sens contraire: q. 3 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Si creatio non est aliqua res, ergo nec aliquid realiter creatur.
Hoc autem apparet esse falsum. Ergo creatio aliquid est in rerum natura. 1. Si la crйation n'est rien, donc rien n'est rйellement crйй. Ce qui
paraоt faux. Donc la crйation est quelque chose dans la nature des choses. q. 3 a. 3 s. c. 2
Praeterea, ex hoc Deus est dominus creaturae, quia eam creando in esse
produxit. Sed dominium est quaedam relatio realiter in creatura existens. Ergo
multo fortius creatio. 2. Dieu est le maоtre de la crйature, parce qu'en la crйant, il l'a
fait venir а l'кtre. Mais son pouvoir est une relation, qui existe rйellement
dans la crйature. Donc la crйation encore beaucoup plus. Rйponse: q. 3 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum quod quidam dixerunt creationem aliquid esse in rerum
natura medium inter creatorem et creaturam. Et quia medium neutrum extremorum
est, ideo sequebatur quod creatio neque esset creator neque creatura. Sed hoc a
magistris erroneum est iudicatum, cum omnis res quocumque modo existens non
habeat esse nisi a Deo, et sic est creatura. Certains ont dit que la crйation est quelque chose
dans la nature des choses, intermйdiaire entre le crйateur et la crйature. Et
parce qu'il n'y a aucun intermйdiaire entre les extrкmes, il s'ensuivrait que
la crйation ne serait ni crйateur, ni crйature. Mais cela a йtй jugй faux par
les docteurs, puisque toute chose de quelque maniиre qu'elle existe n'a l'кtre
que de Dieu et est ainsi une crйature. Et ideo alii dixerunt, quod ipsa creatio non ponit aliquid
realiter ex parte creaturae. Sed hoc etiam videtur inconveniens. Nam in omnibus
quae secundum respectum ad invicem referuntur, quorum unum ab altero dependet,
et non e converso, in eo quod ab altero dependet, relatio realiter invenitur,
in altero vero secundum rationem tantum; sicut patet in scientia et scibili, ut
dicit philosophus. Creatura autem secundum nomen refertur ad creatorem.
Dependet autem creatura a creatore, et non e converso. Unde oportet quod
relatio qua creatura ad creatorem refertur, sit realis; sed in Deo est relatio
secundum rationem tantum. Et hoc expresse dicit Magister in I Sent. distinct.
30. A cause de cela, d'autres ont
dit que la crйation elle-mкme n'йtablit rien en rйalitй du cфtй de la crйature.
Mais cela ne paraоt pas convenir. Car dans tout ce qui est mis en relation
rйciproquement sous un rapport dont l'un dйpend de l'autre et non le contraire,
dans ce qui dйpend de l'un, on trouve rйellement une relation, mais dans
l'autre on la trouve en raison seulement, comme cela paraоt dans la science et
le savoir, comme le philosophe le dit, (Mйtaphysique
V, 20, 1022 b 5[5]). La crйature d'aprиs son nom a rapport
au crйateur. Elle dйpend de lui, et non le contraire. Donc il faut que la
relation, par laquelle la crйature est rйfйrйe au crйateur, soit rйelle. Mais
en Dieu ce n'est qu'une relation de raison seulement. Et cela le Maоtre le dit
expressйment (I Sent., d. 30). Et ideo dicendum est, quod creatio potest sumi active et
passive. Si sumatur active, sic designat Dei actionem, quae est eius essentia,
cum relatione ad creaturam; quae non est realis relatio, sed secundum rationem
tantum. Si autem passive accipiatur, cum creatio, sicut iam supra dictum est,
proprie loquendo non sit mutatio, non potest dici quod sit aliquid in genere
passionis, sed est in genere relationis. Et c'est pourquoi il faut
dire que la crйation peut кtre considйrйe de faзon active ou passive. Si on
la considиre comme active, elle dйsigne ainsi l'action de Dieu, qui est son
essence, avec relation а la crйature, qui n'est pas une relation rйelle, mais
de raison seulement. Si on la prend au sens passif, la crйation, comme on l'a
dit plus haut, а proprement parler n'est pas un changement, on ne peut pas dire
qu'elle soit quelque chose (aliquid)
dans le genre de la passivitй, mais elle est dans celui en relation. Quod sic patet. In omni vera mutatione et motu invenitur
duplex processus. Unus ab uno termino motus in alium, sicut ab albedine in
nigredinem; alius ab agente in patiens, sicut a faciente in factum. Sed hi
processus non similiter se habent in ipso moveri, et in termino motus. Nam ipso
moveri, id quod movetur recedit ab uno termino motus et accedit ad alterum;
quod non est in termino motus; ut patet in eo quod movetur de albedine in
nigredinem: quia in ipso termino motus iam non accedit in nigredinem, sed
incipit esse nigrum. Similiter dum est in ipso moveri, patiens vel factum
transmutatur ab agente; cum autem est in termino motus, non ulterius
transmutatur ab agente, sed consequitur factum quamdam relationem ad agentem,
prout habet esse ab ipso, et prout est ei simile quoquomodo, sicut in termino
generationis humanae consequitur natus filiationem. Ce qui apparaоt ainsi: en tout vrai changement et vrai mouvement, on
trouve un double processus. L'un est
le mouvement d'un terme а un autre, comme de la blancheur а la noirceur; l'autre de l'agent au patient, comme de
celui qui fait а ce qui est fait. Mais ces processus ne se comportent pas de la
mкme maniиre, dans le mouvement lui-mкme et au terme du mouvement. Car par la
mise en mouvement mкme, ce qui est mы s'йloigne d'un terme du mouvement et
arrive а un autre, ce qui n'est pas dans le terme
du mouvement; comme cela paraоt dans ce qui passe de la blancheur а la
noirceur; parce qu'au terme mкme du mouvement dйjа, il n'arrive pas encore а la
noirceur, mais il commence а кtre noir. De mкme pendant qu'il est dans le
mouvement mкme, le patient ou ce qui est fait, est changй par l'agent, mais
quand il est au terme du mouvement, il n'est plus changй par l'agent, mais ce
qui est fait reзoit une relation а l'agent dans la mesure oщ il a l'кtre de
lui, et oщ il lui est semblable d'une certaine maniиre, comme au terme de la
gйnйration humaine, l'enfant reзoit la filiation. Creatio autem, sicut dictum est, non potest accipi ut
moveri, quod est ante terminum motus, sed accipitur ut in facto esse; unde in
ipsa creatione non importatur aliquis accessus ad esse, nec transmutatio a
creante, sed solummodo inceptio essendi, et relatio ad creatorem a quo esse
habet; et sic creatio nihil est aliud realiter quam relatio quaedam ad Deum cum
novitate essendi. Mais la crйation, comme on l'a dit (art.
prйcйd.) ne peut кtre reзue comme une mise en mouvement qui est avant le
terme du mouvement, mais elle est reзue comme кtre dans ce qui est fait; c'est
pourquoi dans la crйation mкme, ce n'est pas un accиs а l'кtre qui est apportй,
ni un changement par le crйateur, mais seulement un commencement d'кtre et une
relation au crйateur de qui il tient l'кtre et ainsi la crйation n'est
rйellement rien d'autre qu'une relation а Dieu avec la nouveautй de l'кtre. Solutions: q. 3 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in creatione non ens non se habet sicut recipiens
divinam actionem, sed id quod creatum est, ut supra dictum est. # 1. Dans la crйation, le non йtant ne se comporte pas comme recevant l'action
divine, mais c'est ce qui est crйй, comme on l'a dit ci-dessus[6]. q. 3 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod creatio active accepta significat divinam actionem cum
quadam relatione cointellecta, et sic est increatum; accepta vero passive,
sicut dictum est, realiter relatio quaedam est significata per modum mutationis
ratione novitatis vel inceptionis importatae. Haec autem relatio, creatura
quaedam est, accepto communiter nomine creaturae pro omni eo quod est a Deo.
Nec oportet procedere in infinitum, quia creationis relatio non refertur ad
Deum alia relatione reali, sed seipsa. Nulla enim relatio refertur alia
relatione, ut Avicenna dicit in sua Metaph. Si vero nomen creaturae accipiamus
magis stricte pro eo tantum quod subsistit (quod proprie fit et creatur, sicut
proprie habet esse), tunc relatio praedicta non est quoddam creatum, sed
concreatum, sicut nec est ens proprie loquendo, sed inhaerens. Et simile est de
omnibus accidentibus. # 2. La crйation, prise au sens actif, signifie l'action divine avec
une relation conзue en mкme temps, et ainsi c'est de l'incrйй; mais prise au
sens passif, comme on l'a dit, une relation est rйellement dйsignйe par mode de
changement en raison de la nouveautй, ou du commencement qui est apportй. Mais
cette relation est une crйature; on accepte communйment le nom de crйature pour
tout ce qui vient de Dieu. Et il ne faut pas procйder а l'infini, parce que la
relation de crйation n'est pas en rapport avec Dieu par une autre relation
rйelle, mais par elle-mкme. Car aucune relation n'est en rapport avec une autre
relation, comme Avicenne le dit (Mйtaphysique
l. III, ch. 10). Si nous acceptons le nom de crйature plus strictement pour
autant qu'elle subsiste seulement (ce qui proprement est fait et crйй, comme
ayant proprement l'кtre, alors cette relation n'est pas quelque chose de crйй,
mais quelque chose de concrйй, de mкme qu'elle n'est pas un йtant а proprement
parler, mais quelque chose d'inhйrent. Il en est de mкme de tous les accidents[7]. q. 3 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod illa relatio accidens est, et secundum esse suum
considerata, prout inhaeret subiecto, posterius est quam res creata; sicut
accidens subiecto, intellectu et natura, posterius est; quamvis non sit tale
accidens quod causetur ex principiis subiecti. Si vero consideretur secundum suam rationem, prout ex actione agentis
innascitur praedicta relatio, sic est quodammodo prior subiecto, sicut ipsa
divina actio, est eius causa proxima. # 3. Cette relation est un accident et considйrйe selon son кtre, dans
la mesure oщ elle adhиre au substrat, elle est postйrieure а ce qui est crйй;
comme l'accident est postйrieur au substrat, en esprit et par nature; bien que
ce ne soit pas un accident tel qu'il soit causй а partir des principes du
substrat. Si on la considиre selon sa raison, dans la mesure oщ la relation
susdite naоt de l'action de l'agent, elle est ainsi d'une certaine maniиre
avant le substrat, de mкme que l'action divine mкme, elle est sa cause la plus
proche. q. 3 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod in generatione est et mutatio et relatio, qua refertur
genitum ad generans. Ratione ergo mutationis non habet pro subiecto ipsum
generatum, sed eius materiam; sed ratione relationis habet subiectum ipsum generatum.
In creatione vero est relatio, sed non mutatio proprie, ut dictum est; et ideo
non est simile. # 4. Dans la gйnйration il y a un changement et une relation, par
laquelle l'engendrй est en rapport avec celui qui l'engendre. Donc par sa
raison de changement elle n'a pas pour substrat ce qui est engendrй mais sa
matiиre; mais par sa raison de relation, elle a comme substrat ce qui est
engendrй. Mais dans la crйation, il y a une relation mais pas de changement а
proprement parler, comme on l'a dit; et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 3 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod relatio praedicta non est intelligenda entis ad non ens;
quia talis relatio non potest esse realis, ut Avicenna dicit, sed est entis
creati ad creatorem; unde patet quod est relatio suppositionis. # 5. La relation dont on a parlй, n'est pas а comprendre de l'йtant au
non йtant, parce qu'une telle relation ne peut pas кtre rйelle, comme le dit
Avicenne (Mйtaphysique III, dernier
chapitre) mais elle est de l'йtant crйй au Crйateur. C'est pourquoi il apparaоt
que c'est une relation d'assujettissement. q. 3 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod creatio importat relationem praedictam cum novitate
essendi; unde non oportet quod res, quandocumque est, creetur, licet semper
referatur ad Deum: quamvis non esset inconveniens dicere quod sicut aer quamdiu
lucet, illuminetur a sole, ita creatura, quamdiu habet esse, fiat a Deo, ut
etiam Augustinus dicit super Genes. ad Litt. Sed in hoc non est diversitas nisi
secundum nomen, prout nomen creationis potest accipi cum novitate, vel sine. # 6. La crйation apporte la relation dont on a parlй avec la nouveautй
de l'кtre; c'est pourquoi il ne faut pas que la chose, tant qu'elle existe,
soit crййe, bien qu'elle soit toujours en rapport avec Dieu. Cependant il
n'aurait pas йtй inconvenant de dire que, de mкme que tant que l'air brille, il
est illuminй par le soleil, de mкme la crйature tant qu'elle a l'кtre, est
crййe par Dieu, comme Augustin aussi le dit (La Genиse au sens littйral, VIII, 12). Mais en cela il n'y a
diffйrence que de nom, selon que le nom de crйation peut кtre reзu avec la
nouveautй ou sans elle. q. 3 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod id ex quo acquiritur relatio creationis principaliter,
est res subsistens, a qua differt ipsa creationis relatio, quae et ipsa
creatura est; et non principaliter, sed quasi secundario, sicut quid
concreatum. # 7. Ce dont est acquise la relation de crйation principalement est ce
qui subsiste, dont diffиre la relation mкme de crйation, qui est elle-mкme
crйature; et non principalement, mais comme secondairement, comme quelque chose
de concrйй. q. 3 a. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod motus reducitur ad genus sui termini, in quantum
proceditur de potentia in actum: nam in ipso motu terminus motus est in
potentia, et potentia et actus reducuntur ad idem genus. In creatione autem non
est exitus de potentia in actum; et ideo non est simile. # 8. Le mouvement est ramenй au genre de son terme, dans la mesure oщ
il passe de la puissance а l'acte. Car dans le mouvement mкme, le terme du
mouvement est en puissance et la puissance et l'acte sont ramenй au mкme genre.
Dans la crйation, il n'y a pas de passage de puissance а l'acte et ainsi ce
n'est pas pareil.
[1] . Parall.: Ia, 45, 3 – CG. II, 18 – I Sent. D.
40 q. 1, a 1. – II Sent. D. 1q. 1, a. 2, ad 4-5. La relation Dieu crйature,
envisagйe ici sous l'angle de la crйation, sera йtudiйe plus longuement qu. 7,
a. 8 а 11. [2]
. "Les intelligences secondes jettent leur regard sur la forme universelle
qui est dans les intelligences universelles. Elles la divisent et la sйparent
puisqu'elles ne peuvent recevoir ces formes selon leur unitйs ou leur nйcessitй
que par la maniиre dont elles peuvent les recevoir c'est-а-dire la sйparation
et la division."– De la mкme maniиre, certaine ne reзoit de ce qui est
au-dessus d'elle que par le mode selon lequel elle peut le recevoir, non par le
mode selon lequel la chose est reзue. [3]
. ...n'est pas quelque chose. Cf. dйbut §. [4]
. "Ainsi il y a autant d'espиce de mouvements que d'кtre". [5]
. "...entre l'artiste et son oeuvre s'insиre la crйation. Ainsi entre ce
qui porte un vкtement et le vкtement portй, il y a un intermйdiaire, le port du
vкtement. Il est manifeste que cette sorte d'йtat ne peut avoir lui-mкme un
йtat car on irait ainsi а l'infini...". Commentaire de Thomas ( 1062) "Quelque
chose est intermйdiaire entre celui qui possиde et ce qui est possйdй. Car bien
que possйder ne soit pas une action, cela s'exprimer par maniиre d'action. Et
c'est pourquoi entre les deux, on comprend qu'il y a un avoir intermйdiaire et
comme une action, comme l'йchauffement est compris comme intermйdiaire entre ce
qui chauffe et ce qui est chauffй." [6]
. Cf. Ia, qu. 27, a 2, ad 3: "Tout
ce qui est reзu n'est pas nйcessairement reзu dans un sujet; sans quoi l'on ne
pourrait pas dire que toute la substance de la chose crййe est reзue de Dieu,
puisqu'il n'y a pas de rйcepteur de toute substance." [7]
. La crйation est crййe en mкme temps que la crйature, donc elle est un
accident.
Article 4: Le pouvoir ou mкme l'acte de crйer peut-il кtre communiquй а
une crйature?
q. 3 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum potentia creandi sit alicui creaturae communicabilis,
vel etiam actus creationis Et videtur quod sic. Il semble que oui[1].
Objections: q. 3 a. 4 arg. 1
Eodem enim modo et ordine quo res exeunt a primo principio, reordinantur in
ultimum finem, cum idem sit primum principium et ultimus rerum finis. Sed
inferiores creaturae ordinantur in Deum sicut in finem mediantibus superioribus
creaturis; quia, sicut Dionysius dicit, lex divinitatis est, per prima, ultima
ad se adducere. Ergo et creaturae inferiores exeunt a primo principio per
creationem mediantibus superioribus creaturis; et ita creationis actus
creaturae communicatur.
1. De la mкme maniиre et dans le mкme ordre que les crйatures sortent
du premier principe, elles sont rйordonnйes а leur fin ultime, puisque le
premier principe et la fin ultime des кtres sont identiques. Mais les crйatures
infйrieures sont ordonnйes а Dieu comme а leur fin par l'intermйdiaire des
crйatures supйrieures, parce que, comme le dit Denys (La Hiйrarchie cйleste, 5,1) la loi de la divinitй est de reconduire
а elle les derniиres par les premiиres. Donc les crйatures infйrieures sortent du
premier principe par crйation, par l'intermйdiaire des crйatures supйrieures,
et c'est ainsi que l'acte de crйation est communiquй а la crйature.
q. 3 a. 4 arg. 2
Praeterea, illud quod communicatum creaturae non trahit ipsam extra terminos
creaturae, est alicui creaturae communicabile per potentiam creatoris, qui
potest etiam nova genera condere creaturarum. Sed posse creare, si creaturae
communicaretur, non poneret ipsam extra terminos creaturae. Ergo posse creare
est creaturae communicabile. Probatio mediae. Illud dicitur extra terminos
creaturae rem aliquam ponere quod rationi creaturae repugnat. Posse autem
creare non repugnat rationi creaturae, nisi propter infinitatem virtutis quae
videtur ad creationem requiri. Non autem requiritur, ut videtur; nam
unumquodque tantum distat ab uno oppositorum quantum de natura alterius
participat. Tantum enim aliquid est album, quantum distat a nigro. Ens autem
creatum finite participat naturam entis. Ergo finite distat a non esse
simpliciter. Educere autem aliquid in esse ex distantia finita, non demonstrat
potentiam infinitam; et sic relinquitur quod potentiae finitae possit esse
creationis actus; et sic posse creare rationi creaturae non repugnat, nec ponit
ipsam extra terminos creaturae. 2. [1] Ce qui est communiquй а la crйature et ne l'entraоne pas hors de
ses limites, lui est communicable par la puissance du crйateur, qui peut mкme
crйer de nouveaux genres de crйatures. [2] Mais le pouvoir de crйer, s'il йtait
communiquй а la crйature, ne la mettrait pas hors de ses limites. [3] Donc le
pouvoir de crйer lui est communicable. Preuve intermйdiaire[2]: [2] on dit que
ce qui place une chose hors des limites de la crйature s'oppose а sa nature.
Mais pouvoir crйer ne s'oppose а la nature de la crйature qu'а cause de l'infinitй
du pouvoir qui semble requis pour la crйation. Mais ce n'est pas requis, а ce
qu'il semble, car chaque chose est йloignйe de l'un de ses opposйs qu'autant
qu'elle participe а la nature de l'autre. Car plus un objet est blanc, plus il
est йloignй du noir. Mais l'йtant crйй participe de faзon limitйe а la nature
de l'йtant. Donc, il est йloignй du non кtre absolu de faзon limitйe. Amener
quelque chose а l'кtre а partir d'une distance finie ne rйvиle pas une
puissance infinie et ainsi il reste que l'acte de crйation pourrait appartenir
а une puissance finie et ainsi le pouvoir de crйer n'est pas opposй а la
condition de crйature et il ne la place pas hors de ses limites.
q. 3 a. 4 arg. 3 Sed
diceretur, quod hoc quod dicitur, quod unumquodque tantum distat ab uno
oppositorum quantum participat de alio, locum habet in illis oppositis quorum
utrumque est natura quaedam, sicut sunt contraria; non autem in illis quorum
alterum tantum est natura, sicut in privatione et habitu, affirmatione et
negatione.- Sed contra, praedicta oppositio locum habet in contrariis secundum
hoc quod ad invicem distant; quod quidem eis competit in quantum opposita sunt.
Sed causa oppositionis in contrariis et radix, est oppositio affirmationis et
negationis, ut probatur. Ergo in oppositione affirmationis et negationis maxime
debet locum habere.
3. Mais on pourrait dire que cette assertion: chaque chose est йloignйe
de l'un de ses opposйs qu'autant qu'elle participe de l'autre, trouve sa place
dans ces opposйs dont l'un et l'autre sont une certaine nature, comme le sont
les contraires, mais non dans ceux dont l'un seulement est cette nature, ainsi
dans la privation, et la possession, l'affirmation et la nйgation. En sens
contraire, l'opposition susdite trouve sa place dans les contraires selon
qu'ils sont йloignйs l'un de l'autre, ce qui se rencontre en eux dans la mesure
oщ ils sont opposйs. Mais la cause de l'opposition dans les contraires, ainsi
que sa racine est l'opposition de l'affirmation et de la nйgation, comme on le
prouve (Cf. Mйtaphysique, IV, 6, 1011
b 20[3]). Donc c'est dans l'opposition de l'affirmation et de la nйgation
qu'elle doit avoir lieu.
q. 3
a. 4 arg. 4 Praeterea, secundum Augustinum tripliciter res fieri dicuntur. Uno
modo in verbo, alio modo in angelica cognitione, et tertio modo in propria
natura. Propter quod Genes., I, 1-2, dicit: dixit, fiat, et
factum est. Modus autem quo res dicuntur in angelica intelligentia fieri,
medius est inter illos duos modos. Ergo videtur quod res creatae procedant ut
sint in propria natura a verbo creatoris cognitione angelica mediante; et sic
videtur quod mediantibus Angelis res creentur.
4. Selon Augustin (La Genиse au
sens littйral, II, 8, 16[4]), dit qu'une chose est faite de trois faзons:
1) dans le Verbe, 2) dans la connaissance angйlique, 3) dans sa nature propre.
C'est pour cela que la Genиse (1, 1-2) dit: "Il dit: que cela soit fait et
cela fut fait". Mais la maniиre dont on dit que les choses sont crййes
dans l'intelligence angйlique est intermйdiaire entre ces deux modes. Donc il
semble que les crйatures procиdent, pour venir а l'кtre dans leur propre
nature, du Verbe du Crйateur, par l'intermйdiaire de la connaissance angйlique,
et ainsi il semble que les choses sont crййes par l'intermйdiaire des anges.
q. 3 a. 4 arg. 5
Praeterea, nihil et aliquid plus distant quam aliquid et esse, cum nihil et
aliquid nihil habeant commune, aliquid autem sit entis pars. Deus autem facit
creando, ut quod nihil erat, aliquid fiat, et per consequens quod nulla
potentia fiat aliqua potentia. Ergo multo amplius facere potest quod aliqua
potentia terminata, cuiusmodi est potentia creaturae, fiat omnipotentia, cuius
est creare. Et sic communicari potest creaturae quod creet.
5. Il y a plus de distance entre le nйant et une chose qu'entre une
chose et l'кtre[5], puisque le nйant et la chose n'ont rien de commun[6], alors
que la chose est une partie de l'йtant. Mais Dieu, en crйant, fait que ce qui
йtait nйant devienne quelque chose et par consйquent qu'une puissance nulle
devienne une puissance. Donc il peut faire beaucoup plus, а savoir qu'une
puissance limitйe, de quelque maniиre que soit la puissance de la crйature,
devienne une toute puissance qui crйe. Et ainsi le pouvoir de crйer peut кtre
communiquй а la crйature.
q. 3 a. 4 arg. 6 Praeterea,
lux spiritualis est nobilior et potentior quam corporalis. Sed lux corporalis
se ipsam multiplicat. Ergo Angelus, qui est lux spiritualis secundum
Augustinum, potest se ipsum multiplicare. Sed hoc non potest facere nisi creando. Ergo Angelus potest creare. 6. La lumiиre spirituelle est plus noble et plus puissante que la
lumiиre corporelle. Mais celle-ci se multiplie elle-mкme. Donc l'ange, qui est
lumiиre spirituelle selon Augustin (La
Genиse au sens littйral, II, 8, 17[7]) peut se multiplier lui-mкme. Mais il
ne peut le faire qu'en crйant. Donc l'ange peut crйer.
q. 3 a. 4 arg. 7
Praeterea, cum formae substantiales non generentur, eo quod solum compositum
generatur, ut probat philosophus, non possunt deduci in esse nisi per
creationem. Sed natura creata disponit
materiam ad formam. Ergo ministerio aliquid operatur ad creationem; et sic
communicari potest creaturae, quod habeat in creatione ministerium.
7. Comme les formes substantielles ne sont pas engendrйes, parce que
seul le composй est engendrй, comme le prouve le philosophe (Mйtaphysique VII, 8, 1033 b 5 - 1033b
16[8]), elles ne peuvent venir а l'кtre que par crйation. Mais la nature crййe
dispose la matiиre pour la forme. Donc par fonction, quelque chose travaille
pour la crйation, et ainsi le fait d'avoir cette fonction dans la crйation peut
кtre communiquй а la crйature
q. 3 a. 4 arg. 8
Praeterea, opus iustificationis est nobilius quam creationis, cum gratia sit
supra naturam. Unde et Augustinus dicit quod maius est iustificare impium quam
creare caelum et terram. Sed in iustificatione impii ministerium exhibet
creatura: sacerdos enim dicitur ut minister iustificare, sive peccata
remittere. Ergo multo magis potest creatura ministerium exhibere in creationis
actu. 8. L'oeuvre de justification est plus noble que celle de crйation,
puisque la grвce est au-dessus de la nature. D'oщ ce que dit Augustin (Sur
saint Jean, traitй 34) qu'il est plus important de justifier un impie que de
crйer le ciel et la terre. Mais dans la justification de l'impie, la crйature
rйvиle son ministиre; car on dit que le prкtre justifie ou remet les pйchйs en
tant que ministre. Donc la crйature peut beaucoup plus montrer sa fonction dans
l'acte de crйation
q. 3 a. 4 arg. 9
Praeterea, oportet omne factum simile esse agenti, ut probatur in VII Metaph.
Sed creatura corporalis non est similis Deo neque specie neque genere. Ergo non
potest a Deo per creationem procedere nisi mediante aliqua creatura, quae sit
similis saltem in genere; et sic videtur quod res corporales creentur a Deo
mediantibus superioribus creaturis.
9. Il faut que tout ce qui est fait ressemble а l'agent, comme on le
prouve (Mйtaphysique VII, 8, 1033 b
29[9]). Mais la crйature corporelle n'est semblable а Dieu ni en espиce ni en
genre. Donc elle ne peut procйder de Dieu par crйation que par l'intermйdiaire
d'une crйature, qui serait semblable, au moins en genre. Et ainsi il semble que
ce qui est corporel est crйй par Dieu par l'intermйdiaire des crйatures
supйrieures.
q. 3 a. 4 arg. 10
Praeterea, in Lib. de causis dicitur, quod illa quae est intelligentia secunda,
non recipit ex bonitatibus primis, quae procedunt ex causa prima, nisi mediante
intelligentia superiori. Sed de primis bonitatibus est ipsum esse. Ergo
intelligentia secunda non recipit esse a Deo nisi mediante intelligentia prima;
et sic videtur quod Deus actum creationis alicui creaturae communicet.
10. Dans le Livre des Causes
(prop. 19[10]), il est dit que celle qui est l'intelligence seconde ne reзoit
des perfections premiиres qui procиdent de la cause premiиre, que par
l'intermйdiaire de l'intelligence supйrieure[11]. Mais l'кtre mкme vient des
bontйs premiиres. Donc l'intelligence seconde ne reзoit l'кtre de Dieu que par
l'intermйdiaire de l'intelligence premiиre et ainsi il apparaоt que Dieu
communique l'action de crйer а une crйature.
q. 3 a. 4 arg. 11
Praeterea, in eodem Lib. dicitur, quod intelligentia scit quod sub se est, per
modum substantiae suae, in quantum est ei causa. Sed una intelligentia
cognoscit intelligentiam aliam quae est sub ipsa: ergo est eius causa. Sed non
causatur nisi per creationem, cum non sit composita. Ergo intelligentia creare
potest. 11. Dans le mкme livre (prop. 8[12]), on dit que l'intelligence connaоt
ce qui est sous elle, au moyen de sa substance, dans la mesure oщ elle en est
la cause. Mais une intelligence en connaоt une autre qui est sous elle. Donc
elle en est la cause. Mais elle n'est causйe que par crйation, puisqu'elle
n'est pas composйe. Donc l'intelligence peut crйer.
q. 3 a. 4 arg. 12
Praeterea, Augustinus dicit, quod creatura spiritualis communicat corporali
speciem et esse; et sic videtur quod creaturae corporales creentur mediantibus
spiritualibus.
12. Augustin (L'immortalitй de l'вme, XVI, 25[13]) dit que la crйature
spirituelle communique а la crйature corporelle l'espиce et l'кtre et ainsi il
semble que les crйatures corporelles seraient crййes par l'intermйdiaire des
crйatures spirituelles.
q. 3 a. 4 arg. 13
Praeterea, duplex est cognitionis genus; una siquidem cognitio est ad rem, et
alia quae est a rebus. Angelus autem cognoscit res corporales non cognitione
quae est a rebus, cum careat potentiis sensitivis, quibus mediantibus pervenit
cognitio sensibilium ad intellectum. Ergo cognoscit res cognitione quae est ad
rem, quae est similis divinae cognitioni. Sicut ergo Deus per suam scientiam
est causa rerum, ita et scientia Angeli rerum causa esse videtur. 13. Il y a deux sortes de connaissance: la premiиre va vers l'objet,
l'autre en vient. Or l'ange connaоt ce qui est corporel, non par une
connaissance qui vient de la rйalitй, puisqu'il n'a pas d'organes sensitifs par
l'intermйdiaire desquelles la connaissance du sensible lui parvient а l'esprit.
Donc il le connaоt d'une connaissance qui va vers l'objet et qui est semblable
а la connaissance divine. Donc, comme Dieu, par sa science, est la cause des
choses, ainsi la science de l'ange semble aussi en кtre la cause.
q. 3 a. 4 arg. 14
Praeterea, duplex est modus quo res in esse exeunt: unus secundum quod exeunt
de puro non esse in esse, quod fit per creationem: alius secundum quod exeunt
de potentia in actum. Virtus autem materialis, quae est rerum naturalium,
potest res producere modo secundo, scilicet extrahendo res de potentia in
actum. Ergo virtus immaterialis, quae est potentior, qualis est virtus Angeli,
potest aliquid producere in esse modo primo, quod est maioris virtutis,
scilicet de puro non esse in esse, quod est creare; et sic videtur quod Angelus
possit creare. 14. Le processus par lequel les кtres viennent а l'existence est double:
1) ils passent du pur non кtre а l'кtre, ce qui se fait par crйation; 2) ils
passent de la puissance а l'acte[14]. Mais le pouvoir matйriel des choses
naturelles peut produire des кtres de la seconde maniиre, c'est-а-dire en les
faisant passer de la puissance а l'acte. Donc un pouvoir immatйriel qui est
plus puissant, tel celui de l'ange, peut amener а l'кtre de la premiиre
maniиre, ce qui dйpend d'un plus grand pouvoir, c'est-а-dire [l'amener] du pur
non кtre а l'кtre, ce qui est crйer et ainsi il semble que l'ange puisse crйer.
q. 3 a. 4 arg. 15
Praeterea, infinito non est maius aliquid. Sed infinitae potentiae est educere
aliquid de nihilo in esse: alias nihil prohiberet creaturas creare. Nulla ergo
potentia potest esse maior quam ista. Et sic non est maius facere creaturam ex
nihilo et dare ei potentiam creandi quam creare. Primum autem Deus potest. Ergo
et secundum. 15. Rien n'est plus grand que l'infini. Mais c'est le pouvoir d'une
puissance infinie de faire passer quelque chose du nйant а l'кtre; autrement,
rien n'empкcherait de crйer des crйatures. Donc nulle puissance ne peut кtre
plus grande que celle-la. Et ainsi ce n'est pas plus grand de faire une
crйature de rien et lui donner la puissance de crйer que crйer. Dieu peut le
premier. Donc aussi le second.
q. 3 a. 4 arg. 16
Praeterea, quanto maior est resistentia patientis ad agens, tanto maior est
difficultas in agendo. Sed contrarium magis resistit quam non ens; non ens enim
agere non potest sicut agit contrarium. Cum ergo creatura possit aliquid ex
contrario facere, videtur quod multo magis possit aliquid facere ex nihilo,
quod est creare. Ergo potest creatura creare. 16. Plus grande est la rйsistance du patient а l'agent, plus grande est
la difficultй de celui-ci pour agir. Mais le contraire rйsiste plus que le non
кtre, car le non кtre ne peut agir comme agit le contraire. Comme donc la
crйature pourrait faire quelque chose de contraire, il semble qu'elle puisse
beaucoup plus faire quelque chose de rien, ce qui est crйer. Donc une crйature
peut crйer.
En sens contraire: q. 3 a. 4 s. c. 1
Sed contra. Ens et non ens in infinitum distant. Sed operari aliquid ex
distantia infinita est infinitae virtutis. Ergo creare est infinitae virtutis;
et ita non potest alicui creaturae communicari. 1. L'йtant et le non йtant sont sйparйs par une distance infinie[15].
Mais produire quelque chose а partir d'une distance infinie dйpend d'un pouvoir
infini. Donc crйer est le propre d'un pouvoir infini, et il ne peut кtre
communiquй а aucune crйature.
q. 3 a. 4 s. c. 2
Praeterea, superiores creaturae ut Angeli, secundum Dionysium dividuntur in
essentiam, virtutem, et operationem: ex quo haberi potest quod nullius
creaturae virtus est sua essentia, et sic nulla creatura agit se tota, cum id
quo res agit sit virtus eius. Sed secundum quod agens agit, effectus agitur.
Ergo nulla creatura potest aliquem effectum totum producere; et sic non potest
creare, sed semper in sua actione materiam praesupponit.
2. Les crйatures supйrieures, comme les anges, selon Denys (La hiйrarchie cйleste, XI), sont
divisйes en essence, puissance et opйration: de lа on peut constater que le
pouvoir d'aucune crйature n'est son essence et ainsi aucune crйature n'agit
elle-mкme toute entiиre, puisque ce par quoi quelque chose agit c'est sa puissance[16].
Mais l'effet est produit selon que l'agent agit. Donc aucune crйature ne peut
produire un effet total, et ainsi elle ne peut crйer, mais elle prйsuppose
toujours une matiиre pour son action.
q. 3 a. 4 s. c. 3
Praeterea, Augustinus dicit, quod Angeli non possunt esse creatores alicuius
rei, nec boni nec mali. Inter ceteras vero creaturas
Angelus est nobilior. Ergo multo minus aliqua alia creatura potest creare. 3. Augustin ( (La Trinitй, III,
ch. 8 et 9[17]) dit que les anges ne peuvent кtre crйateurs de rien, ni les
bons ni les mauvais. Parmi les autres crйatures, l'ange est le plus noble. Donc
les autres peuvent encore beaucoup moins crйer.
q. 3 a. 4 s. c. 4
Praeterea, eiusdem virtutis est creare et creaturas in esse conservare. Sed
creaturae non possunt in esse conservari nisi per virtutem divinam, quae si se
rebus subtraheret, in momento deficerent, secundum Augustinum. Ergo res non
possunt creari nisi per virtutem divinam.
4. Crйer et conserver les crйatures dans l'кtre est un mкme pouvoir. Mais
les crйatures ne peuvent кtre conservйes dans l'кtre que par le pouvoir divin;
s'il se retirait des crйatures, elles retourneraient au nйant а l'instant,
selon Augustin (La Genиse au sens
littйral, IV, 12, 22 et 23[18]). Donc les choses ne peuvent кtre crййes que
par la puissance divine.
q. 3 a. 4 s. c. 5
Praeterea, illud quod est alicuius proprie proprium, alteri convenire non
potest. Sed creare dicitur communiter proprium esse Deo. Ergo creare non potest
alteri convenire. 5. Ce qui est vraiment propre а une chose ne peut convenir а un autre.
Mais on dit communйment que crйer est propre а Dieu. Donc crйer ne peut pas
convenir а un autre.
Rйponse: q. 3 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum, quod quorumdam philosophorum fuit positio, quod Deus
creavit creaturas inferiores mediantibus superioribus, ut patet in Lib. de
causis; et in Metaphys. Avicennae, et Algazelis, et movebantur ad hoc opinandum
propter quod credebant quod ab uno simplici non posset immediate nisi unum
provenire, et illo mediante ex uno primo multitudo procedebat. Hoc autem
dicebant, ac si Deus ageret per necessitatem naturae, per quem modum ex uno
simplici non fit nisi unum. La position de certains philosophes fut que Dieu crйa les crйatures
infйrieures par l'intermйdiaire des crйatures supйrieures, comme cela apparaоt
dans le Livre des Causes, prop.
10[19]– Avicenne, Mйtaphysique, IX,
4[20] et Algazel et ils йtaient poussйs а le penser parce qu'ils croyaient que,
d'un кtre unique et simple ne pouvait immйdiatement provenir qu'un кtre unique
et que c'est par son intermйdiaire que la multitude procйdait du premier кtre
unique. Ils disaient cela comme si Dieu agissait par nйcessitй de nature, de
cette maniиre d'un seul кtre simple, il n'est fait qu'un кtre unique.
Nos autem ponimus, quod a Deo procedunt res per modum scientiae et
intellectus, secundum quem modum nihil prohibet ab uno primo et simplici Deo
multitudinem immediate provenire, secundum quod sua sapientia continet
universa. Et ideo secundum fidem Catholicam ponimus, quod omnes substantias
spirituales et materiam corporalium Deus immediate creavit, haereticum
reputantes si dicatur per Angelum vel aliquam creaturam aliquid esse creatum;
unde Damascenus dicit: quicumque dixerit Angelum aliquid creare, anathema sit. Nous, nous pensons que les crйatures procиdent de Dieu par mode de
science et d'intellect[21]; de cette maniиre, rien n'empкche que de Dieu,
unique, premier et simple, provienne la multitude sans intermйdiaire, selon que
sa sagesse contient toutes choses. Et c'est pourquoi, selon la foi catholique,
nous pensons que Dieu a crйй toutes les substances spirituelles et la matiиre
des кtres corporels sans intermйdiaire, considйrant comme hйrйtique de dire que
quelque chose a йtй crйй par un ange ou par quelque crйature. C'est pourquoi Jean
Damascиne dit (La foi orthodoxe, II, 2) que "quiconque aura dit qu'un ange
crйe quelque chose, qu'il soit anathиme".
Quidam tamen Catholici tractatores dixerunt quod, etsi nulla creatura
possit aliquid creare, communicari tamen potuit creaturae ut per eius
ministerium Deus aliquid crearet. Et hoc ponit Magister in 5 dist., IV libro
Sentent. Certains auteurs catholiques cependant ont dit que mкme si aucune
crйature ne peut crйer, Dieu a pu lui communiquer le pouvoir de crйer par son
ministиre. Le maоtre des Sentences le dit (4 Sent. Dist. 5[22]).
Quidam vero e contrario dicunt, quod nullo modo creaturae communicari
potuit ut aliquid crearet; quod etiam communius tenetur. Certains, au contraire, disent que le pouvoir de crйer n'a pu en aucune
maniиre кtre communiquй а la crйature, ce qui est le plus communйment admis.
Ad horum autem evidentiam sciendum est quod creatio nominat activam
potentiam, qua res in esse producuntur; et ideo est absque praesuppositione
materiae praeexistentis et alicuius prioris agentis: hae enim solae causae
praesupponuntur ad actionem. Nam forma geniti est terminus actionis generantis,
et ipsa est etiam finis generationis quae secundum esse non praecedit sed
sequitur actionem. Pour le mettre en йvidence, il faut savoir que la crйation dйsigne une
puissance active par laquelle les choses sont amenйes а l'кtre et sans
prйsupposer une matiиre prйexistante et un agent antйrieur[23]. Car seules, ces
causes[24] sont prйsupposйes pour l'action. En effet la forme de l'engendrй est
le terme de l'action de celui qui engendre et elle-mкme est la fin de la
gйnйration qui, selon l'кtre, ne prйcиde pas mais suit l'action.
Quod enim creatio materiam non praesupponat, patet ex ipsa nominis
ratione. Dicitur enim creari quod ex nihilo fit. Quod etiam non praesupponat
aliquam priorem causam agentem, patet ex hoc quod Augustinus dicit, ubi probat
Angelos non esse creatores, quia operantur ex seminibus naturae inditis quae
sunt virtutes activae in natura.
Que la crйation, en effet, ne prйsuppose pas la matiиre, cela apparaоt
dans la dйfinition mкme du nom. Car on dit que “crйer” c'est faire quelque
chose de rien. Qu'elle ne prйsuppose pas non plus une cause premiиre
efficiente, est йclairй par ce que dit Augustin (La Trinitй, III, 8[25]), lа oщ il prouve que les anges ne sont pas
crйateurs, parce qu'il opиrent а partir des semences introduites dans la
nature, qui sont des pouvoirs actifs en elle[26].
Si igitur sic stricte creatio accipitur, constat quod creatio non
potest nisi primo agenti convenire, nam causa secunda non agit nisi ex
influentia causae primae; et sic omnis actio causae secundae est ex
praesuppositione causae agentis. Donc si on comprend la crйation au sens strict, il est clair qu'elle ne
peut convenir qu'au premier agent, car la cause seconde n'agit que sous
l'influence de la cause premiиre, et ainsi toute action de la cause seconde
prйsuppose une cause efficiente.
Nec etiam ipsi philosophi posuerunt Angelos vel intelligentias aliquid
creare, nisi per virtutem divinam in ipsis existentem, ut intelligamus quod
causa secunda duplicem actionem habere potest; unam ex propria natura, aliam ex
virtute prioris causae. Impossibile est autem quod causa secunda ex propria
virtute sit principium esse in quantum huiusmodi; hoc enim est proprium causae
primae; nam ordo effectuum est secundum ordinem causarum. Et les philosophes eux-mкmes ont pensй que les anges ou les
intelligences ne crйaient que par la puissance divine qui existait en eux, de
sorte que nous comprenons que la cause seconde peut avoir une double action:
l'une de sa propre nature, l'autre du pouvoir de la cause premiиre. Il est
impossible que la cause seconde de son propre pouvoir soit le principe d'кtre
en tant que tel, cela, en effet, est le propre de la cause premiиre, car l'ordre
des effets dйpend de l'ordre des causes.
Primus autem effectus est ipsum esse, quod omnibus aliis effectibus
praesupponitur et ipsum non praesupponit aliquem alium effectum; et ideo
oportet quod dare esse in quantum huiusmodi sit effectus primae causae solius
secundum propriam virtutem; et quaecumque alia causa dat esse, hoc habet in
quantum est in ea virtus et operatio primae causae, et non per propriam
virtutem; sicut et instrumentum efficit actionem instrumentalem non per
virtutem propriae naturae, sed per virtutem moventis; sicut calor naturalis per
virtutem animae generat carnem vivam, per virtutem autem propriae naturae
solummodo calefacit et dissolvit. Le premier effet est l'кtre mкme, qui est prйsupposй а tous les autres
effets; et il n'en prйsuppose pas d'autre; et c'est pourquoi donner l'кtre en
tant que tel doit кtre l'effet de la seule cause premiиre selon son propre
pouvoir; et que toute autre cause donne l'кtre, cela arrive dans la mesure oщ
il y a en elle le pouvoir et l'opйration de la cause premiиre, et non par son
propre pouvoir; de la mкme maniиre, l'instrument effectue l'action
instrumentale, non par le pouvoir de sa propre nature, mais par le pouvoir du
moteur; ainsi la chaleur naturelle, par le pouvoir de l'вme, engendre la chair
vivante mais, par le pouvoir de sa propre nature, seulement elle rйchauffe et
dissout.
Et per hunc modum posuerunt quidam philosophi, quod intelligentiae
primae sunt creatrices secundarum, in quantum dant eis esse per virtutem causae
primae in eis existentem. Nam esse per creationem, bonum vero et vita et
huiusmodi, per informationem, ut in libro de causis habetur. Et hoc fuit
idolatriae principium, dum ipsis creatis substantiis quasi creatricibus
aliarum, latriae cultus exhibebatur. Magister vero in IV sententiarum ponit hoc
esse communicabile creaturae non quidem ut propria virtute creet, quasi
auctoritate, sed ministerio quasi instrumentum.
Et de cette maniиre, certains philosophes ont pensй que les
intelligences premiиres sont crйatrices des secondes dans la mesure oщ elles
leur donnent l'кtre par le pouvoir de la cause premiиre qui existe en
elles[27]. Car l'кtre est par crйation, le bien et la vie etc. sont par mise en
forme, comme on le dit dans le Livre des
Causes. Et cela fut l'origine de l'idolвtrie, puisque, а ces substances
crййes, en tant que crйatrices des autres, on offrait un culte de latrie. Mais
le Maоtre des Sentences (IV Sent.) pense que ce pouvoir est communicable а la
crйature, non pour qu'elle crйe par son propre pouvoir, comme par son autoritй,
mais par fonction en tant qu'instrument.
Sed diligenter consideranti apparet hoc esse impossibile. Nam actio
alicuius, etiamsi sit eius ut instrumenti, oportet ut ab eius potentia
egrediatur. Cum autem omnis creaturae potentia sit finita, impossibile est quod
aliqua creatura ad creationem operetur, etiam quasi instrumentum. Mais pour celui qui examine avec attention, cela paraоt impossible. Car
il faut que l'action de quelqu'un, mкme si elle est comme celle d'un
instrument, vienne de sa puissance. Comme la puissance de toute crйature est
limitйe, il est impossible qu'une crйature agisse pour crйer, mкme comme
instrument. Car la crйation demande un pouvoir infini, а la puissance d'oщ elle
sort: ce qui apparaоt pour cinq raisons.
Prima est ex hoc quod potentia facientis proportionatur distantiae quae
est inter id quod fit et oppositum ex quo fit. Quanto enim frigus est
vehementius, et sic a calore magis distans, tanto maiori virtute caloris opus
est ut ex frigido fiat calidum. Non esse autem simpliciter, in infinitum ab
esse distat, quod ex hoc patet, quia a quolibet ente determinato plus distat
non esse quam quodlibet ens, quantumcumque ab alio ente distans invenitur; et
ideo ex omnino non ente aliquid facere non potest esse nisi potentiae
infinitae. 1. Premiиre raison: la puissance de celui qui agit est proportionnйe а
la distance qui est entre ce qui est fait et l'opposй dont il est fait. En effet
plus le froid est violent, et plus il est йloignй de la chaleur, plus grand
doit кtre le pouvoir de la chaleur qu'il faut pour passer du froid au chaud. Le
non кtre absolu est йloignй de l'кtre а l'infini, ce qui apparaоt du fait que
le non кtre est plus йloignй de quelque йtant dйterminй que n'importe quel
йtant, а quelque distance qu'on le trouve de cet autre йtant et c'est pourquoi,
de ce qui est tout а fait du non йtant, on ne peut absolument rien crйer sans
faire venir l'кtre d'une puissance infinie.
Secunda ratio est, quia hoc modo factum agitur quo faciens agit. Agens
autem agit secundum quod actu est; unde id solum se toto agit quod totum actu
est, quod non est nisi actus infiniti qui est actus primus; unde et rem agere
secundum totam eius substantiam solius infinitae virtutis est. 2. Seconde raison: parce que ce qui est fait de cette maniиre subit
l'action lа oщ celui qui le fait agit. L'agent agit selon qu'il est en acte.
C'est pourquoi seul agit par soi tout entier ce qui est tout entier en acte, ce
qui n'est le propre que de l'acte infini qui est l'acte premier. C'est pourquoi
faire une chose selon toute sa substance est le propre du seul pouvoir infini.
Tertia ratio est, quia cum accidens oporteat esse in subiecto,
subiectum autem actionis sit recipiens actionem; illud solum faciendo aliquid
recipientem materiam non requirit, cuius actio non est accidens, sed ipsa
substantia sua, quod solius Dei est; et ideo solius eius est creare. 3. Troisiиme raison: comme l'accident doit кtre dans le substrat, le
substrat de l'action serait ce qui la reзoit. En faisant cela seulement, il n'a
pas besoin de matiиre pour le recevoir, celui dont l'action n'est pas un
accident, mais sa substance mкme, ce qui est le propre de Dieu seul et ainsi il
est seul а crйer.
Quarta ratio est, quia cum omnes secundae causae agentes a primo agente
habeant hoc ipsum quod agant, ut in Lib. de causis probatur; oportet quod a
primo agente, omnibus secundis agentibus modus et ordo imponatur; ei autem non
imponitur modus vel ordo ab aliquo. Cum autem modus actionis ex materia
dependeat quae recipit actionem agentis, solius primi agentis erit absque
materia praesupposita ab alio agente agere, et aliis omnibus secundis agentibus
materiam ministrare. 4. Quatriиme raison: parce que, comme toutes les causes efficientes
secondes reзoivent du premier agent leur pouvoir d'agir, comme on le prouve
dans le Livre des Causes (prop. 19 et
20[28] ), il faut que le mode et l'ordre soient imposйs par le premier agent а
tous les agents seconds; mais le mode ou l'ordre ne lui sont imposйs par
personne. Comme le mode de l'action dйpend de la matiиre qui reзoit l'action de
l'agent, ce ne sera le propre que du seul premier agent d'agir sans matiиre
prйsupposйe par un autre agent et de fournir la matiиre а tous les autres
agents seconds.
Quinta ratio est ducens ad impossibile. Nam secundum elongationem
potentiae ab actu, est proportio potentiarum de potentia in actum aliquid
reducentium: quanto enim plus distat potentia ab actu, tanto maiori potentia indigetur.
Si ergo sit aliqua potentia finita quae de nulla potentia praesupposita aliquid
operetur, oportet eius esse aliquam proportionem ad illam potentiam activam
quae educit aliquid de potentia in actum; et sic est aliqua proportio nullius
potentiae ad aliquam potentiam, quod est impossibile. Non entis enim ad ens
nulla est proportio, ut habetur IV Physic. Relinquitur ergo quod nulla potentia
creaturae potest aliquid creare neque propria virtute, neque sicut alterius
instrumentum. 5. La cinquiиme raison conduit а une impossibilitй. Car selon
l'йloignement de la puissance а l'acte, il y a un rapport des puissances qui
ramиnent quelque chose de la puissance а l'acte. Car plus la puissance est
йloignйe de l'acte, plus grande est la puissance dont elle a besoin. Si donc il
y a une puissance finie qui agit а partir d'une puissance prйsupposйe nulle, il
faut qu'elle ait une proportion а cette puissance active qui conduit quelque
chose de la puissance а l'acte, et ainsi il y a une proportion d'une puissance
nulle а une puissance, ce qui est impossible. Car il n'y a aucune proportion du
non йtant а l'йtant (Cf. Physique
IV[29]). Donc il reste qu'aucune puissance d'une crйature ne peut crйer quelque
chose ni par son propre pouvoir, ni en tant qu'instrument d'un autre.
Solutions: q. 3 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in
reducendo ad finem, praeexistunt ea quae sunt ad finem: et ideo non impossibile
est per actionem alicuius cooperari Deo ad hoc quod res aliquae in finem
ultimum reducantur. Sed in universali eductione rerum in
esse, nihil praesupponitur; unde non est simile. # 1. Quand on ramиne les crйatures а leur fin, ce qui est en vue de
cette fin prйexiste et c'est pourquoi il n'est pas impossible par l'action de
quelque кtre de coopиrer avec Dieu pour que les choses soient ramenйes а leur
fin ultime. Mais dans la venue universelle des crйatures а l'кtre, rien n'est
prйsupposй, c'est pourquoi ce n'est pas pareil[30].
q. 3
a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod nihil prohibet aliquam distantiam
imaginari infinitam ex una parte et ex alia finitam. Ex utraque autem parte
infinitam imaginamur distantiam, quando utrumque oppositorum ponitur infinitum;
puta si sint calor et frigus infinita. Ex parte autem altera, quando alterum
est finitum; sicut si calor esset infinitus, et frigus finitum. Distantia ergo
infiniti entis a non esse simpliciter, est infinita ex utraque parte. Distantia
autem entis finiti a non esse simpliciter est infinita ex una parte tantum, et
requirit nihilominus potentiam infinitam agentem. # 2. Rien n'empкche d'imaginer une distance infinie d'un cфtй et une
distance finie de l'autre. Mais on imagine la distance infinie de deux cфtйs,
quand on pense que l'un et l'autre des opposйs sont infinis; par exemple s'il y
avait une chaleur et un froid infini. Mais de l'autre cфtй, quelquefois l'autre
est fini, comme si par exemple la chaleur йtait infinie et le froid fini. Donc
la distance de l'кtre infini au non кtre absolu est infinie de chaque cфtй.
Mais la distance de l'йtant fini au non кtre absolu est infinie d'un cфtй
seulement et elle requiert nйanmoins une puissance agissante infinie.
q. 3 a. 4 ad 3 Tertium concedimus, non enim
quantum ad hoc differt, an utrumque oppositorum sit natura quaedam an alterum
tantum. # 3. Nous concйdons la troisiиme objection, mais non pour les
diffйrence, si les deux opposйs sont une certaine nature, ou l'un des deux
seulement.
q. 3 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod res in intelligentia dicuntur fieri secundum cognitionem
tantum, non secundum rationem operativae virtutis: unde res non producuntur a
Deo mediantibus Angelis operantibus, sed solum Angelis cognoscentibus. # 4. On dit que les crйatures dans l'intelligence se font selon la
connaissance seulement, non selon un pouvoir opйratif. C'est pourquoi les кtres
ne sont pas produits par Dieu par l'intermйdiaire des anges qui opиrent, mais
les anges en ont seulement connaissance.
q. 3 a. 4 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod aliquid dicitur non posse fieri ab aliquo, non solum
propter distantiam extremorum, sed etiam propter hoc quod omnino fieri non
potest; ut si dicamus quod ex aliquo corpore non potest fieri Deus, quia Deus
omnino fieri non potest. Sic ergo dicendum quod ex aliqua potentia non potest
fieri omnipotentia, non solum propter distantiam utriusque potentiae, sed etiam
propter hoc quod omnipotentia omnino fieri non potest. Nam omne quod fit, purus
actus esse non potest, cum ex hoc ipso quod ex alio esse habeat, potentia in eo
deprehendatur: et ideo non potest esse potentia infinita. # 5. On dit qu'une chose ne peut pas кtre faite par une autre, non
seulement а cause de la distance des extrкmes, mais aussi parce qu'elle ne peut
absolument pas кtre faite. Comme si on disait que Dieu ne peut кtre fait d'un
corps, parce qu'il ne peut absolument pas кtre fait. Donc il faut dire ainsi
que d'une puissance on ne peut faire une toute-puissance, non seulement а cause
de la distance de l'une а l'autre des puissances, mais aussi parce qu'une
toute-puissance ne peut absolument pas кtre faite. Car tout ce qui est fait ne
peut pas кtre acte pur, puisque, du fait qu'il reзoit l'кtre d'un autre, c'est
en lui qu'est saisie la puissance. C'est pourquoi elle ne peut pas кtre
infinie.
q. 3 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod lux corporalis multiplicat se non per creationem novae
lucis, sed diffundendo se super materiam: quod de Angelis dici non potest, cum
sint substantiae per se stantes. # 6. La lumiиre corporelle se multiplie non par crйation d'une nouvelle
lumiиre, mais en se diffusant sur la matiиre, ce qu'on ne peut pas dire des anges,
puisque ce sont des substances subsistantes par soi.
q. 3 a. 4 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod forma potest considerari dupliciter: # 7. On peut considйrer une forme de deux maniиres:
uno modo secundum quod est in potentia; et sic a Deo
materia concreatur, nulla disponentis naturae actione interveniente. A) Selon qu'elle est en puissance, et ainsi la matiиre est concrййe par
Dieu, sans l'intervention d'une action de la nature qui la dispose.
Alio modo secundum quod est in actu; et sic non creatur, sed de
potentia materiae educitur per agens naturale; unde non oportet quod natura
aliquid agat dispositive ad hoc quod aliquid creetur. Quia tamen aliqua forma
naturalis est quae per creationem in esse producitur, scilicet anima
rationalis, cuius materiam natura disponit; ideo sciendum est, quod cum
creationis opus materiam tollat, dupliciter aliquid creari dicitur. Nam quaedam
creantur nulla materia praesupposita, nec ex qua nec in qua, sicut Angeli et
corpora caelestia; et ad horum creationem natura nihil operari potest
dispositive. B) Selon qu'elle est en acte et ainsi, elle n'est pas crййe, mais elle
est tirйe de la puissance de la matiиre par un agent naturel. C'est pourquoi il
ne faut pas que la nature agisse rйguliиrement en vue de crйer quelque chose.
Cependant, parce qu'il y a une forme naturelle qui est amenйe а l'кtre par
crйation, а savoir l'вme raisonnable, dont la nature dispose la matiиre, il
faut savoir que, puisque l'oeuvre de crйation n'a pas besoin de la matiиre, une
chose est dite crййe de deux maniиres. a) Certaines choses en effet, sont
crййes sans aucune matiиre prйsupposйe, ni d'oщ elles viennent , ni oщ elles
sont, comme les anges et les corps cйlestes, et pour leur crйation, la nature
ne peut rien faire par disposition.
Quaedam vero creantur, etsi non praesupposita materia ex
qua sint, praesupposita tamen materia in qua sint, ut animae humanae. Ex parte
ergo illa qua habent materiam in qua, natura potest dispositive operari; non
tamen quod ad ipsam substantiam creati, naturae actio se extendat.
b) Mais certaines autres sont crййes, mкme sans matiиre prйsupposйe
d'oщ elles viennent, cependant avec la matiиre prйsupposйe dans laquelle elles
sont, comme pour l'вme humaine. Donc de ce cфtй oщ elles ont la matiиre dans
laquelle elles sont, la nature peut opйrer par disposition, non cependant que
l'action de la nature s'йtende а la substance mкme du crйй.
q. 3 a. 4 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod in opere iustificationis homo aliquid operatur
ministerio tantum per hoc quod adhibet sacramenta: unde cum sacramenta
iustificare dicantur instrumentaliter et dispositive, solutio redit in idem cum
solutione praedicta.
cum solutione praedicta. # 8. Dans l'oeuvre de justification, l'homme agit seulement par sa
fonction en recourant gйnйralement aux sacrements. C'est pourquoi, comme on dit
que les sacrements justifient de maniиre instrumentale et par disposition, la
solution revient au mкme que la prйcйdente.
q. 3 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod quamvis inter Deum et creaturam non possit esse similitudo
generis vel speciei; potest tamen esse similitudo quaedam analogiae, sicut
inter potentiam et actum, et substantiam et accidens. # 9. Quoique entre Dieu et la crйature, il ne puisse pas y avoir
ressemblance de genre ou d'espиce, il peut cependant y avoir une certaine
ressemblance par analogie, comme entre la puissance et l'acte, la substance et
l'accident.
Et hoc dicitur uno modo in quantum res creatae imitantur
suo modo ideam divinae mentis, sicut artificiata formam quae est in mente
artificis. On le dit a) dans la mesure oщ les crйatures imitent а leur maniиre
l'idйe qui est dans l'esprit[31] divin, comme l'oeuvre d'art imite la forme qui
est dans l'esprit de l'artisan.
Alio modo secundum quod res creatae ipsi naturae divinae
quodammodo similantur, prout a primo ente alia sunt entia, et a bono bona, et
sic de aliis. Tamen haec obiectio non est ad propositum: quia supposito quod
creaturae a Deo procedant mediante aliqua potentia creata, adhuc redibit eadem
difficultas, qualiter scilicet illa prima natura creata esse possit a Deo,
similitudine non existente. b) Selon que les crйatures ressemblent d'une certaine maniиre а la
nature divine, selon que les autres йtant viennent de l'йtant premier, et les
biens du Bien, etc.. Cependant cette objection ne concerne pas le sujet, parce
que, supposй que les crйatures procиdent de Dieu par l'intermйdiaire d'une
puissance crййe, alors reviendra la mкme difficultй, c'est-а-dire comment cette
premiиre nature pourrait avoir йtй crййe par Dieu, sans ressemblance.
q. 3 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod error iste expresse in libro de causis invenitur, quod
creaturae inferiores creatae sunt a Deo superioribus mediantibus: unde in hoc
auctoritas illius non est recipienda. # 10. On trouve cette erreur expressйment dans le Livre des Causes (prop. 10): а savoir que les crйatures infйrieures
ont йtй crййes par Dieu, par l'intermйdiaire de crйatures supйrieures. C'est
pourquoi en cela on ne doit pas accepter son autoritй.
q. 3 a. 4 ad 11 Et
similiter dicendum ad undecimum. # 11. Il faut dire de mкme.
q. 3 a. 4 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod Augustinus ibi loquitur de anima, quae communicat
corpori esse et speciem non per modum creantis, sed per modum formae. # 12. En cet endroit, Augustin parle de l'вme, qui communique l'кtre et
l'espиce au corps, non comme un crйateur, mais а la maniиre d'une forme.
q. 3 a. 4 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet Angelus non cognoscat res cognitione quae
est a rebus accepta, non tamen oportet quod cognoscat tali cognitione quae sit
causa rerum: est enim cognitio eius media inter duas cognitiones praedictas.
Cognoscit enim res naturali cognitione, quae est per rerum similitudines in
eius intellectum effluxas a divino intellectu; ut sic eius cognitio non sit ad
rem quasi rerum causa, sed sit quaedam similitudo divinae cognitionis, quae res
causat. # 13. Bien que l'ange ne connaisse pas les choses par une connaissance
reзue d'elles, cependant il ne faut pas qu'il connaisse d'une connaissance
telle qu'elle serait leur cause, car sa connaissance est intermйdiaire entre
les deux connaissances dont on a parlй. Car il connaоt d'une connaissance
naturelle par les images des кtres infusйes en son esprit par l'esprit divin;
de sorte que sa connaissance n'irait pas а l'кtre comme cause des choses, mais
serait une image de la connaissance divine qui cause les кtres
q. 3 a. 4 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod in educendo res de potentia in actum multi gradus
attendi possunt, in quantum aliquid potest educi de potentia magis vel minus
remota in actum, et etiam facilius vel minus faciliter: unde non oportet, si
virtus Angeli virtutem naturae materialis excedat, quod possit aliquid facere
de puro non esse, natura educente aliquid de potentia in actum; sed quod hoc
possit multo facilius quam natura; sicut etiam Augustinus dicit, quod Daemones
seminibus naturae occultius et efficacius operantur quam nos operari sciamus. # 14. Dans le passage de la puissance а l'acte on peut passer par de
nombreux degrйs, selon qu'une chose peut кtre menйe d'une puissance plus ou
moins йloignйe а l'acte et mкme plus ou moins facilement; c'est pourquoi il ne
faut pas, si le pouvoir de l'ange dйpasse le pouvoir d'une nature matйrielle,
qu'il puisse faire quelque chose du pur non кtre, puisque la nature fait passer
une chose de la puissance а l'acte, mais qu'il puisse le faire beaucoup plus
facilement que la nature. Ainsi Augustin dit (La Trinitй, III, 8 et 9), que les dйmons opиrent avec des semences
naturelles de faзon plus occulte et plus efficace que nous savons le faire.
q. 3 a. 4 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod nulla est maior potentia quam potentia creandi:
nec oportet quod potentia creantis ad hoc se extendat quod alicui creaturae
potentiam creandi communicet, eo quod creaturae communicabilis nullo modo est.
Quod enim aliquid fieri non possit, non solum provenit ex defectum potentiae
facientis, sed quandoque ex ipsa factione rei, quae fieri non potest; sicut
Deus non potest facere Deum, non propter defectum suae potentiae, sed quia Deus
a nullo fieri potest; et similiter potentia creandi finita esse non potest, nec
creaturae communicari, cum sit infinita. # 15. Il n'y a aucune puissance plus grande que celle de crйer. Et il
ne faut pas que la puissance du crйateur s'йtende jusqu'а communiquer la puissance
de crйer а une autre crйature parce qu'elle ne lui est en aucune maniиre
communicable. Car ce qui ne pourrait pas кtre fait non seulement provient de la
dйfaillance de la puissance de celui qui produit, mais quelquefois de la
production de la chose elle-mкme qui ne peut pas кtre accomplie. Ainsi Dieu ne
peut faire un Dieu, non а cause de la dйfaillance de sa puissance, mais parce
Dieu ne peut кtre fait par personne, et de la mкme maniиre la puissance de
crйer ne peut кtre limitйe ni communiquйe aux crйatures, puisqu'elle est
infinie.
q. 3 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod
in actu potest attendi difficultas dupliciter: # 16. Dans un acte on peut atteindre une difficultй de deux maniиres:
uno modo ex hoc quod patiens resistit contra agentem; et hoc non est in
omnibus generale, sed solum in his quae mutuo agunt et patiuntur in invicem, in
quibus agens patitur ex contraria actione patientis: et sic corpora caelestia,
quae contrarium non habent agendo, non patiuntur difficultatem in agendo ex
contraria actione patientis; multo minus Deus a) D'une premiиre maniиre, le patient rйsiste а l'agent et cela n'est
pas gйnйral dans toutes les crйatures, mais seulement en des кtres qui agissent
avec rйciprocitй et se supportent l'une l'autre; en eux l'agent supporte par
l'action contraire du "patient". Ainsi les corps cйlestes qui n'ont
pas de contraire, n'йprouvent pas de difficultй en agissant du fait de l'action
contraire d'un patient, et Dieu encore bien moins.
Alio modo, qui generalis est, secundum quod patiens elongatur ab actu.
Quanto enim potentia magis ab actu elongata invenitur, tanto maior est
difficultas in actione agentis. Unde cum magis elongetur ab actu purum non ens
quam materia cuicumque contrario subiecta, quantumcumque intenso, manifestum
est maioris esse virtutis producere aliquid de nihilo quam facere contrarium de
contrario. b) D'une autre maniиre, qui est gйnйrale, dans la mesure oщ le patient
est йloignй de l'acte. Car plus une puissance se trouve йloignйe de l'acte,
plus grande est la difficultй pour l'action de l'agent. C'est pourquoi, comme
le pur non йtant est plus йloignй de l'acte que la matiиre soumise а quelque
contraire, quelque intense qu'il soit, il est clair que c'est le fait d'un plus
grand pouvoir de produire quelque chose de rien que de faire le contraire d'un
contraire.
q. 3 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod
in actu potest attendi difficultas dupliciter:
uno modo ex hoc quod patiens
resistit contra agentem; et hoc non est in omnibus generale, sed solum in his
quae mutuo agunt et patiuntur in invicem, in quibus agens patitur ex contraria
actione patientis: et sic corpora caelestia, quae contrarium non habent agendo,
non patiuntur difficultatem in agendo ex contraria actione patientis; multo
minus Deus.
Alio modo, qui generalis est,
secundum quod patiens elongatur ab actu. Quanto enim potentia magis ab actu
elongata invenitur, tanto maior est difficultas in actione agentis. Unde cum
magis elongetur ab actu purum non ens quam materia cuicumque contrario subiecta,
quantumcumque intenso, manifestum est maioris esse virtutis producere aliquid
de nihilo quam facere contrarium de contrario. 16. Dans un acte on peut rencontrer une difficultй de deux maniиres:
a) D'une premiиre maniиre, le patient rйsiste а l'agent et cela n'est
pas gйnйral dans toutes les crйatures, mais seulement en des кtres qui agissent
avec rйciprocitй et se supportent l'une l'autre; en eux l'agent supporte par
l'action contraire du "patient". Ainsi les corps cйlestes qui n'ont
pas de contraire, n'йprouvent pas de difficultй en agissant du fait de l'action
contraire d'un patient, et Dieu encore bien moins.
b) D'une autre maniиre, qui est gйnйrale, dans la mesure oщ le patient
est йloignй de l'acte. Car plus une puissance se trouve йloignйe de l'acte,
plus grande est la difficultй pour l'action de l'agent. C'est pourquoi, comme
le pur non йtant est plus йloignй de l'acte que la matiиre soumise а quelque
contraire, quelque intense qu'il soit, il est clair que c'est le fait d'un plus
grand pouvoir de produire quelque chose de rien que de faire le contraire d'un
contraire.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
PARALL: Ia q. 45, a. 5 – q. 65, a. 3 – q. 90, a. 3 – CG., II, 2o, 21 – II
Sent., d1q1a3 – IV, d5q1a3, ad 3 – De Verit.q. 5, a. 9 – Quodl., III, qu. 3,
a.1 – Compend. Theol., c. 70 – Opusc. XV, De Angeli, c, 10 – Opusc. XXXVII, De
quatuor opposit, c. 4. Autre rйfйrence donnйe dans II Sent. D.1 a. 3. Eccl.
hierarch.ch. V, § 4.
[2]
Les chiffres entre parenthиse indique les trois termes du syllogisme.
L'objecteur donne une preuve pour la deuxiиme.
[3]
Mйtaphysique IV, 6, 1011 b 20. "Si
donc il est impossible que l'affirmation et la nйgation soient vraies en mкme
temps..."
[4]
"Dans le Verbe, lumiиre non crйe mais engendrйe, dans les anges, lumiиre
crййe, parce que formйe а partir d'un йtat informe... ciel...crйature
constituйe en son espиce propre." Augustin commente Dieu dit que la
lumiиre soit...
[5]
Reprise de l'objection 1 de Pot. 3, 1: la distance entre l'йtant et le nйant
est infinie.
[6]
Ni relations entre eux. Cf. Pot. qu. 7, a. 9, obj. 1.
[7]
"Car en eux est cette lumiиre qui fut crййe la premiиre, si nous pensons
qu'ils sont la lumiиre spirituelle crййe le premier jour."
[8]
a) "Il est donc manifeste que la forme non plus, ou quel que soit le nom
qu'il faille donner а la configuration rйalisйe dans le sensible n'est pas
soumise au devenir, que d'elle il n'y a pas de gйnйration". 1033 b 5.
Trad. J. tricot.– Thomas n°1423: "Les formes, en effet, ne se font pas а
proprement parler, mais elles sortent de la puissance de la matiиre en tant que
telle; ce qui est en puissance а la forme devient l'acte sous la forme, ce qui
est faire un composй."
b)
"Il rйsulte manifestement de ce que nous venons de dire que ce qu'on
appelle forme ou substance n'est pas engendrй mais ce qui est engendrй, c'est
le composй de matiиre et de forme, lequel reзoit son nom de la forme."...
1033 b 16..
[9]
"Il est manifeste que, dans certains cas, la gйnйration est de mкme espиce
que l'engendrй." (Trad. J. Tricot).
[10]
Proposition 19.Texte: 149: "Parmi les Intelligences, il y a celle qui est
l'Intelligence divine, puisqu'elle reзoit des bontйs premiиres qui procиdent de
la cause premiиre, par rйception multiple".
"a)
et parmi celles-ci il y a celle qui est Intelligence seulement puisqu'elle
reзoit des Bontйs premiиres que par l'intermйdiaire de l'intelligence."
"b)
Parmi les Вmes il y a celle qui est l'вme Celle qui est de l'вme intelligible
parce qu'elle dйpend de l'Intelligence, et celle qui est Вme seulement."
Thomas
n° 353: "Donc ceux qui sont les plus haut dans l'ordre des esprits ou des
intelligences dйpendent par une participation plus parfaite de Dieu et
participent plus de sa bontй et de sa causalitй universelle et c'est pourquoi
elle sont appelйes des Esprit divins ou des Intelligences divines, comme Denys
le dit (La hiйrarchie cйleste, VII,
2, Les Noms divins. V,8 n° 276, 656) que les anges les plus hauts sont comme
placйs dans le vestibule de la divinitй."
Thomas
n° 79 cite le texte 32: "La cause premiиre crйa l'кtre de l'вme par
l'intermйdiaire de l'Intelligence", et il ajoute: "certains [sans
doute parmi eux Avicenne] qui ont mal compris, ont pensй que l'auteur de ce
livre voulait que les Intelligences soient crйatrices de la substance des вmes.
(80) Mais cela est contre les positions platoniciennes car ils йtablissaient de
telles causalitйs des кtres simples selon la participation." Il explique
que les Platoniciens pensaient que ce qui est l'кtre mкme est cause de
l'existence pour tous. "Ce qui est la vie est la cause de vie pour tous,
ce qui est intelligence est cause d'intellection pour tous."
[11]
Les intelligence secondes. Le livre des Causes, proposition X, § 98 "Les
intelligences secondes jettent leurs regard sur la forme universelle qui est
dans les intelligences universelles. Elles la divisent et la sйparent
puisqu'elles ne peuvent recevoir ces formes selon leur unitй ou leur nйcessitй,
que par la maniиre dont elles peuvent les recevoir, c'est-а-dire la sйparation
et la division." (Il s'agit de la transmission des formes dans les
intelligences.) Thomas n° 353 § 2 "Les intelligences infйrieures qui ne
parviennent pas par а aussi parfaite ressemblance divine, sont intelligences
seulement, sans dignitй divine."
[12]
Le Livre des Causes, Proposition
8.Texte 72: "Toute intelligence sait ce qui est au-dessus d'elle et sous
elle. Mais cependant elle sait ce qui est sous elle, puisqu'elle en est la
cause et elle sait ce qui est au-dessus d'elle puisqu'elle en reзoit des
bontйs."
[13]
Augustin, L'immortalitй de l'вme, XVI, 25: "Dans l'ordre naturel les кtres
plus puissants livrent aux plus faibles la forme qu'ils ont reзue de la
souveraine Beautй... Si ces кtres existent, c'est qu'une forme leur est livrйe
par les кtres plus puissants, grвce а quoi ils "sont"".(Trad. P.
de Labriolle).
[14]
Il s'agit de la gйnйration.
[15]
Cf. Pot. Qu. 3, a. 1. Obj. 3. (et sol. 3)
[16]
Cf. Pot. qu. 1, a. 1, c
[17]
Augustin, La Trinitй, III, 8, 13: "On
ne saurait donner raisonnablement le nom de crйateurs а ces mauvais anges sous
prйtexte que, grвce а eux, les magiciens qui bravaient Moпse... fabriquиrent
des grenouilles et des serpents. Ils n'en furent pas les crйateurs Comme on
n'appelle point nos parents crйateurs d'homme...pareillement ne se permet-on
pas de prendre les anges pour des crйateurs, les mauvais anges, c'est йvident,
mais les bons non plus". (Trad. BA).
[18]
La Genиse au sens littйral XII, 22: "Car
la puissance du Crйateur et la vertu du Tout-Puissant et du Tout-Tenant est la
cause par laquelle subsiste toute crйature. Si cette puissance cessait un
instant de s'exercer dans les кtres crййs, du mкme coup ceux-ci perdraient leur
forme et toute nature s'abоmerait dans le nйant . (Trad. P. Agaлsse, et A. Solignac,
BA. 5). Ia, qu. 104, a. 2. est aussi consacrй а ce sujet. Cf. Pot. qu. 5.
[19]
Prop. 10, n° 92: "a) "Toute intelligence est pleine de formes. Des
intelligences, viennent celles qui contiennent les formes les plus universelles
et de ces derniиres viennent celles qui contiennent les formes les moins
universelles." Voir prop. 3, 9, 16 (Cf. II Sent. D1qa1).
[20]
L'opinion d'Avicenne: II Sent. d18q2a2. CG. II, 42, 10: ... l'opinion
d'Avicenne qui dit que Dieu intelligence produit une seule intelligence
premiиre, dans lequel il y a puissance et acte, qui, dans la mesure oщ elle
comprend Dieu produit une intelligence seconde. Dans la mesure oщ elle se
comprend, selon qu'elle est en acte, elle produit l'вme du monde. Dans la
mesure oщ elle est en puissance, elle produit la substance du premier ciel et
ainsi procйdant de lа, elle constitue la diversitй des кtres par la cause
seconde.
[21]
Cf. Ia, qu. 14, a. 8: "La science de Dieu est la cause des choses?"
[22]
La position de Pierre Lombard: IV Sent. d5q3 Bonaventure. p. 356 § 1) "Dieu
peut aussi crйer quelque chose par quelqu'un non par lui en tant qu'auteur,
mais en tant que ministre, avec lequel et en qui il opиre, de mкme qu'il opиre
en nous dans nos bonnes oeuvres, et nous et pas lui seulement, pas nous
seulement mais lui avec nous et en nous".
II
sent. d1q4 c. (p. 22): Il prйsente aussi la position du Lombard, contrairement
а Pot. 3, 4 et Ia, 45, 5, il est hйsitant: "C'est pourquoi d'autres ont
dit que la crйation ne convient а aucune crйature et elle n'est pas
communicable; de mкme que l'кtre d'une puissance infinie qu'exige l'oeuvre de
crйation." "D'autres ont dit que la crйation n'a йtй communiquйe а
aucune crйature, mais cependant pouvait кtre communiquйe: ce que le Maоtre (des
Sentences) affirme au livre IV, d.5."
"Chacune
des deux derniиres opinions semble avoir un point d'appui. Car, comme il est de
la raison de la crйature que rien ne lui prйexiste, au moins selon l'ordre de
la nature, on peut le prendre du cфtй du crйateur ou de celui de la crйature.
Si c'est du cфtй du crйateur, on dit qu'ainsi cette action est une crйation qui
ne s'appuie pas sur l'action d'une cause qui prйcиde. Et ainsi c'est seulement
l'action de la cause premiиre: parce que toute action de la cause seconde
s'appuie sur l'action de la cause premiиre. C'est pourquoi, de mкme que le fait
d'кtre cause premiиre ne peut кtre communiquй а aucune crйature, ainsi le fait
de crйer ne peut lui кtre communiquйe. Si on prend du cфtй de la crйature, la
crйation est proprement ce а quoi rien ne prйexiste en rйalitй et c'est cela
кtre. C'est pourquoi on dit au Livre des
Causes (proposition 4) que la premiиre des choses crййes est l'кtre, et
ailleurs dans le mкme livre (proposition 1), on dit que l'кtre est par crйation
et les autres perfections ajoutйes par mise en forme et dans les composйs
surtout cette кtre qui est de la premiиre partie c'est-а-dire de la matiиre et
de cette partie en recevant la crйation, elle a pu кtre communiquйe aux
crйatures pour que par le pouvoir de la cause premiиre qui opиre en elle, soit
produit une кtre simple ou la matiиre. Et de cette maniиre, les philosophes ont
pensй que les intelligences crйaient quoique cela soit hйrйtique."
[23]
Comprendre sans un agent autre que Dieu, car dans le changement, il faut la
matiиre et un agent.
[24]
Entendre la matiиre (cause matйrielle) et l'agent (cause efficiente).
[25]
Citй en note dans le Sed contra 3.
[26]
Il s'agit des vertus sйminales...
[27]
Le Livre des causes prop. 3, n° 32: "Parce que la cause premiиre a causй
l'кtre de l'Вme par l'intermйdiaire de l'Intelligence".Il s'agit aussi
d'Avicenne: De substantiis separatis, ch. 10: "C'est la position
d'Avicenne qui semble l'avoir tirйe du livre des Causes".
[28]
Proposition 20 (n° 155): "La cause premiиre rйgit tout ce qui est crйй
sauf ce qui lui est mкlй". Voit Thomas, nn° 359-360.
[29]
Krempel, La doctrine de la relation chez saint Thomas, Paris 1952 p. 104, Cf.
qu. 7, a. 9. Avicenne le dit (Mйtaphysique,
IV, 10)
[30]
II Sent. d1a1q1a3, sol. 1: "Bien que les choses infйrieures soient ramenйs
а leur fin ultime par des intermйdiaires, jamais cependant l'influence de la
fin derniиre n'est communiquйe а l'un des intermйdiaires de sorte naturellement
qu'il soit le dйsirй ultime et ainsi jamais l'influence du premier agent qui
est crйation ne peut кtre communiquйe а l'un des seconds principes."
[31]
L'emploi de mens est а remarquer.
Article 5: Est-il possible que quelque chose ne soit pas crйй par Dieu?
q. 3 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum possit esse aliquid quod non sit a Deo creatum. Et
videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections q. 3 a. 5 arg. 1 Cum
enim causa sit potentior effectu, illud quod est possibile nostro intellectui,
qui a rebus notitiam sumit, videtur magis esse possibile in natura. Sed
intellectus noster potest aliquid intelligere non intelligendo illud esse a
Deo, cum causa efficiens non sit de natura rei, et sic sine ea res intelligi
possit. Ergo multo magis in rerum natura potest aliquid esse quod non sit a
Deo. 1. En effet, comme la cause est plus puissante que l'effet; ce qui est
possible pour notre esprit, qui tire sa connaissance de la rйalitй, semble кtre
encore plus possible dans la nature. Mais notre esprit peut comprendre quelque
chose sans comprendre que cela vient de Dieu, puisque la cause efficiente ne
fait pas partie de la nature de la chose et ainsi on peut la comprendre sans
elle. Donc а plus forte raison, il peut exister dans la nature un кtre qui ne
viendrait pas de Dieu. q. 3
a. 5 arg. 2 Praeterea, omnia quae a Deo sunt facta dicuntur esse Dei creaturae.
Creatio autem terminatur ad esse: prima enim rerum creatarum est esse, ut
habetur in Lib. de causis. Cum ergo quidditas rei sit praeter esse
ipsius, videtur quod quidditas rei non sit a Deo. 2. Tout ce qui a йtй fait par Dieu est appelй crйature de Dieu. Mais la
crйation se termine а l'кtre. Car la premiиre des choses crййes est l'кtre[2], comme on le dit dans le Livre des Causes (prop. 4). Donc comme la quidditй[3]
est en plus de son кtre, elle ne semble pas venir de Dieu. q. 3 a. 5 arg. 3
Praeterea, omnis actio terminatur ad aliquem actum, sicut et procedit ab aliquo
actu: nam omne agens agit in quantum actu est, et omne agens agit sibi simile
in natura. Sed materia prima est pura potentia. Ergo actio
creantis ad ipsam terminari non potest; et ita non omnia sunt a Deo creata. 3. Toute action se termine а l'acte, de mкme qu'elle procиde de l'acte:
car tout agent agit en tant qu'il est en acte et fait du semblable а lui dans
la nature. Mais la matiиre premiиre est pure puissance. Donc l'action du
crйateur ne peut pas se terminer а elle, et ainsi tout n'est pas crйй par Dieu. En sens contraire: q. 3 a. 5 s. c. Sed
contra. Est quod dicitur Rom. XI, 36: ex ipso et per ipsum et in ipso sunt
omnia. Il est dit en Rm. 11, 36: "Tout est de lui, par lui et en lui." Rйponse: q. 3 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum, quod secundum ordinem cognitionis humanae processerunt
antiqui in consideratione naturae rerum. Unde cum cognitio humana a sensu
incipiens in intellectum perveniat priores philosophi circa sensibilia fuerunt
occupati, et ex his paulatim in intelligibilia pervenerunt. Et quia
accidentales formae sunt secundum se sensibiles, non autem substantiales, ideo
primi philosophi omnes formas accidentia esse dixerunt, et solam materiam esse
substantiam. Et quia substantia sufficit ad hoc quod sit accidentium causa,
quae ex principiis substantiae causantur, inde est quod primi philosophi,
praeter materiam, nullam aliam causam posuerunt; sed ex ea causari dicebant
omnia quae in rebus sensibilibus provenire videntur; unde ponere cogebantur
materiae causam non esse, et negare totaliter causam efficientem. Les anciens[4] ont progressй dans la considйration
de la nature des choses selon l'ordre de la connaissance humaine. Ainsi, comme
la connaissance chez l'homme parvient а l'esprit en commenзant par les sens,
les premiers philosophes se sont occupйs du sensible et de lа, peu а peu, en
sont venus aux intelligibles. Et parce que les formes accidentelles sont du
domaine du sensible en soi, mais non les formes substantielles, les premiers
philosophes ont dit que toutes les formes йtaient des accidents, et que seule
la matiиre йtait une substance. Et parce que la substance suffit pour кtre la
cause des accidents qui sont causйs а partir de ses principes, les premiers philosophes
n'ont йtabli aucune autre cause, en dehors de la matiиre, mais ils disaient que
c'est d'elle qu'йtait causй tout ce qui semblait naоtre dans les choses
sensibles; c'est pourquoi ils йtaient forcйs de penser qu'il n'y avait pas de
cause pour la matiиre et forcйs de nier totalement la cause efficiente. Posteriores vero philosophi, substantiales formas
aliquatenus considerare coeperunt; non tamen pervenerunt ad cognitionem
universalium, sed tota eorum intentio circa formas speciales versabatur: et ideo
posuerunt quidam aliquas causas agentes, non tamen quae universaliter rebus
esse conferrent, sed quae ad hanc vel ad illam formam, materiam permutarent;
sicut intellectum et amicitiam et litem, quorum actionem ponebant in segregando
et congregando; et ideo etiam secundum ipsos non omnia entia a causa efficiente
procedebant, sed materia actioni causae agentis praesupponebatur. Les philosophes suivants commencиrent а considйrer jusqu'а un certain
point les formes substantielles. Ils ne parvinrent pas cependant а la
connaissance de l'universel mais toute leur pensйe йtait occupйe avec les
formes spйciales; et c'est pourquoi certains йtablirent des causes efficientes,
non cependant pour confйrer universellement l'кtre aux crйatures, mais pour
modifier la matiиre en une forme ou en une autre; comme l'intelligence,
l'amitiй et le procиs dont ils йtablissaient qu'ils agissaient par rйpulsion et
attraction; et c'est pourquoi, mкme selon eux, tous les кtres ne procйdaient
pas d'une cause efficiente, mais la matiиre йtait prйsupposйe а l'action de
cette cause efficiente. Posteriores vero philosophi, ut Plato, Aristoteles et eorum
sequaces, pervenerunt ad considerationem ipsius esse universalis; et ideo ipsi
soli posuerunt aliquam universalem causam rerum, a qua omnia alia in esse
prodirent, ut patet per Augustinum. Les philosophes suivants, comme Platon, Aristote et leurs disciples,
parvinrent а considйrer l'кtre universel mкme et c'est pourquoi eux seuls ont
йtabli une cause universelle des choses par laquelle toutes les autres
crйatures parviennent а l'кtre, comme le montre Augustin (La Citй de Dieu, VIII, 4). Cui quidem sententiae etiam Catholica fides consentit. Et
hoc triplici ratione demonstrari potest: quarum prima est haec. La foi catholique est d'accord avec cette opinion. Et on peut le
dйmontrer par trois raisons: Oportet enim, si aliquid unum communiter in pluribus
invenitur, quod ab aliqua una causa in illis causetur; non enim potest esse
quod illud commune utrique ex se ipso conveniat, cum utrumque, secundum quod
ipsum est, ab altero distinguatur; et diversitas causarum diversos effectus
producit. Cum ergo esse inveniatur omnibus rebus commune, quae secundum illud
quod sunt, ad invicem distinctae sunt, oportet quod de necessitate eis non ex
se ipsis, sed ab aliqua una causa esse attribuatur. Et ista videtur ratio
Platonis, qui voluit, quod ante omnem multitudinem esset aliqua unitas non
solum in numeris, sed etiam in rerum naturis. 1. Si on trouve quelque chose de commun а plusieurs кtres, il faut que
cela soit causй en eux par une cause unique[5]. Car il
n'est pas possible que ce qui est commun а l'un et а l'autre vienne
d'eux-mкmes, en tant que tels puisque l'un est distinguй de l'autre; et la
diversitй des causes produit des effets divers. Comme il se trouve que l'кtre
est commun а toutes les crйatures, qui selon ce qu'elles sont, sont distinctes
les unes des autres, il faut que nйcessairement l'кtre leur soit attribuй non
par elles-mкmes mais par une cause unique. Et cela paraоt кtre le raisonnement
de Platon qui voulut qu'avant toute multiplicitй, il y eut l'unitй non
seulement dans les nombres, mais encore dans la nature des choses . Secunda ratio est, quia, cum aliquid invenitur a pluribus
diversimode participatum oportet quod ab eo in quo perfectissime invenitur,
attribuatur omnibus illis in quibus imperfectius invenitur. Nam ea quae
positive secundum magis et minus dicuntur, hoc habent ex accessu remotiori vel
propinquiori ad aliquid unum: si enim unicuique eorum ex se ipso illud
conveniret, non esset ratio cur perfectius in uno quam in alio inveniretur;
sicut videmus quod ignis, qui est in fine caliditatis, est caloris principium
in omnibus calidis. Est autem ponere unum ens, quod est perfectissimum et
verissimum ens: quod ex hoc probatur, quia est aliquid movens omnino immobile
et perfectissimum, ut a philosophis est probatum. Oportet ergo quod
omnia alia minus perfecta ab ipso esse recipiant. Et haec est probatio philosophi. 2. Quand une chose se trouve participйe de diverses maniиres par
plusieurs, il faut que ce soit а partir du plus parfait oщ on la trouve qu'on
l'attribue а tout ce qui se trouve moins parfait. Car ces кtres qu'on dйsigne
positivement selon la plus ou le moins, le possиde d'une source plus йloignйe
ou plus proche pour un effet unique; car si cela convenait de soi а chacun
d'eux, il n'y aurait pas de raison pour qu'on le trouve plus parfait dans l'un
que dans l'autre. Ainsi nous voyons que le feu qui a pour but l'йchauffement
est principe de la chaleur dans les corps chauds. Il faut йtablir un кtre
unique qui est absolument parfait et absolument vrai, ce qui est prouvй par le
fait qu'il est un moteur, absolument immobile et absolument parfait, comme le
prouvent les philosophes. Il faut donc que tous les autres кtres qui sont moins
parfaits reзoivent de lui leur existence. C'est la preuve du philosophe (Mйtaphysique, II, 1, 993 b 23[6]). Tertia ratio est, quia illud quod est per alterum, reducitur
sicut in causam ad illud quod est per se. Unde si esset unus calor per se
existens, oporteret ipsum esse causam omnium calidorum, quae per modum
participationis calorem habent. Est autem ponere aliquod ens quod est ipsum
suum esse: quod ex hoc probatur, quia oportet esse aliquod primum ens quod sit
actus purus, in quo nulla sit compositio. Unde oportet quod ab uno illo ente
omnia alia sint, quaecumque non sunt suum esse, sed habent esse per modum
participationis. Haec est ratio Avicennae. 3. Ce qui existe par un autre est ramenй comme а sa cause а ce qui est
par soi. C'est pourquoi, s'il y avait une seule chaleur existant par soi, il
faudrait qu'elle soit la cause de tout ce qui est chaud, qui aurait la chaleur
par mode de participation. Mais c'est йtablir un йtant qui est son кtre propre.
On le prouve par le fait qu'il faut qu'il y ait un йtant premier qui soit acte
pur, en qui n'entre aucune composition. C'est pourquoi, il faut que tous les
autres qui ne sont pas leur кtre mais qui ont l'кtre par participation existent
а partir d'un йtant unique. C'est le raisonnement d'Avicenne (Mйtaphysique VIII, ch. 7 et IX, ch. 4[7]). Sic ergo ratione demonstratur et fide tenetur quod omnia
sint a Deo creata. Ainsi on dйmontre par la raison[8] et on tient par
la foi que tout a йtй crйй par Dieu. Solutions: q. 3 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet causa prima, quae Deus est, non intret
essentiam rerum creatarum; tamen esse, quod rebus creatis inest, non potest
intelligi nisi ut deductum ab esse divino; sicut nec proprius effectus potest
intelligi nisi ut deductus a causa propria. # 1. Bien que la cause premiиre, qui est Dieu, n'entre pas dans
l'essence des crйatures, cependant l'кtre qui est en elles ne peut кtre compris
que dйcoulant de l'кtre divin; de mкme que l'effet le plus proche ne peut кtre
compris que dйduit de sa propre cause[9] . q. 3 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ex hoc ipso quod quidditati esse attribuitur, non solum
esse, sed ipsa quidditas creari dicitur: quia antequam esse habeat, nihil est,
nisi forte in intellectu creantis, ubi non est creatura, sed creatrix essentia. # 2. Du fait que l'кtre est attribuй а la quidditй, on dit que non
seulement l'кtre mais la quidditй elle-mкme est crййe car avant d'avoir l'кtre,
elle n'est rien, sinon peut-кtre dans l'esprit du Crйateur oщ elle n'est pas
crйature, mais essence crйatrice . q. 3 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ratio illa probat, quod materia prima per se non creatur;
sed ex hoc non sequitur quod non creetur sub forma; sic enim habet esse in
actu. # 3. Cette raison prouve que la matiиre premiиre n'est pas crййe par
soi, mais il n'en dйcoule pas qu'elle ne soit pas crйe sous une forme, car
c'est ainsi qu'elle a l'кtre en acte.
[1] Parall.: Ia, qu. 44, a. 1-2 – Ia,
qu. 65, 1 – CG. II, 15 – II Sent. d1q1a2 - I Sent. d39q1a2 – Compendium.
ch. 68, Opus. XV, De
angelis, ch. 9 – Les noms divins,
ch. 5, 1. – Vernier p. 150 Ж. [2]
Proposition 4: "La premiиre des choses crййes est l'кtre et avant il n'y a
rien de crйй". [3]
La quidditй exprime l'essence ou la dйfinition d'une chose. [4]
Cette histoire de l'йlaboration du concept de cause efficiente, en grande
partie inspirй par Aristote est repris en plusieurs endroits de son oeuvre par
Thomas: Ia, qu. 44, a. 2; CG. II, 16; De subst. separ. Voir B. Decossas, Les exigences de la causalitй crйatrice, RThom II, 94, p. 242 et
notes. Rйp. 1 [5]
Appel au principe premier de la participation: "Si quelque chose se trouve
en un йtant par participation, il est nйcessaire qu'il ait йtй crйй par celui а
qui convient l'essence", “principe йvident par lui-mкme pour ceux qui sont
capables de le comprendre.” J.-H. Nicolas, Synthиse
dogmatique, p. 21. Cf. Ia, qu.
44, a. 1 c. [6]
Mйtaphysique 10. "La chose qui,
parmi les autres, possиde йminemment une nature est toujours celle dont les
autres choses contiennent en commun cette nature..." Thomas, lect. 2, n°
290 - 298 . Repris en Ia, q. 44, a. 1: “Ce qui est l'кtre et la vйritй absolue
est cause de tout кtre et de toute vйritй. Comme ce qui est chaud au maximum
est cause de toute chaleur”. (Ce dernier membre de phrase ne serait plus
acceptй aujourd'hui. Il a valeur dйmonstrative, selon les lois de la physique
de l'йpoque. Cf. De causis, 340. [7]
Repris en Ia, q. 44, a. 1 resp. Cf.
Parmйnide 164 c -165 e-. J.-M. Vernier, Thйologie
et mйtaphysique de la Crйation, p. 159. 2me argument du De Pot. causalitй dйpendance de
l'imparfait vis-а-vis du parfait. Cf. II
CG. 15, § 2. [8]
Thomas dйmontre par la mйtaphysique, "par la raison", la crйation. Il
le fait aussi en II Sent. d1q1a2,
mais il apporte une restriction а cette dйmonstration. [9]
Parce qu'une crйature est un кtre par participation, il en dйcoule qu'elle est
causйe par un autre. Donc un йtant de ce genre ne peut exister que s'il est
causй; de mкme qu'il n'y a pas d'homme qui ne soit douй du rire. Mais parce que
avoir une cause ne fait pas partie de la dйfinition de l'кtre dans l'absolu, on
trouve un кtre qui n'est pas causй. Cf. Ia,
q. 44, a. 1.
Article 6: N'y a-t-il qu'un seul principe de crйation?
q. 3 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum sit unum tantum creationis principium. Et videtur quod
non. Il semble que non[1].
Objections: q. 3 a. 6 arg. 1
Dicit enim Dionysius: non est causa mali bonum. Aliquod autem malum est in
mundo. Aut ergo est causatum ab aliqua causa quae non est bonum; aut nullo modo
est causatum, sed est causa prima; et utrolibet modo oportet ponere plura
creationis principia: nam constat primum principium creationis bonorum esse
bonum. 1. Car Denys dit (Les noms divins,
ch. 4, 14): "Le bien n'est pas la cause du mal[2]". Mais il y a du
mal dans le monde. Donc, ou il a une cause qui n'est pas le bien, ou alors il
n'est causй en aucune maniиre, mais il est la cause premiиre; et des deux
maniиres, il faut poser plusieurs principes de crйation; car il est clair que
le premier principe de crйation des biens est le bien.
q. 3 a. 6 arg. 2 Sed
diceretur, quod bonum non est causa mali per se, sed per accidens.- Sed contra,
omnis effectus qui est alicuius causae per accidens, est alterius causae per se;
cum omne per accidens ad per se reducatur. Si ergo malum est effectus boni per
accidens, erit per se effectus alicuius alterius; et sic idem quod prius. 2. Mais on pourrait dire que le bien n'est pas la cause du mal par soi,
mais par accident. – En sens contraire, tout effet qui dйpend d'une cause par
accident vient d'une autre cause par soi; puisque tout ce qui est par accident
est ramenй au par soi. Si donc le mal est l'effet du bien par accident, il sera
l'effet par soi de quelque chose d'autre, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 6 arg. 3
Praeterea, effectus causae per accidens, accidit praeter intentionem causae, et
non fit. Si ergo bonum est causa mali per accidens, sequeretur quod malum non
sit factum. Sed nihil est non creatum
nisi creationis principium, ut supra, art. praeced., ostensum est. Ergo
malum est creationis principium.
3. L'effet de la cause par accident arrive au-delа de l'intention de la
cause et il ne se fait pas. Donc si le bien est la cause du mal par accident,
il en dйcoulerait que le mal ne serait pas fait. Mais il n'y a rien qui ne soit
crйй sinon le principe de crйation[3], comme on l'a montrй ci-dessus, а
l'article prйcйdant. Donc le mal est un principe de crйation.
q. 3 a. 6 arg. 4
Praeterea, nullum nocumentum accidit in effectu praeter intentionem agentis,
nisi vel propter ignorantiam agentis qui non providet, vel propter impotentiam
quam vitare non potest. Sed in Deo, qui est creator boni, non est neque
impotentia neque ignorantia. Ergo malum, quod nocivum est, Dei effectibus non
potest praeter intentionem provenire. Nam Augustinus dicit, quod ideo dicitur
malum, quia nocet. 4. Aucun dommage n'arrive dans l'effet au-delа de l'intention de
l'agent, sinon а cause de l'ignorance de l'agent qui ne le prйvoit pas, ou а
cause d'une impuissance qu'il ne peut pas йviter. Mais en Dieu qui est le
crйateur du bien, il n'y a ni impuissance, ni ignorance. Donc le mal, qui est
nuisible, ne peut pas provenir par des effets qui dйpendent de Dieu au-delа de
son intention. Car Augustin dit (Enchiridion
III, 11) qu'on l'appelle mal parce qu'il nuit.
q. 3 a. 6 arg. 5
Praeterea, quod est per accidens est ut in paucioribus, ut habetur in II
Physic. Malum autem est ut in pluribus, ut habetur in II Topic. Ergo malum non
est ab aliqua causa per accidens.
5. Ce qui est par accident, est, pour ainsi dire, dans le plus petit
nombre, comme on le voit en Physique,
II, 5, 196 b 10[4]. Mais le mal est dans le plus grand nombre, comme on le lit
dans les Topiques (II, 6, 112 b 10[5] ). Donc le mal ne vient pas d'une cause
par accident.
q. 3 a. 6 arg. 6 Praeterea, malum, secundum
Augustinum, non habet causam efficientem sed deficientem. Sed causa
per accidens est causa efficiens. Ergo bonum non est causa mali per accidens. 6. Le mal, selon Augustin (Citй de Dieu, XII, 7) n'a pas une cause
efficiente, mais dйficiente. Mais la cause par accident est une cause efficiente.
Donc le bien n'est pas cause du mal par accident.
q. 3 a. 6 arg. 7
Praeterea, quod non est, non habet causam; quia quod non est, neque causa neque
causatum est. Sed malum nihil est, secundum Augustinum. Ergo malum non habet
aliquam causam nec per se nec per accidens. Falsum est ergo quod dicebatur,
quod bonum est causa mali per accidens. 7. Ce qui n'existe pas n'a pas de cause, parce que ce qui n'existe pas
n'est ni cause ni causй. Mais le mal n'est rien, selon Augustin (Sur Jean.
Tract. 1). Donc le mal n'a de cause ni par soi, ni par accident. Donc dire que
le bien est la cause du mal par accident, est faux.
q. 3 a. 6 arg. 8
Praeterea, secundum philosophum, illud cui aliquid inest per prius, est causa
omnium in quibus illud per posterius invenitur: sicut ignis est causa caloris
in omnibus calidis. Sed malitia per prius fuit in Diabolo. Ergo ipse est causa
malitiae in omnibus malis; et sic est unum principium omnium malorum, sicut et
bonorum.
8. Selon le philosophe (Mйtaphysique
II, 1, 993 b 23[6]), ce en quoi quelque chose est d'abord, est cause de tout ce
en quoi on le trouve ensuite; ainsi le feu est cause de la chaleur dans tout ce
qui est chaud. Mais la malice fut d'abord dans le diable. Donc lui-mкme est
cause de la malice dans tous les maux et ainsi il y a un principe de tous les
maux comme il y en a un de tous les biens.
q. 3
a. 6 arg. 9 Praeterea, secundum Dionysium, bonum contingit uno modo: sed malum
omnifariam. Malum ergo propinquius est ad esse quam bonum. Si ergo bonum est
natura aliqua indigens creatore, et malum etiam indigebit creatore; et sic idem
quod prius. 9. Selon Denys (Les noms divins,
ch. IV, 22[7]), le bien arrive d'une seule maniиre, le mal de toutes les
maniиres. Donc le mal est plus proche de l'кtre que le bien. Donc si le bien
est une nature qui a besoin d'un crйateur, le mal aussi en aura besoin et ainsi
de mкme que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 10
Praeterea, quod non est non potest esse genus nec species. Sed malum ponitur
genus. Dicitur enim in praedicamentis, quod bonum et malum non sunt in genere,
sed sunt genera aliorum. Ergo malum est ens: et sic indiget aliquo creante:
unde cum non creetur a bono, videtur quod oporteat aliquod malum ponere
creationis principium.
10. Cequi n'est pas ne peut pas кtre un genre ni une espиce. Mais le
mal est considйrй comme un genre. Car on dit dans les Catйgories (11, les
contraire 14 a 24) que le bien et le mal ne sont pas dans un genre, mais sont
les genres des autres. Donc le mal est un йtant, et ainsi il a besoin d'un
crйateur; c'est pourquoi comme il n'est pas crйй par le bien, il semble qu'il
faille considйrer un mal comme principe de crйation.
q. 3
a. 6 arg. 11 Praeterea, utrumque contrariorum est natura aliqua positive:
contraria enim sunt in eodem genere. Quod autem non
est, non potest esse in genere. Sed bonum et malum sunt contraria. Ergo est
natura aliqua; et sic idem quod prius. 11. L'un et l'autre des contraires sont positivement une certaine
nature; car les contraires sont dans un mкme genre. Ce qui n'existe pas ne peut
pas кtre dans un genre. Mais le bien et le mal sont des contraires. Donc c'est
une nature et ainsi de mкme que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 12
Praeterea, differentiae constitutivae speciei significant naturam aliquam; unde
uno modo natura est unumquodque informans specifica differentia, ut Boetius
dicit. Sed malum est differentia constitutiva speciei alicuius: bonum enim et
malum sunt differentiae habituum. Ergo malum est natura aliqua; et sic idem
quod prius.
12. Les diffйrences constitutives de l'espиce indiquent une certaine
nature; c'est pourquoi d'une maniиre la nature est une diffйrence spйcifique
qui donne forme а chaque chose, comme Boиce le dit (Les deux natures, 1[8]).
Mais le mal est la diffйrence constitutive d'une espиce; car le bien et le mal
sont des diffйrences de maniиre d'кtre. Donc le mal est une nature et ainsi de
mкme que plus haut.
q. 3
a. 6 arg. 13 Praeterea, Eccli. XXXIII, 15: contra malum bonum
est, et contra vitam mors, sic et contra virum iustum peccator. Si ergo est
unum creationis principium bonum, oportet esse aliud malum quod sit ei
contrarium. 13. En Eccl[9] 33, 15, on lit: "Le bien est contre le mal, la mort
contre la vie, et ainsi le pйcheur contre le juste". Donc s'il y a un bon
principe de crйation, il faut qu'il en ait un autre mauvais qui lui est
contraire.
q. 3 a. 6 arg. 14
Praeterea, intentio et remissio dicuntur per respectum ad aliquem terminum. Sed
invenitur aliquid esse alio peius. Ergo oportet inveniri aliquid quod sit
pessimum, in quo sit malorum terminus: et illud oportet esse principium omnium
malorum, sicut summum bonum est principium bonorum. 14. On parle d'intensitй et de diminution par rapport а un terme. Mais
on trouve une chose plus mauvaise qu'une autre. Donc, il faut trouver quelque
chose qui soit trиs mauvais en qui est le terme des maux; et il faut que cela
soit le principe de tous les maux, comme le bien suprкme est le principe des
biens.
q. 3 a. 6 arg. 15 Praeterea, Matth. VII, 18,
dicitur: non potest arbor bona fructus malos facere. Aliquid autem invenitur
esse malum in mundo. Ergo non potest esse fructus, id est effectus, causae
bonae, quae per arborem bonam significatur; et sic oportet quod omnium malorum
sit causa aliquod primum malum. 15. En Matthieu (8, 18) on lit: "Le bon arbre ne peut pas produire
de mauvais fruits". Mais on trouve qu'il y a du mal dans le monde. Donc ce
ne peut pas кtre le fruit, c'est-а-dire l'effet d'une bonne cause qui est
signifiйe par l'arbre bon, et ainsi il faut que la cause de tous les maux soit
quelque mal premier.
q. 3 a. 6 arg. 16
Praeterea, Genes. I, 2, dicitur quod in principio creationis rerum erant
tenebrae super faciem abyssi. Sed a bono, quod habet naturam lucis, non potest
esse creatio tenebrarum. Ergo creatio quae
ibi describitur, non est a bono principio, sed a malo. 16. En Genиse 1, 2, on dit que, au commencement de la crйation, il y
avait les tйnиbres sur la surface de l'abоme. Mais а partir du bien, qui a la
nature de la lumiиre, il ne peut y avoir crйation de tйnиbres. Donc la crйation
qui est ici dйcrite, ne vient pas du principe du bien mais de celui du mal.
q. 3 a. 6 arg. 17
Praeterea, omne quod exit ab aliquo, attestatur ei a quo exit, in quantum est
ei simile. Sed malum nullo modo attestatur Deo, nec habet in ipso aliquam
similitudinem. Ergo non potest esse ab ipso, sed ab alio principio. 17. Tout ce qui sort de quelque chose atteste ce dont il sort, dans la
mesure oщ il lui est semblable. Mais le mal n'atteste Dieu en aucune maniиre,
et il n'a pas de ressemblance avec lui. Donc il ne peut venir de lui, mais il
vient d'un autre principe.
q. 3 a. 6 arg. 18
Praeterea, nihil exit ab aliquo, nisi quod est in ipso in potentia. Sed malum
non est in Deo nec in actu nec in potentia. Ergo non est a Deo; et sic idem
quod prius. 18. Rien ne sort de quelque chose qu'il n'y soit en puissance. Mais le
mal n'est en Dieu, ni en acte, ni en puissance. Donc il ne vient pas de Dieu et
ainsi c'est pareil que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 19
Praeterea, sicut generatio est motus naturalis, ita et corruptio. Sed corruptio
terminatur ad privationem, sicut generatio ad formam. Ergo sicut forma
inducitur ex intentione naturae, ita et privatio: et sic oportet quod malum,
quod est privatio, habeat aliquam causam agentem per se, sicut et forma. 19. La gйnйration est un mouvement naturel, la corruption aussi. Mais
la corruption se termine а la privation, comme la gйnйration а la forme. Donc
la forme est induite par l'intention de la nature, de mкme la privation, et
ainsi il faut que le mal, qui est privation, ait une cause agente par soi, comme
la forme.
q. 3 a. 6 arg. 20
Praeterea, omne agens, agit ex praesuppositione primi agentis. Sed liberum
arbitrium, cum peccat, non agit ex praesuppositione divinae actionis: nam
aliquod peccatum est, sicut fornicatio vel adulterium, quod non potest a sua
deformitate separari, quae non potest esse a Deo. Ergo oportet quod liberum
arbitrium sit primum agens, vel quod reducatur ad aliquod aliud primum agens
quam Deum. 20. Tout agent agit et prйsuppose un premier agent. Mais quand le libre
arbitre pиche, il n'agit pas avec la prйsupposition de l'action divine, car un
pйchй, comme la fornication ou l'adultиre, ne peut pas кtre sйparй de sa
difformitй, qui ne peut pas venir de Dieu. Donc il faut que le libre arbitre
soit le premier agent, ou qu'il soit ramenй а un premier agent autre que Dieu.
q. 3 a. 6 arg. 21
Sed diceretur, quod substantia actus peccati est a Deo, non autem deformitas.-
Sed contra est quod Commentator dicit: impossibile est unius agentis actionem
terminari ad materiam, et alterius ad formam. Sed deformitas est quasi forma
actus peccati. Ergo non potest esse deformitas peccati ab uno auctore, et
substantia ab alio.
21. Mais on pourrait dire que la nature du pйchй vient de Dieu, mais
pas la difformitй. En sens contraire le commentateur (Mйtaphysique VII, 28) dit: "Il est impossible que l'acte d'un
seul agent se termine а la matiиre et celle d'un autre а la forme". Mais
la difformitй est pour ainsi dire la forme de l'acte du pйchй. Donc sa
difformitй ne peut pas venir d'un auteur et sa nature d'un autre.
q. 3
a. 6 arg. 22 Praeterea, ab uno simplici non procedit nisi simplex. Sed Deus est
omnino simplex. Ergo huiusmodi composita non sunt ab ipso, sed ab alio auctore. 22. D'une chose simple ne peut procйder que du simple. Mais Dieu est
tout а fait simple. Donc les composйs de ce genre ne viennent pas de lui mais
d'un autre crйateur.
q. 3 a. 6 arg. 23
Praeterea, macula aliquid ponit in anima: si enim esset gratiae privatio solum,
tunc per quodlibet peccatum mortale homo haberet maculam omnium peccatorum. Sed
macula peccati non est a Deo, cum Deus non sit illius rei auctor cuius est
ultor, secundum Fulgentium, et cum non sit ab aeterno, oportet quod habeat
causam. Ergo oportet reducere in aliquam causam primam, quae non est Deus. 23. Une souillure laisse une trace dans l'вme: car si elle йtait
privation de la grвce seulement, alors par n'importe quel pйchй mortel, l'homme
aurait la souillure de tous les pйchйs. Mais la souillure du pйchй ne vient pas
de Dieu, puisqu'il n'en est pas l'auteur, mais le vengeur, selon Fulgence (liv.
1 а Monime) et comme elle n'est pas йternelle, il faut qu'elle ait une cause.
Donc il faut la ramener а une cause premiиre qui n'est pas Dieu.
q. 3
a. 6 arg. 24 Praeterea, Eccle. III, 14, dicitur: didici quod omnia opera quae fecit
Deus, perseverant in aeternum. Haec autem corruptibilia in aeternum non
perseverant. Ergo non sunt opera Dei, sed
oportet ea reducere in aliud principium. 24. En Eccl. (Qo) 3, 14, on lit:"J'ai appris que toutes les
oeuvres que Dieu a faites, demeurent йternellement". Mais ce qui est
corruptible ne demeure pas йternellement. Donc elles ne sont pas les oeuvres de
Dieu, mais il faut les ramener а un autre principe.
q. 3 a. 6 arg. 25
Praeterea, omne agens agit sibi simile. Sed huiusmodi corpora corruptibilia non
sunt Deo similia: nam Deus spiritus est, ut habetur Ioan. IV 24. Ergo huiusmodi
corruptibilia non sunt a Deo; et sic idem quod prius. 25. Tout agent fait du semblable а lui, Mais les corps corruptibles de
ce genre ne sont pas semblables а Dieu, car "Dieu est esprit", comme
on le lit en Jn 4, 24. Donc les corruptibles de ce genre ne viennent pas de
Dieu, et ainsi c'est pareil que plus haut.
q. 3 a. 6 arg. 26
Praeterea, natura semper fecit quod melius est, secundum philosophum et hoc ex
bonitate naturae provenit. Sed bonitas Dei est
perfectior quam naturae. Ergo Deus facit aliquid quanto melius potest. Sed
meliora sunt spiritualia corporalibus. Ergo corporalia non facit Deus; quia si
fecisset Deus ea, dedisset eis spiritualem bonitatem; et sic relinquitur quod
oportet ponere plura creationis principia.
26. La nature a toujours fait le meilleur, selon le philosophe (Du
ciel, 2, texte 34) et cela provient de la bontй de la nature. Mais la bontй de
Dieu est plus parfaite que celle de la nature. Donc Dieu fait quelque chose du
mieux qu'il peut. Mais les кtres spirituels sont meilleurs que les кtres
corporels. Donc Dieu ne les a pas faits, parce que, s'il les avait faits, il
leur aurait donnй la bontй spirituelle et ainsi il en dйcoule qu'il faut
йtablir plusieurs principes de crйation.
En sens contraire: q. 3 a. 6 s. c. 1
Sed contra. Est quod habetur Isai. XLV, vers. 6: ego dominus, et non est alter
Deus, formans lucem et creans tenebras, faciens pacem et creans malum; ego
dominus faciens omnia haec. 1. On lit en Isaпe 45, 10: "Je suis le Seigneur, et il n'y a pas
d'autre Dieu; je forme la lumiиre, je crйe les tйnиbres, je fais la paix et je
crйe le malheur; je suis le Seigneur qui fait tout cela[10]."
q. 3 a. 6 s. c. 2
Praeterea, malum non radicatur nisi in natura boni, ut manifestat Dionysius.
Hoc autem non esset, si malum haberet contrarium creationis principium ei qui
creat bona: alias principium malorum esset potentius quam principium bonorum,
ex quo in ipsis bonis effectum suum induceret. Ergo malum non est ab aliquo
alio creationis principio quam bonum. 2. Le mal ne prend racine que dans la nature du bien, comme le montre
Denys (Les noms divins, ch. 4[11]).
Mais cela n'arriverait pas si le mal avait un principe de crйation contraire а
celui qui crйe les biens, autrement le principe des maux serait plus puissant
que le principe des biens, de lа, il produirait son effet dans les biens mкme.
Donc le mal ne vient pas d'un autre principe de crйation que le bien.
q. 3 a. 6 s. c. 3
Praeterea, philosophus probat, esse unum primum motorem. Hoc autem non esset,
si essent diversa creationis principia prima: nam unum principium non
gubernaret nec moveret creaturas alterius principii sibi contrarii. Non est
ergo nisi unum tantum creationis principium.
3. Le philosophe prouve (Physique
VIII, 5, 256 a 13 ss.[12]) qu'il y a un seul premier moteur. Mais cela ne
serait pas s'il y avait diffйrents principes premiers de crйation: car un seul
principe ne gouvernerait ni me mettrait en mouvement les crйatures d'un autre principe
qui lui serait contraire. Donc il n'y qu'un seul principe de crйation.
Rйponse: q. 3 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut dictum est, antiqui philosophi specialia
principia tantum naturae considerantes, ex consideratione materiae in hunc errorem
devenerunt, quod non omnia naturalia creata esse credebant: ita quod ex
consideratione contrariorum, quae cum materia ponuntur principia in natura,
devenerunt in hoc ut rerum duo prima principia constituerent: et hoc propter
triplicem defectum qui eis aderat in contrariorum consideratione. Comme on l'a dit (art. prйc.), les anciens philosophes en s'en tenant
seulement aux principes spйciaux de la nature, du fait de la considйration de
la matiиre, tombиrent dans cette erreur qu'ils ne croyaient pas que tout ce qui
est naturel avait йtй crйй; de sorte que, de la considйration des contraires,
qui sont placйs comme principes avec la matiиre dans la nature, il en
arrivиrent а constituer deux premiers principes des choses et cela а cause de
trois erreurs, qui leur йtaient venues en considйrant les contraires.
Primus erat, quia contraria considerabant secundum hoc tantum quod
diversa sunt ex natura speciei, non autem secundum quod est aliquid unum in eis
ex natura generis, licet contraria in eodem genere sint: unde non attribuebant
eis causam secundum id in quo conveniunt, sed secundum hoc in quo differunt: et
propter hoc in duo prima contraria, sicut in duas primas causas, omnia
contraria reduxerunt, ut habetur in I Physic. Sed inter eos Empedocles prima
contraria etiam primas causas agentes posuit, scilicet amicitiam et litem: et
hic, ut habetur I Metaph., primo posuit bonum et malum principia.
La premiиre, parce qu'ils considйraient les contraires seulement du
fait qu'ils sont diffйrents par la nature de l'espиce, et non selon une unicitй
en eux qui vient de la nature du genre, bien que les contraires soient dans un
mкme genre: c'est pourquoi ils ne leur attribuиrent pas une cause en raison de
leur ressemblance, mais en raison de leur diffйrence et а cause de cela, ils
ramenиrent tous les contraires а deux premiers contraires, comme а deux
premiиres causes, comme on le lit en Phys. I, 5, 188 a 19 ss[13]. Mais parmi
eux, Empйdocle plaзa mкme, comme causes premiиres efficientes, des contraires
premiers, а savoir l'amitiй et le procиs, et, comme on le lit en Mйtaphysique (I, 4, 985 a 17 ss), il y
йtablit d'abord le bien et le mal comme principes.
Secundus defectus fuit, quia utrumque contrariorum aequaliter
iudicabant; cum tamen oporteat semper duorum contrariorum unum esse cum
privatione alterius: et propter hoc unum est perfectum et aliud imperfectum, et
unum melius et aliud peius, ut habetur I Phys. Et exinde provenit quod tam
bonum quam malum, quae videbantur esse generaliora contraria, ponebant quasi
quasdam naturas diversas. Et inde fuit quod Pythagoras posuit duo genera rerum,
scilicet bonum et malum; et in genere boni posuit omnia perfecta, ut lucem,
masculum, quietem et huiusmodi; et in genere mali posuit omnia imperfecta, ut
tenebras, feminam et huiusmodi. La seconde erreur fut qu'ils jugeaient chacun des contraires а йgalitй,
alors que cependant il faut toujours que l'un des deux contraires soit avec la
privation de l'autre; et pour cela l'un est parfait et l'autre imparfait, l'un
est meilleur et l'autre plus mauvais, comme on le dit en Physique I, 5, 189 a 3. Et de lа vient qu'ils considйraient le bien
autant que le mal, qui paraissaient кtre des contraires plus gйnйraux, comme
des natures diffйrentes. Et c'est pour cela que Pythagore a йtabli deux genres,
а savoir le bien et le mal et dans le genre du bien il plaзa tout ce qui est
parfait, comme la lumiиre, le mвle, le repos etc, et dans le genre du mal tout
ce qui est imparfait comme les tйnиbres, la femme, etc.
Tertius defectus fuit, quia iudicaverunt de rebus secundum quod in se
considerantur tantum, vel secundum ordinem unius rei ad aliam rem particularem,
non autem in comparatione ad totum ordinem universi. Et inde est quod si
invenerunt aliquam rem esse alteri nocivam, vel esse in se imperfectam respectu
aliarum perfectarum, iudicaverunt eam simpliciter malam secundum naturam suam,
et non ducere originem a causa boni. Et propterea Pythagoras feminam, quae est
quid imperfectum, posuit in genere mali. La troisiиme erreur vient de ce qu'ils jugиrent des choses selon
qu'elles sont considйrйes en soi seulement, ou selon le rapport d'une chose
particuliиre а une autre, mais pas en comparaison а tout l'ordre de l'univers.
Et c'est pour cela, que s'ils trouvиrent une chose nocive pour une autre, ou
imparfaite en soi par rapport aux autres qui йtaient parfaites, ils jugиrent
qu'elle йtait absolument mauvaise selon sa nature et ne tirait pas son origine
de la cause du bien. C'est pour cette raison que Pythagore plaзa la femme, qui
est quelque chose d'imparfait, dans le genre du mal.
Et ex hac radice provenit quod Manichaei corruptibilia, quae respectu
incorruptibilium; et visibilia, quae respectu invisibilium; et vetus
testamentum, quod respectu novi testamenti, imperfecta sunt, non posuerunt esse
a Deo bono, sed a contrario principio. Et praecipue, cum viderent alicui
creaturae bonae, utpote homini, provenire aliquod nocumentum ex aliquibus
visibilium et corruptibilium creaturarum. C'est а partir de lа que les Manichйens ont pensй que le corruptible
par rapport а l'incorruptible, le visible а l'invisible, l'Ancien Testament au
Nouveau, sont imparfaits et ne viennent pas du Dieu bon , mais d'un principe
contraire. Et surtout, quand ils virent que, pour une crйature bonne, а savoir
l'homme, le mal venait de quelques-unes des crйatures visibles et corruptibles.
Hic autem error est omnino impossibilis; sed oportet omnia reducere in
unum principium primum, quod est bonum: quod quidem tribus rationibus
ostenditur ad praesens. Cette erreur est tout а fait inadmissible. Il faut tout ramener а un
seul principe premier qui est le bien, ce qu'on montre а prйsent par trois
raisons:
Quarum prima est, quia in quibuscumque diversis invenitur aliquid unum
commune, oportet ea reducere in unam causam quantum ad illud commune, quia vel
unum est causa alterius, vel amborum est aliqua causa communis. Non enim potest
esse quod illud unum commune utrique conveniat secundum illud quod proprie
utrumque eorum est, ut in praecedenti quaestione, art. praec., est habitum.
Omnia autem contraria et diversa, quae sunt in mundo, inveniuntur communicare
in aliquo uno, vel in natura speciei, vel in natura generis, vel saltem in
ratione essendi: unde oportet quod omnium istorum sit unum principium, quod est
omnibus causa essendi. Esse autem, in quantum huiusmodi, bonum est: quod patet
ex hoc quod unumquodque esse appetit, in quo ratio boni consistit, scilicet
quod sit appetibile; et sic patet quod supra quaslibet diversas causas oportet
ponere aliquam causam unam, sicut etiam apud naturales supra ista contraria
agentia in natura ponitur unum agens primum scilicet caelum, quod est causa
diversorum motuum in istis inferioribus. Sed quia in ipso caelo invenitur situs
diversitas in quam sicut in causam reducitur inferiorum corporum contrarietas,
ulterius oportet reducere in primum motorem, qui nec per se nec per accidens
moveatur. Secunda ratio est, quia omne agens agit secundum quod actu est, et
per consequens secundum quod est aliquo modo perfectum. La premiиre: parce que, si dans les diffйrentes choses on trouve
quelque chose de commun, il faut les ramener а une seule cause pour ce qui est
commun, parce que ou l'un est la cause de l'autre ou il y a une cause commune
des deux. Car il n'est pas possible que cette chose unique commune convienne а
l'une et l'autre selon ce qui est proprement l'un d'eux, comme dans l'article
prйcйdent (qu. 3, a. 5, corps de l'article) on l'a dit. Mais tout ce qui est
contraire ou divers dans le monde se trouve avoir un rapport commun en une
chose unique, soit dans la nature de l'espиce, soit dans celle du genre, soit
rarement dans sa raison d'кtre: c'est pourquoi il faut qu'il y ait un principe
unique de toutes ces choses qui est pour tous la cause d'кtre. Mais l'кtre en
tant que tel est bon; ce qui apparaоt du fait que toute chose dйsire кtre, ce
en quoi consiste la raison du bien, а savoir qu'il est dйsirable, et ainsi il
apparaоt que, au-dessus de certaines causes diffйrentes, il faut placer une
cause unique, comme chez les Naturalistes, au-dessus de ces agents contraires,
on place dans la nature un seul agent premier, а savoir le ciel, qui est la
cause des diffйrents mouvements dans les кtres infйrieurs. Mais, parce que dans
le ciel mкme on trouve la diversitй du lieu, oщ l'opposition des corps
infйrieurs est ramenйe comme а une cause, il faut la ramener par la suite а un
premier moteur, qui n'est mы ni par soi, ni par accident.
Secundum autem quod malum est, non est actu, cum unumquodque dicatur
malum ex hoc quod potentia est privata proprio et debito actu. Secundum vero
quod actu est unumquodque, bonum est: quia secundum hoc habet perfectionem et
entitatem, in qua ratio boni consistit. Nihil ergo agit in quantum malum est,
sed unumquodque agens agit in quantum bonum est. Impossibile est ergo ponere
aliud activum rerum principium nisi bonum. Et cum omne agens agat sibi simile,
nihil etiam fit nisi secundum quod actu est; ac per hoc, secundum quod bonum
est. Ex utraque ergo parte positio est impossibilis qua ponitur malum esse
principium creationis malorum. Et huic rationi concordant verba Dionysii qui
dicit, quod malum non agit nisi virtute boni, et quod malum est praeter
intentionem et generationem.
La seconde raison vient de ce que tout agent agit selon qu'il est en
acte et par consйquent selon qu'il est parfait de quelque maniиre. En tant que
mal, il n'est pas en acte, puisque on appelle mal ce dont la puissance est
privйe d'acte propre et normalement dы. Mais selon qu'une chose est en acte,
elle est bonne, parce que, ainsi, elle a la perfection et l'entitй, en quoi consiste
la raison du bien. Donc rien n'agit en tant qu'il est un mal, mais chaque agent
agit en tant qu'il est bon. Donc il est impossible de placer un principe actif
des chose, sinon bon. Et puisque tout agent fait du semblable а soi, rien n'est
fait que selon qu'il est en acte et de ce fait, selon qu'il est bon. Donc des
deux cфtйs, cette opinion d'aprиs laquelle on pense que le mal est un principe
de crйation des maux est impossible. Et les paroles de Denys (Les noms divins, ch. 4) sont en accord
avec cette raison, lui qui dit que le mal n'agit que par le pouvoir du bien et
que le mal est au-delа de l'intention et de la gйnйration.
Tertia ratio est, quia, si diversa entia essent omnino a contrariis
principiis in unum principium non reductis, non possent in unum ordinem
concurrere nisi per accidens. Ex multis enim non fit coordinatio nisi per
aliquem ordinantem, nisi forte multa casualiter in idem concurrant. Videmus
autem corruptibilia et incorruptibilia, spiritualia et corporalia, perfecta et
imperfecta in unum ordinem concurrere. Nam spiritualia movent corporalia, quod
ad minus in homine apparet. Corruptibilia etiam per corpora incorruptibilia
disponuntur, sicut patet in alterationibus elementorum a corporibus
caelestibus. Nec potest dici, quod haec casualiter eveniant, nam non
contingeret ita semper vel in maiori parte, sed solum in paucioribus. Oportet
ergo omnia ista diversa in aliquod unum primum principium reducere a quo in
unum ordinantur: unde philosophus concludit quod unus est principatus. Troisiиme raison: si des кtres йtaient tout а fait diffйrents des
principes contraires non ramenйes а l'unitй, ils ne pourraient concourir а un
ordre unique que par accident. Car il n'y a coordination de plusieurs choses
que par quelque chose qui ordonne, а moins que par hasard elles ne s'accordent
dans le mкme par une cause. Mais nous voyons que les кtres corruptibles et
incorruptibles, spirituels et corporels, parfaits et imparfaits concourent а un
seul ordre. Car les кtres spirituels meuvent les кtres corporels, ce qui
apparaоt au moins dans l'homme. Ce qui est corruptible aussi est disposй par
les corps incorruptibles, comme cela apparaоt dans les altйrations des йlйments
par les corps cйlestes. Et on ne peut pas dire que cela arrive causalement, car
cela n'arriverait pas toujours ainsi ou la plupart du temps, mais seulement
dans des cas moins nombreux. Il faut donc ramener toutes ces choses diffйrentes
а un premier principe par lequel elles sont ordonnйes а l'unitй: c'est pourquoi
le Philosophe (Mйtaphysique XII, 4,
1070 a 31 et XII, 6 premier moteur) conclut qu'il n'y a qu'une seule
origine[14].
Solutions: q. 3 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod malum, sicut supra ostensum est, cum non sit ens,
sed defectus entis, non potest esse per se loquendo, factum; et pro tanto dicit
Dionysius, quod bonum non est causa mali; non autem ad hoc quod malum in causam
primam reducatur. # 1. Puisque le mal, comme on l'a montrй, n'est pas un кtre mais une
dйfaillance de l'кtre, il ne peut pas кtre а proprement parler fait par soi, et
pour autant Denys dit que le bien n'est pas cause du mal, mais ce n'est pas
pour cela qu'il est ramenй а une cause premiиre.
q. 3 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod obiectio illa procedit de effectu qui potest per se
causam habere. Tale autem non est malum: unde nec proprie effectus dici potest. # 2. Cette objection procиde de l'effet qui peut avoir une cause par
soi. Mais tel n'est pas le mal, c'est pourquoi on ne peut pas а proprement
parler d'effet.
q. 3 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod, malum est incidens effectibus; sed non est factum, per
se loquendo; quod ex hoc patet quod non est intentum. Nec tamen sequitur quod
sit primum principium, nisi cum hoc adderetur quod malum esset natura quaedam.
Sicut enim malum per hoc quod non est ens, sed entis privatio, caret propria
ratione effectus; ita et multo amplius caret ratione causae, ut probatum est.
# 3. Le mal arrive dans les effets, mais il n'est pas fait а proprement
parler, ce qui apparaоt du fait qu'il n'est pas recherchй. Et cependant il n'en
dйcoule pas qu'il soit premier principe, sauf si on ajoutait que le mal serait
une certaine nature. Car de mкme que le mal, du fait qu'il n'est pas un кtre
mais une privation d'кtre, est privй de la nature propre de l'effet, de mкme il
est beaucoup plus privй de celle d'une cause, comme on l'a prouvй.
q. 3 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod, secundum Augustinum, Deus est adeo bonus quod numquam
aliquod malum esse permitteret, nisi esset adeo potens quod de quolibet malo
posset elicere bonum. Unde nec propter impotentiam nec propter ignorantiam Dei
est quod mala in mundo proveniunt; sed est ex ordine sapientiae suae et
magnitudine bonitatis, ex qua provenit quod multiplicantur diversi gradus
bonitatis in rebus; quorum multi deficerent, si nullum malum esse permitteret;
non enim esset bonum patientiae, nisi accidente malo persecutionis; nec esset
bonum conservationis vitae in leone, nisi esset malum corruptionis in
animalibus ex quibus vivit. # 4. Selon Augustin (Enchiridion,
ch. 1) Dieu est si bon qu'il ne permettrait jamais qu'il y ait un mal, s'il
n'йtait pas assez puissant pour pouvoir en tirer un bien. C'est pourquoi ce
n'est pas а cause de l'impuissance ni de l'ignorance de Dieu que le mal se
trouve dans le monde, mais de l'ordre de sa sagesse et de la grandeur de sa
bontй, que les diffйrents degrйs de bontй sont multipliйs dans les кtres, dont
beaucoup manqueraient s'il ne permettait aucun mal, car il n'y aurait pas le
bien de la patience sans le mal de la persйcution, ni celui de la conservation
de la vie dans le lion sans le mal de la corruption dans les animaux dont il
vit.
q. 3 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod malum nunquam invenitur nisi in paucioribus, si
referuntur effectus ad causas proprias: quod quidem in naturalibus patet. Nam
peccatum vel malum non accidit in actione naturae, nisi propter impedimentum
superveniens illi causae agenti; quod quidem non est nisi in paucioribus, ut
sunt monstra in natura, et alia huiusmodi. In voluntariis autem magis videtur
malum esse ut in pluribus quantum ad factibilia, in quantum ars non deficit
nisi ut in paucioribus, imitatur enim naturam. In agibilibus autem, circa quae
sunt virtus et vitium, est duplex appetitus movens, scilicet rationalis et
sensualis; et id quod est bonum secundum unum appetitum, est malum secundum
alterum, sicut prosequi delectabilia est bonum secundum appetitum sensibilem,
qui sensualitas dicitur, quamvis sit malum secundum appetitum rationis. Et quia
plures sequuntur sensus quam rationem, ideo plures inveniuntur mali in hominibus
quam boni. Sed tamen sequens appetitum rationis in pluribus bene se habet, et
non nisi in paucioribus male. # 5. On ne trouve jamais le mal que dans le plus petit nombre, si les
effets sont rapportйs а leurs causes propres, ce qui apparaоt chez les Naturalistes.
Car le pйchй ou le mal n'arrive dans l'action de la nature qu'а cause de
l'empкchement qui survient а cette cause efficiente, ce qui n'arrive que dans
le plus petit nombre, comme les monstres dans la nature, etc.. Mais dans les
actes volontaires, le mal semble кtre comme dans le plus grand nombre pour ce
qui peut кtre fait; en tant qu'art, il ne dйfaille que comme dans le plus petit
nombre, car il imite la nature. Dans les actes qui concernent la vertu et le
vice, il y a un double appйtit qui meut, а savoir l'appйtit rationnel et
l'appйtit sensuel; et ce qui est bon selon l'un est mal selon l'autre, ainsi
poursuivre ce qui est dйlectable est bien selon l'appйtit sensible, appelй
sensualitй, quoique ce soit un mal selon l'appйtit de la raison. Et parce que
ceux qui suivent les sens sont plus nombreux que ceux qui suivent la raison, on
trouve parmi les hommes plus de mauvais que de bons. Mais cependant celui qui
suit l'appйtit de la raison se comporte bien en des cas plus nombreux et mal en
des cas moins nombreux[15].
q. 3 a. 6 ad 6 Ad sextum dicendum, quod duplex
est causa per accidens. # 6. La cause par accident est double.
Una quae aliquid operatur ad effectum; sed dicitur causa eius per
accidens, quia praeter intentionem ille effectus a tali causa sequitur; sicut
patet in eo qui fodiendo sepulcrum, invenit thesaurum. a) L'une qui agit sur l'effet, mais on l'appelle cause par accident
parce que cet effet dйpend d'une telle cause au-delа de l'intention, comme on
le voit pour celui qui en creusant un sйpulcre trouve un trйsor.
Alia causa per accidens est quae nihil operatur ad effectum; sed ex eo
quod accidit causae agenti, causa per accidens nominatur; sicut album dicitur
esse causa domus per accidens, eo quod accidit aedificatori. b) L'autre cause par accident est celle qui n'opиre rien pour l'effet,
mais du fait que cela arrive а la cause efficiente, elle est appelйe cause par
accident; ainsi on dit que le blanc est cause de la maison par accident parce
que cela arrive au bвtisseur.
Similiter duplex est effectus per accidens De mкme l'effet par accident est double.
Unus ad quem potest terminari actio causae, licet praeter eius
intentionem accidat, sicut inventio thesauri; et talis effectus licet sit
huiusmodi causae per accidens, potest esse alterius causae effectus per se. Hoc
autem modo malum non habet causam per accidens; quia, sicut iam dictum est, non
potest esse terminus alicuius actionis.
a) L'un auquel peut se terminer l'action de la cause, bien qu'il arrive
au-delа de l'intention, comme la dйcouverte d'un trйsor, et un tel effet, bien
qu'il dйpende d'une telle cause par accident peut кtre l'effet par soi d'une
autre cause. Mais de cette maniиre le mal n'a pas de cause par accident parce
que, comme on l'a dйjа dit, il ne peut pas кtre le terme d'une action.
Alius effectus per accidens est ad quem non terminatur actio alicuius
agentis; sed ex eo quod accidit effectui, effectus per accidens nominatur;
sicut album accidens domui, potest dici effectus per accidens aedificatoris; et
sic nihil prohibet malum habere causam per accidens. b) L'autre effet par accident est celui auquel ne se termine pas
l'action de l'agent, mais du fait qu'il est accidentel pour l'effet, on
l'appelle effet par accident; comme le blanc, accident pour la maison peut кtre
appelй effet par accident du bвtisseur et ainsi rien n'interdit que le mal ait
une cause par accident.
q. 3 a. 6 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod malum licet non sit natura aliqua, non est tamen
negatio pura, sed est privatio; quae secundum philosophum est negatio alicui
subiecto inhaerens: nam privatio est negatio in substantia; unde ex hoc ipso
quod accidit alicui, potest ei causa per accidens assignari modo praedicto.
# 7. Bien que le mal ne soit pas une substance naturelle, il n'est
cependant pas nйgation pure, mais privation, qui, selon le philosophe, est une
nйgation inhйrente а un sujet: car (selon lui, IV Mйtaphysique, 22) la privation est nйgation dans la substance;
c'est pourquoi du fait que cela arrive а une chose, la cause par accident peut
lui кtre assignйe de la maniиre dont on a parlй.
q. 3 a. 6 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod malum per prius inest Diabolo quam aliis, tempore, non
natura, quasi malitia sit eius essentia vel accidens ex principiis propriae
naturae derivatum. Nec obstat, si ipse est aliis peior, cum hoc non sit propter
connaturalitatem malitiae ad ipsum, sed per accidens, quia amplius peccavit.
Illa autem principia aliorum sunt de quibus aliquid maxime dicitur per se, et
non secundum accidens.
# 8. Le mal est prйsent dans le diable plus tфt que dans les autres,
chronologiquement, non par nature, comme si la malice йtait son essence ou un
accident dйrivй des principes de sa propre nature. Et ce n'est pas un
empкchement si lui-mкme est pire que les autres, puisque cela ne vient pas de
la connaturalitй de sa malice а lui-mкme, mais par accident, parce qu'il a
pйchй davantage. Mais ces principes, pour les autres, sont ceux pour lesquels
on dit que quelque chose est absolument par soi et non par accident.
q. 3 a. 6 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod ex perfectione boni est quod solum uno modo contingat; nam
non potest esse aliquid perfectum, nisi omnibus concurrentibus ex quibus eius
perfectio quasi integratur. Quodcumque autem eorum deficiat, est imperfectum,
et per consequens malum; unde ex imperfectione mali est quod malum
multipliciter contingit; et ideo malum habet minus de ratione entis quam bonum. # 9. Il est de la perfection du bien d'arriver seulement d'une seule
maniиre, car il ne peut y avoir quelque chose de parfait que pour tout ce qui
arrive dont la perfection est comme intйgrйe. Tout ce qui en eux est dйfaillant
est imparfait et par consйquent un mal, c'est pourquoi c'est le propre de
l'imperfection du mal qu'il arrive de multiples faзons, et c'est pourquoi il a
moins de raison d'кtre que le bien.
q. 3 a. 6 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod verbum philosophi est accipiendum secundum opinionem
Pythagorae, qui posuit bonum et malum esse genera, ut prius dictum est. Habet
tamen eius opinio aliquid veritatis. Nam cum bonum positive dicatur malum vero
privative, ut dictum est; sicut omnis forma habet rationem boni, ita omnis
privatio habet rationem mali; et sic bonum et malum quodammodo convertuntur cum
ente et cum privatione entis. In quibuslibet autem contrariis, ut probatur in X
Metaph., includitur privatio et habitus; et ideo semper alterum contrariorum
quod est perfectius reducitur ad bonum; et alterum quod est imperfectius
reducitur ad malum. Unde philosophus dicit, quod altera pars contrarietatis ad
maleficium pertinet, et pro tanto bonum et malum possunt dici contrariorum
genera.
# 10. La parole du philosophe est а prendre selon l'opinion de
Pythagore, qui a pensй que le bien et le mal йtaient des genres, comme on l'a
dit plus haut. Son opinion comporte cependant une part de vйritй. Car comme on
parle du bien de maniиre positive, du mal de maniиre privative, comme on l'a
dit, de mкme que toute forme est un bien par nature, de mкme toute privation
est un mal par nature et ainsi le bien et le mal d'une certaine maniиre sont
convertibles а l'йtant et а sa privation. Dans n'importe quels contraires,
comme on le prouve en Mйtaphysique
(X, 9), la privation et la possession sont incluses et c'est pourquoi toujours
l'un des contraires, qui est plus parfait, est ramenй au bien, et l'autre, plus
imparfait, est ramenй au mal. C'est pour cela que le philosophe dit (I Phys. 9,
191 b 13[16]) que l'autre partie du contraire appartient au mal, et pour autant
on peut dire que le bien et le mal sont des genres de contraires.
q. 3 a. 6 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod malum, quod est contrarium bono, non dicit privationem
solam, sed habitum quemdam cum privatione; qui quidem habitus non habet
rationem mali in quantum habet de ente, sed in quantum habet adiunctam
privationem perfectionis debitae. # 11. Le mal qui est le contraire du bien, ne dйsigne pas la seule
privation, mais une possession avec la privation, cette possession n'a pas
valeur de mal dans la mesure oщ elle possиde de l'йtant, mais dans la mesure oщ
on lui ajoute la privation d'une perfection qui lui est due.
q. 3 a. 6 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod malum, in quantum est privatio sola, non ponitur
differentia constitutiva habitus vitiosi, sed secundum quod adiungitur
intentioni finis indebite, in qua non invenitur ratio mali ex fine intento,
nisi in quantum cum hoc fine non potest stare debitus finis: sicut cum fine
delectationis carnalis non potest stare bonum rationis. Ideo autem in habitibus
animae specialiter bonum et malum poni dicuntur, quia morales actus, et per consequens
habitus, specificantur ex fine, qui est quasi forma voluntatis, quae est
principium proprium malorum actuum. Bonum vero et malum dicuntur per
comparationem ad finem.
# 12. Le mal, en tant que privation seule, n'est pas pensй comme une
diffйrence constitutive d'une possession vicieuse, mais selon que la fin est
ajoutйe indыment а l'intention; en celle-ci on ne trouve pas la nature du mal а
partir de la fin visйe, sinon dans la mesure oщ la fin normalement due ne peut
pas demeurer avec cette fin; ainsi, le bien de la raison ne peut pas demeurer
avec la fin de la dйlectation charnelle. C'est pourquoi dans les maniиres
d'кtre de l'вme, on dit qu'on place spйcialement le bien et le mal, parce que
les actes moraux, et par consйquent les maniиres d'кtre (habitus) sont
spйcifiйs а partir de la fin, qui est comme une forme de la volontй, qui est le
principe propre des mauvaises actions. Mais le bien et le mal sont dйfinis par
comparaison а la fin.
q. 3 a. 6 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod non intelligitur contra malum esse bonum sicut
unum principium primum contra aliud principium primum, sed sicut duo
provenientia ex uno primo principio; quorum unum per se provenit, et aliud per
accidens; quod patet ex eo quod subditur: et sic intuere in omnia opera altissimi,
et cetera. # 13. On ne comprend pas que le bien est contre le mal, comme un
principe premier est contre un autre principe premier, mais comme deux
(principes) issus d'une seul premier principe, dont l'un arrive par soi et
l'autre par accident, ce qui apparaоt dans la suite du texte: "Et ainsi
contemple toutes les oeuvres du Trиs Haut..." (Si. 33, 15).
q. 3 a. 6 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod malum non intenditur per accessum ad aliquem
terminum, sed per recessum ab aliquo termino: sicut enim dicitur aliquid bonum
per participationem boni, ita dicitur malum per recessum a bono. # 14. Le mal n'est pas recherchй pour parvenir а un terme mais en
l'abandonnant; car, de mкme qu'on dit qu'un bien l'est par participation, de
mкme le mal l'est par l'abandon du bien.
q. 3 a. 6 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod dominus per arborem bonam intelligit causam boni,
non quidem primam, sed proximam ad aliquem singularem effectum; et simile est
de arbore mala; unde per arborem malam haereticos vult intelligi, qui ex suis
operibus cognoscuntur, quasi arbor ex fructibus: et hoc etiam patet per
similitudinem attendenti; nam fructus non est arbor causa prima, sed radix. Si
tamen per arborem universaliter omnem causam intelligamus, sicut Dionysius
videtur accipere: tunc respondendum est, quod bonum non est per se causa mali,
sicut ad primum dictum est.
# 15. Le Seigneur comprend par le bon arbre la cause du bien, non pas
cependant la premiиre, mais la plus proche pour un effet particulier, et il en
est de mкme pour l'arbre mauvais; c'est pourquoi par cet arbre, il veut qu'on
comprenne les hйrйtiques, qui sont connus par leurs oeuvres, comme l'arbre par
ses fruits; et cela mкme apparaоt par l'image а celui qui y prкte attention,
car l'arbre n'est pas la cause premiиre du fruit, mais c'est sa racine qui
l'est. Si cependant par l'arbre nous comprenons universellement toute cause,
comme Denys semble le concevoir, alors il faut rйpondre que le bien n'est pas
en soi cause du mal, comme on l'a dit (а la 1re solution).
q. 3 a. 6 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod tenebrae, de quibus in principio creationis
dicitur, non fuerunt aliqua creatura, sed sola carentia lucis in aere; non
tamen malum, quia illa sola carentia boni et mali rationem inducit quae est
eius quod potest et debet inesse. Non enim est malum in lapide, qui non habet
sensum; vel in puero statim nato, qui non ambulat. Nec tamen ex imperfectione agentis provenit quod aerem sine luce creavit,
sed ab eius sapientia: cuius ordo requirit quod aliquid ex imperfecto ad
perfectum ducatur. # 16. Les tйnиbres, dont on parle au commencement de la crйation, ne
furent pas une crйature, mais seulement le manque de lumiиre dans l'air,
cependant ce n'йtait pas un mal, parce que ce seul manque induit la nature du
bien et du mal, qui est de ce qui peut et doit y кtre. Car le mal n'est pas
dans la pierre qui n'a pas de sensation, ni dans l'enfant sitфt nй, qui ne
marche pas. Et cependant cela ne provient pas de l'imperfection de l'agent que
l'air soit crйй sans lumiиre, mais de sa sagesse, dont l'ordre demande que
quelque chose soit menй de l'imperfection а la perfection.
q. 3 a. 6 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod obiectio illa procedit, ac si malum haberet
causam per se, quod supra ostensum est falsum esse. # 17. Cette objection se prйsente comme si le mal avait une cause en
soi, on a montrй plus haut que c'йtait faux.
q. 3 a. 6 ad 18 Et
similiter dicendum ad decimumoctavum. # 18. Il faut dire de mкme .
q. 3 a. 6 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod aliter se habet natura ad generationem et
corruptionem. Forma enim quae est terminus generationis, est per se intenta tam
a natura universali quam a natura particulari: privatio vero est praeter
intentionem naturae particularis; est autem secundum intentionem naturae universalis,
non quidem ut per se intenta, sed quia sine privatione alicuius formae non
potest alia forma introduci; et sic generatio est naturalis omnibus modis. Corruptio vero dicitur quandoque contra naturam, habito respectu ad
naturam particularem.
# 19. La nature se comporte diffйremment pour la gйnйration et la
corruption. Car la forme qui est le terme de la gйnйration est atteinte par soi
tant par la nature universelle que par la nature particuliиre: la privation est
au-delа de l'intention de la nature particuliиre, mais elles est selon
l'intention de la nature universelle, non comme atteinte par soi, mais parce
que, sans la privation de la forme, une autre forme ne peut pas кtre introduite;
et ainsi la gйnйration est naturelle de toutes les maniиres. Mais on dit que la
corruption est quelquefois contre la nature, en rapport а une nature
particuliиre.
q. 3 a. 6 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod in actu peccati quidquid est entitatis vel actionis
reducitur in Deum sicut in primam causam; quod vero est ibi deformitatis
reducitur sicut in causam in liberum arbitrium; sicut quod est de gressu in
claudicatione reducitur in virtutem motivam sicut in primam causam; quidquid
autem est ibi obliquitatis provenit ex curvitate cruris. # 20. Dans le pйchй, quelque chose de l'entitй ou de l'action est
ramenй а Dieu, comme а sa cause premiиre, mais ce qu'il y a lа de difformitй
est ramenй comme а sa cause au libre arbitre, ainsi ce qui concerne la marche
est ramenй а la claudication dans le pouvoir de mouvement comme а sa premiиre
cause, mais la dйformation de la marche provient de la courbure de la jambe.
q. 3 a. 6 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod ratio illa procedit de duobus agentibus omnino
disparatis, non autem quando unum agens in alio operatur: sic enim potest unus
eorum esse effectus. Deus autem in omni natura et voluntate operatur; unde
ratio non sequitur. # 21. Cette raison procиde des deux agents tout а fait diffйrents, mais
non quand un agent opиre dans un autre, car ainsi l'un d'eux peut кtre l'effet.
Mais Dieu opиre en toute nature et volontй; c'est pourquoi la raison ne vaut
pas[17].
q. 3 a. 6 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod ratio illa procedit de agente per necessitatem
naturae, quod si unum sit, unum effectum producit. Nec tamen oportet effectum
esse simplicem sicut causam: quia nec in universalitate nec in simplicitate
oportet effectum causae aequari. Deus vero non agit per necessitatem naturae,
sed per voluntatem: unde potest simplicia et composita mutabilia et immutabilia
facere. # 22. Cette raison procиde de l'agent qui agit par nйcessitй de nature,
parce que, s'il est seul, il produit un seul effet. Et cependant il ne faut pas
que l'effet soit simple comme la cause, parce que, ni dans l'universel, ni dans
la substance simple, il ne faut que l'effet йgale la cause. Mais Dieu n'agit
pas par nйcessitй de nature, mais par volontй; c'est pourquoi il peut faire des
choses simples et composйes, muables et immuables[18].
q. 3 a. 6 ad 23 Ad
vicesimumtertium dicendum, quod macula in anima non ponit naturam aliquam, sed
solam gratiae privationem, tamen cum respectu ad actum peccati praecedentem,
qui huius privationis causa fuit vel esse potuit: et sic non oportet quod
habeat maculam alicuius peccati, qui actum peccati illius non commisit. # 23. La souillure dans l'вme n'йtablit pas une nature, mais la seule
privation de la grвce, cependant en rapport avec l'acte du pйchй qui l'a
prйcйdй, qui a йtй cause de cette privation ou a pu l'кtre, et ainsi il ne faut
pas que celui qui n'a pas commis le pйchй en ait la souillure.
q. 3 a. 6 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum,
quod opera Dei perseverant in aeternum, non secundum numerum, sed secundum
speciem vel genus, et secundum substantiam, non secundum modum essendi:
praeterit enim figura huius mundi, ut dicitur I Cor. VII, 31.
# 24. Les oeuvres de Dieu demeurent йternellement, non pas selon le
nombre[19], mais selon l'espиce ou le genre, et selon la substance, non selon
la maniиre d'кtre. "Car elle passe la figure de ce monde", comme il
est dit (1 Co 7, 31).
q. 3 a. 6 ad 25 Ad
vicesimumquintum dicendum, quod Deus licet sit spiritus, habet tamen in sua
sapientia rationes corporum, quibus corpora assimilantur per modum quo
artificiata artifici similantur quantum ad suam artem; nihilominus tamen
corpora Deo similantur quantum ad eius naturam, in quantum sunt et bona sunt et
unitatem aliquam habent. # 25. Bien que Dieu soit un esprit, il a cependant dans sa sagesse les
idйes des corps auxquelles les corps ressemblent а la maniиre dont les oeuvres
d'art ressemblent а l'artisan pour ce qui est de son art; cependant les corps
ressemblent йgalement а Dieu quant а sa nature dans la mesure oщ ils sont, oщ
ils sont bons et ont une unitй.
q. 3 a. 6 ad 26 Ad
vicesimumsextum dicendum, quod natura non facit semper quod melius est habito
respectu ad partem, sed habito respectu ad totum; alias totum corpus hominis
faceret oculum vel cor; hoc enim unicuique partium melius esset, sed non toti.
Similiter licet melius esset alicui rei quod in altiori ordine poneretur, non
tamen esset melius universo, quod imperfectum remaneret, si omnes creaturae
unius ordinis essent. # 26. La nature ne fait pas toujours ce qui est meilleur par rapport а
la partie, mais par rapport au tout; autrement tout le corps de l'homme ferait
l'oeil ou le coeur, car cela serait meilleur pour chacune des parties, mais pas
pour le tout. De la mкme maniиre, mкme si c'йtait meilleur pour un кtre d'кtre
placй dans un ordre plus йlevй, cependant ce ne serait pas meilleur pour
l'univers, qui demeurerait imparfait, si toutes les crйatures йtaient sous un
seul ordre.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: Ia, qu. 44, a. 2 – qu. 65, a. 1 – qu. 49, a. 3 – CG. II, 41, III, 15 –
II Sent. d1q1a1, ad 1 – d34a1, ad 4.
[2]
n° 188: "La mal ne vient pas du bien". Cf. IV, 22, 732 c:"...le
mal est au-delа de la voie, de l'intention, de la nature et de la cause."
n° 244.
[3]
Tout est crйй sauf le principe de crйation, c'est-а-dire Dieu.
[4]
"D'abord on reconnaоtra que l'expйrience montre des faits qui se
produisent toujours de mкme, et des faits qui se produisent frйquemment, mais
puisqu'il y a des faits qui se produisent par exception а ceux-lа et que tout
le monde les appelle effets de la fortune, il est йvident que la fortune et le
hasard existent en quelque maniиre." (Trad. H. Carteron,) Cf. Topiques,
II, 6, 112 b 1: Si par exemple les hommes sont la plupart du temps mйchants...
(Trad. J. Tricot).Cf. Ia, qu. 49, a. 3, ad 5: Dire que le mal est ut in
pluribus (les cas les plus frйquents) est absolument faux; car ce qui
s'engendre ou se corrompt en qui seulement arrive le mal de la nature, est une
toute petite part de tout l'univers. Et en plus en chaque espиce les dйfauts de
la nature arrivent dans les cas les moins nombreux. Dans les hommes seulement,
le mal semble кtre dans les cas les plus frйquents. Pour Avicenne le mal
prйdomine IX, 6, 422 9 p. 155.
[5]
"Si par exemple, les hommes sont la plupart du temps mйchants, c'est
qu'ils sont moins frйquemment bons..."
[6]
Le texte est en Pot. qu. 3, a. 5, c...
[7]
"...Le bien vient d'une seule cause totale mais le mal de dйfaillances
nombreuses et particuliиres." § 3а 237 IV, 22. Commentaire Thomas: cela
apparaоt autant dans ce qui est naturel que dans ce qui est moral.
[8]
"La nature est la diffйrence spйcifique qui donne sa forme а la nature des
choses." Trad. H. Merle. C'est la quatriиme dйfinition de
"nature". Aristote Physique,
II, 1, 193 a 30 ...nature "en un autre sens c'est le type et la forme, la
forme dйfinissable." Trad. Carteron.
[9]
Ben Sirac. Vulg.: et contra mortem vita.
[10]
Ce texte est prйsentй comme une objection en Ia, qu. 49, a. 2, obj. 1. Dans la
solution, il est prйcisй que cela concerne le mal de la peine et non le mal de
la faute.
[11]
Texte 188, § 2.
[12]
Thomas VIII, lectio 9, n° 1040 ss..
[13]
Le chaud et le froid (ou feu et terre) pour Parmйnide, le plein et le vide pour
Dйmocrite
[14]
Les principe contraire sont ramenйs а l'unitй pour concourir а un ordre unique.
Il fait intervenir la notion de cas nombreux ou rares. Ia, qu. 49 a. 3 ad 5.
Mais comme les contraires se rejoignent, il faut reconnaоtre,, au-dessus des
causes particuliиres une cause unique commune" (premier principe d'кtre, Ia,
2, 3).
[15]
Aristote en Physique II, 5, 196 b 10 oppose
les faits d'expйrience qui se produisent toujours de la mкme faзon ou
frйquemment: "Il est йvident que la fortune n'est appelйe la cause des uns
ni des autres.... les effets de la fortune (tukк) ne sont ni parmi les faits
nйcessaires et constants, ni parmi les faits qui se produisent la plupart du
temps". Thomas en dit (n° 2089) "Il est clair que la fortune est
quelque chose; puisque venir par fortune et кtre dans le petit nombre sont
convertibles." Donc il s'agit pour lui, non pas du mal, mais de la
fortune, du hasard.
Cela
sert а dйmontrer l'existence de la fortune ou du hasard 196 b 17. Aristote en
vient а la causalitй accidentelle "Quand de tels faits se produisent par
accident nous disons qu'ils sont des effets de la fortune" (23 § 4).
[16]
Thomas n° 133.
[17]
"Le manque de forme est une privation. Mais il faut considйrer que la
privation appartient parfois а la raison de l'espиce; parfois non, car elle
s'ajoute а une rйalitй qui a dйjа son espиce propre. c ...sol. 2:". La
difformitй dans l'action atteint celle-ci dans ce qu'elle a de spйcifique en
tant qu'acte moral, nous l'avons dit а propos des actes humains. Une action est
difforme en effet par la privation d'une forme qui lui est intrinsиque, n'йtant
autre que la juste mesure dans toutes les circonstances de l'acte. C'est
pourquoi on ne peut jamais dire que Dieu soit cause d'un acte difforme, parce
que Dieu n'est pas cause d'un pareil manque de forme, encore qu'il soit cause
de l'acte en tant qu'acte. - Ou encore, il faut remarquer que le manque de
forme peut impliquer non seulement la privation de la forme que l'acte devrait
avoir, mais aussi la disposition contraire. De ce point de vue la difformitй
est а l'acte ce que la faussetй est а la foi. C'est pourquoi, de mкme que Dieu
n'est pas l'auteur d'un acte dйformй il ne l'est pas non plus d'une foi
faussйe. Et, de mкme que Dieu est l'auteur d'une foi qui n'est qu'informe, il
l'est aussi des actes qui sont bons dans leur genre quoique pas informйs par la
charitй, comme il arrive la plupart du temps chez les pйcheurs." (IIa/IIж,
qu. 6, a. 2) (Йd. du Cerf).
[18]
Rйponse а Avicenne.
[19]
C'est-а-dire chacune en particulier.
Article 7: Dieu agit-il dans l'opйration de nature?
q. 3 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur utrum Deus operetur in operatione naturae. Et videtur quod
non. Il semble que non[1].
Objections: q. 3 a. 7 arg. 1 Natura enim neque deficit in
necessariis neque abundat in superfluis. Sed ad
actionem naturalem sufficit virtus activa ex parte agentis, et passiva ex parte
recipientis. Ergo non requiritur virtus divina in rebus operans. 1. En effet, la nature[2] ne manque pas du nйcessaire et n'a pas de
superflu. Mais la puissance active de l'agent et la puissance passive du
patient suffisent а l'action de la nature. Donc la puissance divine qui opиre
dans les crйatures n'est pas nйcessaire.
q. 3 a. 7 arg. 2 Sed
dices, quod virtus activa naturae dependet in sua operatione ab operatione
divina.- Sed contra, sicut operatio naturae creatae dependet ab operatione
divina, ita operatio corporis elementaris dependet ab operatione corporis
caelestis: nam corpus caeleste comparatur ad corpus elementare sicut causa
prima ad secundam. Non autem dicitur, quod corpus caeleste operetur in quolibet
corpore elementari agente. Ergo non est dicendum, quod Deus operetur in
qualibet operatione naturae.
2. Mais on pourrait dire que la puissance active de la nature dйpend
dans son opйration de celle de Dieu. – En sens contraire: de mкme que
l'opйration de la nature crййe dйpend de celle de Dieu, l'opйration du corps
йlйmentaire[3] dйpend de celle d'un corps cйleste, car celui-ci est comparй au
le corps йlйmentaire comme la cause premiиre а la cause seconde. Mais on ne dit
pas que le corps cйleste opиre en n'importe quel corps йlйmentaire agent. Donc
il ne faut pas dire que Dieu opиre dans n'importe quelle opйration de la
nature.
q. 3 a. 7 arg. 3
Praeterea, si Deus operatur in qualibet operatione naturae, aut una et eadem
operatione operatur Deus et natura, aut diversis. Sed non una et eadem: unitas
enim operationis attestatur unitati naturae; unde quia in Christo sunt duae
naturae, sunt etiam ibi duae operationes: creaturae autem et Dei constat non
esse unam naturam. Similiter nec est possibile quod sint operationes diversae:
nam diversae operationes non videntur ad idem factum terminari; cum motus et
operationes penes terminos distinguantur. Ergo nullo
modo est possibile quod Deus in natura operetur.
3. Si Dieu opиre dans n'importe quelle opйration de nature, ou bien
Dieu et la nature agissent par une seule et mкme opйration ou bien par des
opйrations diffйrentes. Mais ce n'est pas une unique et mкme opйration, car
l'unitй d'opйration atteste l'unitй de nature: c'est pourquoi, du fait qu'il y
a deux natures dans le Christ, il y a aussi en lui deux opйrations. Mais il est
clair qu'il n'y a pas une nature unique pour la crйature et pour Dieu. De mкme,
il n'est pas possible que les opйrations soient diffйrentes, car les opйrations
diffйrentes ne paraissent pas se terminer а un mкme rйsultat, puisque le
mouvement et les opйrations sont distinguйs selon leurs termes. Donc il n'est
nullement possible que Dieu opиre dans la nature.
q. 3 a. 7 arg. 4 Sed
dices, quod duae operationes possunt terminari ad idem, quae se habent secundum
prius et posterius.- Sed contra, ea quae immediate se habent ad aliquid unum,
non habent ad invicem ordinem. Sed tam Deus quam natura immediate operatur
effectum naturalem. Ergo operatio Dei et operatio naturae non se habent
secundum prius et posterius. 4. Mais on pourrait dire que deux opйrations qui se produisent l'une
avant l'autre, peuvent aboutir а un mкme effet – En sens contraire les choses
qui se rapportent immйdiatement а un objet unique n'ont pas d'ordre entre
elles. Mais autant Dieu que la nature produisent immйdiatement un effet naturel.
Donc l'opйration de Dieu et celle de la nature ne se comportent pas selon un
avant et un aprиs.
q. 3 a. 7 arg. 5
Praeterea, quandocumque Deus aliquam naturam instituit, ex hoc ipso dat ei
omnia illa quae sunt de ratione illius naturae; sicut ex hoc ipso quod facit
hominem, dat ei animam rationalem. Sed de ratione virtutis est quod sit
principium agendi, cum virtus sit ultimum potentiae, quae est principium agendi
in alio secundum quod est aliud, ut dicitur in V Metaph. Ergo ex hoc ipso quod
virtutes naturales rebus indidit, dedit eis quod operationes naturales
perficerent. Non ergo oportet quod ulterius in rebus naturalibus operetur.
5. Toutes les fois que Dieu a йtabli une nature, par lа mкme il lui
donne tout ce qui convient а sa nature; ainsi du fait qu'il crйe un homme, il
lui donne une вme rationnelle. Mais il est de la dйfinition du pouvoir[4]
d'кtre le principe d'action, puisque le pouvoir est le sommet de la puissance,
qui est le principe d'action dans un autre en tant qu'autre, comme on le dit en
Mйtaphysique (V, 12, 1019 a 15-16).
Donc du fait mкme qu'il a introduit des pouvoirs naturels dans les choses, il
leur a donnй le pouvoir d'accomplir les opйrations naturelles. Il ne faut donc
pas que par la suite il opиre dans les choses naturelles.
q. 3 a. 7 arg. 6 Sed
dices, quod virtutes naturales non possent durare, sicut nec alia entia, nisi
virtute divina continerentur.- Sed contra, non est idem operari ad rem et
operari in re. Sed operatio Dei qua virtutem naturalem vel facit vel in esse
conservat, est operatio ad illam virtutem constituendam vel conservandam. Non
ergo propter hoc potest dici, quod Deus in virtute naturali operante operetur.
6. Mais on pourrait dire que les pouvoirs naturels ne pourraient durer,
de mкme que les autres йtants, que s'il sont maintenus par le pouvoir divin. – En sens contraire: ce n'est pas la mкme chose
d'opйrer pour une chose et d'opйrer en elle. Mais l'opйration de Dieu, par
laquelle il crйe un pouvoir naturel ou il le conserve а l'кtre, est une
opйration pour le constituer ou le conserver. Donc ce n'est pas а cause de cela
qu'on peut dire que Dieu opиre dans un pouvoir naturel qui opиre.
q. 3
a. 7 arg. 7 Praeterea, si Deus in natura operante operatur, oportet quod
operando aliquid rei naturali tribuat: nam agens, agendo, aliquid actu facit.
Aut ergo illud sufficit ad hoc quod natura possit per se operari, aut non. Si
sufficit, cum etiam virtutem naturalem Deus naturae tribuerit, eadem ratione
potest dici quod et virtus naturalis sufficiebat ad agendum: nec oportebit quod
Deus, postquam virtutem naturae contulit, ulterius ad eius operationem aliquid
operetur. Si autem non sufficit, oportet quod ibi aliquid
aliud iterum faciat; et si illud non sufficit, iterum aliud, et sic in
infinitum; quod est impossibile. Nam unus effectus non potest dependere ab
actionibus infinitis: quia cum infinita non sit pertransire, nunquam
compleretur. Ergo standum est in primo, dicendo quod virtus naturalis sufficit
ad actionem naturalem, sine hoc quod Deus in ea ulterius operetur.
7. Si Dieu opиre dans une nature qui opиre, il faut en le faisant,
qu'il lui accorde quelque chose, car l'agent, en agissant, met quelque chose en
acte. Donc ou cela suffit pour que la nature puisse opйrer par elle-mкme ou
non. Si cela suffit, comme c'est Dieu qui aura attribuй ce pouvoir naturel а la
nature, on peut dire pour la mкme raison qu'il йtait suffisant pour agir. Et il
ne faudra pas que Dieu, aprиs lui avoir attribuй ce pouvoir ajoute ensuite а
son opйration. Mais si cela ne suffit pas, il faut qu'il y fasse а nouveau
quelque chose d'autre; et si cela ne suffit pas, а nouveau autre chose, et
ainsi а l'infini, ce qui est impossible. Car un seul effet ne peut pas dйpendre
d'actions infinies, parce que, comme on ne peut traverser l'infini, jamais il
ne serait achevй. Donc il faut s'en tenir а la premiиre solution en disant que
le pouvoir naturel suffit а l'action naturelle, sans que Dieu opиre sur elle
ensuite.
q. 3
a. 7 arg. 8 Praeterea, posita causa ex necessitate naturae agente, sequitur
eius actio nisi per accidens impediatur, eo quod natura est determinata ad
unum. Si ergo calor ignis agit ex necessitate naturae: ergo posito calore,
sequitur calefactio, nec requiritur aliqua virtus superior agens in ipso.
8. Si on prend une cause qui agit par nйcessitй de nature, il en
dйcoule que son action suit а moins d'кtre empкchйe par accident, parce que la
nature est dйterminйe а un objet unique. Si donc la chaleur du feu agit par
nйcessitй de nature, si on pose la chaleur, il en dйcoule l'йchauffement, et il
n'y a pas besoin d'un pouvoir supйrieur qui agisse en elle.
q. 3
a. 7 arg. 9 Praeterea, ea quae sunt omnino disparata, possunt ab invicem
separari. Sed actio Dei et actio naturae sunt omnino disparatae; cum Deus agat
per voluntatem, natura vero per necessitatem. Ergo actio Dei potest separari ab
actione naturae; et ita non oportet quod Deus in natura agente operetur. 9. Les choses tout а fait diffйrentes peuvent кtre sйparйes l'une de
l'autre. Or l'action de Dieu et celle de la nature sont tout а fait diffйrentes,
puisque Dieu agit par volontй, et la nature par nйcessitй. Donc l'action de
Dieu peut кtre sйparйe de celle de la nature et ainsi il ne faut pas que Dieu
opиre dans la nature agent.
q. 3 a. 7 arg. 10
Praeterea, creatura in se considerata, Dei similitudinem habet, in quantum actu
est, et actu agit; et secundum hoc est divinae bonitatis particeps. Hoc autem
non esset, si virtus sua ad agendum non sufficeret. Sufficit ergo creatura ad agendum sine hoc quod Deus
in ea operetur. 10. La crйature, considйrйe en soi, ressemble а Dieu, dans la mesure oщ
elle est en acte et agit par son acte; et en cela elle participe de la divine
bontй[5]. Mais cela n'existerait pas si son pouvoir ne suffisait pas pour agir.
Donc la crйature se suffit pour agir, sans ce que Dieu opиre en elle.
q. 3 a. 7 arg. 11
Praeterea, duo Angeli in uno loco esse non possunt, ut a quibusdam dicitur, ne
operationum confusio sequatur; quia Angelus ubi est, ibi operatur. Plus autem
distat Deus a natura quam unus Angelus ab alio. Ergo Deus non potest simul in
eodem cum natura operari.
11. Deux anges ne peuvent кtre dans un seul et mкme lieu, comme
certains l'ont dit, pour qu'il ne s'ensuive pas une confusion des opйrations.
Parce que l'ange opиre lа oщ il est. Dieu est plus йloignй de la nature que
l'ange l'est d'un autre ange. Donc Dieu ne peut, en mкme temps que la nature,
opйrer dans un mкme objet.
q. 3
a. 7 arg. 12 Praeterea, Eccli. XI, 14, dicitur, quod Deus fecit
hominem, et reliquit eum in manu consilii sui. Non autem reliquisset, si semper
in voluntate operaretur. Ergo non operatur in voluntate operante. 12. L'Ecclйsiaste (Si) (11, 14) dit que "Dieu fit l'homme et le
laissa а son conseil". Il ne l'aurait pas laissй, s'il opйrait toujours
dans sa volontй. Donc il n'opиre pas dans la volontй en son opйration.
q. 3 a. 7 arg. 13
Praeterea, voluntas est domina sui actus. Hoc autem non esset, si agere non
posset nisi Deo in ipsa operante; cum voluntas nostra non sit domina divinae
operationis. Ergo Deus non operatur in voluntate nostra operante. 13. La volontй est maоtresse de son acte. Mais cela ne serait pas, si
elle ne pouvait agir que si Dieu opйrait en elle, puisque notre volontй n'est
pas maоtresse de l'opйration divine. Donc Dieu n'opиre pas dans notre volontй
en son opйration.
q. 3 a. 7 arg. 14
Praeterea, liberum est quod causa sui est, ut dicitur in I Metaph. Quod ergo
non potest agere nisi causa in ipso agente non est liberum in agendo. Sed
voluntas nostra est libera in agendo. Ergo potest
agere, nulla alia causa in ipsa operante: et sic idem quod prius.
14. Est libre ce qui est cause de soi, comme il est dit (Mйtaphysique, I, 2, 982 b 25[6]). Donc
ce qui ne peut agir que par une cause qui agit en lui n'est pas libre en
agissant. Mais notre volontй est libre quand nous agissons. Donc elle peut
agir, sans autre cause qui opиre en elle. Et ainsi de mкme que plus haut.
q. 3 a. 7 arg. 15
Praeterea, causa prima plus est influens in causatum quam causa secunda. Si
ergo Deus operetur in voluntate et natura, sicut causa prima in secunda; sequeretur
quod defectus qui accidunt in operatione voluntatis et naturae, magis Deo quam
naturae vel voluntati attribuerentur; quod est inconveniens. 15. La cause premiиre[7] a plus d'influence dans l'effet que la cause
seconde. Si donc Dieu opйrait dans la volontй et la nature, comme cause
premiиre dans la cause seconde, il en dйcoulerait que les dйfaillances qui
arrivent dans l'opйration de la volontй et de la nature, seraient attribuйes
plus а Dieu qu'а la nature ou а la volontй; ce qui ne convient pas.
q. 3
a. 7 arg. 16 Praeterea, posita causa sufficienter operante, superfluum est
alterius causae operationem ponere. Sed constat, si Deus operetur in natura et
voluntate, quod sufficienter operatur. Ergo superflueret omnis operatio naturae
et voluntatis. Cum ergo in natura nihil sit superfluum; nec natura nec voluntas
aliquid operaretur, sed solus Deus. Hoc autem est
inconveniens. Ergo et primum, scilicet quod Deus in natura et voluntate
operetur.
16. Si on pose une cause qui opиre valablement, il est superflu de
poser l'opйration d'une autre. Mais il est clair que, si Dieu opйrait dans la
nature et la volontй, il le ferait valablement ("Car les oeuvres de Dieu
sont parfaites", Dt. 32, 4[8]). Donc toute opйration de la nature et de la
volontй serait superflue Aussi comme dans la nature rien n'est superflu, ni la
nature, ni la volontй n'opйrerait, mais Dieu seul. Cela ne convient pas. Donc
il faut s'en tenir а la premiиre solution, а savoir que Dieu opиrerait dans la
nature et la volontй.
En sens contraire: q. 3 a. 7 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Is. XXVI, vers. 12: omnia opera nostra operatus es in nobis, domine. 1. Isaпe dit. (26, 12): "Tu as accompli tous nos oeuvres en nous,
Seigneur [9]."
q. 3 a. 7 s. c. 2
Praeterea, sicut ars praesupponit naturam, ita natura praesupponit Deum. Sed in
operatione artis operatur natura; non enim sine operatione naturae, artis
operatio efficitur, sicut igne emollitur ferrum ut percussione fabri
extendatur. Ergo et Deus in operatione naturae operatur. 2. De mкme que l'art prйsuppose la nature, la nature prйsuppose Dieu.
Mais la nature opиre dans l'opйration de l'art, car sans elle, l'opйration de
l'art ne se fait pas, de mкme que le feu ramollit le fer, de sorte qu'il
s'allonge sous les coups du forgeron. Donc Dieu aussi opиre dans l'opйration de
nature.
q. 3 a. 7 s. c. 3
Praeterea, secundum philosophum, homo generat hominem et sol. Sed sicut
operatio hominis in generatione dependet ab actione solis, ita et multo amplius
actio naturae dependet ab actione Dei. Ergo quidquid operatur natura etiam Deus
operatur.
3. Selon le philosophe (Physique,
II, 2, 194 b 13[10]), l'homme et le soleil engendrent l'homme. Mais de mкme que
l'opйration de l'homme dans la gйnйration dйpend de l'action du soleil, ainsi
et beaucoup plus l'action de la nature dйpend de l'action de Dieu. Donc ce que
fait la nature, Dieu le fait aussi.
q. 3 a. 7 s. c. 4
Praeterea, nihil potest operari nisi sit ens. Sed natura non potest esse nisi
Deo operante; in nihilum enim decideret nisi divinae potentiae actione
conservaretur in esse, ut patet per Augustinum super Genes. ad litteram. Ergo
natura non potest agere nisi Deo agente. 4. Rien ne peut opйrer sinon l'йtant. Mais la nature ne peut exister
que si Dieu opиre, car elle retournerait au nйant si la puissance divine par
son action ne la conservait pas dans l'кtre[11], comme on le lit chez Augustin
(La Genиse au sens littйral). Donc la
nature ne peut agir que si Dieu agit.
q. 3 a. 7 s. c. 5
Praeterea, virtus Dei est in qualibet re naturali, quia Deus in omnibus rebus
esse dicitur per essentiam et potentiam et praesentiam. Sed non est dicendum
quod virtus divina secundum quod est in rebus sit otiosa. Ergo secundum quod
est in natura operatur. Nec potest dici
quod aliud quam ipsa natura operetur, cum non appareat ibi nisi una operatio. Ergo in
qualibet naturae operatione Deus operatur. 5. Le pouvoir de Dieu est en chaque кtre naturel, parce qu'on dit qu'il
est en toutes choses par essence, puissance et prйsence[12]. Mais il ne faut
pas dire que le pouvoir divin, selon qu'il est dans les choses, est inutile.
Donc, selon qu'il est dans la nature, il opиre. Et on ne peut pas dire qu'autre
chose que la nature elle-mкme opиre, puisque ici n'apparaоt qu'une seule
opйration. Donc Dieu opиre en chaque opйration de la nature.
Rйponse: q. 3 a. 7 co.
Respondeo. Dicendum, quod simpliciter concedendum est Deum operari in natura et
voluntate operantibus. Sed quidam hoc non intelligentes, in errorem inciderunt:
attribuentes Deo hoc modo omnem naturae operationem quod res penitus naturalis
nihil ageret per virtutem propriam; et ad hoc quidem ponendum sunt diversis
rationibus moti. Il faut absolument concйder que Dieu opиre dans ce qui opиre par nature
et volontй. Mais certains, qui ne l'ont pas compris, sont tombйs dans l'erreur,
en attribuant а Dieu toute opйration de la nature, de telle sorte que la chose
naturelle ne ferait strictement rien par son pouvoir propre, et pour l'йtablir,
ils y ont йtй poussйs par diverses raisons .
Quidam enim loquentes in lege Maurorum, ut Rabbi Moyses
narrat, dixerunt, omnes huiusmodi naturales formas accidentia esse: et cum
accidens in aliud subiectum transire non possit, impossibile reputabant quod
res naturalis per formam suam aliquo modo induceret similem formam in alio
subiecto; unde dicebant quod ignis non calefacit, sed Deus creat calorem in re
calefacta.
A) Certains parlant selon la loi des Musulmans, comme Rabbi Moyses
(Maпmonide[13]) le raconte, ont dit que toutes les formes naturelles йtaient
des accidents[14], et comme l'accident ne peut pas passer dans un autre sujet,
ils considйraient comme impossible que la chose naturelle, par sa forme,
introduise d'une certaine maniиre une forme semblable dans un autre substrat.
C'est pour cela qu'ils disaient que le feu ne chauffe pas, mais que Dieu crйe
la chaleur dans l'objet chauffй[15].
Sed si obiiceretur contra eos, quod ex applicatione ignis ad
calefactibile, semper sequatur calefactio, nisi per accidens esset aliquid
impedimentum igni, quod ostendit ignem esse causam caloris per se; dicebant,
quod Deus ita statuit ut iste cursus servaretur in rebus, quod nunquam ipse
calorem causaret nisi apposito igne; non quod ignis appositus aliquid ad
calefactionem faceret.
Mais si on leur objectait que de l'application du feu а ce qu'on
chauffe, il en dйcoule toujours un йchauffement, sauf si, par accident, le feu
йtait empкchй, ce qui montre qu'il est la cause de la chaleur en soi, ils
disaient que Dieu a dйcidй que ce concours serait conservй dans les choses, que
jamais lui-mкme ne causerait la chaleur sauf si le feu йtait placй tout prиs et
que ce n'йtait pas le feu placй а cфtй d'un objet qui provoquait
l'йchauffement.
Haec autem positio est manifeste repugnans sensui: nam cum
sensus non sentiat nisi per hoc quod a sensibili patitur (quod etsi in visu sit
dubium, propter eos qui visum extra mittendo fieri dicunt, in tactu et in aliis
sensibus est manifestum), sequitur quod homo non sentiat calorem ignis si per
ignem agentem non sit similitudo caloris ignis in organo sentiendi. Si enim
illa species caloris in organo ab alio agente fieret, tactus etsi sentiret
calorem, non tamen sentiret calorem ignis nec sentiret ignem esse calidum, cum
tamen hoc iudicet sensus, cuius iudicium in proprio sensibili non errat.
Mais cette position[16] s'oppose manifestement а nos sens: puisque en
effet, ils ne perзoivent que par ce qu'ils reзoivent du sensible (mкme si pour
la vue[17], il y a un doute а cause de ceux qui disent que la vue fonctionne en
se projetant а l'extйrieur, pour le toucher et les autres sens c'est clair); il
s'ensuit que l'homme ne sent pas la chaleur du feu si par le feu agent, il n'y
a pas la ressemblance de la chaleur du feu dans l'organe de la sensation. Car
si cette espиce de chaleur йtait faite dans l'organe par un autre agent, mкme
si le toucher sentait la chaleur, il ne sentirait pas la chaleur du feu ni que
le feu est chaud, puisque le sens dont le jugement ne se trompe pas dans sa
propre sensibilitй le juge ainsi.
Repugnat etiam rationi, per quam ostenditur in rebus
naturalibus nihil esse frustra. Nisi autem res naturales aliquid agerent,
frustra essent eis formae et virtutes naturales collatae: sicut si cultellus
non incideret, frustra haberet acumen. Frustra etiam requireretur appositio
ignis ad ligna, si Deus absque igne ligna combureret. Cela s'oppose aussi а la raison: par elle, on dйmontre que rien n'est
vain dans les choses naturelles. Si elles ne faisaient rien, les formes et les
pouvoirs naturels qui s'y trouvent leur seraient inutiles. Ainsi si le couteau
ne coupait pas, c'est en vain qu'il aurait une lame. Et on chercherait en vain
de mettre en contact le feu avec bois, si Dieu brыlait le bois sans feu[18].
Repugnat etiam divinae bonitati, quae sui communicativa est;
ex quo factum est quod res Deo similes fierent non solum in esse, sed etiam in
agere. Ratio vero quam pro se inducunt, est omnino frivola. Nam cum dicitur
accidens de subiecto in subiectum aliud non transire, intelligitur de accidente
eodem secundum numerum, non quia simile accidens secundum speciem possit induci
in aliud subiectum virtute accidentis quod alicui subiecto naturali inest. Et
hoc est necesse in omni actione naturali contingere. Falsum etiam est quod
supponunt, omnes formas esse accidentia: quia sic nullum esset in rebus
naturalibus esse substantiale, cuius principium forma accidentalis esse non
potest, sed substantialis tantum. Periret etiam generatio et corruptio, et
multa alia inconvenientia sequerentur. Cela s'oppose aussi а la bontй divine qui se communique d'elle-mкme; de
lа vient que les crйatures ressemblent а Dieu, non seulement dans leur кtre,
mais aussi dans leur agir. Mais la raison qu'ils avancent en leur faveur est
tout а fait futile. En effet, quand on dit que l'accident ne passe pas d'un
substrat dans un autre, on le comprend de ce mкme accident selon le nombre, et
non pas parce qu'un accident d'une espиce semblable pourrait кtre induit dans
un autre substrat par le pouvoir de l'accident qui est dans un sujet naturel.
Et il est nйcessaire que cela arrive dans toute action naturelle. Mais qu'ils
supposent que toutes les formes sont des accidents est faux, parce qu'ainsi, il
n'y aurait aucun кtre substantiel dans les choses naturelles, dont le principe
ne peut pas кtre une forme accidentelle, mais une forme substantielle
seulement. La gйnйration et la corruption disparaоtraient et beaucoup d'autres
inconvйnients en dйcouleraient.
Avicebron etiam in libro fontis vitae dicit, quod nulla
substantia corporalis agit, sed vis spiritualis penetrans per omnia corpora
agit in eis, et tanto corpus aliquod est magis activum quanto est purius et
subtilius et per consequens a virtute spirituali penetrabilius. Et ad hoc
inducit tres rationes:
quarum prima est, quod omne agens post Deum requirit
subiectam materiam in quam agat; corporali autem substantiae non subiicitur
aliqua materia, et sic videtur quod agere non possit. B) Avicebron[19] aussi, dans son livre, “La Fontaine de vie”, dit
qu'aucune substance corporelle n'agit, mais que c'est une puissance spirituelle
qui pйnиtre а travers tous les corps qui agit en elles, et plus un corps est
actif, plus il est pur et subtil et par consйquent plus accessible au pouvoir
spirituel. Et а cela il apporte trois raisons:
1. Tout agent aprиs Dieu a besoin d'une matiиre qui est un substrat,
dans laquelle il agit; mais la matiиre n'est pas subordonnйe а la substance
corporelle et ainsi il semble qu'elle ne puisse pas agir.
Secunda est quia quantitas impedit
actionem et motum: cuius signum ponit, quia multitudo quantitatis retardat
motum et addit corpori gravitatem; et ita substantia corporalis quae est
implicita quantitati, agere non potest. 2. La quantitй empкche l'action et le mouvement; il en donne comme
preuve qu'une trиs grande quantitй retarde le mouvement et ajoute de la
lourdeur au corps et ainsi la substance corporelle qui est mкlйe а la quantitй
ne peut pas agir.
Tertia ratio est, quod substantia
corporalis est remotissima a primo agente, quod est agens tantum et non
patiens, substantiae autem mediae sunt agentes et patientes; unde oportet
substantiam corporalem, quae est ultima, esse patientem tantum et non agentem. 3. La substance corporelle est trиs loin du premier agent, qui est
agent seulement et non patient; les substances intermйdiaires sont agents et
patients; c'est pourquoi il faut que la substance corporelle, qui est la
derniиre soit "patiente" seulement et non agent.
Sed in hoc est manifesta deceptio
ex hoc quod accipitur tota substantia corporalis quasi una et eadem numero
substantia, ac si non esset secundum esse substantiale distincta sed solo
accidente. Si enim diversae substantiae corporales substantialiter distinctae
accipiantur, tunc non quaelibet substantia corporalis erit ultima entium et
remotissima a primo agente, sed una erit alia superior
et primo agenti propinquior, et sic una in alia agere poterit.
Mais l'erreur est manifeste, du fait qu'on prend toute la substance
corporelle comme une seule et mкme substance par le nombre, comme si elle
n'йtait pas distincte selon son кtre substantiel mais seulement par l'accident.
Car si on accepte que les diverses substances corporelles comme
substantiellement distinctes, alors ce n'est pas une quelconque substance
corporelle qui sera le dernier des йtants et la plus йloignйe du premier agent,
mais l'une sera supйrieure а l'autre et plus proche du premier agent, et ainsi
l'une pourra agir dans l'autre.
Item in praedictis consideratur
substantia corporalis tantum secundum rationem materiae, et non ratione suae
formae, cum tamen ex utroque sit composita. Substantiae enim corporali competit
esse ultimum entium, et non habere inferius subiectum, ratione materiae, non
autem ratione formae; quia ratione formae est inferius subiectum omnis
substantia in cuius materia est in potentia forma illa quam haec res designata
habet in actu.
De mкme, dans ce qui a йtй dit, on ne considиre la substance corporelle
qu'en raison de la matiиre et non de sa forme, alors qu'elle est composйe de
l'une et l'autre. Il appartient, en effet, а la substance corporelle d'кtre le
dernier des йtants et de ne pas avoir un substrat plus bas, а cause de la
matiиre, mais non de la forme; parce que, en raison de celle-ci, toute
substance est un substrat plus bas, dans la matiиre de qui il y a en puissance
cette forme que cette chose possиde en acte.
Et inde sequitur quod est mutua
actio in substantiis corporalibus, cum in materia unius sit in potentia forma
alterius, et e converso. Si autem ipsa forma non est sufficiens ad agendum
eadem ratione nec vis substantiae spiritualis, quam corporalis substantia per
modum suum necesse est quod recipiat.
ICIC Et de lа dйcoule qu'il y a une action mutuelle dans les substances
corporelles, puisque dans la matiиre de l'une la forme de l'autre est en
puissance, et inversement. Mais si la forme mкme n'est pas suffisante pour
agir, par une mкme raison, le pouvoir de la substance spirituelle, qu'il est
nйcessaire que la substance corporelle reзoive а sa maniиre, non plus.
Quantitas etiam non tollit motum
et actionem, cum nihil moveatur nisi quantum ut in VI Physic. probatur. Nec est
verum quod quantitas sit causa gravitatis. Hoc enim reprobatur in IV Cael. et
mundi. Unde et quantitas addit in velocitatem motus naturalis; nam corpus grave
quanto est maius, tanto velocius deorsum fertur, et similiter leve sursum.
Licet etiam quantitas secundum se non sit actionis principium non tamen potest
assignari ratio quare actionem impediat, cum magis sit quoddam instrumentum
qualitatis activae, nisi quatenus formae activae in materia subiecta quantitati
receptae, esse quoddam limitatum recipiunt et individuatum ad materiam illam,
ut sic per actionem in aliam materiam non se extendat. Sed quamvis esse
individuatum in materia consequantur, rationem tamen speciei non amittunt, ex
qua simile sibi in specie producere possunt, licet ipsaemet in alio subiecto
esse non possint.
La quantitй n'enlиve ni le mouvement, ni l'action, puisque rien n'est
mы si ce n'est qu'а sa mesure, comme on le prouve Physique, VI, 3, 233 b 19 – 234 a 35[20]). Il n'est pas vrai que la
quantitй soit la cause de la pesanteur. Car cela est rejetй au livre IV Du ciel
(p. 151 B 313 a 4). C'est pourquoi la quantitй ajoute а la vitesse du mouvement
naturel, car plus un corps lourd est grand, plus vite il descend, et c'est
pareil pour le corps lйger vers le haut. Bien que la quantitй en soi ne soit
pas principe d'action, on ne peut trouver cependant la raison pour laquelle
elle empкcherait l'action, puisqu'elle serait plus un instrument de la qualitй
active, sauf dans la mesure oщ les formes actives, reзue dans la matiиre
soumise а la quantitй, reзoivent un кtre limitй et individualisй pour cette
matiиre pour qu'ainsi, par son action, elle ne s'йtende pas а une autre
matiиre. Mais quoiqu'elles atteignent un кtre individualisй dans la matiиre,
cependant elles ne perdent pas la nature de l'espиce, du fait qu'elles peuvent
y produire quelque chose de semblable а elles, en espиce, bien qu'elles ne le
puissent кtre elles-mкmes dans un autre sujet.
Non ergo sic est intelligendum
quod Deus in omni re naturali operetur, quasi res naturalis nihil operetur; sed
quia in ipsa natura vel voluntate operante Deus operatur: quod quidem qualiter
intelligi possit, ostendendum est. Ce n'est pas ainsi qu'il faut comprendre que Dieu opиre en toute chose
naturelle, comme si elle ne faisait rien, mais parce qu'il opиre dans la nature
mкme ou dans la volontй en son opйration, il faut montrer comment on peut le
comprendre.
Sciendum namque est, quod actionis
alicuius rei res alia potest dici causa multipliciter. Car il faut savoir qu'une chose peut кtre appelйe cause d'une autre de
multiples faзons.
Uno modo quia tribuit ei virtutem
operandi; sicut dicitur in IV Physic., quod generans movet grave et leve, in
quantum dat virtutem per quam consequitur talis motus: et hoc modo Deus agit
omnes actiones naturae, quia dedit rebus naturalibus virtutes per quas agere
possunt, non solum sicut generans virtutem tribuit gravi et levi, et eam
ulterius non conservat, sed sicut continue tenens virtutem in esse, quia est
causa virtutis collatae, non solum quantum ad fieri sicut generans, sed etiam
quantum ad esse, ut sic possit dici Deus causa actionis in quantum causat et
conservat virtutem naturalem in esse. 1. D'une premiиre maniиre, parce qu'elle lui attribue le pouvoir
d'opйrer, comme on le dit en Physique,
IV 3, 210 a 14-24, parce que celui qui engendre met en mouvement le lourd et le
lйger dans la mesure oщ il donne un pouvoir d'oщ dйcoule un tel mouvement. Et
Dieu, de cette maniиre, accomplit toutes les actions de nature, parce qu'il a
donnй aux choses naturelles des pouvoirs par lesquels elles peuvent agir, non
seulement comme celui qui engendre fournit un pouvoir au lourd et au lйger, et
ne le conserve plus, mais comme celui qui maintient continuellement ce pouvoir
dans l'кtre, parce qu'il est cause du pouvoir qui lui est attribuй, non
seulement quant au devenir comme celui qui engendre, mais aussi quant а l'кtre,
de sorte qu'ainsi on peut dire que Dieu est la cause de l'action dans la mesure
oщ il cause et conserve en l'кtre le pouvoir naturel.
Nam etiam alio modo conservans
virtutem dicitur facere actionem, sicut dicitur quod medicinae conservantes
visum, faciunt videre. Sed quia nulla res per se ipsam movet vel agit nisi sit
movens non motum. 2. Car d'une autre maniиre, on dit qu'en conservant ce pouvoir, il
accomplit l'action, de mкme qu'on dit que les remиdes qui conservent la vue
font voir. Mais parce que rien ne se meut par soi ou n'agit que s'il est un
moteur non mы.
Tertio modo dicitur una res esse
causa actionis alterius in quantum movet eam ad agendum; in quo non intelligitur
collatio aut conservatio virtutis activae, sed applicatio virtutis ad actionem;
sicut homo est causa incisionis cultelli ex hoc ipso quod applicat acumen
cultelli ad incidendum movendo ipsum. Et quia natura inferior agens non agit
nisi mota, eo quod huiusmodi corpora inferiora sunt alterantia alterata; caelum
autem est alterans non alteratum, et tamen non est movens nisi motum, et hoc
non cessat quousque perveniatur ad Deum: sequitur de necessitate quod Deus sit
causa actionis cuiuslibet rei naturalis ut movens et applicans virtutem ad
agendum.
3. D'une troisiиme maniиre, on dit qu'une chose est la cause de
l'action d'une autre dans la mesure oщ elle la pousse а agir; en cela on ne
comprend pas l'attribution ou la conservation du pouvoir actif, mais son
application а l'action. Ainsi l'homme est la cause de l'entaille du couteau du
seul fait qu'il applique son tranchant pour couper en le manipulant. Et parce
que la nature, agent infйrieur, n'agit que si elle est mue, de tels corps
infйrieurs changent en йtant eux-mкmes changйs. Mais le ciel provoque des
changements sans кtre changй, et cependant il n'est moteur que mы, et cela ne
cessera que jusqu'а ce qu'on parvienne а Dieu. Il dйcoule nйcessairement que
Dieu est la cause de l'action d'une chose naturelle comme moteur, qui applique
le pouvoir pour agir.
Unde quarto modo unum est causa
actionis alterius, sicut principale agens est causa actionis instrumenti; et
hoc modo etiam oportet dicere, quod Deus est causa omnis actionis rei
naturalis. Quanto enim aliqua causa est altior, tanto est communior et
efficacior, et quanto est efficacior, tanto profundius ingreditur in effectum,
et de remotiori potentia ipsum reducit in actum.
4. C'est pourquoi, d'une quatriиme maniиre, l'un est cause de l'action
de l'autre, comme l'agent principal est cause de l'action de l'instrument, et
de cette maniиre aussi, il faut dire que Dieu est cause de toute action de
l'кtre naturel. Car plus une cause est йlevйe, plus elle est commune et
efficace, et plus elle est efficace, plus elle entre profondйment dans l'effet
et, d'une puissance plus йloignйe, elle l'amиne а l'acte.
In qualibet autem re naturali
invenimus quod est ens et quod est res naturalis, et quod est talis vel talis
naturae.; Dans n'importe quel кtre naturel[21], on trouve qu'il y a l'йtant, la
chose naturelle, et ce qui est de telle ou telle nature.
Quorum primum est commune omnibus
entibus; 1) Le premier est commun а tous les йtants;
secundum omnibus rebus naturalibus 2) le second а toutes les choses naturelles,
tertium in una specie; et quartum,
si addamus accidentia, est proprium huic individuo.
3) le troisiиme а une seule espиce,
4) et le quatriиme, si on ajoute les accidents, est propre а cet
individu particulier.
Hoc ergo individuum agendo non potest
constituere aliud in simili specie nisi prout est instrumentum illius causae,
quae respicit totam speciem et ulterius totum esse naturae inferioris. Et propter hoc nihil agit ad speciem in istis
inferioribus nisi per virtutem corporis caelestis, nec aliquid agit ad esse
nisi per virtutem Dei. Ipsum enim esse est communissimus effectus primus et
intimior omnibus aliis effectibus; et ideo soli Deo competit secundum virtutem
propriam talis effectus: unde etiam, ut dicitur in Lib. de causis, intelligentia
non dat esse, nisi prout est in ea virtus divina.
Donc ce dernier en agissant ne peut en constituer une autre dans la
mкme espиce que dans la mesure oщ il est l'instrument de cette cause, qui
concerne toute l'espиce et davantage tout l'кtre de nature infйrieure. Et pour
cette raison rien n'agit pour l'espиce dans ces choses infйrieures que par le
pouvoir d'un corps cйleste, et rien n'agit pour l'кtre que par le pouvoir de
Dieu. Car l'кtre lui-mкme est le premier effet le plus commun et plus
intime[22] que tous les autres effets et c'est pourquoi il convient а Dieu
seul, selon le pouvoir propre d'un tel effet: c'est pourquoi, comme aussi on le
dit dans le Livre des Causes (prop.
9[23]), l'Intelligence ne donne l'кtre que dans la mesure oщ il y a en elle un
pouvoir divin.
Sic ergo Deus est causa omnis
actionis, prout quodlibet agens est instrumentum divinae virtutis operantis.
Sic ergo si consideremus supposita agentia, quodlibet agens particulare est
immediatum ad suum effectum. Si autem consideremus virtutem qua fit actio, sic
virtus superioris causae erit immediatior effectui quam virtus inferioris; nam
virtus inferior non coniungitur effectui nisi per virtutem superioris; unde
dicitur in Lib. de Caus., quod virtus causae primae prius agit in causatum, et
vehementius ingreditur in ipsum. Ainsi donc Dieu est cause de toute action, dans la mesure oщ n'importe
quel agent est l'instrument du pouvoir divin en son opйration. Si donc nous
considйrons les suppфts agents, n'importe quel agent particulier est sans
intermйdiaire а son effet. Mais si nous considйrons le pouvoir par lequel
l'action est accomplie, alors le pouvoir de la cause supйrieure sera plus
immйdiat dans l'effet que celui de la cause infйrieure, car ce dernier n'est
joint а l'effet que par le pouvoir du supйrieur. C'est pourquoi il est dit dans
Le livre des Causes (prop. 1), que la pouvoir de la cause premiиre agit avant
dans l'effet et entre plus fortement en lui.
Sic ergo oportet virtutem divinam
adesse cuilibet rei agenti, sicut virtutem corporis caelestis oportet adesse
cuilibet corpori elementari agenti. Sed in hoc differt; quia ubicumque est
virtus divina, est essentia divina; non autem essentia corporis caelestis est
ubicumque est sua virtus: et iterum Deus est sua virtus, non autem corpus caeleste. Ainsi donc il faut que le pouvoir divin soit prйsent а tout ce qui
agit, de mкme qu'il faut que le pouvoir du corps cйleste le soit а tout corps
йlйmentaire qui agit. Mais la diffйrence c'est que partout oщ il y a le pouvoir
divin, il y a l'essence divine. L'essence du corps cйleste n'est pas partout oщ
est son pouvoir; en plus Dieu est son propre pouvoir, mais pas le corps
cйleste.
Et ideo potest dici quod Deus in
qualibet re operatur in quantum eius virtute quaelibet res indiget ad agendum:
non autem potest proprie dici quod caelum semper agat in corpore elementari,
licet eius virtute corpus elementare agat. Sic ergo Deus est causa actionis
cuiuslibet in quantum dat virtutem agendi, et in quantum conservat eam, et in
quantum applicat actioni, et in quantum eius virtute omnis alia virtus agit. Et
cum coniunxerimus his, quod Deus sit sua virtus, et quod sit intra rem
quamlibet non sicut pars essentiae, sed sicut tenens rem in esse, sequetur quod
ipse in quolibet operante immediate operetur, non exclusa operatione voluntatis
et naturae.
C'est pourquoi on peut dire que Dieu opиre en toute chose dans la
mesure oщ elle a besoin de son pouvoir pour agir; mais on ne peut proprement
dire que le ciel agit toujours dans le corps йlйmentaire, bien que ce soit par
son pouvoir que le corps йlйmentaire agisse. Ainsi donc Dieu est cause de
n'importe quelle action dans la mesure oщ il donne le pouvoir d'agir, oщ il le
conserve et, il l'applique а l'action et oщ tout autre pouvoir agit dans le
sien. Et comme nous avons ajoutй а cela que Dieu est son propre pouvoir, et
qu'il est en n'importe quelle chose, non comme une partie de son essence, mais
comme celui qui la conserve dans l'кtre, il en dйcoule que lui-mкme opиre sans
intermйdiaire en n'importe quel кtre en son opйration, sans exclure l'opйration
de la volontй et de la nature.
Solutions q. 3 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
virtus activa et passiva rei naturalis sufficiunt ad agendum in ordine suo;
requiritur tamen virtus divina, ratione iam dicta, in corp. art. # 1. Le pouvoir actif et passif d'une chose naturelle suffisent pour
agir en son ordre. Cependant elle a besoin du pouvoir divin, pour la raison
dйjа dite dans le corps de l'article
q. 3 a. 7 ad 2 Ad secundum dicendum, quod
operatio virtutis naturalis ad Deum et corporis elementaris ad corpus caeleste
sunt quantum ad aliquid similes, non autem quantum ad omnia. # 2. L'opйration du pouvoir naturel relativement а Dieu et celle du
corps йlйmentaire relativement au corps cйleste sont semblables en un certain
point, mais pas en tout.
q. 3 a. 7 ad 3 Ad
tertium dicendum quod in operatione qua Deus operatur movendo naturam, non
operatur natura; sed ipsa naturae operatio est etiam operatio virtutis divinae;
sicut operatio instrumenti est per virtutem agentis principalis. Nec impeditur
quin natura et Deus ad idem operentur, propter ordinem qui est inter Deum et
naturam.
# 3. Dans l'opйration par laquelle Dieu opиre en mettant en mouvement
la nature, la nature n'opиre pas. Mais l'opйration mкme de la nature est aussi
une opйration du pouvoir divin, de mкme que l'opйration de l'instrument existe
par le pouvoir de l'agent principal. Et rien n'empкche que la nature et Dieu
opиrent sur un mкme objet, а cause de l'ordre entre Dieu et la nature[24]..
q. 3 a. 7 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod tam Deus quam natura immediate operantur; licet
ordinentur secundum prius et posterius, ut ex dictis patet.
# 4. Dieu autant que la nature opиre sans intermйdiaire, bien qu'ils
soient ordonnйs selon un avant et un aprиs, comme cela apparaоt dans ce qui a
йtй dit.
q. 3 a. 7 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod de ratione virtutis inferioris est quod sit aliquo modo
operationis principium in suo ordine, id est ut agat ut instrumentum superioris
virtutis: unde, exclusa superiori virtute, inferior virtus operationem non
habet. # 5. Il appartient а un pouvoir infйrieur d'кtre en quelque maniиre
principe d'opйration en son ordre, c'est-а-dire qu'il agisse comme instrument
d'un pouvoir supйrieur. C'est pourquoi, si le pouvoir supйrieur est exclus, le
pouvoir infйrieur n'a pas d'opйration..
q. 3 a. 7 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus non solum est causa operationis naturae ut
conservans virtutem naturalem in esse, sed aliis modis, ut dictum est.
# 6. Dieu est non seulement la cause de l'opйration de la nature, en
tant qu'il conserve le pouvoir naturel dans l'кtre, mais aussi par d'autres
moyens, comme on l'a dit.
q. 3 a. 7 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod virtus naturalis quae est rebus naturalibus in sua
institutione collata, inest eis ut quaedam forma habens esse ratum et firmum in
natura. Sed id quod a Deo fit in re naturali, quo actualiter agat, est ut
intentio sola, habens esse quoddam incompletum, per modum quo colores sunt in
aere, et virtus artis in instrumento artificis. Sicut ergo securi per artem
dari potuit acumen, ut esset forma in ea permanens, non autem dari ei potuit
quod vis artis esset in ea quasi quaedam forma permanens, nisi haberet
intellectum; ita rei naturali potuit conferri virtus propria, ut forma in ipsa
permanens, non autem vis qua agit ad esse ut instrumentum primae causae; nisi
daretur ei quod esset universale essendi principium: nec iterum virtuti
naturali conferri potuit ut moveret se ipsam, nec ut conservaret se in esse:
unde sicut patet quod instrumento artificis conferri non oportuit quod
operaretur absque motu artis; ita rei naturali conferri non potuit quod
operaretur absque operatione divina.
# 7. Le pouvoir naturel, placй dans les choses naturelles en leur
constitution est en elles comme une forme ayant un кtre dйterminй et ferme en
nature. Mais ce qui est fait par Dieu, dans un кtre naturel oщ il agit de
maniиre actuelle est comme une intention seule avec un кtre incomplet, а la
maniиre dont les couleurs sont dans l'air, et le pouvoir de l'art dans l'instrument
de l'artiste. Ainsi donc on a pu donner un tranchant а la hache pour qu'il y
soit forme permanente, mais on n'aurait pu lui donner le pouvoir de l'art comme
forme permanente que si elle avait une intelligence. De la mкme maniиre, un
pouvoir propre a pu кtre confйrй а la chose naturelle, comme une forme
permanente en elle, mais non la force par laquelle elle agit pour кtre comme
l'instrument de la cause premiиre, а moins de lui donner ce qui serait le
principe universel d'кtre. Et il n'a pu, non plus, кtre confйrй au pouvoir
naturel de se mouvoir lui-mкme, ni de se conserver dans l'кtre lui-mкme. C'est
pourquoi, de mкme qu'il est йvident qu'il ne fallut pas qu'il soit donnй а
l'instrument de l'artisan d'opйrer sans le mouvement de l'art, de mкme, il n'a
pu кtre donnй а la chose naturelle d'opйrer sans l'opйration divine.
q. 3 a. 7 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod necessitas naturae, per quam calor agit, constituitur ex
ordine omnium causarum praecedentium; unde non excluditur virtus causae primae. # 8. La nйcessitй naturelle, par laquelle la chaleur agit, est
constituйe de l'ordre de toutes les causes prйcйdentes. C'est pourquoi le
pouvoir de la cause premiиre n'est pas exclu.
q. 3 a. 7 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet natura et voluntas sint secundum esse disparata,
tamen in agendo habent aliquem ordinem. Nam sicut actio naturae praecedit
actionem voluntatis nostrae, ratione cuius in operibus artis, quae a voluntate
sunt, naturae operatione indiget; ita voluntas Dei, quae est origo omnis
naturalis motus, praecedit operationem naturae; unde et eius operatio in omni
operatione naturae requiritur.
# 9. Bien que la nature et la volontй soient diffйrentes selon leur
кtre, cependant elles ont un certain ordre en agissant. Car, de mкme que
l'action de la nature prйcиde l'action de notre volontй, pour la raison que
dans les opйrations de l'art, qui dйpendent de la volontй, celle-ci a besoin de
l'opйration de nature; de mкme la volontй de Dieu, qui est l'origine de tout
mouvement naturel, prйcиde l'opйration de la nature; c'est pourquoi son
opйration est requise dans toute opйration de nature.
q. 3 a. 7 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod creatura habet aliquam Dei similitudinem participando
bonitatem ipsius, in quantum est et agit, non tamen ita quod per similitudinis
perfectionem ad aequalitatem perveniat; et ideo sicut imperfectum indiget
perfecto, ita virtus naturae in agendo indiget operatione divina. # 10. La crйature a une certaine ressemblance а Dieu en participant а
sa bontй, dans la mesure oщ elle est et agit, non cependant de maniиre а
l'йgaler par la perfection de cette ressemblance. Et c'est pourquoi, de mкme
que l'imparfait a besoin du parfait, ainsi le pouvoir de la nature dans son
action a besoin de l'opйration divine.
q. 3 a. 7 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod duo Angeli minus distant secundum gradum naturae quam
Deus et natura creata; tamen in ordine causae et effectus, Deus et natura
conveniunt, non autem duo Angeli; unde Deus in natura operatur, non autem unus
Angelus in alio. # 11. Deux anges sont moins distants selon la hiйrarchie de la nature
que Dieu et la nature crййe; cependant dans l'ordre de la cause et de l'effet,
Dieu et la nature se rencontrent, mais pas deux anges. C'est pour cela que Dieu
opиre dans la nature, mais pas un ange dans un autre.
q. 3 a. 7 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod Deus non dicitur hominem dereliquisse in manu
consilii sui, quin in voluntate operetur; sed quia voluntati hominis dedit
dominium sui actus, ut non esset obligata ad alteram partem contradictionis:
quod quidem dominium naturae non dedit, cum per suam formam sit determinata ad
unum. # 12. On ne dit pas que Dieu a abandonnй l'homme а son conseil, au
point de ne plus opйrer dans sa volontй, mais parce qu'il a donnй а la volontй
de l'homme le pouvoir sur son action, pour qu'elle ne soit pas liйe а l'autre
partie de la contradiction[25]: il n'a pas donnй le pouvoir а la nature,
puisque par sa forme elle est dйterminйe а un objet unique.
q. 3 a. 7 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod voluntas dicitur habere dominium sui actus non
per exclusionem causae primae, sed quia causa prima non ita agit in voluntate
ut eam de necessitate ad unum determinet sicut determinat naturam; et ideo
determinatio actus relinquitur in potestate rationis et voluntatis. # 13. On dit que la volontй a pouvoir sur son action non en excluant la
cause premiиre, mais parce que celle-ci n'agit pas dans la volontй de sorte а
la dйterminer nйcessairement а un objet, comme elle dйtermine la nature et
ainsi la dйtermination de l'acte est laissйe au pouvoir de la raison et de la
volontй.
q. 3 a. 7 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod non quaelibet causa excludit libertatem, sed
solum causa cogens: sic autem Deus non est causa operationis nostrae. # 14. Ce n'est pas n'importe quelle cause qui enlиve la libertй mais
seulement une cause contraignante, mais ainsi Dieu n'est pas cause de notre
opйration.
q. 3 a. 7 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod quia causa prima magis influit in effectum quam
secunda, ideo quidquid perfectionis est in effectu, principaliter reducitur ad
primam causam; quod autem est de defectu, reducendum est in causam secundam,
quae non ita efficaciter operatur sicut causa prima. # 15. Parce que la cause premiиre influe plus sur l'effet que la cause
seconde, ce qu'il y a de perfection dans l'effet, est ramenй principalement а
la cause premiиre; mais ce qui est dйfaillance, doit кtre ramenй а la cause
seconde, qui n'opиre pas aussi efficacement que la cause premiиre[26].
q. 3
a. 7 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod Deus perfecte operatur ut causa
prima; requiritur tamen operatio naturae ut causae secundae. Posset
tamen Deus effectum naturae etiam sine natura facere; vult tamen facere
mediante natura, ut servetur ordo in rebus.
# 16. Dieu opиre de maniиre parfaite comme cause premiиre; cependant
l'opйration de la nature est requise comme cause seconde. Dieu pourrait
cependant produire un effet de nature mкme sans la nature, mais il veut le
faire par l'intermйdiaire de la nature pour conserver l'ordre des choses.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Ia, 105, a. 5 – CG. III, 67 – Compendium. 135 – II. Sent. d1q1a4. – [autres
rйf. Ia,
qu. 25, a. 4 CG. III, 67-70 – I Sent. d37q1a1 ad 4 – q2a2 – II Sent. d1q1a1.]
[2]
Pour la dйfinition de la nature, voir Physique,
II, 1, 192b.
[3]
Un des quatre йlйments.
[4]
Il donne а virtus un sens proche de "puissance", mais il faut
distinguer les deux mots puisqu'il les emploie tous les deux, en appliquant
cependant а virtus la dйfinition de la puissance par Aristote en Mйtaphysique V, Cf. Pot. qu. 1, a. 1,
obj. 3
[5]
Cf. C.G. III, 66, § 1: "...tous les agents infйrieurs ne donnent l'кtre
qu'en tant qu'ils agissent dans le pouvoir divin."
[6]
"Nous appelons libre celui qui est а lui-mкme sa fin et n'existe pas pour
un autre." Aristote § 29 (Trad. Tricot), Thomas n° 58. Le commentaire de
Thomas s'appuie sur le texte suivant: "...homo liber, qui suimet et non
alterius causa est."
[7]
Cf. Pot. 3, 9, obj. 25. Cf. aussi De causis, Prop. 1
[8]
L'йdition Marietti ajoute la citation.
[9]
Mкme sed contra en Ia, 105, 5. Ce mкme verset sert а dйmontrer la prйsence de
Dieu en toutes choses (Ia, qu. 8, a. 1). La vulgate omet in.
[10]
Aristote n° 116, Thomas n° 175.
[11]
Sur la conservation voir Pot. 5, 1, et Ia, 104.
[12]
Thomas prйcise dans le Compendium I, 135: "Par essence, dans la mesure oщ
кtre de quelque maniиre est une certaine participation а l'esse divin, et ainsi
l'essence divine est prйsente а tout existant, dans la mesure oщ il a l'кtre cause
de l'effet propre [comme cause d'кtre, Ia, 8, 3], par puissance, dans la mesure
oщ tout agit dans son pouvoir [dans la mesure oщ tout est soumis а son
pourvoir, Ia, 8, 3], par prйsence ensuite, dans la mesure oщ lui-mкme ordonne
et dispose tout sans intermйdiaire [dans la mesure oщ tout est nu et dйcouvert
а sa vue, [Ia, qu. 8, a. 3].
[13]
Cf. Averroиs, Mйtaphysique IX,
comment. 7 et 12, comment. 18. Cf. CG. III, 69, § 1
[14]
Position des Musulmans: CG. III, 65 Dernier §. "Pour affirmer que le monde
a besoin de Dieu pour кtre conservй dans l'кtre, ils ont prйtendu que toutes
les formes йtaient accidentelles, et qu'un accident ne dure deux instants, et
qu'ainsi le formation des кtres est en perpйtuel devenir, comme si les кtres
n'avaient pas besoin de cause efficiente que dans leur devenir".
[15]
Cf. L'occasionalisme a йtй repris par la suite par Ockham, Malebranche, etc.
[16]
Ces paragraphes dйveloppent ce qu'il a dit en II Sent., d1qu4: "Cette
position est stupide parce qu'elle dйtruit l'ordre de l'univers, l'opйration
propre chez les кtres et elle va contre le jugement des sens."
[17]
Il s'agit de la Sunaugeia platonicienne, c'est-а-dire la thйorie de la
rencontre des rayons йmanant de l'objet extйrieur et des rayons venant de
l'oeil (Timйe, 45 b–46 c et 67 c - 68
d). (Claudel thomiste p. 108)
[18]
Cf. Ia, qu. 105, a. 5, resp.: "Les puissances d'action qui se trouvent
dans les choses leur seraient attribuйs en vain si elles n'opйraient rien par
elles. Bien plus toutes les crйatures paraоtraient vaines d'une certaine
maniиre si elles йtaient privйes de leur propre opйration, puisque tout est en
vue de son opйration. Car toujours l'imparfait est en vue d'un plus parfait.
Donc de mкme que la matiиre est en vue de la forme, la forme qui est l'acte premier
est en vue de son opйration qui est l'acte second et ainsi l'opйration est la
fin de la crйature." Conclusion: Dieu n'opиre pas а la place des choses.
Il leur permet d'agir.
[19]
Salomon Ibn Gabirol vers 1021-1058). Cf. De substantii separatis dont certains
chapitres lui sont consacrйs.
[20] Aristote n° 598, Thomas
lect. n° 786 – n° 785, – Aristote n° 609, Thomas n° 795.
[21]
La distinction de l'opйration et celle de la nature: "La substance se
prend, sinon en grand nombre d'acceptions, du moins en quatre principales: on
pense d'ordinaire, en effet, que la substance de chaque кtre est soit quidditй,
soit l'universel, soit le genre, soit en quatriиme le sujet." Mйtaphysique VII, 3, 1028 a 33 (Thomas:
7, lectio 2, Ar. 568, Th. 1270-1275) (quidditй 7, 4-6,et 10-12, universel
13-14, sujet 7, 3 et 13-14 (Tricot p. 352).
Thomas
n° 1270: la substance a au moins quatre acceptions sinon plus:
1)
L'кtre premier, c'est-а-dire la quidditй ou l'essence ou bien la nature de la
chose.
2)
Thomas 1271: "Le second mode selon l'universel est appelй substance de
l'кtre, d'aprиs l'opinion de ceux qui pensent qu'il y a des idйes, des espиces
(species), attribuйes а des choses particuliers et en sont les substances":
3)
Thomas n ° 1272: Selon que "le premier genre semble кtre la substance de
chaque chose et de cette maniиre, ils pensaient que l'un et l'йtant йtaient la
substance de toute chose, en tant que premier genre du tout".
4)
Thomas n° 1273: la substance particuliиre.
[22]
Cf. II Sent. d1q1a4 c.: "... Mais les autres causes sont comme
dйterminantes de cet кtre. Car l'кtre entier d'aucune chose ne prend son
principe d'une crйature puisque la matiиre est de Dieu seulement; mais l'кtre
est plus intime d'une chose que ce par quoi elle est dйtournйe а l'кtre....
C'est pourquoi l'opйration du crйateur atteint plus l'intime de la choses que
l'opйration des causes secondaires; et c'est pourquoi ce qui a йtй crйй cause
d'une autre crйature n'exclut pas que Dieu opиre sans intermйdiaire en toutes
choses, dans la mesure oщ son pouvoir est comme l'intermйdiaire qui relie le
pouvoir 'une cause seconde а son effet.
[23]
De causis (prop. 9 (8). "Omnis Intelligentia fixio (stabilitй) et essentia
eius est per Bonitatem puram quae est Causa prima." Remarquons que Thomas
n'admet pas d'intermйdiaire comme le laisse supposer cette affirmation et que
"Dieu" est considйrй comme Bontй suprкme comme dans le Platonisme et
aussi par Denys.
Thomas
n° 210, signale que l'affirmation de Proclus est plus universelle: "La
cause premiиre de tous les йtants est le Bien".
[24]
CG. III, 70, § 5: "...Il n'est pas superflu que Dieu puisse par lui-mкme
produire tous les effets naturels, parce qu'ils sont produits par quelques
autres causes; car cela ne vient pas de l'insuffisance du pouvoir divin, mais
de son immense bontй, par laquelle il a voulu communiquer sa ressemblance aux
crйatures. Non seulement quant а leur кtre, mais encore pour le fait qu'elles
sont des autres." Dieu communique sa ressemblance, mais aussi il accorde а
кtres d'кtre cause des autres.
Ia,
qu. 105, a. 5, obj. 2: Une seule opйration n'est pas en mкme de deux
opйrateurs, de mкme que un mouvement, unique en nombre ne peut pas кtre de deux
mobiles. Si donc l'opйration de la crйature vient de Dieu, lorsqu'elle opиre,
elle ne peut pas venir en mкme temps de la crйature. Et ainsi aucune crйature
n'opиre.". Sol. 2: Ce ne sont pas deux agents de mкme ordre. "Rien
n'empкche qu'une seule et mкme action procиde d'un agent premier et d'un agent
second. Voir CG. III, 66, § 2.
CG.
III, 66 § 3. Amplius: "de plus quand certains agents de nature diffйrente
sont ordonnйs sous un seul genre, il est nйcessaire que l'effet qui est fait en
commun par eux soit d'eux, selon quoi ils sont unis pour participer au
mouvement et а la puissance de cet agent; car plusieurs ne fait qu'un qu'en
tant qu'ils sont un; ainsi il est йvident que tous ceux qui opиrent dans une
armйe pour causer la victoire qu'ils causent selon qu'ils sont sous l'ordre du
gйnйral. il faut montrer que dans le premier le premier agent est Dieu. Donc,
comme l'кtre est l'effet commun de tous les agents car tout agent fait l'кtre
en acte, il faut qu'ils produisent cet effet en tant qu'ils sont ordonnйs au
premier agent et ils agissent dans sa puissance.".
[25]
Le libre arbitre est une puissance rationnelle et en tant que tel il a rapport
а ces contraires. Thomas donne comme exemple l'art mйdical qui concerne et la
maladie et la santй. Ici il s'agit du choix entre les diffйrentes solutions
possibles qui peuvent кtre opposйes: v.g. choisir le bien ou le mal.
[26]
"Dieu est la cause premiиre et transcendante de notre libertй et de nos
dйcisions libres, de sorte que l'acte libre est tout entier de Dieu comme cause
premiиre et tout entier de nous comme cause seconde; parce qu'il n'y a pas une
fibrille d'кtre qui йchappe а la causalitй de Dieu... pour les actes
mauvais,... pour le mal, c'est tout le contraire... Dieu n'est absolument pas
cause du mal de nos actes libres, c'est l'homme qui est la cause premiиre et
qui a l'initiative premiиre du mal moral." J. Maritain, Dieu et la
permission du mal, Оuvres.Complиtes, XII, p. 23.
Article 8: Dieu opиre-t-il dans la nature en crйant, ce qui revient а
chercher si la crйation est mкlйe а l'opйration de nature?
q. 3 a. 8 tit. 1
Octavo quaeritur utrum Deus operetur in natura creando; quod est quaerere:
utrum creatio operi naturae admiscetur. Et videtur quod sic. Et il semble que oui[1].
Objections: q. 3 a. 8 arg. 1 Per
hoc quod dicit Augustinus: apostolus, inquit, Paulus discernens interius Deum
creantem atque formantem ab operibus creaturae quae admoventur extrinsecus, de
agricultura similitudinem assumens ait: ego plantavi, Apollo rigavit, sed Deus
incrementum dedit. 1. D'aprиs ce que dit Augustin (La
Trinitй, III, 8, 14): "L'apфtre Paul distinguant l'opйration de Dieu
qui crйe et qui faзonne au dedans, des opйrations de la crйature qui agit au
dehors, en empruntant une image а l'agriculture, dit: “J'ai plantй, Apollon a
arrosй, mais Dieu a donnй l'accroissement (1 Co. 3, 6)".
q. 3 a. 8 arg. 2 Sed dices, quod creatio
accipitur ibi large pro qualibet factione.- Sed contra, Augustinus, ex
auctoritate apostoli intendit in verbis praedictis distinguere operationem
creaturae ab operatione Dei. Non autem distinguitur per creationem communiter
acceptam pro qualibet factione, quia sic etiam natura creat; aliquid enim
facit, ut ostensum est supra, art. praeced., sed non per creationem proprie
acceptam. Ergo de creatione proprie accepta oportet verba
praemissa intelligere.
2. Mais on pourrait dire que la crйation est prise ici au sens large
pour une fabrication quelconque – En sens contraire, Augustin (ibid.) par
l'autoritй de l'Apфtre, vise, dans les paroles ici rapportйes, а distinguer
l'opйration de la crйature de celle de Dieu. Mais elle n'est pas distinguйe par
une crйation au sens communйment acceptй d'une fabrication quelconque, parce
que la nature crйe aussi. Car elle agit, comme on l'a montrй а l'article
prйcйdent, mais non par crйation au sens propre. Donc il faut comprendre que
ces paroles se rapportent а la crйation au sens propre.
q. 3 a. 8 arg. 3
Praeterea, idem Augustinus subdit: sicut in ipsa vita nostra mentem
iustificando formare non potest nisi Deus, praedicare autem extrinsecus
Evangelium etiam homines possunt; ita creationem rerum visibilium Deus interius
operatur, exteriores autem operationes bonorum sive malorum Angelorum vel
hominum, vel quorumcumque animalium, ita rerum naturae adhibet, in qua creat
omnia, quemadmodum terrae agriculturam. Sed mentem nostram iustificando format creatione proprie accepta: nam
gratia per creationem dicitur esse. Ergo et creatione proprie dicta formas
naturales creat. 3. Le mкme Augustin ajoute: "De la mкme maniиre que dans notre vie
mкme, il n'y a que Dieu seul qui peut faзonner l'esprit en le justifiant, mais
annoncer l'Йvangile а l'extйrieur, mкme les hommes peuvent le faire; de la mкme
maniиre, Dieu opиre de l'intйrieur la crйation du monde visible;mais aussi les
opйrations extйrieures des anges et des hommes, bons ou mauvais, ou de tous les
animaux (...), de sorte qu'il les applique а la nature oщ il crйe tout; comme
l'agriculture pour la terre." Mais il forme notre esprit en le justifiant
par une crйation au sens propre. Car on dit que la grвce existe par crйation.
Donc il crйe les formes naturelles par crйation proprement dite[2].
q. 3 a. 8 arg. 4 Sed
dices, quod formae naturales habent causam in subiecto, non autem gratia; et
pro tanto gratia proprie creatur, non autem formae naturales.- Sed contra, ut
dicitur in Glossa Genes. I, creare est ex nihilo aliquid facere. Cum autem haec
praepositio ex quandoque importet habitudinem causae efficientis, sicut I
Corinth., VIII, 6: ex quo omnia, per quem omnia, quandoque autem habitudinem
causae materialis, sicut habetur Tobiae cap. XIII, 21-22: omnis circuitus
murorum eius ex lapide candido et mundo; cum dicitur aliquid ex nihilo fieri,
non negatur habitudo causae efficientis (quia sic Deus rerum creatarum causa
efficiens non esset), sed negatur habitudo causae materialis. Formae autem
naturales habent in subiectis causas efficientes, per quod differunt a gratia;
habent etiam et materiam in qua, quod et gratiae competit. Non ergo magis
competit ratio creationis gratiae quam naturalibus formis, per hoc quod est
habere causam in subiecto.
4. Mais on pourrait dire que les formes naturelles ont leur cause dans
le substrat mais pas la grвce, et pour autant celle-ci est crййe au sens
propre, mais pas les formes naturelles. – En sens contraire, comme on le dit
dans la Glose de Gn 1, 1: "Crйer c'est faire quelque chose de rien[3]."
Comme cette prйposition “ex” ('de') apporte quelquefois une relation de cause
efficiente comme en 1 Co. 8, 6: "Tout vient de lui, tout est par lui",
quelquefois aussi une relation de la cause matйrielle, comme on le trouve en
Tobie 13, 21 - 22: "Tout le tour de ses murs: de (ex) pierre blanche et
pure", quand on dit que quelque chose est fait de rien, on ne nie pas la
relation а la cause efficiente, (sinon Dieu ne serait pas la cause efficiente
des crйatures), mais on nie la relation а la cause matйrielle. Mais les formes
naturelles ont dans leur substrat des causes efficientes par le fait qu'elles
diffиrent de la grвce. Elles ont aussi une matiиre dans laquelle (elles sont),
ce qui convient aussi а la grвce. Donc la crйation ne convient pas plus а la
grвce qu'aux formes naturelles, par le fait d'avoir une cause dans le substrat.
q. 3 a. 8 arg. 5
Praeterea, formae artificiales non habent causam in subiecto, sed sunt
totaliter ab extrinseco. Si ergo gratia propter hoc creari dicitur quia non
habet causam in subiecto, pari ratione formae accidentales artificiales
creabuntur. 5. Les formes artificielles n'ont pas de cause dans le substrat, mais
elle viennent totalement de l'extйrieur. Donc si on dit que la grвce est crййe
parce qu'elle n'a pas de cause dans le substrat, а raison йgale les formes
accidentelles artificielles seront crййes.
q. 3 a. 8 arg. 6
Praeterea, id quod non habet materiam partem sui, non potest ex materia fieri.
Sed formae non habent materiam partem sui: quia forma distinguitur et contra
materiam et contra compositum, ut patet in principio secundi de anima. Cum ergo
formae fiant quia de novo esse incipiunt, videtur quod non fiant ex materia; et
sic fiunt ex nihilo, et per consequens creantur.
6. Ce qui n'a pas de partie matйrielle, ne peut кtre fait de matiиre.
Mais les formes n'ont pas de matiиre en participation, parce que la forme est
distinguйe de la matiиre et du composй, comme cela apparaоt au dйbut du livre 2
de L'вme ( 412 b 10[4]). Donc comme les formes sont faites, parce qu'elles commencent
а exister de nouveau, il semble qu'elles ne sont pas faites de matiиre, et
ainsi elles sont faites de rien et par consйquent elles sont crййes.
q. 3 a. 8 arg. 7 Sed
diceretur, quod licet formae naturales non habeant materiam partem sui ex qua
sint, habent tamen materiam in qua sunt, et pro tanto non creantur.- Sed
contra, sicut aliae formae naturales, ita et anima rationalis est forma in
materia. Sed anima rationalis creari ponitur. Ergo et similiter est de aliis
formis naturalibus ponendum.
7. Mais on pourrait dire que, bien que les formes naturelles n'aient
pas de matiиre en participation d'elles-mкmes, d'oщ elles viennent, elles ont
cependant une matiиre dans laquelle elles sont, et pour autant elles ne sont
pas crййes. – En sens contraire: comme les autres formes naturelles, l'вme
rationnelle est une forme dans la matiиre. Mais il est йtabli qu'elle est
crййe. Donc il faut le concevoir de la mкme maniиre pour les autres formes
naturelles.
q. 3 a. 8 arg. 8 Sed
dices, quod anima rationalis non educitur de materia, sicut aliae formae
naturales. Sed contra, nihil educitur de aliquo quod non est in eo. Sed ante
finem generationis forma, quae est generationis terminus, non erat in materia;
alias essent formae contrariae in materia simul. Ergo formae naturales non
educuntur de materia.
8. Mais on pourrait dire que l'вme rationnelle n'est pas tirйe de la
matiиre, comme les autres formes naturelles.– En sens contraire: rien n'est
tirй de quelque chose qui n'est pas en lui. Mais, avant la fin de la gйnйration,
la forme, qui en est le terme, n'йtait pas dans la matiиre. Autrement il y
aurait dans la matiиre en mкme temps des formes contraires. Donc les formes
naturelles ne sont pas tirйes de la matiиre.
q. 3 a. 8 arg. 9
Praeterea, forma quae est generationis terminus, non apparebat ante
generationem completam. Si ergo erat ibi, erat latens: et ita sequeretur
latitatio cuiuslibet in quolibet, quam ponebat Anaxagoras, et Aristoteles
improbat in I Phys.
9. La forme qui est le terme de la gйnйration n'apparaissait pas avant
la gйnйration complиte. Donc si elle y йtait, elle йtait cachйe, et il
s'ensuivrait ainsi un йtat latent d'une chose dans une autre, ce que professait
Anaxagore et que rejette Aristote (Physique.
I, 4, 186 b 22 - 187 a 32).
q. 3 a. 8 arg. 10
Sed dices, quod forma naturalis non existebat in materia ante completam
generationem, complete, ut Anaxagoras ponebat, sed incomplete.- Sed contra, si forma aliquo modo est in materia ante terminum
generationis, est ibi secundum aliquid sui. Si autem non est
ibi complete secundum aliquid sui, non praeexistit. Habet ergo forma aliquid et
aliquid, et sic non est simplex; cuius contrarium in principio sex principiorum
habetur.
10. Mais on pourrait dire que la forme naturelle n'existait pas
complиtement dans la matiиre avant la gйnйration complиte, comme Anaxagore le
pensait, mais de faзon incomplиte. – En sens contraire: si la forme est en
quelque maniиre dans la matiиre avant le terme de la gйnйration, elle y est
comme la partie d'elle-mкme. Mais si elle n'y est pas complиtement, elle ne
prйexiste pas comme partie. Donc la forme une chose et l'autre et ainsi, elle
n'est pas simple; on trouve le contraire au commencement des “Six principes[5]
”.
q. 3 a. 8 arg. 11
Praeterea, si non complete praeexistit in materia, et postmodum completur,
oportet quod per generationem ei adveniat complementum. Illud autem complementum in materia non
praeexistebat, quia sic fuisset ibi complete. Ergo illud complementum per
creationem erit ad minus. 11. Si elle ne prйexiste pas complиtement dans la matiиre, et qu'elle
est complйtйe ensuite, il faut que le complйment lui advienne par gйnйration.
Mais ce complйment ne prйexistait pas dans la matiиre, parce qu'il y aurait
ainsi йtй en entier. Donc ce complйment existera au moins par crйation.
q. 3 a. 8 arg. 12
Sed dices, quod praeexistebat in materia incomplete, non quidem secundum
partem, sed quia alio modo erat ante, et alio modo post: prius enim erat in
potentia, sed post est in actu.- Sed contra, ex hoc
quod aliquid alio et alio modo se habet, est alteratio, non generatio. Si ergo
per opus naturae non fit aliquid, nisi quod forma quae prius erat in potentia,
postea fit actu; sequeretur quod per operationem naturae non sit aliqua
generatio, sed alteratio sola. 12. On pourrait dire qu'elle prйexistait dans la matiиre
incomplиtement, non pas en partie, mais parce qu'elle existait d'une maniиre
diffйrente avant et aprиs: car avant, elle йtait en puissance, mais aprиs elle
est en acte. – En sens contraire, du fait que quelque chose se comporte d'une
maniиre et d'une autre, c'est un changement d'йtat, non une gйnйration. Si donc
par l'oeuvre de la nature, rien n'est fait sinon que la forme, qui йtait avant
en puissance, devient ensuite en acte, il en dйcoulerait que par une opйration de
nature il n'y aurait pas gйnйration mais changement d'йtat seulement.
q. 3 a. 8 arg. 13
Praeterea, in natura inferiori non invenitur aliquod activum principium, nisi
accidens: nam ignis agit per calorem, qui est accidens; et similiter de aliis.
Sed accidens non potest esse causa activa formae substantialis, quia nihil agit
ultra suam speciem; effectus autem non praeeminet causae, cum tamen forma
substantialis praeemineat accidenti. Ergo forma substantialis non producitur
per actionem naturae inferioris; et ita oportet quod sit per creationem.
13. Dans la nature infйrieure, on ne trouve comme principe actif que
l'accident; car le feu agit par la chaleur, qui est un accident, et de mкme
pour les autres choses. Mais l'accident ne peut кtre la cause active de la
forme substantielle, parce que rien n'agit au-delа de son espиce; l'effet ne
l'emporte pas sur la cause, encore que cependant la forme substantielle
l'emporte sur l'accident. Donc la forme substantielle n'est pas produite par
l'action d'une nature infйrieure, et ainsi il faut qu'elle existe par crйation.
q. 3 a. 8 arg. 14
Praeterea, imperfectum non potest esse causa perfecti. Sed in semine bruti
animalis non est vis animae nisi imperfecte. Ergo anima bruti non producitur
per actionem naturalem virtutis seminalis; et ita oportet quod sit per
creationem et pari ratione omnes aliae formae naturales. 14. L'imparfait ne peut pas кtre cause du parfait. Mais la force de
l'вme n'est dans la semence de l'animal qu'imparfaitement. Donc l'вme de
l'animal n'est pas produite par l'action naturelle du pouvoir sйminal et ainsi
il faut qu'elle existe par crйation, et а raison йgale, toutes les autres
formes naturelles[6].
q. 3 a. 8 arg. 15
Praeterea, illud quod non est animatum nec vivum, non potest esse causa rei animatae
viventis. Sed animalia quae generantur ex putrefactione, sunt res animatae
viventes; non autem inveniuntur in natura aliqua viventia, a quibus eis vita
conferatur. Ergo oportet quod eorum animae sint per creationem a primo vivente,
et pari ratione aliae formae naturales. 15. Ce qui n'est ni animй, ni vivant ne peut кtre cause d'un кtre animй
vivant. Mais les animaux qui naissent de la putrйfaction sont des кtres animйs
vivants; et on ne trouve pas dans la nature des кtres vivants par lesquels la
vie leur est confйrйe. Donc il faut que leurs вmes existent par crйation а
partir du premier vivant et а raison йgale les autres formes naturelles.
q. 3 a. 8 arg. 16
Praeterea, natura non agit nisi sibi simile. Sed aliqua res naturalis invenitur
generari, cuius similitudo in generante non praecessit. Mulus enim neque equo,
neque asino est similis in specie. Ergo forma muli non est per actionem
naturae, sed per creationem; et sic idem quod prius.
16. La nature ne fait que du semblable а elle-mкme. Mais on trouve un
кtre naturel engendrй, dont la ressemblance ne l'a pas prйcйdй dans celui qui
engendre. La mulet en effet, n'est semblable en espиce, ni au cheval ni а
l'вne. Donc la forme du mulet ne vient pas de l'action de la nature, mais par
crйation et ainsi de mкme que plus haut.
q. 3 a. 8 arg. 17
Praeterea, Augustinus dicit in Lib. de vera Relig., quod res naturales formis
suis formatae non essent, nisi esset aliquid primum unde formarentur. Hoc autem est ipse Deus. Ergo omnes formae sunt per
creationem a Deo. 17. Augustin dit (La vraie
religion, Le libre arbitre, II, 17) que les кtres naturels ne seraient mis
en forme que s'il y avait quelque кtre premier qui les forme. Mais celui-ci,
c'est Dieu mкme. Donc toutes les formes viennent de la crйation de Dieu.
q. 3 a. 8 arg. 18
Praeterea, Boetius dicit, quod ex formis quae sunt sine materia, venerunt
formae quae sunt in materia. Formae autem quae sunt sine materia, non possunt
intelligi in proposito, nisi ideae rerum in mente divina existentes. Nam
Angeli, qui possunt dici sine materia formae non sunt causae formarum
naturalium, ut patet per Augustinum. Ergo formae naturales non sunt per
actionem naturae, sed a datore creante. 18. Boиce dit (La Trinitй) que les formes qui sont dans la matiиre sont
venues des formes sans matiиre. Mais les formes sans matiиre ne peuvent кtre
comprises que dans l'hypothиse oщ les idйes des choses existent dans l'esprit
divin. Car les anges, qui peuvent кtre appelйs des formes sans matiиre, ne sont
pas causes des formes naturelles, comme Augustin le montre (La Trinitй III, 8
et 9). Donc les formes naturelles ne dйpendent pas de l'action de la nature,
mais d'un donneur qui les crйe.
q. 3 a. 8 arg. 19
Praeterea, in libro de causis, dicitur, quod esse est per creationem. Hoc autem
non esset nisi formae crearentur: nam forma est essendi principium. Ergo formae
sunt per creationem: ergo Deus in materia operatur aliquid creando, scilicet
ipsas formas. 19. Dans le Livre des Causes
(prop. 18), il est dit que l'кtre existe par crйation. Mais cela ne serait
possible que si les formes йtaient crййes, car la forme est le principe d'кtre.
Donc les formes existent par crйation; et Dieu opиre dans la matiиre en crйant
quelque chose, c'est-а-dire les formes elles-mкmes.
q. 3 a. 8 arg. 20
Praeterea, id quod est per se, est causa eius quod non est per se. Sed formae rerum naturalium non sunt per se, sed
sunt in materia. Ergo earum causa est forma per se stans; et ita oportet quod
formae naturales sint per creationem ab agente extrinseco; et sic videtur quod
Deus in natura operetur, formas creando. 20. Ce qui est par soi est cause de ce qui ne l'est pas. Mais les
formes des кtres naturels ne sont pas par soi mais sont dans la matiиre. Donc
leur cause est une forme qui demeure par soi et de mкme qu'il faut que les
formes naturelles soient crййes par un agent extйrieur, de mкme il semble que
Dieu opиre dans la nature en crйant les formes.
En sens contraire: q. 3 a. 8 s. c. 1
Sed contra. Opus creationis distinguitur ab opere gubernationis et
propagationis. Quod autem actione naturae agitur, pertinet ad opus
gubernationis et ad rerum propagationem. Ergo creatio operi naturae non
admiscetur. 1.On distingue l'oeuvre de la crйation de celle du gouvernement et de
la propagation[7]. Mais ce qui est fait par l'action de la nature, convient а
l'oeuvre du gouvernement et de la propagation. Donc la crйation n'est pas mкlйe
а l'opйration de la nature.
q. 3 a. 8 s. c. 2
Praeterea, nihil potest creare nisi solus Deus. Si ergo formae sunt per
creationem, non erunt nisi a Deo; et sic omnis actio naturae frustrabitur,
cuius finis est forma. 2. Rien ne peut crйer, sinon Dieu seul. Si donc les formes existent par
crйation, elles n'existeront que par Dieu; et ainsi toute l'action de la
nature, dont la fin est la forme, sera vaine.
q. 3 a. 8 s. c. 3
Praeterea, sicut forma substantialis non habet materiam partem sui, ita nec
accidentalis. Si ergo propter hoc formas substantiales oportet esse per
creationem, quia non habent materiam, pari ratione et formae accidentales. Sicut autem res generata perficitur per formam
substantialem, ita fit dispositio per formam accidentalem. Ergo res naturalis
nullo modo erit generans, neque sicut perficiens neque sicut disponens; et sic
cassa erit omnis naturae actio.
3. La forme substantielle n'a pas de matiиre en participation, la forme
accidentelle non plus. Si donc, il faut que les formes substantielles soient
crййes, parce qu'elles n'ont pas de matiиre, а raison йgale les formes
accidentelles aussi. Mais de la mкme maniиre que ce qui est engendrй est achevй
par la forme substantielle, de mкme la disposition est faite par la forme
accidentelle. Donc l'кtre naturel n'engendrera en aucune maniиre, ni en
achevant, ni en disposant. Et ainsi toute action de la nature sera vaine.
q. 3 a. 8 s. c. 4
Praeterea, natura est ex similibus similia procreans. Sed generatum invenitur simile generanti secundum
speciem et formam. Ergo ipsa forma generati fit per actionem generantis, et non
per creationem.
4. La nature procrйe du semblable а partir du semblable. Mais on trouve
que l'engendrй est semblable а celui qui l'engendre, selon l'espиce et la
forme. Donc la forme mкme de l'engendrй est faite par l'action de celui qui
engendre, et non par crйation.
q. 3 a. 8 s. c. 5
Praeterea, diversorum agentium actiones non terminantur ad unum effectum. Sed
ex materia et forma fit unum simpliciter. Ergo non potest esse quod sit aliud
agens quod disponit materiam et quod inducit formam. Disponens autem materiam,
est agens naturale. Ergo et inducens formam; et sic formae non sunt per
creationem, et ita creatio non admiscetur operibus naturae. 5. Les actions des divers agents ne se terminent pas а un seul effet.
Mais l'unitй vient simplement de la matiиre et de la forme. Donc il est
impossible que ce soit un agent diffйrent qui dispose la matiиre et qui induit
la forme. Mais en disposant la matiиre, il est agent naturel. Donc en induisant
la forme aussi, et de mкme que les formes n'existent pas par crйation, de mкme
la crйation n'est pas mкlйe aux oeuvres de la nature.
Rйponse: q. 3
a. 8 co. Respondeo. Dicendum, circa istam quaestionem diversae fuerunt
opiniones. Quarum omnium videtur radix fuisse unum et idem principium, secundum
quod natura non potest ex nihilo aliquid facere. A propos de cette question les opinions ont йtй diverses. La racine de
toutes semble avoir йtй un seul et mкme principe: la nature ne peut rien faire
de rien.
Ex hoc enim aliqui crediderunt quod nulla res fieret aliter nisi per
hoc quod extrahebatur a re alia in qua latebat, sicut de Anaxagora narrat philosophus,
qui ex hoc videtur fuisse deceptus, quia non distinguebat inter potentiam et
actum; putabat enim oportere quod actu praeextiterit illud quod generatur.
Oportet autem quod praeexistat potentia et non actu; si enim non praeexisteret
potentia, fieret ex nihilo; si vero praeexisteret actu, non fieret: quia quod
est, non fit.
A. Car а partir de lа, certains ont cru que rien n'йtait faite
autrement qu'en йtant tirй d'une chose en qui elle йtait cachйe, comme le
philosophe le raconte d'Anaxagore[8] (Physique,
I, 4, 187 a 26), qui semble avoir йtй trompй parce qu'il ne distinguait pas la
puissance et l'acte. Car il pensait qu'il fallait que ce qui est engendrй
prйexiste en acte. Il faut aussi qu'il prйexiste en puissance et non en acte.
Car s'il ne prйexistait pas en puissance, il serait fait de rien, mais s'il
prйexistait en acte, il ne serait pas fait, parce que ce qui est ne se fait pas
.
Sed quia res generata est in potentia per materiam, et in actu per suam
formam; posuerunt aliqui, quod res fiebat quantum ad formam materia
praeexistente. Et quia operatio naturae non potest esse ex nihilo, et per
consequens oportet quod sit ex praesuppositione, non operabatur, secundum eos,
natura, nisi ex parte materiae disponendo ipsam ad formam. Formam vero, quam
oportet fieri et non praesupponi, oportet esse ex agente qui non praesupponit
aliquid, sed potest ex nihilo facere: et hoc est agens supernaturale, quod
Plato posuit datorem formarum. Et hoc Avicenna dixit esse intelligentiam
ultimam inter substantias separatas. B. Mais parce qu'un кtre engendrй est en puissance par la matiиre, et
en acte par sa forme, certains ont pensй qu'il йtait fait, quant а sa forme
avec une matiиre prйexistante. Et parce que l'opйration de nature ne peut pas
exister а partir de rien, et que par consйquent, il faut qu'elle vienne de
quelque chose de prйsupposй, la nature n'opйrait selon eux, qu'а partir d'une
partie de la matiиre, en la disposant а la forme. Mais il faut que la forme,
qui doit кtre faite et non prйsupposйe, vienne d'un agent qui ne prйsuppose
rien, mais peut la faire de rien. Et c'est un agent surnaturel que Platon a
йtabli comme donneur de formes. Et Avicenne a dit que c'йtait la derniиre
intelligence parmi les substances sйparйes.
Quidam vero moderni eos sequentes, dicunt hoc esse Deum. Hoc autem
videtur esse inconveniens. Quia cum unumquodque natum sit simile sibi agere
(nam unumquodque agit in eo quod actu est, hoc scilicet quod est in potentia id
quod agendum est), non requireretur similitudo secundum formam substantialem in
agente naturali, nisi forma substantialis geniti esset per actionem agentis. Ex
quo etiam id quod in genito acquirendum est, actu in generante naturali
invenitur, et unumquodque agit secundum quod actu est; inconveniens videtur,
hoc generante praetermisso, aliud exterius inquirere. C. Certains modernes[9] qui les suivent disent que c'est Dieu. Mais
cela ne paraоt pas convenir. Parce que, comme chaque chose est destinйe а faire
du semblable а soi[10] (car elle agit en ce qui est en acte, car il va de soi
que ce qui est en puissance est ce qui doit кtre fait), la ressemblance ne
serait requise pour la forme substantielle dans l'agent naturel que si celle de
l'engendrй venait de l'action de l'agent. D'oщ ce qui doit кtre acquis dans
l'engendrй, c'est ce qui se trouve en acte dans le gйniteur naturel. Chacun
agit selon qu'il est en acte; recourir а un agent extйrieur sans tenir compte
de ce qui engendre, ne semble pas convenir.
Unde sciendum est, quod istae opiniones videntur provenisse ex hoc quod
ignorabatur natura formae, sicut et primae provenerunt ex hoc quod ignorabatur
natura materiae. Forma enim naturalis non dicitur univoce esse cum re generata.
Res enim naturalis generata dicitur esse per se et proprie, quasi habens esse,
et in suo esse subsistens; forma autem non sic esse dicitur, cum non subsistat,
nec per se esse habeat; sed dicitur esse vel ens, quia ea aliquid est; sicut et
accidentia dicuntur entia, quia substantia eis est vel qualis vel quanta, non
quod eis sit simpliciter sicut per formam substantialem: unde accidentia magis
proprie dicuntur entis, quam entia, ut patet in Metaphys.
D. C'est pourquoi il faut savoir que ces opinions paraissent provenir
de ce que la nature de la forme йtait ignorйe, de mкme que les premiиres
opinions provenaient de ce que la nature de la matiиre йtait ignorйe. Car on ne
dit pas que la forme naturelle est univoque avec ce qui est engendrй. Mais on
dit que la chose naturelle engendrйe est par soi et proprement, comme ayant
l'кtre, et subsistante en soi, mais on ne dit pas que ce n'est pas ainsi
qu'existe la forme, puisqu'elle ne subsiste pas, et qu'elle n'a pas l'кtre par
soi. Mais on l'appelle кtre ou йtant, parce qu'elle est quelque chose, de mкme
qu'on appelle les accidents des йtants, parce que la substance pour eux est
qualitй ou grandeur, non parce qu'elle existe absolument pour eux, comme par
une forme substantielle; c'est pourquoi les accidents sont plus proprement
appelйs accidents de l'йtant que des йtants, comme cela apparaоt en Mйtaphysique VII, 1, 1028 a 35 - b 1[11]
Unumquodque autem factum, hoc modo dicitur fieri quo dicitur esse. Nam
esse est terminus factionis: unde illud quod proprie fit per se, compositum
est. Forma autem non proprie fit, sed est id quod fit, id est per cuius
acquisitionem aliquid dicitur fieri. Nihil ergo obstat per hoc quod dicitur
quod per naturam ex nihilo nihil fit, quin formas substantiales, ex operatione
naturae esse dicamus. Nam id quod fit, non est forma, sed compositum; quod ex
materia fit, et non ex nihilo. Et fit quidem ex materia, in quantum materia est
in potentia ad ipsum compositum, per hoc quod est in potentia ad formam. Et sic
non proprie dicitur quod forma fiat in materia, sed magis quod de materiae
potentia educatur.
On dit que chaque chose faite est faite de la maniиre par laquelle on
la dit кtre. Car l'кtre est le terme du faire: c'est pourquoi ce qui est fait
proprement par soi est composй. Mais la forme n'est pas faite а proprement
parler, mais elle est ce qui est fait, c'est-а-dire par l'acquisition de ce
dont on dit qu'elle est faite[12]. Donc rien n'empкche, du fait qu'on dit que
rien n'est fait de rien par nature, de dire que les formes substantielles
viennent de l'opйration de la nature. Car ce qui est fait, ce n'est pas la
forme, mais le composй, qui est fait de matiиre et non de rien. C'est fait de
matiиre, dans la mesure oщ celle-ci est en puissance pour ce composй mкme,
parce qu'elle est en puissance pour la forme. Et ainsi ce n'est pas proprement
qu'on dit que la forme est faite dans la matiиre, mais elle est plutфt tirйe de
la puissance de la matiиre.
Ex hoc autem ipso quod compositum fit, et non forma, ostendit
philosophus, quod formae sunt ex agentibus naturalibus: nam, cum factum
oporteat esse simile facienti, ex quo id quod factum est, est compositum,
oportet id quod est faciens, esse compositum, et non forma per se existens, ut
Plato dicebat; ut sic sicut factum est compositum, quo autem fit, est forma in
materia in actum reducta; ita generans sit compositum, non forma tantum; sed forma
sit quo generat: forma, inquam, in hac materia existens, sicut in his carnibus
et in his ossibus et in aliis huiusmodi.
Du fait que c'est le composй qui est fait et non la forme, le
philosophe montre (Mйtaphysique VII,
8, 1033 a 24 - b 8 – 8, 1034 b 7-16[13]):que les formes proviennent des agents
naturels. Car, comme ce qui est fait doit ressembler а ce qui le fait, du fait
qu'il a йtй fait, il est composй, il faut que celui qui le fait soit composй et
non une forme existante en soi, comme Platon le disait, de sorte que, de mкme
que ce qui a йtй fait est un composй, par quoi il est fait, il y a une forme
dans la matiиre ramenйe а l'acte; de mкme celui qui engendre serait un composй
et non une forme seulement. Mais la forme serait par quoi il engendre; la
forme, dis-je, qui existe dans cette matiиre, comme dans ces chairs et ces
os[14], etc..
Solutions: q. 3 a. 8 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ex verbis Augustini in operibus naturae creatio Deo
attribuitur ratione virtutum naturalium, quas in principio materiae indidit per
opus creationis, non quod in quolibet naturae opere aliquod creetur. # 1. Par ces paroles d'Augustin, la crйation, dans les opйrations de
nature, est attribuйe а Dieu, en raison des pouvoirs naturels qu'il a
introduits au commencement de la matiиre[15] par l'oeuvre de crйation, non
parce qu'il crйe quelque chose dans n'importe quelle oeuvre de nature.
q. 3 a. 8 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod creatio proprie accipitur in verbis Augustini; non
tamen referenda est ad effectus naturae, sed ad virtutes quibus natura operatur;
quae per opus creationis naturae sunt inditae. # 2. Dans ces paroles, Augustin prend la crйation au sens propre; elles
ne doivent pas cependant кtre rapportйes aux effets de nature, mais aux
pouvoirs par lesquels la nature opиre, qui sont introduits dans la nature par
l'opйration de la crйation.
q. 3 a. 8 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod gratia, cum non sit forma subsistens, nec esse nec fieri
ei proprie per se competit: unde non proprie creatur per modum illum quo substantiae
per se subsistentes creantur. Infusio tamen gratiae accedit ad rationem
creationis in quantum gratia non habet causam in subiecto, nec efficientem, nec
talem materiam in qua sit hoc modo in potentia, quod per agens naturale educi
possit in actum, sicut est de aliis formis naturalibus. # 3. Il ne convient pas а la grвce, puisqu'elle n'est pas une forme
subsistante, d'exister ni d'кtre faite rйellement par soi. C'est pourquoi, elle
n'est pas proprement crййe а la maniиre dont les substances subsistantes par
soi sont crййes. Cependant l'infusion de la grвce touche а la notion de
crйation, dans la mesure oщ elle n'a pas de cause efficiente dans le sujet, ni
telle matiиre en laquelle elle serait ainsi en puissance, ce qui pourrait кtre
amenйe а l'acte par l'agent naturel comme pour les autres formes naturelles.
q. 3 a. 8 ad 4 Unde patet solutio ad quartum. Nam cum dicitur aliquid fieri ex nihilo, negatur causa materialis. Hoc
vero aliquo modo ad carentiam materiae pertinet, quod aliqua forma de naturali
materiae potentiae educi non potest.
# 4. Ainsi paraоt la solution а la 4e objection. Car, lorsqu'on dit que
quelque chose est fait de rien, on nie la cause matйrielle. Qu'une forme ne
puisse pas кtre tirйe de la puissance naturelle de la matiиre, cela concerne,
d'une certaine maniиre, une carence de la matiиre.
q. 3 a. 8 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod licet in natura non inveniatur principium efficiens
respectu formarum artificialium, tamen huiusmodi formae non excedunt naturae
ordinem, sicut gratia; immo infra subsistunt, quia omne naturale est nobilius
quam artificiale.
# 5. Quoiqu'on ne trouve pas dans la nature de principe efficient en
rapport avec les formes artificielles, cependant de telles formes ne dйpassent
pas l'ordre de la nature, comme la grвce. Bien au contraire, elles se situent
au-dessous, parce que ce qui est naturel est plus noble que ce qui est
artificiel.
q. 3 a. 8 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod ex hoc quod forma non habet materiam partem sui,
sequeretur quod ei creari competeret, ei proprie fieri posset sicut res per se
subsistens. # 6. Il dйcoulerait, du fait que la forme n'a pas de partie matйrielle,
qu'il lui conviendrait d'кtre crййe, cela pourrait а proprement parler кtre
fait comme une choses subsistante par soi.
q. 3 a. 8 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod licet anima rationalis habeat materiam in qua sit, non
tamen educitur de potentia materiae, cum eius natura supra omnem materialem
ordinem elevetur: quod eius intellectualis operatio declarat. Et iterum haec
forma est res per se subsistens, cum corrupto corpore, maneat. #7. Bien que l'вme rationnelle ait une matiиre en laquelle elle se
situe, elle ne sort cependant pas de la puissance de la matiиre, puisque sa
nature s'йlиve au-dessus de tout l'ordre de la matiиre, ce que montre son
opйration intellectuelle. Et de plus cette forme est une chose subsistante en
soi, puisqu'elle demeure aprиs la corruption du corps.
q. 3 a. 8 ad 8 Ad octavum dicendum, quod forma,
quae est generationis terminus, erat in materia ante generationem completam,
non in actu, sed in potentia. Non est autem inconveniens duorum
contrariorum unum esse actu et aliud in potentia. # 8. La forme, qui est le terme de la gйnйration, йtait dans la matiиre
avant la gйnйration complиte, non en acte mais en puissance. Mais il n'y a pas
d'inconvйnient que l'un des deux contraires soit en acte et l'autre en
puissance.
q. 3 a. 8 ad 9 Et per hoc patet responsio ad
nonum. Nam Anaxagoras non ponebat formas actu praeexistere
in materia, sed latere. # 9. Et par lа apparaоt la rйponse а la 9e objection. Car Anaxagore ne
pensait pas que les formes prйexistaient en acte dans la matiиre mais qu'elles
y йtaient cachйes.
q. 3 a. 8 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod forma praeexistit in materia imperfecte; non quod aliqua
pars eius sit ibi in actu, et alia desit; sed quia tota praeexistit in
potentia, et postmodum tota producitur in actu. # 10. La forme prйexiste dans la matiиre de faзon imparfaite, non parce
qu'une de ses parties y est en acte et que l'autre manque, mais parce qu'elle prйexiste
tout entiиre en puissance et ensuite elle est amenйe toute entiиre а acte.
q. 3 a. 8 ad 11 Et
per hoc etiam patet responsio ad undecimum; patet enim quod non perficitur esse
formae in materia alio exteriori addito, quod in potentia materiae non esset. # 11. Et par lа paraоt la rйponse а la 11e objection, car il est clair
que l'кtre de la forme dans la matiиre n'est pas achevй par une chose
extйrieure ajoutйe, qui ne serait pas dans la puissance de la matiиre.
q. 3 a. 8 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod esse in potentia et esse in actu non dicunt diversos
modos accidentales, ex quorum diversitate alteratio proveniat, sed
substantiales. Nam etiam substantia dividitur per potentiam et actum, sicut et
quodlibet aliud genus. # 12. L'кtre en puissance et l'кtre en acte n'indiquent pas diffйrents
modes accidentels de la diversitй desquelles proviendraient l'altйration, mais
ils indiquent des modes substantiels. Car la substance aussi se divise en
puissance et en acte, comme n'importe quel autre genre.
q. 3 a. 8 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum quod forma accidentalis agit in virtute formae
substantialis quasi instrumentum eius; sicut etiam in II de anima calor ignis
dicitur esse instrumentum virtutis nutritivae; et ideo non est inconveniens, si
actio formae accidentalis ad formam substantialem terminetur. # 13. La forme accidentelle agit dans le pouvoir de la forme
substantielle comme son instrument. Ainsi, on dit dans le livre De L'вme (II,
4, 416 a 10[16]) que la chaleur du feu est l'instrument du pouvoir nutritif,
c'est pourquoi il n'y a pas d'inconvйnient si l'action d'une forme accidentelle
se termine а la forme substantielle.
q. 3 a. 8 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod etiam in semine calor seminis agit ut
instrumentum virtutis animae, quae est in semine: quae quidem licet imperfecta
sit, tamen est impressio quaedam animae perfectae relicta: est enim in semine
ab anima generantis, et agit etiam in virtute corporis caelestis cuius est
quasi instrumentum; et propter hoc non dicitur quod semen generet, sed quod
anima et sol. # 14. La chaleur de la semence agit aussi en celle-ci comme
l'instrument du pouvoir de l'вme qui est en elle. Quoiqu'elle soit imparfaite,
cependant elle est l'empreinte laissйe par une вme parfaite. Car elle est dans
la semence par l'вme de celui qui engendre et elle agit aussi dans le pouvoir
du corps cйleste dont elle est comme l'instrument et а cause de cela on ne dit
pas que la semence engendre, mais que c'est l'вme et le soleil qui engendrent.
q. 3 a. 8 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod animalia generata ex putrefactione sunt minoris
perfectionis aliis animalibus; unde in eorum generatione efficit vis caelestis
corporis inferiori materiae impressa, quod in generatione animalium perfectorum
facit eadem vis caelestis cum virtute seminis.
# 15. Les animaux engendrйs
de la putrйfaction sont d'une moindre perfection que les autres. C'est pourquoi
dans leur gйnйration, la puissance d'un corps cйleste imprimйe dans une matiиre
infйrieure, produit ce que dans la gйnйrations des animaux parfaits la mкme
force cйleste accomplit avec le pouvoir de la semence.
q. 3 a. 8 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet mulus non sit similis equo vel asino in
specie, est tamen similis in genere proximo: ratione cuius similitudinis ex diversis
speciebus sua species, quasi media generatur.
# 16. Bien que le mulet ne soit semblable ni au cheval ni а l'вne selon
l'espиce, il est cependant semblable (parce que) dans un genre trиs proche. En
raison de cette ressemblance, son espиce est engendrйe d'espиces diffйrentes,
pour ainsi dire intermйdiaires.
q. 3 a. 8 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod sicut virtus divina, scilicet primum agens, non
excludit actionem virtutis naturalis, ita nec prima exemplaris forma, quae est
Deus, excludit derivationem formarum ab aliis inferioribus formis, quae ad sibi
similes formas agunt. # 17. De mкme que le pouvoir divin, c'est-а-dire le premier agent
n'exclut pas l'action d'un pouvoir naturel, de mкme, la premiиre forme
exemplaire, qui est Dieu, n'exclut pas l'йmanation des formes d'autres formes
infйrieures, qui agissent pour des formes qui leur sont semblables.
q. 3 a. 8 ad 18 Et per hoc patet responsio ad
decimumoctavum. Nam Boetius, intelligit formas quae sunt in materia, provenire
ex formis quae sunt sine materia, sicut a primis exemplaribus, non sicut a
proximis.
# 18. Et ainsi apparaоt la rйponse а la 18e objection car Boиce (loc.
cit.) comprend que les formes qui sont dans la matiиre proviennent des formes
sans matiиres, comme si elles venaient des premiers exemplaires, mais pas comme
des plus proches.
q. 3 a. 8 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod esse per creationem dicitur, in quantum omnis causa
secunda dans esse, hoc habet in quantum agit in virtute primae causae creantis;
cum esse sit primus effectus nihil aliud praesupponens. # 19. On parle d'exister par crйation, dans la mesure oщ toute cause
seconde qui donne l'кtre, a ce pouvoir, en tant qu'elle agit dans celui de la
cause premiиre crйatrice, puisque l'кtre est le premier effet qui ne prйsuppose
rien d'autre.
q. 3 a. 8 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod forma naturalis, quae est in materia, non potest
reduci ad formam per se existentem eiusdem speciei, cum forma naturalis habeat
materiam in sui ratione; sed reducitur ad formam per se existentem, sicut
dictum est. # 20. La forme naturelle, qui est dans la matiиre, ne peut кtre ramenйe
а une forme d'une mкme espиce, existant par soi, puisque elle possиde la
matiиre dans sa nature, mais elle est ramenйe а une forme qui existe par soi,
comme on l'a dit.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: Ia, qu. 45, a. 8 – II Sent. d1q1a3, ad 5, - a4, ad 4 - Mйtaphysique VII, lectio 7.
[2]
Car la grвce existe par crйation. Il y a de la part de l'objecteur une
assimilation abusive de la grвce et des formes naturelles.
[3]
Cette glose de Gn. 1, 1, revient plusieurs fois. Cette analyse du sens de “ex”
complиte celle qui se trouve qu. 3, a. 1 sol..
[4]
De anima, II, 412 a 3: "En un premier sens, la substance c'est la matiиre,
c'est-а-dire ce qui, par soi, n'est pas tel кtre dйterminй, en un deuxiиme
sens, c'est la figure et la forme, qui dиs lors valent а la matiиre d'кtre
appelйe tel кtre dйterminй, en un troisiиme sens, c'est le composй des deux
principes." (Cf. Mйtaphysique V,
8, 1017 b 10 ss. et 12 (L) 1, 1069 a 18 ss. (Thomas n° 215 en Physique- De anima II, 414 a 15: "...La
substance, avons-nous dit, peut se prendre en trois sens, d'une part la forme,
de l'autre la matiиre, enfin le composй (la matiиre йtant puissance, la forme
entйlйchie)" (Cf. Thomas 275).
[5]
Оuvre de Gilbert de la Porйe.
[6]
Cf. a. 12, ci-aprиs.
[7]
L'oeuvre de propagation est l'oeuvre de la nature. (Cf. Ia, au. 45, a. 8.
Augustin les distingue (La Genиse au sens
littйral, V, XI, 27): "...aliter operatur Deus omnes creaturas prima
conditione a quibus operibus in die septem requievit, aliter ista eorum
administratione, qua usque nunc operatur..."
[8]
"Suivant Anaxagore, tout йtait mйlangй а l'exception de l'Intelligence qui
йtait seule pure et sans mйlange." (Mйtaphysique,
989 b 15, p. 73.)
[9]
Cf. Ia, qu. 65, a. 4, c. Autre opinion: certains hйrйtiques modernes... pensent
que la matiиre est formйe et disposйe en espиces variйes par le diable".
Cf. Ia, 45, 8 c.
[10]
"l'agent naturel produit du semblable non seulement en qualitй, mais en
espиce." (Cf. Ia, 54, 3, - qu. 77, a. 1, ad 3, ad 4, – qu. 77 a. 3, ad. 3 etc.–
qu. 115, a. 1, ad 5
[11]
Thomas n ° 1258.
[12]
Mйtaphysique VII, 8, 1033 b 7: 7: "...
la forme non plus, ou quel que soit le nom qu'il faille donner а la
configuration rйalisйe dans le sensible, n'est pas soumise au devenir, parce
que d'elle il n'y a pas gйnйration...17.... Il rйsulte maintenant...que ce
qu'on appelle forme ou substance n'est pas engendrй, mais que ce qui est
engendrй c'est le composй de matiиre et de forme, lequel reзoit le nom de sa
forme..." (Trad. J. Tricot) (Aristote, n° 611, Thomas, 1417-1423).
[13]
Thomas, lectio 7, 1417-1423, lectio 8, 1458. Conclusion de Thomas, Ia, qu. 65,
a. 4: "Les formes corporelles sont causйes non comme sortant d'une forme
immatйrielle, mais comme si la matiиre йtait ramenйe de la puissance а l'acte
par un agent composй".
[14]
Cf. Physique, II, 1, 193 b 1: "En
effet la chair ou l'os en puissance n'ont pas encore leur propre nature en
n'existant pas par nature, tant qu'ils n'ont pas reзu la forme de la chair et
de l'os, j'entends la forme dйfinissable, celle que nous йnonзons pour dйfinir
l'essence de la chair ou de l'os."
Rйponse
un peu diffйrente dans le De Veritate , 27, a. 3, ad 9: "...les formes
subsistantes, qu'elles soient substantielles ou accidentelles, ne sont pas а
proprement parler crййes, mais elles sont concrйes, Ainsi elles n'ont pas
l'кtre par elles-mкmes, mais dans un autre, et quoique elles n'aient pas de
matiиre d'oщ [elles viennent ex qua] qui serait une partie d'elles, elle ont
cependant la matiиre dans laquelle elles sont (in qua), et par changement elles
sont amenйes а l'кtre, de sorte qu'ainsi leur propre devenir est soumis а un
changement.". Cf. Mйtaphysique
VII, (Thomas 1423: "Les forme а proprement parler ne se font pas, mais
sortent de la puissance de la matiиre en tant que celle-ci qui est en puissance
pour la forme devient en acte sous elle, ce qui est un composй" Cf. Ia.
qu. 45, a. 8, c.: "Puisque le devenir et crйe ne conviennent (ne se
rassemblent) pas proprement dans la chose subsistante, il n'y a pas de devenir
ni de crйation de formes mais elles sont concrййes. Ce qui est fait par l'agent
naturel est composй parce qu'il est fait de matiиre.
[15]
Comprendre dans l'optique d'Augustin les raisons sйminales.
[16]
Thomas, lectio 8, n° 330.
Article 9: L'вme rationnelle est-elle amenйe а l'кtre par crйation, ou
par transmission de la semence?
q. 3 a. 9 tit. 1
Nono quaeritur utrum anima rationalis educatur in esse per creationem, vel per
seminis traductionem. Et videtur quod propagetur cum semine. Il semble qu'elle est transmise avec la semence.
Objections[1] q. 3 a. 9 arg. 1
Dicitur enim Gen. XLVI, 26: cunctae animae quae ingressae sunt cum Iacob in
Aegyptum, et egressae sunt de femore illius, absque uxoribus filiorum eius,
sexaginta sex. Sed nihil egreditur de femore patris, nisi per seminis
traductionem. Ergo anima rationalis traducitur cum semine. 1. Car on dit dans la Genиse (46, 26): "Toutes les вmes qui sont
entrйes avec Jacob en Йgypte et sont sorties de sa cuisse, sans compter les
йpouses de ses fils, йtaient soixante six." Mais rien ne sort de la cuisse
du pиre que par la transmission de la semence. Donc l'вme rationnelle est
transmise avec la semence.
q. 3 a. 9 arg. 2 Sed
diceretur, quod ponitur pars pro toto, id est anima pro homine - sed contra,
homo est quid compositum ex anima et corpore. Si ergo totus homo ex femore
patris egreditur, non solum corpus, sed etiam anima cum semine traducetur, ut
prius.
2. Mais on pourrait dire qu'on prend la partie pour le tout,
c'est-а-dire l'вme pour l'homme. - En sens contraire, l'homme est composй d'une
вme et d'un corps. Si donc tout l'homme sort de la cuisse du pиre, non
seulement le corps mais aussi l'вme est transmise avec la semence, comme on l'a
dit ci-dessus.
q. 3 a. 9 arg. 3
Praeterea, accidens traduci non potest nisi subiectum traducatur, eo quod
accidens de subiecto in subiectum non transeat. Sed anima rationalis est
subiectum peccati originalis. Cum ergo peccatum originale traducatur a parente
in prolem, videtur etiam quod anima rationalis filii a parente traducatur. 3. L'accident ne peut кtre transmis que si le substrat est transmis,
parce que l'accident ne passe pas d'un substrat а un autre. Mais l'вme
rationnelle est le substrat du pйchй originel. Donc comme celui-ci est transmis
par les parents а leur descendance, il semble que l'вme rationnelle du fils est
transmise par les parents[2].
q. 3 a. 9 arg. 4 Sed diceretur, quod peccatum
originale, licet sit in anima sicut in subiecto, est tamen in carne sicut in
causa; unde per carnis traductionem traducitur.- Sed contra, Rom. V, 12,
dicitur: peccatum per unum hominem in mundum intravit, et per peccatum mors: et
ita mors in omnes pertransit, in quo omnes peccaverunt. Glossa autem exponit:
in quo homine peccatore, vel in quo peccato. Non autem in illo peccato omnes
peccassent, nisi illud unum peccatum in omnes traductum fuisset. Illud ergo
unum peccatum quod in Adam fuit, in omnes traducitur; et sic anima illius, quae
peccati subiectum erat, traducitur in omnes. 4. Mais on pourrait dire que, bien que le pйchй originel soit dans
l'вme comme dans un substrat, il est cependant dans la chair comme dans sa
cause. C'est pourquoi il est transmis par la chair.- En sens contraire: on lit en Rm. 5, 12: "Par un seul homme le
pйchй est entrй dans le monde, et par le pйchй la mort. Et ainsi la mort passe
en tous, en lui tous ont pйchй". Mais la glose (Augustin, Les mйrites et
la rйmission des pйchйs, 10) explique: "Dans l'homme pйcheur ou dans le
pйchй." Mais tous n'auraient pйchй en lui que si cet unique pйchй avait
йtй transmis en tous. Donc cet unique pйchй qui fut en Adam, est transmis en
tous; et ainsi son вme qui avait йtй soumise au pйchй, est transmise а tous.
q. 3 a. 9 arg. 5
Praeterea, omne agens agit sibi simile. Sed omne agens agit per virtutem formae. Ergo illud quod
agit agens, est forma. Sed generans agens est. Ergo forma generati est per
actionem generantis. Cum ergo homo generet hominem, et anima rationali sit
forma hominis; videtur quod anima rationalis sit per generationem, et non per
creationem. 5. Tout agent fait du semblable а soi. Mais tout agent agit par le
pouvoir de la forme. En consйquence, ce que l'agent fait, est forme. Mais le
gйniteur est un agent. Aussi la forme de l'engendrй vient par son action. Donc,
puisque l'homme engendre l'homme et que la forme de l'homme existe par l'вme
rationnelle, il semble que celle-ci viendrait par gйnйration et non par
crйation.
q. 3 a. 9 arg. 6 Praeterea, secundum philosophum
in II Phys., causa efficiens in suo effectu incidit in idem specie. Sed homo
sortitur speciem per animam rationalem. Ergo videtur quod id quod facit
generans in genito, sit anima rationalis. 6. Selon le philosophe (Physique,
II, 7, 198 a 25[3]) la cause efficiente arrive en son effet, dans ce qui est
identique en espиce. Mais l'homme reзoit l'espиce par l'вme rationnelle. Donc
il semble que ce que produit le gйniteur dans l'engendrй soit l'вme
rationnelle.
q. 3 a. 9 arg. 7
Praeterea, filii similantur parentibus propter hoc quod a parentibus
propagantur. Similantur autem parentibus filii, non solum quantum ad
dispositiones corporales, sed etiam quantum ad dispositiones animae. Ergo sicut
corpora a corporibus, ita animae ab animabus traducuntur. 7. Les fils ressemblent а leurs parents, parce qu'ils sont transmis par
eux. Les fils ressemblent aux parents non seulement quant aux dispositions
corporelles mais aussi quant а celles de l'вme. Donc, comme les corps sont
transmis par les corps, les вmes le sont par les вmes.
q. 3 a. 9 arg. 8
Praeterea, Moyses dicit, Levit. XVII, 11: anima carnis in sanguine est. Sed
sanguis cum semine traducitur: praecipue cum sperma non sit nisi sanguis
decoctus. Ergo et anima cum semine traducitur. 8. Moпse dit (Lv. 17, 11): "L'вme de la chair est dans le sang."
Mais le sang est transmis avec la semence; surtout puisque que le sperme n'est
que du sang cuit[4]. Donc l'вme est transmise avec la semence.
q. 3 a. 9 arg. 9
Praeterea, embrio antequam anima rationali perficiatur, habet aliquam
operationem animae; quia augetur et nutritur et sentit. Sed operatio animae non
est sine vita. Ergo vivit. Vitae vero corporis principium est anima. Ergo habet
animam. Sed non potest dici quod adveniat ei alia anima; quia tunc in uno
corpore essent duae animae. Ergo ipsa anima quae prius erat in semine
propagata, est anima rationalis.
9. L'embryon avant d'кtre achevй par l'вme rationnelle, possиde
l'opйration d'une вme; parce qu'il grandit, se nourrit et йprouve des
sensations. Mais l'opйration de l'вme n'existe pas sans la vie. Donc il vit.
Mais le principe de la vie du corps est l'вme. Donc il a une вme. Mais on ne
peut pas dire qu'il lui arrive une autre вme, parce que, alors, dans un seul
corps, il y aurait deux вmes. Donc l'вme mкme qui avait йtй d'abord propagйe
dans la semence est l'вme rationnelle.
q. 3
a. 9 arg. 10 Praeterea, diversae animae secundum speciem, constituunt diversas
animas secundum speciem. Si ergo in semine ante ipsam animam rationalem erat anima
quae non erat rationalis, erat ibi animal secundum speciem diversum ab homine;
et sic ex illo non poterit homo fieri; quia diversae species animalis non
transeunt in invicem. 10. Les вmes diffйrentes en espиce constituent des вmes diffйrentes en
espиce. Si donc dans la semence, avant l'вme rationnelle mкme, il y en avait
une qui ne soit pas raisonnable, il y aurait lа un animal diffиrent de l'homme
en espиce et ainsi il ne sera pas possible qu'il devienne un homme, parce que
les diffйrentes espиces animales ne passent pas de l'une а l'autre.
q. 3 a. 9 arg. 11
Sed dices, quod huiusmodi operationes animae non conveniunt embrioni per
animam, sed per aliquam virtutem animae, quae dicitur virtus formativa.- Sed
contra, virtus supra substantiam radicatur; unde ponitur media inter
substantiam et operationem, ut habetur a Dionysio. Si ergo est ibi virtus
animae, erit ibi animae substantia. 11. Mais on pourrait dire que de telles opйrations de l'вme n'arrivent
pas а l'embryon par l'вme mais par quelque puissance de l'вme, appelйe
puissance formative - En sens contraire, la puissance s'enracine sur la
substance. C'est pourquoi elle est placйe entre la substance et l'opйration,
comme on le lit chez Denys (La Hiйrarchie
cйleste, ch. 11, 284 D). Si donc il y a lа la puissance de l'вme, il y aura
lа sa substance.
q. 3 a. 9 arg. 12
Praeterea, philosophus dicit in XVI de animalibus, quod embrio prius vivit quam
animal, et prius animal quam homo. Sed omne animal habet animam. Ergo prius est
ibi aliqua anima quam sit ibi anima rationalis per quam homo est homo. 12. Le philosophe (Les animaux
XVI, 3 La gйnйration animale II, 3) dit que l'embryon vit avant l'animal et
l'animal avant l'homme. Mais tout animal a une вme. Donc il y a lа une вme
avant qu'il y ait l'вme rationnelle par laquelle l'homme est homme.
q. 3 a. 9 arg. 13
Praeterea, secundum philosophum, anima est actus viventis corporis in quantum
huiusmodi. Sed si embrio vivit, et operationem vitae exercet per huiusmodi
virtutem formativam, ipsa virtus erit actus eius in quantum est vivens. Ergo
erit anima. 13. Selon le philosophe (L'вme, II,
4, 415 b 7[5]) l'вme est "l'acte du corps vivant en tant que tel".
Mais si l'embryon vit et exerce l'opйration de vie par une telle puissance
formative, celle-ci mкme sera son acte en tant qu'il est vivant. Donc elle sera
l'вme.
q. 3 a. 9 arg. 14
Praeterea, ut dicitur in I de anima, vivere inest omnibus viventibus per animam
vegetabilem. Sed manifestum est embrionem vivere ante
infusionem animae rationalis, cum in eo operationes vitae inveniantur. Ergo est
ibi anima vegetabilis antequam sit anima rationalis. 14. Comme on le dit (L'вme, I,
5, 411 b 28[6]), la vie est dans tous les vivants par l'вme vйgйtative. Mais il
est йvident que l'embryon vit avant l'infusion de l'вme rationnelle, puisqu'on
trouve en lui les opйrations vitales. Donc il a une вme vйgйtative avant l'вme
rationnelle.
q. 3 a. 9 arg. 15
Praeterea, in II de anima, improbat philosophus quod augeri non est actus ignis
sicut principalis agentis, sed magis animae vegetabilis. Sed embrio ante adventum animae rationalis augetur. Ergo habet animam
vegetabilem. 15. Dans L'вme (II, 4, 416 a 10[7]) Aristote prouve que la croissance
n'est pas un acte du feu, comme principal agent, mais plutфt celui de l'вme
vйgйtative. Or l'embryon grandit avant l'arrivйe de l'вme rationnelle. Donc il
possиde une вme vйgйtative.
q. 3 a. 9 arg. 16
Praeterea, si non est ibi anima vegetabilis ante adventum animae rationalis,
sed virtus formativa; adveniente anima, illa virtus suam operationem non habebit;
cum operatio quam illa virtus faciebat in embrione, sufficienter postmodum fiat
in animali per animam. Ergo erit ibi otiosa; quod videtur esse inconveniens,
cum nihil sit otiosum in natura. 16. S'il n'y a pas d'вme vйgйtative avant l'arrivйe de l'вme
rationnelle, mais une puissance formatrice, а son arrivйe, ce pouvoir
n'exercera plus son opйration, puisque l'opйration que cette puissance exerзait
dans l'embryon, est faite ensuite avec suffisance par l'вme dans l'animal. Donc
elle y sera inutile, ce qui ne paraоt pas convenir, puisqu'il n'y a rien
d'inutile dans la nature.
q. 3 a. 9 arg. 17
Sed dices, quod illa virtus destruitur adveniente anima rationali.- Sed contra,
dispositiones non destruuntur adveniente forma, sed manent, et quodammodo
tenent formam in materia. Sed illa virtus erat quaedam dispositio ad animam.
Ergo adveniente anima, illa virtus non destruitur. 17. Mais on pourrait dire que cette puissance est dйtruite quand arrive
l'вme rationnelle. - En sens contraire, les dispositions ne sont pas dйtruites
quand arrive la forme, mais elles demeurent, et d'une certaine maniиre, elles
maintiennent la forme dans la matiиre. Mais cette puissance йtait une
disposition pour l'вme. Donc quand arrive l'вme, elle n'est pas dйtruite.
q. 3 a. 9 arg. 18 Praeterea,
ex actione illius virtutis pervenitur ad introductionem animae. Si ergo anima
adveniente illa virtus destruitur, videtur quod aliquid agat ad sui
destructionem; quod est impossibile. 18. Par l'action de cette puissance, on parvient а l'introduction de
l'вme. Si donc, quand l'вme arrive, cette puissance est dйtruite, il semble que
quelque chose agisse pour sa destruction, ce qui est impossible.
q. 3 a. 9 arg. 19
Praeterea, homo est homo per animam rationalem. Si ergo anima non exit in esse
per generationem, nec erit verum dicere quod homo generetur; quod patet esse
falsum. 19. L'homme est homme par son вme rationnelle. Si donc l'вme ne vient
pas а l'existence par gйnйration, il ne sera pas vrai de dire que l'homme est
engendrй, ce qui paraоt faux.
q. 3 a. 9 arg. 20
Praeterea, corpus hominis exit in esse per actionem generantis. Si ergo anima
non exit in esse a generante, erit in homine duplex esse; unum corporis, quod
facit generans; et aliud animae, quod non facit; et sic ex anima et corpore non
fit unum simpliciter, cum secundum esse differant. 20. Le corps de l'homme vient а l'existence par l'action de celui qui
l'engendre. Si donc l'вme ne vient pas а l'existence par lui, il y aura deux
кtres dans l'homme: celui du corps que fait celui qui engendre, et celui de
l'вme qu'il ne fait pas. Et ainsi ce n'est absolument pas un кtre unique fait
de l'вme et du corps, mais ils diffиrent selon l'кtre.
q. 3 a. 9 arg. 21
Praeterea, impossibile est quod actio unius agentis terminetur ad materiam, et
alterius ad formam; alias ex forma et materia non esset unum simpliciter, cum
unum factum sit per unam actionem. Sed actio naturae generantis terminatur ad
corpus. Ergo et terminatur ad animam, quae est forma eius. 21. Il est impossible que l'action d'un agent se termine а la matiиre,
et celle d'un autre а la forme[8]. Autrement а partir de la forme et de la
matiиre il n'y aurait pas un кtre absolument unique; puisque l'objet unique est
fait par une action unique. Mais l'action de la nature qui engendre se termine
au corps. Donc elle se termine aussi а l'вme qui en est la forme.
q. 3 a. 9 arg. 22
Praeterea, secundum philosophum in libro XVI de animalibus, principia quorum
actiones non sunt sine corpore, cum corpore producuntur. Sed actio animae
rationalis non est sine corpore; maxime enim intelligere esset sine corpore,
quod patet esse falsum; non enim est intelligere sine phantasmate, ut dicitur
in I et III de anima; phantasma autem non est sine corpore. Ergo anima
rationalis cum corpore traducitur.
22. Selon le philosophe, (Les
animaux, livre 16 La gйnйration des
animaux, II, ch. 3) les principes dont les actions ne sont pas sans corps,
sont produits avec lui. Mais l'action de l'вme rationnelle n'est pas sans le
corps; car l'intellection en particulier se produirait sans corps, ce qui est
йvidemment faux. Car l'intellection ne se fait pas sans images,(phantasma),
comme on le dit (De l'вme I et III). Il n'y a pas d'image sans corps. Donc
l'вme rationnelle est transmise avec le corps.
q. 3 a. 9 arg. 23
Sed dicebat, quod anima rationalis indiget phantasmate intelligendo quantum ad
acquisitionem specierum intelligibilium, non autem postquam eas iam
acquisivit.- Sed contra, homo postquam acquisivit scientiam, impeditur in
actione intellectus laeso organo phantasiae. Hoc autem non esset, si
intellectus post acquisitionem scientiae, phantasmatibus non indigeret. Indiget ergo eis non solum in acquirendo scientiam,
sed in utendo scientia acquisita. 23. Mais on pourrait dire que l'вme rationnelle a besoin d'images dans
l'intellection pour l'acquisition des espиces intelligibles, mais non aprиs
qu'elle les a acquises. - En sens contraire, aprиs avoir acquis la
connaissance, l'homme est empкchй dans l'action de son intellect quand l'organe
de l'imagination est blessй. Mais cela n'existerait pas si l'intellect, aprиs
l'acquisition de la science, n'avait pas besoin d'images. Donc il en a besoin,
non seulement pour acquйrir la connaissance, mais encore pour l'utiliser une
fois acquise.
q. 3 a. 9 arg. 24
Sed dices, quod impedimentum operationis intellectualis ex laesione organi
phantasiae provenit non ex hoc quod intellectus indigeat phantasmatibus in
utendo scientia acquisita, sed ex hoc quod imaginatio et intellectus sunt in
una essentia animae: unde per accidens, imaginatione impedita, impeditur et
intellectus.- Sed contra est quod coniunctio potentiarum in una essentia animae
est causa quare quando una potentiarum intenditur in suo actu, alterius actus
remittitur; sicut quando aliquis attente videt, minus attente audit; et est etiam
causa quare una potentiarum cessante a suo actu, alia in suo actu roboratur;
unde caeci plerumque acutius audiunt. Non ergo propter huiusmodi coniunctionem
contingeret quod propter impedimentum potentiae imaginativae impediretur actio
intellectus, sed magis roboraretur.
24. Mais on pourrait dire que l'empкchement de l'opйration
intellectuelle par la lйsion de l'imagination provient, non de ce que
l'intellect a besoin d'images en utilisant la science acquise, mais de ce que
l'imagination et l'intellect sont dans l'unique essence de l'вme. C'est
pourquoi, par accident, si l'imagination est empкchйe, l'intellect aussi. - En
sens contraire, la conjonction des puissances dans l'unique essence de l'вme
est la raison pour laquelle, quand une des puissance est tendue а son action,
l'acte de l'autre est relвchйe. Ainsi quand quelqu'un regarde attentivement, il
йcoute moins attentivement et c'est aussi la raison pour laquelle, quand une
des puissance cesse son action, l'autre est renforcйe dans la sienne. C'est pourquoi
les aveugles la plupart du temps entendent mieux. Donc ce n'est pas а cause
d'une telle conjonction qu'il arriverait que l'action de l'intellect serait
empкchйe par un blocage de la puissance imaginative, mais elle serait plutфt
renforcйe.
q. 3 a. 9 arg. 25
Praeterea, quicumque dat ultimum complementum operationi alicui, ille maxime
operanti cooperatur. Sed si omnes animae humanae creantur a Deo, et ab ipso
corporibus infunduntur, ipse dat ultimum complementum generationi quae est ex
adulterio. Ergo ipse cooperabitur adulteris; quod videtur absurdum. 25. Quiconque donne un dernier complйment а une opйration coopиre au
maximum avec celui qui opиre. Mais si toutes les вmes humaines sont crййes par
Dieu et sont infusйes par lui dans les corps, il donne un dernier complйment а
la gйnйration qui provient d'un adultиre. Donc lui-mкme coopиrera а l'adultиre,
ce qui paraоt absurde[9].
q. 3 a. 9 arg. 26
Praeterea, secundum philosophum, perfectum unumquodque est quod potest sibi
simile facere. Quanto ergo aliquid est perfectius, tanto magis potest sibi
simile facere. Sed animae rationales sunt perfectiores materialibus formis
elementorum, quae sibi similes formas producunt. Ergo virtute animae rationalis
poterit anima rationalis produci per viam generationis. 26. Selon le philosophe, (Les
mйtйores, IV, 3, 380 a 11-15, L'вme II, 4, 415 a 26[10]) est parfait
tout ce qui peut faire quelque chose de semblable а soi. Donc, plus une chose
est parfaite, plus elle peut faire du semblable а elle. Mais les вmes
rationnelles sont plus parfaites que les formes matйrielles des йlйments qui
produisent des formes semblables а elles. Donc par sa puissance, elle pourra
кtre produite par gйnйration.
q. 3 a. 9 arg. 27
Praeterea, anima rationalis constituta est inter Deum et res corporales media;
unde in libro de causis dicitur, quod est creata in horizonte aeternitatis et
temporis. Sed in Deo generatio invenitur, similiter in rebus corporalibus. Ergo
et anima, quae est media, per generationem producitur. 27. L'вme rationnelle est йtablie intermйdiaire entre Dieu et les
corps. C'est pourquoi, dans le Livre des
Causes, (prop. 2[11]), on dit qu'elle a йtй crййe а la limite de l'йternitй
et du temps. Mais on trouve la gйnйration en Dieu, et de la mкme maniиre dans
les corps. Donc l'вme qui est intermйdiaire est produite par gйnйration.
q. 3 a. 9 arg. 28
Praeterea, philosophus in XVI de animalibus dicit, quod spiritus qui exit cum
spermate, est virtus principii animae et est res divina; et tale dicitur
intellectus; et ita videtur quod intellectus propagetur cum semine. 28. Le philosophe, au ch. 16, Des animaux (La gйnйration animale, c. 3...) dit que "l'esprit[12]"
qui sort avec le sperme est la puissance du principe de l'вme et est chose
divine, et on en dit autant de l'intellect et ainsi il semble transmis avec la
semence.
q. 3 a. 9 arg. 29
Praeterea, in eodem Lib., philosophus dicit, quod in generatione femina dat
corpus, et anima est ex mare; et ita videtur quod anima sit per seminis
propagationem, et non per creationem. 29. Dans le mкme livre, (ch. 4), le philosophe dit que dans la
gйnйration, la femelle donne le corps et l'вme vient du mвle et ainsi il semble
que l'вme vient de la propagation de la semence et non par crйation.
En sens contraire: q. 3 a. 9 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Isai. LVII, vers. 16: omnem flatum ego feci. Per
flatum autem intelligitur anima. Ergo videtur quod anima creetur a Deo. 1. Il y a ce que dit Isaпe, 57, 16: "C'est moi qui ai fait tout
souffle". Par souffle on comprend l'вme. Donc il semble que l'вme est
crййe par Dieu.
q. 3 a. 9 s. c. 2
Praeterea, in Psal. XXXII, 15, dicitur: qui finxit singillatim corda eorum. Non ergo una anima propagatur ex alia, sed omnes seorsum creantur a Deo. 2. Au Ps. 32, 15, on dit: "Il a fixй un а un leurs coeurs".
Donc l'вme n'est pas propagйe а partir d'une autre, mais toutes sont crййes
sйparйment par Dieu.
Rйponse: q. 3 a. 9 co.
Respondeo. Dicendum quod, circa hanc quaestionem antiquitus diversa dicebantur
a diversis.
Quidam namque dicebant, animam filii ex parentis anima
propagari, sicut et corpus propagatur ex corpore.
Alii vero dicebant, omnes animas seorsum creari; sed
ponebant a principio eas extra corpora fuisse creatas simul, et post modum
corporibus seminatis coniungebantur, vel proprio motu voluntatis, secundum
quosdam, vel Deo mandante et faciente, secundum alios.
Il faut dire, а propos de cette question que, dans l'antiquitй, divers
penseurs ont йmis diverses opinions.
A) Car certains[13] disaient que l'вme du fils est propagйe par l'вme
du pиre, comme le corps est propagй par le corps.
B) D'autres disaient que toutes les вmes sont crййes sйparйment, mais
ils pensaient qu'au commencement elles avaient йtй crййes en mкme temps hors
des corps; aprиs ce stade, elles йtaient unies а des corps ensemencйs soit par
le propre mouvement de leur volontй selon certains, soit par ordre et
agissement de Dieu, selon d'autres.
Alii vero dicebant, animas simul cum creantur,
corporibus infundi. C) D'autres disaient que les вmes en mкme temps qu'elles sont crййes sont
infusйes dans les corps.
Alii vero dicebant, animas simul cum creantur,
corporibus infundi. Quae quidem opiniones, quamvis aliquo tempore
sustinerentur, et quae earum esset verior in dubium verteretur, ut patet ex
Augustino, et in libris quos scribit de origine animae; tamen primae duae
postmodum iudicio Ecclesiae sunt damnatae, et tertia approbata; unde dicitur in
Lib. de ecclesiasticis dogmatibus: animas hominum non esse ab initio inter
ceteras intellectuales naturas, nec simul creatas credimus, sicut Origenes
fingit; neque cum corporibus per coitum seminantur, sicut Luciferiani et
Cyrillus et aliqui Latinorum praesumptores affirmant. Sed dicimus corpus tantum per coniugii
copulam seminari, ac formato iam corpore, animam creari et infundi. D) Quoique ces opinions aient йtй soutenues quelque temps, on peut se
demander laquelle est la plus vraie, comme cela paraоt chez Augustin dans La Genиse au sens littйral, (X, ch. 21
et 22) et dans ses livres йcrits sur L'origine de l'вme. Cependant les deux
premiиres opinions ont йtй condamnйes par jugement de l'Йglise et la troisiиme
approuvйe. D'oщ ce qu'on lit dans Les dogmes ecclйsiastiques, ch. 13: "Nous
croyons que les вmes humaines ne sont pas au commencement parmi les autres
natures intellectuelles et qu'elles n'ont pas йtй crййes en mкme temps comme
Origиne l'imagine. Et elles ne sont pas semйes avec les corps dans l'union
conjugale, comme les Lucifйriens[14], Cyrille[15] et quelques penseurs latins
l'affirment. Mais nous disons que le corps seulement est semй par l'union
conjugale et quand le corps est dйjа formй, l'вme est crййe et infusйe[16].".
Diligenter autem consideranti apparet rationabiliter illam
opinionem esse damnatam quae ponebat animam rationalem cum semine propagari, de
qua nunc est quaestio. Et hoc tribus rartionibus potest videri ad praesens.
A celui qui examine le problиme avec attention, il apparaоt
raisonnablement que doit кtre condamnйe cette opinion qui йtablissait que l'вme
rationnelle est propagйe avec la semence, [opinion] dont il est maintenant
question. Et on peut le voir pour trois raisons.
prima est, quia rationalis anima in hoc a ceteris formis
differt, quod aliis formis non competit esse in quo ipsae subsistant, sed quo
eis res formatae subsistant; anima vero rationalis sic habet esse ut in eo
subsistens; et hoc declarat diversus modus agendi. Cum enim agere non possit
nisi quod est, unumquodque hoc modo se habet ad operandum vel agendum, quomodo
se habet ad esse; unde, cum in operatione aliarum formarum necesse sit
communicare corpus, non autem in operatione rationalis animae, quae est
intelligere et velle; necesse est ipsi rationali animae esse attribui quasi rei
subsistenti, non autem aliis formis. Et ex hoc est quod inter formas, sola
rationalis anima a corpore separatur. 1. Premiиre raison: L'вme rationnelle diffиre de toutes les autres
formes du fait qu'il ne leur convient pas d'кtre lа oщ elles subsistent mais lа
oщ subsistent ce qui est informй en elles; l'вme rationnelle a un кtre
subsistant en soi; et ses mode d'action diffйrents le rйvиlent. En effet, comme
ne pourrait agir que ce qui existe, chaque chose se comporte pour opйrer ou
agir de la maniиre dont elle se comporte vis-а-vis de l'кtre. C'est pourquoi,
comme dans l'opйration des autres formes, il est nйcessaire que le corps
participe, mais pas dans l'opйration de l'вme rationnelle qui consiste а penser
(intelligere) et vouloir; il est nйcessaire d'attribuer l'кtre а l'вme
rationnelle en tant que subsistante, mais pas aux autres formes. Et de lа vient
que parmi les formes, seule l'вme rationnelle est sйparйe du corps.
Ex hoc ergo patet quod anima rationalis exit in esse, non
sicut formae aliae, quibus proprie non convenit fieri, sed dicuntur fieri facto
quodam. Sed res quae fit, proprie et per se fit. Quod autem fit, fit vel ex
materia vel ex nihilo. Quod vero ex materia fit, necesse est fieri ex materia
contrarietati subiecta. Generationes enim ex contrariis sunt, secundum
philosophum: unde cum anima vel omnino materiam non habeat, vel ad minus non
habeat materiam contrarietati subiectam, non potest fieri ex aliquo. Unde
restat quod exeat in esse per creationem, quasi ex nihilo facta. Ponere autem
quod per generationem corporis fiat, est ponere ipsam non esse subsistentem, et
per consequens cum corpore corrumpi.
Et а partir de lа, il est clair que l'вme rationnelle vient а l'кtre,
non pas comme les autres formes pour lesquelles il ne convient pas а proprement
parler d'кtre faites, mais on dit qu'elles sont faites de ce qui est fait. Mais
ce qui est fait est а proprement parler fait par soi. Ce qui est fait, est fait
de matiиre ou de rien. Mais ce qui est fait de matiиre doit кtre fait
nйcessairement d'une matiиre soumise а la contrariйtй. Car les gйnйrations
viennent des contraires selon le philosophe (La Gйnйration des animaux, livre
1, ch. 18). C'est pourquoi, comme l'вme n'a absolument pas de matiиre ou du
moins pas de matiиre soumise а la contrariйtй, elle ne peut pas кtre faite а
partir de quelque chose. Aussi, il reste qu'elle vient а l'кtre par crйation,
comme faite de rien. Mais penser qu'elle est faite par gйnйration du corps,
c'est penser qu'elle n'est pas subsistante et par consйquent qu'elle se
corrompt avec le corps.
Secunda ratio est, quia impossibile est actionem corporeae
virtutis ad hoc elevari quod virtutem penitus spiritualem et incorpoream
causare possit; nihil enim agit ultra suam speciem; immo agens oportet esse
praestantius patiente, secundum Augustinum. Generatio autem hominis fit per
virtutem generativam, quae organum habet corporale; virtus etiam quae est in
semine, non agit nisi mediante calore, ut dicitur in XVI de animalibus; unde,
cum anima rationalis sit forma penitus spiritualis, non dependens a corpore nec
communicans corpori in operatione, nullo modo per generationem corporis potest
propagari, nec produci in esse per aliquam virtutem quae sit in semine.
2. Seconde raison: Il est impossible que l'action d'un pouvoir corporel
soit йlevй а pouvoir causer un pouvoir tout а fait spirituel et incorporel; car
rien n'agit au delа de son espиce; au contraire, il faut que l'agent soit plus
important que le patient, selon Augustin (La
Genиse au sens littйral, XII,16). La gйnйration de l'homme se fait par une
puissance gйnйrative qui a un organe corporel, cette puissance, qui est dans la
semence, n'agit que par l'intermйdiaire de la chaleur, comme il est dit (Les animaux, 16, La gйnйration animale, ch.3). C'est pourquoi, comme l'вme
rationnelle est une forme tout а fait spirituelle, qui ne dйpend pas du corps,
et ne participe en aucune maniиre avec lui а son opйration, elle ne peut кtre
propagйe par la gйnйration du corps, ni amenйe а l'existence par un pouvoir qui
serait dans la semence.
Tertia ratio est, quia omnis forma quae exit in esse per
generationem, vel per virtutem naturae, educitur de potentia materiae, ut
probatur in VII Metaph. Anima vero rationalis non potest educi de potentia
materiae. Formae enim quarum operationes non sunt cum corpore, non possunt de
materia corporali educi. Unde relinquitur quod anima rationalis non propagetur
per virtutem generantis; et haec est ratio Aristotelis. 3. Troisiиme raison: Toute forme qui vient а l'кtre par gйnйration, ou
par le pouvoir de la nature est йduite de la puissance de la matiиre, comme
c'est prouvй en Mйtaphysique (VII,
1033 b 7[17]). Mais l'вme rationnelle ne peut pas кtre йduite de la puissance
de la matiиre. Car les formes dont les opйrations ne dйpendent pas du corps, ne
peuvent pas кtre tirйes de la matiиre corporelle. C'est pourquoi, il reste que
l'вme rationnelle n'est pas transmise par le pouvoir du gйniteur et c'est la
raison donnйe par Aristote (Les animaux,
16, ch. 2...).
Solutions q. 3 a. 9 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in auctoritate inducta per synecdochem ponitur pars
pro toto, id est anima pro toto homine; et hoc ideo quia anima est principalior
pars hominis, et unumquodque totum videtur esse id quod est principalius in eo;
unde totus homo videtur esse anima vel intellectus, secundum quod dicitur in IX
Ethic., cap. IV. # 1. Dans l'autoritй citйe[18], on place par synecdoque la partie pour
le tout, c'est-а-dire l'вme pour l'homme entier et cela parce qu'elle en est la
partie la plus importante et chaque ensemble paraоt кtre est plus important en
lui. C'est pourquoi, l'homme entier semble кtre вme ou intellect[19], selon ce qui
est dit en Йthique, 9 ch. 4[20].
q. 3 a. 9 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod totus homo egreditur de femore generantis, propter hoc
quod virtus seminis de femore egredientis operatur ad unionem corporis et
animae, disponendo materiam ultima dispositione, quae est necessitans ad formam;
ex qua unione homo habet quod sit homo; non autem ita quod quaelibet pars
hominis per virtutem seminis causetur. # 2. L'homme entier sort de la cuisse du gйniteur, parce que le pouvoir
de la semence qui en sort travaille а l'union de l'вme et du corps, en plaзant
la matiиre dans une ultime disposition, nйcessaire pour la forme. C'est de
cette union que l'homme est un homme; mais non de telle sorte que n'importe
quelle partie de l'homme soit causйe par le pouvoir de la semence.
q. 3 a. 9 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod peccatum originale dicitur peccatum totius naturae,
sicut peccatum actuale dicitur peccatum personale; unde quae est comparatio
peccati actualis ad unam personam singularem, eadem est comparatio peccati
originalis ad totam naturam humanam traditam a primo parente, in quo fuit
peccati initium et per cuius voluntatem in omnibus originale peccatum quasi
voluntarium reputatur. Sic ergo originale peccatum est in anima in quantum
pertinet ad humanam naturam. Humana autem natura traducitur a parente in filium
per traductionem carnis, cui postmodum anima infunditur; et ex hoc infectionem
incurrit quod fit cum carne traducta una natura. Si enim non uniretur ei ad
constituendam naturam, sicut Angelus unitur corpori assumpto, infectionem non
reciperet. # 3. Le pйchй originel est appelй pйchй de toute la nature, comme le
pйchй actuel est appelй pйchй personnel. C'est pourquoi, la comparaison du
pйchй actuel а une personne particuliиre, est la mкme que celle du pйchй
originel а la nature humaine toute entiиre transmise par le premier pиre, en
qui fut le commencement du pйchй et, par sa volontй, le pйchй originel est
considйrй comme volontaire en tous. Donc ainsi le pйchй originel est dans l'вme
dans la mesure oщ il appartient а la nature humaine. Mais cette nature est
transmise par le pиre au fils par la transmission de la chair, en qui l'вme est
introduite par la suite et de lа elle en arrive а la souillure, parce qu'elle
devient une nature unique avec la chair qui lui est transmise. Car si elle ne
lui йtait pas unie pour constituer une nature, comme l'ange est uni а un corps
qu'il prend, elle ne recevrait pas la souillure[21].
q. 3 a. 9 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut in natura Adae erat natura omnium nostrum
originaliter; ita et peccatum originale, quod in nobis est, erat in illo
peccato originali originaliter. Nam peccatum originale, ut dictum est, per se
recipit natura, anima vero ex consequenti. # 4. De mкme que dans la nature d'Adam se trouvait originellement notre
nature, de mкme, le pйchй originel, qui est en nous, а l'origine йtait dans ce
pйchй originel. Car la nature reзoit ce pйchй par soi, comme on l'a dit, mais
l'вme le reзoit par consйquence.
q. 3 a. 9 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod homo generans generat sibi simile in specie per virtutem
formae suae, scilicet animae rationalis; non quod ipsa sit immediatum
principium in generatione humana agens, sed quia vis generativa, et ea quae in
semine agunt, non disponerent materiam, ut fieret corpus perfectibile anima rationali,
nisi quatenus agerent ut instrumenta quaedam rationalis animae. Et tamen ista
actio non potest pertingere ad factionem animae rationalis, rationibus
praedictis. # 5. L'homme, en tant que gйniteur, engendre du semblable[22] а lui en
espиce par le pouvoir de sa forme, c'est-а-dire de l'вme rationnelle, non
qu'elle soit le principe immйdiat agissant dans la gйnйration humaine, mais
parce que le pouvoir gйnйratif et ce qui agit dans la semence ne disposeraient
la matiиre pour faire un corps perfectible par l'вme rationnelle que s'ils
agissaient jusqu'а un certain point comme instrument de l'вme rationnelle. Et
cependant cette action ne peut parvenir а faire l'вme rationnelle, pour les
raisons qu'on a dйjа donnйes.
q. 3 a. 9 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod generans generat sibi simile in specie, in quantum
generatum per actionem generantis producitur ad participandum speciem eius;
quod quidem fit per hoc quod generatum consequitur formam similem generanti. Si
ergo forma illa non sit subsistens, sed esse suum sit solum in hoc quod uniatur
ei cuius est forma; oportebit quod generans sit causa ipsius formae, sicut
accidit in omnibus formis materialibus. Si autem sit talis forma quae
subsistentiam habeat, et non dependeat esse suum totaliter ex unione ad materiam,
sicut est in anima rationali; tunc sufficit quod generans sit causa unionis
talis formae ad materiam per hoc quod disponit materiam ad formam; nec oportet
quod sit causa ipsius formae. # 6. Le gйniteur engendre du semblable а lui quant а l'espиce dans la
mesure oщ l'engendrй est produit par l'action du gйniteur pour participer а son
espиce, ce qui arrive par le fait que l'engendrй reзoit une forme semblable а
celui qui engendre. Si donc cette forme n'йtait pas subsistante, mais que son
кtre soit seulement dans ce qui est uni а ce dont elle est la forme; il faudra
que celui qui engendre soit la cause de la forme mкme, comme cela arrive dans
toutes les formes matйrielles. Mais si la forme йtait telle qu'elle ait une
subsistance et que son кtre ne dйpende pas totalement de son union а la
matiиre, comme pour l'вme rationnelle, alors il suffit que celui qui engendre
soit la cause de l'union d'une telle forme а la matiиre par le fait qu'il
dispose la matiиre а la forme; et il ne faut pas qu'il soit cause de la forme
mкme.
q. 3 a. 9 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ipsam dispositionem corporis sequitur dispositio animae
rationalis; tum quia anima rationalis accipit a corpore; tum quia secundum
diversitatem materiae diversificantur et formae. Et ex hoc est quod filii
similantur parentibus etiam in his quae pertinent ad animam, non propter hoc
quod anima ex anima traducatur. # 7. La disposition de l'вme rationnelle suit la disposition mкme du
corps; d'abord parce l'вme rationnelle reзoit du corps, ensuite parce que les
formes sont aussi diversifiйes selon la diversitй de la matiиre. Et c'est pour
cela que les enfants ressemblent а leurs parents, mкme en ce qui concernent
l'вme et non parce que l'вme est transmise par l'вme.
q. 3 a. 9 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod quia anima est proprie actus corporis viventis, vivere
autem est per calidum et humidum, quae in animali per sanguinem conservantur;
ideo dicitur quod anima est in sanguine, ad designandum propriam dispositionem
corporis, in quantum est materia perfecta per animam. # 8. Parce que l'вme est proprement l'acte du corps vivant, vivre
dйpend du chaud et de l'humide conservйs dans l'animal par le sang; c'est
pourquoi on dit que l'вme est dans le sang, pour dйsigner la disposition propre
du corps, dans la mesure oщ la matiиre est achevйe par l'вme.
q. 3 a. 9 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod circa embrionis vitam sunt aliqui diversimode opinati. # 9. Au sujet de la vie de l'embryon, certains ont eu des opinions
diverses.
Quidam namque assimilaverunt in generatione humana
progressum animae rationalis progressui corporis humani, dicentes, quod sicut
corpus humanum in semine est virtualiter, non tamen habens actu humani corporis
perfectionem, quae in distinctione organorum consistit, sed paulatim per
virtutem seminis ad perfectionem huiusmodi pervenitur; ita in principio
generationis est ibi anima, virtute quadam habens omnem perfectionem quae
postea apparet in homine completo, non tamen eam habens actu, cum non appareant
animae actiones, sed processu temporis paulatim eam acquirit; ita quod primo
apparent in ea actiones animae vegetabilis, et postmodum animae sensibilis, et
tandem animae rationalis. Et hanc opinionem tangit Gregorius Nyssenus in Lib.
quem fecit de homine. A) Certains en effet ont assimilй, dans la gйnйration humaine, le
progrиs de l'вme rationnelle а celui du corps humain, en disant que, de mкme
que le corps est virtuellement dans la semence, sans en avoir cependant le
perfection en acte, qui consiste dans la distinction des organes, mais que peu
а peu par le pouvoir de la semence il parvient а une telle perfection; de mкme,
au commencement de la gйnйration, il y a une вme qui a par un certain pouvoir
toute la perfection qui apparaоt ensuite dans l'homme complet, mais sans
l'avoir cependant en acte, puisque les actions de l'вme n'apparaissent pas;
mais elle l'acquiert peu а peu par l'йvolution du temps; de sorte qu'y
apparaissent d'abord les actions de l'вme vйgйtative, ensuite de l'вme
sensitive et enfin de l'вme rationnelle. Et Grйgoire de Nysse soutient cette
opinion dans le livre qu'il fit Sur l'homme[23].
Sed haec opinio non potest stare, quia aut intelligit quod
ipsa anima secundum speciem suam existat a principio in semine, nondum habens
perfectas operationes propter organorum defectum, aut intelligit quod in semine
a principio sit aliqua virtus vel forma, quae nondum habet speciem animae;
sicut nec semen habet speciem humani corporis, sed paulatim producitur per
actionem naturae ad hoc quod ipsa eadem sit anima primo quidem vegetabilis,
secundo sensibilis et deinde rationalis. Mais cette opinion n'est pas valable, parce que, ou bien elle
sous-entend que l'вme mкme selon son espиce existe au dйbut dans la semence,
n'ayant pas encore les opйrations parfaites а cause de la dйficience de ses
organes, ou bien elle sous-entend que dans la semence, dиs le dйbut, il y a un
pouvoir ou une forme qui n'a pas encore la nature de l'вme; de mкme que la
semence n'a pas la nature du corps humain, mais peu а peu, il est produite par
l'action de la nature pour que la mкme вme soit d'abord vйgйtative, ensuite
sensitive et enfin rationnelle.
Prima autem pars huius divisionis destruitur:
primo quidem per auctoritatem philosophi. Dicitur enim in II
de anima, quod potentia vitae quae est in corpore physico organico, cuius actus
est anima, non est abiiciens animam, sicut semen et fructus; ex quo datur
intelligi, quod semen est ita in potentia ad animam quod anima caret. I. La premiиre partie de cette division est rйfutйe.
a) Premiиrement, par l'autoritй du philosophe. Il est dit, en effet, (L'вme, II, 2, 412 b 25[24]) que la
puissance de vie qui est dans le corps physique organique, dont l'acte est
l'вme, ne la rejette pas, comme la semence et les fruits. Par lа on donne а
comprendre que la semence est celle qui est en puissance pour l'вme, parce
qu'elle en est privй.
Secundo, quia cum semen nondum sit ultima assimilatione
membris assimilatum (sic enim eius resolutio esset corruptio quaedam) sed sit
superfluitas ultimae digestionis, ut dicitur in XV de animalibus, nondum fuit
in corpore generantis existens anima perfectum; unde non potest esse quod in
principio suae decisionis sit in eo anima.
b) Deuxiиmement parce que, comme la semence n'est pas encore assimilйe
aux membres par une ultime assimilation (car ainsi cette dissolution serait une
corruption) mais est une superfluitй de la digestion ultime[25], comme on le
dit dans Les animaux (15- La gйnйration animale, ch. 19 II, 3, 736
b 26-27[26]), elle n'a pas encore йtй dans le corps de celui qui engendre,
existant parfait par l'вme; c'est pourquoi ce n'est pas possible, qu'au
commencement de sa sйparation, il y ait une вme en elle.
Tertio, quia dato quod cum eo decideretur anima, non tamen
potest hoc dici de anima rationali; quae cum non sit actus alicuius partis
corporis, non potest deciso corpore decidi.
3) Troisiиmement, parce que, si on suppose que l'вme est sйparйe de la
semence, on ne peut pas cependant pas le dire de l'вme rationnelle, qui,
puisqu'elle n'est pas l'acte d'une partie du corps ne peut кtre sйparйe si le
corps est sйparй[27] du corps sйparй.
Secundam etiam partem divisionis praedictae patet esse
falsam. Cum enim forma substantialis non continue vel successive in actum
producatur, sed in istanti (alias oporteret esse motum in genere substantiae,
sicut est in genere qualitatis) non potest esse quod illa virtus quae est a
principio in semine, successive proficiat ad diversos gradus animae. Non enim
forma ignis in aere hoc modo inducitur ut continuo procedat de imperfecto ad
perfectum; cum nulla forma substantialis suscipiat magis et minus; sed solum
materia per alterationem praecedentem variatur, ut sit magis et minus disposita
ad formam. Forma vero non incipit esse in materia nisi in ultimo instanti
alterationis.
II - Il apparaоt que la seconde partie de cette division est fausse. En
effet, comme la forme substantielle n'est pas produite en acte continuellement
ou successivement, mais dans l'instant (autrement il faudrait qu'il y ait un
mouvement dans le genre de la substance, comme dans le genre de la qualitй) il
n'est pas possible que cette puissance qui est au commencement dans la semence,
parvienne successivement aux diffйrents degrйs de l'вme. Car la forme du feu,
dans l'air, n'est pas amenйe de maniиre а procйder continuellement de
l'imparfait au parfait, puisque nulle forme substantielle ne reзoit le plus et
le moins; mais la matiиre seulement est modifiйe par altйration prйcйdente, de
sorte qu'elle est plus ou moins disposйe а la forme. Mais la forme ne commence
а кtre dans la matiиre qu'au dernier moment du changement.
Alii vero dicunt, quod in semine primo est anima
vegetabilis, et post modum ea manente, inducitur anima sensibilis ex virtute
generantis, et ultimo inducitur anima rationalis per creationem, ita quod
ponunt in homine esse tres animas per essentiam differentes. B) Mais d'autre disent que dans la semence, il y d'abord l'вme
vйgйtative et ensuite, encore qu'elle y demeure, l'вme sensitive est introduite
par le pouvoir de celui qui engendre et enfin l'вme rationnelle par crйation,
de sorte qu'ils pensent qu'il y a dans l'homme trois вmes diffйrentes en
essence.
Sed contra hoc est quod dicitur: neque duas animas dicimus
esse in uno homine sicut et Iacobus et alii Syrorum scribunt, unam animalem qua
animatur corpus et immixta sit sanguini, et alteram spiritualem quae rationem
ministret.
Et iterum impossibile est unius et eiusdem rei esse plures
formas substantiales: nam cum forma substantialis faciat esse non solum
secundum quid, sed simpliciter, et constituat hoc aliquid in genere substantiae,
si prima forma hoc facit, secunda adveniens, inveniens subiectum iam in esse
substantiali constitutum, accidentaliter ei adveniet; et sic sequeretur quod
anima sensibilis et rationalis in homine corpori accidentaliter uniantur. Nec
potest dici quod anima vegetabilis quae in planta est forma substantialis, in
homine non sit forma substantialis, sed dispositio ad formam: quia quod est de
genere substantiae nullius accidens esse potest, ut dicitur in I Physic.
Mais contre cela, il y a ce qu'on dit, dans le livre des Dogmes
ecclйsiastiques, ch. 15: "Nous disons qu'il n'y a pas deux вmes dans un
seul homme comme Jacques l'йcrit а d'autres Syriens l'une animale qui anime le
corps, mкlйe au sang et l'autre spirituelle qui gouverne la raison."
Et а nouveau, il est impossible qu'il y ait plusieurs formes
substantielles d'une seule et mкme chose, en effet, comme la forme
substantielle fait l'кtre non seulement relatif, mais absolu et le place dans
le genre de la substance, si la premiиre forme le fait, la seconde, quand elle
survient, trouvant un sujet dйjа constituй dans l'кtre substantiel, lui
arriverait de maniиre accidentelle; et ainsi il en dйcoulerait que l'вme
sensitive et l'вme rationnelle dans l'homme seraient unies accidentellement au
corps. On ne peut pas dire que l'вme vйgйtative qui est la forme substantielle
dans la plante, ne soit pas la forme substantielle dans l'homme, mais une
disposition pour la forme; parce que ce qui est du genre de la substance ne
peut кtre l'accident de rien, comme on le dit (I Physique, I, 2, 184 b 30).
Unde alii dicunt, quod anima vegetabilis est in potentia ad
animam sensibilem et sensibilis est actus eius; unde anima vegetabilis quae
primo est in semine, per actionem naturae perducitur ad complementum animae
sensibilis; et ulterius anima rationalis est actus et complementum animae
sensibilis; unde anima sensibilis perducitur ad suum complementum, scilicet ad
animam rationalem, non per actionem generantis sed per actum creantis; et sic
dicunt quod ipsa rationalis anima in homine partim est ab intrinseco, scilicet
quantum ad naturam intellectualem; et partim ab extrinseco, quantum ad naturam
vegetabilem et sensibilem.
C) C'est pourquoi, d'autres disent que l'вme vйgйtative est en
puissance pour l'вme sensitive et la sensibilitй est son acte; c'est pourquoi
l'вme vйgйtative qui est d'abord dans la semence, par l'action de la nature est
amenйe а кtre complйtйe par l'вme sensitive; et plus tard, l'вme rationnelle
est l'acte et le complйment de l'вme sensitive: c'est pourquoi l'вme sensitive
est amenйe а son complйment, а savoir l'вme rationnelle, non par l'action de
celui qui engendre mais par l'acte du crйateur et ainsi ils disent que l'вme
rationnelle elle-mкme dans l'homme vient en partie de l'intйrieur, pour la nature
intellectuelle et en partie de l'extйrieur, pour la nature vйgйtative et
sensitive.
q. 3 a. 9 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod embrio antequam habeat animam rationalem non est ens
perfectum, sed in via ad perfectionem; unde non est in genere vel specie nisi
per reductionem sicut incompletum reducitur ad genus vel speciem completi. # 10. Avant de possйder l'вme rationnelle, l'embryon n'est pas un кtre
parfait, mais il est sur le chemin de la perfection; c'est pourquoi il n'est
dans le genre ou l'espиce que s'il y est amenй par rйduction comme l'incomplet
est amenй au genre ou а l'espиce de ce qui est complet.
q. 3 a. 9 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in semine a principio quamvis non sit anima, est tamen
ibi virtus animae, ut dictum est, quae quidem virtus fundatur in spiritu qui in
spermate continetur, et dicitur virtus animae quia est ab anima generantis. # 11. Dans la semence au commencement, bien qu'il n'y ait pas d'вme, il
y a cependant un pouvoir de l'вme, comme on l'a dit. Celui-ci est fondй dans "l'esprit"
contenu dans le sperme, et il est appelй puissance de l'вme, parce qu'il vient
de l'вme de celui qui engendre.
q. 3 a. 9 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod embrio ante animam rationalem vivit et animam habet,
ut dictum est, unde hoc argumentum concedimus. # 12. L'embryon vit avant l'вme rationnelle, et il a une вme, comme on
l'a dit. C'est pourquoi nous concйdons cet argument.
q. 3 a. 9 ad 13 Et
similiter ad decimumtertium, decimumquartum et decimumquintum. # Et de mкme pour les objections13, 14 et 15.
q. 3 a. 9 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod virtus formativa quae in principio est in semine,
manet adveniente etiam anima rationali; sicut et spiritus in quos fere tota
substantia spermatis convertitur manent. Et illa quae prius fuit formativa
corporis fit postmodum corporis regitiva. Sicut etiam calor qui fuit dispositio
ad formam ignis manet forma ignis adveniente, ut instrumentum formae in agendo.
# 16. Le pouvoir formateur qui est au commencement dans la semence,
demeure quand arrive l'вme rationnelle; de mкme que demeurent les esprits dans
lesquels presque toute la substance du sperme est transformйe. Et celle qui a
йtй d'abord formatrice du corps devient par la suite son rйgisseur. De mкme la
chaleur, qui a йtй une disposition pour la forme du feu, demeure, quand arrive
la forme du feu, en agissant comme instrument de la forme.
q. 3 a. 9 ad 17 Et per hoc patet solutio ad
decimumseptimum et decimumoctavum. # 17-18 Et ainsi cela donne la solution pour la 17e et 18e objections.
q. 3 a. 9 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod licet anima rationalis non sit a generante, unio
tamen corporis ad eam, est quodammodo a generante, ut dictum est. Et ideo homo
dicitur generari. # 19. Bien que l'вme rationnelle ne vienne pas de celui qui engendre, cependant
son union au corps vient de lui, d'une certaine maniиre, comme on l'a dit. Et
c'est pour cela qu'on dit que l'homme est engendrй.
q. 3 a. 9 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod pro tanto in homine non est duplex esse, quia non est
sic intelligendum corpus esse a generante et animam a creante, quasi corpori
acquiratur esse separatum a generante, et separatim animae a creante; sed quia
creans dat esse animae in corpore, et generans disponit corpus ad hoc quod
huius esse sit particeps per animam sibi unitam. # 20. Pour autant, il n'y a pas deux кtres dans l'homme, parce qu'il ne
faut pas comprendre que le corps existe par celui qui engendre et l'вme par le
crйateur, comme si un кtre sйparй йtait acquis au corps par celui qui engendre
et sйparйment par le crйateur pour l'вme; mais parce que le crйateur donne
l'кtre а l'вme dans le corps, et celui qui engendre dispose le corps pour que
l'кtre du corps participe par l'вme qui lui est unie.
q. 3 a. 9 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod duo agentia omnino disparata non possunt hoc
modo se habere quod actio unius terminetur ad materiam, et alterius ad formam;
hoc tamen contingit in duobus agentibus ordinatis, quorum unum est instrumentum
alterius. Actio enim principalis agentis se extendit quandoque ad aliquid ad
quod non potest se extendere actio instrumenti. Natura autem est sicut
instrumentum quoddam divinae virtutis ut supra, ostensum est. Unde non est
inconveniens, si virtus divina sola faciat animam rationalem, actione naturae
se extendente solum ad disponendum corpus. # 21. Deux agents totalement diffйrents ne peuvent se comporter de
maniиre que l'action de l'un se termine а la matiиre et celle de l'autre а la
forme. Cependant cela arrive dans deux agents ordonnйs, dont l'un est
l'instrument de l'autre. Car l'action de l'agent principal s'йtend quelquefois
lа oщ l'action de l'instrument ne peut parvenir. Mais la nature est comme un
instrument du pouvoir divin, comme on l'a montrй (art. 8, obj. 14, et art. 7,
c.). Aussi il n'y a pas d'inconvйnient, si seul le pouvoir divin crйe l'вme
rationnelle, alors que l'action de la nature s'йtend seulement а la disposition
du corps.
q. 3 a. 9 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod intellectus in corpore existens non indiget
aliquo corporali ad intelligendum, quod simul cum intellectu sit principium
intellectualis operationis, sicut accidit in visu: nam principium visionis non
est visus tantum, sed oculus constans ex visu et pupilla. Indiget autem corpore
tamquam obiecto, sicut visus indiget pariete in quo est color: nam phantasmata
comparantur ad intellectum ut colores ad visum, sicut dicitur in III de anima.
Et ex hoc est quod intellectus impeditur in intelligendo, laeso organo
phantasiae: quia quamdiu est in corpore indiget phantasmatibus non solum quasi
accipiens a phantasmatibus dum acquirit scientiam, sed etiam comparans species
intelligibiles phantasmatibus dum utitur scientia acquisita. Et propter hoc
exempla in scientiis sunt necessaria.
# 22. L'esprit (intellectus) qui existe dans un corps n'a pas besoin
d'un organe corporel pour l'intellection, parce que, avec lui en mкme temps, il
y a le principe de l'opйration intellectuelle, comme cela arrive pour la vue;
car le principe de vision n'est pas la vue seulement, mais l'oeil composй de la
vue et de la pupille. Mais elle a besoin d'un corps comme objet, de mкme que la
vue a besoin d'un mur sur lequel il y a de la couleur: car les images pour
l'esprit sont comparйes aux couleurs pour la vision, comme il est dit dans L'вme, III, 431 b 2. Et c'est pourquoi
l'esprit est empкchйe d'abstraire, si l'organe de l'image est blessйe, parce
que tant qu'elle est dans le corps, elle a besoin des images non seulement en
recevant par elles, pendant qu'elle acquiert la connaissance, mais mкme en
comparant les espиces intelligibles aux images, pendant qu'elle se sert de la
connaissance acquise. Et c'est pour cela que les exemples sont nйcessaires dans
les sciences.
q. 3 a. 9 ad 23 Et
per hoc patet responsio ad vicesimumtertium et vicesimum-quartum. # Et par lа on trouve la rйponse а la 22e, 23e et 24e objection.
q. 3 a. 9 ad 25 Ad
vicesimumquintum dicendum, quod illa ratio est Apollinaris, ut Gregorius
Nyssenus dicit. Decipiebatur autem in hoc quod non distinguebat operationem
naturae, quae est generatio prolis, cui Deus dat complementum, ab operatione
voluntaria adulterii in qua peccatum consistit. # 25. Cet argument est d'Apollinaire, comme Grйgoire de Nysse[28] le
dit (L'вme, ch. 6). Il йtait trompй
parce qu'il ne distinguait pas l'opйration de nature qui est la gйnйration
d'une descendance, а qui Dieu accorde un complйment, de l'opйration volontaire
de l'adultиre, en quoi consiste le pйchй.
q. 3 a. 9 ad 26 Ad
vicesimumsextum dicendum, quod anima, cum sit perfectior formis materialibus,
posset sibi similem producere si anima rationalis posset produci aliter quam
per creationem, quod esse non potest; et hoc provenit ex eius perfectione, ut
ex praedictis potest patere. # 26. Comme l'вme est plus parfaite que les formes matйrielles, elle
pourrait produire quelque chose de semblable а elle si l'вme rationnelle
pouvait кtre produite autrement que par crйation, ce qui n'est pas possible, et
cela provient de sa perfection, comme on peut le dйcouvrir dans ce qu'on a dit
prйcйdemment.
q. 3 a. 9 ad 27 Ad
vicesimumseptimum dicendum, quod in solo Deo potest esse una natura in pluribus
suppositis; et ideo ibi solummodo potest esse generatio sine imperfectione
mutationis et divisionis; unde nobiliores creaturae, quae sunt indivisibiles
nec substantialiter transmutantur, sicut anima rationalis et Angelus, non
generantur; sed inferiores creaturae, quae sunt divisibiles et corruptibiles. # 27. En Dieu seul, il peut y avoir une seule nature dans plusieurs
suppфts. Et c'est pourquoi, lа uniquement, il peut y avoir une gйnйration sans
l'imperfection du changement et de la division. C'est pour cela que les plus
nobles crйatures, qui sont indivisibles, et ne se transforment pas
substantiellement, comme l'вme rationnelle et l'ange, ne sont pas engendrйes;
mais seules sont engendrйes les crйatures infйrieures qui sont divisibles et
corruptibles.
q. 3 a. 9 ad 28 Ad
vicesimumoctavum dicendum, quod virtus illa quae est in semine, a philosopho
vocatur intellectus, ut dicit Commentator, propter quamdam similitudinem: quia
sicut intellectus operatur absque organo, ita et illa virtus. # 28. Ce pouvoir qui est dans la semence, est appelй l'esprit
(intellectus) par le philosophe, comme le dit le Commentateur (Mйtaphysique, VII, com. 31) а cause
d'une certaine ressemblance; parce que l'intellect opиre sans organe, ce
pouvoir aussi.
q. 3 a. 9 ad 29 Ad
vicesimumnonum dicendum, quod verbum illud philosophi est intelligendum de
anima sensibili, non de rationali. # 29. Cette parole du philosophe est а comprendre de l'вme sensitive,
non de l'вme rationnelle.
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[1] PARALL.: Ia, q. 90, a. 2 - q.
118, a. 2 – CG. Il, 86, 87, 88. 89 –
Il Sent., d18q2al – d19qla4 - De Verit., q. 27, a. 3, ad 9 - De Spir, creat.,
a. 2, ad 8 – Qdl. IX, q. 3, a.1 – Compend. c. 93; Opusc. XXVIII, De Fato, c. 5
- Opusc. XXXVII. De quatuor Oppos., c. 4; Qudl., XI, q. 5, ad 1, 4; XII, q. 7,
a. 2 – Cf. Super epist. ad Romanos lectura V; lectio 3, surtout le n° 408
[2]
II Sent. d18q2a1, obj. 3: "Les enfants contractent le pйchй originel de
leurs parents, comme l'Apфtre l'enseigne (Rm. 5), mais un accident ne peut кtre
transmis que si l'objet de l'кtre est transmis. Donc il semble que l'вme
raisonnable est le substrat de ma faute originelle et qu'elle est transmise par
les parents."
[3]
"C'est un homme qui engendre un homme" Les causes "...la
matiиre, la forme, le moteur, la cause fnale" ne font qu'un; alors que
l'origine prochaine du mouvement est identique spйcifiquement а celui-ci; car
c'est un homme qui engendre un home." Cette affirmation, banale en soi,
sert а Aristote а dйmontrer que trois des quatre causes se rйduisent а une, en
beaucoup de cas. L'essence et la cause finale ne font qu'une essence, le
premier homme de l'affirmation, la fin, le second. La cause efficiente (l'homme
sujet de la proposition) est identique а la cause finale (l'homme objet de la
proposition).
[4]
Ailleurs il dit que c'est un surplus de nourriture. (voir Ia, 119, a 2)
[5]
"Il semble en outre que le principe contenu dans les vйgйtaux est lui-mкme
une sorte d'вme; car c'est le seul principe commun aux animaux et aux
vйgйtaux.." (Trad. E. Barbotin)
[6]
"L'вme est pour le corps vivant, cause et principe." (Trad. E.
Barbotin).
[7]
"Certains, par contre, estiment que la nature du feu est, absolument
parlant, cause de la nutrition et de la croissance." (Il s'agirait
d'Hйraclite) Thomas, °n° 339.
[8]
En II Sent. d18q2a1, obj. 5, il prйcise que c'est le Commentateur qui le dit en
II Mйtaphysique , com. 7: "Il
est impossible qu'il y ait diffйrents agents dont l'action de l'un se termine
au substrat de la forme et l'action de l'autre а la forme, parce que pour le
substrat de la forme, l'action de l'agent ne se termine que selon ce qui reзoit
la forme, il en dйcoulerait en effet, comme il le dit lui-mкme, que le substrat
et la forme seraient deux [кtres] distincts, desquels ne serait pas fait l'un,
si c'йtaient les termes des diffйrentes actions."
[9]
Mкme objection II Sent. d18q2a1, obj. 2. Il y ajoute: "Parce que celui qui
agit de concert avec quelqu'un d'inique n'est pas soustrait а l'iniquitй. Donc
il semble que l'вme humaine n'est pas infusйe par Dieu mais transmise par le
pиre."
[10]
"La plus naturelle de toutes les fonctions, pour tout кtre vivant parfait,
qui n'est pas incomplet ou dont la gйnйration n'est pas spontanйe, c'est de
produire un autre vivant semblable а soi." (L'вme, 415 a 30) Thomas lectio 7, n° 311-314.
[11]
Prop. 2, n° 2: "L'Кtre qui est aprиs l'йternitй et au-dessus du temps,
c'est l'вme, parce qu'elle est en dessous dans l'horizon de l'йternitй et
au-dessus du temps. Thomas, n° 58:"Il parle de l'вme qui a un кtre
supйrieur а savoir au-dessus du mouvement et du temps. Car l'вme de ce genre
s'approche plus du mouvement que l'Intelligence parce qu'il est йvident que
l'Intelligence n'est pas touchйe par le mouvement ni selon sa substance, ni
selon son opйration. L'вme selon sa substance dйpasse (excedit) le temps et le
mouvement et touche а l'йternitй, mais selon l'opйration elle touche au
mouvement; parce que, comme les philosophes le prouvent, il faut que ce qui est
mы par un autre soit ramenй а quelque chose de premier, qui se meut lui-mкme.
Mais selon Platon c'est l'вme qui se meut elle-mкme, selon Aristote, c'est un
corps animй dont le principe du mouvement est l'вme. Et ainsi des deux
maniиres, il faut que le premier principe du mouvement, soit l'вme et c'est
pourquoi le mouvement est l'opйration de l'вme elle-mкme. Et parce que le
mouvement est dans le temps, le temps touche l'opйration de l'вme elle-mкme."
[12]
Le sens de spiritus est а peu prиs йquivalent а puissance. Cf. les
"esprits animaux" de Descartes. ("Les esprits animaux sont des
vapeurs trиs subtiles, par lesquelles se diffusent les pouvoirs de l'вme dans
les parties du corps." (I Sent. d10q1a4 c.) Cf. Ia, qu. 118, a. 1, ad 3m: "La
force active qui est dans la semence dйrivйe de l'вme de celui qui engendre est
comme un йlan (motio) qui vient d'elle... il lui faut un organe en acte et elle
est fondйe dans cet esprit inclus dans la semence." "Il y a un
"esprit" dans le semen qui lui donne sa puissance active dans la
gйnйration" (Trad. J. Weber, l'вme humaine, (Йd. des jeunes,
renseignements techniques p. 377). Cf. IIIa, qu. 32, a. 1, ad 1:"w...la
puissance de l'вme qui est dans la semence est enclose par l' "esprit"
qui s'y trouve forme le corps dans la gйnйration des autres hommes," autre
que le Christ.
[13]
On trouve chez Augustin, tout particuliиrement dans La Genиse au sens littйral, que Thomas connaоt bien, les
diffйrentes solutions rapportйes ici. Mais Augustin reste trиs hйsitant sur le
choix а faire.
a.
Propagation par l'вme du pиre ou traducianisme. Augustin pense particuliиrement
а Tertullien (De anima), dont le traducianisme est entachй de matйrialisme.
L'вme est virtuellement dans la semence. C'est le seul qui soit aussi nettement
traducianiste avec Lucifer de Cagliari et ses disciples; Arnobe et Lactance
semblent avoir йtй accusйs а tort. (La traducianisme a йtй condamnй par
Anastase II (496-498). Denz 170.
2.
Le prйexistentialisme: crйation antйrieure а la formation du corps. Opinion
attribuйe а Origиne. Ce problиme est йtudiй а l'article 10.
3.
Le crйatianisme. Thomas n'йvoque pas ici l'йmanatisme, qu'il rйfute dans le
Commentaire des sentences et dans le CG.
[14]
Lucifer de Cagliari (vers 354, vers 370) et ses disciples.
[15]
Identification apparemment impossible.
[16]
Cf. Ia, qu. 90, a. 4, resp. §1. Sur la doctrine d'Origиne: "Origиne a
affirmй que non seulement l'вme du premier homme, mais celle de tous les hommes
ont йtй crййes avant les corps, en mкme temps que les anges; et cela parce
qu'il croyait que toutes les substances spirituelles, tant les вmes que les
anges, йtaient йgales sous la condition de leur nature, et qu'elles ne
diffйraient que par leur mйrite; de telle sorte que certaines seraient liйes а
des corps - ce sont les вmes des hommes et des corps cйlestes -, et que
d'autres demeurent dans leur puretй, distribuйes selon leurs divers ordres."
Cf. Ia, qu. 47, a. 2, c.
[17]
"Il est donc manifeste que la forme (...) ou que le nom qu'il faille
donner а la configuration rйalisйe dans le sensible, n'est pas soumise au
devenir, que d'elle il n'y a pas de gйnйration..." (Trad. J. Tricot)
[18]
Gn. 46, 26.
[19]
Cf. II Sent. d18q2a1, ad 1: "Totus homo dicitur intellectus, per modum quo
etiam tota civitas dicitur rector civitatis. "Tout homme est appelй "intellect"
а la maniиre dont toute la citй est appelйe chef de la citй."
[20]
"La partie pensante de son кtre, qui, semble-t-il, constitue chacun de
nous." (Trad. J. Voilquin). Thomas n° 1805: Ce qu'il veut il le fait par
sa grвce c'est-а-dire grвce а la partie intellectuelle qui est principal dans
l'homme. Chaque chose sensible est surtout ce qui est principalement en lui.
[21]
II Sent. d18q2a1: "Quoique le pйchй originel soit dans l'вme comme dans un
substrat, cependant elle y est causйe par l'infection de la semence, et il est
en elle, quoiqu'il n'y soit pas comme dans un substrat, cependant comme dans sa
cause et c'est pourquoi le pйchй originel est transmis par la semence et pas
par l'вme. (...) L'вme est le substrat du pйchй original mais il y est causй
par la semence, qui en est comme la cause". Cf. Ia / IIж qu. 83, a. 1, c. "Le
pйchй originel est dans la semence comme dans sa cause instrumentale... mais
dans le sujet le pйchй originel ne peut кtre en aucune maniиre dans la chair,
mais seulement dans l'вme." Car, prйcise-t-il, la chair n'est pas le
substrat de la faute. Donc c'est l'вme qui l'est.
[22]
Cf. II Sent. d18q2a1, ad 4m: Faire du semblable: 1) La forme selon laquelle on
atteint la ressemblance est amenйe de la puissance а l'acte par l'action. 2) La
matiиre est disposйe par l'action pour кtre nйcessitй а recevoir la forme a)
forme accidentelle, b) selon Avicenne, dans toutes les formes substantielles
parce qu'il veut que toutes les formes essentielles viennent d'un principe
sйparй. Mais selon Aristote et le Commentateur les formes substantielle
matйrielles appartiennent а la deuxiиme.
[23]
Оuvre de Nйmesius d'Emиse (PG. 45, 187).Ь
[24]
De anima, II, 3, 412 b 25: "De plus, ce n'est pas le corps sйparй de l'вme
qui est en puissance de vivre, mais celui qui la possиde; а leur tour, la
semence et les fruits sont en puissance un corps de cette sorte." (Trad.
E.Barbotin). Thomas n° 240: "Mais il est vrai que la semence et le fruit
en qui sont conservйes les semences de la plante sont en puissance pour un
corps vivant de ce genre, qui a une вme, car la semence n'a pas encore d'вme.
C'est pourquoi il est un dans la puissance, comme sйparйe de l'вme."
[25]
Thomas suit Aristote qui dit que la semence est le superflu de l'aliment. Il le
dйmontre en Ia, qu. 119, a2.. Il a montrй dans l'article 1 que les aliments
deviennent la rйalitй (veritatem) du corps. Il considиre donc (a. 2 c) que la
nature humaine (puisqu'il restreint son йtude а elle), possиde une puissance
(virtus) pour communiquer la forme а une matiиre йtrangиre dans un autre, mais
aussi en lui Cette puissance permet d'assimiler peu а peu les aliments qui sont
pour tout le corps, puis pour chaque partie. C'est l'ordre normal: la puissance
passe а l'acte, l'imparfait au parfait. Il n'est pas possible que ce qui est
devenu substance des diffйrents membres soit la semence. (La question йtudie
йtant la semence est-elle du superflu des aliments ou la substance de celui qui
engendre, elle n'aurait pas pouvoir de convertir l'autre en une nature
semblable). Donc la semence n'est pas dйtachйe (decisum) de ce qui йtait tout
en acte mais elle est en puissance seulement; ce qui est en puissance (de
produire un corps) vient donc des aliments avant d'кtre converti en substance
dans les membres. II Sent. d30q2a2.
[26]
Cf. De anima, II, 4, 416 b 15. "L'aliment est encore principe de la
gйnйration non pas pour l'кtre qui se nourrit mais pour un кtre semblable а lui"
(Trad. E. Barbotin). Cf. Thomas, II, lectio 9, n ° 344.
[27]
Allusion aux animaux qui peuvent кtre coupй: les annelйs, les vers etc..
[28]
Nйmйsius d'Emиse, La nature de l'homme, PG. 45,46. II Sent. d18q2a1, ad 2m: On
peut considйrer l'adultиre de deux maniиres. Ou selon l'кtre moral et ainsi
l'usage est sans forme, Dieu n'y coopиre pas mais l'empкche, ou selon qu'il est
dans une espиce naturelle, et ainsi est un certain bien; c'est pourquoi il
n'est pas inconvenant qu'а une telle opйration en tant qu'elle est bonne Dieu
qui opиre en tout y apporte une complйment."
Article 10: L'вme rationnelle est-elle crййe dans le corps ou hors du
corps?
q. 3 a. 10 tit. 1
Decimo quaeritur utrum anima rationalis sit creata in corpore, vel extra
corpus. Et videtur quod sit creata extra corpus. Il semble que l'вme est crййe hors du corps[1].
Objections: q. 3 a. 10 arg. 1
Eorum enim quae sunt idem secundum speciem, est idem modus prodeundi in esse.
Sed animae nostrae sunt eiusdem speciei cum anima Adae. Anima autem Adae fuit
extra corpus cum Angelis creata, ut Augustinus dicit. Ergo et aliae animae
humanae extra corpus creantur. 1. Car la maniиre de venir а l'кtre est identique pour ce qui est
identique en espиce[2]. Mais nos вmes sont de la mкme espиce que celle d'Adam.
Or celle-ci fut crййe hors de son corps avec les anges, comme Augustin (La Genиse au sens littйral, VII, 25 et
27[3]) le dit. Donc les autres вmes humaines sont crййes hors du corps.
q. 3 a. 10 arg. 2
Praeterea, omne totum imperfectum est cui deest aliqua pars quae ad eius
perfectionem pertinet. Sed animae rationales magis pertinent ad perfectionem
universi quam etiam substantiae corporales, cum substantia intellectualis sit
nobilior corporali substantia. Si ergo animae rationales a principio non
fuerunt omnes creatae, sed quotidie creantur cum corpora generantur; sequitur
quod universum sit imperfectum ex eo quod desunt sibi nobilissimae partes eius.
Hoc videtur esse inconveniens. Ergo animae
rationales sunt a principio extra corpora creatae. 2. Tout ensemble imparfait est celui а qui manque une partie qui
importe а sa perfection. Mais les вmes rationnelles concernent plus la
perfection de l'univers que les substances corporelles, puisque la substance
intellectuelle est plus noble que la substance corporelle. Si donc les вmes
rationnelles n'ont pas toutes йtй crййes au commencement, mais sont crййes
chaque jour, quand les corps sont engendrйs, il en dйcoule que l'univers est
imparfait, parce que ses parties les plus nobles lui font dйfaut. Cela paraоt
ne pas convenir. Donc les вmes rationnelles ont йtй crййes au commencement hors
du corps.
q. 3 a. 10 arg. 3
Praeterea, theatralibus ludis videtur esse simile, quod tunc universum
destruatur, quando ad ultimam perfectionem devenerit. Sed mundus tunc finietur
quando hominum generatio cessabit, et tunc completissima universi perfectio
erit, si animae simul creantur cum corpora generantur. Ergo secundum hoc divina gubernatio, quae mundum regit, erit similis ludo;
quod videtur esse absurdum. 3. La destruction de l'univers, quand il sera parvenu а son ultime
perfection, ressemble а une reprйsentation thйвtrale[4]. Mais le monde sera
fini, quand la gйnйration des hommes cessera et alors la perfection de
l'univers sera trиs complиte, si les вmes sont crййes en mкme temps que les
corps sont parfaitement engendrйs. Donc dans cet optique, la gouvernement
divin, qui rйgit le monde, ressemble а une reprйsentation thйвtrale, ce qui
paraоt absurde.
q. 3 a. 10 arg. 4
Sed dices, quod nihil prohibet perfectioni universi deesse aliquid secundum
numerum, cum tamen quantum ad omnes eius species sit completum.- Sed contra,
species rerum ex hoc quod, quantum in ipsis est, perpetuitatem quamdam habent,
pertinent ad essentialem perfectionem universi, utpote per se intentae ab
universi auctore. Individua vero, quae non habent esse perpetuum, pertinent ad
quamdam accidentalem universi perfectionem, utpote non propter se intenta, sed
propter speciei conservationem. Animae autem rationales non solum secundum
speciem, sed etiam secundum singula individua perpetuitatem habent. Ergo si a
principio omnes animae rationales defuerunt; ita fuit universum imperfectum, ac
si aliquae species universi defuissent.
4. Mais on pourrait dire que rien n'empкche qu'il manque quelque chose
а la perfection de l'univers, en nombre, alors que cependant il est complet
pour toutes les espиces. – En sens contraire, du fait que, quant а elles, les
espиces ont une certaine perpйtuitй, elles conviennent а la perfection
essentielle de l'univers, puisque dйcidйes pour elles-mкmes par le crйateur de
l'univers. Mais les choses individuelles qui n'ont pas d'кtre perpйtuel,
conviennent а la perfection accidentelle de l'univers, n'йtant pas dйcidйes
pour elles-mкmes, mais pour la conservation de l'espиce. Les вmes rationnelles
non seulement selon l'espиce, mais aussi selon les individus particuliers, ont
la perpйtuitй. Donc, si, au commencement, toutes les вmes rationnelles ont
manquй, il y eut ainsi un univers imparfait, comme si quelques espиces de
l'univers avaient manquй.
q. 3 a. 10 arg. 5
Praeterea, Macrobius super somnium Scipionis, duas portas in caelo posuit: unam
deorum, et aliam animarum, in cancro scilicet, et Capricorno; per quarum
alteram animae ad corpus descendebant. Sed hoc non esset, nisi animae extra
corpus in caelo crearentur. Ergo animae extra corpora creatae sunt. 5. Macrobe dans Le songe de
Scipion (liv. 1) a placй deux portes dans le ciel: celle des dieux et celle
des вmes, dans le Cancer et le Capricorne; par l'une d'elles, les вmes
descendaient dans le corps. Mais cela ne pouvait exister que si les вmes
йtaient crййes au ciel hors du corps. Donc les вmes ont йtй crййes hors du
corps.
q. 3 a. 10 arg. 6
Praeterea, causa efficiens praecedit tempore suum effectum. Sed anima est causa
efficiens corporis, ut dicitur in II de anima. Ergo est ante corpus, et ita non
creatur in corpore. 6. La cause efficiente prйcиde son effet dans le temps. Mais l'вme est
cause efficiente du corps, comme on le dit dans le livre II de L'вme, (II, 4, 415 b 10[5]). Donc elle
est avant le corps et ainsi elle n'est pas crййe dans le corps.
q. 3 a. 10 arg. 7
Praeterea, in libro de spiritu et anima, dicitur, quod anima antequam corpori
uniatur, habet irascibilitatem et concupiscibilitatem. Sed haec non possunt esse in anima antequam anima
sit. Ergo anima est antequam corpori uniatur, et ita non creatur in corpore. 7. Dans le livre L'esprit et
l'вme[6] (ch. 13), on dit que l'вme, avant d'кtre unie au corps, possиde
l'irascible et le concupiscible. Mais ils ne peuvent pas exister dans l'вme
avant qu'elle existe. Donc l'вme existe, avant qu'elle soit unie au corps et
ainsi elle n'est pas crййe dans le corps.
q. 3 a. 10 arg. 8
Praeterea, substantia animae rationalis tempore non mensuratur: quia, ut
dicitur in Lib. de causis, est supra tempus; nec iterum mensuratur aeternitate,
quia hoc solius Dei est. In Lib. etiam de causis dicitur, quod anima est infra
aeternitatem. Ergo mensuratur aevo, sicut et Angeli: et ita eadem est mensura
durationis Angeli et animae. Cum ergo Angeli sint creati a principio mundi,
videtur quod etiam animae tunc sint creatae, et non in corporibus.
8. La substance de l'вme rationnelle n'est pas mesurйe par le temps;
parce que, comme on le dit dans le Livre
des Causes, (prop. 2[7]), elle est au-dessus du temps. Elle n'est pas
mesurйe non plus par l'йternitй, qui n'appartient qu'а Dieu seul. Mais dans le Livre des Causes (ibid.), on dit que
l'вme est en dessous de l'йternitй. Donc elle est mesurйe par l'aevum[8], comme
les anges et ainsi c'est la mкme mesure de durйe pour l'ange et l'вme. Donc
comme les anges sont crййs depuis le commencement du monde, il semble que les
вmes aussi ont йtй crййes alors et non dans les corps.
q. 3 a. 10 arg. 9
Praeterea, in aevo non est prius et posterius: alias a tempore non differret,
ut quibusdam videtur. Sed si Angeli ante animas essent creati, vel una anima
post aliam crearetur, esset in aevo prius et posterius, cum mensura animae sit
aevum, ut ostensum est. Ergo oportet omnes animas simul creari cum Angelis.
9. Dans l'aevum, il n'y a pas d'avant et d'aprиs[9], autrement il ne
diffйrerait pas du temps, comme il le semble а certains. Mais si les anges
avaient йtй crййs avant les вmes, ou qu'une вme soit crййe aprиs l'autre, il y
aurait dans l'aevum un avant et un aprиs, puisque la mesure de l'вme c'est
"l'aevum", comme on l'a montrй. Donc il faut que toutes les вmes
aient йtй crййes en mкme temps que les anges.
q. 3 a. 10 arg. 10
Praeterea, unitas loci attestatur unitati naturae: unde et diversorum corporum
secundum naturam, diversa sunt loca. Sed Angeli et animae conveniunt in natura,
cum sint substantiae spirituales et intellectuales. Ergo animae creatae sunt in caelo Empyreo, sicut
Angeli, et non in corporibus. 10. L'unitй de lieu atteste l'unitй de nature; donc les lieux oщ sont
les diffйrents corps sont diffйrents en nature[10]. Mais les anges et les вmes
se ressemblent en nature, puisqu'ils sont des substances spirituelles et
intellectuelles. Donc les вmes crййes sont dans le ciel empyrйe, comme les
anges, et non dans les corps.
q. 3 a. 10 arg. 11
Praeterea, quanto aliqua substantia est subtilior, tanto ei altior locus
debetur; unde ignis locus altior est quam aeris vel aquae. Sed anima est multo
simplicior substantia quam aliquod corpus. Ergo videtur quod sit creata supra
omnia corpora, et non in corpore. 11. Plus une substance est subtile, plus lui est dы lieu йlevй; c'est
pourquoi le lieu du feu est plus haut que celui de l'air ou de l'eau. Mais
l'вme est une substance beaucoup plus simple qu'un corps quelconque. Donc il
semble qu'elle a йtй crйй au-dessus de tous les corps et non dans un corps.
q. 3 a. 10 arg. 12
Praeterea, cuiuslibet rei ultima perfectio est secundum quod est in proprio
loco; cum non sit extra proprium locum nisi per violentiam quamdam. Sed ultima
perfectio animae est in caelesti habitatione. Ergo ibi locus est congruens
naturae eius; et ita videtur quod ibi sit creata. 12. La perfection ultime de n'importe quel кtre est de se situer dans
son lieu propre, puisqu'il n'en est en dehors que par une violence quelconque.
Mais l'ultime perfection de l'вme est dans la demeure cйleste. Donc ici le lieu
est conforme а sa nature et ainsi il semble qu'elle y ait йtй crййe.
q. 3
a. 10 arg. 13 Praeterea, Genes. II, 2, dicitur: requievit Deus die septimo ab
universo opere quod patrarat. Ex quo intelligi datur quod tunc
Deus a novis creaturis creandis cessavit. Sed hoc non esset, si nunc quotidie
animae crearentur. Ergo animae non creantur in corpore, sed creatae sunt a
principio extra corpus.
13 En Genиse 2, 2 il est dit: "Dieu se reposa le septiиme jour de
toute l'oeuvre qu'il avait accomplie". Par lа, il est donnй а comprendre
qu'alors Dieu cessa de crйer des crйatures nouvelles. Mais ce ne serait pas
vrai si maintenant, chaque jour, des вmes йtaient crййes. Donc les вmes ne sont
pas crййes dans le corps, mais elles l'ont йtй dиs le commencement, hors du
corps.
q. 3 a. 10 arg. 14
Praeterea, opus creationis praecedit opus propagationis. Hoc autem non esset,
si simul animae crearentur dum corpora propagantur. Ergo animae ante corpora
sunt creatae. 14. L'oeuvre de la crйation prйcиde celle de la propagation. Mais cela
ne serait pas si les вmes йtaient crййes en mкme temps que se propagent les
corps. Donc les вmes ont йtй crййes avant les corps[11].
q. 3 a. 10 arg. 15
Praeterea, Deus omnia secundum iustitiam operatur. Sed secundum iustitiam non
dantur diversa et inaequalia nisi in illis in quibus aliqua inaequalitas meriti
praeexistit. Cum ergo in nativitate hominum circa animas multa inaequalitas
attendatur: tum ex hoc quod quaedam uniuntur corporibus ad operationes animae
aptis, quaedam vero ineptis; tum ex hoc quod quidam ex infidelibus nascuntur
alii vero ex fidelibus, qui per sacramentorum susceptionem salvantur; videtur
quod inaequalitas meriti in animabus praecesserit: et sic videtur quod animae
fuerint ante corpora. 15. Dieu opиre en tout selon la justice. Mais selon elle, les
diffйrences et les inйgalitйs ne sont donnйes que lа oщ prйexiste une inйgalitй
du mйrite. Donc, comme dans la naissance des hommes, on remarque dans les вmes
beaucoup d'inйgalitй, cela vient d'une part de ce que certaines sont unies а
des corps aptes aux opйrations de l'вme, certaines а des corps inaptes, d'autre
part de ce que certaines sont nйes d'infidиles, d'autres de fidиles, qui sont
sauvйs en recevant les sacrements. Il semble que l'inйgalitй du mйrite aurait
existй auparavant dans les вmes et ainsi il semble que les вmes ont existй
avant les corps.
q. 3 a. 10 arg. 16
Praeterea, ea quorum una est inceptio, videtur quod secundum esse dependeant ad
invicem. Sed anima secundum esse suum non dependet a corpore, quod patet ex hoc
quod corrupto corpore manet. Ergo nec anima simul incipit cum corpore.
16. Il semble que les choses, dont l'une est le commencement dйpendent
les unes des autres pour leur existence. Mais l'вme en son кtre ne dйpend pas
du corps, ce qui le montre c'est qu'elle demeure une fois le corps corrompu.
Donc l'вme ne commence pas en mкme temps que le corps.
q. 3 a. 10 arg. 17 Praeterea, ea quorum unum impedit alterum, non
naturaliter uniuntur. Sed anima
impeditur a sua operatione a corpore: corpus enim quod corrumpitur, aggravat
animam, ut dicitur Sapient. cap. IX, 15. Ergo anima non naturaliter unitur
corpori; et ita videtur quod prius fuerit corpori non unita quam uniretur. 17. Les choses, dont l'une entrave l'autre, ne sont pas unies
naturellement. Mais l'opйration de l'вme est entravйe par le corps. "Car
le corps corrompu appesantit l'вme", comme il est dit en Sg. 9, 15. Donc
l'вme n'est pas naturellement unie au corps et ainsi il semble qu'elle n'a pas
йtй avec le corps avant de lui кtre uni.
En sens contraire: q. 3 a. 10 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur in libro de Ecclesiast. dogmatibus, quod animae ab
initio inter ceteras intellectuales creaturas non simul creantur. 1. Il est dit dans le livre des Dogmes ecclйsiastiques, ch. 13[12], que
les вmes ne sont pas crййes au commencement en mкme temps que les autres
crйatures intellectuelles.
q. 3 a. 10 s. c. 2
Praeterea, Gregorius Nyssenus dicit, quod assertio utriusque opinionis
vituperatione non caret: et eorum qui prius vivere animas in suo quodam statu
atque ordine fabulantur, et eorum qui eas post corpora creatas existimant.
2. Grйgoire de Nysse (dans La
crйation du monde, 29, PG. 44, 234 D) dit que l'йnonciation de chacune des
deux opinions ne manque pas de venin, celles de ceux qui racontent que les вmes
vivent d'abord dans leur statut et leur ordre, et celles de ceux qui pensent
qu'elles sont crййs aprиs les corps.
q. 3 a. 10 s. c. 3
Praeterea, Hieronymus dicit in symbolo fidei, quem composuit: eorum condemnamus
errorem qui dicunt animas ante peccasse, vel in caelis conversatas fuisse, quam
in corpora immitterentur.
3. Jйrфme dit dans Le symbole de la foi qu'il composa [Pйlage dans L'exposition de la foi а Damase]: "Nous
condamnons l'erreur de ceux qui disent que les вmes ont pйchй avant ou qu'elles
ont йtй conservйes dans les cieux avant d'кtre introduites dans les corps".
q. 3 a. 10 s. c. 4
Praeterea, proprius actus fit in propria materia. Sed anima est proprius actus
corporis. Ergo in corpore anima creatur. 4. L'acte plus appropriй se fait dans une matiиre appropriйe. Mais
l'вme est l'acte le plus appropriй du corps. Donc l'вme est crййe dans le
corps.
Rйponse: q. 3 a. 10 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut supra dictum est, quorumdam opinio fuit, quod
animae omnes simul creatae fuerunt extra corpus. Cuius quidem opinionis
falsitas potest ad praesens quatuor rationibus ostendi: Comme on l'a dit plus haut (art. 9), l'opinion de certains[13] a йtй
que toutes les вmes ont йtй crййes en mкme temps hors du corps. La faussetй de
cette opinion peut а prйsent кtre montrйe par quatre raisons:
quarum prima est, quod res creatae sunt a Deo in sua
perfectione naturali. Perfectum enim naturaliter praecedit imperfectum,
secundum philosophum. Et Boetius dicit, quod, natura a perfectis sumit
exordium. Anima autem non habet perfectionem suae naturae extra corpus, cum non
sit per se ipsam species completa alicuius naturae, sed sit pars humanae
naturae: alias oporteret quod ex anima et corpore non fieret unum nisi per
accidens. Unde non fuit anima humana extra corpus creata.
1) Dont la premiиre est que les crйatures ont йtй crййes par Dieu dans
leur perfection naturelle[14]. Car le parfait prйcиde naturellement
l'imparfait, selon le philosophe (Le ciel. I, 2, 269 a 20). Et Boиce (La
Consolation, 10, prose 10) dit que la nature prend son dйpart а partir de ce
qui est parfait. Mais l'вme n'a pas la perfection de sa nature hors du corps,
puisqu'elle n'est pas par elle-mкme une espиce complиte d'une certaine nature,
mais une partie de la nature humaine; autrement il faudrait que l'unitй de
l'вme et du corps ne soit faite que par accident. Donc l'вme humaine n'a pas
йtй crййe hors du corps.
Quicumque autem posuerunt animas extra corpora fuisse
antequam corporibus unirentur, aestimaverunt eas esse naturas perfectas, et
quod naturalis perfectio animae non est esse in hoc quod anima corpori
uniretur, sed uniretur ei accidentaliter, sicut homo indumento: sicut Plato
dicebat, quod homo non est ex anima et corpore, sed est anima utens corpore. Et
propter hoc omnes qui posuerunt animas extra corpora creari, posuerunt
transcorporationem animarum; ut sic anima exuta a corpore uno, alteri corpori
uniretur, sicut homo exutus uno vestimento induit alterum.
Tous ceux qui ont pensй que les вme ont existй hors des corps avant de
leur кtre unies, ont estimй qu'elles йtaient des natures parfaites, et que la
perfection naturelle de l'вme ne consiste pas а кtre unie au corps, mais
qu'elle lui serait unie accidentellement, de la mкme maniиre que l'homme а son
vкtement. Ainsi Platon disait que l'homme n'est pas composй d'une вme et d'un
corps, mais c'est une вme qui se sert d'un corps[15]. Et c'est pourquoi tous
ceux qui ont pensй que les вmes sont crййes hors des corps, ont cru а la
transcorporation des вmes[16], de sorte qu'une вme, ainsi sortie d'un corps,
s'unirait а un autre, comme l'homme retire son vкtement et en met un autre.
Secunda ratio est Avicennae. Cum enim anima non sit
composita ex materia et forma, distinctio animarum ab invicem esse non posset
nisi secundum formalem differentiam, si solum secundum se ipsas
distinguerentur. Formalis autem differentia diversitatem speciei inducit.
Diversitas autem secundum numerum in eadem specie ex differentia materiali
procedit: quae quidem animae competere non potest secundum naturam ex qua fit,
sed secundum materiam in qua fit.
2) La seconde raison est donnйe par'Avicenne. En effet, comme l'вme
n'est pas composйe de matiиre et de forme (car elle est distinguйe de la
matiиre et du composй dans le livre II de l'вme), la distinction des вmes l'une
de l'autre ne pourrait exister que selon une diffйrence formelle, si seulement
elles se distinguaient elles-mкmes en soi. Mais la diffйrence formelle amиne la
diversitй de l'espиce. La diversitй selon le nombre dans la mкme espиce
provient de la diffйrence matйrielle; ce qui, pour l'вme, ne peut convenir
selon la nature dont elle est faite, mais selon la matiиre dans laquelle elle
est faite.
Sic ergo solum ponere possumus plures animas humanas eiusdem
speciei, numero diversas esse, si a sui principio corporibus uniantur, ut earum
distinctio ex unione ad corpus quodammodo proveniat, sicut a materiali
principio, quamvis sicut ab efficiente principio talis distinctio sit a Deo. Si
vero extra corpora animae humanae fuissent creatae oportuisset eas esse specie
differentes, sublato distinctionis materiali principio, sicut et omnes
substantiae separatae a philosophis ponuntur specie differentes.
Donc ainsi nous pouvons seulement penser que plusieurs вmes humaines de
la mкme espиce sont diffйrentes par le nombre, si elles sont unies au corps par
leur principe, de sorte que leur distinction provient d'une certaine maniиre de
l'union au corps, comme par un principe matйriel, quoique une telle distinction
vienne de Dieu comme par un principe efficient. Si les вmes humaines avaient
йtй vraiment crййes hors des corps, il aurait fallu qu'elle soient diffйrentes
en espиce, si on enlиve le principe matйriel de la distinction, ainsi que les
philosophes ont pensй que toutes les substances sйparйes sont diffйrentes en
espиce[17].
Tertia ratio est, nam anima rationalis humana non differt
secundum substantiam a sensibili et vegetabili, sicut superius est ostensum;
vegetabilis autem et sensibilis animae origo non potest esse nisi in corpore,
cum sint actus quarumdam partium corporis; unde nec anima rationalis potest
nisi in corpore creari secundum naturae suae convenientiam, tamen absque
divinae praeiudicio potestatis.
3) Troisiиme raison: en effet, l'вme rationnelle humaine ne diffиre pas
en substance de l'вme sensitive et vйgйtative, comme on l'a montrй plus haut,
mais l'origine de l'вme vйgйtative et de l'вme sensitive ne peut кtre que dans
le corps, puisqu'elles sont les actes de certaines parties du corps; c'est
pourquoi l'вme rationnelle ne peut кtre crййe que dans un corps selon la
convenance de sa nature, cependant sans prйjudice pour la puissance divine.
Quarta ratio est, quia si anima rationalis extra corpus
creata fuit, et ibi habuit sui esse naturalis complementum, impossibile est
convenientem causam assignare unionis eius ad corpus. Non enim potest dici,
quod proprio motu se corporibus adiunxit, cum videamus quod deserere corpus non
subiaceat animae potestati; quod esset, si ex voluntate sua corpori esset unita.
Et praeterea si sunt creatae omnino separatae, non potest dici quare unio
corporis voluntatem separatae animae illexisset.
4) Quatriиme raison: si l'вme rationnelle a йtй crййe hors du corps, et
y a trouvй le complйment de son кtre naturel, il est impossible d'assigner une
cause convenable а son union au corps. Car on ne peut pas dire qu'elle s'est
jointe au corps de son propre mouvement[18], puisque nous voyons qu'abandonner
le corps n'est pas en son pouvoir; ce qui serait possible si elle s'йtait unie
а un corps par sa volontй. Et ensuite si elles sont crййes tout а fait
sйparйes, on ne peut pas dire pourquoi l'union du corps aurait attirй la
volontй d'une вme sйparйe.
Nec iterum potest dici, quod post aliquos annorum circuitus
naturalis ei appetitus supervenerit corpori adhaerendi; et quod ex operatione
naturae huiusmodi unio sit causa. Nam ea quae certo temporis spatio secundum
naturam aguntur, ad motum caeli reducuntur sicut ad causam, per quam temporum
spatia mensurantur. Animas autem separatas non est possibile caelestium
corporum motibus subiacere. Et on ne peut pas dire non plus qu'aprиs quelques annйes d'un circuit
naturel l'envie lui viendrait d'adhйrer а un corps et que l'union soit la cause
d'une telle opйration de la nature. Car ce qui est fait dans un certain espace
de temps selon la nature, est ramenй au mouvement du ciel comme а sa cause, par
laquelle sont mesurйes les durйes. Mais il n'est pas possible que les вmes
sйparйes se soumettent au mouvement des corps cйlestes[19].
Similiter non potest dici, quod a Deo sint corpori
alligatae, si eas prius absque corporibus creavisset. Si enim dicatur, quod ad
earum perfectionem hoc fecit, non fuisset ratio quare absque corporibus
crearentur. Si vero in earum poenam hoc factum est, ut corporibus quasi
quibusdam carceribus intruderentur, sicut Origenes dixit, propter peccata
commissa, sequeretur quod institutio naturarum ex spiritualibus et corporalibus
substantiis compositarum, esset per accidens, et non ex prima Dei intentione:
quod est contra id quod legitur Genes. I, 31: vidit Deus cuncta quae fecerat,
et erant valde bona: ubi manifeste ostenditur bonitatem Dei et non malitiam
cuiuscumque creaturae fuisse causam bonorum operum condendorum.
De la mкme maniиre, on ne peut pas dire qu'elles ont йtй liйes au corps
par Dieu, s'il les a crййes d'abord sans corps. Car si on disait qu'il l'a fait
pour leur perfection, cela n'aurait pas йtй la raison pour laquelle elles
auraient йtй crййes sans corps. Mais si les introduire dans des corps comme
dans des prisons, a йtй fait pour leur chвtiment, comme Origиne[20] l'a dit, а
cause des pйchйs qu'elles ont commis, il en dйcoulerait que la constitution des
natures composйes а partir des substances spirituelles et corporelles
existerait par accident et non de la premiиre intention de Dieu, ce qui est
contre ce qu'on lit en Genиse 1, 31: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait et
c'йtait trиs bon", oщ on montre manifestement la bontй de Dieu et que ce
n'est pas la malice de quelque crйature qui a йtй cause de la crйation des
oeuvres bonnes[21].
Solutions: q. 3 a. 10 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus in Lib. super Gen. ad Litt., et praecipue
inquirendo de origine animae, loquitur magis investigando quam asserendo, sicut
ipsemet dicit. # 1. Augustin dans La Genиse au
sens littйral, surtout en enquкtant sur l'origine de l'вme, est en
recherche plus qu'il n'affirme, comme il le dit lui-mкme[22].
q. 3 a. 10 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod universum in sui principio fuit perfectum quantum ad
species, et non quantum ad omnia individua; vel quantum ad causas rerum
naturalium, ex quibus possunt postmodum alia propagari, non quantum ad omnes
effectus. Animae vero rationales quamvis non fiant a causis naturalibus; tamen
corpora, quibus divinitus infunduntur sicut sibi connaturalibus, per
operationem naturae fiunt. # 2. L'univers en son commencement a йtй parfait pour les espиces, et
non pour tous les individus, ou encore pour les causes des кtres naturels d'oщ
les autres peuvent par la suite se propager, non pour tous les effets. Mais
quoique les вmes rationnelles ne soient pas faites par des causes naturelles,
cependant les corps, dans lesquels elles sont insйrйes par l'action de Dieu
comme dans ce qui leur est connaturel, sont faits par l'opйration de la nature.
q. 3 a. 10 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in
ludo non quaeritur aliquid propter ludum. Sed ex motu quo Deus creaturas
corporales movet, quaeritur aliquid propter ipsum motum, scilicet completus
numerus electorum, quo habito motus cessabit; licet non substantia mundi.
# 3. Dans le jeu thйвtral, on ne cherche pas quelque chose а cause du
jeu. Mais du mouvement par lequel Dieu meut[23] les crйatures corporelles, on
cherche quelque chose а propos de ce mouvement mкme, а savoir le nombre complet
des йlus par lequel, quand il sera atteint, cessera ce mouvement, pas cependant
la substance du monde.
q. 3 a. 10 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod multitudo animarum pertinet ad essentialem perfectionem
universi ultimam, sed non primam, cum tota corporum mundi transmutatio ordinetur
quodammodo ad animarum multiplicationem; ad quam requiritur corporum
multiplicatio, ut ostensum est, in corp. # 4. La multitude des вmes appartient а la perfection essentielle et
ultime de l'univers mais non а la premiиre perfection puisque le changement
total du monde des corps est ordonnй d'une certaine maniиre а la multiplication
des вmes; comme on l'a montrй dans le corps de l'article[24].
q. 3 a. 10 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Platonici ponebant naturam animarum per se esse
completam, et accidentaliter corporibus uniri: unde etiam ponebant transitum
animarum de corpore ad corpus. Ad quod ponendum praecipue inducebantur per hoc
quod ponebant humanas animas immortales, et generationem numquam deficere. Unde
ad infinitatem animarum removendam, ponebant fieri quemdam circulum, ut animae
prius exeuntes iterato unirentur. Et secundum hanc opinionem, quae erronea est,
Macrobius loquitur: unde eius auctoritas in hac parte non est recipienda. # 5. Les Platoniciens pensaient que la nature des вmes йtait complиte
en soi, et unie accidentellement а des corps. C'est pour cela, qu'ils pensaient
aussi qu'il y avait passage des вmes de corps en corps. Pour l'йtablir ils
йtaient amenйs principalement а penser que les вmes humaines immortelles, et la
gйnйration ne manquaient jamais. Aussi pour йviter l'infinitй des вmes, ils
pensaient qu'il y avait un cycle pour que les вmes sortantes s'unissent а
nouveau. Et Macrobe parle selon cette opinion, qui est erronйe. C'est pourquoi
on ne peut pas recevoir son autoritй sur ce sujet.
q. 3 a. 10 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod philosophus non dicit animam, efficientem esse causam
corporis, sed causam unde est principium motus, in quantum est principium motus
localis in corpore, et augmenti et aliorum huiusmodi, ut ipsemet exponit
ibidem.
# 6. Le philosophe (L'вme, II,
4, 415 b 10[25]) ne dit pas que l'вme est cause efficiente du corps, mais une
cause а l'origine du principe du mouvement, dans la mesure oщ elle est principe
du mouvement local dans le corps, de la croissance etc., comme lui-mкme
l'expose lа mкme.
q. 3 a. 10 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod in auctoritate illa intelligitur irascibilitas et
concupiscibilitas inesse animae prius quam corpori uniretur, natura, non
tempore: quia anima hoc non habet a corpore, sed potius corpus ab anima. # 7. Dans cette autoritй, on comprend que l'irascible et le
concupiscible sont dans l'вme avant qu'elle soit unie au corps, par nature et
non dans le temps, parce que l'вme ne les tient pas du corps, mais plutфt c'est
le corps qui les tient par l'вme.
q. 3 a. 10 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod anima mensuratur tempore secundum esse quo unitur
corpori; quamvis prout consideratur ut substantia quaedam spiritualis,
mensuretur aevo. Non tamen oportet quod tunc inceperit aevo mensurari quando et
Angeli. # 8. L'вme est mesurйe par le temps selon l'кtre par lequel elle est
unie au corps; quoique, si elle est considйrйe comme substance spirituelle,
elle soit mesurйe par l'жvum. Il ne faut pas cependant qu'elle ait commencй а
кtre mesurйe par l'жvum en mкme temps que les anges.
q. 3 a. 10 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet aevum non habeat prius et posterius quantum ad ea
quae mensurat, nihil tamen prohibet quin unum altero prius aevo participet. # 9. Bien que l'жvum n'ait ni avant ni aprиs, pour ce qu'il mesure,
rien cependant n'empкche que l'un ne participe avant а l'aevum avant un
autre[26].
q. 3 a. 10 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet Angelus et anima conveniant in natura
intellectuali, differunt tamen in hoc quod Angelus est quaedam natura in se
completa, unde per se creari potuit; anima vero, cum perfectionem suae naturae
habeat in hoc quod corpori unitur, non debuit in caelo, sed in corpore cuius
est perfectio, creari. # 10. Bien que l'ange et l'вme se rencontrent dans la nature intellectuelle,
ils diffиrent cependant en ce que l'ange est une nature complиte par soi; c'est
pourquoi il a pu кtre crйй en soi; mais comme l'вme a la perfection de sa
nature du fait qu'elle est unie а un corps, elle n'a pas dы кtre crййe au ciel
mais dans le corps dont elle est la perfection.
q. 3 a. 10 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod anima licet sit secundum se simplicior omni corpore,
tamen est forma et perfectio corporis ex elementis compositi, cuius locus est
circa medium, cum quo simul oportet eam hic creari. # 11. Bien que l'вme soit plus simple en soi que tout corps, cependant
elle en est la forme et la perfection du corps composй d'йlйments, dont le lieu
est autour du milieu, avec lequel il faut qu'elle soit crййe en mкme temps[27].
q. 3 a. 10 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod prima perfectio animae attenditur secundum esse suum
naturale: quae quidem perfectio consistit in unione eius ad corpus; et ideo a
principio debuit in loco corporis creari. Ultima autem perfectio eius est in
hoc quod communicat cum substantiis aliis intellectualibus; et illa perfectio
dabitur ei in caelo. # 12. La premiиre perfection de l'вme est atteinte selon son кtre
naturel; elle consiste dans son union au corps et c'est pourquoi, au
commencement, elle a dы кtre crййe dans le lieu du corps. Mais sa perfection
ultime est dans ce qu'elle communique avec les autres substances
intellectuelles, et cette perfection lui sera donnйe au ciel.
q. 3 a. 10 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod animae quae modo creantur, licet sint novae
creaturae secundum numerum, tamen sunt antiquae secundum speciem suam:
praecesserunt enim in operibus sex dierum in suo simili secundum speciem, id
est in animabus primorum parentum. # 13. Bien que les вmes qui sont crййes а un moment, soient de nouvelles
crйatures en nombre, elles sont cependant anciennes par leur espиce; car elles
ont existй prйcйdemment dans les oeuvres des six jours dans quelque chose de
semblable en espиce, c'est-а-dire dans les вmes des premiers parents[28].
q. 3 a. 10 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod opus creationis quo naturae principia
instituuntur, oportet praecedere opus propagationis. Non autem tale opus est
animarum creatio. # 14. Il faut que l'oeuvre de la crйation par laquelle les principes de
nature sont instituйs, prйcиde l'oeuvre de propagation. Mais une telle oeuvre
n'est pas la crйation des вmes.
q. 3 a. 10 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum est, quod ad iustitiam pertinet reddere debitum; unde
contra iustitiam fit, si inaequalia aequalibus dantur, quando debita redduntur,
non autem quando gratis aliqua dantur: quod convenit in creatione animarum. Vel potest dici, quod ista diversitas non procedit ex diverso merito
animarum, sed ex diversa dispositione corporum; unde et Plato dicebat, quod
formae infunduntur a Deo secundum merita materiae.
# 15. Il convient а la justice de rendre ce qui est dы; c'est pourquoi,
c'est contre la justice, si des dons inйgaux sont donnйs а des кtres йgaux,
quand quand on rend ce qui est dы, mais non quand c'est donnй gratuitement; c'est
ce qui se passe pour la crйation des вmes. Ou bien on peut dire que cette
diversitй ne procиde pas du mйrite diffйrent des вmes, mais de la disposition
diffйrente des corps. C'est pourquoi Platon disait (Les lois, X) que les formes
sont incluses par Dieu selon les mйrites de la matiиre.
q. 3 a. 10 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet anima dependeat a corpore quantum ad sui
principium, ut in perfectione, suae naturae incipiat, tamen quantum ad sui
finem non dependet a corpore, quia acquiritur sibi esse in corpore ut rei
subsistenti: unde destructo corpore, nihilominus manet in suo esse, licet non
in completione suae naturae, quam habet in unione ad corpus. # 16. Bien que l'вme dйpende du corps en son principe, pour commencer
dans la perfection de sa nature, cependant quant а sa fin, elle n'en dйpend
pas, parce que l'кtre lui est acquis dans le corps, en tant qu'кtre subsistant;
c'est pourquoi, une fois le corps dйtruit, elle demeure nйanmoins en son кtre,
bien que ce ne soit pas dans l'achиvement de la nature qu'elle possиde, quand
elle est unie au corps.
q. 3 a. 10 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod natura corporis non aggravat animam, sed eius
corruptio, ut ex ipsa auctoritate ostenditur. # 17. Ce n'est pas la nature du corps qui appesantit l'вme, mais sa
corruption, comme on le montre а partir de cette autoritй (Sg. 15)
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Parall.: 1a, q. 90, a. 4 - q. 91, a. 4. ad 3, 5 - qu. 118, a. 3 - CG., Il, 83,
84 - lI Sent., d17q2, a. 2.
[2]
. L'adage prend diffйrences nuances: on y parle d'une mкme espиce (ici), d'une
mкme nature (ratio) article 11 et d'une mкme substance ou essence (II Sent.
d18q2a.3, obj. 4): "Pour ce qui est semblable en substance l'un ne peut
кtre crйe que l'autre ne le soit"..
[3]
. Augustin йmet deux hypothиses: l'вme a йtй crййe avant le corps avec les
anges, et l'вme est crййe en mкme temps que le corps. En conclusion il
n'affirme rien de faзon dйfinitive: "Sinon qu'elle est de Dieu, bien qu'elle
ne soit pas la substance divine." (BA. VII, 28, 43) "Voyons donc si
par hasard, il peut кtre vrai – opinion qui semble plus acceptable pour la
pensйe humaine – que Dieu ...a crйй l'вme pour l'insuffler le moment venu, aux
membres du corps formй de limon." (VII, 24, 35. Trad. BA. 48)
[4]
. On peut penser а un thйвtre de marionnette, dont Dieu tire les ficelles !
[5]
."L'вme est pour le corps vivant cause et principe..."-"Le
principe premier du mouvement local c'est l'вme" (415 b 25). (Trad. E.
Barbotin). Cf. Sol. 6.
[6]
. Йcrit par Alcher de Clairvaux vers le XIIe. Parmi les textes d'Augustin (PL.
40, 779-892).
[7].
Prop. 2: "Tout кtre supйrieur est au-dessus de l'йternitй ou avant elle ou
avec elle ou aprиs elle et au-dessus du temps". L'кtre avant l'йternitй
est la cause premiиre (§ 20). L'кtre avec l'йternitй est l'intelligence (§ 21,
selon Proclus). L'вme est aprиs l'йternitй et au-dessus du temps (§ 22)
[8]
. Le temps est la mesure du mouvement; il a un avant et un aprиs. L'йternitй
n'a ni avant, ni aprиs; elle est la possession parfaite tout ensemble d'une vie
interminable. Elle exclut le principe de durйe. L'aevum ou йviternitй est entre
le temps et l'йternitй. (Cf. qu. 3, a. 14, ad 9.) . (Les diffйrents systиme de
durйe conviennent а des кtres diffйrents, йternitй pour Dieu, aevum pour les
crйatures spirituelles, temps pour les crйatures corporelles).
[9]
. "Mais l'avant et l'aprиs peuvent l'accompagner." (Ia, qu. 10, a. 5,
c)
[10].
Selon les lois de la pesanteur;
[11]
. Cf. Ia, qu. 90, a. 4, obj. 1: "Car l'oeuvre de la crйation prйcиde celui
de la distinction et de l'ornementation comme on l'a dit. Mais l'вme est amenйe
а l'кtre par crйation; et le corps a йtй fait en fin d'ornementation (Cf. Ia,
qu. 66, a. 1). Donc l'вme de l'homme a йtй produite avant le corps." L'вme
est crйe et le corps "fait".
[12].
On le dit de Gennade. PL 42 , 1216, c 14,18.
[13]
. Les opinions visйes sont d'une part celle de Platon et Pythagore, et celle
d'Origиne (obj. 1 et sol. 1). Opinions prйcisйes en II Sent. d17,q2a2: Pour
Platon, l'вme est comme le commandant d'un navire ou comme un vкtement. "L'homme
est une вme revкtue d'un corps." Pour les Pythagoriciens, l'вme passe de
corps en corps. L'вme a un rapport essentiel au corps en tant qu'elle lui donne
l'кtre, ce qui est rйprouvй par Avicenne.
[14]
. Il ne convient pas que Dieu produise une oeuvre imparfaite;"car il n'a
pas fait l'homme sans main ou sans pieds, qui sont des parties naturelles. Donc
encore beaucoup moins il n'a pas fait l'вme sans le corps." (Ia, qu. 118,
a. 3, c (§3)
[15]
. "Comme le marin dans son navire, ou comme un vкtement. "L'homme est
une вme revкtu d'un corps." (II Sent. d17q2a.2).
[16]
. Pythagore, mais aussi Platon.
[17]
. Problиme identique pour les anges: "Les anges ne sont pas composйs de
matiиre et de forme. Donc il ne peut y avoir deux anges de la mкme espиce."
(Ia, qu. 50, a. 4, c).
[18]
. Considйrй en Ia, qu. 118, a. 3, c comme "inconvenant". Cette
volontй serait contre la raison, si elle n'avait pas besoin du corps et voulait
s'unir а lui."
[19]
. Raison de temps. La substance spirituelle est au-dessous du temps. (Ia, qu.
118, a. 3).
[20]
.Cf. Ia, qu. 90, a. 4, c: "Origиne (Les principes, I, c 6 ss; et II, c 9)
a pensй que non seulement l'вme de l'homme, mais toutes les autres avaient йtй
crййes avec les anges, c'est pour cela qu'il croyait que toutes les substances
spirituelles, tant les вmes que les anges йtaient йgales par leur condition
naturelle, mais diffйrentes seulement par le mйrite; de sorte que certaines
d'entre elles йtaient liйes а des corps, les вmes des hommes ou des corps
cйlestes; certaines demeureraient en leur puretй selon des ordres diffйrents..."
(Contre Lйon I, Lettre а Flavien, FC 298 Р Йdit de l'empereur Justinien au
Patriarche Menas, publiй au Concile de Constantinople de 543 (Dz. 403).
[21]
. Thomas a donnй encore une autre raison en Ia, qu. 118, a. 3; l'homme n'est
pas comme l'ange."l'homme reзoit des sens sa connaissance en se tournant
vers les images. Donc l'вme a besoin d'кtre unie а un corps.
[22].
Thomas reste trиs rйservй dans sa critique. Il faut aller chercher son point de
vue dйveloppй en Ia, qu. 90, a. 4, resp. § 2: "L'вme du premier homme a
йtй crййe avant le corps avec les anges. Il pense que le corps de l'homme n'a
pas йtй produit en acte, mais seulement selon des raisons causales (secundum
causales rationes), ce qu'on ne peut pas dire de l'вme; parce qu'elle n'a pas
йtй faite d'une matiиre corporelle ou spirituelle prйexistante et elle n'a pu
кtre produite d'une puissance crййe. C'est pourquoi il semble que l'вme
elle-mкme a йtй crййe dans les oeuvres des six jours, pendant lesquels tout a
йtй crйй en mкme temps avec les anges et que par la suite sa propre volontй
ayant йtй inclinйe, elle fut destinйe а administrer le corps. Mais il ne dit
pas cela de faзon affirmative comme ses paroles le montrent. Car il dit:
"On pourrait croire si aucune autoritй des Йcritures ou raison de la
vйritй que l'homme a йtй crйй le sixiиme jour, pour que la raison causale des
corps humaines dans les йlйments du monde, l'вme elle-mкme fut crййe (La Genиse au sens littйral, VII, 24-28)"
[23]
. Cf. note en obj. 3.
[24]
. Distinction entre la premiиre perfection, celle de la crйation, et la seconde
atteinte а la fin du monde.
[25]
. "L'вme est pour le corps vivant cause et principe...c'est elle en effet
qui est le principe du mouvement." Trad. E. Barbotin. Thomas, lectio VII.
[26].
Cet article veut йtablir la possibilitй de crйations successives, mкme pour les
substances spirituelles, telles que l'ange et les вmes humaines. Йtant
spirituelles, elles ne sont pas soumises au temps. Toute succession semble
impossible. La participation а l'жvum exprime l'insertion de la crйature
spirituelle dans cette durйe particuliиre qu'est l'oevum. Participare prius
exprime l'ordre de succession et non pas une inйgalitй de perfection.
[27]
. Dans l'obj. 11, il est question de la situation des corps selon la gravitй.
Plus un corps est subtil, plus il s'йlиve. Faut-il comprendre que l'вme,
substance plus simple se situe entre le haut et le bas (au milieu) car elle est
crййe en mкme temps que le corps. Il s'agit d'une certaine maniиre de la
localisation de l'вme dans le corps. Cf. sol. 12 "crййe dans l'espace du
corps:(in loco corporis creari)".
[28]
. Cf. CG. II, 84 § 4: "Il est dit de la mкme maniиre (Gn 2, 2) que Dieu
acheva son oeuvre et qu'il se reposa de tout ce qu'il avait fait. Donc de mкme
qu'on considиre selon l'espace l'achиvement ou la perfection de crйation et non
selon les individus, de mкme le repos de Dieu doit кtre compris comme la fin de
la crйation de nouvelles espиces, mais pas de nouveaux individus. Leurs
semblables en espиces les ont prйcйdйes."
Article 11: L'вme sensitive et l'вme vйgйtative existent-elles par
crйation ou par transmission de la semence?
q. 3 a. 11 tit. 1
Undecimo quaeritur utrum anima sensibilis et vegetabilis sint per creationem,
vel traducantur ex semine. Et videtur quod sic, hac ratione. Il semble que c'est par crйation pour la raison suivante[1].
Objections: q. 3 a. 11 arg. 1
Eorum enim quae sunt eiusdem rationis, est idem modus prodeundi in esse. Sed
anima sensibilis et vegetabilis in homine sunt et in brutis et in plantis
eiusdem speciei vel rationis. In homine
autem sunt per creationem, cum sint eiusdem substantiae cum anima rationali,
quae est per creationem, ut ostensum est. Ergo etiam in
brutis et in plantis vegetabilis et sensibilis sunt per creationem. 1. Car ce qui est de mкme nature, vient а l'кtre de la mкme maniиre[2].
Mais l'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont de mкme espиce ou de mкme nature,
dans l'homme, les animaux et les plantes. Dans l'homme, elles sont crййes,
puisqu'elles sont de la mкme substance que l'вme rationnelle elle-mкme crййe,
comme on l'a montrй (art. 9). Donc chez les animaux et les plantes aussi, l'вme
vйgйtative et l'вme sensitive sont crййes.
q. 3 a. 11 arg. 2
Sed dices, quod anima sensibilis et vegetabilis est in plantis et brutis ut
forma et perfectio; in hominibus autem ut dispositio.- Sed contra, quanto aliquid est nobilius, tanto nobiliori modo exit in
esse. Sed nobilius est esse formam et perfectionem quam esse dispositionem. Si
ergo anima sensibilis et vegetabilis in hominibus, in quibus sunt ut
dispositiones, exeunt in esse per creationem, qui est nobilissimus modus
prodeundi in esse cum nobilissimae creaturae hoc modo esse incipiant; videtur
quod multo magis in plantis et brutis sint productae per creationem.
2. Mais on pourrait dire que l'вme sensitive et vйgйtative est dans les
plantes et les animaux comme une forme et une perfection; et dans les hommes
comme une disposition[3]. – En sens contraire, plus un кtre est noble, plus
noble est sa maniиre de venir а l'кtre. Mais il est plus noble d'кtre une forme
et une perfection qu'une disposition. Si donc l'вme sensitive et l'вme
vйgйtative dans les hommes, dans lesquels elles sont comme des dispositions,
viennent а l'кtre par crйation, ce qui est le plus noble moyen de venir а
l'кtre, puisque les plus nobles crйatures commencent а exister de cette
maniиre, il semble qu'elles aient йtй produites beaucoup plus par crйation dans
les plantes et les animaux .
q. 3 a. 11 arg. 3
Praeterea, dicit philosophus: quod vere est, id est substantia, nulli est
accidens. Si ergo anima sensibilis et vegetabilis sunt in brutis et in plantis
ut formae substantiales, non possunt esse in homine ut dispositiones
accidentales.
3. Le philosophe dit (Physique,
I, 7, 190 a 35[4]): "Ce qui est vraiment, c'est-а-dire la substance, n'est
accident pour rien". Si donc l'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont dans
les animaux et dans les plantes comme des formes substantielles, elles ne
peuvent pas кtre dans l'homme comme des dispositions accidentelles.
q. 3 a. 11 arg. 4
Praeterea, ex virtute generantis producitur aliquid in esse in rebus viventibus
per virtutem quae est in semine. Sed in semine non est anima sensibilis vel
vegetabilis in actu. Cum ergo nihil agat nisi secundum quod est in actu,
videtur quod ex virtute seminis non possit produci anima sensibilis vel
vegetabilis; et ita nec per generationem, sed per creationem. 4. A partir du pouvoir du gйniteur, quelque chose vient а l'кtre chez
les vivants par le pouvoir de la semence. Mais, en elle, il n'y a pas d'вme
sensitive ni vйgйtative en acte. Donc, puisque rien n'agit que dans la mesure
oщ il est en acte, il semble que l'вme sensitive ou l'вme vйgйtative ne peuvent
кtre produites par le pouvoir de la semence et ainsi par gйnйration non plus
mais par crйation.
q. 3 a. 11 arg. 5
Sed dices, quod virtus quae est in semine, licet non sit anima sensibilis actu
agit tamen in virtute animae sensibilis, quae erat in patre, a quo semen
deciditur.- Sed contra, quod agit in virtute alterius, agit ut instrumentum
illius. Instrumentum autem non movet nisi motum; movens autem et motum oportet
esse simul, ut probatur VII Phys. Cum ergo virtus quae est in semine, non sit
coniuncta animae sensibili generantis, videtur quod non possit agere ut
instrumentum eius, nec in virtute illius.
5. Mais on pourrait dire que le pouvoir qui est dans la semence, encore
que celui-ci ne soit pas l'вme sensitive en acte, agit cependant dans le
pouvoir de l'вme sensitive, qui йtait dans le pиre, de qui la semence a йtй
sйparйe. – En sens contraire, ce qui agit dans le pouvoir d'un autre s'en sert
comme de son instrument; or celui-ci ne met en mouvement que mы, mais il faut
que le moteur, et ce qui est mы soient ensemble, comme on le prouve (Physique VIII, 10, 266 b 27 Р 267 b 17).
Donc comme le pouvoir qui est dans la semence n'a pas йtй joint а l'вme
sensitive du gйniteur, il semble qu'il ne peut pas agir comme son instrument,
ni dans le pouvoir de celle-ci.
q. 3 a. 11 arg. 6
Praeterea, instrumentum se habet ad principale agens sicut virtus mota et
imperata ad virtutem motivam et imperantem, quae est vis appetitiva et motiva. Sed virtus mota imperata non movet, si separetur a motiva imperante, ut
patet in partibus animalis decisis. Ergo nec virtus quae est in semine deciso
potest operari in virtute generantis.
6. L'instrument se comporte vis-а-vis de l'agent principal comme un
pouvoir mы et commandй en vue d'un pouvoir qui meut et commande, qui est une
force appйtitive et motrice. Mais un pouvoir mы et commandй ne meut pas, s'il
est sйparй de ce qui met en mouvement et commande, comme cela paraоt dans les
organes sйparйs d'un animal. Donc le pouvoir qui est dans la semence sйparйe ne
peut opйrer dans le pouvoir du gйniteur.
q. 3 a. 11 arg. 7
Praeterea, quando effectus deficit a perfectione causae, non potest se
extendere in propriam causae actionem; diversitati enim naturarum attestatur
diversitas actionum. Sed virtus quae est in semine, etsi sit effectus animae
sensibilis generantis, tamen constat quod deficit a perfectione ipsius. Ergo
non potest in actionem quae proprie competeret animae sensibili, scilicet
producere animam sibi similem in specie.
7. Quand l'effet est dйfaillant par rapport а la perfection de la
cause, il ne peut s'йtendre а la propre action de sa cause. Car la diversitй
des actions atteste la diversitй des natures. Mais cependant il est clair que
le pouvoir, qui est dans la semence, mкme si c'est l'effet de l'вme sensitive
du gйniteur, est dйfaillant par rapport а sa perfection mкme. Donc il ne peut
pas, dans l'action qui appartient proprement а l'вme sensitive, produire une
вme qui lui ressemble en espиce.
q. 3 a. 11 arg. 8
Praeterea, ad corruptionem subiecti sequitur corruptio formae et virtutis. Sed
sperma in processu generationis corrumpitur, et aliam formam recipit, ut
Avicenna dicit. Ergo virtus illa corrumpitur quae erat in semine; non ergo per
eam potest produci anima sensibilis in esse. 8. A la corruption du sujet succиde celle de la forme et de la
puissance. Mais le sperme est corrompu dans le processus de la gйnйration et il
reзoit une autre forme, comme Avicenne le dit. Donc ce pouvoir qui йtait dans
la semence est corrompu; donc ce n'est pas par lui que l'вme sensitive peut
venir а l'кtre.
q. 3 a. 11 arg. 9
Praeterea, natura inferior non agit nisi mediante calore et aliis qualitatibus
activis et passivis. Sed calor non potest producere animam sensibilem in esse:
quia nihil agit ultra suam speciem; nec potest esse factum nobilius faciente.
Ergo anima sensibilis vel vegetabilis non potest educi in esse per aliquod
agens naturale; et ita est a creatione. 9. La nature infйrieure n'agit que par l'intermйdiaire de la chaleur et
d'autres qualitйs actives et passives. Mais la chaleur ne peut amener l'вme
sensitive а l'кtre, parce que rien n'agit au-delа de son espиce. Et rien de ce
qui est fait n'est plus noble que ce qui le fait. Donc l'вme sensitive ou
vйgйtative ne peut pas кtre amenйe а l'кtre par un agent naturel et ainsi elle
l'est par crйation.
q. 3 a. 11 arg. 10
Praeterea, agens materiale non agit influendo, sed materiam transmutando. Sed
per transmutationem materiae non pervenitur nisi ad formam accidentalem. Ergo
per agens naturale non potest produci anima sensibilis et vegetabilis, quae
sunt formae substantiales. 10. L'agent matйriel n'agit pas en exerзant une influence sur la
matiиre. Mais en la transformant, on ne parvient qu'а une forme accidentelle.
Donc l'вme sensitive et l'вme vйgйtative, qui sont des formes substantielles,
ne peuvent pas кtre produites par un agent naturel.
q. 3 a. 11 arg. 11
Praeterea, anima sensibilis vel vegetabilis habent quamdam quidditatem, quae
quidditas est ab alio facta. Haec autem quidditas non erat ante generationem,
nisi quia materia poterat eam habere. Ergo oportet quod producatur ab aliquo
agente quod operetur non ex materia; et huiusmodi est solus Deus creans. 11. L'вme sensitive ou l'вme vйgйtative ont une quidditй, produite par
un autre. Mais elle n'existait avant la gйnйration que parce que la matiиre
pouvait l'avoir. Donc il faut qu'elle soit produite par un agent qui n'opиre
pas а partir de la matiиre, et de tel, il n'y a que le Dieu crйateur.
q. 3
a. 11 arg. 12 Praeterea, animalia generata ex semine sunt nobiliora animalibus
ex putrefactione generatis, utpote perfectiora, et sibi similium generativa.
Sed in animalibus ex putrefactione generatis animae sunt a creatione: non enim
est dare aliquod agens simile in specie a quo in esse producantur. Ergo
videtur multo fortius quod animae animalium ex semine generatorum sint a
creatione.
12. Les animaux engendrйs par
semence sont plus nobles que les animaux engendrйs de la putrйfaction, ils sont
plus parfaits, et peuvent engendrer des кtres semblables а eux. Mais dans les
animaux engendrйs de la putrйfaction, les вmes viennent par crйation. Car ce
n'est pas par un agent semblable d'une espиce semblable qu'ils sont amenйs а
l'кtre. Donc il semble bien plus que les вmes des animaux qui engendrent par la
semence soient crййs.
q. 3 a. 11 arg. 13 Sed dices, quod per virtutem
caelestis corporis producitur anima sensibilis in animalibus ex putrefactione
generatis, sicut et in aliis per virtutem formativam in semine.- Sed
contra, sicut dicit Augustinus, substantia vivens praeeminet cuilibet
substantiae non viventi. Sed corpus caeleste non est substantia vivens, cum sit
inanimatum. Ergo eius virtute produci non potest anima sensibilis, quae est
principium vitae.
13. Mais on pourrait dire que par le pouvoir du corps cйleste, l'вme
sensitive est produite dans les animaux issus de la putrйfaction, comme pour
les autres par le pouvoir formateur qui est dans la semence. – En sens
contraire, comme le dit Augustin (La
vraie religion, 55), la substance vivante est au-dessus de n'importe quelle
substance non vivante. Mais le corps cйleste n'est pas une substance vivante,
puisqu'il est inanimй. Donc l'вme sensitive, qui est principe de vie ne peut
кtre produite par son pouvoir.
q. 3 a. 11 arg. 14
Sed dices, quod corpus caeleste potest esse causa animae sensibilis, prout agit
in virtute intellectualis substantiae quae ipsum movet. Sed contra, quod recipitur in alio, est in eo per
modum recipientis, et non per modum sui. Si ergo virtus intellectualis
substantiae recipitur in corpore caelesti non vivente, non erit ibi ut virtus
vitalis quae possit esse principium vitae.
14. Mais on pourrait dire que le corps cйleste peut кtre la cause de
l'вme sensitive, en tant qu'il agit dans le pouvoir de la substance intellectuelle,
qui le meut. – En sens contraire, ce qui est reзu dans un autre est en lui par
le mode de celui qui reзoit, et non par son mode propre. Donc si le pouvoir de
la substance intellectuelle est reзu dans un corps cйleste non vivant, il n'y
sera pas lа comme un pouvoir vital qui puisse кtre principe de vie.
q. 3 a. 11 arg. 15
Praeterea, substantia intellectualis non solum vivit, sed etiam intelligit. Si
ergo per eius virtute corpus caeleste ab ea motum potest conferre vitam, pari
ratione conferre poterit intellectum; et ita anima rationalis erit a generante;
quod est falsum.
15. La substance intellectuelle non seulement vit, mais aussi pense
(intelligit). Donc si par son pouvoir, le corps cйleste, mы par elle, peut
confйrer la vie, а raison йgale, il pourra confйrer l'intellect. Et ainsi l'вme
rationnelle viendra de celui qui engendre, ce qui est faux.
q. 3 a. 11 arg. 16
Praeterea, si anima sensibilis est ab aliquo agente naturali, et non per
creationem, aut ergo producetur a corpore, aut ab anima. Sed non a corpore,
quia sic corpus ageret ultra suam speciem: nec iterum ab anima: quia vel
oporteret totam animam patris in filium transfundi, et sic pater absque anima
remaneret; vel quoad partem eius, et sic in patre non remaneret tota anima:
quorum utrumque est falsum. Ergo anima
sensibilis non est a generante, sed a creante.
16. Si l'вme sensitive vient d'un agent naturel, et non par crйation,
elle est donc produite par le corps ou par l'вme. Mais pas par le corps, parce
que, ainsi, un corps agirait au-delа de son espиce; ni а nouveau par l'вme,
parce que, ou bien, il faudrait que toute l'вme du pиre soit transfusйe dans le
Fils, et ainsi le pиre demeurerait sans вme, ou avec une partie seulement, et
ainsi dans le pиre, l'вme ne resterait pas entiиre; les deux solutions sont
fausses. Donc l'вme sensitive ne vient pas de celui qui engendre mais du
crйateur.
q. 3 a. 11 arg. 17
Praeterea, Commentator dicit, quod nulla virtus cognoscitiva est ab actione
elementorum commixtorum. Sed anima sensibilis est virtus cognoscitiva. Ergo non
est ab actione elementorum; et ita nec per actionem naturae, cum nulla actio
naturae in istis inferioribus sit absque actione elementorum. 17. Le Commentateur dit (L'вme, III)
qu'aucun pouvoir connaissant vient de l'action des йlйments mixtes. Mais l'вme
sensitive est un pouvoir qui a la facultй de connaоtre. Donc elle ne dйpend pas
de l'action des йlйments, de l'action de la nature non plus, puisque aucune de
ces actions n'est dans ces choses infйrieures sans l'action des йlйments.
q. 3 a. 11 arg. 18
Praeterea, nulla forma potest esse movens, quae non est subsistens; unde formae
elementorum, secundum philosophum, non sunt moventes; sed generans et removens
prohibens. Sed anima sensibilis est movens, cum omne animal a sua anima
moveatur. Ergo anima sensibilis non est forma tantum, sed est substantia per se
existens. Constat etiam quod non est ex materia et forma composita. Omnis autem
talis substantia educitur in esse per creationem, et non aliter. Ergo anima
sensibilis educitur in esse per creationem.
18. Aucune forme, qui n'est pas subsistante, ne peut кtre moteur; c'est
pourquoi les formes des йlйments, selon le philosophe (Physique VIII, 4, 254 b35, 255 a 12) ne sont pas moteurs, mais
c'est ce qui engendre et prive en empкchant. Mais l'вme sensitive est motrice,
puisque tout animal est mы par son вme. Donc l'вme sensitive n'est pas une
forme seulement, mais une substance existant par soi. Il est clair aussi
qu'elle n'est pas composйe de matiиre et de forme. Mais toute substance de ce genre
vient а l'кtre par crйation, et non autrement. Donc l'вme sensitive vient а
l'кtre par crйation.
q. 3 a. 11 arg. 19
Sed dices, quod anima sensibilis non movet per se corpus, sed ipsum corpus
animatum movet se ipsum.- Contra, philosophus probat, quod in quolibet movente
seipsum oportet unam partem esse quae sit movens tantum, et alteram quae sit
mota. Sed corpus non potest esse movens tantum, quia nullum corpus movet nisi
motum. Ergo oportet quod anima sit movens tantum; et ita sensibilis anima habet
operationem in qua non communicat sibi corpus: et sic anima sensibilis erit
substantia subsistens.
19. Mais on pourrait dire que l'вme sensitive ne meut pas le corps par
soi, mais que le corps animй se meut lui-mкme. – En sens contraire, le
philosophe prouve (Physique VIII, 257
b 2 ss.) que dans n'importe quel кtre qui se meut lui-mкme, il faut qu'une
partie de l'кtre soit moteur, et une autre mue. Mais le corps ne peut pas кtre
moteur seulement, parce qu'aucun corps ne meut que mы. Donc il faut que l'вme soit
moteur seulement et ainsi l'вme sensitive a une opйration, oщ le corps ne
communique pas avec elle et ainsi elle sera une substance subsistante.
q. 3 a. 11 arg. 20
Sed dices, quod anima sensibilis movet secundum imperium appetitivae virtutis,
cuius actus communiter est animae et corporis. Sed contra, in animali non solum
movet vis quae imperat motum, sed etiam est ibi vis exequens motum; cuius
operatio non poterit esse animae et corpori communis, rationibus praedictis; et
sic oportet quod anima sensibilis aliquam operationem per se habeat. Ergo est
substantia per se subsistens; et ita per creationem educitur in esse, et non
per generationem naturalem.
20. Mais on pourrait dire que l'вme sensitive meut selon l'ordre du
pouvoir de l'appйtit, dont l'acte est commun au corps et а l'вme. –Mais en sens
contraire, dans l'animal, non seulement il y a la force qui commande le
mouvement et meut, mais encore il y a lа une force qui suit le mouvement dont
l'opйration ne pourra pas кtre commune а l'вme et au corps, pour les raisons
dйjа donnйes. Et ainsi il faut que l'вme sensitive ait par soi une opйration.
Donc elle est substance subsistante par soi, et ainsi elle est amenйe а l'кtre
par crйation, et non par la gйnйration naturelle.
En sens contraire: q. 3 a. 11 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Genes. I, vers. 20: producant aquae reptile animae
viventis; et ita videtur quod animae sensibiles reptilium et aliorum animalium
sint ex actione corporalium elementorum. 1. Il y a ce qui est dit en Gn. 1, 20: "Que les eaux produisent le
reptile а l'вme vivante", et ainsi il semble que les вmes sensitives des
reptiles et des autres animaux viennent de l'action des corps йlйmentaires.
q. 3 a. 11 s. c. 2
Praeterea, sicut se habet corpus patris ad eius animam, ita et corpus filii ad
eius animam. Ergo commutatim, sicut se habet corpus filii ad corpus patris, ita
et anima filii ad animam patris. Sed corpus filii traducitur a corpore patris.
Ergo anima filii traducitur ab anima patris.
2. De la mкme maniиre que se comporte le corps du pиre vis-а-vis de son
вme, le corps du fils se comporte vis-а-vis de la sienne. Donc inversement, de
mкme que le corps du fils se comporte par rapport а celui du pиre, l'вme du
fils se comporte par rapport а celle du pиre. Mais le corps du fils est
transmis par le corps du pиre. Donc l'вme du fils est transmise par l'вme du
pиre.
Rйponse q. 3 a. 11 co.
Respondeo. Dicendum quod circa productionem formarum substantialium,
philosophorum opiniones diversificantur. Nam quidam dixerunt, quod agens naturale
solummodo disponit materiam; forma autem, quae est ultima perfectio, provenit a
principiis supernaturalibus. A propos de la production des formes substantielles, les opinions des
philosophes ont divergй[5]. Car certains ont dit que l'agent naturel dispose
seulement la matiиre, mais la forme, qui est l'ultime perfection, provient des
principes surnaturels.
Quae quidem opinio ex duobus praecipue ostenditur esse falsa:
primo quidem ex hoc quod, cum esse formarum naturalium et
corporalium non consistat nisi in unione ad materiam; eiusdem agentis esse
videtur eas producere cuius est materiam transmutare. On montre que cette opinion est fausse principalement pour deux raisons:
1) Du fait que l'кtre des formes naturelles et corporelles ne consiste
qu'en une union а la matiиre, il semble que c'est le fait d'un mкme agent de
les produire, dont le rфle est de transformer la matiиre.
Secundo, quia cum huiusmodi formae non excedant virtutem et
ordinem et facultatem principiorum agentium in natura, nulla videtur
necessitas, eorum originem in principia reducere altiora; unde philosophus
dicit, quod caro et os generantur a forma quae est in his carnibus et in his
ossibus: secundum cuius sententiam non solum agens naturale disponit materiam,
sed educit formam in actum, e converso primae opinioni.
2) Parce que de telles formes n'excиdent pas le pouvoir, l'ordre et la
facultй des principes agents dans la nature, on ne voit aucune nйcessitй de
ramener leur origine а des principes plus йlevйs. C'est pour cela que le
philosophe dit (Mйtaphysique VII,
1034 a 5[6], Physique, II, 1, 193 a
2) que la chair et l'os sont engendrйs par une forme qui est en ces chairs et
en ces os; selon cette opinion, non seulement l'agent naturel dispose la
matiиre mais amиne la forme а l'acte, contrairement а la premiиre opinion.
Ab hac autem generalitate formarum
oportet excludere animam rationalem. Ipsa enim est substantia per se subsistens;
unde esse suum non consistit tantum in hoc quod est materiae uniri; alias
separari non posset: quod falsum esse etiam eius operatio ostendit, quae est
animae secundum se ipsam absque corporis communione. Nec potest aliter operari quam sit. Quod
enim per se non est, per se non operatur. Et iterum intellectualis natura totum
ordinem et facultatem excedit materialium et corporalium principiorum; cum
intellectus intelligendo omnem corporalem naturam transcendere possit: quod non
esset, si eius natura infra limites corporalis naturae contineretur.
De cet ensemble des formes, il faut exclure l'вme rationnelle. Car elle
est elle-mкme une substance subsistante par soi. C'est pourquoi son кtre ne
consiste pas seulement en ce qu'il doit кtre unie а la matiиre, autrement elle
ne pourrait pas s'en sйparer: son opйration montre que c'est faux, elle vient
de l'вme mкme en soi sans la participation du corps. Et elle ne peut agir
autrement qu'elle est. Car ce qui n'est pas par soi, n'opиre pas par soi. Et а
nouveau la nature intellectuelle excиde tout l'ordre et toute la facultй des
principes matйriels et corporels; puisque l'intellect en son intellection
(intelligendo) peut transcender toute nature corporelle, ce qui ne serait pas
possible si sa nature йtait contenue dans les limites de la nature corporelle.
Neutrum autem horum de anima sensibili
vel vegetabili dici potest. Esse autem huiusmodi animarum non potest consistere
nisi in unione ad corpus: quod eorum operationes ostendunt; quae sine organo
corporali esse non possunt: unde nec esse earum est eis absolute sine
dependentia ad corpus. Propter
quod nec a corpore separari possunt, nec iterum in esse produci, nisi quatenus
producatur corpus in esse. Unde sicut producitur corpus per actum naturae
generantis, ita et animae praedictae. Ponere autem eas seorsum per creationem
fieri, videtur redire in opinionem eorum qui ponebant huiusmodi animas post
corpora remanere, cum utrumque simul in Lib. de Eccl. dogmatibus condemnetur.
Mais on ne peut utiliser ni l'un ni l'autre argument pour l'вme
sensitive ou l'вme vйgйtative. L'кtre des вmes de ce genre ne peut consister que
dans l'union au corps; ce que leurs opйrations montrent: elle ne peuvent
exister sans organe corporel; c'est pourquoi leur кtre n'est absolument pas
pour elles sans dйpendance au corps. A cause de cela, elles ne peuvent кtre
sйparйes du corps, ni а nouveau amenйes а l'кtre, que dans la mesure oщ le
corps y est amenй. C'est pourquoi, de mкme que le corps est produit par
l'action de la nature qui engendre, les вmes susdites aussi. Mais penser
qu'elles soient faites sйparйment par crйation semble ramener а l'opinion de
ceux qui pensaient que les вmes de ce genre demeuraient aprиs le corps; alors
que les deux opinions sont condamnйes ensemble dans le livre des Dogmes
ecclйsiastiques.
Huiusmodi etiam animae ordinem principiorum naturalium non
excedunt. Et hoc patet earum operationes considerantibus. Nam secundum ordinem
naturarum sunt etiam ordines actionum. Invenimus autem quasdam formas quae se
ulterius non extendunt quam ad id quod per principia materialia fieri potest;
sicut formae elementares et mixtorum corporum, quae non agunt ultra actionem
calidi et frigidi; unde sunt penitus materiae immersae. De telles вmes ne dйpassent pas l'ordre des principes naturels. Et cela
est visible pour ceux qui considиrent leurs opйrations. Car l'ordre des actions
dйpend de l'ordre des natures. Nous trouvons certaines formes qui ne s'йtendent
pas plus loin que ce qui peut кtre fait par les principes matйriels; ainsi les
formes йlйmentaires et celles des corps mixtes qui n'agissent pas au-delа de
l'action du chaud et du froid. C'est pourquoi elles sont tout а fait immergйes
dans la matiиre .
Anima vero vegetabilis, licet non agat nisi mediantibus
qualitatibus praedictis, attingit tamen operatio eius ad aliquid in quod
qualitates praedictae se non extendunt, videlicet ad producendum carnem et os,
et ad praefigendum terminum augmento, et ad huiusmodi; unde et adhuc retinetur
infra ordinem materialium principiorum, licet non quantum formae praemissae. Mais bien que l'вme vйgйtative n'agisse que par l'intermйdiaire de ces
qualitйs, cependant son opйration va jusqu'oщ elles ne s'йtendent pas, а savoir
produire la chair et l'os et fixer un terme а la croissance, etc.; c'est
pourquoi elle est encore retenue sous l'ordre des principes matйriels, bien que
pas autant sur les formes annoncйes.
Anima vero sensibilis non agit per virtutem calidi et
frigidi de necessitate, ut patet in actione visus et imaginationis et
huiusmodi; quamvis ad huiusmodi operationes requiratur determinatum
temperamentum calidi et frigidi ad constitutionem organorum, sine quibus
actiones praedictae non fiunt; unde non totaliter transcendit ordinem
materialium principiorum, quamvis ad ea non tantum deprimatur, quantum formae
praedictae.
Mais l'вme sensitive n'agit pas nйcessairement par le pouvoir du chaud
et du froid, comme cela paraоt dans l'action de la vue, de l'imagination, etc.,
quoique pour de telles opйrations un caractиre dйterminй de chaud et de froid
soit requis pour la constitution des organes, sans lesquels les actions
susdites ne se font pas; c'est pourquoi elle ne transcende pas totalement
l'ordre des principes matйriels, bien qu'elle n'y soit pas enclavйe autant que
les formes susdites.
Anima vero rationalis etiam agit actionem ad quam virtus
calidi et frigidi non se extendit; nec eam exercet per virtutem calidi et
frigidi, nec organo etiam corporali; unde ipsa sola transcendit ordinem
naturalium principiorum; non autem anima sensibilis in brutis, vel vegetabilis
in plantis. Mais l'вme rationnelle accomplit une action lа oщ ne s'йtend pas le
pouvoir du chaud et du froid, et elle ne l'exerce pas par ce pouvoir, ni par un
organe matйriel. C'est pour cela qu'elle seule transcende l'ordre des principes
naturels, mais pas l'вme sensitive dans les animaux, ni l'вme vйgйtative dans
les plantes.
Solutions: q. 3 a. 11 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet anima sensibilis in hominibus et brutis sit
eiusdem rationis secundum genus, non tamen est eiusdem rationis secundum
speciem, sicut nec idem animal specie est homo et brutum; unde et operationes
animae sensibilis sunt multo nobiliores in homine quam in brutis, ut patet in
tactu et in apprehensivis interioribus. Nec oportet eorum quae sunt in genere,
si specie differant, esse unum modum procedendi in esse, ut patet per animalia
generata ex semine et ex putrefactione; quae in genere conveniunt, et specie
differunt.
# 1. Bien que l'вme sensitive soit de mкme nature en genre dans les
hommes et les animaux, cependant elle ne l'est pas en espиce; ainsi l'homme et
la bкte ne sont pas un кtre animй identique en espиce; c'est pourquoi les
opйrations de l'вme sensitive sont beaucoup plus nobles chez l'homme que chez
les bкtes, comme cela paraоt dans le toucher et dans les perceptions
intйrieures. Et il ne faut pas, pour ceux qui sont dans un genre, s'ils
diffиrent par l'espиce, qu'il y ait un seul mode de parvenir а l'кtre, comme
cela paraоt chez les animaux engendrйs de la semence et de la putrйfaction, qui
sont dans un mкme genre et diffиrent en espиce.
q. 3 a. 11 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in homine non dicitur anima sensibilis ut dispositio,
quasi sit aliud in substantia ab anima rationali, et sit dispositio ad ipsam;
sed quia non distinguitur sensibile a rationali in homine, nisi sicut potentia
a potentia. Anima vero sensibilis in bruto distinguitur ab
anima rationali hominis sicut una forma substantialis ab alia. Et tamen
sicut potentia sensibilis in homine et vegetabilis fluunt ab essentia animae,
ita et in brutis et in plantis. Sed in hoc differunt quia in plantis non fluunt
ab essentia animae nisi potentiae vegetabiles, et ideo ab eis anima denominatur;
in brutis vero non solum vegetabiles, sed etiam sensibiles a quibus denominatur
eorum anima; in homine vero praeter has etiam intellectuales a quibus
denominatur.
# 2. Dans l'homme on ne parle pas de l'вme sensitive comme d'une
disposition, comme si dans la substance elle йtait autre que l'вme rationnelle
et disposition pour elle-mкme; mais parce qu'on ne distingue le sensitif du
rationnel dans l'homme, que comme une puissance d'une autre puissance. Mais l'вme
sensitive dans l'animal est distincte de l'вme rationnelle de l'homme comme une
forme substantielle d'une autre. Cependant la puissance sensitive et vйgйtative
dans l'homme dйcoule de l'essence de l'вme, dans les animaux et dans les
plantes aussi. Mais elles diffиrent en ceci que dans les plantes, seules les
puissances vйgйtatives dйcoulent de l'essence de l'вme, c'est pourquoi on
dйfinit leur вme par elles; dans les animaux non seulement les puissances
vйgйtatives mais aussi sensitives par lesquelles leur вme est dйfinie, dans
l'homme en plus les puissances intellectuelles par lesquelles elle est dйfinie.
q. 3 a. 11 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod substantia, a qua potentia sensibilis fluit, tam in
brutis quam in hominibus est forma substantialis; potentia vero utrobique est
accidens. # 3. La substance, d'oщ dйcoule la puissance sensitive, tant chez les
animaux que chez les hommes, est une forme substantielle; mais la puissance
dans les uns et les autres est un accident.
q. 3 a. 11 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod anima sensibilis non est actu in semine secundum
propriam speciem, sed sicut in virtute activa; sicut domus in actu est in mente
artificis ut in virtute activa: et sicut formae corporales sunt in virtutibus
caelestibus.
# 4. L'вme sensitive n'est pas en acte dans le semence pour son espиce
propre, mais comme dans une puissance active; de la mкme maniиre la maison en
acte est dans l'esprit de l'artisan comme dans une puissance active; et de mкme
les formes corporelles sont dans les puissances cйlestes.
q. 3 a. 11 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod instrumentum intelligitur moveri a principali agente,
quamdiu retinet virtutem a principali agente impressam; unde sagitta tamdiu
movetur a proiciente, quamdiu manet vis impulsus proicientis. Sicut etiam generatum
tamdiu movetur a generante in gravibus et levibus quamdiu retinet formam sibi
traditam a generante; unde et semen tamdiu intelligitur moveri ab anima
generantis quamdiu remanet ibi virtus impressa ab anima, licet corporaliter sit
divisum. Oportet autem movens et motum esse simul quantum ad motus principium,
non tamen quantum ad totum motum, ut apparet in proiectis.
# 5. On comprend que l'instrument est mis en mouvement par l'agent
principal aussi longtemps qu'il conserve ce pouvoir imprimй par cet agent;
c'est pourquoi la flиche est mue par celui qui la lance tant que dure son
impulsion. De mкme aussi, tant que l'engendrй est mы par celui qui engendre
dans le lourd et le lйger, il conserve la forme qui lui a йtй donnйe par lui;
c'est pourquoi, on comprend que la semence est mue par l'вme de celui qui
engendre, tant qu'en lui il y a le pouvoir imprimй par l'вme, bien qu'il soit
divisй corporellement. Mais il faut que le moteur et le mы soit ensemble au
principe du mouvement, non cependant pour tout ce qui est mы, comme cela paraоt
dans ce qu'on projette.
q. 3 a. 11 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod vis appetitiva animae non habet imperium nisi super
corpus unitum; unde pars decisa non obedit animae appetitivae ad votum. Sed
semen non movetur ab anima generantis per imperium, sed per cuiusdam virtutis
transfusionem, quae in semine manet etiam postquam fuerit decisum. # 6. La force appйtitive de l'вme n'a de pouvoir que sur le corps qui
lui est uni; c'est pourquoi une partie coupйe n'obйit pas au dйsir de l'вme
appйtitive. Mais la semence n'est pas mue par l'вme de celui qui engendre par
pouvoir, mais par la transmission d'un certain pouvoir qui demeure dans la
semence mкme une fois sйparйe.
q. 3 a. 11 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod anima sensibilis et vegetabilis de potentia materiae
educuntur, sicut et formae aliae materiales ad quarum productionem requiritur
virtus materiam transmutans. Virtus autem quae est in semine licet deficiat ab
aliis actionibus animae hanc tamen habet. Sicut enim per animam materia
transmutatur, ut convertatur in totum in actione nutrimenti; ita et per
virtutem praedictam transmutatur materia, ut generetur conceptum; unde nihil
prohibet quin virtus praedicta operetur quantum ad hoc ad actionem animae
sensibilis in virtute ipsius. # 7. L'вme sensitive et l'вme vйgйtative sont tirйes de la puissance de
la matiиre, comme les autres formes matйrielles pour la production desquelles
est requis un pouvoir qui transforme la matiиre. Mais bien que le pouvoir qui
est dans la semence soit dйfaillant, par les autres actions de l'вme il la
possиde cependant; en effet, la matiиre est transformйe par l'вme, pour qu'elle
soit convertie en tout par l'action de la nourriture, de mкme par le pouvoir
susdit, la matiиre est transformйe, pour engendrer ce qui est conзu; c'est
pourquoi rien n'empкche que ce pouvoir opиre, а ce sujet, en son pouvoir pour
l'action de l'вme sensitive.
q. 3 a. 11 ad 8 Ad octavum dicendum, quod virtus
praedicta radicatur in spiritu, qui in semine includitur, sicut in subiecto.
Fere autem totum semen, ut dicit Avicenna, in spiritum convertitur. Unde licet
corpulenta materia, ex qua conceptum formatur, multoties per generationem
transmutetur, non tamen virtutis praedictae subiectum destruitur.
# 8. Ce pouvoir, prend racine dans l'esprit, qui se trouve inclus dans
la semence, comme dans son sujet. Mais presque toute la semence, comme le dit
Avicenne, est convertie en cet esprit. C'est pourquoi, bien que la matiиre
corporelle, d'oщ ce qui est conзu est formй, soit transformйe de nombreuses
fois par gйnйration, cependant le substrat de ce pouvoir n'est pas dйtruit.
q. 3 a. 11 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut calor agit ut instrumentum formae substantialis
ignis, ita nihil prohibet quin agat ut instrumentum animae sensibilis ad educendum
animam sensibilem in actum, non quod propria virtute hoc possit.
# 9. La chaleur agit comme instrument de la forme substantielle du feu,
de la mкme maniиre, rien n'empкche qu'elle agisse comme instrument de l'вme
sensitive pour l'amener l'вme а l'acte, encore qu'elle ne le puisse pas par son
propre pouvoir[7].
q. 3 a. 11 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod materia transmutatur non tantum transmutatione
accidentali, sed etiam substantiali; utraque enim forma in materiae potentia
praeexistit; unde agens naturale, quod materiam transmutat, non solum est causa
formae accidentalis, sed etiam substantialis. # 10. La matiиre subit un changement, non seulement accidentel, mais
aussi substantiel; car l'une et l'autre forme prйexiste dans la puissance de la
matiиre; c'est pourquoi l'agent naturel qui transforme la matiиre est non
seulement la cause de la forme accidentelle, mais aussi de la forme
substantielle.
q. 3 a. 11 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod anima sensibilis cum non sit res subsistens, non
est quidditas, sicut nec aliae formae materiales, sed est pars quidditatis, et
esse suum est in concretione ad materiam; unde nihil aliud est animam
sensibilem produci, quam materiam de potentia in actum transmutari. # 11. Comme l'вme sensitive n'est pas un кtre subsistant, elle n'est
pas une quidditй, les autres formes matйrielles non plus, mais elle en est une
partie; et son кtre est dans son agrйgation а la matiиre. C'est pourquoi,
produire l'вme sensitive n'est rien d'autre que faire passer la matiиre de la puissance
а l'acte.
q. 3
a. 11 ad 12 Ad decimumsecundum dicendum, quod quanto aliquid est imperfectius,
tanto ad eius constitutionem pauciora requiruntur. Unde cum animalia ex
putrefactione generata, sint imperfectiora animalibus quae ex semine generantur,
in animalibus ex putrefactione generatis sufficit sola virtus caelestis
corporis quae etiam in semine operatur, licet non sufficiat sine virtute animae
ad producendum animalia ex semine generata: virtus enim caelestis corporis in
inferioribus corporibus relinquitur, in quantum ab eo transmutantur, sicut a
primo alterante. Et propter hoc dicit philosophus, in libro de animalibus, quod
omnia corpora inferiora sunt plena virtutibus animae. Caelum autem licet non
sit simile in specie cum huiusmodi animalibus ex putrefactione generatis, est
tamen similitudo quantum ad hoc quod effectus in causa activa virtualiter
praeexistit. # 12. Plus une chose est imparfaite, moins elle a de besoins pour sa
constitution. C'est pourquoi, puisque les animaux engendrйs de la putrйfaction
sont plus imparfaits que ceux nйs d'une semence, il suffit pour eux du seul
pouvoir du corps cйleste qui opиre aussi dans la semence, bien qu'il ne suffise
pas sans le pouvoir de l'вme pour produire les animaux engendrйs par la
semence. Car le pouvoir du corps cйleste demeure dans les corps infйrieurs,
dans la mesure oщ ils sont transformйs par lui, comme par le premier qui
apporte le changement. Et c'est pour cela que le philosophe dit, dans le Livre
des Animaux, que tous les corps infйrieurs sont emplis des pouvoirs de l'вme.
Mais bien que le ciel ne soit pas semblable en espиce avec de tels animaux
engendrйs de la putrйfaction, il y a cependant ressemblance, parce que l'effet
prйexiste potentiellement dans la cause.
q. 3 a. 11 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum est, quod corpus caeleste etsi non sit vivum, agit
tamen in virtute substantiae viventis a qua movetur, sive sit Angelus, sive sit
Deus. Secundum philosophos tamen ponitur corpus caeleste animatum et vivum. # 13. Mкme si le corps cйleste n'est pas vivant, il agit cependant dans
le pouvoir de la substance vivante par laquelle il est mы; que ce soit un ange,
ou Dieu. Les philosophes, cependant, pensent qu'un corps cйleste est animй et
vivant.
q. 3 a. 11 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod virtus substantiae virtualis moventis relinquitur
in corpore caelesti et motu eius, non sicut forma habens esse completum in
natura, sed per modum intentionis, sicut virtus artis est in instrumento
artificis. # 14. Le pouvoir de la substance, moteur virtuel, est laissй dans le
corps cйleste et son mouvement, non comme une forme ayant l'кtre complet en
nature, mais par mode d'intention comme le pouvoir de l'art est dans
l'instrument de l'artisan.
q. 3 a. 11 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum est quod anima rationalis, ut dictum est, excedit totum
ordinem corporalium principiorum; unde nullum corpus potest agere etiam ut
instrumentum ad eius productionem. # 15. L'вme rationnelle, comme on l'a dit, dйpasse tout l'ordre des
principes corporels, c'est pourquoi aucun corps ne peut agir mкme comme
instrument pour sa production.
q. 3 a. 11 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum est, quod anima sensibilis producitur in concepto non
per actionem corporis nec per decisionem animae, sed per actionem virtutis
formativae, quae est in semine ab anima generante, ut dictum est. # 16. L'вme sensitive est produite dans ce qui est conзu, non par
l'action d'un corps ni par sйparation de l'вme, mais par l'action du pouvoir
formateur qui vient dans la semence par l'вme qui engendre, comme on l'a dit.
q. 3 a. 11 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod virtus cognoscitiva negatur esse ab actione
elementorum, quasi elementorum virtutes ad eam causandam sufficiant sicut
sufficiunt ad causandam duritiem et mollitiem. Non autem negatur quin instrumentaliter
aliquo modo cooperari possit.
# 17. On nie que le pouvoir cognitif vienne de l'action des йlйments,
comme si les pouvoir des йlйments suffisaient а les causer, comme ils suffisent
а causer la duretй ou la tendretй. Mais on ne nie pas qu'ils puissent coopйrer
de quelque maniиre en tant qu'instrument.
q. 3 a. 11 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum,
quod anima sensibilis movet per appetitum. Actio vero
appetitus sensibilis non est animae tantum, sed compositi; unde talis vis habet
determinatum organum. Unde non oportet ponere, quod anima sensibilis aliquam
operationem habeat absque corporis communione. 18. L'вme sensitive meut par l'appйtit. Mais l'action de l'appйtit
sensible ne vient pas de l'вme seulement, mais du composй; c'est pourquoi un tel
pouvoir a un organe dйterminй. Aussi, il ne faut pas penser que l'вme sensitive
a quelque opйration hors de son union au corps.
q. 3 a. 11 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod corpus potest movere quasi non motum specie illa
motus qua movet, licet non possit movere nisi aliquo modo motum; corpus enim
caeli alterat non alteratum, sed localiter motum; et similiter organum virtutis
appetitivae movet localiter non motum sed aliquo modo alteratum localiter.
Operatio enim appetitivae sensibilis sine corporali alteratione non contingit,
sicut patet in ira et in huiusmodi passionibus.
# 19. Le corps peut mouvoir comme non mы, par cette espиce de mouvement
par lequel il meut, bien qu'il ne puisse mouvoir qu'en йtant mы en quelque
maniиre. Car le corps du ciel change sans кtre changй, mais mы localement, et
de la mкme maniиre l'organe du pouvoir de l'appйtit meut, localement non mы,
mais changй localement d'une certaine maniиre. Car l'opйration de l'appйtit
sensible n'arrive pas sans changement du corps, comme cela paraоt dans la
colиre et les passions de ce genre.
q. 3 a. 11 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod vis motiva exequens motum est magis dispositio mobilis
qua natum est moveri a tali motore, quam sit per se movens. # 20. La force motrice qui accompagne le mouvement est plus une
disposition mobile par laquelle elle est destinйe а кtre mы par un tel moteur,
que d'кtre moteur par soi.
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[1]. Parall.: Ia, 118,1 – CG. II,
86 – II Sent. d18q2a3 - Qdl.IX, q. 5, a. 1. Pour
la hiйrarchie des degrйs textes parallиles: CG. IV, 11 - Ia, qu. 18, a. 3- qu.
78, a. 1 - Q. de anima. a. 13 - Verit. Qu. 22, a. 1 - De spirit. creat. a 2.
Gardeil, Initiation, Psychologie, p. 23.
[2]
. Cf. Pot. 3, 10, obj. 1. Mкme objection avec une petite nuance: "secundum
speciem".
[3]
. Disposition: diffйrence entre йtat (habitus) et disposition. Cf. Catйgories,
8 b 27 - 9 a 13: "L'Йtat, diffйrent de la disposition en ce qu'il a
beaucoup plus de durйe et de stabilitй... 9 a 4: Il est йvident qu'on tend а
dйsigner sous le nom d'йtats des qualitйs qui sont plus durables et plus
difficiles а mouvoir..." Les dispotions sont des "qualitйs qui
peuvent facilement кtre mues et rapidement changйes (Cf. Catйgories).
[4]
. "Car seule la substance ne se dit d'aucune autre chose comme sujet et
tout le reste se dit de la substance." (Thomas n° 107).
[5]
. Platon, Avicenne, Thйmestius (diacre d'Alexandrie, chef de la secte des
agnoиtes VIe siиcle): toutes les вmes viennent d'un principe sйparй, pour
Platon, le principe est l'idйe, pour Avicenne, l'intelligence agente et pour
les thйologiens qui professent cette thйorie, Dieu.
[6]
. Mйtaphysique VII (Z) 8, 1034 a 5: "Dиs
lors, le tout qui est engendrй c'est une forme de telle nature, rйalisйe dans
telle chair et dans tel os, Callias, ou Socrate, autre que son gйnйrateur dans
la matiиre, qui est autre, mais identique а lui pour la forme, car la forme est
indivisible." (Problиme individuation Tricot, 392, note 2) Cf. aussi Physique, II, 1, 193,a. 2: "En
effet la chair ou l'os en puissance n'ont pas encore leur propre nature et
n'existent pas par nature, tant qu'ils n'ont pas reзu la forme de la chair et
de l'os, j'entends la forme dйfinissable, celle que nous йnonзons pour dйfinir
l'essence de la chair et de l'os."
[7]
. Cf. Ia, qu. 118, a. 1, ad 3: "Cette force active qui est dans la
semence, dйrivйe de l'вme de celui qui engendre, est comme un mouvement de
celle-ci, et elle n'est ni l'вme, ni partie de l'вme, sinon virtuellement... Et
c'est pourquoi il faut que cette force active ait un organe en acte, mais elle
est incluse dans l'esprit qui se trouve dans la semence." (Cf. Ia, qu. 76, a. 7,
ad – Ia, qu. 115, a. 3 – I Sent., d10q1a4).
Article 12: L'вme sensitive ou l'вme vйgйtative sont-elles dans la
semence dиs le moment oщ elle est sйparйe?
q. 3 a. 12 tit. 1 Duodecimo quaeritur utrum anima sensibilis vel vegetabilis
sint in semine a principio quando deciditur. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections[2]: q. 3 a. 12 arg. 1 Quia,
ut Gregorius Nyssenus dicit, utriusque opinionis assertio vituperatione non
caret, et eorum qui prius vivere animas in suo quodam statu atque ordine
fabulantur, et eorum qui eas post corpora creatas existimant. Sed si anima in
semine non fuit in suo principio, oportet eam fieri post corpus. Ergo anima a
principio fuit in semine. 1. Comme Grйgoire de Nysse le dit (La crйation de l'homme, XVI): "L'affirmation des deux opinions ne manque
pas de critiques: celle de ceux qui ont pensй que les вmes vivent d'abord dans
un certain йtat et un certain ordre, et celle ceux qui pensent qu'elles sont
crййs aprиs les corps." Mais si l'вme n'a pas йtй dans la semence en
son commencement, il faut qu'elle soit faite aprиs le corps. Donc l'вme a йtй
dиs le commencement dans la semence. q. 3 a. 12 arg. 2
Praeterea, si anima sensibilis a principio non fuit in semine, sicut nec
rationalis; eadem ratio erit de sensibili et rationali. Sed anima rationalis
est a creatione. Ergo et anima sensibilis est a creatione: cuius contrarium est
ostensum. 2. Si l'вme sensitive n'a pas йtй dиs le commencement dans la semence,
l'вme rationnelle non plus; la mкme raison s'appliquera а l'une et а l'autre.
Mais cette derniиre est crййe. Donc l'вme sensitive aussi, alors qu'on a montrй
le contraire (article prйcйdant). q. 3 a. 12 arg. 3
Praeterea, philosophus dicit in XVI de animalibus, quod virtus quae est in
semine est sicut filius de domo patris egrediens. Sed filius est eiusdem
speciei cum patre. Ergo et illa virtus quae est in semine est eiusdem speciei
cum anima sensibili, a qua derivatur. 3. Le philosophe dit (Les animaux,
livre 16, La gйnйration animale, II,
ch. 4) que le pouvoir qui est dans la semence est comme le fils qui sort de la
maison de son pиre. Mais le fils est de la mкme espиce que son pиre. Donc ce
pouvoir qui est dans la semence est de la mкme espиce que l'вme sensitive d'oщ
il dйrive. q. 3 a. 12 arg. 4
Praeterea, philosophus dicit in XVI de animalibus, quod virtus illa est sicut
ars, quae si in materia esset, ad perfectionem artificiati operaretur. Sed in
arte est species artificiati. Ergo in illa virtute seminis est species animae
sensibilis quae per semen producitur. 4. Le philosophe dit (Les animaux,
livre 16), que ce pouvoir est comme l'art, qui, s'il йtait dans la matiиre,
opйrerait pour la perfection de l'oeuvre fabriquйe. Mais dans l'art il y a la
forme de l'oeuvre. Donc dans ce pouvoir de la semence il y a la forme de l'вme
sensitive qui est produite par la semence. q. 3
a. 12 arg. 5 Praeterea, decisio seminis est naturalis, decisio vero animalis
anulosi est contra naturam. Sed in parte animalis anulosi decisi est
anima, ut philosophus dicit. Ergo multo magis est in semine deciso. 5. La sйparation de la semence est naturelle, mais la division du ver
est contre nature[3]. Mais dans la partie sйparйe de cet
animal il y a une вme, comme le dit le philosophe. Donc encore plus dans la
semence sйparйe. q. 3 a. 12 arg. 6
Praeterea, philosophus dicit, in XVI de animalibus, quod mas in generatione
animalis dat animam. Sed nihil est egrediens a patre nisi semen. Ergo anima est
in semine. 6. Le philosophe dit (Les animaux,
livre 16), que le mвle, dans la gйnйration de l'animal, donne l'вme. Mais
rien ne sort du pиre que la semence. Donc l'вme est dans la semence. q. 3 a. 12 arg. 7
Praeterea, accidens non transfunditur nisi per transfusionem subiecti. Sed
aliquae aegritudines transfunduntur a parentibus in filios, sicut lepra et
podagra et huiusmodi. Ergo et eorum substantia transfunditur. Haec autem non
sunt sine anima. Ergo anima est a principio in semine. 7. L'accident n'est transmis que par transmission de son substrat. Or
certaines maladies sont transmises par les parents а leurs enfants comme la
lиpre, la goutte etc.. Donc leur substance est transmise. Mais cela ne se fait
pas sans l'вme. Donc l'вme est au commencement dans la semence. q. 3 a. 12 arg. 8
Praeterea, Hippocrates dicit, quod per decisionem venae quae est iuxta aures,
generatio impeditur. Hoc autem non esset, nisi semen decideretur a toto
corpore, quasi actio per prius existens. Ergo cum id quod est actu pars
animalis, habeat animam, videtur, quod semen a principio habeat animam. 8. Hippocrate dit que la coupure de la veine qui est prиs des oreilles
empкche la gйnйration. Mais cela n'arriverait que si la semence йtait sйparйe
du corps tout entier, comme une action prйexistant. Donc comme ce qui est la
partie en acte de l'animal a une вme, il semble que la semence en a une dиs le
commencement. q. 3 a. 12 arg. 9
Praeterea, idem dicit, quod equus quidam propter nimium coitum inventus est
sine cerebro. Hoc autem non esset, nisi semen decideretur ab eo quod est actu
pars. Ergo idem quod prius. 9. Le mкme dit qu'un cheval а cause d'un accouplement excessif a йtй
trouvй sans cerveau. Mais cela ne serait pas arrivй si la semence avait йtй
sйparйe de ce qui est une partie en acte. Donc de mкme que ci-dessus. q. 3 a. 12 arg. 10
Praeterea, quod est superfluum, non est de substantia rei. Si ergo semen sit
superfluum, non erit de substantia generantis; et ita filius, qui est ex
semine, non erit de substantia patris; quod est inconveniens. Ergo semen est de
substantia generantis; et ita est ibi anima in actu. 10. Le superflu n'appartient pas а la substance. Donc si la semence est
un superflu, elle n'appartiendra pas а la substance de celui qui engendre et
ainsi le fils, qui vient de la semence ne sera pas de la substance du pиre, ce
qui ne convient pas. Donc la semence vient de la substance de celui qui
engendre, et ainsi il y a lа une вme en acte. q. 3 a. 12 arg. 11
Praeterea, omne quod caret anima, est inanimatum. Si ergo semen caret anima,
erit inanimatum; et sic corpus inanimatum transmutabitur, et fiet animatum;
quod videtur inconveniens. Ergo anima est a principio in semine. 11. Tout de qui n'a pas d'вme est inanimй. Donc si la semence n'en a
pas, elle sera inanimйe, et ainsi le corps inanimй sera transformй et deviendra
animй, ce qui ne paraоt pas convenir. Donc l'вme est au commencement dans la
semence.
En sens contraire: q. 3 a. 12 s. c. 1
Sed contra. Est quod philosophus dicit quod semen et fructus est in tali
potentia ad animam, quae est abiiciens animam. 1. Le Philosophe dit (L'вme, II, 1, 412 b 25[4])
que la semence et le fruit, sont en une telle puissance pour l'вme qui est
sйparйe. q. 3 a. 12 s. c. 2
Praeterea, si semen a principio habet animam, hoc non videtur esse possibile
nisi duobus modis; vel quod tota anima generantis in semen transeat; vel quod
pars eius. Utrumque autem horum videtur esse inconveniens; quia ex primo
sequitur quod non remaneat anima in patre, ex secundo autem sequitur quod non
remaneat ibi tota. Ergo anima non est in semine a principio. 2. Si la semence possиde une вme au commencement, cela ne parait
possible que de deux maniиres; l'вme de celui qui engendre passe dans la
semence, toute ou bien en partie. L'une et l'autre de ces solutions ne
paraissent pas convenir, parce que de la premiиre, il dйcoule qu'il ne reste
pas d'вme dans le pиre, et de la seconde, qu'elle n'y reste pas toute entiиre.
Donc l'вme n'est pas dans la semence au commencement.
Rйponse: q. 3 a. 12 co.
Respondeo. Dicendum quod opinio quorumdam fuit, quod anima a principio
decisionis esset in semine, volentes quod sicut corpus divideretur a corpore,
ita simul anima propagaretur ab anima, ut statim cum corporis particula esset
etiam ibi anima. L'opinion de certains fut que l'вme au commencement de la sйparation
йtait dans la semence; ils voulaient que, de mкme que le corps est sйparй du
corps, en mкme temps l'вme soit transmise par l'вme, pour qu'aussitфt elle y
soit aussi avec une parcelle du corps. Haec autem opinio non videtur esse vera: quia, secundum quod
philosophus probat in XV de animalibus, semen non deciditur ab eo quod fuit
actu pars, sed quod fuit superfluum ultimae digestionis; quod nondum erat
ultima assimilatione assimilatum. Nulla autem corporis pars est actu per animam
perfecta, nisi sit ultima assimilatione assimilata; unde semen ante decisionem
nondum erat perfectum per animam, ita quod anima esset forma eius; erat tamen
ibi aliqua virtus, secundum quam iam per actionem animae erat alteratum et
deductum ad dispositionem propinquam ultimae assimilationi; unde et postquam
decisum est, non est ibi anima, sed aliqua virtus animae. Et propter hoc, in
XVI de animalibus, philosophus dicit, quod in semine est virtus principii animae.
Cette opinion ne paraоt pas vraie, parce que, selon ce que le
philosophe prouve (Les animaux, XV,
(livre. 1 de La gйnйration des animaux, ch.
18,19), la semence ne serait pas sйparйe de ce qui fut une partie en acte, mais
de ce qui fut le superflu d'une ultime digestion, qui n'йtait pas encore
assimilйe tout а fait, mais aucune partie du corps n'est parfaite en acte par
l'вme si elle n'est assimilйe tout а fait. C'est pourquoi la semence avant la
sйparation n'est pas encore achevйe par l'вme, de sorte que l'вme soit sa forme;
cependant il y avait lа un pouvoir selon lequel, dйjа par l'action de l'вme,
elle йtait changйe et amenйe а une disposition proche de la derniиre
assimilation; c'est pourquoi, aprиs sa sйparation, il n'y a pas d'вme mais un
pouvoir de l'вme. Et c'est pour cela que dans le Livre 16 de La gйnйration des animaux , la gйnйration animale, ch. 3, le
philosophe dit que dans la semence il y a le pouvoir du principe de l'вme. Et praeterea si anima esset in semine a principio, aut esset
ibi habens actu speciem animae, aut non, sed ut quaedam virtus, quae
converteretur postmodum in animam. Primum esse non potest: quia cum anima sit
actus corporis organici, ante qualemcumque organizationem corpus susceptivum
animae esse non potest. Et etiam sic sequitur quod totum id quod agit in
seminibus, non est nisi quaedam dispositio materiae, et per consequens non
esset generatio, cum generatio non sequatur, sed praecedat formam
substantialem. Nisi forte dicatur, quod corporis sit alia forma substantialis
praeter animam; ex quo sequitur quod anima non substantialiter corpori
uniretur, utpote adveniens corpori, postquam est iam per aliam formam hoc
aliquid constitutum. Et en plus si l'вme йtait dans la semence dиs le dйpart, ou elle
possйderait la forme de l'вme en acte, ou pas, mais comme une certaine
puissance qui se transformerait ensuite en вme. La premiиre solution n'est pas possible, parce que, comme l'вme est
l'acte d'un corps organique, le corps qui reзoit l'вme ne peut pas exister
avant n'importe quelle organisation. Et mкme ainsi il en dйcoule que tout ce
qui agit dans les semences, n'est qu'une disposition de la matiиre, et par
consйquence ce ne serait pas une gйnйration, puisque celle-ci ne suit pas mais
prйcиde la forme substantielle. A moins que par hasard on dise qu'il y aurait
une autre forme substantielle du corps en plus de l'вme. Il en dйcoule que
l'вme ne serait pas unie substantiellement au corps, ou qu'elle arriverait en
lui aprиs qu'il soit dйjа constituй par une autre forme. Sequeretur ulterius quod generatio viventis non esset
generatio, sed decisio quaedam; sicut pars ligni separatur a ligno, ut sit actu
lignum. Il dйcoulerait par la suite que la gйnйration du vivant ne serait pas
une gйnйration, mais une espиce de sйparation; comme un morceau de bois est
sйparй du bois pour кtre du bois en acte. Secunda pars divisionis praedictae esse non potest; quia
secundum hoc sequeretur quod forma substantialis non subito sed successive in
materia proveniret; et sic in substantia esset motus, sicut in quantitate et
qualitate; quod est contra philosophum; et etiam formae substantiales
reciperent magis et minus; quod est impossibile. Unde relinquitur quod anima
non est in semine, sed virtus quaedam animae, quae agit ad animam producendam,
ab anima derivata. La seconde partie de la
division dont on a parlй ne peut pas exister, parce qu'il en dйcoulerait que la
forme substantielle ne parviendrait pas dans la matiиre subitement, mais
successivement, et ainsi il y aurait du mouvement dans la substance, comme dans
la quantitй et la qualitй; ce qui est contre ce que dit le philosophe (V Physique, V, 2, 225 b 10-226 a 23) et
mкme les formes substantielles recevraient du plus et du moins, ce qui est
impossible. C'est pourquoi, il reste que ce n'est pas l'вme qui est dans la
semence, mais un certain pouvoir de l'вme qui en est dйrivй, qui agit pour la
produire.
Solutions: q. 3 a. 12 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod corpus viventis, utpote leonis vel olivae, non est
anima, sed est semen corporis tantum ante animam, et ante virtutem quae agit ad
animam. Eadem enim est proportio seminis ad virtutem
huiusmodi, et corporis ad animam. # 1. Le corps de l'кtre vivant, comme celui du lion ou de l'olive,
n'est pas une вme, mais c'est la semence du corps seulement avant l'вme et
avant son pouvoir qui agit pour l'вme. Car il y a la mкme proportion de la
semence а un tel pouvoir que du corps а l'вme. q. 3 a. 12 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod hoc interest inter animam rationalem et alias animas,
quod anima rationalis non est ex virtute seminis sicut aliae animae; quamvis
nulla anima sit in semine a principio. # 2. Entre l'вme rationnelle et les autres вmes il y a cette diffйrence
que la premiиre ne vient pas du pouvoir de la semence, comme les autres, bien
qu'aucune вme ne soit dans la semence dиs le commencement. q. 3 a. 12 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod virtus illa non assimilatur filio egredienti de domo
patris quantum ad complementum speciei, sed quantum ad acquisitionem eorum quae
desunt utrique ad aliquod complementum. Perfectio enim prima plerumque
manifestatur per similitudinem perfectionis secundae. # 3. Ce pouvoir ne ressemble pas au fils qui sort de la maison du pиre
pour complйter l'espиce, mais pour acquйrir de ce qui manque а l'un et l'autre
pour les complйter. Car la perfection premiиre, la plupart du temps, se
manifeste par la ressemblance de la perfection seconde[5].
q. 3 a. 12 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod assimilatio inter virtutem praedictam et artem procedit
quantum ad hoc quod sicut artificiatum praeexistit in arte sicut in virtute
activa, ita et res viva generanda in virtute formativa. # 4. La ressemblance entre un tel pouvoir et l'art vient du fait que,
de mкme que l'oeuvre prйexiste dans l'art, comme dans un pouvoir actif, de mкme
l'кtre vivant qui doit кtre engendrй prйexiste dans un pouvoir formateur. q. 3 a. 12 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ex hoc ipso decisio animalis anulosi est violenta et
contra naturam, quod pars decisa erat actu pars, et perfecta per animam; unde
per decisionem materiae anima in utraque parte remanet; quae quidem erat in
toto una in actu, et plures in potentia. Quod quidem accidit per hoc quod
huiusmodi animalia fere sunt similia in toto et partibus; nam eorum animae,
quia imperfectiores sunt aliis, modicam diversitatem organorum requirunt. Et
inde est quod una pars decisa potest esse animae susceptiva, utpote habens
tantum de organis quantum sufficit ad talem animam suscipiendam; sicut accidit
in aliis corporibus similibus utpote ligno et lapide, aqua et aere. Ex hoc
autem philosophus probat in XV de animalibus, quod sperma non fuit actu pars
ante decisionem; quia eius decisio non fuisset naturalis, sed modus
corruptionis cuiusdam. Unde non oportet quod per decisionem seminis in ipso
semine anima remaneat. # 5. La coupure du ver est violente et contre nature, parce que la
partie coupйe йtait une partie en acte, parfaite par l'вme; c'est pourquoi
quand on coupe le corps, l'вme demeure dans l'une et l'autre partie, qui йtait
une en acte dans le tout et plusieurs en puissance. Ce qui arrive parce que de
tels animaux sont presque semblables dans le tout et dans la partie; parce que
leurs вmes sont plus imparfaites que les autres, elles demandent peu de
diversitй dans leurs organes. Et de lа vient qu'une partie coupйe peut recevoir
l'вme, comme ayant seulement[6] pour les organes autant
qu'il suffit pour recevoir une telle вme, comme cela arrive dans les autres
corps semblables, comme le bois et la pierre, l'eau et l'air. De lа le philosophe
prouve (les animaux,15, La gйnйration animale, 18) que le sperme
n'a pas йtй une partie en acte avant la sйparation, parce que celle-ci n'aurait
pas йtй naturelle, mais une maniиre de corruption. C'est pourquoi il ne faut
pas que l'вme demeure en elle par la sйparation de la semence. q. 3 a. 12 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod mas dicitur dare animam, in quantum in semine maris
continetur virtus quae agit ad animam. # 6. On dit que la mвle donne l'вme, dans la mesure oщ le pouvoir qui
agit pour l'вme est contenu dans sa semence. q. 3 a. 12 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod aegritudines, de quibus est obiectio, non traducuntur
cum semine quasi actu in semine sint, sed quia est principium eorum in semine,
per aliquam seminis indispositionem. # 7. Les maladies dont on parle dans l'objection ne sont pas transmises
avec la semence, comme si elles y йtaient en acte, mais parce que leur principe
est dans la semence, par une mauvaise disposition. q. 3 a. 12 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod cum sperma sit quaedam superfluitas, habet quasdam
proprias vias, sicut et aliae superfluitates, quibus intercisis generatio
impeditur; non propter hoc quod aliquid ex eo quod erat actu pars, resolvatur. # 8. Comme le sperme est une surabondance, il a ses propres voies,
comme les autres surabondances, par lesquelles, si elles sont coupйes, la
gйnйration est empкchйe. Ce n'est pas а cause de cela que quelque chose qui
йtait une partie en acte est dйtruit. q. 3 a. 12 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod sicut immoderatus aliarum superfluitatum fluxus solvit
aliquid de eo quod erat iam conversum, per violentiam quamdam; et non
naturaliter; ita etiam immoderatus fluxus seminis. Ea vero quae fiunt contra
naturam, non sunt in consequentiam naturae trahenda. # 9. Le flux immodйrй des autres surabondances dissout quelque chose de
ce qui d'elle йtait dйjа changй par violence et non de faзon naturelle; de la
mкme maniиre, le flux immodйrй de la semence aussi. Mais ce qui est fait contre
nature, ne doit pas кtre considйrй comme sa consйquence . q. 3 a. 12 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod semen est tale superfluum, quod licet non sit actu pars
substantiae patris, est tamen potentia, tota; et ob hoc filius dicitur de
substantia patris esse. # 10. La semence est un tel superflu que, bien qu'elle ne soit pas une
partie en acte de la substance du pиre, elle est cependant tout entiиre une
puissance, et c'est pour cela qu'on dit que le fils vient de la substance du
pиre. q. 3 a. 12 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod licet semen non sit animatum actu, est tamen animatum
virtute; unde non est simpliciter inanimatum. # 11. Bien que la semence ne soit pas animйe en acte, cependant elle
l'est en puissance; c'est pourquoi, elle n'est pas tout а fait inanimйe.
[1] . Semence: voir Ia, 119, 2 La semence est-elle le superflu de l'aliment. II Sent. d30q2a. 2 – CG. II, 86-89. Cf. III, 32, 1, 1
spiritus. cf. ad 1– L'action des corps cйlestes CG. III, 22, § 5-9 III, 82, 7 –
grave et lйger mu par leur gйniteur а la diffйrence des corps cйlestes? III,
22– Le soleil: II, 76, § 13 - III, 69, § 24 - III, 104, § 10. [2]
. Parall.: Ia, 118,1, ad 3 et 4 - II Sent, d18q2a1. [3].
Cf. Aristote, De l'вme, livre II, 2
(413 b 20) (p. 43 § 2): "...certaines plantes semblent conserver la vie
quand on les divise et bien que leurs parties soient sйparйes les unes des
autres, comme si l'вme prйsente en elle йtait une entйlйchie dans chaque
plante, mais multiple en puissance: or on voit la mкme chose se produire pour
d'autres diffйrenciations de l'вme dans le cas des insectes qu'on divise. Car
chaque segment conserve la sensation et le mouvement local."(Trad.
Barbotin). Voir Thomas, lectio 4, n° 265. [4]. De anima: "Ce n'est pas le corps
sйparй de l'вme qui est en puissance de vivre, mais celui qui la possиde а son
tour, la semence et le fruit sont en puissance un corps de cette sorte"
(Trad. E. Barbotin). Thomas n ° 240: "On dit qu'une chose est en puissance
de deux maniиres: a) quand elle n'a pas de principe d'opйration, b) quand elle
l'a mais ne s'en sert pas. Mais le corps dont l'acte est l'вme, a la vie en
puissance non pas de la premiиre maniиre mais de la seconde. Et c'est pour cela
qu'il dit que le corps est un йtant en puissance de vivre, c'est-а-dire qu'il
manque du principe de vie qui est l'вme, mais qu'il a un principe de ce genre.
Mais c'est vrai que la semence et le fruit en qui est conservй la semence de la
place est en puissance pour un tel corps vivant, qui a une вme, car la semence
n'a pas encore d'вme. C'est pourquoi elle est ainsi en puissance, comme sйparйe
de l'вme. [5]
. Comprendre par la premiиre perfection celle du pиre, et la seconde celle du
fils. [6][6]
. Cf. II Sent. d18q2a3.
Article 13: Un кtre qui dйpend d'un autre peut-il кtre йternel?
q. 3 a. 13 tit. 1
Decimotertio quaeritur utrum aliquod ens ab alio possit esse aeternum. Et
videtur quod non. Il semble que non. Objections[1]: q. 3 a. 13 arg. 1 Nihil enim quod est semper, indiget
aliquo ad hoc quod sit. Omne autem quod est ab aliquo, indiget eo
a quo est, ut sit. Ergo nihil quod est ab alio, est semper. 1. Car tout ce qui n'existe pas toujours a besoin de quelque chose pour
exister. Tout кtre qui dйpend d'un autre a besoin de ce dont il vient pour
exister. Donc rien de ce qui vient d'un autre n'existe toujours. q. 3 a. 13 arg. 2
Praeterea, nihil accipit quod iam habet. Ergo quod semper est, semper esse
habet; ergo quod est semper, non accipit esse. Sed omne quod est ab alio,
accipit esse ab eo a quo est. Ergo nihil quod est ab alio, est semper. 2. Rien ne reзoit ce qu'il a dйjа. Donc ce qui existe toujours a
toujours l'кtre. Donc il ne le reзoit pas. Mais tout ce qui dйpend d'un autre
reзoit l'кtre de celui par lequel il existe. Donc rien de ce qui vient d'un
autre n'existe toujours. q. 3 a. 13 arg. 3
Praeterea, quod est, non generatur neque fit, neque aliquo modo in esse
producitur; quia quod fit, non est. Ergo oportet quod omne quod generatur vel fit,
vel producitur, aliquando non esset. Omne autem quod est ab alio, est
huiusmodi. Ergo omne quod est ab alio aliquando non est. Quod autem aliquando
non est, non semper est. Ergo nihil quod est ab alio, est sempiternum. 3. Ce qui est, n'est pas en train d'кtre engendrй, ni fait, ni amenй а
l'кtre de quelque maniиre, parce que ce qui se fait n'est pas. Il faut donc que
tout ce qui est engendrй, fait ou amenй а l'кtre n'ait pas existй а certains
moments. Mais tout ce qui dйpend d'un autre est de ce genre. Donc ce qui dйpend
d'un autre n'existe pas а certains moments, ce qui n'existe pas а certains
moments, n'existe pas toujours. Donc rien de ce qui dйpend d'un autre n'est
йternel. q. 3 a. 13 arg. 4
Praeterea, quod non habet esse nisi ab alio, in se consideratum, non est.
Huiusmodi autem oportet aliquando non esse. Ergo oportet quod omne quod est ab
alio, aliquando non esset, et per consequens non esse sempiternum. 4. Ce qui ne possиde l'кtre que par un autre, considйrй en soi, n'est
pas. Pour un tel кtre, il faut ne pas exister а certains moments. Donc il faut
que tout ce qui dйpend d'un autre, n'ait pas existй а certains moments et par
consйquent ne soit pas йternel. q. 3 a. 13 arg. 5
Praeterea, omnis effectus est posterior sua causa. Quod autem est ab alio, est
effectus eius a quo est. Ergo est posterius eo a quo est; et ita non potest
esse sempiternum. 5. Tout effet est postйrieur а sa cause. Mais ce qui dйpend d'un autre
est l'effet de celui par qui il est. Donc il lui est postйrieur, et ainsi il ne
peut pas кtre йternel. En sens contraire: q. 3 a. 13 s. c. Sed
contra, est quod Hilarius dicit, quod ab aeterno a patre natum, aeternum esse
habet quod natum est. Sed filius Dei natus est ab aeterno patre. Ergo aeternum
habet quod natum est; ergo est aeternum. Hilaire dit (La Trinitй, Livre
XII) que celui qui est nй de toute йternitй du Pиre a un кtre йternel qui est
nй. Mais le Fils de Dieu est nй du Pиre йternel. Donc il possиde ce qui est nй
comme йternel. Donc il est йternel. Rйponse: q. 3 a. 13 co.
Respondeo. Dicendum quod, cum ponamus filium Dei naturaliter a patre procedere,
oportet quod ita sit a patre, quod tamen sit ei coaeternus: quod quidem hoc
modo apparet. Inter voluntatem enim et naturam hoc interest, quod natura
determinata est ad unum, quantum ad id quod virtute naturae producitur, et
quantum ad hoc quod est producere vel non producere; voluntas vero quantum ad
neutrum determinata invenitur. Potest tamen aliquis hoc vel illud per
voluntatem facere, sicut artifex scamnum vel arcam, et iterum facere ea et a
faciendo cessare; ignis vero non potest nisi calefacere, si subiectum suae
actionis adsit; nec potest aliud inducere in materiam quam effectum similem
sibi. Quand nous pensons que le Fils de Dieu procиde naturellement du Pиre,
il faut qu'il vienne du Pиre de sorte а lui кtre cependant coйternel. Ce qui se
dйmontre de cette maniиre. Entre la volontй et la nature, en effet, il y a
cette diffйrence que la nature est
dйterminйe а un seul objet pour ce qui est produit par son pouvoir et pour
produire ou ne pas produire; mais la
volontй ne se trouve dйterminйe ni pour l'un, ni pour l'autre. Cependant
quelqu'un peut faire ceci ou cela par volontй, comme l'ouvrier fait un banc ou
un coffre et en plus il le fait et cesse de le faire; mais le feu ne peut que chauffer
si le sujet de son action est prйsent et il ne peut induire dans la matiиre
qu'un effet semblable а lui[2]. Unde etsi de creaturis, quae divina voluntate ab ipso
procedunt, dici possit quod potuit creaturam talem vel talem facere et tunc vel
tunc facere, de filio tamen, qui naturaliter procedit, hoc dici non potest. Non
enim potuit alterius modi esse filius secundum naturam, quam se habet patris
natura. Nec potuit vel prius vel posterius filius esse nisi quando fuit patris
natura: non enim potest dici, quod divinae naturae aliquando perfectio naturae
defuerit, qua adveniente virtute naturae, filius Dei sit generatus; cum divina
natura sit simplex et immutabilis. Neque potest dici, quod huiusmodi generatio
dilata fuerit propter materiae absentiam vel indispositionem, cum omnino haec
generatio immutabilis sit. Unde relinquitur, quod cum natura patris ab aeterno
fuerit, et filius sit a patre aeternaliter generatus, ac per consequens patri
coaeternus. C'est pourquoi, si а propos des crйatures qui procиdent de Dieu par sa
volontй, il est possible de dire qu'il a pu faire telle ou telle crйature et la
faire а un moment ou а un autre, au sujet de son Fils cependant, qui procиde
par nature, on ne peut pas le dire. Car le Fils n'a pu кtre diffйrent en sa
nature de celle du Pиre. Et il n'a pu кtre Fils avant ou aprиs que la nature du
Pиre n'ait existй. En effet on ne peut pas dire que la perfection de la nature
divine ait manquй а certains moments, quand par le pouvoir de cette nature qui
lui parvint, le Fils de Dieu a йtй engendrй, puisque la nature divine est
simple et immuable. On ne peut pas dire, non plus, qu'une telle gйnйration aura
йtй diffйrйe, а cause de l'absence ou de l'indisposition de la matiиre, puisque
cette gйnйration est tout а fait immuable. C'est pourquoi il reste que, comme
la nature du Pиre a йtй йternelle et que le Fils a йtй engendrй йternellement
par le Pиre, il est coйternel au Pиre. Ariani vero, quia ponebant filium non naturaliter a patre
procedere, ponebant filium neque patri coaequalem neque coaeternum, sicut
contingit in aliis quae a Deo procedunt secundum arbitrium voluntatis ipsius.
Fuit autem difficile considerare generationem filii patri coaeternam, propter
assuefactionem humanae cognitionis in consideratione productionis rerum
naturalium, in quibus una res ab alia per motum producitur; res autem producta
per motum in esse prius esse incipit in principio quam in termino motus. Cum
autem principium motus de necessitate terminum motus duratione praecedat, quod
necesse est propter motus successionem, nec possit esse motus principium vel
initium sine causa ad producendum movente; necesse est ut causa movens ad
aliquid producendum praecedat duratione id quod ab ea producitur. Mais les Ariens qui
estimaient que le Fils ne procиde pas du Pиre par nature, pensaient qu'il
n'йtait ni йgal ni coйternel au Pиre, comme cela arrive dans les autres кtres
qui procиdent du Pиre selon le libre arbitre de sa volontй. Il fut difficile de
considйrer la gйnйration du Fils comme coйternelle au Pиre, а cause de
l'habitude de la pensйe humaine, quand elle considиre la production des choses
naturelles, dans lesquelles l'une est produite а partir d'une autre par
mouvement. Mais ce qui est amenй а l'кtre par mouvement commence а кtre au
commencement plutфt qu'au terme du mouvement. Comme le commencement du
mouvement par nйcessitй prйcиde son terme dans la durйe, ce qui nйcessaire а
cause de la succession du mouvement, le commencement du mouvement ou son dйbut
ne pourrait exister sans cause pour le produire en le mettant en mouvement, il
est nйcessaire que la cause motrice, pour produire quelque chose, prйcиde en
durйe ce qui est produit par elle. Unde quod ab aliquo sine motu procedit, simul est duratione
cum eo a quo procedit, sicut splendor in igne vel in sole: nam splendor subito
et non successive a corpore lucido procedit, cum illuminatio non sit motus, sed
terminus motus. Relinquitur ergo quod in divinis, ubi omnino motus locum non
habet, procedens sit simul duratione cum eo a quo procedit; et ideo cum pater
sit aeternus, filius et spiritus sanctus ab eo procedentes sunt ei coaeterni. C'est pourquoi, ce qui procиde de quelque chose sans mouvement est en
durйe en mкme temps que celui d'oщ il procиde, comme la lumiиre dans le feu ou
le soleil; car la lumiиre procиde du corps lumineux de faзon soudaine et non
successivement, puisque l'illumination n'est pas un mouvement mais son terme.
Il reste donc que, en Dieu, en qui le mouvement n'a absolument pas de place,
celui qui procиde est dans le mкme temps que celui dont il procиde; et c'est
pourquoi, comme le Pиre est йternel, le Fils et l'Esprit Saint qui procиdent de
lui, lui sont coйternels[3].
Solutions: q. 3 a. 13 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod si indigentia importet defectum vel carentiam eius
quo indigetur, quod semper est non indiget aliquo ad hoc quod sit. Si vero
importet solum ordinem originis ad id a quo est, sic nihil prohibet id quod
semper est, aliquo indigere ad hoc quod sit, in quantum non a se ipso, sed ab
alio esse habet. # 1. Si le besoin apporte une dйfaillance ou une carence de ce dont il
manque, ce qui existe toujours n'a besoin de rien pour exister. Mais s'il
apporte une seule relation d'origine а ce par lequel il est, rien ainsi
n'empкche que ce qui existe toujours ait besoin de quelqu'un pour кtre, dans la
mesure oщ il a l'кtre, non de lui-mкme mais d'un autre. q. 3 a. 13 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod accipiens aliquid non habet illud ante acceptionem,
habet vero illud quando iam accepit; unde si ad aeterno accipit, ab aeterno
habet. # 2. Celui qui reзoit quelque chose ne l'a pas avant de le recevoir,
mais il l'a quand il a dйjа reзu; c'est pourquoi, s'il le reзoit de toute
йternitй, il le possиde de toute йternitй. q. 3 a. 13 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ratio
illa procedit in generatione quae est per motum; quia quod movetur ad esse, non
est. Et pro tanto dicitur quod id quod generatur non est, sed quod est
generatum est: unde ubi non est aliud generari et generatum esse, ibi non
oportet quod generatur, aliquando non esse. # 3. La raison donnйe se produit dans la gйnйration qui se fait par
mouvement, parce que ce qui est amenй а l'кtre n'est pas. Et pour autant, on
dit que ce qui est engendrй n'est pas, mais ce qui est a йtй engendrй est.
C'est pourquoi lа oщ ce n'est pas diffйrent d'кtre engendrй et avoir йtй
engendrй, il ne faut pas que ce qui est engendrй n'existe pas а certains
moments. q. 3 a. 13 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod illud quod habet esse ab alio, in se consideratum, est non
ens, si ipsum sit aliud quam ipsum esse quod ab alio accipit; si autem sit
ipsum esse quod ab alio accipit, sic non potest in se consideratum, esse non
ens; non enim potest in esse considerari non ens, licet in eo quod est aliud
quam esse, considerari possit. Quod enim est, potest aliquid habere permixtum;
non autem ipsum esse, ut Boetius dicit in libro de hebdomadibus. Prima quidem
conditio est creaturae, sed secunda est conditio filii Dei. # 4. Ce qui reзoit l'кtre d'un autre, considйrй en soi est un non
йtant, s'il est autre que l'кtre mкme qu'il reзoit de lui; mais s'il est
lui-mкme l'кtre qu'il reзoit d'une autre, il ne peut pas, considйrй en soi,
кtre un non йtant, bien qu'en lui on puisse considйrer ce qui est autre que
l'кtre. Car ce qui existe, peut avoir quelque chose de mкlй, mais pas l'кtre
lui-mкme, comme Boиce le dit dans son livre De
Hebdomadibus[4]. La premiиre condition est celle de la
crйature, mais la seconde celle du Fils de Dieu. q. 3 a. 13 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod filius Dei non potest dici effectus: quia non fit, sed
generatur. Hoc enim fit cuius esse est diversum a faciente; unde nec patrem
proprie loquendo causam filii dicimus, sed principium. Nec oportet omnem causam
effectum duratione praecedere, sed natura tantum sicut patet in sole et
splendore. # 5. Le Fils de Dieu ne peut кtre considйrй comme un effet, parce qu'il
n'est pas fait, mais engendrй. Car est fait ce dont l'кtre est diffйrent de
celui qui le fait. C'est pourquoi nous ne disons pas que le Pиre, а proprement
parler, est la cause du Fils mais son principe. Et il ne faut pas que toute la
cause prйcиde l'effet dans la durйe, mais en nature seulement, comme cela
apparaоt pour le soleil et la lumiиre.
[1] Parall.: Ia, 42, 2 Р III Sent. d11a1 - Compendium.
43 -...In Jn 1, 1ectio 1 – In Decret.
I. Pour
comprendre dиs le dйpart le sens de l'article, il faut voir qu'il concerne les
crйatures, mais surtout le Christ, ce qui n'est rйvйlй qu'au sed contra. [2]
Sujet dйveloppй dans l'article 15. [3]
En Ia, 42 2 c il donne trois raisons pour lesquelles le Fils est coйternel au
Pиre: a)
Le Pиre engendre le Fils par volontй, et sa nature est "parfaite de toute
йternitй" b)
L'action de Dieu n'est pas successive. Cf. Ia,
qu. 42, a. 2 c apporte quelques prйcisions supplйmentaires En
sol. 4, il rйsout le problиme du temps: . "Dans le temps, on distingue
l'indivisible, c'est-а-dire l'instant, et ce qui dure, c'est-а-dire le temps.
Mais, dans l'йternitй, l'instant indivisible lui-mкme subsiste toujours, on l'a
dit prйcйdemment. Or, la gйnйration du Fils ne s'accomplit ni dans un instant
temporel, ni dans la durйe du temps, mais dans l'йternitй. C'est pourquoi, si
l'on veut signifier cette prйsence et permanence actuelle de l'йternitй, on
peut dire avec Origиne que le Fils "naоt toujours". Cependant il vaut
mieux, avec S. Grйgoire et S. Augustin, dire: "Il est toujours nй";
dans cette expression, l'adverbe "toujours" йvoque la permanence de
l'йternitй, et le parfait "est nй" йvoque la perfection achevйe de ce
qui est engendrй. Ainsi on n'attribue au Fils aucune imperfection, et l'on
йvite d'admettre, comme Arius, "un temps oщ il n'йtait pas". [4]
"En tout composй l'кtre est diffйrent de l'кtre mкme." (Omni
composito aliud est esse, aliud ipsum esse". Boиce 18.
Article 14: Ce qui est diffиrent de Dieu par essence peut-il кtre
йternel?
q. 3 a. 14 tit. 1
Decimoquarto quaeritur utrum id quod est a Deo diversum in essentia, possit
semper fuisse. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]:
Objections[2]: q. 3 a. 14 arg. 1
Non enim est minor potestas causae producentis totam rei substantiam super
effectum suum, quam causae producentis formam tantum. Sed causa producens
formam tantum, potest producere eam ab aeterno, si ab aeterno esset; quia
splendor qui gignitur ab igne atque diffunditur coaeternus est illi; et esset
coaeternus, si ignis esset aeternus, ut Augustinus dicit. Ergo multo fortius
Deus, potest producere effectum sibi coaeternum. 1. Car la puissance de la cause, qui produit la substance totale de
l'кtre en plus de son effet, n'est pas plus petite que celle de la cause qui
produit la forme seulement. Mais celle-ci pourrait la produire de toute
йternitй, si elle йtait йternelle; parce que la lumiиre qui est engendrйe et
diffusйe par le feu est simultanйe et elle lui serait coйternelle si le feu
йtait йternel, comme le dit Augustin (La Trinitй). Donc Dieu, beaucoup plus,
peut produire des effets qui lui sont coйternels.
q. 3 a. 14 arg. 2
Sed dices, quod hoc est impossibile; quia sequitur inconveniens, scilicet quod
creatura parificetur creatori in duratione.- Sed contra, duratio quae non est
tota simul, sed successiva, non potest aequiparari durationi quae est tota
simul. Sed si mundus semper fuisset, eius duratio non semper tota simul esset;
quia tempore mensuraretur, ut etiam Boetius dicit in fine de Consol. Ergo adhuc
Deo non aequipararetur creatura in duratione.
2. Mais on pourrait dire que cela est impossible, parce qu'il en
dйcoule un inconvйnient: la crйature serait йgalйe au Crйateur en durйe. En sens contraire: la durйe, qui n'est pas
toute а la fois mais successive, ne peut кtre йgalйe а une durйe qui
serait toute en mкme temps. Mais si le monde avait toujours existй, sa durйe
n'aurait pas йtй toujours toute а la fois, parce qu'elle aurait йtй mesurйe par
le temps, comme Boиce le dit aussi а la fin De
la Consolation (Livre V, derniиre prose). Donc jamais la crйature n'est
йgalйe а Dieu en durйe.
q. 3
a. 14 arg. 3 Praeterea, sicut divina persona procedit a Deo sine motu, ita et
creatura. Sed divina persona potest esse Deo coaeterna, a quo procedit. Ergo
similiter et creatura. 3. Une personne divine procиde de Dieu sans mouvement, la crйature
aussi. Mais une personne divine peut кtre coйternelle а Dieu dont elle procиde.
Donc la crйature
aussi.
q. 3
a. 14 arg. 4 Praeterea, quod semper eodem modo se habet, semper potest idem
facere. Sed Deus semper eodem modo se habet ab aeterno. Ergo ab aeterno potest
idem facere. Si ergo aliquando produxit creaturam et ab aeterno producere
potuit.
4. Ce qui se comporte toujours de la mкme maniиre peut toujours faire
la mкme chose. Mais Dieu se comporte йternellement toujours de la mкme maniиre.
Donc de toute йternitй il peut faire la mкme chose. Si donc quelquefois il a
produit une crйature, il a pu en produire de toute йternitй.
q. 3
a. 14 arg. 5 Sed dices, quod ratio ista procedit de agente per naturam, non
autem de agente per voluntatem.- Contra, voluntas Dei non dirimit virtutem
ipsius. Sed si non ageret per
voluntatem, sequeretur quod ab aeterno creaturam produxisset. Ergo posito quod
per voluntatem agat, non removetur quia ab aeterno producere potuerit.
5. Mais on pourrait dire que cette raison procиde de celui qui est
agent par nature, mais non de celui qui l'est par volontй – En sens contraire
la volontй de Dieu n'interrompt pas son pouvoir. Mais s'il n'agissait pas par
volontй, il s'ensuivrait qu'il aurait produit la crйature de toute йternitй.
Donc une fois йtabli qu'il agit par volontй, on n'йcarte pas le fait qu'il ait
pu produire de toute йternitй.
q. 3 a. 14 arg. 6
Praeterea, si Deus in aliquo tempore vel instanti creaturam produxit, et eius
potentia non est augmentata; potuit etiam ante illud tempus vel instans
creaturam producere; et eadem ratione ante illud, et sic in infinitum. Ergo
potuit ab aeterno producere. 6. Si Dieu a produit la crйature dans le temps ou dans un instant, et
que la puissance de celle-ci n'en a pas йtй augmentйe, il a pu aussi avant ce
temps ou cet instant produire une crйature; et pour la mкme raison encore avant
et ainsi а l'infini. Donc il a pu produire de toute йternitй.
q. 3 a. 14 arg. 7
Praeterea, plus potest facere Deus quam humanus intellectus possit intelligere;
propter quod dicitur Luc. I, 37: non erit impossibile apud Deum omne verbum.
Sed Platonici intellexerunt aliquid esse factum a Deo, quod tamen semper fuit;
unde Augustinus dicit: de mundo, et de his quos in mundo deos a Deo factos,
scribit Plato, apertissime dicit eos esse coepisse, et habere initium; finem
tamen non habituros, sed per conditoris potentissimam voluntatem perhibet in
aeternum esse mansuros. Verum id quomodo intelligat, Platonici invenerunt, non
esse hoc, videlicet temporis, sed institutionis initium. Sicut enim, inquiunt,
si pes ab aeternitate fuisset in pulvere, semper subesset vestigium: quod tamen
a calcante factum nemo dubitaret: sic mundus semper fuit semper existente qui
fecit; et tamen factus est. Ergo Deus potuit facere aliquid quod semper fuit.
7. Dieu peut faire plus que ce que l'esprit humain peut comprendre:
c'est pour cela que Luc (1, 37) dit: "Toute parole ne sera pas impossible
а Dieu", mais les Platoniciens ont compris que quelque chose avait йtй
fait par Dieu, qui cependant a toujours existй, c'est pourquoi Augustin dit (La citй de Dieu, X, 31): "Au sujet
du monde et de ceux qui ont йtй faits dieux dans le monde par Dieu, Platon dit
trиs clairement qu'ils ont commencй а exister et qu'ils ont un dйbut; ils
n'auront cependant pas de fin; il raconte aussi que par la volontй toute
puissante du crйateur, ils demeureront йternellement. Mais de la faзon dont il
le comprend, les Platoniciens trouvиrent que ce n'йtait pas le commencement du
temps, mais celui d'une institution. En effet, disent-ils, si un pied avait йtй
de toute йternitй dans la poussiиre, il resterait toujours son vestige,
cependant personne ne douterait que cela a йtй fait par quelqu'un qui marchait;
de la mкme maniиre, le monde a toujours existй alors qu'existait toujours celui
qui l'a fait et cependant il a йtй fait" Donc Dieu a pu faire que quelque
chose ait toujours existй.
q. 3 a. 14 arg. 8
Praeterea, quidquid non est contra rationem creaturae, Deus potest in creatura
facere; alias non esset omnipotens. Sed semper fuisse non est contra rationem
creaturae in quantum est facta; alias idem esset dicere creaturam semper fuisse
et factam non esse; quod patet esse falsum. Nam Augustinus, distinguit duas
opiniones; quarum una est quod mundus ita fuerit semper quod non sit a Deo
factus; alia est, quod ita mundus sit semper quod tamen a Deo sit factus. Ergo Deus hoc potest facere, quod aliquid ab eo
factum, sit semper.
8. Dieu peut faire а la crйature, tout ce qui est contre sa nature,
sinon il ne serait pas tout puissant. Mais avoir toujours existй n'est pas
contre la notion de crйature dans la mesure oщ elle a йtй crййe, autrement ce
serait pareil de dire que la crйature a toujours existй et qu'elle n'a pas йtй
crййe, ce qui paraоt faux, car Augustin (La
citй de Dieu, XI, 4, et X, 31) a distinguй deux opinions: l'une est que le
monde aura toujours йtй tel qu'il n'a pas йtй fait par Dieu, l'autre que le
monde existe toujours tel que cependant il a йtй crйй par Dieu. Donc Dieu peut
faire qu'un кtre crйй par lui existe toujours.
q. 3 a. 14 arg. 9
Praeterea, sicut natura statim potest producere effectum suum, ita et agens
voluntarium non impeditum. Sed Deus est agens voluntarium quod impediri non
potest. Ergo creaturae quae per eius voluntatem producuntur in esse, ab aeterno
produci potuerunt, sicut et filius qui naturaliter a patre procedit. 9. La nature peut produire aussitфt son effet, l'agent volontaire qui
n'en est pas empкchй aussi. Mais Dieu est un agent volontaire qui ne peut pas
кtre empкchй. Donc les crйatures qui sont amenйes а l'кtre par sa volontй ont
pu кtre produites de toute йternitй, comme le Fils qui procиde naturellement du
Pиre.
En sens contraire: q. 3 a. 14 s. c. 1
Sed contra. Est quod Augustinus dicit, quia omnino incommutabilis est illa
natura Trinitatis, ob hoc ita est aeterna, ut ei aliquid coaeternum esse non
possit. 1. Augustin dit (La Genиse au
sens littйral, VIII, 23): "Parce que la nature de la Trinitй est tout
а fait immuable, elle est йternelle, de sorte que rien ne peut lui кtre
coйternel."
q. 3 a. 14 s. c. 2
Praeterea, Damascenus dicit, in I libro: quod ex non ente ad esse deducitur,
non est aptum natum esse coaeternum ei quod sine principio et semper est. Sed
creatura de non esse ad esse producitur. Ergo non potest fuisse semper. 2. Jean Damascиne dit (livre 1) que "Ce qui est amenй du non кtre
а l'кtre, n'est pas susceptible par nature d'кtre coйternel а celui qui est
sans principe et existe йternellement." Mais la crйature est amenйe du non
кtre а l'кtre. Donc elle ne peut pas avoir existй toujours.
q. 3 a. 14 s. c. 3
Praeterea, omne aeternum est invariabile. Sed creatura non potest esse
invariabilis; quia si sibi relinqueretur, in nihilum decideret. Ergo non potest
esse aeterna. 3. Tout ce qui est йternel est invariable. Mais la crйature ne peut pas
кtre invariable, parce que si elle йtait laissйe а elle-mкme, elle retournerait
au nйant. Donc elle ne peut pas кtre йternelle.
q. 3 a. 14 s. c. 4
Praeterea, nihil quod dependet ab alio est necessarium, et per consequens nec
aeternum; cum omne aeternum sit necessarium. Sed omne quod est factum, dependet
ab alio. Ergo nullum factum potest esse aeternum. 4. Rien de ce qui dйpend d'un autre n'est nйcessaire et par consйquent
n'est pas йternel, puisque tout ce qui est йternel est nйcessaire. Mais tout ce
qui a йtй fait dйpend d'un autre. Donc rien de ce qui a йtй fait ne peut кtre
йternel.
q. 3 a. 14 s. c. 5
Praeterea, si Deus ab aeterno producere potuit creaturam, ab aeterno produxit;
quia, secundum philosophum, in sempiternis non differt esse et posse. Sed ponere creaturam ab aeterno fuisse productam, est contra fidem. Ergo et
ponere quod produci potuerit.
5. Si Dieu a pu produire la crйature de toute йternitй, il l'a fait,
parce que, selon le philosophe (Physique,
III, 4, 203 b 28[3]), dans ce qui est йternel кtre et pouvoir ne sont pas
diffйrents. Mais penser que la crйature a йtй produite de toute йternitй est
contre la foi. Donc penser qu'elle aurait pu кtre produite [de toute йternitй
est aussi contre la foi].
q. 3 a. 14 s. c. 6
Praeterea, voluntas sapientis non differt facere quod intendit, si potest, nisi
propter aliquam rationem. Sed non potest reddi ratio quare Deus tunc mundum
fecerit et non prius, vel ab aeterno, si ab aeterno fieri potuit. Ergo videtur
quod ab aeterno fieri non potuit.
6. La volontй du sage ne remet ce qu'il a l'intention de faire, s'il le
peut, que pour quelque bonne raison. Mais on ne peut pas trouver la raison pour
laquelle Dieu a fait le monde а un tel moment et non avant, ou de toute
йternitй, si cela йtait possible. Donc il semble qu'il n'a pas pu кtre fait de
toute йternitй.
q. 3 a. 14 s. c. 7
Praeterea, si creatura est facta, aut ex nihilo, aut ex aliquo. Sed non ex
aliquo: quia vel ex aliquo quod est divina essentia, quod est impossibile; vel
ex aliquo alio: quod si non esset factum, erit aliquid praeter Deum, non ab
ipso creatum; quod supra est improbatum: quod si est factum ex alio, aut
procedetur in infinitum, quod est impossibile; aut devenietur ad aliquid quod
est factum de nihilo. Impossibile autem est, quod fit ex nihilo, semper fuisse.
Ergo impossibile est creaturam semper fuisse. 7. Si la crйature a йtй crййe, elle l'a йtй ou de rien ou de quelque
chose. Mais pas de quelque chose, qui est l'essence divine, ce qui est
impossible, ou d'autre chose qui, si elle n'avait pas йtй crййe, serait au-delа
de Dieu, non crййe par lui; ce qu'on a refusй ci-dessus; s'il est fait d'autre
chose, ou on procиde а l'infini ce qui est impossible, ou on en arrive а ce qui
a йtй fait de rien. Mais il est impossible que ce qui est fait de rien existe
toujours. Donc il est impossible que la crйature ait toujours existй.
q. 3 a. 14 s. c. 8
Praeterea, de ratione aeterni est non habere principium, de ratione vero
creaturae est habere principium. Ergo nulla creatura potest esse aeterna. 8. Il est de la dйfinition de l'йternel, de ne pas avoir de principe,
mais de la dйfinition de la crйature d'en avoir un. Donc nulle crйature ne peut
кtre йternelle.
q. 3 a. 14 s. c. 9
Praeterea, creatura mensuratur tempore vel aevo. Sed aevum et tempus differunt
ab aeternitate. Ergo creatura non potest esse aeterna. 9. La crйature est mesurйe par le temps ou l'жvum. Mais ils diffиrent
l'un et l'autre de l'йternitй. Donc la crйature ne peut pas кtre йternelle.
q. 3 a. 14 s. c. 10
Praeterea, si aliquid est creatum, oportet dare aliquod instans in quo creatum
fuerit. Sed ante id non fuit. Ergo
oportet dicere creaturam non semper fuisse. 10. Si une chose a йtй crййe, il faut fixer un temps oщ elle aura йtй
crййe. Mais avant cela, elle n'a pas existй. Donc il faut dire que la crйature
n'a pas toujours existй.
Rйponse: q. 3 a. 14 co.
Respondeo. Dicendum, quod secundum philosophum, possibile dicitur quandoque
quidem secundum aliquam potentiam, quandoque, vero secundum nullam potentiam;
secundum potentiam quidem vel activam, vel passivam. Secundum activam quidem,
ut si dicamus possibile esse aedificatori quod aedificet; secundum passivam
vero, ut si dicamus, possibile esse ligno quod comburatur. Selon le philosophe (Mйtaphysique
V, 12, 1019 b 22-33[4]) on dйfinit le possible, quelquefois selon un puissance,
quelquefois sans elle: selon une puissance, ou active ou passive. Selon une
puissance active, comme si nous disions qu'il est possible au bвtisseur
d'йdifier, selon la puissance passive, comme si nous disions qu'il est possible
au bois de brыler.
Dicitur autem et quandoque aliquid possibile, non secundum
aliquam potentiam, sed vel metaphorice, sicut in geometricis dicitur aliqua
linea potentia rationalis, quod praetermittatur ad praesens; vel absolute,
quando scilicet termini enuntiationis nullam ad invicem repugnantiam habent. Mais on dit qu'une chose est possible quelquefois, non selon une
puissance, mais par mйtaphore, comme en gйomйtrie, on dit qu'une ligne est
puissance rationnelle, parce qu'elle est omise pour l'instant; ou bien
absolument, quand, par exemple, les termes d'un йnoncй n'offrent pas de
contradiction entre eux.
E contrario vero impossibile, quando sibi invicem repugnant;
ut simul esse affirmationem et negationem impossibile dicitur, non quia sit
impossibile alicui agenti vel patienti, sed quia est secundum se impossibile,
utpote sibi ipsi repugnans.
Au contraire, c'est impossible, quand les termes s'opposent l'un а
l'autre; ainsi on dit qu'il est impossible que l'affirmation et la nйgation
soient ensemble, non parce que cela serait impossible а un agent ou а un
patient, mais parce que c'est impossible en soi, comme s'opposant а soi.
Si ergo consideretur hoc enuntiabile, aliquid diversum in
substantia existens a Deo fuisse semper, non potest dici impossibile secundum
se, quasi sibi ipsi repugnans: hoc enim quod est esse ab alio, non repugnat ei
quod est esse semper, ut supra ostensum est; nisi quando aliquid ab alio
procedit per motum, quod non intervenit in processu rerum a Deo. Per hoc autem
quod additur, diversum in substantia, similiter nulla repugnantia absolute
loquendo datur intelligi ad id quod est semper fuisse.
Si donc, on considиre cette proposition: quelque chose de diffйrent
existant par Dieu en substance, a toujours existй, on ne peut pas dire que
c'est impossible en soi, comme si elle s'opposait а soi, car il n'est pas
incompatible que l'кtre reзu d'un autre existe toujours, comme on l'a montrй
plus haut[5], sauf quand une chose procиde d'une autre par mouvement, ce qui
n'intervient pas dans ce qui procиde de Dieu. Du fait qu'on ajoute
"diffйrent en substance", on ne donne ainsi а comprendre, absolument
parlant, aucune opposition pour le fait de toujours exister.
Si autem accipiamus possibile dictum secundum potentiam
activam, tunc in Deo non deest potentia ab aeterno essentiam aliam a se
producendi. Si vero hoc ad potentiam passivam referatur, sic, supposita
Catholicae fidei veritate, dici non potest, quod aliquid a Deo procedens in
essentia diversum, potuerit semper esse. Supponit enim fides Catholica omne id
quod est praeter Deum, aliquando non fuisse. Sicut autem impossibile est, quod
ponitur aliquando fuisse, nunquam fuisse: ita impossibile est, quod ponitur
aliquando non fuisse, semper fuisse. Unde et dicitur a quibusdam quod hoc
quidem est possibile ex parte Dei creantis, non autem ex parte essentiae a Deo
procedentis, per suppositionem contrarii, quam fides facit.
Mais si nous acceptons qu'on parle de possible selon la puissance
active, alors la puissance ne manque pas а Dieu, pour produire de tout йternitй
une autre essence que lui. Mais si on se rйfиre а la puissance passive, en s'en
tenant а la vйritй de la foi catholique, on ne peut pas dire qu'un кtre diffйrent
en essence qui procиde de Dieu aura pu toujours existй. Car la foi catholique
suppose que tout ce qui existe sauf Dieu n'a pas toujours existй. Mais de mкme
qu'il est impossible de penser que ce qui a existй une fois n'a jamais existй,
de mкme il est impossible de penser que ce qui n'a pas toujours existй, a
toujours existй. C'est pourquoi certains disent que ce qui est possible pour le
Dieu crйateur ne l'est pas pour l'essence qui procиde de Dieu, en le supposant
contraire а la foi.
Solutions: q. 3 a. 14 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod ratio illa procedit ex parte potentiae facientis,
non autem ex parte facti, de quo facta sit suppositio aliquando non fuisse. # 1. Cette raison procиde de la puissance du crйateur, mais non de
celle de la crйature, dont on a supposй qu'elle n'a pas toujours pas existй.
q. 3 a. 14 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod etiam si creatura semper fuisset, non simpliciter Deo
aequipararetur, sed secundum quod eum imitaretur; quod non est inconveniens;
unde illa obviatio parum est efficax. # 2. Mкme si la crйature avait toujours existй, elle n'aurait
absolument pas йgalйe Dieu, mais seulement en l'imitant, ce qui n'est pas
inconvenant. C'est pourquoi ce rapprochement est peu efficace.
q. 3 a. 14 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in persona divina non est aliquid quod supponatur
aliquando non fuisse, sicut est in omni essentia aliena a Deo. # 3. Dans la personne divine, il n'y a rien qu'on suppose n'avoir pas
toujours existй, comme cela arrive dans toute essence йtrangиre а Dieu.
q. 3 a. 14 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod obiectio procedit ex parte potentiae facientis; quae nec
etiam per voluntatem diminuitur, nisi quatenus ex arbitrio voluntatis divinae
fuit quod non semper fuerit creatura. # 4. L'objection vient de la puissance de l'agent qui n'est empкchй par
la volontй que dans la mesure oщ il a dйpendu du libre arbitre de la volontй
divine que la crйature n'ait pas toujours existй[6].
q. 3 a. 14 ad 5 Unde patet responsio ad quintum. # 5. Ainsi cela rйpond а l'objection 5.
q. 3 a. 14 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod si ponatur ante quodcumque tempus datum creaturam fuisse,
salvatur positio fidei, qua ponitur nihil praeter Deum semper fuisse; non tamen
salvatur, si ponatur eam semper fuisse; unde non est simile. Sciendum etiam,
quod forma arguendi non valet. Potest enim Deus quamlibet creaturam facere
meliorem, non tamen potest facere infinitae bonitatis creaturam; infinita enim
bonitas rationi creaturae repugnat, non autem determinata bonitas quantacumque.
Sciendum etiam, quod si dicatur, Deum potuisse facere mundum antequam fecerit;
si haec prioritas ad potentiam facientis referatur, indubitanter est verum:
quia ab aeterno affuit ei potentia faciendi; aeternitas vero tempus creationis
praecedit. Si autem referatur ad esse facti, ita quod intelligatur ante instans
creationis mundi, tempus reale fuisse, in quo potuerit fieri mundus; patet
omnino esse falsum, quia ante mundum motus non fuit, unde nec tempus. Possumus
tamen imaginari aliquod tempus ante mundum; sicut altitudinem vel dimensiones
aliquas extra caelum; per quem modum possumus dicere, et quod altius caelum
potuit elevare, et quod prius potuit facere; quia potuit facere et tempus
diuturnius, et altitudinem altiorem.
# 6. Si on pense que la crйature a existй avant un temps donnй, on
conserve la position de la foi, par laquelle on affirme que rien sauf Dieu n'a
toujours existй; cependant on ne la conserve pas, si on affirme qu'elle a
toujours existй. C'est pourquoi ce n'est pas pareil. Mais il faut savoir que la
forme de la dйmonstration ne vaut pas. Car Dieu peut crйer quelque crйature
meilleure, sans cependant pouvoir crйer une crйature d'une bontй infinie; car
la bontй infinie s'oppose а la notion de crйature, mais non une bontй
dйterminйe de quelque grandeur. Mais il faut savoir que si on dit: "Dieu
aurait pu faire le monde avant qu'il ne l'a fait", si cette prioritй se
rйfиre а la puissance du crйateur, c'est indubitablement vrai; parce que, de
toute йternitй il a possйdй la puissance de crйer, mais l'йternitй prйcиde le
temps de la crйation. Si on se rйfиre а l'кtre de la crйature, de sorte qu'on
comprend qu'avant l'instant de la crйation du monde, il y eut un temps rйel,
dans lequel le monde aurait pu кtre crйй, il est clair que c'est tout а fait
faux, parce qu'avant le monde il n'y eut pas de mouvement, et par consйquent
pas de temps. Cependant nous pouvons imaginer un temps avant le monde, une
altitude et des dimensions hors du ciel aussi; de cette maniиre nous pouvons
dire qu'il aurait pu йlever le ciel plus haut, et le faire avant, parce qu'il
aurait pu faire un temps plus long et une altitude plus haute.
q. 3 a. 14 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
Platonici hoc intellexerunt, fidei veritatem non supponendo, sed ab ea alieni. # 7. Les Platoniciens l'ont compris sans supposer la vйritй de la foi,
car ils lui йtait йtrangers.
q. 3 a. 14 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ratio illa non probat nisi quod esse factum, et esse
semper, non habeant ad invicem repugnantiam secundum se considerata; unde
procedit de possibili absolute. # 8. Cette raison ne prouve seulement que ce qui a йtй crйй et ce qui a
toujours existй n'ont pas d'incompatibilitй en soi; c'est pourquoi elle procиde
absolument du possible..
q. 3 a. 14 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod ratio illa procedit de possibili ex parte potentiae
activae. # 9. Cette raison procиde du possible du cфtй de la puissance active.
Rйponses aux
objections opposйes: q. 3 a. 14
ad s. c. Sed quia rationes oppositae concludere videntur, quod secundum nullam
considerationem sit possibile; ideo ad eas etiam est respondendum. Mais parce que les raisons opposйes semblent conclure que c'est
possible sans aucune considйration, il faut aussi leur rйpondre.
q. 3 a. 14 ad s. c.
1 Ad primum ergo dicendum, quod secundum Boetium in fine de consolatione philosophiae,
etiam si mundus semper fuisset, non esset Deo coaeternus eius enim duratio non
esset tota simul; quod ad aeternitatis rationem requiritur. Est enim aeternitas
interminabilis vitae tota simul et perfecta possessio, ut ibidem dicitur.
Temporis autem successio ex motu causatur, ut ex philosopho patet. Unde quod
mutabilitati subiacet, etiam si semper sit, aeternum esse non potest; et
propter hoc Augustinus dicit, quod invariabili essentiae Trinitatis nulla
creatura coaeterna esse potest. ## 1. Selon Boиce, а la fin de La
consolation de la philosophie (livre V, derniиre prose), mкme si le monde
avait toujours existй, il n'aurait pas йtй coйternel а Dieu, car sa durйe
n'aurait pas йtй toute а la fois; ce qui est requis pour la notion d'йternitй.
Car il existe une йternitй d'une vie interminable toute а la fois et possession
parfaite, comme on est dit au mкme endroit. Mais la succession du temps est
causйe par le mouvement, comme le philosophe le montre (Physique, IV, 4, 219 a 22-25[7]). C'est pourquoi ce qui est soumis
а mutation, mкme s'il a toujours existй, ne pourrait pas кtre йternel et а
cause de cela Augustin dit (Sur la Genиse,
VIII, 23) qu'aucune crйature ne peut кtre coйternelle а l'essence immuable de
la Trinitй.
q. 3 a. 14 ad s. c.
2 Ad secundum dicendum, quod Damascenus loquitur supposita fidei veritate; quod
patet ex hoc quod dicit, quod ex non esse ad esse deductum est, et cetera. ## 2. Jean Damascиne parle en supposant la vйritй de la foi; ce qui
apparaоt du fait qu'il dit que ce qui a йtй amenй du non-кtre а l'кtre, etc..
q. 3 a. 14 ad s. c.
3 Ad tertium dicendum, quod variabilitas de sui ratione excludit aeternitatem,
non autem infinitam durationem. ## 3. La variabilitй par sa dйfinition exclut l'йternitй, mais non la
durйe infinie.
q. 3 a. 14 ad s. c.
4 Ad quartum dicendum, quod id quod ab alio dependet, nunquam esse potest nisi
per influxum eius a quo est; quod si semper fuit, et ipsum semper erit. ## 4. Ce qui dйpend d'un autre ne peut jamais exister qu'en dйcoulant
de ce par quoi il est; parce que, s'il a toujours йtй, il sera toujours.
q. 3 a. 14 ad s. c.
5 Ad quintum dicendum, quod non sequitur, si Deus aliquid potuit facere, quod
illud fecerit, eo quod est agens secundum voluntatem, non secundum necessitatem
naturae. Quod autem dicitur, quod in sempiternis non differt esse et posse,
intelligendum est secundum potentiam passivam, non autem secundum activam.
Potentia enim passiva actui non coniuncta, corruptionis principium est, et ideo
sempiternitati repugnat; effectus vero activae potentiae actu non existens,
perfectioni causae agentis praeiudicium non affert, maxime in causis
voluntariis. Effectus enim non est perfectio potentiae activae sicut forma
potentiae passivae. ## 5. Il n'en dйcoule pas, que, si Dieu a pu faire quelque chose, il
l'ait fait, c'est parce qu'il est agent volontaire, mais non agent par
nйcessitй de nature. Quand on dit que dans ce qui est йternel, l'кtre et le
pouvoir ne diffиrent pas, il faut le comprendre de la puissance passive mais
non de la puissance active. Car la puissance passive qui n'est pas jointe а un
acte est principe de corruption, et c'est pourquoi elle s'oppose а l'йternitй:
mais l'effet de la puissance active qui n'existe pas en acte, n'apporte а la
perfection de la cause efficiente aucun prйjudice, surtout dans les causes
volontaires. Car l'effet n'est pas la perfection de la puissance active comme
la forme de la puissance passive.
q. 3 a. 14 ad s. c.
6 Ad sextum dicendum, quod circa productionem primarum creaturarum intellectus
noster rationem investigare non potest, eo quod non potest comprehendere artem
illam quae sola est ratio quod creaturae praedictae hunc habeant modum; unde
sicut non potest ratio reddi ab homine quare caelum est tantum et non amplius;
ita reddi non potest ratio quare mundus factus non fuit antea, cum tamen
utrumque fuerit divinae potestati subiectum. ## 6. A propos de la production des premiиres crйatures, notre esprit
ne peut en scruter la raison parce qu'il ne peut comprendre cet art qui seul
est la raison pour laquelle les crйatures susdites ont ce mode. C'est pourquoi,
de mкme que l'homme ne peut trouver la raison pour laquelle le ciel est tel, et
non plus vaste; de mкme on ne peut donner la raison pour laquelle le monde a
йtй fait avant, puisque cependant les deux conditions ont йtй soumises а la
puissance divine.
q. 3 a. 14 ad s. c.
7 Ad septimum dicendum, quod primae creaturae non sunt productae ex aliquo, sed
ex nihilo. Non tamen oportet ex ipsa ratione productionis, sed ex veritate quam
fides supponit, quod prius non fuerint, et postea in esse prodierint. Unus enim
sensus praedictae locutionis esse potest, secundum Anselmum, ut dicatur
creatura facta ex nihilo, quia non est facta ex aliquo, ut negatio includat
praepositionem et non includatur ab ea, ut sic negatio ordinem ad aliquid, quem
praepositio importat, neget; non autem praepositio importat ordinem ad nihil.
Si vero ordo ad nihil remaneat affirmatus, praepositione negationem includente,
nec adhuc oportet quod creatura aliquando fuerit nihil. Potest enim dici, sicut
et Avicenna dicit, quod non esse praecedat esse rei, non duratione, sed natura;
quia videlicet, si ipsa sibi relinqueretur, nihil esset: esse vero solum ab
alio habet. Quod enim est natum alicui inesse ex se ipso, naturaliter prius
competit ei, eo quod non est ei natum inesse nisi ab alio.
## 7. Les premiиres crйatures n'ont pas йtй produites de quelque chose,
mais de rien[8]. Cependant il faut, non а partir de la dйfinition mкme de leur
production, mais а partir de la vйritй que suppose la foi, qu'elles n'aient pas
existй avant et qu'elles soient venues а l'кtre ensuite. En effet, un des sens
de la locution susdite peut кtre, selon Anselme (Monologium ch. 8), que la crйature a йtй crййe de rien, parce
qu'elle n'a pas йtй faite de quelque chose, pour que la nйgation inclut la
prйposition et ne soit pas incluse par elle, afin que la nйgation nie le
relation а ce qu'elle apporte; mais celle-ci n'apporte de relation а rien. Mais
ainsi la relation au nйant demeure affirmйe, alors que la prйposition inclut la
nйgation, et il ne faut pas encore que la crйature ait йtй un jour nйant. Car
on peut dire, comme Avicenne le dit, que le non кtre prйcиde l'кtre de la
chose, non dans la durйe, mais dans sa nature, parce qu'il est йvident que si
elle йtait laissйe а elle-mкme, elle ne serait rien; mais elle tient l'кtre
seulement d'un autre. Car ce qui est destinй а кtre dans quelque chose par soi,
lui appartient naturellement d'abord, parce qu'il est destinй а n'кtre que par
un autre.
q. 3 a. 14 ad s. c.
8 Ad octavum dicendum, quod de ratione aeterni est non habere durationis
principium; de ratione vero creationis habere principium originis, non autem
durationis; nisi accipiendo creationem ut accipit fides. ## 8. Il est de la nature de l'йternitй de ne pas avoir de principe de
durйe, mais de la nature de la crйation d'avoir un principe d'origine, mais non
de durйe, а moins de recevoir la crйation comme la foi la reзoit.
q. 3 a. 14 ad s. c.
9 Ad nonum dicendum, quod aevum et tempus ab aeternitate differunt, non solum
ratione principii durationis, sed etiam ratione successionis. Tempus enim in se
successivum est; aevo vero successio adiungitur prout substantiae aeternae sunt
quantum ad aliquid variabiles, etsi quantum ad aliquid non varientur, prout
aevo mensurantur. Aeternitas vero nec successionem continet nec successioni
adiungitur. ## 9. L'жvum et le temps diffиrent de l'йternitй, non seulement en
raison du principe de durйe, mais aussi en raison de la succession. Car le
temps en soi est successif; la succession est ajoutйe а l'жvum, dans la mesure
oщ les substances йternelles sont variables sur un point, mкme si elles ne
varient en rien selon qu'elles sont mesurйes par l'жvum. L'йternitй ne contient
pas de succession et elle n'est pas ajoutйe а une succession.
q. 3 a. 14 ad s. c.
10 Ad decimum dicendum, quod operatio qua Deus res producit in esse, non sic
est intelligenda sicut operatio artificis qui facit arcam et postea eam deserit;
sed quod Deus continue influat esse, ut Augustinus dicit; unde non oportet
assignare aliquod instans productionis rerum antequam productae non sint, nisi
propter fidei suppositionem.
## 10. L'opйration par laquelle Dieu fait venir les choses а l'кtre ne
doit pas кtre comprise comme l'opйration de l'artisan qui fait un coffre et
ensuite l'abandonne, parce que Dieu insuffle l'кtre constamment, comme Augustin
le dit (La Genиse au sens littйral,
IV, 12 et VIII, 12); c'est pourquoi il ne faut pas assigner un instant de la
production des choses avant qu'elles n'aient йtй produites qu'а cause d'une
supposition de foi.
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[1] Parall. Ia, qu.. 46, a. 1 c
et ad 6 - II Sent. d1a5 - CG. II,
31.
[2]
La question est posйe diffйremment en Ia, 46, 1: L'universalitй des crйatures
a-t-elle toujours existй? La solution proposйe ici est basйe sur la
“possibilitй” йvoquйe dйjа en Pot. 1, 3.
[3]
"Entre le possible et l'кtre, il n'y a aucune diffйrence dans les choses
йternelles."
[4] Thomas lectio 14, 971-973.
Cf. Pot. I, 3, c.
[5]
Exemple du Fils а l'article prйcйdent.
[6]
"Le premier agent est un agent volontaire. Et quoique qu'il eut la volontй
йternelle de produire un effet, cependant il ne l'a pas produit йternel." (Ia,
qu. 46, a. 1, sol. 6).
[7]
Thomas, lectio 17, n° 579 (Aristote n° 408- Cf. Ia, qu. 46, a. 1).
[8]
Il faut entendre une premiиre crйation, celle rapportйe par la Genиse, ensuite
les crйatures sont produites par mouvement, changement, gйnйration.
Article 15: Les choses procиdent-elles de Dieu par nйcessitй de nature
ou par le libre arbitre de sa volontй?
q. 3 a. 15 tit. 1
Decimoquinto quaeritur utrum res processerint a Deo per necessitatem naturae
vel per arbitrium voluntatis. Et videtur quod per necessitatem naturae. Il semble que Dieu agisse par nйcessitй de nature[1].
Objections: q. 3 a. 15 arg. 1
Dicit enim Dionysius: sicut noster sol non ratiocinans aut praeeligens, sed per
ipsum suum esse omnia lumine eius participare volentia illuminat; ita divina
bonitas per essentiam suam omnibus existentibus proportionaliter radios
bonitatis immittit. Sed sol sine electione et ratione illuminans hoc agit ex
necessitate naturae. Ergo et Deus creaturas producit suam bonitatem
communicando per necessitatem naturae.
1. Car Denys (Les noms divins,
4, § 1 PG. 693B[2]) dit: "De mкme que notre soleil, sans raisonner ni
choisir, mais par son кtre mкme, йclaire tout ce qui est susceptible de
participer а sa lumiиre, de mкme la divine bontй, par son essence, communique
proportionnellement а tout ce qui existe les rayons de sa bontй." Mais le
soleil qui illumine sans choix et sans raison le fait par nйcessitй de nature.
Donc Dieu aussi produit les crйatures en communiquant sa bontй par nйcessitй de
nature.
q. 3
a. 15 arg. 2 Praeterea, omnis perfectio inferioris naturae a perfectione
divinae naturae derivatur. Sed ad perfectionem naturae inferioris pertinet quod
sua virtute aliquid simile sibi faciat producendo effectum. Ergo multo fortius
Deus similitudinem suae bonitatis creaturis communicat naturaliter, et non
voluntarie. 2. Toute la perfection de la nature infйrieure dйrive de celle de la
nature divine. Mais il convient а la perfection d'une nature infйrieure, de
faire, par son pouvoir, quelque chose de semblable а soi en produisant son
effet. Donc Dieu communique beaucoup mieux la ressemblance de sa bontй aux
crйatures, par nature et non par volontй.
q. 3 a. 15 arg. 3
Praeterea, omne agens agit sibi simile. Ergo secundum
hoc effectus agitur a causa agente, quod eius similitudinem habet. Sed creatura
habet similitudinem Dei quantum ad ea quae ad Dei naturam pertinent, scilicet
quantum ad esse et bonitatem et unitatem, et alia huiusmodi, non solum quantum
ad ea quae sunt in voluntate vel in intellectu, sicut artificiata sunt similia
artifici quantum ad formam artis, non quantum ad naturam artificis, propter
quod voluntarie et non naturaliter ab artifice procedunt. Ergo creaturae procedunt a Deo per virtutem naturae
divinae et non per voluntatem. 3. Tout agent fait du semblable а lui. C'est pourquoi l'effet est
produit par la cause efficiente, parce qu'il lui ressemble. Mais pour ce qui
concerne la nature de Dieu, la crйature lui ressemble, pour ce qui concerne
l'кtre, la bontй, l'unitй, etc., et pas seulement pour ce qui est dans la
volontй ou l'intellect; ainsi, de mкme les oeuvres faites par l'artisan
lui-mкme ressemblent а la forme de son art, mais pas а sa nature d'artisan,
parce qu'elles proviennent de lui par volontй et non par nature. Donc les
crйatures procиdent de Dieu par le pouvoir de la nature divine et non par
volontй.
q. 3 a. 15 arg. 4
Sed dices, quod similitudinem naturalium attributorum communicat creaturis
divina voluntas.- Sed contra, similitudo naturae communicari non potest nisi
per virtutem naturae. Sed virtus naturae in nulla re subiacet voluntati; unde
et in Deo generatio filii a patre, quae est naturalis, non fit per imperium
voluntatis, nec etiam in hominibus vires animae vegetabiles, quae naturales
dicuntur, voluntati subduntur. Ergo non potest esse quod voluntate divina,
similitudo naturalium attributorum creaturis communicetur.
4. Mais on pourrait dire que la volontй divine communique la
ressemblance de ses attributs naturels aux crйatures. – En sens contraire, la
ressemblance de la nature ne peut кtre communiquйe que par son pouvoir. Mais ce
pouvoir n'est subordonnй en rien а la volontй; c'est pourquoi, en Dieu, la
gйnйration du Fils par le Pиre, qui est naturelle, ne se fait pas par le
pouvoir de la volontй, et dans les hommes les puissances vйgйtatives de l'вme,
qu'on appelle naturelles, ne sont pas soumises а la volontй. Donc il n'est pas
possible que la ressemblance des attributs naturels soit communiquйe par la
volontй divine aux crйatures.
q. 3 a. 15 arg. 5
Praeterea, Augustinus dicit in libro de doctrina Christiana, quod quia Deus
bonus est, sumus: et ita bonitas Dei videtur esse causa productionis
creaturarum. Sed bonitas est Deo naturalis. Ergo et fluxus rerum a Deo est
naturalis. 5. Augustin dit dans La doctrine
chrйtienne, (I, 32) que nous existons, parce que Dieu est bon; et ainsi la
bontй de Dieu semble кtre la cause de la production des crйatures. Mais cette
bontй est naturelle pour Dieu. Donc le flux des кtres а partir de Dieu est
naturel.
q. 3 a. 15 arg. 6
Praeterea, in Deo idem est natura et voluntas. Si ergo Deus producat res
voluntarie, sequetur quod producat eas naturaliter. 6. En Dieu, la nature et la volontй sont identiques. Donc si Dieu
produit les кtres volontairement, il s'ensuit qu'il les produit naturellement.
q. 3 a. 15 arg. 7
Praeterea, necessitas naturae provenit ex hoc quod natura immobiliter operatur
idem, nisi impedimentum eveniat. Sed maior est immutabilitas Dei quam naturae
inferioris. Ergo magis ex necessitate Deus producit effectum suum quam natura
inferior. 7. La nйcessitй de nature provient de ce que la nature immuablement
fait la mкme chose, sauf si intervient un empкchement. Mais l'immutabilitй de
Dieu est plus grande que celle de la nature infйrieure. Donc Dieu produit son
effet plus par nйcessitй que la nature infйrieure.
q. 3 a. 15 arg. 8
Praeterea, operatio Dei est eius essentia. Sed essentia sua est ei naturalis.
Ergo naturaliter operatur quidquid operatur. 8. L'opйration de Dieu[3] est son essence. Mais celle-ci lui est
naturelle. Donc toute opйration lui est naturelle.
q. 3 a. 15 arg. 9
Praeterea, secundum philosophum voluntas est finis, electio eorum quae sunt ad
finem. Sed in Deo non est aliquis finis, cum sit infinitus. Ergo non agit ex
voluntate, sed magis ex necessitate naturae. 9. Selon le Philosophe (Ethique, III,
2, 1111 b 28[4]) la volontй est une fin, le choix de ce qui est en vue de la
fin. Mais en Dieu il n'y a pas de fin, puisqu'il est infini[5]. Donc il n'agit
pas par volontй, mais plutфt par nйcessitй de nature.
q. 3 a. 15 arg. 10 Praeterea, Deus operatur in
quantum est bonus, ut Augustinus dicit. Sed ipse est bonum necessarium. Ergo ex
necessitate operatur. 10. Dieu opиre en tant qu'il est bon, comme Augustin le dit (La doctrine chrйtienne, I, 32). Mais il
est le bien nйcessaire. Donc il opиre par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 11
Praeterea, omne quod est, vel est contingens, vel necessarium. Necessarium vero
est aliquid tripliciter: scilicet per coactionem, ex suppositione, et absolute.
Non autem potest dici quod in Deo sit aliquid possibile vel contingens: hoc
enim mutabilitati attestatur, ut per philosophum patet, quia quod contingit
esse, contingit non esse. Similiter non est ibi aliquid necessarium per
coactionem, quia nihil ibi est violentum nec contra naturam, ut dicitur in V
Metaph. Similiter nec necessarium ex suppositione: quia hoc necessarium
causatur ex aliquibus causis praesuppositis, Deo autem nihil est causa.
Relinquitur ergo quod quidquid est in Deo sit necessarium absolute; et ita
videtur quod res ex necessitate in esse producat.
.
11. Tout ce qui est, est contingent ou nйcessaire. Mais le nйcessaire
existe de trois maniиres: c'est-а-dire par contrainte, sous condition et
absolument. Mais on ne peut pas dire qu'en Dieu, il y ait quelque chose de
possible ou de contingent; car la mutabilitй l'atteste, comme on le voit chez
le Philosophe (Mйtaphysique, XI, 8,
1064 b 32[6]) que le contingent est ou n'est pas. De mкme, il n'y a rien ici de
nйcessaire par contrainte, parce que rien n'y est violent, ni contraire а la
nature, comme on le dit (Mйtaphysique
V, 5, 1015 a 25[7]). De la mкme maniиre, il n'y a pas de nйcessitй sous
condition, parce que cette nйcessitй est causйe par des causes prйsupposйes.
Mais, en Dieu il n'y a pas de cause. Donc il reste que ce qui est en Dieu est
absolument nйcessaire, et ainsi il semble qu'il fasse venir les crйatures а
l'кtre par nйcessitй[8].
q. 3 a. 15 arg. 12 Praeterea, II ad Timoth. II, 13,
dicitur: Deus fidelis permanet et seipsum negare non potest. Sed cum ipse sit
sua bonitas, se ipsum negaret si suam bonitatem negaret. Negaret autem suam
bonitatem si eam communicando non diffunderet; cum hoc sit proprium bonitatis.
Ergo Deus non potest non producere creaturam suam bonitatem communicando: ergo
ex necessitate producit: quia non possibile non esse et necesse esse
convertuntur, ut patet in II perihermeneias.
12. En 2 Tm 2, 13, il est dit: "Dieu demeure fidиle et il ne peut
se (re)nier[9]". Mais, comme il est sa propre bontй, il se renierait
lui-mкme, s'il reniait sa bontй. Il la nierait, s'il ne la diffusait pas en la
communiquant, puisque c'est cela le propre de la bontй. Donc Dieu ne peut pas
ne pas produire une crйature en communiquant sa bontй. Donc il produit par
nйcessitй; parce qu'il n'est pas possible que le non кtre et l'кtre nйcessaire
soient convertibles, comme cela paraоt dans le Perihermeneias (II, 3, 22 a 3).
q. 3 a. 15 arg. 13
Praeterea, secundum Augustinum, patrem generare filium, est patrem dicere se
suo verbo. Sed Anselmus dicit, quod eodem verbo pater dicit se et creaturam.
Cum ergo generatio filii a patre sit naturaliter et non per imperium
voluntatis, videtur quod etiam creaturarum productio: nam apud Deum non differt
dicere et facere; cum scriptum sit, Ps. XXXII, 9: dixit, et facta sunt.
13. Selon Augustin, le fait que le Pиre engendre le Fils, c'est le Pиre
qui se dit par son Verbe. Mais Anselme dit (Monologium
31[10]) que par le mкme verbe le Pиre se dit et dit la crйature. Donc puisque
la gйnйration du Fils par le Pиre est naturelle et non par le pouvoir de sa
volontй, il semble qu'il en est de mкme pour la production des crйatures; car
en Dieu dire et faire ne sont pas diffйrents, puisqu'il est йcrit Ps. 32, 9: "Il
dit, et cela fut fait."
q. 3 a. 15 arg. 14
Praeterea, omnis volens de necessitate vult suum ultimum finem, sicut homo de
necessitate vult esse beatus. Sed ultimus finis divinae voluntatis est suae
bonitatis communicatio: propter hoc enim producit creaturas, ut suam bonitatem
communicet. Ergo Deus hoc de necessitate vult, ergo et ex necessitate producit. 14. Tout ce qui veut par nйcessitй veut sa fin ultime, comme l'homme veut
nйcessairement кtre heureux. Mais la fin ultime de la volontй divine est la
communication de sa bontй; il produit des crйatures pour communiquer sa bontй.
Donc Dieu le veut nйcessairement, donc il produit par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 15
Praeterea, sicut Deus est per se bonum, ita est per se necessarium. Sed in Deo,
quia est per se bonus, nihil est nisi bonum. Ergo et similiter in eo nihil est
nisi necessarium; et ita ex necessitate producit res. 15. Dieu est bon en soi; de mкme il est nйcessaire en soi. Mais en
Dieu, parce qu'il est bon en soi, il n'y a rien sinon le bien. Donc et de la
mкme maniиre, en lui il n'y a rien qui ne soit nйcessaire et ainsi il produit
les crйatures par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 16 Praeterea, voluntas Dei est
determinata ad unum, scilicet ad bonum. Sed natura
propter hoc ex necessitate operatur, quia est determinata ad unum. Ergo et
voluntas divina ex necessitate operatur creaturas. 16. La volontй de Dieu est dйterminйe а un seul objet, c'est-а-dire au
bien. Mais la nature opиre par nйcessitй, parce qu'elle est dйterminйe а un
seul effet. Donc la volontй divine crйe les crйatures par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 17
Praeterea, pater virtute naturae suae est principium filii et spiritus sancti,
ut Hilarius dicit. Sed eadem natura quae est in patre et filio, est etiam in
spiritu sancto. Ergo eadem ratione ipse spiritus sanctus est principium
naturaliter. Sed non est principium nisi creaturae. Ergo creatura naturaliter
procedit a Deo.
17. Le Pиre par le pouvoir de sa nature est le principe du Fils et de
l'Esprit Saint, comme Hilaire le dit (Livre des Synodes). Mais la mкme nature
est dans le Pиre, le Fils et aussi dans l'Esprit Saint. Donc, pour la mкme
raison, l'Esprit Saint lui-mкme est principe par nature. Mais il ne l'est que
pour la crйature. Donc la crйature procиde naturellement de Dieu.
q. 3
a. 15 arg. 18 Praeterea, effectus procedit a causa agente. Ergo agens non comparatur ad effectum nisi per hoc
quod comparatur ad actionem vel operationem. Sed comparatio operationis vel
actionis divinae ad ipsum est naturalis, cum actio Dei sit sua essentia. Ergo
similiter ad effectum comparatur naturaliter producendo ipsum. 18. L'effet procиde de la cause efficiente. Donc l'agent n'est comparй
а l'effet que parce ce qu'il est comparй а l'action ou а l'opйration. Mais la
comparaison de l'opйration ou de l'action de Dieu а lui-mкme est naturelle,
puisque son action est son essence. Donc de mкme, il est comparй а l'effet en
le produisant lui-mкme naturellement.
q. 3 a. 15 arg. 19
Praeterea, a per se bono non fit aliquid nisi bonum et bene. Ergo et a per se necessario non fit aliquid nisi
necessarium et necessario. Sed Deus est huiusmodi. Ergo omnia
procedunt ab ipso ex necessitate. 19. Du bien en soi ne se fait que ce qui est bon et bien. Donc du
nйcessaire en soi ne se fait que quelque chose de nйcessaire et nйcessairement.
Mais Dieu est de ce genre. Donc tout procиde de lui par nйcessitй.
q. 3 a. 15 arg. 20
Praeterea, cum id quod est per se, sit prius eo quod est per aliud, oportet primum
agens agere per suam essentiam. Sed sua essentia et sua natura idem est. Ergo
agit per naturam suam; et ita naturaliter creaturae ab eo procedunt.
20. Comme ce qui est par soi est avant ce qui est par un autre, il faut
que le premier agent agisse par son essence. Mais son essence et sa nature sont
un mкme attribut. Donc il agit par sa nature, et ainsi les crйatures procиdent
de lui naturellement.
En sens contraire: q. 3 a. 15 s. c. 1
Sed contra. Est quod Hilarius dicit: omnibus creaturis substantiam Dei voluntas
attulit; et ibidem: tales sunt creaturae quales Deus eas esse voluit. Ergo Deus producit creaturas per voluntatem, non per
naturae necessitatem. 1. Il y a ce qu'Hilaire dit dans le Livre des synodes: "La volontй
de Dieu apporte leur substance а toutes les crйatures." et au mкme endroit:
"Les crйatures sont telles que Dieu a voulu qu'elles soient". Donc
Dieu produit les crйatures par volontй, non par nйcessitй de nature.
q. 3 a. 15 s. c. 2
Praeterea, Augustinus in XII Confess., ad Deum loquens, ait duo fecisti, domine:
unum prope te, scilicet Angelum, et aliud prope nihil, scilicet materiam.
Neutrum tamen est de natura tua: quia neutrum est quod tu es. Sed filius pro
tanto naturaliter a patre procedit, quia eamdem habet naturam quam pater, ut Augustinus
dicit. Ergo creatura non procedit a Deo naturaliter.
2. Augustin dans Les Confessions
(XII, 7) parlant а Dieu dit: Tu as fait, Seigneur, deux crйatures: l'une proche
de toi, а savoir l'ange et l'autre proche du nйant, а savoir la matiиre.
Cependant ni l'une, ni l'autre ne sont de ta nature, parce que ni l'une ni
l'autre est ce que tu es. Mais le Fils pour autant procиde du Pиre
naturellement, parce qu'il a la mкme nature que lui, comme Augustin le dit (La Trinitй, XV, 14[11]). Donc la
crйature ne procиde pas de Dieu naturellement[12].
Rйponse: q. 3 a. 15 co.
Respondeo. Dicendum quod, absque omni dubio, tenendum est quod Deus ex libero
arbitrio suae voluntatis creaturas in esse produxit nulla naturali necessitate.
Quod potest esse manifestum ad praesens quatuor rationibus: Sans aucun doute, il faut croire que Dieu fit venir les crйatures а
l'кtre par le libre arbitre de sa volontй, sans aucune nйcessitй naturelle. Ce
qui peut кtre montrй а prйsent par quatre raisons:
quarum prima est, quod oportet dicere universum aliquem finem habere:
alias omnia in universo casu acciderent; nisi forte diceretur, quod primae
creaturae non sunt propter finem, sed ex naturali necessitate; posteriores vero
creaturae sunt propter finem; sicut et Democritus ponebat caelestia corpora
esse a casu facta, inferiora vero a causis determinatis, quod improbatur in II
Phys., per hoc quod ea quae sunt nobiliora, non possunt esse minus ordinata
quam indigniora. Necesse est igitur dicere, quod in productione creaturarum a
Deo sit aliquis finis intentus. 1) Premiиre raison: Il faut dire que l'univers a une fin[13]; autrement
tout y arriverait par hasard; а moins qu'on dise que les premiиres
crйatures[14] ne sont pas finalisйes mais dйpendent d'une nйcessitй de nature;
mais les crйatures suivantes sont en vue d'une fin; ainsi Dйmocrite pensait que
les corps cйlestes йtaient dus au hasard, mais les кtres infйrieurs а des
causes dйterminйes, ce qui est dйsapprouvй en Physique (II, 4, 196 a 28 - b 4[15]), parce que, ce qui est plus noble,
ne peut pas кtre moins ordonnй que ce qui l'est moins. Donc il est nйcessaire
de dire que, dans la production des crйatures par Dieu, il y a une fin
recherchйe.
Invenitur autem agere propter finem et voluntas et natura,
sed aliter et aliter. Natura enim, cum non cognoscat nec finem nec rationem
finis, nec habitudinem eius, quod est ad finem in finem, non potest sibi
praestituere finem, nec se in finem movere aut ordinare vel dirigere; quod
quidem competit agenti per voluntatem, cuius est intelligere et finem et omnia
praedicta. Unde agens per voluntatem sic agit propter finem, quod praestituit
sibi finem, et seipsum quodammodo in finem movet, suas actiones in ipsum
ordinando. Natura vero tendit in finem sicut mota et directa ab alio
intelligente et volente, sicut patet in sagitta, quae tendit in signum
determinatum propter directionem sagittantis; et per hunc modum a philosophis
dicitur, quod opus naturae est opus intelligentiae. Semper autem quod est per
aliud, est posterius eo quod est per se. Unde oportet quod
primum ordinans in finem, hoc faciat per voluntatem; et ita Deus per voluntatem
creaturas in esse produxit, non per naturam. Nec est instantia de filio, quod
naturaliter procedit a patre, cuius generatio creationem praecedit: quia filius
non procedit ut ad finem ordinatus, sed ut omnium finis.
On trouve que la volontй et la nature agissent en vue d'une fin, mais
de faзons diffйrentes. En effet, comme la nature ne connaоt ni la fin ni sa
raison, ni sa relation de la fin а la fin, elle ne peut s'en fixer une; ni
aller vers cette fin, ni l'ordonner, ni la diriger, ce qui appartient а l'agent
volontaire dont c'est le propre de comprendre (intelligere) la fin, etc.. C'est
pourquoi un agent volontaire agit en vue d'une fin, parce qu'il se l'est assignйe
et il va lui-mкme d'une certaine maniиre vers elle, en y ordonnant ses actions.
Mais la nature tend а sa fin comme mue et dirigйe par un autre, pourvu d'esprit
et de volontй, comme cela paraоt pour la flиche qui tend а une cible dйterminйe
par l'action dirigйe par l'archer et ainsi les philosophes disent que l'oeuvre
de la nature est celle d'une intelligence. Mais toujours ce qui dйpend d'un
autre est postйrieur а ce qui est par soi. C'est pourquoi il faut que celui qui
ordonne en premier vers une fin, le fasse par volontй. Et ainsi Dieu a fait
venir а l'кtre des crйatures par sa volontй, non par nature. Et ce n'est pas le
cas du Fils parce qu'il procиde naturellement du Pиre; sa gйnйration a prйcйdй
la crйation: parce qu'il ne procиde pas comme ordonnй а une fin, mais comme la
fin de tout.
Secunda vero ratio est, quia natura est
determinata ad unum. Cum autem omne agens sibi simile producat, oportet quod
natura ad illam similitudinem tendat producendam quae est determinate in uno.
Cum autem aequalitas ab unitate causetur, inaequalitas vero ex multitudine quae
vario modo se habet (ratione cuius non est aliquid alteri aequale nisi uno
modo, inaequale vero secundum multos gradus) natura semper facit sibi aequale,
nisi sit propter defectum virtutis activae, vel receptivae sive passivae.
Defectus autem passivae potentiae Deo non praeiudicat, cum ipse materiam non
requirat; nec iterum virtus sua est deficiens, sed infinita. Unde hoc solum ab eo procedit
naturaliter quod est sibi aequale, scilicet filius. Creatura vero, quae est
inaequalis, non naturaliter, sed per voluntatem procedit; sunt enim multi
gradus inaequalitatis. Nec potest dici quod divina virtus ad unum determinetur
tantum, cum sit infinita. Unde cum divina virtus se extendat ad diversos gradus
inaequalitatis in creaturis constituendos; quod in hoc gradu determinato
creaturam constituit, ex arbitrio voluntatis fuit, non ex naturali necessitate.
2) Seconde raison: la nature est dйterminйe а un seul effet[16]. Et
comme tout agent produit du semblable а lui, il faut que la nature tende а
produire cette ressemblance, qui est dйterminйe а un seul objet. Mais comme
l'йgalitй est causйe par l'unitй, l'inйgalitй par la pluralitй qui se comporte
de maniиre variйe (pour la raison que rien n'est йgal а autre chose que d'une
seule maniиre et inйgal en de nombreux degrйs); la nature fait toujours de
l'йgal а soi, sauf dйfaillance du pouvoir qui agit, qui reзoit ou qui subit.
Mais la dйfaillance de la puissance passive ne porte pas prйjudice а Dieu
puisqu'il n'a pas besoin de matiиre; et en plus son pouvoir n'est pas
dйfaillant, mais infini. C'est pourquoi, seul procиde de lui naturellement, ce
qui lui est йgal, c'est-а-dire son Fils. Mais la crйature qui est inйgale,
procиde non pas naturellement, mais par volontй. Car il y a de nombreux degrйs
d'inйgalitй. Et on ne peut pas dire que le pouvoir divin soit dйterminй а un
seul effet seulement, puisqu'il est infini. C'est pourquoi, comme le pouvoir
divin s'йtend pour constituer diffйrents degrйs d'inйgalitй dans les crйatures,
qu'il ait йtabli la crйature а un degrй dйterminй dйpend du libre arbitre de sa
volontй, mais non d'une nйcessitй naturelle.
Tertia ratio est, quia cum omne agens agat sibi simile
aliquo modo, oportet quod effectus in sua causa aliqualiter praeexistat. Omne
autem quod est in aliquo, est in eo per modum eius in quo est; unde cum ipse
Deus sit intellectus, creaturae in ipso intelligibiliter praeexistunt propter
quod dicitur Ioan. I, 3: quod factum est, in ipso vita erat. Quod autem est in
intellectu, non producitur nisi mediante voluntate: voluntas enim est executrix
intellectus et intelligibile voluntatem movet; et ita oportet quod res creatae
a Deo processerint per voluntatem.
3) Troisiиme raison: puisque tout agent produit du semblable а lui, d'une
certaine maniиre, il faut que l'effet prйexiste en quelque sorte dans sa cause.
Mais tout ce qui est dans une chose y est par le mode de celle en qui elle est;
c'est pourquoi, comme Dieu lui-mкme est un esprit, les crйatures prйexistent en
lui de faзon intelligible, c'est pour cela qu'on dit en Jn 1, 3: "Ce qui a
йtй fait, йtait vie en lui[17]". Mais ce qui est dans l'intellect ne
procиde que par l'intermйdiaire de la volontй: car la volontй accompli ce qui
est pensй et l'intelligible met en mouvement la volontй et ainsi il faut que
les crйatures procиde de Dieu par volontй[18].
Quarta ratio est, quia, secundum philosophum, duplex est
actio:
4) Quatriиme raison[19]: Selon le Philosophe (Mйtaphysique, IX, 8, 1050 a 23 - B 2) l'action est double:
quaedam quae consistit in ipso agente, et est perfectio et
actus agentis, ut intelligere, velle et huiusmodi:
1) L'une qui demeure dans l'agent lui-mкme; et est sa perfection et son
acte, comme abstraire (intelligere), vouloir, etc..
quaedam vero quae egreditur ab agente in patiens extrinsecum
et est perfectio et actus patientis, sicut calefacere, movere et huiusmodi.
Actio autem Dei non potest intelligi ad modum huiusmodi secundae actionis, eo
quod, cum actio sua sit eius essentia, non egreditur extra ipsum: unde oportet
quod intelligatur ad modum primae actionis quae non est nisi in intelligente et
volente, vel etiam sentiente; quod etiam in Deum non cadit: quia actio sensus
licet non tendat in aliquid extrinsecum, est tamen ab actione extrinseci. Per
hoc igitur Deus agit quidquid extra se agit, quod intelligit et vult. Nec hoc
generationi filii praeiudicat quae est naturalis, quia huiusmodi generatio non
intelligitur terminari ad aliquid quod sit extra divinam essentiam. Necessarium
est igitur dicere omnem creaturam a Deo processisse per voluntatem, et non per
necessitatem naturae.
2) L'autre qui sort de l'agent dans un patient extйrieur et c'est la
perfection et l'acte de celui qui reзoit, comme rйchauffer, mouvoir et autres
actions de ce genre. Mais l'action de Dieu ne peut кtre comprise а la maniиre
de cette seconde action, parce que, comme elle est son essence, elle ne sort
pas de lui. C'est pourquoi il faut la comprendre а la maniиre de la premiиre
action qui n'est que dans celui qui pense (intelligit) et veut, - ou mкme
йprouve des sensations; ce qui n'arrive pas en Dieu -; parce que, bien que
l'action du sens ne tende pas а quelque chose d'extйrieur, elle dйpend
cependant d'une action extйrieure. De ce fait donc, Dieu fait ce qu'il fait
hors de lui, parce qu'il le pense (intelligit) et le veut. Et cela ne porte pas
prйjudice а la gйnйration du Fils qui est naturelle, parce qu'une gйnйration de
ce genre n'est pas comprise comme se terminant а quelque chose hors de
l'essence divine. Donc il est nйcessaire de dire que toute crйature a procйdй
de Dieu par volontй et non par nйcessitй de nature.
Solutions q. 3 a. 15 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod similitudo Dionysii est intelligenda quantum ad
universitatem diffusionis; sol enim in omnia corpora radios effundit, non
discernendo unum ab alio, et similiter divina bonitas. Non autem intelligitur
quantum ad privationem voluntatis. # 1. Il faut comprendre l'image de Denys quant а l'universalitй de la
diffusion; car le soleil rйpand ses rayons sur tous les corps, sans distinguer
l'un de l'autre. Il en est de mкme pour la bontй divine. Mais ce n'est pas
compris comme un manque de volontй[20].
q. 3 a. 15 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod ex perfectione divinae naturae est quod virtute naturae
divinae, ipsius naturae similitudo creaturis communicetur, non tamen haec
communicatio fit per necessitatem naturae sed per voluntatem. # 2. C'est а partir de la perfection de la nature divine que, par son
pouvoir, sa ressemblance de la nature mкme est communiquйe aux crйatures,
cependant cette communication ne se fait pas par nйcessitй de nature, mais par
volontй.
q. 3 a. 15 ad 3 Et per hoc patet responsio ad
tertium. # 3. Et par lа paraоt la solution а la troisiиme objection.
q. 3 a. 15 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod natura non subiacet voluntati in his quae sunt intima
rei, sed quantum ad ea quae sunt extra rem, nihil prohibet naturam subiici
voluntati; unde et in motu locali in animalibus natura musculorum et nervorum
subiacet appetitui imperanti; unde nec est inconveniens, si virtute naturae
divinae, creaturae producantur in esse secundum arbitrium divinae voluntatis.
# 4. La nature n'est pas soumise а la volontй dans ce qui est l'intime
de la chose, mais quant а ce qui hors d'elle, rien n'empкche la nature d'кtre
soumise а la volontй; c'est pourquoi dans un mouvement local chez les animaux,
l'ensemble des muscles et des nerfs est soumis а l'appйtit qui les gouverne;
aussi ce n'est pas inconvenant si, par le pouvoir de la nature divine, les
crйatures sont amenйes а l'existence en raison du libre arbitre de la volontй
divine.
q. 3 a. 15 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod bonum est proprium obiectum voluntatis; unde bonitas
Dei, in quantum est ad ipso volita et amata, mediante voluntate est creaturae
causa. # 5. Le bien est l'objet propre de la volontй; c'est pourquoi la bontй
de Dieu, dans la mesure oщ elle est pour ce qu'il veut et aime, est cause de la
crйature par l'intermйdiaire de la volontй.
q. 3 a. 15 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod licet voluntas et natura, prout in Deo sunt, sint,
secundum rem, idem, differunt tamen ratione, secundum quod per ea diversimode
designatur respectus ad creaturam; natura enim importat respectum ad aliquid
unum determinate, non autem voluntas. # 6. Bien que la volontй et la nature, selon qu'elles sont en Dieu,
soient en rйalitй un mкme attribut, elles diffиrent cependant en raison, selon
que, а travers elles, on dйsigne diversement le rapport а la crйature; car la
nature йtablit un rapport а une seule chose de faзon dйterminйe, mais pas la
volontй.
q. 3 a. 15 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod non est ex immobilitate naturae solum quod aliquid ex
necessitate producit, sed ex eius determinatione ad unum quae non competit
divinae voluntati, licet in ea sit immobilitas summa. # 7. Ce n'est pas par l'immutabilitй de la nature seulement que quelque
chose produit par nйcessitй, mais par sa dйtermination а un effet, ce qui
n'appartient pas а la volontй divine; bien qu'en elle il y ait l'immutabilitй
suprкme.
q. 3 a. 15 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod licet operatio Dei naturaliter ei competat, cum sit eius
natura vel essentia, effectus tamen creaturae operationem consequitur, quae per
modum intelligendi consideratur, ut principium voluntatis, sicut et effectus
calefactionis sequitur secundum modum caloris. # 8. Bien que l'opйration de Dieu lui convienne naturellement,
puisqu'elle est sa nature et son essence, cependant l'effet accompagne
l'opйration de la crйature, qui est considйrйe par mode de comprйhension, comme
principe de la volontй, comme l'effet de l'йchauffement dйcoule du mode de la
chaleur.
q. 3 a. 15 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet Deus sit infinitus, est tamen finis ad quem omnia
ordinantur. Non enim est infinitus privative, sicut finitum est passio
quantitatis quae nata est habere finem; hoc enim modo finis neque infinitus,
neque finitus est. Dicitur autem infinitus negative, quia nullo modo finitur. # 9. Bien que Dieu soit infini, il est cependant la fin а laquelle tout
est ordonnй. Car il n'est pas infini de faзon privative[21], ainsi le fini est
ce qui supporte une grandeur, destinйe а avoir une fin, car de cette maniиre la
fin n'est ni infinie, ni finie. Mais on dйsigne l'infini de faзon nйgative,
parce qu'il n'est fini en aucune maniиre.
q. 3 a. 15 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet Deus operetur in quantum est bonus, et bonitas ei
necessario insit, non tamen sequitur quod de necessitate operetur. Bonitas enim
mediante voluntate operatur, in quantum est eius obiectum vel finis; voluntas
autem non necessario se habet ad ea quae sunt ad finem; licet respectu ultimi
finis necessitatem habeat. # 10. Bien que Dieu opиre dans la mesure oщ il est bon, et que sa bontй
soit nйcessairement en lui, il n'en dйcoule cependant pas qu'il opиre par
nйcessitй. Car la bontй opиre par l'intermйdiaire de la volontй, dans la mesure
oщ elle en est l'objet ou la fin; mais la volontй ne se comporte pas
nйcessairement pour ce qui concerne la fin, bien qu'elle soit nйcessaire par
rapport а la fin ultime.
q. 3 a. 15 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod quantum ad id quod in ipso Deo est, non potest attendi
aliqua possibilitas, sed sola necessitas naturalis et absoluta; respectu vero
creaturae potest ibi considerari possibilitas, non secundum potentiam passivam,
sed secundum potentiam activam, quae non limitatur ad unum. # 11. Quant а ce qui est en Dieu lui-mкme, on ne peut atteindre aucune
possibilitй, mais la seule nйcessitй naturelle et absolue; mais par rapport а
la crйature, on peut y considйrer la possibilitй, non selon la puissance
passive, mais selon la puissance active qui n'est pas limitйe а un seul objet.
q. 3 a. 15 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod si Deus hoc modo suam bonitatem negaret quod aliquid
contra suam bonitatem faceret, vel in quo sua bonitas non exprimeretur,
sequeretur per impossibile quod negaret se ipsum. Non autem hoc sequeretur, si
etiam nulli bonitatem suam communicaret. Suae enim bonitati nihil deperiret, si
communicata non esset. # 12. Si Dieu reniait sa bontй de cette maniиre en faisant quelque
chose contre elle, ou quelque chose en quoi sa bontй ne serait pas exprimйe, il
en dйcoulerait par impossible, qu'il se renierait lui-mкme. Mais cette
consйquence n'existerait pas, s'il ne communiquait sa bontй а personne. Car
rien ne manquerait а sa bontй si elle n'йtait pas communiquйe[22].
q. 3 a. 15 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet ipsum verbum Dei naturaliter a patre
oriatur, non tamen oportet quod creaturae naturaliter procedant a Deo. Hoc autem modo pater verbo suo creaturas dicit sicut
in ipso patre sunt; in quo quidem sunt non ut per necessitatem producendae, sed
per voluntatem. # 13. Bien que le Verbe de Dieu lui-mкme naisse du Pиre naturellement,
il ne faut cependant pas que les crйatures procиdent de Dieu naturellement. Par
ce moyen, le Pиre dit les crйatures а son Verbe, comme elles sont en lui. Elles
n'y sont pas pour кtre produites par nйcessitй, mais par volontй.
q. 3 a. 15 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod communicatio bonitatis non est ultimus finis, sed
ipsa divina bonitas, ex cuius amore est quod Deus eam communicare vult; non
enim agit propter suam bonitatem quasi appetens quod non habet, sed quasi
volens communicare quod habet: quia agit non ex appetitu finis, sed ex amore
finis. # 14. La communication de la bontй n'est pas la fin ultime, mais c'est
la bontй divine elle-mкme (qui est la fin). Par son amour Dieu veut la
communiquer; car il n'agit pas а cause de sa bontй comme s'il dйsirait ce qu'il
n'a pas, mais comme voulant communiquer ce qu'il a; parce qu'il agit non par
dйsir de la fin, mais par amour de celle-ci.
q. 3 a. 15 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod sicut in Deo nihil est nisi bonum, ita in eo
nihil est nisi necessarium. Non tamen oportet quod quidquid est ab eo, procedat
per necessitatem. # 15. En Dieu il n'y a rien que le bien; de mкme en lui, il n'y a rien
que le nйcessaire. Il ne faut cependant pas que ce qui vient de lui procиde par
nйcessitй.
q. 3 a. 15 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod voluntas Dei, sicut dictum est, in corp. art.,
naturaliter fertur in suam bonitatem; unde non potest velle nisi id quod est ei
conveniens, scilicet bonum; non tamen determinatur ad hoc vel illud bonum; et
ideo non oportet quod bona quae sunt, ab eo procedant per necessitatem. # 16. La volontй de Dieu, comme on l'a dit, dans le corps de l'article,
est portйe naturellement а sa bontй; c'est pourquoi il ne peut vouloir que ce
qui lui convient, а savoir le bien; cependant il n'est pas dйterminй а ce bien
ou а celui-lа et c'est pourquoi il ne faut pas que le bien qui existe procиde
de lui par nйcessitй.
q. 3 a. 15 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod licet eadem natura sit patris et filii et
spiritus sancti, non tamen eumdem modum existendi habet in tribus, et dico
modum existendi secundum relationem. In patre enim est ut non accepta ab alio,
in filio vero ut a patre accepta; unde non oportet quod quidquid convenit patri
virtute naturae suae, conveniat filio vel spiritui sancto.
# 17. Bien que le Pиre, le Fils et l'Esprit Saint soient d'une mкme
nature, cependant elle n'a pas le mкme mode d'existence dans les trois; et je
parle du mode d'existence selon la relation. Car dans le Pиre, la nature n'est
pas reзue d'un autre, dans le Fils, elle est reзue du Pиre, c'est pourquoi il
ne faut pas que ce qui convient au Pиre par le pouvoir de sa nature, convienne
au Fils et а l'Esprit Saint.
q. 3 a. 15 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod effectus sequitur ab actione secundum modum
principii agendi; unde cum per modum intelligendi, actionis divinae principium,
prout respicit creaturam, consideretur divina voluntas quae ad creaturam non
habet necessariam habitudinem, non oportet quod creatura procedat a Deo per
necessitatem naturae, licet ipsa actio sit Dei essentia vel natura. # 18. L'effet procиde de l'action а la maniиre d'un principe d'action;
c'est pourquoi, comme par la maniиre de le comprendre, le principe de l'action
divine, selon qu'il regarde la crйature, est considйrй comme volontй divine,
qui n'a pas de relation nйcessaire а la crйature, il ne faut pas que la
crйature procиde de Dieu par nйcessitй de nature, bien que l'action elle-mкme
soit son essence ou sa nature.
q. 3 a. 15 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod creatura assimilatur Deo quantum ad generales
conditiones, non autem quantum ad modum participandi. Alio enim modo, esse est
in Deo et in creatura, et similiter bonitas. Unde licet a primo bono sint omnia
bona, et a primo ente sint omnia entia, non tamen a summo bono sunt omnia summe
bona, nec ab ente necessario sunt omnia per necessitatem. # 19. La crйature ressemble а Dieu pour les conditions gйnйrales, mais
non pour la maniиre de participer. Car, l'кtre est en Dieu d'une autre maniиre
que dans la crйature, et il en est de mкme pour sa bontй. C'est pourquoi, bien
que tous les biens viennent du premier Bien, et tous les кtres du premier Etre,
tout ce qui est suprкmement bon ne vient pas du Bien suprкme, et tout ce qui
est par nйcessitй ne vient pas de l'Etre nйcessaire.
q. 3 a. 15 ad 20 Ad
vigesimum dicendum, quod voluntas Dei est eius essentia; unde hoc quod agit per
voluntatem non removet quin per essentiam suam agat. Non enim est voluntas Dei
aliqua intentio addita divinae essentiae, sed ipsa essentia. # 20. La volontй de Dieu est son essence; c'est pourquoi ce qu'il fait
par volontй n'empкche pas qu'il agisse par son essence. Car la volontй de Dieu
n'est pas un intention ajoutйe а l'essence divine, mais son essence elle-mкme.
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[1] Parall.: Ia, qu. 19, a. 4 –
CG. II, 23 - I Sent. d43q2, a. 1 – d45a3 – Pot. qu. 1, a. 5.
[2]
Thomas, lectio 1, , Thomas n° 270-271. Ce texte se trouve citй en I Sent.,
d43qu2a1, Ia, qu. 19, a. 1, obj. 1.
[3]
"Ce qui est par essence est premier dans n'importe quel ordre des choses,
comme dans le genre des choses ignйes est premier ce qui est feu par essence."
Dieu est premier agent donc il est agent par son essence qui est sa nature.
Donc il n'agit par nature mais non par volontй" Ia, qu. 19, a. 4, obj. 2.
L'argument est attribuй а Denys en II Sent., d43q2a1, obj. 2
[4]
Aristote, n° 282, Thomas, lectio. 5, n° 446. "Ajoutons encore que la
volontй concerne surtout le but et le choix, les moyens de l'atteindre."
[5]
"sans fin". Voir dйfinition de l'infini en I, 2. Il ne peut y avoir
confusion (voulue). la fin peut кtre le terme de l'кtre. Et donc Dieu n'a pas
de fin, mais autre sens la finalitй. Dieu n'est pas finalisй. C'est lui qui est
la fin de tout. La confusion sera levйe par la solution.
[6]
"Tout кtre, disons-nous, ou bien existe toujours et nйcessairement (il ne
s'agit pas de la nйcessitй, au sens de contrainte, mais de cette nйcessitй а
laquelle nous faisons appel dans la dйmonstration) ou bien est ce qui arrive le
plus souvent, ou bien n'est ni ce qui arrive le plus souvent, ni ce qui est
toujours et nйcessairement, mais ce qui arrive n'importe comment." (Trad.
J. Tricot)
[7]
AR n° 418: "Le nйcessaire est aussi le contraint et le forcй, c'est-а-dire
ce qui, contre l'impulsion et le choix dйlibйrй, fait obstacle et empкchement.
(Trad. J. Tricot)
[8]
L'objecteur dйmontre qu'il y a de la nйcessitй en Dieu:
a.
Pas de contingence. Dieu est immuable (ce qui est contingent est ou n'est pas
suivant les йpoques).
b.
Il n'est pas nйcessaire par contrainte.
c.
Par de nйcessitй sous condition: une nйcessitй qui viendrait de l'extйrieur. Mйtaphysique V, 5, 1015 b 10. "Parmi
les choses nйcessaires, les unes ont en dehors d'elles la cause de leur
nйcessitй, les autres l'ont en elles-mкmes et sont les sources des nйcessitйs
des autres choses."
[9]
Argument dйjа employй en Pot. 1, 3, а propos des promesses de Dieu et de la
vйritй.
[10]
"S'il se dit lui-mкme et dit ce qu'il fait а son Verbe consubstantiel, il
est йvident qu'il n'y a qu'une seule substance du verbe par lequel il se dit et
du verbe par lequel il dit la crйature."
[11]
"En tout semblable et йgal au Pиre."
[12]
En I Sent. d43q2a1, Sed contra: il s'appuie sur Aristote. Ce qui dйpend de la
nйcessitй de la nature est un. Donc il n'y aurait qu'un effet, ce qui est faux
et contraire а la foi. Autre argument: l'agent par nйcessitй produit un effet
dans une mкme durйe (coaevum). Donc le monde serait coйternel.
[13]
Cette premiиre raison est dйjа dйveloppйe en Pot. qu. 1, a. 5, c. Cf. CG. II,
23, § 5.
[14]
Quelles sont ces premiиres crйatures? Les corps cйlestes?
[15]
In Thomas 135 (45), Thomas n° 204.
[16]
Dйjа exposй en Pot. 3, 13 c. Voir Ia, qu. 47, a. 1, c.
[17]
Ce texte supporte plusieurs interprйtations. Thomas lui-mкme l'admet Super
Ioannem, lectura I, III, n° 89 , 94: les exйgиtes se demandent s'il faut liйs quod
factum est а in ipso vita erat. (Pot 5, 3 – 9, 9 – 10, 1 c – Ia, 18 3 ad 1 –Mйtaphysique IX, 8, 1050 a 23. lectio I
n° 1862- 6. Il s'agit des idйes en Dieu.
[18]
Seules ces trois premiиres raisons sont reprises plus briиvement, en Ia, qu.
19, a. 4, c.
[19]
Elle se retrouve en CG. II, 23, § 5.
[20]
Les Noms divins, 4, 1, Thomas, n° 271: "L'кtre du soleil n'est pas son
intellection ou son vouloir, mкme s'il avait un intellect et une volontй...
mais l'кtre divin est son intellection et son vouloir, et c'est pourquoi ce
qu'il fait par son кtre, il le fait par l'intellect et la volontй."
[21]
Les anciens considйraient que l'infini йtait ce qui йtymologiquement n'est pas
fini. Voir question sur l'infini, Pot. Qu. 1, a. 2.
[22]
Ia, qu. 19, a. 3, c. "La bontй de Dieu est parfaite, rien ne l'augmente.
Donc il ne veut pas les crйatures par nйcessitй absolue, mais par nйcessitй
conditionnelle." Cf. CG. I, 81.
Article 16: La pluralitй peut-elle procйder d'un premier кtre unique?
q. 3
a. 16 tit. 1 Decimosexto quaeritur utrum ab uno primo possit procedere
multitudo. Et videtur quod non. Il semble que non[1].
Objections. q. 3 a. 16 arg. 1
Sicuti enim Deus est per se bonum, et per consequens summum bonum; ita est per
se et summe unum. Sed ab eo in quantum
est bonum, non potest procedere nisi bonum. Ergo nec ab eo
procedere potest nisi unum. 1. Car de mкme que Dieu est bon en soi, et par consйquent le Bien
suprкme, de mкme, il est par soi souverainement un. Mais de lui en tant qu'il
est bon, ne peut provenir que le bien. Donc de lui ne peut venir qu'un
effet[2].
q. 3 a. 16 arg. 2
Praeterea, sicut bonum convertitur cum ente, ita et unum. Sed in his quae sunt entia, oportet attendi
assimilationem creaturae ad Deum, ut supra, art. praeced., dictum est. Ergo
sicut in bonitate, ita et in unitate oportet Deo creaturam assimilari, ut
scilicet sit una ab uno. 2. Le bien est convertible avec l'кtre, l'un aussi[3]. Mais, dans ce
que sont les кtres, il faut considйrer la ressemblance de la crйature а Dieu,
comme on l'a dit ci-dessus (a. 15). Donc dans la bontй comme dans l'unitй, il
faut que la crйature ressemble а Dieu, а savoir qu'elle soit une а partir de
l'un.
q. 3 a. 16 arg. 3
Praeterea, sicut bonum et malum opponuntur privative, si communiter
accipiantur, licet sint contraria, prout sunt habituum differentiae; ita unum
et multa opponuntur privative, ut patet in X Metaph. Sed malitiam nullo modo dicimus a Deo procedere, sed ex defectu causarum
secundarum eam incidere. Ergo nec debet poni quod multitudinis
Deus sit causa.
3. Le bien et le mal sont opposйs dans le particulier; si on les
considиre en commun, bien qu'ils soient contraires, alors ce sont des
diffйrences de maniиre d'кtre; de la mкme maniиre l'un et le multiple sont
opposйs[4], si on les prend dans le particulier, comme cela paraоt en Mйtaphysique, (X, 1056 b 32[5]). Mais en
aucune maniиre, nous disons que le mal procиde de Dieu, mais il vient de la
dйfaillance des causes secondes. Donc on ne doit pas penser que Dieu soit la
cause de la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 4
Praeterea, oportet proportionaliter accipere causas et causata, quia videlicet
singularia sunt causa singularium, et universalia universalium, ut patet per
philosophum. Sed Deus est causa maxime universalis. Ergo suus proprius effectus
est effectus maxime universalis, scilicet esse. Sed ex hoc quod res habent esse
non est multitudo, cum multitudinis sit causa diversitas vel differentia. In
esse vero omnia conveniunt. Ergo multitudo non est a Deo; sed ex causis
secundis, ex quibus causantur particulares rerum conditiones, secundum quas
etiam differunt.
4. Il faut concevoir les causes proportionnellement а leurs effets,
parce qu'il est йvident que les singuliers sont causes des singuliers et les
universels causes des universels, comme cela paraоt chez le Philosophe (Physique, II, 3, 195 b 25[6]). Mais Dieu
est la cause absolument universelle. Donc son effet propre est l'effet le plus
universel, а savoir l'кtre. Mais le fait d'avoir l'кtre pour les choses, ce
n'est pas la pluralitй, puisque la diversitй ou la diffйrence en sont la cause.
Mais tout se rencontre dans l'кtre. Donc la pluralitй ne vient pas de Dieu,
mais des causes secondes, qui йtablissent les conditions particuliиres des
choses, selon lesquelles elles diffиrent.
q. 3 a. 16 arg. 5
Praeterea, uniuscuiusque effectus est aliquam propriam causam accipere. Sed
impossibile est unum esse proprium multorum. Ergo impossibile est quod unum sit
causa multitudinis. 5. Le propre de chaque effet est d'accueillir une cause qui lui est
particuliиre. Mais il est impossible que l'un soit le propre du multiple. Donc
il est impossible que l'un soit la cause de la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 6 Sed dices, quod hoc tenet in
causis naturalibus, non in causis voluntariis.- Sed contra, artifex est causa
artifici per voluntatem. Procedit autem artificiatum ab artifice secundum
propriam formam illius artificiati, quae est in artifice. Ergo
etiam in voluntariis effectus quilibet requirit propriam causam. 6. Mais on pourrait dire que cela arrive dans les causes naturelles,
mais pas dans les causes volontaires.– En sens contraire, l'artisan est la
cause de son oeuvre par volontй. L'oeuvre procиde de l'artisan selon la forme
propre de cet art qui est en lui. Donc, mкme dans ce qui est volontaire, un
effet quelconque requiert sa cause propre.
q. 3 a. 16 arg. 7
Praeterea, oportet esse conformitatem inter causam et effectum. Sed Deus est
omnino unus et simplex. Ergo in creatura, quae est eius effectus, nec multitudo
nec compositio debet inveniri. 7. Il faut une conformitй entre la cause et l'effet. Mais Dieu est tout
а fait un et simple. Donc, dans la crйature, qui est son effet, on ne doit
trouver ni pluralitй, ni composition.
q. 3 a. 16 arg. 8
Praeterea, diversorum agentium non potest esse idem effectus immediate. Sed
sicut causa appropriatur effectui, ita effectus causae. Ergo nec eiusdem causae
possunt esse plures immediate effectus; et sic idem quod prius. 8. Il ne peut y avoir directement un effet identique qui vient d'agents
divers. Mais de mкme que la cause est appropriйe а l'effet, l'effet l'est aussi
а la cause. Donc plusieurs effets ne peuvent venir directement de la mкme
cause, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 16 arg. 9
Praeterea, in Deo est eadem potentia generandi, spirandi et creandi. Sed
potentia generandi non est nisi ad unum, similiter nec potentia spirandi: quia
in Trinitate non potest esse nisi unus filius et unus spiritus sanctus. Ergo et
potentia creandi terminatur tantum ad unum. 9. En Dieu, il y a une mкme puissance pour engendrer, spirer et crйer.
Mais la puissance d'engendrer n'est que pour un seul, de mкme pour la puissance
de spirer: parce que, dans la Trinitй, il ne peut y avoir qu'un Fils unique et
un seul Esprit Saint. Donc la puissance de crйer s'achиve а l'un seulement.
q. 3 a. 16 arg. 10
Sed dices, quod universitas creaturarum est quodammodo unum secundum ordinem.
Sed contra, effectum oportet assimilari causae. Sed unitas Dei non est unitas
ordinis, quia in Deo non est prius nec posterius, nec superius et inferius.
Ergo non sufficit unitas ordinis ad hoc quod ab uno Deo plura possint educi.
10. Mais on pourrait dire que l'universalitй des crйatures est d'une
certaine maniиre l'un en son ordre.– En sens contraire, il faut que l'effet
ressemble а la cause. Mais l'unitй de Dieu n'est pas une unitй d'ordre, parce
qu'en lui, il n'y a ni avant ni aprиs, ni supйrieur ni infйrieur. Donc l'unitй
de l'ordre ne suffit pas pour que du Dieu unique puisse sortir une pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 11
Praeterea, unius simplicis non est nisi una actio. Sed ab una actione non est
nisi unus effectus. Ergo ab uno simplici non potest procedere nisi unus
effectus. 11. De l'un absolu ne dйcoule qu'une action. Mais par une action, il
n'y a qu'un seul effet. Donc de ce qui est un et simple ne peut procйder qu'un
seul effet.
q. 3 a. 16 arg. 12
Praeterea, creatura procedit a Deo, non solum sicut effectus a causa
efficiente, sed etiam sicut exemplatum ab exemplari. Sed unius exemplati est
unum exemplar proprium. Ergo a Deo non potest procedere nisi una creatura. 12. La crйature procиde de Dieu, non seulement comme l'effet de la
cause efficiente, mais aussi comme l'image de l'exemplaire[7]. Mais pour une
seule image, il n'y a qu'un seul modиle propre. Donc de Dieu ne peut procйder
qu'une crйature.
q. 3 a. 16 arg. 13
Praeterea, Deus est causa rerum per intellectum. Agens autem per intellectum
agit per formam sui intellectus. Cum igitur in divino intellectu non sit nisi
una forma, videtur quod ab eo non possit procedere nisi una creatura. 13. Dieu est la cause des crйatures par son esprit[8]. Mais l'agent qui
agit par l'intellect agit par la forme de celui-ci. Donc comme dans l'intellect
divin, il n'y a qu'une forme unique, il semble que de lui ne peut procйder
qu'une seule crйature.
q. 3 a. 16 arg. 14
Sed dices, quod licet forma divini intellectus sit una secundum rem, quae est
eius essentia, tamen attenditur ibi quaedam pluralitas secundum diversos
respectus ad creaturas diversas; et sic est ibi pluralitas rationis. Sed
contra, aut isti respectus plures sunt in intellectu divino, aut sunt solum in ratione
nostra. Si primo modo, ergo sequitur quod in intellectu divino erit pluralitas
et non summa simplicitas. Si secundo modo, sequitur quod Deus non producat
creaturas diversas nisi mediante ratione nostra: ex quo oportet quod diversas
creaturas producat per diversos respectus ad creaturas qui non sunt nisi in
ratione nostra; et sic habetur propositum, scilicet quod a Deo immediate non
procedat multitudo.
14. Mais on pourrait dire que, bien que la forme de l'intellect divin
qui est son essence, soit unique en rйalitй, cependant on atteint lа une
certaine pluralitй selon les rapports divers avec des crйatures diverses; et
ainsi il y a une pluralitй de raison. – En sens contraire, ces relations sont
plusieurs dans l'esprit divin, ou bien elles sont seulement en notre raison.
Dans le premier cas, il dйcoule donc que, dans l'esprit divin, il y aura une
pluralitй et non une totale simplicitй. Dans le second, il en dйcoule que Dieu
ne produit des crйatures diffйrentes que par l'intermйdiaire de notre raison; а
partir de lа, il faut qu'il produise diverses crйatures par divers rapports aux
crйatures qui ne sont que dans notre raison; et ainsi on a cette affirmation
que la pluralitй ne procиde pas directement de Dieu.
q. 3 a. 16 arg. 15
Praeterea, Deus per apprehensionem intellectus sui res in esse producit. Sed in
eo non est nisi una apprehensio: quia suus intellectus est eius essentia, quae
est una. Ergo non producit nisi unam creaturam. 15. Dieu par la saisie de son esprit amиne les choses а l'кtre. Mais en
lui il n'y a qu'une seule saisie, parce que son esprit est son essence, qui est
une. Donc il ne produit qu'une unique crйature.
q. 3 a. 16 arg. 16
Praeterea, illud quod non habet esse nisi in ratione, non est creatum a Deo:
quia huiusmodi videntur esse quaedam vana, ut Chimaera, et huiusmodi. Sed
multitudo non est nisi in ratione: significatur enim per abstractionem a multis
quod in rerum natura non invenitur. Ergo Deus non est causa multitudinis. 16. Ce qui n'a l'кtre qu'en raison n'a pas йtй crйй par Dieu; parce que
certains кtres de ce genre paraissent vains comme la chimиre, etc.. Mais la
pluralitй n'existe qu'en raison; car elle est signifiйe par l'abstraction а
partir d'une multiplicitй qu'on ne trouve pas dans la nature. Donc Dieu n'en
est pas la cause.
q. 3 a. 16 arg. 17
Praeterea, secundum Platonem, optimi est optima adducere. Sed optimum non
potest esse nisi unum. Cum igitur Deus sit optimus, ab eo non potest produci
nisi unum. 17. Selon Platon (Le Timйe),
c'est au meilleur de causer le meilleur. Mais le meilleur ne peut кtre
qu'unique. Donc comme Dieu est le meilleur, il n'y a qu'un кtre qui puisse кtre
produit par lui.
q. 3 a. 16 arg. 18
Praeterea, unusquisque agens propter finem, facit effectum suum propinquiorem
fini quantum potest. Sed Deus producendo creaturam ordinat eam in finem. Ergo
facit eam propinquissimam fini quantum potest. Sed hoc non potest nisi uno modo
fieri. Ergo Deus non producit nisi unam creaturam. 18. Celui qui agit pour une fin, produit son effet le plus proche qu'il
peut de cette fin. Mais Dieu, en produisant la crйature, l'ordonne а sa fin.
Donc il la crйe la plus proche qu'il peut de la fin. Mais ce ne peut кtre fait
que d'une seule maniиre. Donc Dieu ne produit qu'une crйature.
q. 3 a. 16 arg. 19
Praeterea, iniustum est quod aliquis inaequalia aliquibus tribuat, nisi aliqua
inaequalitate circa eos praecedente, vel meritorum, vel quarumcumque
conditionum diversarum. Sed operationem divinam non praecedit aliqua diversitas;
alias ipse non esset prima causa omnium. Ergo in prima rerum creatione non
dedit creaturis inaequalia dona. Sed diversitas creaturarum et multitudo
attenditur secundum hoc quod plus vel minus recipiunt de donis divinis, ut
patet in IV cap. Cael. Hierar. Ergo in prima rerum creatione Deus multitudinem
non produxit. 19. Il est injuste d'attribuer des dons inйgaux а certains, sinon а
cause d'une inйgalitй qui prйcиde les mйrites ou de diverses conditions. Mais
il n'y a pas de diversitй qui prйcиde l'opйration divine, autrement il ne
serait pas la cause premiиre de tout. Donc dans la premiиre crйation, il n'a
pas fait de dons inйgaux aux crйatures. Mais la diversitй des crйatures et la
pluralitй sont atteintes selon ce qu'elles reзoivent en plus ou en moins, comme
cela paraоt au chapitre 4 de La
hiйrarchie cйleste (P.G. 177 c). Donc dans la premiиre crйation, Dieu n'a
pas produit la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 20
Praeterea, Deus creaturis communicat suam bonitatem quantum capaces sunt. Sed
natura superiorum creaturarum capax fuit huiusmodi perfectionis et dignitatis,
ut essent causae inferiorum creaturarum. Id enim quod est perfectius, potest
agere in id quod est eo imperfectius, et communicare ei suam perfectionem. Ergo
videtur quod Deus creaturas inferiores mediantibus superioribus produxit; et
ita ipse immediate non produxit nisi unam creaturam aliis superiorem,
quaecumque sit illa.
20. Dieu communique sa bontй а ses crйatures autant qu'elles sont
capables [de la recevoir]. Mais la nature des crйatures supйrieures a йtй
capable d'une telle perfection et d'une telle dignitй, d'кtre cause des
crйatures infйrieures. Car ce qui est plus parfait peut agir sur ce qui l'est
moins que lui et lui communiquer sa perfection. Donc il semble que Dieu a
produit les crйatures infйrieures par l'intermйdiaire des crйatures supйrieures,
et ainsi lui-mкme n'a produit immйdiatement qu'un seule crйature supйrieure aux
autres, quelle qu'elle soit[9].
q. 3 a. 16 arg. 21
Praeterea, quanto aliquae formae sunt magis immateriales, tanto sunt magis
activae, utpote magis a potentia separatae; unumquodque enim agit secundum quod
est in actu, non secundum quod est in potentia. Sed formae rerum quae sunt in
mente Angeli, sunt magis immateriales quam formae quae sunt in rebus
naturalibus. Cum ergo formae naturales sint causae formarum sibi similium,
videtur quod multo fortius formae quae sunt in mente Angeli, produxerint formas
rerum naturalium sibi similes. Diversitas autem rerum, et per consequens
multitudo, est ex forma. Ergo videtur quod
multitudo non processerit a Deo nisi mediantibus superioribus creaturis.
21. Plus certaines formes sont immatйrielles, plus elles sont actives,
comme plus йloignйes de la puissance. Car chacune agit selon qu'elle est en
acte, non selon qu'elle est en puissance. Mais les formes des choses qui sont
dans l'esprit de l'ange sont plus immatйrielles que celles qui sont dans les
choses naturelles. Donc comme les formes naturelles sont causes de formes qui
leur sont semblables, il semble que celles qui sont dans l'esprit de l'ange ont
avec plus de force produit les formes naturelles qui leur sont semblables. Mais
la diversitй des choses et par consйquent la pluralitй, vient de la forme. Donc
il semble que la pluralitй n'a procйdй de Dieu que par l'intermйdiaire des
crйatures supйrieures.
q. 3 a. 16 arg. 22
Praeterea, quidquid Deus facit, est unum. Ergo ab eo non est nisi unum; et ita
ipse non erit causa multitudinis. 22. Tout ce que Dieu fait est un. Donc, de lui, ne vient que l'un et
ainsi il ne sera pas cause de la pluralitй.
q. 3 a. 16 arg. 23
Praeterea, Deus non intelligit nisi unum: quia nihil intelligit extra se, ut
probatur in XII Metaph. Sed ipse est causa rerum per intellectum suum. Ergo
ipse non causat nisi unum.
23. Dieu n'a qu'une pensйe, parce qu'il ne pense rien hors de lui,
comme on le prouve en Mйtaphysique,(XII,
9, 1074 b 34[10]). Mais lui-mкme est cause des crйatures par son esprit. Donc
il n'est cause que d'une (crйature).
q. 3 a. 16 arg. 24
Praeterea, Anselmus dicit, quod creatura in Deo est creatrix essentia. Sed creatrix essentia est tantum una. Ergo et creatura in Deo est tantum
una. Sed hoc modo creatur creatura a Deo secundum
quod in ipso praecessit. Ergo a Deo non est nisi una tantum
creatura; et sic a Deo non procedit multitudo. 24. Anselme (Monologium ch.
VIII) dit que l'essence crйatrice est crйature en Dieu[11]. Mais elle n'est
qu'une. Donc la crйature aussi est seulement une en Dieu. Mais de cette
maniиre, la crйature est causйe par Dieu selon qu'elle existe auparavant en
lui. Donc par Dieu il n'y a qu'une seule crйature. Et ainsi la pluralitй ne
procиde pas de Dieu.
En sens contraire: q. 3 a. 16 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Sapient. cap. XI, 21: omnia in numero et pondere
et mensura disposuisti, domine. Sed numerus non est sine multitudine. Ergo a
Deo procedit multitudo. 1. On lit en Sg. 11, 21: "Tu as tout disposй, Seigneur, en nombre,
poids et mesure." Mais il n'y a pas de nombre sans pluralitй. Donc
celle-ci procиde de Dieu.
q. 3 a. 16 s. c. 2
Praeterea, virtus Dei praecedit virtutem cuiuslibet alterius rei. Sed unum
punctum potest esse principium multarum linearum. Ergo sic Deus, quamvis sit
unus, potest esse principium creaturarum multarum. 2. Le pouvoir de Dieu prйcиde celui de n'importe quelle chose. Mais un
seul point peut кtre le principe de nombreuses lignes. Donc, quoique Dieu soit
un, il peut кtre le principe de nombreuses crйatures.
q. 3 a. 16 s. c. 3
Praeterea, illud quod est proprium uni in quantum est unum, maxime competit ei
quod est maxime unum. Sed proprium est unitatis quod sit multitudinis
principium. Ergo hoc maxime competit Deo quod est summe unum, quod ab eo
multitudo procedat. 3. Ce qui est propre а une chose, en tant qu'unitй, convient tout а
fait а ce qui est tout а fait un. Mais le propre de l'unitй est d'кtre le
principe de la pluralitй. Donc il convient parfaitement а Dieu d'кtre l'Un
suprкme, parce que de lui procиde la multiplicitй.
q. 3
a. 16 s. c. 4 Praeterea, Boetius dicit in principio arithmeticae, quod secundum
exemplar numeri Deus res in esse produxit. Sed exemplatum
exemplari conformatur. Ergo produxit res sub multitudine et numero. 4. Boиce dit au dйbut de l'Arithmйtique (ch. 2), que Dieu a amenй les
choses а l'кtre selon l'exemplaire du nombre. Mais l'image est conforme а
l'exemplaire. Donc il a produit les choses sous la pluralitй et le nombre.
q. 3 a. 16 s. c. 5
Praeterea, in Psal. CIII, 24, dicitur: omnia in sapientia fecisti. Sed cum
sapientis sit ordinare, oportet ea quae per sapientiam fiunt, ordinem habere,
et per consequens multitudinem. Ergo rerum multitudo a Deo processit. 5. Dans le Ps. 103, 24, on dit: "Tu as tout fait avec sagesse".
Mais comme le propre de la sagesse c'est d'ordonner, il faut que ce qui est
fait avec sagesse, ait l'ordre et par consйquent la pluralitй. Donc celle-ci
provient de Dieu.
Rйponse: q. 3 a. 16 co Respondeo.
Dicendum, quod multa non posse procedere ab uno principio immediate et proprie,
videtur esse ex determinatione causae ad effectum, ex qua videtur debitum et
necessarium ut si est talis causa, talis effectus proveniat. Causae autem sunt
quatuor, quarum duae, scilicet materia et efficiens, praecedunt causatum,
secundum esse internum; finis vero etsi non secundum esse, tamen secundum
intentionem; forma vero neutro modo, secundum quod est forma; quia cum per eam
causatum esse habeat, esse eius simul est cum esse causati; sed in quantum
etiam ipsa est finis, praecedit in intentione agentis. Et quamvis forma sit
finis operationis, ad quem operatio agentis terminatur, non tamen omnis finis
est forma. Est enim aliquis finis intentionis praeter finem operationis, ut
patet in domo. Nam forma eius est finis terminans operationem aedificatoris;
non tamen ibi terminatur intentio eius, sed ad ulteriorem finem, quae est
habitatio; ut sic dicatur, quod finis operationis est forma domus, intentionis
vero habitatio. Que beaucoup de choses ne puissent procйder d'un seul principe
immйdiatement et en propre, cela semble venir de la limitation de la cause par
l'effet; par elle il semble nйcessaire que, s'il y a telle cause, il en
provienne tel effet. Les causes sont au nombre de quatre, dont deux,
c'est-а-dire la cause matйrielle et la cause efficiente, prйcиdent l'effet
selon l'кtre interne. Mais la fin, mкme si elle ne concerne pas l'кtre,
concerne l'intention; la forme (ne la concerne) en aucune maniиre, en tant que
telle, parce que, comme l'кtre est causй par elle, elle existe en mкme temps
que l'кtre de l'effet; mais dans la mesure mкme oщ elle-mкme est la fin, elle
est avant dans l'intention de l'agent. Et quoique la forme soit la fin de
l'opйration, а laquelle celle de l'agent se termine, toute fin n'est pas une
forme. Car il y a une fin de l'intention au delа de la fin de l'opйration,
comme cela paraоt dans une maison. Car sa forme est la fin qui termine
l'opйration du bвtisseur; cependant son intention ne se termine pas lа, mais а
une fin ultйrieure qui est l'habitation; de sorte qu'on dit que la fin de
l'opйration est la forme de la maison, mais celle de son intention c'est
l'habitation.
Debitum igitur essendi tale causatum non potest esse ex
forma in quantum est forma, quia sic concomitatur causatum; sed vel ex virtute
causae efficientis, vel ex materia vel ex fine, sive sit finis intentionis,
sive finis operationis. Non potest autem dici in Deo, quod effectus eius habeat
debitum essendi ex materia. Nam cum ipse sit totius esse auctor, nihil quolibet
modo esse habens praesupponitur eius actioni, ut sic ex dispositione materiae
necesse sit dicere talem vel talem eius esse effectum. Similiter nec ex
potentia effectiva. Nam cum eius activa potentia sit infinita, non terminatur
ad unum nisi ad id quod esset aequale sibi, quod nulli effectui competere
potest.
Un tel effet nйcessaire de l'кtre ne peut venir de la forme en tant que
telle, parce que, ainsi, elle accompagne l'effet; mais [il peut venir] du
pouvoir de la cause efficiente, de la matiиre ou de la fin, soit que ce soit la
fin de l'intention ou la fin de l'opйration. Mais on ne peut pas dire qu'en
Dieu son effet a un dы d'кtre de la matiиre[12]. En effet, comme lui-mкme est
auteur de tout l'кtre, rien ayant l'кtre de quelque maniиre n'est prйsupposй а
son action, de sorte qu'ainsi, par la disposition de la matiиre, il soit
nйcessaire de dire que son effet est tel ou tel. De la mкme maniиre, il ne peut
venir de la puissance effective (efficiente) non plus. Car comme sa puissance
active est infinie, elle ne se termine а l'un que pour ce qui lui serait йgal,
ce qui ne peut convenir а aucun effet.
Unde, si inferiorem sibi effectum producere sit necesse,
potentia sua, quantum in se est, non terminatur ad hunc vel illum distantiae
gradum, ut sic debitum sit ex ipsa virtute activa talem vel talem effectum
produci. C'est pourquoi, s'il est nйcessaire de produire un effet qui lui soit
infйrieur, sa puissance, pour ce qui est d'elle, ne se finit pas а telle ou
telle distance, de sorte а кtre obligйe de produire tel ou tel effet. par son
pouvoir actif.
Similiter nec ex fine intentionis. Hic enim finis est divina
bonitas, cui nihil accrescit ex effectuum productione. Nec iterum per effectus
potest totaliter repraesentari vel eis totaliter communicari, ut sic possit
dici, quod debitum sit talem vel talem Dei effectum esse, ut totaliter divinam
bonitatem participet, sed possibile est effectum multis modis eam participare;
unde nullius eorum necessitas est ex fine. Sic ex fine necessitas sumitur,
quando intentio finis compleri non potest vel omnino, vel inconvenienter, nisi
hoc vel illo existente.
De la mкme maniиre, cela ne vient pas de la fin intentionnelle. Car
cette fin est la bontй divine qui n'est en rien accrue par la production des
effets. Et en plus par les effets il ne peut кtre reprйsentй totalement ou
communiquй totalement а eux, de sorte qu'on puisse dire qu'il est nйcessaire
qu'il y ait tel ou tel effet pour recevoir en totalitй la bontй divine, mais il
est possible que l'effet la reзoive de nombreuses maniиres. C'est pourquoi la
nйcessitй d'aucun d'eux ne vient de la fin. Ainsi la nйcessitй vient de la fin
quand son intention ne peut кtre accomplie, ou totalement ou d'une maniиre
inconvenante, que par l'existence de ceci ou cela.
Relinquitur igitur quod debitum in operibus divinis esse non
potest nisi ex forma, quae est finis operationis. Ipsa enim cum non sit
infinita, habet determinata principia, sine quibus esse non potest; et
determinatum modum essendi, ut si dicamus, quod supposito quod Deus intendat
hominem facere, necessarium est et debitum quod animam rationalem ei conferat
et corpus organicum, sine quibus homo esse non potest. Et similiter possumus
dicere in universo. Quod enim Deus tale universum constituere voluerit, non est
necessarium neque debitum, neque ex fine neque ex potentia efficientis, neque
materiae, ut ostensum est.
Il reste donc que ce qui est dы dans les oeuvres divines ne peut
exister que de la forme qui est la fin de l'opйration. En effet, comme elle
n'est pas infinie, elle possиde des principes dйterminйs, sans lesquels elle ne
peut exister; et un mode dйterminй d'кtre, comme si on disait que, supposй que
Dieu ait l'intention de faire un homme, il doit nйcessairement lui confйrer un
dы qui est l'вme rationnelle et un corps organique sans lesquels il ne peut pas
exister. Et nous pouvons dire la mкme chose pour l'univers. Car que Dieu ait
voulu constituer une tel univers, ce n'est ni nйcessaire ni dы а cause de la
fin, de la puissance de l'efficience, ni de celle de la matiиre, comme on l'a
montrй.
Sed supposito quod tale universum producere voluerit,
necessarium fuit quod tales et tales creaturas produxerit, ex quibus talis
forma universi consurgeret. Et cum ipsa universi perfectio et multitudinem et
diversitatem rerum requirat, quia in una earum inveniri non potest propter
recessum a complemento bonitatis primae; necesse fuit ex suppositione formae
intentae quod Deus multas creaturas et diversas produceret; quasdam simplices,
quasdam compositas; et quasdam corruptibiles, et quasdam incorruptibiles.
Mais supposй qu'il ait voulu produire une tel univers, il lui a йtй
nйcessaire de produire telles ou telles crйatures, desquelles surgirait une
telle forme de l'univers. Et comme la perfection de l'univers demande la
pluralitй et la diversitй des crйatures, parce qu'elle ne peut pas y кtre
trouvйe dans l'une de ces crйatures seulement, parce qu'elle est loin de la
perfection de la bontй premiиre, il a йtй nйcessaire, en supposant cette forme
recherchйe, que Dieu produise des crйatures nombreuses et diverses, certaines
simples, d'autres composйes, certaines corruptibles, d'autres incorruptibles.
Hoc autem quidam philosophi non considerantes, diversimode a
veritate deviaverunt. Certains philosophes[13], qui n'ont pas pris en compte ces
considйrations, ont dйviй de la vйritй de diverses maniиres.
Quidam namque non intelligentes Deum universi esse auctorem,
posuerunt materiam non ab alio existentem, et ex eius necessitate rerum
diversitatem produci, vel secundum raritatem vel secundum spissitudinem
materiae res diversificantes, ut antiquissimi naturalium philosophorum, qui
tantum causam materialem perceperunt; vel secundum actionem alicuius causae
efficientis, quae secundum diversitatem materiae diversos effectus producebat,
sicut Anaxagoras posuit intellectum divinum, qui diversas res producebat, eas a
commixtione materiae segregando, et sicut Empedocles, qui per amicitiam et
litem, secundum diversitatem materiae diversos effectus vario modo distinctos vel
coniunctos ponebat.
A) Car certains ne comprenant pas que Dieu est l'auteur de l'univers
ont pensй que la matiиre n'existait pas par un autre (que lui[14]), que la
diversitй des crйatures йtait produite par sa nйcessitй, qu'ils n'apportaient
la diversification selon la raretй ou la densitй de la matiиre, comme les plus
anciens des philosophes Naturalistes qui n'ont dйcouvert que la cause
matйrielle, ou selon l'action d'une cause efficiente qui, selon la diversitй de
la matiиre, produisait des effets divers, comme Anaxagore qui a pensй que
l'esprit divin produisait diverses choses, en extrayant ce qui йtait mйlange
dans la matiиre; et comme Empйdocle qui pensait que par l'amitiй et le procиs,
il y avait, selon la diversitй de la matiиre, divers effets distincts ou
conjoints sous un mode variй.
Quorum falsitas apparet ex duobus. Leur erreur apparaоt de deux maniиres.:
Primo ex hoc quod non ponebant omne esse a primo et summo
ente effluere, quod in alia quaestione est ostensum.
a) Du fait qu'ils ne pensaient pas que tout кtre dйcoule de l'кtre
premier et suprкme, ce qui a йtй montrй dans une autre question.
Secundo, quia secundum eos sequebatur quod partium universi
distinctio et earum ordo essent a casu; quia sic necesse erat propter materiae
necessitatem.
b) Parce que, selon eux, il en dйcoulait que la distinction des parties
de l'univers et leur ordre venaient du hasard, et parce qu'il йtait nйcessaire
а cause de la nйcessitй de la matiиre.
Alii pluralitatem rerum et modos diversos earum ex necessitate
causae efficientis ponebant, sicut Avicenna, et eius sequaces. Posuit enim,
quod primum ens, in quantum intelligit se ipsum, producit unum tantum causatum,
quod est intelligentia prima, quam necesse erat a simplicitate primi entis
deficere, utpote in quantum potentialitas incepit admisceri actui, in quantum
esse recipiens ab alio non est suum esse, sed quodammodo potentia ad illud. Et
sic in quantum intelligit primum ens, procedit ab ea alia intelligentia ea
inferior, in quantum vero intelligit potentiam suam procedit ab ea corpus
caeli, quod movet; in quantum vero intelligit actum suum, procedit ab ea anima
caeli primi; et sic consequenter multiplicantur per multa media res diversae.
B) D'autres ont pensй que la pluralitй des choses et leurs modes divers
venaient de la nйcessitй de la cause efficiente, comme Avicenne (Mйtaphysique, tr. IX, c. 4[15]) et ses
successeurs. Car il a pensй que l'кtre premier, en tant qu'il se pense
(intelligit) lui-mкme, produit seul un effet qui est l'Intelligence premiиre,
il йtait nйcessaire qu'elle manque de la simplicitй du premier кtre, vu que,
autant la potentialitй commence а кtre mкlйe а l'acte, autant l'кtre qui reзoit
d'un autre n'est pas son кtre propre, mais d'une certaine maniиre puissance
pour lui[16]. Et ainsi dans la mesure oщ le premier кtre pense (intelligit), il
en dйcoule une autre intelligence qui lui est infйrieure, mais dans cette
mesure oщ elle pense sa puissance, le corps cйleste qu'elle meut, procиde
d'elle dans la mesure oщ elle pense son acte, l' вme du premier ciel procиde
d'elle et par consйquent, les diverses choses sont multipliйes par les nombreux
intermйdiaires.
Sed haec etiam positio stare non potest. Primo, quia ponit
potentiam divinam terminari ad unum effectum, qui est intelligentia prima.
Secundo, quia ponit alias substantias praeter Deum esse aliarum creatrices,
quod esse impossibile in alia quaestione, art. 4, ostensum est. Sequitur etiam
ad hanc positionem, sicut et ad primas, quod decor ordinis universi sit
casualis, ex quo rerum diversitatem non adscribit intentioni finis, sed
terminationi potentiarum activarum ad suos effectus.
Mais mкme cette position n'est pas valable non plus. D'abord, parce
qu'il pense que la puissance divine se termine а un seul effet, qui est
l'intelligence premiиre. Deuxiиmement, parce qu'il pense que des substances
autres de Dieu sont crйatrices d'autres кtres, ce qui est impossible, on l'a
montrй dans une autre question, article 4. Il dйcoule aussi de cette opinion
comme pour les premiиres, que la beautй de l'ordre universel serait due au
hasard; par lа, il n'ajoute pas la diversitй des choses en vue de leur fin,
mais au terme des puissances actives pour leurs effets.
Alii vero circa debitum causae finalis erraverunt, sicut
Plato, et eius sequaces. Posuit enim quod bonitati Dei ab eo intellectae et
amatae debitum esset tale universum producere, ut sic optimus optimum
produceret. Quod quidem potest esse verum, si solum quantum ad ea quae sunt
respiciamus; non autem si respiciamus ad ea quae esse possunt. Hoc enim
universum est optimum eorum quae sunt; et quod sit sic optimum, ex summa Dei
bonitate habet. Non tamen bonitas Dei est ita obligata huic universo quin
melius vel minus bonum aliud universum facere potuisset.
. C) D'autres se sont trompйs а propos de la nйcessitй de la cause
finale, comme Platon, et ses successeurs. Car il a pensй qu'il serait
nйcessaire а la bontй de Dieu, comprise et aimйe par lui, de produire un tel
univers, pour qu'ainsi le meilleur produise le meilleur. Ce qui peut кtre vrai,
si seulement nous regardons ce qui est, mais non pas si nous regardons ce qui
peut кtre. Car cet univers est le meilleur de ceux qui existent, et qu'il soit
ainsi le meilleur, il le tient de la suprкme bontй de Dieu. Cependant celle-ci
n'a pas йtй liйe а cet univers de sorte qu'elle aurait pu faire un autre
univers meilleur ou moins bon.
Quidam etiam debitum causae formalis non attendentes, sed
solum debitum divinae bonitatis, erraverunt, sicut Manichaei; qui cum
considerarent Deum esse optimum, crediderunt a Deo esse tantum illas creaturas
quae inter alias sunt optimae, scilicet spirituales et incorruptibiles;
corporalia vero et corruptibilia alteri attribuerunt principio.
Ex simili etiam fonte prodiit Origenis error, licet huic
contrarius. Consideravit enim Deum esse optimum et iustum; unde ab ipso primo
fuisse conditas optimas creaturarum solas et aequales existimavit, scilicet
rationales creaturas; quibus ex libero arbitrio diversimode operantibus in
bonum vel in malum, consecutum esse dicebat ut diversi gradus rerum in universo
constituerentur, dicens: illas rationales creaturas quae ad Deum conversae
sunt, in angelicam dignitatem esse promotas, et secundum diversos ordines,
prout magis et minus meruerunt; e contrario vero ceteras rationales quae per
liberum arbitrium peccaverunt, in inferiora dicit esse prolapsas, et corporibus
alligatas; quasdam quidem soli, lunae et stellis, quae minus peccaverunt;
quasdam vero corporibus hominum; quasdam in Daemones esse conversas.
D) D'autres qui ne font pas attention а ce qui est nйcessaire а la
cause formelle, mais seulement а ce qui est nйcessaire а la divine bontй, se
sont trompйs, comme les Manichйens. Comme ils considйraient que Dieu йtait le
meilleur, ils ont cru que venaient de lui seulement ces crйatures, qui sont les
meilleures parmi les autres, c'est-а-dire, les crйatures spirituelles et
incorruptibles; mais ils attribuиrent les crйatures corporelles et corruptibles
а un autre principe.
Et c'est de la mкme source que provient l'erreur d'Origиne (Peri archon, I, 7 et 8) bien qu'elle
leur soit contraire. Car il a considйrй que Dieu йtait le meilleur et juste;
c'est pourquoi, il pensa que d'abord seules les meilleures des crйatures ont
йtй crййes, par lui d'abord seules et йgales c'est-а-dire les crйatures
rationnelles. Celles-ci ayant opйrй suivant leur libre arbitre de diffйrentes
maniиres en bien ou en mal, il disait qu'il en dйcoulait que divers degrйs
йtaient constituйs dans l'univers, ajoutant: ces crйatures rationnelles qui se
sont tournйes vers Dieu, ont йtй promues а la dignitй d'ange, en diffйrents
ordres, selon qu'elles mйritиrent plus ou moins; il dit qu'а l'inverse les
autres crйatures rationnelles qui pйchиrent suivant leur libre arbitre, ont
glissй dans les crйatures infйrieures et ont йtй liйes а des corps;
quelques-unes au soleil, а la lune et aux йtoiles, celles qui pйchиrent moins;
quelques-unes aux corps des hommes, certaines ont йtй transformйes en dйmons.
Uterque enim error ordinem universi praeterire
videtur in sua consideratione, considerando tantummodo singulas partes eius. Ex
ipso enim ordine universi potuisset eius ratio apparere, quod ab uno principio,
nulla meritorum differentia praecedente, oportuit diversos gradus creaturarum
institui, ad hoc quod universum esset complementum (repraesentante universo per
multiplices et varios modos creaturarum quod in divina bonitate simpliciter et
indistincte praeexistit) sicut et ipsa perfectio domus et humani corporis
diversitatem partium requirit. Neutrum autem eorum esset completum si omnes partes unius
conditionis existerent; sicut si omnes partes humani corporis essent oculus,
aliarum enim partium deessent officia. Et similiter si omnes partes domus
essent tectum, domus complementum et finem suum non consequeretur, ut scilicet
ab imbribus et caumatibus defendere posset.
Les deux erreurs, dans leur considйration, semblent dйtruire l'ordre de
l'univers, en ne tenant compte que de ses parties particuliиres. Car la raison
de l'univers peut apparaоtre de son ordre mкme: d'un principe unique sans
diffйrence antйrieure de mйrites, il fallut instituer diffйrents degrйs de
crйatures, pour que l'univers soit une perfection (l'univers reprйsentant les
modes multiples et variйes des crйatures, ce qui existe de faзon simple et sans
distinction, dans la bontй divine); de mкme que la perfection de la maison et
celle du corps humain a besoin de la diversitй de ses parties. Mais ni l'un ni
l'autre ne seraient complets, si toutes les parties existaient sous un seul
йtat; ainsi si tous les organes du corps humain йtaient l'oeil, le rфle des
autres parties manquerait. Et semblablement si toutes les parties de la maison
йtaient le toit, la maison ne serait pas complиte et n'atteindrait pas sa fin
pour, par exemple, pouvoir protйger des pluies et de la forte chaleur.
Sic igitur dicendum est, quod ab uno primo multitudo et
diversitas creaturarum processit, non propter materiae necessitatem, nec
propter potentiae limitationem, nec propter bonitatem, nec propter bonitatis
obligationem; sed ex ordine sapientiae, ut in diversitate creaturarum perfectio
consisteret universi. Ainsi donc il faut dire que la pluralitй et la diversitй des crйatures
a procйdй d'un seul кtre premier, non а cause de la nйcessitй de la matiиre, de
la limitation de sa puissance, ni de sa bontй, ni de l'obligation de sa bontй,
mais de l'ordre de la sagesse, pour que la perfection de l'univers consiste
dans la diversitй des crйatures.
Solutions: q. 3 a. 16 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut Deus est unus, ita et unum produxit, non solum
quia unumquodque in se est unum, sed etiam quia omnia quodammodo sunt unum
perfectum, quae quidem unitas diversitatem partium requirit, ut ostensum est. # 1. De mкme que Dieu est un, de mкme, il a produit l'un, non seulement
parce que chacun en soi est un, mais encore, parce que tout d'une certaine
maniиre est unitй parfaite qui requiert la diversitй des parties, comme on l'a
montrй[17].
q. 3 a. 16 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod creatura assimilatur Deo in unitate, in quantum
unaquaeque in se una est, et in quantum omnes unum sunt unitate ordinis, ut
dictum est. # 2. La crйature ressemble а Dieu dans l'unitй, dans la mesure oщ
chaque chose est une en soi, et oщ toutes sont unes par l'unitй de nature,
comme on l'a dit.
q. 3 a. 16 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod malitia totaliter in non esse consistit; multitudo autem
causatur ex ente. Ipsa enim differentia, per quam entia dividuntur ad invicem,
quoddam ens est. Unde Deus non est auctor tendendi ad non esse, sed est omnis
esse auctor; non est principium malitiae sed est principium multitudinis.
Sciendum autem, quod duplex est unum; # 3. le mal[18] consiste totalement dans le non кtre. Mais la pluralitй
est causйe а partir de l'кtre. Car la diffйrence mкme par laquelle les кtres
sont divisйs entre eux, est un certain кtre. C'est pourquoi, Dieu n'est pas le
crйateur de ce qui tend au non-кtre mais le crйateur de tout кtre. Il n'est pas
le principe du mal, mais celui de la pluralitй. Mais il faut savoir que l'un
est double:
quoddam scilicet quod convertitur cum ente, quod nihil addit
supra ens nisi indivisionem; et hoc unum privat multitudinem, in quantum
multitudo ex divisione causatur; non quidem multitudinem extrinsecam quam unum
constituit sicut pars; sed multitudinem intrinsecam quae unitati opponitur. Non
enim ex hoc quod aliquid dicitur esse unum, negatur quin aliquid sit extra
ipsum quod cum eo constituat multitudinem; sed negatur divisio ipsius in multa a) A savoir ce qui est convertible avec l'йtant, qui ne lui ajoute rien
sinon l'indivision; et ce "un" supprime la pluralitй, dans la mesure
oщ elle est causйe par la division; non la pluralitй extrinsиque que l'un a
constituй comme partie; mais la pluralitй intrinsиque qui est opposйe а
l'unitй. Car ce n'est pas de ce que quelque chose est dit un, qu'est niй que
quelque chose soit hors de lui qui constituerait la pluralitй avec lui; mais sa
division est niйe dans le multiple.
Aliud vero unum est quod est principium numeri, quod supra
rationem entis addit mensurationem; et huius unius multitudo est privatio, quia
numerus fit per divisionem continui. Nec tamen multitudo privat unitatem
totaliter, cum diviso toto adhuc remaneat pars indivisa; sed removet unitatem
totius. Sed malitia, quantum est in se, removet bonitatem, nullo modo eam
constituens, nec ab ea constituta. b) L'autre un est ce qui est principe du nombre, qui ajoute la mesure а
la nature de l'кtre; et la pluralitй de cette unitй est privation, parce que le
nombre se fait par la division du continu. Cependant la pluralitй n'йcarte pas
totalement l'unitй, puisque la partie indivise demeure encore quand tout est
divisй, mais elle йloigne l'unitй du tout. Mais le mal, quant а lui, йloigne la
bontй, en ne la constituant en aucune maniиre, et il n'est pas constituй par
elle.
q. 3 a. 16 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod ens alio modo se habet ad ea quae sub ente continentur,
et alio modo animal vel quodlibet aliud genus ad species suas. Species enim
addit supra genus, ut homo supra animal, differentiam aliquam quae est extra
essentiam generis. Animal enim nominat tantum naturam sensibilem, in qua
rationale non continetur; sed ea quae continentur sub ente, non addunt aliquid
supra ens quod sit extra essentiam eius; unde non oportet quod illud quod est
causa animalis in quantum est animal, sit causa rationalis in quantum
huiusmodi. Oportet autem illud quod est causa entis in quantum est ens, esse
causam omnium differentiarum entis, et per consequens totius multitudinis
entium. # 4. L'йtant, pour ce qui est contenu sous lui, se comporte d'une autre
maniиre que l'animal ou n'importe quel autre genre vis-а-vis de leurs espиces.
Car l'espиce ajoute au genre, comme l'homme а l'animal, une diffйrence qui est
hors de l'essence du genre. Car l'animal dйsigne seulement la nature sensible
qui ne contient pas le rationnel; mais ce qui est contenu sous l'йtant ne lui
ajoute rien qui soit hors son essence; c'est pourquoi, il ne faut pas que ce
qui est cause de l'animal en tant qu'animal, soit cause du rationnel en tant
que tel. Mais il faut que ce qui est cause de l'йtant en tant que tel, soit
cause de toutes ses diffйrences, et par consйquent de toute la pluralitй des
йtants.
q. 3 a. 16 ad 5 Ad quintum dicendum, quod
appropriatio causae ad effectum attenditur secundum assimilationem effectus ad
causam. Assimilatio autem creaturae ad Deum attenditur secundum hoc quod
creatura implet id quod de ipsa est in intellectu et voluntate Dei; sicut
artificiata similantur artifici in quantum in eis exprimitur forma artis, et
ostenditur voluntas artificis de eorum constitutione.
# 5. L'appropriation de la cause а l'effet est atteinte par la
ressemblance de l'effet а la cause. Mais l'assimilation de la crйature а Dieu
est atteinte selon que la crйature achиve ce qui la concerne dans l'intellect
et la volontй de Dieu; ainsi les oeuvres artificielles ressemblent а l'artisan
dans la mesure oщ s'exprime en eux la forme de l'art, et la volontй de
l'artisan se montre au sujet de leur constitution. Car de mкme que la chose
naturelle agit par sa forme, de mкme, l'artisan agit par son esprit et sa
volontй. Donc Dieu est ainsi la cause propre de chaque crйature, dans la mesure
ou il pense (intelligit) et veut que chaque crйature existe. Mais ce qu'on appelle
le mкme ne peut кtre le propre de plusieurs, il faut comprendre quand se fait
l'appropriation par l'adйquation[19]; ce qui ne concerne pas notre propos.
q. 3 a. 16 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod solutio patet ex dictis. # 6. La solution paraоt dans ce qui vient d'кtre dit.
q. 3 a. 16 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod licet sit quaedam similitudo creaturae ad Deum, non
tamen adaequatio; unde non oportet, si unitas Dei caret omni multitudine et
compositione, quod propter hoc oporteat talem esse creaturae unitatem.
# 7. Bien qu'il existe une certaine ressemblance de la crйature а Dieu,
il n'y a cependant pas une adйquation; c'est pourquoi, il ne faut pas, si
l'unitй de Dieu manque de toute pluralitй et de composition, qu'а cause de
cela, il faille qu'il existe une telle unitй pour la crйature.
q. 3 a. 16 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod licet effectus non possit excedere causam suam, tamen
causa potest excedere effectum; et ideo licet ab una causa possint procedere
plures effectus, tamen non potest unus effectus a pluribus causis immediate
procedere. # 8. Bien que l'effet ne puisse pas dйpasser sa cause, cependant
celle-ci peut dйpasser l'effet, et ainsi bien que plusieurs effets puissent
procйder d'une cause unique, cependant un seul effet unique ne peut pas
procйder immйdiatement de plusieurs causes
q. 3 a. 16 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet eadem sit potentia in Deo generandi et creandi
secundum rem, non tamen idem respectus in utraque connotatur: sed potentia
generandi connotat respectum ad id quod procedit per naturam; et ideo oportet
tantum unum esse; sed potentia creandi importat respectum ad id quod procedit
per voluntatem; unde non oportet quod sit unum.
# 9. Bien que la puissance de Dieu soit la mкme en rйalitй pour
engendrer et crйer, cependant on ne comprend pas le mкme rapport pour l'un et
l'autre; la puissance d'engendrer comprend un rapport а ce qui procиde par
nature, et c'est pourquoi il faut seulement un seul кtre, mais la puissance de
crйer apporte un rapport а ce qui procиde par volontй; c'est pourquoi il ne
faut pas qu'il soit un.
q. 3 a. 16 ad 10 Ad decimum dicendum, quod non
oportet, sicut dictum est, huiusmodi unitatem esse in creatura et in Deo; licet
creatura Deum in unitate imitetur. # 10. Il ne faut pas, comme on l'a dit, qu'une telle unitй soit dans la
crйature et en Dieu, bien que la crйature imite Dieu dans son unitй.
q. 3 a. 16 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod quamvis actio Dei sit una et simplex, quia est
eius essentia; non tamen oportet quod sit unus tantum effectus, sed multi; quia
ex actione divina procedit effectus secundum ordinem sapientiae et arbitrium
voluntatis.
# 11. Quoique l'action de Dieu soit une et simple, parce qu'elle est
son essence; il ne faut cependant pas qu'il y ait un seul effet, mais de nombreux
effets; parce que l'effet procиde de l'action divine selon l'ordre de la
sagesse et le libre arbitre de la volontй.
q. 3 a. 16 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod quando exemplatum perfecte repraesentat
exemplar, ab uno exemplari non est nisi unum exemplatum, nisi per accidens, in
quantum exemplata materialiter distinguuntur. Creaturae vero non perfecte
imitantur suum exemplar. Unde diversimode possunt ipsum imitari, et sic esse
diversa exemplata. Perfectus autem modus imitandi est unus tantum: et propter
hoc filius, qui perfecte imitatur patrem, non potest esse nisi unus.
# 12. Quand l'effet reprйsente parfaitement l'exemplaire, il n'y a
qu'un effet sauf accident, dans la mesure oщ les effets sont distinguйs
matйriellement. Mais les crйatures n'imitent pas parfaitement leur exemplaire.
C'est pourquoi, elles peuvent l'imiter de diverses maniиres, et il y a
diffйrentes images. Mais le mode d'imitation parfait est unique; et а cause de
cela, le Fils, qui imite parfaitement le Pиre, ne peut кtre qu'unique.
q. 3 a. 16 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet forma intellectus divini sit una tantum
secundum rem, est tamen multiplex ratione secundum diversos respectus ad
creaturam, prout scilicet intelliguntur creaturae diversimode formam divini intellectus
imitari. # 13. Bien que la forme de l'esprit divin soit une seulement en
rйalitй, elle est cependant multiple en raison, selon les divers rapports а la
crйature, naturellement selon qu'on comprend que les crйatures imitent de
diverses maniиres la forme de l'esprit divin.
q. 3 a. 16 ad 14 Ad decimumquartum dicendum,
quod isti diversi respectus ad creaturam non solum sunt in intellectu nostro,
sed etiam in intellectu divino. Nec tamen diversa aliqua sunt in intellectu
divino, in quibus Deus intelligat; quia intelligit tantum uno, quod est sua
essentia; sed sunt ibi multa, ut ab ipso intellecta. Sicut
enim nos intelligimus quod creatura potest Deum multipliciter imitari, ita et
Deus hoc intelligit; et per consequens intelligit diversos respectus creaturae
ad Deum.
# 14. Ces diffйrents rapports а la crйature non seulement sont dans
notre esprit, mais aussi dans l'esprit divin. Cependant certaines [crйatures],
а qui Dieu pense (intelligit) ne sont pas diffйrentes en son esprit, parce
qu'il pense seulement dans l'unitй qui est son essence; mais elles y sont
nombreuses, en tant que pensйes par lui. Car de mкme que nous pensons que la
crйature peut imiter Dieu de multiples maniиres, Dieu le pense aussi, et par
consйquent, il pense les diffйrents rapports de la crйature а lui.
q. 3 a. 16 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod sicut Deus uno intelligit omnia, ita etiam et per
unam apprehensionem. Nam actum intellectus oportet esse unum vel multos,
secundum unitatem vel multitudinem principii quo intelligitur.
# 15. De mкme que Dieu pense (intelligit) tout par l'un, de mкme il le
pense en un seul concept aussi. Car il faut que l'acte de l'intellect soit un
ou multiple, selon l'unitй ou la pluralitй du principe par lequel il est pensй.
q. 3 a. 16 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet multitudo praeter multa, non sit nisi in
ratione, multitudo tamen in multis est etiam in rerum natura: sicut etiam
animal commune non est nisi in ratione, natura tamen animalis est in
singularibus: et propter hoc multitudinem et animalis naturam oportet reducere
in Deum, sicut in causam.
# 16. Bien que la pluralitй, au-delа de nombreuses choses, ne soit
qu'en raison, cependant en beaucoup elle est aussi dans leur nature; ainsi mкme
l'animal commun n'existe qu'en raison, cependant sa nature animale est dans des
individus particuliers, et c'est pour cela qu'il faut ramener а Dieu la
pluralitй et la nature de l'animal comme а sa cause.
q. 3 a. 16 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod universum quod est a Deo productum, est optimum
respectu eorum quae sunt, non tamen respectu eorum quae Deus facere potest. # 17. L'univers, produit par Dieu, est le meilleur par rapport а ce qui
existe, non cependant par rapport а ce que Dieu peut faire.
q. 3 a. 16 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod ratio illa tenet quando id quod est ad finem
potest totaliter et perfecte consequi finem per modum adaequationis; quod in
proposito non contingit. # 18. Cette raison est valable, quand ce qui est en vue d'une fin, peut
totalement et parfaitement atteindre la fin par son mode d'adйquation, ce qui
ne concerne pas notre propos.
q. 3 a. 16 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod illa ratio est Origenis, nec habet magnam
efficaciam. Non enim est contra iustitiam quod inaequalia aequalibus dentur
nisi quando alicui redditur debitum; quod in prima rerum creatione non potest
dici. Quod enim ex propria liberalitate datur, potest dari plus vel minus
secundum arbitrium dantis, et secundum quod eius sapientia requirit.
# 19. Cette raison vient d'Origиne (Peri
Archon I, 7 et 8) et n'a pas grande efficacitй. Car ce n'est pas contre la
justice de donner ce qui est inйgal а ce qui est йgal, sinon quand on rend а
quelqu'un ce qui lui est dы: on ne peut pas le dire de la premiиre crйation.
Car ce qui est donnй par pure libйralitй, peut l'кtre plus ou moins selon le
libre arbitre de celui qui donne, et selon que sa sagesse le requiert.
q. 3 a. 16 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod licet creaturae aliae sint Angelo inferiores, tamen
earum productio requirit infinitam virtutem producentis, in quantum per
creationem producuntur in esse, utpote non ex praeiacenti materia factae. Et
ideo omnes creaturae, quae non sunt factae ex praeiacenti materia, oportet
dicere immediate a Deo esse creatas.
# 20. Bien que les autres crйatures soient infйrieures а l'ange,
cependant leur production requiert un pouvoir infini du crйateur, dans la
mesure oщ elles sont amenйes а l'кtre par crйation, vu qu'elles ne sont pas
crййes d'une matiиre prйexistante. Et c'est pourquoi, de toutes les crйatures
qui n'ont pas йtй faites d'une matiиre prйexistante, on doit dire qu'elles ont
йtй crййes sans intermйdiaire par Dieu.
q. 3 a. 16 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod cum creatio terminetur ad esse tamquam ad
proprium effectum, impossibile est dicere, ea quae a Deo creantur, ab Angelis
formas habere, cum omne esse sit a forma. # 21. Comme la crйation se termine а l'кtre comme а son effet propre,
il est impossible de dire que ce qui est crйй par Dieu, reзoit des anges sa
forme, puisque tout кtre vient par la forme.
q. 3 a. 16 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod licet quidquid Deus facit, in se sit unum,
tamen haec unitas, ut dictum est, non removet omnem multitudinem, sed manet
illa cuius unum est pars. # 22. Bien que, tout ce que Dieu fait soit un en lui, cependant cette
unitй, comme on l'a dit, n'exclut pas toute pluralitй, mais demeure celle dont
l'un est une partie.
q. 3 a. 16 ad 23 Ad
vicesimumtertium dicendum, quod verbum philosophi, cum dicit quod Deus nihil
intelligit extra se, non est intelligendum quasi Deus ea quae sunt extra ipsum
non intelligat; sed quia illa etiam quae extra ipsum sunt, non extra se, sed in
se intuetur, quia per essentiam suam omnia alia cognoscit.
# 23. La parole du Philosophe, quand il dit que Dieu ne pense (intelligit)
rien hors de lui, ne doit pas кtre comprise comme si Dieu ne comprenait pas ce
qui est hors de lui-mкme, mais parce que ce qui est hors de lui, il ne le voit
pas hors de lui, mais en lui, parce qu'il connaоt tous les autres кtres par son
essence.
q. 3 a. 16 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum,
quod creatura dicitur esse in Deo dupliciter. # 24. On dit que la crйature est en Dieu de deux maniиres:
Uno modo sicut in causa gubernante et conservante esse
creaturae; et sic praesupponitur esse creaturae distinctum a creatore ad hoc
quod creatura a Deo esse dicatur. Non enim intelligitur creatura conservari in
esse nisi secundum quod iam habet esse in propria natura, secundum quod esse
creaturae a Deo distinguitur. Unde creatura hoc modo in Deo existens non est
creatrix essentia. a) Comme dans la cause qui gouverne et conserve l'кtre de la crйature,
et ainsi on prйsuppose que l'кtre de la crйature est diffйrent du Crйateur du
fait qu'on dit que la crйature existe par Dieu. Car on ne comprend que la crйature
soit conservйe а l'кtre, sinon selon qu'elle l'кtre a dйjа dans sa propre
nature, en tant que selon que l'кtre de la crйature est distinguй de Dieu.
C'est pourquoi la crйature qui existe en Dieu, de cette maniиre, n'est pas
essence crйatrice.
Alio modo dicitur creatura esse in Deo sicut in virtute
causae agentis, vel sicut in cognoscente; et sic creatura in Deo est ipsa
essentia divina, sicut dicitur Ioannis I, 3: quod factum est in ipso vita erat.
Quamvis autem hoc modo creatura in Deo existens sit divina essentia, non tamen
per istum modum est ibi una tantum creatura, sed multae. Nam essentia Dei est
sufficiens medium ad cognoscendum diversas creaturas, et sufficiens virtus ad
eas producendas. b) On dit que la crйature est en Dieu[20] comme dans le pouvoir de la
cause efficiente, ou comme dans celui qui connaоt, et ainsi la crйature en Dieu
est l'essence mкme de Dieu, comme on le dit (Jn 1, 3) "Ce qui a йtй fait
йtait la vie en lui". Quoique, de cette maniиre, la crйature qui existe en
Dieu soit l'essence divine, cependant de cette maniиre, il n'y a pas lа
seulement une crйature, mais de nombreuse crйatures. Car l'essence de Dieu est
un intermйdiaire suffisant pour connaоtre les diffйrentes crйatures, et son
pouvoir est suffisant pour les produire.
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[1] Ia, qu. 47, a. 1 – CG II,
39-46; III, 97– Pot 3, 1 ad 9 – Compendium. 71, 72, 102, – Mйtaphysique,
XII, lectio 2,– De causis, prop. 24
[2]
Les deux arguments s'oppose а l'opinion d'Avicenne.
a)
Dieu seul crйe Pot. qu. 3, a. 4 c. Pour Avicenne d'autres substances que Dieu
sont crйatrices.
b)
Selon cela l'universalitй des кtres ne viendrait pas de l'intention de l'agent,
mais du concours de nombreuses cause, c'est-а-dire du hasard.
[3]
. Cf. Ia, qu. 11, a. 1. "L'un n'ajoute rien а l'йtant, mais seulement la
nйgation de la division: car l'un ne signifie rien d'autre que l'кtre non
divisй. Et de lа paraоt qu'il est convertible avec l'йtant." Cf. Quodl 6,
1, 1, c.. Autre dйmonstration: chaque chose en tant qu'une est un йtant. C'est
pourquoi l'йtant et l'un sont convertibles. (Ia, 28, 2 - I Sent. d33a1 – CG 4,
14, – Pot 8, 2, Compendium. 54, 66, 67.
[4]
Comparaison des transcendentaux.
[5]
Thomas n° 2087.
[6]
Thomas n° 197.
[7]
Dieu est la cause exemplaire des crйatures, le modиle а l'image de qui est
faite la crйature. L'exemplaire, ce sont les idйes en Dieu. L'exemplatum est ce
qui dйpend de l'exemplaire, son effet, son image dans la rйalitй.
[8]
C'est la science de Dieu qui est la cause des crйatures (Ia, qu. 14, a. 8). Sa
science dйpend de son intellection.
[9]
C'est la thйorie d'Avicenne.
[10]
"L'Intelligence suprкme se pense donc elle-mкme, puisqu'elle est ce qu'il
y a de plus excellent et sa Pensйe est pensйe de pensйe." Thomas, 12,
lect. 11, n° 2614-2615. J. Tricot, p. 701 et note p. 702.
[11]
Il s'agit de l'idйe en Dieu, qui deviendra rйalitй. L'argument semble supposer
une seule idйe en Dieu. (Cf. De veritate, qu.3, a. 2 oщ le problиme est
longuement traitй).
[12]
. Cf. CG. II, 40, § 3: "Ce qui vient de l'intention de l'agent n'est pas
dы а la matiиre comme а sa cause premiиre" (Trad. C. Michon). La cause
efficiente lui est antйrieure comme cause, car la matiиre ne devient cause en
cate que selon qu'elle est mue par un agent.
[13]
La lecture de Ia, qu. 47, a. 1 c, apporte quelques prйcisions supplйmentaires
sur cet historique.
I.
Certains: ceux qui n'ont dйcouvert que la cause matйrielle.
a.
Les anciens naturalistes qui ne connaissaient que la cause matйrielle: Thalиs,
Anaximandre, Anaximиne, Dйmocrite, citйs en Ia, qu. 47.
b.
Anaxagore: les principes matйriels sont en nombre infini, mкlйs, confus,
l'intellect les sйpare pour йtablir la distinction des choses. (CG. II, 40, §
7).
II.
Distinction attribuйe aux agents seconds;
a)
Avicenne: production de l'Intelligence; Dieu en se connaissant lui-mкme produit
une premiиre intelligence; en elle, parce qu'elle n'est pas son кtre, commence
la composition de puissance et d'acte.
b)
Empйdocle.
[14]
C'est-а-dire qu'elle йtait incrййe, йternelle.
[15]
Avicenne dit: "Dieu en se connaissant lui-mкme, produisit une Intelligence
premiиre, laquelle, parce qu'elle n'est pas son propre кtre, est nйcessairement
composйe de puissance et d'acte (Cf. Ia, a. 2, ad 3). Ainsi cette premiиre
intelligence dans la mesure oщ elle comprend la cause premiиre, produisit une
seconde intelligence, en tant que se comprend selon qu'elle est en puissance,
il produisit le corps du ciel, qu'elle met en mouvement, en tant qu'elle se
comprend selon ce qu'elle a en acte, il produisit l'вme du ciel.
Mйtaphysique IX, 4 Le premier principe se pense lui-mкme.
402,15. – 404, 5 Il est donc clair que le premier des кtres existants... est
numйriquement un. Son essence et sa quidditй sont une, non dans une matiиre...
le premier effet est une intelligence pure parce que c'est une forme qui ne se
trouve pas dans la matiиre. B. c. Anawati p. 139. Suit la dйmonstration que ce
n'est pas une forme matйrielle.
[16]
En Ia, qu. 47, a. 1, c., la phrase est simplifiйe et plus claire:"L'intelligence
premiиre, du fait qu'elle n'est pas son propre кtre, est nйcessairement
composйe de puissance et d'acte."
[17]
Ia, qu. 47, a. 3 renvoie а cette solution. Il y dйmontre qu'il n'y existe qu'un
seul monde.
[18]
Thomas reprend en dйtail la comparaison de deux des transcendantaux, l'un et le
bien.
[19]
Comprendre par йquivalence.
[20]
Il s'agit des idйes en Dieu.
Article 17: Le monde a-t-il toujours existй?
q. 3
a. 17 tit. 1 Decimoseptimo quaeritur utrum mundus semper fuerit. Et
videtur quod sic. Il semble que oui[1].
Objections[2]: q. 3 a. 17 arg. 1
Quia proprium semper consequitur id cuius est proprium. Sed, sicut dicit
Dionysius, proprium est divinae bonitatis ad communicationem sui ea quae sunt
vocare; quod quidem fit creaturas producendo. Cum ergo divina bonitas semper fuerit, videtur quod semper creaturas in
esse produxerit; et ita videtur quod semper fuerit mundus.
1. Ce qui appartient en propre а une chose l'accompagne toujours. Mais,
comme le dit Denys (La hiйrarchie cйleste,
IV), le propre de la bontй divine c'est d'appeler ce qui existe pour se
communiquer; ce qu'il fait en produisant les crйatures. Donc, comme la bontй
divine a toujours existй, il semble qu'il a toujours fait venir des crйatures а
l'кtre, et ainsi il semble que le monde a toujours existй.
q. 3 a. 17 arg. 2
Praeterea, Deus non denegavit alicui creaturae id cuius est capax secundum suam
naturam. Sed aliquae creaturae sunt quarum natura est capax ut semper fuerit;
sicut caelum. Ergo videtur quod hoc fuerit caelo collatum ut semper esset. Sed
caelo existente oportet ponere alias creaturas esse, sicut probat philosophus,
in II de caelo et mundo. Ergo videtur quod mundus fuerit semper. Probatio
mediae. Omne quod est incorruptibile, habet virtutem ut sit semper: quia si
haberet virtutem ut esset aliquo tempore determinato tantum, non posset esse
semper: et ita non esset incorruptibile. Caelum autem est incorruptibile. Ergo
habet naturam quod sit semper.
2. Dieu n'a refusй а aucune crйature ce dont elle est capable selon sa
nature. Mais il y en a quelques-unes dont la nature est capable de toujours
exister, comme le ciel[3]. Donc il semble qu'il a йtй attribuй au ciel de
toujours exister. Mais du fait que le ciel existe, il faut admettre qu'il
existe d'autres crйatures, comme le prouve le Philosophe, (Le ciel et le monde, II, 3, 285 b 17[4]). Donc il semble que le
monde a toujours existй. Preuve intermйdiaire: Tout ce qui est incorruptible a
le pouvoir de toujours exister, parce que, s'il avait le pouvoir d'exister dans
un temps dйterminй seulement, il ne pourrait pas exister toujours; et ainsi il
ne serait pas incorruptible. Mais le ciel l'est. Donc il possиde une nature
pour exister toujours.
q. 3 a. 17 arg. 3
Sed dicendum, quod caelum non est simpliciter incorruptibile; decideret enim in
nihilum, nisi per virtutem Dei contineretur in esse.- Sed contra, non est
reputandum aliquid esse possibile vel contingens, propter hoc quod eius
destructio sequitur ex destructione consequentis; licet enim hominem esse
animal sit necessarium, tamen destructio eius sequitur ad destructionem huius
consequentis hominem esse substantiam. Non ergo videtur quod propter hoc possit
dici caelum esse corruptibile, quia eius non esse sequitur ad aliquam
positionem qua ponitur Deus suam continentiam subtrahere creaturis. 3. Mais il faut dire que le ciel n'est pas absolument incorruptible;
car il retournerait au nйant si Dieu, par son pouvoir, ne le maintenait pas а
l'existence. –En sens contraire, il ne faut pas penser qu'une chose est
possible ou contingente, parce que sa destruction dйcoule d'une consйquence,
car bien qu'il soit nйcessaire que l'homme soit un animal, cependant sa
destruction aboutit а la destruction de cette consйquence, а savoir que l'homme
est une substance. Donc il ne semble pas qu'а cause de cela, on puisse dire que
le ciel est corruptible, parce que son non-кtre aboutit а une position oщ on
pense que Dieu retire ce qui est nйcessaire aux crйatures.
q. 3 a. 17 arg. 4
Praeterea, sicut Avicenna probat in sua Metaphysic., quilibet effectus, in
comparatione ad suam causam est necessarius; quia si posita causa non
necessario sequitur effectus, adhuc posita causa possibile erit effectum esse
vel non esse; quod autem est in potentia, non reducitur in actum nisi per id quod
est actu; unde oportebit quod praeter causam praedictam sit aliqua alia causa
quae faciat effectum prodire in actum ex potentia qua possibile erat ipsum esse
vel non esse posita causa. Ex quo potest accipi, quod posita causa sufficienti
necesse est ipsum poni. Sed Deus est causa sufficiens mundi. Cum ergo Deus
fuerit semper, et mundus fuit semper.
4. Comme Avicenne le prouve dans sa Mйtaphysique
(livreIX, ch. 6[5]), n'importe quel effet est nйcessaire en comparaison а sa
cause, parce que, si on pose une cause, l'effet n'en dйcoule pas
nйcessairement. La cause une fois posйe, il sera possible que l'effet existe ou
n'existe pas; mais ce qui est en puissance n'est amenй а l'acte que par ce qui
est en acte; c'est pourquoi, il faudra qu'en plus de cette cause, il y en ait
une autre qui fasse passer l'effet а l'acte, а partir de la puissance par
laquelle il йtait possible qu'il soit ou qu'il ne soit pas, une fois la cause
posйe. A partir de lа, on peut admettre qu'une fois une cause suffisante posйe,
il est nйcessaire de poser l'effet. Mais Dieu est la cause suffisante du monde.
Donc, comme il a toujours existй, le monde aussi.
q. 3 a. 17 arg. 5
Praeterea, omne quod est ante tempus, est aeternum; aevum enim non est ante
tempus, sed incepit simul cum tempore. Sed mundus fuit ante tempus, fuit enim
creatus in primo instanti temporis, quod constat esse ante tempus; dicitur enim
Genes. I, 1: in principio creavit Deus caelum et terram, id est in principio
temporis. Ergo mundus fuit ab aeterno.
5. Tout ce qui existe avant le temps est йternel; car l'жvum[6]
n'existe pas avant le temps, mais il commence avec lui. Mais le monde a existй
avant le temps, car il a йtй crйй au premier instant du temps, ce qui montre
qu'il est avant le temps; car on dit dans la Genиse (1, 1): "Au
commencement, Dieu crйa le ciel et la terre", (glose interlinйaire):
c'est-а-dire au commencement du temps. Donc le monde a existй de toute
йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 6
Praeterea, idem manens idem, semper facit idem, nisi impediatur. Sed Deus semper
idem manet, sicut in Ps. ci, 28, legitur: tu autem idem ipse es. Cum igitur in
sua actione impediri non possit propter infinitatem suae potentiae, videtur
quod semper idem faciat. Et ita, cum aliquando mundum produxerit, videtur quod
etiam semper ab aeterno produxerit. 6. Ce qui demeure identique а lui-mкme fait toujours la mкme chose,
sauf empкchement. Mais Dieu demeure toujours identique а lui-mкme, comme on le
lit dans le Ps. 101, 28: "Toi, tu es le mкme". Donc, puisque, dans
son action, il ne peut pas кtre empкchй а cause de l'infinitй de sa puissance,
il semble qu'il fait toujours la mкme chose. Et ainsi, quand il a produit un
jour le monde, il semble qu'il l'a produit toujours, йternellement.
q. 3 a. 17 arg. 7 Praeterea, sicut homo
necessario vult suam beatitudinem, ita Deus necessario vult suam bonitatem et
quod ad eam pertinet. Sed ad bonitatem divinam pertinet productio creaturarum
in esse. Ergo hoc Deus necessitate vult; et ita videtur quod ab aeterno
producere creaturas voluerit, sicut voluit ab aeterno bonitatem suam esse. 7. L'homme veut nйcessairement sa bйatitude, de mкme Dieu veut
nйcessairement sa bontй et ce qui la concerne. Mais la venue des crйatures а
l'кtre appartient а la bontй divine. Donc Dieu le veut nйcessairement et ainsi
il semble qu'il a voulu produire les crйatures de toute йternitй, comme il a
voulu que sa bontй soit de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 8 Sed dicendum, quod ad
bonitatem Dei pertinet quod creaturae producantur in esse, non autem quod
producantur in esse ab aeterno.- Sed contra, maioris liberalitatis
est aliquid citius dare quam tardius. Sed liberalitas
divinae bonitatis est infinita. Ergo videtur quod ab aeterno esse creaturis
dederit. 8. Mais il faut dire que la venue des crйatures а l'кtre appartient а
la bontй de Dieu, mais pas qu'elles le soient de toute йternitй. – En sens
contraire, c'est une plus grande libйralitй de donner quelque chose plus tфt
que plus tard. Mais la libйralitй de la bontй divine est infinie. Donc il
semble qu'il a donnй l'кtre aux crйatures de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 9
Praeterea, Augustinus dicit: illud dico te velle quod facis si potes. Sed Deus
ab aeterno voluit mundum producere; alias fuisset mutatus, si accessisset ei
nova voluntas mundi creandi. Cum ergo nulla impotentia ei conveniat, videtur
quod ab aeterno mundum produxerit.
9. Augustin dit (Confessions, VIII,
9): "Je te dis de vouloir ce que tu fais si tu le peux[7]". Mais Dieu
a voulu produire le monde de toute йternitй; autrement il aurait subi un
changement s'il lui йtait arrivй une volontй nouvelle pour crйer le monde. Donc
comme nulle impuissance ne lui convient, il semble qu'il a produit le monde de
toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 10
Praeterea, si mundus non semper fuit; antequam mundus esset, aut erat possibile
ipsum esse, aut non. Si non erat possibile, ergo impossibile erat ipsum esse,
et necesse non esse; et sic nunquam fuisset in esse productus. Si autem
possibile erat eum esse, ergo erat aliqua potentia respectu ipsius; et ita erat
aliquod subiectum sive materia, cum potentia non nisi in subiecto esse possit. Sed si fuit materia fuit et forma; cum materia non possit omnino esse a
forma denudata. Ergo fuit aliquod corpus compositum ex materia et
forma, et ex consequenti fuit totum universum.
10. Si le monde n'a pas toujours existй, avant d'exister, il йtait
possible qu'il existe ou non[8]. Si ce n'йtait pas possible, il йtait donc
impossible qu'il soit et nйcessaire qu'il ne soit pas et ainsi jamais il
n'aurait йtй amenй а l'кtre. Mais s'il йtait possible qu'il existвt, il y avait
donc en lui une puissance par rapport а lui-mкme et ainsi il йtait un substrat
ou une matiиre, puisque la puissance ne peut exister que dans un substrat. Mais
s'il avait йtй matiиre, il aurait йtй forme, puisque la matiиre ne pourrait absolument
pas кtre dйnuйe de forme. Donc il y eut un corps composй de matiиre et de forme
et en consйquence l'univers entier a existй.
q. 3 a. 17 arg. 11
Praeterea, omne quod fit actu postquam fuit possibile fieri, educitur de
potentia in actum. Si ergo mundum fuit possibile fieri, antequam esset, oportet
dicere mundum eductum esse de potentia in actum; et ita materiam praecessisse,
et fuisse aeternam: ex quo sequitur idem quod prius. 11. Tout ce qui est devenu en acte aprиs en avoir йtй possible, passe
de la puissance а l'acte. Donc s'il a йtй possible que le monde soit fait,
avant qu'il ne soit, il faut dire que le monde est passй de la puissance а
l'acte et ainsi la matiиre a prйexistй et a йtй йternelle, il en dйcoule la
mкme consйquence que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 12
Praeterea, omne agens quod de novo incipit agere, movetur de potentia in actum.
Sed hoc Deo non potest competere, cum ipse sit omnino immobilis. Ergo videtur
quod ipse non incepit de novo agere, sed quod ab aeterno mundum produxerit. 12. Tout agent qui recommence а agir de nouveau passe de la puissance а
l'acte. Mais cela ne peut convenir а Dieu puisqu'il est absolument immuable.
Donc il semble qu'il n'a pas recommencй а agir de nouveau, mais il a produit le
monde de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 13
Praeterea, agens per voluntatem, si incipit facere quod prius volebat, cum
antea non fecisset, oportet ponere aliquid esse nunc inducens ipsum ad agendum,
quod prius non inducebat; quod est quodammodo expergefaciens ipsum. Sed non
potest dici quod aliquid aliud fuerit praeter Deum ante mundum, quod de novo
eum induxerit ad agendum. Cum ergo ab aeterno voluerit mundum facere (alias
voluntati eius aliquid accrevisset), videtur quod ab aeterno fecerit.
13. Si celui qui agit par volontй commence а faire ce qu'il voulait
auparavant, puisque auparavant il ne l'aura pas fait, il faut penser qu'il
existe quelque chose qui l'incite alors а agir, qui d'abord ne l'incitait pas;
ce qui est d'une certaine maniиre le "rйveiller". Mais on ne peut pas
dire que quelque chose d'autre ait existй en dehors de Dieu avant le monde, qui
l'aurait de nouveau incitй а agir. Donc, comme il a voulu faire le monde de
toute l'йternitй (autrement quelque chose se serait ajoutй а sa volontй), il
semble qu'il l'a fait de toute йternitй.
q. 3
a. 17 arg. 14 Praeterea, nihil movet voluntatem divinam ad agendum nisi bonitas
eius. Sed bonitas divina semper eodem modo se habet. Ergo et voluntas Dei
semper se habet ad productionem creaturarum; et ita ab aeterno creaturas
produxit. 14. Rien ne pousse la volontй divine а agir sinon sa bontй. Mais
celle-ci se comporte toujours de la mкme maniиre. Donc la volontй de Dieu est
toujours occupйe а la production des crйatures et ainsi il les a produit de
toute l'йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 15
Praeterea, illud quod est semper in principio et in fine sui nunquam incipit
nec desinit: quia unaquaeque res est post sui principium et ante sui finem. Sed
tempus semper est in sui principio et in sui fine; nihil enim est temporis nisi
instans, quod est finis praeteriti et principium futuri. Ergo tempus nunquam
incipit nec desinit, sed semper est; et per consequens motus semper, et mobile
semper, et totus mundus; tempus enim non est sine motu, nec motus sine mobili,
nec mobile sine mundo.
15 Ce qui est toujours а son commencement et а sa fin ne commence ni ne
finit jamais; parce que chaque chose se situe aprиs son commencement et avant
sa fin. Mais le temps est toujours а son commencement et а sa fin, car rien
n'appartient au temps que l'instant prйsent, qui est la fin du passй et le
commencement du futur. Donc le temps ne commence ni ne finit jamais, mais il
existe toujours, et par consйquent toujours aussi le mouvement, le mobile et le
monde tout entier; car le temps n'existe pas sans mouvement, ni le mouvement
sans mobile, ni le mobile sans le monde.
q. 3 a. 17 arg. 16
Sed dicendum, quod primum instans temporis non est finis praeteriti, nec
ultimum principium futuri.- Sed contra, nunc temporis semper consideratur ut
fluens, et in hoc differt a nunc aeternitatis. Sed quod fluit, ab alio in aliud
fluit. Ergo oportet omne nunc a priori nunc in posterius
fluere. Ergo impossibile est esse aliquod primum vel ultimum nunc.
16. Mais il faut dire que le premier instant du temps n'est pas la fin
d'un passй, ni l'ultime commencement du futur. – En sens contraire, on
considиre que le prйsent du temps s'йcoule toujours, et en cela il diffиre du
prйsent de l'йternitй. Mais ce qui s'йcoule, s'йcoule de l'un dans un autre.
Donc il faut que tout prйsent passe d'un instant avant dans un autre aprиs.
Donc il est impossible qu'il y ait un premier ou un dernier instant.
q. 3 a. 17 arg. 17
Praeterea, motus sequitur mobile, et tempus sequitur motum. Sed primum mobile,
cum sit circulare, non habet principium neque finem: quia in circulo non est
accipere principium et finem in actu. Ergo neque motus neque tempus habent
principium; et sic idem quod prius.
17. Le mouvement suit le mobile, et le temps suit le mouvement; mais
comme le premier mobile est circulaire, il n'a pas de commencement ni de fin:
parce que, dans le cercle, on ne peut comprendre ni commencement, ni fin en
acte. Donc ni le mouvement, ni le temps n'ont de commencement et ainsi de mкme
que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 18
Sed dicendum, quod licet ipsum corpus circulare non habeat principium
magnitudinis, habet tamen principium durationis.- Sed contra, duratio motus
sequitur mensuram magnitudinis: quia, secundum philosophum, quanta est
magnitudo, tantum est et motus, et tantum tempus. Si ergo in magnitudine
corporis circularis non est aliquod principium, nec in magnitudine motus et
temporis erit principium, et per consequens nec in eorum duratione, cum eorum
duratio, et praecipue temporis, sit eorum magnitudo. 18. Mais il faut dire que, bien que le corps circulaire mкme n'ait pas
un principe de grandeur, cependant il a un principe de durйe. – En sens
contraire, la durйe du mouvement est а la mesure de sa grandeur; parce que,
selon le Philosophe, plus il y a de grandeur, autant il y a de mouvement et de
temps. Si donc dans la grandeur du corps circulaire, il n'y a pas de principe,
dans la grandeur, il n'y aura pas de principe а la grandeur du mouvement et du
temps, ni par consйquent dans leur durйe, puisque la durйe et principalement
celle du temps est leur grandeur.
q. 3 a. 17 arg. 19
Praeterea, Deus est causa rerum per scientiam suam. Scientia autem relative
dicitur ad scibile. Cum igitur relativa sint simul natura, et scientia Dei sit
aeterna, videtur quod res sint ab ipso ab aeterno productae.
19. Dieu est cause des choses par sa science; mais on dit que la
science est relative au connaissable. Donc comme ce qui est relatif est en mкme
temps, par nature, et que la science de Dieu est йternelle, il semble que les
choses ont йtй produites par lui de toute l'йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 20
Praeterea, aut Deus praecedit mundum natura tantum, aut duratione. Si natura
tantum, sicut causa effectum sibi coaevum, videtur quod cum Deus fuerit ab
aeterno, et creaturae fuerint ab aeterno. Si autem praecedit mundum duratione,
si ergo est accipere aliquam durationem priorem duratione mundi, quae se habet
ad durationem mundi ut prius ad posterius. Sed duratio quae habet prius et
posterius est tempus. Ergo ante mundum fuit tempus, et per consequens motus et
mobile; et sic idem quod prius.
20. Dieu prйcиde le monde, en nature seulement ou en durйe. Si c'est en
nature seulement, comme l'effet est contemporain а la cause, il semble que
puisque Dieu a existй de toute йternitй, les crйatures aussi. Mais s'il a
prйcйdй le monde en durйe, ainsi il a а recevoir une durйe antйrieure а la
durйe du monde, qui se comporte pour la durйe du monde comme un avant et un
aprиs. Mais la durйe qui a un avant et un aprиs c'est le temps. Donc avant le
monde, il y eut le temps et par consйquent un mouvement et un mobile et ainsi
de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 21
Praeterea, Augustinus dicit: Deum ab aeterno dominum non fuisse dicere nolo.
Sed quandocumque fuit dominus, habuit creaturam sibi subiectam. Ergo non est
dicendum, quod creatura non fuerit ab aeterno.
21. Augustin dit (La Trinitй, V,
16): "Je ne veux pas dire que Dieu a йtй Seigneur de toute l'йternitй".
Mais toutes les fois qu'il a йtй Seigneur , il eut une crйature qui lui йtait
soumise[9]. Donc il ne faut pas dire que la crйature n'a pas existй de toute
йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 22
Praeterea, Deus potuit mundum producere antequam produxerit; alias impotens
fuisset. Scivit etiam ante producere; alias ignorans esset. Videtur etiam quod
voluit, alias invidus fuisset. Ergo videtur quod non inceperit de novo
producere creaturas.
22. Dieu a pu produire le monde avant le moment oщ il l'a produit;
autrement il aurait manquй de puissance. Et il a su aussi le produire avant,
autrement il aurait йtй ignorant. Il semble aussi qu'il l'a voulu, autrement il
aurait йtй jaloux[10]. Donc il semble qu'il n'a pas commencй а produire des
crйatures de nouveau.
q. 3 a. 17 arg. 23
Praeterea, omne quod est finitum, est communicabile creaturae. Sed aeternitas
est quoddam finitum; alias nihil posset esse ultra aeternitatem: dicitur enim
Exod. XV, 18: dominus regnabit in aeternum et ultra. Ergo videtur quod creatura
fuerit aeternitatis capax; et sic conveniens fuit divinae bonitati quod
creaturam ab aeterno produxerit. 23. Tout ce qui est fini peut-кtre communiquй а la crйature. Mais
l'йternitй est quelque chose de fini; autrement rien ne pourrait кtre au-delа
de l'йternitй[11]; on dit en effet dans Ex. 15, 18: "Le Seigneur rйgnera
dans l'йternitй et au-delа." Donc il semble que la crйature aura йtй
capable d'йternitй et ainsi il a йtй conforme а la divine bontй d'avoir produit
la crйature de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 24
Praeterea, omne quod incipit, habet mensuram suae durationis. Sed tempus non
potest habere aliquam mensuram suae durationis: non enim mensuratur aeternitate,
quia sic semper fuisset: nec aevo, quia sic in perpetuum duraret; nec tempore,
quia nihil est mensura sui ipsius. Ergo tempus non incipit esse, et ita nec
mobile nec mundus. 24. Tout ce qui commence a la mesure de sa durйe. Mais le temps ne peut
pas l'avoir; car il n'est pas mesurй par l'йternitй, parce qu'ainsi il aurait
toujours existй; ni par l'жvum parce qu'ainsi il durerait toujours, ni par le
temps, parce que rien n'est sa propre mesure. Donc le temps n'a pas commencй а
exister, et ainsi ni le mobile, ni le monde non plus.
q. 3 a. 17 arg. 25
Praeterea, si tempus incepit esse, aut incepit esse in tempore, aut in
instanti. Sed non incepit esse in instanti, quia in instanti tempus nondum est;
nec iterum in tempore, quia sic nihil temporis ante temporis terminum esset;
nihil enim rei est antequam res esse incipiat. Ergo tempus non incepit esse: et
sic idem quod prius.
25. Si le temps a commencй а exister, ou il a commencй а exister dans
le temps ou dans l'instant. Mais il n'a pas commencй а exister dans l'instant,
parce que, en celui-ci, le temps n'existe pas encore; ni а nouveau dans le
temps, parce qu'ainsi rien du temps ne serait avant le terme du temps; car rien
d'une chose n'existe avant qu'elle commence а кtre. Donc le temps n'a pas
commencй et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 3 a. 17 arg. 26
Praeterea, Deus ab aeterno fuit causa rerum: alias oporteret dicere, quod prius
fuit causa in potentia, et postea in actu; et sic esset aliquid prius quod
reduceret ipsum de potentia in actum, quod est impossibile. Nihil autem est
causa, nisi causatum habeat. Ergo mundus fuit a Deo ab aeterno creatus.
26. Dieu fut cause des кtres de toute йternitй; autrement il faudrait
dire que d'abord il a йtй une cause en puissance et ensuite en acte; et ainsi
il y aurait quelque chose avant lui qui le ferait passer de la puissance а
l'acte, ce qui est impossible. Mais rien n'est cause sinon ce qui a un effet.
Donc le monde a йtй crйй par Dieu de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 27
Praeterea, verum et ens convertuntur. Sed multa sunt vera ab aeterno; sicut
hominem non esse asinum, et mundum futurum esse, et multa similia. Ergo videtur
quod multa sunt entia ab aeterno; et non solum Deus.
27. Le vrai et l'йtant sont convertibles. Mais beaucoup de vйritй
existent de toute l'йternitй; ainsi l'homme n'est pas un вne, le monde
existera, et beaucoup de propositions semblables. Donc il semble que nombreux
sont les йtants qui existent de toute l'йternitй et pas seulement Dieu.
q. 3
a. 17 arg. 28 Sed dicendum, quod omnia ista sunt vera veritate prima, quae Deus
est.- Sed contra, alia veritass est huius propositionis, mundum futurum esse,
et huius, hominem non esse asinum: quia posito per impossibile quod una sit
falsa, adhuc reliqua erit vera. Sed veritas prima non est alia et alia.
Ergo non sunt vera veritate prima.
28. Mais il faut dire que toutes ces propositions sont vraies par la
vйritй premiиre qui est Dieu. – En sens contraire, la vйritй de cette
proposition, "le monde existera" est autre que celle-ci "l'homme
n'est pas un вne", parce que, une fois йtabli que par impossible l'une est
fausse, le reste sera encore vrai. Mais la vйritй premiиre n'est pas ceci ou
cela. Donc elles ne sont pas vraies par la vйritй premiиre.
q. 3 a. 17 arg. 29
Praeterea, secundum philosophum in praedicamentis, ex eo quod res est vel non
est, oratio vera vel falsa est. Si igitur multae propositiones verae sint ab
aeterno, videtur quod res per eas signatae ab aeterno extiterint. 29. Selon le Philosophe, dans les Catйgories (La substance 5, 4 b 8) du
fait qu'une chose existe ou n'existe pas, la parole est vraie ou fausse. Si
donc de nombreuses propositions sont vraies de toute йternitй, il semble que ce
qu'elles dйsignent aura existй de toute йternitй.
q. 3 a. 17 arg. 30
Praeterea Deo idem est dicere quod facere; unde in Ps. 148, 5: dixit, et facta
sunt. Sed dicere Dei est aeternum: alias filius qui est verbum patris non esset
patri coaeternus. Ergo et facere Dei est aeternum, et ita mundus est factus ab
aeterno. 30. Pour Dieu dire et faire, c'est pareil; c'est pourquoi dans le Ps.
148, 5: "Il dit et ce fut fait". Mais la parole de Dieu est йternelle:
autrement le Fils qui est le Verbe du Pиre ne lui serait pas coйternel. Donc
l'action de Dieu est йternelle et ainsi le monde a йtй fait de toute йternitй.
En sens contraire: q. 3 a. 17 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Proverb. cap. VIII, 24, ex ore divinae sapientiae:
nondum erant abissi, et ego iam concepta eram: necdum fontes aquarum eruperant,
necdum montes gravi mole constiterant; ante omnes colles ego parturiebar; adhuc
terram non fecerat et flumina et cardines orbis terrae. Ergo cardines orbis
terrae et flumina et terra non semper fuerunt. Ergo cardines orbis terrae et
flumina et terra non semper fuerunt. 1. En Prov. 8, 24, il est dit de la bouche de la Sagesse divine: "Les
abоmes n'existaient pas encore, et moi dйjа j'avais йtй conзue; les fontaines
n'avaient pas encore jailli, et les montagnes n'йtaient pas йtablies dans leur
lourde masse; avant toutes les collines j'йtais enfantйe; il n'avait pas encore
fait la terre, les fleuves et les pфles du monde". Donc les pфles du
monde, les fleuves et la terre n'ont pas toujours existй.
q. 3
a. 17 s. c. 2 Praeterea, secundum Priscinianum quanto tempore iuniores, tanto
intellectu perspicaciores. Sed perspicacitas non est infinita. Ergo
nec tempus quo perspicacitas creavit fuit infinitum, et per consequens nec
mundus. 2. Selon Priscien[12], les plus jeunes dans le temps, sont perspicaces
par l'esprit. Mais la perspicacitй n'est pas infinie. Donc le temps pendant
lequel la perspicacitй a crйй n'a pas йtй infini, et par consйquent le monde
non plus.
q. 3
a. 17 s. c. 3 Praeterea, Iob XIV, 19: alluvione paulatim terra consumitur. Sed terra
non est infinita. Si ergo fuisset tempus infinitum, iam totaliter esset
consumpta: quod patet esset falsum. 3. En Job 14, 19, on lit: "La terre s'йrode peu а peu". Mais
la terre n'est pas infinie. Donc si le temps avait йtй infini, dйjа elle serait
totalement йrodйe, ce qui paraоt faux.
q. 3 a. 17 s. c. 4
Praeterea, constat Deum naturaliter esse mundo priorem, sicut causam effectu.
Sed in Deo idem est duratio et natura. Ergo Deus duratione prior est mundo, et
ita mundus non semper fuit. 4. Il est clair que Dieu existe naturellement avant le monde, comme la
cause avant l'effet. Mais en Dieu la durйe et la nature sont les mкmes. Donc
Dieu est avant le monde par la durйe et ainsi le monde n'a pas toujours existй.
Rйponse: q. 3 a. 17 co.
Respondeo. Dicendum quod firmiter tenendum est mundum non semper fuisse, sicut
fides Catholica docet. Nec hoc potest aliqua physica demonstratione efficaciter
impugnari. Ad cuius evidentiam sciendum est, quod sicut in quaestione alia est
habitum, in operatione Dei non potest accipi aliquod debitum ex parte causae
materialis, neque potentiae activae agentis, nec ex parte finis ultimi, sed
solum ex parte formae quae est finis operationis, ex cuius praesuppositione
requiritur quod talia existant qualia competunt illi formae
Il faut dire fermement que le monde n'a pas toujours existй, comme la foi
catholique l'enseigne. Et cette croyance ne peut pas кtre combattue
efficacement par une dйmonstration tirйe de la physique[13]. Pour en montrer
l'йvidence, il faut savoir que, comme on l'a considйrй dans une autre question,
on ne peut accepter que dans l'opйration de Dieu quelque chose soit dы du cфtй
de la cause matйrielle[14], ni de la puissance active de l'agent, ni de la fin
ultime, mais seulement du cфtй de la forme qui est la fin de l'opйration; de sa
prйsupposition, il est requis qu'ils existent tels qu'ils conviennent а cette
forme.
. Et ideo aliter dicendum est de productione unius
particularis creaturae, et aliter de exitu totius universi a Deo. Cum enim
loquimur de productione alicuius singularis creaturae, potest assignari ratio
quare talis sit, ex aliqua alia creatura, vel saltem ex ordine universi, ad
quem quaelibet creatura ordinatur, sicut pars ad formam totius. Cum autem de
toto universo loquimur educendo in esse, non possumus ulterius aliquod creatum
invenire ex quo possit sumi ratio quare sit tale vel tale; unde, cum nec etiam
ex parte divinae potentiae quae est infinita, nec divinae bonitatis, quae rebus
non indiget, ratio determinatae dispositionis universi sumi possit, oportet
quod eius ratio sumatur ex simplici voluntate producentis ut si quaeratur,
quare quantitas caeli sit tanta et non maior, non potest huius ratio reddi nisi
ex voluntate producentis.
C'est pourquoi il faut parler autrement de la production d'une crйature
particuliиre et de la sortie de Dieu de tout l'univers[15]. En effet, quand
nous parlons de la production d'une crйature particuliиre, on peut trouver la
raison pour laquelle elle est telle, а partir d'une autre crйature, ou du moins
а partir de l'ordre de l'univers, а qui toute crйature est ordonnйe, comme la partie
а la forme du tout. Mais quand on parle de tout l'univers, qui parvient а
l'кtre, nous ne pouvons plus trouver au-delа quelque chose de crйй d'oщ on
puisse tirer une raison pour laquelle il est tel ou tel. C'est pourquoi, comme
ni du cфtй de la puissance de Dieu qui est infinie, ni du cфtй de sa bontй, qui
n'a pas besoin des crйatures, on ne peut trouver de raisons pour une
disposition dйterminйe de l'univers, il faut admettre comme raison la volontй
absolue de celui qui produit l'univers, pour que, si on cherche pourquoi
l'immensitй du ciel est telle, et pas plus grande, on ne puisse tirer cette
raison que de la volontй du crйateur.
Et propter hoc etiam, ut Rabbi Moyses dicit, divina
Scriptura inducit homines ad considerationem caelestium corporum, per quorum
dispositionem maxime ostenditur quod omnia subiacent voluntati et providentiae
creatoris. Non enim potest assignari ratio quare talis stella tantum a tali
distet, vel aliqua huiusmodi quae in dispositione caeli consideranda occurrunt,
nisi ex ordine sapientiae Dei; unde dicitur Is. XL, 26: levate in excelsum oculos
vestros; et videte quis creavit haec.
A cause de cela, comme le dit aussi Rabbi Moyses, l'Йcriture conduit
les hommes а la considйration des corps cйlestes: leur disposition montre le
mieux que tout est soumis а la volontй et а la providence du crйateur. Car on
ne peut donner la raison pour laquelle telle йtoile est seulement а telle
distance, ou pour d'autres phйnomиnes de ce genre qui arrivent dans la
disposition du ciel quand on le considйre, sinon que cela vient de l'ordre de
la sagesse de Dieu. C'est pourquoi on dit en Is. 40, 26: "Levez vos yeux
vers le ciel, et voyez qui a crйй cela".
Nec obstat, si dicatur quod talis quantitas consequitur
naturam caeli vel caelestium corporum, sicut et omnium natura constantium est
aliqua determinata quantitas, quia sicut divina potentia non limitatur ad hanc
quantitatem magis quam ad illam, ita non limitatur ad naturam cui debeatur
talis quantitas, magis quam ad naturam cui alia quantitas debeatur. Et sic
eadem redibit quaestio de natura, quae est de quantitate; quamvis concedamus,
quod natura caeli non sit indifferens ad quamlibet quantitatem, nec sit in eo
possibilitas ad aliam quantitatem nisi ad istam.
Rien n'empкche de dire qu'une telle grandeur dйcoule de la nature du
ciel ou des corps cйlestes, de mкme la nature de tout ce qui se maintient est
une grandeur dйterminйe, parce que, la puissance de Dieu n'est pas plus limitйe
а cette grandeur qu'а cette autre, de mкme elle n'est pas limitйe а la nature а
quoi telle grandeur est due, plus qu'а la nature а quoi cette autre grandeur
est due. Et ainsi reviendra la mкme question au sujet de la nature, en ce qui
concerne la grandeur; quoique nous concйdions que la nature du ciel n'est pas
indiffйrente а n'importe quelle grandeur, et qu'il n'y a pas en elle
possibilitй pour une autre grandeur que pour celle-lа.
Non sic autem potest dici de tempore vel temporis duratione.
Nam tempus est extrinsecum a re, sicut et locus; unde etiam in caelo, in quo non
est possibilitas respectu alterius quantitatis vel accidentis interius
inhaerentis, est tamen in eo possibilitas respectu loci et situs, cum localiter
moveatur; et etiam respectu temporis, cum semper tempus succedat tempori, sicut
est successio in motu et in ubi; unde non potest dici, quod neque tempus neque
ubi consequatur naturam eius, sicut de quantitate dicebatur. Unde patet quod ex
simplici Dei voluntate dependet quod praefigatur universo determinata quantitas
durationis, sicut et determinata quantitas dimensionis. Unde non potest
necessario concludi aliquid de universi duratione, ut per hoc ostendi possit
demonstrative mundum semper fuisse.
Mais il n'est pas possible de parler ainsi du temps ou de sa durйe. Car
il est extйrieur а la chose, comme le lieu; c'est pourquoi mкme dans le ciel,
dans lequel il n'y pas de possibilitй par rapport а une autre quantitй ou un
accident qui adhиre plus intйrieurement, il y a cependant en lui possibilitй
par rapport au lieu et а l'espace, puisqu'il est mы localement, et aussi par
rapport au temps, puisque toujours le temps succиde au temps, de mкme qu'il y
succession dans le mouvement et le lieu; c'est pourquoi on ne peut pas dire,
que ni le temps, ni le lieu accompagnent sa nature, comme on le disait de la
quantitй. Aussi il est clair qu'il dйpend de la simple volontй de Dieu qu'une
quantitй dйterminйe de temps soit fixйe а l'univers, de la mкme maniиre qu'une
grandeur dйterminйe pour la dimension. C'est pourquoi on ne peut rien conclure
nйcessairement de la durйe de l'univers, pour pouvoir dйmontrer par le
raisonnement que le monde a toujours existй.
Quidam vero non considerantes exitum universi
a Deo, coacti sunt circa inceptionem mundi errare. Quidam namque causam agentem
praetermittentes, solam materiam a nullo creatam ponentes, quae omnium causa
esset, sicut antiquissimi naturales, necessario habuerunt dicere materiam
semper fuisse. Cum
enim nihil se educat de non esse in esse, oportet causam aliam habere quod
incipit esse; et hi posuerunt
A. – Certains qui ne considиrent pas que l'univers vient de Dieu, ont
йtй forcйs de se tromper sur le commencement du monde. Car certains sans tenir
compte de la cause efficiente, pensant qu'il y avait seulement une matiиre
incrййe[16], qui serait la cause de tout, comme les trиs anciens Naturalistes,
furent obligйs de dire que la matiиre a toujours existй. En effet, comme rien
ne passe par soi du non-кtre а l'кtre, il faut que ce qui commence а кtre ait
une autre cause et ils ont pensй:
vel mundum semper fuisse continue, quia non ponebant nisi
naturaliter agentia quae determinabantur ad unum, ex quo oportebat quod semper
idem effectus sequeretur; a) ou bien que le monde a toujours existй en continuitй,
parce qu'ils ne pensaient qu'aux agents naturellement dйterminйs а un seul
objet d'oщ il fallait que dйcoule toujours le mкme effet,
vel cum interruptione sicut Democritus; qui ponebat mundum
vel mundos potius multoties fuisse compositos et dissolutos casu, propter
causalem motum atomorum. b) ou bien (qu'il a existй) avec interruption, comme Dйmocrite le dit,
qui pensait que le monde, ou plutфt les mondes, avaient йtй composйs et
dйsagrйgйs de nombreuses fois par le hasard, а cause du mouvement causal des
atomes.
Sed quia inconveniens videbatur quod omnes convenientiae et
utilitates in rebus naturalibus existentes essent a casu, cum semper vel in
pluribus inveniantur; quod tamen necesse erat sequi, si solum materia
poneretur, et praecipue cum inveniatur quidam effectus ad quos causalitas
materiae non sufficit; ideo alii posuerunt causam agentem, sicut Anaxagoras
intellectum, et Empedocles amicitiam et litem. Sed tamen isti non posuerunt
huiusmodi causas agentes universi esse, sed ad modum aliorum particularium
agentium, quae agunt materiam transmutando de uno in aliud. Unde necesse erat
eis dicere quod materia esset aeterna, utpote non habens causam sui esse; sed
mundum incepisse: quia omnis effectus causae agentis per motum sequitur suam
causam in duratione, eo quod effectus non est nisi in termino motus, ante quem
est principium motus, cum quo simul oportet esse agens, a quo est principium
motus.
B. Mais parce qu'il paraissait inconvenant que toutes les aptitudes et
fonctions qui existent dans les кtres naturels dйpendent du hasard, puisque on
les trouvait soit toujours, soit mкme dans le plus grand nombre des кtres: ce
que cependant il йtait nйcessaire de conclure, si on pensait qu'il n'y avait
que la matiиre, et surtout puisqu'on trouvait un effet pour ce pourquoi la
causalitй de la matiиre ne suffit pas, d'autres ont йtabli une cause
efficiente, comme l'intelligence pour Anaxagore, et l'amitiй et le procиs pour
Empйdocle[17]. Mais cependant ils n'ont pas йtabli de telles causes efficientes
universelles, mais а la maniиre des autres agents particuliers, qui agissent
sur la matiиre en la changeant d'une chose en une autre. C'est pourquoi il
йtait nйcessaire pour eux de dire que la matiиre йtait йternelle, c'est-а-dire
comme sans cause de son кtre; mais que le monde a commencй; parce que tout
effet d'une cause efficiente par mouvement suit sa cause dans la durйe, parce
que l'effet n'existe qu'au terme du mouvement, avant lequel il y a son
commencement, avec lequel il faut que l'agent soit en mкme temps, par lequel
existe un principe du mouvement.
Aristoteles vero, considerans, quod si ponatur causa
constituens mundum agere per motum, sequeretur quod sit abire in infinitum,
quia ante quemlibet motum erit motus, posuit mundum semper fuisse. Non enim
processit ex consideratione illa qua intelligitur exitus universi esse a Deo,
sed ex illa consideratione qua ponitur aliquod agens incipere operari per motum;
quod est particularis causae, et non universalis. Et propter hoc ex motu et
immobilitate primi motoris, rationes suas sumit ad mundi aeternitatem
ostendendam; unde diligenter consideranti, rationes eius apparent quasi
rationes disputantis contra positionem; unde et in principio VIII Phys., mota
quaestione de aeternitate motus, praemittit opiniones Anaxagorae et Empedoclis,
contra quas disputare intendit.
C. – Mais Aristote ( Physique,
VIII, 1, 251 a 10-13), considйrant que, si on pense qu'une cause qui constitue
le monde agit par mouvement, il en dйcoulerait que ce serait aller а l'infini,
parce que, avant n'importe quel mouvement, il y a un mouvement, pensa que le
monde a toujours existй. Car il part pas de cette considйration par laquelle on
comprend que l'univers vient de Dieu, mais de celle par laquelle on pense qu'un
agent commence а opйrer par mouvement, ce qui est d'une cause particuliиre, et
non d'une cause universelle. Et ainsi il tire ses arguments du mouvement et de
l'immobilitй du premier moteur pour dйmontrer l'йternitй du monde. C'est pour
cela que, pour celui qui les considиre avec attention, ses raisons apparaissent
comme celles de quelqu'un qui rйfute une opinion; et ainsi au commencement du
livre VIII de la Physique (VIII, 1,
250 b 23[18]) ayant soulevй la question de l'йternitй du mouvement, il prйsente
prйalablement les opinons d'Anaxagore et d'Empйdocle contre lequel il a
l'intention d'argumenter.
Sed sequaces Aristotelis considerantes exitum totius
universi a Deo per suam voluntatem, et non per motum, conati sunt ostendere
mundi aeternitatem per hoc quod voluntas non retardat facere quod intendit,
nisi propter aliquam innovationem vel immutationem, saltem quam necesse est
imaginari in successione temporis, dum vult facere hoc tunc et non prius. D. Mais les successeurs d'Aristote considйrant que l'univers est sorti
de Dieu par sa volontй et non par mouvement, ont essayй de dйmontrer l'йternitй
du monde par le fait que la volontй ne tarde pas а accomplir ce qu'elle a
l'intention de faire sauf nouveautй ou changement, du moins qu'il est
nйcessaire d'imaginer dans la succession du temps, pendant qu'il veut faire
cela alors et non avant.
Sed isti etiam in
defectum similem inciderunt in quem et praedicti. Consideraverunt enim primum
agens ad similitudinem alicuius agentis quod suam actionem exercet in tempore
quamvis per voluntatem agat; quod tamen non est causa ipsius temporis, sed
tempus praesupponit. Deus autem est causa etiam ipsius temporis. Nam et ipsum
tempus in universitate eorum quae a Deo facta sunt continetur; unde cum de
exitu universi esse a Deo loquimur, non est considerandum, quod tunc et non
prius fecerit. Ista
enim consideratio tempus praesupponit ad factionem, non autem subiicit
factioni. Mais ceux-ci tombиrent dans une erreur semblable а celle oщ йtaient
tombйs ceux dont on a parlй. Car ils ont considйrи le premier agent а la
ressemblance d'un agent qui exerce son action dans le temps, quoiqu'il agisse par
volontй, ce qui n'est pas cause de ce temps, mais le prйsuppose. Mais Dieu est
la cause aussi du temps lui-mкme. Car il est contenu dans l'universalitй de ce
que Dieu a crйй; c'est pourquoi, quand nous parlons de l'кtre de l'univers
sorti de Dieu, il ne faut pas considйrer qu'il l'a fait alors et non avant. Car
cette considйration prйsuppose le temps pour sa formation, mais elle n'y est
pas soumise.
Sed si universitatis creaturae productionem consideramus,
inter quas est etiam ipsum tempus, est considerandum quare tali tempori talem
mensuram praefixerit, non quare hoc fecit in tali tempore. Praefixio autem
mensurae temporis dependet ex simplici voluntate Dei, qui voluit quod mundus
non esset semper, sed quandoque esse inciperet, sicut et voluit quod caelum nec
esset maius vel minus. Mais si nous considйrons la production de l'universalitй des crйatures,
parmi lesquelles il y a le temps lui-mкme, il faut considйrer pourquoi il a
fixй а l'avance une telle mesure а tel temps, non pourquoi il a fait cela en tel
temps. La dйtermination de la mesure du temps dйpend de la simple volontй de
Dieu, qui a voulu que le monde n'existe pas toujours, mais qu'un jour, il
commence а exister comme il a voulu que le ciel ne soit ni plus grand ni plus
petit.
Solutions: q. 3 a. 17 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod bonitatis proprium est producere res in esse
mediante voluntate, cuius est obiectum; unde non oportuit quod quandocumque
fuit divina bonitas, res producerentur in esse, sed secundum dispositionem
voluntatis divinae. # 1. Le propre de la bontй est de faire venir les crйatures а l'кtre
par l'intermйdiaire de la volontй, dont c'est l'objet. C'est pourquoi il n'a
pas fallu que toutes les fois oщ il y eut la bontй de Dieu les crйatures
viennent а l'кtre, mais selon la disposition de la volontй divine.
q. 3 a. 17 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod in corpore caelesti, cum sit incorruptibile, est virtus
ut sit semper; sed nulla virtus neque essendi neque operandi respicit
praeteritum, sed solum praesens vel futurum; nullus enim habet virtutem ad quod
aliquid fecerit, quia quidquid non est factum, non potest factum fuisse; sed
habet aliquis virtutem ad hoc ut nunc vel in posterum faciat; unde et virtus
existendi semper, quae inest caelo, non respicit praeteritum, sed futurum. # 2. Le corps cйleste, en tant qu'incorruptible, a le pouvoir de
toujours exister; mais aucun pouvoir d'кtre ni d'opйrer ne regarde le passй,
mais seulement le prйsent ou le futur; car personne n'a de pouvoir sur ce qui
aura йtй fait, parce que, tout ce qui n'a pas йtй fait ne peut pas avoir йtй
fait; mais quelqu'un en a le pouvoir dans le prйsent ou le futur. C'est
pourquoi le pouvoir d'exister toujours qui est dans le ciel, ne regarde pas le
passй, mais le futur.
q. 3 a. 17 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod non potest dici, simpliciter loquendo, caelum esse
corruptibile propter hoc quod in non esse decideret, si a Deo non contineretur.
Sed tamen quia creaturam contineri in esse a Deo, dependet ex immobilitate
divina, non ex necessitate naturae, ut possit dici quod sit necessarium
absolute, cum sit necessarium solum ex suppositione divinae voluntatis, quae
hoc immobiliter statuit, potest concedi secundum quid corruptibile esse caelum,
cum hac scilicet conditione, si Deus ipsum non contineret. # 3. On ne peut pas dire, absolument parlant, que le ciel est
corruptible, pour tomber dans le non-кtre, s'il n'йtait pas maintenu par Dieu.
Mais cependant, parce que le fait que la crйature soit maintenue а l'кtre par
Dieu dйpend de l'immutabilitй divine, non par la nйcessitй de nature, pour
qu'on puisse dire qu'il est absolument nйcessaire, puisqu'il serait nйcessaire
seulement, si on suppose la volontй divine, qui l'a йtabli de faзon immobile,
on peut concйder en quoi le ciel est corruptible, а cette condition que Dieu ne
le maintienne pas.
q. 3 a. 17 ad 4 Ad quartum dicendum, quod omnis
effectus habet necessariam habitudinem ad suam causam efficientem, sive sit
causa naturalis, sive voluntaria. Sed non ponimus Deum causam mundi ex
necessitate naturae suae, sed ex voluntate, ut supra dictum est, unde
necessarium est effectum divinum sequi non quandocumque natura divina fuit, sed
quando dispositum est voluntate divina ut esset, et secundum modum eumdem quo
voluit ut esset. # 4. Tout effet a une relation nйcessaire а sa cause efficiente,
qu'elle soit naturelle ou volontaire. Mais nous ne pensons pas que Dieu soit la
cause du monde par la nйcessitй de sa nature, mais par volontй, comme on l'a
dit plus haut ( qu. 3, art. 15). C'est pourquoi, il est nйcessaire que l'effet
divin suive, non pas chaque fois que la nature divine a existй, mais quand il a
йtй disposй par la volontй divine а кtre et de la maniиre mкme dont il a voulu
qu'il soit.
q. 3 a. 17 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ante tempus aliquid esse, potest intelligi dupliciter.
Uno modo ante totum tempus, et ante omne id quod est temporis; et sic mundus
non fuit ante tempus, quia instans in quo incepit mundus, licet non sit tempus,
est tamen aliquid temporis, non quidem ut pars, sed ut terminus.
Alio modo intelligitur aliquid esse ante tempus, quia est
ante temporis completionem; quod non completur nisi in instanti ante quod est
aliud instans; et sic mundus est ante tempus. Non autem oportet propter hoc
quod sit aeternus; quia nec ipsum instans temporis quod sic est ante tempus est
aeternum. # 5. L'existence d'un кtre avant le temps, peut кtre comprise de deux
faзons:
a) Avant tout le temps et avant tout ce qui concerne temps; et ainsi le
monde n'a pas existй avant le temps, parce que l'instant oщ il a commencй, bien
que ce ne soit pas le temps, est cependant quelque chose du temps, non comme
une partie, mais comme un terme.
b) On comprend que quelque chose existe avant le temps parce qu'il est
avant l'accomplissement du temps; parce qu'il n'est complet que dans l'instant
avant lequel il y a un autre instant; et ainsi le monde est avant le temps.
Mais il ne faut pas pour cela qu'il soit йternel, parce que cet instant mкme du
temps qui est ainsi avant le temps n'est pas йternel.
q. 3 a. 17 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod cum omne agens agat sibi simile, oportet quod effectus
hoc modo sequatur a causa efficaciter operante, quod similitudinem causae
retineat. Sicut autem quod est a causa naturaliter agente, retinet
similitudinem eius prout habet formam similem formae agentis; ita quod est ab
agente voluntario, retinet similitudinem eius, prout habet formam similem
causae, secundum quod hoc producitur in effectu quod est in voluntatis
dispositione, ut patet de artificiato respectu artificis. Voluntas autem non
disponit solum de forma effectus, sed de loco, duratione, et omnibus
conditionibus eius; unde oportet quod effectus voluntatis tunc sequatur quando
voluntas disponit, non quando voluntas est. Non enim secundum esse, sed
secundum id quod voluntas disponit, effectus voluntati similatur. Licet igitur
voluntas semper sit eadem, non tamen oportet quod semper ex ea effectus
sequatur. # 6. Comme tout agent fait du semblable а lui, il faut que l'effet
dйcoule de la cause qui opиre efficacement, de maniиre а maintenir sa
ressemblance. De mкme ce qui dйpend d'une cause qui agit naturellement
maintient la ressemblance dans la mesure oщ elle a une forme semblable а celle
de l'agent. De la mкme maniиre ce qui maintient sa ressemblance, dans la mesure
oщ il a une forme semblable а celle de l'agent, selon que cela se produit dans
un effet qui dйpend de la volontй, comme cela paraоt dans l'oeuvre de
l'artisan, en rapport avec lui. La volontй ne dispose pas seulement de la forme
de l'effet, mais du lieu, de la durйe et de toutes ses conditions. C'est
pourquoi, il faut que l'effet de la volontй suive quand elle le dispose, non
quand elle existe. Car ce n'est pas selon l'кtre, mais selon ce que la volontй
dispose, que l'effet est semblable а la volontй. Donc, bien que la volontй soit
toujours la mкme, cependant il ne faut pas que toujours l'effet en dйcoule.
q. 3 a. 17 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Deus de necessitate vult suam bonitatem et omne id sine
quo sua bonitas esse non potest. Tale autem non est creaturarum productio; unde
ratio non sequitur. # 7. Dieu veut nйcessairement sa bontй et tout ce sans quoi sa bontй ne
peut pas exister. Mais telle n'est pas la production des crйatures. C'est pour
cela que l'argument ne vaut pas.
q. 3 a. 17 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod cum Deus creaturas ad manifestationem sui produxerit,
convenientius fuit et melius ut sic producerentur, sicut convenientius et
expressius eum poterant manifestare. Expressius autem manifestatur ex
creaturis, si non semper sint; quia in hoc manifeste apparet quod ab alio eductae
sunt in esse, et quod Deus creaturis non indiget, et quod creaturae omnino
divinae subiacent voluntati. # 8. Comme Dieu a produit les crйatures pour se manifester, il a йtй
plus convenable et meilleur de les produire aussi comme elles pouvaient le
manifester plus convenablement et mieux. Mais il est plus expressйment
manifestй par les crйatures, si elles n'existaient pas toujours, parce que, en
cela, il apparaоt manifestement qu'elles viennent а l'кtre par un autre, que
Dieu n'a pas besoin de ses crйatures, et que les crйatures sont soumises
entiиrement а sa volontй .
q. 3 a. 17 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod Deus aeternam voluntatem habuit de mundi factione; non
tamen ut mundus semper fieret, sed ut tunc fieret quando fecit. # 9. Dieu a eu la volontй йternelle de crйer le monde, non cependant
pour qu'il existвt toujours, mais pour qu'il soit crйй quand il le fit.
q. 3 a. 17 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod antequam mundus esset, possibile erat mundum fieri, non
quidem aliqua potentia passiva, sed solum per potentiam activam agentis. Vel
potest dici, quod fuit possibile non per aliquam potentiam, sed quia termini
non sunt invicem discohaerentes, huiusmodi scilicet propositionis: mundus est.
Sic enim dicitur esse aliquid possibile secundum nullam potentiam, ut patet per
philosophum, in V Metaph.
# 10. Avant que le monde existe, il йtait possible qu'il soit crйй, non
а cause d'une quelconque puissance passive, mais seulement par la puissance
active de l'agent. Ou bien on peut dire encore qu'il a йtй possible, non par
une puissance, mais parce que les termes ne se contrarient pas entre eux, а
savoir ceux de cette proposition: "Le monde existe". Car ainsi on dit
que quelque chose est possible mais pas selon la puissance, comme le Philosophe
le fait voir (Mйtaphysique V, 15,
1021 a 24-25[19]).
q. 3 a. 17 ad 11 Et per hoc patet solutio ad
undecimum. 11. Et ainsi apparaоt la solution а la onziиme objection.
q. 3 a. 17 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod ratio illa procedit de agente quod incipit agere
actione nova; sed Dei actio est aeterna, cum sit sua substantia. Dicitur autem
incipere agere ratione novi effectus, qui ab aeterna actione consequitur
secundum dispositionem voluntatis, quae intelligitur quasi actionis principium
in ordine ad effectum. Effectus enim ab actione sequitur secundum conditionem
formae, quae est actionis principium; sicut aliquid est calefactum per
calefactionem ignis, ad modum caloris ignis. 12. Cette raison procиde de l'agent qui commence а agir par une action
nouvelle; mais l'action de Dieu est йternelle, puisqu'elle est sa substance. On
dit qu'il commence а agir pour un nouvel effet, qui dйcoule de l'action
йternelle selon la disposition de sa volontй, qui est comprise comme le
principe de l'action en rapport avec cet l'effet. Car l'effet dйcoule de
l'action selon la condition de la forme, qui en est le principe; ainsi quelque
chose est rйchauffй par la chaleur du feu, а la maniиre de sa chaleur.
q. 3 a. 17 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod ratio illa procedit de agente quod ita facit
effectum suum in tempore, quod tamen non est temporis causa; quod in Deo locum
non habet, ut ex supra dictis, patet. 13. Cette raison procиde d'un agent qui produit son effet dans le
temps, sans кtre la cause du temps, ce qui n'existe pas en Dieu, comme cela
paraоt de ce qu'on a dit plus haut (art. 15).
q. 3 a. 17 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod si motus proprie accipiatur, divina voluntas non
movetur; sed metaphorice loquendo dicitur moveri a suo volito; et sic sola Dei
bonitas movet ipsam, secundum quod Augustinus dicit quod Deus movet se ipsum
sine loco et tempore. Nec tamen sequitur quod quandocumque fuit bonitas eius,
tunc esset creaturarum productio; quia creaturae non procedunt a Deo ex debito
vel necessitate bonitatis, cum divina bonitas creaturis non egeat, nec per eas
ei aliquid accrescat, sed ex simplici voluntate.
14. Si le mouvement est pris au sens propre, la volontй divine n'est
pas mue, mais en parlant par mйtaphore, on dit qu'elle est mue par ce qu'il
veut, et ainsi la seule bontй de Dieu la meut elle-mкme, selon ce que dit
Augustin (La Genиse au sens littйral
VIII, 22) que Dieu se meut lui-mкme sans lieu ni temps. Cependant il n'en
dйcoule pas que chaque fois que sa bontй a existй, il y aurait eu production de
crйatures, parce qu'elles ne procиdent pas de Dieu comme un dы ou nйcessitй de
sa bontй, puisque la bontй divine n'a pas besoin des crйatures, et par elles
rien n'est accru en lui, mais cela vient de sa simple volontй.
q. 3 a. 17 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod cum prima successio temporis causetur ex motus
successione, ut dicitur in IV Phys., secundum hoc verum est quod omne instans
et est principium et finis temporis, dicendum quod verum est quod omne momentum
est principium et finis motus; unde si supponamus motum non semper fuisse nec
semper futurum esse, non oportebit dicere quod quodlibet instans sit principium
et finis temporis; sed erit aliquod instans quod est tantum principium, et
aliquod quod tantum finis. Unde patet quod ratio ista est circularis, et propter
hoc non est demonstratio; sed tamen est efficax secundum intentionem
Aristotelis, qui eam inducit contra positionem, ut dictum est, in corp. art.
Multae enim rationes sunt efficaces contra positionem propter ea quae ab
adversariis ponuntur, quae non sunt efficaces simpliciter.
ICIC
q. 3 a. 17 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod instans semper consideratur ut fluens, sed non
semper ut fluens ab aliquo in aliquid, sed quandoque ut fluens ab aliquo
tantum, sicut ultimum instans temporis; quandoque ut fluens in aliquid tantum,
sicut primum instans. 15. Comme la premiиre succession du temps est causйe par la succession
du mouvement, comme on le dit (Physique
IV, 218 b 9 sq.[20]), et qu'ainsi il est vrai que tout instant est commencement
et fin du temps, il faut dire qu'il est vrai que tout moment est commencement
et fin du mouvement; c'est pourquoi si nous supposons que le mouvement n'a pas
toujours existй, et ne durera pas toujours, il ne faudra pas dire que n'importe
quel instant est commencement et fin du temps, mais il y aura un instant qui
est seulement commencement et un qui est seulement fin. C'est pourquoi, il
apparaоt que cette raison est circulaire et c'est pour cela que ce n'est pas
une dйmonstration, mais cependant elle est efficace dans l'intention d'Aristote
qui l'oppose а cette opinion, comme on l'a dit dans le corps de l'article. Car
nombreuses sont les raisons efficaces contre cette opinion а cause de ce que
les adversaires ont pensй, causes qui ne sont pas efficaces de faзon absolue.
16. L'instant est toujours considйrй comme fluctuant, mais pas toujours
comme fluctuant de l'un dans l'autre, mais quelquefois comme fluctuant d'un
seulement comme le dernier instant du temps, quelquefois comme fluctuant en
l'un seulement, comme le premier instant.
q. 3 a. 17 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod illa ratio non probat quod motus semper fuerit,
sed quod motus circularis possit esse semper, quia ex mathematicis non potest
aliquid efficaciter de motu concludi; unde Aristoteles, non probat ex circulatione
motus, eius aeternitatem; sed supposito quod sit aeternus, ostendit quod est
circularis; quia nullus alius motus potest esse aeternus. 17. Cette raison ne prouve pas que le mouvement a toujours existй, mais
que le mouvement circulaire pourrait existй toujours, parce que
mathйmatiquement on ne peut rien conclure d'efficace sur le mouvement; c'est
pourquoi Aristote (Physique VIII, 8,
264 b 9 ss.) ne prouve pas de la circularitй du mouvement son йternitй; mais
supposй qu'il soit йternel, il montre qu'il est circulaire, parce que nul autre
mouvement ne peut кtre йternel.
q. 3 a. 17 ad 18 Et per hoc patet responsio ad
decimumoctavum. 18. Et par lа apparaоt la rйponse а la dix-huitiиme objection.
q. 3 a. 17 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod sicut se habet scibile ad scientiam nostram, ita se
habet scientia Dei ad creaturas. Nam scientia Dei est causa creaturarum, sicut
et scibile est causa scientiae nostrae; unde sicut scibile potest esse,
scientia nostra non existente, ut dicitur in praedicamentis, ita Dei scientia
esse potest, scibili non existente.
19. La science de Dieu se comporte vis-а-vis des crйatures de la mкme
maniиre que le connaissable vis-а-vis de notre science. Car celle de Dieu est
la cause des crйatures; de mкme que le connaissable est cause de notre science;
c'est pourquoi comme le connaissable peut exister sans que notre science
existe, comme on le dit (Les Catйgories, ad
aliquid, 7, 7 b 23), ainsi la science de Dieu peut exister sans que le
connaissable existe.
q. 3 a. 17 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod Deus praecedit mundum duratione, non quidem temporis,
sed aeternitatis, quia esse Dei non mensuratur tempore. Nec ante mundum fuit
tempus reale, sed solum imaginarium, prout scilicet nunc possumus imaginari
infinita temporum spatia, aeternitate existente, potuisse revolvi ante temporis
inceptionem. 20. Dieu prйcиde le monde dans la durйe, non du temps mais de
l'йternitй, parce que l'кtre de Dieu n'est pas mesurй par le temps. Et avant le
monde il n'y eut pas de temps rйel, mais seulement imaginaire, dans la mesure
oщ nous pouvons maintenant imaginer qu'un espace infini de temps, quand existe
l'йternitй, a pu se dйrouler avant le commencement du temps.
q. 3 a. 17 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod si relatio dominii intelligatur consequi
actionem qua Deus actualiter creaturas gubernat, sic non est ab aeterno
dominus. Si autem intelligatur consequi ipsam potestatem gubernandi, sic
competit ei ab aeterno. Nec tamen oportet creaturas ab aeterno ponere, nisi in
potentia.
21. La relation de Seigneur est comprise comme dйcoulant de l'action
par laquelle Dieu gouverne actuellement les crйatures, ainsi, il n'est pas
Seigneur depuis l'йternitй. Mais si on comprend qu'elle dйcoule de sa propre
puissance de gouverner, alors ce nom lui convient depuis l'йternitй. Cependant
il ne faut pas penser que des crйatures aient existй de toute йternitй, sinon
en puissance.
q. 3 a. 17 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod ratione illa utitur Augustinus, ad probandum
coaeternitatem et coaequalitatem filii ad patrem; quae tamen ratio non est
efficax de mundo; quia cum natura filii sit eadem cum patre, requirit
aeternitatem et aequalitatem patris; quae si sibi subtraheretur, invidiae
esset. Non autem hoc requirit natura creaturae; et ideo non est simile. 22. Augustin (Contre Maximinien, III,
ch. 7, 8, 22) se sert de cette raison pour prouver la coйternitй et la
coйgalitй du Fils au Pиre; cependant elle n'est pas valable pour le monde,
parce que la nature du Fils est la mкme que celle du Pиre, elle requiert
l'йternitй et l'йgalitй avec le Pиre. Si elle lui йtait enlevйe, ce serait une
spoliation. Mais la nature de la crйature ne le requiert pas, et c'est pourquoi
ce n'est pas pareil.
q. 3 a. 17 ad 23 Ad
vicesimumtertium dicendum, quod secundum Graecos dicitur: dominus regnavit in
saeculum saeculi, et adhuc; quod exponens Origenes in Glossa, dicit, quod
saeculum intelligitur spatium unius generationis, cuius finis notus est nobis:
per saeculum saeculi immensum spatium temporis, quod finem habet, tamen nobis
ignotum; sed adhuc ultra illud, regnum Dei extenditur. Et sic aeternum
exponitur pro tempore diuturno. Anselmus autem in Proslog., exponit aeternum
pro aevo, quod nunquam finem habet; et tamen ultra illud Deus esse dicitur
propter hoc:
primo, quia aeviterna possunt intelligi non esse.
Secundo, quia non essent, nisi a Deo continerentur; et sic de se non
sunt.
Tertio, quia non habent totum esse suum simul, cum in eis
sit aliqua mutationis successio. 23. Selon les Grecs on dit: "Le Seigneur a rйgnй pour le siиcle de
siиcle, et au-delа"; en l'exposant, Origиne, dans la glose, dit que le
siиcle est compris comme la durйe d'une gйnйration, dont la fin nous est connue;
par siиcle de siиcle, un immense durйe de temps, qui a une fin, cependant
ignorйe de nous; mais par encore, le rиgne de Dieu s'йtend au-delа de cela. Et
ainsi йternel est pris pour un temps qui dure. Mais Anselme dans le Proslogion
(ch. 19 et 20) dйfinit йternel comme l'aevum, qui jamais n'a de fin et
cependant on dit que Dieu est au-delа pour cette raison:
a) Ce qui est йviternel peut кtre compris comme n'existant pas.
b) Cela n'existerait que si c'йtait maintenu par Dieu: et ainsi en soi,
cela n'existe pas.
c) Ils n'ont pas tout leur кtre en mкme temps, puisqu'il y a en eux une
succession de changements.
q. 3 a. 17 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum,
quod pro tanto oportet illud quod incipit, habere mensuram durationis, quia
incipit per motum. Sic autem tempus non incipit per creationem, unde ratio non
sequitur; et tamen potest dici, quod omnis mensura in suo genere seipsa
mensuratur, sicut linea per lineam, et similiter tempus per tempus.
24. Pour autant, il faut que ce qui commence ait la mesure de la durйe,
parce qu'il commence par un mouvement. Mais ainsi le temps ne commence pas par
crйation; c'est pourquoi cette raison n'est pas valable; et cependant on peut
dire que toute mesure dans son genre est mesurйe par elle-mкme, comme la ligne
par la ligne, et semblablement le temps par le temps.
q. 3 a. 17 ad 25 Ad
vicesimumquintum dicendum, quod tempus non se habet sicut permanentia, quorum
substantia est tota simul; unde non oportet quod totum tempus sit quando
incipit esse; et sic nihil prohibet dicere, quod tempus incipit in instanti
esse. 25. Le temps ne se comporte pas comme ce qui est permanent dont la
substance est toute en mкme temps; c'est pourquoi il ne faut pas que le temps
en entier existe, quand il commence а exister, et ainsi rien n'empкche de dire
que le temps commence а кtre dans l'instant.
q. 3 a. 17 ad 26 Ad
vicesimumsextum dicendum, quod actio Dei est aeterna, sed effectus non est
aeternus, ut supra dictum est; unde licet Deus non semper fuerit causa, cum non
semper fuerit effectus, non tamen sequitur quod non fuerit causa in potentia,
quia actio eius semper fuit, nisi potentia ad effectum referatur.
26. L'action de Dieu est йternelle, mais l'effet ne l'est pas, comme on
l'a dit plus haut;. c'est pourquoi, bien que Dieu n'ait pas toujours йtй cause,
comme son effet n'a pas toujours existй, il n'en dйcoule cependant qu'il n'a
pas йtй la cause en puissance, parce que son action n'a toujours existй, que si
sa puissance se rapporte pas а un effet.
q. 3 a. 17 ad 27 Ad
vicesimumseptimum dicendum, quod secundum philosophum, verum est in mente, non
in rebus; est enim adaequatio intellectus ad res. Unde omnia quae fuerunt ab
aeterno, fuerunt vera per veritatem intellectus divini, quae est aeterna. 27. Selon le Philosophe (Mйtaphysique
VI, 4, 1027 b 25), la vйritй est dans l'esprit, non dans la rйalitй, car c'est
l'adйquation de l'intellect aux choses. C'est pourquoi tout ce qui a existй de
toute йternitй, a йtй vrai par la vйritй de l'intellect divin, qui йternel.
q. 3 a. 17 ad 28 Ad
vicesimumoctavum dicendum, quod omnia illa quae ab aeterno dicuntur esse vera,
non sunt alia et alia veritate vera, sed una et eadem divini intellectus
veritate, ad diversas tamen res in proprio esse futuras relata; et sic ex
diversa relatione potest aliqua distinctio in illa veritate designari. 28. Tout ce qui est dйclarй vrai йternellement n'est pas vrai par
diffйrentes vйritйs mais par une seule et mкme vйritй de l'esprit divin,
relative а diffйrentes choses futures dans leur propre кtre. Et ainsi du fait
de la diversitй de la relation, on peut opйrer une distinction dans cette
vйritй.
q. 3 a. 17 ad 29 Ad
vicesimumnonum dicendum, quod verbum etiam philosophi intelligitur de oratione
existente in nostro intellectu vel in nostra pronuntiatione; veritas enim
nostri intellectus vel verbi, ab existentia rei causatur. Sed e converso
veritas divini intellectus est causa rerum. 29. Ce mot du Philosophe est compris de l'йlocution dans notre
intellect et dans notre expression. Car la vйritй de notre esprit ou de notre
parole est causйe par l'existence de la chose; mais а l'inverse la vйritй de
l'esprit divin est la cause des choses.
q. 3 a. 17 ad 30 Ad
tricesimum dicendum, quod ex parte ipsius Dei facere non importat aliquid quod
sit aliud quam suum dicere; non enim actio Dei est accidens, sed eius
substantia; sed facere importat effectum actualiter existentem in propria
natura, quod per dicere non importatur. 30. Du cфtй de Dieu mкme, faire n'apporte rien d'autre que dire; car
son action n'est pas un accident, mais sa substance; mais faire apporte l'effet
existant actuellement dans la nature propre, ce qui n'est pas apportй par le
dire.
q. 3 a. 17 ad s. c.
Argumenta vero quae obiiciuntur in contrarium, licet verum concludant, non
tamen necessario, praeter primum, quod ex auctoritate procedit. Argumentum enim
perspicacitatis secundum temporis cursum, non ostendit tempus quandoque
incepisse. Potuit enim esse quod scientiarum studia pluries fuerint intermissa,
et postmodum post longa tempora quasi de novo incepta, ut philosophus etiam
dicit. Terra etiam non ita per illuvionem ex una parte consumitur, quin etiam per
mutuam elementorum conversionem ex parte alia augmentetur; duratio etiam Dei,
licet sit idem quod eius natura secundum rem, tamen differt ratione; unde non
oportet quod sit prior duratione, si est prior natura.
Bien que les objections des arguments contraires dйfinissent ce qui est
vrai, ils ne le font pas nйcessairement cependant, sauf la premiиre qui procиde
d'une autoritй. Car l'argument de la perspicacitй[21] selon le cours du temps
ne montre pas que le temps a un jour commencй. Car il a pu arriver que l'йtude
des sciences ait йtй plusieurs fois interrompue, et ensuite aprиs de long temps
comme recommencйe de nouveau, comme le Philosophe le dit aussi (Mйtaphysique XI). La terre n'est pas
emportйe par l'йrosion d'un cфtй, sans que par un changement mutuel des
йlйments elle augmente d'un autre cфtй. La durйe mкme de Dieu[22], bien qu'elle
soit en rйalitй la mкme chose que sa nature, diffиre cependant en raison. C'est
pourquoi, il ne faut pas qu'il soit avant en durйe, s'il est avant en nature.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Ia, qu. 46, a.1 et a. 2 – CG II, 31 sq. – Quodl III, 14, 2 – Compendium. 98 –
Phys. VIII 1, 2 – I De cжlo et mundo, I, l. 6, 29 –Mйtaphysique XII, lect. 5 – II Sent. d1qu1a5).
[2]
Le problиme de l'йternitй du monde a fait couler beaucoup d'encre, tant au
XIIIe qu'а notre йpoque. On pourra trouver des informations а ce sujet,
succinctes chez J.-P. Torell, Initiation а saint Thomas d'Aquin, Paris,
Fribourg, 1993, p. 286, ss., M.-D. Chenu, Introduction а l'йtude de saint
Thomas d'Aquin, Montrйal, Paris, 1974. Informations plus dйveloppйes, dans E.
gilson, Introduction а la philosophie de saint Thomas d'Aquin, Paris, 1948,
A.-D. Sertillanges, L'idйe de crйation, Paris, 1945, A. Wohlman, Thomas d'Aquin
et Maпmonide, Paris 1988. Etc.. Chez Thomas, le problиme est йvoquй, dans
l'ordre chronologique, dans les oeuvres suivantes: II Sent. d1qu1a5 – CG. II,
31-38 – Pot. 3, 17 – De aeternite mundi – Compendium. I, 98-99 – Ia, qu. 46, a.
2 et 3 – Quodl. III, qu. 13, a. 2 – XII, qu. 6, a. 1.
[3]
Cf. Pot. qu. 5, a. 6.
[4]
Ou 286 a 17, Thomas lectio 4, n°335.
[5]
"N'importe quel effet est nйcessaire par comparaison а sa cause parce que,
si, une fois la cause posйe, l'effet n'en dйcoule pas nйcessairement, il sera
encore possible, une fois la cause posйe que l'effet existe ou n'existe"
(Tout ce qui existe est nйcessaire et tout ce qui n'existe est impossible).
Veritate 23, 5, obj. 1. (Cf., Mйtaphysique
VI, lectio 3 n°1192-93-94 etc.. I Sent. d37q1c). "L'objecteur conclut que
depuis qu'un Dieu йternel est la cause suffisante du monde, il doit normalement
exister, mais exister йternellement. (B. H. Zedler, The inner unity of the De potentia? The
modern schoolman, Tradition, 6/1948, p. 95) Cf Avicenne, Metaphysice
compendium. (
[6]
C'est le temps des crйatures spirituelles qui ont commencй а exister (anges,
hommes) mais а qui est promis un temps qui ne finira pas. Thomas, Ia, 10, 5 Il
ajoute:"il n'a pas d'avant et d'aprиs mais ils peuvent lui кtre ajoutйs".
[7]
"Imperat, inquam, ut velit". L'esprit lui commande (au corps) ,
dis-je, de vouloir.
[8]
Problиme dйjа examinй en Pot. 3, 1, obj. 2 et aussi Ia, qu. 46, a. 1, obj. 1.
[9]
Il faut comprendre qu'il est Seigneur dans le temps, parce que des crйatures
lui sont soumises. Cf. Ia, qu. 13, a. 7, c'est le sed contra. "Augustin
dit: cette appellation relative Seigneur convient а Dieu dans le temps." –
Ad 5: "Comme la relation de sujйtion est rйellement dans la crйature, il
en dйcoule que Dieu est Seigneur non en raison seulement, mais rйellement. Car
de le mкme maniиre on l'appelle Seigneur du fait que la crйature lui est
sujette. Il est appelй ainsi, dans le sens oщ la crйature lui est soumise."
[10]
Comprendre jaloux du Fils qui l'aurait fait а sa place?
[11]
Donc l'йternitй est considйrйe comme un domaine fini avec en dehors le temps.
Il n'est pas sыr que cet au-delа de Exode 15, 18 signifie cela. Il pourrait
кtre considйrй comme une sorte de superlatif: toute йternitй et plus encore.
[12]
Priscien, philosophe nйoplatonicien du VIe siиcle aprиs J.C..
[13]
Ia, qu. 46, a. 2, "La non йternitй du monde est assurйe par la foi, mais
ne peut pas кtre dйmontrйe."
[14]
Dans la crйation ex nihilo, il n'y a pas de cause matйrielle, pas de matiиre
prйexistante.
[15]
Cf. Mйtaphysique, XII, 1, 1069 a 19:"...si
l'univers est comme un tout..."
[16]
Aristote, Mйtaphysique , I 3, 983 b,
6: "La plupart des premiers philosophes ne considйraient comme principe de
toutes choses que les seuls principes de nature matйrielle.” Materia est
ingenita (p. 27). Voir Physique, 1,
9, 192 a 20-34, Thomas lectio 15, n° 11, De caelo et mundo, I, 3, 270 a 12-14.
Thomas, lectio 6, n°1.
[17]
Physique, VIII, 1, 250 b 25.
[18]
Anaxagore VIII, 1, 250 b 23 et Empйdocle 250 b 25. Problиme s'il y a eu un
temps oщ il n'y avait pas de mouvement. Deux solutions: Anaxagore: "...l'Intelligence
qui a imprimй le mouvement et opйrй le discernement." Empйdocle: mouvement
et repos alternent. L'Amitiй fait l'un а partir du multiple ou la Haine le multiple
а partir de l'un, et le repos dans les temps intermйdiaires."
[19]
Mйtaphysique V 15, 1021 a 24-25:
"Il y a enfin des relations selon la privation de puissance, comme
l'impossible et autres notions de mкme nature, l'invisible par exemple".
[20]
Physique 4, 10, 218 b 9 (p. 148 en
bas): "Mais puisque le temps paraоt surtout кtre un mouvement un
changement.” – "219 a, 2; "C'est en percevant le mouvement que nous
percevons le temps." – 219 a 8 "Le temps est mouvement ou quelque
chose du mouvement". Cf. II Sent, d1q1a5, obj. et sol. 5.
[21]
En sens contraire 2.
[22]
En sens contraire 4.
Article 18: Les anges ont-ils йtй crййs avant le monde visible?
q. 3
a. 18 tit. 1 Decimoctavo quaeritur utrum Angeli sint creati ante mundum
visibilem. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 3 a. 18 arg. 1 Quia Gregorius Nazianzenus dicit, quod
Deus primum excogitavit angelicas
virtutes et caelestes; et excogitatio fuit opus eius. Ergo prius fecit Angelos
quam mundum visibilem conderet. 1. Parce que, [comme le rapporte Jean Damascиne (livre 2, ch. 3[2])], Grйgoire de Naziance dit (Orat. 38) que Dieu d'abord pensa les puissances angйliques et
cйlestes et sa pensйe fut son oeuvre. Donc il crйa les anges avant de fonder le
monde visible q. 3 a. 18 arg. 2
Sed dicendum, quod ly primum dicit ordinem naturae, non durationis.- Sed contra, Damascenus ibidem ponit super hoc duas opiniones: quarum una
ponit, Angelos primum fuisse creatos, alia vero dicit contrarium. Sed nulla
unquam opinio posuit, quin Angeli natura priores essent visibilibus creaturis.
Ergo oportet quod intelligatur de ordine durationis. 2. Mais il faut dire que le mot premier
indique l'ordre de la nature et non celui de la durйe. – En sens contraire, Jean Damascиne rapporte au mкme endroit а ce
sujet deux opinions[3]; dont l'une йtablit que les anges
ont йtй crййs en premier, et l'autre dit le contraire. Mais jamais aucune
opinion n'a affirmй que les anges aient existй par nature avant les crйatures
visibles. Donc il faut le comprendre de l'ordre de la durйe. q. 3 a. 18 arg. 3
Praeterea, Basilius dicit in principio Hexameron: erat quaedam natura ante hunc
mundum intellectui nostro contemplabilis; quod postmodum exponit de Angelis;
ergo videtur quod ante hunc mundum Angeli sint creati. 3. Basile dit au dйbut de son Hexameron
(Hom. 1): "Il y avait une nature
avant ce monde qui pouvait кtre contemplйe par notre esprit". Aprиs il
parle des anges. Donc il semble que les anges aient йtй crййs avant ce monde. q. 3
a. 18 arg. 4 Praeterea, ea quae cum mundo visibili facta sunt, Scriptura in
principio Genesis prosequitur. Sed de Angelis nullam facit mentionem. Ergo
videtur quod Angeli non fuerunt creati cum mundo, sed ante mundum. 4. Ce qui a йtй fait avec le monde visible, l'Йcriture l'expose au
dйbut de la Genиse. Mais elle ne fait
aucune mention des anges. Il semble donc qu'ils n'ont pas йtй crййs avec le
monde, mais avant lui. q. 3 a. 18 arg. 5 Praeterea, illud quod
ordinatur ad perfectionem alicuius sicut ad finem, est eo posterius. Sed mundus
visibilis ordinatur ad perfectionem intellectualis naturae: quia, ut Ambrosius
dicit, Deus, qui natura invisibilis est, opus visibile fecit, per quod cognosci
posset. Et non nisi a rationali creatura. Ergo rationalis
creatura facta est ante mundum visibilem. 5. Ce qui est ordonnй а la perfection d'un кtre comme а sa fin, lui est
postйrieur. Mais le monde visible est ordonnй а la perfection de la nature
intellectuelle; parce que, comme Ambroise le dit (Hexaemeron I, 5) Dieu, qui par nature est invisible, a fait une
oeuvre visible par laquelle il puisse кtre connu. Il ne peut кtre connu que par
la crйature raisonnable. Donc celle-ci a йtй crййe avant le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 6
Praeterea, quidquid est ante tempus, est ante mundum visibilem: quia tempus cum
mundo visibili incepit. Sed Angeli creati sunt ante tempus: non enim fuit
tempus ante diem; Angeli autem creati sunt ante diem, ut Augustinus dicit. Ergo
Angeli creati sunt ante mundum visibilem. 6. Ce qui existe avant le temps est avant le monde visible: parce que
le temps a commencй avec lui. Mais les anges ont йtй crййs avant le temps; car
il n'y eut pas de temps avant le jour; mais les anges ont йtй crййs avant le
jour, comme le dit Augustin (La Genиse au
sens littйral, I, 9[4]). Donc ils ont йtй crййs avant
le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 7
Praeterea, Hieronymus dicit super epistolam ad Titum, cap. I: sex millia necdum
nostri temporis implentur annorum; et quantas prius aeternitates, quanta
tempora fuisse arbitrandum est, in quibus Angeli Deo servierunt, et eo iubente
substiterunt? Sed mundus visibilis cum nostro
tempore incepit. Ergo Angeli ante mundum visibilem fuerunt. 7. Jйrфme dit dans son commentaire sur l'Йpоtre а Tite (ch. 1): "Six mille ans de notre temps ne sont pas
encore accomplis; et il faut penser combien d'йternitй avant, combien de temps
ont existй pendant lesquels les anges ont servi Dieu et ont йtй sous son
commandement." Mais le monde visible a commencй avec notre temps. Donc
les anges ont existй avant le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 8 Praeterea, sapientis est
ordinate suum effectum producere. Sed Angeli praecedunt nobilitatem creaturarum
visibilium. Ergo a sapientissimo artifice Deo, primo
debuerunt produci in esse. 8. C'est le propre du sage de produire son effet avec ordre (Mйtaphysique, I, 2, 982 a 17-18) . Mais les anges prйcиdent la noblesse
des crйatures visibles. Donc ils ont dы кtre amenйs а l'кtre en premier par
l'artisan trиs sage qu'est Dieu. q. 3 a. 18 arg. 9
Praeterea, Deus, in quantum bonus est, suae bonitatis alios participes facit.
Sed huius dignitatis capaces erant Angeli, quod creaturam visibilem duratione
praecederent. Ergo videtur hoc eis per summam Dei bonitatem collatum. 9. Dans la mesure oщ Dieu est bon, il fait participer les autres а sa
bontй. Mais les anges йtaient susceptibles de recevoir cette dignitй,
puisqu'ils ont prйcйdй dans la durйe la crйature visible. Donc il semble que
cela leur a йtй attribuй par la bontй suprкme de Dieu. q. 3
a. 18 arg. 10 Praeterea, homo dicitur minor mundus, quia maioris mundi
similitudinem gerit. Sed in homine pars eius nobilior ante alias partes
formatur, scilicet cor, ut philosophus dicit. Ergo videtur quod Angeli, qui
sunt nobilior pars maioris mundi, ante visibiles creaturas sint conditi. q. 3 a. 18 arg. 11
Praeterea, ut Augustinus dicit, in opere secundae diei et deinceps tripliciter
Scriptura rerum factionem commemorat. Dicit enim primo: dixit Deus, fiat
firmamentum. Secundo: et factum est ita. Tertio vero: fecit Deus firmamentum.
Quorum primum refertur ad esse rerum in verbo; secundum ad esse rerum in
cognitione angelica, prout Angeli accipiunt cognitionem creaturae fiendae;
tertium vero ad esse creaturae in propria natura. Sed quando creatura visibilis
erat fienda, nondum erat. Ergo Angeli fuerunt et habuerunt cognitionem naturae
visibilis antequam esset. 10. L'homme est appelй un petit
monde [microcosme], parce qu'il porte la ressemblance d'un monde plus
grand. Mais dans l'homme, la partie la plus noble est formйe avant les autres,
а savoir le coeur, comme le dit le Philosophe (La gйnйration des animaux, ch. 4). Donc il semble que les anges qui
sont la plus noble partie du monde aient йtй crййs avant les crйatures
visibles. 11. Comme Augustin le dit (La
Genиse au sens littйral, II, 7, et 8) dans l'oeuvre du deuxiиme jour et
ensuite par trois fois, l'Йcriture rappelle la crйation. Car elle dit d'abord: "Et Dieu dit: que soit fait le
firmament." Deuxiиmement: "Et
ainsi fut fait". Troisiиmement: "Dieu fit le firmament." Le premier se rapporte а l'кtre des
choses dans le Verbe, le second а leur кtre dans la connaissance angйlique,
dans la mesure oщ les anges ont reзu la connaissance des crйatures а crйer; le
troisiиme а l'кtre de la crйature dans sa propre nature. Mais quand la crйature
visible devait кtre faite, elle n'existait pas encore. Donc les anges ont
existй et eurent connaissance de la nature visible avant qu'elle ait existй. q. 3 a. 18 arg. 12
Sed dicendum, quod hic intelligitur de factione creaturae quantum ad eius
formationem, non quantum ad primam creationem.- Sed contra, secundum opinionem
Augustini, creatio naturae visibilis non praecedit tempore eiusdem formationem.
Si ergo Angelus fuit ante formationem creaturae visibilis, fuit et ante eius
creationem. 12. Mais il faut dire qu'on
le comprend de la rйalisation de la crйature quant а sa mise en forme, non
quant а sa premiиre crйation. En sens
contraire, selon l'opinion d'Augustin (La
Genиse au sens littйral, I, XV, 29[5]) la crйation de
la nature visible n'a pas prйcйdй sa mise en forme dans le temps. Si donc
l'ange a existй avant la formation de la crйature visible, il a existй aussi
avant sa crйation. q. 3 a. 18 arg. 13
Praeterea, dicere Dei est causa creaturae fiendae; quod non videtur posse
intelligi de aeterna verbi genitura quia illa ab aeterno fuit, nec per vices
temporum repetitur; cum tamen in singulis diebus Scriptura repetat Deum aliquid
dixisse. Nec etiam potest intelligi de locutione corporali; tum quia nondum
erat homo, qui vocem Dei loquentis audiret; tum etiam quia oportuisset ante
lucis formationem aliquod aliud corporeum formatum fuisse, cum vox corporalis
non fiat nisi per alicuius corporis formationem. Ergo videtur quod intelligatur
de spirituali locutione qua Deus ad Angelos loquitur; et sic videtur quod
Angelorum cognitio praesupponatur ut causa ad creaturarum visibilium
productionem. 13. La dire de Dieu est la
cause de la crйature а crйer, ce qui ne semble pas pouvoir кtre compris de la
gйnйration йternelle du Verbe, parce qu'elle a existй de toute йternitй, et
n'est pas rйpйtйe dans la succession des temps, alors que cependant l'Йcriture
rйpиte que chaque jour Dieu a dit une parole. Et ainsi on ne peut le comprendre
de la parole corporelle, d'abord parce qu'il n'y avait pas encore d'homme pour
entendre la voix de Dieu qui parle; ensuite aussi parce qu'il aurait fallu,
avant la formation de la lumiиre, que quelque autre corps ait йtй formй,
puisque la voix corporelle n'йtait йmise qu'aprиs la formation d'un corps. Donc
il semble qu'on le comprend de la parole spirituelle par laquelle Dieu parle а
ses anges et ainsi il semble que la connaissance des anges est prйsupposйe
comme cause pour la production des crйatures visibles. q. 3 a. 18 arg. 14
Praeterea ut supra dictum est, sacra Scriptura tripliciter actionem rerum
commemorat: quorum primum pertinet ad esse rerum in verbo; secundum ad esse
rerum in cognitione angelica; tertium in propria natura. Sed primum horum
praecedit secundum et duratione et causa. Ergo similiter secundum praecedit
tertium duratione et causa, scilicet cognitio angelica existentiam visibilis
creaturae. 14. Comme on l'a dit ci-dessus, l'Йcriture sainte rappelle de trois
maniиres l'action sur les crйatures. La premiиre concerne leur кtre dans le
Verbe; la seconde dans la connaissance angйlique et la troisiиme dans leur propre
nature. Mais la premiиre prйcиde la seconde par la durйe et la cause. Donc,
semblablement la seconde prйcиde la troisiиme par la durйe et la cause,
c'est-а-dire que la connaissance angйlique prйcиde l'existence de la crйature
visible. q. 3 a. 18 arg. 15
Praeterea, non minus requiritur ordo in exitu rerum a principio quam in
reductione earum in finem. Sed in reducendo res in finem, haec est lex
divinitatis statuta, ut Dionysius dicit, quod ultima reducantur in finem per
media. Ergo simpliciter creaturae corporales quae sunt infimae, procedunt a Deo
per angelicas creaturas, quae sunt mediae; et sic Angeli corporales creaturas
praecedunt, sicut causae effectum. 15. Un ordre dans la sortie des choses de leur principe n'est pas moins
requis que dans leur retour а leur fin, Mais pour les ramener а leur fin, c'est
une loi йtablie par la Divinitй, comme le dit Denys (La hiйrarchie cйleste, ch. 5), parce que la derniиre est ramenйe а
la fin par des intermйdiaires. Donc simplement les crйatures corporelles qui sont
faibles, procиdent de Dieu par les crйatures angйliques qui sont
intermйdiaires, et ainsi les anges prйcиdent les crйatures corporelles comme
les causes leur effet. q. 3 a. 18 arg. 16
Praeterea, eis quae sunt omnino disparata, non competit associatio. Sed Angeli
et creaturae visibiles sunt omnino disparata. Ergo non sunt associati in
creatione, ut simul fierent. Inordinatum etiam esset quod Angeli post creaturas
visibiles fierent. Ergo ante creaturas visibiles sunt conditi. 16. Pas question d'association pour ce qui est tout а fait diffйrent.
Mais les anges et les crйatures visibles sont tout а fait diffйrents. Donc ils
ne sont pas associйs dans la crйation, pour кtre crййs ensemble. Ce serait mкme
contre l'ordre que les anges aient йtй crййes aprиs les crйatures visibles.
Donc ils ont йtй crййs avant elles. q. 3 a. 18 arg. 17
Praeterea, Eccli. I, 4, dicitur: primo omnium creata est sapientia; quod non
potest intelligi de filio Dei, qui est patris sapientia; cum ipse non sit
creatus, sed genitus. Ergo sapientia angelica, quae
est creatura, est ante omnia alia facta. 17. On dit en Eccl.1, 4: "La sagesse a йtй crййe la premiиre de tout",
ce qui ne peut pas кtre compris du Fils de Dieu, qui est la sagesse du Pиre,
puisqu'il n'a pas йtй crйй, mais engendrй. Donc la sagesse angйlique, qui est
une crйature, a йtй faite avant toutes les autres crйatures. q. 3 a. 18 arg. 18
Praeterea Hilarius dicit in Lib. de Trinitate: quid mirum, si dominum nostrum
Iesum Christum ante saecula fuisse confiteamur, cum etiam Deus Angelos fecerit
ante mundum? Sed Dei filius non solum ordine dignitatis, sed etiam durationis
omnia saecula praecessit. Ergo et Angeli mundum visibilem. 18. Hilaire dit au livre XII de la Trinitй: "Qu'y a-t-il d'йtonnant si nous confessons
que notre Seigneur Jйsus Christ a existй avant tous les siиcles, puisque mкme
Dieu a fait les anges avant le monde." Mais le Fils de Dieu non
seulement dans l'ordre de la dignitй mais encore dans celui de la durйe, a
prйcйdй tous les siиcles. Donc les anges ont prйcйdй le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 19
Praeterea, creatura angelica media est inter naturam divinam et corpoream:
aevum etiam, quod est Angeli mensura, medium est inter aeternitatem et tempus.
Sed Deus sua aeternitate fuit ante Angelos et visibilem creaturam. Ergo et
Angeli suo aevo fuerunt ante mundum visibilem. 19. La crйature angйlique est intermйdiaire entre la nature divine et
la nature corporelle; l'aevum[6] aussi, qui est la mesure de l'ange, est intermйdiaire
entre l'йternitй et le temps. Mais Dieu a йtй dans son йternitй avant les anges
et la crйature visible. Donc les anges ont existй dans leur aevum avant le monde visible. q. 3 a. 18 arg. 20
Praeterea, Augustinus dicit, quod Angeli semper fuerunt. Sed non potest dici
quod creatura corporalis semper fuerit. Ergo Angeli fuerunt ante corpoream
creaturam. 20. Augustin, dans la Citй de
Dieu (XI, 9), dit que les anges ont toujours existй. Mais on ne peut pas le
dire de la crйature corporelle. Donc les anges ont existй avant la crйature
corporelle. q. 3 a. 18 arg. 21
Praeterea, motus creaturae corporeae peraguntur per ministerium spiritualis
creaturae, ut patet per Augustinum, et per Gregorium. Sed motor praecedit mobile. Ergo Angeli fuerunt ante visibiles creaturas. 21. Les mouvements des crйatures corporelles sont accomplis par le
ministиre de la crйature spirituelle, comme on le voit chez Augustin (La Trinitй, III) et Grйgoire [le Grand]
(Dialogues IV). Mais le moteur
prйcиde le mobile. Donc les anges ont existй avant les crйatures corporelles [7]. q. 3 a. 18 arg. 22 Praeterea, Dionysius
assimilat actionem divinam in res, actioni ignis in corpora quae ab igne
patiuntur. Sed ignis prius agit in corpora propinqua quam in remota. Ergo et divina bonitas primo produxit creaturas angelicas sibi
propinquas, quam creaturas corporeas magis ab eo distantes; et sic Angeli ante
mundum fuerunt. 22. Denys assimile l'action divine sur les crйatures а l'action du feu
sur les corps qui le subissent. Mais le feu agit dans un corps proche avant
d'agir sur un corps йloignй. Donc la bontй divine a produit les crйatures
angйliques proches de lui avant les crйatures corporelles plus distantes et
ainsi les anges ont existй avant le monde. En sens contraire: q. 3 a. 18 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicitur in principio
Genes. I, 1: in principio creavit Deus
caelum et terram; ubi Glossa Augustini dicit, quod per caelum intelligitur
natura angelica, per terram vero natura corporalis. Ergo Angeli simul cum
natura corporali fuerunt facti. 1. Au dйbut de la Genиse (1, 1), il est dit: "Au commencement Dieu crйa le ciel et la
terre," oщ la glose d'Augustin dit que par le ciel il faut entendre la nature angйlique, par la terre, la nature corporelle. Donc les
anges ont йtй crййs en mкme temps que la nature corporelle. q. 3 a. 18 s. c. 2
Praeterea, Glossa Strabonis ibidem dicit, quod per caelum ibi intelligitur
caelum Empyreum, quod mox factum sanctis Angelis est repletum. Ergo Angeli simul fuerunt facti cum caelo Empyreo, quod est visibilis
creatura. 2. La glose de Strabon dit en ce mкme endroit, que par le ciel on comprend le ciel empyrйe qui,
bientфt aprиs avoir йtй crйй, a йtй rempli par les anges. Donc les anges ont
йtй crййs en mкme temps que le ciel empyrйe, qui est une crйature visible. q. 3
a. 18 s. c. 3 Praeterea, homo minor mundus dicitur, quia habet similitudinem
maioris mundi. Sed in homine simul fit corpus et anima. Ergo et in
mundo maiori simul fit angelica et corporalis creatura. 3. On appelle l'homme un petit
monde, [microcosme] parce qu'il ressemble au monde plus grand. Mais dans
l'homme, le corps et l'вme sont faits en mкme temps. Donc dans le monde plus
grand, la crйature angйlique et la crйature corporelle sont faites en mкme
temps[8]. Rйponse: q. 3 a. 18 co. Respondeo. Dicendum quod in hoc omnes
Catholici doctores consenserunt, quod
Angeli non semper fuerunt, utpote de nihilo in esse producti. Tous les docteurs catholiques sont d'accord que les anges n'ont pas
toujours existй, vu qu'ils ont йtй amenйs du nйant а l'кtre. Quidam tamen posuerunt Angelos non simul cum
mundo visibili, sed ante mundum visibilem incepisse. Ad hoc autem ponendum diversis rationibus
sunt moti. A) Certains[9]
ont pensй que les anges n'ont pas commencй avec le monde visible, mais avant lui. Ils ont йtй amenйs а le
penser par diverses raisons. Quidam namque aestimaverunt creaturas corporeas non esse
productas ex prima Dei intentione, sed occasionem eas producendi ex merito vel
demerito spiritualis creaturae Deum habuisse dixerunt. Posuit enim Origenes, a
principio simul creatas esse omnes creaturas immateriales et rationales, et eas
fuisse aequales, divina iustitia hoc exigente. Non enim videtur quod
inaequalitas possit esse in datis, iustitia servata, nisi propter meriti vel
demeriti diversitatem. Unde diversitatem creaturarum (quam videmus)
praecessisse posuit meriti et demeriti diversitatem, ut secundum quod
spiritualium creaturarum quaedam magis Deo adhaeserunt, in altiores ordines
Angelorum sint promotae; quae vero magis peccaverunt, grossioribus et
ignobilioribus corporibus sint alligatae; quasi ipsa meritorum diversitas
exegerit diversos gradus corporum a Deo produci Car certains ont pensй que
les crйatures corporelles n'avaient pas йtй produites dans un premier dessein
de Dieu, mais ils disent qu'il eut l'occasion de les produire а cause du mйrite
ou du dйmйrite de la crйature spirituelle. Origиne, en effet, a pensй qu'au
commencement, ont йtй crййes en mкme temps toutes les crйatures immatйrielles
et rationnelles et qu'elles ont йtй йgales, comme la justice divine l'exigeait.
Car il ne semble que l'inйgalitй n'ait pu кtre dans ce qui est donnй, si on
conserve la justice, qu'а cause de la diversitй du mйrite ou du dйmйrite. C'est
pourquoi il pensa que la diversitй des crйatures (que nous voyons) a prйcйdй la
diversitй du mйrite et du dйmйrite, de sorte que certaines des crйatures
spirituelles qui ont davantage adhйrй а Dieu, ont йtй promues dans les ordres
les plus hauts des anges, mais celles qui ont davantage pйchй ont йtй liйes а
des corps plus grossiers et moins nobles; comme si la diversitй mкme des
mйrites avait rйclamй les divers degrйs des corps produits par Dieu. Hanc autem positionem Augustinus reprobat. Causam enim
creaturarum condendarum, tam spiritualium quam corporalium, constat nihil aliud
esse quam Dei bonitatem, inquantum creaturae suae, sua bonitate creatae,
bonitatem increatam secundum suum modum repraesentant. Propter quod Scriptura
dicit de singulis Dei operibus, et postmodum de omnibus simul: vidit Deus cuncta quae fecerat, et erant
valde bona; quasi diceret, quod ad hoc Deus creaturas condidit, quod
bonitatem haberent. Secundum autem opinionem praedictam non ad hoc conditae
fuissent creaturae corporales quia bonum esset eas esse, sed ut malitia
spiritualis creaturae puniretur. Sequeretur etiam quod ordo universi quem nunc
videmus a casu existeret, in quantum accidit quod diversae rationales creaturae
diversimode peccaverunt. Si enim omnes peccassent aequaliter, nulla diversitas
naturarum in corporibus esset, secundum eos. Mais Augustin dйsapprouve cette position (La citй de Dieu, XI, 23). Car il est clair que la cause des
crйatures, tant spirituelles que corporelles, qui devaient кtre crййes, n'est
rien d'autre que la bontй de Dieu, en tant qu'elles sont ses crйatures; crййes
par sa bontй, elles reprйsentent sa bontй incrййe а leur maniиre. C'est
pourquoi l'Йcriture (Gn. 1, 31) dit
de chacune des oeuvres de Dieu et ensuite de toutes ensemble: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait, et
c'йtait trиs bon," comme si elle disait qu'il a crйй ses crйatures
pour qu'elles possиdent sa bontй. Mais selon cette opinion, les crйatures
corporelles n'auraient pas йtй crййes parce qu'il serait bien qu'elles
existent, mais pour que le mal de la crйature spirituelle soit punie. Il
s'ensuivrait que l'ordre de l'univers que nous voyons maintenant, existerait
par le hasard, dans la mesure oщ il arrive que les diverses crйatures
rationnelles ont pйchй de diverses maniиres. Mais si toutes avaient pйchй
йgalement, il n'y aurait selon eux aucune diversitй de nature dans les corps. Unde hac positione remota, alii ex consideratione naturae
spiritualium substantiarum, quae est dignior omni natura corporali, posuerunt
spirituales substantias ante corporales conditas esse; ut sicut natura
spiritualis creata, media est ordine naturae inter Deum et creaturam
corporalem, ita etiam sit media duratione. B) C'est pourquoi, une fois repoussйe cette opinion, d'autres en considйrant la nature des
substances spirituelles, qui est plus digne que toute nature corporelle, ont
pensй que les substances spirituelles avaient йtй crййes avant les substances
corporelles, de sorte que, de mкme que la nature spirituelle crййe est
intermйdiaire dans l'ordre de la nature entre Dieu et la crйature corporelle,
de mкme elle serait intermйdiaire dans la durйe. Haec autem opinio cum fuerit magnorum doctorum, scilicet
Basilii, Gregorii Nazianzeni, et quorumdam aliorum, non est tamquam erronea
reprobanda. Mais cette opinion, comme elle a йtй celle des grands docteurs,
c'est-а-dire celle de Basile, de Grйgoire de Naziance et quelques autres, ne
doit pas кtre rйprouvйe comme erronйe[10]. Sed si diligenter consideretur alia opinio, quae est
Augustini et aliorum doctorum, quae etiam modo communiter tenetur,
rationabilior invenitur. Angeli enim non solum sunt considerandi absolute, sed
etiam in quantum sunt pars universi; et haec consideratio eorum intantum est
magis attendenda, in quantum bonum universi praeeminet bono cuiuslibet
creaturae particularis, sicut bonum totius praeeminet bono partis. Secundum
autem quod considerantur Angeli ut partes universi, competit eis quod simul cum
creatura corporali sint conditi. Unius enim totius una videtur esse productio.
Si autem seorsum essent Angeli creati, viderentur omnino alieni ab ordine
creaturae corporalis, quasi aliud universum per se constituentes. Unde dicendum
est, quod Angeli simul cum creatura corporali sunt conditi; tamen sine alterius
opinionis praeiudicio. C) Mais si on considиre avec attention une autre opinion, celle
d'Augustin et d'autres docteurs, laquelle est communйment acceptйe, on la
trouve plus rationnelle. Car les anges, non seulement doivent кtre considйrйs
dans l'absolu, mais aussi en tant que partie de l'univers; et cette considйration
doit кtre observйe bien plus, dans la mesure oщ le bien de l'univers prйvaut
sur le bien de quelque crйature particuliиre, de mкme que le bien du tout
prйvaut sur celui de la partie. Selon qu'on considиre les anges comme partie de
l'univers, il leur appartient d'avoir йtй crййs en mкme temps que les crйatures
corporelles. Car il semble qu'il y a production d'un seul tout. Mais si les
anges avaient йtй crййs sйparйment, ils sembleraient tout а fait йtrangers а
l'ordre de la crйature corporelle, comme s'ils constituaient un autre univers
par eux-mкmes. C'est pourquoi il faut dire que les anges ont йtй crййs en mкme
temps que la crйature corporelle, cependant sans prйjuger d'une autre opinion. Solutions q. 3 a. 18 ad 1 Et
per hoc patet responsio ad tria prima: quia procedunt secundum mediam opinionem. # 1. 2. 3. Et ainsi apparaоt la rйponse aux trois premiиres objections
qui procиdent de cette opinion intermйdiaire. q. 3 a. 18 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut Basilius dicit in primo Hexameron, Moyses
legislator in principio Genesis exordium visibilis creaturae incepit exponere
praetermissa creatura spirituali quae ante fuerat condita, de qua mentionem non
fecit, quia rudi populo loquebatur, qui ad spiritualia capienda idoneus non
erat. Secundum Augustinum vero creaturam spiritualem per caelum intelligit,
sicut per terram creaturam corporalem, cum dicit: in principio creavit Deus
caelum et terram. Quare autem sub metaphora caeli et non expresse creationem
Angelorum tradidit, potest eadem ratio assignari quae et supra, scilicet ex
populi ruditate, et iterum ad vitandam idololatriam in quam proni erant; ad
quam daretur eis occasio si plures substantiae spirituales ponerentur praeter
unum Deum, quae essent caelo nobiliores; et praecipue cum huiusmodi substantiae
a gentilibus dii dicerentur. Secundum vero Strabonem, et alios priores, per
caelum quod in auctoritate inducta ponitur, intelligitur caelum Empyreum quod
est habitaculum sanctorum Angelorum, per metonymiam sicut quando ponitur
continens pro contento. # 4. Comme Basile le dit
dans le premier livre de l'Hexameron
(hom. 2, c.1), Moпse, le lйgislateur, commenзa, au dйbut de la Genиse, par exposer l'essor de la
crйature visible, en passant outre la crйature spirituelle qui avait йtй crййe
avant, dont il ne fit pas mention, parce qu'il parlait а un peuple rude qui
n'йtait pas apte а comprendre ce qui йtait spirituel. Selon Augustin, il
comprend, par le ciel, la crйature spirituelle, de mкme que par la terre, il
comprend la crйature corporelle, quand il dit: "Au commencement Dieu crйa le ciel et la terre". Parce qu'il
dйcrivit, sous la mйtaphore du ciel et non expressйment, la crйation des anges,
on peut donner la mкme raison que ci-dessus, c'est-а-dire la rudesse du peuple,
et en plus pour йviter l'idolвtrie а laquelle ils йtaient enclins. L'occasion
leur aurait йtй donnйe, si, en plus du seul Dieu, plusieurs substances
spirituelles qui йtaient plus nobles que le ciel avaient йtй posйes en principe
et principalement quand de telles substances seraient appelйes des dieux par
les paпens. Selon Strabon (II, ch. 8) et d'autres auteurs plus rйcents, par le
ciel qui est pensй dans une autoritй induite, on comprend le ciel empyrйe qui
est l'habitacle des saints anges, par mйtonymie comme quand on prend le contenant
pour le contenu. q. 3 a. 18 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut dicit Augustinus, Angeli non cognoscunt Deum ex
visibilibus creaturis; unde creaturae visibiles non sunt factae ut Deum
ostenderent Angelis, sed rationali creaturae quae est homo; unde ex hoc
probatur homo esse finis creaturarum. Finis autem, licet sit prius in
intentione, est tamen ultimus in operatione; unde et homo ultimo factus fuit. # 5. Comme dit Augustin (La
Genиse au sens littйral, V, ch.
5) les anges ne connaissent pas Dieu а partir des crйatures visibles; c'est
pourquoi, elles n'ont pas йtй faites pour leur montrer Dieu, mais (pour le
montrer) а la crйature raisonnable qu'est l'homme; c'est pourquoi, on prouve
ainsi que l'homme est la fin des crйatures. Mais la fin, bien qu'elle soit
premiиre dans l'intention, est cependant derniиre dans l'opйration; donc
l'homme a йtй fait en dernier. q. 3 a. 18 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod secundum Augustinum, creatio caeli et terrae non
praecessit duratione lucis formationem seu productionem; et ideo non intelligit
quod creatio spiritualis naturae fuerit ante primum diem duratione, sed quodam
naturae ordine; quia substantia spiritualis et materia informis secundum suam
essentiam considerata, alterationibus temporum non subiacent; unde per hoc etiam
haberi non potest quod creatura spiritualis sit facta ante corporalem, quia
etiam ante lucis factionem agitur de creatione creaturae corporalis, quae per
terram intelligitur. Secundum vero alios creatio caeli et terrae ad primum diem
pertinet; quia cum caelo et terra creatum est tempus; licet distinctio temporum
quantum ad diem et noctem inceperit per lucem: unde tempus ponitur unum de
quatuor primo creatis, quae sunt natura angelica, caelum Empyreum, materia
informis et tempus. # 6. Selon Augustin (Sur la
Genиse, I, 5) la crйation du ciel et de la terre n'a pas prйcйdй en durйe
la formation ou la production de la lumiиre et c'est pourquoi il ne comprend
pas que la crйation de la nature spirituelle ait existй avant le premier jour
en durйe, mais dans un certain ordre de la nature; parce que la substance
spirituelle et la matiиre informe considйrйes selon leur essence ne sont pas
soumises а l'altйration des temps: c'est pourquoi, il ne se peut pas que la
crйature spirituelle ait йtй faite avant la crйature corporelle, parce que mкme
avant la crйation de la lumiиre, il s'agit de la crйation d'une crйature
corporelle qui est comprise sous le terme de terre. Selon d'autres, la
crйation du ciel et de la terre convient au premier jour; parce que le temps a
йtй crйй avec le ciel et la terre, bien que la distinction des temps quant au
jour et а la nuit n'ait commencй qu'avec la lumiиre: c'est pourquoi, on pense
que le temps est l'une des quatre crйatures crййes en premier, qui sont la
nature angйlique, le ciel empyrйe, la matiиre informe et le temps. q. 3 a. 18 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Hieronymus loquitur secundum opinionem antiquorum
doctorum. # 7. Jйrфme parle selon l'opinion des anciens docteurs. q. 3 a. 18 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ratio illa procederet, si unaquaeque creatura
produceretur ut existens per se absolute; sic enim conveniens esset ut
unaquaeque separatim crearetur secundum gradum suae bonitatis. Sed quia omnes
creaturae producuntur ut partes unius universi, conveniens est ut omnes simul
producantur ad unum universum constituendum. # 8. Cette raison serait valable si chaque crйature йtait produite
comme existant en soi absolument; car ainsi il aurait йtй convenable que
chacune soit crййe sйparйment selon le degrй de sa bontй. Mais parce que toutes
les crйatures sont produites comme des parties d'un seul univers, il convient
que toutes soient produites en mкme temps pour le constituer . q. 3 a. 18 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod licet ad aliquam dignitatem creaturae spiritualis
pertineret, si ante creaturam visibilem esset creata; non tamen competeret
dignitati et unitati universi. # 9. Bien qu'il convienne а une certaine dignitй de la crйature
spirituelle d'кtre crййe avant la crйature visible, cependant cela ne s'accorde
pas avec la dignitй et l'unitй de l'univers q. 3 a. 18 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet cor ante alia membra formetur, tamen totius
corporis animalis est una continua generatio, non quod seorsum una generatione
formetur cor, et postmodum successive aliis generationibus alia membra
aliquibus temporibus interiectis. Hoc autem non potest dici in creatione
Angelorum et corporalium creaturarum, quod una productione sint condita,
scilicet spiritualis creatura ante corporalem, quasi continue universum sit
productum; producere enim successive est in producendis his quae ex materia
producuntur, in qua est una pars vicinior complemento quam alia; unde in prima
rerum creatione successio locum non habet, etsi in formatione rerum ex materia
creata possit locum habere; unde et doctores qui posuerunt Angelos ante mundum
creatos, posuerunt omnino distinctam creationem Angelorum et corporum, et
multam durationem mediam intervenisse. Et praeterea cor necesse est in animali
prius formari, quia virtus cordis operatur ad formationem aliorum membrorum.
Creatura autem spiritualis non operatur ad creationem corporalium creaturarum,
cum solius Dei sit creare. Unde et Commentator imponit Platoni, quod dixerit,
quod Deus primo creavit Angelos, et postea commisit eis creationem corporalium
creaturarum. # 10. Bien que le coeur soit formй avant les autres membres, cependant
il y a une seule gйnйration continue de tout le corps animй, non parce que le
coeur est formй sйparйment par une gйnйration et par la suite les autres
membres, successivement par d'autres gйnйrations aprиs un certain temps. On ne
peut pas dire cela pour la crйation des anges et des crйatures corporelles,
parce qu'ils ont йtй crййs par une seule production, а savoir la crйature
spirituelle avant la crйature corporelle, comme si l'univers йtait produit en
continuitй; car produire successivement, c'est pour ce qui est produit а partir
de la matiиre, dans laquelle une partie est plus proche de la perfection que
l'autre; c'est pourquoi, dans la premiиre crйation, la succession n'a pas de
place, mкme si dans la formation de ce qui est crйй а partir de la matiиre,
elle peut avoir lieu: c'est pourquoi, les docteurs qui ont pensй que les anges
avaient йtй crййs avant le monde, ont pensй que la crйation des anges йtait
tout а fait distincte de celle des corps et qu'une grande durйe intermйdiaire
s'йtait interposйe. Et en plus, il est nйcessaire que le coeur soit formй dans
l'кtre animй avant, parce que son pouvoir opиre pour la formation des autres
membres. Mais la crйature spirituelle n'opиre pas pour la crйation des
crйatures corporelles, puisque Dieu seul en a le pouvoir. C'est pour cela que
le Commentateur (Mйtaphysique, XI,
com. 44) impute а Platon qu'il a dit que Dieu crйa d'abord les anges et ensuite
il leur confia la crйation des crйatures corporelles. q. 3 a. 18 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod
Augustinus loquitur de factione creaturarum corporalium, non quantum ad primam
creationem, sed quantum ad formationem. # 11. Augustin parle de la
crйation des crйatures corporelles, non quant а la premiиre crйation mais quant
а leur formation q. 3 a. 18 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod sustinendo quod omnia sint simul creata in forma et
materia, creatura spiritualis dicitur habuisse cognitionem creaturae corporalis
fiendae, non quia eius formatio esset tempore futura, sed quia cognoscebatur ut
futura, prout considerabatur in sua causa, in qua erat ut ex ea posset
procedere; sicut qui cognoscit arcam in principiis ex quibus fit, potest dici
eam cognoscere ut fiendam. # 12. En soutenant que tout a йtй crйй en mкme temps dans la forme et
la matiиre, on dit que la crйature spirituelle a eu connaissance de la crйature
corporelle qui devait кtre crййe, non parce que sa formation йtait а venir dans
le temps, mais parce qu'elle la connaissait comme future, dans la mesure oщ
elle йtait considйrйe dans sa cause, oщ elle йtait pour pouvoir en procйder;
comme on peut dire que celui qui connaоt un coffre dans les principes dont il
est fait, le connaоt comme devant кtre fait. q. 3 a. 18 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod dicere Dei intelligitur de aeterna verbi Dei
generatione, in quo ab aeterno fuit ratio omnium creaturarum condendarum. Nec
tamen ideo frequenter repetitur in singulis operibus, dixit Deus, quasi
temporaliter dixerit; sed quia licet verbum in se sit unum, tamen in eo est
propria ratio singularum creaturarum. Sic ergo singulis operibus praemittitur
Dei verbum sicut propria ratio operis fiendi, ne facto opere necesse sit
quaerere quare tale opus sit factum, cum ante operis conditionem sit dictum,
dixit Deus; sicut cum aliquis volens assignare alicuius rei causam, incipit a
causae cognitione. # 13. La parole de Dieu est comprise de la gйnйration йternelle du
Verbe de Dieu, en qui, de toute йternitй, il y eut la raison de toutes les
crйatures а crйer. Et cependant elle n'est pas rйpйtйe frйquemment dans les
oeuvres singuliиres, "Dieu dit",
comme s'il avait parlй temporellement, mais parce que, bien que, en soi, le
Verbe soit un, cependant en lui il y a la raison propre des crйatures
particuliиres. Donc ainsi le verbe de Dieu est envoyй pour les oeuvres
particuliиres, comme la raison propre de l'oeuvre а faire, pour qu'une fois
faite, il ne soit pas nйcessaire de chercher pourquoi une telle oeuvre a йtй
faite, puisqu'elle йtй annoncйe avant sa fondation; "Dieu a dit", comme, lorsque quelqu'un, qui veut assigner la
cause de quelque chose, il commence par connaоtre cette cause. q. 3 a. 18 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod esse rerum in verbo est causa esse rerum in
propria natura; sed esse rerum in cognitione angelica non est causa esse rerum
in propria natura; et ideo non est simile. # 14. L'кtre des choses dans le verbe est leur cause dans leur nature
propre, mais l'кtre des choses dans la connaissance angйlique n'est pas leur
cause dans leur nature propre et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 3 a. 18 ad 15 Ad decimumquintum dicendum,
quod res in finem ordinatur per suam operationem. Non autem producitur in esse
per suam operationem, sed solum per operationem causae agentis. Unde magis est
conveniens quod creaturae superiores cooperentur Deo in reducendo creaturas
inferiores in finem, quam in earum productione. # 15. Une chose est ordonnйe а sa fin par son opйration. Elle n'est pas
amenйe а l'кtre par elle, mais seulement par celle de la cause efficiente.
C'est pourquoi il est plus convenable que les crйatures supйrieures coopиrent
avec Dieu pour ramener les crйatures infйrieures а leur fin, que dans leur
production. q. 3 a. 18 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet creaturae corporales et spirituales sint
disparatae secundum proprias naturas, tamen sunt connexae secundum ordinem
universi; et ideo oportuit quod simul crearentur. # 16 Bien que les crйatures corporelles et spirituelles soient
diffйrentes selon leur propre nature, cependant elles sont unies selon l'ordre
de l'univers, et c'est pourquoi il fallut qu'elles soient crййes ensemble. q. 3 a. 18 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod illa auctoritas Eccli., secundum Augustinum,
intelligitur de sapientia creata quae est in natura angelica, quae tamen
secundum ipsum non prius creata est tempore sed dignitate. Secundum vero
Hilarium in Lib. de synodis intelligitur de sapientia increata, quae est filius
Dei; quae quidem simul dicitur et creata et genita, ut patet Prov. VIII, 22,
sq., et in diversis Scripturae locis, ut omnis imperfectio a nativitate filii
Dei excludatur. In creatione enim attenditur
imperfectio ex parte creati, in quantum de nihilo in esse educitur; sed
perfectio ex parte creantis, qui absque sui immutatione creaturas producit. In
nativitate vero est e contrario; quia importatur perfectio ex parte nati in
quantum accipit naturam generantis; sed imperfectio ex parte generantis
secundum modum inferioris generationis, in quantum generat cum sui immutatione,
vel divisione suae substantiae. Et ideo simul filius Dei et creatus et
genitus dicitur, ut per creationem excludatur generantis mutatio, et ex
nativitate geniti imperfectio, ut ex utroque unus intellectus constituatur
perfectus. # 17. Cette autoritй (Eccl. 1, 4), selon Augustin (Confessions, XII, 15), est comprise de
la sagesse crййe qui est dans la nature angйlique, qui cependant, selon lui,
n'a pas йtй crййe avant dans le temps, mais [avant] en dignitй. Mais selon
Hilaire (Les synodes), on le comprend
de la sagesse incrййe, qui est le Fils de Dieu, laquelle en mкme temps est
dite, crййe et engendrйe, comme cela paraоt dans Prov. 8, 22, ss., et dans divers lieux de l'Йcriture, pour que
toute imperfection soit exclue de la nativitй du Fils de Dieu. Car dans la
crйation, l'imperfection se trouve du cфtй du crйй, dans la mesure oщ, du
nйant, il est amenй а l'кtre; mais la perfection se trouve du cфtй du crйateur
qui produit les crйatures sans changement de sa part. Mais dans la nativitй
c'est le contraire, parce que la perfection est apportйe du cфtй de l'enfant
dans la mesure oщ il reзoit la nature du gйniteur, mais l'imperfection est du
cфtй de celui qui engendre. selon le mode de la gйnйration infйrieure dans la
mesure oщ il engendre en changeant et en divisant sa substance. Et c'est pourquoi
on dit que le Fils de Dieu est en mкme temps crйй et engendrй, pour exclure le
changement de celui qui engendre par crйation, et l'imperfection de la
naissance de l'engendrй, pour que de chaque cotй soit constituй comme parfait
un seul esprit. q. 3 a. 18 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod Hilarius loquitur secundum opinionem antiquorum
doctorum. # 18. Hilaire parle selon l'opinion des anciens Docteurs. q. 3 a. 18 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod Deus est causa naturae angelicae; non autem natura
angelica causa est naturae corporalis; et ideo non est simile. # 19. Dieu est cause de la nature angйlique; mais celle-ci n'est pas
cause de la nature corporelle et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 3 a. 18 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod Angeli dicuntur semper fuisse, non quia ab aeterno
fuerunt, sed quia omni tempore fuerunt: quia quandocumque fuit tempus, fuerunt
Angeli. Et per hunc etiam modum creaturae corporales semper fuerunt. # 20. On dit que les anges ont toujours existй, non parce qu'il ont
existй depuis l'йternitй, mais parce qu'ils ont existй de tout temps; parce
que, quand il y eut le temps, les anges existиrent. Et de cette maniиre, mкme
les crйatures corporelles ont toujours existй aussi. q. 3 a. 18 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod motor non de necessitate praecedit tempore
mobile, sed dignitate, sicut patet in anima et corpore. # 21. Le moteur ne prйcиde pas nйcessairement en temps le mobile, mais
(il le prйcиde) en dignitй, comme cela apparaоt dans l'вme et le corps. q. 3 a. 18 ad 22 Ad
vicesimumsecundum dicendum, quod in actione ignis in corpora, duplex ordo est
considerandus; scilicet situs, et temporis. Ordo situs est in omni actione eius
eo quod omnis actio eius est situalis et in corpora sibi magis propinqua
plenius suam actionem exercet; unde ulterius procedendo in tantum debilitatur
eius effectus, quod tandem totaliter deficit. Ordo autem temporis non
attenditur in omni eius actione, sed solum in illa qua agit per motum. Unde cum
ignis illuminet et calefaciat corpora, in calefactione servatur ordo situs et
temporis; sed in illuminatione, quae non est motus sed terminus motus,
attenditur tantum ordo situs. Quia ergo actio Dei quantum ad creationem est
absque motu, non attenditur similitudo quantum ad ordinem temporis, sed solum
quantum ad ordinem situs. Item enim est in actione spirituali diversus gradus
naturae, quod in actione corporali diversus situs. Quantum ergo ad hoc
attenditur similitudo Dionysii, quod sicut ignis in corpora sibi vicina plenius
suam virtutem effundit, ita Deus rebus sibi propinquioribus gradu dignitatis,
copiosius suam bonitatem distribuit. # 22. Dans l'action du feu sur les corps, il faut considйrer un ordre
double: а savoir le lieu et le temps. Le lieu
est dans toute action de sa part, parce qu'elle est locale et dans les
corps qui lui sont les plus proches, il exerce plus pleinement son action.
C'est pourquoi en procйdant au-delа, son effet est diminuй, au point qu'il est
totalement affaibli. Mais l'ordre du temps n'est pas atteint dans toute son action,
mais seulement dans celle oщ il agit par mouvement. C'est pourquoi, comme le
feu йclaire et rйchauffe les corps, en rйchauffant on conserve l'ordre du lieu
et du temps, mais dans l'йclairage, qui n'est pas un mouvement mais son terme,
on atteint seulement l'ordre du lieu. Donc parce que l'action de Dieu dans la
crйation est sans mouvement, on n'atteint pas la ressemblance pour l'ordre du
temps, mais seulement pour celui du lieu. D'autre part, en effet, dans l'action
spirituelle, il y a divers degrйs de nature qui parce que le lieu est diffйrent
dans l'action corporelle. Donc, la ressemblance (dont parle) Denys est
atteinte, parce que, de mкme que le feu dans les corps qui lui sont voisins,
verse son pouvoir plus pleinement; de mкme, dans les crйatures qui lui sont
plus proches en dignitй, Dieu distribue plus abondamment sa bontй.
[1] Ia, q. 61,a. 3 – II Sent. d2q1a3 – Opusc.
XV, De angelis c. 17 – Opusc. XXIII, – In decretal. I.) [2]
Jean Damascиne rapporte l'opinion de Grйgoire de Naziance. Sa citation: "D'abord
il a pensй les puissances angйliques et cйlestes,... et cette pensйe йtait une
oeuvre." Cf. Id. II Sent. D. 2,
qu. 1, a. 3, obj. 1. [3]
Les deux opinions sont les suivantes: celle de Grйgoire (Cf. Note ci-dessus) et
Jean Damascиne rapporte l'autre: "D'autres disent que c'est aprиs
l'apparition du premier ciel..." toujours suivant Grйgoire. [4]
Si Dieu parle temporairement, il parle а une crйature. Augustin considиre que
dans l'expression "Dieu crйa le ciel et la terre" le ciel reprйsente
la crйation spirituelle dйjа faite et formйe." (I, X, 5, p. 101 § Ж). [5]
"Ce n'est pas que la matiиre informe soit temporellement antйrieure aux
choses en forme......... Voilа pourquoi, puisque Dieu a crйй dans un mкme acte
et la matiиre qu'il a formй et les choses en lesquelles il l'a formйe." [6]
Le raisonnement est le suivant: L'ordre Dieu, ange, corps, est parallиle aux
durйes: йternitй, aevum, temps, donc aevum dit que l'ange est avant. [7]
Il y a un argument qu'il n'a pas repris de II
Sent. d2q1a3: "Selon certains les anges meuvent le ciel, mais le
moteur prйcиde le mobile..." [8]
A un mot prиs, la phrase se trouve dйjа dans l'objection 10. [9]
Il en donne la liste en II Sent.
d2q1a3: Jйrфme, La lettre а Tite,
Hilaire, La Trinitй, Grйgoire de
Naziance. [10]
Il ne rйprouve pas ces auteurs, parce qu'en II
Sent, d2q1a3, c, il dit:"Il faut savoir qu'а propos du commencement
des кtres, des saints qui sont d'accord en ce qui est de foi, а savoir que rien
n'est йternel sauf Dieu, sont arrivйs а dire, au moins dans la forme, des
paroles variйes sur ce qui n'est pas de nйcessitй de foi, en qui il leur est
permis de penser de diffйrentes maniиres, comme nous aussi." Il cite
ensuite Jйrфme, Hilaire, Grйgoire de Naziance, qui ont pensй que les anges
avaient йtй crййs avant la crйature corporelle.
Article 19: Les anges ont-ils pu exister avant le monde visible?
q. 3 a. 19 tit. 1
Decimonono quaeritur utrum potuerint esse Angeli ante mundum visibilem. Et videtur
quod non. Il semble que non: Objections[1]: q. 3 a. 19 arg. 1
Quaecumque enim ita se habent quod duo ex ipsis non possunt esse in uno loco
distincta, requirunt loci diversitatem. Sed duo Angeli non possunt esse in
eodem loco, ut communiter dicitur. Ergo non potest intelligi quod essent duo
Angeli distincti nisi sint duo loca distincta. Sed ante creaturam visibilem non
fuit locus, cum locus, secundum philosophum, non sit nisi ultimum corporis
continentis. Ergo ante mundum visibilem Angeli esse non potuerunt. 1. Car tous les кtres qui se comportent de telle maniиre que deux
d'entre eux ne puissent кtre distincts dans un seul lieu, ont besoin de lieux
diffйrents. Deux anges ne peuvent pas кtre en un mкme lieu, comme on le dit communйment.
Donc on ne peut comprendre que deux anges sont distincts que s'il y a deux
lieux diffйrents. Mais avant la crйature visible, le lieu n'existait pas,
puisque celui-ci, selon le Philosophe (Physique IV, 4, 212 a 2-6[2])
n'est que au-delа du corps qui le contient. Donc avant l'univers visible, les
anges n'ont pas existй. q. 3 a. 19 arg. 2
Praeterea, productio creaturae corporalis Angelis nihil de eorum virtute
naturali ademit. Si ergo non facto mundo visibili Angeli absque loco esse
potuerunt, etiam nunc mundo visibili facto absque loco esse possent; quod
videtur esse falsum; quia si non essent in loco, nusquam essent, et sic
viderentur non esse. 2. La production de la crйature corporelle n'a rien enlevй aux anges de
leur pouvoir naturel. Si donc, quand l'univers visible n'йtait pas crйй, les
anges ont pu exister sans lieu; mкme alors que l'univers visible a йtй crйй,
ils le peuvent aussi, ce qui semble faux, parce que, s'ils n'йtaient pas dans
un lieu, ils ne seraient nulle part, et ainsi il semblerait qu'ils n'existent
pas[3] . q. 3 a. 19 arg. 3 Praeterea, Boetius dicit, quod
omnis spiritus creatus corpore indiget. Sed Angelus est
spiritus creatus. Ergo indiget corpore, et ita ante creaturam corporalem esse
non potuit. 3. Boиce dit, que toute esprit crйй a besoin d'un corps. Mais l'ange
est un esprit crйй. Donc il a besoin d'un corps, et ainsi il n'a pas pu exister
avant la crйature corporelle q. 3 a. 19 arg. 4 Sed diceretur, quod indiget
corpore non quantum ad esse, sed quantum ad ministerium.- Sed contra,
ministerium Angelorum exercetur ubi nos sumus, scilicet in hoc mundo. Sed
Angeli habent locum corporalem etiam extra habitationem nostram, scilicet
caelum Empyreum. Ergo non solum indigent corpore in loco
corporali propter ministerium nostrum. 4. Mais on pourrait dire
qu'il a besoin d'un corps non pour son existence, mais pour son ministиre. – En sens contraire, le ministиre des
anges s'exerce lа oщ nous sommes, c'est-а-dire dans ce monde. Mais les anges
ont un lieu physique, mкme hors de notre sйjour, c'est-а-dire le ciel empyrйe.
Donc ils n'ont pas seulement besoin d'une corps dans un lieu physique seulement
pour notre service . q. 3 a. 19 arg. 5
Praeterea, impossibile est imaginari prius et posterius sine tempore. Sed si
Angeli fuissent ante mundum, prius fuisset principium quo Angeli esse
coeperunt, quam principium quo mundus visibilis esse coepit. Ergo tempus
incepisset ante mundum visibilem; quod est impossibile, cum tempus sequatur ad
motum, et motus ad mobile. Ergo impossibile est quod Angeli fuerint ante
mundum. 5. Il est impossible d'imaginer un avant et un aprиs sans le temps.
Mais si les anges avaient existй avant le monde, il y aurait eu un commencement
oщ les anges ont commencй а exister, avant le commencement oщ l'univers visible
a commencй а exister. Donc le temps aurait commencй avant le monde visible, ce
qui est impossible, puisque le temps dйpend du mouvement et le mouvement du
mobile. Donc il est impossible que les anges aient existй avant l'univers. En sens contraire: q.
3 a. 19 s. c. Sed contra, illud quod in creaturis contradictionem non
implicat, est Deo possibile. Sed Angelos esse, creatura visibili non existente,
nullam contradictionem implicat. Ergo non fuit Deo impossibile producere
Angelos ante mundum. Ce qui n'implique pas contradiction dans les crйatures, est possible а
Dieu. Mais l'existence des anges, quand la crйature visible n'existait pas,
n'implique aucune contradiction. Donc il n'a pas йtй impossible а Dieu de crйer
les anges avant l'univers. Rйponse: q. 3 a. 19 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut Boetius dicit, in divinis non oportet ad
imaginationem deduci, et similiter nec in corporalibus omnibus; quia cum
imaginatio sit sequela sensus, ut per philosophum patet imaginatio non potest
extendi ultra quantitatem, quae est qualitatum sensibilium subiectum. Hoc autem
quidam non attendentes, nec imaginationem transcendere valentes, non potuerunt
aliquid intelligere nisi per modum rei situalis, et propter hoc quidam antiqui dixerunt,
quod illud quod non est in loco, non est, ut in IV Physic. dicitur. Comme Boиce le dit (dans son livre sur La Trinitй), sur les affaires divines, il ne faut pas faire de
dйductions imaginaires, ni non plus dans tout ce qui est corporel, parce que l'imagination
suit les sens, comme cela apparaоt chez le Philosophe (L'вme, II, 3, 415 a 10[4]), l'imagination ne
peut s'йtendre au-delа de la grandeur qui est le substrat des qualitйs
sensibles. Ceux qui ne font pas attention а cela, et n'ont pas la force de
surpasser l'imagination, n'ont pu les comprendre que par le lieu et а cause de
cela, certains anciens ont dit que ce qui n'est pas dans un lieu n'existe pas,
comme on le dit en Physique (IV, 6,
213 a 25). Et ex simili errore quidam moderni dixerunt, quod Angeli
absque creatura corporali esse non possunt, intelligentes Angelos tamquam ea
quae imaginaverunt situaliter distincta; quod quidem praeiudicat sententiae
antiquorum, qui Angelos ante mundum fuisse posuerunt; praeiudicat etiam
dignitati angelicae naturae quae cum naturaliter sit prior quam creatura
corporalis, nullo modo a creatura corporali dependet. Et ideo simpliciter
dicimus, quod Angeli esse potuerunt ante mundum. Et par une erreur semblable, certains modernes ont dit que les anges ne
peuvent pas exister sans la crйature corporelle, comprenant les anges comme ce
qu'ils ont imaginй distincts selon le lieu; ce qui porte prйjudice а l'opinion
des anciens qui ont pensй que les anges avaient existй avant le monde; cela
porte aussi prйjudice а la dignitй de la nature angйlique qui, puisqu'elle est
naturellement avant la crйature corporelle, ne dйpend d'elle en aucune maniиre.
Et c'est pourquoi nous disons absolument que les anges ont pu exister avant le
monde.
Solutions: q. 3 a. 19 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod duos Angelos
esse in uno loco indivisibili non
impedit eorum distinctio, sed operationum confusio; unde ratio non sequitur. # 1. Leur distinction n'empкche pas que deux anges soient en un seul
lieu indivisible, mais la confusion des opйrations, oui. C'est pourquoi
l'objection n'est pas valable. q. 3 a. 19 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod etiam nunc nihil prohibet Angelos non esse in loco, si
voluerint, etsi etiam semper sint in loco propter ordinem quo creatura spiritualis
praesidet corporali, secundum Augustinum. # 2. Mкme maintenant rien
n'empкche que les anges ne soient pas dans un lieu, s'ils l'ont voulu, et mкme
qu'ils soient toujours dans un lieu а cause de l'ordre par lequel la crйature
spirituelle prйside а la nature corporelle, selon Augustin, (La Trinitй, III, 4). q. 3 a. 19 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut ipse Boetius exponit, Angeli indigent corpore
solum quantum ad ministerium non quantum ad naturae complementum. # 3. Comme Boиce l'expose lui-mкme, les anges ont besoin d'un corps,
seulement pour leur ministиre, mais non pour complйter leur nature. q. 3 a. 19 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Angeli sunt in caelo Empyreo, ut in loco qui est
contemplationi congruus, non tamen de necessitate contemplationis. # 4. Les anges sont dans le
ciel empyrйe, comme dans un lieu qui convient а la contemplation, non cependant
par la nйcessitй de la contemplation. q. 3 a. 19 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod illa prioritas et posterioritas non cogit nos ponere
ante mundum tempus reale, sed solum tempus imaginarium, ut in quaestione de
aeternitate vel creatione mundi, art. 17, dictum est. # 5. Cette prioritй et cette postйrioritй ne nous oblige pas а penser
qu'il y avait avant le monde un temps rйel, mais seulement un temps imaginaire,
comme on l'a dit dans la question sur l'йternitй ou la crйation du monde (art.
17).
[1] Ia, 61, a. 4, ad 1 – II
Sent. d2q1a3. [2]
"Si donc le lieu n'est aucune des trois choses ni la forme, ni la matiиre,
ni un intervalle, qui serait quelque chose de diffйrent de l'intervalle
d'extension de l'objet dйplacй, reste nйcessairement que le lieu est la
derniиre des autres, а savoir la limite du corps enveloppant.." (Trad. H.
Carteron) Р en 212 a 20, on lit "Par suite la limite immobile immйdiate de
l'enveloppe, tel est le lieu." En II
Sent. d2q1a3, il fait de cet argument un Sed contra. "Si les anges sont sйparйs entre eux, il leur faut
un lieu. Donc ils n'ont pas existй avant les corps." [3]
Il y a quelques allusions en Physique
IV. [4]
Cf. Thomas, n° 302: "Il y a des animaux qui vivent avec la seule
imagination, c'est-а-dire sans esprit..."
Question 4:
La crйation de la matiиre sans forme
q. 4 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum creatio materiae informis praecesserit duratione creationem
rerum. 1. La crйation de la matiиre sans forme a-t-elle prйcйdй la crйation en
durйe? q. 4 pr. 2 Secundo
utrum materia informis tota simul fuerit, an successive. 2. La matiиre informe a-t-elle existй toute en mкme temps ou
successivement?
Article 1: La crйation de la matiиre sans forme a-t-elle prйcйdй la
crйation dans la durйe?
q. 4 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum creatio materiae informis praecesserit duratione
creationem rerum.
Et videtur quod non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 4 a. 1 arg. 1
Quia, sicut dicit Augustinus, materia informis praecedit formatam ex ea, sicut
vox cantum. Sed vox non praecedit cantum duratione, sed solum natura. Ergo
materia informis, non praecedit res formatas duratione, sed solum natura. 1. Parce que, comme le dit Augustin (La Genиse au sens littйral, I, 15[2]) la matiиre sans forme[3]
prйcиde la matiиre qui est formйe а partir d’elle, comme la voix prйcиde le
chant. Mais la voix ne le prйcиde pas en durйe, mais seulement en nature. Donc
la matiиre sans forme ne prйcиde pas les choses en forme, en durйe, mais
seulement en nature.
q. 4 a. 1 arg. 2 Sed
diceretur, quod Augustinus loquitur de materia respectu formationis, quae est
per formas elementorum; quae quidem formae statim a principio in materia
fuerunt.- Sed contra, sicut aqua et terra sunt elementa, ita etiam ignis et
aer. Sed Scriptura tradens informitatem materiae facit mentionem de terra et
aqua. Ergo si materia a principio habuisset formas elementares, pari ratione
fecisset mentionem de aere et igne. 2. Mais on pourrait dire qu’Augustin parle de la matiиre par rapport а
sa formation par les formes des йlйments[4]; ces formes qui ont existй aussitфt
au commencement dans la matiиre. — En sens contraire: l’eau et la terre sont
des йlйments, le feu et l’air aussi. Mais l’Йcriture, en rapportant l'absence
de forme de la matiиre, fait mention de la terre et de l'eau. Donc si la
matiиre, au commencement, avait eu des formes йlйmentaires, а raison йgale, elle
aurait fait mention de l’air et du feu.
q. 4 a. 1 arg. 3 Praeterea, forma substantialis
cum materia sunt causa accidentalium qualitatum, ut patet per philosophum, in I
Phys. Sed qualitates activae et passivae sunt proprietates
proprie accidentales elementorum. Si ergo formae substantiales fuerunt a
principio in materia, fuerunt ibi ex consequenti qualitates activae et passivae;
et ita nulla restabat informitas, ut videtur. 3. La forme substantielle est avec la matiиre la cause des qualitйs
accidentelles, comme le montre le philosophe (Physique, I). Mais les qualitйs actives et passives sont des
qualitйs proprement accidentelles des йlйments. Si donc les formes
substantielles ont existй dиs le commencement dans la matiиre, en consйquence,
les qualitйs actives et passives y ont aussi йtй, et ainsi il semble qu’aucune
absence de forme ne demeurait.
q. 4 a. 1 arg. 4 Sed
diceretur, quod erat informitas sive confusio quantum ad elementorum situm.-
Sed contra, secundum philosophum, quantum unumquodque elementorum habet de
specie, tantum habet de ubi; elementa enim sunt in propriis locis ex virtute
formae. Si ergo materia a principio habebat formas substantiales, tunc ex
consequenti unumquodque elementorum suum situm habebat; et ita nulla confusio
in elementis restabat, secundum quam materia posset dici informis. 4. Mais on pourrait dire qu'il y avait absence de forme ou confusion au
sujet de la situation des йlйments[5]. En sens contraire: selon le Philosophe (Le ciel et le monde, IV, 5, 312 b
20[6]), il y a autant de lieux que d’йlйments diffйrents[7]; car les йlйments
sont dans leur situation[8] propre par le pouvoir de leur forme. Si donc la
matiиre, dиs le commencement, avait des formes substantielles, alors en
consйquence, chaque йlйment avait sa situation et ainsi il ne subsistait aucune
confusion dans les йlйments qui permette de dire que la matiиre pouvait кtre
sans forme.
q. 4 a. 1 arg. 5
Praeterea, si pro tanto materia informis dicitur, quod elementa nondum proprium
et naturalem situm habebant, ex consequenti videtur quod secundum hoc eius
formatio intelligitur quod elementis naturalis situs attribuitur. Sed hoc non
videtur in rerum distinctione; nam aquae aliquae supra caelos ponuntur, cum
tamen naturalis situs aquarum sit sub aere supra terram immediate; ut patet IV
caeli et mundi. Ergo non intelligitur materiae informitas propter confusionem
situs praedictam. 5. Si pour autant on dit que la matiиre est sans forme, parce que les
йlйments n’avaient pas leur situation propre et naturelle, il semble en consйquence,
que selon cela on comprend [qu’il s’agit de] la mise en forme, dans la mesure
oщ une situation naturelle est attribuйe aux йlйments. Mais cela n’apparaоt pas
dans la distinction, car certaines eaux sont placйes au-dessus des cieux; alors
que cependant leur situation naturelle est en dessous de l’air, immйdiatement
sur la terre; comme on le voit dans Le
ciel et le monde, (IV, 5, 312 b 5). Donc on ne comprend pas l'absence de
forme de la matiиre comme une confusion de situation.
q. 4
a. 1 arg. 6 Sed dicendum, quod aquae dicuntur esse supra caelos, in quantum
vaporabiliter elevantur ut sint supra caelos.- Sed contra, aquae vaporabiles
non possunt supra totum aerem elevari, ut a philosophis probatur; immo solum
usque ad medium aeris interstitium ascendunt. Multo ergo minus possunt elevari
supra ignem, ut ulterius supra caelum. 6. Mais il faut signaler qu'on dit que les eaux sont au-dessus des
cieux, dans la mesure oщ elles s’йtaient йlevйes sous forme de vapeur pour s’y
trouver. — En sens contraire, sous cette forme les eaux ne peuvent pas s’йlever
au-dessus de l’atmosphиre, comme le prouvent les philosophes; au contraire
elles montent seulement jusqu’а l’intermйdiaire des intersticesde l’air[9].
Donc elles peuvent beaucoup moins s'йlever au-dessus du feu, comme au-delа
au-dessus du ciel.
q. 4 a. 1 arg. 7
Praeterea, informitas materiae designatur in hoc quod dicitur: terra erat
inanis et vacua. Sed inanitas materiae attribuitur respectu virtutis
generativae, et vacuitas respectu ornatus, ut a sanctis exponitur, quod
consistit in his quae in terra moventur. Ergo informitas materiae non
attenditur quantum ad situm, ut sic dici possit quod materiae informitas
duratione formationem praecesserit. 7. L' absence de forme de la matiиre est signalйe par ce qui en est dit
(Gn. 1, 2) "La terre йtait vide et dйserte". Mais le vide est
attribuй а la matiиre en rapport avec le pouvoir gйnйrateur et la vacuitй avec
l’ornement, qui, comme les saints l'ont exposй, consiste en ce qui se meut sur
terre. Donc l'absence de forme de la matiиre ne concerne pas la situation, de
sorte qu’on puisse dire ainsi qu’elle a prйcйdй sa mise en forme dans la durйe.
q. 4 a. 1 arg. 8
Praeterea, qui potest dare aliquid simul, minus liberaliter agit si dat
successive; unde Prov. III, 28: ne dicas amico tuo: vade, et revertere; cras
dabo tibi. Sed Deus simul dare poterat rebus esse perfectum. Ergo cum sit
liberalissimus, non fecit materiam informem ante eius formationem. 8. Qui peut donner quelque chose, en une seule fois, agit avec moins de
libйralitй s’il donne de maniиre successive. C'est pourquoi, on lit Prov. 3, 28:
"Ne dis pas а ton ami: Va et reviens; demain je te le donnerai". Mais
Dieu pouvait donner en mкme temps un кtre parfait aux choses. Donc comme il est
suprкmement gйnйreux, il n’a pas fait la matiиre sans forme avant sa formation.
q. 4 a. 1 arg. 9
Praeterea, motus a centro ad centrum sequitur elementa secundum quod habent
naturales situs. Sed in ipsa informitate materiae apparet quod ibi fuisset
motus a centro ad centrum, quia aquae vaporabiles super terram elevabantur, ut
dicitur. Ergo elementa iam habebant suos naturales situs. 9. Le mouvement du centre au centre[10] suit les йlйments selon qu’ils
ont des situations naturelles. Mais dans l'absence de forme mкme de la matiиre,
il apparaоt qu’il y avait un mouvement du centre au centre, parce que les eaux
qui pouvaient se vaporiser s’йtaient йlevйes au-dessus de la terre, comme on le
dit. Donc les йlйments avaient dйjа leurs situations naturelles.
q. 4 a. 1 arg. 10
Praeterea, rarum et densum sunt causa gravis et levis, ut patet IV Phys. Sed
iam erat rarum et densum in elementis; quia dicitur, quod aquae erant rariores
quam modo sint. Ergo erat grave et leve, et elementa habebant sua ubi, quae eis
attribuuntur ratione levitatis et gravitatis. 10. Le rare et le dense sont causes du lourd et du lйger, comme cela
paraоt en Physique, IV, 9, 217 b 11).
Mais dйjа le rare et le dense йtaient dans les йlйments, parce qu'il est dit
que les eaux йtaient plus rares, que maintenant. Donc il y avait le lourd et le
lйger, et les йlйments avaient leur place, qui leur est attribuйe en raison de
leur lйgиretй ou de leur densitй.
q. 4 a. 1 arg. 11
Praeterea, in illa rerum informitate manifeste apparet quod terra suum situm
habebat, et datur intelligi quod terra erat aquis cooperta, per hoc quod
dicitur, Gen. I, 9: congregentur aquae in unum locum; et appareat arida. Ergo pari ratione et alia elementa suum situm habebant; et ita nulla
informitas in materia erat. 11. Dans cette absence de forme, il apparaоt manifestement que la terre
avait sa situation et il est donnй а comprendre qu'elle йtait recouverte par
les eaux, c’est pour cela qu’il est dit (Gn. 1, 9):"Que les eaux soient
rassemblйes en un seul lieu, et qu’apparaisse le terre sиche". Donc а raison
йgale les autres йlйments avaient leur situation, et ainsi il n’y avait nulle
absence de forme dans la matiиre.
q. 4 a. 1 arg. 12
Praeterea, a perfecto agente educitur perfectus effectus; quia omne agens agit
sibi simile. Sed Deus est perfectissimum agens. Ergo a principio materiam perfectam produxit, et ita formatam, cum forma
sit perfectio materiae. 12. L’effet parfait vient d’un agent parfait, parce que tout agent fait
du semblable а soi. Mais Dieu est l’agent absolument parfait. Donc, au
commencement, il produisit la matiиre parfaite et ainsi mise en forme, puisque
la forme est la perfection de la matiиre.
q. 4 a. 1 arg. 13
Praeterea, si materia informis formationem rerum duratione praecessit; aut
materia sic existens carebat omni forma, aut habebat aliquam formam. Si omni
forma carebat, tunc erat tantum in potentia et non in actu; et ita nondum erat
creata, cum creatio terminetur ad esse. Si autem habebat aliquam formam, aut
illa erat aliqua forma elementaris, aut forma mixti. Si forma elementaris, aut
habebat tantum unam formam, aut diversas. Si diversas,
ergo iam erat diversitas per diversas elementares formas. Si unam tantum,
sequitur quod aliqua forma elementi sit naturaliter prius in materia quam aliae;
et ita unum elementum erat principium aliorum elementorum, sicut antiquissimi
naturales posuerunt dicentes unum tantum elementum esse; quod a philosopho
improbatur. Si autem habebat formam mixti, ergo forma mixti naturaliter est
prius in materia quam forma elementorum; quod patet esse falsum; quia mixtio
non fit nisi per hoc quod aliquid elementa movet ad formam mixti. Ergo non
potest esse quod materia fuerit prius informis quam formata. 13. Si la matiиre sans forme a prйcйdй la mise en forme en durйe, ou
bien la matiиre en un tel йtat manquait de toute forme, ou bien elle en avait
une. Si elle manquait de toute forme, elle йtait alors seulement en puissance
et non en acte; et ainsi elle n’йtait pas encore crййe, puisque la crйation se
termine а l’кtre. Mais si elle avait une forme, ou celle-ci йtait une forme
йlйmentaire, ou la forme d’un mixte. Si c’йtait une forme йlйmentaire, ou bien
elle avait seulement une forme ou des formes diverses. Si elles йtaient
diverses, donc il y avait dйjа de la diversitй par les diverses formes
йlйmentaires. S'il n'y en avait qu'une, il en dйcoule qu'une forme de l’йlйment
serait naturellement dans la matiиre avant les autres, et ainsi un seul йlйment
йtait le principe des autres, comme les trиs anciens Naturalistes le pensaient,
disant qu’il n’en existait qu’un seul[11]. Ce qui est dйsapprouvй par le
philosophe (La gйnйration et la corruption, II, 5, 331 b 5). Si elle avait la
forme d’un mixte, alors celle-ci est naturellement dans la matiиre avant la
forme des йlйments, ce qui paraоt faux, parce que le mйlange ne se fait que si
quelque chose amиne les йlйments а la forme du mixte. Donc il n'est pas
possible que la matiиre ait йtй sans forme avant d’кtre en forme.
q. 4 a. 1 arg. 14
Sed dices, quod materia habebat formas elementorum; sed non secundum illum
modum quo nunc sunt, quia aquae erant rariores, et in modum vaporis aeri
permixtae.- Sed contra, forma uniuscuiusque elementi requirit determinatam
mensuram raritatis vel densitatis, sine qua esse non potest. Raritas autem per
quam aliquid ascendit in locum aeris excedit conditionem aquae; quia natura
aquae est ut sit gravis respectu aeris. Ergo si erat tanta subtilitas quod
aquae evaporabiliter ad locum aeris ascenderent, non habebant speciem aquae; et
ita non erant in materia formae elementares, cuius contrarium supra dictum est. 14. Mais on pourrait dire que la matiиre avait la forme des йlйments;
mais pas de cette maniиre dont ils existent maintenant, parce que les eaux
йtaient plus rares et mкlйes а l’air sous forme de vapeur. — En sens contraire,
la forme de chaque йlйment requiert une mesure dйterminйe de rare et de dense,
sans laquelle elle ne peut pas exister. Mais le rare par laquelle quelque chose
monte dans un espace de l’air dйpasse la condition de l’eau, parce que sa
nature est d'кtre plus lourde que l'air. Donc s'il y avait une telle subtilitй
que les eaux montent а la place de l'air sous forme de vapeur, elles n’avaient
pas la nature de l'eau, et ainsi il n'y avait pas de formes йlйmentaires dans
la matiиre; [or] on a dit le contraire ci-dessus.
q. 4
a. 1 arg. 15 Praeterea, per opera sex dierum, formata sunt ex informi materia
diversa rerum genera. Sed inter alia sex dierum opera, firmamentum secundo die
est formatum. Si ergo materia informis subiacebat elementaribus formis sequetur
quod caelum sit factum ex quatuor elementis; quod a philosopho improbatur. 15. Par l’њuvre des six jours, diffйrents genres d’кtres ont йtй formйs
а partir de la matiиre informe. Mais parmi les autres њuvres des six jours, le
firmament a йtй formй le second jour. Si donc la matiиre informe dйpendait des
formes йlйmentaires, il en dйcoulerait que le ciel a йtй fait а partir des
quatre йlйments, ce qui est dйsapprouvй par le Philosophe (Le ciel et le monde, I, com. 5 et s[12].)
q. 4 a. 1 arg. 16
Praeterea, sicut se habet corpus naturale ad figuram, ita se habet materia ad
formam. Sed corpus naturale non potest esse quin habeat aliquam figuram. Ergo
nec materia potest esse quin sit formata. 16. De la mкme maniиre que le corps naturel se comporte vis-а-vis de
son aspect, la matiиre se comporte vis-а-vis de la forme. Mais un corps naturel
ne peut pas exister sans son aspect[13]. Donc la matiиre ne peut pas exister
sans forme.
q. 4 a. 1 arg. 17
Praeterea, si formatio materiae a principio suae creationis non fuit, tunc
aquarum congregatio, quae tertio die legitur, non semper fuit. Sed hoc videtur
impossibile; quia si aquae undique operiebant terram, non erat ubi possent
congregari. Ergo videtur quod materia informis rerum formationem non
praecesserit. Quod autem aqua undique operiret terram, apparet ex hoc quod
elementa sunt separata, ut probatur in III caeli et mundi. 17. Si la mise en forme de la matiиre n’a pas eu lieu au dйbut de sa
crйation, alors le rassemblement des eaux qui eut lieu le troisiиme jour, n’a
pas toujours existй. Mais cela paraоt impossible, parce que, si les eaux
couvraient la terre de tous cфtйs, il n’y avait pas de lieu oщ elles puissent
se rassembler. Donc il semble que la matiиre sans forme n’aura pas prйcйdй la
mise en forme des choses. Mais que l’eau ait couvert la terre de tous cфtйs, il
apparaоt que cela vient du fait que les йlйments ont йtй sйparйs, comme on le
prouve dans Le ciel et le monde (III,
7, 305 b 12 – b 26) et s.)
q. 4 a. 1 arg. 18
Sed diceretur, quod erat aliqua concavitas infra terram, in quam partes
descenderunt et ita terram locum praebuit aquis.- Sed contra, huiusmodi
concavitates vel cavernositates in terra causantur propter aliquas
lapidositates, ex quibus superiores partes terrae retinentur, ne ad centrum
descendant; quod quidem tunc esse non poterat; quia cum lapides sint corpora
mixta, sequeretur quod corpus mixtum fuisset ante formationem elementorum. Ergo
huiusmodi cavernositates esse non poterant. 18. Mais on pourrait dire qu'il y avait une cavitй sous la terre oщ les
parties descendirent et ainsi, elle offrit la terre comme lieu pour les eaux.
En sens contraire, ces cavitйs ou ces trous ont йtй causйs dans la terre а
cause des pierrailles qui ont soutenu les parties supйrieures de la terre, pour
qu’elles ne descendent pas vers le centre; ce qui alors йtait impossible;
puisque les pierres sont des corps mixtes; il en dйcoulerait que le corps mixte
aurait existй avant la mise en forme des йlйments. Donc de telles cavitйs ne
pouvaient pas exister.
q. 4 a. 1 arg. 19
Praeterea, si cavernositates aliquae erant in terra, non poterant esse vacuae.
Ergo erant plenae aere, vel aqua; quod videtur impossibile, cum subsidere
terrae sit contra naturam utriusque. 19. S'il existait des cavitйs dans la terre, elles ne pouvaient pas
кtre vides. Donc elles йtaient emplies d’air ou d’eau, ce qui paraоt
impossible, puisque se situer sous la terre serait contre la nature de ces deux
йlйments.
q. 4 a. 1 arg. 20
Praeterea, aut aqua cooperiens terram undique naturalem situm habebat, aut non.
Si naturalem situm habebat, ergo ab illa dispositione non poterat removeri,
nisi per violentiam; quia a loco in quo corpus quiescit naturaliter, non
removetur nisi per violentiam. Hoc autem non competit primae rerum
institutioni, per quam natura instituitur, cui violentia repugnat. Si autem
erat ille situs aquae violentus, per suam naturam redire poterat ad illam
dispositionem quam non habebat; quia a loco in quo quiescit aliquid violenter,
movetur naturaliter; et ita non oportebat poni inter opera formationis quod
aquae in unum locum congregarentur. 20. Ou l'eau qui recouvrait la terre de toutes parts avait une
situation naturelle ou elle ne l'avait pas. Si elle en avait un, l'eau n’en
pouvait кtre dйplacйe que par violence, parce qu'on ne dйplace d’un lieu que
par violence le corps qui y est йtabli naturellement. Mais cela ne fait pas
partie du premier йtablissement des choses, par qui la nature est йtablie, а
laquelle rйpugne la violence. Mais si cette situation йtait violente pour
l’eau, elle pouvait par sa propre nature revenir а cette disposition qu'elle
n'avait pas; parce qu’une chose s’йloigne naturellement d'un lieu dans lequel
elle est йtablie avec violence, elle se meut naturellement; et ainsi il ne
fallait pas placer parmi les њuvres de mise en forme le rassemblement des eaux.
q. 4 a. 1 arg. 21
Praeterea, secundum hunc ordinem res institutae sunt quem naturaliter habent.
Sed naturaliter distincta sunt priora quam confusa, sicut simplex est
naturaliter prius composito. Ergo non fuit conveniens rerum institutioni quod
res primo fuerint in quadam confusione, et postmodum distinguerentur. 21. Les choses ont йtй йtablies selon l'ordre qu'elles ont
naturellement. Mais elles ont йtй sйparйes naturellement avant d'кtre mкlйes,
puisque le simple est naturellement avant le composй. Donc il n'a pas йtй
convenable pour leur institution qu'elles aient йtй d'abord en une certaine
confusion et qu'elles soient sйparйes ensuite.
q. 4 a. 1 arg. 22
Praeterea, processus de actu in potentiam non competit rerum institutioni, sed
magis corruptioni; res enim fiunt per hoc quod de potentia in actum reducuntur.
Sed procedere a mixtis ad elementa, est procedere de actu in potentiam, cum
elementa sint quasi materia respectu formae mixti. Ergo non fuit conveniens
rerum institutioni quod prius fierent in quadam confusione et mixtione, et
postmodum distinguerentur. 22. Le passage de l'acte а la puissance n'appartient pas а
l'йtablissement des choses, mais plutфt а leur corruption: car les choses
deviennent par le fait qu’elles sont amenйes de la puissance а l'acte. Mais
procйder des mixtes aux йlйments, c'est procйder de l'acte а la puissance,
puisque les йlйments sont comme la matiиre en rapport avec la forme du mixte.
Donc il n'a pas йtй convenable pour l'йtablissement des choses que d'abord elles
soient faites dans une certaine confusion et un certain mйlange et qu'elles
soient sйparйes ensuite.
q. 4 a. 1 arg. 23
Praeterea, hoc videtur esse consonum erroribus antiquorum philosophorum;
scilicet opinioni Empedoclis, qui ponebat per litem partes mundi esse ad
invicem distinctas, cum prius fuerint confusae per amicitiam; et Anaxagorae,
qui posuit quod cum aliquando omnia simul essent, intellectus incepit
distinguere separando ab illo confuso et commixto. Quae quidem opiniones
sufficienter a philosophis posterioribus improbantur. Ergo non est ponendum
quod informitas vel confusio materiae rerum formationem duratione praecederet. 23.Cela paraоt en accord avec les erreurs des anciens philosophes; а
savoir avec l'opinion d'Empйdocle qui pensait que les parties du monde avaient
йtй distinguйes les unes des autres par conflit, puisque d'abord elles avaient
йtй mкlйes par amitiй; et avec celle d'Anaxagore qui a pensй que lorsque tout
йtait ensemble а certains moments, l'intellect commenзait а apporter ses distinctions
en sйparant de ce qui йtait confus et mйlangй. Ces opinions ont йtй
suffisamment dйsapprouvйes par les philosophes suivants. Donc il ne faut pas
penser que l'absence de forme ou la confusion de la matiиre prйcйderait en
durйe la mise en forme des choses.
En sens contraire:
q. 4 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Est quod Gregorius exponens illud Eccli. XVIII, 1: qui vivit in
aeternum, creavit omnia simul, dicit quod omnia sunt simul creata per
substantiam materiae, sed non per speciem formae; quod esse non posset, nisi
prius fuisset substantia materiae quam species formae inesset. Ergo materia
informis duratione praecessit rerum formationem. 1. Grйgoire [le Grand], quand il expose ce verset de l'Eccl. 18,1: "Celui
qui vit йternellement a crйй tout en mкme temps", (les Morales, XXXII, ch.
9, dans les exemplaires nouveaux), dit que tout a йtй crйй en mкme temps par la
substance de la matiиre mais non par la nature de la forme, ce qui n'йtait
possible que s'il y avait eu la substance avant que la nature de la forme y
soit inclue. Donc la matiиre sans forme a prйcйdй en durйe la mise en forme des
choses.
q. 4 a. 1 s. c. 2
Praeterea, illud quod non est, non potest habere aliquam operationem. Sed
materia informis habet aliquam operationem; appetit enim formam, ut dicitur III
Phys. Ergo materia potest esse sine forma; et ita non est inconveniens, si
materia informis ponatur duratione rerum formationem praecessisse. 2. Ce qui n'existe pas ne peut pas avoir d'opйration. Mais la matiиre sans
forme en a une; car elle dйsire la forme, comme il est dit (Physique I, 9, 191 b 25). Donc la
matiиre peut exister sans forme et ainsi il n’est pas inconvenant de penser que
celle-ci a prйcйdй en durйe la mise en forme.
q. 4 a. 1 s. c. 3
Praeterea, Deus plus potest operari quam natura. Sed natura facit de ente in
potentia ens actu. Ergo Deus potest facere de ente simpliciter ens in potentia;
et ita potuit facere materiam sine forma existentem. 3. Dieu peut faire plus que la nature. Mais la nature fait de l'йtant
en puissance un йtant en acte. Donc Dieu peut faire d'un йtant simplement un
йtant en puissance, et ainsi il a pu faire une matiиre qui existait sans forme.
q. 4 a. 1 s. c. 4
Praeterea, quod Scriptura sacra dicit fuisse aliquando, non est dicendum non
fuisse; quia ut Augustinus dicit, contra Scripturam sacram nemo Christianus
sentit. Scriptura autem divina dicit, terram aliquando fuisse inanem et vacuam.
Ergo non est dicendum quin aliquando fuerit inanis et vacua. Hoc autem pertinet
ad informitatem materiae, quocumque modo exponatur. Ergo aliquando substantia
materiae praecessit formationem; alias nunquam informis fuisset. 4. L'Йcriture sainte rйvиle qu’on ne peut dire que ce qui a existй une
fois n’a pas existй, parce que, comme le dit Augustin (La Trinitй, V), aucun chrйtien ne pense contre l'Йcriture sainte.
Mais celle-ci dit que la terre fut а certains moments vide et dйserte. Donc il
ne faut pas dire pourquoi а un certain moment la terre aura йtй vide et
dйserte. Cela concerne l'absence de forme de la matiиre de quelque maniиre
qu'on l'expose. Donc а un certain moment, la substance de la matiиre a prйcйdй
sa mise en forme, autrement jamais elle aurait йtй sans forme.
q. 4 a. 1 s. c. 5
Praeterea, simul condita est spiritualis et corporalis creatura, ut ex
superiori quaestione iam patuit. In spirituali autem creatura informitas
formationem praecessit etiam duratione. Ergo eadem ratione et in corporali.
Probatio mediae. Formatio creaturae spiritualis intelligitur secundum quod ad
verbum convertitur, quod est eius illuminatio. Simul autem facta luce divisum
est inter lucem et tenebras. Per tenebras autem in spirituali creatura peccatum
intelligitur. Peccatum autem esse non potuit in primo instanti creationis
Angelorum, quia tunc Daemones nunquam fuissent boni. Ergo spiritualis creatura
non fuit formata in primo instanti suae creationis. 5. La crйature spirituelle et la crйature corporelle ont est crййes en
mкme temps, comme cela a йtй montrй dans la question 3, article 18. Mais, dans
la crйature spirituelle, l'absence de forme a prйcйdй sa mise en forme mкme en
durйe. Donc, pour la mкme raison, dans la crйature corporelle aussi. Preuve
intermйdiaire: on comprend la mise en forme de la crйature spirituelle selon
qu'elle se tourne vers le Verbe qui est son illumination. Mais en mкme temps
que la lumiиre a йtй faite, il y eut la division entre la lumiиre et les
tйnиbres. Et par les tйnиbres, on comprend le pйchй dans la crйature
spirituelle. Mais le pйchй n'a pas pu existй au premier instant de la crйation
des anges, parce que, alors, les dйmons n'auraient jamais йtй bons[14]. Donc la
crйature spirituelle n'a pas йtй mise en forme au premier instant de la
crйation.
q. 4 a. 1 s. c. 6
Praeterea, illud ex quo est aliquid, etiam tempore praecedit quod est ex eo.
Sed Deus ex invisa materia, quae est materia informis secundum Augustinum,
creavit orbem terrarum, ut dicitur sapientiae XI, 18. Ergo materia informis
tempore praecessit orbem terrarum formatum. Probatio primae. Secundum
philosophum, fieri rerum dupliciter exprimi potest.
Uno modo ut dicatur: hoc fit hoc per se, quod convenit
subiecto; ut cum dicimus, homo fit albus; per accidens autem, ut ex privatione
et contrario, ut cum dicitur: non album, vel nigrum fit album.
Alio modo, ut dicatur: ex hoc fit hoc; quod quidem subiecto
non competit nisi ratione privationis. Non enim dicimus quod ex homine fiat
albus; sed quod ex non albo vel nigro, fit album; vel etiam ex homine nigro vel
non albo. Id igitur ex quo est aliquid, vel est privatio sive contrarium, vel
est materia privationi vel contrario subiecta. Utroque autem modo oportet
tempore praecedere ex quo aliquid fit; quia opposita non possunt esse simul,
nec materia simul tempore potest subesse privationi et formae. Ergo id ex quo
aliquid fit, tempore praecedit id quod fit ex eo. 6. Ce dont vient quelque chose prйcиde dans le temps ce qui en vient.
Mais Dieu, de la matiиre invisible, qui est la matiиre sans forme, selon
Augustin (La Genиse au sens littйral,
I, XV, 30[15]) a crйй l'univers, comme le dit la Sagesse, 11, 18. Donc la matiиre
sans forme a prйcйdй dans le temps l'univers en forme. Preuve de la premiиre
[proposition]: Selon le philosophe (Physique
1, 6, 188 a 30 – 188 b 8) on peut exprimer le devenir des choses de deux
maniиres:
1) D'abord pour dire: ceci devient cela par soi, ce qui convient au
substrat, comme lorsqu’on dit: l'homme devient blanc; par accident aussi comme
d'une privation et d'un contraire, comme quand on dit le non blanc, ou le noir
devient blanc.
2) D'une autre maniиre, pour dire ceci est fait de cela; ce qui ne
convient au substrat qu'en raison de la privation. Car nous ne disons pas qu’il
devient blanc а partir d'un homme [16]; mais que de non blanc ou de noir, il
devient blanc; ou aussi d'un homme noir ou non blanc. Donc ce d’oщ vient
quelque chose, est une privation ou son contraire, ou c'est une matiиre sujette
а la privation ou au contraire. Mais des deux maniиres, il faut que ce de quoi
quelque chose est fait le prйcиde dans le temps, parce que les opposйs ne
peuvent pas кtre ensemble, et la matiиre ne peut pas кtre soumise а la
privation et а la forme en mкme temps. Donc ce de quoi une chose est faite,
prйcиde dans le temps ce qui est fait de lui.
q. 4 a. 1 s. c. 7
Praeterea, operatio naturae imitatur in quantum potest operationem Dei, sicut
operatio causae secundae operationem causae primae. Sed naturae processus in operando est de imperfecto ad perfectum. Ergo et
Deus etiam prius tempore imperfectum produxit, et postea perfectum; et sic
informis materia formationem praecessit. 7. L'opйration de la nature imite autant qu'elle le peut l'opйration de
Dieu, comme l'opйration de la cause seconde imite celle de la cause premiиre.
Mais le processus de la nature, en opйrant, fait passer de l'imparfait au
parfait. Donc Dieu aussi a produit, dans le temps, l'imparfait avant et le
parfait ensuite et ainsi la matiиre sans forme a prйcйdй sa mise ne forme.
q. 4 a. 1 s. c. 8
Praeterea, Augustinus dicit, quod ubi Scriptura in principio terram et aquam
commemorat, cum dicitur Genes. I, 2: terra erat inanis et vacua, et spiritus
domini ferebatur super aquas; non ideo nominatur terra et aqua quia iam talis
erat, sed quia talis esse poterat. Ergo aliquando
materia prima nondum habebat speciem aquae vel terrae, sed tantum habere
poterat; et sic materia informis formationem praecessit. 8. Augustin dit qu'au commencement, lа oщ l'Йcriture fait mention de la
terre et de l'eau, comme il est dit dans Gn. 1, 2: "La terre йtait vide et
dйserte et l'Esprit du Seigneur йtait portй sur les eaux", la terre et
l'eau ne sont pas dйsignйes parce qu'elles йtaient dйjа telles, mais parce
qu'elles pouvaient кtre telles. Donc а certains moments, la matiиre premiиre
n'avait pas encore la forme de l'eau ou de la terre, mais elle pouvait
seulement l'avoir. Et ainsi la matiиre sans forme a prйcйdй sa mise ne forme.
Rйponse:
q. 4 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut dicit Augustinus, circa hanc quaestionem potest
esse duplex disceptatio: una de ipsa rerum veritate; alia de sensu litterae,
qua Moyses divinitus inspiratus principium mundi nobis exponit. Comme le dit Augustin (Confessions,
XII) а propos de cette question, il peut y avoir une double discussion: 1)
sur la vйritй, 2) sur le sens de la lettre, par laquelle Moпse, divinement
inspirй, nous a exposй le commencement du monde.
Quoad primam
disceptationem duo sunt vitanda;
quorum unum est ne
in hac quaestione aliquid falsum asseratur, praecipue quod veritati fidei
contradicat;
aliud est, ne
quidquid verum aliquis esse crediderit, statim velit asserere, hoc ad veritatem
fidei pertinere; quia, ut Augustinus dicit: obest, si ad ipsam doctrinae
pietatis formam pertinere arbitretur falsum, scilicet quod credit, et
pertinacius affirmare audeat quod ignorat. Propter hoc autem obesse dicit, quia
ab infidelibus veritas fidei irridetur, cum ab aliquo simplici et fideli
tamquam ad fidem pertinens proponitur aliquid quod certissimis documentis
falsum esse ostenditur, ut etiam dicit I super Genes. ad litteram. Pour la premiиre discussion, il faut йviter deux йcueils:
1) Sur cette question qu’on n'affirme rien de faux, surtout ce qui
contredirait la vйritй de la foi.
2) Ce que quelqu'un aura cru vrai, qu’il ne veuille pas affirmer
aussitфt que cela concerne la vйritй de la foi; parce, comme Augustin le dit (Confessions, X): "Il fait du tort,
s'il considиre comme faux ce qui se rapporte а la forme mкme de la doctrine de
la piйtй; а savoir qu'il croit et qu'il ose affirmer avec opiniвtretй ce qu'il
ignore." Il dit qu’on fait du tort, parce la vйritй de la foi est tournйe
en dйrision par les infidиles[17], quand un simple fidиle propose, comme
appartenant а la foi, ce qui peut кtre dйmontrй comme faux par des preuves trиs
sыres, comme il le dit La Genиse au sens
littйral, I.
Circa secundam disceptationem duo etiam sunt vitanda.
Quorum primum est, ne aliquis id quod patet esse falsum,
dicat in verbis Scripturae, quae creationem rerum docet, debere intelligi;
Scripturae enim divinae a spiritu sancto traditae non potest falsum subesse,
sicut nec fidei, quae per eam docetur.
Aliud est, ne aliquis ita Scripturam ad unum sensum cogere
velit, quod alios sensus qui in se veritatem continent, et possunt, salva
circumstantia litterae, Scripturae aptari, penitus excludantur; hoc enim ad
dignitatem divinae Scripturae pertinet, ut sub una littera multos sensus contineat,
ut sic et diversis intellectibus hominum conveniat, ut unusquisque miretur se
in divina Scriptura posse invenire veritatem quam mente conceperit; et per hoc
etiam contra infideles facilius defendatur, dum si aliquid, quod quisque ex
sacra Scriptura velit intelligere, falsum apparuerit, ad alium eius sensum
possit haberi recursus. Unde non est incredibile, Moysi et aliis sacrae
Scripturae auctoribus hoc divinitus esse concessum, ut diversa vera, quae
homines possent intelligere, ipsi cognoscerent, et ea sub una serie litterae
designarent, ut sic quilibet eorum sit sensus auctoris. Unde si etiam aliqua
vera ab expositoribus sacrae Scripturae litterae aptentur, quae auctor non
intelligit, non est dubium quin spiritus sanctus intellexerit, qui est principalis
auctor divinae Scripturae. Unde omnis veritas quae, salva litterae
circumstantia, potest divinae Scripturae aptari, est eius sensus. Pour la seconde controverse, il faut йviter deux йcueils.
1) Que personne ne dise qu'on doit comprendre que ce qui paraоt faux,
dans les paroles de l’Йcriture qui enseigne la crйation. Car dans l'Йcriture
divine rapportйe par l'Esprit saint, on ne peut pas trouver d'erreur, ni non
plus dans la foi, qu'elle enseigne.
2) Que personne ne veuille rйduire ainsi l'Йcriture а un seul sens, de
sorte que seraient exclus complиtement les autres sens qui contiennent en eux
une vйritй, et peuvent, si on tient compte du contexte, кtre conformes а
l'Йcriture. Car il appartient а la dignitй de l'Йcriture divine que sous une
lettre unique, elle contienne de nombreux sens, de sorte qu’elle convient ainsi
aux diffйrents esprits des hommes, pour que chacun puisse avec admiration
trouver en elle la vйritй qu'il aura conзue dans son esprit; et par cela aussi,
elle est dйfendue plus facilement contre les infidиles, puisque, si un sens que
chacun veut comprendre de l'Йcriture aura paru faux, on peut recourir а un
autre. C'est pourquoi il n'est pas incroyable que cela ait йtй transmis de
faзon divine а Moпse et aux autres auteurs de l'Йcriture sainte, pour que les
hommes connaissent les diverses vйritйs qu’ils pourraient comprendre et ce
qu’elles rйvиlent sous un seul sens littйral, de sorte que n’importe laquelle
d’entre d'elles soit le sens de l'auteur. C'est pourquoi, si aussi quelques vйritйs
que l'auteur ne comprend pas sont adaptйes par les commentateurs de la lettre
de l'Йcriture sainte, il n'est pas douteux que l'Esprit saint les aura
comprises, lui qui en est l'auteur principal. C'est pourquoi toute vйritй qui,
quand on tient compte du contexte, peut кtre adaptйe а l'Йcriture divine, est
son sens[18].
His ergo suppositis, sciendum est quod diversi expositores
sacrae Scripturae diversos sensus ex principio Genesis acceperunt; quorum
nullus fidei veritati repugnat. Et quantum ad praesentem pertinet quaestionem,
diversificati sunt in duas vias, dupliciter informitatem materiae accipientes,
quae signatur in principio Genesis ubi dicit: terra autem erat inanis et vacua.
Cela йtant supposй, il faut savoir que les divers commentateurs de l'Йcriture
sainte ont acceptй diffйrents sens pour le commencement de la Genиse, dont
aucun ne s'oppose а la vйritй de la foi. Sur la question prйsente, ils se sont
sйparйs en deux voies, en admettant de deux maniиres la mise en forme de la
matiиre, qui est signalйe au dйbut de la Genиse, lа oщ il est dit: "Mais
la terre йtait vide et dйserte".
Quidam namque intellexerunt, praedictis verbis talem
informitatem materiae significari, secundum quod materia intelligitur absque
omni forma, in potentia tamen existens ad omnes formas; talis autem materia non
potest in rerum natura existere, quin aliqua forma formetur. Quidquid enim in
rerum natura invenitur, actu existit, quod quidem non habet materia nisi per
formam, quae est actus eius; unde non habet sine forma in rerum natura
inveniri. A) Car certains ont compris qu'une telle absence de forme de la matiиre
йtait signifiйe par ces mots ci-dessus; selon que la matiиre est comprise sans
aucune forme, en puissance cependant а toutes les formes, mais une telle
matiиre ne peut pas exister dans la nature, sans que qu'elle ne soit mise en
quelque forme. Car tout ce qu'on trouve dans la nature, existe en acte, ce que
la matiиre n'a que par la forme, qui est son acte; c'est pourquoi on n'a pas а
la trouver sans forme dans la nature.
Et iterum, cum nihil possit contineri in genere quod per
aliquam generis differentiam ad speciem non determinetur, non potest materia
esse ens, quin ad aliquem specialem modum essendi determinetur; quod quidem non
fit nisi per formam. Unde si sic materia informis intelligatur, impossibile est
quod duratione formationem praecesserit, sed praecessit tantum ordine naturae,
secundum quod illud ex quo fit aliquid, naturaliter est prius eo, sicut nox est
prior creata. Et haec fuit opinio Augustini. Et en plus, comme rien ne peut кtre contenu dans un genre sans кtre
dйterminй par une diffйrence de genre pour l'espиce, la matiиre ne peut кtre un
йtant sans кtre dйterminйe а un mode particulier d'кtre; ce qui ne se fait que
par la forme. C'est pourquoi, si on comprend ainsi la matiиre sans forme, il
est impossible qu'elle ait prйcйdй en durйe la mise en forme, mais elle l'a
prйcйdйe seulement dans l'ordre de la nature, selon que, ce dont quelque chose
est fait est naturellement avant lui, comme la nuit est crййe la premiиre. Et
telle fut l'opinion d'Augustin.
Alii vero intellexerunt informitatem materiae non secundum
quod materia omni forma caret, sed secundum quod dicitur aliquid informe quod
nondum habet ultimum suae naturae complementum et decorem; et secundum hoc
potest poni, quod etiam duratione informitas rerum formationem praecesserit.
Quod quidem si ponatur, ordini sapientiae artificis congruere videtur, qui res
ex nihilo producens in esse, non statim post nihilum in ultima perfectione
naturae eas instituit, sed primo fecit eas in quodam esse imperfecto; et postea
eas ad perfectum adduxit; ut sic et eorum esse ostenderetur a Deo procedere,
contra illos qui ponunt materiam increatam; et nihilominus perfectionis rerum
ipse etiam auctor appareret, contra eos qui rerum inferiorum formationem causis
alii adscribunt. Et hoc intellexit magnus Basilius, Gregorius, et alii sequaces
eorum. Quia ergo neutrum a veritate fidei discordat, et utrumque sensum
circumstantia litterae patitur; utrumque sustinentes ad utrasque rationes
respondeamus. B) D'autres ont compris l'absence de forme de la matiиre, non parce
qu'elle manque de toute forme; mais selon qu'on la dйsigne comme quelque chose
sans forme, parce qu'elle n'a pas encore l’achиvement ultime de sa nature et sa
beautй et, pour cela on peut penser que l'absence de forme a prйcйdй en durйe
la mise en forme. Ainsi on pense que cela semble convenir а l'ordre de la
sagesse de l'artiste, qui, amenant les choses du nйant а l'кtre, ne les a pas
йtablies aussitфt aprиs le nйant, dans la perfection ultime de leur nature;
mais que d'abord il les fit dans un certain кtre imparfait, et ensuite il les a
amenйes а la perfection; pour montrer qu’ainsi leur кtre procиde de Dieu,
contre ceux qui pensent que la matiиre est incrййe. Nйanmoins il paraоtrait
l'auteur mкme de la perfection des choses contre ceux qui attribuent а un autre
la mise en forme des choses infйrieures par les causes. Et c’est cela que
Basile [le Grand] et Grйgoire [de Naziance] et leurs successeurs ont compris. Donc
parce qu'aucun des deux n'est en discordance avec la vйritй de la foi, et que
le contexte supporte l'un et l'autre sens, rйpondons en soutenant l'un et
l'autre, pour ces deux raisons.
Solutions:
q. 4 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus loquitur de materia informi, secundum
quod intelligitur absque omni forma; et sic necesse est dicere, quod informitas
solo ordine naturae formationem praecedat. Qualiter autem circa formationis
ordinem opinetur, in sequenti articulo ostendetur. # 1. Augustin parle de la matiиre sans forme, selon qu'elle est
comprise sans forme aucune, et ainsi il est nйcessaire de dire que cette
absence prйcиde la mise en forme seulement dans l'ordre de la nature. Et on
montrera dans l'article suivant quelle opinion avoir sur l'ordre de la mise en
forme.
q. 4 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod circa hoc multipliciter aliqui sunt opinati.
Plato enim Scripturam Genesis videns, sic intellexisse dicitur numerum
elementorum et ordinem ibi significari, ut terra et aqua propriis nominibus
exprimantur. Aqua autem super terram esse intelligitur, ex hoc quod ibi,
scriptum est: congregentur aquae in locum unum; et appareat arida. Supra quae
duo, aerem intellexit in hoc quod dicitur: spiritus domini ferebatur super
aquas, aerem nomine spiritus intelligens. Ignem vero in nomine caeli
intellexit, quod omnibus supereminet. # 2. A ce sujet quelques-uns ont pensй de multiples faзons.
a) Car on dit que Platon, voyant le texte la Genиse[19], a compris que
le nombre des йlйments et leur ordre y йtait signalй de sorte que la terre et
l’eau sont dйsignйes par leurs noms propres. Mais on comprend que l'eau a
existй sur la terre du fait qu'il est йcrit (Gn. 1, 9): "Que les eaux se
rassemblent dans un lieu unique, qu'apparaisse la terre sиche". Au dessus
de ces deux йlйments, il a compris l'air dans ce qui est dit: "Le souffle
du Seigneur йtait portй sur les eaux", comprenant l'air sous le nom de
souffle. Et il a compris le feu sous le nom de ciel, qui est au-dessus de tout.
Sed quia, secundum Aristotelis probationes, caelum igneae
naturae esse non potest, ut eius motus circularis demonstrat, Rabbi Moyses
Aristotelis sententiam sequens, cum Platone in tribus primis concordans, ignem
significatum esse dixit per tenebras, eo quod ignis in propria sphaera non
luceat; et situs eius declaratur in hoc quod dicitur: super faciem abyssi.
Quintam vero essentiam nomine caeli significatam esse intelligit. b) Mais parce que, selon les preuves donnйes par Aristote (Le ciel, II,
2, 269 a 18 – 269 a 26), il ne peut pas exister un ciel de nature ignйe, comme
son mouvement circulaire le montre[20], Rabbi Moyses suivant l'opinion
d'Aristote, d'accord avec Platon sur les trois premiers points, a dit que le
feu йtait signifiй par les tйnиbres parce que le feu ne brille pas dans sa
propre sphиre; et son lieu est rйvйlй dans ce qui est dit: "sur la face de
l'abоme". Mais il comprend que le nom du ciel signifie la quinte essence.
Sed quia, ut dicit Basilius in Hexameron, non est consuetudo
sacrae Scripturae, ut per spiritum domini aer intelligatur, per corpora extrema
quae posuit, dedit intelligere media; et praecipue quia aquam et terram sensui
manifestum est corpora esse, aer vero et ignis non ita sunt simplicibus
manifesta, quibus etiam instruendis Scriptura tradebatur. c) Mais parce que, comme le dit Basile dans l'Hexaemeron (Homйlie 2),
ce n'est pas l’habitude de l'Йcriture sainte de comprendre l'air comme le
souffle du Seigneur, il donna а comprendre les intermйdiaires par les corps
extrкmes qu'il йtablit. Et principalement parce qu'il est clair pour les sens,
que l'eau et la terre sont des corps, mais que l'air et le feu n'apparaissent
pas ainsi aux simples а qui l'Йcriture йtait transmise pour les instruire.
Secundum vero Augustinum, per nomina terrae et aquae, quae
commemorantur ante lucis formationem, non intelliguntur elementa suis formis
formata, sed ipsa materia informis omni specie carens. Ideo autem potius per
haec duo materiae informitas exprimitur quam per alia elementa, quia sunt
propinquiora informitati, utpote plus de materia habentia, et minus de forma;
et quia etiam nobis magis sunt nota, et manifestius nobis materiam aliorum
ostendunt. Ideo vero non per unum tantum, sed per duo eam significari voluit,
ne si alterum tantum posuisset, veraciter crederetur hoc esse informis materia. d) Selon Augustin (Les LXV
questions[21], qu. 21) par les noms de terre et d'eau dont il est fait
mention avant la formation de la lumiиre, on ne comprend pas les йlйments mis
en forme mais la matiиre elle-mкme, sans forme, sans aucune espиce. Aussi c'est
plutфt par ces deux termes, que s'exprime l'absence de forme de la matiиre,
plus que par les autres йlйments, parce qu’ils sont plus proches de l'absence
de forme comme ayant plus de matiиre, et moins de forme; et ils nous sont mieux
connus et ils nous montrent plus clairement la matiиre des autres. C'est
pourquoi il n'a pas voulu qu'elle soit signifiйe par l’un seulement, mais par
les deux, pour que si seulement l'autre ne l’avait pas pu, on crut vraiment que
c'йtait une matiиre sans forme.
q. 4 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod in illo rerum principio informitate quadam in rebus
existente secundum opinionem Basilii et aliorum sanctorum, non oportet ponere
quod elementa suis qualitatibus naturalibus carerent. Sed utraque habebant
formas, substantiales scilicet, et accidentales. # 3. En ce commencement des crйatures, selon l'opinion de Basile et des
autres saints, il ne faut pas penser que par leur absence de forme les йlйment
manquaient de leurs qualitйs naturelles. Mais l'une et l'autre avaient des
formes, soit substantielles, soit accidentelles.
q. 4 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod situs elementorum dupliciter potest considerari.
Uno modo quantum ad naturam propriam; et sic naturaliter
ignis aerem continet, aer aquam, et aqua terram.
Alio modo quantum ad necessitatem generationis, quae est
circa locum medium; et sic necessarium est ut superficies terrae quantum ad
aliquam partem sui sit aquis discooperta; ut ibi conveniens generatio et
conservatio mixtorum esse possit, et praecipue animalium perfectorum, quae aere
indigent propter respirationem. Dicendum est ergo, quod illa informitas primi
status attenditur non quantum ad situm qui naturalis est elementis secundum se
(hunc enim situm omnia elementa habebant), sed quantum ad illum situm qui
elementis competit secundum ordinem ad generationem mixtorum. Iste enim situs
nondum erat perfectus, quia nec ipsa corpora mixta adhuc prodierant. # 4. La situation des йlйments peut кtre considйrйe de deux maniиres:
a) Quant а sa nature propre. et ainsi le feu entoure naturellement
l'air, l'air entoure l'eau et l'eau la terre.
b) Pour la nйcessitй de la gйnйration, qui est par rapport а un lieu
intermйdiaire. Ainsi il est nйcessaire que la surface de la terre, pour l'une
de ses parties ne soit pas recouverte par les eaux; pour qu’une gйnйration
convenable et la conservation des mixtes y soient possibles, et principalement
celle des animaux parfaits qui ont besoin d'air pour respirer. Il faut donc
dire que cette absence de forme du premier йtat est atteinte non pas pour la
situation, qui est naturelle aux йlйments en soi (car tous les йlйments ont
cette situation), mais pour cette situation qui appartient aux йlйments en
rapport avec la gйnйration des mixtes. Car cette situation n’йtait pas encore
parfaite, parce que les corps mixtes n'avaient pas encore paru.
q. 4
a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod de aquis quae supra caelos sunt diversimode
aliqui opinati sunt.
Quidam namque dixerunt, aquas illas esse spirituales
naturas, quod imponitur Origeni. Sed hoc quidem non videtur ad litteram posse
intelligi, cum spiritualibus naturis situs non competat; ut sic inter eas et
inferiores aquas corporeas dividat firmamentum, ut Scriptura tradit. # 5. Au sujet des eaux qui sont au-dessus des cieux, ils ont pensй de
diverses maniиres:
Car certains ont dit que ces eaux йtaient des natures spirituelles, ce
qui est attribuй а Origиne. Mais cela ne semble pas pouvoir кtre pris au sens
littйral, puisque la situation ne convient pas aux natures spirituelles; de
sorte que qu’il partage le firmament entre elles et les eaux corporelles
infйrieures, comme l'Йcriture le rapporte.
Unde alii dicunt, quod nomine firmamenti intelligitur caelum
aлreum nobis vicinum, supra quod elevantur per vaporum ascensionem aquae
vaporabiles, quae sunt materia pluviarum: ut sic inter aquas superiores quae
sunt in medio aeris interstitio vaporabiliter suspensae, et aquas corporeas
quas videmus supra terram consistere, medium existat aereum caelum. Et huic
etiam expositioni concordat Rabbi Moyses. Sed hanc non videtur pati litterae
circumstantia. Nam postea subditur in littera, quod fecit Deus duo luminaria
magna, et stellas; et posuit eas in firmamento caeli. C'est pourquoi d'autres disent que, sous le nom de firmament, on
comprend le ciel aйrien qui nous est proche, au-dessus duquel s'йlиvent les
eaux qui peuvent se sublimer par la montйe des vapeurs, qui sont la matiиre des
pluies; pour qu'ainsi, entre les eaux supйrieures qui sont suspendues sous
forme de vapeur dans l'intervalle intermйdiaire de l'air, et les eaux
corporelles que nous voyons se tenir sur la terre, il existe un ciel aйrien
intermйdiaire. Et Rabbi Moyses (Doct. Perplex, part. II, c. 30) est d'accord
avec cette exposй. Mais le contexte de la lettre ne semble pas le permettre.
Car ensuite il est ajoutй, dans la lettre, que Dieu fit deux grands luminaires
et les йtoiles, et les plaзa dans le firmament.
Et ideo alii dicunt, quod per firmamentum intelligitur
caelum sidereum, et quod aquae super caelos existentes sunt de natura aquarum
elementarium, et sunt ibi positae ex divina providentia ad temperandum ignis
virtutem, ex quo totum caelum constare dicebant, ut Basilius tangit. Et ad hoc
astruendum, duplex argumentum Augustinus dicit a quibusdam induci. Quorum unum
est, quod si aqua, aliqua rarefactione facta, potest ascendere usque ad medium
aeris interstitium ubi pluviae generantur, si amplius divisa rarescat (quia est
in infinitum divisibilis, sicut et omne continuum) poterit sua subtilitate
supra caelum sidereum conscendere, et ibi convenienter esse. Aliud argumentum
est, quod stella Saturni, quae deberet esse calidissima propter velocissimum
motum, in quantum eius circulus est maior, invenitur frigidi effectus, quod
dicunt ex vicinitate illius aquae contingere praedictam stellam infrigidantis. Et c'est pourquoi, d'autres disent que, par le firmament, on comprend
le ciel йtoilй et que les eaux qui existent au-dessus des cieux sont de la
nature des йlйments aquatiques et ils y sont placйs par la providence divine
pour tempйrer le pouvoir du feu, dont ils disaient que tout le ciel se compose,
comme Basile le rapporte. Et pour l’йtablir, Augustin dit que certains en ont
tirй un double argument (La Genиse au
sens littйral, II, IV et V). L'un[22] est que si l'eau, faite par
rarйfaction peut monter jusqu'а l'intervalle intermйdiaire de l'air oщ sont
engendrйes les pluies, si, en plus divisйe, elle se rarйfie (parce qu’elle est
divisible а l'infini comme toute matiиre continue) elle pourra, par sa
lйgиretй, monter au-dessus du ciel йtoilй et s'y trouver de maniиre convenable.
L'autre argument (La Genиse au sens
littйral, II, V, 9) est que la planиte Saturne qui devrait кtre la plus
chaude а cause de son mouvement trиs rapide, dans la mesure oщ sa circonfйrence
est plus grande, trouve l’effet du froid, ce qu'ils disent venir de la
proximitй de cette eau qui la refroidit.
Sed haec expositio
in hoc videtur deficere, quod asserit quaedam per Scripturam sacram intelligi,
quorum contraria satis evidentibus rationibus probantur. Mais cette exposition semble avoir un dйfaut du fait qu'elle affirme
qu'on comprend certaines choses par l'Йcriture sainte dont le contraire est
prouvй par des raisons assez йvidentes[23].
Primo quidem quantum ad ipsam positionem, quae videtur naturalem
situm corporum pervertere. Cum enim unumquodque corpus tanto debeat esse
superius quanto formalius, non videtur rerum naturae congruere ut aqua, quae
inter omnia corpora est materialior praeter terram, etiam supra ipsum caelum
sidereum collocetur; et iterum ut ea quae sunt unius speciei, diversum locum
naturalem sortiantur; quod erit, si una pars elementi aquae erit immediate
supra terram, alia vero supra caelum. Nec est sufficiens responsio, quod
omnipotentia Dei aquas illas contra earum naturam supra caelum sustinet; quia
nunc quaeritur qualiter Deus instituerit naturas rerum, non quod ex eis aliquod
miraculum potentiae suae velit operari, ut Augustinus in eodem libro dicit. a) Quant а la situation mкme des corps qui paraоt inverser leur
situation naturelle. En effet, comme chaque corps doit кtre d'autant plus haut
qu'il est plus formel[24], il ne semble pas convenir а la nature des йlйments,
que l’eau qui, parmi tous les corps, est plus matйrielle, exceptйe la terre,
soit placйe au-dessus du ciel йtoilй, et en plus, que ce qui est d'une seule
nature partage un lieu naturel diffйrent, ce qui arrivera si une partie de
l'йlйment eau est immйdiatement sur la terre, l'autre au-dessus du ciel. Et,
que la toute puissance de Dieu soutienne ces eaux contre leur nature au-dessous
du ciel n’est pas une rйponse satisfaisante; parce qu'alors on cherche comment
Dieu a instituй la nature, sans vouloir opйrer pour elles un miracle de sa
puissance, comme Augustin le dit dans le mкme livre.
Secundo, quia ratio de rarefactione vel
divisione aquarum videtur omnino vana. Etsi enim corpora mathematica possint in
infinitum dividi, corpora tamen naturalia ad certum terminum dividuntur, cum
unicuique formae determinetur quantitas secundum naturam, sicut et alia
accidentalia. Unde nec rarefactio in infinitum esse potest; sed usque ad
terminum certum qui est in raritate ignis. Et praeterea aqua tantum rarefieri
posset quod iam non esset aqua, sed aer vel ignis, si transcenderet modum
raritatis aquae. Nec
posset naturaliter excedere aeris et ignis spatia, nisi, natura aquae amissa,
eorum vinceret raritatem. Nec iterum esset possibile ut corpus elementare, quod
est corruptibile, formalius fieret caelo sidereo, quod est incorruptibile, et
sic supra ipsum naturaliter collocaretur. b) Parce que la raison de la rarйfaction ou de la division des eaux
paraоt tout а fait vaine. Car mкme si les objets mathйmatiques pouvaient кtre
divisйs а l'infini, cependant les corps naturels sont divisйs jusqu'а un
certain point, puisque la quantitй est limitйe а chaque forme selon sa nature
et les autres accidents. C’est pourquoi la division а l'infini n'est pas
possible; mais elle (va) jusqu'а un terme dйterminй qui est dans la faible
densitй du feu. Et en plus l'eau pourrait perdre sa densitй au point qu’elle ne
serait plus de l'eau, mais de l'air ou du feu, si elle dйpassait la faible
densitй de l'eau. Et elle ne pourrait naturellement dйpasser les espaces de
l'air et du feu, а moins qu’ayant perdu sa nature, elle dйpasse leur faible
densitй. Et а nouveau il ne serait pas possible que le corps йlйmentaire, qui
est corruptible, devienne plus formel que le ciel йtoilй, qui est incorruptible
et ainsi soit placй naturellement au-dessus de lui.
Tertio, quia secunda ratio omnino frivola
apparet. Nam corpora caelestia non sunt susceptiva peregrinae impressionis ut a
philosophis probatur. Nec esset possibile stellam Saturni ab illis aquis
infrigidari, nisi etiam omnes stellae quae sunt in octava sphaera,
infrigidarentur: quarum tamen plurimae inveniuntur esse calidae secundum
effectum. c) Parce que la seconde raison apparaоt comme tout а fait frivole. Car
les corps cйlestes ne sont pas susceptibles d'une imprйgnation йtrangиre, comme
le Philosophe le prouve. Il ne serait possible que la planиte Saturne soient
refroidie par ces eaux, que si toutes les йtoiles qui sont dans la huitiиme
sphиre йtaient refroidies aussi; cependant on trouve а leurs effets que
plusieurs d'entre elles sont chaudes.
Et ideo aliter videtur dicendum ad hoc quod Scripturae
veritas ab omni calumnia defendatur; ut dicamus, quod aquae illae non sint de
natura harum aquarum elementarium, sed sint de natura quintae essentiae,
habentes communem cum nostris aquis diaphaneitatem, sicut et caelum Empyreum
cum nostro igne communem splendorem. Et has aquas quidam vocant caelum
crystallinum; non quia fit de aqua congelata in modum crystalli, quia, ut dicit
Basilius in Hexameron, puerilis dementiae et insipientis mentis est, talem de
caelestibus capere opinionem; sed propter illius caeli soliditatem, sicut et de
omnibus caelis dicitur Iob, XXXVII, 18, quod solidissimi quasi aere fusi sunt.
Et hoc caelum etiam ab astrologis ponitur nona sphaera. Unde nec Augustinus
aliquam de praemissis expositionibus asserit, sed sub dubitatione dimittit,
dicens in eodem Lib.: quomodo libet, et quales aquae ibi sint, esse ibi eas,
minime dubitemus. Maior est quippe Scripturae huius auctoritas quam omnis
humani ingenii capacitas. Et c'est pourquoi il semble qu'il faille en parler autrement pour que
la vйritй de l'Йcriture soit dйfendue contre toute calomnie, de sorte que nous
disons que ces eaux ne sont pas de la nature des eaux йlйmentaires, mais sont
de quinte essence, ayant une commune transparence avec nos eaux, comme le ciel
empyrйe a une commune brillance avec notre feu. Et ils appellent ces eaux le
ciel cristallin, non parce qu'il est fait d'eau congelйe а la ressemblance du
cristal, parce que, comme le dit Basile (Hex. 3), c'est le propre d'une dйmence
puйrile et d'un esprit insensй, d'accepter une telle opinion sur les objets
cйlestes; mais c'est а cause de la consistance de ce ciel, comme des autres
cieux, comme le dit Job (37, 18[25]) que "les plus consistants ont fondu
comme l'air". Et ce ciel aussi est placй par les astronomes dans la
neuviиme sphиre. C'est pourquoi Augustin soutient l’un de ces exposйs, mais il
йmet un doute, disant dans le mкme livre (La
Genиse au sens littйral, II, V, 9): "De quelque maniиre, et quelles
que soient ces eaux, ne doutons pas qu’elles y sont. Car l'autoritй de cette
Йcriture est plus grande que la capacitй de tout l'esprit humain."
q. 4 a. 1 ad 6 Sextum concedimus. # 6. Nous le concйdons.
q. 4 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod si
intelligatur secundum expositionem Basilii, et sequacium eius, per terram ipsum
terrae elementum; sic considerari potest et in quantum est principium quarumdam
rerum, scilicet plantarum, quarum ipsa est ut mater, sicut dicitur in libro de
Veget., et sic respectu eorum erat inanis antequam eas produceret; inane enim
vel vanum dicimus quod non pertingit ad proprium effectum vel finem. Et potest
considerari in quantum est habitaculum quoddam et locus animalium, respectu
quorum vacua fuisse dicitur. # 7. Selon l'exposition de Basile (Hexameron, hom. 4) et de ses
successeurs, si on comprend par le mot terre, l'йlйment terre, on peut la
considйrer ainsi dans la mesure oщ elle est le principe de certaines choses, а
savoir des plantes dont elle est mкme la mиre, comme on le dit au livre de la
Vйgйtation et ainsi par rapport а cela, elle йtait vide avant de les produire;
car nous disons qu'est vide ou dйsert ce qui ne parvient pas а son effet ou а
sa fin propres. Et elle peut кtre considйrйe dans la mesure oщ elle est un
habitacle et un lieu pour les animaux par rapport а ce qu'on a appelй dйsert.
Vel secundum litteram Septuaginta, quae habet, invisibilis
et incomposita, fuit quaedam terra invisibilis, in quantum erat aqua cooperta,
etiam in quantum nondum erat lux producta, per quam posset videri; incomposita
vero in quantum carebat et plantarum et animalium ornatu, et situ conveniente
ad eorum generationem et conservationem. Si vero per terram
intelligatur prima materia secundum opinionem Augustini, sic dicitur inanis per
comparationem eius ad compositum in quo subsistit; nam inanitas firmitati et
soliditati opponitur; vacua vero per comparationem ad formas quibus eius
potentia non replebatur. Unde et Plato, receptionem materiae comparavit loco,
secundum quod in eo locatum recipitur. Vacuum autem et plenum proprie circa
locum dicuntur. Dicitur etiam materia in sua informitate considerata
invisibilis, secundum quod caret forma, quae est omnis cognitionis principium;
incomposita vero in quantum sine composito non subsistit. Ou selon la lettre de la Septante, qui a "invisible et non
composйe", il y eut une terre invisible, dans la mesure oщ elle йtait
couverte d'eau, mкme dans la mesure oщ la lumiиre par laquelle elle pouvait
кtre vue n'йtait pas crййe; non composйe, dans la mesure oщ elle manquait de
l'ornement des plantes et des animaux, et d'un lieu convenable pour leur
gйnйration et leur conservation. Mais si on comprend par la terre la matiиre,
selon l’opinion d’Augustin (Dial. 65, qu. 21), on l’appelle vide par
comparaison au composй en lequel elle subsiste; car la vacuitй est opposйe а la
fermetй et а la soliditй; mais dйserte par comparaison aux formes qui ne
comblaient pas sa puissance. C'est pour cela que Platon (Timйe), compara la rйception de la matiиre а un lieu, selon qu'elle
est placйe en lui. Mais dйsert ou plein se disent proprement du lieu. Car on dit
que la matiиre dans son manque de forme est considйrйe comme invisible, selon
qu'elle manque de forme, qui est le principe de sa connaissance, non composйe
dans la mesure oщ elle ne subsiste pas sans composй.
q. 4 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ad liberalitatem dantis non solum pertinet quod cito
det, sed etiam quod ordinate et quod convenienti tempore det unumquodque. Unde
ubi dicitur: cum statim possis dare, non solum consideranda est potentia qua
dare possumus aliquid absolute, sed etiam qua possumus convenientius dare. Unde
ad ordinis convenientiam conservandam Deus in quadam imperfectione creaturas
primo instituit, ut sic gradatim ex nihilo ad perfectum pervenirent. # 8. Il convient а la libйralitй du donateur de donner promptement,
mais aussi de donner chaque chose avec ordre et au temps convenable. C’est
pourquoi quand il est dit: "Aussitфt que tu pourrais donner", non
seulement il faut considйrer la puissance par laquelle on peut donner quelque
chose absolument, mais encore par laquelle nous pouvons le donner plus
convenablement. C’est pourquoi, pour garder la convenance de l’ordre, Dieu a
instituй d'abord des crйatures dans une certaine imperfection, pour qu'elles
parviennent graduellement du nйant а la perfection.
q. 4 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod situs qui pertinet ad naturam elementorum, in elementis
erat, ut dictum est; unde obiectio contra praedictam opinionem non procedit. # 9. La situation qui convient а la nature des йlйments, йtait en eux,
comme on l’a dit; c’est pourquoi l’objection ne vaut pas contre cette
opinion[26] .
q. 4 a. 1 ad 10 Et
similiter dicendum ad decimum et undecimum. # 10. 11. Il faut dire de mкme pour la dixiиme et onziиme objection.
q. 4 a. 1 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod
perfecto agenti competit perfectum effectum producere. Sed non oportet quod
statim in principio sit perfectum simpliciter secundum suae naturae modum, sed
sufficit quod sit secundum tempus illud; quo modo puer mox natus perfectus dici
potest. # 12. Il convient а l’agent parfait de produire un effet parfait. Mais
il ne faut pas que cet effet soit dиs le commencement absolument parfait selon
le mode de sa nature, mais il suffit qu’il le soit dans ce temps[27]; de cette
maniиre, on peut dire que l’enfant sitфt nй est parfait.
q. 4 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod materia non dicitur fuisse informis, secundum
sententiam quam sustinemus ad praesens, quia omni careret forma, vel quia
haberet unam tantum formam, quae esset in potentia ad omnes formas, sicut
posuerunt antiqui naturales ponentes unum principium; vel sub qua continerentur
plures formae virtute, sicut in mixtis accidit; sed habebat in diversis
partibus formas elementares diversas. Dicebatur tamen materia informis, quia
nondum formae mixtorum corporum supervenerant materiae; ad quas formae
elementares sunt in potentia; nec etiam erat situs elementorum adhuc conveniens
eorum generationi sicut prius dictum est. # 13. On ne dit pas que la matiиre a йtй sans forme, selon l’opinion
que nous soutenons а prйsent, parce qu'elle manquerait de toute forme; ou bien
parce qu'elle n'aurait qu'une seule forme, qui serait en puissance а toutes les
formes, comme l’ont pensй les anciens Naturalistes, qui n’admettaient qu'un
seul principe; ou bien plusieurs formes seraient contenues en puissance, comme
cela arrive dans les mixtes, mais la matiиre avait en diffйrentes parties
diffйrentes formes йlйmentaires. Cependant on l'appelait matiиre sans forme,
parce que n’йtaient pas encore parvenues а la matiиre les formes des corps
mixtes, pour lesquelles les formes йlйmentaires sont en puissance, et la
situation des йlйments n’йtait pas encore apte а leur gйnйration, comme on l’a
dit d’abord.
q. 4 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod nihil cogit nos dicere, nec Scripturae Genesis
auctoritas, nec aliqua ratio, quod alio modo in illo rerum principio materia
formis elementaribus subesset quam modo; etsi possibile fuerit quod ex aquis
vaporabiliter aliquid ascenderit in locum aeris, sicut et modo contingit, et
forte tunc amplius, cum terra totaliter aquis cooperiretur. # 14. Rien, ni l’autoritй de l’Йcriture dans la Genиse, ni une raison
ne nous forcent а dire, qu'en ce commencement des choses, la matiиre йtait
soumise а des formes йlйmentaires d'une autre maniиre que maintenant, mкme s’il
aura йtй possible que des eaux s’йlиvent sous forme de vapeur dans le
territoire de l’air, comme cela arrive aussi maintenant, et peut-кtre alors
encore plus, puisque la terre йtait entiиrement recouverte par les eaux.
q. 4
a. 1 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod de firmamento, quod secundo die
formatur, multiplex invenitur opinio.
Quidam namque dicunt, hoc firmamentum non esse
aliud a caelo, quod prima die legitur factum; sed dicunt, quod Scriptura in
principio summatim commemoravit facta, de quibus per senarium dierum explicavit
quomodo sint facta. Et haec est opinio Basilii in Hexameron.
Alii vero dicunt, aliud esse firmamentum quod
secundo die est factum, et aliud caelum, quod primo dicitur creatum; et hoc
tribus modis. # 15. Au sujet du firmament qui est formй le second jour, on trouve de
nombreuses opinions.
Car certains disent qu’il n’est pas autre que le ciel, on lit qu'il a
йtй crйй le premier jour, mais ils disent que l’Йcriture au commencement a
rappelй sommairement ce qui a йtй fait, elle a expliquй comment cela a йtй fait
en six jours. Et cette opinion vient de Basile dans l'Hexaemeron.
Mais d'autres disent que c’est un autre firmament qui a йtй crйй le
second jour, et un autre ciel qu'on dit avoir йtй crйй d'abord, et cela de
trois maniиres.
Quidam namque dixerunt, quod per caelum, quod prima die
creatum legitur, intelligitur spiritualis creatura vel formata, vel adhuc
informis; per firmamentum vero quod secunda die legitur factum, intelligitur
caelum corporeum quod videmus. Et haec est opinio Augustini, ut patet in Lib.
super Genesim ad litteram, et XII Confess. a) Car certains ont dit que par le ciel, qui, lit-on, a йtй crйй le
premier jour, on comprend la crйature spirituelle, en forme, ou encore sans
forme; par le firmament qui, a йtй crйй le second jour, on comprend le ciel
corporel que nous voyons. Et c’est l’opinion d’Augustin, comme cela apparaоt
dans le La Genиse au sens littйral et
au livre 12 des Confessions.
Alii vero dicunt, quod per caelum quod prima die creatum
legitur, intelligitur caelum Empyreum; per firmamentum vero quod secunda die
legitur factum, intelligitur caelum sidereum quod videmus. Et haec est opinio
Strabi, ut patet in Glossa Genes. I.
b) D’autres disent que par le ciel crйй le premier jour, on comprend le
ciel empyrйe, par le firmament qui a йtй fait le second jour, on comprend le
ciel йtoilй que nous voyons. Et cette opinion est celle de Strabon, comme on le
voit dans la glose de Genиse 1.
Alii vero dicunt, quod per caelum primo die factum,
intelligitur caelum sidereum; per firmamentum autem quod factum est secunda
die, intelligitur istius aeris spatium terrae vicinum, quod dividit inter aquas
et aquas, ut supra dictum est. Et hanc expositionem tangit Augustinus super
Genes. ad litteram, et tenet eam Rabbi Moyses. c) D’autres disent que, par le ciel crйй le premier jour, on comprend
le ciel йtoilй, et par le firmament qui a йtй fait le second jour, l’espace de
cet air voisin de la terre, qui divise les eaux entre elles, comme on l’a dit
plus haut. Et Augustin parle de cette exposition dans La Genиse au sens littйral et Rabbi Moпses la soutient.
Secundum ergo hanc ultimam facile est solvere: quia
firmamentum, quod secundo die est factum, non est de natura quintae essentiae;
unde nihil prohibet quantum ad ipsum fuisse processum de informitate ad
formationem, vel quantum ad eius subtiliationem, vaporibus ab aquis elevatis
diminutis per aquarum congregationem in unum, vel quantum ad situm, dum in
locum aquae recedentis aer successit. Selon cette derniиre exposition, il est facile de rйsoudre le problиme;
parce que le firmament, qui a йtй crйй le second jour, n'йtait pas de quinte
essence; c’est pourquoi, rien n’empкche, quant а lui qu'il soit passй de
l'absence de forme а la mise en forme; ou bien pour sa rarйfaction, que les
vapeurs qui s’йlevaient des eaux, ayant йtй rarйfiйes par leur rassemblement en
un seul lieu, ou bien pour sa situation pendant que l’air arriva dans le lieu
d'oщ l’eau se retirait.
Sed secundum tres opiniones primas, quae per firmamentum
caelum sidereum intelligunt, non oportet dicere processum esse in caelo, de
informitate ad formationem, quasi novam formam acquisierit, quia nec in
elementis inferioribus hoc ponere cogit Scriptura; sed ut intelligamus
firmamento virtutem esse collatam ad mixtorum generationem, et quantum ad hoc
formationem eius intelligi; sicut inferiorum elementorum formatio intelligitur,
ut dictum est, quantum ad mixtorum generationem. Nam sicut elementa inferiora sunt
materia mixtorum, ita firmamentum est causa mixtorum activa. Mais selon ces trois premiиres opinions, qui comprennent par le
firmament le ciel йtoilй, il ne faut pas dire qu’il y eut passage dans le ciel,
de l'absence de forme а la mise en forme, comme s’il avait acquis une nouvelle
forme, parce que l’Йcriture ne force pas а l’йtablir dans les йlйments
infйrieurs, mais comme nous comprenons qu'un pouvoir a йtй placй dans le
firmament pour la gйnйration des йlйments mixtes, on peut y comprendre aussi sa
mise en forme, comme on comprend celle des йlйments infйrieurs, comme on l’a
dit (solution des arguments 13 et 4), pour la gйnйration des mixtes. Car, de
mкme que les йlйments infйrieurs sont la matiиre des mixtes, le firmament est
leur cause active.
Unde divisio aquarum inferiorum a superioribus, intelligi
potest per modum quo medium in confinio duorum extremorum existens, inter
utrumque distinguit. Inferiores enim aquae variationi subiectae sunt, in
quantum mixtionis materia fiunt per motum firmamenti, non autem superiores.
Secundum tamen sententiam Augustini, si ponatur materia informis prius fuisse
tempore, nihil grave occurrit; quia oportet aliquo modo materia in corpore
caelesti poni, in quo invenitur etiam motus. Unde nihil prohibet eam ordine
naturae intelligi ante formam, licet ex tempore nihil formationis accesserit.
Nec cogimur propter hoc dicere, unam esse communem naturam corpori caelesti et
inferioribus elementis; etsi aliquo uno nomine significetur, ut terrae vel
aquae secundum sententiam Augustini; quia unitas ista non intelligitur secundum
substantiam, sed secundum proportionem prout quaelibet materia consideratur ut
in potentia ad formam. C’est pourquoi la sйparation des eaux infйrieures des eaux supйrieures
peut кtre comprise au moyen d’un intermйdiaire situй aux confins des deux
extrкmes qui les distinguent l’une de l’autre. Car les eaux infйrieures sont
sujettes а variation, dans la mesure oщ elles deviennent la matiиre du mixte
par le mouvement du firmament, mais pas les eaux supйrieures. Cependant selon
l’expression d’Augustin (La Genиse au
sens littйral, II, XI, 24), si on pense que la matiиre informe a existй
avant en temps, il n’en ressort rien de grave, parce qu’il faut d’une certaine
maniиre placer la matiиre dans le corps cйleste, dans lequel on trouve aussi le
mouvement. C'est pourquoi, rien n'empкche qu'on la comprenne dans l'ordre de la
nature avant la forme, bien que rien de la formation ne soit arrivй а partir du
temps. Et nous ne sommes pas forcйs, pour cela, de dire qu’il y a une seule
nature commune au corps cйleste et aux йlйments infйrieurs, mкme si on dйsigne
par un seul nom les terres ou les eaux, selon l'expression d'Augustin; parce
que cette unitй n'est pas comprise de la substance, mais de la proportion dans
la mesure oщ on considиre n'importe quelle matiиre comme en puissance pour la
forme.
q. 4 a. 1 ad 16 Ad decimumsextum patet solutio
ex dictis. Non enim intelligitur informitas materiae quia omni forma caret, sed
sicut dictum est. # 16. La solution est йclairйe par ce qui vient d’кtre dit. Car on ne
comprend pas l’absence de forme de la matiиre, parce qu'elle manque de toute
forme, comme on l’a dit.
q. 4 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum quod secundum sententiam Augustini, qui ponit per
terram et aquam prius commemoratas non elementa, sed materiam primam
significatam fuisse, nihil inconveniens sequitur de aquarum congregatione. Nam,
sicut ipse dicit, sicut cum dictum est: fiat firmamentum, in secunda die,
significata est formatio caelestium corporum; ita cum dicitur: congregentur
aquae, in tertia die, significatur formatio elementorum inferiorum; et per hoc
quod dicitur: congregentur aquae, significetur quod aqua suam formam acceperit;
per hoc vero quod dicitur: appareat arida, significetur idem de terra. Ideo
vero his verbis usus est in horum elementorum formatione, et non verbo
factionis, sicut in caelo, ut diceret: fiat aqua et terra, sicut dixerat: fiat
firmamentum, ut significaret imperfectionem harum formarum, et earum
propinquitatem ad informem materiam. Verbo enim congregationis usus est ad
aquam, ut significaret eius mobilitatem; verbo apparentiae in terra, ut
significetur eius stabilitas; unde ipse dicit: ideo de aqua dictum est,
congregetur; de terra, appareat, quia aqua labiliter est fluxa, terra
stabiliter fixa. # 17. Selon l'expression d’Augustin (Dialogue, LV, quest. 21) qui pense
que par la terre et l’eau dont on a fait mention auparavant, ne sont pas des
йlйments, mais qu'elles ont dйsignй la matiиre premiиre, il n’en dйcoule aucune
inconvenance pour le rassemblement des eaux. Car, comme il le dit lui-mкme, (La Genиse au sens littйral, II, ch. 7 et
8), de mкme qu'il a йtй dit: "Que soit fait le firmament", au second
jour, cela signifie la formation des йlйments infйrieurs, de mкme quand il est
dit: "que les eaux se rassemblent", au troisiиme jour, cela signifie
la mise en forme des йlйments infйrieurs et par ce qui est dit: "que les
eaux se rassemblent" est signifiй que l’eau a reзu sa forme propre est
signifiй que l'eau a reзu sa forme; par cette parole: "que la terre sиche
apparaisse", cela signifie la mкme chose pour la terre. C’est pourquoi, il
s'est servi de ces mots, pour la formation de ces йlйments, et non du mot de
faire, comme dans le ciel pour dire: que l'eau et la terre soient faites, comme
il avait dit: "Que le firmament soit fait.", pour signifier l'imperfection
de ces formes et leur proximitй de la matiиre informe. Il s'est servi du mot de
rassemblement, pour l'eau, pour signifier sa mobilitй, et du mot apparence,
dans la terre pour signifier sa stabilitй. Aussi il dit lui-mкme: "C’est
pourquoi on a dit de l’eau qu’elle se rassemble, de la terre qu’elle
apparaisse, parce que l’eau s'est йcoulйe doucement, la terre ayant йtй йtablie
fermement".
Si vero secundum opinionem Basilii et aliorum sanctorum
dicatur, quod eadem terra hic et ibi significatur, et similiter eadem aqua, sed
alio modo disposita prius et postea, multipliciter respondetur. Quidam enim
dixerunt, quod aliqua pars terrae erat quae aquis non erat cooperta; in quam
aqua quae terram habitabilem occupabat, Deo iubente, congregata est. Sed hoc
reprobat Augustinus ex ipsa littera, dicens: si aliquid erat nudum terrae, ubi
congregarentur aquae, iam prius arida apparebat, quod est contra circumstantiam
litterae. Unde alii dixerunt, quod aqua rarior erat sicut nebula, et postea
inspissata in minorem locum collocata est. Sed illud etiam non minorem generat
difficultatem; tum quia non vere erat aqua, si formam vaporis assumpserat; tum
etiam quia locum aeris occupasset, et similis difficultas relinqueretur de
aere. Et ideo alii dicunt, quod terra quasdam cavernositates accepit in quibus
potuit aquarum multitudinem accipere operatione Dei. Sed contra hoc videtur
esse, quia hoc per accidens est quod aliqua pars terrae longius distet a centro
quam alia. In illa autem rerum formatione, natura suum modum accepit, ut Augustinus in
eodem Lib. dicit. Mais si, selon l’opinion de Basile et des autres saints, on disait
qu’on signifie ici et lа la mкme terre, et de la mкme maniиre, la mкme eau,
mais disposйes d’une autre maniиre avant et aprиs, on trouve de nombreuses
rйponses: Car certains ont dit qu’une partie de la terre йtait celle qui
n’avait pas йtй recouverte par les eaux, dans laquelle l’eau qui occupait la
terre habitable, avec l’aide de Dieu, a йtй rassemblйe. Mais Augustin le
rйprouve а cause de la lettre mкme du texte, (La Genиse au sens littйral, I, 12, 26) en disant: "S'il y
avait quelque lieu oщ la terre йtait nue, oщ les eaux se rassembleraient, c’est
que dйjа avant йmergeait la terre sиche, ce qui est contre le contexte".
C’est pourquoi d’autres ont dit que l’eau йtait moins dense, comme les nuйes,
et ensuite en s'йpaississant, elle a йtй placйe dans un lieu plus petit. Mais
cela mкme ne diminue pas la difficultй; d'une part, parce que ce n'йtait pas
vraiment de l’eau, si elle avait pris la forme de la vapeur, d'autre part, mкme
parce si elle avait occupй la place de l’air, il resterait une difficultй
semblable pour l'air. Et c’est pourquoi d’autres disent que la terre a reзu des
cavitйs, dans lesquelles elle a pu recevoir un grande quantitй des eaux par
l'opйration de Dieu. Mais cela semble кtre contraire, parce que c'est par
accident qu'une partie de la terre est plus loin du centre que l'autre. Mais en
cette formation des choses, la nature a reзu son mode, comme Augustin le dit
dans le mкme livre. (La Genиse au sens
littйral, VI, 6).
Et ideo melius videtur dicendum, sicut Basilius dicit, quod
aquae in multas divisiones erant dispersae, et postmodum in unum congregatae;
quod etiam ipse textus verbo congregationis utens, significare videtur. Etsi
enim totam terram aqua tegebat, non oportet quod tanta profunditate tegeretur
prius ubique, quanta nunc invenitur in aliquibus locis Et c’est pourquoi il semble qu’il vaut mieux dire, comme le fait
Basile, que les eaux s’йtaient dispersйes en de nombreuses parties, et ensuite
ont йtй rassemblйes en un tout, ce que le texte mкme usant du mot de
rassemblement semble signifier. Car mкme si l’eau couvrait toute la terre, il
ne faut pas qu'avant elle soit recouverte partout d’une profondeur telle qu’on
la trouve maintenant en certains lieux.
q. 4 a. 1 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod quia corpora mineralia non habent aliquam
evidentem perfectionis excellentiam supra elementa, sicut habent viventia, non
seorsum ab elementis formata describuntur; sed in ipsa elementorum institutione
possunt intelligi esse producta. Unde nihil prohibet aliquas cavernositates
fuisse ante congregationem aquarum; ut postea terra compressa in sui
superficie, aquae congregatae locum praeberet. Tamen verba Augustini hanc
opinionem tangentis, videntur sonare magis quod huiusmodi concavitates non
praeextiterint infra terram, sed magis in superficie terrae tunc factae
fuerint, cum aquae sunt congregatae. Sic enim dicit: terra longe lateque
subsidens potuit alias partes praebere concavas, quibus confluentes et
corruentes aquae reciperentur, et appareret arida ex his partibus unde humor
abscederet; cui etiam consonant verba Basilii Hexameron, dicentis: quando
praeceptio data est ut in unam congregationem aquae coirent, tunc et
susceptionis earum causa praecessit; et ita iussu Dei capacitas sufficiens
parata est, unde aquarum ibi multitudo conflueret. Haec autem capacitas potest
intelligi per quarumdam partium terrae depressionem; cum videamus etiam in
aliquibus maiorem elevationem accidentalem, ut patet in collibus et montibus.
# 18. Parce que les minйraux ne dйpassent pas de faзon йvidente les
йlйments en perfection, comme les кtres vivants, ils ne sont pas dйcrits comme
formйs а part des йlйments; mais on peut comprendre qu'ils sont produits dans
la constitution mкme des йlйments. C’est pourquoi rien n’empкche qu’il y eut
des cavitйs avant le rassemblement des eaux, pour que aprиs, la terre comprimйe
en sa surface offre une place а l’eau rassemblйe. Cependant les paroles
d’Augustin а propos de cette opinion (La
Genиse au sens littйral, I, XII, 26) paraissent mieux convenir, parce que
les cavitйs de ce genre, n’auraient pas prйexistй sous la terre, mais elles
auraient йtй faites plus а sa surface, quand les eaux ont йtй rassemblйes. Car
il parle ainsi: "La terre qui s’йtend en long et en large a pu fournir
d'autres dйpressions dans lesquelles les confluents et les eaux courantes
seraient reзues, et la terre sиche apparaоtrait de ces parties d’oщ le liquide
serait parti". Les paroles de Basile sont en accord (Hexaemeron, homйlie
4). Il dit: "Quand l’ordre a йtй donnй que les eaux se rassemblent en une
seule masse, alors la cause de leur rйception a prйcйdй et ainsi par l’ordre de
Dieu, un rйceptacle suffisant a йtй prйparй oщ les grandes quantitйs d'eaux se
rassembleraient". Ce rйceptacle peut кtre comprit par l'enfoncement de
certaines partie de la terre, quand nous voyons mкme dans certaines une plus
grande йlйvation accidentelle, comme cela se voit dans les collines et les
montagnes.
q. 4 a. 1 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod si cavernositates non praeexistebant in terra,
secundum illud quod ultimo dictum est, obiectio praesens locum non habet. Si
autem praeexistebant, tunc dicendum est, quod licet sit contra naturam aeris
vel aquae subesse terrae sibi relictae, non tamen si terra sit a suo motu
aliqualiter impedita. Sic enim videmus in cavernis quae fiunt sub terra, terram
aliquibus sustentaculis suspensam aerem subingredi, eo quod natura non patitur
vacuum. Si tamen dicatur, quod aquae quae erant in minori profunditate super
totam terrae superficiem sparsae, sunt postmodum super aliquam partem terrae in
maiorem altitudinem congregatae, ut supra dictum est, praedictae obiectiones
cessabunt. # 19. Si les cavitйs ne prйexistaient pas dans la terre, selon ce qui a
йtй dit en dernier, la prйsente objection ne vaut pas. Mais si elles
prйexistaient, alors il faut dire que, bien que ce soit contre la nature de
l’air ou de l’eau d'кtre sous la terre qui lui est laissйe, cependant pas si la
terre йtait en quelque maniиre empкchйe par son mouvement. Car ainsi nous
voyons dans les cavernes qui se font sous terre, que la terre suspendue par
certains supports laisse entrer l'air, parce que la nature ne supporte pas le
vide. Cependant, si on dit que les eaux qui йtaient d'une moins grande
profondeur, dispersйes sur toute la surface de la terre, ont йtй par la suite
rassemblйes sur une partie de la terre avec une plus grande profondeur, comme
on l’a dit ci-dessus, les objections prйcйdentes disparaоtront.
q. 4 a. 1 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod si consideretur naturalis elementorum situs, qui
competit ipsis naturis elementorum absolute, sic naturale est aquae quod totam
terram undique contineat, sicut et aer continet aquam. Si autem considerentur
elementa in ordine ad mixtorum generationem, ad quam etiam caelestia corpora
movent; sic talis situs competit, qualis postea institutus est. Unde statim
apparente arida in aliqua sui parte, subditur de productione plantarum. Quod
autem in elementis ex impressione caelestium corporum accidit, non est contra
naturam, ut dicit Commentator in III de caelo et mundo, ut patet in fluxu et
refluxu maris; qui licet non sit naturalis motus aquae, in quantum gravis est,
eo quod non est ad medium, est tamen naturalis motus eius in quantum est a
corpore caelesti mota, sicut eius instrumentum. Hoc autem multo magis competit
dicere de his quae fiunt in elementis ex ordinatione divina, per quam tota
elementorum natura subsistit. In praesenti autem utrumque concurrere videtur ad
aquarum congregationem; et divina virtutis principaliter, et secundario virtus
caelestis. Unde statim post firmamenti institutionem subiungitur de aquarum
congregatione. Potest tamen et ex ipsa natura aquae aliqua aptitudo inveniri.
Cum enim in elementis continens sit formalius contento, ut patet per
philosophum in VIII Physic., aqua in tantum deficit a perfecta terrae
continentia, in quantum et ipsa non perfecte formalis est, sicut ignis et aer,
plus accedens ad terrenam spissitudinem quam ad igneam raritatem. # 20. Si on considиre la situation naturelle des йlйments, qui
appartient а leur nature de faзon absolue, il est naturel pour l'eau d’entourer
partout toute la terre, comme l'air entoure l'eau. Mais si on considиre les
йlйments dans leur rapport а la gйnйration des mixtes, que les corps cйlestes
mettent en action, alors une telle situation convient telle qu’elle a йtй mise
en place aprиs. C’est pourquoi aussitфt que la terre sиche est apparue dans
l'une de ses parties, elle est assujettie а la production des plantes. Mais, ce
qui dans les йlйments vient de l’action des corps cйlestes n’arrive pas contre
la nature, comme le dit le Commentateur (Le
ciel et le monde , 3, com. 20), comme cela paraоt dans le flux et le reflux
de la mer[28], qui, bien que ce ne soit pas un mouvement naturel de l’eau, dans
la mesure oщ elle est lourde, parce qu’elle n’est pas pour un espace
intermйdiaire, cependant c’est son mouvement naturel dans la mesure oщ elle est
mue par le corps cйleste, comme son instrument. Mais il convient beaucoup plus
de le dire de ce qui se fait dans les йlйments par la mise en ordre de Dieu,
par laquelle toute la nature des йlйments subsiste. А prйsent, l’un et l’autre
semblent concourir au rassemblement des eaux, le pouvoir divin surtout, le
pouvoir cйleste en second. C'est pourquoi aussitфt aprиs la constitution du
firmament, on ajoute le rassemblement des eaux. On peut cependant trouver une
aptitude par la nature mкme de l’eau. Car, comme le contenant dans les йlйments
est plus formel que le contenu, comme l'expose le philosophe (Physique VIII), dans la mesure oщ l’eau
s’йcarte du voisinage parfait de la terre, elle n’est pas parfaitement forme
comme le feu et l’air, en parvenant plus а la densitй terrestre qu’а la
lйgиretй du feu.
q. 4 a. 1 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum quod
confusio quae in mundo inchoato praecessisse dicitur, non attenditur secundum
aliquam mixtionem elementorum, sed per oppositum ad illam distinctionem quae
nunc est in partibus mundi, competens viventium generationi et conservationi. # 21. La confusion, qui, a, dit-on, prйcйdй, dans le monde en son
commencement n’est pas atteinte par le mйlange des йlйments, mais par
l'opposition а cette distinction qui existe maintenant dans les parties du
monde, en accord avec la gйnйration des vivants et leur conservation.
q. 4 a. 1 ad 22 Et
per hoc patet responsio ad vicesimumsecundum et vicesimumtertium. # 22. 23. Par lа apparaоt le rйponse а la vingt-deuxiиme et
vingt-troisiиme objection.
q. 4 a. 1 ad s. c. 1
Ad ea vero quae in contrarium obiiciuntur, secundum opinionem Augustini
consequenter respondendum est.
Ad primum dicendum est, quod Gregorius loquitur secundum
opinionem quam prius sustinuimus. Non tamen sic sunt intelligenda verba
Gregorii, quod in prima rerum creatione sit omnium rerum materia facta absque
omni specie formae, sed absque formis quibusdam, scilicet rerum viventium, et
ordinis ad eorum generationem, sicut supra est expositum.
Rйponse aux arguments de sens contraire:
Selon l’opinion d’Augustin, il faut aussi rйpondre.
## 1. Grйgoire [le Grand] parle selon l’opinion que nous avons d'abord
soutenue. Cependant il ne faut pas comprendre qu’il dit, que, dans la premiиre
crйation, la matiиre de toutes choses a йtй faite sans aucune espиce de forme,
mais sans certaines formes, а savoir celle des crйatures vivantes, et de leur
rapport а leur gйnйration, comme on l’a exposй ci-dessus (solution aux
arguments 4 et 13).
q. 4 a. 1 ad s. c. 2
Ad secundum dicendum, quod appetitus formae non est aliqua actio materiae, sed
quaedam habitudo materiae ad formam, secundum quod est in potentia ad ipsam,
sicut Commentator exponit in primo Physic. ## 2. L'appйtit de la forme n'est pas une action de la matiиre, mais
une relation de la matiиre а la forme, selon qu'elle est en puissance pour elle,
comme le Commentateur l'expose au 1er livre de la Physique (ch. 81).
q. 4 a. 1 ad s. c. 3
Ad tertium dicendum, quod si Deus faceret ens in potentia tantum, minus faceret
quam natura, quae facit ens in actu. Actionis enim perfectio magis attenditur secundum
terminum ad quem, quam secundum terminum a quo; et tamen hoc ipsum quod
dicitur, contradictionem implicat, ut scilicet aliquid fiat quod sit in
potentia tantum: quia quod factum est, oporteret esse cum est, ut probatur in
VI Phys. Quod autem est tantum in potentia, non simpliciter est. ## 3. Si Dieu crйait un йtant en puissance seulement, il ferait moins
que la nature, qui le produit en acte. Car la perfection de l'action est mieux
atteinte, selon le but, que selon l'origine et cependant ce qui est dit
implique contradiction, quelque chose est fait, qui serait en puissance
seulement; parce qu’il faudrait que ce qui est fait existe, comme il est, comme
on le prouve en Physique (VI). Mais
ce qui est seulement en puissance n'existe absolument pas.
q. 4 a. 1 ad s. c. 4
Ad quartum dicendum, quod hoc quod Scriptura dicit: terra erat inanis et vacua,
si accipiatur de materia omnino informi, secundum Augustinum, non est
intelligendum quod sic erat aliquando in actu, sed quia talis erat natura sua,
si absque formis inhaerentibus consideretur. ## 4. Ce que l'Йcriture dit: "La terre йtait vide et dйserte",
si on le conзoit de la matiиre tout а fait sans forme, selon Augustin, n'est
pas а comprendre qu'elle йtait ainsi quelquefois en acte, mais parce que sa
nature йtait telle, si on la considиrait sans formes inhйrentes.
q. 4 a. 1 ad s. c. 5
Ad quintum dicendum, quod formatio spiritualis creaturae dupliciter potest
intelligi:
una per gratiae infusionem, et alia per gloriae
consummationem. Prima quidem formatio, secundum sententiam Augustini, statim
creaturae spirituali affuit in sui creationis principio; et tunc per tenebras,
a quibus lux distinguitur, non intelligitur peccatum malorum Angelorum; sed
informitas naturae, quae nondum erat formata, sed erat consequentibus operibus
formanda, ut dicitur in I super Genes. ad litteram, vel, sicut dicitur quarto
eiusdem libri, per diem significatur Dei cognitio, per noctem vero cognitio
creaturae, quae quidem tenebra est respectu divinae cognitionis. Vel si per
tenebras intelligamus Angelos peccantes, ista divisio non ad praesens peccatum
refertur, sed ad futurum, quod erat in Dei praescientia: unde dicit in libro ad
Orosium: quia ex Angelis quosdam per superbiam praesciebat casuros; per
incommutabilem praescientiae suae ordinem divisit inter bonos et malos, malos
tenebras appellans, et bonos lucem.
Secunda vero
formatio non pertinet ad principium institutionis rerum, sed magis ad rerum
decursum, quo per divinam providentiam gubernantur. Hoc enim ultimum verum est,
secundum Augustinum, de omnibus in quibus operatio naturae requiritur, quod in
hac formatione necesse est provenisse; quia per motum liberi arbitrii aliqui
sunt conversi ut starent; aliqui aversi ut caderent.
## 5. La formation de la crйature spirituelle peut кtre comprise de
deux maniиres: l'une par l'infusion de la grвce et l'autre par l'achиvement de
la gloire.
a) La premiиre formation, selon l'opinion d'Augustin, arrive aussitфt а
la crйature spirituelle, au commencement de la crйation et alors par les tйnиbres,
d'oщ la lumiиre est distinguйe, on ne comprend pas le pйchй des mauvais anges,
mais le manque de forme de la nature, qui n'йtait pas encore mise enforme, mais
devait l’кtre par les њuvres suivantes, comme il est dit (la Genиse au sens
littйral, I), ou bien, comme il est dit au quatriиme livre, la connaissance de
Dieu est signifiйe par le jour, la connaissance de la crйature, par la nuit,
qui est tйnиbres par rapport а la connaissance divine, (comme on le dit au mкme
livre). Ou si, par les tйnиbres, nous comprenons les anges pйcheurs, cette
division ne se rйfиre pas au pйchй prйsent, mais au pйchй futur, qui йtait dans
la prescience de Dieu: c'est pourquoi il dit dans le livre A Orose, (Dialogue
65, qu. 24): "Parce qu’il savait а l'avance, par l'ordre immuable de sa
prescience, que certains anges succomberaient par orgueil, il sйpara les bons
des mйchants, appelant les mйchants tйnиbres, et les bons lumiиre.".
b) La seconde formation n'appartient pas au commencement de
l'institution des choses, mais plutфt а leur achиvement, oщ elles sont
gouvernйes par la providence divine. Car c’est la vйritй ultime, selon
Augustin, pour tout ce en quoi l'opйration de la nature est requise, qu'il est
nйcessaire qu'elle parvienne а cette formation, parce que, par le mouvement du
libre arbitre, certains se sont tournйs pour demeurer, certains dйtournйs pour
tomber.
q. 4 a. 1 ad s. c. 6
Ad sextum dicendum, quod mundus dicitur factus ex invisa materia, non quia
informis materia tempore praecesserit, sed ordine naturae. Et similiter
privatio non fuit aliquo tempore in materia ante omnem formam, sed quia materia
absque forma intellecta cum privatione etiam intelligitur. ## 6. On dit que le monde a йtй fait de la matiиre invisible, non parce
que la matiиre sans forme a prйcйdй dans le temps, mais dans l'ordre de la
nature. Et semblablement la privation n'a pas existй un temps dans la matiиre
avant toute forme, mais parce que la matiиre comprise sans forme est comprise
aussi avec la privation.
q. 4 a. 1 ad s. c. 7
Ad septimum dicendum, quod hoc est ex imperfectione naturae operantis per motum
quod ex imperfecto ad perfectum procedit; motus enim est actus imperfecti. Sed
Deus propter suae virtutis perfectionem potuit statim res perfectas in esse
producere; et ideo non est simile. ## 7. Cela vient de l'imperfection de la nature, qui opиre par
mouvement de procйder de l'imparfait au parfait; car le mouvement est d'un acte
imparfait. Mais Dieu, а cause de la perfection de son pouvoir, a pu aussitфt
produire les choses parfaites dans l'кtre, et c'est pourquoi ce n'est pas
pareil.
q. 4 a. 1 ad s. c. 8
Ad octavum dicendum, quod verba Augustini non sunt intelligenda sic quod
materia aliquo tempore fuerit in potentia ad formas elementares nullam earum
habens; sed quia in sua essentia considerata, nullam formam actu includit ad
omnes in potentia existens. ## 8. Les paroles d'Augustin ne sont pas а comprendre de sorte que la
matiиre a йtй un temps en puissance pour les formes йlйmentaires, sans en avoir
une; mais parce que, celle-ci considйrйe en son essence, quand elle existe en
puissance pour toutes les formes, n'inclut aucune forme en acte.
--------------------------------------------------------------------------------
[1]
Ia, qu. 66, a. 1 — Ia, qu. 69, a.1 — 1a, qu. 74 a. 2 — II Sent. d12a4.
[2]
"Ce n’est pas que la matiиre informe soit temporellement antйrieure aux
choses formйes: ces deux principes d’кtre sont en effet simultanйment
“concrййs”, d’une part ce dont une choses est faite, d’autre part ce qu’elle
est faite. C’est ainsi que la voix est la matiиre des mots et que les mots
expriment une voix formйe: nйanmoins, celui qui parle ne commence pas par
йmettre une voix informe, susceptible d’кtre ensuite dйterminйe et formйe en
mots; pareillement, le Dieu crйateur n’a pas dans un premier temps crйй la
matiиre informe, pour ensuite, dans une seconde considйration, la former selon
l’ordre de chaque nature: non, il a crйй la matiиre formйe." (Trad. P.
Agaлsse et A. Solignac, BA 48)
[3]
Dйfinition de la matiиre premiиre chez Aristote: Physique, I, ch. 9, 192, a, 31 "…j'appelle matiиre premiиre le
premier sujet pour chaque chose, йlйment immanent et non accidentel de sa
gйnйration" (Trad. H. Carteron) — "Car je dis que la matiиre premiиre
est le sujet de chaque chose dont quelque chose est fait puisqu'elle est en lui
mais pas comme un accident". (90 (82) Thomas n° 139. — Mйtaphysique 7 (Z) 1029 a 20: "J'appelle
matiиre ce qui n'est par soi ni existence dйterminйe, ni d'une certaine
quantitй, ni d'aucune autre des catйgories par lesquelles l'кtre est dйterminй"
(Trad. J. Tricot).
[4]
Selon les anciens, la matiиre est composйe de quatre йlйments.
[5]
Importance de la pesanteur dans les arguments; elle impose la situation des
corps: "Les йlйments sont dans leur situation propre par le pouvoir de
leur forme.
[6]
"Qu’il soit nйcessaire de poser autant de diffйrences que d’йlйments, est
chose manifeste."
[7]
Selon Aristote chaque йlйment se situe selon les lois de la pesanteur, dans son
lieu propre.
[8]
Le situs (la situation) se distingue bien du lieu, lequel ne dit rien de la
situation relative des parties, mais il est clair qu’il n’est qu’un prйdicament
dйrivй, а ce titre moins significatif que les autres. Aristote n’a d’ailleurs
pas toujours retenu ces deux prйdicaments dans sa nomenclature." (H.-D.
Gardeil, Initiation…Mйtaphysique, (p.
101).
[9]
Sur les intermйdiaires: Du ciel, IV, 4, 312 a 27 ss.
[10]
Cf. Aristote, Du ciel, IV, 4, 311 b 30: "L’existence d’un centre oщ se
portent les corps pesants, et d’oщ s’йloignent les corps lйgers est manifeste
pour de multiples raisons." (Trad. P. Moraux).
[11]
Cf. Physique, I, 4, 187 a 12-17, — I,
8, 191 a 23-24. Thomas, lect. 8 n° 2 et lect. 14, n°2.
[12]
Car les quatre йlйments ne peuvent pas subir un mouvement circulaire (269 a 17
–a 25)
[13]
Figura, forme au sens moderne du mot: apparence, aspect visible.
[14]
Toute crйature est bonne . Cf. Gn. I: Dieu vit que tout cela йtait bon.
[15]
"Il est donc vraisemblable que l’Йcriture parle de cette matiиre,
lorsqu’elle dit; "La terre йtait invisible… afin que nous comprenions que
tous les autres mots de ce texte, bien qu’ils soient noms de choses visibles
visent а dйsigner… cette informitй de la matiиre." BA., p. 122-123
[16]
Ce n'est pas de l'homme, mais du non blanc ou du noir qu'il devient blanc.
C'est-а-dire non de la substance, mais de l'accident.
[17]
"A cela doit tendre l'intention du chrйtien qui dispute sur les articles
de la foi pour pour la prouver mais pour la dйfendre." De rationibus fidei
2.
[18]
Multiplication du sens littйral. Bull. Thomiste 1933, pp. 711-718. Voir Ia, qu.
1, a 10.
[19]Thomas
s’inspire directement de saint Augustin, qui rapporte la lйgende et la rйfute
sur certains points. (La Citй de Dieu,
VIII, 11. Cf. Timйe c. 7, 31-33).
[20]
Le mouvement du ciel est circulaire. Or le mouvement naturel du feu est vers le
haut.
[21] Qu. Ad Simplicium (PEV 21
PL, 40)
[22]
Dans ce paragraphe, Thomas suit le raisonnement d'Augustin: II, IV, 7. Voir BA
p. 157 sq. Augustin rapporte l’opinion des "savants". Cf. Pйpin,
Thйologie cosmique, p. 422, n°3.
[23]
L'Йcriture semble aller contre les lois de la nature.
[24]
C'est-а-dire plus lйger selon les lois de la pesanteur.
[25]
"…durci comme un miroir fondu…" B.J.
[26]
Pour Ambroise Dieu donne а une њuvre une loi qui se superpose en quelque sorte
а son essence. Pour Augustin et Thomas, les lois sont les propriйtйs des
essences.
[27]
Faut-il comprendre au moment venu ou bien actuellement telles que sont les
choses?
[28]
Idem in Pot. 1, 3, sol. 1.
Article 2: La mise en forme de la matiиre a-t-elle eu lieu toute en
mкme temps ou successivement?
q. 4 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum materiae formatio tota simul fuerit, an successive. Et
videtur quod successive.
Il semble qu'elle fut successive[1].
Objections:
q. 4 a. 2 arg. 1
Dicitur enim Iudith, IX, 4: tu fecisti priora, et illa post illa cogitasti.
Excogitatio autem Dei est eius operatio, ut Damascenus dicit; unde et in
praedicta auctoritate subditur: et hoc factum est quod ipse voluisti. Ergo res
quodam ordine, et non simul, sunt factae. 1. En Judith (9, 4) il est dit: "Tu as fait ce qui est avant, et
cela tu l'as pensй aprиs[2]." Mais la pensйe de Dieu est son opйration,
comme Jean Damascиne le dit (II, 3). C'est pourquoi dans la prйcйdente
autoritй, il est ajoutй: "Et cela a йtй fait parce que tu l'as voulu
toi-mкme". Donc les choses ont йtй crййes selon un certain ordre et non en
mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 2
Praeterea, plures partes temporis non possunt esse simul: quia totum tempus sub
quadam successione agitur. Sed rerum formatio in diversis partibus temporis
facta commemoratur Genes. I. Ergo videtur quod rerum formatio facta sit
successive, et non tota simul. 2. Plusieurs parties du temps ne peuvent pas coexister; parce que tout
le temps est soumis а une certaine succession; mais on rappelle, au ch. 1 de la
Genиse, que la mise en forme des crйatures a йtй faite en diffйrentes parties
du temps. Donc il semble qu'elle a йtй accomplie successivement et non toute en
mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 3 Sed
dicendum, quod per illos sex dies, secundum sententiam Augustini, non
intelliguntur dies consueti nobis qui sunt temporis partes, sed secundum
cognitionem angelicam sexies rebus cognoscendis praesentatam, secundum rerum
sex genera.- Sed contra, dies ex praesentia lucis causatur;
unde dicitur Genes. I, 5, quod Deus vocavit lucem diem. Sed lux non proprie in
spiritualibus invenitur, sed solum metaphorice. Ergo nec dies proprie potest
intelligi Angelorum cognitio. Non videtur ergo
esse litteralis expositio, quod per diem Angelorum cognitio intelligatur. Probatio
mediae. Nullum per se sensibile potest in spiritualibus proprie accipi: ea enim
quae sensibilibus et spiritualibus sunt communia, non sunt sensibilia nisi per
accidens; sicut substantia, potentia, virtus et huiusmodi. Lux autem est per se
sensibilis visu. Ergo proprie non potest in spiritualibus accipi. 3. Mais il faut dire que, durant ces six jours, selon l'opinion
d'Augustin (La Citй de Dieu, II,
VIII, 18), on ne comprend pas des jours semblables aux nфtres qui sont des partie
du temps, mais d'aprиs la connaissance angйlique, reprйsentйe six fois pour ce
qu'il y avait а connaоtre, selon six genres de choses. – En sens contraire, le
jour est causй par la prйsence de la lumiиre. C'est pourquoi on dit en Gn. 1,
5, que Dieu a appelй la lumiиre jour. Mais on ne trouve pas la lumiиre а
proprement parler dans les кtres spirituels, mais seulement par mйtaphore. Donc
on ne peut pas comprendre le jour а proprement parler comme la connaissance des
anges. Donc il ne semble pas que comprendre la connaissance des anges comme le
jour soit le sens littйral. Preuve intermйdiaire: Rien de sensible par soi ne
peut кtre reзu dans les кtres spirituels, car ce qui est commun au sensible et
au spirituel n'est sensible que par accident, comme la substance, la puissance,
le pouvoir etc.. Mais la lumiиre est sensible en soi pour la vue. Donc elle ne
peut pas кtre reзue en propre par les кtres spirituels.
q. 4 a. 2 arg. 4
Praeterea, cum Angelus dupliciter res cognoscat, scilicet in verbo et in
propria natura; oportet quod per alteram istarum cognitionum dies intelligatur.
Non autem potest intelligi de cognitione qua cognoscit rem in verbo, quia haec
cognitio est una tantum de omnibus; simul enim in verbo cognoscit Angelus
quaecumque cognoscit, et una cognitione, quia scilicet verbum videt. Non ergo
esset nisi una dies. Si autem intelligitur de cognitione qua cognoscit res in
propria natura, sequitur quod sint multo plures quam sex dies, cum sint plura
genera et species creaturarum. Non ergo
videtur quod dierum senarius ad cognitionem angelicam referri possit. 4. Comme l'ange connaоt de deux faзons, а savoir dans le Verbe et dans
sa propre nature; il faut que le jour soit compris par la deuxiиme de ces
connaissances. Mais il n'est pas possible de le comprendre de la connaissance
par laquelle il connaоt un objet dans le Verbe, parce que cette connaissance
est seulement une pour toute chose; car c'est en mкme temps que l'ange connaоt
dans le Verbe tout ce qu'il connaоt et d'une connaissance unique, parce qu'il
voit le Verbe. Donc il n'y aurait qu'un seul jour. Mais s'il est compris de la
connaissance par laquelle il connaоt les choses dans leur propre nature, il en
dйcoule qu'il y a bien plus de six jours, puisqu'il y a plus de genres et
d'espиces de crйatures. Donc il ne semble pas qu'on puisse rapporter la
connaissance angйlique aux six jours.
q. 4 a. 2 arg. 5 Praeterea, Exod. XX, 9, dicitur:
sex diebus operaberis, septimo autem die sabbatum domini Dei tui est: non
facies omne opus; et postea subditur ratio: sex enim diebus fecit Deus caelum
et terram, mare, et omnia quae in eis sunt, et requievit in die septimo. Sed lex ad litteram de diebus materialibus loquitur
in quorum sex permittit operari, in septimo prohibet. Ergo et hoc quod
dicitur de Dei operatione ad dies materiales referendum est. 5. En Exode. 20, 9, il est dit: "Tu travailleras six jours, mais
le septiиme est le sabbat de ton Dieu; tu ne feras aucune oeuvre," et la
raison en est donnйe ensuite: "Car en six jours Dieu a fait le ciel et la
terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, et il se reposa le septiиme jour."
Mais, selon la lettre, la loi parle des jours matйriels; dans six de ceux-ci,
elle permet de travailler, et elle l'interdit le septiиme. Donc ce qui est dit
de l'opйration de Dieu doit кtre rapportй aux jours matйriels.
q. 4 a. 2 arg. 6
Praeterea, si per diem cognitio Angeli intelligitur; facere ergo aliquid in die
non est aliud quam facere in angelica cognitione. Per hoc autem quod aliquid
fit in angelica cognitione non sequitur quod in sua natura existat, sed solum
quod ab Angelo cognoscatur. Ergo per hoc non ostenderetur rerum in propriis
naturis institutio; quod est contra Scripturam. 6. Si on comprend par jour la connaissance de l'ange, donc faire
quelque chose le jour n'est pas diffйrent que le faire dans la connaissance
angйlique. Mais du fait qu'une chose est faite dans la connaissance angйlique,
il n'en dйcoule pas qu'elle existe dans sa nature, mais seulement qu'elle est
connue par l'ange. Donc ainsi l'arrangement des choses ne serait pas montrй
dans leur nature propre; ce qui est contre l'Йcriture.
q. 4 a. 2 arg. 7 Praeterea, cuiuslibet Angeli cognitio differt ab alterius
cognitione. Si ergo per diem cognitio Angeli intelligitur, oportet tot dies
ponere quot sunt Angeli, et non solum sex ut Scriptura tradit. 7. La connaissance de n'importe quel ange diffиre de celle d'un autre.
Si donc on comprend par le mot jour la connaissance de l'ange, il faut poser
autant de jours que d'anges, et pas seulement six, comme l'Йcriture le rapporte.
q. 4 a. 2 arg. 8
Praeterea, Augustinus, II super Genes. ad litteram, dicit, quod per hoc quod
dicitur: dixit Deus, fiat, intelligitur quod res fiendae praeextiterunt in
verbo, per hoc quod dicitur: est ita factum, intelligimus factam rei cognitionem
in creatura intellectuali: per hoc quod dicitur: fecit Deus, intelligitur in
suo genere fieri creatura. Si ergo per diem cognitio Angeli intelligitur,
postquam dixerat de aliquo opere: et factum est ita, in quo cognitio angelica
intelligitur, superflue adderetur: factum est vespere et mane dies unus vel
dies secundus. 8. Augustin (La Genиse au sens
littйral, II, 7 et 8[3]) dit que, du fait qu'il est dit: "Dieu dit,
que cela soit fait", on comprend que les choses а faire ont prйexistй dans
le Verbe; du fait qu'il est dit: "Et ainsi fut fait", on comprend que
la connaissance est rйalisйe dans la crйature intellectuelle; du fait qu'on dit:
“Dieu le fit”, on comprend que la crйature est crййe en son genre. Si donc par
jour, on comprend la connaissance de l'ange, aprиs qu'il ait parlй d'une oeuvre:
"Et ainsi cela fut fait", dans lequel on comprend la connaissance
angйlique, il serait superflu d'ajouter: "Il y eut un soir et un matin"
ou "un second jour".
q. 4 a. 2 arg. 9 Sed dicendum, quod hoc additur
ad ostendendum duplicem modum cognitionis rerum in creatura spirituali. Unus
est quo cognoscit res in verbo; et secundum hoc dicitur mane, vel cognitio
matutina: alius quo cognoscit res in propria natura; et secundum hoc dicitur
vespere, vel cognitio vespertina.- Sed contra, licet Angelus posset simul plura
considerare in verbo, non tamen potest simul plura intelligere in propria
natura, cum per diversas species diversa in suis naturis intelligat. Si ergo
quilibet sex dierum non solum habet mane, sed etiam vespere; oportebit in sex
diebus aliquam successionem considerare; et sic rerum formatio non tota simul
fuit facta. 9. Il faut dire que cela est ajoutй pour montrer le double mode de
connaissance de la rйalitй dans la crйature spirituelle. L'un est ce par quoi elle
connaоt dans le Verbe, et pour cela on parle du matin ou de connaissance
matutinale; l'autre par laquelle elle connaоt les choses en leur nature propre,
et pour cela on parle du soir ou de connaissance vespйrale. – En sens contraire:
Bien que l'ange puisse considйrer en mкme temps plus de choses dans le Verbe,
il ne peut pas cependant en comprendre (intelligere) plus dans leur nature
propre, puisqu'il comprend les choses diffйrentes dans leur nature par
diffйrentes formes. Si donc chacun des six jours a non seulement un matin mais
encore un soir, il faudra considйrer en eux une succession, et ainsi la
formation des choses n'a pas eu lieu entiиrement en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 10
Praeterea, ab una potentia non possunt esse simul plures operationes, sicut nec
una linea recta terminatur ex una parte nisi ad unum punctum: per operationem
enim potentia terminatur. Sed considerare rem in verbo et in propria natura,
non est una operatio, sed plures. Ergo non simul est matutina et vespertina
cognitio; et sic adhuc sequitur quod in illis sex diebus sit successio. 10. Il ne peut pas exister plusieurs opйrations en mкme temps а partir
d'une seule puissance; ainsi une seule ligne droite ne se termine d'un cфtй
qu'а un seul point: la puissance en effet se termine par l'opйration. Mais
considйrer une chose dans le Verbe et dans sa nature propre, ce n'est pas une
seule opйration, mais plusieurs. Donc la connaissance matutinale et la
connaissance vespйrale n'existent pas en mкme temps et ainsi il en dйcoule
qu'il y a une succession dans ces six jours.
q. 4 a. 2 arg. 11
Praeterea, sicut supra dictum est, art. praeced., distinctio lucis a tenebris
exponitur ab Augustino distinctio creaturae formatae, alia ab informitate
materiae quae adhuc restabat formanda. Una ergo ex
parte materiae formata, altera adhuc remanebat formanda: non ergo tota materia
est simul formata. 11. Comme on l'a dit plus haut (article prйcйdant, 5, la distinction de
la lumiиre et des tйnиbres est exposйe par Augustin comme celle de la crйature
mise en forme, diffйrente de l'absence de forme de la matiиre qui restait
encore а former. Donc si une partie de la nature est en forme, l'autre restait
encore а former: donc toute la matiиre n'a pas йtй mise en forme en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 12
Praeterea, cognitio matutina secundum Augustinum, intelligitur cognitio verbi
in quo Angelus accipit cognitionem creaturae fiendae. Hoc autem non esset si
creaturae, quarum formatio diebus sequentibus deputatur, simul cum Angelo
formatae essent. Ergo non omnes res sunt simul creatae. 12. La connaissance matutinale, selon Augustin, est comprise comme
celle du Verbe en qui l'ange reзoit la connaissance de la crйature qui doit
кtre faite. Mais cela n'existerait pas si les crйatures, dont la formation est
destinйe aux jours suivants, avaient йtй formйes en mкme temps que l'ange. Donc
tout n'a pas йtй crйй en mкme temps. q. 4 a. 2 arg. 13
Praeterea, dies in spiritualibus dicuntur ad similitudinem sensibilium dierum.
Sed in sensibilibus diebus mane praecedit vespere. Ergo in istis non debet
vespere praeponi ad mane, cum dicitur: factum est vespere et mane dies unus. 13. On dйsigne les jours dans les кtres spirituels а la ressemblance
des jours sensibles[4]. Mais dans les jours sensibles, la matin prйcиde le
soir. Donc, en eux, on ne doit pas placer le soir avant le matin, quand on dit:
"Il y eut un soir et un matin, un seul jour." q. 4 a. 2 arg. 14
Praeterea, inter vespere et mane est nox, et inter mane et vespere est
meridies. Ergo sicut fecit Scriptura de vespere et mane mentionem, ita debuit
facere de meridie. 14. Entre le soir et le matin, il y a la nuit, et entre le matin et le
soir le midi. Donc de mкme que l'Йcriture mentionne le soir et le matin, elle
devrait le faire pour le midi.
q. 4 a. 2 arg. 15
Praeterea, omnes dies sensibiles habent et vespere et mane. Hoc autem non invenitur in istis septem diebus; nam primus dies non habet
mane, septimus non habet vespere. Ergo non convenienter dicuntur dies ad
similitudinem horum dierum. 15. Tous les jours sensibles ont un soir et un matin. On ne trouve pas
cela dans ces sept jours; car le premier n'a pas de matin et le septiиme pas de
soir. Donc il ne convient pas de dire que les jours sont а la ressemblance de
nos jours.
q. 4 a. 2 arg. 16
Sed dicendum, quod ideo primus dies non habet mane, quia per mane intelligitur
cognitio creaturae fiendae, quam accepit Angelus in verbo: ipsa autem
spiritualis creatura sui ipsius fiendae non potuit cognitionem in verbo
accipere antequam esset.- Sed contra, secundum hoc habetur quod Angelus
aliquando fuit, et aliae creaturae nondum erant factae, sed fiendae. Non ergo
omnia sunt simul formata. 16. Mais il faut dire qu'ainsi le premier jour n'a pas de matin, parce
que par matin, on comprend la connaissance de la crйature qui doit кtre faite,
que l'ange a reзu dans le Verbe; la crйature spirituelle n'a pas pu recevoir la
connaissance d'elle-mкme а crйer dans le Verbe avant d'exister.–En sens
contraire, on considиre donc ainsi que l'ange exista en un temps oщ les autres
crйatures n'avaient pas encore йtй crййes, mais oщ elles devaient l'кtre. Donc
tout n'a pas йtй mise en forme en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 17
Praeterea, creatura spiritualis non accipit rerum inferiorum cognitionem a
rebus ipsis. Ergo non indiget rerum praesentia ad hoc quod eas cognoscat.
Potuit ergo eas ut fiendas cognoscere in propria natura antequam fierent, et
non solum in verbo; et sic cognitio rei fiendae videtur pertinere ad
vespertinam cognitionem, sicut ad matutinam; et sic secundum rationem
praedictam secundus dies nec mane nec vespere debuit habere. 17. La crйature spirituelle ne reзoit pas la connaissance des choses
infйrieures а partir de celles-ci. Donc elle n'a pas besoin de leur prйsence
pour les connaоtre. Donc elle a pu les connaоtre comme devant кtre faites dans
leur nature propre, avant qu'elles soient faites et non seulement dans le
Verbe, et ainsi la connaissance des choses qui devaient кtre faites semble
appartenir а la connaissance vespйrale, comme а la connaissance matutinale et
pour cette raison, le second jour n'aurait dы avoir ni matin ni soir.
q. 4 a. 2 arg. 18
Praeterea, Angelo sunt prius nota ea quae sunt priora simpliciter; quod enim ea
quae sunt posteriora sint nobis prius nota, provenit ex hoc quod cognitionem a
sensu accipimus. Sed rationes rerum
in verbo priores sunt simpliciter ipsis rebus. Ergo per prius cognoscit Angelos
res in verbo quam in propria natura; et sic mane deberet praeordinari ad
vespere, cuius contrarium in Scriptura apparet. 18. L'ange connaоt d'abord ce qui existe avant absolument, car le fait
que nous connaissions avant ce qui aprиs, provient de ce que nous recevons la
connaissance par nos sens. Mais la nature des choses dans le Verbe est
absolument avant elles. Donc l'ange connaоt les choses dans le Verbe avant que
dans leur nature propre[5] et ainsi la matin devrait кtre prйordonnй au soir,
mais on voit le contraire dans l'Йcriture.
q. 4 a. 2 arg. 19
Praeterea, ea quae non sunt unius rationis non possunt aliquod unum
constituere. Sed cognitio rerum in verbo et in propria natura est alterius et
alterius rationis, cum medium cognoscendi sit omnino diversum. Ergo ex mane et
vespere, secundum praedictam expositionem, non posset unus dies perfici. 19. Ce qui n'est pas d'une seule nature ne peut pas constituer une
unitй. Mais la connaissance des choses dans le Verbe et dans leur nature propre
est de nature diffйrente, puisque le moyen de connaоtre est tout а fait
diffйrent. Donc du matin et du soir, selon ce qui a dйjа йtй exposй, il ne peut
кtre fait qu'un seul jour.
q. 4 a. 2 arg. 20 Praeterea, I ad 20. En 1 Co 13, 8, l'Apфtre dit que dans "la patrie", la
science disparaоtra, ce qu'on ne peut comprendre que de la connaissance des
crйatures dans leur propre nature qui est vespйrale. Mais dans "la patrie",
nous serons semblables aux anges, comme le dit Matthieu (22, 30). Donc il n'y
pas de connaissance vespйrale dans les anges.
q. 4 a. 2 arg. 21 Praeterea, cognitio rerum in
verbo plus excedit cognitionem rerum in propriis naturis quam claritas solis
excedat lumen candelae. Sed lux solis offuscat lumen
candelae. Ergo multo magis matutina cognitio vespertinam. 21. La connaissance des crйatures dans le Verbe dйpasse cette
connaissance des choses dans leur propre nature plus que la clartй du soleil
dйpasse la lumiиre de la chandelle. Mais la lumiиre du soleil obscurcit la
lumiиre de la chandelle. Donc la connaissance matutinale obscurcit beaucoup
plus la connaissance vespйrale.
q. 4 a. 2 arg. 22
Praeterea, Augustinus movet quaestionem, utrum anima Adae cum Angelis facta
fuerit extra corpus, an fuerit facta in corpore. Haec autem quaestio frustra
moveretur si omnia simul fuissent formata; quia sic etiam corpus humanum simul
fuisset formatum quando Angeli sunt facti. Ergo videtur quod non omnia fuerunt
formata simul, etiam secundum sententiam Augustini. 22. Augustin (La Genиse au sens
littйral, VII, 24 et 25) soulиve la question de savoir si l'вme d'Adam a
йtй faite avec les anges hors du corps, ou dans le corps. Cette question serait
soulevйe en vain si tout avait йtй mis en forme en mкme temps, parce que,
ainsi, le corps humain aurait йtй mis en forme en mкme temps que les anges
йtaient crййes. Donc, il semble que tout n'a pas йtй mis en forme en mкme
temps, selon l'affirmation d'Augustin aussi.
q. 4 a. 2 arg. 23
Praeterea, pars terrae de qua factum est corpus humanum, habuit aliquam formam
secundum limitationem, quia de ea dicitur Genes. I, corpus hominis formatum.
Nondum autem habebat formam humani corporis. Ergo non omnes formae simul sunt
inditae materiae. 23. La partie de la terre dont a йtй fait le corps humain eut une forme
dйlimitйe, parce qu'il est dit dans Genиse 1, que le corps de l'homme en a йtй
formй. Elle n'avait pas encore la forme du corps humain. Donc toutes les formes
n'ont pas йtй induites en mкme temps dans la matiиre.
q. 4 a. 2 arg. 24
Praeterea, cognitio rerum in propria natura in Angelis non potest intelligi
nisi cognitio quae est per species eis naturaliter inditas; non enim potest
dici quod a rebus cognitis species aliquas accipiant, cum careant sensuum
instrumentis. Species autem illae quae sunt Angelis inditae, a rebus
corporalibus non dependent. Ergo antequam res essent, potuit eas Angelus etiam
in propriis naturis cognoscere. Et ita per hoc quod Angelus dicitur res aliquas
cognoscere in propria natura, non datur intelligi res illas in esse produci; et
sic praedicta expositio videtur inconveniens. 24. La connaissance des choses par les anges dans leur propre nature,
ne peut кtre comprise que comme une connaissance par les formes (species)
induites naturellement en eux; car on ne peut pas dire qu'ils les reзoivent de
ce qu'ils connaissent, puisqu'ils n'ont pas d'organes des sens. Mais ces formes
qui sont induites dans les anges, ne dйpendent pas des rйalitйs corporelles.
Donc avant que les choses existent, l'ange a pu les connaоtre aussi dans leur
propre nature. Et ainsi par le fait qu'on dit que l'ange connaоt certaines
choses dans leur propre nature, il n'est pas donnй de comprendre que ces choses
ont йtй amenйes а l'кtre, et ainsi l'exposition ci-dessus ne semble pas
convenir.
q. 4 a. 2 arg. 25
Praeterea, cognitio matutina, qua res Angelus in verbo cognovit, oportet quod
per aliquam speciem fuerit; cum omnis cognitio huiusmodi sit. Non autem potuit
esse per aliquam speciem a verbo effluxam, quia illa species creatura esset; et
sic illa cognitio magis esset vespertina quam matutina; nam ad vespertinam
cognitionem pertinet cognitio quae fit per creaturam. Nec etiam potest dici,
quod praedicta cognitio fuerit per speciem quae est ipsum verbum, quia sic
oportuisset quod Angelus ipsum verbum videret, quod non fuit antequam Angelus
esset beatus; verbi enim visio beatos facit. Non autem in primo instanti suae
creationis Angeli beati fuerunt, sicut nec e contrario Daemones in primo
instanti peccaverunt. Ergo, si per mane intelligatur cognitio rerum quam Angeli
habuerunt in verbo, oportet dicere, quod non omnia simul fuerunt facta. 25. La connaissance matutinale, par laquelle l'ange a connu les choses
dans le Verbe, doit venir d'une forme, puisque toute connaissance est de ce
genre. Elle n'a pas pu venir du Verbe par une forme, parce que celle-ci йtait
une crйature, et ainsi cette connaissance serait plus vespйrale que matutinale;
car а la connaissance vespйrale convient la connaissance qui se fait par la
crйature. Et on ne peut pas dire que cette connaissance aurait йtй par une
forme qui est le Verbe mкme, parce qu'ainsi il aurait fallu que l'ange voit le
Verbe, ce qui n'a pas existй avant qu'il soit bienheureux. Car la vision du
Verbe rend bienheureux. Ce n'est pas au premier instant de leur crйation que
les anges ont йtй bienheureux. De mкme en sens contraire, ce n'est pas dans le
premier instant que les dйmons ont pйchй. Donc, si par le matin, on comprend la
connaissance que les anges ont eu dans le Verbe, il faut dire que tout n'a pas
йtй fait en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 26
Sed dicendum, quod Angelus in statu illo videbat verbum, prout est ratio
fiendorum, non autem prout est finis beatorum.- Sed contra, quod verbum dicitur
finis et ratio, non differt nisi relatione quadam. Cognitio autem relationis Dei ad creaturam non facit beatos; cum talis
relatio secundum rem magis se teneat ex parte creaturae; sed sola visio divinae
essentiae beatos facit. Ergo quantum ad
beatitudinem videntium, non differt utrum videatur ut finis beatitudinis vel ut
ratio 26. Mais il faut dire que l'ange dans cette situation voyait le Verbe
dans la mesure oщ il est la raison des кtres а crйer, mais non comme la fin des
bienheureux. – En sens contraire, dire que le Verbe est la fin et la raison ne
diffиre que par une relation. Mais la connaissance de la relation de Dieu а la
crйature ne rend pas bienheureux, puisqu'une telle relation en rйalitй a lieu
surtout du cфtй de la crйature, et seule la vision de l'essence divine rend
bienheureux. Donc, quant а la bйatitude de ceux qui voient, il n'y a pas de
diffйrence s'il est vu comme fin de la bйatitude ou comme raison.
q. 4 a. 2 arg. 27
Praeterea, prophetae etiam dicuntur, in speculo aeternitatis futura vidisse,
secundum quod ipsi viderunt divinum speculum, prout est ratio fiendorum.
Secundum hoc ergo non esset differentia inter cognitionem Angeli matutinam et
cognitionem prophetae. 27. On dit aussi que les prophиtes ont vu le futur dans le miroir de
l'йternitй, selon qu'ils ont vu le miroir divin, dans la mesure oщ il est la
raison des кtres а crйer. Donc ainsi il n'y aurait pas de diffйrence entre la
connaissance matutinale de l'ange et celle du prophиte.
q. 4 a. 2 arg. 28
Praeterea, Genes. II, 5, dicitur, quod Deus fecit omne virgultum agri antequam
oriretur in terra, et omnem herbam regionis priusquam germinaret. Sed
germinatio herbarum fuit in tertia die. Ergo aliqua fuerunt facta ante tertium
diem; et ita non omnia facta sunt simul. 28. En Genиse 2, 5, il est dit que "Dieu a fait toute verdure des
champs, avant qu'elle se lиve de la terre et toute herbe de la campagne, avant
qu'elle ne germe". Mais la germination de l'herbe date du troisiиme jour.
Donc certaines choses furent faites avant le troisiиme jour, et ainsi tout ne
fut pas fait en mкme temps.
q. 4 a. 2 arg. 29
Praeterea, ut in Psalmo CIII, 24, dicitur, Deus omnia in sapientia fecit. Sed
sapientis est ordinare, ut dicitur in principio Metaphys. Ergo videtur quo Deus
non omnia simul fecerit, sed secundum ordinem temporis successive. 29. Dans le Psaume 103, 24, on dit que Dieu a tout fait avec sagesse.
Mais le propre du sage c'est d'ordonner, comme on le dit au dйbut de la Mйtaphysique (I, 2, 982 a 17). Donc on
voit comment Dieu n'a pas tout fait en mкme temps, mais successivement dans
l'ordre du temps.
q. 4 a. 2 arg. 30
Sed dicendum, quod in rerum productione etsi non fuerit servatus ordo temporis,
fuit tamen servatus ordo naturae.- Sed contra, secundum ordinem naturae sol et
luna et stellae priores sunt plantis, cum manifestae sint causae plantarum; et
tamen posterius commemorantur facta luminaria caeli quam plantae. Ergo non est
observatus ordo naturae. 30. Mais il faut dire que dans la production des crйatures, mкme si
l'ordre du temps n'a pas йtй conservй, cependant celui de la nature le fut. –
En sens contraire, selon l'ordre de la nature, le soleil, la lune et les
йtoiles existиrent avant les plantes, puisqu'elles ont йtй dйsignйes comme
leurs causes, et cependant on mentionne que les luminaires du ciel ont йtй faits
aprиs les plantes. Donc l'ordre de la nature n'a pas йtй conservй.
q. 4 a. 2 arg. 31
Praeterea, firmamentum caeli naturaliter est prius terra et aqua; tamen prius
fit mentio in Scriptura de terra et aqua quam de firmamento, quod legitur
secunda die factum. 31. Le firmament du ciel est par nature avant la terre et l'eau;
cependant on fait mention dans l'Йcriture de la terre et de l'eau avant le
firmament: on lit qu'il a йtй fait le second jour.
q. 4 a. 2 arg. 32
Praeterea, subiectum, naturaliter est prius accidente. Lux autem quoddam
accidens est, cuius primum subiectum est firmamentum. Ergo non debuisset
praemitti lucis productio factioni firmamenti. 32. Le substrat est naturellement avant l'accident; mais la lumiиre est
un accident dont le premier substrat est le firmament. Donc la production de la
lumiиre n'aurait pas dы кtre signalйe avant la crйation du firmament.
q. 4 a. 2 arg. 33
Praeterea, animalia gressibilia perfectiora sunt natatilibus et volatilibus, et
praecipue propter similitudinem ad hominem; et tamen prius agitur de
productione piscium et avium quam animalium terrestrium. Ergo non est servatus
debitus ordo naturae. 33. Les animaux qui marchent
sont plus perfectionnйs que ceux qui nagent ou volent, et principalement а
cause de leur ressemblance avec l'homme, et cependant il s'agit de la
production des poissons et des oiseaux avant celle des animaux terrestres. Donc
l'ordre de la nature n'a pas йtй conservй.
q. 4 a. 2 arg. 34
Praeterea, pisces et aves non minus videntur differre secundum naturam ab
invicem, quam a terrestribus animalibus, et tamen pisces et aves eodem die
facta commemorantur. Ergo dies non sunt intelligendi secundum diversa rerum
genera, sed magis secundum temporis successionem; et sic non omnia facta sunt
simul. 34. Les poissons et les oiseaux ne semblent entre eux, selon leur
nature, pas moins diffйrents que les animaux terrestres et cependant on
mentionne que les poissons et les oiseaux ont йtй faits le mкme jour. Donc les
jours ne sont pas а comprendre selon les diffйrents genres d'кtres, mais plus
selon la succession du temps, et ainsi tout n'a pas йtй crйй en mкme temps.
En sens contraire:
q. 4 a. 2 s. c. 1
Sed contra. Est quod habetur Genes. cap. II, 4: istae sunt generationes caeli
et terrae, quando creata sunt, in die quo fecit dominus Deus caelum et terram,
et omne virgultum agri. Virgultum autem agri factum legitur tertia die; caelum
autem et terra facta sunt prima die, vel etiam ante omnem diem. Ergo ea quae
sunt facta tertio die, sunt facta simul cum illis quae sunt facta primo die,
vel etiam ante omnem diem; et sic pari ratione omnia facta sunt simul. 1. Il y a ce qu'on lit dans la Genиse (2, 4): "Ce sont les
gйnйrations du ciel et de la terre, quand ils ont йtй crййs, au jour oщ le
Seigneur Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs."
Mais on lit que la verdure a йtй faite le troisiиme jour; et le ciel et la
terre le premier jour, ou mкme avant tout jour. Donc ce qui a йtй fait le
troisiиme jour, l'a йtй en mкme temps que ce qui a йtй fait le premier, ou mкme
avant tout jour; et ainsi а raison йgale tout a йtй fait en mкme temps.
q. 4 a. 2 s. c. 2
Praeterea, Iob, 40, 10, dicitur: ecce Behemoth, quem feci tecum. Per Behemoth
autem, secundum Gregorium, Diabolus intelligitur qui factus est prima die, vel
ante omnem diem; homo autem, ad quem dominus loquitur, factus est sexta die.
Ergo ea quae sunt facta sexto die, sunt simul facta cum illis quae facta sunt
primo die; et sic idem quod prius. 2. Il est dit en Job (40, 10): "Voici Bйhйmot que j'ai fait avec
toi." Par Bйhйmot, selon Grйgoire [le grand] (Les Morales, XXXII, 9, dans les nouveaux exemplaires), on comprend
le diable, qui a йtй fait le premier jour ou avant tout jour; mais l'homme а
qui Dieu parle a йtй fait le sixiиme jour. Donc ce qui a йtй fait le sixiиme
jour, a йtй fait en mкme temps que ce qui a йtй fait le premier jour, et ainsi
de mкme que ci-dessus.
q. 4 a. 2 s. c. 3
Praeterea, partes universi dependent ab invicem, et maxime inferiores a
superioribus. Non ergo potuerunt fieri quaedam partes ante alias, et praecipue
inferiores ante superiores. 3. Les parties de l'univers dйpendent les unes des autres, et surtout
les parties infйrieures dйpendent des parties supйrieures. Certaines n'ont pas
pu кtre faites avant les autres, et principalement les infйrieures avant les
supйrieures.
q. 4 a. 2 s. c. 4
Praeterea, plus distat corporalis et spiritualis creatura quam corporales
creaturae ad invicem. Sed spiritualis et corporalis creatura, ut in alia
quaestione est habitum, simul factae fuerunt. Ergo multo amplius omnes
spirituales creaturae. 4. La crйature corporelle et la crйature spirituelle sont plus
distantes que les crйatures corporelles entre elles. Mais la crйature
spirituelle et la crйature corporelle, comme on l'a vu dans une autre question,
ont йtй faites en mкme temps. Donc beaucoup plus toutes les crйatures
spirituelles.
q. 4 a. 2 s. c. 5
Praeterea, Deus propter suae virtutis immensitatem subito operatur. Opus ergo
cuiuslibet diei subito et in instanti est factum. Ergo pro nihilo poneretur
quod Deus expectasset operari sequens opus usque in alium diem, ut sic toto die
ab actione vacaret. 5. Dieu opиre d'un seul coup а cause de l'immensitй de son pouvoir.
Donc l'oeuvre de n'importe quel jour a йtй accomplie soudainement et dans
l'instant. Donc c'est pour rien qu'on n'aurait pensй que Dieu aurait attendu
d'opйrer l'oeuvre suivante jusqu'а un autre jour, pour qu'ainsi pendant tout le
jour il demeure sans action.
q. 4 a. 2 s. c. 6
Praeterea, si dies illi de quibus in rerum formatione fit mentio, dies
materiales fuerunt, non videtur potuisse fieri ut totaliter nox a die
distingueretur, et lux a tenebris. Nam si lux illa quae legitur primo die
facta, undique terram circuibat, nusquam tenebrae erant, quae fiunt ex umbra
terrae oppositae ad lumen, quod diem causat. Si autem lux illa suo motu terram
circuibat, ut diem et noctem faceret, tunc semper ex una parte erat dies, et ex
alia nox; et ita non totaliter erat nox a die distincta; quod est contra
Genesis Scripturam. 6. Si ces jours dont on fait mention dans la mise en forme des choses,
ont йtй des jours matйriels, il ne semble pas qu'ils aient pu кtre faits pour
que la nuit soit totalement distinguйe du jour et la lumiиre des tйnиbres. Car
si cette lumiиre qui a йtй faite le premier jour, comme on le lit, entourait la
terre de tous cфtйs, jamais il n'y avait de tйnиbres, qui sont faites de
l'ombre de la terre opposйe а la lumiиre, qui cause le jour. Mais si cette
lumiиre entourait la terre par son mouvement, pour faire le jour et la nuit, alors
toujours il y avait le jour d'un cфtй, et la nuit de l'autre; et ainsi la nuit
n'йtait pas totalement distinguйe du jour, ce qui est contre le texte de la
Genиse.
q. 4 a. 2 s. c. 7
Praeterea, distinctio diei et noctis fit per solem et alia caeli luminaria;
unde dicitur in opere quartae diei: fiant luminaria in firmamento caeli; et
postea subditur; ut sint in signa, et tempora, et dies, et annos. Ergo cum
effectus causam non praecedat, non potest esse quod dies illi tres primi essent
eiusdem rationis cum diebus qui nunc sole aguntur; et sic non oportet propter
illos dies dicere quod omnia fuerunt facta successive. 7. La distinction du jour et de la nuit est faite par le soleil et les
autres luminaires du ciel, c'est pourquoi on dit dans l'oeuvre du quatriиme
jour: "Que soient faits les luminaires au firmament du ciel"; et
ensuite, il est ajoutй; "pour qu'ils soient signes du temps, des jours et
annйes.". Donc comme l'effet ne prйcиde pas la cause, il n'est pas
possible que ces trois premiers jours soient de la mкme nature que les jours
qui sont produits maintenant par le soleil; et ainsi il ne faut pas а cause
d'eux dire que tout a йtй fait successivement.
q. 4 a. 2 s. c. 8
Praeterea, si erat aliqua alia lux quae suo motu tunc faceret diem et noctem,
oportebat quod esset aliquid aliam lucem deferens circulariter motum; ut
undique terram successive illuminaret. Hoc autem deferens est firmamentum, quod legitur factum secunda die. Ergo
ad minus prima dies non potuit esse eiusdem rationis cum diebus qui nunc aguntur;
et eadem ratione nec cum aliis. 8. S'il y avait une autre lumiиre, qui par son mouvement produise le
jour et la nuit, il fallait qu'il y ait quelque chose douй d'un mouvement
circulaire, qui apporte une autre lumiиre, pour йclairer partout successivement
la terre. Mais ce qui l'apporte, c'est le firmament, on lit qu'il a йtй fait le
second jour. Donc au moins le premier jour n'a pu кtre de la mкme nature que
les jours qui existent maintenant, et par la mкme raison, que les autres non
plus.
q. 4 a. 2 s. c. 9
Praeterea, si lux illa ad hoc facta fuit, ut faceret diem et noctem; nunc etiam
per eius motum dies et nox fieret; non enim convenienter posset dici, quod ad
hoc tantum instituta esset, ut per illud triduum ante solis factionem huiusmodi
officium exerceret, et postmodum esse desineret. Sed nunc non videmus aliqua
alia luce fieri diem et noctem, nisi per lucem solis. Ergo nec etiam in illo
triduo per aliquam corporalem lucem potest intelligi diem et noctem distincta
fuisse. 9. Si cette lumiиre a йtй faite pour produire le jour et la nuit,
maintenant elle ferait le jour et la nuit par son mouvement, car on ne pourrait
pas dire convenablement que cela a йtй instituй pour seulement exercer cet
office pour cette pйriode de trois jours, avant la crйation du soleil, et
cesser d'кtre ensuite. Mais maintenant, nous ne voyons pas que le jour et la
nuit soient produits par une autre lumiиre que celle du soleil. Donc aussi dans
ces trois jours, on ne peut pas comprendre, que le jour et la nuit aient йtй
distinguйs par une lumiиre corporelle.
q. 4 a. 2 s. c. 10
Sed dicendum, quod ex illa luce formatum est postea corpus solis.- Sed contra,
omne illud quod fit ex materia praeiacente, habet materiam talem in qua
possibilis est formarum successio. Talis autem non est materia solis, nec
alicuius caelestium corporum, eo quod in eis non est contrarietas, ut probatur
in I Cael. et Mun. Ergo non potest esse quod ex illa luce postmodum formatum
sit corpus solis. 10. Mais il faut dire que le corps du soleil a йtй mis en forme par
cette lumiиre par la suite. – En sens contraire, tout ce qui est fait de
matiиre prйexistante, a une matiиre telle qu'en elle la succession des formes y
est possible. Mais telle n'est pas la matiиre du soleil, ni d'aucun des corps
cйlestes, parce que, en eux, il n'y a pas de contraires, comme on le prouve (Le
Ciel et le Monde, I, 3, 270 a 15[6]). Donc il n'est pas possible que le corps
du soleil ait йtй formй de cette lumiиre par la suite.
Rйponse:
q. 4 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum quod, si ponatur quod informis materia rerum formationem
tempore non praecessit, sed sola origine (quod necesse est dicere, si per
materiam informem materia absque omni forma intelligatur), de necessitate
sequitur quod rerum formatio tota facta sit simul: non enim potest esse ut
aliqua pars materiae informis omnino vel ad momentum sit. Et praeterea, quantum
ad illam partem, iam materia rerum formationem tempore praecederet. Unde
secundum ea quae in praecedenti quaest. determinata sunt, secundum opinionem
Augustini, haec secunda quaestio locum non habet, sed oportet omnino dicere,
quod omnia sunt simul formata; nisi pro tanto quod restat exponere qualiter sex
dies quos Scriptura commemorat, intelligantur. Quia si intelligerentur sicut
isti dies qui nunc aguntur, esset praedictae opinioni contrarium, quia tunc
oporteret successione quadam dierum, rerum formationem facta intelligere. Si on pense que la matiиre sans forme n'a pas prйcйdй sa mise en forme
dans le temps, mais par la seule origine, (parce qu'il est nйcessaire de dire,
que si on comprend par matiиre sans forme la matiиre sans aucune forme),
nйcessairement il en dйcoule que toute la mise en forme des choses a йtй
accomplie en mкme temps; car il n'est pas possible qu'une partie de la matiиre
existe complиtement sans forme mкme pour un moment. Et ensuite, pour cette
partie, la matiиre aurait prйcйdй en temps la formation des choses. C'est
pourquoi, selon ce qui a йtй dйterminй dans la prйcйdente question[7] (article
prйcйdent), selon l'opinion d'Augustin, cette seconde question n'a pas lieu
d'кtre traitйe, mais il faut absolument dire que tout a йtй formй en mкme
temps, а moins que pour autant il reste а exposer comment comprendre les six
jours dont l'Йcriture fait mention. En effet, s'ils йtaient compris comme ces
jours qui se dйroulent maintenant, ce serait le contraire de l'opinion
prйcйdente, parce que, alors, il faudrait comprendre la formation des choses
comme des oeuvres selon une certaine succession de jours.
Hos autem dies dupliciter exponit Augustinus. Nam in I super
Genesim ad litteram, dicit intelligi per distinctionem lucis a tenebris,
distinctionem materiae formatae ab informi, quae restat formanda non quidem
tempore, sed naturae ordine. Ipsam vero ordinationem et formationis et
informitatis, secundum quod a Deo omnia ordinantur, dicit insinuari per diem et
noctem; nam dies et nox dicunt quamdam ordinationem lucis et tenebrarum. Per
vesperam vero dicit intelligi consummati operis terminum. Per mane vero futuram
operationis inchoationem, ut tamen futurum non accipiatur secundum ordinem
temporis, sed solum ordine naturae. In primo enim opere praeexistit quasi quaedam
significatio futuri operis fiendi. Secundum hoc tamen oportet hos dies diversos intelligi, prout
scilicet sunt diversae formationes, et per consequens informitates. Augustin expose ces jours de deux maniиres. Car dans La Genиse au sens littйral. (I, 17), il
dit qu'on comprend, par la distinction de la lumiиre des tйnиbres, la
distinction de la matiиre en forme de celle sans forme qui reste а former, non
assurйment dans le temps, mais dans l'ordre de la nature. Il dit que
l'ordonnancement de la mise en forme, ou de son absence, est suggйrй par le
jour et la nuit. Car ceux-ci signalent un certain ordre de la lumiиre et des
tйnиbres. Il dit qu'on comprend par le soir le terme de l'opйration accomplie.
Mais par le matin le commencement futur de l'opйration, de sorte cependant que
le futur ne soit pas compris selon l'ordre du temps, mais selon celui de la
nature. Car dans la premiиre oeuvre prйexiste comme un signe de l'oeuvre future
а faire. Cependant, selon cela, il faut comprendre ces jours comme diffйrents,
а savoir qu'ils ont diffйrentes mises en forme et par consйquent des manques de
forme.
Sed quia ex hoc sequitur quod etiam dies septimus sit alius
a sex primis, si sex primi sunt alii ab invicem (ex quo videtur sequi quod vel
Deus diem septimum non fecerit, vel quod aliquid fecerit post septem dies in
quibus opera perfecit), ideo consequenter ponit quod per omnes illos septem
dies unus dies intelligatur, ipsa scilicet Angelorum cognitio, et numerus ille
ad rerum cognitarum distinctionem pertineat magis quam ad distinctionem dierum;
ut videlicet per sex dies intelligatur cognitio Angeli relata ad sex rerum
genera divinitus producta, unus vero dies sit ipsa cognitio Angeli relata ad
quietem artificis, prout in se ipso a rebus conditis requievit; et tunc per
vespere intelligitur cognitio rei in propria natura, per mane vero cognitio in
verbo. Mais parce qu'il dйcoule de lа que le septiиme jour est diffйrent des
six premiers, si ceux-ci sont diffйrents l'un de l'autre (d'oщ il semble
dйcouler que, ou bien Dieu n'a pas fait le septiиme jour, ou bien qu'aprиs le
septiиme jour,il parfait son oeuvre), il pense en consйquence que, par ces sept
jours, on n'en comprend qu'un seul, а savoir la connaissance des anges, et ce
nombre convient а la distinction des choses connues plus qu'а la distinction
des jours, pour qu'on comprenne, par les six jours, la connaissance de l'ange,
liйe aux six genres de choses crййes par Dieu. [Il pense] qu'un seul jour est
la connaissance de l'ange en relation avec le repos de l'artisan, dans la
mesure oщ en lui-mкme il se reposa des crйatures et alors, par le soir, on
comprend la connaissance des crйatures dans leur propre nature et par le matin
la connaissance dans le Verbe.
La suite est de Vincent de Castrono (XVe siиcle). En
voici la traduction (texte de l'йdition Marietti).
Mais selon d'autres saints, par ces jours est rйvйlй
l'ordre temporel et la succession de la production. Car, selon eux, dans
l'oeuvre des six jours, on atteint non seulement l'ordre de la nature mais
aussi celui du temps, et de la durйe, car ils pensent que de mкme que l'absence
de forme de la matiиre a prйcйdй dans le temps sa mise en forme, de mкme une
mise en forme a prйcйdй aussi une autre forme dans la durйe du temps. Mais
ainsi que dans l'article prйcйdent on l'a dit, l'absence de forme de la
matiиre, selon eux, n'est pas comprise comme le manque et l'exclusion de toute
forme; parce qu'il y avait dйjа le ciel, l'eau et la terre, par lesquels on
comprend les corps cйlestes, les substances spirituelles et les quatre йlйments
qui subsistaient sous leurs formes propres; mais ils comprennent l'absence de
forme de la matiиre, selon qu'elle rйvиle seulement l'absence et l'exclusion de
la distinction qui lui est due et d'une certaine beautй achevйe: parce qu'elle
n'avait pas cette beautй et ce charme qui apparaоt maintenant dans la crйature
corporelle.
Et autant qu'on peut le comprendre de la Genиse selon la
lettre, une triple beautй manquait а la nature corporelle, ce pourquoi on la
disait sans forme. Car il manquait au ciel et а tout corps diaphane le charme
et la beautй de la lumiиre, dйsignйes par les tйnиbres. Il manquait aussi
l'ordre nйcessaire а l'йlйment eau et la distinction nйcessaire de l'йlйment
terre, cette absence de forme est dйsignйe sous le nom d'abоme; parce que ce
nom signifie une immensitй sans ordre des eaux, comme Augustin le dit (Contre
Fauste, XXII, 11). Mais а la terre, il manquait une double beautй: l'une
qu'elle possиde du fait qu'elle a йtй dйcouverte par les eaux et cette absence
de forme est dйsignйe par ce qu'on dit: "Mais la terre йtait vide ou
invisible", parce qu'elle ne pouvait s'ouvrir а l'aspect corporel du fait
que les eaux la recouvrait partout. Mais l'autre vient de ce qu'elle est ornйe
de plantes et par lа, on rejoint ce qui est dit qu'elle est dйserte ou sans
composition, c'est-а-dire sans ornements.
Et ainsi, avant l'oeuvre de distinction, l'Йcriture
dйcrit plusieurs distinctions qui prйexistait dans les йlйments du monde au
commencement de la crйation.
1) Elle traite la distinction du ciel et de la terre
selon que par ciel, on comprend tout corps transparent, sous lequel on inclut
le feu et l'air а cause de leur transparence, en laquelle ils s'accordent avec
le ciel.
2) Elle rejoint la distinction des йlйments quant а leurs
formes substantielles du fait qu'elle dйsigne l'eau et la terre qui sont plus
apparentes pour les sens. Par lа elle donne а comprendre aussi que les deux
autres йlйments le sont moins.
3) Elle rejoint la distinction selon leur situation,
parce que la terre йtait sous les eaux, ce qui la rendait invisible, mais on
signale que l'air, qui est le substrat des tйnиbres, avait йtй sur les eaux du
fait qu'il est dit “les tйnиbres”, c'est-а-dire l'air tйnйbreux, йtaient sur la
face de l'abоme".
Ainsi donc la mise en forme du premier corps qui est le
ciel, a йtй accomplie le premier jour, par la production de la lumiиre, par
laquelle la luminositй a йtй confйrйe au soleil et aux corps cйlestes qui les
avaient prйcйdйs selon leurs formes substantielles, par qui l'absence de formes
des tйnиbres a йtй rejetйe. Et par une mise en forme de ce genre a йtй faite la
distinction du mouvement et du temps, c'est-а-dire de la nuit et du jour; car
le temps suit le mouvement du ciel supйrieur. C'est pourquoi il a distinguй la
lumiиre des tйnиbres, parce que la cause de la lumiиre йtait dans la substance
du soleil, et la cause des tйnиbres dans l'opacitй de la terre; et, dans un
seul hйmisphиre, il y avait la lumiиre et dans l'autre les tйnиbres; et c'est
ce qu'il dit:"Il appela la lumiиre jour et les tйnиbres nuit."
Le second jour, le corps intermйdiaire, c'est-а-dire
l'eau, est formй et distinguй, recevant une distinction et un ordre, par la
formation du firmament, de sorte que sous le nom d'eau, on comprend tous les
corps transparents, et ainsi le firmament, c'est-а-dire le ciel йtoilй, a йtй
produit le second jour, non selon sa substance, mais selon une perfection
accidentelle, il divisa les eaux qui sont au-dessus du firmament, c'est-а-dire
le ciel transparent et sans йtoiles, qui est appelй aqueux, ou cristallin, dont
les philosophes disent qu'il est la neuviиme sphиre, et le premier mobile;
parce qu'il dйroule tout le ciel d'un mouvement diurne, pour opйrer, par son
mouvement la continuitй de la gйnйration; comme le ciel, en qui il y a les
astres par mouvement, qui est selon le zodiaque, opиre la diversitй de la
gйnйration et de la corruption par flux et reflux, pour nous, par les
diffйrents pouvoirs des йtoiles; par le firmament, dis-je, le ciel cristallin,
qui est au-dessus du firmament, se sйpare des eaux, c'est-а-dire par les autres
corps transparents corruptibles qui sont sous le firmament; et ainsi les corps
transparents infйrieurs, dйsignйs sous le nom d'eau reзurent, par le firmament,
une mise en ordre, et la distinction qui leur йtait due.
Le troisiиme jour, le corps ultime, c'est-а-dire la
terre, a йtй mis en forme par le fait qu'elle a йtй dйcouverte par les eaux, et
la distinction de la mer et du sable a йtй faite au fond. Voilа qui est assez
convenable: de mкme qu'il avait exprimй la mise en forme de la terre, en disant
que la terre йtait invisible ou vide; de mкme il exprime ainsi la mise en forme
par ce qu'il dit: Qu'apparaisse aussi la terre sиche. Et les eaux ont йtй
rassemblйes en un seul lieu, а part de la terre sиche. Et il appela mer le
rassemblement des eaux et terre ce qui йtait sec; (parce qu'elle avait d'abord
йtй sans forme et dйserte) il la dйcora de plantes et d'herbes.
Le quatriиme jour, la premiиre partie de la crйature
corporelle, qui le premier jour avait йtй sйparйe, fut ornйe, а savoir le ciel
par la production des luminaires; qui selon leur substance ont йtй crййs au
commencement: mais auparavant leur substance йtait sans forme, mais elle est
mise en forme le quatriиme jour, non pas par une forme substantielle mais en
recevant un pouvoir limitй, selon que celui-ci a йtй attribuй aux luminaires
pour des effets dйterminйs, c'est ainsi que nous voyons que le rayon du soleil
a d'autres effets, que celui de la lune et des йtoiles. Et c'est pour cette
dйtermination du pouvoir que Denys dit (Les Noms divins, IV, § 6, 697 B) que la
lumiиre du soleil qui d'abord йtait sans forme a йtй mise en forme le quatriиme
jour. Mais il n'a pas йtй fait des luminaires eux-mкmes, au commencement, comme
le dit Jean Chrysostome; mais seulement le quatriиme jour, pour qu'ainsi
l'Йcriture йloigne le peuple de l'idolвtrie, en montrant que les luminaires ne
sont pas des dieux, du fait qu'ils n'existaient pas au commencement.
Le cinquiиme jour, la seconde partie de la nature
corporelle qui a йtй sйparйe le second jour, est ornйe par la production des
oiseaux et des poissons, et c'est pourquoi, en ce cinquiиme jour, l'Йcriture
fait mention des eaux et du firmament du ciel, pour montrer qu'il rйpond au
second dans lequel l'Йcriture en a fait mention. Donc en ce jour, а partir de
la matiиre йlйmentaire d'abord crййe par le verbe de Dieu, il y eut les oiseaux
et les poissons, produits en acte, en leur propre nature, pour l'ornement de
l'air et de l'eau; dans lesquels ils sont destinйs а se mouvoir convenablement
d'un mouvement animй.
Le sixiиme jour, est ornйe la troisiиme partie et le
corps ultime, а savoir la terre, par la production des animaux terrestres, qui
sont destinйs а se mouvoir sur terre d'un mouvement animй. C'est pourquoi,
comme dans l'oeuvre de la crйation, on dйsigne trois parties de la crйature
corporelle; la premiиre, celle qui est dйsignйe par le nom de ciel,
l'intermйdiaire par le nom d'eau, et la plus basse par le nom de terre; et la
premiиre partie, а savoir le ciel, est sйparйe le premier jour, et ornйe le
quatriиme, la partie intermйdiaire а savoir l'eau, est sйparйe le second jour
et ornйe le cinquiиme, comme on l'a dit, ainsi il convenait que la partie la
plus basse, а savoir la terre, qui a йtй sйparйe le troisiиme jour, ait йtй
ornйe le sixiиme par la crйation des animaux terrestres, en acte, selon leurs
espиces propres.
Par lа apparaоt que dans l'exposition des oeuvres des six
jours, Augustin se sйpare les autres saints.
1) Premiиrement, parce que, par la terre et l'eau crййes
avant mкme par l'opйration de la crйation, il comprend la matiиre premiиre
totalement sans forme; par la production du firmament, le rassemblement des
eaux, et l'apparition de la terre sиche, il comprend l'induction des formes
substantielles dans la matiиre corporelle. D'autres saints comprennent par la
terre et l'eau crййes d'abord, les йlйments du monde existant sous leurs formes
propres; mais par les oeuvres suivantes, ils comprennent la distinction dans
les corps qui existait avant par des pouvoirs et des propriйtйs accidentelles
qui leur ont йtй confйrйes, comme on l'a dit ci-dessus.
2) Deuxiиmement leur point de vue est diffйrent sur la
production des plantes et des animaux, parce que les autres saints pensent
qu'ils ont йtй produits en acte dans l'oeuvre des six jours, comme dans leur
propre nature. Mais Augustin pense qu'ils ont йtй produits en puissance
seulement.
Mais du fait qu'Augustin pense (La Genиse au sens littйral, IV, 34) que toutes les oeuvres des six
jours ont йtй accomplies en mкme temps, elles ne semblent pas se diversifier
des autres par leur mode de production.
1) Premiиrement, parce que selon l'opinion des uns et les
autres dans la premiиre production, la matiиre йtait sous les formes
substantielles des йlйments; de sorte que la matiиre premiиre n'a pas prйcйdй
en durйe les formes substantielles des йlйments du monde.
2) Deuxiиmement parce que selon l'opinion des uns et des
autres, dans l'institution premiиre des choses, par l'oeuvre de crйation, il
n'y eut ni plantes ni animaux en acte mais seulement en puissance, pour qu'ils
puissent кtre produits de leurs йlйments mкme par le pouvoir du Verbe.
Mais il reste encore une diffйrence, entre eux quant au
quatriиme [jour]; parce selon d'autres saints, aprиs la premiиre production de
la crйature, par laquelle ont йtй produits les йlйments du monde et les corps
cйlestes selon leurs formes substantielles, il y eut un temps pendant lequel il
n'y avait pas de lumiиre: d'une part, en ce temps-lа, il n'y avait pas de
firmament en forme, ni de corps transparent en ordre et sйparй; d'autre part,
en ce temps-lа, il n'y avait pas de terre dйcouverte par les eaux, et pas de
luminaires du ciel en forme, ce qui est du quatriиme [jour], ce qu'il ne faut
pas admettre, selon l'exposition d'Augustin (loc. cit.) qui a pensй que tout
cela a йtй formй en mкme temps, et dans le mкme instant. Que les oeuvres des
six jours, pour d'autres saints, n'aient pas йtй produites en mкme temps, mais
successivement, cela ne vient pas de la dйfaillance de la puissance du
crйateur, qui aurait pu tout produire en mкme temps, mais c'йtait pour
dйmontrer l'ordre de la sagesse divine dans l'institution des choses, qui en
faisant venir а l'кtre а partir du nйant, ne les йtablit pas, aussitфt aprиs le
nйant, dans l'ultime perfection de leur nature, mais d'abord il les fit exister
dans une certaine imperfection et ensuite il les amena а la perfection, pour
que du nйant, le monde parvienne graduellement du nйant а l'ultime perfection;
et ainsi par divers degrйs de perfection, les diffйrents jours ont servi а
montrer que leur кtre procиde de Dieu, contre ceux qui pensent que la matiиre
est incrййe, et nйanmoins Dieu lui-mкme apparaоtrait comme crйateur de la
perfection des choses contre ceux qui dйcrivent la formation des кtres
infйrieurs par d'autres causes.
Donc la premiиre de ces expositions, а savoir celle
d'Augustin, est plus subtile; elle dйfend davantage l'Йcriture contre la
dйrision des infidиles, mais la seconde, а savoir celle des autres saints, est
plus facile et en accord avec la lettre du texte. Cependant, parce que ni l'une
ni l'autre ne contredit la vйritй de la foi et que le contexte supporte les
deux sens, comme ni l'une ni l'autre n'apportent de prйjudice, il faut rйpondre
en soutenant ces deux opinions par leurs raisons propres.
Solutions:
# 1. Il faut donc dire que dans la production des oeuvres
divines, l'ordre de la nature et de l'origine a йtй conservй, mais pas celui de
la durйe. Car la nature spirituelle a йtй produite avant par nature et par
origine et la nature corporelle sans forme a йtй formйe aprиs. Et, bien que
l'une et l'autre nature aient йtй formйes en mкme temps, parce que cependant la
nature spirituelle est plus digne que la nature corporelle, sa mise en forme a
dы prйcйder celle de la nature corporelle dans l'ordre de la nature. De
nouveau, parce que la nature corporelle incorruptible est plus digne que la
nature corruptible, elle a dы кtre formйe avant dans l'ordre de la nature. Et
ainsi, par le premier jour la mise en forme de la nature spirituelle est
dйsignйe par la production de la lumiиre, par laquelle l'esprit de la crйature
spirituelle est йclairй en se tournant vers le Verbe, le second jour, la mise
en forme de la nature corporelle cйleste et incorruptible est dйsignйe par la
production du firmament, par lequel nous comprenons que tous les corps cйlestes
ont йtй crййs et sйparйs selon leurs formes; le troisiиme jour, la mise en
forme de la nature corporelle des quatre йlйments est dйsignйe par le
rassemblement des eaux et l'apparition de la terre sиche; le quatriиme jour,
l'ornement du ciel est dйsignй par la production des luminaires, qui, dans
l'ordre de la nature, doit prйcйder l'ornement de l'eau et de la terre qui a
йtй fait les jours suivants. Et ainsi les oeuvres divines ont йtй faites dans
un certain ordre, а savoir celui de la nature et non celui de la durйe.
# 2. La mise en forme des choses n'a pas йtй faite
successivement, ni en diffйrentes parties du temps; mais on lit que tous ces
six jours, pendant lesquels Dieu a accompli ses oeuvres, sont une seul jour
prйsentй avec six distinctions des choses, selon lesquelles on les compte; de
mкme qu'il n'y avait qu'un seul Verbe, а savoir le Fils de Dieu, par lequel
tout a йtй fait, quoiqu'on dise frйquemment: "Dieu a dit". Et de mкme
que ces oeuvres, qui а partir d'elles sont propagйes par l'opйration de nature,
sont conservйes dans les suivantes; de mкme ces six jours demeurent dans toute
la succession du temps. Et on le montre ainsi: la nature angйlique, en effet,
est intellectuelle, et est appelйe proprement lumiиre, c'est pourquoi il faut
que cette mise en lumiиre soit appelйe jour. Mais la nature angйlique reзoit la
connaissance des choses au commencement de leur fondation, et ainsi d'une
certaine maniиre la lumiиre de son intellect йtait reprйsentйe dans les
crйatures, en tant qu'elles йtaient connues par la lumiиre de son esprit; c'est
pourquoi la connaissance mкme des choses apportant la reprйsentation de la
lumiиre de l'esprit angйlique sur les choses connues est appelй jour, et selon
les divers genres de connaissances et leur ordre les jours sont distinguйs et
ordonnйs, de sorte que le premier jour soit la connaissance de la premiиre
oeuvre divine, en tant que mise en forme de la crйature spirituelle, qui se
tourne vers le Verbe, que le second jour soit la connaissance de la seconde
oeuvre selon la crйature corporelle supйrieure a йtй mise en forme par la production
du firmament, que le troisiиme jour soit la connaissance de la troisiиme oeuvre
en tant que la mise en forme de la crйature corporelle quant а sa partie
infйrieure, а savoir, la terre, l'eau et l'air voisin; que le quatriиme jour
soit la connaissance de la quatriиme oeuvre en tant que partie supйrieure,
c'est-а-dire le firmament ornй par la production des luminaires; que le
cinquiиme jour soit la connaissance de la cinquiиme oeuvre divine, en tant que
l'air et l'eau ont йtй ornйs par la production des oiseaux et des poissons; que
le sixiиme jour soit la connaissance de la sixiиme oeuvre, en tant que la terre
est ornйe par la production des animaux terrestres; que le septiиme jour soit
la connaissance de l'ange relative au repos de l'artisan par lequel il se
repose en lui des oeuvres nouvelles а fonder.
Mais comme Dieu est la pleine lumiиre, et qu'en lui il
n'y a aucunes tйnиbres, sa connaissance mкme en soi est la pleine lumiиre; mais
parce que la crйature du fait qu'elle tire son origine du nйant, a en soi les
tйnиbres de la possibilitй et de l'imperfection, il faut que la connaissance
par laquelle la crйature est connue, soit mкlйe de tйnиbres. Mais elle peut
кtre connue de deux maniиres:
a) Ou dans le Verbe, selon qu'elle sort de l'art divin;
et ainsi sa connaissance est appelйe matutinale; parce que, de mкme que le
matin est la fin des tйnиbres et le commencement de la lumiиre, de mкme la
crйature par la lumiиre du Verbe, aprиs ne pas avoir existй, reзoit le principe
de la lumiиre.
b) Elle est aussi connue dans la mesure oщ elle existe
dans sa nature propre, et une telle connaissance est appelйe vespйrale, du fait
que, de mкme que le soir est le terme de la lumiиre, et tend vers la nuit, la
crйature qui subsiste en soi, est le terme de l'opйration de la lumiиre divine
du Verbe, en tant que crййe par lui, et de soi en tendant aux tйnиbres de la
dйfaillance, а moins qu'elle ne soit portйe par le Verbe.
Et c'est pourquoi une telle connaissance distinguйe en
matutinale et vespйrale est appelйe jour; parce que, de mкme que par
comparaison а la connaissance du verbe, elle est tйnйbreuse, de mкme, par
comparaison а l'ignorance qui est uniquement tйnиbres, on l'appelle lumiиre; et
ainsi on atteint le passage entre le matin et le soir, selon que l'ange se
connaissant lui-mкme, dans sa propre nature, rapporte cette connaissance, comme
а sa fin, а la louange du Verbe, en qui il a reзu la connaissance de
l'opйration suivante comme en son principe. Et de mкme qu'un tel matin est la
fin du jour prйcйdent, de mкme, il est le commencement du jour suivant; car le
jour est une partie du temps et l'effet de la lumiиre. Mais la distinction des
premiers jours, n'est pas prise selon la distinction du temps, mais du cфtй de
la lumiиre spirituelle, selon que les diffйrents genres distincts de crйatures
sont connus par la lumiиre de l'esprit angйlique.
# 3. On nie que la lumiиre ne soit pas proprement dans
les кtres spirituels. Car Augustin (La
Genиse au sens littйral, IV, 24) dit que dans les кtres spirituels la lumiиre
est meilleure et plus assurйe, et que le Christ n'est pas appelй lumiиre de la
mкme maniиre qu'il est appelй rocher[8], un mot lui est propre, et l'autre
figurй. Car tout ce qui est manifestй est lumiиre, comme il est dit (Ep. 5,
13). Mais la manifestation est plus proprement dans les кtres spirituels que
dans les кtres corporels; c'est pourquoi Denys, (Les noms divins, IV, 4) place la lumiиre parmi les noms
intelligibles de Dieu, mais ces noms intelligibles ont une signification propre
pour les кtres spirituels. Et quand on prouve l'inverse, on dit que le nom de
lumiиre fut d'abord imposй pour signifier ce qui se manifeste par le sens de la
vue, et de cette maniиre, la lumiиre est seulement une qualitй sensible par
soi, et n'est pas employйe proprement pour les кtres spirituels; deuxiиmement,
il s'est йtendu de l'usage commun, pour signifier tout ce qui se manifeste par
une connaissance quelconque, et ainsi il est dans l'usage commun des locuteurs;
et de cette maniиre, on dit que la lumiиre est plus proprement signifiйe dans
les кtres spirituels.
# 4. Ces jours sont distinguйs non selon la succession de
la connaissance, mais selon l'ordre naturel des choses connues, comme on l'a
dit ci-dessus, c'est pourquoi Augustin veut (La citй de Dieu, XI, 7 et 9) que ces sept jours soient un seul jour
reprйsentй de sept maniиres. Et c'est pourquoi l'ordre des jours doit кtre
rapportй а l'ordre naturel des oeuvres, qui sont attribuйes aux jours, selon
qu'elles sont connues en mкme temps dans le Verbe par la lumiиre de l'esprit
angйlique.
# 5. Par les six jours, pendant lesquels on dit que Dieu
crйa le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, on comprend non
pas une succession temporelle, mais la connaissance angйlique en rapport aux
six genres de choses produites par Dieu; mais le septiиme jour est la
connaissance mкme de l'ange en rapport avec le repos de l'artisan; car on dit,
selon Augustin, (La Genиse au sens
littйral, IV, 15) que Dieu le septiиme jour se reposa, un repos particulier
oщ il se repose en lui-mкme des crйatures, il demeure bienheureux sans avoir
besoin d'elles, mais en se suffisant а lui-mкme, il le montra а l'esprit
angйlique dont il appelle jour la connaissance. Et on dit qu'il cessa l'oeuvre
le septiиme jour, parce que, ensuite, il ne fit rien de nouveau qui n'aurait
pas existй prйcйdemment d'une certaine maniиre, dans les oeuvres des six jours,
matйriellement, causalement, ou selon une ressemblance de l'espиce ou du genre.
Et parce que, aprиs toutes les oeuvres crййes, Dieu, le
septiиme jour se reposa en lui-mкme, l'Йcriture et la Loi ordonne de sanctifier
le septiиme jour. Car la sanctification d'une chose consiste surtout en ce
qu'elle repose en Dieu; c'est pourquoi les objets consacrйs а Dieu (comme le
tabernacle, les vases du prкtre) sont appelйs saints. Mais on dit que le
septiиme jour consacrй au culte de Dieu est sanctifiй ainsi, de mкme que Dieu
qui crйa les six genres des crйatures et les montra а l'esprit angйlique, ne se
reposa pas dans les crйatures, comme en sa fin, mais des crйatures mкmes en lui;
il demeura en lui-mкme en quoi consiste sa bйatitude, (quoiqu'il ne soit pas
bienheureux d'avoir fait les crйatures, mais du fait que, ayant sa suffisance
en lui, il n'a pas besoin d'elles); ainsi, nous aussi, apprenons а nous reposer
non pas dans ses oeuvres ou les nфtres, comme dans une fin; mais en Dieu mкme,
en qui consiste notre bйatitude, reposons-nous, car c'est pour cela qu'il a йtй
instituй que l'homme travaillant six jours а ses propres oeuvres, se reposerait
le septiиme, se consacrant au culte divin et au repos de la contemplation
divine, dans laquelle consiste essentiellement la sanctification de l'homme.
La nouveautй du monde aussi dйmontre prйcisйment que Dieu
existe, et qu'il n'a pas besoin des crйatures, et c'est pourquoi il a йtй
йtabli dans la Loi qu'elles se reposeraient et qu'elles feraient fкte le
septiиme jour oщ le monde a йtй achevй, pour que par la nouveautй du monde crйй
en mкme temps, et par les six genres diffйrents des choses, l'homme demeure
toujours dans la connaissance de Dieu et qu'il lui rende grвce du bienfait si
utile et si important de la crйation, et qu'en lui comme en sa fin, il place le
repos de son esprit dans le prйsent par grвce et dans le futur par la gloire.
# 6. On dit que n'importe quelle oeuvre nouvelle produite
par Dieu en rapport avec la connaissance angйlique est appelй jour; et parce
qu'il y eut seulement six genres de choses produites primitivement par Dieu, et
connus par l'esprit angйlique, comme on l'a dit ci-dessus, il y a seulement six
jours; auxquels on ajoute un septiиme, а savoir la connaissance mкme de l'ange
en soi en rapport avec le repos de Dieu en lui-mкme. Car il n'a rien produit
dans la nature des кtres, dont il n'est induit dans l'ordre de la nature
d'abord la connaissance dans l'esprit angйlique.
# 7. La solution est йclairйe par ce qui a йtй dit
ci-dessus, parce que ces jours ne sont pas distinguйs selon la distinction de
la connaissance angйlique, mais par celle des premiиres oeuvres en rapport avec
la connaissance angйlique, et ainsi cette distinction des oeuvres, et non pas
celle des connaissances, apporte la distinction des premiers jours; et ainsi
ces six jours sont distinguйs selon que la lumiиre de l'esprit angйlique est
appliquйe pour connaоtre les six genres de choses.
# 8. Selon Augustin par ces trois expressions est
signifiй le triple кtre des choses.
a) Premiиrement l'кtre des choses dans le Verbe, car les
crйatures ont l'кtre dans l'art divin parce qu'il est le Verbe, avant de
l'avoir en elles-mкmes, et il en est fait mention quand il est dit: "Mais
Dieu le dit, et ce fut fait"; c'est-а-dire le Verbe l'a engendrй, en qui
йtait l'кtre а crйer.
b) Deuxiиmement, l'кtre des choses dans l'esprit
angйlique, parce que Dieu n'a rien produit dans la nature qu'il ne l'ait
reprйsentй dans l'esprit angйlique, et il en est fait mention quand il dit: "Ce
fut fait", c'est-а-dire par induction du Verbe dans l'esprit angйlique.
c) Troisiиmement l'кtre des choses dans leur propre
nature, et il en est fait mention par ce qu'il dit: "Il fit". Car de
mкme que l'idйe par laquelle est crййe la crйature, est dans le Verbe avant
qu'elle ne soit crййe, de mкme la connaissance de cette mкme idйe est par
l'ordre de la nature dans l'esprit angйlique, avant la production mкme de la
crйature. Et ainsi l'ange a une triple connaissance des crйatures, selon
qu'elles sont dans le Verbe, dans son esprit ou dans leur propre nature; la
premiиre est appelйe connaissance matutinale, les deux autres sont comprises
sous le nom de connaissance vespйrale.
Et pour montrer ce double mode de connaissance dans la
crйature spirituelle, il est dit: "Il y eut un soir et un matin, un jour
unique (Gn, 1, 5)". Donc par les six jours pendant lesquels, on lit que
Dieu crйa tout, Augustin comprend (La
citй de Dieu, XI, 9 [9] ) non pas ces jours ordinaires qui s'accomplissent
par la course du soleil, puisqu'on lit que le soleil a йtй crйй le quatriиme
jour, mais un seul jour, c'est-а-dire la connaissance angйlique prйsentйe par
six genres de choses. C'est pourquoi, de mкme que la reprйsentation de la
lumiиre corporelle sur ces choses infйrieures compte pour un jour temporel, de
mкme la reprйsentation de la lumiиre spirituelle de l'intellect angйlique sur
les crйatures, compte pour un jour spirituel; de sorte qu'ainsi, ces six jours
sont distinguйs selon que la lumiиre de l'intellect angйlique est appliquйe а
connaоtre les six genres de choses; pour que le premier jour soit la
connaissance de la premiиre oeuvre divine, le second la connaissance de la
seconde, etc..
Et ainsi, ces six jours sont distinguйs non selon l'ordre
du temps ou la succession des кtres, mais selon l'ordre naturel des choses
connues, selon qu'une oeuvre a йtй connue avant l'autre, dans l'ordre de la
nature. Et de mкme que dans le jour ordinaire et matйriel, le matin est le
commencement du jour et le soir en est la fin ou le terme, de mкme la
connaissance de chaque oeuvre, selon son кtre d'origine, selon qu'il a l'кtre
dans le Verbe, est appelйe matutinale, mais sa connaissance selon l'кtre ultime,
dans la mesure oщ elle subsiste dans sa nature propre, est appelй vespйrale.
Car le principe de l'кtre de n'importe quelle chose chose est dans sa cause
d'oщ elle dйcoule, mais son terme est dans ce en quoi elle est reзue, et oщ
l'action de la cause se termine. C'est pourquoi la connaissance premiиre d'une
chose est selon qu'elle est considйrйe dans sa cause d'oщ elle dйcoule; mais la
connaissance ultime est selon ce qui est est considйrй en elle-mкme.
Donc comme l'кtre des crйatures dйcoule du Verbe йternel,
comme d'un principe primordial, et que cet йcoulement se termine а l'кtre
qu'elles ont dans leur propre nature, il s'ensuit que la connaissance dans le
Verbe qui appartient а leur кtre premier et d'origine doit кtre appelй
matutinale, par ressemblance au matin qui est le commencement du jour, mais la
connaissance de la crйature dans sa propre nature, qui appartient а son кtre
ultime et achevй, doit кtre appelйe vespйrale, parce que le soir est le terme
du jour. C'est pourquoi de mкme que six genres de choses, rapportйs а la
connaissance angйlique, distinguent les jours, de mкme l'unitй de la chose
connue qui peut кtre connue de diverses maniиres, constitue l'unitй du jour, et
distingue le jour par le soir et le matin.
# 9. L'ange ne peut pas dans sa propre nature comprendre
plus au commencement, et originairement mais il peut bien comprendre plus en
consйquence du fait qu'il est en relation avec l'un intelligible. Et parce que
toute chose produite par sa nature propre, a d'abord йtй dans l'ordre de la
nature, selon ses ressemblances, induites dans l'esprit angйlique, l'ange en se
connaissant, connaоt en mкme temps d'une certaine maniиre ces six genres de
choses, qui ont un ordre naturel entre eux, car en se connaissant, il connaоt
tout ce qui a l'кtre en soi.
# 10. Il peut y avoir deux opйrations en mкme temps, pour
une mкme puissance dont l'une se rapporte а l'autre et lui est ordonnйe et il
est clair que la volontй veut en mкme temps la fin et ce qui la concerne et
l'esprit comprend en mкme temps les principes et les conclusions par les
principes, quand il en a cependant acquis la science. Mais la connaissance
vespйrale dans les anges se rapporte а la connaissance matutinale, comme
Augustin le dit (Dial. 65, qu. 26, Sur la
Genиse, II, ch., 3 et 8), de mкme que la connaissance et l'amour naturels
sont ordonnйs а la connaissance et а l'amour de gloire.
C'est pour cela que rien n'empкche que, dans l'ange, il y
ait en mкme temps une connaissance matutinale et vespйrale, comme il y a en
mкme temps la connaissance naturelle et la connaissance de gloire. Car deux
opйrations d'une seule puissance, qui procиdent de deux espиces d'un mкme
genre, dont l'une n'a pas de rapport avec l'autre (telles sont toutes les
espиces crййes inhйrentes а l'esprit) ne peuvent exister en mкme temps; c'est
pourquoi l'ange ne peut pas produire en mкme temps par diverses formes
concrиtes diverses intellections. Mais si ces deux opйrations procиdent des
formes de genres et de raisons diffйrents, et dont l'une est ordonnйe а l'autre
(telles sont la forme subsistante incrййe et la forme inhйrente crййe), elles
peuvent coexister.
Et parce que la connaissance par laquelle l'ange voit les
choses dans leur nature propre, qui est appelйe vespйrale, se fait pas une
espиce intelligible, crййe et inhйrente, et que la connaissance, par laquelle
il voit les choses dans le Verbe, appelйe matutinale, se fait par l'essence du
Verbe qui n'est pas inhйrente, ce qui est d'un autre genre et d'une autre
nature, et que l'une est ordonnйe а l'autre, les deux connaissances pourront
exister en mкme temps. Car la forme concrййe inhйrente а l'esprit ne rйpugne
pas а l'union de l'esprit а l'essence du Verbe, qui n'actualise pas l'intellect
quant а son кtre, mais seulement quant а son intellection, puisqu'il n'est pas
d'une seule nature, mais d'un ordre plus йlevй, et cette forme inhйrente mкme
et tout ce qui est parfait dans l'intellect crйй, est comme une disposition
matйrielle а cette union et а la vision bienheureuse par laquelle ils voient la
crйation dans le Verbe.
Et c'est pourquoi, de mкme que la disposition а une forme
et cette forme peuvent кtre dans un acte parfait en mкme temps, de mкme la
forme intelligible inhйrente se trouve en mкme temps dans l'acte parfait avec
union а l'essence du Verbe; c'est pourquoi, en mкme temps, de l'esprit de
l'ange bienheureux procиde une double opйration: a) en raison de son union а
l'essence du Verbe, par laquelle il voit les кtres dans le Verbe, ce qui est
appelй connaissance matutinale et b) l'autre en raison de la forme qui y est
inhйrente par laquelle il voit les choses dans leur propre nature, qui est
appelйe connaissance vespйrale. Et l'une de ces actions n'est pas affaiblie ou
attйnuйe par son attention а l'autre, mais elle en est plutфt renforcйe,
puisque l'une des deux est la raison de l'autre, comme l'image d'un objet vu
est renforcйe quand il est vu en acte par l'oeil externe. Car l'action par
laquelle les bienheureux voient le Verbe, et les crйatures en lui, est la
raison de n'importe quelle action trouvйe en eux. Mais deux actions dont l'une
est la raison de l'autre, ou dont l'une est ordonnйe а l'autre, peuvent venir
en mкme temps d'une seule puissance.
Et alors une seule puissance, selon les diverses formes
ordonnйes entre elles, se termine а des actes divers, non pas dans l'identique
mais dans la diversitй. Car les espиces des diffйrents genres, ordres, dont les
diverses natures peuvent кtre unies ensemble dans un acte parfait; comme on le
voit pour la couleur, l'odeur et la saveur dans un fruit.
Mais l'essence divine, par laquelle l'esprit angйlique
voit les crйatures dans le Verbe, (puisqu'elle est incrййe et subsistante par
soi) et l'essence de l'ange par laquelle il se voit toujours lui et les choses
selon qu'elles ont l'кtre en soi, (puisque cette essence a йtй crйй, et qu'elle
subsiste par soi dans un кtre reзu oщ subsiste son esprit), et l'espиce infuse,
ou concrййe, par laquelle il voit les choses dans leur propre nature
(puisqu'elle est inhйrente а son esprit), sont dites de diffйrents ordres, genres,
et de diffйrentes natures; de sorte que la premiиre est comme la raison des
autres, et la seconde comme la raison de la troisiиme, et c'est pourquoi
l'esprit angйlique pourra en mкme temps, avoir trois opйrations selon ces trois
formes; de mкme que l'вme du Christ comprend en mкme temps les choses par
l'espиce du Verbe, par les formes infuses et les espиces acquises.
# 11. Selon Augustin (A Orose, question 21), de mкme que
l'absence de forme de la matiиre a prйcйdй sa mise en forme, non dans le temps,
mais dans l'ordre, comme le son et la voix prйcиde le chant; de mкme la mise en
forme de la nature spirituelle qui est dйsignйe dans la production de la
lumiиre, puisqu'elle est plus digne que la nature corporelle, elle a prйcйdй la
mise en forme de la crйature corporelle, dans l'ordre de la nature et de
l'origine, et non dans l'ordre du temps. Mais la mise en forme de la nature
spirituelle vient du fait qu'elle est йclairйe pour adhйrer au Verbe, non par
la gloire parfaite sans laquelle elle a йtй crййe, mais par la grвce parfaite
avec laquelle elle a йtй crййe. Donc par cette lumiиre est faite la distinction
des tйnиbres, c'est-а-dire par ce manque de forme de la crйature corporelle,
pas encore mis en forme, mais dans l'ordre d'une nature а mettre en forme par
la suite.
Car la mise en forme de la crйature spirituelle peut кtre
comprise de deux maniиres: 1) par l'infusion de la grвce, 2) par la
conservation de la gloire.
a) Selon Augustin, la premiиre grвce est parvenue
aussitфt а la crйature spirituelle, au commencement de sa crйation et alors,
par les tйnиbres, qui se distinguent de la lumiиre, on ne comprend pas le
pйchйs des mauvais anges, mais l'absence de forme de la nature, qui n'avait pas
encore йtй formйe, mais йtait dans l'ordre de la nature, devant кtre formйe
dans les opйrations suivantes, comme il est dit dans La Genиse au sens littйral, (I, 5, VI et VII). Ou comme il est dit Sur la Genиse, (livre IV ch. XXII et
XXIII), par le jour est signifiйe la connaissance de Dieu, par la nuit la
connaissance de la crйature, qui est tйnиbres par rapport а la connaissance
divine, comme il est dit dans le mкme livre. Ou si, par les tйnиbres nous
comprenons les anges pйcheurs, cette division ne se rapporte pas au pйchй
prйsent, mais au pйchй futur, qui йtait dans la prescience de Dieu. C'est
pourquoi dans le livre A Orose (question 24), il dit: "Parce que Dieu
savait а l'avance, par l'ordre immuable de sa prescience, que quelques anges
tomberaient par orgueil, il les divisa en bons et mйchants; appelant les mйchants
tйnиbres et les bons lumiиre."
b) La seconde mise en forme de la nature spirituelle
n'appartient pas au commencement de l'institution des choses, mais plus а leur
йvolution oщ elles sont gouvernйes par la providence divine. Donc la
distinction de la lumiиre et des tйnиbres, selon que, par les tйnиbres, on
comprend les pйchйs des dйmons, doit кtre entendue selon la prescience de Dieu.
C'est pourquoi Augustin dit dans le livre XI de La Citй de Dieu, (ch. 20), que seul a pu discerner la lumiиre des
tйnиbres celui qui a pu avant qu'ils ne tombent prйvoir qu'ils tomberaient.
Mais selon que, par les tйnиbres, on comprend l'absence de forme de la nature
corporelle а former, on signale l'ordre, non pas du temps, mais de la nature,
entre la formation de l'une et l'autre nature.
# 12. Une fois йtabli que tout a йtй crйй en mкme temps
dans la forme et la matiиre, il est dit que l'ange a eu connaissance de la
crйature corporelle а faire, non pas parce qu'elle serait future dans le temps,
mais parce qu'elle йtait connue comme devant exister dans la mesure oщ elle
йtait considйrйe dans sa cause, en qui elle йtait pour pouvoir en procйder. De
mкme on peut dire que celui qui connaоt un coffre par l'art d'oщ il est fait,
le connaоt comme devant exister. Car la connaissance des choses dans le Verbe
est appelйe matutinale, que la chose soit dйjа faite, ou а faire, et elle se
comporte indiffйremment pour le prйsent et le futur, parce qu'elle est conforme
а la connaissance de Dieu, par laquelle il connaоt absolument tout avant que ce
soit fait, comme aprиs avoir йtй fait. Et cependant toute connaissance de la
chose dans le Verbe, concerne ce qui est а faire, dйjа fait, ou non, puisque le
mot fiendum (а faire) n'indique pas le temps, mais la sortie de la crйature du
crйateur; il en est de mкme la connaissance de l'oeuvre dans l'art, qui est
selon son devenir, quoique l'oeuvre n'ait pas encore йtй rйalisйe. C'est
pourquoi, bien que la crйature corporelle ait йtй faite en mкme temps que la
nature spirituelle, on dit cependant que l'ange a reзu du Verbe une
connaissance de ce qui devait кtre fait, pour la raison dйjа dite.
# 13. De mкme que le matin prйcиde le soir, la
connaissance matutinale prйcиde la connaissance vespйrale dans l'ordre de la
nature, non en rapport avec une seule et mкme oeuvre, mais en rapport avec
diffйrentes oeuvres; mais la connaissance vespйrale de la premiиre opйration
est comprise dans l'ordre de la nature, la connaissance matutinale йtant celle
de l'oeuvre postйrieure. Car l'oeuvre du premier jour est la production de la
lumiиre par laquelle on comprend la formation de la nature angйlique par
l'illumination de la grвce, mais la connaissance par laquelle la crйature
spirituelle se connaоt elle-mкme naturellement suit son кtre dans sa nature
propre. Et ainsi la crйature spirituelle dans l'ordre naturel se connaоt dans
sa nature propre par une connaissance vespйrale par laquelle elle se connaоt
comme dйjа faite, avant de se connaоtre dans le Verbe en qui est connue
l'oeuvre de Dieu, comme а faire.
Donc, dans cette connaissance par laquelle les bons anges
se sont connus eux-mкmes, ils ne sont pas demeurйs comme jouissant d'eux mкmes,
et plaзant leur fin en eux, parce qu'ils seraient devenus nuit, comme les
mauvais anges qui ont pйchй, mais ils ont rapportй leur connaissance а la
louange de Dieu, et ainsi а partir de sa connaissance, le bon ange s'est tournй
vers la contemplation du Verbe en qui il y a le matin du jour suivant, selon
qu'en lui, il a reзu la connaissance de l'oeuvre suivante, а savoir celle du
firmament.
Mais, de mкme que nous voyons dans le temps continu, que,
dans le mкme instant, il y a deux temps, selon qu'il est la fin du passй et le
commencement du futur, de mкme la connaissance matutinale du second jour est le
terme du premier, et le commencement du second, et ainsi de suite jusqu'au
septiиme jour. Et c'est pourquoi au premier jour, on dйsigne seulement le soir,
parce que l'ange a eu d'abord la connaissance vespйrale de lui-mкme et de
celle-ci il est passй а la connaissance matutinale, selon que de la
contemplation de lui-mкme il s'est tournй vers celle du Verbe, en qui il y a le
matin du jour suivant, dans la mesure oщ il reзoit dans le Verbe la
connaissance matutinale de l'oeuvre suivante. C'est pourquoi, la connaissance
matutinale par rapport а une seule et mкme oeuvre aprиs le premiиre prйcиde
naturellement la connaissance vespйrale de celle-ci, mais la connaissance
vespйrale de la premiиre oeuvre, prйcиde naturellement la connaissance
matutinale de la suivante; c'est pourquoi, de mкme que le premier jour a
seulement un soir, le septiиme jour qui signifie la contemplation de Dieu, a
seulement un matin; car ce jour n'est clos par aucune limite![10].
# 14. Augustin appelle la connaissance matutinale, celle
qui est en pleine lumiиre; c'est pourquoi elle contient en soi le midi. Car il
appelle une telle connaissance quelquefois diurne, mais quelquefois matutinale.
Ou on peut dire que toute connaissance de l'esprit angйlique est mкlйe de
tйnиbres du cфtй de celui qui connaоt; c'est pourquoi aucune connaissance d'un
esprit angйlique ne peut кtre appelйe mйridienne, car seule la connaissance par
laquelle Dieu connaоt tout en lui-mкme le peut. De plus, comme Dieu est pleine
lumiиre, qu'il n'y a aucunes tйnиbres en lui, comme cette connaissance de Dieu
en soi et parfaite est pleine lumiиre, elle peut кtre appelйe mйridienne, mais,
parce que la crйature du fait qu'elle vient du nйant, a les tйnиbres de la
potentialitй et de l'imperfection, aussi, la connaissance mкme de la crйature
est mкlйe de tйnиbres; ce mйlange est signifiй par le matin et le soir, selon
que la crйature elle-mкme peut кtre connue de deux maniиres; ou dans le Verbe
selon qu'elle sort de l'art divin, et ainsi sa connaissance est appelйe
matutinale, parce que, de mкme que le matin est la fin des tйnиbres, et le
commencement de la lumiиre, de mкme la crйature aprиs les tйnиbres,
c'est-а-dire aprиs qu'elle existe, prend du Verbe mкme le principe de la
lumiиre. Car existant par l'espиce crййe, elle peut кtre connue dans sa propre
nature, et une telle connaissance est appelйe vespйrale, parce que, de mкme que
le soir est le terme de la lumiиre, et tend а la nuit, de mкme la crйature qui
subsiste en soi est le terme de l'opйration du Verbe, qui est lumiиre, comme
faite par le Verbe et en tant qu'elle est de soi, la dйfaillance tend aux
tйnиbres, а moins qu'elle ne soit portйe par le Verbe.
Cependant cette connaissance est appelйe jour, parce que,
en comparaison avec la connaissance du Verbe, elle est obscure, de mкme par
comparaison avec l'ignorance, qui est tout а fait obscure, elle est appelйe
lumiиre; comme la vie des justes est appelйe obscure par comparaison а la vie
de gloire, elle est appelйe cependant lumiиre, par rapport а la vie des
pйcheurs. De plus, comme le matin et le soir sont des parties du jours, le jour
dans les anges est la connaissance йclairйe par la lumiиre de la grвce; c'est
pourquoi la connaissance matutinale et vespйrale s'йtend seulement а la
connaissance gratuite des biens; c'est pourquoi la connaissance mкme des oeuvres
divines, par l'ange йclairй est appelйe jour, et les jours sont distinguйs
selon les diffйrents genres des oeuvres divines, et sont ordonnйs selon leur
ordre.
Mais chacune de ces oeuvres est connue de deux maniиres
par l'ange йclairй: 1) d'une premiиre maniиre, dans le Verbe, sous la forme du
Verbe et ainsi une telle connaissance est appelйe matutinale; 2) d'une seconde
maniиre, dans sa nature propre, ou par l'espиce crййe, et les bons ne demeurent
pas dans cette connaissance en y trouvant comme une fin en elle, parce qu'ils
deviendraient nuit, comme les mauvais anges; mais ils la rapportent а la
louange du Verbe et а la lumiиre de Dieu, en qui, comme dans un principe, ils
connaissent tout; aussi une telle connaissance de la crйature, rapportйe а la
louange de Dieu, n'est pas appelйe nocturne, ce qui serait en tout cas, s'ils
demeuraient en elle, parce qu'alors ils deviendraient nuit, comme jouissant de
la crйature mкme.
Donc la connaissance matutinale et la connaissance
vespйrale distinguent le jour, c'est-а-dire la connaissance qu'ont les bons
anges illuminйs des oeuvres crййes. Mais la connaissance de la crйature par les
bons anges eux-mкmes, par un intermйdiaire soit crйй, soit incrйй, est toujours
mкlйe d'obscuritй; c'est pourquoi on ne l'appelle pas mйridienne, comme la
connaissance que Dieu a de lui-mкme; ni nocturne, comme la connaissance de la
crйature qui n'est pas rapportйe а la lumiиre divine; mais on l'appelle
seulement matutinale et vespйrale; car le soir en tant que tel, se termine au matin.
Et c'est pourquoi n'importe quelle connaissance des choses dans leur nature
propre ne peut pas кtre appelйe vespйrale, mais seulement celle qui se rapporte
а la louange du Crйateur. C'est pourquoi la connaissance qu'ont les dйmons,
n'est pas appelйe proprement matutinale ou vespйrale. Car le matin et le soir
ne sont pas pris dans la connaissance angйlique selon toute ressemblance, mais
seulement selon la ressemblance quant en raison du principe et du terme.
# 15. Bien que l'ange ait йtй crйй en l'йtat de grвce,
cependant il n'a pas йtй bienheureux au commencement de sa crйation, et il n'a
pas vu le Verbe de Dieu dans son essence; c'est pourquoi il n'eut pas la
connaissance matutinale de lui-mкme, qui dйsigne la connaissance par la forme
dans le Verbe, mais il eut d'abord une connaissance vespйrale de lui-mкme selon
qu'il se connut lui-mкme en lui de faзon naturelle, parce que, en chacun, la
connaissance naturelle prйcиde la connaissance surnaturelle, comme son
fondement, et la connaissance de l'ange dйcoule naturellement de son кtre dans
sa propre nature; aussi il eut une connaissance matutinale de lui-mкme, mais
vespйrale au commencement de sa crйation. Il reporta cette connaissance а la
louange du Verbe et par cette relation il mйrita de parvenir а la connaissance
matutinale. C'est pourquoi on dit, de maniиre significative, que le premier
jour eut seulement un soir, et pas de matin, parce que le soir passa au matin;
parce que cette lumiиre spirituelle, qui, comme on le lit, a йtй crййe le
premier jour, aussitфt crййe se connut elle-mкme, parce qu'elle fut d'une
connaissance vespйrale, et il reporta cette connaissance а la louange du Verbe,
par qui il mйrita de recevoir la connaissance matutinale de l'oeuvre suivante.
Car ce n'est pas n'importe quelle connaissance des choses dans leur propre
nature qui peut кtre appelйe vespйrale, mais celle seulement qui se rapporte а
la louange du Crйateur, car elle revient le soir et se termine au matin.
C'est pourquoi la connaissance que les dйmons ont des
choses par eux-mкmes, n'est ni matutinale, ni vespйrale; mais seulement la
connaissance gratuite qui est dans les bons anges. Et ainsi la connaissance des
choses dans leur nature propre, reliйe а la louange du Verbe est toujours
vespйrale, et une telle relation ne la rend pas matutinale, mais la fait se
terminer а la connaissance matutinale, et par une telle relation il mйrite de
la recevoir. Et de mкme que le premier jour, qui signifie la formation et la
connaissance de la nature spirituelle dans sa propre nature, a seulement un
soir, de mкme le septiиme jour, qui signifie la contemplation de Dieu, qui ne
contient aucune limite[11] et qui correspond а la connaissance angйlique en
rapport avec le repos de Dieu en lui-mкme, en quoi consiste l'illumination et
la sanctification de tout, [ce septiиme jour] a seulement un matin. Car du fait
que Dieu a cessй de crйer de nouvelles crйatures, on dit qu'il a accompli son
oeuvre et qu'il s'en repose en lui-mкme. Et de mкme que Dieu se repose en lui
seul, et il est bienheureux en jouissant de lui, de mкme nous, nous devenons
bienheureux par sa seule fruition et ainsi mкme il fait que nous nous reposons
de ses oeuvres et des nфtres en lui-mкme.
Donc le premier jour, qui correspond а la connaissance
que la nature spirituelle йclairйe par la lumiиre de la grвce sur elle-mкme, a
seulement un soir, mais le septiиme jour qui correspond а la connaissance
angйlique en relation avec le repos et la fruition de Dieu en lui-mкme, a
seulement un matin; parce qu'il n'y a aucunes tйnиbres en Dieu. Car on dit que
Dieu se reposa le septiиme jour, en tant que repos propre, par lequel il se
repose en lui-mкme des oeuvres crййes; il le montra а la nature angйlique;
cette connaissance, Augustin l'appelle jour (Dialogue LXV, question 26); et
parce que le repos de la crйature, selon qu'elle est fermement йtablie en Dieu,
n'a pas de fin, de mкme le repos de Dieu par lequel il se repose en lui-mкme
des crйatures, n'ayant pas besoin d'elles, n'a pas de fin, parce qu'il n'en
aura jamais besoin; c'est pourquoi le septiиme jour qui correspond а un tel
repos n'a pas de soir, mais seulement un matin; mais ces jours, qui
correspondent а la connaissance angйlique en rapport avec les autres crйatures,
ont un matin et un soir, comme on l'a dit ci-dessus.
# 16. De ce qui a йtй dit, il apparaоt qu'on peut avoir
la connaissance d'une chose dйjа faite comme devant кtre faite, si on la
considиre dans les causes d'oщ elle procиde; et ainsi les anges ont reзu la
connaissance de ce qui йtait а faire dans le Verbe, qui est l'Art suprкme des
choses. Car toute connaissance en lui qui est appelйe matutinale, on dit
qu'elle est comme une chose а faire, que ce soit dйjа fait, ou pas, puisque le
Фа faire' n'indique pas le temps, mais la sortie de la crйature du Crйateur,
comme on la dit ci-dessus (sol. 14). Aussi, quoique la crйature corporelle soit
faite en mкme temps que la nature spirituelle, on dit cependant que l'ange par
la connaissance matutinale a reзu dans le Verbe la connaissance de lui-mкme
comme а faire. C'est pourquoi on a dйclarй dans la rйponse ci-dessus que le
premier jour n'a pas eu de matin, mais seulement un soir,.
# 17. Ce n'est pas de la rйalitй que la crйature
spirituelle reзoit la connaissance, mais elle la saisit (intelligat)
naturellement par les formes, innйes ou concrййes; mais ces formes qui sont
dans l'esprit de l'ange, ne se comportent pas йgalement pour le prйsent et le
futur; parce que celles qui sont prйsentes sont assimilйes aux formes en acte
qui sont dans les anges, et ainsi par elles, elles peuvent кtre connues; mais
celles qui sont futures ne sont pas encore semblables en acte а ces formes;
c'est pourquoi par les formes susdites le futur n'est pas connu, puisque la
connaissance se fait par l'assimilation actuelle du connaissant et du connu. Et
ainsi, puisque l'ange ne connaоt pas le futur en tant que tel, il a besoin de
la prйsence des choses, pour les connaоtre dans leur propre nature par les
formes induites en lui; parce que, avant qu'elles soit faites, elles ne
ressemblent pas aux formes. On a dit plus haut que la connaissance vespйrale et
la connaissance matutinale sont distinguйes non du cфtй de ce qui est connu,
mais du cфtй de l'intermйdiaire а connaоtre. Car la connaissance matutinale se
fait par un intermйdiaire incrйй, surpassant la nature de celui qui connaоt et
de ce qui est connu: c'est pourquoi la connaissance des choses par la forme
dans le Verbe est appelйe matutinale, que la chose soit dйjа faite, ou а faire,
mais la connaissance vespйrale se fait par un intermйdiaire crйй proportionnй
avec celui qui connaоt et ce qui est connu, dйjа fait, ou а faire.
# 18. Bien que l'ange ait l'кtre dans le Verbe avant que
dans sa propre nature, parce que, cependant, la connaissance prйsuppose l'кtre
de celui qui connaоt, il n'a pas pu se connaоtre avant d'exister, mais la
connaissance de lui-mкme dans sa propre nature, lui est naturelle, et celle du
Verbe est surnaturelle; c'est pourquoi il a fallu qu'il se connыt lui-mкme dans
sa propre nature avant que dans le Verbe; puisque la connaissance naturelle
prйcиde en chacun, par origine, la connaissance surnaturelle comme son
fondement. Autrement il a connu les choses dans l'ordre de la nature dans le
Verbe par la connaissance matutinale avant que par connaissance vespйrale dans
sa propre nature; c'est pourquoi par rapport aux oeuvres suivantes le matin
prйcиde le soir; comme on l'a dit ci-dessus.
# 19. De mкme qu'une seule science totale comprend sous
elle diverses sciences particuliиres, par lesquelles sont connues des
conclusions diverses; de mкme la seule connaissance de l'ange qui est comme un
tout, comprend sous elle la connaissance matutinale et la connaissance
vespйrale comme des parties, comme le matin et le soir sont des parties du
jour, bien qu'ils soient de nature diffйrente. Car les choses de nature
diffйrente, si elles sont ordonnйes entre elles, peuvent constituer quelque
chose d'unique; c'est pourquoi la matiиre et la forme, qui sont de nature
diffйrente, constituent un composй; et les chairs, les os et les nerfs sont les
parties d'un seul composй. Car l'essence divine par laquelle les кtres sont
connus dans le Verbe d'une connaissance matutinale est la raison de toutes les
formes concrййes dans l'esprit de l'ange; de mкme elles en dйrivent comme des
images, par lesquelles les choses sont connues dans leur nature propre, par la
connaissance vespйrale, de mкme l'essence de l'ange est pour lui la raison de
comprendre l'кtre qu'il connaоt, bien qu'elle ne soit pas parfaite, c'est
pourquoi il a besoin des autres formes surajoutйes.
Et ainsi, quand l'ange voit Dieu par son essence, et
lui-mкme et les autres par les formes concrййes, d'une certaine maniиre, il
n'en saisit (intelligit) qu'une; de mкme, parce que la lumiиre est la raison de
voir la couleur, quand l'oeil voit la lumiиre et la couleur il y voit d'une
certaine maniиre un seul objet. Et quoique ces opйrations soient rйellement
distinctes, puisque l'opйration par laquelle il voit Dieu, demeure toujours, et
est mesurйe par une йternitй participйe; l'opйration par laquelle il se
comprend, demeure toujours, et est mesurйe par l'жvum; et l'opйration par
laquelle il saisit (intelligit) les autres кtres, par les espиces innйes ne
demeure pas toujours mais succиde а une autre: cependant parce que l'une est
ordonnйe а l'autre, et que l'une est comme la raison formelle de l'autre, elles
sont une d'une certaine maniиre; parce que, lа oщ il y a un objet prиs de
l'autre[12], il n'y en a qu'un, comme il est dit en Topique, (III, 2, 117 a 5)
et c'est pour cela que ces opйrations dont l'une est ordonnйe а l'autre,
peuvent кtre ensemble et constituer un seul tout.
# 20. Comme l'esprit est le lieu des espиces
intelligibles, il faut dire que la connaissance, qui apporte la mise en ordre
des espиces intelligibles ou une facultй et une habilitation de l'esprit
lui-mкme pour utiliser ces espиces, demeure aprиs la mort, comme l'esprit, qui
est le substrat des espиces de ce genre; mais le mode par lequel il s'en sert
en acte dans le statut de la vie prйsente, qui est par conversion aux images,
qui sont dans les pouvoirs des sens, ne demeurera pas; parce que, comme les
puissances des sens se corrompent, l'вme ne pourra pas par les espиces qu'elle
a acquises ici, ni par celles induites en elle dans la sйparation mкme, saisir
en se tournant vers les images, mais par elles saisir par un mode qui lui
convient а la maniиre d'кtre semblable aux anges qu'elle aura. Donc la
connaissance est dйtruite non quant а la possession, ni quant а la substance de
l'acte de connaоtre, qui est spйcifiй par l'espиce de l'objet, mais quant au
mode de connaоtre, qui ne se fera pas en se tournant vers les images, et c'est
ainsi que le comprend l'Apфtre.
# 21. La lumiиre causйe par le soleil et celle causйe par
la chandelle dans l'air, sont de mкme nature. Mais deux formes d'une seule
nature ne peuvent кtre en mкme temps en acte parfait dans le mкme substrat;
c'est pourquoi une seule d'entre elles est causйe dans l'air et non les deux.
Mais l'essence divine, par laquelle sont connues les choses dans le Verbe, est
d'une autre nature que les espиces par lesquelles l'ange connaоt les choses
dans leur nature propre; c'est pourquoi ce n'est pas la mкme raison. En effet,
quand arrive ce qui est parfait, l'imparfait qui lui est opposй, est йliminй,
de mкme, quand arrive la vision de Dieu, la foi, qui concerne ce qui ne se voit
pas, est йliminйe. Mais l'imperfection de la connaissance vespйrale n'est pas
opposйe а la perfection de la connaissance matutinale; car il n'y a pas
opposition entre ce qui est connu en soi, et ce qui est connu dans sa cause: et
de plus ce qui est connu par deux intermйdiaires, dont l'un est plus parfait
que l'autre n'a rien qui s'y oppose; de mкme pour une mкme conclusion, nous
pouvons avoir une raison dйmonstrative et une raison dialectique.
Et semblablement, l'ange peut connaоtre une chose par le
Verbe incrйй, et par l'espиce innйe; puisque l'une n'est pas opposйe а l'autre,
mais elle se comporte plutфt comme une disposition matйrielle envers l'autre;
car la perfection qui arrive enlиve l'imperfection qui lui est opposйe. Mais
l'imperfection de la nature n'est pas opposйe а la perfection de la bйatitude,
mais lui est soumise, comme l'imperfection de la puissance est soumise а la
perfection de la forme, et la puissance n'est pas enlevйe par la forme, mais
c'est la privation qui lui est opposйe, qui est enlevйe; semblablement aussi
l'imperfection de la connaissance naturelle n'est pas opposйe а la perfection
de la connaissance de gloire, mais elle lui est soumise comme une disposition
matйrielle. Et c'est pourquoi l'ange peut connaоtre en mкme temps les choses
par un intermйdiaire crйй et dans leur nature propre, ce qui appartient а la
connaissance vespйrale et naturelle, et par l'essence du Verbe, qui appartient
а la connaissance de gloire et matutinale; et l'une de ces opйrations n'empкche
pas l'autre, puisque l'une est ordonnйe а l'autre et est comme sa disposition
matйrielle.
# 22. Augustin (Sur
la Genиse, livre V, ch. 12 et 14) veut qu'au commencement de la crйation
certaines choses distinctes, par leurs espиces, aient йtй produites dans leur
nature propre, comme les quatre йlйments, qui n'ont йtй produit de rien, les
corps cйlestes et les substances spirituelles. Car une telle production ne
prйsuppose pas la matiиre d'oщ et en quoi elle viendrait. Mais il est dit que
les autres ont йtй produites dans les raisons sйminales seulement, comme les
animaux, les plantes et les hommes; qui tous par la suite ont йtй produits dans
leur nature propre, par cette oeuvre oщ, aprиs six de ces jours, Dieu
administre la nature crййe auparavant. De cette oeuvre, Jean a dit (5, 17) "Mon
Pиre opиre jusqu'а ce jour.". Et dans la production et la distinction des
choses, il ne veut pas atteindre l'ordre du temps mais celui de la nature. Car
toutes les oeuvres des six jours ont йtй faites en mкme temps dans le mкme
instant, en acte ou en puissance, selon les raisons causales, pour que, par
exemple, elles puissent кtre faites, par la suite, а partir d'une matiиre
prйexistante ou par le Verbe ou par les puissances actives induites dans la
crйation mкme de la crйature.
C'est pourquoi, en cherchant, mais sans l'assurer, il dit
que l'вme du premier homme a йtй crййe en mкme temps que les anges, en acte; il
ne pense pas que cela a йtй fait avant le sixiиme jour, bien qu'il pense qu'en
ce sixiиme jour mкme, l'вme du premier homme a йtй faite en acte; ainsi que son
corps selon les raisons causales; parce que Dieu a induit un pouvoir passif а
la terre pour que par la puissance active du Crйateur, le corps de l'homme en
soit formй. Et ainsi, en mкme temps, l'вme en acte et le corps en puissance
passive ont йtй faits en rapport avec la puissance active de Dieu.
Ou, si on pense, en vйritй, que l'вme n'a pas en soi
d'espиce complиte, mais est unie au corps comme une forme, et est naturellement
une partie de la nature humaine, comme le veut Aristote, il faut dire que l'вme
du premier homme n'a pas йtй produite en acte avant la mise en forme du corps;
mais elle a йtй crййe et induite dans le corps en mкme temps que la mise en
forme du corps, comme Augustin le soutient expressйment pour les autres вmes, (La Genиse au sens littйral, X, 17 ss).
Car Dieu a instituй les choses premiиres dans un parfait йtat de leur nature,
selon que leurs espиces l'exigeaient. Mais comme l'вme raisonnable est partie
de la nature humaine, elle n'a de perfection naturelle que selon qu'elle est
unie а un corps. C'est pourquoi naturellement elle a l'кtre dans le corps, et
кtre hors du corps est au-delа de sa nature; aussi il n'aurait pas йtй
convenable qu'une вme soit crййe sans corps.
Donc en soutenant l'opinion d'Augustin sur les oeuvres
des six jours, on peut dire que, de mкme que, en ces six jours le corps du
premier homme n'a pas йtй formй et produit en acte, mais en puissance seulement
selon les relations causales; de mкme son вme n'a pas йtй produite alors en
acte et en elle-mкme, mais dans sa ressemblance, en genre: et ainsi elle a
prйcйdй dans ces six jours, non en acte et en elle-mкme, mais selon une
certaine ressemblance en genre, selon qu'elle s'accorde avec les anges dans la
nature intellectuelle. Mais ensuite, par l'oeuvre par laquelle Dieu a
administrй la crйature crййe d'abord, l'вme fut en mкme temps produite en acte
avec un corps mis en forme.
# 23. La rйponse est йclairйe par ce qui a йtй dit: parce
que le corps humain n'a pas йtй produit en acte dans ces six jours, les corps
des autres animaux non plus, mais seulement selon les relations causales, parce
que Dieu dans la crйation mкme a induit un pouvoir dans les йlйments, ou
certaines raisons pour que les animaux puissent en кtre produits, par les
йtoiles ou la semence, par le pouvoir de Dieu. Donc ce qui a йtй produit en eux
en acte pendant ces six jours, a йtй crйй non pas successivement mais en mкme
temps, mais d'autres selon les raisons sйminales ont йtй produites en mкme temps
en leur image.
# 24. Il faut dire comme а la solution 16, que la
connaissance des choses par les espиces induites ou proportionnйes aux choses
est appelйe vespйrale dans leur nature propre; que la chose soit faite ou а
faire, et quoique ces espиces se comportent de la mкme maniиre pour le prйsent
et le futur. Non cependant que les choses prйsentes et futures se comportent
йgalement vis-а-vis de leurs espиces mкmes; parce que les choses prйsentes en
acte ressemblent а leurs espиces, elles peuvent кtre connues en acte en
elles-mкmes. Mais les choses futures ne leur ressemblent pas en acte, c'est
pourquoi il n'est pas nйcessaire qu'elles soient connues par elle-mкme. Mais on
ne dit pas que la connaissance vespйrale, celle des choses dans la nature
propre, vient du fait que les anges saisissent les espиces mкmes, par
lesquelles ils connaissent, mais parce que par celles qu'ils ont reзues de la
crйation, ils les connaissent dans la mesure oщ elles subsistent dans leur
propre nature.
# 25. Selon Augustin (La
Genиse au sens littйral, II, 8), les anges, au commencement, virent dans le
Verbe les crйatures qui devaient кtre faites. Car on lit que celles qui ont йtй
faites dans les opйrations des six jours, ont йtй faites en mкme temps; c'est
pourquoi aussitфt dиs le commencement de la crйation, il y eut ces six jours,
et par consйquent il faut qu'au commencement le bon ange ait connu le Verbe et
les crйatures en lui. Car celles-ci ont un кtre triple, comme on l'a dit
ci-dessus.
1) Elles ont l'кtre dans l'art divin, qui est le Verbe,
et il est fait mention d'un tel кtre quand il est dit:"Dieu dit, qu'il
soit fait", c'est-а-dire il a engendrй le Verbe, en qui il y avait ce
qu'il fallait pour faire une telle oeuvre.
2) Elles ont l'кtre dans l'intellect angйlique, il en est
fait mention par ce qui est dit: "Il a йtй fait", а savoir par leur
induction а partir du Verbe.
3) Elles ont l'кtre en elle-mкme dans leur propre nature.
Ainsi, l'ange aussi a une triple connaissance des choses;
а savoir selon qu'elles sont dans le Verbe, dans son esprit et dans leur propre
nature. Mais l'ange a une double connaissance du Verbe, l'une naturelle par
laquelle il le connaоt par sa ressemblance qui brille dans sa nature, en quoi
consiste sa bйatitude naturelle, а laquelle par son pouvoir il peut parvenir;
il a de lui une autre connaissance surnaturelle et de gloire par laquelle il le
connaоt par son essence, en quoi consiste sa bйatitude surnaturelle, qui excиde
le pouvoir de sa nature. Et par l'un et l'autre, le bon ange connaоt les choses
ou les crйatures dans le verbe; mais par sa connaissance naturelle il connaоt
dans le Verbe imparfaitement; mais par la connaissance de gloire, il connaоt
mкme dans le Verbe plus pleinement et plus parfaitement.
1) La premiиre connaissance dans le Verbe passe dans
l'ange au commencement de sa crйation, c'est pourquoi dans le livre des Dogmes
ecclйsiastiques, il est dit que "les anges qui demeurиrent , non par
nature mais par grвce, dans cette bйatitude dans laquelle ils ont йtй crййs,
possиdent le bien qu'ils ont." De mкme Augustin (Fulgence) La foi pour
Pierre (ch. 3) dit: "Les anges, des esprits, ont reзu divinement le don
d'йternitй et de bйatitude dans la crйation spirituelle de leur nature."
Par celle-ci cependant, ils n'йtaient pas absolument bienheureux, puisqu'ils
йtaient capables d'une perfection plus grande, mais relative, c'est-а-dire
selon ce temps, comme le philosophe (Йthique I, 10, 1098 a) le dit, il y a des
bienheureux en cette vie, pas absolument mais comme des hommes.
2) La seconde connaissance, а savoir celle de gloire,
n'est pas arrivйe а l'ange au commencement de sa condition, parce qu'ils ne
furent pas crййs bienheureux dans une bйatitude parfaite; mais elle leur arriva
au commencement, au moment oщ ils sont devenus bienheureux par leur conversion
parfaite au bien. Donc ces six genres de chose ont tous йtй crййs en mкme temps
que l'ange, et dans le mкme instant, il connut tout dans le Verbe d'une
connaissance naturelle ce que, par la suite, il connut plus pleinement dans le
Verbe d'une connaissance surnaturelle, que les anges reзurent aussitфt aprиs
qu'ils aient rapportй leur connaissance naturelle а la louange du Verbe; comme
cette connaissance naturelle est mesurйe par l'aevum, elle coexiste toujours
avec la connaissance surnaturelle du Verbe mкme, et avec la connaissance par
laquelle il connaоt par les espиces induites les crйatures dans leur propre
nature; c'est pourquoi ces trois connaissances existent en mкme temps, et l'une
ne succиde pas а l'autre. Car la connaissance des choses dans le Verbe, de ce
qui est fait ou а faire, est appelйe matutinale; et la connaissance des choses,
qu'elle soit prйsente ou future, par un intermйdiaire crйй, est appelйe
vespйrale.
# 26. Il n'est pas possible que l'ange voit le Verbe, ou
son essence divine en tant qu'idйe de ce qui est а faire, et non dans la mesure
oщ il est la fin des bienheureux et l'objet de la bйatitude, puisque l'essence
divine en soi est objet de bйatitude, et fin des bienheureux. Mais il n'est pas
possible que quelqu'un voit l'essence divine en tant que nature de choses а
faire et ne la voit pas en soi, et c'est pourquoi on concиde la totalitй de
l'argument.
# 27. Il faut dire que certains ont voulu distinguer la
connaissance prophйtique de la connaissance des bienheureux, ils ont dit que
les prophиtes voient l'essence divine elle-mкme, qu'ils appellent le miroir de
l'йternitй; non cependant selon qu'il est objet des bienheureux et la fin de la
bйatitude; mais selon qu'il est la raison de ce qui est а faire, selon qu'il y
a en elle les raisons des йvйnements futurs, comme on le dit dans l'objection.
Mais cela est tout а fait impossible; car Dieu est
l'objet de la bйatitude et la fin des bienheureux selon son essence mкme. Pour
cela Augustin, au livre V des Confessions (ch.4) dit: "Bienheureux qui te
connaоt mкme si celles-lа, c'est-а-dire les crйatures, il ne les connaоt pas."
Mais ce n'est pas possible que quelqu'un voit les raisons des crйatures dans
l'essence divine, sans voir l'essence elle-mкme; d'une part parce qu'elle est
la raison de tout ce qui est fait (car la raison idйale, qui est la raison des
choses а faire, n'ajoute rien а l'essence divine, sinon un rapport а la
crйature). D'autre part, mкme parce que c'est d'abord connaоtre quelque chose
en soi (qui est connaоtre Dieu comme objet de bйatitude) que connaоtre ce qui
par comparaison а un autre (ce qui est connaоtre Dieu selon les raisons qui
existent en lui); et c'est pourquoi il n'est pas possible que les prophиtes
voient Dieu selon les raisons des crйatures et non selon qu'il est objet de
bйatitude.
Mais comme ils ne voient pas l'essence divine comme objet
de bйatitude, (d'une part parce que la vision йvacue la prophйtie, comme il est
dit I Cor. 13, 8[13], d'autre part parce que cette vision n'apporte pas la
connaissance divine, comme lointaine, mais proche, puisqu'ils le voient face а
face), il en dйcoule donc que les Prophиtes ne connaissent pas l'essence
divine, en tant qu'elle est la raison de ce qui doit кtre fait, ni les
crйatures dans le Verbe, comme les anges l'ont connu par connaissance
matutinale. Car la vision prophйtique n'est pas la vision de l'essence divine
elle-mкme, et les prophиtes, dans l'essence divine, ne voient pas ce qu'ils
voient, comme l'ont vu les anges, mais par des images, selon l'йclairage de la
lumiиre divine, comme le dit Denys (La
hiйrarchie cйleste, IV) et les ressemblances de ce genre йclairйes dans la
lumiиre divine, ont plus la nature d'un miroir que l'essence de Dieu; car le
miroir est ce en quoi apparaissent les formes des autres choses, ce qu'on ne
peut pas dire de Dieu, mais une telle illumination de l'esprit prophйtique,
peut кtre appelйe miroir, dans la mesure oщ en rйsulte lа la ressemblance de la
prescience divine de la vйritй; et а cause de cela l'esprit du Prophиte est
appelй miroir de l'йternitй, comme reprйsentant par ces espиces la prescience
divine, qui en son йternitй voit tout de maniиre prйsente. C'est pourquoi la
connaissance du prophиte a plus de ressemblance avec la connaissance vespйrale
de l'ange qu'avec la connaissance matutinale, puisque celle-ci est faite par un
intermйdiaire incrйй, mais la connaissance du prophиte par un intermйdiaire
crйй, а savoir par les formes imprimйes, ou йclairйes par la lumiиre divine,
comme on l'a dit.
# 28. Selon Augustin, quand il est dit: "Que la
terre produise l'herbe verdoyante", on ne comprend pas que les plantes
aient йtй alors produites en acte et dans leur propre nature, mais qu'а ce
moment-lа il a йtй donnй un pouvoir germinatif а la terre, pour produire les
plantes par l'oeuvre de propagation; de sorte qu'on dit qu'alors la terre a
produit totalement l'herbe verdoyante et le bois porteur de fruit, c'est-а-dire
qu'elle a reзu le pouvoir de produire. Et il le confirme par l'autoritй de
l'Йcriture, Gn. 2, 4, oщ il est dit: "Ce sont les gйnйrations du ciel et
de la terre, quand elles ont йtй crййes au jour oщ Dieu fit le ciel et la terre
et toute verdure des champs avant qu'elle se lиve sur la terre; et toute
l'herbe de la campagne avant qu'elle ne produise." On en tire deux
consйquences:
1) Toute les oeuvres des six jours ont йtй crййes le jour
oщ Dieu fit le ciel et la terre et toute la verdure des champs; et ainsi les
plantes que l'on dit avoir йtй crййes le troisiиme jour, ont йtй produites en
mкme temps quand Dieu crйa le ciel et la terre.
2) Les plantes ont alors йtй produites, non en acte, mais
dans leurs raisons causales seulement, parce que pouvoir a йtй donnй а la terre
de les produire, et cela est expliquй quand il est dit qu'elle produisit "toute
verdure des champs avant qu'elle naisse en acte de la terre" par l'oeuvre
d'administration et "toute herbe de la campagne, avant qu'elle ne pousse
en acte". Donc avant qu'elles ne se naissent en acte sur la terre, elles
ont йtй faites causalement dans la terre.
C'est confirmй par cette raison: dans ces premiers jours
Dieu crйa la crйature causalement, originellement ou actuellement par une
oeuvre dont il se reposa par la suite, qui cependant, selon la gestion des
crйatures, par l'oeuvre de propagation opиre ensuite jusqu'а maintenant. Mais
produire des plantes en acte de la terre, convient а l'oeuvre de la
propagation, parce que, pour leur production, le pouvoir cйleste suffit comme
un pиre et le pouvoir de la terre comme une mиre; c'est pourquoi il n'y eut pas
de plantes produites le troisiиme jour en acte mais causalement seulement. Mais
aprиs les six jours, elles furent en acte selon leurs propres espиces, et
produites dans leur propre nature par l'oeuvre de gestion; et ainsi avant que
les plantes aient йtй produites causalement, rien n'a йtй produit, mais elles
ont йtй produites en mкme temps que le ciel et la terre, de mкme les poissons,
les oiseaux et les animaux ont йtй produits dans ces six jours causalement et
non en acte.
# 29. Pour la sagesse d'un artisan dont toutes les
oeuvres sont parfaites, tel qu'est Dieu, il convient de ne pas produire le tout
par la partie principale, ni les parties sйparйes par le tout; parce que ni le
tout sйparй de la partie principale, ni les parties sйparйes du tout ont un
кtre parfait. Donc comme les anges, selon leurs espиces, et les corps cйlestes
et les quatre йlйments sont les parties principales constituant un univers
unique, puisqu'ils sont ordonnйs l'un а l'autre, et s'йpaulent l'une l'autre,
il convient а la sagesse de Dieu que tout l'univers soit produit en mкme temps
et non successivement avec les autres parties. Car, il doit y avoir une
production unique d'un tout unique et de toutes ses parties et l'un n'est
produit avant l'autre que par dйfaillance de l'agent. Mais Dieu est d'une
puissance infinie, sans aucune dйfaillance, dont l'effet principal est tout
l'univers. Donc Dieu crйa tout l'univers avec toutes ses parties principales en
mкme temps par une production unique.
Et quoique aucun ordre du temps n'ait йtй conservй dans
la production de l'univers, cependant l'ordre de l'origine et de la nature fut
conservй. Car, selon Augustin, l'oeuvre de crйation a prйcйdй celle de
distinction, dans l'ordre de la nature et non du temps, de mкme l'oeuvre de
distinction a prйcйdй l'oeuvre d'ornement dans l'ordre de la nature. A l'oeuvre
de crйation convient la crйation du ciel et de la terre. Par le ciel, on
comprend la production de la nature spirituelle sans forme; par la terre, la
matiиre sans la forme des corps; qui toutes les deux, comme elles sont hors du
temps, considйrйes selon leur essence ne sont pas soumises aux alternances des
temps, comme le dit Augustin, (Confessions,
XII, 8); c'est pourquoi la crйation de l'un et l'autre est placйe avant
tout jour, non que cette absence de forme ait prйcйdй la formation dans le
temps, mais dans l'ordre de l'origine et de la nature seulement, comme le son
prйcиde le chant.
Et mкme une seule formation, selon lui, ne prйcиde pas
l'autre en durйe, mais seulement dans l'ordre de la nature: selon cet ordre il
est nйcessaire de placer d'abord la formation de la nature spirituelle suprкme,
parce qu'on lit que la lumiиre a йtй faite le premier jour, parce que la nature
spirituelle est plus digne et l'emporte sur la nature corporelle; c'est pourquoi
elle a dы кtre formйe avant. Elle est formйe du fait qu'elle est йclairйe pour
adhйrer au Verbe de Dieu. Mais de mкme que la lumiиre spirituelle et divine est
plus digne que l'ordre naturel, et l'emporte sur la nature corporelle, de mкme,
les corps supйrieurs l'emportent sur les infйrieurs. C'est pourquoi, le second
jour, on atteint la formation des corps supйrieurs, quand il est dit: "Que
soit fait le firmament!", par lequel on comprend l'induction de la forme
cйleste dans la matiиre informe, qui n'existe pas d'abord dans le temps, mais
dans l'origine seulement.
En troisiиme lieu, on place l'induction des formes
йlйmentaires dans la matiиre sans forme qui n'existait pas avant dans le temps,
mais qui prйcиde dans l'origine et l'ordre de la nature. C'est pourquoi par ce
qu'il dit: "Que les eaux se rassemblent et que la terre sиche apparaisse",
on comprend que la forme substantielle de l'eau est induite dans la matiиre
corporelle; par cette forme, un tel mouvement lui convient, ainsi que la forme
substantielle de la terre, par laquelle il lui convient d'кtre vue ainsi: car
l'eau s'est йcoulйe doucement, mais la terre a йtй fixйe de faзon stable, comme
il le dit lui-mкme (La Genиse au sens
littйral, II, 11); car sous le nom d'eau, on comprend aussi, selon Augustin,
les autres йlйments supйrieurs qui ont йtй formйs.
Dans les trois jours suivants, on place l'ornement de la
nature corporelle. Car il fallut que les parties du monde soit formйes et
distinguйes avant dans l'ordre de la nature, et que par la suite les parties
singuliиres soient ornйes, du fait qu'elles sont comme remplies de leurs
habitants. Car le premier jour, comme on l'a dit, la nature spirituelle est
mise en forme et sйparйe, le second jour les corps cйlestes, et le quatriиme
ils sont ornйs, mais le troisiиme jour sont mis en forme et sйparйs les corps
infйrieurs, c'est-а-dire l'air, l'eau et la terre. dont l'air et l'eau en tant
que plus dignes sont ornйs le cinquiиme jour, mais la terre, qui est un corps
le plus bas, est ornйe le sixiиme jour. Et ainsi la perfection des oeuvres
divines rйpond а la perfection du nombre six[14], qui surgit de ses parties
aliquotes, en mкme temps et prises ensemble; qui sont un, deux, trois. Car un
jour est dйvolu а la formation et а la distinction de la crйature spirituelle,
deux jours а la formation et la distinction de la nature corporelle et trois а
l'ornement. Car un, deux et trois font six, et six fois un font six, et deux
fois trois six et trois fois deux six. Donc parce que le nombre six est le
premier nombre parfait, la perfection des choses et des oeuvres divines est
dйsignйe par le nombre six. Donc l'ordre de la nature est conservй non pour la
durйe, dans la productions des oeuvres divines.
# 30. Les luminaires ont йtй faits en acte et non en
puissance seulement, comme les plantes, car le firmament n'a pas le pouvoir de
produire les luminaires, comme la terre a le pouvoir de produire les plantes,
c'est pourquoi l'Йcriture ne dit pas que "Que le firmament produise les
luminaires", comme elle dit: "Que la terre fasse pousser une herbe
verdoyante,", c'est-а-dire qu'elle reзoive le pouvoir de produire. Donc
les luminaires ont йtй produits en acte, avant les plantes en acte; bien que
les plantes soient en puissance et produites causalement avant les luminaires
en acte. De mкme, il a йtй dit que l'oeuvre de distinction dans l'ordre de la
nature prйcиde l'oeuvre d'ornement; mais les luminaires conviennent а
l'ornement du ciel; et les plantes, surtout selon leur кtre virtuel,
n'appartiennent pas а l'ornement de la terre, mais plutфt а sa perfection. Car
а la perfection du ciel et de la terre, semble appartenir ce qui seulement est
а l'intйrieur du ciel et de la terre. Mais l'ornement appartient а ce qui est
diffйrent du ciel et de la terre; ainsi l'homme est achevй par ses parties et
ses formes propres, mais il est ornй par les vкtements ou quelque chose de ce
genre. Mais la distinction de certains est surtout manifestйe par le mouvement
local, par lequel ils se sйparent les uns des autres. Et c'est pourquoi. la production
de ce qui a le mouvement dans le ciel ou sur la terre convient а l'oeuvre
d'ornement.
Mais les luminaires, selon Ptolйmйe, ne sont pas fixйs
dans les sphиres, mais ont un mouvement sйparй d'elles; selon l'opinion
d'Aristote, les йtoiles sont fixйes dans les orbes, et ne sont mues en vйritй
que par leur mouvement; cependant le mouvement des luminaires et des йtoiles
est perзu par les sens, mais pas celui des sphиres. Mais Moпse, se mettant а
portйe d'un peuple rude, a suivi ce qui apparaоt aux sens, en disant que les
luminaires appartiennent а l'ornement du firmament. Les plantes n'appartiennent
pas а l'ornement de la terre, mais les animaux seulement. Car n'importe quoi
appartient а l'ornement de ce lieu en lequel il est mы ou vraiment ou apparemment,
et non en celui oщ il se repose. Mais les plantes s'enfoncent dans la terre
jusqu'а la racine, c'est pourquoi elles n'appartiennent pas а son ornement,
mais elles sont comptйes avec elle et sa perfection. Mais les йtoiles, mкme si
elles sont mues dans ciel par soi, sont cependant mues par accident et en
apparence. Par contre, les plantes ne sont mues en aucune maniиre. Et c'est
pourquoi les plantes qui appartiennent а la perfection intrinsиque des parties
de l'univers, а savoir de la terre, durent кtres produites dans l'ordre de la
nature avant les luminaires qui appartiennent а l'ornement du ciel.
# 31. La terre et l'eau, dont il est fait mention au
commencement, avant la production du firmament, ne sont pas reзues, selon
Augustin (La Genиse contre les Manichйens, VII et V), pour l'йlйment terre et
eau mais sous le nom de la terre et de l'eau, dans le lieu susdit, on comprend
la matiиre premiиre sans forme dйnuйe de toute espиce. Car Moпse ne pouvait,
parlant а un peuple rude, exprimer la matiиre premiиre, que sous l'image de ce
qu'ils connaissaient et qui est plus proches de l'absence de forme, а savoir
ayant plus de matiиre et moins de forme; c'est pourquoi il l'exprime sous une
image multiple, ne l'appelant pas seulement terre ou eau, mais terre et eau,
pour que, s'il en exprimait seulement un autre, on croirait que c'est
vйritablement la matiиre premiиre. Cependant elle a une ressemblance avec la
terre, en tant qu'elle est а l'йtat latent qu'elle demeure avec les formes,
comme la terre avec les plantes etc.. Mais la terre parmi tous les йlйments a
moins d'espиce, puisqu'elle est un йlйment plus concret, ayant beaucoup de
matiиre, et peu de forme. Mais elle ressemble а l'eau, dans la mesure oщ elle
est destinйe а recevoir diverses formes. Car l'humide, qui convient а l'eau,
est bien susceptible d'кtre reзu et limitй.
Et selon cela, la terre est appelй vide et dйserte, ou
invisible et non composйe, parce que la matiиre est connue par la forme; c'est
pourquoi, considйrйe en soi, on la dit invisible, c'est-а-dire inconnaissable,
et vide, dans la mesure oщ la forme est la fin а laquelle tend l'appйtit de la
matiиre; car on appelle vide, ce qui est privй de sa fin ou on l'appelle vide
par comparaison au composй dans lequel elle subsiste; car la vide est opposй а
la soliditй et а la consistance. On l'appelle non composйe parce qu'elle ne
subsiste pas sans composй, et elle n'a pas la beautй de ce qui est en acte. On
l'appelle dйserte, parce que la puissance de la matiиre est complйtйe par la
forme; c'est pourquoi Platon (dans le Timйe)
a dit que la matiиre йtait un lieu, parce que sa rйceptivitй est d'une certaine
maniиre semblable а celle du lieu, dans la mesure oщ dans une matiиre qui
demeure, se succиdent diffйrentes formes; comme, dans un seul lieu, diffйrents
corps; c'est pourquoi ce qui appartient au lieu, est appelй matiиre par
ressemblance; et ainsi la matiиre est dite dйserte, parce qu'elle manque de la
forme, qui comble sa capacitй et sa puissance. Donc la matiиre premiиre sans
forme, par l'origine et la nature, est avant la formation du firmament, qui
cependant par nature a йtй formй, avant la terre et l'eau, dont on fait mention
le troisiиme jour, comme on l'a dit ci-dessus.
# 32. Augustin (La
citй de Dieu, XI, 33) veut qu'il ne fut pas convenable que Moпse ait omis
la production de la crйature spirituelle; et pour cela quand il est dit:"Au
commencement Dieu crйa le ciel et la terre", par ciel, il dit qu'on
comprend la crйature spirituelle, encore sans forme, et par terre, la matiиre
corporelle encore sans forme. Et parce que la nature spirituelle est plus digne
que la nature corporelle, elle a dы кtre formйe avant. Donc la formation de la
nature spirituelle est signifiйe par la production de la lumiиre, pour qu'on le
comprenne de la lumiиre spirituelle; car la formation de la nature spirituelle
vient du fait qu'elle est йclairйe pour adhйrer au Verbe de Dieu, non par une
gloire parfaite, avec laquelle elle n'a pas йtй crййe, mais par la lumiиre de
la grвce, avec laquelle elle a йtй crййe. Mais une telle lumiиre spirituelle
prйcиde le firmament dans l'ordre de la nature. Mais selon d'autres docteurs,
la lumiиre produite le premier jour fut corporelle; laquelle est produite dans
le ciel le premier jour, avec la substance du soleil selon la nature commune de
la lumiиre; mais le quatriиme jour son pouvoir a йtй rйglй pour des effets
dйterminйs.
# 33. Comme la production de ces animaux, appartient а
l'ornement des parties de l'univers, elle est ordonnйe selon l'ordre de ces
parties qui sont ornйes par elles, plus que selon leur propre dignitй. Alors
l'air et l'eau, а l'ornement desquelles appartiennent les poissons et les
oiseaux sont, par ordre de nature, avant et plus dignes que la terre, а
l'ornement de laquelle appartiennent les animaux qui marchent; c'est pourquoi
la production des volatiles et des poissons, ou des animaux qui nagent, dut
кtre dйcrite avant celle de ceux qui marchent. On pourrait dire, que la voie de
la gйnйration passe de l'imparfait imparfaites au parfait, et dans cet ordre,
parce que ce qui est moins parfait est produit avant dans l'ordre de la nature.
Car, dans la voie de la gйnйration, plus quelque chose est parfait, et plus il
ressemble а l'agent, plus il est tardif dans le temps, bien qu'il soit premier
en nature et dignitй. Et c'est pourquoi, parce que l'homme est le plus parfait
des animaux, il a dы кtre crйй en dernier parmi eux, et non immйdiatement aprиs
les corps cйlestes, qui ne sont pas ordonnйs aux corps infйrieurs selon la voie
de la gйnйration, puisqu'ils ne communiquent pas dans la matiиre avec eux, mais
ont une matiиre d'une autre nature[15].
# 34. Les oiseaux et les poissons s'accordent plus entre
eux quant а la matiиre d'oщ ils sont produits, qu'avec les animaux terrestres.
Car on dit que les poissons et les oiseaux sont faits d'eau; les poissons,
d'une eau plus йpaisse; et les oiseaux d'une eau plus subtile, parce qu'elle a
йtй dйcomposйe en vapeur comme intermйdiaire entre l'air et l'eau; et c'est
pour cela que les oiseaux s'йlиvent dans l'air, et que les poissons sont laissй
aux profondeurs de l'eau. Mais les animaux sont destinйs а diffйrents jours ou
а un seul, selon l'unitй ou la diversitй de la matiиre dont leur corps est
composй. Donc comme on dit que les poissons et les oiseaux sont composйs d'eau,
parce que, alourdis par leur propre structure, par comparaison а celle due au
genre commun, ils ont, en leur composition, plus d'eau que les autres animaux;
mais on dit que les animaux terrestres sont composйs de terre, c'est pour cela
qu'on compte un jour pour la production des poissons et des oiseaux, et un
autre pour la production des animaux terrestres. D'autre part la production des
animaux est racontйe seulement selon qu'ils sont dans l'ornement des parties du
monde et c'est pourquoi les jours de production des animaux sont seulement
distinguйs selon cette convenance ou cette diffйrence par laquelle ils se
ressemblent ou diffиrent en ornant une partie du monde. Mais parce que le feu
et l'eau ne sont pas distinguйs par le peuple parmi les parties du monde, ils
ne sont pas nommйs expressйment par Moпse, mais comptйs avec ce qui est
l'intermйdiaire, c'est-а-dire l'eau, surtout pour la partie infйrieur de l'air.
C'est pourquoi pour les oiseaux et les poissons, qui appartiennent а l'ornement
de l'eau et de l'air, а la partie infйrieure de l'air, qui rejoint l'eau, un
jour est rйservй, mais pour tous les animaux terrestres, qui appartiennent а
l'ornement de la terre, c'est un autre jour.
Rйponse aux arguments en sens contraire:
Si quelqu'un veut soutenir l'opinion de Grйgoire et des
autres, qui pensent, qu'entre ces jours, il y eut une succession temporelle et
que la productions des choses a йtй faite successivement (de sorte que quand le
ciel et la terre ont йtй crййs, il n'y avait pas encore de lumiиre ni de
firmament formй, et la terre n'йtait pas dйcouverte par les eaux, ni les
luminaires du ciel formйs), on peut rйpondre ainsi:
# 1. Au premier argument, on dit que le jour oщ Dieu crйa
le ciel et la terre, c'est-а-dire les corps cйlestes, et les quatre йlйments
selon leurs formes substantielles, il crйa aussi toute la verdure des champs,
non en acte, avant qu'elle sorte sur la terre, mais en puissance, parce que,
par la suite, le troisiиme jour, elle a йtй amenйe а l'existence en acte.
# 2. Selon Grйgoire (Les
Morales, livre 33, ch. 9), quand Dieu crйa l'ange, il crйa aussi l'homme,
non en acte, ou en soi, mais en puissance, ou en sa ressemblance, dans la
mesure oщ il s'accorde avec les anges selon l'intellect, mais par la suite, le
sixiиme jour, il a existй en acte et produit en lui-mкme.
# 3. Ce n'est pas la mкme disposition pour une chose dйjа
parfaite et pour celle qui est en devenir. Aussi quoique la nature du monde
parfait et complet exige que toutes les parties essentielles de l'univers
existent en mкme temps, il a pu cependant en кtre autrement au commencement du
monde, ainsi dans l'homme parfait, le coeur ne peut pas exister sans les autres
parties, et cependant, dans la formation de l'embryon, le coeur est engendrй
avant tous les membres. Ou on peut dire qu'en ce commencement, il y eut les
corps cйlestes, et tous les йlйments selon leurs formes substantielles,
produits en mкme temps que les anges, qui sont les parties principales de
l'univers, mais les jours suivants, il y eut dans la nature mкme dйjа produite
quelque chose de fait, concernant la perfection et la beautй de ces parties
dйjа produites.
# 4. Quoique les docteurs grecs aient tenu а ce que la
crйature spirituelle ait йtй crййe avant la crйature corporelle, cependant les
docteurs latins pensent que les anges ont йtй crййs en mкme temps que la nature
corporelle, pour conserver le fait que l'univers, quant а ses parties
principales avait йtй produit en mкme temps. En effet, comme les crйatures
corporelles sont un tout dans la matiиre crййe, et que la matiиre corporelle de
la crйature a йtй crййe en mкme temps que les anges, d'une certaine maniиre on
peut dire que tout a йtй crйй en mкme temps, en acte ou en puissance. Mais les
anges ne se rencontrent pas dans la matiиre avec la crйature corporelle, c'est pourquoi,
les anges une fois crййs, il n'y aurait pas eu en quelque maniиre une nature
corporelle crййe, ni par consйquent pas d'univers mкme; aussi il est
raisonnable qu'ils aient йtй produits en mкme temps que la nature corporelle.
Et ainsi tous les corps ont йtй crййs ensemble, non en acte, mais quant а la
matiиre sans forme d'une certaine maniиre; par la suite successivement par la
distinction et l'ornement de la crйature qui prйexistaient dйjа en acte, ils
ont йtй produits d'une certaine maniиre.
# 5. De mкme que la crйature n'a pas l'кtre d'elle-mкme,
elle n'a pas non plus sa perfection d'elle-mкme, mais de Dieu; c'est pourquoi,
comme pour montrer que la crйature reзoit l'кtre de Dieu et non d'elle-mкme, il
a voulu que d'abord elle ne soit pas et qu'ensuite elle soit; de mкme aussi
pour montrer que la crйature n'aurait pas sa perfection d'elle-mкme, il a voulu
d'abord qu'elle soit imparfaite, et qu'ensuite successivement elle soit achevйe
par l'oeuvre de distinction et d'ornement. Ou il faut dire que, dans la
crйation non seulement on doit montrer le pouvoir de la puissance, mais aussi
l'ordre de la sagesse divine, pour que, ce qui est avant par nature soit
constituй avant aussi; et ainsi ce n'est pas par l'impuissance de Dieu, comme
s'il manquait de temps pour opйrer, que tout n'est pas produit en mкme temps,
distinguй et ornй, mais pour que l'ordre de la sagesse soit conservй dans la
constitution des crйatures. Et c'est pourquoi il a fallu que diffйrents jours
soient conservйs pour les diffйrentes situations du monde. Car aprиs l'oeuvre
de la crйation, toujours par l'oeuvre suivante, une nouvelle situation de
perfection a йtй ajoutйe au monde, et c'est pourquoi pour montrer cette
perfection et cette nouveautй, Dieu a voulu qu'а chaque distinction et а chaque
ornement rйponde un jour et (montrer) que cela ne venait pas d'une impuissance
ou d'une lassitude de l'agent.
# 6. Cette lumiиre, qui lit-on, a йtй crййe le premier
jour, selon Grйgoire et Denys, est la lumiиre du soleil; qui, en mкme temps
avec la substance des luminaires, qui est son substrat, fut produite le premier
jour selon la nature habituelle de la lumiиre. Mais le quatriиme jour, un
pouvoir dйterminй a йtй attribuй aux luminaires pour des effets dйterminйs,
selon que nous voyons que le rayon du soleil a des effets diffйrents du rayon
de la lune et ainsi de suite. Et c'est pour cela que Denys (Les noms divins, ch. 4) dit que cette
lumiиre fut celle du soleil, mais encore sans forme, du fait qu'elle йtait dйjа
substance du soleil, et avait en commun le pouvoir d'йclairer, mais aprиs le
quatriиme jour, elle a йtй mise en forme, non dans la forme substantielle
qu'elle eut le premier jour, mais selon les conditions accidentelles par la
disposition d'un pouvoir dйterminй du fait que par la suite un pouvoir spйcial
et dйterminй lui a йtй donnй pour des effets particuliers. Et ainsi dans sa
production, la lumiиre a йtй distinguйe des tйnиbres de trois maniиres:
1) Quant а sa cause, selon que celle-ci йtait dans la
substance du soleil, mais la cause des tйnиbres йtait dans l'opacitй de la
terre.
2) Elle a йtй distinguйe, quant au lieu, parce que, dans
un hйmisphиre il y avait la lumiиre, et dans l'autre, les tйnиbres.
3) Quant au temps, parce que dans un mкme hйmisphиre, il
y avait la lumiиre une partie du temps et les tйnиbres dans l'autre. Et c'est
ce qui est dit (Gn 1, 5): "Il appela lumiиre jour et les tйnиbres nuit".
Ainsi cette lumiиre ne recouvrait pas la terre partout, parce que, dans un
hйmisphиre, il y avait la lumiиre et dans l'autre les tйnиbres; et ce n'йtait
pas toujours le jour d'un cфtй, et la nuit de l'autre, mais dans le mкme
hйmisphиre, selon une partie du temps c'йtait le jour, et selon l'autre la
nuit.
# 7. Le mouvement dans le ciel est double. L'un est
commun а tout le ciel qui est appelй diurne, et il produit le jour et la nuit;
et ce mouvement paraоt avoir йtй instituй le premier jour oщ a йtй produite
sans forme la substance du soleil et des autres luminaires, comme on l'a dit.
Mais l'autre est le mouvement propre qui est diversifiй selon les diffйrents
corps cйlestes; selon lesquels le mouvement est devenu diversitй des jours
entre eux, des mois et des annйes. Le premier jour, a йtй faite la distinction
commune du temps en jour et nuit, selon le mouvement diurne, qui est commun а
tout le ciel, qui peut кtre compris comme ayant commencй le premier jour, et
c'est pourquoi, en ce premier jour, on fit mention de la seule distinction de
le nuit et du jour, qui se fait par le mouvement diurne commun а tous les
cieux. Mais le quatriиme jour a йtй faite la distinction quant aux distinctions
spйciales des jours et des temps, selon qu'un jour est plus chaud qu'un autre
et un temps plus qu'un autre et une annйe plus qu'une autre; ce qui se fait
selon les mouvements spйcifiques et propres des йtoiles qui peuvent кtre
compris comme ayant commencй le quatriиme jour. C'est pourquoi au quatriиme
jour, il est fait mention de la diversitй des jours, des temps, et des annйes,
quand il est dit (ibid 14): "Et qu'il y ait dans les temps, des jours et des
annйes". Cette diversitй se fait par des mouvements propres. Et ainsi ces
trois premiers jours qui ont prйcйdй la formation des luminaires ont йtй de la
mкme nature que les jours que le soleil fait maintenant quant а la commune
distinction du temps selon le jour et la nuit, qui se fait par le mouvement
diurne commun а tout le ciel, mais non quant aux distinctions spйcifiques des
jours qui se fait selon les mouvements propres.
# 8. Certains disent que la lumiиre, celle qui lit-on, a
йtй crййe le premier jour, a йtй une nuйe brillante qui, ensuite, quand le
soleil a йtй crйй, retourna а la matiиre prйexistante. Mais cela ne convient
pas, parce que l'Йcriture au commencent de la Genиse rappelle la constitution
de la nature qui a demeurй par la suite; c'est pourquoi, on ne doit pas dire
que quelque chose a йtй fait alors, qui aurait cessй aprиs un peu de temps. Et
c'est pourquoi, d'autres disent que cette nuйe brillante demeure encore, et est
jointe au soleil, de sorte qu'elle ne puisse pas en кtre discernйe. Mais ainsi,
cette nuйe demeurerait superflue, mais rien n'est vain ou superflu dans les
opйrations de Dieu. Et c'est pourquoi d'autres disent, que de cette nuйe a йtй
formй le corps du soleil. Mais on ne peut pas le dire, si on pense que le corps
du soleil n'est pas de la nature des quatre йlйments, mais est incorruptible
par nature; parce qu'alors sa matiиre ne peut pas exister sous une autre forme.
Et c'est pourquoi il faut dire, comme Denys le dit, (Les noms divins, ch. 4), que cette
lumiиre fut celle du soleil, mais encore sans forme, elle йtait dйjа substance
du soleil et avait le pouvoir de tout йclairer, mais par la suite le quatriиme
jour lui a йtй donnй un pouvoir spйcifique et dйterminй pour des effets propres
et particuliers. Et ainsi le jour et la nuit devenaient par le mouvement
circulaire de cette lumiиre oщ elle arrivait et d'oщ elle repartait. Et il
n'est pas inconvenant que les substances des sphиres, qui renvoyait cette
lumiиre d'un mouvement commun et diurne, ait existй au dйbut de la crйation,
auxquelles par la suite des pouvoirs ont йtй ajoutйs dans les oeuvres de
distinction et d'ornement.
# 9. Dans la production de la lumiиre, on comprend la
qualitй de luminositй et de transparence qui est ramenйe au genre de la
lumiиre, a йtй alors placйe dans les corps lumineux et transparents. Et parce
que le soleil est principe et source de la lumiиre, йclairant les corps
supйrieurs et infйrieurs, Denys comprend par elle la lumiиre sans forme du
soleil, qui distinguait d'un mouvement commun et diurne, le jour et la nuit,
comme il le fait maintenant.
# 10. Et cela йclaire la rйponse а l'argument 10, parce
que cette lumiиre ne fut pas vraiment une nuйe selon sa substance, qui par la
suite aurait cessй d'exister, mais elle pu кtre appelйe nuйe selon la
ressemblance de sa nature, parce que, de mкme qu'une nuйe lumineuse reзoit la
lumiиre du soleil dans une clartй moindre que celle qui est dans la source, de
mкme aussi la substance du soleil eut d'abord dans ces trois premiers jours une
lumiиre imparfaite et comme sans forme, qui par la suite a йtй achevйe le
quatriиme jour; c'est pourquoi, cette substance lumineuse du soleil a existй,
parce que, au commencement de la crйation, elle eut une forme substantielle,
mais on dit que le soleil a йtй fait d'elle le quatriиme jour, non selon la
substance, mais par addition d'un nouveau pouvoir, de mкme qu'on dit que de
l'homme non musicien, qu'il est devenu musicien, non en substance, mais par son
pouvoir.
[1] Ia, 66, a.1 – Ia, 69, a. 1,
–Ia, q. 74, a. 2 –II Sent. d12a4.
[2]
Trad. B. J. "C'est Toi qui as fait ce qui est passй, et ce qui arrive
maintenant et ce qui arrivera plus tard." TOB. "Car tu as fait les
йvйnements d'autrefois, de maintenant et du futur; tu as mйditй le prйsent et
l'avenur et ce que tu avais dans l'esprit est venu а l'existence."
[3]
"Lors donc que nous entendons: "Et Dieu dit: que cela soit, nous
comprenons qu'il йtait dans le Verbe de Dieu que cela fut fait". Et ainsi
fut fait, suffit а nous faire comprendre que Dieu a dit cela en son Verbe et
l'a fait pas son Verbe." (Trad. BA)
[4]
C'est-а-dire rйels.
[5]
Angelos, йd. Vivиs et Marieti. Je me permets de lire angelus, peut-кtre а tort,
ne voyant pas quelle fonction donner а angelos.
[6]
Thomas Lectio VI, n° 59.
[7]
Il s'agit de l'article prйcйdent qu. 4, a. 1.
[8]
Cf. La pierre d'angle (Ps. 11, 72; Rm 9, 33; Eph. 2, 20, etc..
[9]
"Si donc les anges prennent rang sans l'oeuvre des six jours, ils sont
assurйment cette lumiиre appelйe jour et non pas le premier jour, mais un seul
jour pour en recommander l'unitй." (Trad; L. Moreau)
[10]
Cf. Sol. 15, § 2.
[11]
Cf. Sol. 14, fin.
[12]
"Prиs de" est traduit en rapport avec le texte d'Aristote. "En
outre quand deux choses sont trиs voisines l'une de l'autre... il faut les
considйrer en partant de leurs consйquents." (Tra. J. Tricot).
[13]
I Co. 13, 8: "La charitй ne passera jamais. Les Prophйties? Elles
disparaоtront.".
[14]
Sans doute inspirй d'Augustin .
[15]
Cf. II Sent. d12q1a1.
Question 5: La conservation des crйatures dans
l'кtre par Dieu.
q. 5 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum res conserventur in esse a Deo, an etiam circumscripta omni Dei
actione, per se in esse remaneant. 1. Les crйatures sont-elles conservйes dans l’кtre par Dieu, ou encore
si on restreint toute action de sa part, demeurent-elles en l’кtre par
elles-mкmes? q. 5 pr. 2 Secundo
utrum Deus possit alicui creaturae communicare quod per se in esse c onservetur
absque Deo. 2. Dieu peut-il communiquer а une crйature le pouvoir de se conserver
dans l’кtre par soi et sans lui? q. 5 pr. 3 Tertio
utrum Deus possit creaturam in nihilum redigere. 3. Dieu peut-il ramener les crйatures au nйant? q. 5 pr. 4 Quarto
utrum aliqua creatura in nihilum sit redigenda, vel etiam in nihilum redigatur. 4. Une crйature doit-elle retourner au nйant, ou mкme y
retourne-t-elle? q. 5 pr. 5 Quinto
utrum motus caeli quandoque deficiat. 5. Le mouvement du ciel cessera-t-il un jour? q. 5 pr. 6 Sexto
utrum sciri possit ab homine quando motus caeli finiatur. 6. L'homme peut-il savoir quand le mouvement du ciel s'arrкtera? q. 5 pr. 7 Septimo
utrum cessante motu caeli elementa remaneant. 7. Quand cessera le mouvement du ciel, les йlйments demeureront-ils? q. 5 pr. 8 Octavo
utrum cessante motu caeli remaneat actio et passio in elementis. 8. Quand cessera le mouvement du ciel, l'action et la passion
demeureront-elles dans les йlйments? q. 5 pr. 9 Nono
utrum plantae et animalia bruta et corpora mineralia remaneant post finem
mundi. 9. Les plantes, les animaux et les minйraux demeureront-ils aprиs la
fin du monde? q. 5 pr. 10 Decimo
utrum corpora humana remaneant, motu caeli cessante. 10. Les corps humains demeureront-ils quand cessera le mouvement du
ciel?
Article 1: Les crйatures sont-elles conservйes а l'кtre par Dieu ou
mкme si on restreint toute action de sa part, demeurent-elles en l'кtre par
elles-mкmes?
q. 5 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum res conserventur in esse a Deo, an etiam circumscripta
omni Dei actione, per se in esse remaneant. Et videtur quod sic.
Il semble que oui:
Objections[1]:
q. 5 a. 1 arg. 1
Dicitur enim Deut. XXXII, 4: Dei perfecta sunt
opera. Ex hoc sic arguitur. Perfectum est cui nihil deest, secundum philosophum.
Ei autem aliquid deest ad suum esse quod non potest esse nisi aliquo exteriori
agente. Ergo huiusmodi perfectum non est; Dei ergo talia
opera non sunt. 1. Car il est dit en Dt. 32,4: "Les oeuvres de Dieu sont parfaites".
On argumente ainsi: Est parfait ce а quoi rien ne manque, selon le Philosophe (Physique, III, 6, 207 a 10[2]). Il
manque quelque chose а l'кtre de celui qui ne peut pas exister sans un agent
extйrieur. Donc il n'est pas parfait; donc il n'y a pas de telles oeuvres qui
viennent de Dieu.
q. 5
a. 1 arg. 2 Sed dicebat, quod opera Dei non sunt perfecta simpliciter, sed
secundum suam naturam.- Sed contra, perfectum secundum suam naturam est quod
habet illud cuius sua natura est capax. Sed quidquid habet totum illud cuius
sua natura est capax, potest remanere in esse, omni Dei conservatione exteriori
cessante. Ergo si creaturae aliquae sunt perfectae secundum suam naturam,
possunt remanere in esse, Deo non conservante. Probatio mediae. Deus
conservando res, aliquid agit: propter quod dicitur Ioan. V, 17: pater meus
usque modo operatur, et ego operor, ut dicit Augustinus. Agente autem aliquid
operante, effectus aliquid recipit. Ergo quamdiu Deus conservat res, semper res
conservatae aliquid a Deo recipiunt: quamdiu ergo res conservatione indiget,
nondum totum habet cuius est capax. 2. Mais on pourrait dire que les oeuvres de Dieu ne sont pas parfaites
dans l'absolu, mais parfaites dans leur nature. – En sens contraire [1[3]] est
parfait en sa nature ce qui a ce dont elle est capable. [2] Mais tout ce qui a
tout ce dont sa nature est capable peut demeurer dans l'кtre, si toute
conservation extйrieure de Dieu cesse. [3] Donc si des crйatures sont parfaites
en leur nature, elles peuvent demeurer dans l'кtre, sans que Dieu les y
conserve. Preuve de l'argument intermйdiaire: [2] Dieu en conservant fait
quelque chose; c'est pour cela qu'il est dit en Jn 5 ,17: "Mon Pиre opиre
jusqu'а maintenant et moi aussi j'opиre", comme le dit Augustin (La Genиse au sens littйral, V, XII, 22[4]).
Si l'agent fait quelque chose, l'effet le reзoit. Donc tant que Dieu les
conserve, ces кtres conservйs reзoivent toujours quelque chose de Dieu: donc
tant que l'кtre a besoin d'кtre conservй, il n'a pas encore tout ce dont il est
capable.
q. 5 a. 1 arg. 3
Praeterea, unumquodque non est perfectum nisi perficiat hoc ad quod est. Sed principia ad hoc sunt, ut rem in esse
conservent. Si ergo principia creata rerum non possunt rem in esse tenere,
sequitur ea esse imperfecta, et ita non esse Dei opera: quod est absurdum. 3. Tout кtre n'est parfait que s'il accomplit ce pour quoi il existe.
Mais les principes sont pour conserver la crйature dans l'кtre. Donc si les
principes crййs ne peuvent la conserver, il s'ensuit qu'ils sont imparfaits et
qu'ils ne sont pas les oeuvres de Dieu, ce qui est absurde.
q. 5 a. 1 arg. 4
Praeterea, Deus est causa rerum sicut efficiens. Sed cessante actione causae
efficientis, remanet effectus; sicut cessante actione aedificatoris, remanet
domus, et cessante actione ignis generantis, adhuc remanet ignis generatus.
Ergo et cessante omni Dei actione, adhuc possunt creaturae in esse remanere. 4. Dieu est en quelque sorte la cause efficiente des crйatures. Mais si
l'action de la cause efficiente cesse, l'effet demeure. Ainsi quand cesse
l'action du bвtisseur, la maison demeure et quand cesse l'action du feu qui
engendre, reste le feu qui en est engendrй. Donc quand toute action de Dieu
cesse, les crйatures peuvent encore demeurer dans l'кtre.
q. 5 a. 1 arg. 5 Sed
dicebat, quod agentia inferiora sunt causa fiendi et non essendi; unde esse
effectuum remanet remota actione causarum fieri. Deus autem est causa rebus non
solum fiendi, sed essendi. Unde esse rerum remanere non potest, divina actione
cessante.- Sed contra, omnis res generata habet esse per suam formam. Si ergo
causae inferiores generantes non sunt causae essendi, non erunt causae
formarum; et ita formae quae sunt in materia, non sunt a formis quae sunt in
materia secundum sententiam philosophi, qui dicit, forma quae est in his
carnibus et ossibus, est a forma quae est in his carnibus et ossibus: sed
sequitur quod formae in materia sint a formis sine materia, secundum sententiam
Platonis, vel a datore formarum, secundum sententiam Avicennae. 5. Mais on pourrait dire que les agents infйrieurs sont causes du
devenir et non de l'кtre; c'est pourquoi l'кtre des effets demeure, une fois
retirйe l'action des causes du devenir. Mais Dieu est la cause non seulement de
leur devenir mais de leur кtre. C'est pourquoi l'кtre des choses ne peut pas
demeurer, si l'action divine cesse. – En sens contraire: tout ce qui est
engendrй possиde l'кtre par sa forme. Si donc les causes infйrieures qui
engendrent ne sont pas causes de l'кtre, elles ne seront pas causes des formes,
et ainsi les formes qui sont dans la matiиre ne viennent pas des formes qui
sont en elle, comme l'affirme le Philosophe, (Mйtaphysique, VII, 8, 1034 a 5[5]), qui dit que la forme qui est
dans ces chairs et ces os vient de celle qui est dans ces chairs et ces os.
Mais il s'ensuit que les formes dans la matiиre viennent des formes sans
matiиre, selon l'opinion de Platon - ou du pourvoyeur de formes - selon
l'opinion d'Avicenne (Mйtaphysique,
IX, ch. 5, 410-411 et surtout 413).
q. 5 a. 1 arg. 6
Praeterea, ea quorum esse est in fieri, non possunt remanere cessante actione
agentis, ut patet de motu et de agone, et similibus; illa vero quorum esse est
in facto esse, possunt remanere etiam agentibus remotis. Unde Augustinus dicit:
praesente lumine non factus est aer lucidus, sed fit; quia si factus esset, non
fieret; sed absente lumine lucidus remaneret. Multae autem creaturae sunt
quorum esse non est in fieri, sed in facto esse; ut patet de Angelis, et de
corporibus etiam omnibus. Ergo, cessante actione Dei agentis, creaturae possunt
remanere in esse. 6. Ceux dont l'кtre est en devenir ne peuvent demeurer, quand cesse
l'action de l'agent, comme cela est йvident pour le mouvement et la lutte,
etc.. Mais ce dont l'кtre est dans un кtre produit peut demeurer, mкme si les
agents sont йcartйs. C'est pourquoi Augustin (La Genиse au sens littйral, VIII, XII, 26[6]) dit: "Quand la
lumiиre est prйsente, l'air qui n'йtait pas devenu lumineux, le devient; parce
que, s'il йtait devenu lumineux, il ne le deviendrait pas; mais en l'absence de
lumiиre, il demeurerait lumineux". Mais il y a beaucoup de crйatures dont
l'кtre n'est pas en devenir, mais dйjа produit; comme c'est йvident pour les
anges et mкme pour tous les corps. Donc, si l'action de Dieu agent cesse, les
crйatures peuvent demeurer dans l'кtre.
q. 5 a. 1 arg. 7
Praeterea, causae inferiores generantes sunt rebus generatis causae essendi, ut
supra probatum est; non tamen sicut causae principales et primae, sed sicut
causae secundae. Causa autem prima essendi, quae Deus est, rebus generatis non
dat principium essendi, nisi mediantibus causis secundis praedictis. Ergo nec
permanentiam in esse, quia eadem res per idem habet esse et in esse
conservatur. Sed esse generatorum conservatur ex ipsis principiis essentialibus
generatorum, cessantibus causis secundis agentibus. Ergo etiam cessante causa
prima agente, quae Deus est. 7. Les causes infйrieures qui engendrent sont causes d'кtre pour ce qui
est engendrй, comme on l'a prouvй plus haut; non cependant comme causes
principales et premiиres, mais comme causes secondes. Mais la cause premiиre de
l'кtre, qui est Dieu, ne donne le principe d'кtre aux choses engendrйes que par
l'intermйdiaire des causes secondes, dont on a parlй. Donc il ne donne pas non
plus la permanence dans l'кtre, parce qu'une mкme chose a l'кtre et est
conservй dans l'кtre par le mкme. Mais l'кtre de ce qui est engendrй est
conservй par les principes essentiels de ceux qui les engendrent, si cessent
les causes secondes qui agissent. Donc aussi quand cesse la cause premiиre
efficiente, qui est Dieu.
q. 5 a. 1 arg. 8
Praeterea, si res aliqua deficit esse, aut hoc est propter materiam, aut
propter hoc quod est ex nihilo. Materia autem non est causa corruptionis nisi
secundum quod est subiecta contrarietati; non autem in omnibus creaturis est
materia contrarietati subiecta. Ergo illa in quibus non est materia
contrarietati subiecta, sicut sunt corpora caelestia et Angeli, non possunt
deficere ratione materiae, nec iterum ratione eius quod sunt ex nihilo, quia ex
nihilo nihil sequitur et nihilum nihil agit, et ita non corrumpit. Ergo
cessante omni actione divina, huiusmodi res esse non deficerent. 8. Si quelque chose est dйfaillante en son кtre, c'est а cause de la
matiиre ou parce qu'elle vient du nйant. Mais la matiиre n'est cause de corruption
que selon qu'elle est soumise а la contrariйtй. Ce n'est pas dans toutes les
crйatures que la matiиre y est soumise. Donc celles en qui il n'y a pas de
matiиre soumise а la contrariйtй, comme les corps cйlestes et les anges, ne
peuvent кtre dйfaillantes а cause de la matiиre, ni non plus en raison de ce
qu'ils viennent du nйant, parce que de rien, rien ne vient et rien ne fait rien
et ainsi (le nйant) ne corrompt pas. Donc, quand cesse toute action divine, de
telles choses n'abandonnent pas leur кtre.
q. 5 a. 1 arg. 9
Praeterea, forma incipit esse in materia in istanti quod est ultimum factionis,
in quo res non est in fieri, sed in facto esse. Sed secundum Avicennae
sententiam, formae rerum generatarum infunduntur in materia ab intelligentia
agente, quae est datrix formarum. Ergo illa intelligentia est causa essendi,
non tantum fiendi; et ita per actionem eius res possunt conservari in esse,
etiam circumscripta Dei conservatione. 9. La forme commence d'кtre dans la matiиre а l'instant ultime de sa
production, oщ la chose n'est pas en devenir mais est dйjа produite. Mais selon
l'opinion d'Avicenne (Mйtaphysique,
IX, 5, 410 etc.), les formes de ce qui est engendrй sont introduites dans la
matiиre par une Intelligence agente pourvoyeuse de formes. Donc cette
intelligence est cause d'кtre et non seulement du devenir, et ainsi par son
action, les choses peuvent кtre conservйes dans l'кtre mкme si on йcarte la
conservation par Dieu.
q. 5
a. 1 arg. 10 Praeterea, etiam forma substantialis est causa essendi. Si ergo
causae essendi sunt quae conservant res in esse, ipsa forma rei sufficit ad hoc
quod res in esse conservetur. 10. La forme substantielle aussi est cause d'кtre. Si donc les causes
d'кtre sont celles qui conservent dans l'кtre, la forme suffit pour que la
chose y soit conservйe.
q. 5 a. 1 arg. 11
Praeterea, res conservantur in esse per materiam, in quantum sustinet formam.
Sed materia, secundum philosophum, est ingenita et incorruptibilis, et ita non
est causata ab aliqua causa; et sic remanet, omni actione causae efficientis
remota. Ergo adhuc res poterunt conservari in esse, cessante actione primae
causae efficientis, scilicet Dei. 11. Les choses sont conservйes dans l'кtre par la matiиre, dans la
mesure oщ elle porte la forme. Mais la matiиre, selon le Philosophe, n'est ni
engendrйe, ni corruptible, et ainsi elle n'a pas de cause, et elle demeure
quand toute action de la cause efficiente est йcartйe. Donc les choses pourront
encore кtre conservйes dans l'кtre, si cesse l'action de la premiиre cause
efficiente, а savoir de Dieu.
q. 5
a. 1 arg. 12 Praeterea, Eccli. XXXIII, 15: dicitur: intuere in omnia opera
altissimi: duo contra duo, unum contra unum. Sed inter opera altissimi
invenitur aliquid quod indiget Dei conservatione. Ergo etiam invenitur inter
opera Dei eius oppositum, scilicet quod non indiget Dei conservatione. 12. Il est dit dans l'Ecclйsiaste (33, 15): "Regarde dans toutes
les oeuvres du Trиs Haut; deux contre deux, une contre une[7]". Mais,
parmi ses oeuvres, on trouve quelque chose qui a besoin d'кtre conservй par
Dieu. Donc on trouve aussi parmi ses oeuvres l'opposй, а savoir ce qui n'en a
pas besoin.
q. 5 a. 1 arg. 13
Praeterea, appetitus naturalis non potest esse cassus et vanus. Sed quaelibet
res naturaliter conservationem sui esse appetit. Potest ergo res per se ipsam
conservari in esse; alias appetitus naturalis esset vanus. 13. L'appйtit naturel ne peut pas кtre vain et sans objet. Mais tout
dйsire par nature la conservation de son кtre. Donc, une chose peut se
conserver а l'кtre par soi, autrement l'appйtit naturel serait vain.
q. 5
a. 1 arg. 14 Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus fecit singula bona, simul
autem omnia valde bona: propter quod dicitur Genes. I, 31: vidit Deus cuncta
quae fecerat, et erant valde bona. Ipsa ergo creaturarum universitas est valde
bona et optima; optimi enim est optima adducere, secundum Platonem in Timaeo.
Sed melius est quod non indiget aliquo exteriori ad sui conservationem, eo quod
indiget. Ergo universitas creaturarum non indiget aliquo exteriori conservante. 14. Augustin dit (Enchiridion,
III, 10) que Dieu fit bonne chaque chose particuliиre, et, tout en mкme temps
trиs bon; c'est pour cela qu'il est dit (Gn. 1, 31): "Dieu vit tout ce
qu'il avait fait et c'йtait trиs bon". Donc l'universalitй des crйatures
est trиs bonne et la meilleure. Car il appartient au meilleur de causer le
meilleur, selon Platon dans le Timйe.
Mais ce qui n'a pas besoin de quelque chose d'extйrieur pour sa conservation
est meilleur que ce qui en a besoin. Donc l'universalitй des crйatures n'a
besoin de rien d'extйrieur qui les conserve.
q. 5 a. 1 arg. 15 Praeterea, beatitudo est
aliquid creatum in natura beatorum. Sed beatitudo est status omnium bonorum
congregatione perfectus, ut Boetius dicit; quod non esset, nisi in se
includeret sui conservationem, quod est unum de maxime bonis. Ergo
aliquid creatum est quod per se ipsum potest conservari in esse. 15. Le bonheur est quelque chose de crйй dans la nature des
bienheureux. Mais le bonheur est un йtat parfait par la rйunion de tous les
biens, comme le dit Boиce (Consol. III, prose 2), ce qui ne serait, que s'il
incluait en lui sa conservation, qui est l'un des biens au plus haut point.
Donc il y a quelque chose de crйй qui peut se conserver а l'кtre par soi.
q. 5 a. 1 arg. 16
Praeterea, dicit Augustinus, quod Deus ita administrat res sua providentia,
quod tamen sinit eas agere proprios motus. Sed proprius motus naturae ex nihilo
existentis est ut in nihilum tendat. Ergo dominus permittit naturam quae est ex
nihilo, in nihilum tendere. Non ergo conservat res in esse. 16. Augustin dit (La citй de Dieu,
VII, 30) que Dieu administre ses oeuvres par sa Providence; il leur permet
cependant d'accomplir leurs propres mouvements. Mais le mouvement le plus
propre de la nature qui vient du nйant est d'y tendre. Donc Dieu permet а la
nature qui vient du nйant de tendre au nйant. Donc il ne conserve pas ses
crйatures dans l'кtre.
q. 5 a. 1 arg. 17
Praeterea, recipiens quod est contrarium recepto, non conservat receptum, sed
magis ipsum destruit. Videmus enim quod quae recipiuntur ab agentibus
naturalibus per violentiam in suis contrariis, remanent ad horam, cessante
actione naturalium agentium; sicut calor remanet in aqua calefacta, cessante
actione ignis, ad horam. Effectus autem Dei non recipiuntur in aliquo
contrario, sed in nihilo; quia ipse est auctor totius substantiae rei. Ergo
multo magis remanebunt divini effectus vel ad horam, divina actione cessante. 17. Celui qui reзoit ce qui est contraire а ce qu'il a reзu, ne le
conserve pas, mais plutфt il le dйtruit. Car nous voyons que ce que les agents
naturels reзoivent par violence dans leurs contraires demeure un instant, quand
cesse l'action des agents naturels; ainsi la chaleur demeure dans l'eau
chauffйe quand cesse un instant l'action du feu. Les effets de Dieu ne sont pas
reзus dans quelque chose de contraire mais en rien, parce qu'il est l'auteur de
toute la substance. Donc les effets divins demeureront beaucoup plus, mкme un
instant, si cesse l'action de Dieu.
q. 5 a. 1 arg. 18
Praeterea, forma est principium cognoscendi, operandi et essendi. Sed forma
absque exteriori adminiculo potest esse operandi principium et cognoscendi.
Ergo et essendi; et ita cessante omni Dei actione res per formam potest
conservari in esse. 18. La forme est le principe pour connaоtre, opйrer et кtre. Mais la
forme sans appui extйrieur peut кtre principe d'opйration et de connaissance.
Donc d'кtre aussi et ainsi quand l'action de Dieu cesse, la chose peut кtre
conservйe а l'кtre par la forme.
En sens contraire:
q. 5 a. 1 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Hebr. I, 3: portans omnia verbo virtutis suae; ubi
dicit Glossa: sicut ab eo creata sunt, ita per eum immutabilia conservantur. 1. Il y a ce qui est dit en Hйbr. 1, 3: "Soutenant tout par sa
parole puissante[8]." oщ la glose dit: "De mкme qu'ils ont йtй crййs
par lui, ils sont conservй par lui, immuables.".
q. 5 a. 1 s. c. 2
Praeterea, Augustinus dicit: creatoris potentia et omnipotentis virtus causa
subsistendi est omni creaturae; quae virtus ab eis quae creata sunt regendis si
aliquando cessaret, simul et illorum cessaret species, omnisque natura
concideret. Et infra. Mundus nec in ictu oculi stare poterit, si ei Deus
regimen suum subtraxerit. 2. Augustin dit (La Genиse au
sens littйral, IV, XII, 22): "La puissance du crйateur et le pouvoir
du tout Puissant sont la cause de la subsistance de toute crйature. Si ce
pouvoir cessait de s'exercer un instant, sur les crйatures, en mкme temps leur
forme cesserait et tout leur nature s'effondrerait." Et plus bas: "Le
monde ne pourrait pas demeurer le temps d'un clin d'oeil si Dieu lui retirait
son gouvernement ."
q. 5 a. 1 s. c. 3
Praeterea, Gregorius dicit, quod omnia in nihilum deciderent, nisi ea manus
omnipotentis contineret. 3. Grйgoire [le Grand] dit (Les
Morales, VI, ch. 18) que "Tout retournerait au nйant, si la main du
Tout Puissant ne le contenait".
q. 5 a. 1 s. c. 4
Praeterea, in Lib. de causis, dicitur: omnis intelligentiae fixio, id est
permanentia et essentia, est per bonitatem quae est causa prima. Multo ergo
fortius aliae creaturae non figuntur in esse nisi per Deum. 4. Dans Le livre des Causes, (prop. 9), il est dit que "Toute
stabilitй de l'intelligence" c'est-а-dire la permanence et l'essence "vient
du Bien qui est la cause premiиre". Donc beaucoup plus les autres
crйatures n'ont йtй modelйes dans l'кtre que par Dieu.
Rйponse:
q. 5 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum quod absque omni dubio concedendum est, quod res
conservantur in esse a Deo, et quod in momento in nihilum redigerentur, cum a
Deo desererentur. Cuius ratio hinc accipi potest. Effectum enim a sua causa
dependere oportet. Hoc enim est de ratione effectus et causae: quod quidem in
causis formalibus et materialibus manifeste apparet. Quocumque enim materiali
vel formali principio subtracto, res statim esse desinit, cum huiusmodi
principia intrent essentiam rei. C'est sans doute aucun qu'il faut concйder que les crйatures sont
conservйes dans l'кtre par Dieu, et qu'en un instant elles retourneraient au
nйant, si elles йtaient abandonnйes par lui. On peut en trouver la raison
ainsi: car l'effet doit dйpendre de sa cause. Car c'est la nature de l'effet et
de la cause, ce qui apparaоt manifestement dans les causes formelles et
matйrielles. Car si on йcarte tout principe matйriel ou formel, la chose cesse
aussitфt d'exister, puisque de tels principes en pйnиtrent l'essence.
Idem autem iudicium oportet esse de causis efficientibus, et formalibus
vel materialibus. Nam efficiens est causa rei secundum quod formam inducit, vel
materiam disponit. Unde eadem dependentia rei est ad efficiens, et ad materiam
et formam, cum per unum eorum ab altero dependeat. De finalibus autem causis
oportet etiam idem esse iudicium quod de causa efficiente. Nam finis non est
causa, nisi secundum quod movet efficientem ad agendum; non enim est primum in
esse, sed in intentione solum. Unde et ubi non est actio, non est causa
finalis, ut patet in III Metaph. Il faut porter un mкme jugement pour les causes efficientes, formelles
ou matйrielles. Car la cause efficiente est cause selon qu'elle induit une
forme, ou dispose la matiиre. C'est pourquoi, il y a la mкme dйpendance de la
chose а la cause efficiente, qu'а la matiиre et а la forme, puisque par l'un
d'eux, elle dйpend de l'autre. Mais pour les causes finales, il faut aussi que
le jugement soit le mкme que pour la cause efficiente. Car la fin n'est une
cause que selon qu'elle pousse l'efficience а agir; car elle n'est pas en
premier dans l'кtre mais dans l'intention seulement. C'est pourquoi lа oщ il
n'y a pas d'action, il n'y a pas de cause finale, comme cela se voit en Mйtaphysique (III, 2, 996 a 26[9]).
Secundum hoc ergo esse rei factae dependet a causa efficiente secundum
quod dependet ab ipsa forma rei facta Est autem aliquod efficiens a quo forma
rei factae non dependet per se et secundum rationem formae, sed solum per
accidens: sicut forma ignis generati ab igne generante, per se quidem, et
secundum rationem suae speciei non dependet, cum in ordine rerum eumdem gradum
teneat, nec forma ignis aliter sit in generato quam in generante; sed
distinguitur ab ea solum divisione materiali, prout scilicet est in alia
materia. Unde cum igni generato sua forma sit ab aliqua causa, oportet ipsam
formam dependere ab altiori principio, quod sit causa ipsius formae per se et secundum
propriam speciei rationem. Donc, а ce point de vue, l'кtre de ce qui est produit dйpend de la
cause efficiente, selon qu'il dйpend de sa forme produite mкme. Mais il y a une
efficience dont la forme du produit ne dйpend pas, par soi, et par sa nature,
mais seulement par accident; de mкme que la forme du feu engendrй ne dйpend pas
de celui qui l'engendre, par soi et selon la nature de l'espиce, puisque, dans
l'ordre des choses elle occupe le mкme degrй, la forme n'est pas autrement dans
ce qui est engendrй que dans celui qui l'engendre; mais elle en est distinguйe
seulement par division matйrielle, а savoir selon qu'elle est dans une autre
matiиre. C'est pourquoi, comme la forme pour le feu engendrй vient d'une cause,
il faut qu'elle dйpende d'un principe plus йlevй, qui serait la cause dee la
forme, par soi et selon la nature propre de l'espиce
Cum autem esse formae in materia, per se loquendo, nullum motum vel
mutationem implicet, nisi forte per accidens; omne autem corpus non agat nisi
motum, ut philosophus probat, necesse est quod principium ex quo per se
dependet forma, sit aliquod principium incorporeum; per actionem enim alicuius
principii dependet effectus a causa agente. Et si aliquod principium corporeum
est per aliquem modum causa formae, hoc habet in quantum agit virtute principii
incorporei, quasi eius instrumentum; quod quidem necessarium est ad hoc quod
forma esse incipiat, in quantum forma non incipit esse nisi in materia; non
enim materia quocumque modo se habens potest subesse formae, quia proprium
actum in propria materia oportet esse. Mais comme l'кtre de la forme dans la matiиre, а proprement parler,
n'implique nul mouvement ni changement, sinon par hasard, par accident; que
tout corps n'agit que mы, comme le Philosophe le prouve (Cf. Physique, VIII, 259 b 32 Р 260 a 19), il
est nйcessaire que le principe d'oщ dйpend la forme par soi, soit un principe
incorporel, car, par l'action d'un principe, l'effet dйpend de la cause
efficiente. Et si un principe corporel est en quelque maniиre cause de la
forme, cela ne se peut que dans la mesure oщ il agit par le pouvoir d'un
principe incorporel, cen tant que son instrument; ce qui est nйcessaire pour
que la forme commence а exister, dans la mesure oщ elle ne commence а exister
que dans la matiиre; car la matiиre de quelque maniиre qu'elle se comporte ne
peut pas кtre soumise а la forme, parce que l'acte propre doit кtre dans la
matiиre propre.
Cum ergo est materia in dispositione quae non competit formae alicui,
non potest a principio incorporeo, a quo forma dependet per se, eam consequi
immediate; unde oportet quod sit aliquid transmutans materiam; et hoc est
aliquod agens corporeum, cuius est agere movendo. Et hoc quidem agit in virtute
principii incorporei, et eius actio determinatur ad hanc formam, secundum quod
talis forma est in eo, actu (sicut in agentibus univocis) vel virtute (sicut in
agentibus aequivocis). Donc, quand la matiиre est dans une disposition qui ne convient pas а
la forme, elle ne peut pas l'acquйrir immйdiatement par un principe incorporel,
dont la forme dйpend par soi. C'est pourquoi il faut qu'il y ait quelque chose
qui transforme la matiиre; et c'est un agent corporel, dont le propre est
d'agir en mouvant. Et il agit dans le pouvoir du principe incorporel, et son
action est dйterminйe а cette forme, selon qu'elle est en lui, en acte (comme
dans les agents univoques) ou en puissance (comme dans les agents йquivoques).
Sic igitur huiusmodi inferiora agentia corporalia, non sunt formarum
principia in rebus factis, nisi quantum potest se extendere causalitas
transmutationis, cum non agant nisi transmutando, ut dictum est; hoc autem est
in quantum disponunt materiam, et educunt formam de potentia materiae. Quantum
igitur ad hoc, formae generatorum dependent a generantibus naturaliter, quod
educuntur de potentia materiae, non autem quantum ad esse absolutum. Ainsi donc de tels agents corporels infйrieurs ne sont les principes
des formes dans ce qui a йtй fait, que dans la mesure oщ la causalitй du
changement peut s'йtendre, puisqu'ils n'agissent qu'en changeant, comme on l'a
dit (q. 3, a. 7 et 8). Mais c'est dans la mesure oщ ils disposent la matiиre et
sortent la forme de la puissance de la matiиre. Donc pour cela, les formes de
ce qui engendre dйpendent naturellement de ce qui les engendre, parce qu'elles
sortent de la puissance de la matiиre, mais non quant а l'кtre dans absolu.
Unde et remota actione generantis, cessat eductio de potentia in actum
quod est fieri generatorum; non autem cessant ipsae formae, secundum quas generata
habent esse. Et inde est quod esse rerum generatarum manet, sed non fieri,
cessante actione generantis. Si quae autem formae sunt non in materia, ut sunt
substantiae intellectuales, vel in materia nullo modo indisposita ad formam, ut
est in corporibus caelestibus, in quibus non sunt contrariae dispositiones;
harum principium esse non potest nisi agens incorporeum, quod non agit per
motum; nec dependent ab aliquo secundum fieri a quo non dependeant secundum
esse. C'est pourquoi, quand l'action de celui qui engendre est йcartйe, cesse
le passage de la puissance а l'acte qui est le devenir de ce qui est engendrй;
mais les formes elles-mкmes, par lesquelles ce qui est engendrй a l'кtre ne
cessent pas. Et de lа vient que l'кtre de ce qui est engendrй demeure, mais non
le devenir, si cesse l'action de celui qui engendre. Si ces formes ne sont pas
dans la matiиre, comme les substances intellectuelles, ou bien si elles sont
dans une matiиre en aucune maniиre mal ordonnйe а la forme, comme dans les
corps cйlestes, dans lesquels il n'y a pas de dispositions contraires, leur
principe d'кtre ne peut кtre qu'un agent incorporel qui n'agit pas par
mouvement; et elles ne dйpendent pas pour leur devenir de ce dont elles ne
dйpendent pas pour leur кtre.
Sicut igitur cessante actione causae efficientis, quae agit per motum,
in ipso instanti cessat fieri rerum generatarum, ita cessante actione agentis
incorporei, cessat ipsum esse rerum ab eo creatarum. Hoc autem agens
incorporeum, a quo omnia creantur, et corporalia et incorporalia, Deus est,
sicut in alia quaestione ostensum est, a quo non solum sunt formae rerum, sed
etiam materiae. Et quantum ad propositum non differt utrum immediate, vel
quodam ordine, ut quidam philosophi posuerunt. Unde sequitur quod divina operatione
cessante, omnes res eodem momento in nihilum deciderent, sicut auctoritatibus
est probatum in argumentis sed contra. Donc, de mкme que, quand cesse l'action de la cause efficiente, qui
agit par mouvement, dans l'instant mкme, le devenir de ce qui est engendrй
cesse, de mкme quand l'action de l'agent incorporel cesse, l'кtre mкme des
choses crййes par lui cesse aussi. Mais cet agent incorporel, par qui tout est
crйй, les кtres corporels et incorporels, est Dieu, comme on l'a montrй dans
une autre question (qu. 3, a. 5, 6, et 8), de qui viennent non seulement les
formes des кtres mais aussi de la matiиre. Et l'une et l'autre а ce propos ne
diffиrent pas immйdiatement en ordre, comme certains philosophes l'ont pensй.
C'est pourquoi, il en dйcoule que si l'opйration divine cessait, tout, dans un
mкme moment, retomberait dans le nйant, comme on l'a prouvй pour les autoritйs
dans les arguments en sens contraire.
Solutions:
q. 5 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod creaturae Dei sunt perfectae in sua natura et in suo
ordine; sed inter alia quae ad earum perfectionem requiruntur, hoc etiam est
quod a Deo contineantur in esse. # 1. Les crйatures de Dieu sont parfaites dans leur nature et leur
ordre, mais parmi les autres choses requises pour leur perfection, il y a ce
fait aussi qu'elles sont maintenues dans l'кtre par Dieu.
q. 5 a. 1 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Deus non alia operatione producit res in esse et eas in
esse conservat. Ipsum enim esse rerum permanentium non est divisibile nisi per
accidens, prout alicui motui subiacet; secundum se autem est in instanti. Unde
operatio Dei quae est per se causa quod res sit, non est alia secundum quod
facit principium essendi et essendi continuationem. # 2. Ce n'est pas par une autre opйration que Dieu produit les
crйatures dans l'кtre et les y conserve. Car l'кtre mкme de ce qui demeure
n'est divisible que par accident, dans la mesure oщ il est soumis а un
mouvement, mais en soi il est dans l'instant. C'est pourquoi l'opйration de
Dieu qui est cause par soi de l'existence de la chose, n'est pas diffйrente
selon qu'il produit le principe d'кtre et sa conservation.
q. 5 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod, quamdiu principia essentialia rerum sunt, tamdiu res
conservantur in esse; sed et ipsa rerum principia esse desinerent, divina
actione cessante. # 3. Les choses sont conservйes dans l'кtre, aussi longtemps que leurs
principes essentiels existent, mais les principes mкme cesseraient si l'action
divine cessait.
q. 5 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod huiusmodi inferiora agentia sunt causa rerum quantum ad
earum fieri, non quantum ad esse rerum per se loquendo. Deus autem per se est
causa essendi: et ideo non est simile. Unde Augustinus dicit: non enim sicut
structuram cum fabricaverit quis abscedit, atque illo cessante et abscedente
stat opus eius; ita mundus vel in ictu oculi stare poterit, si ei Deus regimen
suum subtraxerit. # 4. De tels agents infйrieurs sont la cause du devenir des choses, et
non de leur кtre, а proprement parler. Mais Dieu par soi est cause d'кtre, et
ainsi ce n'est pas pareil. C'est pourquoi Augustin dit (La Genиse au sens littйral, IV, 12): "Car ce n'est pas comme
quelqu'un qui s'en va quand il a construit un bвtiment: mкme s'il cesse et s'en
va, son oeuvre demeure, au contraire le monde ne pourrait demeurer l'instant
d'un clin d'oeil, si Dieu lui avait retirй son concours[10]."
q. 5 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod cum agentia corporalia non agant nisi transmutando,-
nihil autem transmutetur nisi ratione materiae,- causalitas agentium corporalium
non potest se extendere nisi ad ea quae aliquo modo sunt in materia. Et quia Platonici et Avicenna non ponebant formas de potentia materiae
educi, ideo cogebantur dicere quod agentia naturalia disponebant tantum
materiam; inductio autem formae erat a principio separato. Si autem ponamus
formas substantiales educi de potentia materiae, secundum sententiam
Aristotelis, agentia naturalia non solum erunt causae dispositionum materiae,
sed etiam formarum substantialium; quantum ad hoc dumtaxat quod de potentia
educuntur in actum, ut dictum est, et per consequens sunt essendi principia
quantum ad inchoationem ad esse, et non quantum ad ipsum esse absolute. # 5. Comme les agents corporels n'agissent qu'en opйrant des
changements – rien n'est changй qu'en raison de la matiиre – la causalitй des
agents corporels ne peut s'йtendre qu'а ce qui est de quelque maniиre dans la
matiиre. Et parce que les Platoniciens et Avicenne ne pensaient pas que les
formes йtaient йduites de la puissance de la matiиre, ils йtaient forcйs de
dire que les agents naturels disposaient seulement la matiиre; et l'induction
de la forme dйpendait d'un principe sйparй. Mais si nous pensons que les formes
substantielles sont йduites de la puissance de la matiиre, selon l'opinion
d'Aristote, les agents naturels, non seulement sont causes des dispositions de
la matiиre, mais encore des formes substantielles; pour seulement ce qui est
amenй de la puissance а l'acte, comme on l'a dit (qu. 3, art. 9 et 11) et par
consйquent, ils sont les principes de l'кtre, quant а son commencement mais pas
quant а l'кtre mкme dans l'absolu.
q. 5 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod formarum quae incipiunt actu esse in materia per actionem
corporalis agentis, quaedam producuntur secundum perfectam rationem speciei et
secundum perfectum esse in materia, sicut et forma generantis, eo quod in
materia non remanent contraria principia, et huiusmodi formae remanent post
actionem generantis, usque ad tempus corruptionis. Quaedam vero formae
producuntur quidem secundum perfectam rationem speciei, non autem secundum
perfectum esse in materia, sicut calor qui est in aqua calefacta, habet
perfectam speciem caloris, non tamen perfectum esse, quod est ex applicatione
formae ad materiam, eo quod in materia remanet forma contraria tali qualitati. # 6. Parmi les formes qui commencent а exister en acte dans la matiиre
par l'action de l'agent corporel, certaines sont produites selon la nature
parfaite de l'espиce et selon l'кtre parfait dans la matiиre, comme la forme de
celui qui engendre, parce que les principes contraires ne demeurent pas dans la
matiиre, et les formes de ce genre demeurent aprиs l'action de celui qui
engendre, jusqu'au temps de la corruption. Mais certaines formes sont produites
selon la nature parfaite de l'espиce, et non selon l'кtre parfait dans la
matiиre, comme la chaleur, qui est dans l'eau chaude, a une nature parfaite de
chaleur, non cependant un кtre parfait qui vient de l'application de la forme а
la matiиre, parce que la forme contraire а une telle qualitй demeure dans la
matiиre.
Et huiusmodi formae possunt ad modicum remanere post
actionem agentis; sed prohibentur diu permanere a contrario principio, quod est
in materia. Quaedam vero producuntur in materia et secundum imperfectam speciem et
secundum imperfectum esse, sicut lumen in aere a corpore lucido. Non enim lumen est in aere sicut
quaedam forma naturalis perfecta prout est in corpore lucido, sed magis per
modum intentionis. Unde sicut similitudo hominis non manet in speculo nisi
quamdiu est oppositum homini, ita nec lumen in aere, nisi apud praesentiam
corporis lucidi: huiusmodi enim intentiones dependent a formis naturalibus
corporum per se, et non solum per accidens; et ideo esse eorum non manet
cessante actione agentium. Huiusmodi ergo propter imperfectionem sui esse,
dicuntur esse in fieri; sed creaturae perfectae non dicuntur esse in fieri
propter sui esse imperfectionem, quamvis actio Dei earum factionis
indeficienter permaneat. Et de telles formes peuvent demeurer un peu aprиs l'action de l'agent,
mais elles sont empкchйes de demeurer longtemps par un principe contraire qui
est dans la matiиre. Mais certaines sont produites dans la matiиre et selon une
espиce et un кtre imparfaits, comme la lumiиre dans l'air par un corps
lumineux. Car la lumiиre n'est pas dans l'air comme une forme naturelle
parfaite selon qu'elle est dans un corps lumineux, mais plus par mode
d'intention. C'est pourquoi, de mкme que la ressemblance de l'homme ne demeure
dans le miroir qu'aussi longtemps qu'il est en face de lui, de mкme la lumiиre
n'est dans l'air que par la prйsence du corps lumineux; car de telles
intentions dйpendent des formes naturelles des corps par soi, et non seulement
par accident, et c'est pourquoi leur кtre ne demeure pas quand cesse l'action des
agents. Ainsi donc а cause de l'imperfection de leur кtre, on les appelle des
кtres en devenir; mais on ne dit pas que les crйatures parfaites sont dans le
devenir а cause de l'imperfection de leur кtre, quoique l'action de Dieu pour
leur production demeure sans dйfaillance.
q. 5 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod actio corporalis agentis non se extendit ultra motum,
et ideo est instrumentum primi agentis in eductione formarum de potentia in
actum, quae est per motum; non autem in conservatione earum, nisi quatenus ex
aliquo motu dispositiones in materia retinentur, quibus materia fit propria
formae: sic enim per motum corporum caelestium inferiora conservantur in esse. # 7. L'action de l'agent corporel ne s'йtend pas au-delа du mouvement;
et c'est pourquoi il est l'instrument du premier agent dans le passage des
formes de la puissance а l'acte, qui se fait par mouvement, mais pas dans leur
conservation, sinon dans la mesure oщ sont maintenues dans la matiиre par un
mouvement les dispositions par lesquelles la matiиre devient propre а la forme;
car ainsi, par le mouvement des corps cйlestes, les corps infйrieurs sont
conservйs dans l'кtre.
q. 5 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod creatura deficeret divina actione cessante, non propter
contrarium quod sit in materia, quia ipsum etiam cum materia cessaret: sed
propter hoc quod creatura est ex nihilo; non propter hoc quod nihilum aliquid
ageret ad corruptionem, sed non ageret ad conservationem. # 8. Que la crйature disparaisse si l'action divine cesse, n'est pas а
cause du contraire qui serait dans la matiиre, parce que lui-mкme cesserait en
mкme temps qu'elle, mais c'est parce que la crйature vient du nйant, non pas
parce que celui-ci la conduirait а la corruption, mais il n'agirait pas pour sa
conservation.
q. 5 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod ipse dator formarum si ponatur aliquid aliud praeter Deum,
secundum sententiam Avicennae, oportet quod et ipsum deficeret cessante actione
Dei, quae est sua causa. # 9. Si on pense que le pourvoyeur de formes est autre que Dieu, selon
l'opinion d'Avicenne, il faut que lui-mкme disparaisse quand cesse l'action de
Dieu, qui est sa cause.
q. 5 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod etiam praedicta actione cessante, forma deficeret, unde
non posset esse essendi principium. # 10. Si l'action susdite cessait, la forme disparaоtrait, c'est
pourquoi elle ne pourrait pas кtre le principe d'кtre.
q. 5 a. 1 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod materia dicitur ingenita quia non procedit in esse
per generationem: ex hoc tamen non removetur quin a Deo sit; cum omne
imperfectum oporteat a perfecto originem trahere. # 11. Il faut dire que la matiиre n'est pas engendrйe parce qu'elle ne
parvient pas а l'кtre par gйnйration; cependant cela n'empкche pas qu'elle
vienne de Dieu, puisque tout ce qui est imparfait doit tirer son origine d'un
[кtre] parfait.
q. 5 a. 1 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod non oportet inter opera Dei, uno contradictorie
oppositorum invento, aliud inveniri (sic enim esset inter ea aliquid increatum
cum sit ibi aliquid creatum) quamvis hoc verum sit de aliis oppositis. Ea vero
de quibus est obiectio, sunt contradictorie opposita; unde ratio non sequitur. # 12. Il ne faut pas, parmi les oeuvres de Dieu, si on trouve l'un des
opposйs en contradiction, en trouver un autre (car ainsi il y aurait entre eux
quelque chose d'incrйй, puisqu'il y lа quelque chose de crйй[11]), quoique cela
soit vrai des autres opposйs. Mais ce qui concerne l'objection, ce sont des
opposйs en contradiction; c'est pourquoi la raison n'est pas valable.
q. 5 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod licet quaelibet res naturaliter appetat sui
conservationem, non tamen quod a se conservetur, sed a sua causa. # 13. Bien que chaque chose dйsire naturellement sa conservation,
cependant ce n'est pas pour кtre conservйe par soi mais par sa cause.
q. 5 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod universitas creaturarum non est optima
simpliciter, sed in genere creatorum; unde nihil prohibet ea aliquid melius
esse. # 14. L'universalitй des crйatures n'est pas la meilleure dans
l'absolu, mais la meilleur est dans le genre des crйateurs; c'est pourquoi rien
n'empкche que quelque chose soit meilleur qu'elle.
q. 5 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod inter bona quorum congregatione status beatitudinis
perficitur, principium est coniunctio ad suam causam; cum ipsa Dei fruitio sit
creaturae rationalis beatitudo. # 15. Parmi les biens dont la rйunion achиve l'йtat de bйatitude, le
principe est l'union а la cause; puisque la jouissance de Dieu est la bйatitude
de la crйature rationnelle .
q. 5 a. 1 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod tendere in nihilum non est proprie motus naturae,
qui semper est in bonum, sed est ipsius defectus; unde ratio falsum supponebat. # 16. Tendre au nйant n'est pas proprement un mouvement de la nature,
qui est toujours pour le bien, mais c'est sa dйfaillance; c'est pourquoi cette
raison supposait une erreur.
q. 5 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod illius impressionis violentae agens violentum
est causa secundum fieri, et non simpliciter secundum esse, ut ex dictis patet:
unde cessante actione agentis, potest ad tempus remanere, sed non diu propter
eius imperfectionem. # 17. L'agent violent dans cette pression de la violence est la cause
selon le devenir, mais absolument pas selon l'кtre, comme cela se voit de ce
qui a йtй dit (solution du 6e argument); c'est pourquoi quand l'action de
l'agent cesse, elle peut demeurer pour un temps, mais pas longtemps а cause de
son imperfection.
q. 5 a. 1 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod sicut forma non potest esse principium essendi,
nisi aliquo priori principio praesupposito, ita nec operandi, cum Deus in
qualibet re operetur, ut in alia quaestione, ostensum est nec etiam
cognoscendi, cum omnis cognitio a lumine increato derivetur. # 18. De mкme que la forme ne peut кtre principe d'кtre que par quelque
principe prйcйdant prйsupposй, de mкme elle ne peut pas кtre principe pour
l'opйration, puisque Dieu opиre en toutes choses, comme on l'a montrй dans une
autre question (qu. 3, argument 6);[elle ne peut pas кtre] le principe de la
connaissance, puisque tout connaissance dйrive de la lumiиre incrййe.
[1] Parall.: Ia, qu. 104, a. 1 –
CG. III, 65, 94 – In Ion. Ch. 5, lectio 2 (n° 739-740) – In Hйbr. Ch. 1, lectio
2.
[2]
"...nous dйfinissons l'entier ( to olon) ce d'oщ rien ne manque... or
entier et achevй sont absolument de mкme nature ou а peu prиs." (Trad.H.
Carteron).
[3]
Les chiffres indiquent les propositions du syllogisme.
[4]
On trouve chez Augustin, le mкme texte de Jean (5, 17) en IV, X1, 20 et XX,
40?. Mais dans la rйfйrence donnйe ici on trouve le texte citй par Thomas dans
la solution de l'article.
[5]
"...le tout qui est engendrй, c'est une forme de telle nature, rйalisйe
dans telles chairs et dans tels os, Callias ou Socrate, autre que son
gйnйrateur, par la matiиre, qui est autre, mais identique а lui par la forme,
car la forme est indivisible." (Trad. J. Tricot)
[6]
"Comme de l'air qui, par la prйsence de la lumiиre, n'est pas dotй d'une
luminositй propre, mais devient lumineux, car s'il avait une luminositй propre
et ne devenait pas lumineux, il resterait lumineux mкme en l'absence de
lumiиre." Trad. BA. 49.
[7]
Ecclйsiaste 33,15:"Contemple donc toutes les oeuvres du trиs haut, toutes
vont par paire, en vis-а-vis". (B.J.) L'argument suppose qu'il y a un
opposй pour tous les aspects de l'кtre.
[8]
"Lui qui soutient l'univers par sa parole puissante." ( B.J.)
[9]
"...la fin, le "ce en vue de quoi" est fin de quelque action, et
toute action s'accompagne de mouvement." (p. 125-126)
[10]
"Il n'en est pas en effet de Dieu comme d'un architecte: la maison
achevйe, celui-ci s'en va, et, mкme lorsqu'il cesse d'agir et qu'il s'en est
allй, l'oeuvre subsiste; au contraire, le monde ne pourrait subsister, fыt-ce
l'instant d'un clin d'oeil, si Dieu lui retirait son concours." Trad. BA.
48.
[11]
Il veut dire que si on prend toutes les oppositions, on dire doit d'un tel кtre
qu'il est crйй, et donc celui qui est а l'opposй est un кtre incrйй.
Article 2: Dieu peut-il communiquer а une crйature le pouvoir de se
conserver dans l'кtre par soi et sans lui?
q. 5 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum Deus possit alicui creaturae communicare quod per se in
esse conservetur absque Deo. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 5 a. 2 arg. 1
Creare enim est maius quam per se in esse conservari. Sed creare potuit
creaturae communicari, ut Magister dicit in V dist., IV Sentent. Ergo et per se
in esse conservari. 1. Car crйer est plus important que d'кtre conservй dans l'кtre par
soi. Mais [le pouvoir de] crйer a pu кtre communiquй а la crйature, comme le
dit le Maоtre des Sentences, (IV Sent. d. 5[2]). Et aussi
le pouvoir d'кtre conservй dans l'кtre par soi. q. 5 a. 2 arg. 2
Praeterea, plus est in potestate rerum et Dei, quam in potestate intellectus
nostri. Sed intellectus noster potest intelligere creaturam absque Deo. Ergo
multo fortius Deus potest creaturae dare ut per se conservetur in esse. 2. Il y a plus dans le pouvoir des choses et celui de Dieu, que dans
celui de notre esprit. Mais celui-ci peut comprendre la crйature sans Dieu.
Donc Dieu, beaucoup plus, peut donner а la crйature le pouvoir de se conserver
dans l'кtre par soi. q. 5 a. 2 arg. 3 Praeterea, aliqua creatura est
ad imaginem Dei, ut patet Genesis I, 26. Sed secundum Hilarium imago est rei ad
rem coaequandam indiscreta et unita similitudo; et sic imago adaequare potest
id cuius est imago. Cum ergo Deus nullo exteriori conservante
indigeat, videtur quod hoc potuit creaturae communicare. 3. Une crйature est а l'image de Dieu, comme on le voit en Gn. 1, 26.
Mais selon Hilaire (Le livre des Synodes) l'image d'une chose est "la
ressemblance indivisible, et unie pour l'йgaler." Et ainsi l'image peut
йgaler ce dont elle est l'image. Donc comme Dieu n'a pas besoin de quelque
chose d'extйrieur qui le conserve, il semble qu'il a pu communiquer ce pouvoir
а la crйature. q. 5 a. 2 arg. 4
Praeterea, quanto agens est perfectius, tanto potest perfectiorem effectum
producere. Sed agentia naturalia possunt effectus facere qui conserventur in
esse sine agentibus. Ergo multo fortius Deus potest hoc facere. 4. Plus l'agent est parfait, plus l'effet qu'il peut produire est
parfait. Mais les agents naturels peuvent produire des effets qui sont
conservйs dans l'кtre sans leurs agents. Donc Dieu peut le faire beaucoup plus. En sens contraire: q.
5 a. 2 s. c. Sed contra. Deus non potest aliquid facere in diminutionem
suae auctoritatis. Hoc autem suo dominio praeiudicaret, si aliquid absque
ipsius conservatione posset esse. Ergo Deus hoc facere non potest. Dieu ne peut rien faire qui diminuerait son autoritй. Cela porterait
prйjudice а sa puissance, si un кtre pouvait exister sans кtre conservй par
lui. Donc Dieu ne peut pas le faire. Rйponse: q. 5 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod ad omnipotentiam Dei non pertinet quod possit facere
duo contradictoria esse simul. In hoc autem quod dicitur quod Deus faciat
aliquid quod eius conservatione non indigeat, contradictio implicatur. Iam enim
ostensum est quod omnis effectus a sua causa dependet, secundum quod est eius
causa. In hoc ergo quod dicitur, quod Dei conservatione non indigeat, ponitur
non esse creatum a Deo; in hoc quod dicitur, quod Deus faciat ipsum, ponitur
esse creatum. Il ne convient pas а la toute puissance de Dieu de pouvoir faire que
deux choses contradictoires existent en mкme temps. Dire que Dieu fait quelque
chose qui n'a pas besoin de sa conservation implique une contradiction. Car,
dйjа on a montrй que tout effet dйpend de sa cause, en tant que tel. Quand on
dit: "Une chose n'a pas besoin de la conservation de Dieu", on pense
qu'elle n'a pas йtй crййe par lui, et quand on dit: "Dieu la fasse",
on pense qu'elle a йtй crййe. Sicut ergo contradictionem implicaret, Deum facere aliquid
quod non esset creatum ab eo, ita si quis diceret Deum facere aliquid quod eius
conservatione non indigeret. Unde utrumque pari ratione Deus non potest. Donc que Dieu fasse que quelque chose qui ne soit pas crйй par lui,
impliquerait une contradiction, de la mкme maniиre si on disait que Dieu fait
une crйature qui n'aurait pas besoin de son pouvoir de conservation. C'est
pourquoi, а raison йgale, Dieu ne peut faire ni l'un, ni l'autre. Solutions: q. 5 a. 2 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod cum creare sit aliquid causare; non indigere autem
alterius conservatione, non sit nisi eius quod causam non habet: manifestum est
quod maius est non indigere conservari ab alio quam creare; sicut maius est
causam non habere quam causam esse; licet et hoc non sit usquequaque verum,
quod creare creaturae sit communicabile, secundum quod est actus primi agentis,
ut in alia quaestione 3, dictum est. # 1. Comme crйer c'est causer quelque chose; ne pas avoir besoin de la
conservation d'un autre n'existerait que pour ce qui n'a pas de cause: il est
clair qu'il est plus grand de ne pas avoir besoin d'кtre conservй par un autre
que crйer; de mкme il est plus important de ne pas avoir de cause que d'кtre
cause; bien qu'il ne soit pas toujours vrai que crйer soit communicable а la
crйature, en tant qu'acte du premier agent, comme on l'a dit dans une autre
question (qu. 3, a. 4). q. 5 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod quamvis intellectus possit intelligere creaturam non
intelligendo Deum, non tamen potest intelligere creaturam non conservari in
esse a Deo; hoc enim implicat contradictionem, sicut et creaturam non esse
creatam a Deo, ut dictum est. # 2. Quoique l'esprit puisse comprendre (intelligere) la crйature sans
comprendre Dieu, cependant on ne peut pas comprendre que la crйature ne soit
pas conservйe par Dieu; car cela implique une contradiction, de mкme que
comprendre que la crйature n'a pas йtй crййe par Dieu, comme on l'a dit (qu. 3,
a. 5). q. 5 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod aequalitas non est de ratione imaginis absolute, sed
perfectae; qualis Dei imago non est creatura, sed filius; unde ratio non
sequitur. # 3. L'йgalitй n'appartient pas dans l'absolu а la dйfinition de
l'image, mais а celle de l'image parfaite; une telle image de Dieu n'est pas
une crйature, mais le Fils. C'est pourquoi cette raison ne convient pas[3]. q. 5 a. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod responsio patet per ea quae dicta sunt in praecedenti. # 4. La rйponse est йclairйe par ce qui a йtй dit prйcйdemment.
[1] Parall.: Ia, qu. 104,
a. 1, ad 2 – a. 2, ad 2 – CG. II, 25
– Veritate. qu. 5, a. 8, ad 8 – I Sent. d37q1a1 – d47a4. [2]
Cf. Pot. qu. 3, a. 4, oщ Thomas ne l'admet pas, aprиs avoir hйsitй dans le
Commentaire des Sentences. [3]
Le Fils est l'image parfaite, la crйature une image relative
Article 3: Dieu peut-il ramener la crйature au nйant?
q. 5 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum Deus possit creaturam in nihilum redigere. Et videtur
quod non.
Il semble que non.
Objections[1]:
q. 5 a. 3 arg. 1
Dicit enim Augustinus in Lib. LXXXIII quaestionum, quod Deus non est causa
tendendi in non esse. Hoc autem esset, si creaturam annihilaret. Ergo Deus non
potest creaturam in nihilum redigere. 1. Car Augustin, dans le livre des 83 questions (qu. 21[2]), dit que
Dieu n'est pas la cause de la tendance au non-кtre. Or cela serait, s'il
ramenait la crйature au nйant. Donc Dieu ne peut pas ramener la crйature au
nйant.
q. 5 a. 3 arg. 2
Praeterea, creaturae corruptibiles, quae inter ceteras sunt debilioris esse,
non desinunt esse nisi per actionem alicuius causae agentis, sicut ignis
corrumpitur aliquo contrario agente in ipsum. Multo minus igitur aliae creaturae possunt desinere nisi per aliquam
actionem. Si ergo Deus aliquam creaturam annihilaret, hoc non fieret nisi per
aliquam actionem. Per actionem autem hoc fieri est impossibile. Nam
omnis actio sicut est ab ente actu, ita in ens actu terminatur, cum oporteat
factum esse simile facienti. Actio autem qua aliquid ens actu constituitur, non
omnino in nihilum redigit. Ergo Deus non potest aliquid annihilare. 2. Les crйatures corruptibles, qui, parmi les autres, ont un кtre plus
faible, ne cessent d'exister que par l'action d'une cause efficiente; ainsi le
feu est corrompu par un agent contraire en lui. Donc les autres crйatures
beaucoup moins ne peuvent cesser que par quelque action. Si donc Dieu ramenait
une crйature au nйant, cela ne se ferait que par une action. Mais c'est
impossible que cela soit fait par une action. Car toute action, de mкme qu'elle
vient d'un йtant en acte, se termine de mкme dans un йtant en acte, puisqu'il
faudrait que le produit soit а la ressemblance de celui qui le fait. Mais
l'action par laquelle un йtant est йtabli en acte, ne ramиne absolument pas au
non кtre. Donc Dieu ne peut rien ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 3
Praeterea, omne quod est per accidens, reducitur ad id quod est per se. Sed a
nulla causa agente est defectus et corruptio nisi per accidens, cum nihil
operetur nisi intendens ad bonum, ut Dionysius dicit: unde et ignis corrumpens
aquam, non intendit privationem formae aquae, sed formam propriam in materiam
introducere. Ergo non potest ab aliquo agente causari aliquis defectus, quin
simul aliqua perfectio constituatur. Ubi autem aliqua perfectio constituitur,
ibi non est annihilatio. Ergo Deus non potest aliquid annihilare. 3. Tout ce qui existe par accident est ramenй а ce qui est par soi.
Mais la dйfaillance et la corruption ne viennent d'aucune cause efficiente,
sinon par accident, puisque rien n'opиre sinon qu'en tendant au bien, comme le
dit Denys (Les noms divins, 4). C'est
pourquoi, le feu qui dйnature l'eau, ne tend pas а la privation de la forme de
l'eau, mais а introduire une forme propre dans la matiиre. Donc une dйfaillance
ne peut кtre causйe par un agent qu'en constituant une perfection en mкme
temps. Lа oщ est йtablie une perfection, il n'y a pas de retour au nйant. Donc
Dieu ne peut rien ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 4
Praeterea, nihil agit nisi propter finem. Finis enim est quod movet efficientem.
Finis autem divinae actionis est eius bonitas: quod quidem esse potest in rerum
productione, per quam res similitudines divinae bonitatis consequuntur: non
autem in annihilatione, per quam annihilatum omnino a Dei similitudine
recederet. Ergo Deus non potest aliquid annihilare. 4. Rien n'agit qu'en vue d'une fin. Car la fin est ce qui met en
mouvement [la cause] efficiente. La fin de l'action divine est sa bontй: ce qui
peut exister dans la production des crйatures, par laquelle elles obtiennent la
ressemblance de la divine bontй, mais pas dans leur annihilation, par laquelle
ce qui est retournй au nйant s'йloignerait tout а fait de la ressemblance а
Dieu. Donc Dieu ne peut rien ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 5
Praeterea, manente causa, necesse est permanere causatum. Si enim non est
necesse, possibile erit causatum esse et non esse posita causa; et sic
indigebitur alio quo causatum ad esse determinetur; et ita causa sufficiens non
erit ad esse causati. Sed Deus est sufficiens causa rerum. Ergo Deo manente
necesse est res in esse manere. Sed Deus non potest facere quin ipse in esse
maneat. Ergo non potest creaturas reducere in non esse. 5. Tant que la cause demeure, il est nйcessaire que l'effet demeure.
Car, si ce n'est pas nйcessaire, il sera possible que l'effet existe et
n'existe pas, une fois posйe la cause; et ainsi il aura besoin d'un autre par
lequel l'effet est dйterminй а l'кtre; et ainsi la cause ne sera pas suffisante
pour l'кtre de l'effet. Mais Dieu est la cause suffisante des кtres. Donc,
comme Dieu demeure, il est nйcessaire que les choses demeurent dans l'кtre.
Mais Dieu ne peut pas faire que lui-mкme demeure dans l'кtre. Donc il ne peut
pas ramener les crйatures au non кtre.
q. 5 a. 3 arg. 6 Sed
dicebatur, quod Deus non erit causa in actu, cum creaturae erunt annihilatae.-
Sed contra, divina actio est eius esse; unde et Augustinus, vult quod in
quantum Deus est, nos simus. Suum autem esse nunquam ei advenit. Ergo nunquam
desinit esse in sua actione; et ita semper erit causa in actu. 6. Mais on pourrait dire que Dieu ne sera pas une cause en acte,
lorsque les crйatures retourneront au nйant. – En sens contraire, l'action
divine est celle de son кtre; c'est pourquoi Augustin (La Doctrine chrйtienne,
I, 32[3]) veut que nous existions en tant que Dieu est. Mais son кtre ne lui
est jamais advenu. Donc jamais il ne cesse d'кtre en son action et ainsi il
sera toujours une cause en acte.
q. 5 a. 3 arg. 7
Praeterea, Deus non potest facere contra communes animi conceptiones, sicut
quod totum non sit maius sua parte. Communis autem animi conceptio est apud
sapientes, animas rationales perpetuas esse. Ergo Deus non potest facere quod
in nihilum redigantur. 7. Dieu ne peut agir contre les conceptions communes de l'esprit, comme
que le tout ne soit pas plus grand que sa partie[4]. Mais la conception commune
de l'esprit chez les sages est que les вmes rationnelles sont йternelles. Donc
Dieu ne peut pas faire qu'elles retournent au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 8
Praeterea, Commentator dicit in XI Metaph., quod id quod est in se possibile
esse et non esse, non potest necessitatem essendi ab alio acquirere. Quaecumque
ergo creaturae habent necessitatem essendi, in eis non est possibilitas ad esse
et non esse. Huiusmodi autem sunt omnia incorruptibilia, ut sunt substantiae
incorporeae et corpora caelestia. Ergo omnibus his non est possibilitas ad non
esse. Si ergo sibi relinquantur, divina actione subtracta, non deficient in non
esse; et sic Deus non videtur quod possit ea annihilare. 8. Le Commentateur dit (La mйtaphysique XI а propos de la Mйtaphysique d'Aristote, XII, com. 41)
que ce qui a possibilitй d'кtre et ne pas кtre, ne peut pas acquйrir sa
nйcessitй d'кtre d'un autre. Donc toutes les crйatures qui ont la nйcessitй
d'кtre n'ont pas en elles la possibilitй d'кtre et ne pas кtre. Tout ce qui est
incorruptible est de ce genre, comme les substances incorporelles et les corps
cйlestes. Donc tous ceux-lа n'ont pas de possibilitй au non кtre. En
consйquence, s'ils sont laissйs а eux-mкmes une fois l'action divine йcartйe,
ils ne tomberont pas dans le non кtre et ainsi Dieu ne semble pas pouvoir les
ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 9 Praeterea, quod recipitur in
aliquo, non tollit potentiam recipientis; sed potest eam perficere. Si ergo
aliquid sit possibilitatem habens ad non esse, nihil in eo receptum hanc
possibilitatem ei auferre poterit. Ergo quod est in se possibile non esse, non
poterit ab aliquo necessitatem essendi acquirere. 9. Ce qui est reзu dans quelque chose, n'enlиve pas la puissance de ce
qui reзoit, mais il peut la parfaire. Donc si quelque chose se trouve avoir la
possibilitй au non кtre, rien de ce qui est reзu en lui ne pourra enlever cette
possibilitй. En consйquence ce qui a possibilitй en soi de ne pas кtre, ne
pourra acquйrir la nйcessitй d'кtre d'un autre.
q. 5 a. 3 arg. 10
Praeterea, ea secundum quae aliqua genere diversificantur, sunt de essentia rei;
nam genus pars definitionis est. Secundum autem corruptibile et incorruptibile
aliqua genere differunt, ut patet in X Metaph. Ergo sempiternitas et
incorruptibilitas est de essentia rei. Deus autem non potest alicui rei auferre
quod est de essentia eius; non enim potest facere quod homo existens homo, non
sit animal. Ergo non potest rebus incorruptibilibus sempiternitatem auferre; et
ita non potest ea ad nihilum redigere. 10. Ce qui diffйrentie les genres, appartient а l'essence, car le genre
est une partie de la dйfinition. Mais certaines choses diffиrent en genre selon
le corruptible et l'incorruptible, comme on le voit en Mйtaphysique (X, 10, 1059 a 27[5]). Donc la durйe йternelle et
l'incorruptibilitй appartiennent а l'essence de l'кtre. Dieu ne peut pas
enlever а un кtre ce qui appartient а son essence; car il ne peut pas faire
qu'un homme qui existe en tant qu'homme ne soit pas un animal[6]. Donc il ne
peut enlever la durйe йternelle aux кtres incorruptibles, et ainsi il ne peut
pas les ramener au nйant.
q. 5 a. 3 arg. 11
Praeterea, corruptibile nunquam potest mutari ut fiat incorruptibile secundum
suam naturam; nam incorruptibilitas corporum resurgentium non est naturae sed
gloriae; et hoc ideo est, quia corruptibile et incorruptibile differunt genere,
ut dictum est. Si autem quod est in se possibile non esse, ab aliquo
necessitatem essendi posset acquirere, corruptibile posset in incorruptibilitatem
mutari. Ergo impossibile est esse aliquid quod in se sit possibile non esse, et
acquirat necessitatem ab alio; et sic idem quod prius. 11. Le corruptible ne peut jamais кtre changй pour devenir
incorruptible par nature; car l'incorruptibilitй des corps ressuscitйs ne vient
pas de la nature mais de la gloire, et c'est parce que le corruptible et
l'incorruptible diffиrent en genre comme on l'a dit. Mais si ce qui a en soi
possibilitй de ne pas кtre pouvait acquйrir sa nйcessitй d'кtre de quelque
chose, la corruptibilitй pourrait кtre changйe en incorruptibilitй. Donc il est
impossible qu'il y ait quelque chose qui a en soi la possibilitй acquiert la
nйcessitй d'un autre et ainsi de mкme que plus haut.
q. 5 a. 3 arg. 12
Praeterea, si creaturae non habent necessitatem nisi secundum quod dependent a
Deo, a Deo autem dependent secundum quod Deus est earum causa; non habebunt
necessitatem nisi per modum qui competit causalitati qua Deus eorum causa est. Deus autem est rerum causa non per necessitatem, sed
per voluntatem, ut est in alia quaestione, ostensum. Sic ergo erit necessitas
in rebus sicut in his quae a voluntate causantur. Ea autem quae sunt a
voluntate, non simpliciter et absolute sunt necessaria, sed solum necessitate
conditionata, eo quod voluntas non necessario determinatur ad unum effectum.
Ergo sequitur quod in rebus nihil est necessarium absolute, sed solum sub
conditione; sicut est necesse Socratem moveri, si currit; vel ambulare, si
vult, nullo impedimento existente. Ex quo videtur sequi quod nihil sit in
creaturis simpliciter incorruptibile, sed omnia sint corruptibilia; quod est
inconveniens. 12. Si les crйatures n'ont de nйcessitй qu'en tant qu'elle dйpendent de
Dieu, elles dйpendent de lui selon qu'il est leur cause; elles n'auront de
nйcessitй que par le mode qui convient а la causalitй par laquelle Dieu est
leur cause. Mais il est la cause des кtres non par nйcessitй, mais par volontй,
comme on l'a montrй dans une autre question (Pot. 3, 15). Donc il y aura
nйcessitй dans les choses comme dans ce qui est causй par la volontй. Mais ce
qui dйpend de la volontй, n'est pas simplement et absolument nйcessaire, mais
seulement d'une nйcessitй conditionnelle, parce que la volontй n'est pas
dйterminйe nйcessairement а un seul effet. Donc il en dйcoule que, dans les
crйatures, rien n'est absolument nйcessaire, mais seulement sous condition, de
mкme qu'il est nйcessaire que Socrate soit en mouvement s'il court, ou se
promиne, s'il veut, s'il n'existe aucun empкchement. Il semble en dйcouler que
rien n'est dans les crйatures absolument incorruptible, mais que tout est
corruptible, ce qui ne convient pas.
q. 5 a. 3 arg. 13
Praeterea, sicut Deus est summum bonum, ita est perfectissimum ens. Sed in
quantum est summum bonum, ei convenit quod non possit esse causa mali culpae.
Ergo in quantum est perfectissimum ens, non ei competit quod possit esse causa
annihilationis rerum. 13. Dieu est le souverain bien, il est aussi l'йtant absolument
parfait. Mais dans la mesure oщ il est le souverain bien, il lui appartient de
ne pas pouvoir кtre cause du mal de la faute. Donc en tant qu'йtant absolument
parfait, il ne lui revient pas de pouvoir кtre cause du retour au nйant des
кtres.
q. 5 a. 3 arg. 14
Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus est adeo bonus quod nunquam permitteret
aliquid mali fieri, nisi esset adeo potens quod de quolibet malo posset elicere
aliquod bonum. Sed si creaturae annihilarentur, nullum bonum inde eliceretur.
Ergo Deus non potest hoc permittere quod creaturae in nihilum decidant. 14. Augustin dit (Enchiridion,
XI) que Dieu est si bon que jamais il ne permettrait que quelque chose de mal
soit fait, а moins qu'il ne soit assez puissant pour pouvoir tirer un bien de
n'importe quel mal. Mais si les crйatures retournaient au nйant, il ne pourrait
en tirer aucun bien. Donc Dieu ne peut pas permettre que les crйatures
retombent dans le nйant.
q. 5 a. 3 arg. 15
Praeterea, non minor distantia est in nihilum de ente, quam de nihilo in esse.
Sed reducere aliquid de nihilo in esse, est potentiae infinitae, propter
distantiam infinitam. Ergo reducere de esse in nihil, non est nisi potentiae
infinitae. Nulla autem creatura habet potentiam infinitam. Ergo subtracta
actione creatoris, creatura non poterit in nihilum reduci. Quo quidem solo modo
dicebatur Deus res posse annihilare, scilicet per suae actionis subtractionem.
Nullo ergo modo Deus potest creaturas in nihilum redigere. 15. La distance n'est pas plus pe tite de l'кtre au nйant, que du nйant
а l'кtre. Mais amener quelque chose du nйant а l'кtre demande une puissance
infinie, а cause de la distance infinie. Donc amener de l'кtre au nйant, ne
dйpend que d'une puissance infinie. Mais aucune crйature n'a de puissance
infinie. Donc, si on exclut l'action du Crйateur, la crйature ne pourra pas
retourner au nйant. C'est de cette seule maniиre qu'on disait que Dieu pouvait
ramener au nйant, а savoir en retirant son action. Donc Dieu ne peut pas
ramener les crйatures au nйant.
En sens contraire:
q. 5 a. 3 s. c. 1
Sed contra. Est quod Origenes dicit in periarchon: quod datum est, auferri
atque recedere potest. Sed esse, datum est creaturae a Deo. Ergo potest auferri;
et sic Deus potest creaturas in nihilum redigere. 1. Origиne dit dans le Periarchon: "Ce qui a йtй donnй, peut кtre
enlevй et se retirer". Mais l'кtre est donnй par Dieu а la crйature. Donc
il peut кtre enlevй, et ainsi Dieu peut ramener les crйatures au nйant.
q. 5 a. 3 s. c. 2
Praeterea, illud quod dependet ex simplici Dei voluntate, potest, etiam, Deo
volente, cessare. Sed totum esse creaturae dependet ex simplici Dei voluntate;
cum Deus per suam voluntatem sit causa rerum, et non per naturae necessitatem.
Ergo, Deo volente, possunt creaturae in nihilum redigi. 2. Ce qui dйpend de la volontй absolue de Dieu peut aussi cesser, s'il
le veut. Mais tout l'кtre de la crйature dйpend de la volontй absolue de Dieu,
puisqu'il est leur cause par sa volontй, et non par nйcessitй de nature. Donc,
si Dieu le veut, les crйatures peuvent кtre ramenйes au nйant.
q. 5 a. 3 s. c. 3
Praeterea, Deus non est plus debitor creaturis postquam esse incoeperunt, quam
antequam esse inciperent. Sed antequam creaturae inciperent, absque omni
praeiudicio suae bonitatis poterat cessare ad hoc quod esse creaturis
communicaret, quia sua bonitas in nullo a creaturis dependet. Ergo Deus potest
absque praeiudicio suae bonitatis suam actionem a rebus creatis subtrahere; quo
posito in nihilum deciderent, ut in praecedenti articulo ostensum est. Potest
ergo Deus res annihilare. 3. Dieu n'est pas plus dйbiteur envers les crйatures, aprиs qu'elles
ont commencй а кtre qu'avant. Mais avant qu'elles aient commencй, sans aucun
prйjudice pour sa bontй, il pouvait cesser de communiquer l'кtre aux crйatures,
parce que sa bontй ne dйpend d'elle en rien. Donc Dieu peut, sans prйjudice pour
sa bontй, retirer son action des crйatures; cela йtabli, elles retourneraient
au nйant, comme on l'a montrй dans l'article prйcйdant. Dieu peut donc ramener
les crйatures au nйant.
q. 5 a. 3 s. c. 4
Praeterea, eadem actione Deus res in esse produxit et eas in esse conservat, ut
supra ostensum est. Sed Deus potuit res in esse non producere. Ergo eadem
ratione potest eas annihilare. 4. Par la mкme action, Dieu amиne les choses а l'кtre et les y
conserve, comme on l'a montrй plus haut. Mais il aurait pu ne pas les amener а
l'кtre. Donc, pour la mкme raison, il peut les ramener au nйant.
Rйponse:
Dupliciter ergo potest contingere quod in natura alicuius
rei non sit possibilitas ad non esse.
Uno modo per hoc quod res illa sit forma tantum subsistens
in esse suo, sicut substantiae incorporeae, quae sunt penitus immateriales. Si
enim forma ex hoc quod inest materiae, est principium essendi in rebus
materialibus, nec res materialis potest non esse nisi per separationem formae;
ubi ipsa forma in esse suo subsistit nullo modo poterit non esse; sicut nec
esse potest a se ipso separari. Donc il peut arriver de deux maniиres que, dans la nature d'une chose,
il n'y ait pas de possibilitй au non кtre:
1) Par la fait qu'elle est seulement une forme subsistante en son кtre,
comme les substances incorporelles, qui sont tout а fait immatйrielles. Car si
la forme, du fait qu'elle est dans la matiиre, est principe d'кtre dans ce qui
est matйriel, cela ne peut pas ne pas exister, sinon par sйparation de la forme;
lа oщ la forme mкme subsiste en son кtre, elle ne pourra en aucune maniиre ne
pas кtre; ainsi son кtre ne peut pas en кtre sйparй.
Alio modo per hoc
quod in materia non sit potentia ad aliam formam, sed tota materiae
possibilitas ad unam formam terminetur; sicut est in corporibus caelestibus, in
quibus non est formarum contrarietas. 2) Par le fait que, dans la matiиre, il n'y a pas de puissance а une
autre forme, mais toute la possibilitй de la matiиre se termine а une seule
forme, comme dans les corps cйlestes, dans lesquels il n'y a pas de formes
contraires.
Illae ergo solae res in sua natura possibilitatem habent ad
non esse, in quibus est materia contrarietati subiecta. Aliis vero rebus
secundum suam naturam competit necessitas essendi, possibilitate non essendi ab
earum natura sublata. Nec tamen per hoc removetur quin necessitas
essendi sit eis a Deo, quia unum necessarium alterius causa esse potest, ut
dicitur in V Metaphysic. Ipsius enim naturae creatae cui competit
sempiternitas, causa est Deus. In illis etiam rebus in quibus est possibilitas
ad non esse, materia permanet; formae vero sicut ex potentia materiae educuntur
in actum in rerum generatione, ita in corruptione de actu reducuntur in hoc
quod sint in potentia. Unde
relinquitur quod in tota natura creata non est aliqua potentia, per quam sit
aliquid possibile tendere in nihilum. Donc les seules choses en leur nature ont la possibilitй а ne pas кtre
sont celles en quoi la matiиre est soumise а la contrariйtй. Mais la nйcessitй
d'кtre appartient а d'autres choses selon leur nature, une fois enlevйe de leur
nature la possibilitй de ne pas кtre. Et cependant par cela il n'est pas exclu
que la nйcessitй d'кtre leur vienne de Dieu, parce qu'une chose nйcessaire peut
кtre cause d'une autre, comme on le dit (Mйtaphysique,
V, 5, 1015 b 10[8]). Car la cause de la nature crййe, а qui appartient
l'йternitй, est Dieu. Dans ce en quoi il y a possibilitй au non кtre, la
matiиre demeure, mais les formes sont comme йduites de la puissance de la
matiиre en acte dans la gйnйration, de mкme dans la corruption, elles sont
ramenйes de l'acte а la puissance. C'est pourquoi il reste que dans toute la
nature crййe, il n'y a pas de puissance par laquelle quelque chose puisse
tendre au nйant.
Si autem recurramus ad potentiam Dei facientis, sic
considerandum est, quod dupliciter dicitur aliquid Deo esse impossibile:
uno modo quod est secundum se impossibile, quod quia non
natum est alicui potentiae subiici; sicut sunt illa quae contradictionem
implicant.
Alio modo ex eo quod est necessitas ad oppositum; quod
quidem dupliciter contingit in aliquo agente. Mais si nous recourons а la puissance de Dieu crйateur, il faut
considйrer alors qu'il y a deux maniиres de dire que quelque chose est
impossible а Dieu.
1) D'une premiиre maniиre, ce qui est impossible en soi, parce que ce
n'est pas destinй а кtre soumis а une puissance: comme est ce qui implique une
contradiction.
2) D'une autre maniиre, de ce qui est nйcessitй pour l'opposй; ce qui
arrive de deux maniиres dans un agent:
Uno modo ex parte potentiae activae naturalis, quae
terminatur ad unum tantum sicut potentia calidi ad calefaciendum; et hoc modo
Deus pater necessario generat filium, et non potest non generare.
Alio modo ex parte finis ultimi in quem quaelibet res de
necessitate tendit; sicut et homo de necessitate vult beatitudinem, et
impossibile est eum velle miseriam; et similiter Deus vult de necessitate suam
bonitatem, et impossibile est eum velle illa cum quibus sua bonitas esse non
potest; sicut dicimus quod impossibile est Deum mentiri aut velle mentiri. a) D'une premiиre maniиre du cфtй de la puissance active naturelle, qui
se termine а un effet seulement, comme la puissance du chaud pour rйchauffer;
et de cette maniиre, Dieu le Pиre engendre nйcessairement le Fils et il ne peut
pas ne pas l'engendrer.
b) D'une autre maniиre, du cфtй de la fin derniиre а laquelle tout tend
par nйcessitй; ainsi l'homme veut nйcessairement sa bйatitude, et il est
impossible qu'il veuille le malheur, et de la mкme maniиre Dieu veut
nйcessairement sa bontй, et il est impossible qu'il veuille ce avec quoi sa
bontй ne peut pas exister, de mкme que nous disons qu'il est impossible que
Dieu mente ou veuille mentir.
Creaturas autem simpliciter non esse, non est in se
impossibile quasi contradictionem implicans, alias ab aeterno fuissent. Et hoc
ideo est, quia non sunt suum esse, ut sic cum dicitur, creatura non est omnino,
oppositum praedicati includatur in definitione, ut si dicatur, homo non est
animal rationale: huiusmodi enim contradictionem implicant, et sunt secundum se
impossibilia. Similiter Deus non producit creaturas ex necessitate naturae ut
sic potentia Dei determinetur ad esse creaturae, ut in alia quaestione, est
probatum. Similiter etiam nec bonitas Dei a creaturis dependet, ut sine
creaturis esse non possit: quia per creaturas nihil bonitati divinae adiungitur Mais que les crйatures n'existent absolument pas n'est pas impossible
en soi, comme si cela impliquait une contradiction, autrement elles auraient
exister de toute йternitй. Parce qu'elles ne sont pas leur кtre, comme quand on
dit que la crйature n'existe absolument pas, l'opposй du prйdicat est inclus
dans la dйfinition, comme si on disait que l'homme n'est pas un animal
rationnel, car les propositions de ce genre impliquent une contradiction, et
sont en soi impossibles. De la mкme maniиre Dieu ne produit pas les crйatures
par nйcessitй de nature, de sorte que sa puissance soit ainsi limitйe а l'кtre
de la crйature, comme on l'a prouvй dans une autre question (3 a. 15). De mкme
aussi la bontй de Dieu ne dйpend pas des crйatures, de sorte qu'il ne puisse
exister sans crйatures, parce qu'elles n'ajoutent rien а sa bontй.
Relinquitur ergo quod non est impossibile Deum res ad non
esse reducere; cum non sit necessarium eum rebus esse praebere, nisi ex
suppositione suae ordinationis et praescientiae, quia sic ordinavit et
praescivit, ut res in perpetuum in esse teneret. Il reste donc qu'il n'est pas impossible que Dieu ramиne les crйatures
au non кtre, puisqu'il n'est nйcessaire qu'il leur fournisse l'кtre, que dans
l'hypothиse de sa disposition et de sa prescience, parce qu'il a ordonnй ainsi
et prйconзu que les choses demeureraient en l'кtre йternellement
Solutions:
q. 5 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod si creaturas Deus in nihilum redigeret, non esset
causa tendendi in non esse; hoc enim non contingeret per hoc quod ipse causaret
non esse in rebus, sed per hoc quod desineret rebus dare esse. # 1. Si Dieu ramenait les crйatures au nйant, il ne serait pas cause de
la tendance au non-кtre, car cela n'arriverait pas parce qu'il causerait le non
кtre dans les crйatures, mais parce qu'il cesserait de leur donner l'кtre.
q. 5 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod res corruptibiles desinunt esse per hoc quod earum
materia aliam formam recipit, cum qua forma prior stare non potest; et ideo ad
earum corruptionem requiritur actio alicuius agentis, per quam forma nova
educatur de potentia in actum. Sed si Deus res in nihilum redigeret, non esset
ibi necessaria aliqua actio, sed solum hoc quod desisteret ab actione qua rebus
tribuit esse; sicut absentia actionis solis illuminantis causat lucis
privationem in aere. # 2. Les choses corruptibles cessent d'exister du fait que leur matiиre
reзoit une autre forme, avec laquelle la premiиre ne peut pas demeurer, et
c'est pourquoi pour leur corruption est requise l'action d'un agent par
laquelle une forme nouvelle passe de la puissance а l'acte. Mais si Dieu
ramenait les choses au nйant, aucune action ne serait nйcessaire, mais il
renoncerait seulement а l'action par laquelle il leur a attribuй l'кtre; ainsi
l'absence d'action du soleil qui йclaire cause le manque de lumiиre dans l'air.
q. 5 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ratio illa procederet, si Deus agendo, res annihilare
posset; quod quidem non est; sed magis ab actione desistendo, ut dictum est. # 3. Cette raison conviendrait si Dieu en agissant, pouvait ramener les
choses au nйant; ce qui n'est pas le cas, mais plutфt en renonзant а son
action, comme on l'a dit.
q. 5 a. 3 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod ubi non est actio, non est necessarium finem requirere. Sed quia
ipsum desistere ab actione non potest esse in Deo, nisi per suam voluntatem,
quae non est nisi finis, posset in ipsa annihilatione rerum finis aliquis
inveniri; ut sicut in productione rerum, finis est manifestatio copiae divinae
bonitatis, ita in rerum annihilatione finis esse potest sufficientia suae
bonitatis, quae in tantum est sibi sufficiens, ut nullo exteriori indigeat. # 4. Lа oщ il n'y a pas d'action, il n'est pas nйcessaire de chercher
la fin. Mais parce que renoncer а l'action ne peut exister en Dieu que par sa
volontй, qui n'est que sa fin, on pourrait dans cet anйantissement de la fin
trouver une fin, de mкme que dans la production des choses, la fin est la manifestation
de l'abondance de la bontй divine, de la mкme maniиre dans leur annihilation,
la fin peut кtre la suffisance de sa bontй, qui lui est suffisante en tant
qu'il n'a besoin de rien d'extйrieur.
q. 5 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod effectus a causa sequitur, et est secundum modum causae;
unde effectus voluntatem consequentes, tunc a voluntate procedunt quando
voluntas statuit esse procedendum; non autem de necessitate quando voluntas
est. Et ideo, quia creaturae procedunt a Deo per voluntatem, tunc esse habent
cum Deus vult eas esse; non de necessitate, quandocumque Dei voluntas est;
alias ab aeterno fuissent. # 5. L'effet dйcoule de la cause et existe selon son mode, c'est
pourquoi les effets qui dйcoulent de la volontй, procиdent d'elle quand elle a
dйcidй qu'il fallait le produire; mais non par nйcessitй, quand il y a volontй.
Et parce que les crйatures procиdent de Dieu par volontй, elles ont l'кtre
quand il veut qu'elles existent; non par nйcessitй, mais chaque fois que c'est
sa volontй, autrement elles auraient existй de toute йternitй.
q. 5 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod in
actione Dei qua res producit, duo est considerare: scilicet ipsam substantiam
operationis, et ordinem ad effectum. Substantia quidem operationis, cum sit
divina essentia, aeterna est, nec potest non esse; ordo autem ad effectum,
dependet ex voluntate divina: ex qualibet enim actione facientis non sequitur
effectus nisi secundum exigentiam principii actionis; secundum enim modum
caloris ignis calefacit. Unde cum principium factorum a Deo sit voluntas,
secundum hoc in actione divina est ordo ad effectum, prout voluntas determinat.
Et ideo quamvis actio Dei cessare non possit secundum suam substantiam, ordo
tamen ad effectum cessare posset, si Deus vellet. # 6. Dans l'action de Dieu, par laquelle il produit les crйatures, il
faut considйrer deux points de vue: а savoir la substance de l'opйration et la
relation а l'effet. Comme la substance de l'opйration est l'essence de Dieu,
elle est йternelle et elle ne peut pas ne pas exister, mais la relation а
l'effet dйpend de la volontй divine, car de n'importe quelle action de celui
qui produit, il ne dйcoule un effet que selon l'exigence du principe d'action;
en effet, le feu rйchauffe selon le mode de la chaleur. C'est pourquoi comme la
volontй est le principe de ce qui est produit par Dieu, dans son action, il y a
un rapport а l'effet, selon que la volontй la dйtermine. Et c'est pourquoi,
bien que l'action ne puisse pas cesser selon sa substance, cependant la
relation а l'effet pourrait cesser, si Dieu le voulait.
q. 5 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod communis animi conceptio dicitur illa cuius oppositum
contradictionem includit; sicut, omne totum est maius sua parte; quia non esse
maius sua parte est contra rationem totius. Sic autem animam rationalem non
esse, non est communis animi conceptio, ut ex dictis patet; sed naturam animae
rationalis non esse corruptibilem, haec est communis animi conceptio. Si autem
Deus animam rationalem in nihilum redigeret, hoc non esset per aliquam
potentiam ad non esse quae sit in natura animae rationalis, ut dictum est. # 7. On dit que la conception commune de l'esprit est celle dont
l'opposй inclut une contradiction; de mкme que "le tout est plus grand que
sa partie", parce que, ne pas кtre plus grand que sa partie est contre la
nature du tout. Mais que l'вme rationnelle n'existe pas n'est pas la conception
commune de l'esprit, comme cela paraоt de ce qui a йtй dit, mais que sa nature
ne soit pas corruptible, c'est cela la conception commune. Mais si Dieu la
ramenait au nйant, cela ne se ferait pas par un puissance au non кtre, qui
serait dans sa nature, comme on l'a dit.
q. 5 a. 3 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod illud in cuius natura est possibilitas ad non esse, non
recipit necessitatem essendi ab alio, ita quod ei competat secundum naturam,
quia hoc implicaret contradictionem, scilicet quod natura posset non esse et
quod haberet necessitatem essendi; sed quod habeat incorruptibilitatem ex
gratia vel gloria, hoc non prohibetur. Sicut corpus Adae fuit quodammodo
incorruptibile per gratiam innocentiae, et corpora resurgentium erunt
incorruptibilia per gloriam, per virtutem animae suo principio adhaerentis. Non
tamen removetur quin ipsa natura in qua non est possibilitas ad non esse habeat
necessitatem essendi ab alio; cum quidquid perfectionis habet, sit ei ab alio;
unde cessante actione suae causae, deficeret, non propter potentiam ad non esse
quae in ipso sit, sed propter potestatem quae est in Deo ad non dandum esse. # 8. Ce en quoi la nature a la possibilitй au non кtre, ne reзoit pas
la nйcessitй d'кtre d'un autre, de sorte que cela lui appartienne en nature,
parce que cela impliquerait contradiction, а savoir que la nature pourrait ne
pas кtre et qu'elle aurait la nйcessitй d'кtre, mais ce qui aurait
l'incorruptibilitй par grвce ou par la gloire, n'en serait pas empкchй. Ainsi
le corps d'Adam a йtй d'une certaine maniиre incorruptible par la grвce de
l'innocence et les corps des ressuscitйs seront incorruptibles par la gloire,
par le pouvoir de l'вme adhйrant а son principe. Cependant il n'est pas exclu
que la nature mкme dans laquelle il n'y a pas possibilitй au non кtre ait
nйcessitй d'кtre d'un autre; puisque ce qu'il a de perfection lui vient d'un
autre; c'est pourquoi si l'action de sa cause cessait, elle disparaоtrait, non
а cause de la puissance au non кtre qui serait en elle, mais а cause du pouvoir
de Dieu de ne pas lui donner l'кtre.
q. 5 a. 3 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod in illis quae sunt per naturam incorruptibilia, non
praeintelligitur potentia ad non esse quae tollatur per aliquid a Deo receptum,
secundum quod obiectio procedebat; et hoc ex dictis patet. Sed in illis quae
sunt incorruptibilia per gratiam, subest possibilitas ad non esse in ipsa
natura; quae tamen totaliter reprimitur per gratiam ex virtute Dei. # 9. Dans ce qui est par nature incorruptible, on ne prйconзoit pas la
puissance au non кtre qui serait enlevйe par quelque don reзu de Dieu, selon ce
que l'objection avanзait, et cela paraоt de ce qui a йtй dit. Mais dans ce qui
est incorruptible par grвce demeure la possibilitй au non кtre dans la nature
mкme; qui cependant est totalement empкchйe par la grвce qui dйpend du pouvoir
de Dieu
q. 5 a. 3 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod si Deus creaturas incorruptibiles in nihilum redigeret,
ab earum conservatione cessando, non propter hoc sempiternitatem a natura
separaret, quasi remaneret natura non sempiterna; sed tota natura deficeret
influxu causae cessante. # 10. Si Dieu ramenait les crйatures incorruptibles au nйant, en
cessant de les conserver, ce n'est pas а cause de cela qu'il enlиverait
l'йternitй de la nature, comme si elle ne demeurait pas йternelle; mais elle
disparaоtrait tout entiиre par la cessation de l'influx de la cause.
q. 5 a. 3 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod corruptibile per naturam non potest mutari ut fiat
per naturam incorruptibile, nec e converso, quamvis illud quod est per naturam
corruptibile, possit per gloriam supervenientem perpetuum fieri. Non tamen ex
hoc oportet ponere aliqua corruptibilia fieri per naturam incorruptibilia, quia
esse desinerent causa non cessante. # 11. Le corruptible par nature ne peut pas кtre changй pour devenir
incorruptible par nature, ni l'inverse, quoique ce qui est corruptible par
nature, puisse devenir йternel par l'arrivйe de la grвce. Cependant il ne faut
pas en penser que ce qui est corruptible par nature devient incorruptible par
nature, parce qu'il cesserait d'кtre sans que la cause cesse.
q. 5 a. 3 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod licet creaturae incorruptibiles ex Dei voluntate
dependeant, quae potest eis esse praebere et non praebere; consequuntur tamen
ex divina voluntate absolutam necessitatem essendi, in quantum in tali natura
causantur, in qua non sit possibilitas ad non esse; talia enim sunt cuncta
creata, qualia Deus esse ea voluit, ut Hilarius dicit in libro de synodis. # 12. Bien que les crйatures incorruptibles dйpendent de la volontй de
Dieu, qui peut leur offrir l'кtre ou pas, elles en reзoivent l'absolue
nйcessitй d'кtre, dans la mesure oщ elles sont causйes en une nature oщ il n'y
a pas possibilitй au non кtre; car toutes les crйatures sont telles que Dieu a
voulu qu'elles soient, comme Hilaire le dit dans le livre des Synodes.
q. 5 a. 3 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod Deus licet possit creaturas redigere in nihilum,
non tamen potest facere quod eis manentibus, ipse non sit earum causa: est
autem earum causa, et sicut efficiens, et sicut finis. Sicut ergo Deus non
potest facere quod creatura in esse manens ab eo non sit, ita non potest facere
quod ad eius bonitatem non ordinetur. Unde, cum malum culpae privet ordinem qui
est in ipsum sicut in finem, eo quod est aversio ab incommutabili bono, Deus
non potest esse causa mali culpae, quamvis potest esse causa annihilationis,
omnino a conservatione cessando. # 13. Bien que Dieu puisse ramener les crйatures au nйant, cependant
ils ne peut pas faire que, si elles demeurent, lui-mкme ne soit pas leur cause;
mais il est leur cause et cause efficiente et comme finale. Donc de mкme que
Dieu ne peut pas faire que la crйature qui demeure dans l'кtre ne soit pas de
lui, il ne peut pas faire qu'elle ne soit pas ordonnйe а sa bontй. C'est
pourquoi, comme le mal de la faute prive l'ordre qui est en lui comme dans la
fin, parce qu'il est dйtournement du bien immuable, Dieu ne peut pas кtre cause
du mal de la faute, quoiqu'il puisse кtre cause du retour au nйant, en cessant
tout а fait la conservation.
q. 5 a. 3 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod Augustinus loquitur de malo culpae; et si
loqueretur etiam de malo poenae, annihilatio tamen rerum nullum malum est: quia
omne malum fundatur in bono, cum sit privatio, ut Augustinus dicit. Unde sicut
ante rerum creationem malum non erat, ita nec malum esset, si omnia Deus
annihilaret. # 14. Augustin parle du mal de la faute, et s'il parlait aussi du mal
de la peine, le retour au nйant des choses cependant n'est aucun mal; parce que
tout mal est fondй dans le bien, puisqu'il en est la privation, comme il le dit
(Enchiridion, 11). C'est pourquoi,
comme avant la crйation des choses, il n'y avait pas de mal, ainsi il n'y
aurait pas de mal si Dieu ramenait tout au nйant.
q. 5 a. 3 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod in nulla creatura est virtus quae possit vel de
nihilo aliquid facere vel aliquid in nihilum redigere. Quod autem creaturae in
nihilum redigerentur divina conservatione cessante, hoc non esset per aliquam
actionem creaturae, sed per eius defectum, ut ex praedictis patet. # 15. Dans aucune crйature il n'y a un pouvoir qui puisse ou bien de
rien faire quelque chose, ou bien ramener quelque chose au nйant. Mais que les
crйatures soient ramenйes au nйant, si la conservation de Dieu cessait, cela ne
viendrait pas par une action de la crйature, mais de sa dйfaillance, comme cela
paraоt dans ce qui a йtй dit.
[1] Parall.: Ia, qu. 104, a. 3 –
qu. 9, a. 2 – Veritate. qu. 5, a. 2, ad 6 – Quodl. IV, qu. 3, a. 1
[2]
PL 40, 16.
[3]
PL. 34, 32. Autre texte: in quantum Deus bonus est, sumus, citй Ia, qu. 104, a.
3, obj. 2.
[4]
Cf. Pot,3, 1, obj. 1.
[5]
Pour Aristote, le corruptible et l'incorruptible sont des contraires: "Car
la privation est une impuissance dйterminйe" (1050 b 26) Mais ils
n'appartiennent pas а l'кtre par accident "car rien n'est corruptible par
accident...le corruptible est au nombre des attributs qui appartiennent
nйcessairement aux choses auxquelles ils appartiennent sinon un seul et mкme
кtre serait corruptible et incorruptible, puisqu'il pourrait se faire que le
corruptible ne lui appartоnt pas". (Trad. J. Tricot).
[6]
L'homme est un animal douй de raison.
[7]
Anawati, 356, 3.
[8]
"Parmi les choses nйcessaires, les unes ont en dehors d'elles la cause de
leur nйcessitй, les autres l'ont en elles-mкmes, et sont elles-mкmes source de
nйcessitй pour d'autres choses."
Article 4: Une crйature doit-elle retourner au nйant, ou mкme y
retournera-t-elle?
q. 5 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum aliqua creatura in nihilum sit redigenda, vel etiam in
nihilum redigatur.. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 5 a. 4 arg. 1
Sicut enim potentia finita non potest movere tempore infinito, ita nec per
potentiam finitam potest aliquid esse tempore infinito. Sed omnis potentia
corporis est finita, ut probatur in VIII Phys. Ergo in nullo corpore est
potentia, ut possit durare tempore infinito. Quaedam autem corpora sunt quae
non possunt corrumpi, eo quod non habent contrarium, sicut corpora caelestia.
Ergo necesse est quod quandoque in nihilum redigantur. 1. Car une puissance finie ne peut pas mouvoir pendant un temps infini,
de mкme rien ne peut exister par une puissance finie pendant un temps infini.
Mais toute puissance d'un corps est finie, comme il est prouvй (Phys.
VIII, 10, 266 a 25- 266 b 5). Donc, dans aucun corps, il n'y a de la puissance
pour durer un temps infini. Il existe certains corps qui ne peuvent pas кtre
corrompus, du fait qu'ils n'ont pas de contraire, comme les corps cйlestes.
Donc il est nйcessaire qu'un jour ils retournent au nйant. q. 5 a. 4 arg. 2
Praeterea, illud quod est propter aliquem finem adipiscendum, habito fine,
ulterius eo non indigetur; sicut patet de navi, quae necessaria est mare transeuntibus,
non autem iam transito mari. Sed
creatura corporalis creata est propter spiritualem, ut per eam iuvetur ad suum
finem consequendum. Cum ergo creatura spiritualis erit in suo fine ultimo
constituta, corporali ulterius non indigebit. Cum ergo nihil sit superfluum in
operibus Dei, videtur quod in ultimo rerum fine omnis creatura corporalis
deficiet. 2. Ce qui est en vue d'une fin, une fois celle-ci obtenue, n'en a plus
besoin, comme on le voit pour le bateau, nйcessaire pour ceux qui traversent la
mer, mais non quand elle est dйjа traversйe. Mais la crйature corporelle est
crййe en vue de la crйature spirituelle pour кtre aidйe par elle а parvenir а
sa fin. Donc quand la crйature spirituelle sera installйe en sa fin ultime,
elle n'aura plus besoin de ce qui est corporel. Donc comme rien n'est superflu
dans les oeuvres de Dieu, il semble qu'а la fin ultime du monde, toute crйature
corporelle cessera d'exister. q. 5 a. 4 arg. 3
Praeterea, nihil quod est per accidens, est infinitum. Sed esse est cuilibet creaturae
per accidens, ut Avicenna dicit: unde et Hilarius Deum a creatura distinguens,
dicit: esse non est accidens Deo. Ergo nulla creatura in infinitum durabit; et
sic omnes creaturae quandoque deficient. 3. Rien de ce qui existe par accident n'est infini. Mais n'importe
quelle crйature a l'кtre par accident, comme le dit Avicenne (Mйtaphysique VIII, 4); c'est pourquoi
Hilaire (La Trinitй, VII),
distinguant Dieu de la crйature, dit: "L'кtre n'est pas un accident pour
Dieu". Donc aucune crйature ne durera йternellement, et ainsi elles
disparaоtront toutes un jour q. 5
a. 4 arg. 4 Praeterea, finis debet respondere principio. Sed creaturae principium sumpserunt postquam nihil
erat praeter Deum. Ergo adhuc creaturae reducentur in finem, quod
omnino nihil erit. 4. Le fin doit rйpondre au commencement. Mais les crйatures ont reзu un
commencement, aprиs qu'il n'y eut rien, sauf Dieu. Donc lа encore les crйatures
seront ramenйes а une fin ce qui sera tout а fait le nйant. q. 5 a. 4 arg. 5
Praeterea, quod non habet virtutem ut sit semper, non potest in perpetuum
durare. Sed illud quod non semper fuit, non habet virtutem ut sit semper. Ergo
quod non semper fuit, non potest in perpetuum durare. Sed creaturae non semper
fuerunt. Ergo non possunt in perpetuum durare; et sic quandoque in nihilum
redigentur. 5. Ce qui n'a pas le pouvoir d'exister toujours, ne peut pas durer
йternellement. Mais ce qui n'a pas toujours existй, n'a pas ce pouvoir de
toujours exister. Donc ce qui n'a pas toujours existй ne peut pas durer йternellement.
Mais les crйatures n'ont pas toujours existй. Donc elles ne peuvent durer
йternellement, et ainsi un jour elles retourneront au nйant. q. 5 a. 4 arg. 6
Praeterea, iustitia requirit hoc, ut propter ingratitudinem aliquis beneficio
accepto vel suscepto privetur. Sed per peccatum mortale homo ingratus est
inventus. Ergo iustitia hoc exigit ut omnibus beneficiis Dei privetur, inter
quae etiam est ipsum esse. Iudicium autem Dei de peccatoribus erit iustum,
secundum apostolum, Rom. II, 2. Ergo in nihilum redigentur. 6. La justice requiert qu'а cause de son ingratitude, quelqu'un soit
privй d'un bienfait reзu ou concйdй. Mais par le pйchй mortel, l'homme se
montre ingrat. Donc la justice exige qu'il soit privй de tous les bienfaits de
Dieu, parmi lesquels l'кtre lui-mкme. Mais le jugement de Dieu sera juste pour
les pйcheurs, selon l'Apфtre (Rm. 2, 2). Donc ils retourneront au nйant. q. 5 a. 4 arg. 7
Praeterea, ad hoc est quod dicitur Ierem. X, 24: corripe me, domine; verumtamen
in iudicio, et non in furore tuo, ne forte ad nihilum redigas me. 7. Il y a ce qui est dit en Jйrйmie (10, 24) "Corrige-moi,
Seigneur, dans une juste mesure cependant, et sans fureur, pour ne pas me
ramener au nйant". q. 5 a. 4 arg. 8 Sed
diceretur, quod Deus semper punit citra condignum, propter misericordiam, quae
in Dei iudicio iustitiae admiscetur; et sic Deus non totaliter peccatores a
participatione suorum beneficiorum excludet.- Sed contra, in hoc homini
misericordia non praestatur quod sibi detur aliquid quod melius esset ei non
habere. Sed damnato in Inferno melius esset non esse quam sic esse; quod patet
per id quod dicitur Matth. XXVI, 24 de Iuda: melius erat ei si natus non
fuisset homo ille. Ergo ad misericordiam Dei non pertinet quod damnatos
conservet in esse. 8. Mais on pourrait dire, que Dieu punit toujours en deза de ce qui est
mйritй, а cause de sa misйricorde, qui est mкlйe а la justice dans son jugement;
et ainsi il n'exclut pas totalement les pйcheurs de la participation а ses
bienfaits. – En sens contraire, la misйricorde n'est pas conservйe а cet homme
pour lui donner quelque chose qu'il lui serait meilleur de ne pas avoir. Mais
pour celui qui est condamnй а l'enfer, il eut mieux valu ne pas exister que
d'кtre ainsi, ce qui paraоt par ce qui est dit en Mt. 26, 24, au sujet de Juda:
"Il йtait meilleur pour cet homme de n'кtre pas nй." Donc il ne
convient pas а la misйricorde de Dieu de conserver les condamnйs dans l'кtre . q. 5 a. 4 arg. 9
Praeterea, illa quae non habent materiam partem sui, corrumpuntur omnino, idest
totaliter, cum esse desinunt, [ut dicitur in III Metaph.] sicut sunt
accidentia. Haec autem frequenter esse
desinunt. Ergo aliqua in nihilum rediguntur. 9. Ce qui n'a pas de matiиre en participation, est corrompus tout а
fait, c'est-а-dire а dire totalement, puisqu'ils cessent d'exister [comme il
est dit en Mйtaphysique , III], comme
sont les accidents. car ceux-ci cessent frйquemment d'exister. Donc certains
retournent au nйant. q. 5 a. 4 arg. 10
Praeterea, philosophus in VI Physic. argumentatur, quod si continuum est ex
indivisibilibus, necesse est quod indivisibilia dividantur. Ex quo potest
accipi quod unumquodque resolvitur in ea ex quibus est. Sed omnes creaturae
sunt ex nihilo. Ergo omnes in nihilum quandoque redigentur. 10. Le philosophe (Physique
VI, 1, 231 b 18) dйmontre que, si le continu vient de l'indivisible, il est
nйcessaire que l'indivisible soit divisй. C'est pour cela qu'on peut accepter
que chacun soit ramenй en ce d'oщ il est . Mais toutes les crйatures viennent
du nйant. Donc toutes, un jour, y retourneront. q. 5
a. 4 arg. 11 Praeterea, II Petr. III, 10, dicitur: caeli magno impetu
transient. Sed non possunt transire per corruptionem in aliquod
aliud corpus, cum non habeant contrarium. Ergo transibunt in nihilum. 11. En II Pier, III, 10, il est dit: "Les cieux se dissiperont
avec grand fracas" Mais ils ne peuvent passer par corruption en quelque
autre corps, puisqu'ils n'ont pas de contraire. Donc ils iront au nйant. q. 5 a. 4 arg. 12
Praeterea, ad idem est quod dicitur in Ps. ci, 26: opera manuum tuarum sunt
caeli, ipsi peribunt; et Luc. XXI, 33, dicitur: caelum et terra transibunt. 12. Il est dit de mкme au Ps. 101, 26: "Les cieux sont l'oeuvre de
tes mains, ils pйriront". et en Lc 21, 33 on lit: "La ciel et la
terre passeront." En sens contraire: q. 5 a. 4 s. c. Sed
contra est quod dicitur Eccle. I, 4: terra autem in
aeternum stat. Praeterea, Eccle. III, 14, dicitur: didici quod omnia opera quae
fecit Deus perseverent in aeternum. Ergo creaturae in nihilum non redigentur. Il y a ce que dit l'Eccle 1, 4: "Mais la terre demeure
йternellement." En outre Eccle. 3, 14: "J'ai appris que toutes les
oeuvres faites par Dieu demeureront йternellement". Donc les crйatures ne
retourneront pas au nйant. Rйponse: q. 5 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum quod universitas creaturarum nunquam in nihilum redigetur.
Et quamvis creaturae corruptibiles non semper fuerint, in perpetuum tamen
secundum suam substantiam durabunt; licet a quibusdam positum fuerit, quod
omnes creaturae corruptibiles in ultima rerum consummatione deficient in non
esse; quod quidem Origeni ascribitur, qui tamen hoc non videtur dicere, nisi
aliorum opinionem recitando. La totalitй des crйatures ne retournera jamais au nйant. Et quoique les
crйatures corruptibles n'aient pas toujours existй, elles dureront
йternellement, cependant selon leur substance; bien que quelques-uns aient
pensй que toutes les crйatures corruptibles disparaоtront dans le non кtre а
l'ultime consommation du monde, ce qui est rapportй d'Origиne, qui cependant ne
semble en parler qu'en rapportant l'opinion des autres. Huius tamen rationem sumere possumus ex duobus. Primo quidem ex divina voluntate, ex qua creaturarum esse
dependet. Voluntas enim Dei, quamvis, absolute considerata, ad opposita se in
creaturis habeat, eo quod non magis ad unum quam ad alterum obligatur; ex
suppositione tamen facta aliquam necessitatem habet. Sicut enim in creaturis
aliquid quod se ad opposita habet, necessarium creditur positione aliqua facta,
ut Socratem possibile est sedere et non sedere; necessarium tamen est eum
sedere, cum sedet; ita voluntas divina, quae, quantum est de se, potest velle
aliquid et eius oppositum, ut Petrum salvare, vel non, non potest velle Petrum
non salvare, dum vult Petrum salvare. Et quia eius voluntas immutabilis est, si
ponitur aliquando eum aliquid velle, necessarium est ex suppositione illud eum
semper velle, licet non sit necessarium ut velit quod sit semper, quod vult
esse aliquando. Cependant nous pouvons en tirer la raison de deux points de vue: 1) Car quoique la volontй de Dieu, considйrйe dans l'absolu, se porte
vers les opposйs dans les crйatures, parce qu'il n'est pas plus obligй envers
l'une qu'envers l'autre, cependant, par hypothиse, une fois faite, elle a une
certaine nйcessitй. Ainsi, en effet,, on croit que dans les crйatures, ce qui
se porte vers les opposйs est nйcessaire, une fois la situation йtablie. De
mкme qu'il est possible que Socrate s'assied, ou pas; cependant il est
nйcessaire qu'il soit assis quand il s'assied; de la mкme maniиre la volontй
divine, qui, quant а elle, peut vouloir quelque chose et son opposй, comme
sauver Pierre, ou non, ne peut pas vouloir que Pierre ne soit pas sauvй,
pendant qu'elle veut le sauver. Et parce que sa volontй est immuable, si on
pense qu'il veut quelque chose quelquefois, il est nйcessaire par hypothиse
qu'il le veuille toujours, bien qu'il ne soit pas nйcessaire qu'il veuille
qu'existe toujours ce qu'il veut exister quelquefois. Quicumque autem vult aliquid propter se ipsum, vult ut illud
sit semper, ex hoc ipso quod illud propter se vult. Quod enim aliquis vult
quandoque esse et postmodum non esse, vult esse ut aliquid aliud perficiat; quo
perfecto, eo non indiget quod propter illud perficiendum volebat. Deus autem
creaturarum universitatem vult propter se ipsam, licet et propter se ipsum eam
vult esse; haec enim duo non repugnant. Vult enim Deus ut creaturae sint
propter eius bonitatem, ut eam scilicet suo modo imitentur et repraesentent;
quod quidem faciunt in quantum ab ea esse habent, et in suis naturis
subsistunt. Unde idem est dictu, quod Deus omnia propter se ipsum fecit, [quod
dicitur Proverb. XVI, 4: Universa propter semetipsum operatus est Dominus
Йd.Marietti]et quod creaturas fecerit propter earum esse, quod dicitur Sap. I,
14: creavit enim ut essent omnia. Unde ex hoc ipso quod Deus creaturas
instituit, patet quod voluit eas semper durare; cuius oppositum propter eius
immobilitatem nunquam continget. Mais quiconque veut quelque chose pour lui, veut que cela existe
toujours, du fait qu'il le veut pour lui. Car si quelqu'un veut qu'une chose
existe un temps, et qu'ensuite elle n'existe plus, il veut qu'elle existe pour
achever quelque chose d'autre; cela accompli, il n'a plus besoin de ce qu'il
voulait pour l'accomplir. Mais Dieu veut la totalitй des crйatures pour
elle-mкme, bien qu'il la veuille aussi pour lui; car ces points de vue ne
s'opposent pas. Car Dieu veut que les crйatures existent pour sa bontй, pour
qu'elles l'imitent а leur maniиre et le reprйsentent; ce qu'elles font dans la
mesure oщ elles ont l'кtre par sa bontй, et qu'elles subsistent dans leur
nature. C'est pourquoi c'est le mкme chose de dire, que Dieu fit tout pour lui
(ce qui est dit en Prov. 16, 4: "Le Seigneur a tout fait pour lui-mкme"),
et qu'il ait fait les crйatures pour leur кtre, ce qui est dit en Sg. 1, 14, "Car
[Dieu] a crйй pour que tout existe". C'est pourquoi du fait que Dieu a
instituй les crйatures, il est clair qu'il a voulu qu'elle durent toujours; et
l'opposй n'arrivera jamais а cause de son immutabilitй. Secundo ex ipsa rerum natura; sic enim Deus unamquamque
naturam instituit, ut ei non auferat suam proprietatem; unde dicitur Rom. XI,
24, in Glossa [ordinaria ad illa verba: Contra naturam insertus est –Marietti]
quod Deus, qui est naturarum conditor, contra naturas non agit, etsi aliquando
in argumentum fidei in rebus creatis aliquid supra naturam operetur. Rerum
autem immaterialium, quae contrarietate carent, proprietas naturalis est earum
sempiternitas; quia in eis non est potentia ad non esse, ut supra ostensum est.
Unde sicut igni non aufert naturalem inclinationem, qua sursum tendit, ita non
aufert rebus praedictis sempiternitatem, ut eas in nihilum redigat. 2) [Nous pouvons l'accepter] а cause de la nature mкme des choses; car
Dieu a instituй chaque nature, de sorte qu'il ne lui enlиve pas son caractиre
propre; c'est pourquoi il est dit en Rm 11, 24, dans la Glose (ordinaire, pour
cette parole: "Greffй contre nature") que Dieu qui est le crйateur
des natures n'agit pas contre elles, mкme si quelquefois pour mettre la foi en
lumiиre, il opиre dans les crйatures ce qui dйpasse leur nature. Mais le
caractиre naturel des кtres immatйriels qui n'ont pas de contraire, est leur
йternitй; parce que, en eux, il n'y a pas de puissance au non кtre, comme on
l'a montrй ci-dessus. C'est pourquoi, de mкme qu'il n'enlиve pas le penchant
naturel du feu, qui tend vers le haut, de mкme il n'йlиve pas l'йternitй aux
choses dont on a parlй, pour les ramener au nйant. Solutions: q. 5 a. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, secundum Commentatorem XI Metaph., quod licet omnis
potentia quae est in corpore, sit finita, non tamen oportet quod in quolibet
corpore sit potentia finita ad esse, quia in corporibus corruptibilibus per
naturam, non est potentia ad esse, nec finita nec infinita, sed ad moveri
tantum. Sed haec solutio non videtur valere: quia potentia ad esse non solum
accipitur secundum modum potentiae passivae, quae est ex parte materiae, sed
etiam secundum modum potentiae activae, quae est ex parte formae, quae in rebus
incorruptibilibus deesse non potest. Nam quantum unicuique inest de forma,
tantum inest ei de virtute essendi; unde et in I caeli et mundi philosophus
vult quod quaedam habeant virtutem et potentiam ut semper sint. # 1. Selon le Commentateur (Mйtaphysique,
9, com. 41), bien que toute la puissance, qui est dans un corps, soit limitйe,
il ne faut pas cependant que, dans quelque corps, il y ait une puissance
limitйe а l'кtre, parce que dans les corps corruptibles par nature, il n'y a
pas de puissance а кtre, ni finie, ni infinie, mais seulement puissance а se
mouvoir. Mais cette solution ne semble pas valable, parce que la puissance а
кtre non seulement est reзue selon le mode de la puissance passive, qui vient
de la matiиre, mais aussi selon le mode de la puissance active, qui vient de la
forme, qui ne peut pas manquer dans les choses incorruptibles. Car autant il y
a de forme en chacun, autant il y a en lui de pouvoir а кtre; c'est pourquoi
aussi dans le Ciel et le monde, I, le philosophe veut que certaines [formes]
aient un pouvoir et une puissance а exister toujours. Et ideo aliter dicendum, quod ex infinitate temporis non
ostenditur habere infinitatem nisi illud quod tempore mensuratur vel per se,
sicut motus, vel per accidens, sicut esse rerum quae motui subiacent, quae
aliqua periodo motus durant, ultra quam durare non possunt. Esse autem corporis
caelestis nullo modo attingitur nec a tempore nec a motu, cum sit omnino
invariabile. Unde ex hoc quod caelum est tempore infinito, esse eius nullam
infinitatem habet, sicut omnino extra continuitatem temporis existens; propter
quod a theologis dicitur mensurari aevo. Unde non requiritur in caelo aliqua
virtus infinita ad hoc quod sit semper. Et c'est pourquoi il faut dire autrement: l'infinitй du temps ne montre
qu'on a l'infini que s'il est mesurй par le temps ou par soi, comme le
mouvement, ou par accident, comme l'кtre des choses soumises au mouvement, dont
certaines durent le temps du mouvement, au-delа duquel elles ne peuvent plus
durer. Mais l'кtre du corps cйleste n'est atteint en aucune maniиre, ni par le
temps, ni par le mouvement, puisqu'il est tout а fait invariable. C'est
pourquoi de ce que le ciel soit dans un temps infini, son кtre n'a aucune
infinitй, comme existant tout а fait hors du dйroulement du temps; c'est pour
cela que les thйologiens disent qu'il est mesurй par l'жvum. C'est pourquoi
aucun pouvoir infini n'est requis dans le ciel pour qu'il dure toujours. q. 5 a. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod sicut una pars exercitus ordinatur et ad aliam et ad
ducem, ita corporalis creatura ordinatur et ad perfectionem spiritualis
creaturae iuvandam, et ad divinam bonitatem repraesentandam; quod semper
faciet, licet primum cesset. # 2. De mкme qu'une partie de l'armйe est ordonnйe а l'autre et au
gйnйral, de mкme la crйature corporelle est ordonnйe pour aider а la perfection
de la crйature spirituelle, et pour reprйsenter la bontй divine, ce qui se fera
toujours, bien que le premier cesse. q. 5 a. 4 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod esse non dicitur accidens quod sit in genere accidentis,
si loquamur de esse substantiae (est enim actus essentiae), sed per quamdam
similitudinem: quia non est pars essentiae, sicut nec accidens. Si tamen esset
in genere accidentis, nihil prohiberet quin in infinitum duraret: per se enim
accidentia ex necessitate suis substantiis insunt; unde et nihil prohibet ea in
perpetuum inesse. Sed accidentia quae per
accidens insunt subiectis, nullo modo in perpetuum durant secundum naturam. Huiusmodi
autem esse non potest ipsum esse rei substantiale, cum sit essentiae actus. # 3. L'кtre n'est pas appelй accident, parce qu'il serait dans le genre
de l'accident, si nous parlons de l'кtre de la substance (c'est en effet l'acte
de l'essence), mais par une certaine ressemblance; parce qu'il n'est pas partie
de l'essence ni de l'accident non plus. Si cependant il йtait dans le genre de
l'accident, rien n'empкcherait qu'il dure а l'infini; car par soi les accidents
sont par nйcessitй dans leurs substances; c'est pourquoi rien n'empкche qu'ils
y soient а perpйtuitй. Mais les accidents qui sont dans les substrats par
accident, ne durent en aucune maniиre perpйtuellement selon leur nature. L'кtre
de ce genre ne peut кtre l'кtre mкme substantiel de la chose, puisqu'il est
l'acte de l'essence. q. 5 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod antequam res essent, non erat aliqua natura cuius
proprietas esset ipsa sempiternitas, sicut est aliqua natura rebus iam creatis.
Et praeterea hoc ipsum potuit esse ad aliquam perfectionem creaturae
spiritualis quod res non semper fuerint, quia per hoc Deus expresse rerum causa
ostenditur. Nulla autem utilitas sequeretur si omnia in nihilum redigerentur.
Et ideo non est simile de principio et fine. # 4. Avant que les choses existent, il n'y avait pas de nature, dont le
caractиre propre soit l'йternitй, comme il y a une nature pour les choses dйjа
crййes. Et en outre, cela a pu кtre en vue d'un perfection de la crйature
spirituelle, que les choses n'ont pas toujours existй, parce qu'ainsi Dieu se
montre expressйment comme leur cause. Mais aucune utilitй n'en dйcoulerait si
tout йtait ramenй au nйant. Et c'est pourquoi ce n'est pas pareil pour le
commencement et la fin. q. 5 a. 4 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod illa quae semper durabunt, habent virtutem ut sint
semper: hanc tamen virtutem non semper habuerunt, et ideo non semper fuerunt. # 5. Ces кtres qui dureront toujours ont pouvoir d'exister toujours;
cependant ils n'ont pas eu toujours ce pouvoir, et c'est pourquoi ils n'ont pas
toujours existй. q. 5 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod licet Deus, de iustitia, creaturae contra se peccanti
posset esse subtrahere, et eam in nihilum redigere, tamen convenientior
iustitia est ut eam in esse reservet ad poenam: et hoc propter duo. # 6. Bien que Dieu, par justice, puisse retirer l'кtre а la crйature
qui pиche contre lui, et la ramener au nйant, cependant c'est une justice plus
conforme de la conserver dans l'кtre pour le chвtiment, et cela pour deux
raisons. Primo, quia illa iustitia non haberet aliquid misericordiae
admixtum, cum nihil remaneret cui posset misericordia adhiberi: dicitur autem
in Psal. XXIV, 10, quod universae viae domini misericordia et veritas. a) Parce que cette justice ne serait en rien mкlйe а la misйricorde,
puisque rien ne demeurerait а qui il pourrait l'accorder; il est dit au Ps. 24,
10 que "toutes les voies du Seigneur sont misйricorde et vйritй". Secundo, quia ista iustitia congruentius
respondet culpae in duobus. In uno quidem, quia in culpa voluntas contra Deum
agit, non autem natura quae ordinem sibi a Deo inditum servat; et ideo talis
debet esse poena quae voluntatem affligat, naturae nocendo, qua voluntas
abutitur. Si autem creatura omnino in nihilum redigeretur, esset tantum
nocumentum naturae, et non afflictio voluntatis. b) Parce que cette justice rйpond plus convenablement а la faute pour
deux raisons: i) Parce que, dans la faute, la volontй agit contre Dieu, mais pas la
nature qui lui conserve l'ordre inscrit par Dieu, et c'est pourquoi tel doit
кtre le chвtiment qui chвtie la volontй, en blessant la nature dont la volontй
abuse. Mais si la crйature йtait ramenйe tout а fait au nйant, ce serait un
aussi grand prйjudice pour la nature et non un accablement de la volontй. In altero vero, quia cum in peccato duo sint, scilicet
aversio ab incommutabili bono et conversio ad bonum commutabile, conversio post
se aversionem trahit: nullus enim peccans intendit a Deo averti, sed quaerit
frui temporali bono, cum quo simul Deo frui non potest. Unde cum poena damni
aversioni culpae respondeat, conversioni vero eius poena sensus pro actuali
culpa, conveniens est ut poena damni non sit sine poena sensus. Si autem in
nihilum creatura redigeretur, esset quidem poena damni aeterna, sed non
remaneret poena sensus. ii) Parce que, comme dans le pйchй, il y a deux mouvements, а savoir le
dйtournement du bien immuable, et l'adhйsion au bien changeant, cette derniиre
adhйsion entraоne aprиs elle le dйtournement; car aucun pйcheur ne tend а se
dйtourner de Dieu, mais cherche а jouir du bien temporel, avec lequel il ne
peut pas en mкme temps jouir de Dieu. C'est pourquoi, comme la peine du
chвtiment rйpond au dйtournement de la faute, la peine du sens convient а
l'adhйsion pour la faute actuelle, il est convenable que la peine du prйjudice
ne soit pas sans peine du sens. Mais si la crйature retournait au nйant, ce
serait la peine йternelle du prйjudice, mais la peine du sens ne demeurerait
pas. q. 5 a. 4 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod iudicium de quo propheta mentionem facit, praedictam
consecutionem, congruentiam vel operationem poenae ad culpam importat. Furor
enim a quo liberari petit, misericordiae temperamentum excludit. # 7. Le jugement dont le Prophиte fait mention, apporte la consйquence
annoncйe ou l'opйration du chвtiment pour la faute. Car le dйlire prophйtique
dont il demande а кtre libйrй exclut la modйration de la misйricorde. q. 5 a. 4 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod aliquid dicitur melius vel propter praesentiam magis
boni, et sic melius est damnato esse quam non esse; vel propter absentiam mali:
quia etiam carere malo, in rationem boni cadit, secundum philosophum. Et
secundum hoc intelligitur verbum domini inductum. # 8. On dit qu'une chose est meilleure, ou bien, а cause de la prйsence
de plus de bien, et ainsi il est meilleur pour le condamnй d'exister que de ne
pas exister, ou bien, а cause de l'absence de mal; parce que le manque de mal,
appartient а la dйfinition du bien, selon le philosophe (Йth., V, 8). Et c'est
ainsi qu'on comprend la parole du Seigneur qui est rapportйe. q. 5 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod formae et accidentia etsi non habeant materiam partem sui
ex qua sint, habent tamen materiam in qua sunt et de cuius potentia educuntur;
unde et cum esse desinunt, non omnino annihilantur, sed remanent in potentia
materiae, sicut prius. # 9. Mкme si les formes et les accidents n'ont pas de matiиre de ce
dont ils viennent, ils ont cependant la matiиre dans laquelle ils sont et de la
puissance dont ils sont йduits, c'est pourquoi, quand ils cessent d'exister,
ils ne sont pas tout а fait ramenйs au nйant, mais ils demeurent dans la
puissance de la matiиre, comme plus haut. q. 5 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod sicut creaturae sunt ex nihilo, ita in nihilum sunt
redigibiles, si Deo placeret. # 10. Les crйatures viennent du nйant, de la mкme maniиre, de mкme elles
sont aussi capables d'y retourner, si cela plaisait а Dieu. q. 5 a. 4 ad 11 Ad
undecimum et duodecimum dicendum, quod auctoritates illae non sunt
intelligendae hoc modo quod substantia mundi pereat, sed figura, ut apostolus
dicit I ad Cor. VII, 31. # 11 et 12. Ces autoritйs ne sont pas а comprendre comme si la
substance du monde pйrissait, mais en figure, comme l'Apфtre le dit (1 Co. 7,
31).
[1] Parall.: Ia, qu. 104,
a. 4 – qu. 65, a. 1, ad 1 – Pot. qu. 5, a. 9 ad 1.
Article 5: Le mouvement du ciel cessera-t-il un jour?
q. 5 a. 5 tit. 1
Quinto quaeritur utrum motus caeli quandoque deficit. Et videtur quod non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 5 a. 5 arg. 1
Dicitur enim Gen. VIII, 22: cunctis diebus terrae, sementis et messis, frigus
et aestus, aestas et hiems, nox et dies non requiescent. Haec autem omnia ex
motu caeli proveniunt. Ergo motus caeli non requiescet quamdiu terra erit.
Terra autem in aeternum stat, ut dicitur Eccle. I, 4. Ergo et motus caeli in
aeternum erit. 1. Car il est dit en Gn 8, 22: "Pendant tous les jours de la
terre, semence et moisson, froid et chaud, йtй et hiver, nuit et jour ne se
cesseront pas." Mais tout cela provient du mouvement du ciel. Donc son
mouvement ne cessera pas tant que la terre existera. "Mais la terre
demeure dans l'йternitй", comme il est dit dans l'Eccle. 1, 4. Donc le
mouvement du ciel sera йternel.
q. 5 a. 5 arg. 2 Sed
diceretur quod intelligitur de terra prout servit homini secundum praesentem
statum, quo per seminationem et messem homo fructus ex ea colligit ad
sustentationem vitae animalis, non autem prout terra serviet homini iam
glorificato, in aeternum durans ad maiorem bonorum iucunditatem.- Sed contra
dicitur Ierem. XXXI, 35: haec dicit dominus qui dat solem in lumine diei,
ordinem lunae et stellarum in lumine noctis; qui turbat mare, et sonant fluctus
eius: dominus exercituum nomen eius. Si defecerint leges istae coram me, tunc
et semen Israel deficiet ut non sit coram me gens semper. Non autem
intelligitur de Israel carnali, qui iam per sui dispersionem gens dici non
potest. Unde oportet quod intelligatur de Israel spirituali, qui tunc maxime
coram Deo gens erit, cum per essentiam Deum videbit. Ergo in statu beatitudinis
leges praemissae, quae motum caeli sequuntur non cessabunt; et sic neque per
consequens motus caeli. 2. Mais on pourrait dire qu'on le comprend de la terre dans la mesure
oщ elle sert а l'homme selon l'йtat prйsent; par l'ensemencement et la moisson,
il en tire des fruits pour la conservation de sa vie physique, mais non selon
qu'elle servirait а l'homme dйjа glorifiй, demeurant йternellement pour une
plus grande jouissance des biens – En sens contraire, il est dit en Jr. (31,
35): "Le Seigneur parle, lui qui donne le soleil pour la lumiиre du jour,
l'ordonnancement de la lune et des йtoiles pour la lumiиre de la nuit, qui
agite la mer et fait gronder ses flots. Le Seigneur des armйes, c'est son nom.
Si ces lois cessaient devant moi, alors la descendance d'Israлl cesserait d'кtre
un peuple devant moi toujours." Mais on ne le comprend pas de l'Israлl
charnel, qui dйjа par sa diaspora ne peut plus кtre appelй un peuple. C'est
pourquoi il faut le comprendre de l'Israлl spirituel, qui, alors, sera surtout
une peuple devant Dieu, quand il le verra par son essence. Donc dans l'йtat de
bйatitude, les lois susdites, qui suivent le mouvement du ciel ne cesseront
pas, ni par consйquence le mouvement du ciel non plus.
q. 5 a. 5 arg. 3 Praeterea, quaecumque
necessitatem ex priori necessario habent, sunt necessaria absolute, ut patet
per philosophum in II Physic., sicut mors animalis, quae necessaria est propter
materiae necessitatem. Operationes autem rerum incorruptibilium, inter quas
motum caeli oportet ponere, sunt propter substantias eorum quorum sunt
operationes, et sic necessitatem ex priori habere videntur; cum e converso sit
in corruptibilibus, quorum substantiae sunt propter earum operationes; unde ex
posteriori necessitatem habent, ut Commentator ibidem dicit. Ergo
motus caeli necessitate absoluta necessarius est, et ita nunquam cessabit. 3. Tout ce qui tire sa nйcessitй d'un premier nйcessaire, est
absolument nйcessaire, comme on le voit chez le philosophe (Physique II, 9, 199 b 33 ss[2]); comme
la mort physique est nйcessaire а cause de la matiиre. Mais les opйrations des
кtres incorruptibles, parmi lesquels il faut placer le mouvement du ciel, sont
pour les substances de ceux d'oщ viennent les opйrations et ainsi elles
semblent avoir leur nйcessitй de ce qui les prйcиde[3]; alors que, а l'inverse,
cette nйcessitй est dans les кtres corruptibles dont les substances sont en vue
de leurs opйrations, c'est pourquoi ils tirent leur nйcessitй de ce qui suit,
comme le Commentateur le dit lа mкme. Donc le mouvement du ciel est nйcessaire
d'une nйcessitй absolue, et il ne cessera jamais.
q. 5 a. 5 arg. 4
Praeterea, finis motus caeli est ut caelum per motum assimiletur Deo in quantum
exit de potentia in actum per situum renovationem, quos successive actualiter
acquirit; unumquodque enim secundum hoc Deo, qui est purus actus, assimilatur,
quod actu est. Iste autem finis cessaret cessante motu. Cum motus ergo non
cesset nisi obtento fine propter quem est, nunquam motus caeli cessabit. 4. Le but du mouvement du ciel est pour qu'il ressemble а Dieu par le
mouvement en tant qu'il passe de la puissance а l'acte par le renouvellement
des lieux qu'il occupe successivement en acte; car chaque chose ressemble а
Dieu qui est acte pur, parce qu'elle est en acte. Mais ce but n'existerait si
le mouvement cessait. Donc comme le mouvement ne cessait qu'en obtenant le but
pour lequel il existe, jamais le mouvement du ciel ne cessera.
q. 5 a. 5 arg. 5 Sed
dicebatur, quod motus caeli non est propter hunc finem, sed ad complendum
numerum electorum, quo completo, motus caeli quiescet.- Sed contra, nihil est propter se vilius, eo quod
finis est nobilior his quae sunt ad finem, cum finis sit causa bonitatis in his
quae sunt ad finem. Sed caelum, cum sit incorruptibile, est nobilius
quam generabilia et corruptibilia. Ergo non potest dici, quod motus caeli sit
propter aliquam generationem in istis inferioribus, per quam tamen numerus
electorum posset compleri. 5. Mais on pourrait dire, que le mouvement du ciel n'est pas pour ce
but, mais pour complйter le nombre des йlus, et une fois celui-ci complet, il
s'arrкtera. – En sens contraire, rien n'est pas plus vil par soi, parce que le
but est plus noble que ce qui est pour lui, puisqu'il est la cause de la bontй.
Mais puisque le ciel est incorruptible, il est plus noble que ce qui peut кtre
engendrй ou corrompu. Donc on ne peut pas dire que le mouvement du ciel soit
pour une gйnйration dans ces кtres infйrieurs, par laquelle cependant le nombre
des йlus pourrait кtre complйtй.
q. 5 a. 5 arg. 6 Sed
dicebatur, quod motus caeli non est propter generationem electorum sicut
propter generalem finem, sed sicut propter finem secundarium.- Sed contra, habito fine secundario, non quiescit quod propter finem motus
movetur. Si ergo generatio, per quam completur numerus electorum est secundarius
finis motus caeli, eo habito non quiescet adhuc caelum. 6. Mais on pourrait dire que le mouvement du ciel n'est pas pour la
gйnйration des йlus, comme pour une fin gйnйrale mais comme pour une fin
secondaire. – En sens contraire, une fois acquise une fin secondaire, qu'il
soit mы en vue du but du mouvement ne cesse. Si donc la gйnйration par laquelle
est complйtй le nombre des йlus est une fin secondaire du mouvement du ciel,
une fois obtenue, le ciel ne cessera pas encore.
q. 5 a. 5 arg. 7
Praeterea, omne quod est in potentia, est imperfectum, nisi ad actum reducatur.
Deus autem in mundi consummatione non dimittet aliquid imperfectum. Cum ergo
potentia quae est in caelo ad ubi, non reducatur in actum nisi per motum,
videtur quod motus caeli etiam in mundi consummatione non quiescet. 7. Tout ce qui est en puissance est imparfait, sauf s'il est ramenй а
l'acte. Mais Dieu, а la consommation du monde ne laissera rien d'imparfait.
Comme donc la puissance, qui dans le ciel concerne le lieu, n'est ramenйe а
l'acte que par mouvement, il semble que le mouvement du ciel mкme а la
consommation du monde ne s'arrкtera pas.
q. 5 a. 5 arg. 8
Praeterea, si causae alicuius effectus sunt incorruptibiles et semper eodem
modo se habentes, et effectus ipse est sempiternus. Sed omnes causae motus
caeli sunt incorruptibiles et semper eodem modo se habentes; sive accipiamus
causam moventem, sive ipsum mobile. Ergo motus caeli in sempiternum durabit. 8. Si les causes d'un effet sont incorruptibles, et se comportent
toujours de la mкme maniиre, l'effet lui-mкme est йternel. Mais toutes les
causes du mouvement du ciel sont incorruptibles, et se comportent toujours de
la mкme maniиre; que nous considйrions soit la cause moteur, soit le mobile
lui-mкme. Donc le mouvement du ciel durera йternellement.
q. 5 a. 5 arg. 9
Praeterea, illud quod est sempiternitatis susceptivum, nunquam a Deo sua
sempiternitate privabitur, ut patet in Angelo, anima rationali, et substantia
caeli. Sed motus caeli est susceptivus sempiternitatis (solum enim motum
circularem contingit esse perpetuum), ut probatur in VIII Physic.; ergo motus
caeli in perpetuum durabit, sicut et alia quae nata sunt esse sempiterna. 9. Ce qui est susceptible d'йternitй, n'en sera jamais privй par Dieu,
comme c'est clair pour l'ange, l'вme rationnelle et la substance du ciel. Mais
le mouvement du ciel est susceptible d'йternitй (car seul le mouvement
circulaire arrive а кtre perpйtuel), comme on le prouve en Physique (VIII, 8, 264 b 7 Р 265 a 11). Donc le mouvement du ciel
durera perpйtuellement, comme les autres choses destinйes а кtre йternelles.
q. 5 a. 5 arg. 10
Praeterea, si motus caeli quiescet, aut quiescet in instanti aut in tempore. Si
in instanti, contingit simul idem quiescere et moveri: quia cum in toto tempore
praecedenti moveretur, oportet dicere quod in quolibet ipsius temporis in quo
natum est moveri caelum, moveretur. In instanti autem signato in quo datum est
caelum quiescere, natum est caelum moveri, cum motus et quies circa idem sint:
hoc autem instans est aliquid temporis praecedentis, cum sit terminus eius.
Ergo in eo moveretur. Et datum erat quod in eo quiescebat. Ergo simul in eodem
instanti quiescet et movebitur; quod est impossibile. Si autem quiescit in
tempore, ergo tempus erit post motum caeli. Sed tempus non est sine motu caeli,
ergo motus caeli erit postquam esse desierit, quod est impossibile. 10. Si le mouvement du ciel s'arrкtait, ou il s'arrкterait dans
l'instant ou dans le temps. Si c'est dans l'instant, il arrive que c'est le
mкme qui s'arrкte et se meut en mкme temps; parce que, comme en tout temps
prйcйdant il serait mы, il faut dire que dans n'importe quel moment du temps,
dans lequel le ciel est destinй а кtre mы, il serait mы. Mais dans l'instant
dйsignй oщ il a йtй donnй au ciel de s'arrкter, il est destinй а кtre mы
puisque le mouvement et le repos concernent le mкme sujet; mais cet instant est
quelque chose du temps prйcйdant puisqu'il est son terme. Donc il serait mы en
lui. Et il avait йtй donnй de cesser en lui. Donc, en mкme temps, dans le mкme
instant, il cessera et sera mы; ce qui est impossible. Mais s'il s'arrкte dans
le temps, donc celui-ci existera aprиs le mouvement du ciel. Mais le temps
n'existe pas sans lui, donc il existera aprиs qu'il aura cessй d'exister, ce
qui est impossible.
q. 5 a. 5 arg. 11
Praeterea, si motus caeli aliquando deficiat, oportet quod tempus deficiat,
quod est numerus eius, ut patet in IV Physic. Sed impossibile est tempus
deficere, ergo impossibile est motum caeli deficere. Probatio mediae. Omne quod
semper est in sui principio et sui fine, nunquam coepit esse, nec unquam
deficiet, eo quod unumquodque est post suum principium et ante finem suum. Sed
nihil est accipere temporis nisi instans, quod est principium futuri et finis
praeteriti; et sic tempus semper est in sui principio et fine. Ergo tempus
nunquam deficiet. 11. Si le mouvement du ciel cessait un jour, il faut que le temps
cesse, puisqu'il le mesure, comme on le voit en Physique (IV, 10, 219 a 30 Р 219 b 1). Mais il est impossible que
le temps cesse, donc il est impossible que le mouvement du ciel cesse. Preuve
de la proposition intermйdiaire: tout ce qui est toujours en son commencement
et en sa fin, n'a jamais commencй а exister, et ne cessera jamais, parce que
chaque chose est aprиs son commencement et avant sa fin. Mais rien du temps
n'est а recevoir sinon l'instant, qui est le commencement du futur et la fin du
passй; et ainsi le temps est toujours en son commencement et en sa fin. Donc le
temps ne cessera jamais.
q. 5 a. 5 arg. 12
Praeterea, motus caeli est naturalis caelo, sicut et motus gravium et levium
est eis naturalis, ut patet in I caeli et Mun. Hoc autem differt, quod corpora
elementaria non moventur naturaliter nisi cum sunt extra suum ubi, caelum autem
movetur etiam in suo ubi existens; ex quibus accidi potest quod sicut se habet
corpus elementare ad motum suum naturalem, cum est extra suum ubi, ita se habet
caelum ad motum suum naturalem, cum est in suo ubi. Corpus enim elementare, cum
est extra suum ubi, non quiescit nisi per violentiam. Ergo et caelum non potest
quiescere nisi quies sit violenta; quod quidem est inconveniens. Cum enim
nullum violentum possit esse perpetuum, sequeretur quod illa quies caeli non
esset perpetua; sed quandoque iterum caelum moveri inciperet; quod est fabulosum.
Ergo non est dicendum, quod motus caeli aliquando quiescat. 12. Le mouvement du ciel lui est naturel, de mкme le mouvement des
corps lourds et lйgers est naturel aussi pour eux, comme on le voit dans Le ciel et le monde, (I, com. 78, ss.).
Mais il y a cette diffйrence que les corps йlйmentaires ne sont mus
naturellement que quand il ne sont pas а leur place, mais le ciel est mы mкme
en son lieu; c'est pour cela qu'il peut arriver que de mкme que le corps
йlйmentaire se comporte vis-а-vis de son mouvement naturel, quand il n'est pas
а sa place, de mкme le ciel se comporte quant а son mouvement naturel, quand il
est а sa place. Car le corps йlйmentaire, quand il n'est pas а sa place, n'y
reste que par violence. Donc le ciel aussi ne peut s'arrкter sans que son arrкt
ne soit violent, ce qui ne convient pas. Car, comme nulle violence ne pourrait
exister йternellement, il s'ensuivrait que ce repos du ciel ne serait pas
perpйtuel, mais quelquefois il recommencerait а se mouvoir, ce qui est pure
imagination. Donc il ne faut pas dire que le mouvement du ciel s'arrкtera un
jour.
q. 5 a. 5 arg. 13
Praeterea, eorum quae sibi succedunt, oportet esse aliquem ordinem et
proportionem. Finiti autem ad infinitum non est aliqua proportio. Ergo
inconvenienter dicitur, quod caelum finito tempore sit motum, et postmodum
infinito tempore quiescat: quod tamen oportet dicere, si motus caeli incepit et
finietur, et nunquam reincipiat. 13. Dans tout ce qui se succиde, il faut qu'il y ait un ordre et une
proportion. Mais du fini а l'infini il n'y a aucune proportion. Donc il ne
convient pas de dire que le ciel, une fois le temps terminй, est mы, et
qu'aprиs un temps infini, il s'arrкtera, parce qu'il faut dire cependant que,
si le mouvement du ciel commence et s'achиve, jamais il ne recommencera.
q. 5 a. 5 arg. 14
Praeterea, quanto aliquid Deo assimilatur secundum nobiliorem actum, tanto
nobilior est assimilatio; sicut nobilior est assimilatio hominis ad Deum quae
est secundum animam rationalem, quam animalis bruti, quae est secundum animam
sensibilem. Actus autem secundus nobilior est quam actus primus, sicut
consideratio quam scientia. Ergo assimilatio qua caelum assimilatur Deo
secundum actum secundum, qui est causare inferiora, est nobilior quam
assimilatio secundum claritatem, quae est actus primus. Si ergo in mundi
consummatione partes principales mundi meliorabuntur, videtur quod caelum non
desinet moveri, aliqua maiori claritate repletum. 14. Plus l'acte par lequel une chose ressemble а Dieu est noble, plus
sa ressemblance est noble. De mкme qu'est plus noble la ressemblance de l'homme
а Dieu, avec son вme rationnelle que celle de l'animal avec son вme sensitive.
Mais l'acte second est plus noble que l'acte premier, comme la considйration[4]
plus que la science. Donc la ressemblance, par laquelle le ciel ressemble а
Dieu selon l'acte second, qui est de causer les choses infйrieures, est plus
noble que la ressemblance selon la lumiиre qui est son acte premier. Si donc а
la consommation du monde, ses parties principales s'amйliorent, il semble que
le ciel ne cessera pas de se mouvoir, empli par une plus grande lumiиre.
q. 5 a. 5 arg. 15
Praeterea, magnitudo et motus et tempus se consequuntur quantum ad divisionem
et finitatem vel infinitatem, ut probatur in VI Phys. Sed in magnitudine
circulari non est principium neque finis. Ergo nec in motu circulari poterit
esse aliquis finis; et sic, cum motus caeli sit circularis, videtur quod
nunquam finietur. 15. La grandeur, le mouvement et le temps se suivent quant а la
division, la finitude ou l'infinitй, comme on le prouve en Physique (IV, 2, 209 b 32 Р 4, 211 b 19, 211 b 29 Р 212 a 2). Mais
dans une grandeur circulaire, il n'y a ni commencement ni fin. Donc il ne
pourra pas y avoir de fin dans le mouvement circulaire, et ainsi puisque le
mouvement du ciel est circulaire, il semble qu'il ne finira jamais.
q. 5 a. 5 arg. 16
Sed dicebat, quod licet motus circularis nunquam secundum suam naturam
finiatur, tamen divina voluntate finietur.- Sed contra est quod Augustinus
dicit: cum de mundi institutione agitur, non quaeritur quid Deus possit facere,
sed quod rerum natura patiatur ut fiat. Consummatio autem mundi, eius institutioni respondet, sicut finis
principio. Ergo nec in his quae pertinent ad finem mundi, recurrendum est ad
Dei voluntatem, sed ad rerum naturam. 16. Mais on pourrait dire, que bien que le mouvement circulaire ne
finisse jamais par sa nature, cependant il finira par la volontй de Dieu. – En
sens contraire, Il y a ce que dit Augustin (La
Genиse au sens littйral, II): "Quand il s'agit de la constitution du
monde, on ne cherche pas ce que Dieu pourrait faire, mais ce que la nature
supporte qu'il fasse." Mais la consommation du monde correspond а son
constitution, comme la fin а son commencement. Donc, en qui concerne la fin du
monde, il ne faut pas recourir а la volontй de Dieu, mais а la nature des
choses.
q. 5 a. 5 arg. 17
Praeterea, sol per suam praesentiam lumen et diem in istis inferioribus causat,
per absentiam vero tenebras et noctem. Sed non potest esse sol praesens utrique
hemisphaerio, nisi per motum. Ergo si motus caeli quiescat, semper sua
praesentia in una parte mundi causabit diem, et in alia noctem, cui sol semper
erit absens; et sic illa pars non erit meliorata, sed deteriorata, in mundi
consummatione. 17. Le soleil, par sa prйsence, cause la lumiиre et le jour dans ces
choses infйrieures[5], et par son absence les tйnиbres et la nuit. Mais le
soleil ne peut кtre prйsent dans chaque hйmisphиre, que par mouvement. Donc si
le mouvement du ciel s'arrкte, sa prйsence toujours causera le jour dans une
partie du monde, et dans l'autre, pour laquelle le soleil sera toujours absent,
la nuit; et ainsi cette partie ne sera pas amйliorйe; mais dйtйriorйe, а la
consommation du monde.
q. 5 a. 5 arg. 18
Praeterea, illud quod aequaliter se habet ad duo, aut utrique adhaeret aut
neutri. Sed sol aequaliter se habet quantum est de sua natura ad quodlibet ubi
caeli. Ergo vel erit in quolibet, aut in nullo. Sed non potest esse in nullo,
quia omne corpus sensibile alicubi est. Ergo oportet quod sit in quolibet. Sed
hoc non potest esse, nisi per motus successionem. Ergo semper movebitur. 18. Ce qui se comporte de faзon йgale vis-а-vis de deux choses, adhиre
а l'une et а l'autre ou а aucune. Mais le soleil se comporte de faзon йgale pour
ce qui est de sa nature dans n'importe quel lieu du ciel. Donc, ou bien il sera
en chacun ou en aucun. Mais il ne peut pas кtre en aucun, parce que tout corps
sensible est quelque part. Donc il faut qu'il soit quelque part. Mais cela
n'est possible que par succession de mouvement. Donc, il sera toujours en
mouvement.
q. 5 a. 5 arg. 19
Praeterea, in mundi consummatione a nullo tolletur sua perfectio quod tunc
remanebit, quia res quae remanebunt in illo statu non deteriorabuntur, sed
meliorabuntur. Motus autem est perfectio ipsius caeli; quod patet ex hoc quia
motus est entelechia mobilis in quantum huiusmodi, ut dicitur in II Phys.: et
iterum, ut dicitur in II caeli et mundi, caelum per motum perfectam bonitatem
consequitur. Ergo in mundi consummatione caelum motu non carebit. 19. A la consommation du monde, sa perfection, qui restera alors, ne
sera enlevйe par personne, parce que ce qui demeurera dans cet йtat ne sera pas
dйtйriorй, mais amйliorй. Mais le mouvement est la perfection du ciel, ce qui
apparaоt du fait que le mouvement est une entйlйchie mobile en tant que tel,
comme il est dit en Physique, II,
texte 16, et а nouveau comme il est dit dans Le ciel et le monde, (II, 12, 292 b 20), le ciel par le mouvement
atteindra une bontй parfaite. Donc а la consommation du monde, il ne manquera
pas de mouvement.
q. 5 a. 5 arg. 20 Praeterea, corpus aliquod
nunquam attinget ad gradum naturae spiritualis. Hoc autem ad naturam
spiritualem pertinet quod bonitatem perfectam sine motu habeat, ut patet in II
caeli et mundi. Nunquam ergo caelum, si moveri desinat, perfectam bonitatem
habebit; quod est contra rationem consummationis mundi. 20. Un corps n'atteint jamais le niveau de la nature spirituelle. Mais
il convient а cette derniиre qu'elle possиde la bontй parfaite sans mouvement,
comme cela paraоt dans Le ciel et le
monde, (II, 12, 292 a 23 Р 292 b 20). Donc jamais le ciel, s'il cesse de se
mouvoir, n'aura la bontй parfaite, ce qui est contre la nature de la
consommation du monde.
q. 5 a. 5 arg. 21
Praeterea, nihil tollitur nisi per suum contrarium. Motui autem caeli nihil est
contrarium, ut probatur in I caeli et mundi. Ergo motus caeli nunquam quiescet. 21. Rien n'est enlevй que par son contraire. Rien n'est contraire au
mouvement du ciel, comme on le prouve dans Le
ciel et le monde (I, 2, 269 a 10 Р 269 b 2). Donc le mouvement du monde ne
cessera jamais.
En sens contraire:
q. 5 a. 5 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Apoc. X, vers. 5: Angelus quem vidi stantem super
mare et super terram, levavit manum suam et iuravit per viventem in saecula
saeculorum (...): quia tempus amplius non erit. Tempus autem erit quamdiu motus
caeli erit. Ergo motus caeli aliquando esse desinet. 1. Il y a ce qui est dit en Apoc. , 10, 5: "L'ange que je vis
debout sur la mer et sur la terre, leva sa main et jura par le vivant pour les
siиcles des siиcles... parce qu'il n'y aura plus de temps." Mais le temps
durera aussi longtemps que le mouvement du ciel existera. Donc le mouvement du
ciel cessera un jour d'exister.
q. 5 a. 5 s. c. 2
Praeterea, dicitur Iob XIV, 12: homo, cum dormierit, non resurget, donec
atteratur caelum; non evigilabit, nec consurget de somno suo. Caelum autem non
potest intelligi quod atteratur secundum substantiam, quia semper remanebit, ut
prius probatum est. Ergo quando resurrectio mortuorum erit, caelum atteretur
quantum ad motum, qui cessabit. 2. Il est dit en Job, 14, 12: "Quand l'homme se sera endormi, il
ne se relйvera pas, jusqu'а ce que le ciel soit usй; il ne se rйveillera pas et
ne se lиvera pas de son sommeil." Mais on ne peut pas comprendre que le
ciel sera usй dans sa substance, parce qu'il demeurera toujours, comme on l'a
prouvй plus haut. Donc quand il y aura la rйsurrection des morts, le ciel sera
anйanti quant а son mouvement qui cessera.
q. 5 a. 5 s. c. 3
Praeterea, Rom. VIII, 22, super illud: omnis creatura ingemiscit, et parturit
usque adhuc, dicit Glossa Ambrosii: omnia elementa cum labore sua explent
officia, sicut sol et luna non sine labore statuta sibi implent spatia; quod
est causa nostri: unde quiescent nobis assumptis. Ergo in resurrectione
sanctorum motus corporum caelestium quiescent. 3. En Rm 8, 22, sur ce verset: "Toute crйature gйmit et enfante
jusqu'а maintenant", la glose d'Ambroise (Ambrosiaster) dit: "Tous
les йlйments rempliront leurs devoirs avec ardeur, de mкme que le soleil et la
lune, non sans ardeur, emplissent les espaces, qui leur sont assignйs, parce
qu'il est cause pour nous; c'est pourquoi ils cesseront quand nous serons
enlevйs." Donc, а la rйsurrection des saints, le mouvement des corps
cessera.
q. 5 a. 5 s. c. 4
Praeterea, Isidorus dicit: post iudicium sol laboris sui mercedem recipiet, et
non veniet ad occasum nec sol nec luna; quod non potest esse, si caelum
moveatur, ergo tunc caelum non movebitur. 4. Isidore[6] dit (Le livre des crйatures): "Aprиs le
jugement, le soleil recevra la rйcompense de son labeur, et ni le soleil ni la
lune n'en arriveront а leur destruction." Ce qui n'est pas possible si le
ciel se meut, donc alors le ciel ne sera plus en mouvement.
Rйponse:
q. 5 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum quod secundum documenta sanctorum ponimus motum caeli
quandoque cessaturum; quamvis hoc magis fide teneatur quam ratione demonstrari
possit. Ut autem manifestum esse possit in quo huius quaestionis pendeat
difficultas, attendendum est quod motus caeli non hoc modo est naturalis
caelesti corpori sicut motus elementaris corporis est sibi naturalis; habet
enim huiusmodi motus in mobili principium, non solum materiale et receptivum,
sed etiam formale et activum. Formam enim ipsius elementaris corporis sequitur
talis motus, sicut et aliae naturales proprietates ex essentialibus principiis
consequuntur; unde in eis generans dicitur esse movens in quantum dat formam
quam consequitur motus. Il faut dire que, selon les enseignements des saints, nous pensons que
le mouvement du ciel cessera un jour; bien que cela soit assurй plus par la foi
que dйmontrй par la raison. Mais pour que cela puisse кtre йvident oщ se trouve
la difficultй de cette question, il faut faire attention que le mouvement du
ciel n'est pas naturel pour le corps cйleste de la mкme maniиre qu'est naturel
le mouvement du corps йlйmentaire pour lui-mкme; car dans ce qui peut кtre mы
le mouvement de ce genre a un principe, non seulement matйriel et rйceptif, mais
encore formel et actif. Un tel mouvement, en effet, suit la forme du corps
йlйmentaire, de mкme aussi que les autres propriйtйs naturelles dйcoulent des
principes essentiels: c'est pourquoi ce qui engendre en elux est appelй moteur,
dans la mesure oщ il donne la forme qu'atteint le mouvement.
Sic autem in corpore caelesti dici non potest. Cum enim
natura semper in unum tendat determinate, non se habens ad multa, impossibile
est quod aliqua natura inclinet ad motum secundum se ipsum, eo quod in quolibet
motu difformitas quaedam est, in quantum non eodem modo se habet quod movetur;
uniformitas vero mobilis est contra motus rationem. Mais on ne peut pas parler ainsi pour le corps cйleste. En effet, comme
la nature tend toujours а un [effet] de maniиre limitйe, mais pas а plusieurs,
il est impossible qu'une nature incline а un mouvement selon elle-mкme; parce
que, en n'importe quel mouvement, il y a une altйration; dans la mesure oщ ce
qui est mы ne se comporte pas de la mкme maniиre; mais l'uniformitй du mobile
est contre la nature du mouvement.
Unde natura nunquam inclinat ad motum propter movere, sed
propter aliquid determinatum quod ex motu consequitur; sicut natura gravis
inclinat ad quietem in medio, et per consequens inclinat ad motum qui est
deorsum, secundum quod tali motu in talem locum pervenitur. Caelum autem non
pervenit suo motu in aliquod ubi, ad quod per suam naturam inclinetur, quia
quodlibet ubi est principium et finis motus; unde non potest esse suus motus
naturalis quasi sequens aliquam inclinationem naturalis virtutis inhaerentis,
sicut sursum ferri est motus naturalis ignis. C'est pourquoi, la nature n'incline jamais au mouvement pour mouvoir,
mais pour un but dйterminй, qui dйcoule de son mouvement, de mкme que ce qui
est lourd par nature incline au repos dans un milieu qui lui convient et par
consйquent incline а un mouvement vers le bas, selon que, par un tel mouvement,
il parvient en un tel lieu. Mais le ciel ne parvient pas par son mouvement а
quelque lieu, vers lequel il est poussй par sa nature, parce que n'importe quel
lieu est le commencement et la fin de son mouvement; c'est pourquoi son
mouvement naturel ne peut pas exister, comme s'il suivait une inclination de la
puissance naturelle inhйrente, de la mкme maniиre que s'йlever est le mouvement
naturel du feu.
:Dicitur autem motus circularis esse naturalis caelo, in
quantum in sua natura habet aptitudinem ad talem motum; et sic in seipso habet
principium talis motus passivum; activum autem principium motus est aliqua
substantia separata, ut Deus vel intelligentia vel anima, ut quidam ponunt;
quantum enim ad praesentem quaestionem nihil differt. Mais on dit que le mouvement circulaire est naturel au le ciel, dans la
mesure oщ dans sa nature il a une aptitude а une tel mouvement; et ainsi en
lui-mкme, il a le principe passif d'un tel mouvement; mais le principe actif
est une substance sйparйe, comme Dieu ou une intelligence ou une вme, comme
certains le pensent, car pour la prйsente question, il n'y a aucune
diffйrence[7].
Ratio ergo permanentiae motus non potest sumi
ex natura aliqua caelestis corporis, ex qua tantum est aptitudo ad motum; sed
oportet eam sumere ex principio activo separato. Et quia agens omne propter
finem agit, oportet considerare quis est finis motus caeli; si namque fini eius
congruat quod motus aliquando terminetur, caelum quandoque quiescet; si autem
fini eius non competat quies, motus eius erit sempiternus; non enim potest esse
quod motus deficiat ex mutatione causae moventis, cum voluntas Dei sit
immutabilis sicut etiam natura; et per eam immobilitatem consequantur, si quae
sunt causae mediae moventes. Donc la raison de la permanence du mouvement ne peut venir de la nature
du corps cйleste, par laquelle il possиde seulement l'aptitude au mouvement,
mais il faut la prendre d'un principe actif sйparй. Et parce que tout agent
agit en vue d'une fin, il faut considйrer quelle est la fin du mouvement du
ciel; si en effet il convient а sa fin que le mouvement se termine un jour, le
ciel s'arrкtera quelque jour; mais si l'arrкt ne convient pas а sa fin, son
mouvement sera йternel, car il ne peut arriver que le mouvement s'arrкte а
cause du changement de la cause moteur, puisque la volontй de Dieu est
immuable, comme sa nature aussi, et par elle ils obtiendront l'immobilitй, s'il
y a des causes moteurs intermйdiaires.
In hac autem
consideratione tria oportet vitare:
quorum primum est,
ne dicamus caelum moveri propter ipsum motum; sicut dicebatur caelum esse
propter ipsum esse, in quo Deo assimilatur. Motus enim, ex ipsa sui ratione, repugnat
ne possit poni finis, eo quod motus est in aliud tendens; unde non habet
rationem finis, sed magis eius quod est ad finem. Cui etiam attestatur quod est
actus imperfectus, ut dicitur in III de anima. Finis autem est ultima perfectio.
Mais dans cette considйration, il faut йviter trois erreurs:
1) La premiиre: Ne disons pas que le ciel est mы pour le mouvement en
lui-mкme, comme si on disait qu'il existe pour son кtre mкme, en quoi il
ressemble а Dieu. Car le mouvement, de sa propre nature, rйpugne а ce qu'il ne
puisse pas y avoir une fin, parce qu'il tend а un autre lieu; c'est pourquoi il
n'a pas la nature de fin, mais plutфt de ce qui est en vue de la fin. Il est
attestй qu'il est un acte imparfait, comme on le dit dans L'вme (III, 7, 431 a
5) et en Physique( III, 2 201 b
31[8]). Mais la fin est la perfection ultime.
Secundum est, ut non ponatur motus caeli esse propter
aliquid vilius; nam cum finis sit unde ratio sumitur, oportet finem praeeminere
his quae sunt ad finem. Potest autem contingere quod vilior sit terminus
operationis rei nobilioris; non autem ut sit finis intentionis: sicut securitas
rustici est terminus quidam, ad quem operatio regis gubernantis terminatur; non
tamen regimen regis est ordinatum ad huius rustici securitatem sicut in finem
sed in aliquid melius, scilicet in bonum commune. Unde non potest dici, quod
generatio istorum inferiorum sit finis motus caeli, etsi sit effectus vel
terminus, quia et caelum his inferioribus praeeminet, et motus eius motibus et
mutationibus horum. 2) La seconde: qu'on ne pense pas que le mouvement du ciel est pour
quelque chose de plus vil; en effet, comme c'est sa fin, d'oщ on tire sa
raison, il faut que celle-ci soit prййminente sur ce qui est en vue de la fin.
Mais il peut arriver que le terme d'une opйration d'une chose plus noble soit
plus vil; mais non pour qu'elle soit la fin de l'intention: ainsi la sйcuritй
du paysan est le terme oщ s'achиve l'opйration du roi qui gouverne; cependant
l'administration du roi n'est pas ordonnйe а la sйcuritй de ce paysan, comme а
sa fin, mais а quelque chose de meilleur, а savoir le bien commun. C'est
pourquoi on ne peut pas dire que la gйnйration des кtres infйrieurs soit la fin
du mouvement du ciel, mкme si elle en est l'effet ou le terme, parce que d'une
part le ciel l'emporte sur ces кtres infйrieurs, et d'autre part son mouvement
[l'emporet] sur leurs mouvements et leurs changements.
Tertium est, ut non ponatur finis motus caeli aliquid
infinitum, quia, ut dicitur in II Metaphys., qui ponit infinitum in causa
finali destruit finem et naturam boni. Pertingere enim quod infinitum est,
impossibile est. Nihil autem movetur ad id quod impossibile est ipsum consequi,
ut dicitur in I caeli et mundi. Unde non potest dici, quod finis motus caeli sit
ut consequatur in actu ubi ad quod est in potentia, licet hoc Avicenna dicere
videatur. Hoc enim impossibile est consequi, cum infinitum sit; quia dum in uno
ubi fit in actu, erit in potentia ad aliud ubi, in quo prius actu existebat. 3) La troisiиme: qu'on ne pense pas que la fin du mouvement du ciel
soit quelque chose d'infini, parce que, comme il est dit en Mйtaphysique (II, 2, 994 b 13[9]), celui
qui place l'infini dans la cause finale dйtruit la fin et la nature du bien.
Car il est impossible d'atteindre ce qui est infini. Mais rien ne se meut vers
ce qu'il est impossible d'atteindre, comme on le dit dans Le ciel et le monde, I. C'est pourquoi on ne peut pas dire que la
fin du mouvement du ciel soit d'atteindre en acte un lieu oщ il est en puissance,
bien qu'Avicenne semble le dire. Car il est impossible de l'atteindre,
puisqu'il est infini, parce que, pendant qu'il est en acte dans un lieu, il
sera en puissance а un autre, dans lequel il existait avant en acte.
Oportet ergo finem motus caeli ponere aliquid quod caelum
per motum consequi possit, quod sit aliud a motu, et eo nobilius. Hoc autem
dupliciter potest poni. Il faut donc penser que la fin du mouvement du ciel est quelque chose
que le ciel pourrait atteindre par mouvement, ce qui est diffйrent du mouvement
et plus noble que lui. Mais cela on peut le penser de deux maniиres:
Uno modo ut ponatur finis motus caeli aliquid in ipso caelo,
quod simul cum motu existit; et secundum hoc a quibusdam philosophis ponitur,
quod similitudo ad Deum in causando est finis motus caeli; quod quidem fit ipso
motu durante; unde secundum hoc non convenit quod motus caeli deficiat, quia
deficiente motu, finis ex motu proveniens cessaret. 1) Penser que la fin du mouvement du ciel est quelque chose dans le
ciel mкme, qui existe en mкme temps que le mouvement, et а cause de cela
certains philosophes pensent, que la ressemblance а Dieu, en tant que cause,
est la fin du mouvement du ciel; ce qui se fait tant que dure le mouvement;
c'est pourquoi, il ne convient pas que le mouvement du ciel cesse, parce que
s'il cessait, la fin qui provient du mouvement disparaitrait.
Alio modo potest poni finis motus caeli aliquid extra
caelum, ad quod pervenitur per motum caeli; quo cessante illud potest remanere:
et haec est nostra positio. 2) On peut penser que la fin du mouvement du ciel est quelque chose
hors de lui, auquel il parvient par son mouvement, et quand il cesse, cela peut
demeurer; et telle est notre position.
Ponimus enim quod motus caeli est propter implendum numerum
electorum. Anima namque rationalis quolibet corpore nobilior est, et ipso
caelo. Unde nullum est inconveniens, si ponatur finis motus caeli multiplicatio
rationalium animarum: non autem in infinitum, quia hoc per motum caeli
provenire non posset; et sic moveretur ad aliquid quod consequi non potest;
unde relinquitur quod determinata multitudo animarum rationalium sit finis
motus caeli. Unde ea habita motus caeli cessabit. Car nous pensons que le mouvement du ciel est pour complйter le nombre
des йlus. L'вme rationnelle, en effet, est plus noble que n'importe quel corps
et que le ciel mкme. C'est pourquoi il n'est nullement inconvenant de penser
que la fin du mouvement du ciel est la multiplication des вmes rationnelles,
mais pas а l'infini, parce que cela ne pourrait pas provenir du mouvement du
ciel; et alors il serait mы vers quelque chose qu'il ne peut pas atteindre;
c'est pourquoi il reste que la multitude limitйe des вmes rationnelles est la
fin du mouvement du ciel. C'est pourquoi une fois cela atteint, le mouvement du
ciel cessera.
Licet autem utraque positionum praedictarum possit
rationabiliter sustineri, tamen secunda, quae fidei est, videtur esse
probabilior propter tres rationes. Bien que l'une et l'autre des positions annoncйes puissent кtre soutenues
raisonnablement, cependant la seconde, qui est de foi, paraоt plus probable,
pour trois raisons:
Primo quidem, quia nihil differt dicere finem alicuius esse
assimilationem ad Deum secundum aliquid, et illud secundum quod assimilatio
attenditur; sicut supra dictum est, quod finis rerum posset dici vel ipsa
assimilatio divinae bonitatis, vel esse rerum, secundum quod res Deo
assimilantur. Idem ergo est dictu, finem motus caeli esse assimilari Deo in
causando et causare. Causare autem non potest esse finis, cum sit operatio
habens operatum et tendens in aliud: huiusmodi enim operationibus meliora sunt
operata, ut dicitur in principio Ethic.; unde huiusmodi factiones non possunt
esse fines agentium, cum non sint perfectiones facientium, sed magis factorum;
unde et ipsa facta sunt magis fines, ut patet IX Metaph., et in I Ethic. Ipsa autem operata non
sunt fines, cum sint viliora caelo, ut supra dictum est. Unde relinquitur non convenienter dici,
quod finis motus caeli sit assimilari ad Deum in causando. 1) Parce qu'il n'y a pas de diffйrence entre dire que la fin d'un кtre
est une ressemblance relative а Dieu, et dire en quoi la ressemblance est
atteinte, comme on a affirmй ci-dessus qu'il est possible de dire que la fin
des choses est ou bien la ressemblance mкme а la bontй divine, ou bien leur
кtre selon qu'elles ressemblent а Dieu. Donc c'est la mкme chose de dire que la
fin du mouvement du ciel est de ressembler а Dieu en causant et кtre cause.
Mais кtre cause ne peut кtre une fin, puisque c'est une opйration qui a un
rйsultat et tend а autre chose; car pour de telles opйrations les rйsultats
sont meilleurs, comme il est dit au dйbut de l'Йthique (I, 1, 1094 a 5); c'est
pourquoi de telles productions ne peuvent pas кtre le but des agents,
puisqu'ils ne sont pas la perfection de ceux qui les font, mais plutфt de ce
qui est fait; c'est pourquoi ce qui est produit est davantage la fin, comme on
le voit en Mйtaphysique, (IX, 8, 1050
a 30), et en Йthique, (I, 1, 1094 a 3). Les rйsultats des opйrations ne sont
pas des fins, puisqu'ils sont plus vils que le ciel, comme on l'a dit
ci-dessus. C'est pourquoi, il reste qu'il ne convient pas de dire que la fin du
mouvement du ciel est de ressembler а Dieu en йtant cause.
Secundo vero, quia cum caelum moveatur in ipso existente
sola aptitudine ad motum, principio vero activo existente extra, ut dictum est;
movetur et agit sicut instrumentum haec est enim dispositio instrumenti, ut
patet in artificialibus, nam in securi est sola aptitudo ad talem motum;
principium autem motus in artifice est. Unde et secundum philosophos, quod
movet motum, movet ut instrumentum. In actione autem quae est per instrumentum,
non potest esse finis aliquis in ipso instrumento nisi per accidens, in quantum
instrumentum accipitur ut artificiatum et non ut instrumentum; unde non est
probabile quod finis motus caeli sit aliqua perfectio ipsius, sed magis aliquid
extra ipsum. 2) Parce que, comme le ciel se meut tout en existant lui-mкme par sa
seule aptitude au mouvement, alors que son principe actif existe а l'extйrieur,
comme on l'a dit, il se meut et agit comme instrument, car c'est la maniиre
d'agir de l'instrument, comme on le voit dans les oeuvres artificielles, ainsi
la hache a seulement l'aptitude а un tel mouvement, mais le principe du mouvement
est dans l'artisan. C'est pourquoi selon les philosophes, ce qui meut ce qui
est mы, le meut comme instrument. Mais dans l'action, accomplie par un
instrument, il ne peut y avoir une fin dans l'instrument lui-mкme que par
accident, dans la mesure oщ il est pris comme oeuvre et non comme instrument;
c'est pourquoi il n'est pas probable que la fin du mouvement du ciel soit sa
propre perfection, mais plutфt un objet hors de lui.
Tertio, quia si similitudo ad Deum in causando est finis
motus caeli, praecipue attenditur haec similitudo secundum causalitatem eius
quod a Deo immediate causatur, scilicet animae rationalis, ad cuius
causalitatem concurrit caelum et per motum suum materiam disponendo. Et ideo
probabilius est quod finis motus caeli sit numerus electorum quam assimilatio
ad Deum in causalitate generationis et corruptionis, secundum quod philosophi
ponunt. Et
ideo concedimus quod motus caeli completo numero electorum finietur. 3) Parce que si la ressemblance а Dieu dans le fait qu'il est cause, est
la fin du mouvement du ciel, cette ressemblance est principalement atteinte
selon la causalitй de ce qui est causйe immйdiatement par Dieu, а savoir celle
de l'вme rationnelle: а sa causalitй concourt le ciel en disposant la matiиre
par son mouvement. Et c'est pourquoi il est plus probable que la fin du
mouvement du ciel est le nombre des йlus que la ressemblance а Dieu lorsqu'il
cause la gйnйration et corruption, selon ce que pensent les philosophes. Et
c'est pourquoi nous concйdons que le mouvement du ciel se terminera quand le
nombre des йlus sera complet.
Solutions:
q. 5 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod loquitur de duratione terrae secundum quod est
transmutationi subiecta; sic enim in ea seminatur et metitur. Tali autem statu
terrae durante motus caeli non cessabit. # 1. [La Genиse] parle de la durйe de la terre selon qu'elle est
soumise au changement; car ainsi on sиme et on moissonne sur elle. Mais tant
que dure un tel йtat de la terre, le mouvement du ciel ne cessera pas.
q. 5 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod auctoritas illa non est intelligenda de Israel carnali,
sed de Israel spirituali; non tamen secundum quod est in patria coram Deo,
contemplando ipsum per speciem, sed secundum quod est in via coram Deo per
fidem; ut sic idem sit quod dicitur hic, et quod dominus discipulis loquens
ait, Matth. XXVIII, 20: ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi. # 2. Cette autoritй n'est pas а comprendre de l'Israлl charnel, mais de
l'Israлl spirituel; cependant non selon qu'il est dans la patrie devant Dieu,
en le contemplant par sa forme (per speciem), mais selon qu'il est en chemin
devant lui par la foi, pour que ce soit une mкme chose ce qui est dit ici et
que le Seigneur parlant а ses disciples leur dit (Mt. 18, 20): "Voici, je
suis avec vous jusqu'а la consommation des siиcles."
q. 5 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod haec praepositio propter denotat causam; unde quandoque
denotat causam finalem, quae est posterior in esse; quandoque autem materialem
vel efficientem, quae sunt prior. Cum autem dicitur in rebus incorruptibilibus,
actus sunt propter agentia, ly propter non denotat causam finalem, sed causam
efficientem, ex qua est necessitas ibi, et non ex fine. Motus ergo caeli si
comparetur ad ipsum mobile, non habet ex eo necessitatem sicut ex causa
efficiente, ut ostensum est; habet autem hanc necessitatem ex movente. Quod,
quia est voluntarie movens, secundum hoc necessitatem in motu inducit secundum
quod determinatum est per ordinem sapientiae divinae, et non ad moveri semper. # 3. Cette prйposition propter (pour) signale une cause; c'est pourquoi
quelquefois elle signifie la cause finale, qui est postйrieure dans l'кtre,
quelquefois la cause matйrielle, ou la cause efficiente qui sont avant. Quand
on dit que dans ce qui est incorruptible, les actes sont pour les agents, le
propter ne signifie pas la cause finale, mais la cause efficiente, d'oщ elle
tire sa nйcessitй et non de la fin. Donc, si le mouvement du ciel est comparй а
un mobile mкme, il n'en a pas nйcessitй comme d'une cause efficiente, comme on
l'a montrй; mais il tient cette nйcessitй du moteur. Parce qu'il est moteur
volontairement, il introduit la nйcessitй dans le mouvement selon qu'il est
dйterminй par l'ordre de la sagesse divine, et non pour se mouvoir toujours.
q. 5 a. 5 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod assimilari Deo secundum hoc quod actu acquirit
successive diversos situs ad quos prius erat in potentia, non potest esse finis
motus caeli: tum quia hoc infinitum est, ut supra ostensum est; tum quia sicut
ex una parte per motum acceditur ad divinam similitudinem, per hoc quod situs
qui erant in potentia, fiunt actu; ita ab alia parte receditur a divina
similitudine per hoc quod situs qui erant in actu, fiunt in potentia. # 4. Ressembler а Dieu selon qu'il acquiert en acte successivement les
divers lieux, pour lesquels il йtait avant en puissance, ne peut pas кtre la
fin du mouvement du ciel; d'une part, parce que cela est infini, comme on l'a
montrй ci-dessus, d'autre part, parce que, de mкme que d'un cфtй il atteint par
mouvement la ressemblance divine, du fait que les lieux qui йtaient en
puissance, deviennent en acte; de mкme d'un autre cфtй, il s'йloigne de la
ressemblance divine par le fait que les lieux qui йtaient en acte deviennent en
puissance.
q. 5 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod licet generabilia et corruptibilia sint viliora caelo,
tamen animae rationales sunt corpore caeli nobiliores, quae tamen a Deo
producuntur ad esse in materia disposita per motum caeli. # 5. Bien que ce qui peut кtre engendrй ou corrompu soit plus vil que
le ciel, cependant les вmes rationnelles sont plus nobles que le corps du ciel;
cependant elles sont amenйes а l'кtre par Dieu dans la matiиre disposйe par le
mouvement du ciel.
q. 5 a. 5 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod completio numeri electorum, secundum doctrinam fidei non
ponitur secundarius finis motus caeli, sed principalis, licet non ultimus, quia
finis ultimus uniuscuiusque rei est bonitas divina, in quantum creaturae
quoquomodo ad eam pertingunt vel per similitudinem vel per debitum famulatum. # 6. On ne pense pas que, selon la doctrine de la foi, l'achиvement du
nombre des йlus est la fin seconde du mouvement du ciel, mais sa fin
principale, bien qu'elle ne soit pas la derniиre, puisque la fin ultime de
chaque chose est la bontй divine, dans la mesure oщ les crйatures d'une
certaine maniиre y parviennent ou par ressemblance ou par le service qui lui
est dы.
q. 5 a. 5 ad 7 Ad septimum dicendum, quod res
non dicitur esse imperfecta, quacumque potentia in ipsa non reducta ad actum,
sed solum quando per reductionem in actum res suum consequitur complementum. Non enim
homo qui est in potentia ut sit in India, imperfectus erit, si ibi non fuerit;
sed imperfectus dicitur, si scientia vel virtute careat, qua natus est perfici.
Caelum autem non perficitur per locum, sicut
corpora inferiora, quae in proprio ubi conservantur. Unde licet potentia qua
potest esse in aliquo ubi, nunquam reducatur ad actum, non tamen sequitur quod
sit imperfectum. # 7. On ne dit pas qu'une chose est imparfaite, par quelque puissance
en elle qui n'est pas ramenйe а l'acte, mais seulement, йtant ramenйe а l'acte,
elle reзoit son achиvement. Car l'homme, qui est en puissance pour кtre en
Inde, ne sera pas imparfait, s'il n'y est pas allй, mais on le dit imparfait,
s'il manque de la science ou du pouvoir, qui sont destinйs а le parfaire. Mais
le ciel n'est pas achevй par le lieu comme les corps infйrieurs, qui se
conservent en leur lieu propre. C'est pourquoi, bien que la puissance, par
laquelle il peut кtre dans un lieu, ne soit jamais ramenйe а l'acte, il n'en
dйcoule pas cependant qu'il soit imparfait. Car considйrй en soi, il n'a pas
une perfection plus grande qu'il soit dans un lieu ou un autre, mais il se
comporte indiffйremment pour tout lieu, puisqu'il est mы naturellement vers
n'importe lequel. Mais l'indiffйrence elle-mкme conduit plus au repos qu'а la
perpйtuitй du mouvement, а moins de considйrer la volontй du moteur et de celui
qui cherche la fin. Ainsi certains philosophes ont assignй la cause du repos de
la terre, dans un juste milieu а cause de son indiffйrence par rapport а
n'importe quelle partie de la circonfйrence du ciel.
q. 5 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod licet causae motus caeli omnes sint sempiternae, tamen
movens, ex quo necessitas eius dependet, movet per voluntatem et non est
necessarium quod semper moveat, sed secundum quod exigit ratio finis. # 8. Bien que les causes du mouvement du ciel ne soient pas toutes
йternelles, cependant le moteur d'oщ dйpend sa nйcessitй, meut par volontй, et
il n'est pas nйcessaire qu'il meuve toujours, mais selon ce qu'exige la raison
de la fin.
q. 5 a. 5 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod alio modo caelum est secundum suam naturam capax
sempiternitatis motus et sui esse. Nam suum esse dependet ex principiis suae
naturae, ex quibus consequitur necessitas essendi, cum non sit in eis
possibilitas ad non esse, ut prius ostensum est; suus autem motus in natura
eius non habet nisi aptitudinem; necessitatem vero habet ex movente. Unde etiam
secundum Commentatorem, sempiternitas essendi in caelo est ex principiis suae
naturae, non autem sempiternitas motus, sed ab extrinseco. Unde etiam secundum
eos qui dicunt motum nunquam deficere, causa durationis motus caeli et eius
sempiternitatis, est voluntas divina; quamvis eius immobilitas non de
necessitate concludere possit sempiternitatem motus caeli, ut ipsi volunt. Non
enim est mobilis voluntas, si velit quod diversa sibi invicem succedant
secundum quod exigit finis quem immobiliter vult. Et ideo potius est inquirenda
ratio sempiternitatis motus ex fine quam ex immobilitate moventis. # 9. C'est d'une autre maniиre que le ciel est selon sa nature capable
de l'йternitй du mouvement, et de celle son кtre. Car son кtre dйpend des
principes de sa nature d'oщ il tire sa nйcessitй d'кtre, puisqu'il n'y a pas en
lui de possibilitй au non кtre, comme on l'a montrй plus haut; son mouvement
dans sa nature n'a qu'une aptitude, mais tire sa nйcessitй du moteur. C'est
pourquoi, selon le Commentateur (Mйtaphysique
II, et dans le livre La Substance du monde), l'йternitй de l'кtre dans le ciel
vient des principes de sa nature, mais pas l'йternitй du mouvement, qui vient
de l'extйrieur. C'est pourquoi, mкme selon ceux qui disent que le mouvement ne
cesse jamais, la cause de la durйe du mouvement du ciel et de son йternitй,
c'est la volontй divine, quoique son immobilitй ne puisse enclore
nйcessairement l'йternitй du mouvement du ciel, comme ceux-ci le veulent. Car
sa volontй ne change pas, s'il veut que diverses choses se succиdent entre
elles, selon ce qu'exige la fin qu'il veut immuablement. Et c'est pourquoi il
faut chercher plutфt la raison de l'йternitй du mouvement dans la fin que dans
l'immobilitй du moteur.
q. 5 a. 5 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod motus caeli terminabitur in instanti, in quo quidem
neque erit motus neque quies, sed terminus motus et principium quietis. Quies
autem sequens non erit in tempore; nam quies non mensuratur a tempore primo,
sed secundario, ut dicitur in IV Phys.; unde si sit quies alicuius corporis,
quae nulli motui subiiciatur, non mensurabitur tempore. Quamvis, si in hoc fiat
vis, possit dici, quod erit post motum in caelo immobilitas quaedam, etsi non
quies. # 10. Le mouvement du ciel se terminera dans l'instant, oщ il n'y aura
ni mouvement, ni arrкt, mais le terme du mouvement, et le commencement de
l'arrкt. Mais l'arrкt suivant ne sera pas dans le temps, car il n'est pas
mesurй par le temps premier, mais second, comme on dit en Physique (IV, 12, 221 b 20-22[10]); c'est pourquoi s'il y a arrкt
d'un corps, qui ne serait plus soumis а aucun mouvement, il ne sera pas mesurй
par le temps. Cependant, si en cela il y a violence, on pourrait dire qu'il y
aura dans le ciel aprиs le mouvement, l'immobilitй, mкme si ce n'est pas
l'arrкt.
q. 5 a. 5 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod
sicut motus caeli deficiet, ita et tempus deficiet, ut per auctoritatem
Apocalypsis inductam apparet. Ultimum autem nunc totius temporis
erit quidem finis praeteriti non autem principium futuri. Quod enim nunc simul
sit et finis praeteriti et principium futuri, habet in quantum sequitur motum
circularem continuum, cuius quodlibet signum indivisibile est principium et
finis respectu diversorum. Unde si motus cesset, sicut erit aliquod ultimum
indivisibile in motu, ita et in tempore. # 11. Le mouvement du ciel s'arrкtera, le temps aussi, comme le montre
l'autoritй tirйe de l'Apocalypse (8, 6). Mais le dernier moment de tout le
temps sera la fin du passй mais pas le commencement du futur, Car, que ce temps
soit en mкme temps la fin du passй et le commencement du futur, il l'a dans la mesure
oщ il suit un mouvement circulaire continu, dont le signe indivisible est le
commencement et la fin par rapport а diffйrents [temps]. C'est pourquoi si le
mouvement cesse, il y aura une chose ultime indivisible dans le mouvement, et
dans le temps aussi.
q. 5 a. 5 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod motus caeli, ut dictum est, non est naturalis propter
activam inclinationem formalis principii in corpore caelesti ad talem motum,
sicut est in elementis; unde non sequitur, si caelum quiescit, quod eius quies
sit violenta. # 12. Le mouvement du ciel, comme on l'a dit, n'est pas naturel а cause
de l'inclination active d'un principe formel dans le corps cйleste pour un tel
mouvement, comme il l'est dans les йlйments; c'est pourquoi il n'en dйcoule pas
que si le ciel s'arrкte, son arrкt soit violent.
q. 5 a. 5 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod si motus caeli non esset propter aliquid aliud
tunc oporteret attendere proportionem eius ad quietem sequentem, si non
sempiternus poneretur; sed quia est ordinatus ad alium finem; eius proportio
attenditur in ordine ad finem, et non in ordine ad quietem sequentem: ut
intelligamus quod Deus ex nihilo universas creaturas in esse producens, primam
universi perfectionem, quae consistit in partibus essentialibus universi, et
diversis speciebus, per seipsum instituit. Ad ultimam vero perfectionem, quae
erit ex consummatione ordinis beatorum, ordinavit diversos motus et operationes
creaturarum: quosdam quidem naturales, sicut motum caeli et operationes
elementorum, per quas materia praeparatur ad susceptionem animae rationalis;
quosdam vero voluntarios, sicut Angelorum ministeria, qui mittuntur propter eos
qui haereditatem capiunt salutis. Unde hac consummatione habita, et
immutabiliter permanente, quae ad eam ordinabuntur, in perpetuum cessabunt. # 13. Si le mouvement du ciel n'йtait pas en vue de quelque chose
d'autre, il lui faudrait alors atteindre sa limite а l'arrкt suivant, si on ne
le pensait pas йternel, mais parce qu'il est ordonnй а une autre fin; sa limite
est atteinte par rapport а sa fin et non par rapport а l'arrкt suivant; pour
que nous comprenions que Dieu a amenй du nйant а l'кtre l'ensemble des
crйatures, en instituant lui-mкme la premiиre perfection de l'univers qui
consiste dans ses parties essentielles et en diverses espиces. Pour l'ultime
perfection, qui viendra de l'accomplissement de l'ordre des bienheureux, il a
ordonnй diffйrents mouvements et opйrations des crйatures: certains naturels,
comme le mouvement du ciel et les opйrations des йlйments, par lesquelles la
matiиre est prйparйe а recevoir l'вme rationnelle; certains volontaires comme
le ministиre des anges, qui sont envoyйs pour ceux qui reзoivent l'hйritage du
salut. C'est pourquoi, une fois cet accomplissement rйalisй et, en demeurant
immuablement, ce qui lui sera ordonnй cessera йternellement.
q. 5 a. 5 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod obiectio illa procedit de actu secundo, qui est
operatio manens in operante, quae est finis operantis, et per consequens
excellentior quam forma operantis. Actus autem secundus, qui est actio tendens
in aliquod factum, non est finis agentis, nec nobilior quam eius forma; nisi
ipsa facta sint nobiliora facientibus, sicut artificiata sunt nobiliora
artificialibus instrumentis, ut eorum fines. # 14. Cette objection procиde de l'acte second, qui est l'opйration qui
demeure dans celui qui opиre, qui est sa fin, et par consйquent meilleure que
sa forme. Mais l'acte second, qui est une action qui tend а un produit, n'est
pas la fin de l'agent, et n'est pas plus noble que sa forme, а moins que ce qui
est produit soit plus noble que ceux qui le produisent, comme les oeuvres
artisanales sont plus nobles que les instruments de l'artisan, en tant que
leurs fins.
q. 5 a. 5 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod licet in circulari magnitudine non sit principium
vel finis in actu, potest tamen designari principium vel finis in ea per
inclinationem vel terminationem motus alicuius. # 15. Bien que dans une grandeur circulaire, il n'y ait ni
commencement, ni fin en acte, on peut cependant y dйsigner un commencement ou
une fin par l'inclination ou la limite d'un mouvement.
q. 5 a. 5 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod in mundi principio natura instituebatur: et ideo
in his quae ad principium spectant, non oportet naturae proprietatem
praetermittere; in mundi autem fine naturae operatio consequitur finem a Deo
sibi institutum: unde oportet ibi recurrere ad voluntatem Dei, quae talem finem
instituit. # 16. Au commencement du monde, la nature йtait instituйe, et c'est
pourquoi dans ce qui regarde au principe, il ne faut pas oublier la propriйtй
de la nature, mais а la fin du monde, l'opйration de la nature suit la fin
instituйe pour elle par Dieu; c'est pourquoi il faut ici recourir а la volontй
de Dieu qui a dйcidй une telle fin.
q. 5 a. 5 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod licet caelo quiescente semper sit futurus sol ex
una parte terrae non tamen ex alia parte terrae erunt omnino tenebrae et
obscuritas, propter claritatem quae a Deo elementis tradetur. Unde habetur
Apoc. XXI, 23, quod civitas non eget sole neque luna nam claritas Dei
illuminavit eam. Si tamen sit amplior claritas ex illa parte terrae quae fuit
inhabitata a sanctis, nullum inconveniens sequitur. # 17. Mкme si le ciel s'arrкte, il y aura toujours le soleil d'un cфtй
de la terre, cependant de l'autre, il n'y aura pas tout а fait les tйnиbres, ni
l'obscuritй, а cause de la lumiиre accordйe aux йlйments par Dieu. C'est
pourquoi il est dit dans Apocalypse, 21, 23, que "La citй n'aura pas
besoin de soleil, ni de lune, car la lumiиre de Dieu l'йclairera." Si
cependant la lumiиre est plus forte de ce cфtй de la terre qui a йtй inhabitйe
par les saints, il n'en dйcoule aucun inconvйnient.
q. 5 a. 5 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod quamvis caelum aequaliter se habeat ad quemlibet
situm sibi possibilem, non tamen motus est propter acquisitionem situs, sed
propter aliquid aliud: unde in quocumque situ remaneat, impleto eo ad quod
erat, nihil differt. # 18. Quoique le ciel se comporte de la mкme maniиre pour n'importe
quel lieu possible pour lui, cependant le mouvement n'est pas pour acquйrir un
lieu, mais pour quelque chose d'autre: c'est pourquoi, en quelque lieu qu'il
demeure, il n'y a pas de diffйrence une fois accomplie ce pourquoi il existait.
q. 5 a. 5 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod motus etsi sit actus mobilis, est tamen actus
imperfectus. Unde per hoc quod motus aufertur, non potest concludi quod
simpliciter perfectio auferatur, et praecipue si per motum mobili nihil
acquiratur. Quod autem philosophus dicit, quod acquirit perfectam bonitatem per
motum, loquitur secundum primam dictarum opinionum de fine motus caeli, qui
competit ad sempiternitatem motus. # 19. Mкme si le mouvement est un acte du mobile, il est cependant un
acte imparfait. C'est pourquoi, du fait que le mouvement est enlevй, on ne peut
pas conclure que la perfection est absolument enlevйe, et principalement, si
rien n'est acquis pour le mobile par le mouvement. Quand le philosophe dit
qu'il acquiert la bontй parfaite par le mouvement, il parle selon la premiиre
des opinions rapportйes а propos de la fin du mouvement du ciel, qui appartient
а l'йternitй du mouvement.
q. 5 a. 5 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod perfectio spiritualis naturae est ut possit esse causa
aliorum sine suo motu; quod caelum nunquam acquiret. Nec tamen propter hoc
deteriorabitur, cum finis suus non sit in causando alia, ut dictum est. # 20. La perfection de la nature spirituelle est de pouvoir кtre cause
des autres sans son mouvement, ce que le ciel n'acquerra jamais. Et cependant
il ne sera pas dйtйriorй, а cause de cela, puisque sa fin n'est pas de causer
d'autres choses, comme on l'a dit.
q. 5 a. 5 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod motus caeli non quiescet propter aliquod
contrarium, sed propter voluntatem moventis tantum. # 21. Le mouvement du ciel ne cessera pas а cause d'un contraire, mais
par la volontй du moteur seulement.
[1] Parall.: II Sent. D11q2a6,ad
3 –d33q2a1 – IV Sent. S44q3a1qla3,
c. – Qdl. VII, a. 11 – Opusc. III, c. 1, 76.
[2]
Thomas lectio 15, n° 270.
[3]
Ex priori comprend la cause, ex posteriori comprend la cause finale ou l'effet.
[4]
Cf. De veritate, qu. 2,a. 1 obj. 7:"La science dйnote une imperfection
puisqu'elle est signifiйe а la maniиre d'un habitus, c'est-а-dire d'un acte
premier, alors que la considйration est signifiйe а la maniиre d'un acte
second." (Trad. S. Bonino, La science de Dieu. Cf. note 15, p. 358. La
considйration dйsigne l'exercice d'un habitus scientifique.
[5]
C'est-а-dire dans notre monde.
[6]
Isidore de Sйville (560 636), docteur de l'Йglise.
[7]
Il veut dire qu'on peut parler d'intelligence ou d'вme, comme les
nйoplatoniciens, mкme si c'est faux, cela n'entraоne ici aucune consйquence.
[8]
Ajoutй dans l'Йd. Marietti.
[9]
"Mais ceux qui posent une sйrie infinie ne sФaperзoivent pas qu'ils
ruinent la notion mкme de bien." (Trad. J. Tricot). Thomas n° 317: "Ceux
qui posent l'infinitй dans les causes finales les йcartent".
[10]
"...le corps mы n'est pas absolument mesurable par le temps, en tant qu'il
est une certaine quantitй, mais en tant que son mouvement est une certaine
quantitй...".
Article 6: L'homme peut-il savoir quand le mouvement du ciel s'arrкtera?
q. 5 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum possit sciri ab homine quando motus caeli finiatur. Et
videtur quod sic. Et il semble que oui[1].
Objections:
q. 5 a. 6 arg. 1
Quia, secundum Augustinum in fine de Civit. Dei, sexta aetas currit ab adventu
Christi usque ad finem mundi. Sed scitur quantum praecedentes aetates
duraverunt. Ergo sciri potest quantum ista aetas durare debet per comparationem
ad alias; et ita potest sciri quando motus caeli finietur. 1. Parce que, selon Augustin, а la fin de la Citй de Dieu, le
sixiиme вge court de la venue du Christ jusqu'а la fin du monde[2]. Mais on
sait combien de temps ont durй les вges prйcйdents. Donc on peut savoir combien
cet вge doit durer par comparaison aux autres et ainsi quand le mouvement du
ciel s'arrкtera.
q. 5 a. 6 arg. 2
Praeterea, finis uniuscuiusque rei respondet suo principio. Sed principium
mundi scitum est per revelationem, ex qua Moyses dixit: in principio creavit
Deus caelum et terram. Ergo et finis mundi sciri potest per revelationem in
Scripturis traditam. 2. La fin de chaque chose correspond а son commencement, mais celui du
monde est connu par la rйvйlation: Moпse a dit (Gn 1, 1): "Au commencement
Dieu crйa le ciel et la terre." Donc la fin du monde peut кtre connue par
la rйvйlation rapportйe dans les Йcritures.
q. 5 a. 6 arg. 3
Praeterea, causa incertitudinis mundi ponitur esse, ut homo semper sit in
sollecitudinem de suo statu. Sed ad hanc sollecitudinem habendam sufficit
mortis incertitudo. Ergo non fuit necessarium, incertum esse defectum mundi;
nisi forte propter illos quorum temporibus finis mundi erit. 3. On pense que la cause de l'incertitude du monde est que l'homme soit
toujours dans l'inquiйtude au sujet de sa situation. Mais pour avoir cette
inquiйtude, l'incertitude de la mort suffit. Donc il n'a йtй pas nйcessaire que
la fin du monde soit incertaine sauf par hasard pour ceux qui vivront dans les
temps oщ elle aura lieu.
q. 5 a. 6 arg. 4
Praeterea, dicitur aliquibus propria mors esse revelata, sicut patet de beato
Martino. Dicit autem Augustinus in epistola ad Orosium, quod talis unusquisque
in iudicio comparebit, qualis fuit in morte: et sic eadem ratio est occultandi
mortem et occultandi diem iudicii. Ergo et dies iudicii, qua ad omnes pertinet,
debuit in Scriptura sacra, quae omnes instruit, revelatus fuisse. 4. On dit que leur propre mort a йtй rйvйlйe а certains, comme on le
voit pour le bienheureux Martin. Augustin dit dans La lettre а Orose, que
chacun comparaоtra au jugement tel qu'il a йtй dans sa mort, et ainsi c'est
pour la mкme raison que la mort et le jour du jugement sont cachйs. Donc mкme
le jour du jugement, qui concerne tous les hommes, a dы кtre rйvйlй dans la
sainte Йcriture qui les a tous instruits.
q. 5 a. 6 arg. 5 Praeterea, signum ordinatur ad
aliquid cognoscendum. In Evangeliis autem ponuntur aliqua signa adventus
domini, qui erit in fine mundi, ut patet Matth. XXIV, 24 sq. et Luc. XXI, 9 sq.
et similiter ab apostolis, ut patet I ad Tim. IV, 1, sq. et II ad Tim. III, 2
sq., et II ad Thess. II, 3 sq. Ergo videtur quod possit sciri tempus adventus
domini, et finis mundi. 5. Un signe est en vue de faire connaоtre quelque chose. Mais certains
signes de la venue du Seigneur sont placйs, dans les Йvangiles, qui aura lieu а
la fin du monde, comme on le voit en Mt. 24, 24 ss. et Lc 21, 9 ss. et de mкme
par l'Apфtre comme on le voit en 1 Tm 4, 1 ss., 2 Tm 3, 2 ss. et 2 Thess.2, 3.
Donc il semble que le temps de la venue du Seigneur et la fin du monde puissent
кtre connus.
q. 5 a. 6 arg. 6
Praeterea, nullus hic reprehenditur vel punitur pro eo quod non est in sua
potestate. Sed aliqui reprehenduntur in Scriptura et puniuntur pro eo quod
tempora non cognoscunt; unde dominus, Matth. XVI, 4, ad Pharisaeos: faciem
caeli diiudicare nostis, signum autem istud non potestis scire? Et Lucae XIX,
44: non relinquent in te lapidem super lapidem, eo quod non cognoveris tempus
visitationis tuae; et Ierem. VIII, 7: milvus in caelo cognovit tempus suum;
turtur et hirundo et ciconia custodierunt tempus adventus sui; populus autem
meus non cognovit iudicium domini. Ergo possibile est sciri diem iudicii, vel
tempus finis mundi. 6. Personne ici n'est rйprimandй ou puni pour ce qui n'est pas en son
pouvoir. Mais certains sont rйprimandйs dans l'Йcriture et punis parce qu'ils
ne connaissent pas "les temps". C'est pourquoi le Seigneur (Mt. 16,
4) dit aux Pharisiens: "Vous savez juger l'йtat du ciel, mais ce signe, ne
pouvez-vous pas le connaоtre?" et Lc 19, 44: "Ils ne laisseront pas
pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps oщ tu fus visitй."
et Jйr. 8, 7: "Le milan dans le ciel a connu son temps, la tourterelle,
l'hirondelle et la cigogne ont conservй mйmoire du temps de leur arrivйe, mais
mon peuple n'a pas connu le jugement de Dieu." Donc il est possible de
connaоtre le jour du jugement, ou le temps de la fin du monde.
q. 5 a. 6 arg. 7
Praeterea, in secundo adventu, Christus magis manifeste veniet quam in primo;
tunc enim videbit eum omnis populus, et qui eum pupugerunt, ut habetur Apoc. I, 7. Sed primus adventus praenuntiatus fuit in
Scriptura futurus etiam quantum ad determinatum tempus, ut patet Dan. IX,
24-27. Ergo videtur quod et secundus adventus debuerit in Scripturis
praenuntiari quantum ad certum tempus. 7. A sa seconde venue, le Christ viendra plus ouvertement qu'а sa
premiиre: car tout le peuple le verra, mкme ceux qui l'ont frappй, comme il est
dit (Apoc. 1, 7[3]). Mais le premiиre venue fut annoncйe dans l'Йcriture, comme
devant arriver а un moment dйterminй, comme on le lit en Dan. 9, 24-27. Donc il
semble que la seconde venue a dы кtre annoncйe dans les Йcritures pour le temps
fixй.
q. 5
a. 6 arg. 8 Praeterea, homo dicitur minor mundus, quia in se maioris mundi
similitudinem gerit. Sed finis vitae humanae potest praesciri
determinate. Ergo et finis mundi potest praesciri. 8. L'homme est appelй un microcosme, parce qu'il porte en lui la
ressemblance d'un monde plus grand. Mais la fin de la vie humaine peut кtre
connue а l'avance de maniиre prйcise. Donc la fin du monde aussi.
q. 5 a. 6 arg. 9
Praeterea, magnum et parvum, diuturnum et breve, relative dicuntur de uno per
comparationem ad aliud. Sed tempus illud quod est ab adventu Christi usque ad
finem mundi, dicitur esse breve, ut patet I Corinth. VII, 29: tempus breve est;
et eiusdem X, 11: nos sumus in quos fines saeculorum devenerunt; et I Ioan. II,
18: novissima hora est. Ergo hoc dicitur per comparationem ad tempus
praecedens. Ergo saltem hoc videtur sciri posse, quod multo brevius est tempus
ab adventu Christi usque ad finem mundi quam a principio mundi usque ad
Christum. 9. On parle du grand et du petit, du long et du bref, relativement en
comparaison de l'un avec l'autre. Mais le temps, qui existe depuis la venue du
Christ jusqu'а la fin du monde, est qualifiй de bref, comme on le voit en I Co
7, 29: "Le temps est bref"; et du mкme (10, 11) "(Nous sommes)а
la fin des siиcles[4]" et I Jn, 2, 18: "C'est la derniиre heure".
Donc cela est dit par comparaison au temps prйcйdant. Donc du moins cela paraоt
pouvoir кtre connu, parce que le temps est beaucoup plus bref depuis la venue
du Christ jusqu'а la fin du monde que depuis son commencement jusqu'au Christ.
q. 5 a. 6 arg. 10
Praeterea, Augustinus dicit in libro de civitate Dei, quod ignis ille qui
exuret faciem terrae in fine mundi, erit ex conflagratione omnium ignium
mundanorum. Sed potest sciri a considerantibus motum caeli, usque ad quantum
tempus ipsa corpora caelestia, quae sunt nata generare calorem in istis
inferioribus, erunt in situ efficacissimo ad hoc implendum; ut sic per
concursum actionis caelestium corporum et inferiorum ignium, universalis illa
conflagratio fiat. Ergo potest sciri quando erit finis mundi. 10. Augustin dit (La citй de Dieu,
XX, 16) que ce feu qui brыlera la face de la terre а la fin monde, viendra de
la conflagration de tous les feux de l’univers. Mais ceux qui considиrent le
mouvement du ciel peuvent savoir jusqu'а quel temps les corps cйlestes
eux-mкmes, qui sont destinйs а engendrer la chaleur dans les choses infйrieures
seront dans le lieu le plus efficace pour l'accomplir, pour qu'avec de l'action
des corps cйlestes et des feux infйrieurs, cette conflagration universelle se
fasse. Donc on peut savoir quand aura lieu la fin du monde.
En sens contraire:
q. 5 a. 6 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Matth. cap. XXIV, 36: de die illa et hora nemo
scit, neque Angeli caelorum. 1. Il est dit Mt. 24, 36:"Personne ne connaоt ce jour et cette
heure, les anges des cieux non plus."
q. 5 a. 6 s. c. 2
Praeterea, si aliquid deberet aliquibus hominibus revelari, praecipue revelatum
fuisset quaerentibus apostolis, qui doctores totius mundi instituebantur. Eis
autem de finali adventu domini quaerentibus responsum est, Act. I, 7: non est
vestrum nosse tempora vel momenta, quae pater posuit in sua potestate. Ergo
multo minus est aliis revelatum. 2. Si une chose devait кtre rйvйlйe а des hommes, elle aurait йtй
rйvйlйe surtout aux apфtres qui le demandaient, eux qui йtaient йtablis
docteurs du monde entier. Mais а ceux qui s'enqueraient de la derniиre venue du
Seigneur, il a йtй rйpondu: "(Act. I, 7) "Ce n'est pas а vous de
connaоtre ni le temps ni le moment, que Dieu a dйcidйs dans sa puissance."
Donc cela a encore beaucoup moins йtй rйvйlй aux autres.
q. 5 a. 6 s. c. 3 Praeterea, credere veritati et
revelationi acceptae in Scriptura non prohibemur. Sed apostolus, II ad Thess.
II, 2, prohibet credere quocumque modo annuntiantibus, quasi instet dominus.
Ergo illi qui nituntur tempus diei domini denuntiare, sunt tamquam seductores
cavendi. Nam et ibidem subditur: nemo vos seducat ullo modo. 3. Nous ne sommes pas empкchйs de croire а la vйritй et а la rйvйlation
reзue de l'Йcriture. Mais l'Apфtre (Thess. 2, 2) interdit de croire ceux qui
l’annoncent de quelque maniиre, "comme si le Seigneur йtait lа". Donc
ceux qui s'efforcent d'annoncer le temps du jour du Seigneur, sont comme des
sйducteurs а йviter. Car lа mкme il est ajoutй: "Que personne ne vous sйduise
en aucune maniиre."
q. 5 a. 6 s. c. 4
Praeterea, Augustinus dicit in epistola ad Hesychium: quaero utrum sic saltem
possit definiri tempus adventus, ut eum adventurum esse dicamus intra istos,
verbi gratia, vel centum annos, vel quodlibet seu maioris numeri, seu minoris
annorum. Hoc autem omnino ignorantes sumus. Ergo non potest sciri quocumque
numero annorum dato, vel decem millium, vel viginti millium, vel duorum, vel
trium, utrum infra illud tempus finis mundi futurus sit. 4. Augustin dit dans la lettre а Hйsichius (lettre 80): "Je
cherche si du moins on peut dйfinir le temps de la venue, de maniиre а dire
qu'il viendra, parmi ces nombres: par exemple dans cent ans, ou dans un nombre
plus ou moins grand d'annйes." Mais nous en sommes totalement ignorants.
Donc on ne peut savoir dans quel nombre d'annйes donnйes, ou dix mille, vingt
mille, deux ou trois, ou moins, la fin du monde aura lieu.
Rйponse:
q. 5 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum, quod tempus determinatum finis mundi omnino nescitur, nisi
a solo Deo et ab homine Christo. Cuius ratio est, quia duplex est modus quo
possumus praescire futura: scilicet, per cognitionem naturalem, et per
revelationem.
Le temps du monde est tout а fait inconnu, sinon de Dieu seul, et d'un
homme, le Christ. La raison en est que la maniиre de connaоtre а l’avance le
futur est double; а savoir par la connaissance naturelle, et par la rйvйlation.
Naturali quidem cognitione aliqua futura praenoscimus per
causas quas praesentes videmus, ex quibus futuros expectamus effectus: vel per
certitudinem scientiae, si sint causae quas de necessitate sequitur effectus,
vel per coniecturam, si sint causae ad quas sequitur effectus ut in pluribus,
sicut astrologus praescit eclypsim futuram, et medicus mortem futuram. Hoc
autem modo non potest praecognosci tempus determinate finis mundi, quia causa
motus caeli et cessationis eius non est alia quam divina voluntas, ut prius
ostensum est; quam quidem causam naturaliter cognoscere non possumus. Alia vero
quorum causa est motus caeli vel quaecumque alia causa sensibilis, possunt
naturali cognitione praecognosci, sicut particularis destructio alicuius partis
terrae, quae prius fuit habitabilis, et postea fit inhabitabilis. 1) Par la connaissance naturelle, nous connaissons а l’avance des
йvйnements futurs par les causes que nous voyons devant nous, dont nous
attendons des effets futurs: ou par la certitude de la science, si ce sont des
causes dont l’effet dйcoule nйcessairement, ou par la conjecture, si ce sont
des causes dont l'effet dйcoule gйnйralement, de mкme que l'astrologue connaоt
а l’avance une йclipse future, et le mйdecin une mort future. Mais de cette
maniиre, on ne peut pas connaоtre а l'avance de maniиre prйcise le temps de la
fin du monde, parce que la cause du mouvement du ciel et de sa cessation n'est
autre que la volontй divine, comme on l'a montrй plus haut. Cette cause, nous
ne pouvons pas la connaоtre de faзon naturelle. D'autres (йvйnements) dont la
cause est le mouvement du ciel ou quelque autre cause accessible, peuvent кtre
connus а l'avance d'une connaissance naturelle, comme la destruction
particuliиre d'une partie de la terre, qui d'abord a йtй habitйe, et ensuite
inhabitйe.
Per revelationem vero licet sciri possit, si Deus vellet
revelare, non tamen congruum esset quod revelaretur nisi homini Christo. Et hoc
propter tres rationes. 2) Mais, bien qu'on puisse le savoir par la rйvйlation, si Dieu voulait
le rйvйler, ce ne serait pas cependant convenable que ce soit rйvйlй sinon au
Christ homme. Et cela pour trois raisons:
Primo quidem, quia finis mundi non erit nisi completo numero
electorum; cuius completio est quasi quaedam executio totius divinae
praedestinationis; unde non competit revelationem fieri de fine mundi nisi ei
cui fit revelatio de tota praedestinatione divina, scilicet homini Christo, per
quem tota divina praedestinatio humani generis quodammodo adimpletur. Unde
dicitur Ioan. V, 20: pater diligit filium, et omnia demonstrat ei quae ipse
facit. a) Parce que la fin du monde n'existera que lorsque le nombre des йlus
sera complet; sa plйnitude est comme l'exйcution de toute la prйdestination
divine; c'est pourquoi il convient que la rйvйlation ne soit faite sur la fin
du monde qu'а celui а qui en est faite toute la rйvйlation, а savoir le Christ
homme[5], par lequel toute la prйdestination divine du genre humain est
accomplie d'une certaine maniиre. C'est pourquoi il est dit en Jn 5, 20: "La
Pиre aime le fils, et il lui montre tout ce qu'il fait".
Secundo, quia per hoc quod ignoratur quamdiu iste status
mundi durare debeat, utrum ad modicum vel ad magnum tempus, habentur res huius
mundi quasi statim transiturae; unde dicitur I Cor. VII, 31: qui utuntur hoc
mundo, sint tamquam non utantur; praeterit enim figura huius mundi. b) Parce que du fait qu'on ignore combien de temps cet йtat du monde
doit durer, un peu ou beaucoup, les choses de ce monde se comportent comme
devant passer sur le champ pour ainsi dire; c'est pourquoi il est dit en I Co.
7, 31: "Que ceux qui se servent de ce monde soient comme ne s'en servant
pas; car elle passe la figure de ce monde."
Tertio, ut homines semper sint parati ad Dei iudicium
expectandum, dum omnino determinatum tempus nescitur; unde dicitur Matth. XXIV,
42: vigilate, quia nescitis qua hora dominus vester venturus sit. Et ideo, ut
dicit Augustinus, ille qui dicit se ignorare quando dominus sit venturus, utrum
ad breve tempus vel ad magnum evangelicae sententiae concordat. Inter duos
autem qui scire se dicunt, periculosius errat qui dicit in proxime Christum
venturum, vel finem mundi instare, quia haec potest esse occasio ut omnino
desperaretur esse futurum, si tunc non erit quando futurum esse praedicitur. c) Pour que les hommes soient toujours prкts а attendre le jugement de
Dieu, pendant que le temps fixй est tout а fait inconnu; c'est pourquoi, il est
dit en Mt. 24, 42: "Veillez, parce que vous ne connaissez pas l'heure а
laquelle votre Seigneur doit venir." Et c'est ainsi, comme le dit Augustin
(Lettre 80, а Hйsychius) celui qui dit qu'il ignore quand le Seigneur
doit venir, dans un temps bref ou long, est en accord avec les textes
йvangйliques. Parmi deux personnes qui se disent savoir, il se trompe de faзon
plus dangereuse celui qui dit que le Christ doit venir prochainement, ou que la
fin du monde est toute proche, parce que cela peut кtre l'occasion de
dйsespйrer tout а fait[6], si l'йvйnement n'arrive pas alors que son arrivйe
est annoncйe.
Solutions:
q. 5 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod sicut dicit Augustinus, ultima aetas mundi
comparatur ultimae aetati hominis, quae determinato numero annorum non
definitur, sicut aliae aetates definiuntur; sed quandoque tantum durat quantum
omnes aliae, vel etiam amplius; unde et ista aetas ultima mundi non potest
determinato annorum vel generationum numero definiri. # 1. Comme le dit Augustin, (Les 83 questions, question 58), le dernier
вge du monde est comparй au dernier вge[7] de l'homme, qui n'est pas dйfini par
un nombre fixe d'annйes, comme les autres вges, mais quelquefois il dure autant
que tous les autres, et mкme plus, c'est pourquoi ce dernier вge du monde ne
peut кtre dйfini par un nombre fixe d'annйes ou de gйnйrations.
q. 5 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod revelatio principii mundi utilis erat ad manifestandum
Deum esse omnium causam; sed sciri tempus determinatum finis mundi, ad nihil
esset utile, sed magis nocivum; et ideo non est simile. # 2. La rйvйlation du commencement du monde йtait utile pour manifester
que Dieu est la cause de tout; mais connaоtre le temps fixй pour la fin du
monde n'est utile en rien, mais plutфt nocif, et c'est pourquoi ce n'est pas
pareil.
q. 5 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod homo naturaliter non solum de se ipso sollicitatur, sed
etiam de statu communitatis cuius est pars, sicut vel domus vel civitatis, aut
etiam totius orbis; et ideo utrumque fuit necessarium ad hominis cautelam
occultari, et finem propriae vitae, et finem totius mundi. # 3. L'homme naturellement est inquiet de lui mкme, mais aussi au sujet
de la situation de la communautй а laquelle il appartient, ainsi sa famille ou
sa citй, ou mкme le monde entier, et c'est pourquoi il a йtй nйcessaire pour la
dйfense de l’homme que soit cachйe la fin de sa propre vie, et la fin du monde
entier.
q. 5 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod revelatio finis vitae propriae, est quaedam particularis
revelatio; revelatio vero finis totius mundi dependet ex revelatione totius
divinae praedestinationis; et ideo non est simile. # 4. La rйvйlation de la propre fin de la vie est une rйvйlation
particuliиre; mais celle du monde entier dйpend de la rйvйlation de toute la
prйdestination divine et c'est pourquoi ce n'est pas pareil.
q. 5 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod illa signa posita sunt ad manifestandum quod quandoque
mundus finietur; non autem ad manifestandum determinatum tempus quando
finietur, ponuntur enim inter illa signa, aliqua quae quasi a mundi exordio
fuerunt, sicut quod surget gens contra gentem, et quod terraemotus erit per
loca; sed instante mundi fine haec abundantius evenient. Quae autem sit ista
mensura horum signorum quae circa finem mundi erit, manifestum nobis esse non
potest. # 5. Ces signes sont placйs pour manifester qu'un jour le monde finira;
mais non pour rйvйler le temps prйcis, oщ il finira; en effet parmi ces signes,
certains ont йtй mis lа depuis le commencement du monde: ainsi les nations
s'opposeront entre elles et des tremblements de terre auront lieu; mais quand
la fin du monde arrivera, ces йvйnements se produiront avec plus d’abondance.
Mais le sens de ces signes qui arrivera autour de la fin du monde, ne peut кtre
connu par nous.
q. 5 a. 6 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod illa reprehensio domini pertinet ad eos qui determinatum
tempus primi adventus non cognoverunt; non autem ad eos qui ignorant tempus
determinatum secundi adventus. # 6. Ce reproche du Seigneur convient а ceux qui n'ont pas connu le
temps fixй pour sa premiиre venue; mais non а ceux qui ignorent le temps fixй
pour la seconde venue.
q. 5 a. 6 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod primus adventus Christi nobis viam ad merendum parabat
per fidem et alias virtutes; et ideo ex parte nostra requirebatur primi
adventus notitia, ut credendo in eum qui venerat, per eius gratiam mereri
possemus. In secundo autem adventu praemia redduntur pro meritis; et sic ex
parte nostra non requiretur quid agamus aut quid cognoscamus, sed quid
recipiamus; unde non oportet praecognoscere determinate tempus illius adventus.
Dicitur autem ille adventus manifestus: non quia manifeste praecognoscatur, sed
quia manifestus erit cum fuerit praesens. # 7. La premiиre venue du Christ prйparait le chemin pour mйriter par
la foi et les autres vertus; et c'est pourquoi la connaissance de la premiиre
venue йtait requise de notre part pour qu’en croyant en celui qui йtait venu,
nous puissions mйriter par sa grвce. Dans la seconde venue les rйcompenses sont
rendues pour les mйrites, et ainsi il ne nous est pas demandй ce que nous
ferons et ce que nous connaоtrons, mais ce que nous recevrons; c'est pourquoi
il ne faut pas connaоtre а l'avance de maniиre prйcise le temps de cette venue.
Mais on dit qu'elle est йvidente, non parce qu'elle est manifestement connue а
l'avance, mais parce qu’elle sera йvidente quand elle sera lа.
q. 5 a. 6 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod corporalis hominis vita ex aliquibus prioribus et
corporalibus causis dependet, ex quibus circa finem eius aliquid prognosticari
potest; non autem ita est de toto mundo; et ideo quantum ad hoc non est simile,
licet in aliquibus homo, qui dicitur minor mundus, similitudinem maioris mundi
obtineat. # 8. La vie corporelle de l'homme dйpend de quelques causes supйrieures
et corporelles, par lesquelles il peut faire des pronostics а propos de sa fin;
mais il n'en est pas ainsi du monde entier, c'est pourquoi ce n'est pas pareil,
bien que, chez certains, l'homme qui est appelй un microcosme, obtienne la
ressemblance du macrocosme.
q. 5 a. 6 ad 9 Ad nonum dicendum, quod verba
illa quae videntur in Scripturis ad brevitatem temporis pertinere, vel etiam ad
finis propinquitatem, non tam sunt ad quantitatem temporis referenda quam ad
status mundi dispositionem. Non enim legi evangelicae alius status succedit,
quae ad perfectum adduxit; sicut ipsa successit legi veteri, et lex vetus legi
naturae. # 9. Ces paroles qui paraissent dans les Йcritures concerner la
briиvetй du temps, ou mкme l'approche de la fin, ne sont pas tant pour кtre
rapportйe а la quantitй du temps, que pour la disposition de la situation du
monde. Car une autre situation ne succиdera pas а la loi йvangйlique, qui a
menй а la perfection; comme elle-mкme a succйdй а la loi ancienne, et la loi
ancienne а la loi de nature.
q. 5 a. 6 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod illa conflagratio ignium mundanorum non creditur esse
futura ex aliqua naturali causa, ut sic per considerationem caelestis motus,
eius tempus possit praesciri; sed proveniet ex imperio divinae voluntatis. # 10. On ne croit pas que cette conflagration des feux de l’univers
arrivera par une cause naturelle, de sorte qu'ainsi par la considйration du
mouvement cйleste, son temps pourrait кtre connu а l'avance; mais elle proviendra
du pouvoir de la volontй divine.
[1] Parall.: IV Sent. d43a3 q1a2
— d47q1 a1, qla 3c — d48q2a2, ad 8.
[2]
Augustin emprunte les six вges de l’humanitй а la tradition qui prend sa source
dans les Apocalpyses juives. Ils sont parallиles aux six jours de la crйation
du monde et aux six вges de la vie. Les prйdйcesseurs d’Augustin (Pseudo
Barnabй, Justin, Hippolyte) ont des tendances millйnaristes, lui envisage cette
divsion sous un aspect historique. Premier вge, d’Adam а Noй, deuxiиme celui de
Noй а Abraham, le troisiиme d’Abraham а David, le cinquiиme De David а l’exil
de Babylone jusqu’а l’enfantement de la Vierge. "Le sixiиme вge a commencй
avec la Nativitй du Seigneur et c’est lui qui dure actuellement jusqu’au terme
inconnu du temps." (Trin. IV, 4, 7)
[3]
"Chacun le verra, mкme ceux qui l’ont transpercй…"
[4].
Dans BJ. "nous touchons la fin des temps."
[5]
Cf. Marc 13, 32: "…ni le Fils, personne que le Pиre." (!)
[6]
. Nous en avons eu des exemples.
[7]
. L'вge ultime est la vieillesse а partir de soixante ans.
Article 7: Quand cessera le mouvement du ciel, les йlйments
demeureront-ils?
q. 5 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur utrum cessante motu caeli, elementa remaneant. Et videtur
quod non. Il semble que non[1]. q. 5 a. 7 arg. 1
Dicitur enim II Petri, cap. III, 7, quod in fine mundi elementa calore
solventur. Quod autem dissolvitur, non manet. Ergo elementa non manebunt. 1. Car il est dit (2 P. 3, 7) qu'а la fin du monde, les йlйments seront
dйtruits par la chaleur. Ce qui est dйtruit, ne demeure pas. Donc les йlйments
ne demeureront pas. q. 5 a. 7 arg. 2 Sed
dicebat, quod manebunt secundum substantiam; sed non manebunt secundum
qualitates activas et passivas.- Sed contra, manente
causa, remanet effectus. Sed principia essentialia sunt causa propriorum
accidentium. Cum ergo qualitates activae et passivae sint propria
elementorum accidentia, videtur quod principiis essentialibus manentibus, sine
quibus substantia esse non potest, etiam qualitates activae maneant. 2. Mais on pourrait dire qu'ils demeureront selon leur substance, mais
non selon les puissances actives et passives. — En sens contraire, si la cause
demeure, l'effet demeure aussi. Mais les principes essentiels sont les causes
des accidents les plus spйcifiques. Donc comme les puissances actives et
passives sont les accidents propres des йlйments, il semble que, si les principes
essentiels demeurent, sans lesquels la substance ne peut pas exister, les
puissances actives demeurent aussi. q. 5
a. 7 arg. 3 Praeterea, accidens inseparabile nunquam actu a subiecto separatur.
Sed calidum est accidens inseparabile ignis. Ergo non potest ignis
remanere quin in eo calor remaneat; et eadem ratione de aliis elementis. 3. L'accident insйparable n'est jamais sйparй en acte de son substrat.
Mais le chaud est un accident insйparable du feu. Donc le feu ne peut demeurer
que si la chaleur demeure en lui; et c'est la mкme raison pour les autres
йlйments. q. 5 a. 7 arg. 4 Sed
dicebat, quod divina virtute hoc fiet, quod elementa sine qualitatibus activis
et passivis remanebunt, licet hoc per naturam esse non possit.- Sed contra, sicut in mundi principio fuit naturae
institutio, ita in mundi fine erit naturae consummatio. Sed in principio mundi,
ut Augustinus dicit, non sufficit dicere quid Deus possit facere, sed quid
habeat rerum natura. Ergo et hoc etiam in fine mundi attendendum est. 4. Mais on pourrait dire que c’est par le pouvoir divin que les
йlйments demeureront sans les puissances actives et passives, bien que cela ne
puisse exister par la nature. — En sens contraire, de mкme qu'au commencement
du monde il y eut l'institution de la nature, de mкme а sa fin il y aura sa
consommation. Mais au commencement du monde, comme le dit Augustin (La Genиse au sens littйral, II), il ne
suffit pas de dire ce que Dieu pourrait faire, mais ce que possиderait la
nature. Donc cela aussi doit кtre atteint а la fin du monde. q. 5 a. 7 arg. 5
Praeterea, qualitates activae et passivae sunt in omnibus elementis. Dicit
autem Glossa Bedae super auctoritate Petri, superius inducta, quod ignis ille
qui erit in fine mundi, duo elementa ex toto assumet, duo autem alia in
meliorem speciem commutabit. Non ergo potest intelligi elementorum solutio
quantum ad qualitates activas et passivas, quia sic non tantum duo dicerentur
assumenda. 5. Les puissances actives et passives sont dans tous les йlйments. La
glose (ordinaire) de Bиde, en s'appuyant sur l'autoritй de Pierre rapportйe
plus haut (obj. 1), dit que ce feu qui existera а la fin du monde emploiera
deux des йlйments et changera les deux autres en une espиce meilleure. Donc on
ne peut pas comprendre la dissolution des йlйments quant aux puissances actives
et passives, parce qu'on ne dirait pas ainsi que ce sont seulement deux
(йlйments) qui doivent кtre employйs. q. 5 a. 7 arg. 6 Sed
dicebat, quod in duobus elementis, scilicet igne et aqua, praecipue vigent
qualitates activae, sicut calidum et frigidum; et ideo haec duo prae aliis
assumenda dicuntur.- Sed contra, in fine mundi elementa meliorabuntur. Sed,
secundum Augustinum, agens honorabilius est patiente. Ergo magis deberent
remanere elementa in quibus vigent qualitates activae quam in quibus vigent
qualitates passivae. 6. Mais on pourrait dire que dans deux йlйments, а savoir le feu et
l'eau, les qualitйs actives sont trиs importantes, comme le chaud et le froid,
et c'est pourquoi ces deux-lа, dit-on, doivent кtre employйs avant les autres.
— En sens contraire, а la fin du monde, les йlйments seront amйliorйs. Mais
selon Augustin (La Genиse au sens
littйral XII, 16[2]), l'agent est plus honorable que
le patient. Donc les йlйments en lesquels dominent les puissances actives
devraient demeurer plus que ceux dans lesquelles dominent les puissances
passives. q. 5 a. 7 arg. 7
Praeterea, Augustinus dicit, quod ad patiendum humor et humus, ad faciendum aer
et ignis aptitudinem praebent. Ergo si propter virtutem activam aliqua elementa
assumenda dicuntur, videtur quod hoc non debeat intelligi de igne et aqua, sed
magis de igne et aere. 7. Augustin (Sur le Genиse, III, 10) dit que le liquide et la terre ont
une aptitude а supporter, l'air et le feu une aptitude а agir. Donc, si а cause
d'un pouvoir actif, on dit que quelques йlйments doivent кtre choisis, il
semble qu'on ne doit pas le comprendre du feu et de l'eau, mais plus du feu et
de l'air. q. 5 a. 7 arg. 8
Praeterea, sicut naturales qualitates elementorum sunt calidum et frigidum,
humidum et siccum, ita grave et leve. Si ergo qualitates illae non remanent in
elementis, nec gravitas et levitas remanebit in eis. Per naturam autem
gravitatis et levitatis, elementa loca sua naturalia sortiuntur. Si ergo
qualitates elementorum non remanent post finem mundi, non remanebit in eis
situs distinctus, ut terra sit deorsum, et ignis sursum. 8. Les puissances naturelles des йlйments sont le chaud et le froid,
l'humide et le sec, et le lourd et le lйger aussi. Si donc ces puissances ne
demeurent pas dans les йlйments, ni la lourdeur, ni la lйgиretй ne demeureront
en eux, Mais par leur gravitй, et leur lйgиretй, les йlйments s'йtablissent
d'eux-mкmes dans leurs sites naturels. Si donc les puissances des йlйments ne demeurent
pas aprиs la fin du monde, il ne leur restera pas de site distinct, pour la
terre soit en bas et le feu en haut. q. 5 a. 7 arg. 9 Praeterea, elementa facta sunt
propter hominem, in beatitudinem tendentem. Sed habito fine, cessant ea quae ad
finem sunt. Ergo homine totaliter iam in beatitudine collocato (quod erit in
fine mundi), elementa cessabunt. 9. Les йlйments ont йtй faits pour l'homme qui tend а la bйatitude.
Mais quand il possиde sa fin, ce qui est en vue de la fin cesse. Donc une fois
l'homme йtabli totalement dans la bйatitude (ce qui arrivera а la fin du monde)
les йlйments cesseront. q. 5 a. 7 arg. 10 Praeterea, materia est propter
formam, quam per generationem acquirit. Elementa
autem comparantur ad omnia alia corpora mixta sicut materia. Ergo cum
generatio mixtorum post finem mundi cesset, videtur quod elementa non maneant. 10. La matiиre est en vue de la forme qu'elle acquiert par gйnйration.
Mais les йlйments sont comparйs а tous les autres corps mixtes comme la
matiиre. Donc comme la gйnйration des mixtes cessera aprиs la fin du monde, il
semble que les йlйments ne demeureront pas. q. 5 a. 7 arg. 11
Praeterea, Luc. XXI, 33, super illud: caelum et terra transibunt, dicit Glossa:
deposita priori forma. Cum ergo esse sit a forma, videtur quod elementa in fine
mundi esse desinant. 11. A propos de cette parole de Luc (21, 33): "Le ciel et la terre
passeront", la glose (interlinйaire) dit: "Aprиs avoir abandonnй leur
premiиre forme.". Donc comme l'кtre vient de la forme, il semble que les
йlйments cesseront d'exister а la fin du monde. q. 5 a. 7 arg. 12
Praeterea, secundum philosophum corruptibile et incorruptibile non sunt unius
generis; et eadem ratione mutabile et immutabile. Si ergo aliquid de
mutabilitate in immutabilitatem mutetur, videtur quod in genere suae naturae
non remaneat. Elementa autem mutabuntur de mutabilitate in immutabilitatem, ut
patet per Glossam quae super illud Matth. cap. V, 18: donec transeat caelum et
terra, etc., dicit: donec transeat a mutabilitate ad immutabilitatem. Ergo ista
natura elementorum non remanebit. 12. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
X, 10, 1058 b 27[3]), le corruptible et l'incorruptible
n’appartiennent pas а un mкme genre. et pour la mкme raison, le muable et
l'immuable. Si, donc, quelque chose passe de la mutabilitй а l'immutabilitй, il
semble qu’il ne demeure pas dans son genre naturel. Mais les йlйments seront
changйs de mutabilitй en immutabilitй, comme cela paraоt dans la glose
(interlinйaire) sur cette parole de Mt 5, 18: "Jusqu'а ce que passent le
ciel et la terre", etc, elle dit: "Jusqu'а ce qu'il passe de la
mutabilitй а l'immutabilitй." Donc cette nature des йlйments ne demeurera
pas. q. 5 a. 7 arg. 13
Praeterea, haec dispositio, quam modo habent elementa, est naturalis. Si ergo ista remota aliam accipient, illa erit eis innaturalis. Sed quod
est innaturale et violentum, non potest esse perpetuum, ut patet per
philosophum in Lib. caeli et mundi. Ergo illa dispositio non posset in
perpetuum remanere in elementis; sed iterum ad hanc dispositionem reverterentur:
quod videtur esse inconveniens. Ergo ipsa elementa secundum substantiam
cessabunt, non autem eorum dispositio, substantia manente. 13. Cette disposition qu'ont maintenant les йlйments, est naturelle. Si
donc, celle-ci une fois retirйe, ils en reзoivent une autre, elle ne leur sera
pas naturelle. Mais ce qui est contre nature, et violent, ne peut pas durer
toujours, comme on le voit chez le philosophe, dans Le Ciel et le monde, (II,
1, 248 a 27 et 3, 285 b 17[4]). Donc cette disposition ne
pourrait pas demeurer йternellement dans les йlйments; mais en plus ils y
retournerait; ce qui ne paraоt pas convenir. Donc les йlйments eux-mкmes
cesseront selon la substance, mais pas leur disposition, si la substance
demeure. q. 5 a. 7 arg. 14
Praeterea, illud solum potest esse incorruptibile et ingenerabile quod totam
materiam suam sub forma habet ad quam est in potentia, sicut patet de
corporibus caelestibus. Hoc autem elementis non competit: quia materia quae est
sub forma unius elementi, est in potentia ad formam alterius. Ergo elementa non
possunt esse incorruptibilia, et ita non possunt in perpetuum manere. 14. Seul ne peut pas кtre corruptible et engendrй ce qui a toute sa
matiиre sous la forme а laquelle il est en puissance, comme c'est le cas pour
les corps cйlestes. Mais cela ne convient pas aux йlйments; parce que la
matiиre qui est sous la forme d'un des йlйments, est en puissance pour la forme
d'un autre. Donc les йlйments ne peuvent pas кtre incorruptibles, et ainsi ils
ne peuvent demeurer toujours. q. 5 a. 7 arg. 15
Praeterea, illud quod non habet virtutem ut sit semper, non potest in perpetuum
manere. Sed elementa, cum sint corruptibilia, non habent virtutem ut sint
semper. Ergo non possunt in perpetuum remanere, motu caeli cessante. 15. Ce qui n'a pas le pouvoir d'exister toujours, ne peut pas demeurer
toujours. Mais comme les йlйments sont corruptibles, ils n'ont pas le pouvoir
d'exister toujours. Donc ils ne peuvent demeurer toujours, quand le mouvement
du ciel cessera. q. 5 a. 7 arg. 16
Sed dicebat, quod elementa sunt incorruptibilia secundum totum, licet sint
corruptibilia secundum partem.- Sed contra, hoc competit elementis per motum
caeli, in quantum una pars elementi corrumpitur, et alia generatur; sic enim
ipsius elementi totalitas conservatur. Motu ergo caeli cessante, non poterit
assignari causa incorruptionis in toto elemento. 16. Mais on pourrait dire que les йlйments sont incorruptibles en
totalitй, bien qu'ils soient corruptibles en partie. — En sens contraire, cela
convient aux йlйments par le mouvement du ciel dans la mesure oщ une partie de
l'йlйment est corrompue et l’autre engendrйe; car ainsi la totalitй de
l'йlйment mкme est conservйe. Donc quand cessera le mouvement du ciel, on ne
pourra pas attribuer la cause de son incorruption а l'йlйment entier. q. 5 a. 7 arg. 17
Praeterea, philosophus dicit quod motus caeli est ut vita quaedam natura
existentibus omnibus; et Rabbi Moyses dicit, quod motus caeli in universo est
sicut motus cordis in animali, a quo dependet vita totius animalis. Cessante
autem motu cordis, omnes partes animalis dissolvuntur. Ergo cessante motu caeli
omnes partes universi peribunt; et ita elementa non remanebunt. 17. Le philosophe dit (Physique,
VIII,1, 250 b 14) que le mouvement du ciel est comme une vie qui existe en tous
par nature; et Rabbi Moyses dit que le mouvement du ciel dans l'univers est
comme le mouvement du cњur dans l'animal dont dйpend la vie de tout l'animal.
Mais quand cesse le mouvement du cњur, toutes ses parties se dissolvent Donc
quand cessera le mouvement du ciel, toutes les parties de l'univers pйriront,
et ainsi les йlйments ne demeureront pas. q. 5 a. 7 arg. 18
Praeterea, esse cuiuslibet est a sua forma. Sed motus caeli est causa formarum
in istis inferioribus: quod patet ex hoc quod nihil in inferioribus agit ad
speciem nisi ex virtute motus caeli, ut philosophi dicunt; ergo cessante motu
caeli, elementa esse desinent formis eorum destructis. 18. Tout кtre existe par sa forme. Mais le mouvement du ciel est la
cause des formes dans les (кtres) infйrieurs, ce qui paraоt du fait que rien en
eux n'agit pour l'espиce sinon par le pouvoir du mouvement du ciel, comme le
disent les philosophes, donc quand cessera le mouvement du ciel, les йlйments
disparaоtront, une fois leurs formes dйtruites. q. 5 a. 7 arg. 19
Praeterea, apud praesentiam solis elementa superiora vincunt semper inferiora,
sicut accidit in aestate propter caloris fortificationem; sed apud solis
absentiam e converso. Motu autem caeli cessante, sol semper ex una parte
praesens erit, et ex alia parte absens. Ergo ex una parte totaliter destruentur
elementa frigida, et ex alia elementa calida, et sic elementa non remanebunt
motu caeli cessante. 19. En prйsence du soleil, les йlйments supйrieurs gagneront toujours
les infйrieurs, comme cela arrive en йtй а cause de l'intensification de la
chaleur, mais en l'absence du soleil, c’est l'inverse. Mais quand cessera le
mouvement du ciel, le soleil sera toujours prйsent d'un cфtй, et absent de
l’autre. Donc d'un cфtй les йlйments froids seront totalement dйtruits et de
l'autre les йlйments chauds, et ainsi les йlйments ne demeureront pas quand
cessera le mouvement du ciel.
En sens contraire: q. 5 a. 7 s. c. 1
Sed contra. Est quod ad Rom. VIII, 20 super illud: vanitati creatura etc. dicit
Glossa Ambrosii: omnia elementa, sua cum labore explent officia: unde quiescent
nobis assumptis. Quiescere autem non est nisi existentis. Ergo elementa in fine
mundi remanebunt. 1. A propos de Rm 8, 20[5], sur cette parole: "Crйature
assujettie а la vanitй…", la glose d'Ambroise (Ambrosiaster) dit: "Tous
les йlйments remplissent leurs devoirs avec ardeur: c'est pourquoi ils
s'arrкteront quand nous serons enlevйs". S'arrкter n’est possible que pour
ce qui existe. Donc les йlйments demeureront а la fin du monde. q. 5 a. 7 s. c. 2
Praeterea, elementa facta sunt ad divinam bonitatem manifestandam. Sed tunc
maxime oportebit divinam bonitatem manifestari, quando res ultimam
consummationem accipient. Ergo in fine mundi elementa remanebunt. 2. Les йlйments ont йtй faits pour manifester la bontй de Dieu. Mais
alors il faudra que sa bontй se manifeste, quand les choses recevront l'ultime
consommation. Donc а la fin du monde, les йlйments demeureront.
Rйponse: q. 5 a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod apud omnes communiter
dicitur, quod elementa quodammodo
manebunt et quodammodo transibunt. Sed in modo manendi et transeundi est
diversa opinio. Tout le monde dit communйment que les йlйments demeureront d'une
certaine maniиre, et passeront d'une autre. Mais les opinions sont diverses sur
la maniиre de demeurer ou de passer. Quidam enim dixerunt quod omnia elementa manebunt quantum ad
materiam, sed quaedam nobiliorem formam accipient, scilicet aqua et ignis, quae
accipient formam caeli; ut sic tria elementa possint dici caelum, aer scilicet
(qui ex sua natura habet ut caelum quandoque in Scripturis dicatur) et aqua et
ignis, quae formam caeli assument: ut sic intelligatur verificari quod dicitur
Apoc. XXI, vers. 1: vidi caelum novum et terram novam, sub caeli nomine tribus
comprehensis, scilicet igne, aere et aqua. A) Certains, en effet, ont dit que tous les йlйments demeureront quant
а la matiиre, mais ils revкtiront une forme plus noble, par exemple l'eau et le
feu, qui revкtiront la forme du ciel; de sorte qu'ainsi les trois йlйments
puissent кtre appelйs ciel, а savoir l'air (qui par sa nature est quelquefois
appelй ciel dans l'Йcriture), l'eau et le feu, qui prendront la forme du ciel;
pour qu'on comprenne ainsi qu'est vйrifiй ce qui est dit dans Apoc. 21, 1: "J'ai
vu un ciel nouveau et une terre nouvelle," sous le nom de ciel sont
comprises trois choses: le feu, l'air et l'eau. Sed ista positio est impossibilis. Elementa enim non sunt in
potentia ad formam caeli, eo quod forma caeli contrarium non habet, et sub
forma caeli sit tota materia quae est in potentia ad ipsam. Sic enim caelum
esset generabile et corruptibile; quod philosophus ostendit esse falsum. Ratio
etiam, qua hoc asseritur, frivola est: quia in Scriptura, sicut Basilius in
Hexameron dicit, per extrema, media intelliguntur, ut Genes. I, 1, cum dicitur:
in principio creavit Deus caelum et terram. Nam per creationem caeli et terrae
etiam elementa media intelliguntur. Quandoque etiam sub terrae nomine omnia
inferiora comprehenduntur, ut patet in Psalm. CXLVIII, 7: laudate dominum de
terra; et postea subditur: ignis, grando, et cetera. Unde nihil prohibet
dicere, quod per innovationem caeli et terrae Scriptura innovationem etiam
mediorum elementorum intellexit, vel quod sub nomine terrae omnia elementa
comprehendat. Mais cette position est impossible. Car les йlйments ne sont pas en
puissance pour la forme du ciel, parce que celle-ci n'a pas de contraire, et
que sous cette forme il y aurait toute la matiиre, qui est en puissance pour
elle. Car ainsi le ciel pourrait кtre engendrй et corrompu: le philosophe
montre que c'est faux (Le ciel et le
monde, I, 3, 269 b 13). Et la raison pour laquelle on la soutient est
frivole; parce que dans l'Йcriture, comme Basile le dit dans l'Hexameron, par
les extrкmes, on comprend les intermйdiaires, comme en Gn. 1, 1, quand il est
dit: "Au commencement Dieu crйa le ciel et la terre." Car par la
crйation du ciel et de la terre, on comprend aussi les йlйments intermйdiaires.
Quelquefois aussi sous le nom de terre, on comprend tous les кtres infйrieurs,
comme on le voit dans le Ps. 148, 7: "Louez le Seigneur depuis la terre"
et ensuite il est ajoutй: Le feu, la grкle, etc. C'est pourquoi, rien n'empкche
de dire que par le renouvellement du ciel et de la terre, l'Йcriture a compris
le renouvellement des йlйments intermйdiaires, ou que sous le nom de terre,
elle comprend tous les йlйments. Et ideo alii dicunt, quod omnia elementa manebunt secundum
substantiam non solum quantum ad materiam, sed etiam quantum ad formas
substantiales. Sicut enim, secundum opinionem Avicennae, remanent formae
substantiales elementorum in mixto, qualitatibus activis et passivis non
remanentibus in suis excellentiis, sed ad medium redactis, ita possibile erit
quod in ultimo statu mundi absque praedictis qualitatibus remaneant elementa;
cui videtur consonare quod Augustinus dicit: in illa conflagratione mundana,
elementorum corruptibilium qualitates, quae corporibus nostris congruebant,
ardendo penitus interibunt, atque ipsa substantia eas qualitates habebit quae
corporibus immortalibus mirabili mutatione convenient. B) Et c'est pourquoi d'autres disent, que tous les йlйments demeureront
selon la substance non seulement quant а la matiиre, mais aussi quant aux
formes substantielles.De mкme que, en effet, selon l'opinion d'Avicenne, les
formes substantielles des йlйments demeureront dans le mixte, les qualitйs
actives et passives ne demeurant pas dans leur meilleur йtat, mais ramenйes а
un йtat intermйdiaire, de mкme il sera ainsi possible que dans l’йtat ultime du
monde, les йlйments demeurent sans ces puissances, ce qui semble en d'accord
avec que ce dit Augustin (La citй de Dieu,
20, 16): "En cette conflagration de l’univers, les qualitйs[6]
des йlйments corruptibles, qui s’accordaient avec nos corps, pйriront tout а
fait en brыlant et la substance mкme aura ces puissances qui, par un changement
admirable, conviennent aux corps immortels". Sed hoc non videtur rationabiliter dictum. Mais cela ne paraоt pas dit selon la raison: Primo quidem, quia cum qualitates activae et passivae sint
per se elementorum accidentia, oportet quod a principiis essentialibus
causentur; unde non potest esse quod principiis essentialibus manentibus in
elementis praedictis, qualitates deficiant, nisi per violentiam; quod non
potest esse diuturnum. Et ideo nec opinio Avicennae videtur esse probabilis,
quod formae elementorum actu maneant in mixto; sed solum virtute, ut
philosophus dicit; quia oporteret quod diversorum elementorum formae, in
diversis partibus materiae conservarentur; quod non esset, nisi essent etiam
situ distinctae; et sic non esset vera commixtio, sed solum secundum sensum; et
tamen in mixto impediuntur qualitates unius elementi per qualitates alterius;
quod non potest dici in mundi consummatione ubi omnino cessabit violentia. 1) Parce que, comme les puissances actives et passives sont en soi des
accidents des йlйments, il faut qu'elles soient causйes par des principes
essentiels; c'est pourquoi il n'est pas possible que s'ils demeurent dans ces
йlйments, les qualitйs cessent sinon par violence, ce qui ne peut pas durer
longtemps. Et c'est pourquoi, l'opinion d'Avicenne ne semble pas probable: а
savoir que les formes des йlйments en acte demeurent dans le mixte; mais
seulement en puissance, comme le Philosophe le dit; parce qu'il faudrait que
les formes des diffйrents йlйments soient conservйes dans les diffйrentes
parties de la matiиre, ce qui ne serait possible que si elles йtaient dans un
lieu diffйrent; et ainsi ce ne serait pas un vrai mйlange, mais seulement pour
les sens, et cependant dans le mixte les puissances d'un йlйments sont
empкchйes par les qualitйs d'un autre; ce qu'on ne peut pas dire de la
consommation du monde, oщ cessera tout а fait la violence. Secundo autem, quia cum qualitates activae et passivae sint
de integritate naturae elementorum, sequeretur quod elementa imperfecta
remanerent; unde auctoritas Augustini inducta non loquitur de qualitatibus
activis et passivis, sed de dispositionibus eorum quae generantur et
corrumpuntur et alterantur. 2) Parce que, comme les puissances actives et passives appartiennent а
l'intйgritй de la nature des йlйments, il s'ensuivrait que les йlйments
demeureraient imparfaits; c'est pourquoi le texte citй d'Augustin ne parle pas
des qualitйs actives et passives mais des dispositions de ce qui est engendrй,
corrompu et altйrй. Et ideo videtur dicendum, quod elementa in sua substantia
remanebunt, et etiam in suis qualitatibus naturalibus; sed mutuae generationes
et corruptiones et alterationes cessabunt; per huiusmodi enim elementa
ordinantur ad completionem numeri electorum, sicut et caelum per motum suum;
sed substantiae elementorum manebunt, sicut et substantia caeli. Cum enim universum
in perpetuum remaneat, ut supra ostensum est, oportet quod ea quae sunt de
perfectione universi, primo et per se remaneant. C) Et c'est pourquoi il semble qu'il faut dire, que les йlйments
demeureront dans leur substance, et aussi dans leurs qualitйs naturelles, mais
les gйnйrations mutuelles, les corruption et les changements cesseront; car ils
sont ordonnйs par les йlйments de ce genre а la plйnitude du nombre des йlus,
comme le ciel par son mouvement, mais les substances des йlйments demeureront,
comme la substance du ciel; en effet comme l'univers demeure toujours, comme on
l'a montrй plus haut, il faut que ce qui appartient а sa perfection demeure
d'abord et par soi. Hoc autem competit elementis, cum sint essentiales partes
universi ipsius, ut philosophus probat. Si enim est corpus circulare, oportet
esse centrum ipsius, quod est terra. Posita autem terra, quae est simpliciter
gravis, utpote in medio constituta, oportet ponere contrarium eius, scilicet
ignem, qui sit simpliciter levis; quia si unum contrariorum est in una natura,
et reliquum. Suppositis autem extremis, necesse est poni et media; unde oportet
ponere aerem et aquam, quae sunt ad ignem quidem levia, ad terram autem gravia,
quorum unum est propinquius terrae. Mais cela convient aux йlйments puisqu'ils sont les parties
essentielles de l'univers, comme le philosophe le prouve (Du ciel et du monde,
II, com. 34, 35, ss.). Car si celui-ci est un corps circulaire, il faut qu'il
soit le centre de lui-mкme qui est la terre. Mais la terre, qui est tout а fait
lourde, une fois placйe, йtablie pour ainsi dire au milieu, il faut placer son
contraire, а savoir le feu, qui est tout а fait lйger, parce que, si un des
contraires est dans une nature, etc.. Mais si on suppose les extrкmes, il est
nйcessaire de placer aussi les intermйdiaires, c'est pourquoi il faut placer
l'air et l'eau qui sont lйgers pour le feu, lourds pour la terre, dont l'un est
plus proche de la terre. Unde ex ipso situ universi patet quod elementa sunt
essentiales partes universi. Quod patet esse manifestum, ordine causarum et
effectuum considerato. Nam sicut caelum est universale activum eorum quae
generantur, ita elementa sunt eorumdem universalis materia. Unde ad
perfectionem universi requiritur quod elementa secundum suam substantiam
maneant; et ad hoc etiam habent ex sui natura aptitudinem. Corruptio autem
aliter accidit in corporibus mixtis et elementis; in corporibus enim mixtis
inest corruptionis activum principium, propter hoc quod sunt ex contrariis
composita; in elementis vero, quae contrarium exterius habent, ipsa autem non
sunt ex contrariis composita, non inest principium corruptionis activum, sed
passivum tantum, in quantum habent materiam cui inest aptitudo ad aliam formam
qua privantur. Et ab hoc principio generatio et corruptio in elementis sunt
motus vel mutationes naturales; et non propter principium activum ut dicit
Commentator. C'est pourquoi par la situation mкme de l'univers, il apparaоt que les
йlйments en sont les parties essentielles. Ce qui est йvident, si on considиre
l'ordre des causes et des effets. Car le ciel est universellement actif pour ce
qui est engendrй, de mкme les йlйments en sont la matiиre universelle. C'est
pourquoi il est requis, pour la perfection de l'univers que les йlйments
demeurent selon leur substance et pour cela aussi ils ont l'aptitude de leur
nature. Mais la corruption arrive autrement dans les corps mixtes et les
йlйments, car dans les corps mixtes, il y a un principe actif de corruption,
parce qu’ils sont composйes de contraires; mais dans les йlйments, qui ont leur
contraire а l'extйrieur, eux-mкmes n'йtant pas composйs de contraires, il n'y a
pas de principe de corruption actif, mais passif seulement dans la mesure oщ
ils ont la matiиre en laquelle se trouve l'aptitude а une autre forme dont ils
sont privйs. Et par ce principe, la gйnйration et la corruption dans les
йlйments sont des mouvements ou des changements naturels, mais pas а cause du
principe actif, comme le dit le Commentateur (Physique, II). Sicut ergo quia corpus caeleste principium sui motus activum
habet extra, potest esse quod eius motus cesset ipso manente, absque violentia,
ut supra dictum est; ita potest esse ut corruptio elementorum cesset eorum
substantiis manentibus, exteriori corruptivo cessante, quod oportet reducere in
motum caeli sicut in primum generationis et corruptionis principium. Donc, parce que le corps cйleste a le principe actif de son mouvement
de l’extйrieur, il peut arriver que son mouvement cesse alors que lui demeure,
sans violence, comme on l'a dit ci-dessus; de mкme il est possible que la
corruption des йlйments cesse, mкme si leurs substances demeurent, si cesse ce
qui corrompt de l'extйrieur, qu'il faut ramener au mouvement du ciel, comme au
premier principe de la gйnйration et de la corruption.
Solutions: q. 5 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa
elementorum solutio non est referenda ad
destructionem substantiae elementorum, sed ad elementorum purgationem, quae
erit per ignem, qui faciem iudicis praecedet. Post illam autem purgationem
remanebunt elementa secundum substantiam et naturales qualitates, ut dictum
est. # 1. Cette destruction des йlйments n'est pas а rapprocher de la
destruction de la substance des йlйments, mais а leur purification, qui se fera
par le feu qui prйcйdera la face du Juge[7]. Aprиs cette
purification les йlйments demeureront selon leur substance et leurs qualitйs
naturelles, comme on l'a dit. q. 5 a. 7 ad 2 Unde
secundum et tertium concedimus. # 2. 3. C'est pourquoi nous concйdons les objections deux et trois. q. 5 a. 7 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in
mundi principio instituta est natura corporum secundum quod ordinatur ad
generationem et corruptionem, per quam numerus electorum completur. In mundi
autem consummatione remanebit substantia elementorum secundum quod est ad
perfectionem universi. Unde non oportet omnia inesse elementis in illo finali
statu quae oportuit habere in mundi principio. # 4. Au commencement du monde la nature des corps a йtй constituйe en
rapport а la gйnйration et а la corruption, qui complиte le nombre des йlus.
Mais, а la consommation du monde la substance des йlйments demeurera selon
qu’elle est pour la perfection de l'univers. C'est pourquoi il ne faut pas que
tout ce qu'il fallait avoir au commencement du monde soit dans les йlйments
dans cet йtat final q. 5 a. 7 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Glossa Bedae non est intelligenda quod hoc modo duo
elementa secundum substantiam destruantur; sed secundum statum mutationis, quae
praecipue in duobus elementis apparet: scilicet in aere et aqua, de quibus
quidam praedictam Glossam intelligunt; quamvis secundum alios intelligatur de
igne et aqua in quibus vigent qualitates activae. # 5. La Glose de Bиde n'est pas а comprendre de maniиre que deux
йlйments seront dйtruits en substance, mais [elle est а comprendre] selon
l'йtat de changement, qui apparaоt surtout dans deux йlйments; а savoir dans
l'air et dans l'eau, comme certains comprennent cette glose; quoique d'autres
la comprennent du feu et de l'eau dans lesquels les puissances actives sont
fortes. q. 5 a. 7 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod actio magis dependet ab agente quam a patiente, ex hoc
ipso quod agens est honorabilius patiente; unde destructio mutationis in
elementis et mutuae actionis, convenientius exprimitur per subtractionem
activorum quam per subtractionem passivorum. # 6. L'action dйpend plus de l'agent que du patient, du fait que
l'agent est plus honorable que le patient; c'est pourquoi une destruction par
changement dans les йlйments ou par celle d’une action mutuelle est plus
convenablement exprimйe par la soustraction des puissances actives que par
celle des puissances passives. q. 5 a. 7 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod si consideretur actio et passio in elementis secundum
principia substantialia, sic verum est quod Augustinus dicit loc. cit. quod ad
patiendum humor et humus aptitudinem praebent, ad agendum ignis et aer; quia
ignis et aer habent plus de forma, quae est actionis principium; de materia
vero terra et aqua, quae est principium patiendi. Si vero consideretur secundum
qualitates activas et passivas, quae sunt immediata principia actionis, sic
ignis et aqua sunt magis activa, aer et terra magis passiva. # 7. Si on considиre l'action et la passion dans les йlйments selon les
principes substantiels, alors est vrai ce que dit Augustin dit (loc. cit.) que
le liquide et le sol fournissent une aptitude а supporter, le feu et l'air une
aptitude а agir; parce que le feu et l'air ont plus de forme qui est le
principe de l'action; mais la terre et l'eau [plus] de matiиre, qui est le
principe de passion. Mais si on les considиrait selon les qualitйs actives ou
passives, qui sont les principes immйdiats de l'action, le feu et l'eau sont
plus actifs, l'air et la terre plus passifs. q. 5 a. 7 ad 8 Octavum concedimus. # 8. Nous concйdons la huitiиme objection. q. 5 a. 7 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod elementa, quantum ad sui mutationem, facta sunt propter
hominem in beatitudinem tendentem; sed quantum ad suam substantiam, sunt facta
et propter perfectionem universi et propter substantiam ipsius hominis, quae ex
elementis constituitur. # 9. Les йlйments, quant а leur changement, ont йtй faits pour l'homme
а la recherche de sa bйatitude; mais quant а leur substance, ils ont йtй faits
en vue de la perfection de l'univers et de la substance de l'homme lui-mкme,
qui est constituй d’йlйments. q. 5 a. 7 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod in mundi consummatione non cessabunt omnia mixta, quia
corpora humana remanebunt. Unde decens est, si partes eorum remanent in corpore
hominis qui est minor mundus, quod ipsa tota remaneant in mundo maiori. # 10. A la consommation du monde, tous les mixtes ne cesseront pas,
parce que les corps humains demeureront. C'est pourquoi il convient, si leurs
parties demeurent dans le corps de l'homme qui est un microcosme, que tout
demeure dans le macrocosme. q. 5 a. 7 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod forma, quam elementa deponent, est ipsa
mutabilitas, non forma quae sit principium essendi. # 11. La forme que les йlйments dйposent est le principe du changement,
mais pas la forme principe de l'кtre. q. 5 a. 7 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod mutabilis dispositio tolletur ab elementis, quia
mutatio in eis non erit; non quod naturam mutabilem amittant. # 12. L’aptitude au changement est enlevйe par les йlйments; parce
qu'il n'y aura pas de changement en eux, non parce qu'ils perdront leur nature
changeante. q. 5 a. 7 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod dispositio istorum elementorum, secundum quam
generantur et corrumpuntur et mutantur, est eis naturalis, motu caeli manente:
non autem postquam motus caeli cessaverit. # 13. La disposition de ces йlйments selon laquelle ils sont engendrйs,
corrompus et changйs, leur est naturelle, tant que le mouvement du ciel demeure;
mais non aprиs qu'il aura cessй. q. 5 a. 7 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod ratio illa probat quod in elementis est
principium corruptionis materiale, non autem activum; unde non sequitur
mutatio, motu caeli subtracto, qui est principium mutationis. # 14 Cette raison prouve que dans les йlйments il y a un principe
matйriel de corruption, mais non actif, c'est pourquoi il n'en dйcoule pas un
changement, si on enlиve le mouvement du ciel qui en est le principe. q. 5 a. 7 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod elementum sicut non habet virtutem ut sit semper,
propter hoc quod potest ab exteriori corrumpi, ita non habet virtutem ut
quandoque deficiat, nisi materialem, ut dictum est. # 15. L'йlйment n'a pas le pouvoir d’exister toujours, du fait qu'il
peut кtre corrompu par l'extйrieur, de mкme il n’a pas de pouvoir de cesser un
jour, sinon un pouvoir matйriel, comme on l'a dit. q. 5 a. 7 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod elementa sunt incorruptibilia secundum totum,
partibus generatis et corruptis, quamdiu motus caeli durat; sed motu caeli
cessante, erit in eis alia incorruptionis causa, quia scilicet non possunt
corrumpi nisi ab extrinseco; corruptivum autem extrinsecum, deficiente motu
caeli, cessabit. # 16. Les йlйments sont incorruptibles selon le tout, les parties йtant
engendrйes et corrompues, tant que dure le mouvement du ciel; mais s'il cesse,
il y aura en eux une autre cause d'incorruptibilitй, parce qu’ils ne peuvent
кtre corrompus que de l'extйrieur; ce qui corrompt а l'extйrieur, а l'arrкt du
mouvement du ciel, cessera. q. 5 a. 7 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod motus caeli est ut vita quaedam omnibus rebus
naturalibus secundum statum mutationis, qui in consummatione mundi tolletur. # 17. Le mouvement du ciel est comme une vie pour toutes les choses
naturelles, selon leur situation de changement, qui [leur] sera enlevйe а la
consommation du monde. q. 5 a. 7 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod licet eductio formarum de potentia in actum
dependeat ex motu caeli, tamen eorum conservatio dependet a principiis altioribus,
ut dictum est. # 18. Bien que le passage des formes de la puissance а l'acte dйpende
du mouvement du ciel, cependant leur conservation dйpend de principes plus
йlevйs, comme on l'a dit. q. 5 a. 7 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod sol est causa caliditatis per motum, ut philosophus
dicit: unde cessante motu tollitur corruptionis causa in elementis, quae est
per superexcedentiam caloris. # 19. Le soleil est la cause de la chaleur par son mouvement, comme le
Philosophe le dit (Le ciel,. II, 7, 289 a 20): c'est pourquoi quand cesse le
mouvement, la cause de la corruption est enlevйe dans les йlйments, qui se fait
par un excиs de chaleur.
[1] Parall.: CG. IV, 97 -
Sent IV, d47q2a2, q.la 2 c — d44q2a1, q.la 1 — d48qa4, q.la 2 ad 3; Opusc. III, c. 3 - c. 171, Opusc. XI, a. 19. [2]
Cf. aussi III, X, 14. [3]
Thomas n° 2137 et 21372 oщ Thomas reprend la dйmonstration. [4]
Thomas n° 297 et 335. [5]
Cf. Sed contra, 3, Pot. 5, 5 [6]
Les qualitйs: "Ce en vertu de quoi on est dit кtre tel." (Catйgories,
8, 8 b 25). Aristote distingue trois sens: 1) Йtat ou disposition: "L’йtat
diffиre de la disposition en ce qu’il a beacoup plus de durйe et de stabilitй."
(8 b 28); 2)Aptitude ou inaptitude naturelle (9 a 18); 3) Qualitйs affectives
et affections (9 a 28). Thomas suit ici le texte d’Augustin. En certains de ces
emplois, le sens est trиs proche de "puissance". [7]
Allusion au jugement dernier.
Article 8: Quand cessera le mouvement du ciel, l'action et la passion
demeureront-elles dans les йlйments?
q. 5 a. 8 tit. 1
Octavo quaeritur utrum cessante motu caeli, remaneat actio et passio in
elementis. Et videtur quod sic. Il semble que oui. Objections[1]: q. 5 a. 8 arg. 1
Potentiae enim naturales sunt determinatae ad unum; unde virtus ignis, cum sit
naturalis potentia, se habet tantum ad calefaciendum, non autem ad non
calefaciendum. Sed in illa mundi consummatione remanebit virtus ignis et
aliorum elementorum, ut prius dictum est, art. praec. Ergo impossibile est quin
ignis et alia elementa agant. 1. Car les puissances naturelles sont limitйes а un seul objet; ainsi,
le pouvoir du feu йtant une puissance naturelle, n’agit que pour chauffer, mais
pas pour le contraire. Mais а la consommation du monde le pouvoir du feu et
celui des autres йlйments demeureront comme on l'a dit dans art. prйcйd. Donc
il est impossible que le feu et les autres йlйments n'agissent pas. q. 5 a. 8 arg. 2
Praeterea, sicut dicit philosophus, ad hoc quod fiat mutua actio et passio,
requiritur quod agens et patiens sint similia secundum materiam, et dissimilia
secundum formam. Hoc autem erit in elementis cessante motu caeli, quia eorum
substantiae manebunt, principiis essentialibus non mutatis. Ergo erit actio et
passio in elementis, motu caeli cessante. 2. Comme le dit le Philosophe, (La gйnйration, I, 6, 322 b 13 а 25 — 7,
324 a 5) pour que l'action et la passion deviennent rйciproques, il est requis
que l'agent et le patient soient semblables par la matiиre et diffйrents par la
forme. Mais cela existera dans les йlйments, quand cessera le mouvement du ciel;
parce que leurs substances demeureront, sans que les principes essentiels ne
soient changйs. Donc il y aura l'action et la passion dans les йlйments, quand
cessera le mouvement du ciel. q. 5 a. 8 arg. 3
Praeterea, causa actionis et passionis in elementis est ex hoc quod in materia
elementi semper est appetitus ad aliam formam, licet materia per unam formam
sit perfecta. Sed iste appetitus in materia remanebit, etiam motu caeli
cessante, non enim una forma elementi poterit totam potentiam materiae implere.
Ergo in illa mundi consummatione remanebit actio et passio in elementis. 3. La cause de l'action et de la passion dans les йlйments vient de ce
que dans leur matiиre il y a toujours l'appйtit d'une autre forme, bien qu'elle
soit parfaite par une seule forme. Mais cet appйtit demeurera dans la matiиre,
mкme quand le mouvement du ciel cessera, car une seule forme de l'йlйment ne
pourra pas complйter toute la puissance de la matiиre. Donc, en cette
consommation du monde, l'action et la passion demeureront dans les йlйments. q. 5 a. 8 arg. 4
Praeterea, illud quod est de perfectione elementi non aufertur ei. Hoc autem
est de perfectione uniuscuiusque entis, quod agat sibi simile: diffusio enim
ipsius esse derivatur a primo bono in omnia entia. Ergo videtur quod elementa
in illa consummatione agent sibi simile; et sic erit in eis actio et passio. 4. Ce qui concerne la perfection de l'йlйment ne lui est pas enlevй.
Mais il appartient а la perfection de chaque кtre qu'il fasse du semblable а
soi: car sa diffusion est dйrivйe du premier bien dans tous les кtres. Donc il
semble que dans cette consommation les йlйments feront du semblable а eux, et
ainsi il y aura en eux l'action et la passion. q. 5 a. 8 arg. 5
Praeterea, sicut proprium est ignis esse calidum, ita etiam proprium eius est
calefacere; sicut enim calor derivatur a principiis essentialibus ignis, ita
calefactio derivatur a calore. Si ergo in illa rerum consummatione ignis et
eius calor remanebit, videtur quod etiam calefactio remanebit. 5. Le propre du feu c'est d'кtre chaud, et aussi de chauffer: car de
mкme que la chaleur est dйrivйe des principes essentiels du feu, l'йchauffement
est dйrivй de la chaleur. Si donc dans cette consommation du monde, le feu et
la chaleur demeurent, il semble que l'йchauffement demeurera aussi. q. 5
a. 8 arg. 6 Praeterea, omnia corpora naturalia se tangentia aliquo modo se
alterant, ut patet in I de Generat. Sed elementa in
illo statu mundi se tangent. Ergo se invicem alterabunt, et ita erit ibi actio
et passio. 6. Tous les corps naturels qui se touchent s'altиrent d'une certaine
maniиre, comme cela paraоt dans La Gйnйration (I, com. 53). Mais les йlйments
dans cet йtat du monde se touchent. Donc ils s'altиreront l'un l'autre, et
ainsi il aura lа l'action et la passion. q. 5 a. 8 arg. 7
Praeterea, in illa mundi consummatione erit lux lunae sicut lux solis, et lux
solis erit septempliciter. Sed modo sol et luna sua luce illuminant corpora
inferiora. Ergo multo fortius tunc illuminabunt; et ita remanebit aliqua actio
et passio in istis inferioribus, nam medium illuminatum illuminabit ultimum. 7. A la consommation du monde, la lumiиre de la lune sera comme celle
du soleil, et la lumiиre du soleil sera sept fois plus fois" (Is. 30, 26).
Mais le soleil et la lune йclairent seulement les corps infйrieurs de leur
lumiиre. Donc alors ils йclaireront beaucoup plus; et ainsi l'action et la
passion demeureront dans ces кtres infйrieurs, car l'intermйdiaire йclairй
йclairera le dernier. q. 5
a. 8 arg. 8 Praeterea, sancti videbunt visu corporeo res huius mundi. Sed visio
non potest esse sine actione et passione, quia visus patitur a visibili. Ergo
erit actio et passio etiam motu caeli cessante. Les saints verront de leurs yeux de chair les choses de ce monde. Mais
la vision ne peut exister sans l'action et la passion, parce que la vue subit
le visible. Donc il y aura l'action et la passion mкme quand le mouvement du
ciel cessera. En sens contraire: q.
5 a. 8 s. c. 1 Sed contra. Remota causa, removetur effectus. Sed motus
caeli est causa actionis et passionis in istis inferioribus, secundum doctrinam
philosophi. Ergo remoto motu caeli, removebitur actio et passio in istis
inferioribus. 1. Si on йcarte la cause, l'effet est йcartй. Mais le mouvement du ciel
est la cause de l'action et de la passion, dans les choses infйrieures selon la
doctrine du Philosophe (Mйtйor, I, Du ciel, II, com. 56). Donc une fois le
mouvement du ciel йcartй, l'action et la passion seront йcartйes dans les
choses infйrieures. q. 5 a. 8 s. c. 2
Praeterea, actio et passio in rebus corporalibus sine motu esse non potest.
Remoto autem primo motu, qui est motus caeli, ut probatur in VIII Physic.,
oportet posteriores motus cessare. Remoto ergo motu caeli, non erit actio et
passio in istis inferioribus. 2. L'action et la passion ne peuvent pas exister sans mouvement dans
les choses corporelles. Si on enlиve le premier mouvement, qui est celui du
ciel, comme on le prouve (Physique,
VIII, 9, 265 a 26 ss.), il faut que les mouvements suivants cessent. Donc une
fois йcartй le mouvement du ciel, il n'y aura pas d'action et de passion dans
les choses infйrieures. Rйponse: q. 5 a. 8 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut habetur in libro de causis, quando causa prima
retrahit actionem suam a causato, oportet etiam quod causa secunda retrahat
actionem suam ab eodem, eo quod causa secunda habet hoc ipsum quod agit, per
actionem causae primae, in cuius virtute agit. Cum autem omne agens agat
secundum quod est in actu, oportet secundum hoc accipere ordinem causarum
agentium, secundum quod est ordo earum in actualitate. Comme on le lit dans le livre Des causes, quand la cause premiиre
retire son action de l'effet, il faut aussi que la cause seconde la lui retire,
parce qu'elle possиde ce qui agit par l'action de la cause premiиre, dans le
pouvoir de laquelle elle agit. Mais comme tout agent agit selon qu'il est en
acte, il faut qu'il reзoive l'ordonnancement des causes efficientes, selon que
celui-ci est en acte. Corpora autem inferiora minus habent de actualitate quam
corpora caelestia, nam in corporibus inferioribus non est tota potentialitas
completa per actum, eo quod materia substans uni formae remanet in potentia ad
formam aliam; quod non est in corporibus caelestibus, nam materia corporis
caelestis non est in potentia ad aliam formam; unde sua potentialitas tota est
terminata per formam quam habet. Mais les corps infйrieurs ont moins d' "actualitй" que les
corps cйlestes, car en eux il n'y a pas toute la potentialitй complиte par
l'acte, parce que la matiиre qui est le substrat d'une forme demeure en
puissance pour une autre forme; ce qui n'existe pas pour les corps cйlestes,
car la matiиre du corps cйleste n'est pas en puissance pour une autre forme.
C'est pourquoi toute sa potentialitй se termine а la forme qu'il possиde. Substantiae vero separatae sunt perfectiores in actualitate
quam etiam corpora caelestia, quia non sunt compositae ex materia et forma, sed
sunt formae quaedam subsistentes; quae tamen deficiunt ab actualitate Dei, qui
est suum esse, quod de aliis substantiis separatis non contingit; sicut etiam
videmus quod elementa etiam se superant invicem secundum gradum actualitatis,
eo quod aqua habet plus de specie quam terra, aer quam aqua, et ignis quam aer;
ita etiam est in corporibus caelestibus, et in substantiis separatis. Mais les substances sйparйes sont plus parfaites dans leur
"actualitй" que mкme les corps cйlestes, parce qu'elles ne sont pas
composйes de matiиre et de forme, mais sont des formes subsistantes, qui
cependant sont diffйrentes de l’йtat d’acte de Dieu qui est son кtre propre, ce
qui n'arrive pas pour les autres substances sйparйes; de mкme nous voyons que
les йlйments l'emportent l'un sur l'autre selon le degrй de leur
"actualitй", parce que l'eau a plus de forme (species) que la terre,
l'air que l'eau, et le feu que l'air, de mкme il en est ainsi pour les corps
cйlestes et les substances sйparйes. Elementa ergo agunt in virtute corporum caelestium et
corpora caelestia agunt in virtute substantiarum separatarum; unde cessante
actione substantiae separatae, oportet quod cesset actio corporis caelestis; et
ea cessante oportet quod cesset actio corporis elementaris. Donc les йlйments agissent dans le pouvoir des corps cйlestes et
ceux-ci dans le pouvoir des substances sйparйes, c'est pourquoi si l'action de
la substance sйparйe cesse, il faut que cesse celle du corps cйleste, et si
elle cesse, il faut que cesse celle du corps йlйmentaire. Sed sciendum quod corpus habet duplicem actionem: Mais il faut savoir que le corps a une double action: unam quidem secundum proprietatem corporis, ut scilicet agat
per motum (hoc enim proprium est corporis, ut motum moveat et agat); 1) L'une selon sa propriйtй, ainsi il agit par le mouvement (car c'est
le propre du corps de mouvoir le mы et d'agir); aliam autem actionem habet, secundum quod attingit ad
ordinem substantiarum separatarum, et participat aliquid de modo ipsarum; sicut
naturae inferiores consueverunt aliquid participare de proprietate naturae
superioris, ut apparet in quibusdam animalibus, quae participant aliquam
similitudinem prudentiae, quae propria est hominum. Haec autem est actio
corporis, quae non est ad transmutationem materiae, sed ad quamdam diffusionem
similitudinis formae in medio secundum similitudinem spiritualis intentionis
quae recipitur de re in sensu vel intellectu, et hoc modo sol illuminat aerem,
et color speciem suam multiplicat in medio. 2) Le corps a aussi une autre action, en tant qu'il confine а la nature
des substances sйparйes, et participe en quelque point de leur mode; ainsi les
natures infйrieures participent d'habitude en quelque chose de la propriйtй de
la nature supйrieure[2], comme on le voit chez certains
animaux, qui ont un semblant de prudence, (vertu) qui est propre а l'homme[3]. Mais cela c'est l'action du corps, non pour transformer
la matiиre, mais pour diffuser la ressemblance de la forme dans l'intermйdiaire
selon la ressemblance de l'intention spirituelle qui est reзue dans les sens ou
l'intellect, et de cette maniиre, le soleil illumine l'air et la couleur multiplie
son image (speciem) dans l'intermйdiaire. Uterque autem modus actionis in istis inferioribus causatur
ex corporibus caelestibus. Nam et ignis suo calore transmutat materiam, ex
virtute corporis caelestis; et corpora visibilia multiplicant suas species in
medio, virtute luminis, cuius fons est in caelesti corpore. Unde si actio
utraque corporis caelestis cessaret, nulla actio in istis inferioribus
remaneret. Sed cessante motu caeli, cessabit prima actio, sed non secunda; et
ideo cessante motu caeli, erit quidem actio in istis inferioribus
illuminationis et immutationis medii a sensibilibus; non autem erit actio per
quam transmutatur materia, quam sequitur generatio et corruptio. Mais les deux modes d'action dans les choses infйrieures sont causйs
par les corps cйlestes. Car le feu par sa chaleur change la matiиre par le
pouvoir du corps cйleste, et les corps visibles multiplient leurs images
(species) dans l'intermйdiaire, par le pouvoir de la lumiиre, dont la source
est dans le corps cйleste. C'est pourquoi si l'une et l'autre action de chaque
corps cйleste cessait, aucune action ne demeurerait dans ces corps infйrieurs.
Mais si le mouvement du ciel cesse, la premiиre action cessera, mais pas la
seconde, et c'est pourquoi si le mouvement du ciel cesse, il y aura dans ces
corps infйrieurs l'action de l'йclairage et du manque de changement
intermйdiaire par ce qui est sensible (?), mais il n'y aura pas d'action par
laquelle sera transformйe la matiиre, qui accompagne la gйnйration et de la
corruption. Solutions: q. 5 a. 8 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod virtus ignis semper est determinata ad
calefaciendum, praesuppositis tamen causis prioribus quae ad actionem ignis
requiruntur. # 1. La pouvoir du feu est toujours limitй au rйchauffement, si
cependant on prйsuppose les causes supйrieures requises pour son action. q. 5 a. 8 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod similitudo secundum materiam et contrarietas formae non
sufficit in istis inferioribus ad passionem et actionem, nisi motu caeli
praesupposito, in cuius virtute agunt omnes inferiores activae potentiae. # 2. La ressemblance selon la matiиre et la contrariйtй de la forme ne
suffisent pas dans les кtres infйrieurs pour la passion et l'action, sauf si on
suppose le mouvement du ciel au pouvoir en qui toutes les puissances actives
infйrieures agissent. q. 5 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum, quod materia
non sufficit ad actionem, nisi principium activum ponatur. Unde
appetitus materiae non sufficienter probat actionem in elementis, motu caeli
subtracto, a quo est primum principium actionis. # 3. La matiиre ne suffit а l'action que si on place un principe actif.
C'est pourquoi l'appйtit de la matiиre ne suffit pas а prouver l'action dans
les йlйments, si on retire le mouvement du ciel d'oщ vient le premier principe
de l'action. q. 5 a. 8 ad 4 Ad quartum dicendum, quod
inferiora nunquam attingunt ad gradum perfectionis superiorum. Hoc autem est de
ratione perfectionis supremi agentis, quod sua perfectio sibi sufficiat ad
agendum alio agente remoto; unde hoc inferioribus agentibus attribui non
potest. # 4. Les corps infйrieurs n'atteignent jamais le degrй de perfections
des кtres supйrieurs. Mais c'est de la nature de la perfection de l'agent
suprкme que sa perfection lui suffise pour agir, quand un autre agent est
йcartй; c'est pourquoi on ne peut l'attribuer aux agents infйrieurs. q. 5 a. 8 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod ignis est proprium calefacere, supposito quod habeat
aliquam actionem; sed eius actio dependet ab alio, ut dictum est. # 5. Le feu est propre а chauffer, si on suppose qu’il a une action;
mais celle-ci dйpend d’un autre, comme on l’a dit. q. 5 a. 8 ad 6 Et
similiter ad sextum dicendum, quod tactus non sufficit in elementis ad agendum,
nisi motu caeli supposito. # 6. Il faut dire de mкme que le toucher ne suffit pour agir dans les
йlйments que si on suppose le mouvement du ciel. q. 5 a. 8 ad 7 Alia
duo concedimus: nam procedunt de actionibus quibus materia non transmutatur,
sed species quodammodo multiplicatur per modum intentionis spiritualis. # 7. 8. Nous concйdons les deux autres objections; car elles procиdent
des actions par lesquelles la matiиre n'est pas changйe mais l'espиce d'une
certaine maniиre est multipliйe par le mode de l'intention spirituelle.
[1]Parall.:IISent.
D11q2a6, ad 3 – d33q2a1, ad 3 – IV Sent. D44q3a1 qla 3 c. –Qdl VII, a. 11 Opus III c 176. [2]Idйe
reprise en qu. 5, a. 9, obj. 11, oщ elle est attribuйe а Denys. [3]Il
y a de la prudence dans les chiens. Pour Aristote la prudence ne peut exister
que pour des кtres qui ont de la mйmoire. (980 a 28 texte n° 3 d'Aristote).
Thomas commente: la prudence vient de la mйmoire des йvйnements. Mais elle est
diffйrente chez l'homme et les animaux. Les hommes dйlibиrent selon la raison.
Le jugement ches les animaux douйs de mйmoire dйpend "d'un certain
instinct de la nature" (Thomas n° 11)
Article 9: Les plantes, les animaux et les minйraux demeureront-ils
aprиs la fin du monde?
q. 5 a. 9 tit. 1
Nono quaeritur utrum plantae et bruta animalia et corpora mineralia remaneant
post finem mundi. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 5 a. 9 arg. 1
Habetur enim Eccle. III, 14: didici quod omnia opera Dei perseverent in
aeternum. Sed corpora mineralia, plantae et bruta sunt opera Dei. Ergo in
aeternum manebunt. 1. Car on lit en Eccl. 3, 14: "J'ai appris que toutes les oeuvres
de Dieu demeureront йternellement." Mais les minйraux, les plantes et les
animaux sont des oeuvres de Dieu. Donc ils demeureront йternellement. q. 5 a. 9 arg. 2 Sed
dicebat, quod hoc intelligitur de istis operibus Dei quae aliquo modo habent
ordinem ad incorruptionem, sicut elementa quae sunt incorruptibilia secundum
totum, licet secundum partem corrumpantur.- Sed contra, sicut elementa sunt incorruptibilia secundum totum, licet
secundum partem corrumpantur, ita praedictae res sunt incorruptibiles secundum
speciem, licet secundum individua corrumpantur. Ergo videtur quod
praedictae etiam res in aeternum remaneant. 2. Mais on pourrait dire, qu'on le comprend de ces oeuvres de Dieu qui
ont rapport d'une certaine maniиre avec l'incorruptibilitй, comme les йlйments
qui sont incorruptibles en leur totalitй, bien qu'ils se corrompent en partie.
En sens contraire, de mкme que les йlйments sont incorruptibles en totalitй,
bien qu'ils se corrompent en partie, de mкme ce dont on a parlй[2]
est incorruptible selon l'espиce, bien qu'il secorrompt quant а l'individu.
Donc il semble que ces choses aussi demeurent йternellement. q. 5 a. 9 arg. 3
Praeterea, impossibile est quod intentio naturae frustretur, cum naturae
intentio sit ex hoc quod natura a Deo in finem dirigitur. Sed natura intendit
per generationem et corruptionem perpetuitatem speciei servare. Ergo nisi
praedicta secundum speciem conserventur, frustrabitur naturae intentio; quod
est impossibile, ut dictum est.. 3. Il est impossible que l'objectif de la nature soit vain; puisqu'il
vient du fait qu'elle est dirigйe par Dieu vers sa fin. Mais la nature tend par
la gйnйration et la corruption а conserver la perpйtuitй de l'espиce. Donc si
les plantes, les animaux et les minйraux ne sont pas conservйs en l'espиce,
l'objectif de la nature sera vain, ce qui est impossible comme on l'a dit. q. 5 a. 9 arg. 4
Praeterea, decor universi pertinebit ad gloriam beatorum; unde dicitur a
sanctis, quod in maiorem beatorum gloriam elementa mundi in statum meliorem
reformabuntur. Sed plantae, mineralia et bruta animalia pertinent ad decorem
universi. Ergo non subtrahentur in illa ultima consummatione beatorum. 4. La beautй de l'univers s'appliquera а la gloire des bienheureux;
c'est pourquoi les saints disent que pour la plus grande gloire des
bienheureux, les йlйments du monde seront reformйs dans un йtat meilleur. Mais
les plantes, les minйraux et les animaux font partie de la beautй de l'univers.
Donc ils ne seront pas retranchйs dans cette ultime consommation des
bienheureux. q. 5 a. 9 arg. 5
Praeterea, Rom. I, 20, dicitur quod invisibilia Dei per ea quae facta sunt,
intellecta conspiciuntur inter quae etiam facta, plantae et animalia numerari
possunt. Sed in illo statu perfectae beatitudinis necessarium est homini
invisibilia Dei cognoscere. Ergo indecens erit quod praedicta Dei opera de
medio subtrahantur. 5. En Rm 1, 20, on dit que "ce qui est invisible en Dieu, se laisse
voir а l'intelligence par ses oeuvres[3]".
Parmi ce qui a йtй crйй, on peut compter les plantes et les animaux. Mais dans
cet йtat de bйatitude parfaite, il est nйcessaire pour l'homme de connaоtre ce
qui est invisible en Dieu. Donc il ne conviendra pas que ces oeuvres de Dieu
soient retirйes. q. 5
a. 9 arg. 6 Praeterea, Apoc. XXII, 2, dicitur: ex utraque parte
fluminis lignum afferens fructus duodecim. Ergo cum ibi loquatur de ultima
consummatione beatitudinis sanctorum, videtur quod in illo statu plantae
remaneant. 6.On dit en Apoc. 22, 2: "De chaque cфtй du fleuve des arbres
fructifient douze fois." Donc, comme on y parle de l'ultime consommation
de la bйatitude des saints, il semble que les plantes demeureront dans cet
йtat. q. 5 a. 9 arg. 7
Praeterea, ab esse divino omnibus entibus inest desiderium perpetuitatis, in
quantum assimilantur primo enti, quod est perpetuum. Quod autem inest rebus ex
similitudine divini esse, non auferetur ab eis in ultima consummatione. Ergo
remanebunt plantae et animalia perpetua, saltem secundum speciem. 7. Par l'кtre de Dieu, le dйsir d'йternitй est dans tous les йtants,
dans la mesure oщ ils ressemblent а l'Йtant premier, qui est йternel. Mais ce
qui est dans les choses par ressemblance de l'кtre divin ne leur sera pas
enlevй а l'ultime consommation. Donc les plantes et les animaux demeureront
йternellement, au moins selon l'espиce. q. 5 a. 9 arg. 8 Praeterea, in ultimo statu
consummationis rerum non auferetur a rebus id quod ad rerum perfectionem
pertinet. Sed opus ornatus est consummatio quaedam creationis. Cum ergo
animalia ad opus ornatus pertineant, videtur quod non desinant esse in illo
mundi ultimo statu. 8. Dans le dernier йtat de l'achиvement des choses, ce qui concerne la
perfection ne leur sera pas enlevй. Mais l'oeuvre d'ornement est
l'accomplissement de la crйation. Donc comme les animaux appartiennent а cette
oeuvre d'ornement, il semble qu'ils ne cesseront pas d'exister dans le dernier
йtat du monde. q. 5 a. 9 arg. 9
Praeterea, sicut elementa servierunt homini in statu viae, ita et animalia et
plantae. Sed elementa remanebunt. Ergo et animalia et plantae; et sic non
videtur quod cessent. 9. Les йlйments ont servi а l'homme dans l'йtat de vie, de mкme les
animaux et les plantes. Mais les йlйments demeureront. Donc les animaux et les
plantes aussi, et ainsi il ne semble pas qu'ils cesseront d'exister. q. 5 a. 9 arg. 10
Praeterea, quanto aliquid magis participat de proprietate primi perpetui, quod
est Deus, tanto magis videtur esse perpetuum. Sed animalia et plantae plus
participant de proprietatibus Dei quam elementa, quia elementa sunt tantum
existentia, plantae autem etiam vivunt, animalia vero etiam super haec
cognoscunt. Ergo magis debent in perpetuum remanere animalia et plantae quam
elementa. 10. Plus une chose participe de la nature du premier йternel, qui est
Dieu, plus elle semble йternelle. Mais les animaux et les plantes participent
plus des propriйtйs de Dieu que les йlйments, parce que ces derniers ont
l'existence seulement, mais les plantes ont la vie, et les animaux la
connaissance en plus. Donc les animaux et les plantes doivent demeurer
йternellement plus que les йlйments. q. 5 a. 9 arg. 11
Praeterea, effectus divinae sapientiae est, ut Dionysius dicit, quod supremum
inferioris naturae coniungatur infimo naturae superioris. Hoc autem non erit si
animalia et plantae desinant esse, quia elementa in nullo attingunt ad
perfectionem humanam, ad quam attingunt quodammodo quaedam animalia; ad
animalia vero appropinquant plantae; ad plantas vero corpora mineralia, quae
immediate post elementa sequuntur. Ergo in illo mundi fine, cum non debeat
illud amoveri quod pertinet ad ostensionem divinae sapientiae, videtur quod
animalia et plantae cessare non debeant. 11. L'effet de la divine sagesse est, comme le dit Denys (Les noms divins, VII, § 3 872 A[4][5]) que le degrй le plus haut d'une
nature infйrieure rejoint le plus bas de la nature supйrieure. Mais cela
n'existera pas si les animaux et les plantes cessent d'exister, parce que les
йlйments n'atteignent en rien la perfection humaine, qu'atteignent de quelque
maniиre certains animaux; mais les plantes sont proches des animaux, et les
plantes des minйraux, qui suivent immйdiatement aprиs les йlйments. Donc en
cette fin du monde, comme ce qui sert а montrer de la sagesse divine ne doit
pas кtre йcartй, il semble que les animaux et les plantes ne doivent pas cesser
d'exister. q. 5 a. 9 arg. 12
Praeterea, si in creatione mundi animalia et plantae non fuissent productae,
non fuisset mundus perfectus. Sed maior erit
perfectio mundi ultima quam prima. Ergo videtur quod omnino animalia et plantae
remaneant. 12. Si dans la crйation du monde, les animaux et les plantes n'avaient
pas йtй produits, le monde n'aurait pas йtй parfait. Mais la perfection ultime
du monde sera plus grande que la premiиre. Donc il semble que les animaux et
les plantes dureront sans exception. q. 5 a. 9 arg. 13
Praeterea, quaedam corpora mineralia et quaedam animalia bruta in poenam
damnatorum deputantur, sicut in Psal. X, 7: ignis, sulphur et spiritus
procellarum pars calicis eorum; et Isa. LXIV, 24: vermis eorum non morietur, et
ignis non extinguetur. Poenae autem damnatorum erunt perpetuae. Ergo videtur
quod animalia et corpora mineralia in aeternum remaneant. 13. Certains minйraux et certains animaux ont йtй destinйs а punir les
damnйs, comme il est dit dans le Ps. 10, 7: "Le feu, le soufre, les vents
des tempкtes sont une part de leur destin"; et Is. 64, 24: "Leur ver
ne mourra pas, et le feu ne s'йteindra pas". Mais les peines des damnйs
seront йternelles. Donc il semble que les animaux et les minйraux demeureront
йternellement. q. 5 a. 9 arg. 14
Praeterea, in ipsis elementis sunt rationes seminales corporum mixtorum et animalium
et plantarum, ut Augustinus dicit. Hae autem rationes frustra essent, nisi
praedicta ex eis orirentur. Cum ergo in illa mundi consummatione elementa
remaneant et per consequens rationes seminales in eis, nec aliquid in operibus
Dei sit frustra, videtur quod animalia et plantae in illa mundi novitate
remaneant. 14. Dans les йlйments mкme, il y a les raisons sйminales des corps
mixtes, des animaux et des plantes, comme le dit Augustin (La Trinitй, III, 8 et 9). Mais elles seraient inutiles, а moins que
les plantes, les animaux et les minйraux ne proviennent d'elles. Donc comme а
la consommation du monde, les йlйments demeurent, et par consйquence les
raisons sйminales en eux, et que rien ne paraоt inutile dans les oeuvres de
Dieu, il semble que les animaux et les plantes demeurent dans cette renovation
du monde. q. 5 a. 9 arg. 15
Praeterea, ultima mundi purgatio erit per actionem ignis. Sed quaedam mineralia
sunt ita fortis compositionis, quod nec ab igne consumuntur, sicut patet de
auro. Ergo videtur quod ad minus illa post illum ignem remaneant. 15. La purification ultime du monde se fera par l'action du feu. Mais
certains minйraux sont d'une composition si rйsistante qu'ils ne seront pas
consumйs par le feu, comme on le voit pour l'or. Donc il semble qu'au moins
ceux-lа demeurent aprиs ce feu. q. 5 a. 9 arg. 16
Praeterea, universale est semper. Sed universale non est nisi in singularibus.
Ergo videtur quod cuiuslibet universalis singularia semper erunt; ergo et bruta
animalia et plantae et corpora mineralia semper erunt. 16. L'universel existe toujours. Mais il n'existe que dans le
particulier. Donc il semble que le particulier de n'importe quel universel
existera toujours; donc les animaux, les plantes et les minйraux existeront
toujours . En sens contraire: q. 5 a. 9 s. c. 1
Sed contra. Est quod Origenes dicit: non est opinandum venire ad finem illum
animalia, vel pecora, vel bestias terrae, sed nec ligna, nec lapides. 1. Il y a ce que dit Origиne: "Il ne faut pas penser que les
animaux, les troupeaux ou les bкtes de la terre parviendront а cette fin, ni le
bois, ni les pierres." q. 5 a. 9 s. c. 2
Praeterea, animalia et plantae ad vitam animalem hominis ordinantur: unde
dicitur Genes. IX, 3: quasi olera virentia dedi vobis omnem carnem. Sed vita
animalis hominis cessabit. Ergo et animalia et plantae cessabunt. 2. Les animaux et les plantes
sont ordonnйs а la vie charnelle de l'homme: c'est pourquoi il est dit en Gn.
9, 3: "Je vous ai donnй toute chair, au mкme titre[6]
que les lйgumes verts.." Mais la vie des hommes cessera. Donc les animaux
et les plantes aussi. Rйponse: q. 5 a. 9 co.
Respondeo. Dicendum, quod in illa mundi innovatione nullum corpus mixtum
remanebit praeter corpus humanum. Ad huius autem rationem sumendam, procedendum
est ordine quem docet philosophus, ut scilicet prius consideretur causa
finalis, et postmodum principia materialia et formalia et causae moventes.
Finis autem mineralium corporum et plantarum et animalium duplex potest
considerari: Dans cette rйnovation du monde, aucun corps mixte ne demeurera sauf le
corps humain. Pour en comprendre la raison, il faut procйder dans l'ordre
qu'enseigne le Philosophe (Physique,
II, 9, 200 a 7), а savoir qu'on considиre la cause finale d'abord, ensuite les
principes matйriels et formels et les causes moteurs. Mais la fin des minйraux,
des plantes et des animaux peut кtre considйrйe de deux faзons: primus quidem completio universi, ad quam omnes partes
universi ordinantur sicut in finem; ad quem quidem finem res praedictae non
ordinantur sicut per se et essentialiter de perfectione universi existentes,
cum nihil in eis existat quod non inveniatur in principalibus partibus mundi
(quae sunt corpora caelestia et elementa) sicut in principiis activis et
materialibus. Unde res praedictae sunt quidam particulares effectus causarum
universalium, quae sunt essentiales partes universi; et ideo de perfectione
sunt universi secundum hoc tantum quod a suis causis progrediuntur, quod quidem
fit per motum. Unde pertinent ad perfectionem universi sub motu existentis, non
autem ad perfectionem universi simpliciter. Et ideo cessante mutabilitate
universi, oportet quod praedicta cessent. 1) D'abord, la plйnitude de l'univers, а laquelle toutes ses parties
sont ordonnйes, comme а leur fin: les plantes, les animaux et les minйraux ne
sont pas ordonnйs а cette fin comme par soi et en existant essentiellement pour
la perfection de l'univers, puisque rien n'existe en elles qu'on ne retrouve
dans les principales parties du monde (que sont les corps cйlestes et les
йlйments) comme dans les principes actifs et matйriels. C'est pourquoi de
telles choses sont les effets particuliers des causes universelles, qui sont
les parties essentielles de l'univers, et c'est pourquoi elles concernent la
perfection de l'univers en cela seulement qu'elles sortent de leurs causes, ce
qui se fait par mouvement. C'est pourquoi elles conviennent а la perfection
d'un univers soumis au mouvement, mais non а celle de l'univers dans l'absolu.
Et c'est pourquoi si le changement cesse dans l'univers, il faut qu'elles
cessent. Alius autem finis est homo; quia, ut philosophus in sua
politica, dicit, ea quae sunt imperfecta in natura, ordinantur ad perfecta
sicut ad finem: unde, sicut ibidem dicit, cum animalia habeant vitam imperfectam
respectu vitae humanae, quae simpliciter perfecta est, et plantae respectu
animalium; plantae sunt propter animalia, praeparatae eis in cibum a natura;
animalia vero propter hominem, necessaria ei ad cibum et ad alia auxilia. Ista
autem necessitas est, vita animalis hominis durante; quae quidem in illa rerum
innovatione tolletur, quia corpus resurget non animale, sed spirituale, ut
dicitur I Corinth. XV, 44; et ideo tunc etiam animalia et plantae cessabunt. 2) Mais la fin de l'homme est autre, parce que, comme le Philosophe le
dit dans sa Politique (ch. 5), ce qui est imparfait en nature, est ordonnйe а
ce qui est parfait, comme а sa fin; c'est pourquoi, comme il le dit lа mкme,
comme les animaux ont une vie imparfaite par rapport а la vie humaine, qui est
absolument parfaite, et les plantes par rapport aux animaux; les plantes sont
pour les animaux, prйparйes en nourriture pour eux par la nature, les animaux
pour l'homme, nйcessaires pour sa nourriture et autres aides. Mais cette
nйcessitй existe tant que dure la vie physique de l'homme; elle est enlevйe
dans cette rйnovation des choses, parce que le corps ressuscitera, non animal,
mais spirituel, comme il est dit en I Co. 15, 44; et c'est pourquoi alors mкme
les animaux et les plantes cesseront. Et ad hoc idem habent aptitudinem
praedictarum rerum materia et forma. Cum enim sint ex contrariis composita,
habent in se ipsis principium activum corruptionis. Unde si a corruptione
prohiberentur ab exteriori principio tantum, hoc esset quodammodo violentum et
non conveniens perpetuitati, quia quae sunt violenta non possunt esse semper,
ut patet per philosophum in libris caeli et mundi. Interius autem principium
non habent quod possit a corruptione prohibere, quia eorum formae sunt per
naturam corruptibiles, utpote nec per se subsistentes, sed esse habentes a
materia dependens: unde non possunt in perpetuum remanere eadem numero, nec
eadem specie, generatione et corruptione cessante. Et pour cette mкme raison, la matiиre et la forme ont l'aptitude des
choses ci-dessus. Car, comme elles sont composйes de contraires, elles ont en
elles-mкmes un principe actif de corruption. C'est pourquoi si elles йtaient
empкchйes de se corrompre par un principe extйrieur seulement, cela serait
d'une certaine maniиre violent et ne conviendrait pas pour une durйe illimitйe,
parce que ce qui est violent ne peut pas exister toujours, comme le Philosophe
le montre dans le livre Le ciel et du monde (II, 1, 248 a 27[7]).
Mais elles n'ont pas un principe plus intйrieur, qui puisse empкcher la
corruption, parce que leurs formes sont corruptibles par nature, de sorte
qu'elles ne sont pas subsistantes par soi, mais elles ont un кtre qui dйpend de
la matiиre: c'est pourquoi elles ne peuvent demeurer toujours les mкmes ni en
nombre, ni en espиce, si la gйnйration et la corruption cessent. Hoc autem idem invenitur ex consideratione causae moventis;
esse enim plantarum et animalium quoddam vivere est, quod in rebus corporalibus
sine motu non existit; unde animalia deficiunt cessante motu cordis, et plantae
cessante nutrimento. In his autem rebus non est aliquod motus principium non
dependens a primo mobili, quia ipsae animae animalium et plantarum totaliter
subiiciuntur impressionibus caelestium corporum. Unde motu caeli cessante, non
poterit in eis motus remanere, nec vita. Et sic patet quod in illa mundi
innovatione res praedictae non poterunt remanere. On trouve le mкme rйsultat si on considиre la cause moteur; car l'кtre
des plantes et des animaux c'est une certaine maniиre de vivre, qui n'existe
pas dans les corps sans mouvement; c'est pourquoi les animaux pйrissent lorsque
cesse le mouvement du coeur, et les plantes quand cesse leur nourriture. Mais
il n'y a pas en elles un principe de mouvement indйpendant d'un premier mobile,
parce que les вmes mкme des animaux et des plantes sont soumises totalement aux
pressions des corps cйlestes. C'est pourquoi, si le mouvement du ciel cesse, le
mouvement ne pourra pas demeurer en elles, ni la vie non plus. Et ainsi il est
clair que dans cette rйnovation du monde, les plantes, les animaux et les
minйraux ne pourront pas demeurer. Solutions: q. 5 a. 9 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod omnia opera Dei in aeternum perseverant vel secundum
se, vel in suis causis: sic enim et animalia et plantae remanebunt manentibus
caelestibus corporibus et elementis. # 1. Toutes les oeuvres de Dieu demeureront йternellement en soi, ou
dans leurs causes, car ainsi les animaux et les plantes demeureront tant que
les corps cйlestes et les йlйments demeureront. q. 5 a. 9 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod perpetuitas quae est secundum speciem et non secundum
numerum, est per generationem; quae, cessante motu caeli, non erit. # 2. La perpйtuitй selon l'espиce, et non selon le nombre existe par
gйnйration, si le mouvement du ciel cesse, elle n'existera plus. q. 5 a. 9 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod intentio naturae est ad perpetuitatem in specie
conservandam, durante motu caeli, per quem huiusmodi perpetuitas conservari
potest. # 3. L'intention de la nature est de toujours conserver l'espиce, tant
que dure le mouvement du ciel, par lequel une telle perpйtuitй peut кtre
conservйe. q. 5 a. 9 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod praedictae res faciunt ad decorem universi secundum
statum mutabilitatis in mundo et animalis vitae in homine, et non aliter, ut
dictum est. # 4. Les choses susdites participent а la beautй de l'univers, selon
l'йtat de mutabilitй dans le monde et de la vie physique dans l'homme, mais pas
autrement, comme on l'a dit. q. 5 a. 9 ad 5 Ad
quintum dicendum quod in illa beatitudine sancti non indigebunt invisibilia Dei
per creaturas conspicere, sicut in hoc statu, pro quo loquitur apostolus; sed
tunc invisibilia Dei per se ipsa videbunt. # 5. Dans cette bйatitude, les saints n'auront pas besoin de voir par
les crйatures ce qui est invisible en Dieu, comme dans cet йtat (de vie), dont
parle l'Apфtre; mais alors ils verront par eux-mкmes ce qui est invisible en
Dieu. q. 5 a. 9 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod lignum vitae accipitur ibi metaphorice pro Christo, vel
pro sapientia, de qua Proverb. cap. III, 18: lignum vitae est his qui
apprehenderint eam. # 6. La bois de la vie est pris mйtaphoriquement pour le Christ, ou
pour la Sagesse, dont parle les Proverbes (3, 18): "Le bois de vie est
pour ceux qui l'auront saisie." q. 5 a. 9 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod desiderium perpetuitatis est in rebus creatis ex
assimilatione ad Deum; unicuique tamen secundum suum modum. # 7. Le dйsir d'йternitй est dans les crйatures par ressemblance а Dieu;
chacun а sa maniиre cependant. q. 5 a. 9 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod opus creationis per ornatum animalium et plantarum
consummatur quantum ad primam mundi consummationem, quae attenditur secundum
statum mutabilitatis mundi, in ordine ad complendum numerum electorum; non autem
ad consummationem mundi simpliciter, ut dictum est. # 8. L'oeuvre de crйation est achevйe par l'ornement des animaux et des
plantes, quant а la premiиre consommation du monde, qui est atteinte selon le
statut de sa mobilitй, dans l'ordre pour complйter le nombre des йlus, mais non
pour la consommation absolue du monde, comme on l'a dit. q. 5 a. 9 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod elementa non dicuntur remunerari secundum se, quia non
secundum se aliquid meruerunt; sed dicuntur remunerari in quantum homines in
eis remunerabuntur, prout scilicet eorum claritas in gloriam electorum cedet.
Animalibus autem et plantis homines non indigebunt, sicut elementis, quae erunt
locus quasi gloriae ipsorum; et ideo non est simile. # 9. On ne dit pas que les йlйments sont rйcompensйs en soi, parce
qu'en soi, ils n'ont rien mйritй; mais on dit qu'ils sont rйcompensйs en tant
que les homme seront rйcompensйs en eux, selon que leur clartй se changera en
la gloire des йlus. Mais les hommes n'auront pas besoin des animaux et des
plantes, comme des йlйments, qui seront, pour ainsi dire, le lieu de leur
gloire; et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 5 a. 9 ad 10 Ad decimum dicendum, quod licet
quantum ad vitam et cognitionem, plantae et animalia sint meliora quam
elementa, tamen quantum ad simplicitatem, quae facit ad incorruptionem, sunt
elementa Deo similiora. # 10. Bien que, en ce qui concerne la vie et la connaissance, les
plantes et les animaux soient meilleurs que les йlйments, cependant, par leur
simplicitй, qui les rend incorruptibles, les йlйments sont plus semblables а
Dieu. q. 5 a. 9 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod in ipso homine continuatio quaedam naturarum
apparebit, in quantum in eo congregatur et natura corporis mixti et natura
vegetabilium et animalium. # 11. Dans l'homme mкme, la continuation des natures apparaоtra, en
tant qu'en lui se rassemblent la nature du corps mixte, et celle des vйgйtaux
et des animaux. q. 5 a. 9 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod alia fuit perfectio mundi creati et mundi consummati,
ut supra dictum est; et ideo non oportet ut sit de secunda perfectione quod
fuit de prima. # 12. La perfection du monde crййe a йtй autre que celle du monde
consumй, comme on la dit ci-dessus, et c'est pourquoi il ne faut pas que ce qui
est de la seconde perfection soit ce qui a йtй de la premiиre. q. 5 a. 9 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod vermis ille qui ad poenam impiorum deputatur, non
est intelligendus corporaliter, sed spiritualiter; ut per vermem stimulus suae
conscientiae intelligatur, ut Augustinus dicit; et secundum eumdem modum
possunt exponi si qua similia inveniantur. # 13. Ce vers qui est destinй а la peine des impies, n'est pas а
comprendre corporellement, mais spirituellement, pour que par lui on comprenne
l'aiguillon de la conscience, comme Augustin le dit (La Citй de Dieu, XX), et si on trouve d'autres expressions
semblables, on peut les expliquer de la mкme maniиre q. 5 a. 9 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod rationes seminales quae sunt in elementis, ad
effectum producendum non sufficiunt nisi motu caeli coadiuvante; et ideo motu
caeli cessante non sequitur quod oporteat animalia vel plantas esse; nec tamen
sequitur quod rationes seminales sint frustra, quia sunt de perfectione ipsorum
elementorum. # 14. Les raisons sйminales, qui sont dans les йlйments, ne suffisent
pour produire un effet que si le mouvement du ciel vient а leur aide; et c'est
pourquoi s'il cesse, il n'en dйcoule pas qu'il faille que les animaux ou les
plantes existent, et cependant il n'en dйcoule pas que les raisons sйminales
soient vaines, parce qu'elles concernent la perfection des йlйments eux-mкmes. q. 5 a. 9 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod licet aliqua sint quae ad horam ab igne non
consumantur, nihil tamen est quod finaliter ab igne non consumatur, si diu in
igne remaneat, ut Galenus dicit; et tamen ille ignis conflagrationis mundi erit
multo violentior quam iste ignis quo utimur. Nec iterum ex sola ignis actione
corpora mixta in illo igne destruentur, sed etiam ex cessatione motus caeli. # 15. Bien que certaines choses existent qui ne sont pas consumйes sur
l'heure par le feu, il n'y a rien cependant qui ne soit consumй finalement par
le feu, s'il lui demeure longtemps, comme Galien le dit; et cependant ce feu de
la conflagration du monde sera beaucoup plus violent que celui dont nous nous
servons. Et а nouveau de sa seule action les corps mixtes seront dйtruits en
lui, mais aussi par la cessation du mouvement du ciel. q. 5 a. 9 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod universale tripliciter considerari potest; et
secundum quemlibet modum considerationis aliquo modo verum est quod universale
est semper. # 16. On peut considйrer l'universel de trois maniиres; et sous quel
que mode qu'on le considиre il est vrai d'une certaine maniиre qu'il existe
toujours . Potest enim uno modo considerari natura universalis secundum
quod abstrahit a quolibet esse: et sic verum est quod universale est semper,
magis per remotionem causae determinantis ad aliquod tempus, quam per
positionem causae perpetuitatis; de ratione enim naturae universalis non est
quod sit magis hoc tempore quam illo; per quem etiam modum materia prima
dicitur esse una. a) Car on peut d'une maniиre considйrer la nature universelle selon
qu'elle est sйparйe de n'importe quel кtre; et ainsi il est vrai que
l'universel existe toujours plus par йloignement de la cause dйterminante pour
un temps, que par la position de la cause de la perpйtuitй, car il n'est pas de
la dйfinition de la nature universelle qu'elle existe plus dans un temps que
dans un autre; de cette maniиre on dit que la matiиre premiиre est une. Alio modo potest considerari secundum esse quod habet in
singularibus: et sic verum est quod est semper, quia est quandocumque est suum
singulare; sicut etiam dicitur esse ubique, quia est ubicumque est suum
singulare, cum tamen multa loca sint ubi sua singularia non sunt; unde nec ibi
est universale. b) D'une autre maniиre, elle peut кtre considйrйe selon son кtre dans
les choses particuliиres, et ainsi il est vrai qu'elle existe toujours parce
qu'elle existe toutes les fois qu'existe son кtre particulier. De mкme on dit
aussi qu'elle est partout, n 'importe oщ existe un кtre particulier qui la
reprйsente, alors que cependant il y a de nombreux endroits oщ ses кtres
particuliers ne sont pas: c'est pourquoi ici non plus ce n'est pas universel. Tertio modo potest considerari secundum esse quod habet in
intellectu: et sic etiam verum est quod universale est semper, praecipue in
intellectu divino. c) D'une troisiиme maniиre, on peut la considйrer selon l'кtre qu'elle
a dans l'intellect et ainsi il est vrai que l'universel existe toujours ,
principalement dans l'intellect divin.
[1] Parall.: CG. IV, 97 – IV Sent. d43q1a4, -
q2a. 6 – d48q2a.5 c. – d50q2a.3, q.la 2 c. [2]
Les plantes, les animaux et les minйraux. [3]
"Ce qu'il y a d'invisible depuis la crйation du monde se laisse voit а
l'intelligence а travers ses oeuvres." Rm 1, 20 B.J.) [4]
Citй en qu. 6, a. 6, obj. 12. [5]
Citй а nouveau Pot. qu. 6, a. 6, obj. 12. [6]
B.J. [7]
Thomas n° 297.
Article 10: Les corps humains demeureront-ils quand cessera le
mouvement du ciel?
q. 5 a. 10 tit. 1
Decimo quaeritur utrum corpora humana remaneant, motu caeli cessante. Et
videtur quod non. Il semble que non[1] Objections: q. 5 a. 10 arg. 1 Quia dicitur I Cor. cap. XV, 50:
caro et sanguis regnum Dei non possidebunt. Sed corpus hominis est ex carne et
sanguine. Ergo in illo rerum fine humana corpora non remanebunt. 1. Parce qu'il est dit en I Cor. 15, 50: "La chair et le sang ne
possйderont pas le Royaume de Dieu." Mais le corps de l'homme est de la
chair et du sang. Donc en cette fin du monde, les corps humains ne demeureront
pas. q. 5 a. 10 arg. 2
Praeterea, omnis mixtio elementorum ex motu caeli causatur, cum ad mixtionem
alteratio requiratur. Sed corpus humanum est corpus mixtum ex elementis. Ergo
motu caeli cessante, remanere non potest. 2. Tout mixte des йlйments est causй par le mouvement du ciel, puisque
le changement est nйcessaire pour la mixtion. Mais le corps humain est un corps
mixte d'йlйments. Donc, si le mouvement du ciel cesse, il ne peut pas demeurer. q. 5 a. 10 arg. 3
Praeterea, necessitas quae est ex materia, est necessitas absoluta, ut patet in
II Physic. Sed in corpore composito ex contrariis est necessitas ad
corruptionem ex ipsa materia. Ergo impossibile est quin talia corpora
corrumpantur; et ita impossibile est quod remaneant post statum generationis et
corruptionis. Corpora autem humana sunt huiusmodi. Ergo impossibile est quod in
illo rerum fine remaneant. 3. La nйcessitй qui vient de la matiиre est une nйcessitй absolue,
comme cela est exposй en Physique
(II, 9, 200 a 1 Р 200 a 14). Mais dans un corps composй de contraires, il y a
nйcessairement la corruption qui vient de la matiиre mкme. Donc il est
impossible que de tels corps ne soient pas corrompus et qu'ainsi ils demeurent
aprиs un йtat de gйnйration et de corruption. Mais les corps humains sont de ce
genre. Donc il est impossible qu'ils demeurent en cette fin du monde. q. 5 a. 10 arg. 4
Praeterea, homo cum brutis convenit in hoc quod habet corpus sensibile. Sed
corpora sensibilia brutorum non remanebunt in illo mundi fine. Ergo nec corpora
humana. 4. L'homme se rencontre avec les animaux du fait qu'il a un corps
sensible. Mais les corps sensibles des animaux ne demeureront pas en cette fin
du monde. Donc les corps humains non plus. q. 5 a. 10 arg. 5
Praeterea, finis hominis est perfecta assimilatio ad Deum. Sed Deo, qui
incorporeus est, magis assimilatur anima corpore absoluta, quam corpori unita.
Ergo in illo statu finalis beatitudinis, animae absque corporibus erunt. 5. La fin de l'homme est la ressemblance parfaite а Dieu[2].
Mais l'вme sйparйe du corps ressemble plus а Dieu, qui est incorporel qu'unie
au corps. Donc en cet йtat de bйatitude finale, les вmes seront sans corps. q. 5 a. 10 arg. 6
Praeterea, ad perfectam hominis beatitudinem requiritur perfecta operatio
intellectus. Sed operatio animae intellectivae a corpore absolutae est
perfectior quam animae corpori unitae, quia, ut dicitur in Lib. de causis,
omnis virtus unita plus est infinita quam multiplicata. Formae autem separatae
in se unitae sunt: materiae vero coniunctae, quodammodo ad plura diffunduntur.
Ergo in illa perfecta beatitudine animae non erunt corpori unitae. 6. Pour la parfaite bйatitude de l'homme, une parfaite opйration de
l'intellect est requise. Mais l'opйration de l'вme intellectuelle est plus
parfaite sйparйe du corps qu'unie au corps, comme on le dit dans le Livre des Causes ( prop. 17), toute
puissance unie est plus infinie qu'une puissance multipliйe. Les formes
sйparйes sont unies en soi, mais les matiиres jointes, sont rйpandues d'une
certaine maniиre en plusieurs. Donc dans cette parfaite bйatitude, les вmes ne
seront pas unies au corps. q. 5 a. 10 arg. 7 Praeterea, elementa quae sunt
in mixto, appetunt naturali appetitu propria ubi. Appetitus autem
naturalis non potest esse vanus; unde quod est contra naturam, non potest esse
perpetuum. Non potest ergo esse quin elementa in corpore mixto existentia
quandoque ad sua loca tendant, et sic corpus mixtum corrumpatur; ergo post
corruptionis statum non remanebunt humana corpora, quae sunt mixta. 7. Les йlйments qui sont dans le mixte recherchent d'un appйtit naturel
leur propre site. Mais cet appйtit naturel ne peut pas кtre vain. C'est
pourquoi ce qui est contre la nature ne peut pas кtre perpйtuel. Il n'est donc
pas possible que les йlйments qui existent dans le corps mixte parfois ne
tendent pas а leur site, et ainsi le corps mixte est corrompu; donc aprиs
l'йtat de corruption, les corps humains qui sont des mixtes ne demeureront pas. q. 5 a. 10 arg. 8
Praeterea, omnis motus naturalis cuiuscumque corporis a motu caeli dependet.
Sed motus cordis, sine quo non potest esse humani corporis vita, est motus
naturalis. Ergo cessante motu caeli remanere non poterit, et per consequens nec
humani corporis vita. 8. Tout mouvement naturel d'un corps quelconque dйpend du mouvement du
ciel. Mais le mouvement du coeur, sans quoi la vie du corps humain ne peut pas
exister, est un mouvement naturel. Donc quand cessera le mouvement du ciel, il
ne pourra pas demeurer, et par consйquent, la vie du corps humain non plus. q. 5 a. 10 arg. 9
Praeterea, membra humani corporis, pro maiori parte sunt ordinata ad usus
competentes vitae animalis, sicut patet de venis et stomacho et huiusmodi, quae
ordinatur ad nutrimentum. Animalis autem vita in homine non remanebit in illa
beatitudine. Ergo nec membra corporis (alias enim frustra essent); et sic nec
corpus humanum remanebit. 9. Les membres du corps humain, pour une majeure partie sont ordonnйs а
l'usage appropriй de la vie physique, comme on le voit pour les veines,
l'estomac, etc., qui sont ordonnйs а la nutrition; mais la vie physique dans
l'homme ne demeurera pas dans cette bйatitude. Donc les membres du corps non
plus (car autrement ils seraient inutiles) et ainsi le corps humain ne
demeurera pas. En sens contraire: q. 5 a. 10 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur I ad Cor.
cap. XV, 53: oportet corruptibile hoc induere incorruptionem. Hoc autem
corruptibile, corpus est. Ergo corpus remanebit incorruptione indutum. 1. Il y a ce qui est dit en I Co., 15, 53: "Il faut que cet кtre
corruptible revкte l'incorruptibilitй." Ce qui est corruptible, c'est le
corps. Donc le corps demeurera revкtu d'incorruptibilitй. q. 5 a. 10 s. c. 2 Praeterea, Philip. III, 21,
dicitur: reformabit corpus humilitatis nostrae configuratum corpori claritatis
suae. Sed Christus corpus quod semel in resurrectione resumpsit, nunquam
deposuit nec deponet: Rom. VI, 9: Christus resurgens ex mortuis iam non
moritur. Ergo et sancti in perpetuum vivent cum corporibus cum quibus resurgent;
et sic humana corpora post finem mundi manebunt. 2. En Phil. 3, 21, il est dit: "Il transfigurera notre corps
d'humilitй pour le conformer а son corps de gloire[3]"
Mais le Christ n'a jamais abandonnй et n'abandonnera pas le corps qu'il a
repris une fois ressuscitй. Rm 6, 9: "Le Christ ressuscitй des morts ne
meurt plus." Donc les saints vivront йternellement dans les corps avec
lesquels ils ressusciteront, et ainsi les corps humains demeureront aprиs la
fin du monde. Rйponse: q. 5 a. 10 co.
Respondeo. Dicendum, quod sicut Augustinus dicit, Porphyrius ponebat, ad
perfectam beatitudinem humanae animae, omne corpus fugiendum esse; et sic,
secundum eum, anima in perfecta beatitudine existens, corpori unita esse non
potest. Quam opinionem tangit Origenes in suo periarchon dicens: quosdam
opinatos fuisse, sanctos corpora in resurrectione resumpta quandoque
deposituros, ut sic ad Dei similitudinem in perfecta beatitudine vivant. Comme le dit Augustin (La citй de
Dieu, XXII, 26), Porphyre pensait que, pour la parfaite bйatitude de l'вme
humaine, il fallait fuir tout corps, et ainsi selon lui, l'вme dans la parfaite
bйatitude, ne peut pas кtre unie а un corps. Origиne parle de cette opinion
dans son Periarchon, en disant que certains ont pensй qu'un jour les saints
abandonneront les corps qu'ils auront repris а la rйsurrection, pour vivre
ainsi dans une bйatitude parfaite а l'image de Dieu. Sed haec positio praeter hoc quod est fidei contraria, ut ex
auctoritatibus inductis et pluribus aliis patere potest, etiam a ratione
discordat. Non enim perfectio beatitudinis esse poterit ubi deest naturae
perfectio. Cum autem animae et corporis naturalis sit unio, et substantialis,
non accidentalis, non potest esse quod natura animae sit perfecta, nisi sit
corpori coniuncta; et ideo anima separata a corpore, non potest ultimam
perfectionem beatitudinis obtinere. Propter quod etiam dicit Augustinus in fine
super Genes. ad Litt., quod animae sanctorum, ante resurrectionem, non ita
perfecte fruuntur divina visione sicut postea; unde in ultima perfectione
beatitudinis oportebit corpora humana esse animabus unita. Mais cette opinion, en plus qu'elle est contraire а la foi, comme on
peut le voir des autoritйs d'oщ elle est tirйe et de plusieurs autres, est
aussi contraire а la raison. Car la perfection de la bйatitude ne pourra pas
exister lа oщ manque la perfection de la nature. Mais comme l'union du corps et
de l'вme est naturelle, substantielle, et non accidentelle, il n'est pas
possible que la nature de l'вme soit parfaite, si elle n'est pas unie а un
corps, et c'est pourquoi l'вme sйparйe du corps ne peut pas obtenir la
perfection suprкme de la bйatitude. Pour cette raison, Augustin dit а la fin de
La Genиse au sens littйral, (XII,
35), que les вmes des saints ne jouiront pas avant la rйsurrection, de maniиre
aussi parfaite de la vision de Dieu, comme aprиs; c'est pourquoi dans la
suprкme perfection de la bйatitude, il faudra que les corps humains soit unis
aux вmes. Positio autem praemissa procedit secundum opinionem illorum
qui dicunt: animam accidentaliter uniri corpori, sicut nautam navi, aut hominem
indumento. Unde et Plato dixit quod homo est anima corpore induta, ut Gregorius
Nyssenus narrat.. Mais la position ci-dessus procиde de l'opinion de ceux qui disent que
l'вme est unie accidentellement au corps, comme la marin а son navire, comme
l'homme а son vкtement. C'est pourquoi Platon aussi a dit que l'homme est une
вme revкtue d'un corps, comme Grйgoire de Nysse le raconte (De l'вme, X). Sed hoc stare non potest, quia sic homo non esset ens per
se, sed per accidens; nec esset in genere substantiae, sed in genere
accidentis, sicut hoc quod dico vestitum, et calceatum. Patet etiam quod
rationes supra inductae de corporibus mixtis, non habent locum in homine, nam
homo ordinatur ad perfectionem universi ut essentialis pars ipsius, cum in
homine sit aliquid quod non continetur virtute nec in elementis nec in
caelestibus corporibus, scilicet anima rationalis. Corpus etiam hominis
ordinatur ad hominem, non secundum animalem vitam tantum, sed ad perfectionem
naturae ipsius. Et
quamvis corpus hominis sit ex contrariis compositum, inerit tamen principium
incorruptibile, quod poterit praeservare a corruptione absque violentia, cum
sit intrinsecum. Et hoc poterit esse sufficiens principium motus, motu caeli
cessante, cum a motu caeli non dependeat. Mais cela n'est pas possible parce que, ainsi, l'homme ne serait pas un
кtre par soi, mais par accident, et il ne serait pas dans le genre de la
substance mais celui de l'accident, comme ce qu'on dit vкtu, ou chaussй. Car il
est clair que les raisons prйsentйes plus haut au sujet des corps mixtes, n'ont
pas de place dans l'homme, car il est ordonnй а la perfection de l'univers,
comme sa partie essentielle, puisqu'en lui, il y a quelque chose qui n'est pas
contenu par le pouvoir, ni dans les йlйments, ni dans les corps cйlestes, а
savoir l'вme rationnelle. Mais le corps de l'homme lui est ordonnй, pas
seulement pour la vie physique, mais pour la perfection de sa nature. Et
quoique son corps soit composй de contraires, il y a en lui cependant un
principe incorruptible, qui pourra le prйserver de la corruption sans violence,
puisqu'il est intrinsиque. Et cela pourra кtre un principe suffisant de
mouvement, si le mouvement du ciel cesse, puisqu'il n'en dйpend pas. Solutions: q. 5 a. 10 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod per carnem et sanguinem intelligitur corruptio
carnis et sanguinis; unde in eadem auctoritate subditur: neque corruptio
incorruptelam possidebit. # 1. Par la chair et le sang on comprend leur corruption; c'est
pourquoi dans la mкme autoritй il est ajoutй:La corruption ne possйdera pas
l'incorruptibilitй". q. 5 a. 10 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod motus est causa mixtionis secundum fieri; sed
conservatio eius est per formam substantialem, et ulterius per principia caelo
altiora, ut in superioribus quaestionibus patet. # 2. Le mouvement est la cause du mixte en son devenir; mais sa
conservation vient par la forme substantielle et plus tard par des principes
plus йlevйs que le ciel, comme cela paraоt dans les questions prйcйdentes. q. 5 a. 10 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod anima rationalis ex perfecta unione ad Deum, omnino
super materiam victoriam habebit; et sic licet materia sibi relicta
corruptibilis sit, tamen ex virtute animae incorruptionem sortiretur. # 3. L'вme rationnelle, par son union parfaite а Dieu, aura tout а fait
la victoire sur la matiиre; et ainsi, bien que la matiиre laissйe а elle-mкme
soit corruptible, elle obtiendra l'incorruptibilitй par le pouvoir de l'вme. q. 5 a. 10 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sensibilitas in homine est a principio incorruptibili,
scilicet ab anima rationali; in brutis autem est a principio corruptibili; et
ideo corpus sensibile hominis in perpetuum potest remanere, non autem corpus
sensibile bruti. # 4. La sensibilitй dans l'homme vient d'un principe incorruptible,
c'est-а-dire de l'вme rationnelle; mais dans les animaux elle vient d'un
principe corruptible; et c'est pourquoi le corps physique de l'homme peut
demeurer йternellement, mais pas celui de l'animal. q. 5
a. 10 ad 5 Ad quintum dicendum, quod anima corpori unita plus assimilatur Deo
quam a corpore separata, quia perfectius habet suam naturam. Intantum
enim unumquodque Deo simile est, in quantum perfectum est, licet non sit unius
modi perfectio Dei et perfectio creaturae. # 5. L'вme unie au corps ressemble plus а Dieu que sйparйe du corps,
parce qu'elle possиde plus parfaitement sa nature. Car chaque кtre est parfait,
en tant qu'il est semblable а Dieu, bien que la perfection de Dieu et celle de
la crйature ne relиve pas d'un seul mode. q. 5 a. 10 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod anima corpori unita non multiplicatur per modum formarum
materialium quae sunt divisibiles divisione subiecti, sed in se remanet simplex
et una; unde eius operatio non impedietur ex corporis unione, quando corpus
omnino erit subiectum animae; nunc autem impeditur ex corporis unione, propter
hoc quod anima non perfecte dominatur in corpus. # 6. L'вme unie au corps n'est pas multipliйe а la maniиre des formes
matйrielles qui sont divisibles par la division du sujet, mais elle demeure en
soi une et simple; c'est pourquoi son opйration ne sera pas empкchйe par
l'union au corps, quand celui-ci sera tout а fait assujetti а l'вme; mais
maintenant elle en est empкchйe du fait qu'elle n'en est pas parfaitement
maоtresse. q. 5 a. 10 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod appetitus naturalis elementorum tendendi in propria
loca, per dominium animae in corpus retinebitur, ne dissolutio elementorum
fiat, quia elementa perfectius esse habebunt in corpore hominis quam in suis
locis haberent. # 7. L'appйtit naturel des йlйments qui tendent а leurs sites propres,
est retenu par la domination de l'вme sur le corps, pour que la dissolution des
йlйments ne se fasse pas, parce qu'ils auront un кtre plus parfait dans le
corps de l'homme qu'ils ne l'auraient dans leurs sites propres. q. 5 a. 10 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod motus cordis in homine causabitur ex natura animae
rationalis, quae a motu caeli non dependet; et ideo motus ille non cessabit,
motu caeli cessante. # 8. Le mouvement du coeur dans l'homme sera causй par la nature de
l'вme rationnelle, qui ne dйpend pas du mouvement du ciel, et c'est pourquoi ce
mouvement ne cessera pas, quand le mouvement du ciel cessera. q. 5 a. 10 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod omnia membra corporis remanebunt, non propter usus
animalis vitae, sed propter perfectionem naturae hominis. # 9. Tous les membres du corps demeureront, non а cause de l'usage de
la vie physique, mais de la perfection de la nature de l'homme.
[1] Parall.: IV Sent. d43q2a4, c – d48q2a5 c –
d50q2a3q.la 2 c – Opus. III, c. 171. [2]
А comprendre comme la divinisation. [3]
Phil. 3, 21: "Le Seigneur J.C. qui transfigurera notre corps de misиre
pour le conformer а son corps de gloire." B.J.
Question 6:
Les miracles
q. 6 pr. 1 Et primo
quaeritur utrum Deus possit in rebus creatis aliquid operari praeter causas
naturales, vel contra naturam, vel contra cursum naturae. 1. Dieu peut-il opйrer dans les crйatures au-delа des causes
naturelles, contre la nature ou contre son cours? q. 6 pr. 2 Secundo
utrum omnia quae Deus facit contra cursum naturae, possint dici miracula. 2. Peut-on appeler miracle tout ce que Dieu fait contre le cours de la
nature? q. 6 pr. 3 Tertio
utrum creaturae spirituales sua naturali virtute possint miracula facere. 3. Les crйatures spirituelles peuvent-elles faire des miracles par leur
pouvoir naturel?. q. 6 pr. 4 Quarto
utrum boni Angeli et homines per aliquod donum gratiae miracula facere possint. 4. Les bons anges et les hommes peuvent-ils faire des miracles par un
don de la grвce? q. 6
pr. 5 Quinto utrum Daemones cooperentur ad miracula facienda. 5. Les dйmons coopиrent-ils aux miracles? q. 6 pr. 6 Sexto
utrum Daemones vel Angeli habeant corpora sibi naturaliter unita. 6. Les dйmons ou les anges ont-ils des corps qui leur sont unis
naturellement? q. 6 pr. 7 Septimo
utrum Angeli vel Daemones possint corpora assumere. 7. Les anges ou les dйmons peuvent-ils assumer un corps? q. 6 pr. 8 Octavo
utrum Angelus vel Daemon, vel corpus assumptum possit operationes viventis
corporis exercere. 8. L’ange ou le dйmon, en assumant un corps peut-il pratiquer les
opйration d’un corps vivant q. 6 pr. 9 Nono
utrum operatio miraculi sit attribuenda fidei. 9. Opйrer un miracle doit-il кtre attribuй а la foi? q. 6 pr. 10 Decimo
utrum Daemones cogantur aliquibus sensibilibus et corporalibus rebus, factis
aut verbis ad miracula facienda, quae per magicas artes fieri videntur. 10. Les dйmons sont-ils forcйs, par des objets sensibles et corporels,
des йvйnements ou des paroles, d’accomplir des miracles qui paraissent
accomplis par les arts magiques?
Article 1: Dieu peut-il opйrer dans les crйatures au-delа des causes
naturelles, ou contre la nature ou contre son cours?
q. 6 a. 1 tit. 1 Et
primo quaeritur utrum Deus possit in rebus creatis aliquid operari praeter
causas naturales, vel contra naturam, vel contra cursum naturae. Et videtur
quod non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 6 a. 1 arg. 1
Quia in Glossa Rom. XI, 24, dicitur: Deus omnium
naturarum conditor, nihil contra naturam facit. 1. La glose de Rm. 11, 24 (glose ordinaire): "Il a йtй greffй
contre nature" dit: "Dieu, crйateur de toutes les natures, ne fait rien
contre la nature."
q. 6
a. 1 arg. 2 Praeterea, alia Glossa dicit ibidem: contra legem naturae tam Deus
facere non potest quam contra se ipsum. Contra se ipsum autem nullo modo facere
potest: quia se ipsum negare non potest, ut dicitur II Tim. cap. II, 13. Ergo nec
contra naturae ordinem, qui est lex naturae, Deus facere potest. 2. Une autre glose dit au mкme endroit: "Dieu ne peut pas agir
contre la loi de la nature, pas plus que contre lui-mкme." Il ne peut agir
en aucune maniиre contre lui-mкme, parce qu'il "ne peut se nier lui-mкme",
comme il est dit 2 Tm, 2, 13. Donc Dieu ne peut agir contre l'ordre de la
nature qui en est la loi.
q. 6 a. 1 arg. 3
Praeterea, sicut ordo humanae iustitiae derivatur a divina iustitia, ita ordo
naturae derivatur a divina sapientia; ipsa enim est quae disponit omnia
suaviter, ut dicitur Sap. cap. VIII, 1. Sed contra ordinem humanae iustitiae
Deus facere non potest: sic enim esset causa peccati, quod solum ordini
iustitiae repugnat. Cum ergo non minor sit Dei sapientia, quam eius iustitia,
videtur quod nec contra ordinem naturae facere possit. 3. De mкme que l'ordre de la justice humaine est dйrivй de la justice
de Dieu, celui de la nature est dйrivй de la sagesse divine[2]; car c'est elle
qui "dispose tout avec bienfaisance" comme il est dit Sg. 8, 1. Mais
Dieu ne peut pas agir contre l'ordre de la justice humaine; car ainsi il serait
cause du pйchй, qui seul s'oppose а l'ordre de la justice. Donc comme la
sagesse de Dieu n'est pas infйrieure а sa justice, il semble qu'il ne peut pas
agir contre l'ordre de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 4
Praeterea, quandocumque Deus operatur in creaturis per rationes seminales, non
fit aliquid contra naturae cursum. Sed non potest Deus aliquid convenienter
operari in natura praeter rationes seminales naturae inditas. Ergo Deus non
potest convenienter contra cursum naturae facere. Probatio mediae. Augustinus
enim dicit, quod visibiles apparitiones patribus exhibitae sunt mediante
ministerio Angelorum, ex hoc quod Deus corpora regit per spiritus. Sed
similiter corpora inferiora regit per superiora, ut ipse dicit; et similiter
potest dici, quod effectus quoslibet regit per causas. Cum ergo in causis
naturalibus rationes seminales sint inditae, videtur quod Deus convenienter non
possit operari in effectibus naturalibus, nisi rationibus seminalibus
mediantibus: et sic nihil fiet ab eo contra cursum naturae. 4. [1]Toutes les fois que Dieu opиre dans les crйatures par raisons
sйminales, rien n'est fait contre le cours de la nature. [2] Mais il ne peut pas
opйrer convenablement dans la nature en dehors de celles de la nature qui y
sont induites. [3] Donc, il ne peut pas agir avec convenance contre le cours de
la nature. Preuve de la proposition intermйdiaire [2]: En effet, Augustin dit (La Trinitй, III, 11 et 12) que les
apparitions vues par les patriarches ont йtй accomplies par l'intermйdiaire du
ministиre des anges, du fait que Dieu gouverne les corps par les esprits. Mais
de la mкme maniиre, il gouverne les corps infйrieurs par les corps supйrieurs,
comme il le dit lui-mкme, (dans le mкme livre, ch. IV), et, de la mкme maniиre,
on peut dire qu'il gouverne n'importe quel effet par les causes. Donc comme les
raisons sйminales sont induites dans les causes naturelles, il semble que Dieu
ne puisse agir convenablement dans les effets naturels que par l'intermйdiaire
des causes sйminales et ainsi il ne fera rien contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 5
Praeterea, Deus non potest facere quod affirmatio et negatio sint simul vera,
quia cum hoc sit contra rationem entis in quantum est ens, est etiam contra
rationem creaturae; prima namque rerum creaturarum est esse, ut dicitur in
libro de causis. Praedictum autem principium, cum sit primum inter omnia
principia, in quod omnia alia resolvuntur, ut probatur in IV Metaph., oportet
quod in qualibet necessaria propositione includatur, et quod eius oppositum
includatur in quolibet impossibili. Cum ergo ea quae sunt contra cursum naturae
sint impossibilia in natura,- sicut caecum fieri videntem, et mortuum fieri viventem,-
in huiusmodi oppositum dicti principii includetur. Ergo ea quae sunt contra
cursum naturae, Deus facere non potest. 5. Dieu ne peut faire que l'affirmation et la nйgation soient vraies en
mкme temps, parce que, comme c'est contre la nature de l'йtant en tant que tel,
c'est aussi contre celle de la crйature; car la premiиre des choses crййes est
l'кtre, comme il est dit dans le livre Des causes (prop. 4). Il faut que ce
principe, puisqu'il est le premier de tous les principes en qui tous les autres
sont rйsolus, comme on le prouve (Mйtaphysique
IV, 3, 1005 b 19[3]), soit inclus en n'importe quelle proposition nйcessaire et
que son opposй soit inclus en tout ce qui est impossible. Donc, comme ce qui
est contre le cours de la nature est impossible en elle, – ainsi qu'un aveugle
voit et qu'un mort revive – cela est inclus dans un tel contraire а ce
principe. Donc Dieu ne peut pas faire ce qui est contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 6
Praeterea, quaedam Glossa dicit, Ephes. cap. III, 7 sq. quod Deus contra causas
quas voluntate instituit, mutabili voluntate, nihil facit. Sed causas naturales
Deus voluntate sua instituit. Ergo contra eas nihil facit nec facere potest,
sicut non potest esse mutabilis; mutabilitas enim voluntatis videtur cum
aliquis facit contra id quod prius voluntate instituit. 6. Une glose dit (Eph. 3, 7) que Dieu ne fait rien contre les causes
qu'il a йtabli par sa volontй, s'il change de volontй. Mais Dieu a йtabli les
causes naturelles par sa volontй. Donc il ne fait rien et il ne peut rien faire
contre elles, de mкme qu'il ne peut pas changer; car le changement de volontй
apparaоt quand quelqu'un agit contre ce qu'il a dйcidй d'abord par elle.
q. 6 a. 1 arg. 7
Praeterea, bonum universi est bonum ordinis, ad quem pertinet cursus naturalium
rerum. Sed Deus non potest facere contra bonum universi, quia ex sua bonitate
summa provenit quod omnia sint valde bona secundum ordinem universi. Ergo Deus
non potest facere contra cursum naturalium rerum. 7. Le bien de l'univers est celui de l'ordre auquel se rattache le
cours des choses naturelles. Mais Dieu ne peut pas agir contre le bien de
l'univers, parce que de sa bontй suprкme provient que tout est tout а fait bon,
dans l'ordre universel. Donc, il ne peut agir contre le cours des choses
naturelles.
q. 6 a. 1 arg. 8
Praeterea, Deus non potest esse causa mali. Malum autem, secundum Augustinum,
est privatio modi, speciei et ordinis. Ergo Deus non potest facere, contra
cursum naturae, qui pertinet ad ordinem universi. 8. Dieu ne peut pas кtre la cause du mal. Mais selon Augustin (La
nature du bien, IV), le mal est la privation du mode, de l'espиce et de
l'ordre. Donc Dieu ne peut pas agir contre le cours de la nature qui appartient
а l'ordre de l'univers.
q. 6 a. 1 arg. 9
Praeterea, Genes. II, 2, dicitur, quod Deus die septimo cessavit ab omni opere
quod patrarat; et hoc ideo secundum Glossam ordinariam, quia cessavit a novis
operibus condendis. Sed in operibus sex dierum non fecit aliquid contra cursum
naturae. Unde Augustinus dicit, quod in operibus sex dierum non quaeritur quid
Deus miraculose facere possit, sed quid rerum natura patiatur, quam tunc Deus
instituit. Ergo nec postea Deus aliquid fecit contra naturae cursum. 9. Il est dit en Gn . 2, 2,: "(Dieu) acheva le septiиme jour toute
l'oeuvre qu'il avait accomplie" et selon la glose ordinaire, parce qu'il
cessa de crйer des oeuvres nouvelles. Mais dans les oeuvres des six jours, il
ne fit rien contre le cours de la nature. C'est pourquoi Augustin (La Genиse au sens littйral, II) dit que,
dans les oeuvres des six jours, on ne cherche pas ce que Dieu pouvait faire
miraculeusement, mais ce que supporte la nature que Dieu institua alors. Donc
par la suite Dieu ne fit rien contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 10
Praeterea, secundum philosophum, natura est causa ordinationis in omnibus. Sed
Deus non potest facere aliquid nisi ordinatum, quia, ut dicitur Rom. cap. XIII,
1: quae a Deo sunt, ordinata sunt. Ergo non potest facere aliquid contra
naturam. 10. Selon le Philosophe (Mйtaphysique,
VII, 3, 1029 a 20[4]), la nature est la cause de la mise en ordre en tout. Mais
Dieu ne peut rien faire qu'ordonnй, parce que, comme on le dit en Rm. 13, 1[5]:
"Ce qui vient de Dieu a йtй mis en ordre". Donc il ne peut rien faire
contre la nature.
q. 6 a. 1 arg. 11
Praeterea, sicuti ratio humana a Deo est, ita et natura. Sed contra principia
rationis Deus facere non potest, sicut quod genus de specie non praedicetur,
vel quod latus quadrati sit commensurabile diametro. Ergo nec contra principia
naturae Deus facere potest. 11. La raison de l'homme vient de Dieu, la nature aussi. Mais Dieu ne
peut pas agir contre les principes de la raison: par exemple faire en sorte que
le genre ne soit pas attribuй а l'espиce ou que le cфtй du carrй soit
commensurable а la diagonale. Donc Dieu ne peut pas agir non plus contre le
principe de la nature.
q. 6
a. 1 arg. 12 Praeterea, totus naturae cursus a divina sapientia progreditur,
sicut artificiata ab arte humana, ut Augustinus dicit super illud Ioan., cap.
I, 3-4: quod factum est in ipso vita erat. Sed artifex non facit aliquod contra
artem suam nisi per errorem, qui in Deo esse non potest. Ergo nec
Deus facit aliquid contra cursum naturae. 12. Tout le cours de la nature vient de la sagesse divine, de mкme que
les oeuvres artisanales de l'art humain, comme Augustin le dit (Commentaire sur
saint Jean, 1, 3-4) а propos de ce verset: "Ce qui a йtй fait йtait la vie
en lui". Mais l'artisan ne fait rien contre son art sinon par erreur,
erreur impossible а Dieu. Donc Dieu ne fait rien contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 13
Praeterea, philosophus dicit, quod sicut agitur unumquodque, ita natum est agi.
Sed quod ita natum est agi sicut agitur, non fit contra cursum naturae. Ergo
nihil fit contra naturae cursum. 13. Le philosophe dit (Physique,
II, 8, 199 a 8 ss[6].): chaque chose est faite, comme elle est destinйe а кtre
faite. Mais ce qui est destinй а кtre fait, comme il est fait, n'est pas fait
contre le cours de la nature. Donc rien n'est fait contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 14
Praeterea, Anselmus dicit, Lib. I: cur Deus homo, quod minimum inconveniens Deo
est impossibile. Inconveniens autem est quod cursus naturae mutetur, conveniens
est autem quod servetur. Ergo impossibile est quod Deus contra cursum naturae
faceret. 14. Anselme (Cur Deus homo, I, 20) dit que la plus petite
inconvenance est impossible а Dieu. Il est inconvenant de changer le cours de
la nature, il convient de le conserver. Donc il est impossible que Dieu agisse
contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 arg. 15
Praeterea, sicut se habet scientia ad falsum, ita se habet potentia ad
impossibile. Sed Deus non potest scire id quod est falsum in natura. Ergo Deus
non potest facere id quod est contra cursum naturae, quia hoc est impossibile
in natura. 15. Le rapport de la science а l'erreur est le mкme que celui de la
puissance а l'impossible. Mais Dieu ne peut pas connaоtre ce qui est faux dans
la nature[7]. Donc il ne peut pas faire ce qui est contre son cours, parce que
cela y est impossible.
q. 6 a. 1 arg. 16
Praeterea, magis est impossibile quod est impossibile per se quam quod est
impossibile per accidens, quia quod per se est tale, magis est tale. Sed id
quod fuit non fuisse est impossibile per accidens; quod tamen Deus facere non
potest, ut Hieronymus dicit et etiam philosophus. Ergo nec quae sunt contra
cursum naturae, quae sunt impossibilia per se, ut caecum videre, facere Deus
non potest. 16. Est plus impossible ce qui est impossible par soi que ce qui est
impossible par accident, parce que ce qui est tel par soi, l'est davantage.
Mais il est impossible par accident que ce qui a existй ne l'ait pas йtй; ce
que cependant Dieu ne peut pas faire, comme Jйrфme le dit et aussi le
Philosophe (Eth. VI, 2, 1139 b
10[8]). Donc ce qui est contre le cours de la nature, qui est impossible en
soi, comme que l'aveugle voit, Dieu ne peut pas le faire.
q. 6 a. 1 arg. 17
Praeterea, secundum philosophum, violentum est cuius principium est extra, nil
conferente vim passo. Sed ad ea quae sunt contra cursum naturae, res naturales
conferre non possunt. Ergo si a Deo fiant, erunt violenta: et sic non erunt
permanentia; quod videtur inconveniens, nam caecis illuminatis divinitus
permanet visum. 17. Selon le Philosophe, (Eth. III,
1109 b 35[9]), est violent ce dont le principe est extйrieur, il n'apporte rien
а celui qui supporte la violence. Mais ces choses naturelles ne peuvent pas le
confйrer а ce qui est contre le cours de la nature. Donc si elles sont faites
par Dieu, elles seront violentes et ainsi elles ne demeureront pas, ce qui ne
paraоt pas convenir, car la vue demeure de maniиre divine pour les aveugles а
qui la vue a йtй rendue.
q. 6 a. 1 arg. 18
Praeterea, cum omne genus per potentiam et actum dividatur, ut patet in III
Physic., ad potentiam autem potentia passiva pertineat, ad actum autem activa;
oportet quod illa sola potentia passiva inveniatur in natura ad quae invenitur
potentia activa naturalis, hoc enim est eiusdem generis; et hoc etiam dicit
Commentator in IX Metaph. Sed ad ea quae sunt contra cursum naturae non
invenitur aliqua potentia activa naturalis; ergo nec potentia passiva. Sed illa
respectu quorum non est potentia passiva in creatura, dicimus non posse fieri,
quamvis Deus per suam omnipotentiam omnia facere possit. Ergo ea quae sunt contra
cursum naturae, fieri non possunt propter defectum creaturae, etsi non propter
defectum divinae potentiae. 18. Comme tout genre se divise en puissance et acte, comme on le voit
en Physique, (III, 1, 201 a 9), la
puissance passive appartient а la puissance, la puissance active а l'acte: il
faut qu'on trouve cette seule puissance passive dans la nature pour laquelle on
trouve une puissance active naturelle, car c'est du mкme genre et cela le
Commentateur le dit (Mйtaphysique IX,
8, 1050 b 8). Mais pour ce qui est contre le cours de la nature, on ne trouve
pas de puissance active naturelle, donc de puissance passive non plus. Mais
celles en considйration desquelles il n'y a pas de puissance passive dans la
crйature, nous disons qu'elle ne peut pas кtre faite, quoique Dieu par sa toute
puissance puisse tout faire. Donc ce qui est contre le cours de la nature ne
peut pas кtre fait а cause de la dйfaillance de la crйature, mкme si ne n'est
pas а cause de celle de la puissance divine.
q. 6 a. 1 arg. 19
Praeterea, quidquid Deus aliquando facit non esset inconveniens, etiam si
semper faceret. Esset autem inconveniens, si Deus omnes effectus naturales
crearet non mediantibus causis naturalibus, quia tunc res naturales suis
operationibus destituerentur. Ergo inconveniens est quod aliquem effectum in
istis inferioribus faciat aliquando non mediantibus causis naturalibus. Eis
autem mediantibus non facit aliquid contra cursum naturae. Ergo Deus nihil
facit contra cursum naturae. 19. Ce que Dieu fait quelquefois ne serait pas inconvenant, mкme s'il
le faisait toujours. Mais il serait inconvenant que Dieu crйe tous les effets
naturels sans l'intermйdiaire des causes naturelles, parce que les кtres
naturels seraient privйs de leurs opйrations. Donc il ne convient pas qu'il
produise quelquefois un effet dans ces кtres infйrieurs sans l'intermйdiaire
des causes naturelles. Par leur intermйdiaire, il ne fait rien contre le cours
de la nature. Donc il ne fait rien contre lui.
q. 6 a. 1 arg. 20
Praeterea, causa per se essentialem ordinem habet ad suum effectum, et e
converso. Sed Deus non potest alicui rei auferre quod est sibi essentiale, ea
manente, sicut quod sit homo et non sit animal. Ergo non potest effectum
aliquem producere sine causa naturali quae ad huiusmodi effectum habet
essentialem ordinem, sicut quod faciat visum sine causis naturalibus ex quibus
visus natus est causari. 20. La cause en soi a un rapport essentiel а son effet et inversement.
Mais Dieu ne peut enlever а une chose ce qui lui est essentiel, tant qu'elle
demeure; par exemple qu'il soit un homme, sans кtre un animal. Donc il ne peut
produire un effet sans la cause naturelle qui a un rapport essentiel а un tel
effet; ainsi rendre la vue sans les causes naturelles а partir desquelles elle
est destinйe а кtre causйe.
q. 6 a. 1 arg. 21
Praeterea, inconveniens est ut maius bonum dimittatur pro minori bono. Sed
bonum universi est maius quam aliquod bonum particulare cuiuscumque, unde
Augustinus dicit, quod Deus facit bona etiam singula, simul autem omnia valde
bona propter ordinem universi. Ergo inconveniens est quod propter salutem
alicuius hominis vel alicuius gentis, Deus mutet cursum naturae, qui pertinet
ad ordinem universi, in quo bonum eius consistit. Numquam ergo Deus facit
contra cursum naturae. 21. Il ne convient pas que l'homme, en tant qu'il est un bien plus
grand, soit abandonnй pour un bien plus petit; mais le bien de l'univers est
plus grand que le bien particulier de n'importe quoi. C'est pourquoi Augustin
dit (Enchiridion II, 10) que Dieu a
produit des biens particuliers, mais en mкme temps tous les biens en vue de
l'ordre de l'univers. Donc il ne convient pas qu'а cause du salut d'un homme ou
d'un peuple, Dieu change le cours de la nature, qui appartient а l'ordre de
l'univers, en quoi consiste son bien. Donc jamais Dieu n'agit contre le cours
de la nature.
En sens contraire:
q. 6 a. 1 s. c. 1
Sed contra. A privatione in habitum non potest fieri regressus secundum naturam;
fit autem operatione divina; unde dicitur Matth., XI, 5: caeci vident (...),
surdi audiunt et cetera. Ergo Deus facit aliquid contra cursum naturae. 1. Aprиs avoir йtй privйe de ce qu'elle a, la nature ne peut faire un
retour en arriиre, mais il est fait par l'opйration divine; c'est pour cela
qu'il est dit en Mt. 11, 5:"Les aveugles voient... les sourds entendent"
etc. Donc Dieu agit contre le cours de la nature.
q. 6 a. 1 s. c. 2
Praeterea, potestas superioris non dependet a potestate inferioris, nec
secundum eam limitatur. Sed Deus est superior quam natura. Ergo non limitatur
eius potentia secundum potentiam naturae; et sic nihil prohibet ipsum operari
aliquid contra cursum naturae. 2. Le pouvoir du supйrieur ne dйpend pas du pouvoir de l'infйrieur, et
n'est pas limitй par lui. Mais Dieu est supйrieur а la nature. Donc sa puissance
n'est pas limitйe par la puissance de la nature; et ainsi rien ne l'empкche
d'opйrer contre le cours de la nature.
Rйponse:
q. 6 a. 1 co.
Respondeo. Dicendum quod absque omni dubio Deus in rebus creatis potest operari
praeter causas creatas, sicut et ipse operatur in omnibus causis creatis, ut
alibi ostensum est; et operando praeter causas creatas potest operari eosdem
effectus quos eisdem mediantibus operatur, et eodem ordine, vel etiam alios, et
alio ordine; et sic potest aliquid facere contra communem et solitum cursum
naturae. Cuius veritatis manifestabitur ratio, si ea consideremus quae huic
veritati adversari videntur: quae quidem sunt tria. Il faut dire que, sans doute aucun que Dieu peut opйrer dans les
crйatures, en dehors des causes crййes, de mкme que lui-mкme opиre en toutes
les causes, comme on l'a montrй ailleurs[10]; et en opйrant en dehors des
causes crййes, il peut opйrer les mкmes effets que ceux qu'il produit par leur
intermйdiaire et dans le mкme ordre, ou d'autres aussi dans un ordre diffйrent;
et ainsi il peut agir contre le cours commun et habituel de la nature. La
raison de cette vйritй deviendra manifeste, si nous considйrons ce qui paraоt
s'opposer а la vйritй; les objections sont au nombre de trois:
Primum est quorumdam antiquorum philosophorum opinio, qui
posuerunt istas res corporeas non habere aliam causam superiorem quae sit eis
causa essendi; et sic posuerunt eorum aliqui, ut Anaxagoras, intellectum causam
alicuius motus in eis, ut segregationis. Secundum autem hanc positionem, a
nulla causa supernaturali naturales formae, quae sunt naturalium actionum
principia, possunt immutari, nec earum operationes impediri; et sic nihil
potest fieri contra cursum naturae qui ex necessitate harum causarum
corporalium ordinatur. Sed haec positio est falsa, quia oportet illud quod est
principium in entibus, esse causam essendi omnibus aliis, sicut summe calidum
est causa caliditatis omnibus aliis, ut dicitur in II Metaphys. Et de hoc
plenius alibi tractatum est, ubi ostensum est quod nihil potest esse nisi a
Deo. 1) La premiиre objection est l'opinion de quelques philosophes anciens
qui pensиrent que les corps n'avaient pas une autre cause supйrieure qui soit
pour eux cause d'кtre; et ainsi quelques-uns d'entre eux, comme Anaxagore, ont
pensй que l'intellect йtait la cause du mouvement en eux, comme la sйparation.
Selon cette opinion, les formes naturelles, qui sont principes des actions
naturelles, ne peuvent кtre modifiйes par aucune cause surnaturelle ni leurs
opйrations empкchйes; et ainsi rien ne peut кtre fait contre le cours de la
nature qui est ordonnй par la nйcessitй de ces causes corporelles. Mais cette
position est fausse, parce qu'il faut que ce qui est le principe dans les кtres
soit la cause d'кtre de tous les autres, de mкme que ce qui est suprкmement
chaud est cause de la chaleur de toutes les autres objets, comme il est dit en Mйtaphysique (II, 1, 993 b 25[11]). Et
on a traitй cela plus abondamment ailleurs (Ia, qu. 44, a. 1), oщ on a montrй
que rien ne peut exister sinon par Dieu.
Secundum autem quod praedictam veritatem impedire potest,
est opinio aliorum philosophorum, qui dixerunt, Deum esse causam omnium entium
per eius intellectum. Sed dixerunt quod Deus de entibus habet universalem
quamdam cognitionem in quantum cognoscit seipsum, et quod ipse est principium
essendi omnibus entibus, non autem propriam de unoquoque. A scientia autem
communi et universali non sequuntur particulares effectus, nisi mediantibus
particularibus conceptionibus. Si enim sciam quod omnis fornicatio est
fugienda, non fugiam hunc actum nisi accipiam hunc actum esse fornicationem. Et
secundum hoc dicunt quidam, quod a Deo non progrediuntur effectus particulares
nisi mediantibus causis aliis per ordinem, quarum superiores sunt magis
universales, inferiores vero magis particulares; et secundum hoc Deus nihil
poterit facere contra cursum naturae. Sed ista positio est falsa, nam cum Deus
seipsum perfecte cognoscat, oportet quod cognoscat quidquid in ipso quocumque
modo est. In eo autem est similitudo cuiuslibet causati, in quantum nihil esse
potest quod eum non imitetur; unde oportet quod de omnibus propriam cognitionem
habeat, sicut alibi plenius ostensum est. 2) La seconde objection qui peut s'opposer а cette vйritй, c'est
l'opinion d'autres philosophes qui ont dit que Dieu est cause de tous les кtres
par son intelligence. Mais ils ont dit que Dieu a une connaissance universelle
des кtres dans la mesure oщ il se connaоt lui-mкme et qu'il est principe d'кtre
pour tous, mais qu'il n'a pas une connaissance particuliиre de chacun. De la
science commune et universelle ne dйcoulent des effets particuliers, que par
l'intermйdiaire de conceptions particuliиres. Car si on savait qu'il faut fuir
toute fornication, on ne la fuirait que si on sait que cet acte en est une. Et
c'est pourquoi, ils disent que les effets particuliers ne viennent de Dieu que
par l'intermйdiaire d'autres causes dont les supйrieures sont plus universelles
et les infйrieures plus particuliиres, et ainsi Dieu ne pourra rien faire contre
le cours de la nature. Mais cette position est fausse, car, puisque Dieu se
connaоt parfaitement, il faut qu'il connaisse ce qui est en lui de quelque
maniиre. En lui, il y a l'image de tout ce qui est causй dans la mesure oщ rien
ne peut exister sans l'imiter. C'est pourquoi il faut qu'il ait une
connaissance propre de tout, comme on l'a montrй plus largement ailleurs ( Ia,
qu. 14, per totum).
Tertium quod posset praedictam veritatem impedire, est
positio quorumdam philosophorum, qui dixerunt, Deum ex necessitate naturae res
agere; et sic oportet quod eius operatio determinetur ad istum cursum rerum qui
est secundum naturam ordinatus; unde contra eum facere non poterit. Sed hoc
etiam patet esse falsum, nam supra omne quod ex necessitate naturae agit, oportet
aliquid esse quod naturam ad unum determinet, sicut alibi, ostensum est; unde
impossibile est quod Deus, qui est primum agens, ex necessitate naturae agat;
quod etiam in alia quaestione multipliciter ostensum est. 3) La troisiиme objection: qui pourrait aller contre cette vйritй, est
la position de certains philosophes[12] qui ont dit que Dieu crйe par nйcessitй
de nature; et ainsi il faut que son opйration soit limitйe а ce cours des
choses qui est ordonnй selon la nature, c'est pourquoi il ne pourrait pas agir
contre lui. Mais il est clair que c'est faux, car au-dessus de tout ce qui agit
par nйcessitй de nature, il faut qu'il existe quelque chose qui dйtermine la
nature а un seul objet, comme on l'a montrй ailleurs (Ia, qu. 19, a. 4); c'est
pourquoi il est impossible que Dieu, qui est le premier agent, agisse par
nйcessitй de nature, ce qui a йtй montrй de multiples maniиres dans une autre
question (qu.3, a.15).
His ergo tribus habitis, scilicet quod Deus sit rebus
naturalibus causa essendi, et quod propriam cognitionem et providentiam habeat
de unoquoque, et quod non agat ex necessitate naturae, sequitur quod potest
praeter cursum naturae aliquid agere in particularibus effectibus, vel quantum
ad esse, in quantum aliquam novam formam inducit rebus naturalibus quam natura
inducere non potest, sicut formam gloriae; aut huic materiae, sicut visum in
caeco; vel quantum ad operationem: in quantum retinet operationes rerum
naturalium ne agant quod natae sunt agere, sicut quod ignis non comburat, ut
patet Daniel. III, 24, vel quod aqua non fluat, ut patet de aqua Iordanis. De ces trois objections 1) а savoir que Dieu est cause d'кtre dans les
кtres naturels, 2) qu'il a une connaissance propre et une providence pour
chacun, et 3) qu'il n'agit pas par nйcessitй de nature, il dйcoule qu'il peut,
en dehors du cours de la nature, agir dans des effets particuliers, ou quant а
l'кtre dans la mesure oщ il peut induire une nouvelle forme dans les choses
naturelles que la nature ne peut pas induire, comme la forme de gloire; ou а
cette matiиre, comme la vue dans l'aveugle; ou quant а l'opйration, dans la
mesure oщ il empкche les opйrations des choses naturelles de faire ce qu'elles
sont destinйes а faire, ainsi que le feu ne brыle pas, comme on le voit dans le
livre de Daniel (3, 24) ou que l'eau ne coule pas , comme on le voit pour les
eaux du Jourdain (Jos. 3, 16).
Solutions:
q. 6 a. 1 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod contra naturam particularem et Deus facit et etiam
res naturales; quod enim ignis corrumpatur contra naturam particularem huius
ignis est. Unde philosophus dicit, quod corruptio et senium et defectus omnis
contra naturam est. Contra naturam vero universalem nulla res naturalis agit;
dicitur enim natura particularis secundum ordinem particularis causae ad
particularem effectum; natura vero universalis secundum ordinem primi agentis
in natura, quod est caelum ad omnia inferiora agentia. Cum autem nullum
inferiorum corporum agat nisi per virtutem caelestis corporis, impossibile est
quod aliquod corpus naturale agat contra naturam universalem. Sed hoc ipsum
quod aliquid agit contra naturam particularem, est secundum naturam
universalem. # 1. Dieu contre la nature particuliиre fait aussi des choses
naturelles, car que le feu soit corrompu est contre sa nature particuliиre.
C'est pourquoi Aristote dit (Le ciel et
le monde, II, 6, 288 b 15[13]) que la corruption, la vieillesse et toute
dйfaillance sont contre la nature. Rien de naturel n'agit contre la nature
universelle, car on appelle particuliиre la nature selon le rapport d'une cause
particuliиre а un effet particulier; mais on appelle universelle la nature
selon le rapport du premier agent dans la nature qui est le ciel pour tous les
agents infйrieurs. Comme aucun des corps infйrieurs n'agit que par la puissance
du corps cйleste, il est impossible qu'un corps naturel agisse contre la nature
universelle. Mais agir contre la nature particuliиre dйpend de la nature
universelle.
Sicut autem caelum est causa universalis respectu inferiorum
corporum, ita Deus est causa universalis respectu omnium entium, respectu cuius
etiam ipsum caelum est causa particularis. Nihil enim prohibet unam et eamdem
causam esse universalem respectu inferiorum et particularem respectu
superiorum, sicut et in praedicabilibus accidit; nam animal, quod est
universale respectu hominis, est particulare respectu substantiae. Sicut ergo
per virtutem caeli potest aliquid fieri contra hanc naturam particularem, nec
tamen est hoc contra naturam simpliciter, quia hoc est secundum naturam
universalem, ita virtute Dei potest aliquid fieri contra naturam universalem,
quae est ex virtute caeli; non tamen erit contra naturam simpliciter, quia erit
secundum naturam universalissimam, quae consideratur ex ordine Dei ad omnes
creaturas. Et ex hoc intellectu Augustinus dicit in Glossa inducta, quod Deus
nihil contra naturam facit. Unde subiungitur, quia hoc est unicuique natura
quod Deus facit. Le ciel est cause universelle par rapport aux corps infйrieurs, de mкme
Dieu est cause universelle par rapport а tous les кtres, rapport dont le ciel
mкme est la cause particuliиre. Car rien n'empкche qu'une seule et mкme cause
soit universelle par rapport aux кtres infйrieurs et particuliиre par rapport
aux кtres supйrieurs, comme cela arrive dans les prйdicables[14], car l'animal
qui est universel par rapport а l'homme, est particulier par rapport а la
substance. Donc de mкme que quelque chose peut кtre fait par le pouvoir du ciel
contre cette nature particuliиre et cependant ce n'est pas simplement contre la
nature, parce que c'est selon la nature universelle, de mкme par le pouvoir de
Dieu quelque chose peut кtre fait contre la nature universelle qui vient du
pouvoir du ciel: cependant ce ne sera pas absolument contre la nature, parce
que ce sera selon la nature la plus universelle qui est considйrйe par rapport
de Dieu а toutes les crйatures. Et pour l'avoir compris, Augustin dit, dans la
glose citйe, que Dieu ne fait rien contre la nature. C'est pourquoi il est
ajoutй parce que "C'est la nature que Dieu fait pour chacun".
q. 6 a. 1 ad 2 Et ex
hoc etiam patet responsio ad secundum; nam in illa Glossa loquitur Augustinus
de summa lege naturae quae attenditur secundum ordinem Dei ad omnes creaturas. # 2. Et par lа paraоt la rйponse а la seconde objection, car, dans
cette glose, Augustin parle de la loi suprкme de la nature qui s'йtend selon
l'ordre de Dieu а toutes les crйatures.
q. 6 a. 1 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut ex dictis patet, licet Deus possit facere contra
ordinem qui est unius creaturae ad aliam, quod est quasi naturae particularis
respectu ipsius, non tamen potest facere contra ordinem creaturae ad se ipsum.
Iustitia autem hominis consistit principaliter in debito ordine hominis ad Deum;
unde contra ordinem iustitiae Deus facere non potest. Cursus autem naturae est
secundum ordinem unius creaturae ad aliam, et ideo contra cursum naturae Deus
facere potest. # 3. Comme le montre ce qui a йtй dit, bien que Dieu puisse agir contre
le rapport d'une crйature а une autre, ce qui est pour ainsi dire d'une nature
particuliиre par rapport а lui, cependant il ne peut agir contre le rapport de
la crйature а elle-mкme. La justice de l'homme consiste principalement dans le
rapport que l'homme doit а Dieu, c'est pourquoi Dieu ne peut pas agir contre
l'ordre de la justice. Mais le cours de la nature dйpend du rapport d'une
crйature а une autre, et c'est pourquoi Dieu peut agir contre le cours de la
nature.
q. 6 a. 1 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod sicut Deus potest facere praeter causas naturales
effectus in rebus corporalibus, ita potest facere praeter ministerium Angelorum;
non tamen est eadem ratio faciendi praeter utrumque. Nam praeter causas
naturales facit ut homo effectum, quem causis visibilibus attribuere non
potest, in aliquam superiorem causam reducere cogatur, ut si ex visibili
miraculo divina potentia manifestetur. Operationes autem Angelorum non sunt
visibiles; unde eorum ministerium non impedit quin homo in divinae potentiae
considerationem adducatur. Et propter hoc Augustinus non dicit quod praeter
ministerium Angelorum non possit operari, sed quod non operatur. # 4. Dieu peut produire en dehors des causes naturelles des effets dans
les corps, de mкme il peut agir en dehors du ministиre des anges; cependant ce
n'est pas la mкme raison d'agir au-delа de l'un et l'autre. Car, au-delа des
causes naturelles, il fait que l'homme est forcй de ramener l'effet qu'il ne
peut pas attribuer а des causes visibles а une cause supйrieure, comme si la
puissance divine se manifestait par un miracle visible. Mais les opйrations des
anges ne sont pas visibles; c'est pourquoi leur ministиre n'empкche pas que
l'homme soit amenй а considйrer la puissance divine; et а cause de cela,
Augustin ne dit pas qu'il ne pourrait pas opйrer au-delа du ministиre des anges
mais qu'il n'opиre pas.
q. 6 a. 1 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut Deus non potest facere quod affirmatio et negatio
sint simul vera, ita non potest facere ea quae sunt impossibilia in natura, in
quantum praedictum impossibile in se claudunt sicut patet quod mortuum vivificare,
claudit in se contradictionem, si ponatur a principio intrinseco naturaliter
mortuus ad vitam redire, nam de ratione mortui est quod sit privatus principio
vitae: unde Deus hoc non facit, sed facit quod mortuus ab exteriori principio
vitam iterato acquirat; quod contradictionem non includit. Et eadem ratio est
de aliis quae sunt impossibilia naturae, quae facere potest. # 5. Dieu ne peut pas faire que l'affirmation et la nйgation soient
vraies simultanйment, de mкme il ne peut pas faire ce qui est impossible dans
la nature, en tant que cela enferme en soi une chose qu'on affirme impossible,
de mкme qu'il est clair que redonner vie а un mort, renferme en soi une
contradiction, si on pense que le mort retourne а la vie naturellement par un
principe intrinsиque, car il est de la nature du mort d'кtre privй du principe
de vie. C'est pourquoi Dieu ne le fait pas, mais il fait que le mort acquiert
la vie une seconde fois, а partir d'un principe extйrieur; ce qui n'inclut pas
de contradiction. Et c'est la mкme raison pour les autres impossibilitйs de la
nature qu'il peut accomplir.
q. 6 a. 1 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod Deus non facit contra rationes naturales mutabili
voluntate, nam Deus ab aeterno praevidit et voluit se facturum quod in tempore
facit. Sic ergo instituit naturae cursum, ut tamen praeordinaretur in aeterna
sua voluntate quod praeter cursum istum quandoque facturus erat. # 6. Dieu n'agit pas contre les raisons naturelles en changeant de
volontй, car il a prйvu de toute йternitй et il a voulu faire ce qu'il fait
dans le temps. Ainsi donc il a instituй le cours de la nature, de sorte
cependant qu'il soit prйordonnй dans sa volontй йternelle qu'il agirait
quelquefois en dehors de ce cours.
q. 6 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod Deus faciendo praeter cursum naturae, non removet totum
ordinem universi, in quo consistit bonum ipsius, sed ordinem alicuius
particularis causae ad suum effectum. # 7. Dieu, en agissant en dehors du cours de la nature, ne dйtourne pas
tout le cours de l'univers, en quoi consiste son bien, mais le rapport de la
cause particuliиre а son effet.
q. 6 a. 1 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod malum poenae est contra ordinem unius partis universi ad
aliam partem, et similiter malum cuiuslibet defectus naturalis; sed malum
culpae est contra ordinem totius universi ad finem ultimum, eo quod voluntas,
in qua est malum culpae, ab ipso ultimo fine universi deordinatur per culpam;
et ideo huiusmodi mali Deus causa esse non potest; contra hunc enim ordinem
agere non potest, licet posset agere contra ordinem primum. # 8. Le mal du chвtiment est contre l'ordre d'une partie de l'univers
pour une autre et de mкme le mal d'une dйfaillance naturelle, mais le mal de la
faute est contre l'ordre de tout l'univers quant а la fin derniиre, parce que la
volontй, en qui se trouve le mal de la faute est dйtournйe de sa fin ultime de
l'univers par la faute, et c'est pourquoi Dieu ne peut pas кtre cause d'un mal
de ce genre. Car il ne peut pas agir contre cet ordre, bien qu'il le puisse
contre l'ordre premier.
q. 6 a. 1 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod miraculum non fit a Deo nisi in creaturis
praeexistentibus, quae alio modo in operibus sex dierum praeextiterunt. Unde
opera miraculosa materialiter in operibus sex dierum praecesserunt, licet tunc
non oportuerit aliquid miraculose fieri contra cursum naturae, quando natura
instituebatur. # 9. Dieu ne fait un miracle que dans les crйatures prйexistantes, qui
ont prйexistй d'une autre maniиre dans les opйrations des six jours. C'est
pourquoi les opйrations miraculeuses ont prйcйdй matйriellement dans les
opйrations des six jours, bien qu'alors il n'aurait pas fallu que quelque chose
soit fait miraculeusement contre le cours de la nature, quand elle йtait
instituйe.
q. 6 a. 1 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod natura est causa ordinationis in omnibus naturalibus,
non autem in omnibus simpliciter. # 10. La nature est la cause de la mise en ordre dans tout ce qui est
naturel, mais pas absolument dans tout.
q. 6 a. 1 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod logicus et mathematicus considerant tantum res
secundum principia formalia; unde nihil est impossibile in logicis vel
mathematicis, nisi quod est contra rei formalem rationem. Et huiusmodi
impossibile in se contradictionem claudit, et sic est per se impossibile. Talia
autem impossibilia Deus facere non potest. Naturalis autem applicat ad
determinatam materiam: unde reputat impossibile etiam id quod est huic
impossibile. Nihil autem prohibet Deum posse facere quae sunt inferioribus
agentibus impossibilia. # 11. Le logicien et le mathйmaticien considиrent les objets seulement
selon les principes formels; c'est pourquoi rien n'est impossible en logique ou
en mathйmatiques, sinon ce qui est contre la raison formelle de l'objet. Et une
telle impossibilitй enferme en soi une contradiction et ainsi elle est
impossible par soi. Des telles impossibilitйs, Dieu ne peut pas les faire. Le
naturel ajoute а une matiиre limitйe, c'est pourquoi il йvalue comme impossible
ce qui est impossible pour lui. Mais rien n'empкche Dieu de pouvoir faire ce
qui est impossible aux agents infйrieurs.
q. 6 a. 1 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod ars divina non totam seipsam explicat in
creaturarum productione; et ideo secundum artem suam potest alio modo aliquid
operari quam habeat cursus naturae; unde non sequitur quod si potest facere
contra cursum naturae, possit facere contra suam artem: nam et homo artifex
potest aliud artificiatum facere per suam artem contrario modo quam prius
fecit. # 12. L'art divin ne se dйploie pas tout lui-mкme dans la production
des crйatures, et ainsi selon son art, il peut opйrer d'une autre maniиre que
celle du cours de la nature; c'est pourquoi il n'en dйcoule pas que, s'il peut
agir contre le cours de la nature, il puisse le faire contre son art, car
l'artisan peut faire un autre ouvrage par son art, d'une maniиre contraire а ce
qu'il a fait d'abord.
q. 6 a. 1 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod philosophus loquitur de his quae in natura
aguntur: ea enim aguntur sicut apta nata sunt agi. # 13. Le philosophe parle de ce qui est fait dans la nature; car ces
choses sont faites comme elles sont destinйes а кtre faites
q. 6 a. 1 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod cursum naturae servari est conveniens, secundum
quod est a divina providentia ordinatus; unde si ordo divinae providentiae
habet quod aliquid secus agatur, non est inconveniens. # 14. Il convient de conserver le cours de la nature, selon qu'il est
ordonnй par la providence divine, c'est pourquoi si l'ordre de la providence
divine a quelque chose а faire autrement, cela ne prйsente pas d'inconvйnient.
q. 6 a. 1 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod non dicitur aliquid esse falsum simpliciter et
alicui, sicut aliquid dicitur esse impossibile simpliciter et alicui, sed esse
falsum simpliciter; unde Deus non potest scire aliquod falsum, sicut non potest
facere aliquid impossibile: quod simpliciter est impossibile; et tamen sicut
potest facere aliquid impossibile alicui, ita potest facere aliquid ignotum
alicui. # 15. On ne dit pas que quelque chose est faux absolument et pour
quelqu'un; de mкme qu'on ne dit pas qu'une chose est impossible absolument et
pour quelqu'un, mais est absolument fausse; c'est pourquoi, Dieu ne peut pas
connaоtre ce qui est faux, de mкme qu'il ne peut pas faire ce qui est
impossible; parce que c'est absolument impossible et cependant de mкme qu'il
peut faire quelque chose d'impossible а quelqu'un, de mкme il peut faire
quelque chose ignorй de quelqu'un.
q. 6 a. 1 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod omne per accidens reducitur ad aliquid quod est
per se: unde nihil prohibet aliquid quod est per accidens, ad id quod est per
se reductum, esse magis tale: sicut nix sua albedine disgregat visum magis quam
albedo parietis, eo quod albedo nivis est maior albedine parietis: similiter
remotio cursus Socratis est impossibilis per hoc quod reducitur ad hoc
impossibile per se, praeteritum non fuisse, quod contradictionem implicat: unde
nihil prohibet hoc esse magis impossibile quam id quod est impossibile alicui,
quamvis non sit impossibile per accidens. # 16. Tout ce qui est par accident est ramenй а ce qui est par soi;
c'est pourquoi rien n'empкche que ce qui est par accident, ramenй ramenй а ce
qui est par soi, soit plus de telle nature. Ainsi la neige abоme la vue par sa
blancheur plus que la blancheur du mur, parce qu'elle est plus grande en
blancheur que lui. De mкme supprimer la marche de Socrate est impossible, parce
que c'est ramenй а cet impossible par soi que le passй n'ait pas existй, ce qui
implique contradiction; c'est pourquoi rien n'empкche que cela soit plus
impossible par soi, que ce qui est impossible а quelqu'un, quoiqu'il ne soit
pas impossible par accident.
q. 6 a. 1 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod in re qualibet naturali est naturalis ordo et
habitudo ad causas omnes superiores: et inde est quod illa quae fiunt in
corporibus inferioribus ex impressione caelestium corporum, non sunt violenta,
licet videantur esse contraria naturalibus motibus inferiorum corporum, ut
patet in fluxu et refluxu maris, qui sequitur motum lunae. Et multo minus est
violentum quod a Deo fit in istis inferioribus. # 17. Dans n'importe quelle chose naturelle, il y a un ordre
naturel[15] et une relation а toutes les causes supйrieures, et de lа vient que
ce qui est fait dans les corps infйrieurs par l'induction des corps cйlestes
n'est pas violent, bien que cela paraisse кtre contraire aux mouvements
naturels des corps infйrieurs, comme on le voit dans le flux et le reflux de la
mer qui suit le mouvement de la lune. Et ce qui est fait par Dieu dans les
(corps) infйrieurs est beaucoup moins violent.
q. 6 a. 1 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod quanto aliqua virtus activa est altior, tanto
eamdem rem potest perducere in altiorem effectum: unde natura potest ex terra
facere aurum aliis elementis commixtis, quod ars facere non potest; et inde est
quod res aliqua est in potentia ad diversa secundum habitudinem ad diversos
agentes. Unde nihil prohibet quin natura creata sit in potentia ad aliqua
fienda per divinam potentiam, quae inferior potentia facere non potest: et ista
vocatur potentia obedientiae, secundum quod quaelibet creatura creatori obedit. # 18. Plus un pouvoir actif est йlevй, plus il peut mener une mкme
chose а un effet plus йlevй: c'est pourquoi la nature peut faire de l'or avec
de la terre et d'autres йlйments mйlangйs, ce que l'art ne peut pas faire et de
lа vient qu'une chose est en puissance а diffйrents objets selon la relation а
des agents diffйrents. C'est pourquoi rien n'empкche que la nature crййe ait la
puissance de faire quelque chose par la puissance divine, ce qu'une puissance
infйrieure ne peut pas faire; et on l'appelle puissance d'obйdience, selon que
n'importe quelle crйature obйit au crйateur.
q. 6 a. 1 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod ordinatio cuiuslibet rei creatae ad suam
operationem est a Deo; unde si ex divina providentia praeter rerum naturalium
operationem producitur aliquis effectus, non est inconveniens. # 19. La mise en rapport de n'importe quelle crйature а son opйration
vient de Dieu; c'est pourquoi si la providence divine produit un effet au-delа
de l'action de l'opйration des choses naturelles, cela n'a pas d'inconvйnient.
q. 6 a. 1 ad 20 Ad
vicesimum dicendum, quod licet Deus faciat aliquem effectum praeter actionem
causae naturalis, non tamen tollit ordinem causae ad suum effectum; unde et in
igne fornacis remanebat ordo ad comburendum, licet non combureret tres pueros
in camino. # 20. Bien que Dieu produise un effet au-delа de l'action de la cause
naturelle, il n'enlиve cependant pas le rapport de la cause а son effet. C'est
pourquoi dans le feu de la fournaise demeurait le pouvoir de brыler, bien qu'il
n'y brыlвt pas les trois enfants.
q. 6 a. 1 ad 21 Ad
vicesimumprimum dicendum, quod quando Deus agit aliquid contra cursum naturae,
non tollitur totus ordo universi, sed cursus qui est ex ordine unius
particularis rei ad aliam. Unde non est inconveniens, si aliquando contra
cursum naturae aliquid fiat ad salutem hominis, quae consistit in ordinatione
ipsius ad ultimum finem universi. # 21. Quand Dieu agit contre le cours de la nature, il n'enlиve pas
tout l'ordre de l'univers, mais il change le cours du rapport d'une chose
particuliиre а une autre. C'est pourquoi il n'y a aucune inconvenance si
quelquefois il agit contre le cours de la nature pour le salut de l'homme, ce
qui consiste а l'ordonner а la fin ultime de l'univers.
[1]
Parall.: Ia, qu. 105, a. 6 – qu. 106, a. 3– CG. III, 98, 99* Р Compendium. 136.
[2]
En Ia, qu. 105, a. 6, obj. 2, l'ordre de la nature vient de la justice de Dieu.
[3]
Il s'agit du principe de contradiction .
[4]
Mйtaphysique, VII, 3, 1029 a 20: "J'appelle
nature ce qui n'est par soi ni existence dйterminйe, ni d'une certaine
quantitй, ni d'aucune autre des catйgories par lesquelles l'Etre est dйterminй."
(Trad. J. Tricot).
[5]
Rm. 13, 1: "Non est enim potestas nisi a Deo, quae autem sunt, a Deo
ordinatae sunt". "Il n'y a point d'autoritй qui ne vienne de Dieu, et
celles qui existent sont constituйes par Dieu." B.J.
[6]
"...selon qu'on fait une chose, ainsi se produit-elle par nature, et selon
que la nature produit une chose ainsi la fait-on а moins d'empкchements."
Texte d'Aristote, Thomas, II, lect. 13, n° 257.
[7]
Cf. qu. 1, a. 3, obj. 4.
[8]
"Car il y a une seule chose dont Dieu mкme est privй: c'est de faire que
ce qui a йtй fait ne l'ait pas йtй." (Citation d'Agathon, tragique grec du
Ve siиcle a.c..
[9]
On admet d'ordinaire qu'un acte est involontaire quand il est fait sous la
contrainte... Est fait par contrainte tout ce qui a son principe hors de nous,
c'est-а-dire un principe dans lequel on ne relиve aucun concours de l'agent ou
du patient". Trad. J. Tricot.
[10]
Pot. qu. 3, a. 7.
[11]
"...la chose qui, parmi les autres, possиde йminemment une nature est
toujours celle dont les autres choses tiennent en commun cette nature, par
exemple le feu est chaud par excellence, parce que, dans les autres кtres, il
est la cause de la chaleur." (Trad. J. Tricot).
[12]
Dont Avicenne.
[13]
Texte Aristote: "Chez les animaux, tous les manques de force, comme la
vieillesse et l'affaiblissement, sont, eux, contraire а la nature."
[14]
Les prйdicables sont au nombre de cinq: le genre, l'espиce, la diffйrence, le
propre, l'accident.
[15] Cf. Ia, qu. 105, a. 6, ad
1m.
Article 2: Peut-on appeler miracles tout ce que Dieu fait en dehors des
causes naturelles ou contre le cours de la nature?
q. 6 a. 2 tit. 1
Secundo quaeritur utrum omnia quae Deus facit praeter causas naturales vel
contra cursum naturae, possint dici miracula.Et videtur quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 6 a. 2 arg. 1
Quia sicut ex verbis Augustini haberi potest, miraculum est aliquid arduum et
insolitum, supra facultatem naturae et praeter spem admirantis apparens.
Aliquando autem Deus operatur contra cursum naturae etiam in minimis rebus,
sicut cum ex aqua fecit vinum, Ioan. II; quae tamen operatio praeter
operationem causarum naturalium fuit. Ergo non omnia quae Deus facit praeter
causas naturales, miracula dici possunt. 1. Parce que, comme on peut le conclure des paroles d'Augustin (Sur
l'Йvangile de Jean, 8 et Trin. III, 5) le miracle est "quelque chose
d'ardu et d'insolite qui dйpasse les possibilitйs de la nature et apparaоt
au-delа de l'espйrance de celui qui le voit avec йtonnement." Quelquefois
Dieu opиre contre le cours de la nature, mкme dans les plus petites choses: par
exemple, quand il fit du vin avec de l'eau (Jn 2): cette opйration fut
cependant au-delа de celle des causes naturelles. Donc ce n'est pas tout ce que
Dieu fait au-delа des causes naturelles qui peut кtre appelй miracle. q. 6 a. 2 arg. 2
Praeterea, quod frequenter accidit, non potest insolitum dici. Sed huiusmodi
operationes divinae praeter causas naturales apostolorum tempore frequenter
fiebant: unde dicitur Act. V, 15, quod in plateis ponebantur infirmi, et
cetera. Ergo huiusmodi non erant insolita, et ita non erant miracula. 2. On ne peut pas dire que ce qui arrive frйquemment soit inhabituel.
Mais de telles opйrations divines au-delа des causes naturelles arrivaient
frйquemment du temps des Apфtres. C'est pourquoi il est dit (Act 5, 15) qu'on
mettait les malades sur les places, etc.. Donc les йvйnements de ce genre
n'йtaient pas inhabituels et ainsi ce n'йtaient pas des miracles. q. 6 a. 2 arg. 3
Praeterea, illud quod natura potest operari non est supra facultatem naturae.
Sed quandoque divinitus fiunt praeter naturales causas quae etiam natura facere
posset, sicut patet cum dominus curavit socrum Petri a febribus quibus
tenebatur, ut dicitur Luc. IV, 38-39. Ergo non fuit supra facultatem naturae,
et ita non fuit miraculum. 3. Ce que la nature peut opйrer n'est pas au-dessus de ses
possibilitйs. Mais quelquefois ce que la nature pourrait faire aussi se fait de
maniиre divine au-delа des causes naturelles, comme on le voit quand le
Seigneur a guйri la belle-mиre de Pierre des fiиvres qui la tenaient, comme il
est dit en Lc 4, 38 s.. Donc ce ne fut pas au-dessus des possibilitйs de la
nature et ainsi ce ne fut pas un miracle. q. 6 a. 2 arg. 4 Praeterea, mortuum reviviscere,
non potest contingere per operationem naturalis causae. Sed resuscitatio
mortuorum, qua Deus in fine omnes mortuos vivificabit, est a sanctis expectata;
unde in symbolo dicitur: expecto resurrectionem mortuorum. Ergo non
omne illud quod Deus operatur praeter causas naturales, est praeter spem
humanam, et ita non est miraculum. 4. Faire revenir а la vie un mort ne peut pas arriver par l'opйration
d'une cause naturelle. Mais la rйsurrection des morts par laquelle Dieu
ramиnera а la vie tous les morts а la fin, est attendue par les saints; c'est
pourquoi il est dit dans le "symbole" (des Apфtres): "J'attends
la rйsurrection des morts". Donc ce n'est pas tout ce que Dieu opиre
au-delа des causes naturelles qui dйpasse l'espйrance des hommes. Et ainsi ce
n'est pas un miracle. q. 6 a. 2 arg. 5
Praeterea, creatio caeli et terrae, et etiam creatio animarum rationalium est a
Deo praeter alias causas agentes: solus enim Deus creare potest, ut in alia
quaestione, est habitum. Sed tamen haec non possunt dici miracula: quia haec
non fiunt ad gratiae ostensionem, propter quam solam fiunt miracula, ut
Augustinus dicit, sed ad naturae institutionem. Ergo non omnia quae Deus facit
praeter causas naturales, possunt dici miracula. 5. La crйation du ciel et de la terre et mкme celle des вmes douйes de
raison vient de Dieu au-delа des autres causes efficientes; car seul il peut
crйer, comme on l'a vu dans une autre question (qu. 3 a. 1 et 4). Mais
cependant on ne peut pas appeler cela des miracles; parce que ce n'est pas fait
pour montrer la grвce, ce pourquoi seul sont faits les miracles, comme Augustin
le dit, mais c'est pour la constitution de la nature. Donc tout ce que Dieu
fait au-delа des causes naturelles ne peut pas кtre appelй miracle. q. 6 a. 2 arg. 6
Praeterea, iustificatio impii fit a solo Deo praeter causas naturales; nec est
miraculum, sed magis finis miraculi: ad hoc enim miracula fiunt, ut homines convertantur
ad Deum. Ergo non omnia quae Deus facit praeter causas naturales, sunt
miracula. 6. La justification de l'impie est accomplie par Dieu seul au-delа des
causes naturelles; ce n'est pas un miracle, mais plutфt le but du miracle. Car
les miracles sont faits pour convertir les hommes а Dieu. Donc tout ce que Dieu
fait en dehors des causes naturelles n'est pas miracle. q. 6 a. 2 arg. 7
Praeterea, magis est mirum quod aliquid fiat a minus potente quam a magis
potente. Sed Deus est potentior quam natura: cum autem natura aliquid operatur,
non dicitur esse miraculum, sicut cum operatur sanationem infirmi, vel aliquid
huiusmodi. Ergo multo minus potest dici miraculum, quando
Deus illud operatur. 7. Plus йtonnant est ce qui est fait par quelqu'un de moins puissant
que par un plus puissant. Mais Dieu est plus puissant que la nature; or quand
la nature fait quelque chose, on ne l'appelle pas miracle, comme quand elle
opиre la guйrison d'un malade, ou autres choses de ce genre. Donc on peut
beaucoup moins l'appeler miracle quand Dieu le fait. q. 6
a. 2 arg. 8 Praeterea, monstra fiunt contra naturam, nec tamen dicuntur
miracula. Ergo non omnia quae contra naturam fiunt, miracula
dici possunt. 8. Les prodiges se font contre la nature et cependant on ne les appelle
pas miracles. Donc tout ce qui est fait contre la nature ne peut кtre appelй
miracle. q. 6 a. 2 arg. 9 Praeterea, miracula fiunt ad
fidei confirmationem. Sed incarnatio verbi non est ad confirmationem fidei
tamquam fidei argumentum, sed magis est sicut fidei obiectum. Ergo non est
miraculum: et tamen hoc solus Deus facit nulla alia causa agente: ergo non
omnia quae Deus facit praeter causas naturales, sunt miracula. 9. Les miracles sont faits pour affermir la foi. Mais l'Incarnation du
Verbe n'est pas pour l'affermir en tant qu'argument de foi, mais plutфt en tant
qu'objet de foi. Donc ce n'est pas un miracle et cependant Dieu seul le fait
sans aucune autre cause efficiente; donc ce n'est pas tout ce que Dieu fait
au-delа des causes naturelles qui est un miracle En sens contraire: q. 6 a. 2 s. c. 1
Sed contra. Augustinus, dicit, quod triplex est rerum cursus: naturalis,
voluntarius et mirabilis. Ea autem quae solus Deus operatur praeter causas
naturales, non pertinent ad cursum rerum naturalium, nec ad voluntarium, quia
nec natura, nec voluntas creata in eis operatur. Ergo pertinet ad cursum
mirabilem, et ita sunt miracula. 1. Augustin (Anselme, Le pйchй originel, ch. 2) dit que le cours des
choses est triple: naturel, volontaire et merveilleux. Ce que Dieu seul opиre
au-delа des causes naturelles n'appartient pas а un concours des choses
naturelles, ni а ce qui est volontaires, parce que, ni la nature, ni la volontй
crййe n'opиrent en eux. Donc il appartient а un concours admirable et ainsi
c'est un miracle. q. 6 a. 2 s. c. 2
Praeterea, Richardus de s. Victore dicit, quod miraculum est opus creatoris,
manifestativum divinae virtutis. Huiusmodi autem sunt quae a Deo praeter causas
naturales fiunt. Ergo sunt miracula. 2. Richard de Saint Victor dit que le miracle est l'oeuvre du Crйateur,
qui manifeste sa puissance divine. Ce qui est fait par Dieu au-delа des causes
naturelles est de ce genre. Donc ce sont des miracles. Rйponse: q. 6 a. 2 co.
Respondeo. Dicendum, quod miraculi nomen a mirando est sumptum. Ad admirationem
autem duo concurrunt, ut potest accipi ex verbis philosophi in principio
metaphysicorum: quorum unum est, quod causa illius quod admiramur, sit occulta;
secundum est quod in eo quod miramur, appareat aliquid per quod videatur
contrarium eius debere esse quod miramur, sicut aliquis posset mirari si
videret ferrum ascendere ad calamitam, ignorans calamitae virtutem, cum
videatur quod ferrum naturali motu debeat tendere deorsum. Le nom miracle vient de "admirer" (s'йtonner). Deux aspects
concourent а l'admiration, comme on peut le tirer des paroles du philosophe au
dйbut de la Mйtaphysique (I, 2, 982 b
11-21.[2]). 1) Dont l'une est que la cause de ce qui йtonne est cachйe.2) La
seconde est que dans ce qui nous йtonne apparaоt ce par quoi il semble que
c'est son contraire dont on devrait s'йtonner; par exemple quelqu'un pourrait
s'йtonner s'il voyait le fer monter vers un aimant, ignorant son pouvoir[3]. Puisqu'il semble que le fer par un mouvement naturel
doit tendre vers le bas. Hoc autem contingit dupliciter: uno modo
secundum se; alio modo quo ad nos. Quo ad nos quidem, quando causa effectus quem
miramur, non est occulta simpliciter, sed occulta huic vel illi; nec in re quam
miramur est dispositio repugnans effectui quem miramur, secundum rei veritatem,
sed solum secundum opinionem admirantis: et ex hoc contingit quod id quod est
uni mirum vel admirabile, non est mirum vel admirabile alteri, sicut sciens
virtutem calamitae per doctrinam vel per experimentum, non miratur praedictum
effectum; ignorans autem miratur. Cela arrive de deux maniиres: en soi, et selon nous. 1) Selon nous, quand la cause de l'effet qui nous йtonne n'est pas
absolument cachйe, mais cachйe а celui-ci ou а celui-lа. Et dans ce qui nous
йtonne, il n'y a pas de disposition qui s'oppose а l'effet dont nous nous
йtonnons, selon la vйritй de la chose, mais selon l'opinion de celui qui
s'йtonne, et de lа vient que ce qui est йtonnant ou admirable pour l'un, ne
l'est pas pour un autre, de mкme que celui qui connaоt le pouvoir de l'aimant
par science ou expйrience, ne s'йtonne pas de cet effet, mais l'ignorant s'en
йtonne. Secundum se autem aliquid est mirum vel admirabile, cuius
causa simpliciter est occulta, et quando in re est contraria dispositio
secundum naturam effectui qui apparet, et ista non solum possunt dici mira in
actu, vel mira in potentia, sed etiam miracula, quasi habentia in se
admirationis causam. Causa autem occultissima et remotissima a nostris sensibus
est divina, quae in rebus omnibus secretissime operatur: et ideo illa quae sola
virtute divina fiunt in rebus illis in quibus est naturalis ordo ad contrarium
effectum vel ad contrarium modum faciendi, dicuntur proprie miracula; ea vero
quae natura facit, nobis tamen vel alicui nostrum occulta, vel etiam quae Deus
facit, nec aliter nata sunt fieri nisi a Deo, miracula dici non possunt, sed
solum mira vel mirabilia. 2) En soi est йtonnant ou admirable ce dont la cause est simplement
cachйe et quand il y a dans la chose selon la nature une disposition contraire
а l'effet qui apparaоt, et on peut non seulement appeler cela йtonnant en acte
ou en puissance, mais encore l'appeler miracle, comme ayant en soi une cause
d'йtonnement. Mais la cause la plus cachйe et la plus йloignйe de nos sens est
divine, elle qui agit trиs secrиtement en tout; et c'est pourquoi ce qui est
fait par le seul pouvoir divin dans ces choses oщ il y a un ordre naturel а un
effet contraire ou а une maniиre contraire de le produire, est appelй
proprement miracle; ce que la nature fait, cependant cachй pour nous ou pour
l'un des nфtres, ou mкme ce que Dieu fait, et qui n'est destinй а кtre produit
autrement que par Dieu, ne peut pas кtre appelй miracle, mais seulement
йtonnant ou merveilleux[4]. Et ideo in definitione miraculi ponitur aliquid quod excedit
naturae ordinem, in hoc quod dicitur, supra facultatem naturae, cui ex parte
rei mirabilis respondet quod dicitur arduum. Et ponitur etiam aliquid quod
excedit nostram cognitionem, in hoc quod dicitur praeter spem admirantis
apparens; cui ex parte rei mirabilis respondet quod dicitur insolitum. Nam per
consuetudinem aliquid in nostram notitiam familiarius venit. C'est pourquoi dans la dйfinition du miracle, on place quelque chose
qui excиde l'ordre de la nature, en disant (qu'il est) au-dessus des
possibilitйs de la nature, а qui du cфtй de ce qui est йtonnant correspond ce
qui est appelй ardu. Et on pense а quelque chose qui dйpasse notre
connaissance, en disant que ce qui apparaоt est au-delа de l'espйrance de celui
qui le voit avec йtonnement, а qui du cфtй de ce qui est йtonnant correspond ce
qu'on appelle inhabituel. Car par l'habitude quelque chose devient plus
familier а notre connaissance. Solutions: q. 6 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
arduum quod ponitur in definitione miraculi, non pertinet ad rei magnitudinem
secundum se consideratam, sed per comparationem ad facultatem naturae. Unde
quod in quacumque parva re Deus operatur quod natura operari non potest, hoc
arduum reputatur. # 1. Ardu qui appartient а la dйfinitions du miracle, ne convient pas а
la grandeur de l'йvйnement considйrйe en soi, mais par comparaison aux
possibilitйs de la nature. C'est pourquoi ce que fait Dieu en chaque petite
chose, que la nature ne peut pas faire, est considйrй comme "ardu". q. 6 a. 2 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod insolitum dicitur miraculum, quia est contra consuetum
cursum naturae, etiam si quotidie iteraretur, sicut transubstantiatio panis in
corpus Christi frequentatur quotidie, nec tamen desinit esse miraculum: magis
enim debet dici solitum quod in toto ordine universi communiter accidit quam
quod in una sola re contingit. # 2. On dit que le miracle est inhabituel, parce qu'il est contre le
cours habituel de la nature, mкme s'il se renouvelle chaque jour, comme la
transsubstantiation du pain en corps du Christ est rйitйrйe frйquemment chaque
jour, et cependant elle ne cesse pas d'кtre un miracle; car on doit le dire
habituel que ce qui arrive communйment dans tout l'ordre de l'univers plus que
ce qui arrive dans une seule chose. q. 6 a. 2 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod circa ea quae Deus miraculose facit, talis solet
adhiberi distinctio, quod quaedam dicantur fieri supra naturam, quaedam contra
naturam, quaedam praeter naturam. # 3. A propos de ce que Dieu accomplit miraculeusement, on a l'habitude
d'appliquer une distinction telle que certaines actions sont dites au-dessus de
la nature, certaines contre, et d'autres au-delа. Supra naturam quidem, in quantum in illum effectum quem Deus
facit, natura nullo modo potest; quod quidem contingit dupliciter: A) Au-dessus de la nature dans la mesure oщ dans cet effet que Dieu
produit, la nature ne peut rien faire en aucune maniиre, ce qui arrive de deux
faзons: vel quia ipsa forma inducta a Deo, omnino a natura induci
non potest, sicut forma gloriae, quam inducet Deus corporibus electorum, et
sicut etiam incarnatio verbi; a) Ou bien parce que la forme mкme, induite par Dieu, ne peut
absolument pas l'кtre par la nature, comme la forme de gloire que Dieu induit
dans le corps des йlus, et aussi l'Incarnation du Verbe. vel quia etsi talem formam possit in aliquam materiam
inducere, non tamen in istam: sicut ad causandum vitam natura potens est; sed
quod in hoc mortuo natura vitam causet, hoc facere non potest. b) Ou parce que, mкme si elle pouvait induire une telle forme dans la
matiиre, ce n'est cependant pas dans celle-ci: ainsi la nature a pouvoir de
causer la vie; mais la nature ne peut pas la causer dans ce mort. Contra naturam esse dicitur, quando in natura remanet
contraria dispositio ad effectum quem Deus facit, sicut quando conservavit
pueros illaesos in camino, remanente virtute comburendi in igne, et quando aqua
Iordanis stetit, remanente gravitate in ea, et simile est quod virgo peperit. B) On dit que c'est contre la nature quand en elle demeure une
disposition contraire а l'effet que Dieu produit, comme quand il a conservй
sans blessure les enfants dans la fournaise, alors que le pouvoir de brыler
demeurait dans le feu et comme quand l'eau du Jourdain s'arrкta, tout en
conservant sa gravitй, et il en est de mкme pour l'enfantement de la Vierge. Praeter naturam autem dicitur Deus facere, quando producit
effectum quem natura producere potest, illo tamen modo quo natura producere non
potest, vel quia deficiunt instrumenta quibus natura operatur (sicut cum
Christus convertit aquam in vinum, Ioan. II, 3-11, quod tamen natura aliquo
modo facere potest, dum aqua in nutrimentum vitis assumpta, suo tempore in
succum uvae per digestionem producitur), vel quia est in divino opere maior
multitudo quam natura facere consuevit, sicut patet de ranis quae sunt
productae in Aegypto; vel quantum ad tempus, sicut cum statim ad invocationem
alicuius sancti aliquis curatur, quem natura non statim, sed successive, et
alio tempore, non in isto curare posset: et sic accidit in miraculo inducto de
socru Petri. Unde patet quod omnia huiusmodi, si accipiatur et modus et factum,
facultatem naturae excedunt. C) On dit que Dieu agit au delа de la nature, quand est produit un
effet que la nature peut produire, cependant d'une maniиre dont la nature ne
peut pas le produire, ou parce que les instruments par lesquels la nature opиre
sont dйfaillants (ainsi quand le Christ change l'eau en vin (Jn 2, 3-11), ce
que cependant la nature peut faire d'une autre maniиre, quand l'eau est prise
en nourriture par la vigne, en son temps, et devient le suc du raisin par
absorption), ou bien parce que dans l'oeuvre divine il y a une plus grande
multitude que la nature n'a pas coutume de produire, comme on le voit pour les
grenouilles produites en Йgypte; ou quant au temps, comme quand а l'invocation
d'un saint quelqu'un est aussitфt guйri, ce que la nature ne (peut faire)
aussitфt mais successivement, et dans un autre temps, [mais] elle ne pourrait
le guйrir en ce temps; et cela arriva ainsi dans le miracle rapportй а propos
de la belle-mиre de Pierre. C'est pourquoi il apparaоt que tous les йvйnements
de ce genre, si on prend la maniиre et le rйsultat, dйpassent le pouvoir de la
nature. q. 6 a. 2 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod resurrectio mortuorum futura est praeter spem naturae,
licet non sit praeter spem gratiae: de qua duplici spe habetur Rom. IV, 18: in
spem contra spem credidit. # 4. La rйsurrection future des morts est au-delа de l'espйrance de la
nature, bien qu'elle ne soit pas au-delа de l'espйrance de la grвce. De cette
double espйrance, il est question en Rm 4, 18: "Il crut contre toute
espйrance." q. 6 a. 2 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod caelum et terra et etiam animae rationales non sunt
secundum ordinem naturalem nata creari ab alia causa quam a Deo: et ideo
huiusmodi rerum creationes non sunt miracula. # 5. Le ciel et la terre et aussi les вmes rationnelles dans l'ordre de
la nature ne sont pas destinйs а кtre crййs par une autre cause que Dieu. Et
c'est pourquoi de telles crйations ne sont pas des miracles. q. 6 a. 2 ad 6 Et
similiter dicendum ad sextum de iustificatione impii. # 6. On doit en dire autant de la justification de l'impie. q. 6 a. 2 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ea quae fiunt a natura, fiunt etiam a Deo; sed ea quae
Deus miraculose facit, non fiunt a natura, et ideo ratio non procedit. Et
praeterea, natura operans est causa manifesta nobis. Deus autem est causa
occulta; et propter hoc magis miramur opera Dei quam opera naturae. # 7. Ce qui est fait par la nature, est aussi fait par Dieu; mais ce
que Dieu accomplit miraculeusement n'est pas fait par la nature et c'est
pourquoi cette raison ne convient pas. Et en outre la nature qui opйre est une
cause йvidente pour nous. Mais Dieu est une cause cachйe; et c'est pour cela
que nous admirons plus les oeuvres de Dieu que les oeuvres de la nature. q. 6 a. 2 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod monstra licet fiant contra naturam particularem, non
tamen fiunt contra naturam universalem. # 8. Bien que les prodiges soient faits contre une nature particuliиre,
ils ne sont pas faits contre la nature universelle. q. 6 a. 2 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod incarnatio verbi est miraculum miraculorum, ut sancti
dicunt, quia est maius omnibus miraculis, et ad istud miraculum omnia alia
ordinantur: et propter hoc non solum est inducens ad alia credendum, sed etiam
alia miracula inducunt ad hoc quod ipsum credatur. Nihil enim prohibet unum
miraculum inducere ad fidem alterius, sicut resuscitatio Lazari inducit ad
futuram resurrectionem credendam. # 9. L'Incarnation du Verbe est le miracle des miracles, comme le
disent les saints, parce qu'il est plus grand que tous les miracles et tous les
autres lui sont ordonnйs et c'est pour cela qu'il n'incite pas seulement а
croire а d'autres choses mais aussi les autres miracles amиnent а croire en
lui. Car rien n'empкche un miracle de conduire а la foi pour un autre, comme la
rйsurrection de Lazare amиne а croire а la rйsurrection future. [1] Ia, qu. 105, a. 7 – CG. III, 101 – II
Sent. d18q1a3 – <sp
Article 3: Les crйatures spirituelles peuvent-elles accomplir des
miracles par leur pouvoir naturel?
q. 6 a. 3 tit. 1
Tertio quaeritur utrum creaturae spirituales sua naturali virtute possint
miracula facere. Et videtur quod sic. Il semble oui. Objections[1]: q. 6 a. 3 arg. 1
Quod enim potest virtus inferior, multo magis potest virtus superior. Sed
virtus creaturae spiritualis est supra virtutem naturae corporalis: unde
dicitur Iob XLI, 24: non est potestas super terram quae ei possit comparari.
Ergo creatura spiritualis potest facere illos effectus quos natura facit.
Quando autem effectus naturalis fit non a causa naturali, sed occulta, est
miraculum. Ergo creatura spiritualis potest facere miracula. 1. Car ce que peut un pouvoir infйrieur, un pouvoir supйrieur le peut
beaucoup plus. Mais le pouvoir de la crйature spirituelle est au-dessus de
celui de la nature corporelle: c’est pourquoi il est dit en Job, 41, 24: "Il
n’y a pas de pouvoir sur terre qui puisse lui кtre comparй[2]."
Donc la crйature spirituelle peut produire les effets que produit la nature.
Mais quand l’effet naturel se produit non par une cause naturelle, mais par une
cause cachйe, c’est un miracle. Donc la crйature spirituelle peut faire des
miracles. q. 6 a. 3 arg. 2
Praeterea, quanto aliquid est magis actu, tanto est magis activum, eo quod
unumquodque agit in quantum actu est. Sed formae quae sunt creaturae rationales, sunt magis actuales quam
formae quae sunt in creatura corporali, eo quod sunt magis immateriales. Ergo
sunt magis activae. Sed formae quae sunt in natura corporali, producunt sui
similes in natura. Ergo multo magis possunt hoc facere formae quae sunt in
mente creaturae spiritualis; et sic poterit creatura rationalis facere effectus
naturales praeter causas naturales: quod est miraculosum. 2. Plus une chose est en acte, plus elle peut agir, parce que chacun
agit en tant qu'il est en acte. Mais les formes que sont les crйatures
raisonnables, sont plus en acte que celles qui sont dans la crйature
corporelle, parce qu’elles sont plus immatйrielles. Donc elles sont plus
actives. Mais les formes qui sont dans une nature corporelle, produisent du
semblable а elles en nature. Donc les formes qui sont dans l’esprit de la
crйature spirituelle peuvent beaucoup plus le faire et ainsi la crйature
raisonnable pourra produire des effets naturels au-delа des causes naturelles;
ce qui est miraculeux. q. 6 a. 3 arg. 3
Praeterea, intellectus Angeli est propinquior divino intellectui quam intellectus
humanus. Sed in intellectu humano sunt aliquae formae activae, quae scilicet
sunt in intellectu practico, ut formae artis. Ergo multo fortius in intellectu
Angeli sunt formae activae: nam ideas intellectus divini constat esse maxime
activas. 3. L’esprit de l’ange est plus proche de l’esprit divin que l’esprit
humain. Mais en ce dernier il y a des formes actives, qui sont naturellement
dans l’esprit pratique, comme les formes de l'art. Donc ces formes actives sont
beaucoup plus importantes dans l’esprit de l’ange: car il est clair que les
idйes de l’esprit divin sont trиs actives. q. 6 a. 3 arg. 4 Sed
dices, quod formae activae quae sunt in intellectu Angeli, applicantur ad
effectum mediante corporali agente, sicut etiam formae intellectus humani.- Sed
contra, omnis virtus quae non potest exire in actum nisi mediante instrumento
corporali, frustra datur alicui, nisi detur ei organum corporale: frustra enim
potentia motiva esset data animali, nisi darentur ei instrumenta motus. Sed Angelo non est naturaliter corpus unitum. Ergo
virtus sua non requirit ad sui operis executionem corporeum activum. 4. Mais on pourrait dire que les formes actives qui sont dans l’esprit
de l’ange sont appliquйes а l'effet par l’intermйdiaire d’un agent corporel,
comme les formes de l’esprit humain. — En sens contraire, tout pouvoir, qui ne
peut devenir en acte que par l’intermйdiaire d’un instrument corporel, est
donnй en vain а quelqu'un, а moins qu’il lui soit donnй un organe corporel: car
c’est en vain que la puissance motrice serait donnйe а l’animal si les organes
du mouvement ne lui йtaient pas donnйs. Mais l'ange n'a pas de corps
naturellement uni а lui. Donc c'est que son pouvoir ne demande pas un corps
actif pour l’exйcution de son њuvre. q. 6 a. 3 arg. 5
Praeterea, omnis virtus quae excedit proportionem sui organi, potest habere
aliquam actionem praeter illud organum: quia enim oculus non adaequat virtutem
totius animae, efficit anima multas operationes non per oculum. Sed corpus non
potest esse proportionatum ad totam virtutem Angeli. Ergo potest Angelus
effectus aliquod facere non mediantibus corporibus; et sic videtur quod virtute
naturae suae possit miracula facere. 5. Tout pouvoir qui dйpasse les limites de son organe, peut avoir une
action au-delа de celui-ci; parce qu'en effet, l’њil n’йgale pas le pouvoir de
toute l’вme, celle-ci effectue de nombreuses opйrations mais pas par lui. Mais
un corps ne peut pas кtre proportionnй а tout le pouvoir de l’ange. Donc
celui-ci peut causer des effets sans l’intermйdiaire des corps; et ainsi il
semble qu’il puisse faire des miracles par le pouvoir de sa nature. q. 6 a. 3 arg. 6
Praeterea, plus excedit virtus Angeli omnem virtutem corpoream quam corpus
caeli excedat elementaria corpora. Sed ex virtute caelestis corporis fiunt aliqui
effectus in istis inferioribus absque actionibus qualitatum activarum et
passivarum, quae sunt propriae virtutes elementorum. Ergo multo fortius ex
virtute Angeli possunt aliqui effectus in rebus naturalibus produci, non
mediantibus virtutibus corporum naturalium. 6. Le pouvoir de l’ange dйpasse tout pouvoir corporel plus que le corps
du ciel dйpasse les corps йlйmentaires. Mais des effets sont produits par le
pouvoir du corps cйleste dans les choses infйrieures, sans les actions des
puissances actives et passives, qui sont les pouvoirs propres des йlйments.
Donc le pouvoir de l’ange peut produire des effets beaucoup plus intensйment
dans les choses naturelles, sans l’intermйdiaire des pouvoirs des corps
naturels. q. 6 a. 3 arg. 7
Praeterea, secundum Augustinum omnia corpora a Deo per spiritum vitae
rationalem reguntur: et hoc idem dicit Gregorius: et sic videtur quod motus
caeli et totius naturae sit ab Angelis, sicut motus humani corporis est ab
anima. Sed ab anima imprimuntur formae in corpus praeter virtutes naturales
corporis activas: ex sola enim imaginatione aliquis calescit et infrigidatur,
et incurrit quandoque febrem vel etiam lepram, ut medici dicunt. Ergo multo
fortius ex sola conceptione Angeli moventis caelum, praeter actionem causarum
naturalium, possunt sequi aliqui effectus in istis inferioribus; et sic potest
Angelus facere miraculum. 7. Selon Augustin (La Trinitй, III,
IV, 9[3]) "Tous les corps sont rйgis par Dieu par un
esprit de vie douй de raison"; et Grйgoire [le Grand] dit la mкme chose (Dialogues, IV[4]):
et ainsi il semble que le mouvement du ciel et de toute la nature vient des
anges, comme le mouvement du corps humain dйpend de l’вme. Mais les formes sont
induites par l'вme dans le corps au-delа des pouvoirs naturels actifs du corps:
car par la seule imagination quelqu’un s'йchauffe ou se refroidit, et attrape
quelquefois la fiиvre ou mкme la lиpre, comme le disent les mйdecins[5]. Donc beaucoup plus intensйment de la seule conception de
l’ange qui meut le ciel, au-delа de l’action des causes naturelles, des effets
peuvent s'йcouler dans les кtres infйrieurs et ainsi l’ange peut faire des
miracles. q. 6 a. 3 arg. 8 Sed
dices, quod hoc accidit ex eo quod anima est forma corporis: non autem Angelus
est forma corporalis creaturae.- Sed contra, quidquid provenit ex anima per
eius operationem, provenit ex ea in quantum est motor, non in quantum est forma:
non enim per operationem anima est forma corporis, sed motor. Praedictae autem
impressiones quae fiunt in corpus ab anima, sequuntur impressionem animae
aliquid imaginantis. Ergo non sunt ab anima in quantum est forma, sed in
quantum est motor. 8. Mais on pourrait dire, que cela vient du fait que l’вme est la forme
du corps. Or l’ange n’est pas la forme d'une crйature corporelle. — En sens
contraire, tout ce qui provient de l’вme par son opйration, provient d’elle en
tant que moteur, non en tant que forme; car par son opйration l’вme n'est pas
la forme du corps, mais elle en est moteur. Mais ces impressions qui se font
dans le corps par l’вme, dйcoulent de l’impression de l’вme quand elle imagine.
Donc elles ne viennent pas de l’вme en tant que forme mais en tant que moteur. q. 6 a. 3 arg. 9
Praeterea, ex hoc Deus mirabilia facere potest, quia eius virtus est infinita.
Sed in libro de causis, dicitur quod virtus intelligentiae est infinita,
praecipue ad inferius; quod etiam probari potest ex hoc quod movet motum caeli,
ut ostensum est, qui natus est esse sempiternus: sempiternum enim motum movere
non potest nisi virtus infinita, ut probatur in VII Phys. Ergo videtur quod
Angeli possint miracula facere etiam naturali virtute. 9. Dieu peut faire des miracles, parce sa puissance est infinie. Mais
dans le livre Des Causes (prop.16), il est dit que la puissance de
l’intelligence est infinie, surtout pour ce qui est infйrieur, ce qui peut
aussi кtre prouvй, comme on l’a montrй, du fait qu’elle provoque le mouvement
du ciel destinй а кtre йternel; car il n'y a qu'un pouvoir infini qui peut
produire un mouvement йternel, comme on le prouve en Physique, (VIII, 10, 266 a 12[6]). Donc il
semble que les anges puissent faire des miracles mкme par un pouvoir naturel. q. 6 a. 3 arg. 10
Praeterea, in Lib. de causis dicitur, quod virtus omnis unita plus est infinita
quam virtus multiplicata; et ibidem Commentator dicit, quod quanto virtus
intelligentiae magis aggregatur et unitur, magnificatur et vehementior fit et
efficit operationes mirabiles. Loquitur autem ibi Commentator de naturali
virtute intelligentiae: nam virtutem gratiae non cognovit. Ergo Angelus sua
virtute naturali mirabilia facere potest. 10. Dans le livres des Causes, (prop. 17), il est dit que toute
puissance unie est plus infinie qu’une puissance multipliйe; et sur ce mкme
sujet, le Commentateur dit que plus la puissance de l’intelligence est
rassemblйe et unie, plus elle croоt, se fortifie et plus elle accomplit
d'opйrations admirables. Mais le Commentateur y parle de la puissance naturelle
de l’intelligence: car il n'a pas connu le pouvoir de la grвce. Donc l’ange
peut faire des miracles par sa puissance naturelle. q. 6 a. 3 arg. 11
Sed dicendum, quod Angelus potest mirabilia facere non virtute propria, sed
virtute naturalibus rebus a Deo indita, applicando huiusmodi res ad effectum
quem intendit.- Sed contra, applicatio huiusmodi seminum naturalium, in quibus
existunt activae virtutes naturae, ad effectum aliquem, esse non potest nisi
per motum localem. Sed eiusdem rationis esse videtur quod corpora obediant vel
non obediant substantiae spirituali ad motum localem et alios motus, nam
quilibet motus naturalis habet proprium et determinatum motorem. Ergo si
possunt Angeli suo imperio applicare huiusmodi semina ad effectum naturae per
motum localem, poterunt etiam per motum alterationis vel generationis formam
aliquam in materia inducere ex solo imperio: quod est mirabilia facere. 11. Mais il faut dire que l’ange peut faire des miracles, non par sa
puissance propre, mais par celle induite par Dieu dans les choses naturelles,
en les appliquant а l’effet auquel il tend. — En sens contraire, l’application
des semences naturelles[7] de ce genre, en qui existent
les puissances actives de la nature, pour un effet, ne peut exister que par
mouvement local. Mais il semble que c'est pour une mкme raison que les corps
obйissent ou non а la substance spirituelle pour le mouvement local, et les
autres mouvements, car n’importe quel mouvement naturel a un moteur propre et
dйterminй. Donc, si les anges peuvent par leur pouvoir appliquer des semences
de ce genre а un effet de nature, par mouvement local, ils ont pu aussi par
mouvement de changement ou de gйnйration induire une forme dans la matiиre de
leur seul pouvoir; ce qui est faire des miracles. q. 6 a. 3 arg. 12
Praeterea, eiusdem virtutis secundum genus est imprimere formam in materia et
impedire ne imprimatur: sicut enim virtute corporis forma ignis inducitur in
materia, ita virtute alicuius corporis talis formae inductio impeditur. Sed virtute
spiritualis creaturae impeditur ne ab agente naturali forma in materia
imprimatur: dicitur enim esse expertum quod virtute alicuius scripti aliquis,
in igne positus, non fuit combustus: quod planum est non fuisse operationis
divinae, quae pro meritis, sine aliquibus scriptis, poenas a sanctis suis
repellit: et sic remanet quod fuerit factum Daemonis virtute. Ergo videtur quod
pari ratione fieri possit quod spiritualis creatura ex solo imperio formam in
materia inducere possit absque corporali agente. Et nihilominus hoc ipsum
miraculosum videtur quod homo in igne positus non comburatur, sicut patet in
miraculo trium puerorum. 12. Il appartient а une mкme puissance en genre, d’induire une forme
dans la matiиre et de l'en empкcher: en effet, de mкme que la forme du feu est
introduite dans la matiиre par la puissance d’un corps, de la mкme maniиre
l’induction d’une telle forme est empкchйe par le pouvoir d'un corps. Mais la
puissance de la crйature spirituelle empкche que la forme soit imprimйe dans la
matiиre par un agent naturel: car on dit qu'il s'est trouvй que quelqu'un, par
le pouvoir d'un йcrit, placй dans le feu, n’a pas йtй brыlй; il est clair que
ce n'est pas arrivй par l’opйration divine qui, pour les mйrites, repousse sans
йcrits les chвtiments de ses saints. Et ainsi il reste que cela a йtй fait par
la puissance du dйmon. Donc il semble que, а raison йgale, la crйature
spirituelle puisse de son seul pouvoir induire une forme dans la matiиre, sans
agent corporel. Et cependant il paraоt miraculeux que l’homme, placй dans le
feu, ne brыle pas, comme on le voit dans le miracle des trois enfants. q. 6 a. 3 arg. 13
Praeterea, nobilior est forma quae est in imaginatione et in sensu, quam forma
quae est in materia corporali, quanto est magis immaterialis. Sed spiritualis
creatura in phantasiam et sensum potest imprimere aliquam formam, ut videatur
aliquid aliter quam sit: unde dicit Augustinus: nec sane Daemones naturas
creant; sed specie tenus quae a Deo vero sunt creata, commutant; et postea
subiungit, quod hoc fit per immutationem phantasiae. Ergo multo fortius potest imprimere formam in
materiam corporalem; et sic idem quod prius. 13. La forme, dans l’imagination et les sens, est plus noble que celle
qui est dans la matiиre corporelle; d’autant qu’elle est plus immatйrielle.
Mais la crйature spirituelle peut introduire une forme dans l'imagination et
les sens pour qu'une chose paraisse autre qu’elle n’est: c’est pourquoi
Augustin dit (La citй de Dieu, XVIII,
18[8]): "Ce n’est pas rйellement que les dйmons
crйent des natures; mais ils changent seulement d'apparence ce qui a йtй crйй
par Dieu", et ensuite il ajoute que cela se fait par un changement dans
l'imagination. Donc il peut beaucoup plus induire une forme dans la matiиre corporelle,
et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 6 a. 3 arg. 14
Sed dicendum, quod immutatio phantasiae a Daemone non fit per hoc quod novae
formae imprimantur, sed per compositionem et divisionem formarum
praeexistentium.- Sed contra, anima est nobilior quam natura corporalis. Si
ergo Daemon per suam virtutem potest facere illud quod est propria operatio
animae sensitivae, scilicet componere et dividere imagines, videtur quod multo
fortius possit facere sua virtute operationes naturae corporeae; et sic idem
quod prius. 14. Mais il faut dire que le changement dans l'imagination par le dйmon
ne se fait pas en imprimant de nouvelles formes, mais par composition et
division des formes qui existent dйjа. — En sens contraire, l’вme est plus
noble que la nature corporelle. Si donc le dйmon par sa puissance peut faire ce
qui est l’opйration propre de l’вme sensitive, а savoir composer et diviser les
images, il semble qu'il puisse beaucoup plus accomplir par sa puissance les
opйrations de la nature corporelle, et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 6 a. 3 arg. 15
Praeterea, sicut se habet virtus ad virtutem, ita se habet operatio ad
operationem. Sed virtus Angeli non dependet a virtute creaturae corporalis.
Ergo nec eius operatio ab operatione creaturae corporalis; et sic praeter
naturales causas potest miraculose operari. 15. De la mкme maniиre que se comporte la puissance vis-а-vis
d'elle-mкme, l’opйration se comporte vis-а-vis d'elle-mкme. Mais le pouvoir de
l’ange ne dйpend pas de la puissance de la crйature corporelle. Donc son
opйration non plus, et ainsi il peut opйrer miraculeusement au-delа des causes
naturelles. De potentia, q. 6 a. 3 arg. 16 Praeterea, sicut facere
aliquid ex nihilo est infinitae virtutis propter infinitam distantiam entis ad
nihil, ita reducere aliquid in actum de potentia, subest virtuti finitae. Inter
virtutes autem finitas maxima est virtus Angeli. Ergo Angelus sua virtute
potest educere in actum omnes formas quae sunt in potentia materiae, absque
actione alicuius causae naturalis; et sic idem quod prius. 16. De mкme que faire quelque chose de rien demande une puissance
infinie, а cause de la distance infinie entre l’йtant et le nйant, de mкme
ramener quelque chose de la puissance а l'acte, est soumis а une puissance
finie. Parmi les puissances finies, la plus grande est celle de l’ange. Donc
l’ange par son pouvoir peut amener а l’acte toutes les formes qui sont dans la
puissance de la matiиre, sans l’action d’une cause naturelle, et ainsi de mкme
que ci-dessus. De potentia, q. 6 a. 3 arg. 17 Praeterea, omne agens non
impeditum agit et patitur. Sed Angelus agens in ista corporalia nullo modo patitur
ab eis. Ergo non impeditur quin sua actione possit miracula facere praeter
causas naturales agendo. 17. Tout agent s’il n’est pas empкchй agit et supporte. Mais l'ange qui
agit dans ce qui est corporel n'en supporte rien. Donc rien n'empкche son
action de pouvoir faire des miracles, en agissant au-delа des causes
naturelles. En sens contraire: q.
6 a. 3 s. c. 1 Sed contra. Ex hoc Deus miracula facit quod natura est ei
subiecta. Non est autem subiecta Angelis: non enim Angelis subiecit Deus orbem
terrae, ut dicitur ad Hebr. II. Ergo Angeli sua naturali virtute miracula
facere non possunt. 1. Dieu fait des miracles parce que la nature lui est soumise; mais
elle n’est pas soumise а l’ange: car Dieu n’a pas soumis la terre aux anges,
comme il est dit en Hйbr. 2, 5[9]. Donc les anges ne
peuvent pas faire de miracles par leur pouvoir naturel. 59828] De potentia, q. 6 a. 3 s. c. 2 Praeterea, Augustinus
dicit, quod non est putandum Angelis transgressoribus ad nutum servire
corporalium rerum materiam. Serviret autem eis, si ex virtute suae naturae
creatura spiritualis miracula facere posset. Ergo miracula facere non possunt. 2. Augustin dit (la Trinitй, III, VIII, 13[10]),
qu’il ne faut pas penser que la matiиre des choses corporelles se soumet aux
anges transgresseurs sur un signe de leur part. Elle leur serait soumise, si
par le pouvoir de sa nature, la crйature spirituelle pouvait faire des
miracles. Donc ils ne peuvent pas faire de miracles. Rйponse: q. 6 a. 3 co.
Respondeo. Dicendum, quod Augustinus in II Lib. de Trinitate, postquam
quaestionem istam pertractaverat diligenter, concludit in fine: mihi omnino
utile est ut meminerim virium mearum, fratresque meos admoneam ut meminerint
suarum, ne ultra quam tutum est humana progrediatur infirmitas; quemadmodum
enim hoc faciant Angeli, vel potius quemadmodum Deus hoc faciat per Angelos
suos, nec oculorum acie penetrare, nec fiducia rationis enucleare, nec provectu
mentis comprehendere valeo; ut tam certus loquar ad omnia quae requiri de his
rebus possunt, quam si essem Angelus aut propheta aut apostolus. Unde et hac
moderatione adhibita, absque assertione et sententiae melioris praeiudicio,
procedendum est, quantum ratio et auctoritas poterit adiuvare. Il faut dire qu’Augustin (La
Trinitй, III, X, 21), aprиs avoir traitй attentivement cette question,
conclut а la fin: "Pour moi il est tout а fait utile de me souvenir de mes
forces, et d'avertir mes frиres, qu’ils se souviennent des leurs, pour que la
faiblesse humaine ne progresse pas au delа de la prudence; car de quelque
maniиre que les anges le fassent, ou plutфt de quelque maniиre que Dieu le
fasse par les anges, je ne peux pas le discerner par l'acuitй de ma vue, ni le
comprendre par la perspicacitй de mon esprit, de sorte que je puisse parler
avec autant d'assurance de tout ce qu'on peut en rechercher que si j'йtais un
ange, un prophиte ou un apфtre." C’est pourquoi une fois cette modйration
acquise, il faut avancer, sans assertion ni prйjudice d’une expression
meilleure, autant que la raison et l’autoritй peuvent nous aider. Sciendum est ergo, quod circa hanc quaestionem inveniuntur
philosophi dissensisse: Il faut donc savoir qu’а propos de cette question, on constate que les
philosophes ne sont pas d’accord: Avicenna namque posuit, quod substantia spiritualis quae
caelos movet, non solum mediante caelesti motu effectus in inferioribus
corporibus causat, sed etiam praeter omnem corporis actionem, volens quod
materia corporalis multo magis obediat conceptioni et imperio praedicto
spiritualis substantiae quam contrariis agentibus in natura, vel cuicumque
corpori agenti. Et ex hac causa provenire dicit, quod quandoque inusitatae
permutationes fiunt aeris, et infirmitatum curationes, quae nos miracula
appellamus. Et ponit exemplum de anima quae corpus movet; ad cuius
imaginationem, absque omni alio corporali agente, transmutatur corpus et ad
calorem et ad frigus, et quandoque ad febrem vel lepram. A. Car Avicenne a pensй que la substance spirituelle[11]
qui met en mouvement les cieux, cause des effets dans les corps infйrieurs, non
seulement par l’intermйdiaire du mouvement du ciel, mais aussi au-delа de toute
action du corps, il voulait que la matiиre corporelle obйisse beaucoup plus а
la conception et au pouvoir dйjа signalй de la substance spirituelle qu’aux
agents contraires dans la nature ou а quelque agent corporel. Et il dit que par
cette cause quelquefois se produisent des changements inhabituels de l’air, et
des guйrisons de maladies que nous, nous appelons miracles. Et il propose
l’exemple de l’вme qui meut le corps, par l'imagination de laquelle, sans aucun
autre agent corporel, le corps subit la chaleur et le froid et quelquefois
(attrape) la fiиvre et la lиpre. Haec autem positio satis convenit principiis ab eo
suppositis; ponit enim quod agentia naturalia solummodo disponunt materiam;
formae autem substantiales sunt a substantia spirituali, quam appellat datorem
formarum; unde materia ex naturali ordine obedit spirituali substantiae ad
recipiendum ab ea formam; et ideo non est mirum, si etiam praeter ordinem
corporalium agentium, aliquas formas solo imperio in materiam imprimat. Si enim
materia obedit substantiae separatae ad receptionem formae substantialis, non
erit inconveniens si obediat ad recipiendum etiam dispositiones ad formam; hoc
enim patet esse minoris virtutis. Mais cette opinion[12] convient assez aux
principes qu'il suppose, car il pense que les agents naturels disposent
seulement la matiиre; mais les formes substantielles viennent d'une substance
spirituelle qu’il appelle le donneur de formes; c’est pourquoi la matiиre par
ordre naturel obйit а la substance spirituelle, pour en recevoir la forme; et
ce n’est pas йtonnant non plus, si, en dehors de l’ordre des corps agents, il
imprime quelques formes dans la matiиre par son seul pouvoir. Car si la matiиre
obйit а la substance sйparйe, pour recevoir la forme substantielle, il ne sera
pas inconvenant qu'elle obйisse pour recevoir aussi les dispositions а la forme;
car il est clair que cela dйpend d’une puissance moindre. Sed secundum opinionem Aristotelis et sequentium eum, hoc
non potest stare; probat enim Aristoteles duplici ratione, quod formae non
imprimuntur in materiam ab aliqua substantia separata, sed reducuntur in actum
de potentia materiae per actionem formae in materia existentis. Mais selon l’opinion d’Aristote et de ceux qui le suivent, cela n'est
pas possible, car il prouve, par deux raisons, que les formes ne sont pas
imprimйes dans la matiиre par quelque substance sйparйe, mais sont amenйes de
la puissance de la matiиre а l'acte par l’action de la forme qui est dans la
matiиre. Quorum primam ponit in VII Metaph., quia secundum quod ibi
probatur, id quod fit proprie est compositum, non forma vel materia; compositum
enim est quod proprie habet esse. Omne autem agens agit sibi simile; unde
oportet quod id quod est faciens res naturales actu existere per generationem,
sit compositum, non forma sine materia, hoc est substantia separata. 1) La premiиre raison, il la donne en Mйtaphysique (VII, 8, 1033 b 16, 1033 b 23 et 1034 a 5), parce que,
selon ce qui y est prouvй, ce qui est fait, c'est proprement le composй, non la
forme, ni la matiиre; car le composй est ce qui a l’кtre en propre. Mais tout
agent fait du semblable а lui; c’est pourquoi il faut que ce qui fait exister
les choses naturelles en acte par gйnйration, soit un composй et non une forme
sans matiиre, (car) cela c’est la substance sйparйe. Alia probatio ponitur in VIII Phys.: quia cum idem semper
natum sit idem facere; quod autem generatur vel corrumpitur vel alteratur, aut
augetur vel diminuitur, non semper eodem modo se habet,- oportet quod illud
quod est generans et movens secundum huiusmodi motus, non sit semper eodem modo
se habens, sed aliter et aliter. Hoc autem non potest esse substantia separata,
quia omnis talis substantia est immobilis: omne enim quod movetur, corpus est,
ut in VI Physic. probatur. Unde id quod est immediata causa reducens formam de
potentia in actum, per generationem et alterationem, est corpus aliter et
aliter se habens, secundum quod accedit et recedit per motum localem. 2) L’autre preuve se trouve en Physique,
VIII: parce que, comme le mкme est destinй а toujours faire le mкme, ce qui est
engendrй, corrompu, changй, augmentй ou diminuй ne se comporte pas toujours de
la mкme maniиre, — il faut que ce qui engendre ou meut, selon de tels
mouvements, ne se comporte pas toujours de la mкme maniиre, mais diffйremment.
Mais cela ne peut pas кtre une substance sйparйe, parce que toute substance de
ce genre est immobile; car tout ce qui est mы est un corps, comme on le prouve
en Physique, (VI, 10, de 240 b 8 а
241 a 25). C'est pourquoi, ce qui est la cause immйdiate qui ramиne la forme de
la puissance а l’acte, par gйnйration et changement, est un corps qui se
comporte diffйremment, selon qu'il s’approche ou s’йloigne par mouvement local. Et inde est quod substantia separata suo imperio in corpore
causat immediate motum localem, et eo mediante causat alios motus, quibus
mobile acquirit aliquam formam. Et hoc rationabiliter accidit: nam motus
localis est primus et perfectissimus motuum, utpote qui non variat rem quantum
ad rei intrinseca, sed solum quantum ad exteriorem locum; et ideo per primum
motum suum, scilicet localem, corporalis natura a spirituali movetur. Secundum
hoc ergo corporalis creatura obedit imperio spiritualis secundum naturalem
ordinem ad motum localem, non autem ad alicuius formae receptionem; quod quidem
intelligendum est de natura spirituali creata cuius virtus et essentia est
limitata secundum determinatum genus, non de substantia spirituali increata,
cuius virtus est infinita, non limitata ad aliquod genus secundum regulam
alicuius generis. De lа vient que la substance sйparйe, par son pouvoir, cause
immйdiatement dans le corps un mouvement local, et par son intermйdiaire, elle
cause d'autres mouvements, par lesquels le mobile acquiert une forme. Et cela
arrive conformйment а la raison. Car le mouvement local est le premier et le
plus parfait des mouvements, а savoir qu'il ne change pas la chose de
l'intйrieur, mais seulement sa situation locale extйrieure. Et c’est pourquoi
par son premier mouvement, а savoir le mouvement local, la nature corporelle
est mue par la nature spirituelle. Ainsi donc, la crйature corporelle obйit au
pouvoir de la crйature spirituelle selon l’ordre naturel pour le mouvement
local, mais pas pour recevoir une forme, ce qu’il faut comprendre de la nature
spirituelle crййe dont le pouvoir et l’essence sont limitйs а un genre
dйterminй, (mais) non de la substance spirituelle incrййe, dont le pouvoir est
infini, non limitй а un genre selon la rиgle du genre. Et huic opinioni quantum ad hoc consentit fides; unde
Augustinus dicit, quod Angelis non servit ad nutum materia corporalis. In hoc
tamen differt sententia fidei a positione philosophorum; philosophi enim
praedicti ponunt substantias separatas movere suo imperio caelestia corpora
motu locali; motum autem localem in istis inferioribus non causari immediate a
substantia separata, sed ab aliis moventibus naturaliter aut voluntarie aut
violenter. La foi est en accord avec cette opinion; c’est pourquoi Augustin dit (La Trinitй, III, ch. 8 et 9), que la
matiиre des corps n’est pas soumise а la volontй des anges. Cependant en cela
la rиgle de foi diffиre de la position des philosophes; car ceux-ci pensent que
les substances sйparйes meuvent par leur pouvoir les corps cйlestes d’un
mouvement local; mais le mouvement local dans les кtres infйrieurs n’est pas
causй immйdiatement par une substance sйparйe, mais par d'autres moteurs, de
faзon naturelle, volontaire ou violente. Unde et Alexander, Commentator, omnes effectus qui attribuuntur
a nobis Angelis vel Daemonibus in istis inferioribus, attribuit impressioni
corporum caelestium; quod non videtur sufficienter esse dictum. Nam huiusmodi
effectus non fiunt aliquo determinato cursu, sicuti ea quae fiunt per actionem
naturalem superiorum vel inferiorum corporum. Et praeterea aliqui effectus
inveniuntur in quos nullo modo corpora caelestia possent, sicut quod virgae
converterentur statim in serpentes, et multa huiusmodi. C. C’est pourquoi, Alexandre[13], le commentateur,
attribue tous les effets que nous attribuons aux anges ou aux dйmons dans les
choses infйrieures а l’impression des corps cйlestes, ce qui ne semble pas
avoir йtй assez dit. Car les effets de ce genre ne se font pas par un cours
dйterminй, comme ce qui se fait par l’action naturelle des corps supйrieurs ou
infйrieurs. Et en plus on trouve des effets en qui les corps cйlestes ne
peuvent rien, comme les bвtons transformйs aussitфt en serpent, et beaucoup
d'autres choses de ce genre. Fidei autem sententia est, quod non solum corpora caelestia
suo imperio moveant localiter, sed etiam alia corpora, Deo ordinante et
permittente. Movent ergo localiter suo imperio corpora in quibus est vis activa
naturalis ad aliquem effectum producendum, quae Augustinus, appellat naturae
semina; et sic operatio eorum non erit per modum miraculi, sed per modum artis.
In miraculis enim producuntur effectus absque actionibus naturalibus, a causa
supernaturali. Producere autem aliquem effectum quem vel natura producere non
potest, vel non ita convenienter, mediante actione principiorum naturalium,
artis est. Unde philosophus dicit in II Phys., quod ars imitatur naturam, et
quaedam perficit quae natura facere non potest, in quibusdam etiam naturam
iuvat; sicut medicus iuvat naturam ad sanandum, alterando et digerendo per
appositionem eorum quae ad hoc naturalem virtutem habent. D. Mais la formule de la foi est que non seulement les corps cйlestes
mais encore les autres corps, meuvent localement par leur pouvoir, si Dieu
l’ordonne et le permet. Donc ils meuvent localement par leur pouvoir les corps
dans lesquels il y a un pouvoir actif naturel pour produire un effet; Augustin
(Sur la Genиse, IX, 18) appelle ce
pouvoir les semences de la nature[14]; et ainsi leur
opйration ne se fera pas par un miracle, mais par l’art. Car, dans les
miracles, les effets sont produits sans actions naturelles, par une cause
surnaturelle. Mais produire un effet que ou bien la nature ne peut pas
produire, ou bien pas convenablement, par l’intermйdiaire de l’action des
principes naturels, c’est de l’art. C’est pourquoi le philosophe dit (Physique, II, 2, 193 b 21 et II, 8, 198
b 15) que l’art imite la nature, et parvient а des effets que la nature ne peut
pas faire, mais oщ elle lui vient en aide; comme le mйdecin aide la nature а
guйrir, en changeant, en йliminant, par opposition а ce qui a un pouvoir
naturel pour cela. In effectibus autem huiusmodi producendis ars Angeli boni
vel mali efficacior est et meliores effectus facit quam ars humana; et hoc
propter duo: primo, Pour produire des effets de ce genre, l’art de l’ange, bon ou mauvais,
est plus efficace et il produit de meilleurs effets que l’art des hommes, et
cela pour deux raisons: quia cum effectus corporales in inferioribus maxime
dependeant a caelestibus corporibus tunc praecipue ars potest sortiri effectum,
quando virtus caelestis corporis ad hoc cooperatur. Unde in operibus
agriculturae et medicinae valet consideratio motus et situs solis et lunae et
aliarum stellarum, quarum virtutes, situs et motus multo certius cognoscunt
Angeli naturali cognitione quam homines. Unde horas eligere possunt melius, in
quibus virtus caelestis corporis ad effectus intentos magis cooperetur. Et haec
videtur esse ratio quare nigromantici in invocationibus Daemonum situs
stellarum observant. 1) La premiиre, parce que, comme les effets corporels dans les кtres
infйrieurs dйpendent surtout des corps cйlestes, alors l’art peut surtout
obtenir un effet, quand le pouvoir du corps cйleste y coopиre. C’est pourquoi
dans les opйrations de l’agriculture et de la mйdecine, la considйration du
mouvement et de la situation du soleil, de la lune et des autres йtoiles est
efficace; les anges en connaissent les pouvoirs, les lieux et les mouvements
avec plus de certitude que les hommes. C’est pourquoi ils peuvent mieux choisir
les heures, oщ le pouvoir du corps cйleste participe davantage aux effets
recherchйs. Et cela semble кtre la raison pour laquelle les nйcromanciens dans
leurs invocations aux dйmons observent la situation des йtoiles. Secunda ratio est, quia virtutes activas et passivas in
corporibus inferioribus melius noverunt quam homines, et facilius et celerius
applicare possunt ad effectum, utpote qui imperio suo corpora localiter movent;
unde etiam medici mirabiliores effectus in sanando faciunt, quia plura de
virtutibus rerum naturalium sciunt. 2) Seconde raison, parce qu'ils connaissent mieux que les hommes, les
puissances actives et passives dans les corps infйrieurs, et ils peuvent les appliquer
plus facilement et plus rapidement pour un effet, en tant qu’ils meuvent les
corps localement par leur pouvoir; c’est pourquoi, mкme les mйdecins provoquent
des effets plus admirables en soignant parce qu'ils connaissent mieux les
pouvoirs des choses naturelles. Tertia ratio potest esse, quia cum instrumentum agat non
solum in virtute sua, sed in virtute moventis,- (inde etiam corpus caeleste
aliquem effectum habet ex virtute substantiae spiritualis moventis, sicut quod
est causa vitae, ut patet in animalibus ex putrefactione generatis, et calor
naturalis, in quantum est instrumentum animae vegetabilis, agit ad speciem
carnis),- non est inconveniens ponere quod ipsa corpora naturalia, in quantum
sunt mota a spirituali substantia, sortiantur maiorem effectum; quod videri
potest ex hoc quod Gen. VI, 4, dicitur: gigantes erant super terram in diebus
illis; postquam enim ingressi sunt filii Dei ad filias hominum, illaeque
genuerunt, isti sunt potentes a saeculo viri famosi; et Glossa quaedam ibidem
dicit, quod non est incredibile, a quibusdam Daemonibus, qui mulieribus sunt
incubi, huiusmodi homines, scilicet gigantes, esse procreatos. 3) Il peut exister une troisiиme raison, parce que, comme l’instrument
agit non seulement dans son pouvoir, mais dans celui du moteur, — (c'est de lа
mкme que le corps cйleste a un effet par le pouvoir de la substance spirituelle
motrice, comme ce qui est la cause de la vie, comme on le voit dans les animaux
engendrйs de la putrйfaction. La chaleur naturelle, dans la mesure oщ elle est
l’instrument de l’вme vйgйtative, agit pour la forme de la chair), — il n’est
pas inconvenant de penser que les corps naturels eux-mкmes, dans la mesure oщ
ils sont mus par la substance spirituelle, obtiennent un effet plus grand; ce
qu'on peut voir de ce qui est dit en Gn. 6, 4: "Les gйants йtaient sur la
terre en ces jours-lа; car aprиs que les fils de Dieu sont entrйs chez les
filles des hommes, elles engendrиrent, ce sont les hйros, hommes fameux de
cette йpoque;" et une glose (ordinaire) dit qu’il n’est pas incroyable que
par certains dйmons, qui ont couchй avec les femmes, aient йtй procrййs de tels
hommes, а savoir les gйants. Sic ergo patet quod Angeli boni vel mali virtute naturali
miracula facere non possunt; sed quosdam mirabiles effectus, in quibus eorum
operatio est per modum artis. Ainsi donc il est clair que les anges, bons ou mauvais, ne peuvent pas
faire de miracles par un pouvoir naturel, mais ils produisent des effets
йtonnants dans lesquels leur opйration vient de l’art. Solutions: q. 6 a. 3 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod licet naturalis potestas Angeli vel Daemonis sit
maior quam naturalis potestas corporis, non tamen est ad hoc quod immediate
formam in materia inducat, sed mediante corpore; unde hoc facit nobilius quam corpus,
quia primum movens principalius est in agendo quam secundum. # 1. Bien que la puissance naturelle de l’ange ou du dйmon soit plus
grande que celle du corps, cependant elle n'est pas pour induire une forme dans
la matiиre immйdiatement, mais par l'intermйdiaire d’un corps; c’est pourquoi
elle le fait plus noblement que le corps, parce que le premier moteur est plus
important en agissant que le second. q. 6 a. 3 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod formae rerum naturalium in mente angelica existentes
sunt magis actuales quam formae quae sunt in materia; et propter hoc sunt
immediatum principium perfectioris operationis, quae est intelligere;
operationis vero quae est actio materiam transmutans, non sunt immediatum
principium; sed mediante voluntate, et voluntas mediante virtute, et virtus
immediate movet motum localem; quo motu mediante, est causa aliorum motuum, et
est causa aliqua inductionis formae in materia. # 2. Les formes des choses naturelles qui existent dans l'esprit de
l’ange sont plus en acte que celles qui sont dans la matiиre; et pour cela,
elles sont le principe immйdiat d'une opйration plus parfaite, qui est
l'intellection (intelligere): mais elles ne sont pas le principe immйdiat de
l’opйration qui transforme la matiиre; mais par l’intermйdiaire de la volontй,
et la volontй par l’intermйdiaire du pouvoir, et le pouvoir immйdiatement
provoque le mouvement local; par ce mouvement, intermйdiaire, il est la cause
des autres mouvements, et une cause d’induction de la forme dans la matiиre. q. 6 a. 3 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod formae etiam quae sunt in intellectu humano, non sunt
activae rerum artificialium, nisi mediante voluntate et virtute motiva et
organis naturalibus et instrumentis artificialibus. # 3. Les formes qui sont dans l’esprit humain, n'agissent sur ce qui
est artificiel, que par l’intermйdiaire de la volontй, d'un pouvoir moteur, des
organes naturels et des instruments artificiels. q. 6 a. 3 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod virtus cui potest aliquod organum adhiberi, quod sibi
respondeat quantum ad omnem operationem, debet habere organum coniunctum, sicut
virtus visiva oculum. Nullum autem corpus poterat hoc modo Angelo respondere,
quod eius virtutem adaequaret; et ideo non habuit Angelus corporeum organum
naturaliter coniunctum. Unde et philosophi qui posuerunt substantias separatas
non habere effectus in istis inferioribus nisi mediante caelo, posuerunt
aliquam substantiam spiritualem uniri caelo ut proprio instrumento, quam animam
caeli dicebant. Aliam vero non unitam dicebant intelligentiam, a qua movetur
anima caeli, sicut desiderans a desiderato. # 4. Le pouvoir auquel un organe peut adhйrer, qui lui correspond quant
а toute opйration, doit avoir un organe joint, comme le pouvoir de la vue a
l’њil. Mais aucun corps ne pourrait de cette maniиre convenir а l’ange qui
йgalerait son pouvoir; aussi il n’a pas eu d’organe corporel uni naturellement.
C’est pourquoi les philosophes qui ont pensй que les substances sйparйes
n’avaient d’effet dans les choses infйrieures que par l’intermйdiaire du ciel,
ont pensй qu’une substance spirituelle йtait unie au ciel comme а son
instrument propre, qu’ils appelaient l’вme du ciel. Mais ils ne parlaient pas
d'une autre intelligence non unie, par laquelle l’вme du ciel йtait mue, comme
celui qui dйsire par ce qui est dйsirй. q. 6 a. 3 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Angelus etsi caelum moveat, potest tamen habere actionem
in haec inferiora absque motu caeli movendo alia corpora, et absque omni
corpore intelligendo; licet forma in materia absque corporali agente imprimere
non possit. # 5. Mкme si l’ange meut le ciel, il peut cependant avoir une action
dans les choses infйrieures sans le mouvement du ciel, en mettant en mouvement
d'autres corps, et sans comprendre tout corps, bien que par la forme il ne puisse
induire dans la matiиre, sans agent corporel. q. 6 a. 3 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod caelum cum sit agens corporeum, potest esse immediatum
alterans et movens ad formam; non est autem simile de Angelis. # 6. Comme le ciel est un agent corporel, il peut changer sans
intermйdiaire et amener а la forme; ce n’est pas pareil pour les anges. q. 6 a. 3 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod anima, naturali ordine suo imperio, movet corpus
localiter, nam vis eius appetitiva est imperans motum, et corpus obedit ad nutum;
quod etiam est per virtutes motivas quae sunt organis affixae et fluunt ab
anima in corpus, quod est ab anima formatum. Aliae vero alterationes, ut
calefactionis, infrigidationis, et similium, sequuntur ab anima mediante motu
locali. Patet etiam quod ex ipsa imaginatione sequitur passio per quam aliquo
modo variatur motus cordis et spirituum; ex quibus vel retractis ad cor vel
diffusis in membra, sequitur aliqua alteratio in corpore; quae etiam potest
esse infirmitatis causa, praecipue si sit materia disposita. # 7. L’вme dans l’ordre naturel, par son pouvoir, meut localement le
corps, car sa force appйtitive commande le mouvement, et le corps obйit а son
ordre; ce qui se fait aussi par les pouvoirs moteurs qui sont liйs aux organes,
et passent de l’вme dans le corps, qui est mis en forme par l’вme. Mais les
autres changements, comme le rйchauffement, le refroidissement etc., dйcoulent
de l’вme par l’intermйdiaire du mouvement local. Il est clair aussi que par
l’imagination mкme dйcoule la passion par laquelle d’une certaine maniиre le
mouvement du cњur et des esprits est modifiй; de ceux-ci rйtractйs au cњur ou
diffusйs dans les membres, dйcoule un changement dans le corps qui aussi peut
кtre cause de maladie surtout si la matiиre y est disposйe. q. 6 a. 3 ad 8 Et per hoc patet solutio ad
octavum. # 8. Et par lа apparaоt la solution 8. q. 6 a. 3 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod virtus Angeli dicitur infinita inferius, in quantum non
est virtus in materia recepta, et per hoc non limitatur ab inferiori recipiente;
non tamen est infinita superius, ut supra dicitur, quia a Deo recipitur in
Angelo esse finitum; et ideo eius substantia determinatur ad aliquod genus, et
per consequens eius virtus determinatur ad aliquem modum agendi; quod de Deo
dici non potest. # 9. On dit que le pouvoir de l’ange est d’un infini infйrieur dans la
mesure oщ ce n’est pas un pouvoir reзu dans la matiиre et par cela il n’est pas
limitй par un recepteur infйrieur; son pouvoir n’est cependant pas d’un infini
supйrieur, comme on l’a dit ci-dessus, parce qu'un кtre fini est reзu dans
l'ange et c’est pourquoi sa substance est limitйe а un genre, et par
consйquent, son pouvoir est dйterminй а un mode d’action, qu'on ne peut pas
dire de Dieu. q. 6 a. 3 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet Angelus faciat res mirabiles per modum artis, ut
supra dictum est, non tamen facit miracula. # 10. Bien que l’ange fasse des њuvres admirables par son art, comme on
l’a dit ci-dessus, il ne fait cependant pas de miracles. q. 6 a. 3 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod licet motus locales inferiorum corporum sint a
determinatis motoribus naturalibus, sicut et alii motus, tamen corporalis
creatura naturali ordine obedit spirituali ad motum localem, non ad alios
motus, ratione supradicta; et praecipue si virtus eius non est determinata ad
aliquod corpus sicut est virtus animae ad corpus sibi coniunctum. # 11. Bien que les mouvements locaux des corps infйrieurs viennent de
moteurs naturels limitйs, comme les autres mouvements aussi, cependant la
crйature corporelle obйit par l'ordre naturel а la crйature spirituelle pour le
mouvement local, non pour les autres mouvements, pour la raison donnйe plus
haut; et surtout si son pouvoir n’est pas limitй а un corps comme le pouvoir de
l’вme а un corps qui lui est uni. q. 6 a. 3 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod sicut substantia spiritualis creata non potest suo
imperio imprimere formam in materia, ita non potest suo imperio impedire quin
imprimatur ab agente naturali; et si hoc aliquando faciat, facit per
appositionem alicuius impedimenti naturalis, quamvis sensus humanos lateat; et
praecipue cum possit flammam ignis localiter movere, ut combustibili non tantum
appropinquet. # 12. La substance spirituelle crййe ne peut pas induire par son
pouvoir une forme dans la matiиre; de la mкme maniиre, elle ne peut pas par son
pouvoir l'empкcher qu’elle soit introduite par l’agent naturel, et si elle le
fait quelquefois, elle le fait en opposant un empкchement naturel, quoiqu'il
soit cachй aux sens humains, et surtout puisqu’il peut mouvoir localement la
flamme du feu, pour qu’elle n'approche pas autant du combustible. q. 6 a. 3 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod creatura spiritualis separata potest immutare
phantasiam naturali virtute, non per imperium inducendo formas in organo
phantasiae, sed per aliquam commotionem spirituum et humorum; patet enim quod
aliqua transmutatione in his facta, phantasmata apparent, ut in phreneticis et
dormientibus. Et ad hanc phantasiae immutationem etiam quaedam res naturales
dicuntur efficaciam habere, quibus nigromantici uti dicuntur ad visus
illudendos # 13. La crйature spirituelle sйparйe peut changer l’imagination par un
pouvoir naturel, non en induisant par pouvoir des formes dans l'organe de
l’imagination, mais par un йbranlement des esprits et des humeurs; car il est
clair que par la transformation qui y est opйrйe, il y a des apparitions comme
chez les malades mentaux et les dormeurs. Et pour ce changement de
l’imagination on dit que certaines choses naturelles ont une puissance efficace;
dont les nйcromanciens, dit-on, se servent pour tromper la vue. q. 6 a. 3 ad 14 Et per hoc patet responsio ad
decimumquartum. # 14. Et par lа la rйponse а la quatorziиme solution est claire. q. 6 a. 3 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod sicut virtus Angeli est supra virtutem corporis
caelestis, ita et operatio, ut dictum est; non tamen ad hoc quod immediate
formam in materia solo imperio inducat. # 15. De mкme que le pouvoir des anges est au-dessus de celui du corps
cйleste, leur opйration aussi comme on l’a dit, non cependant pour pouvoir
induire immйdiatement une forme dans la matiиre par leur seul pouvoir. 59845] De potentia, q. 6 a. 3 ad 16 Ad decimumsextum
dicendum, quod finita virtus potest de potentia in actum aliquid adducere, non
tamen quaelibet finita, nec quolibet modo; quaelibet enim virtus finita habet
determinatum modum agendi #16. Un pouvoir fini peut faire passer quelque chose de la puissance а
l’acte, mais pas cependant n'importe quel pouvoir fini, ni de n’importe quelle
maniиre, car un pouvoir fini a une maniиre limitйe d’agir. q. 6 a. 3 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod etsi nihil impediat agens aliquod, non potest id
ad quod virtus sua non se extendit; sicut ignis non potest infrigidare, etiam
si nihil exterius impediat. Unde non sequitur, quod si Angeli non possunt
imperio suo formam in materia inducere, quod ab extrinseco impediantur, sed
quia ad hoc virtus eorum naturalis non se extendit. #17. Mкme si rien ne fait obstacle а l'agent, il ne peut pas ce а quoi
son pouvoir ne s’йtend pas; ainsi le feu ne peut pas refroidir, mкme si rien
d’extйrieur ne l’empкche. Aussi il n’en dйcoule pas qu'ainsi les anges ne
peuvent pas par leur pouvoir induire une forme dans la matiиre, parce qu’ils
sont empкchйs de l’extйrieur, mais parce que leur pouvoir naturel ne s’йtend
pas jusqu’а lа.
[1]
Parall.: Ia, qu. 110, a. 2, 3 et 4; qu. 65, a. 4; qu. 91, a. 2; qu. 94, a. 4;
CG. III, 102 et 103, De Mal. Qu. 16, a. 9, a. 1n ad 14, qu. 16, a. 1O, Qdl IX,
qu. 4, a. 5, Galat., c. 3, lect. 1; Compendium c. 136, [2] Il s'agit de Lйviathan. Citй а nouveau en
6, 10, sed contra 1, oщ il s'agit du diable. [3] "Ita omnia corpora per spiritum vitae,
et spiritus vitae irrationalis, per spiritum vitae rationalem…" Ainsi tous
les corps le sont-ils (gouvernйes) par un vivant. p. 288-289. [4] Voir les textes en 6, 4, obj. 6. [5] Opinion d'Avicenne, comme c'est signalй c.
§ 2. [6] Thomas, VIII, lect. 21, n° 1142. [7] Les raisons sйminales? [8] . "…les dйmons ne crйent pas de
nouvelles natures, mais ils modifient tellement dans leurs apparence, celles
que le vrai Dieu a crйй, qu'elles semblent кtre ce qu'elles ne sont pas." La citй de Dieu, XVIII, 18. [9] Hйb. 2, 5: "En effet ce n'est pas а
des anges qu'il (Dieu) a soumis le monde а venir dont nous parlons."
(B.J.) [10] "Il ne faut pas croire pour autant
que les anges prйvaricateurs font ce qu’ils veulent de la matiиre des choses
visibles." BA, p. 297 [11] Il s'agir d'une Intelligence. Cf. Ia, qu.
65, a. 4, c. [12] Voir Ia, qu. 65, a. 4, c. Avicenne, Mйtaphysique IX, 5. [13] Alexandre d'Aphrodise, philosophe
pйripatйticien,. Commentateur d’Aristote, il a dirigй de Lycйe de 198 а 211. [14] Les raisons sйminales.
Article 4: Les bons anges et les hommes peuvent-ils faire des miracles
par un don de la grвce?
q. 6 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum boni Angeli et homines per aliquod donum gratiae
miracula facere possint. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 6 a. 4 arg. 1
Ordines enim Angelorum non sunt constituti nisi ad ea quae Angeli faciunt. Sed
ordo aliquis Angelorum institutus est ad miracula faciendum. Dicit enim
Gregorius in homilia quadam, quod virtutes sunt per quas signa et miracula
frequentius fiunt. Ergo Angeli per gratiam miracula facere possunt. 1. Car les hiйrarchies des anges ne sont constituйes que par les њuvres
qu'ils accomplissent. Mais une hiйrarchie d'anges a йtй instituйe pour faire
des miracles. En effet Grйgoire [Le Grand] dit dans une homйlie (Hom. 34, sur
l'Йvangile) que les Vertus sont ce par quoi les signes et les miracles se font
le plus souvent. Donc les anges peuvent faire des miracles par grвce. q. 6 a. 4 arg. 2
Praeterea, Act. VI, 8, dicitur: Stephanus plenus gratia et fortitudine,
faciebat prodigia et signa magna in populo. Non autem praemitteretur Dei
gratia, nisi actus sequens ex gratia procederet. Ergo per virtutem gratiae
etiam homines miracula facere possunt. 2. En Act. 6, 8, il est dit: "Йtienne, plein de grвce et de force,
faisait des prodiges et de grands signes parmi le peuple". Mais la grвce
de Dieu ne serait envoyйe prйalablement que si l’acte suivant procйdait d'une
grвce. Donc par le pouvoir de la grвce, les hommes aussi peuvent faire des
miracles. q. 6 a. 4 arg. 3
Praeterea, donum gratiae non datur nisi ad id quod per habentem gratiam fieri
potest. Sed aliquibus datur donum gratiae gratis datae ad miracula facienda;
unde dicitur I ad Cor. XII, 9: alii datur gratia
sanitatum in uno spiritu, alii operatio virtutum. Ergo sancti per
gratiam miracula facere possunt. 3. Le don de la grвce n’est donnй que pour ce qui peut кtre fait par
celui qui la possиde. Mais а certains le don de la grвce est donnй gratuitement
pour faire des miracles: ainsi il est dit en I Co. 12, 9-10[2]:
"A l'un est donnйe la grвce de guйrison dans l'unique Esprit, а l'autre
l’opйration des miracles." Donc les saints peuvent faire des miracles par
grвce. q. 6 a. 4 arg. 4 Sed
dicebatur, quod sancti dicuntur miracula facere non agendo, sed impetrando a
Deo ut fiant.- Sed contra,
impetratio orationis fit per ea quae reddunt orationem Deo acceptam. Hoc autem
fit per fidem, caritatem et alias virtutes pertinentes ad gratiam gratum
facientem. Non ergo oportet ad signa facienda dari sanctis aliquod donum
gratiae gratis datae. 4. Mais on pourrait dire que les saints font des miracles non pas en
agissant, mais en obtenant de Dieu de le faire. En sens contraire, que la
priиre soit exaucйe arrive par ce qui fait que la priиre est acceptйe par Dieu.
Cela se fait par la foi, la charitй et les autres vertus qui conviennent а la
grвce qui rend agrйable а Dieu. Il ne faut donc pas, pour faire des signes, que
soit donnй aux saints un don de la grвce gratuitement donnйe. q. 6 a. 4 arg. 5
Praeterea, in II dialogorum, Gregorius dicit, quod qui devota mente Deo
adhaerent, cum rerum necessitas exposcit, exhibere signa modo utroque solent,
ut mira quaeque aliquando ex prece faciant, aliquando ex potestate. Quod autem
aliquis ex potestate facit, operando facit, non solum impetrando. Ergo Angeli
et sancti homines etiam agendo miracula faciunt. 5. Dans le livre II des Dialogues,
ch. 30, Grйgoire [le Grand] dit que "Ceux qui s'attachent а Dieu avec un
esprit dйvot, lorsque la nйcessitй le demande, ont coutume de causer les signes
de deux maniиres, de sorte qu'ils les accomplissent quelquefois par la priиre,
quelquefois par leur pouvoir." Ce que quelqu’un fait par son pouvoir, il
le fait en opйrant, [et] non seulement en l’obtenant. Donc les anges et les
saints aussi, en agissant font des miracles. q. 6 a. 4 arg. 6
Praeterea, triplex est rerum cursus secundum Anselmum, naturalis, voluntarius
et mirabilis. Sed in cursu rerum naturali, Angeli tamquam medii inter Deum et
corpora naturalia aliquid agunt, ut dicit Augustinus: omnia corpora a Deo
reguntur per spiritum vitae rationalem; et Gregorius dicit: nihil in hoc mundo
visibili, nisi per creaturam invisibilem disponi potest. Similiter etiam cursum
rerum voluntarium, nam ipsi Angeli sunt medii inter nos et Deum, illuminationes
a Deo acceptas in nos deferentes. Ergo etiam in cursu rerum mirabilium Angeli
sunt medii, ita quod eis agentibus miracula fiant. 6. Le cours des йvйnements est triple selon Anselme (Le livre du Pйchй originel ch. 11):
naturel, volontaire et merveilleux[3]. Mais dans le cours
naturel des choses, les anges en tant qu'intermйdiaires entre Dieu et les corps
naturels "agissent, comme le dit Augustin (La Trinitй, III, IV, 9[4]). Tous les corps
sont dirigйs par Dieu, par un esprit de vie douй de raison", et Grйgoire (Dialogues, IV, 5) dit: "Rien en ce
monde visible ne peut кtre йtabli que par la crйature invisible." Il en
est de mкme pour le cours volontaire des choses, car les anges eux-mкmes sont
intermйdiaires entre nous et Dieu, nous apportant les lumiиres reзues de Dieu.
Donc, mкme dans le cours йtonnant des choses, les anges sont intermйdiaires, de
sorte que les miracles sont faits avec eux en tant qu’agents. q. 6 a. 4 arg. 7 Sed
dicendum, quod Angeli sunt medii non sicut agentes virtute propria, sed virtute
divina.- Sed contra, quicumque operatur in virtute alterius, aliquo modo agit
id quod fit per illam virtutem. Si ergo Angeli in
virtute divina operantur ad miracula facienda, ipsi aliquo modo agunt. 7. Mais il faut dire que les anges sont des intermйdiaires, non pas
comme des agents, par leur propre pouvoir, mais par le pouvoir divin. En sens
contraire, quiconque opиre dans le pouvoir d’un autre, accomplit en quelque
maniиre ce qui est fait par ce pouvoir. Donc si les anges opиrent dans le
pouvoir divin pour faire des miracles, ce sont eux qui agissent d'une certaine
maniиre. q. 6
a. 4 arg. 8 Praeterea, lex vetus miraculose a Deo est tradita; unde habetur
Exod. XIX, quod coeperunt audiri tonitrua ac micare fulgura, et nubes
densissimas operire montem. Sed lex data est per Angelos, sicut habetur Galat. III. Ergo
per Angelos miracula fiunt. 8. La Loi ancienne a йtй transmise miraculeusement par Dieu, c’est
pourquoi il est dit en Ex. 19, qu’ils commencиrent а entendre le tonnerre et а
voir briller des йclairs, et des nuages йpais couvrirent la montagne. Mais la
loi a йtй donnйe par les anges, comme il est dit en Gal. 3, 19. Donc les
miracles sont faits par les anges. q. 6 a. 4 arg. 9
Praeterea, Augustinus dicit: omnis res quae habetur et non datur, si in dando
deficit, nondum habetur quomodo habenda est. Sed potestas faciendi miracula est
in Deo; et si alteri daret in eo non deficeret. Ergo si non dedit aliis hanc
potestatem, videtur quod non habeat eam qualiter habenda est; et ita videtur
quod Angelis et hominibus Deus dederit potentiam miracula faciendi. 9. Augustin dit а la fin du livre I de La doctrine chrйtienne: "Tout ce qu'on a et qui n'est pas
donnй, s'il manque quand on le donne, n’est pas encore possйdй comme il doit
l'кtre". Mais le pouvoir de faire des miracles est en Dieu; et s’il le
donnait а un autre, il ne lui manquerait pas. Donc s’il n'a pas donnй ce
pouvoir а d’autres, il semble qu’il ne l'a pas comme il devrait l'avoir et
ainsi il semble que Dieu a donnй la puissance de faire des miracles aux anges
et aux hommes. En sens contraire: q. 6 a. 4 s. c. Sed
contra, est quod dicitur in Psal. LXXI, 18: qui facit miracula magna solus. 1. Il y a ce qui est dit au Ps. 71, 18: "Lui seul fait de grands
miracles." Praeterea, sicut dicit Bernardus, ille solus potest legem
immutare vel dispensare in lege, qui legem condidit; sicut patet in legibus
humanis, quod solus imperator potest legem immutare qui legem condidit. Sed
solus Deus legem naturalis cursus instituit. Ergo ipse solus potest miracula
facere, praeter cursum naturalem agendo. 2. En outre, comme le dit Bernard[5] (La dispense
et les prйceptes), seul peut changer la loi ou en dispenser celui qui l’a
йtablie; comme on le voit dans les lois humaines: seul l’empereur peut changer
la loi qu'il a йtablie. Mais Dieu seul a instituй la loi de la nature. Donc
seul il peut faire des miracles en agissant au-delа de son cours. Rйponse: q. 6 a. 4 co.
Respondeo. Dicendum, quod Angeli supra naturalem potestatem quam habent agendi,
possunt aliquid per donum gratiae, in quantum sunt divinae virtutis ministri.
Et potest dici, quod ad miracula facienda Angeli tripliciter operantur. Les anges, en plus de leur puissance naturelle d'action, peuvent
quelque chose par le don de la grвce, dans la mesure oщ ils sont les ministres
du pouvoir divin. Et on peut dire que pour faire des miracles ils agissent de
trois maniиres: Uno modo precibus impetrando; qui modus et hominibus et
Angelis potest esse communis. Alius modus est secundum quod Angeli materiam
disponunt sua naturali virtute ad hoc quod miraculum fiat; sicut dicitur quod
in resurrectione colligent pulveres mortuorum, qui divina virtute reducentur ad
vitam. Sed hic modus proprius est Angelorum, nam humani spiritus, cum sint
corporibus uniti, in exteriora operari non possunt nisi corpore mediante, ad
quod sunt quodammodo naturaliter alligati. 1) En l'obtenant par des priиres; ce mode peut кtre commun aux hommes
et aux anges. 2) Selon que les anges disposent la matiиre par leur pouvoir naturel
pour que le miracle s'accomplisse; ainsi on dit qu'а la rйsurrection, ils
rassembleront les cendres des morts, qui seront ramenйs а la vie par le pouvoir
divin. Mais cette maniиre est propre aux anges car les esprits humains, йtant
unis а des corps, ne peuvent agir а l’extйrieur que par l’intermйdiaire du corps,
auquel ils sont en quelque maniиre liйs naturellement. Tertius modus est quod operentur etiam aliquid coagendo;
quem quidem modum Augustinus sub dubio relinquit, sic dicens: sive enim Deus
ipse per se ipsum miro modo, sive per suos ministros etiam faciat, sive etiam
per martyrum spiritus, sive per homines adhuc in corpore constitutos, sive
omnia ista per Angelos, quibus invisibiliter imperat, operetur (ut quae per
martyres fieri dicuntur, eis orantibus tantum et impetrantibus, non etiam
operantibus fiant), sive aliis modis, qui nullo modo comprehendi a mortalibus
possunt; tamen attestantur haec miracula fidei, in qua carnis in aeternum
resurrectio praedicatur. 3) Ils opиreraient mкme en coopйrant. A ce sujet, Augustin laisse un
doute dans le livre 22 de la Citй de Dieu,
disant: "Car, soit Dieu le fait par lui-mкme d’une maniиre йtonnante, soit
par ses ministres, soit aussi par l’esprit des martyrs, soit par les hommes
encore йtablis dans leur corps, soit tout cela par des anges auxquels il
commande invisiblement, il opиre (pour que ce qu'on dit fait par les martyrs,
soit fait seulement pour ceux qui prient et sont exaucйs, mais non par ceux qui
opиrent), soit de quelques autres maniиres, tout а fait incomprйhensibles par
les mortels; cependant ces miracles rendent tйmoignage de la foi qui annonce la
rйsurrection de la chair pour l'йternitй." Sed Gregorius, hanc quaestionem determinare videtur, dicens,
quod sancti homines etiam in carne viventes non solum orando et impetrando, sed
etiam potestative, ac per hoc, cooperando miracula faciunt; quod probat et
ratione et exemplis. Mais Grйgoire (Dialogues, II,
30) semble limiter ce problиme en disant que les saints, mкme vivants en leur
corps, non seulement en priant et exaucйs, mais aussi de plein droit et par cela
en coopйrant, font des miracles, ce qu’il prouve par la raison et des exemples.
Primo ratione quidem: quia si hominibus data est potestas
filios Dei fieri, non est mirum, si ex potestate mira facere possunt. a) D'abord par la raison: parce que, si le pouvoir de devenir enfants
de Dieu a йtй donnй aux hommes, il n’est pas йtonnant qu’ils puissent faire des
miracles par ce pouvoir. Exemplis autem: quia Petrus Ananiam et Saphiram mentientes
morti increpando tradidit, nulla oratione praemissa, ut habetur Act. V, 1-11.
Beatus etiam Benedictus dum ad brachia cuiusdam ligati rustici oculos
deflexisset, tanta se celeritate coeperunt illigata brachiis lora dissolvere,
ut dissolvi tam concite nulla hominum festinatione potuissent. Unde concludit,
quod sancti quandoque faciunt miracula orando, quandoque ex potestate. b) Par des exemples: parce que Pierre, en les rйprimandant livra а la
mort Ananie et Saphire qui mentaient, sans avoir priй auparavant, comme on le
constate en Act. 5, 1-11. Le bienheureux Benoоt aussi ayant dйtournй son regard
sur les bras d’une chef paysan, que les laniиres qui y йtaient attachйes
commencиrent а se dйtacher si vite qu'aucun homme, mкme rapide, n'aurait pu le
faire. C’est pourquoi il conclut que les saints quelquefois font des miracles
par leurs priиres, quelquefois par leur pouvoir. Qualiter autem hoc esse possit, considerandum est. Constat autem quod
Deus solo imperio miracula operatur. Videmus autem quod imperium divinum ad
inferiores rationales spiritus, scilicet humanos, mediantibus superioribus,
scilicet Angelis, pervenit, ut in legis veteris latione apparet; et per hunc
modum per spiritus angelicos vel humanos, imperium divinum ad corporales
creaturas pervenire potest, ut per eas quodammodo naturae praesentetur divinum
praeceptum; et sic agant quodammodo spiritus humani vel angelici ut
instrumentum divinae virtutis ad miraculi perfectionem; non quasi aliqua
virtute habitualiter in eos manente, vel gratuita vel naturali, in actum
miraculi possunt quia sic quandocumque vellent, miracula facere possent: quod
tamen Gregorius non esse verum testatur; et probat per exemplum Pauli, qui
stimulum a se removeri petiit, nec impetravit; et per exemplum Benedicti, qui
detentus fuit contra suam voluntatem per pluviam, sororis precibus, impetratam;
sed virtus ad cooperandum Deo in miraculis in sanctis intelligi potest ad modum
formarum imperfectarum, quae intentiones vocantur, quae non permanent nisi per
praesentiam agentis principalis, sicut lumen in aere et motus in instrumento. Il faut considйrer comment cela est possible. Il est clair que Dieu par
son seul pouvoir opиre des miracles. Mais nous voyons que le pouvoir divin
parvient а des esprits rationnels infйrieurs, c'est-а-dire des hommes, par
l’intermйdiaire des esprits supйrieurs, c'est-а-dire des anges, comme cela
apparaоt dans la transmission de la Loi ancienne[6], et
par ce moyen, le pouvoir divin peut parvenir par les esprits angйliques ou
humains а des crйatures corporelles, de sorte que, par elles, d’une certaine
maniиre, le commandement divin soit rendu prйsent а la nature; et ainsi d’une
certaine maniиre les esprits humains ou angйliques agissent comme des
instruments du pouvoir divin pour accomplir des miracles; ils peuvent parfaire
un miracle, non comme par quelque pouvoir qui demeure habituellement en eux, ou
gratuit ou naturel, parce qu’ainsi, chaque fois qu’ils le voudraient, ils
pourraient faire des miracles; ce que cependant Grйgoire (Dialogue II, Homйlies
sur Йzйchiel, I) assure ne pas кtre vrai; et il le prouve par l’exemple de
Paul, qui demanda que l’aiguillon s’йloigne de lui et il ne l’obtint pas. et
par celui de Benoоt qui fut retenu contre sa volontй par la pluie, obtenue par
les priиres de sa sњur, mais le pouvoir pour coopйrer а Dieu dans les miracles
peut кtre compris chez les saints а la maniиre des formes imparfaites qui sont
appelйes intentions, qui ne demeurent que par la prйsence de l’agent principal
comme la lumiиre dans l’air et le mouvement dans l’instrument. Et talis virtus potest intelligi donum gratiae gratis datae,
quae est gratia virtutum vel curationum; ut sic haec gratia quae datur ad
operandum supernaturaliter, sit similis gratiae prophetiae, quae datur ad
supernaturaliter cognoscendum, per quam propheta non potest quandocumque vult
prophetare, sed solum cum spiritus prophetiae cor eius tangit, ut Gregorius
probat. Nec est mirum, si per hunc modum spirituali creatura Deus
instrumentaliter utitur ad faciendum mirabiles effectus in natura corporali,
cum etiam corporali creatura utatur instrumentaliter ad spirituum
iustificationem, ut in sacramentis patet. Et un tel pouvoir peut кtre compris comme le don d’une grвce donnйe
gratuitement, qui est la grвce des pouvoirs et des guйrisons, pour qu’ainsi
cette grвce qui est donnйe pour opйrer surnaturellement, soit semblable а la
grвce de prophйtie, qui est donnйe pour connaоtre surnaturellement, par
laquelle le prophиte ne peut pas chaque fois qu’il le veut prophйtiser, mais
seulement quand l’esprit prophйtique touche son cњur, comme le prouve Grйgoire
(Homйlie I sur Ezйchiel). Et ce n’est pas йtonnant, si, par ce moyen, Dieu se
sert de la crйature spirituelle comme d'un instrument pour produire des effets
admirables, dans la nature corporelle, puisqu’il se sert de la crйature
corporelle comme instrument pour la justification des esprits comme cela paraоt
dans les sacrements. Solutions: q. 6 a. 4 ad arg. Et per hoc patet responsio ad
obiecta. # Et ainsi s’йclaire la rйponse aux objections. Car il est vrai que
Dieu seul fait des miracles par son autoritй, il est vrai aussi qu’il
communique а la crйature le pouvoir d'en faire, selon sa capacitй, et l’ordre
de la sagesse divine, de sorte que, par la grвce, la crйature opиre des
miracles par son ministиre.
[1] Parall.: Ia,
qu. 110, a. 4 et ad 1 —IIIa, qu. 13, a. 2, ad 3 — qu. 78, a. 4, ad 2 — CG. III,
103 — [2] "…а tel autre le don de guйrison dans
l'Unique Esprit, а un autre la puissance d'opйrer des miracles." B.J. [3] Dйjа dit en 6, 1, sens contraire. [4] Voir Pot. 6, 3, obj. 3, pour les deux
textes. [5] Bernard de Claivaux, 1090 - 1153. [6] Allusion а la Loi au Sinaп Ga. (3, 19)
Article 5: Les dйmons aussi travaillent-ils а faire des miracles?
q. 6 a. 5 tit. 1 Quinto quaeritur utrum etiam Daemones operentur ad miracula
facienda. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 6 a. 5 arg. 1
Dicitur enim Matth. cap. XXIV, 24: surgent pseudochristi et pseudoprophetae, et
dabunt signa magna et prodigia. Sed haec non operabuntur nisi per virtutem
Daemonum. Ergo Daemones operantur ad miracula facienda. 1. Car il est dit en Mt. 24, 24: "De faux christs et de faux
prophиtes se lиveront, et ils feront de grands signes et des prodiges."
Mais ils n’opйreront que par le pouvoir des dйmons. Donc les dйmons travaillent
а faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 2
Praeterea, subito sanare infirmum, miraculum est, sicut miraculum fuisse
dicitur quod Christus socrum Petri sanavit, ut habetur Luc. IV, 38-40. Hoc
autem etiam Daemones possunt facere: nam medicinae adhibitae infirmo sanitatem
accelerant; possunt autem Daemones agilitate suae naturae medicinas efficaces
ad sanandum, quas bene cognoscunt, adhibere ad sanandum, et sic, ut videtur,
possunt subito sanare. Ergo possunt subito miracula facere. 2. Guйrir tout d’un coup un malade c’est un miracle; on dit que c'est
ainsi que fut le miracle par lequel le Christ guйrit la belle-mиre de Pierre,
comme on le lit en Lc 4, 38-40. Mais cela aussi les dйmons peuvent le faire,
car les remиdes employйs pour un malade accйlиrent sa guйrison; ils peuvent
aussi par l’agilitй de leur nature employer des remиdes efficaces pour guйrir
qu’ils connaissent bien, et ainsi, а ce qu'il semble, ils peuvent guйrir tout а
coup. Donc ils peuvent faire tout а coup des miracles. q. 6 a. 5 arg. 3
Praeterea, facere mutos loqui est miraculum. Maius autem miraculum videtur esse
quod canis loquatur vel cantet; quod Simon magus faciebat, ut legitur, virtute
Daemonis. Ergo potest facere miraculum. 3. Faire parler les muets est un miracle. Mais qu’un chien parle ou
chante semble un plus grand miracle, ce que Simon le magicien[2]
faisait, comme on le lit, par le pouvoir du dйmon. Donc il peut faire un
miracle. q. 6 a. 5 arg. 4
Praeterea, Valerius maximus narrat quod fortunae simulacrum, quod Romae erat
via Latina, non semel sed bis ita locutum est his verbis: rite me matronae
vidistis, riteque dedicastis. Quod autem lapides loquantur, maius est miraculum
quam quod muti loquantur; quod tamen est miraculosum. Ergo videtur quod
Daemones miracula facere possunt. 4. Valиre-Maxime[3] raconte (Les livres des Faits
et Dits mйmorables, livre XI, ch. 8) que la statue de la Fortune, qui йtait а
Rome sur la Via Latina, non pas une mais deux fois, a parlй en ces termes: "Selon
le rite, vous m’avez vue matrones, selon le rite, vous m’avez consacrйe."
Que les pierres parlent est un miracle plus grand que faire parler les muets,
ce qui cependant est miraculeux. Donc il semble que les dйmons peuvent faire
des miracles. q. 6 a. 5 arg. 5 Praeterea,
legitur in historiis, quod quaedam virgo Vestalis in signum pudicitiae
conservatae, aquam in vase perforato de Tiberi portavit, nec tamen aqua effusa
est: quod fieri non potuit nisi per hoc quod retinebatur aqua ne flueret,
aliqua non naturali virtute; quod patet esse miraculum in Iordanis divisione et
eius statione. Ergo Daemones possunt facere miracula. 5. On lit dans les histoires, (rapportйes par Augustin dans La citй de Dieu, X, 26) qu’une vestale
vierge pour montrer qu'elle avait conservй sa pudeur, porta de l’eau du Tibre
dans un vase percй, et cependant l’eau ne s'йcoula pas; ce qui n’a pu se faire
que parce que l’eau йtaient empкchйe de couler par un pouvoir qui n’йtait pas
naturel; ce qui est clairement un miracle dans la division des eaux du Jourdain
et son arrкt. Donc il semble que les dйmons peuvent faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 6
Praeterea, multo difficilius est hominem transformari in aliquod animal brutum
quam aquam transformari in vinum. Sed aquam transformari in vinum, est miraculum,
ut patet Ioan. II, 9. Ergo multo fortius hominem transformari in aliquod animal
brutum. Sed Daemonis virtute homines transformantur in bruta, sicut Varro
narrat, socios Diomedis a Troia revertentes in aves fuisse conversos, quae
longo tempore post circa templum Diomedis volabant; narrat etiam quod Cyrces
famosissima maga socios Ulyssis mutavit in bestias, et quod Arcades, quodam
stagno transito, convertebantur in lupos. Ergo Daemones possunt miracula
facere. 6. Il est beaucoup plus difficile de transformer un homme en animal que
de transformer de l’eau en vin. Mais transformer l’eau en vin est un miracle,
comme on le voit en Jn 2, 9. Donc c'est beaucoup plus fort de transformer un
homme en animal. Mais par le pouvoir du dйmon des hommes ont йtй transformйs en
animaux, comme Varron[4] le raconte (Augustin le rapporte
dans La citй de Dieu, XVIII, ch. 16,
17, 18), les compagnons de Diomиde revenant de Troie, ont йtй transformйs en
oiseaux, qui volaient longtemps aprиs autour du temple de Diomиde; il raconte
aussi que Circй, la fameuse magicienne, a transformй les compagnons d’Ulysse en
animaux, que les Arcadiens, ayant traversй un йtang, se transformиrent en
loups. Donc les dйmons peuvent faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 7
Praeterea, adversitates Iob, Daemone agente, procuratae sunt: quod patet ex hoc
quod dominus dedit ei potestatem in omnia quae erant Iob. Sed huiusmodi
adversitates non sine miraculo contigerunt, ut patet in igne de caelo
descendente, et de vento domum ad interitionem filiorum eius evertente. Ergo
Daemones miracula facere possunt. 7. Les adversitйs ont йtй procurйes а Job par l’action du dйmon; ce qui
apparaоt du fait que le Seigneur lui donna pouvoir sur tous ses biens (Jb 2,
6). Mais les adversitйs de ce genre n’arrivиrent pas sans miracles, comme c'est
йvident pour le feu descendu du ciel, et le vent qui renversa la maison pour
faire mourir ses fils (I, 19). Donc les dйmons peuvent faire des miracles. q. 6 a. 5 arg. 8
Praeterea, quod Moyses virgam in serpentes mutavit, miraculum fuit. Sed hoc
similiter fecerunt magi Pharaonis, virtute Daemonum, ut habetur Exod. VII,
8-13. Ergo videtur quod Daemones miracula facere possunt. 8. Le fait que Moпse transforma son bвton en serpent fut un miracle.
Mais les magiciens du Pharaon firent de mкme, par le pouvoir des dйmons, comme
on le lit en Ex. 7, 8-13. Donc il semble que les dйmons peuvent faire des
miracles. q. 6
a. 5 arg. 9 Praeterea, operatio miraculorum magis est remota a virtute humana
quam a virtute angelica. Sed per malos homines interdum miracula fiunt; unde ex
persona reproborum dicitur Matth. cap. VII, 22: in
nomine tuo prophetavimus, (...) et virtutes multas fecimus. Ergo et per
Daemones vera miracula fieri possunt. 9. Opйrer des miracles est plus йloignй du pouvoir de l'homme que de
celui de l’ange. Mais quelquefois des miracles arrivent par des mйchants; c’est
pourquoi, il est dit de la personne des rйprouvйs (Mt. 7, 22):"En ton nom,
nous avons prophйtisй… et nous avons fait de nombreuses miracles." Donc
les dйmons peuvent faire de vrais miracles. En sens contraire: q. 6 a. 5 s. c. Sed contra, tempore Antichristi
Daemon maximam virtutem habebit ad operandum, quia, ut dicitur Apoc. XX, 3,
oportebit eum solvi modico tempore, quod intelligitur tempus Antichristi. Sed
tunc non operabitur vera miracula: quod patet per hoc quod dicitur II ad Thess.
II, 9, quod adventus Antichristi erit in omni virtute et signis et
prodigiis mendacibus. Ergo Daemones vera miracula facere non possunt. Au temps de l’Antйchrist, le dйmon aura un trиs grand pouvoir pour
agir, parce que, comme le dit l'Apoc. (20, 3), il faudra qu’il soit libйrй un
peu de temps, ce qui est interprйtй comme le temps de l’Antйchrist. Mais alors
il n’opйrera pas de vrais miracles, ce qui est montrй par ce qui est dit Thess.
II, 2, 9, que la venue de l'antйchrist sera "dans tout pouvoir, signes et
prodiges mensongers." Donc les dйmons ne peuvent faire de vrais miracles. Rйponse: q. 6 a. 5 co.
Respondeo. Dicendum quod, sicut Angeli boni per gratiam aliquid possunt ultra
naturalem virtutem, ita Angeli mali minus possunt, ex divina providentia eos
reprimente, quam possint secundum naturalem virtutem: quia, ut Augustinus
dicit, quaedam quae Angeli mali possent facere si permitterentur, ideo facere
non possunt quia non permittuntur (unde secundum hoc ligari dicuntur, quod
impediuntur ab illis agendis ad quae eorum naturalis virtus se extendere
posset; solvi autem, cum permittuntur agere divino iudicio quae secundum
naturam possunt). Quaedam vero non possunt etiam si permittantur, ut ibidem
dicitur, quia naturae modus eis a Deo praestitus hoc non permittit. De mкme que les bons anges peuvent faire par grвce quelque chose
au-delа de leur pouvoir naturel, de mкme les mauvais anges peuvent а cause de
la providence divine qui les arrкte, moins qu’ils ne le peuvent par leur
pouvoir naturel, parce que, comme le dit Augustin (La Trinitй, III, 9) ils ne peuvent pas faire certaines choses
qu'ils pourraient faire, si cela leur йtait permis, parce cela ne leur est pas
permis (aussi on dit qu’ils sont liйs, parce qu’ils sont empкchйs de faire ce
jusqu'oщ peut s’йtendre leur pouvoir naturel; mais ils en sont dйlivrйs quand
il leur est permis par le jugement divin de faire ce qui est possible а leur
nature). Mais certains ne le peuvent pas mкme s'ils en ont la permission, comme
on le dit au mкme endroit, parce que le pouvoir de leur nature, fourni par
Dieu, ne le permet pas. Ad huiusmodi autem quae sunt supra facultatem naturae
ipsorum, eis a Deo nulla datur potestas, quia,- cum operatio miraculosa sit
quoddam divinum testimonium indicativum divinae virtutis et veritatis,- si
Daemonibus, quod quorum est tota voluntas ad malum, aliqua potestas daretur
faciendi miracula, Deus falsitatis eorum testis existeret; quod divinam
bonitatem non decet. Unde ea tantum interdum opera faciunt quae miracula
hominibus videntur, quando permittuntur a Deo, ad quae eorum naturalis virtus
se potest extendere. Pour ce qui est au-dessus de la facultй de leur nature, Dieu ne leur a
donnй aucune puissance, parce que — comme le miracle est un tйmoignage divin,
qui montre le pouvoir et la vйritй divines — si aux dйmons, dont toute la
volontй est tournйe vers la mal, une puissance йtait donnйe pour faire des
miracles, Dieu se montrerait garant de leur mensonge, ce qui ne convient pas а
sa bontй. C'est pourquoi ces њuvres qu'ils font parfois, qui paraissent des
miracles aux hommes, quand ils sont autorisйs par Dieu, sont celles auxquelles
leur pouvoir naturel peut parvenir. Sicut etiam ex supra dictis, patet, naturali virtute hos
solos effectus producere possunt per modum artis ad quos inveniuntur virtutes
aliquae naturales in corporibus, quae eis ad motum localem obediunt, ut sic ea
possint ad aliquem effectum celeriter applicare. Huiusmodi autem virtutibus
verae transmutationes corporum fieri possunt, sicut secundum naturalem cursum
rerum videmus unum ex alio generari. Possunt nihilominus, aliqua mutatione
corporali facta, quaedam quae non sunt in rerum natura, in imaginatione facere
apparere per commotionem organi phantasiae, secundum diversitatem spirituum et
humorum: ad quod etiam aliqua corpora exteriora efficaciam habent, ut eis
aliquo modo adhibitis, videatur esse aliquid alterius formae quam sit, sicut
patet in phreneticis et mente captis. Comme aussi il est clair, d'aprиs ce qu'on a dit ci-dessus (art.
prйcйdent), qu'ils peuvent produire, par le pouvoir naturel, ces seuls effets
par mode d'art pour lesquels se trouvent des pouvoir naturels dans les corps,
qui leur obйissent pour le mouvement local, de sorte qu'ils peuvent ainsi les
appliquer rapidement а un effet. Mais par les pouvoirs de ce genre, de vrais
changements peuvent кtre opйrйs; ainsi selon le cours naturel des choses, nous
voyons l'un engendrй par l'autre. Nйanmoins ils peuvent, en effectuant un changement
naturel, faire apparaоtre dans l'imagination certaines choses qui ne sont pas
dans la nature, en agissant sur l'imaginaire, selon la diversitй des esprits et
des humeurs. A quoi aussi quelques corps extйrieurs apportent leur efficacitй,
de sorte que ceux-ci ayant йtй employй de quelque maniиre, il semble
qu'il y a quelque chose d'une forme autre que ce qu'elle est, comme c'est
йvident chez les agitйs et les malades mentaux Possunt ergo Daemones mirabiliter in nobis operari
dupliciter: uno modo per veram corporis transmutationem; alio modo per quamdam
illusionem sensuum ex aliqua immutatione imaginationis. Neutra tamen operatio
est miraculosa, sed est per modum artis, ut supra diximus; et ideo simpliciter
dicitur, quod per Daemones vera miracula fieri non possunt. Les dйmons peuvent donc opйrer йtonnamment en nous de deux maniиres: 1)
par un vrai changement du corps; 2) par une illusion des sens qui vient du
changement de l'imagination. Cependant ni l'une ni l'autre des opйrations est
miraculeuse, mais elles viennent de l'art, comme on l'a dit ci-dessus (art. 4),
et c'est pourquoi on dit absolument que les dйmons ne peuvent pas faire de
vrais miracles. Solutions: q. 6 a. 5 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod signa et prodigia dicuntur aliqua quae virtute naturali
fieri possunt, hominibus tamen mira; vel etiam per sensum illusionem, ut dictum
est. # 1. On appelle signes et prodiges certaines choses qui peuvent кtre
faites par un pouvoir naturel, cependant йtonnantes pour les hommes, ou aussi
par l'illusion des sens, comme on l'a dit. q. 6 a. 5 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod nihil prohibet, Daemonum arte, velocius aliquem posse
sanari quam per naturam si sibi relinquatur, quia hoc etiam videmus per artem
hominis fieri; non tamen videtur quod possint subito sanare (licet aliquos
alios effectus possint facere quasi subito), quia medicinae corpori humano
exhibitae operantur ad sanitatem quasi instrumenta; natura autem est sicut
agens principale; unde debent talia adhiberi quae possint a natura moveri; et
si plura adhiberentur, non conferrent ad sanitatem, sed magis impedirent. Unde
etiam illae infirmitates ad quarum sanitatem naturae virtus nullo modo potest,
operatione Daemonum sanari non possunt. Secus autem est de illis effectibus qui
dependent ab exteriori agente, sicut a causa principali. Sciendum autem est,
quod etiam si subito sanitatem Daemones perficerent, non esset miraculum, ex
quo id agerent mediante naturali virtute, si id agerent. # 2. Rien n'empкche que par l'art des dйmons, quelqu'un puisse кtre
guйri plus vite que par la nature, si elle est laissйe а elle-mкme, parce que
nous le voyons faire par l'art de l'homme; il ne semble pas cependant qu'ils
puissent guйrir tout а coup (bien qu'ils puissent faire quelques autres effets
comme soudainement) parce que les remиdes apportйs au corps opиrent pour la
santй comme des instruments; mais la nature est а vrai dire l'agent principal;
c'est pourquoi de telles choses doivent кtre employйes а ce qui peut кtre mы
par la nature, et si plusieurs йtaient employйes, elles n'apporteraient pas la
santй, mais elles l'empкcheraient plutфt. C'est pourquoi mкme ces maladies pour
la guйrison desquelles le pouvoir de la nature ne peut rien, ne peuvent pas
кtre soignйes par l'action des dйmons. Mais il en est autrement de ces effets
qui dйpendent d'un agent extйrieur, comme d'une cause principale. Mais il faut
savoir que mкme si les dйmons achevaient soudain la guйrison, ce ne serait pas
un miracle, parce qu'ils agiraient par l'intermйdiaire d'un pouvoir naturel,
s'ils le faisaient. q. 6 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod locutio canum, et alia huiusmodi quae Simon magus
faciebat, potuerunt fieri per illusionem, et non per effectus veritatem. Si
tamen per effectus veritatem hoc fieret, nullum sequitur inconveniens, quia non
dabat cani Daemon virtutem loquendi, sicut datur mutis per miraculum, sed
ipsemet per aliquem motum localem sonum formabat, litteratae et articulatae
vocis similitudinem et modum habentem; per hunc enim modum etiam asina Balaam
intelligitur fuisse locuta Angelo tamen bono operante. # 3. Faire parler des chiens, et autres choses de ce genre que Simon le
magicien faisait, a pu кtre fait par illusion, et non par un effet rйel. Si
cependant il l'avait fait par un effet rйel, il n'en dйcoule aucun
inconvйnient, parce que le dйmon ne donnait pas а un chien le pouvoir de
parler, comme il est donnй aux muets par miracle, mais lui-mкme formait le son
par mouvement local, ayant la ressemblance et le mode d'une voix qui parle et
articule. Car par ce moyen, on comprend que l'вne de Balaam[5]
aussi a parlй par l'action d'un bon ange. q. 6 a. 5 ad 4 Et
similiter dicendum ad quartum de locutione simulacri; hoc enim factum fuit
Daemone, per motum aeris, sonum formante, similem humanae locutioni. # 4. Il faut dire de mкme pour l'objection 4, а propos de la parole de
la statue, car cela a йtй fait par le dйmon, par mouvement de l'air, en formant
un son semblable а la parole humaine. q. 6 a. 5 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod non est remotum quin sit in commendationem castitatis,
quod Deus verus per suos Angelos bonos huiusmodi miraculum per retentionem
aquae fecisset, quia si qua bona in gentilibus fuerunt, a Deo fuerunt. Si autem
per Daemones factum est, nec hoc repugnat praedictis. Nam quiescere et moveri localiter,
ab eodem principio secundum genus sunt, quia per quam naturam aliquid movetur
ad locum, quiescit in loco. Unde sicut Daemones possunt movere corpora
localiter, ita possunt et a motu retinere. Nec tamen est miraculum, sicut
quando fit divinitus, quia hoc secundum naturalem virtutem Daemonis contingit
ad huiusmodi effectum determinatum. # 5. Il n'est pas exclus que ce soit pour recommander la chastetй que
le vrai Dieu ait fait par ses bons anges un miracle de ce genre, en retenant
l'eau, parce que, s'il y eut quelques biens chez les paпens, ils vinrent de
Dieu. Mais si cela a йtй fait par les dйmons, cela ne s'oppose pas а ce qui a
йtй dit. Car arrкter ou кtre mы localement, dйpend d'un mкme principe en genre,
parce que ce qui est mы vers un lieu par cette nature s'arrкte en lui. C'est
pourquoi, de mкme que les dйmons peuvent mouvoir les corps localement, de mкme
ils peuvent les retenir par mouvement. Et cependant ce n'est pas un miracle,
comme quand il a йtй fait divinement, parce que cela selon le pouvoir naturel
du dйmon arrive а un tel effet dйterminй. q. 6 a. 5 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod illae transformationes, de quibus Varro loquitur, non
fuerunt secundum veritatem, sed secundum apparentiam, per operationem Daemonis,
phantastico hominis secundum aliquam corporalem speciem immutato, sicut dicit
Augustinus. # 6. Les transformations dont parle Varron, ne furent pas rйelles, mais
en apparence, par l'opйration du dйmon; l'imagination de l'homme ayant йtй
changйe par une image corporelle, comme le dit Augustin (La citй de Dieu, XVIII, 18). q. 6 a. 5 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod per aliquem motum aeris, Daemones, Deo permittente,
possunt aliquas tentationes concitare, cum etiam per ventorum motum naturaliter
fieri videamus; et per hunc modum fuerunt adversitates Iob, operantibus
Daemonibus, procuratae. # 7. Par un mouvement de l'air, les dйmons, avec la permission de Dieu,
peuvent susciter certaines йpreuves, quand nous voyons aussi que c'est fait
naturellement par le mouvement du vent, et de cette maniиre, les dйmons par
leur action ont provoquй les malheurs de Job. q. 6 a. 5 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod de operatione magorum Pharaonis duplex opinio in Glossa
tangitur: una est quod non fuerit vera conversio virgarum in serpentes, sed hoc
fuerit secundum apparentiam tantum per aliquam praestigiosam illusionem.
Augustinus autem in Glossa, ibidem posita, dicit quod fuit conversio vera
virgarum in serpentes; quod ex hoc verisimiliter probat, quia Scriptura eodem
vocabulo nominat et virgas magorum et virgam Moysi; quam constat vere in
serpentem esse conversam. Quod autem operatione Daemonum virgae in serpentes
sint conversae, miraculum non fuit; hoc enim fecerunt Daemones per aliqua
semina collecta, quae habebant vim putrefaciendi virgas, et in serpentes
convertendi. Sed quod Moyses fecit, miraculum fuit, quia, divina virtute,
absque omnis naturalis virtutis operatione, hoc effectum est. # 8. Au sujet des opйrations des magiciens du Pharaon, on rapporte une
double opinion dans la Glose (ordinaire):1) Il n'y a pas eu un vrai changement
des bвtons en serpents mais cela fut fait en apparence seulement par un
illusion de prestidigitation. Mais Augustin dans la glose, placйe lа mкme, dit
que ce fut un vrai changement des bвtons en serpents. Ce qu'il prouve de faзon
vraisemblable par le fait que l'Йcriture nomme avec le mкme mot les bвtons des
magiciens et celui de Moпse; ce qui montre, qu'il a йtй vraiment changй en
serpent. Mais que par l'opйration des dйmons, les bвtons aient йtй changйs en
serpents ne fut pas un miracle, car les dйmons le firent avec des semences
ramassйes, qui avaient le pouvoir de faire pourrir les bвtons, et de les
changer en serpents. Mais que Moпse le fit, c'est un miracle, parce que cela a
йtй fait par le pouvoir divin, sans l'intervention de tout pouvoir naturel. q. 6
a. 5 arg. 9 Praeterea, operatio miraculorum magis est remota a virtute humana
quam a virtute angelica. Sed per malos homines interdum miracula fiunt; unde ex
persona reproborum dicitur Matth. cap. VII, 22: in
nomine tuo prophetavimus, (...) et virtutes multas fecimus. Ergo et per
Daemones vera miracula fieri possunt. # 9. Opйrer des miracles est plus йloignй du pouvoir de l'homme que de
celui de l’ange. Mais quelquefois des miracles arrivent par des mйchants; c’est
pourquoi, il est dit de la personne des rйprouvйs (Mt. 7, 22):"En ton nom,
nous avons prophйtisй… et nous avons fait de nombreuses miracles." Donc
les dйmons peuvent faire de vrais miracles. q. 6 a. 5 ad s. c.
Ad ultimum, quod in contrarium obiicitur, dicendum, quod tempore Antichristi
Diaboli potestas solvenda dicitur, in quantum ei multa facere permittentur,
quae modo non permittuntur; unde et operabitur multa ad eorum seductionem qui
hoc meruerunt non acquiescendo veritati. Operabitur autem quaedam praestigiose,
in quibus nec erit verus effectus nec miracula. Operabitur etiam quaedam per
veram corporum immutationem, in quibus si erunt veri effectus, non tamen vera
miracula, quia erunt per causas naturales operata. Quae etiam mendacia dicuntur quantum ad intentionem facientis, qui per
huiusmodi mirabilia opera inducit homines ad credendum mendaciis. # Pour le dernier argument en sens contraire: Il faut dire qu'on
annonce que la puissance du diable sera libйrйe au temps de l'Antйchrist, dans
la mesure oщ il lui sera permis de faire de nombreuses њuvres, c'est pourquoi
il fera beaucoup pour la sйduction de ceux qui l'ont mйritй en n'acquiesзant
pas а la vйritй; mais il fera certaines choses par prestidigitation, dans
lesquels il n'y aura ni vrais effets ni vrais miracles. Il fera aussi certaines
choses par un vrai changement des corps dans lesquels si les effets sont vrais,
il n'y aura pas cependant de miracles, parce qu'ils auront йtй opйrйs par les
causes naturelles. On dit que ce sont des mensonges dans l'intention de celui
qui les opиre qui par des miracles de ce genre, incite les hommes а croire а
ses mensonges.
[1] Parall.: Ia, qu. 114,
a. 4, — qu. 110, a. 4, ad 2 — IIa / IIж qu. 178, a. 1, ad 2.— CG. III, 154 — De
malo, qu. 16, a. 9 — II Sent. d7.q3a1 — In Matth, c. 24 — II Thess. , c. 2,
lectio 2 – Opus III, c. 136. [2]
Cf. Act. 8, 9-24, oщ ce dйtail n'est pas signalй. [3]
Auteur du Ier siиcle av. J.C.. Son ouvrage est un recueil d'anecdotes. [4]
Йcrivain encyclopйdiste romain (de 116 а 28 av. J. C.). [5]
Nombres, 22, 28.
Article 6: Les anges et les dйmons ont-ils des corps qui leur sont unis
naturellement?
q. 6 a. 6 tit. 1
Sexto quaeritur utrum Angeli et Daemones habeant corpora naturaliter sibi
unita. Et videtur quod sic.
Il semble que oui[1].
Objections:
q. 6 a. 6 arg. 1 In
quolibet enim animali est corpus naturaliter spiritui unitum. Sed Angeli et
Daemones sunt animalia: dicit enim Gregorius in homilia Epiphaniae, quod
Iudaeis, tamquam ratione utentibus, rationale animal, id est Angelus annuntiare
debuit. De Daemonibus vero dicit Augustinus: Daemones
aerea sunt animalia, quia corporum aereorum natura vigent. Ergo
Angeli et Daemones habent corpora naturaliter sibi unita. 1. Car n'importe quel кtre animй a un corps naturellement uni а
l'esprit. Mais les anges et les dйmons sont des кtres animйs; en effet,
Grйgoire [le grand] dit dans une homйlie sur l'Йpiphanie (Hom. X, sur
l'Йvangile), qu'"un кtre animй raisonnable, c'est-а-dire l'ange, a dы
l'annoncer aux Juifs, en tant qu'ils se servent de raison." Augustin dit
des dйmons (La Genиse au sens littйral,
III, X, 14: "Les dйmons sont des кtres animйs aйriens, parce que par
nature ils ont des corps aйriens." Donc, les anges et les dйmons ont des
corps qui leur sont unis naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 2
Praeterea, Origenes dicit in periarchon, quod nulla substantia spiritualis sine
corpore esse potest, nisi solus Deus. Cum ergo Angeli et Daemones sint
substantiae creatae, videtur quod habeant corpora naturaliter sibi unita. 2. Origиne dit dans le Peri Archфn (Livre I, ch. 6[2]) qu'aucune
substance spirituelle ne peut exister sans corps, sinon Dieu seul[3]. Donc,
comme les anges et les dйmons sont des substances crййes, il semble qu'ils ont
des corps qui leur sont unis naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 3
Praeterea, phantasia et irascibilis et concupiscibilis sunt vires organis
utentes. Haec autem sunt in Daemonibus, et eadem ratione in Angelis: dicit enim
Dionysius, quod malum Daemonis est furor irascibilis, concupiscentia amoris,
phantasia proterva. Ergo habent corpora naturaliter sibi unita. 3. L'imagination, l'irascible et le concupiscible sont des forces qui
se servent d'organes. Mais ils sont dans les dйmons, et pour la mкme raison
dans les anges. Car Denys dit (Les Noms divins, IV, 23, 725 B.[4]) que le mal
chez le dйmon est une fureur irascible, une convoitise de l'amour, une
imagination effrontйe[5]." Donc ils ont des corps qui leur sont unis
naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 4
Praeterea, aut Angeli sunt compositi ex materia et forma, aut non. Si sunt
compositi ex materia et forma, oportet eos esse corpora; cum enim materia in se
considerata sit una, quia non diversificatur nisi per formas, oportet quod
omnium diversorum materiam habentium intelligantur diversae formae, in diversis
partibus materiae receptae, nam secundum idem materia diversas formas recipere
non potest. Diversitas autem partium intelligi non potest in materia sine eius
divisione, nec divisio sine dimensione, quia sine quantitate substantia
indivisibilis est, ut dicitur in Lib. I Phys. 4. Ou bien les anges sont composйs de matiиre et de forme, ou non.
S'ils le sont, il faut qu'ils soient des corps, puisque en effet la matiиre
considйrйe en soi est une, parce qu'elle n'est diffйrenciйe que par les formes,
il faut qu'on comprenne que les diffйrentes formes de tous les diffйrents кtres
pourvus de matiиre, soient reзues dans les diffйrentes parties de la matiиre,
car la matiиre ne peut pas recevoir diffйrentes formes selon le mкme. Mais on
ne peut comprendre la diversitй des parties dans la matiиre sans sa division,
ni sa division sans dimension, parce que, sans quantitй la substance est
indivisible, comme il est dit, en Physique
(I, 2, 185 b 1 ss.).
Ergo oportet quod omnia habentia materiam habeant
dimensionem, et per consequens corpora. Si autem non sunt compositi ex materia
et forma, aut sunt formae per se stantes, aut formae corporibus unitae. Si sunt
formae per se stantes, oportet, quod non habeant esse ab alio causatum; cum
enim forma sit essendi principium in quantum huiusmodi, illud quod est forma
tantum, non habet esse causatum, sed solum est aliis causa essendi. Si autem
sunt formae corporibus unitae, oportet quod habeant corpora naturaliter sibi
unita: unio enim formae et materiae est naturalis. Relinquitur ergo quod
oportet unum istorum trium ponere, scilicet quod Angeli vel sint corpora, vel
sint substantiae increatae, vel habeant corpora naturaliter unita. Sed prima
duo sunt impossibilia. Ergo tertium est ponendum. Donc il faut que tout ce qui a de la matiиre ait une dimension et par
consйquent un corps. Mais s'ils ne sont pas composйs de matiиre et de forme, ce
sont des formes subsistantes par soi, ou des formes unies а des corps. Si ce
sont des formes subsistantes par soi, il ne faut pas qu'elles aient un кtre
causй par un autre; car, comme la forme est le principe d'кtre, en tant que
tel, ce qui est forme seulement n'a pas un кtre causй, mais est seulement cause
d'кtre pour d'autres. Mais si ce sont des formes unies а des corps, il faut
qu'elles aient un corps qui leur soit naturellement uni, car l'union de la
forme et de la matiиre est naturelle. Il reste donc qu'il faut admettre l'une
de ces trois solutions, а savoir que les anges sont des corps, ou des
substances incrййes, ou ils ont un corps qui leur est naturellement uni. Mais
les deux premiиres solutions sont impossibles. Donc il faut prendre la
troisiиme.
q. 6 a. 6 arg. 5
Praeterea, forma, in quantum huiusmodi, est secundum quam aliquid formatur. Id
ergo quod est forma tantum, est formans nullo modo formatum; quod est solius
Dei, qui est species prima, a qua omnia sunt speciosa, ut dicit Augustinus,
VIII de Civit. Dei. Ergo Angeli non sunt formae tantum, et ita sunt corporibus
unitae. 5. La forme, en tant que telle, est selon ce quoi une chose est formйe.
Donc ce qui est forme seulement donne la forme, sans кtre mis en forme en aucune
maniиre; ce qui appartient а Dieu seul qui est une forme (species) premiиre par
laquelle toutes choses sont spйcifiйes, comme le dit Augustin (La Citй de Dieu, VIII). Donc les anges
ne sont pas des formes seulement mais des formes unies а des corps.
q. 6 a. 6 arg. 6
Praeterea, sicut anima non potest operari aliquem effectum in exterioribus
corporibus nisi mediantibus corporeis instrumentis, ita nec Angelus nisi
corporalibus aliquibus virtutibus, quibus utitur velut instrumentis. Sed anima ad exercendas suas operationes habet corporea organa
naturaliter sibi unita. Ergo et Angeli. 6. De mкme que l'вme ne peut produire un effet dans les corps
extйrieurs que par l'intermйdiaire d'organes corporels, de mкme l'ange ne le
peut que par des pouvoirs corporels qu'il utilise comme instruments. Mais l'вme
pour exercer ses opйrations a des organes corporels qui lui sont unis
naturellement. Donc l'ange aussi.
q. 6 a. 6 arg. 7
Praeterea, primus motus in corporibus est quo movetur corpus a substantia
incorporea. Primus autem motus est moventis se ipsum, ut habetur in VIII
Physic.: quia quod per se est, prius est eo quod per aliud est. Ergo quod
immediate movetur a substantia incorporea, movetur sicut motum ex se. Sed hoc
non potest esse, nisi substantia incorporea movens sit corpori naturaliter
unita. Cum ergo Angeli et Daemones moveant immediate corpora, ut supra dictum
est, videtur quod habeant corpora naturaliter sibi unita. 7. Le premier mouvement dans les corps est celui par lequel le corps
est mы par une substance incorporelle. Mais le premier mouvement vient de celui
qui se meut lui-mкme, comme on le dit en Physique
VIII; parce que ce qui est par soi, est avant ce qui est par un autre. Donc ce
qui est mы sans intermйdiaire par une substance incorporelle est mы comme par
lui-mкme. Mais cela n'est possible que si la substance incorporelle qui meut
est naturellement unie а un corps. Donc, comme les anges et les dйmons meuvent
immйdiatement les corps, comme on l'a dit ci-dessus (art. 2 de cette question),
il semble qu'ils ont un corps qui leur est uni naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 8
Praeterea, nobilius habet vitam quod vivit et vivificat, quam quod vivit
tantum, sicut perfectius est lux in eo quod lucet et illuminat, quam in eo quod
tantum lucet. Sed anima humana vivit, et vivificat corpus naturaliter sibi
unitum. Ergo et Angelus non minus nobiliter vivit quam anima. 8. Plus noble est ce qui vit et vivifie que ce qui vit seulement, de
mкme plus parfaite est la lumiиre lа oщ elle йclaire et prend source, que lа oщ
elle йclaire seulement. Mais l'вme humaine vit, et donne la vie au corps qui
lui est naturellement uni. Donc l'ange ne vit pas moins noblement que l'вme.
q. 6 a. 6 arg. 9
Praeterea, omnis motus corporis diversimode moti, est motus moventis se ipsum,
quia quod movetur uno motu tantum, non videtur esse movens se ipsum, ut dicitur
in VIII Phys. Sed corpus caeleste movetur diversis motibus; unde planetae ab
astrologis quandoque dicuntur recti, quandoque retrogradi, quandoque
stationarii. Ergo motus superiorum corporum est mobilium moventium seipsa; et
sic corpora illa sunt composita ex substantia corporali et spirituali. Sed illa
spiritualis substantia non est anima humana, nec est Deus. Ergo est Angelus.
Angelus ergo habet corpus naturaliter sibi unitum. 9. Tout mouvement d'un corps mы de diffйrentes maniиres, est le
mouvement de celui qui se meut lui-mкme, parce que ce qui est mы par un seul
mouvement ne semble pas кtre moteur lui-mкme, comme on le dit en Physique (VIII, 4, 255 a 5). Mais le
corps cйleste est mы par diffйrents mouvements; c'est pourquoi les astronomes
disent que quelquefois les planиtes avancent droit, quelquefois reculent,
quelquefois sont stationnaires. Donc le mouvement des corps supйrieurs est
celui des mobiles qui se meuvent eux-mкmes, et ainsi ces corps sont composйs de
substance corporelle et spirituelle. Mais cette substance spirituelle n'est pas
une вme humaine, ni Dieu. Donc c'est un ange. Donc il a un corps qui lui est
naturellement uni.
q. 6
a. 6 arg. 10 Praeterea, nihil agit ultra suam speciem. Sed corpora caelestia causant vitam in istis
inferioribus, ut patet in animalibus ex putrefactione generatis per virtutem
caelestium corporum. Cum ergo substantia vivens sit nobilior non vivente, ut
dicit Augustinus, videtur quod corpora caelestia habeant vitam et ita habeant
substantias spirituales sibi naturaliter unitas; et sic idem quod prius. 10. Rien n'agit au-delа de son espиce; mais les corps cйlestes causent
la vie dans les corps infйrieurs, comme on le voit dans les animaux engendrйs de
la putrйfaction par leur pouvoir. Donc comme la substance vivante est plus
noble que celle sans vie, comme le dit Augustin (La vraie religion, XXIX et XL), il semble que les corps cйlestes
ont une vie et qu'ainsi ils ont des substances spirituelles qui leur sont unies
naturellement, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 11
Praeterea, primum mobile est corpus caeleste. Sed philosophus probat, quod
omnia mota reducuntur ad primum mobile, quod ex se movetur. Ergo caelum est ex
se motum. Ergo est compositum ex corpore moto et movente immobili, quod est
substantia spiritualis; et sic idem quod prius. 11. Le premier mobile est le corps cйleste. Mais le Philosophe prouve (Physique, VIII, 2, 252 b 12 ss.) que
tous les mouvements sont ramenйs au premier mobile qui se meut de lui-mкme.
Donc le ciel se meut de lui-mкme. Donc il est composй d'un corps mы et d'un
moteur immobile, qui est une substance spirituelle, et ainsi de mкme que
ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 12
Praeterea, secundum Dionysium, supremum inferioris naturae semper attingit ad
infimum naturae superioris, divina sapientia res taliter ordinante. Sed
supremum in natura corporali est corpus caeleste, cum sit nobilissimum
corporum. Ergo attingit ad naturam spiritualem et ei unitur; et sic idem quod
prius. 12. Selon Denys (Les noms divins,
VII, § 3, 872 A[6]), le plus haut de la nature infйrieures touche toujours au
plus bas de la nature supйrieure, la divine sagesse ayant organisй les choses
ainsi. Mais le supйrieur dans la nature corporelle est le corps cйleste,
puisqu'il est le plus noble des corps. Donc il touche а la nature spirituelle
et lui est uni, et ainsi de mкme que ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 13
Praeterea, corpus caeli est nobilius corpore humano, sicut perpetuum
corruptibili. Sed corpus humanum est unitum naturaliter substantiae spirituali.
Ergo multo magis corpus caeleste, cum nobilioris corporis sit nobilior forma;
et sic idem quod prius. 13. Le corps du ciel est plus noble que le corps humain, comme
l'йternel est plus noble que le corruptible. Mais le corps humain est uni
naturellement а une substance spirituelle. Donc beaucoup plus le corps cйleste,
puisqu'il est la forme plus noble d'un corps plus noble, et ainsi de mкme que
ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 14
Praeterea, invenimus quaedam animalia ex terra formata, sicut homines et
bestias; quaedam ex aquis, ut pisces et volatilia, ut patet Gen. I. Ergo et
quaedam erunt aerea, quaedam ignea, et caelestia. Haec autem non sunt alia quam
Angeli et Daemones, quia cum illa sint nobiliora corpora, oportet in eis esse
nobiliora animalia. Ergo Angeli et Daemones sunt animalia, et ita habent
corpora naturaliter unita. 14. Nous trouvons des кtres animйs[7], formйs de la terre comme les
hommes et les animaux; certains de l'eau comme les poissons et les volatiles,
comme on le voit en Gn. 1. Donc aussi certains seront aйriens, certains ignйs
et cйlestes. Mais ils ne sont pas autres que les anges et les dйmons, parce que
ce sont des corps plus nobles, il faut qu'il y ait en eux des кtres animйs plus
nobles. Donc les anges et les dйmons sont des кtres animйs, et ainsi ils ont un
corps qui leur est naturellement uni.
q. 6 a. 6 arg. 15
Praeterea, hoc idem videtur per Platonem, qui in Timaeo ponit esse quoddam
animal terrena soliditate firmatum, quoddam vero liquoribus accommodatum,
quoddam autem aeri vagum, aliud divinitate plenum; quod non potest intelligi
nisi Angelus. Ergo Angelus est animal; et sic idem quod prius. 15. Platon semble dire la mкme chose dans le Timйe; il considиre qu’il y a un кtre animй, fortifiй d’une
soliditй terrestre, adaptй aux liquides, flottant dans l'air, un autre plein de
divinitй, ce qui ne peut кtre compris que de l’ange. Donc l’ange est un кtre
animйet ainsi c’est la mкme chose que ci-dessus.
q. 6 a. 6 arg. 16 Praeterea, nihil movetur nisi
corpus, ut probatur in VI Physic. Sed Angelus movetur. Ergo vel est
corpus, vel habet corpus naturaliter sibi unitum. 16. Rien n'est mы qu'un corps, comme on le prouve en Physique (VI, 10, 240 a 24 а 241 a 14).
Mais l’ange est mы. Donc ou bien il est un corps ou il a un corps qui lui est
uni naturellement.
q. 6 a. 6 arg. 17
Praeterea, verbum Dei est nobilius quolibet Angelo. Sed verbum Dei est corpori
unitum. Ergo non est contra dignitatem Angeli, si ponatur corpori naturaliter
unitus. 17. Le Verbe de Dieu est plus noble que n’importe quel ange; mais il
est uni а un corps. Donc il n’est pas contraire а la dignitй de l’ange de
penser qu’il est naturellement uni а un corps.
q. 6 a. 6 arg. 18
Praeterea, Porphyrius dicit in praedicabilibus, quod mortale additum in
definitione hominis, separat nos a diis per quod non possunt nisi Angeli
intelligi. Ergo Angeli sunt animalia, et sic habent corpora naturaliter unita. 18. Porphyre[8] dit (Les prйdicables, chapitre de la diffйrence) que
"mortel" ajoutйe а la dйfinition de l’homme nous sйpare des dieux,
terme par lesquels on ne peut comprendre que les anges. Donc ce sont des кtres
animйs, et ainsi ils ont des corps naturellement unis a eux.
En sens contraire:
q. 6 a. 6 s. c. 1
Sed contra. Damascenus dicit, quod Angelus est substantia intellectualis,
semper mobilis, arbitrio libera, incorporea. 1. Jean Damascиne dit (La Foi
orthodoxe, livre II, ch. 3) que "l’ange est une substance
intellectuelle, toujours en mouvement, douйe du libre arbitre, incorporelle."
q. 6 a. 6 s. c. 2
Praeterea, in libro de causis, dicitur, quod intelligentia est substantia quae
non dividitur; et dicit ibi Commentator, quod neque est magnitudo neque super
magnitudinem delata. Sed Angelus est intelligentia; quod patet per Dionysium,
qui vocat Angelos divinas mentes et divinos intellectus. Ergo Angelus nec est
corpus, nec corpori unitus. 2. Dans le livre des causes,
(prop. 7), il est dit que l’intelligence est une substance indivisible; et le
Commentateur dit а ce sujet qu'elle est pas une grandeur, et ni au-delа de la
grandeur. Mais l’ange est une intelligence, ce que montre Denys (Les noms divins, ch. 7) qui appelle les
anges des esprits et des intellects divins. Donc l’ange n’est pas un corps et
il n’est pas uni а un corps.
q. 6 a. 6 s. c. 3
Praeterea, differentiae dividentes Angelum ab anima, sunt unibile et non
unibile corpori. Si ergo Angelus esset unitus corpori, in nullo ab anima
differret; quod est inconveniens. 3. Les diffйrences qui sйparent l’ange de l’вme, sont la possibilitй ou
non de s'unir а un corps. Donc si l’ange йtait uni а un corps, il ne
diffйrerait en rien de l’вme, ce qui ne convient pas.
q. 6 a. 6 s. c. 4
Praeterea, invenitur quaedam substantia spiritualis quae dependet a corpore
quantum ad principium et quantum ad finem, sicut anima vegetabilis et
sensibilis; quaedam autem quae dependet a corpore quantum ad principium et non
quantum ad finem, sicut anima humana. Ergo erit quaedam quae non indiget
corpore neque quantum ad principium neque quantum ad finem; et huiusmodi non
potest esse alia quam Angelus vel Daemon. Quod autem sit aliqua quae indigeat
corpore quantum ad finem et non quantum ad principium, non est possibile. 4. On trouve une substance spirituelle qui dйpend du corps, pour son
principe et sa fin[9], comme l'вme vйgйtative et l'вme sensitive; mais une qui
dйpend du corps pour le principe et non pour la fin, comme l'вme humaine. Donc
il y en aura une qui n'a pas besoin de corps ni pour le principe ni pour la fin;
et de ce genre, il n'est pas possible qu'il y en ait d'autres que l'ange ou le
dйmon. Mais il est impossible qu'il y en ait une qui a besoin du corps, pour la
fin et non pour son principe.
q. 6 a. 6 s. c. 5
Praeterea, quaedam forma est quae nec est anima nec spiritus, sicut forma
lapidis; quaedam etiam est quae est anima, sed non spiritus, sicut forma bruti;
quaedam quae est anima et spiritus, sicut forma hominis. Quaedam ergo erit quae
erit spiritus et non anima: et huiusmodi est Angelus; et sic non est corpori
unitus naturaliter, quod est de ratione animae. 5. Il y a une forme qui n'est ni вme ni esprit, comme la forme de la
pierre, une aussi qui est вme et non esprit comme la forme de l'animal; une qui
est вme et esprit, comme la forme de l'homme. Donc il y en aura une qui sera
esprit et non вme, et l'ange est de ce genre; et ainsi il n'est pas uni
naturellement а un corps, ce qui est de la nature de l'вme.
Rйponse:
q. 6 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum quod circa substantias incorporeas ponendas, antiqui
diversimode processerunt. A propos des substances incorporelles, les anciens philosophes ont
procйdй de diffйrentes maniиres.
Quidam namque antiqui philosophi dixerunt, nullam
substantiam incorpoream esse, sed omnes substantias esse corpora; in quo etiam
errore se quandoque fuisse Augustinus confitetur. A. Car certains philosophes anciens ont dit qu'il n'existe
aucune substance incorporelle, mais que toutes sont corporelles, Augustin
confesse кtre tombй quelquefois dans cette erreur (les Confessions).
Haec autem positio est etiam per philosophos improbata:
Aristoteles autem hac via improbavit eam, quod oportet esse aliquam virtutem
moventem infinitam; alias motum perpetuum movere non posset. Ostendit iterum
quod omnis virtus in magnitudine est virtus finita. Unde relinquitur quod
oporteat esse aliquam virtutem penitus incorpoream, quae continuitatem motus
causet. Cette position est dйsapprouvйe par les philosophes; Aristote (Physique, VIII) la rйprouve de cette
maniиre: il faut qu'il y ait un pouvoir moteur infini, autrement il ne pourrait
pas produire un mouvement йternel. Il montre de plus que tout pouvoir est fini
en grandeur. C'est pourquoi il reste qu'il faut qu'il y ait un pouvoir tout а
fait incorporel, qui cause la continuitй du mouvement.
Iterum hoc probavit alio modo, quia actus est prius potentia,
et natura et tempore, simpliciter loquendo; quamvis in uno aliquo quod de
potentia exit in actum, potentia tempore praecedat: sed quia oportet quod in
actum reducatur per aliquod ens actu, oportet quod actus sit simpliciter prior
potentia etiam tempore. Unde cum omne corpus sit in potentia, quod ipsius
mobilitas ostendit, oportet ante omnia corpora esse substantiam immobilem
sempiternam. En plus il le prouve d’une autre maniиre Mйtaphysique XIII); parce que l'acte[10] est avant le puissance,
par nature et en temps, absolument parlant, quoique dans ce qui passe de la
puissance а l'acte, la puissance prйcиde en temps; mais parce qu'il faut
qu'elle soit ramenйe а l'acte par un йtant en acte, il faut que l'acte soit
absolument avant la puissance mкme dans le temps. C'est pourquoi comme tout
corps est en puissance, ce que montre sa mobilitй, il faut qu'avant tout corps
il y ait une substance immobile йternelle.
Tertia autem ratio potest sumi ad hoc ex sententiis
Platonicorum: oportet enim ante esse determinatum et particulatum, praeexistere
aliquid non particulatum, sicut si ignis natura particulariter, et quodammodo
participative, invenitur in ferro, oportet prius inveniri igneam naturam in eo
quod est per essentiam ignis; unde, cum esse et reliquae perfectiones et formae
inveniantur in corporibus quasi particulariter, per hoc quod sunt in materia
receptae, oportet praeexistere aliquam substantiam incorpoream, quae non
particulariter, sed cum quadam universali plenitudine perfectionem essendi in
se habeat. Quod autem posuerunt sola corpora esse substantias, ex hoc decepti
fuerunt quod imaginationem transcendere intellectu non valentes (quae solum est
corporum) ad substantias incorporeas cognoscendas (quae solo intellectu
capiuntur) pertingere non valuerunt. On peut tirer une troisiиme raison des opinions des Platoniciens; car,
avant qu'existe une chose dйterminйe et particularisйe, il faut qu'il en
prйexiste une non particularisйe, ainsi si la nature du feu particuliиrement et
d'une certaine maniиre par participation, se trouve dans le fer, il faut
trouver avant une nature ignйe en ce qui est feu par essence; c'est pourquoi,
comme l'кtre, les autres perfections et les formes se trouvent dans les corps
pour ainsi dire de faзon particuliиre, du fait qu'ils sont reзus dans la
matiиre, il faut que prйexiste une substance incorporelle, non particularisйe,
mais qui, avec une plйnitude universelle, ait la perfection de l'кtre en soi.
Mais ayant pensй que seuls les corps йtaient des substances, ils se sont
trompйs, parce qu'ils n'йtaient pas capables de dйpasser en esprit
l'imagination qui concerne seulement les corps, ils n'ont pas pu parvenir а
connaоtre les substances incorporelles, qui sont saisies seulement par
l'esprit.
Alii vero fuerunt substantiam incorpoream ponentes; sed eam
dixerunt esse corpori unitam, nec aliquam substantiam incorpoream inveniri quae
non sit corporis forma. Unde ponebant ipsum Deum esse animam mundi, sicut de
Varrone dicit Augustinum in VII libro de civitate Dei quod Deus est anima, motu
et ratione mundum gubernans. Unde dicebat, quod totus mundus est Deus propter
animam et non propter corpus, sicut et homo dicitur propter animam sapiens, et
non propter corpus. Et propter hoc gentiles toti mundo et omnibus partibus eius
divinitatis cultum exibebant. B) Il y en a d'autres qui ont pensй que la substance incorporelle
existait, mais ils dirent qu'elle йtait unie а un corps, et qu'on ne trouvait
pas de substance incorporelle qui ne soit la forme d'un corps. C'est pourquoi
ils pensaient que Dieu йtait l'вme du monde, comme dit Augustin а propos de
Varron, (La citй de Dieu, IV, 31)
parce que Dieu est une вme qui gouverne le monde par mouvement et raison. C'est
pourquoi il disait que le monde tout entier est Dieu en raison de l'вme et non
du corps, comme on dit que l'homme est appelй sage en raison de son вme, et non
en raison de son corps. Et c'est pour cela que les paпens rendaient un culte
divin au monde entier et а toutes ses parties.
. Sed haec etiam positio per ipsos philosophos est improbata
multipliciter Mais cette opinion est dйsapprouvйe de multiples maniиres par les
philosophes eux-mкmes.
Primo quidem, quia virtus unita alicui corpori ut forma,
habet determinatam actionem, ex eo quod tali corpori unitur; unde, cum oporteat
esse aliquod agens universale influentiam habens per omnia corpora, eo quod
primum movens non potest esse corpus, ut supra ostensum est, relinquitur quod
oportet esse aliquod incorporeum, quod nulli corpori est unitum; unde
Anaxagoras posuit intellectum immixtum, ut imperet, sicut dicitur in VIII
Physic.; imperium enim est alicuius praeeminentis his quibus imperat, et eis
non subditi nec ad ea obligati. 1) Parce qu'un pouvoir uni а un corps comme forme a une action limitйe,
du fait qu'il est uni а tel corps; c'est pourquoi, puisqu'il faut qu'il y ait
un agent universel qui a de l'influence par tous les corps, parce que le
premier moteur ne peut pas кtre un corps, comme on l'a montrй ci-dessus, il
reste qu'il faut qu'il y ait un кtre incorporel, qui ne soit uni а aucun corps;
c'est pourquoi Anaxagore a pensй а un l'intellect sans mйlange, pour commander,
comme il est dit en Physique (VIIII,
5, 256 b 24-26[11]); car le pouvoir appartient а quelqu'un qui domine ce qu'il
commande, sans lui кtre ni soumis ni obligй.
Secundo, quia si quaelibet substantia incorporea est corpori
unita ut forma, oportet primum quod movetur, movere seipsum ad modum animalis,
quasi compositum ex substantia corporali et spirituali. Movens autem seipsum,
movet se per voluntatem, in quantum aliquid appetit: appetitus enim est movens
motum, appetibile autem est movens non motum. Oportet ergo supra substantiam
corpoream coniunctam corpori, esse aliquid aliud superius quod moveat eam,
sicut appetibile movet appetitum; et hoc oportet esse intellectuale bonum, quia
hoc est appetibile, quia est simpliciter bonum; sensibile autem appetibile
appetitur, quia est hic et nunc bonum. 2) Parce que, si quelque substance incorporelle est unie а un corps
comme une forme, il faut d'abord que ce qui est mы se meuve lui-mкme а la
maniиre de l'animal; comme composй de substance corporelle et spirituelle. Mais
celui qui se meut lui-mкme se meut par volontй, dans la mesure oщ il a un
dйsir, car l'appйtit est un moteur mы, mais l'appйtible un moteur non mы. Il
faut donc qu'au-dessus d'une substance corporelle jointe а un corps il y ait
quelque chose de supйrieur qui la mette en mouvement, comme l'appйtible meut
l'appйtit et il faut que ce soit un bien intellectuel, parce qu'il est
l'appйtible, parce que c'est simplement un bien, mais l'appйtible sensible est
dйsirй, parce que c'est un bien d'ici et maintenant.
Intellectuale autem bonum oportet esse incorporeum, quia
nisi esset absque materia, non intelligeretur; et ex hoc ipso oportet ipsum esse
intelligens: substantia enim quaelibet est intelligens ex hoc quod est a
materia immunis. Oportet ergo supra substantiam coniunctam corpori, esse aliam
substantiam superiorem incorpoream vel intellectualem corpori non unitam. Et
haec est probatio Aristotelis in XI Metaph.: non enim potest dici, quod movens
seipsum, nihil desideret extra se, quia nunquam moveretur: motus enim est ad
acquirendum aliquid extrinsecum aliquo modo. Mais le bien de l'esprit doit кtre incorporel, parce que, s'il n'йtait
pas sans matiиre, il ne serait pas compris, et de ce fait, il faut qu'il soit
douй d'esprit, car une substance est “intellige” du fait qu'elle est exempte de
matiиre. Donc il faut qu'au-dessus de la substance jointe au corps, il y en ait
une autre supйrieure, incorporelle ou intellectuelle, non unie а un corps. Et
c'est la dйmonstration d'Aristote en Mйtaphysique
XI; car on ne peut pas dire que ce qui se meut soi-mкme ne dйsirerait rien hors
de lui, parce qu'il ne se mettrait jamais en mouvement: car le mouvement est
d'une certaine maniиre pour acquйrir quelque chose d'extйrieur.
Tertio, quia cum movens seipsum possit moveri et non moveri,
ut dicitur in VII Phys., si aliquid motum ex se continue movetur, oportet quod
stabiliatur in movendo ab aliquo exteriori, quod est omnino immobile. Caelum
autem, cuius animam dicebant Deum, videmus continue moveri; unde oportet supra
illam substantiam quae est anima mundi, si qua est, esse aliam superiorem
substantiam, quae nulli corpori est coniuncta, quae est per seipsam subsistens.
3) Parce que celui qui se meut lui-mкme peut se mouvoir ou pas, comme
on le dit en Physique (VII, 4, 249 a
8); si un moteur est mы continuellement par lui-mкme, il faut qu'il soit
maintenu en mouvement par quelque chose d'extйrieur, qui est tout а fait
immobile. Mais nous voyons le ciel, dont ils disaient que Dieu йtait l'вme, se
mouvoir continuellement, c'est pourquoi il faut, au-dessus de cette substance
qui est l'вme du monde, s'il y en a une, une autre substance supйrieure, jointe
а aucun corps, et subsistante par soi.
Illi autem qui posuerunt omnem substantiam corpori unitam,
ex hoc videntur fuisse decepti quod materiam credebant causam subsistentiae et
individuationis in omnibus entibus, sicut est in rebus corporalibus; unde
substantias incorporeas non credebant posse subsistere nisi in corpore, sicut
etiam per modum obiectionis tangitur in Comment. Lib. de causis. Mais ceux qui ont pensй que toute substance йtait unie а un corps,
semblent de ce fait s'кtre trompйs, parce qu'ils croyaient que la matiиre йtait
la cause de la subsistance et de l'individuation dans tous les кtres, comme
c'est le cas dans les corps, c'est pourquoi ils croyaient que les substances
incorporelles ne pouvaient subsister que dans un corps, comme on en parle par
maniиre d'objection dans le commentaire du livre Des Causes.
His opinionibus abiectis, Plato et Aristoteles posuerunt
aliquas substantias esse incorporeas; et earum quasdam esse corpori coniunctas,
quasdam vero nulli corpori coniunctas. Plato namque posuit duas substantias
separatas, scilicet Deum patrem totius universitatis in supremo gradu; et
postmodum mentem ipsius, quam vocabat paternum intellectum, in qua erant rerum
omnium rationes vel ideae, ut Macrobius narrat. Substantias autem incorporeas
corporibus unitas ponebat multiplices: quasdam quidem coniunctas caelestibus
corporibus, quas Platonici deos appellabant; quasdam autem coniunctas
corporibus aeris, quas dicebant esse Daemones. Unde Augustinus in VIII de civitate
Dei, introducit hanc definitionem Daemonum ab Apuleio datam: Daemones sunt
animalia mente rationalia, animo passiva, corpore aerea, tempore aeterna. Et omnibus praedictis substantiis
incorporeis, ratione suae sempiternitatis, gentiles Platonici dicebant cultum
divinitatis exhibendum. Ponebant etiam ulterius substantias incorporeas
grossioribus terrae corporibus unitas, terrenis scilicet et aqueis, quae sunt
animae hominum et aliorum animalium. C. Ces opinions une fois rejetйes, Platon et Aristote ont pensй qu'il y
avait des substances incorporelles, et que certaines d'entre elles йtaient
unies а un corps, certaines non. Platon, en effet, a posй deux substances
sйparйes, а savoir Dieu, le pиre de tout l'univers, au degrй suprкme, et
ensuite son esprit, qu'il appelait l'intellect paternel, en qui il y a avait
toutes les raisons ou idйes des choses, comme Macrobe[12] le raconte dans Le songe de Scipion (1). Mais il pensait
que les substances incorporelles unies а ces corps йtaient multiples, certaines
unies aux corps cйlestes, que les Platoniciens appelaient des dieux; certains
unies а des corps aйriens, qu'ils appelaient des dйmons. C'est pourquoi
Augustin (La citй de Dieu VIII, 16)
rapporte cette dйfinition des dйmons donnйe par Apulйe[13]: "Les dйmons
sont des кtres animйs а l'esprit douй de raison, passifs par l'вme, aйriens par
le corps, йternel dans le temps." Et pour toutes ces substances
incorporelles, en raison de leur йternitй, les Platoniciens paпens disaient
qu'il fallait leur rendre un culte divin. Mais ils plaзaient plus loin des
substances incorporelles unies а des corps de terre plus grossiers, а savoir
terreux ou aqueux, que sont les вmes des hommes et des autres кtres animйs.
Aristoteles autem
in duobus cum Platone concordat, et in duobus differt. Concordat quidem in
ponendo supremam substantiam nec corpoream nec corpori unitam; et iterum in
ponendo caelestia corpora esse animata. Differt autem in hoc quod ponebat
plures substantias incorporeas corpori non unitas, scilicet secundum numerum
caelestium motuum; et iterum in hoc quod non ponit esse aliqua animalia aerea;
quod rationabilius posuit. Aristote est en accord sur deux points avec Platon, et en dйsaccord sur
deux autres. Il est d'accord quand il pense que la substance suprкme n'est ni
corporelle, ni unie а un corps, et а nouveau quand il pense que les corps cйlestes
sont animйs. Il est en dйsaccord sur le fait qu'il pensait qu'il y avait
plusieurs substances incorporelles non unies а un corps, а savoir selon le
nombre des mouvements cйlestes; et а nouveau dans le fait qu'il ne pense pas
qu'il y a des кtres animйs aйriens; sa pensйe est plus raisonnable.
Quod patet ex tribus. Primo quidem, quia corpus mixtum
nobilius est corpore elementari, et maxime quantum ad formam: quia elementa
mixtorum corporum materia sunt. Unde oportet quod substantiae incorporeae, quae
sunt nobilissimae formae, corporibus mixtis uniantur, et non puris elementis.
Nullum autem corpus mixtum esse potest, in quo terra et aqua non magis abundent
secundum materiae quantitatem, cum etiam superiora elementa magis habeant de
virtute activa, utpote magis formalia. Si autem haec in quantitate excederent,
non servaretur aliqua proportio debita mixtionis, quia superiora omnino
vincerent inferiora. Et ideo non potest esse quod substantiae incorporeae
uniantur ut formae corporibus aereis, sed corporibus mixtis, in quibus
materialiter superabundet terra et aqua. Ce qui apparaоt par trois raisons:1) Parce que le corps mixte est plus
noble que le corps йlйmentaire, surtout par la forme, parce que les йlйments
sont la matiиre des corps mixtes. C'est pourquoi il faut que les substances
incorporelles qui sont les formes les plus nobles soient unies а des corps
mixtes et non а de purs йlйments. Car il ne peut y avoir aucun corps mixte, en
qui la terre et l'eau n'abondent pas plus selon la quantitй de matiиre, puisque
les йlйments supйrieurs ont davantage de puissance active, en tant que plus
formels. Mais s'ils dйpassaient en quantitй, la proportion due aux mixtes ne
serait pas conservйe, parce que les supйrieurs йcraseraient complиtement les
infйrieurs. Et c'est pourquoi il n'est pas possible que les substances
incorporelles soient unies comme formes а des corps aйriens, mais а des corps
mixtes, dans lesquels la terre et l'eau sont matйriellement en abondance.
Secundo, quia corpus homogeneum et uniforme oportet quod
habeat eamdem formam in toto et in partibus. Totum autem aeris corpus videmus
esse unius naturae; unde oportet, si substantiae aliquae spirituales aliquibus
partibus aeris sunt unitae, quod etiam toti aeri uniantur: et sic totus aer
erit animal, quod irrationabiliter dici videtur; quamvis et hoc quidam antiqui
ponerent, ut dicitur in I de anima, qui dicebant aerem totum esse plenum diis. 2) Parce qu'un corps homogиne et uniforme doit avoir une mкme forme en
son tout et en ses parties. Mais nous voyons que tout le corps de l'air est
d'une seule nature; c'est pourquoi il faut si certaines substances spirituelles
sont unies aux parties de l'air, qu'elles soient unies aussi а la totalitй de
l'air, et ainsi tout l'air sera un кtre animй, ce qui semble йnoncй contre la
raison; quoique aussi cela certains anciens l'aient pensй, comme il est dit
dans l'вme (I, 411 a 8[14]): ils disaient que tout l'air йtait plein de dieux.
Tertio, quia si substantia spiritualis non habet in se aliam
potentiam quam intellectum et voluntatem, frustra corpori unitur, cum hae
operationes absque corpore compleantur: omnis enim forma corporis corporaliter
aliquam actionem efficit. Si autem habent alias potentias, quod videntur
Platonici sensisse de Daemonibus, dicentes eos esse animo passivos,- cum autem
passio non sit nisi in parte animae sensitiva, ut probatur in VII Phys.,-
oportet quod tales substantiae corporibus organicis uniantur, ut actiones
talium potentiarum per determinata organa exequantur. Tale autem non potest
esse corpus aereum, eo quod non est figurabile. Unde patet quod substantiae
spirituales non possunt aereis corporibus naturaliter esse unitae. 3) Parce que si la substance spirituelle n'a pas en soi une autre
puissance que l'intellect et la volontй, elle est unie en vain а un corps,
puisque ces opйrations sont accomplies sans corps; car toute forme du corps
accomplit une action corporellement. Mais s'ils ont d'autres puissances (ce que
semblent penser les Platoniciens des dйmons, disant qu'ils ont l'вme passive, —
puisque la passion n'est que dans une partie de l'вme sensitive, comme on le
prouve en Physique, (VII, 3, 248 a
6), — il faut que de telles substances soient unies а des corps organiques,
pour que les actions de telles puissances soient exйcutйes par les organes
dйterminйs. Mais tel ne peut pas кtre le corps aйrien, puisqu'on ne peut pas le
figurer. C'est pourquoi il est clair que les substances spirituelles ne peuvent
pas кtre unies naturellement а des corps aйriens.
Utrum autem aliquae substantiae incorporeae sint caelestibus
corporibus unitae ut formae, Augustinus sub dubio relinquit. Hieronymus autem
asserere videtur (super illud Eccle. I: lustrans universa per circuitum
spiritus), et etiam Origenes. Quod tamen a pluribus modernorum reprobatum
videtur, propter hoc quod cum numerus beatorum ex solis hominibus et Angelis
secundum Scripturam divinam constituatur, non possent illae substantiae
spirituales nec inter hominum animas computari, nec inter Angelos, qui sunt
incorporei. Sed tamen Augustinus hoc etiam sub dubio relinquit sic dicens: nec
illud quidem certum habetur, utrum ad eamdem societatem, scilicet Angelorum,
pertineat sol, luna et cuncta sidera; quamvis nonnullis lucida esse corpora non
cum sensu vel intelligentia videantur. Sed in hoc certissime, a doctrina tam
Platonis quam Aristotelis, doctrina fidei discordat, quod ponimus multas
substantias penitus corporibus non unitas, plures quam aliquis eorum ponat. D. Des substances incorporelles sont-elles unies aux corps cйlestes en
tant que formes, Augustin en doute (La
Genиse au sens littйral, II, dernier chapitre[15]). "Jйrфme semble
l'affirmer (sur cette parole de l'Eccl., 1: "Illuminant toutes choses par
le cercle de l'esprit" et Origиne aussi (Peri archфn, I, ch. 7). Ce qui
cependant est dйsapprouvй par plusieurs modernes, parce que, comme le nombre
des bienheureux est constituй selon l'Йcriture sainte seulement des hommes et
des anges, ces substances spirituelles ne peuvent кtre comptйes ni parmi les
вmes humaines, ni parmi les anges qui sont sans corps. Mais cependant Augustin
(Enchiridion, 58[16]), garde un
doute, en disant: "On ne considиre pas comme certain, que le soleil, la
lune et les autres astres appartiennent а une mкme sociйtй (c'est-а-dire celle
des anges). Quoique pour certains les corps semblent кtre lumineux non
dйpourvus de sens ni d'intelligence. Mais en cela, trиs certainement, la
doctrine de la foi est en dйsaccord avec celle tant de Platon que d'Aristote,
parce que nous pensons que les nombreuses substances qui ne sont pas totalement
unies а des corps, sont plus nombreuses que chacun d'eux le pense."
Quae quidem positio etiam rationabilior videtur propter
tria.
Primo quidem, quia sicut corpora superiora digniora sunt
inferioribus, ita substantiae incorporeae corporibus sunt etiam digniores;
corpora autem superiora in tantum inferiora excedunt, quod terra habet
comparationem ad caelum sicut punctum ad sphaeram, ut astrologi probant. Unde
et substantiae incorporeae sicut Dionysius dicit, omnem multitudinem
materialium specierum transcendunt; quod significatur Daniel. VII, 10, cum
dicitur: millia millium ministrabant ei, et decies millies centena millia
assistebant ei. Quod quidem affluentiae divinae bonitatis concordat, ut
scilicet ea quae nobiliora sunt illa copiosius in esse producat. Et cum
superiora ab inferioribus non dependeant, nec ad ea limitentur eorum virtutes,
non oportet illa solum in superioribus ponere quae per inferiores effectus
manifestantur. Cette opinion aussi semble plus rationnelle pour trois raisons.
1) Parce que, de mкme que les corps supйrieurs sont plus dignes que les
corps infйrieurs, de mкme les substances incorporelles sont plus dignes que les
corps mais les corps supйrieurs dйpassent les infйrieurs, tellement que la
terre est comparйe au ciel, comme le point а la sphиre, comme les astrologues
le prouvent. C'est pourquoi, les substances incorporelles, comme Denys le dit (La hiйrarchie cйleste, 15) dйpassent
toute la multitude des espиces matйrielles; ce que montre Daniel (Daniel, 7,
10) quand il est dit: "Mille milliers le servaient, et des dizaines de
centaines de milliers йtaient devant lui[17]." Cela concorde avec la
profusion de la bontй divine: il amиne а l'кtre plus abondamment ce qui est
plus noble. Et comme les supйrieurs ne dйpendent pas des infйrieurs, et que
leurs pouvoirs ne se limitent pas а eux; il ne faut pas placer seulement parmi
les supйrieurs ce qui se manifeste par des effets infйrieurs.
Secundo autem quia rerum naturalium ordine, inter naturas
distantes multi gradus medii inveniuntur, sicut inter animalia et plantas
inveniuntur quaedam animalia imperfecta, quae et cum plantis communicant
quantum ad fixionem, et cum animalibus quantum ad sensum. Cum ergo substantia
suprema, quae Deus est, a corporum natura maxime distet, rationabile videtur
quod multi gradus naturarum inter utraque inveniantur, et non solum illae
substantiae quae sunt principia motuum. 2) Parce que dans l'ordre des choses naturelles, parmi les natures
diffйrentes, on trouve de nombreux degrйs intermйdiaires. Ainsi entre les
animaux et les plantes, on trouve certains animaux imparfaits qui ressemblent
aux plantes du fait qu'ils sont fixes, et aux animaux du fait qu'ils йprouvent
des sensations. Donc comme la substance suprкme, qui est Dieu, est extrкmement
diffйrente de la nature des corps, il semble conforme а la raison qu'on trouve
beaucoup de degrйs entre chacune des natures et non seulement ces substances
qui sont les principes des mouvements.
Tertio, quia cum Deus non solum universalem providentiam de
rebus corporalibus habeat, sed etiam ad res singulas eius providentia se
extendat, in quibus interdum, ut dictum est, praeter ordinem causarum
universalium operatur,- non solum oportet ponere substantias incorporeas Deo
deservientes in universalibus causis naturae, quae sunt motus corporum
caelestium, sed etiam in aliis quae Deus particulariter in singulis operatur,
et praecipue quantum ad homines, quorum mentes caelestibus motibus non
subiiciuntur. Sic ergo, fidei veritatem sequendo, dicimus Angelos et Daemones non habere
corpora naturaliter unita, sed omnino incorporeos, sicut dicit Dionysius. 3) Parce que, comme Dieu non seulement a une providence universelle,
sur les corps, mais encore qu'elle s'йtend aussi aux кtres particuliers, en
qui, parfois, comme on l'a dit, il opиre en dehors de l'ordre des causes
universelles, — non seulement il faut placer des substances incorporelles qui
le servent dans les causes universelles de la nature, que sont les mouvements
des corps cйlestes, mais aussi dans d'autres choses oщ Dieu opиre
particuliиrement dans les choses particuliиres et surtout pour les hommes dont
les esprits ne sont pas soumis aux mouvements cйlestes. Ainsi donc, en suivant
la vйritй de la foi, nous disons que les anges et les dйmons n'ont pas de corps
unis naturellement, mais ils sont tout а fait incorporels, comme le dit Denys.
Solutions:
q. 6 a. 6 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod Augustinus in pluribus locis suorum librorum,
quantum ad corpora Angelorum et Daemonum, absque assertione utitur Platonicorum
sententia. Unde et XXI de Civit. Dei utramque opinionem prosequitur de poena
Daemonum tractans, et eorum scilicet qui dicebant Daemones aerea corpora
habere, et eorum qui dicebant eos esse penitus incorporeos. Gregorius vero
Angelum animal appellat, large sumpto animalis vocabulo pro quolibet vivente. # 1. Augustin en plusieurs endroits de ses ouvrages, au sujet du corps
des anges et des dйmons, se sert, sans l'affirmer, de la formule des
Platoniciens. C'est pourquoi au livre XXI de La Citй de Dieu, (ch. 10), il suit deux opinions en traitant du
chвtiment des dйmons, celle de ceux qui disaient que les dйmons ont des corps
aйriens, et celle de ceux qui disaient qu'ils йtaient tout а fait incorporels.
Mais Grйgoire appelle l'ange un animal, ce mot йtant pris au sens large pour un
кtre vivant.
q. 6 a. 6 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod Origenes in pluribus Platonicorum opinionem sectatur;
unde huius opinionis fuisse videtur quod omnes substantiae creatae incorporeae
sint corporibus unitae, quamvis etiam hoc non asserat, sed sub dubitatione
proponat, aliam etiam opinionem tangens. # 2. Origиne suit en plusieurs points l'opinion des Platoniciens; c'est
pourquoi il semble qu'il a йtй de cette opinion que toutes les substances
incorporelles crййes sont unies а des corps, bien qu'il ne l'affirme pas, mais
il la met en doute, en rapportant aussi une autre opinion.
q. 6 a. 6 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod Dionysius absque dubio Angelos et Daemones incorporeos
esse voluit. Utitur autem metaphorice nomine furoris et concupiscentiae pro
voluntate inordinata, et nomine phantasiae pro intellectu errante in eligendo,
secundum quod malus omnis est ignorans, ut philosophus dicit in III Ethicorum,
et Proverb. XIV, 22, dicitur: Errant qui operantur malum. # 3. Denys a voulu que les anges et les dйmons soient sans aucun doute
incorporels. Mais il se sert mйtaphoriquement des noms de fureur et de
concupiscence а la place d'une volontй sans ordre et du nom d'imagination pour
un intellect errant dans ses choix, selon que tout mйchant est ignorant, comme
le Philosophe le dit (Ethique, III,
1, 1110 b 28[18]) et en Proverbes 14, 22, il est dit:"Ils se trompent ceux
qui font le mal."
q. 6 a. 6 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod si Angeli ponantur ex materia et forma compositi, non
propter hoc oportet quod sint corporei ex ratione praedicta, nisi ponatur quod
sit eadem materia Angelorum et corporum. Posset autem dici, quod esset alia
materia corporum divisa, non quidem dimensionis divisione, sed per ordinem ad
alterius generis formam, nam potentia actui proportionatur. Magis tamen
credimus, quod non sint Angeli ex materia et forma compositi, sed sint formae
tantum per se stantes. Nec oportet quod propter hoc non sint creati: forma enim
est principium essendi ut quo aliquid est, cum tamen et esse formae et esse
materiae in composito sit ab uno agente. Si ergo sit aliqua substantia creata
quae sit forma tantum, potest habere principium essendi efficiens, non formale. # 4. Si les anges sont considйrйs comme composйs de matiиre et de
forme, ce n'est pas pour cette raison qu'il faut qu'ils soient corporels, sauf
si on pense que c'est la mкme matiиre pour les anges et les corps. Mais on
pourrait dire qu'il y aurait une autre matiиre sйparйe des corps, non par
division de la dimension, mais par rapport а une forme d'un autre genre, car la
puissance est proportionnйe а l'acte. Cependant nous croyons davantage que les
anges ne sont pas composйs de matiиre et de forme, mais qu'ils sont seulement
des formes subsistantes par soi. Et il ne faut pas qu'а cause de cela, ils
n'aient pas йtй crййs: car la forme est le principe d'кtre, comme par quoi
quelque chose existe, alors que cependant l'кtre de la forme et celui de la
matiиre est dans le composй par un seul agent. Si donc, il y avait quelque
substance crййe qui soit seulement forme, elle peut avoir un principe d'кtre
efficient, non formel.
q. 6 a. 6 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod secundum philosophum, etiam in causis formalibus prius
et posterius invenitur; unde nihil prohibet unam formam per alterius formae
participationem formari; et sic ipse Deus, qui est esse tantum, est quodammodo
species omnium formarum subsistentium quae esse participant et non sunt suum
esse. # 5. Selon le Philosophe (Physique,
II), mкme dans les causes formelles, on trouve un avant et un aprиs: c'est
pourquoi rien n'empкche qu'une forme soit formйe par la participation d'une
autre forme; et ainsi Dieu lui-mкme qui est кtre seulement, est d'une certaine
maniиre la forme (species) de toutes les formes subsistantes qui participent de
l'кtre et ne sont pas son кtre.
q. 6 a. 6 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod virtus Angeli, secundum naturae ordinem, est superior, et
per consequens universalior quam virtus animae humanae: unde non poterat habere
corporeum organum sibi sufficienter respondens ad actiones quibus in exteriora
corpora agit; ideo non debuit aliquibus corporeis organis alligari, sicut anima
per unionem ligatur. # 6. La pouvoir de l'ange, dans l'ordre de la nature, est supйrieur et
par consйquent plus universel que le pouvoir de l'вme humaine; c'est pourquoi
il ne pouvait pas avoir un organe corporel qui rйponde suffisamment а ses
actions par lesquelles il agit sur les corps extйrieurs. Aussi il ne dut pas
кtre liй а quelques organes corporels, comme l'вme est liйe par union.
q. 6 a. 6 ad 7 Ad septimum
dicendum, quod movens seipsum est primum inter mota, ratione moventis immobilis;
unde si movens immobile moveat sive corpus sibi naturaliter unitum, sive non,
eadem prioritatis ratio manet. # 7. Ce qui se meut soi-mкme est premier parmi ce qui est mы en tant
que moteur immobile; c'est pourquoi si le moteur immobile meut le corps
naturellement uni а lui ou s'il ne le meut pas, la mкme raison de prioritй
demeure.
q. 6 a. 6 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod anima unita corpori vivificat corpus non solum
effective, sed formaliter: sic autem corpus vivificare minus est quam per se
vivere tantum, simpliciter loquendo. Nam anima hoc modo corpus vivificare
potest, in quantum habet esse infimum, quod sibi et corpori potest esse commune
in composito ex utroque. Esse autem Angeli cum sit altius, non potest hoc modo
communicari corpori. Unde vivit tantum, et non vivificat formaliter. # 8. L'вme unie а un corps le vivifie, non seulement effectivement,
mais formellement, mais vivifier ainsi un corps est moins que vivre seulement
par soi, а proprement parler. Car l'вme peut de cette maniиre vivifier le
corps, dans la mesure oщ il a un кtre faible, qui peut кtre commun а elle et au
corps, dans le composй des deux. Mais comme l'кtre de l'ange est plus йlevй, il
ne peut pas кtre communiquй de cette maniиre а un corps. C'est pourquoi il vit
seulement et il ne le vivifie pas formellement.
q. 6 a. 6 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod retrogradatio quae videtur in planetis, et statio et
directio non provenit ex difformitate motus unius et eiusdem mobilis, sed ex
diversis motibus diversorum mobilium, vel ponendo eccentricos et epicyclos
secundum Ptolomaeum vel ponendo diversitatem motuum secundum diversitates
polorum, sicut alii posuerunt. Et tamen si etiam difformiter moverentur caelestia
corpora, per hoc non magis ostenderetur quod moverentur a motore voluntario
coniuncto quam quod a separato. # 9. La recul, l'immobilitй et le mouvement rectiligne qu'on voit dans
les planиtes, ne proviennent pas de la difformitй d'un seul mouvement et d'un
mкme mobile, mais de diffйrents mouvements, de diffйrents mobiles, ou en posant
des excentriques et des йpicycles selon Ptolйmйe[19] ou la diversitй des
mouvements selon la diversitй des pфles, comme d'autres l'ont pensй. Et
cependant si les corps cйlestes йtaient mus aussi d'une faзon diffйrente, on ne
montrerait pas plus par lа qu'ils sont mus par un moteur volontaire joint que
par un moteur sйparй.
q. 6 a. 6 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod corpora caelestia etiamsi non sint animata, moventur a substantia
vivente separata, cuius virtute agunt, sicut instrumentum virtute principalis
agentis; et ex hoc causant in inferioribus vitam. # 10. Mкme si les corps cйlestes ne sont pas animйs, ils sont mus par
une substance vivante sйparйe, par son pouvoir ils agissent comme instrument
pour le pouvoir de l'agent principal; et c'est par cela qu'ils causent la vie
dans les кtres infйrieurs.
q. 6 a. 6 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod philosophus demonstrationes suas ad duas conclusiones
sub disiunctione terminat, scilicet: quod mobilia vel reducuntur statim ad
movens immobile, vel ad movens seipsum, cuius una pars est movens immobile;
quamvis ipse magis secundam partem praeeligere videatur. Si quis tamen primam
partem eligat, nullum inconveniens ex suis demonstrationibus sequetur. # 11. Le Philosophe termine ses dйmonstrations par deux conclusions
sйparйes, а savoir que les mobiles sont ramenйs aussitфt ou bien а un moteur
immobile, ou а ce qui se meut soi-mкme, dont une partie est un moteur immobile;
quoique lui-mкme semble prйfйrer la seconde solution. Cependant si quelqu'un
choisit la premiиre, rien d'inconvenant ne dйcoule de ses dйmonstrations.
q. 6 a. 6 ad 12 Ad
duodecimum dicendum, quod id quod est supremum in corporibus, attingit ad
infimum spiritualis naturae per aliquam participationem proprietatum eius sicut
per hoc quod est incorruptibile, non autem per hoc quod ei uniatur. # 12. Ce qui est le plus haut dans les corps touche au plus bas de la
nature spirituelle, par une participation de ses propriйtйs, par le fait qu'il
est incorruptible mais non par le fait qu'il lui est uni.
q. 6 a. 6 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod corpus humanum quantum ad materiam ignobilius est
caelesti corpore, sed corpus humanum formam habet nobiliorem, si corpora caelestia
sunt inanimata. Nobiliorem tamen dico secundum
se, non tamen secundum quod corpus format. Perfectiori enim modo forma caeli
perficit materiam, cui praebet esse incorruptibile, quam anima rationalis
corpus. Hoc autem ideo est, quia substantia spiritualis quae movet caelum, est
altioris dignitatis quam ut corpori uniatur. # 13. Le corps humain, quant а sa matiиre, est moins noble que le corps
cйleste, mais il a une forme plus noble, si les corps cйlestes sont inanimйs.
Je la dis cependant plus noble en soi, non cependant selon qu'elle met en forme
le corps. Car la forme du ciel achиve la matiиre, а qui elle fournit un кtre
incorruptible par un mode plus parfait, que l'вme rationnelle achиve le corps.
C'est pour cela, que la substance spirituelle qui meut le ciel, est d'une plus
grande dignitй que d'кtre unie а un corps.
q. 6 a. 6 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod aerea corpora esse non possunt, rationibus
praedictis. # 14. Les corps aйriens ne peuvent pas exister pour les raisons qu'on a
dйjа donnйes.
q. 6 a. 6 ad 15 Et per hoc patet responsio ad
decimumquintum quod procedit de opinione Platonis. # 15. Et par lа apparaоt la rйponse а la quinziиme objection qui
procиde de l'opinion de Platon.
q. 6 a. 6 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod Angelus non movetur commensurando se spatio, sicut
corpora moventur, sed aequivoce motus dicitur de motu Angelorum et de motu
corporum. # 16. L'ange n'est pas mы en se mesurant а l'espace, comme les corps,
mais le mouvement des anges et de celui des corps sont appelйs mouvement de
maniиre йquivoque.
q. 6 a. 6 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod verbum Dei non unitur corpori ut forma, quia sic
fieret una natura ex verbo et carne: quod est haereticum. # 17. Le Verbe de Dieu n'est pas uni а un corps comme une forme, parce
qu'ainsi le Verbe et la chair deviendraient une seule nature, ce qui est
hйrйtique.
q. 6 a. 6 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod Porphyrius in hoc opinionem Platonis sequitur,
quod deos nominat Daemones, quos ponebant animalia, et etiam corpora caelestia. # 18. Porphyre suit sur ce point l'opinion de Platon: il appelle les
dйmons des dieux, qu'ils pensaient кtre des кtres animйs et les corps cйlestes
aussi.
[1]
Parall.: Ia, qu. 51, a. 1 - CG. II, 91—II Sent. D. 8, a. 1. — De Malo qu. 16,
a. 1— De Spir. Creat. a. 5 — Opusc. XV, De Angelis,c. 18. (Cf. Les noms divins, IV, XIX; n° 538 ss..
[2]
L XI, 170. Le texte en est donnй en Ia, qu. 51, a. 1, obj. 1: "C'est le
propre de la seule nature de Dieu (c'est-а-dire du Pиre, du Fils et de l'Esprit
Saint) d'exister sans substance matйrielle et en dehors de toute union
corporelle." (Trad. Du Cerf)
[3]
Cette persistance de croyance que les кtres spirituels ont un corps dure encore
jusqu'а Teilhard de Chardin (Lettres intimes).
[4]
Thomas n° 540.
[5]
. Trad. de Denys: "Une colиre sans raison, une convoitise sans
intelligence, une imagination entreprenante. (p. 119 l. 20). Demens
concupiscentia: anou" epiqumia.
[6]
Citй en 5, 9, obj. 11.
[7]
Il semble meilleur de traduire "кtre animй" plutфt que par animal.
[8]
Porphyre 233-305, disciple de Plotin.
[9]
C'est un raisonnement logique. Thomas explore toutes les possibilitйs logiques.
Id. pour sed contra 5.
[10]
Cf. dйmonstration plus dйveloppйe en Pot. 7, 1, c, premiиre raison, oщ il
dйmontre la simplicitй de Dieu.
[11]
"C'est pourquoi йgalement Anaxagore a raison de proclamer que l'intellect
est impassible et sans mйlange, puisque justement il en fait le principe du
mouvement… s'il peut dominer c'est а conditions d'кtre sans mйlange".(Trad.
H. Carteron).
[12]
Йcrivain et grammairien latin. Dйbut du Ve siиcle. Il s’inspire de Platon.
[13]
Йcrivain latin, disciple de Platon (125-180).
[14]
"Certains penseurs dйclarent que l'вme est mкlйe а l'univers entier;
peut-кtre est-ce l'origine de l'opinion de Thalиs que tout est plein de dieux."
(Trad. E. Barbotin).
[15]
II, XVIII, 38: "On se demande encore si ces brillants luminaires du ciel
sont seulement des corps ou s’il ont pour les rйgir des esprits attachйs а
chacun d’eux."
[16]
"Sed ne illud quidem certum habere utrum ad eamdem societatem pertineant
sol et luna et cuncta sidera: quamvis nonnullis lucida corpora esse, non cum
sensu et intelligentia, videantur." Ench. 58. (je n'ai pas trouvй la
suite.
[17]
B.J.: "Mille milliers le servaient, myriades de myriades, debout devant
lui". (BJ).
[18]
Ignorat quidem igitur omnis malus quas oportet operari et a quibus fugiendum."
[19]
Claudius Ptolйmйe, 100-178, post Christ., astronome, mathйmaticien, physicien,
gйographe.
Article 7: Les anges ou les dйmons peuvent-ils
assumer un corps? q. 6 a. 7 tit. 1
Septimo quaeritur utrum Angeli vel Daemones possint corpus assumere. Et videtur
quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 6 a. 7 arg. 1
Corpus enim substantiae incorporeae unitum esse non potest, nisi vel quantum ad
esse, vel quantum ad motum. Sed Angeli non possunt habere unita sibi corpora
quantum ad esse, quia sic essent eis naturaliter unita: quod est contra
praedicta. Ergo relinquitur quod non possint corporibus uniri, nisi in quantum
movent ea. Sed hoc non sufficit ad rationem assumptionis; quia sic Angelus et
Daemon assumeret omne corpus quod movet, quod patet esse falsum; movit enim
Angelus linguam asinae Balaam, nec tamen dicitur eam assumpsisse. Ergo non
potest dici, quod Angelus vel Daemon corpus assumat. 1. Car un corps ne peut кtre uni а une substance incorporelle, que pour
l'кtre ou le mouvement. Mais les anges ne peuvent avoir des corps qui leur
seraient unis pour l'кtre, puisque, ainsi, ils leur seraient unis
naturellement, ce qui est contre ce qui a йtй dit (article 6). Donc il reste
qu'ils ne pourraient кtre unis а des corps, que dans la mesure oщ ils les
meuvent. Mais cela ne suffit pas pour les assumer, parce qu'ainsi l'ange et le
dйmon assumerait tout corps qu'il meut, ce qui parait faux, car un ange a mis
en mouvement la langue de l'вne de Balaam, et cependant on ne dit pas qu'il
l'ait assumйe. Donc on ne peut pas dire que l'ange ou le dйmon assume un corps. q. 6 a. 7 arg. 2
Praeterea, si Angeli vel Daemones corpora assumant, hoc non est propter eorum
necessitatem, sed vel propter nos instruendos quantum ad bonos, vel decipiendos
quantum ad malos. Sed ad utrumque sufficit sola
imaginaria visio. Ergo non videtur quod corpora assumant. 2. Si les anges ou les dйmons assument des corps, ce n'est pas par
nйcessitй pour eux, mais pour que les bons anges nous instruisent ou que les
mйchants nous trompent. Mais dans l'un et l'autre cas, il suffit d'une vision
imaginaire. Donc il ne semble pas qu'ils assument des corps. q. 6 a. 7 arg. 3
Praeterea, Deus in veteri testamento patribus apparuit, sicut et Angeli
apparuisse leguntur, ut Augustinus probat. Sed non est dicendum quod Deus
corpus assumpserit, nisi per mysterium incarnationis. Ergo nec Angeli
apparentes corpora assumunt. 3. Dans l'Ancien Testament, Dieu apparut aux Pиres, de mкme on lit que
les anges apparurent, comme Augustin le prouve (La Trinitй, III, 11 et 12). Mais il ne faut pas dire que Dieu a
assumй un corps, sinon par le mystиre de l'Incarnation. Donc les anges qui
apparaissent n'assument pas de corps. q. 6 a. 7 arg. 4
Praeterea, sicut uniri corpori naturaliter convenit animae, ita non esse unitum
naturaliter convenit Angelo. Sed anima non potest a corpore separari cum vult.
Ergo nec Angelus potest corpus assumere. 4. Кtre uni naturellement а un corps convient а l'вme, de mкme ne pas
кtre uni naturellement convient а l'ange; mais l'вme ne peut pas кtre sйparйe
du corps quand elle veut. Donc l'ange ne peut pas assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 5
Praeterea, nulla substantia finita potest simul in plures operationes. Angelus
est quaedam substantia finita. Non potest ergo simul et nobis ministrare et
corpus assumere. 5. Aucune substance finie ne peut кtre en mкme temps dans plusieurs
opйrations. Mais l'ange est une substance finie. Donc il ne peut pas en mкme
temps s'occuper de nous et assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 6
Praeterea, inter assumens et assumptum debet esse aliqua proportio. Sed inter
Angelum et corpus non est aliqua proportio, cum sint omnino generum diversorum,
et per consequens incompossibilia. Ergo Angelus non potest assumere corpus. 6. Entre ce qui assume et ce qui est assumй, il doit y avoir un
rapport. Mais entre l'ange et le corps, il n'y en a aucun, puisqu'ils sont de
genres tout а fait diffйrents, et par consйquent incompatibles entre eux. Donc
l'ange ne peut pas assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 7
Praeterea, si Angelus assumit corpus: aut corpus caeleste, aut aliquod de
natura quatuor elementorum. Non quidem corpus caeleste, cum corpus caeli dividi
non possit, nec a loco suo divelli; similiter nec corpus igneum, quia sic
consumeret alia corpora quibus adhaereret; nec aereum, quia aer non est
figurabilis; nec aqueum, aqua enim figuram non retinet; similiter autem nec
terrenum, cum subito dispareant, ut patet de Angelo Tobiae. Ergo nullo modo
corpus assumunt. 7. Si l'ange assume un corps: ou c'est un corps cйleste, ou quelque
chose de la nature des quatre йlйments. Ce n'est certes pas un corps cйleste,
puisque celui-ci ne pourrait pas кtre divisй, ni enlevй de son lieu; ni non
plus de la mкme maniиre un corps ignй, parce qu'ainsi il consumerait les autres
corps auxquels il s'attacherait; ni aйrien, parce l'air n'est pas susceptible
de recevoir une figure; ni aqueux, car l'eau ne retient pas de figure, ni
terrestre non plus, puisqu'il disparaоt aussitфt, comme on le voit pour l'ange
de Tobie (XII, 21). Donc ils n'assument en aucune maniиre un corps. q. 6 a. 7 arg. 8
Praeterea, omnis assumptio ad aliquam unionem terminatur. Sed ex Angelo et
corpore non potest fieri unum aliquo illorum trium modorum unitatis quos ponit
philosophus in I Physic.: non enim possunt fieri unum continuatione, neque
indivisibilitate, neque ratione. Ergo Angelus non potest corpus assumere. 8. Toute assomption se termine а une union. Mais l'ange et le corps ne
peuvent devenir un par l'un de ces trois modes d'unitй, que signale le Philosophe
en Physique, (I, 2, 185 b 5[2]); car ils ne peuvent devenir un ni par continuitй, ni par
indivisibilitй, ni logiquement. Donc l'ange ne peut assumer un corps. q. 6 a. 7 arg. 9
Praeterea, si Angeli corpus assumunt, aut corpora ab eis assumpta habent veras
species quae videntur aut non. Si quidem habent veras species, cum ergo
quandoque videantur in specie hominis, corpus ab eis assumptum erit verum
corpus humanum: quod est impossibile, nisi dicatur quod Angelus assumit hominem;
quod videtur inconveniens. Si autem non sunt verae species, hoc etiam
inconveniens videtur; non enim decet aliqua fictio Angelos veritatis. Nullo
ergo modo Angelus corpus assumit. 9. Si les anges assument un corps, les corps qu'ils assument ont des
formes qui paraissent rйelles ou pas. Dans le premier cas, comme donc
quelquefois on les voit sous la forme d'un homme, le corps assumй par eux sera
un vrai corps d'homme, ce qui est impossible, а moins qu'on dise que l'ange
assume un homme, ce qui ne semble pas convenir. Mais si ce ne sont pas des
formes vйritables, cela semble ne pas convenir non plus, car feindre la vйritй
ne convient pas aux anges. Donc en aucune maniиre l'ange ne peut prendre un
corps. q. 6 a. 7 arg. 10
Praeterea, sicut supra habitum est. Angeli et Daemones virtute suae naturae non
possunt facere in istis corporibus effectus aliquos, nisi mediantibus
virtutibus naturalibus. Sed virtutes naturales non insunt rebus corporalibus ad
formandum speciem humani corporis, nisi per determinatum modum generationis, et
nisi ex determinato semine: qualiter constat quod Angeli corpus non assumunt;
et eadem ratio est de aliis formis corporum in quibus Angeli aliquando
apparent. Ergo non potest esse hoc, per hoc quod Angeli assumant corpora. 10. Comme on l'a vu plus haut (art. 3, 4 et 5 de cette question) les
anges et les dйmons ne peuvent, par le pouvoir de leur nature, produire des
effets dans ces corps que par l'intermйdiaire des pouvoirs naturels. Mais
ceux-ci ne sont dans les corps pour former l'aspect du corps humain, que par un
mode dйterminй de gйnйration, et que par une semence dйterminйe. De cette
maniиre il est bien certain que les anges n'assument pas un corps; et c'est la
mкme raison pour les autres formes des corps dans lesquels les anges apparaissent
quelquefois. Donc, ainsi il n'est pas possible que les anges assument un corps. q. 6 a. 7 arg. 11
Praeterea, oportet quod movens aliquid influat corpori moto. Non potest autem
influere, nisi aliquo modo contingat. Cum ergo non possit esse contactus
Angelorum ad corpora, videtur quod non possit movere, et per consequens nec
assumere. 11. Il faut que le moteur insinue quelque chose dans le corps mы. Mais
il ne le peut que s'il y arrive par quelque moyen. Donc, comme il ne serait pas
possible qu'il y ait un contact des anges avec les corps, il semble qu'il ne
puisse ni mouvoir, ni par consйquent assumer. q. 6
a. 7 arg. 12 Sed dicendum quod Angeli imperio solo movent corpus motu locali.- Sed
contra, movens et motum oportet esse simul, ut probatur in VII Phys. Sed ex hoc quod Angelus aliquid imperat voluntate
sua, non est simul cum corpore quod per ipsum moveri dicitur. Ergo solo
imperio movere non potest. 12. Mais il faut dire que les anges par leur seul pouvoir meuvent les
corps d'un mouvement local. — En sens contraire, le moteur et le mы doivent
кtre ensemble, comme c'est prouvй en Physique
(VII, 2, 242 b 6 – 245 b 15). Mais du fait que l'ange commande quelque chose
par sa volontй, il n'est pas en mкme temps avec le corps qu'on dit qu'il meut.
Donc par son seul commandement il ne peut pas mouvoir. q. 6 a. 7 arg. 13
Praeterea, motus corporalis non obedit Angelis ad nutum quantum ad sui
formationem, sicut supra habitum est. Figura autem quaedam forma est. Ergo non
potest, solo imperio Angeli, corpus aliquod figurari ut habeat effigiem hominis
aut alicuius huiusmodi, in quo Angelus appareat. 13. Le mouvement corporel n'obйit pas au commandement des anges pour
кtre formй, comme on l'a dit plus haut (art. 3, 4 et 5 de cette question). Mais
la figure est une forme. Donc, par le seul pouvoir de l'ange, un corps ne peut
pas кtre modelй pour avoir une forme humaine ou quelque chose de ce genre, en
qui l'ange apparaоt. q. 6 a. 7 arg. 14
Praeterea, super illud Ps. X, 4: dominus in templo sancto suo, dicit Glossa,
quod etsi Daemones exterius simulacris praesideant, intus tamen esse non
possunt; et eadem ratione nec in aliis corporibus. Sed si corpora assumunt,
oportet eos in corporibus assumptis esse. Ergo non est dicendum, quod corpora
assumant. 14. Sur le Ps. 10, 4: "Le Seigneur dans son temple saint", la
glose interlinйaire dit que, mкme si les dйmons commandaient aux statues а
l'extйrieur, cependant ils ne le peuvent pas а l'intйrieur; et pour la mкme
raison dans les autres corps non plus. Mais s'ils assument un corps, il faut
qu'ils soient en lui. Donc on ne doit pas dire qu'ils l'assument. q. 6 a. 7 arg. 15
Praeterea, si assumunt aliquod corpus, aut toti corpori uniuntur, aut alicui
parti eius: si solum alicui parti, non poterunt totum corpus movere, nisi unam
partem moveant altera mediante; quod non videtur posse contingere, nisi corpus
assumptum habeat partes organicas determinatas ad motum, quod est solum
corporum animatorum. Si autem toti corpori uniuntur immediate, oportet quod sit
in qualibet parte corporis assumpti Angelus; et constat quod totus, cum sit
impartibilis. Ergo erit in pluribus locis simul: quod est solius Dei. Non ergo
Angelus potest corpus assumere. 15. S'ils assument un corps, ou bien ils sont unis а tout le corps ou
bien а une de ses parties. Si c'est seulement а une partie, ils n'ont pu
mouvoir tout le corps, qu'en mettant en mouvement une partie par
l'intermйdiaire d'une autre; ce qui ne semble pas pouvoir arriver, а moins que
le corps assumй ait des parties organiques dйterminйes au mouvement, ce qui
appartient seulement а des corps qui donnent vie. Mais s'ils sont unis а tout
le corps sans intermйdiaire, il faut qu'il soit dans une quelconque partie du
corps assumй, et il est йvident que c'est le tout, puisqu'il n'est pas
divisible en parties. Donc il sera dans plusieurs endroits en mкme temps; ce
qui n'appartient qu'а Dieu seul. Donc l'ange ne peut pas assumer un corps.
En sens contraire: q. 6 a. 7 s. c. Sed
contra est quod legitur de Angelis apparentibus Abrahae, ut habetur in Gen.
XVIII, v. 2, qui in corporibus assumptis apparuerunt; et similiter de Angelo
qui Tobiae apparuit On lit au sujet des anges apparus а Abraham, comme on le voit en Gn.
18, 2, qu'ils apparurent dans des corps qu'ils avaient assumйs. Et de mкme pour
l'ange qui apparut а Tobie (Tob. 3, 25).
Rйponse: q. 6 a. 7
co. Respondeo. Dicendum quod quidam eorum qui sacrae Scripturae credunt, in qua
apparitiones Angelorum leguntur, dixerunt quod Angeli nunquam corpora assumunt,
sicut patet de Rabbi Moyse, qui hanc opinionem ponit; unde dicit, quod omnia
quaecumque in sacra Scriptura leguntur de apparitione Angelorum, contingunt in
visione prophetiae, secundum scilicet imaginariam visionem, quandoque quidem in
vigilando, quandoque vero in dormiendo. Certains de ceux qui croient а l'Йcriture sainte, oщ on lit qu'il y eut
des apparitions d'anges, ont dit que les anges n'assument jamais un corps,
comme c'est clair chez Rabbi Moyses, qui a йmis cette opinion: c'est pourquoi
il dit que tout ce qu'on lit dans l'Йcriture sainte sur l'apparition des anges
arrive en vision prophйtique, selon une vision apparemment imaginaire, le
prophиte йtant quelquefois йveillй, mais quelquefois endormi. Et haec positio veritatem Scripturae non salvat. Ex ipso
enim modo loquendi quo Scriptura utitur, datur intelligi quid significetur ut
res gesta, et quid per modum propheticae visionis. Cum enim aliqua apparitio
per modum visionis debeat intelligi, ponuntur aliqua verba ad visionem
pertinentia: sicut quod dicitur Ezech. cap. VIII, 3: elevavit me spiritus inter
caelum et terram, et adduxit me in Ierusalem in visionibus domini. Unde patet
quod illa quae fieri simpliciter narrantur simpliciter etiam intelligi debent
esse gesta. Sic autem legitur de pluribus apparitionibus in veteri testamento. Et cette opinion ne garde pas la vйritй de l'Йcriture. Car par la
maniиre mкme de parler dont elle use, il est donnй а comprendre ce qu'elle
signale comme rйcit et [d’autre part] ce qui dйpend d'une vision prophйtique.
Car lorsqu'une apparition doit кtre comprise comme une vision, il y a des mots
qui s'y rapportent: comme ce qui est dit (Ez. 8, 3): "L'esprit m'a йlevй
entre ciel et terre, et m'a conduit а Jйrusalem dans des visions divines."
C'est pourquoi il est clair que ce qui est fait simplement est racontй
simplement et doit кtre compris simplement comme une histoire. C'est ce qu'on
le lit pour plusieurs apparitions dans l'Ancien Testament. Unde simpliciter concedendum est quod Angeli quandoque
corpus assumunt, formando corpus sensibile, exteriori sive corporali visioni
subiectum; sicut et quandoque aliquas species in imaginatione formando apparent
secundum imaginariam visionem. Hoc autem conveniens est propter tres rationes: C'est pourquoi il faut simplement concйder que quelquefois les anges
assument un corps, donnant forme а un corps sensible, susceptible d'кtre vu
extйrieurement ou corporellement, comme aussi quelquefois ils apparaissent en
formant des images dans l'imagination selon une vision imaginaire. Cela
convient pour trois raisons: primo quidem et principaliter, quia omnes illae apparitiones
veteris testamenti ad illam apparitionem ordinantur in qua filius Dei visibilis
mundo apparuit, ut Augustinus dicit. Unde cum filius Dei verum corpus
assumpserit, et non phantasticum ut Manichaei fabulantur, conveniens fuit ut
etiam vera corpora assumendo, Angeli hominibus apparerent. 1) Principalement parce que toutes ces apparitions de l'Ancien
Testament sont ordonnйes а cette apparition en laquelle le Fils de Dieu apparut
visiblement dans le monde, comme Augustin le dit (La Trinitй, III, ch. 11 et 12). C'est pourquoi, quand le Fils de
Dieu a pris un vrai corps, et non un corps imaginaire, comme les Manichйens le
racontent, il a йtй convenable que les anges aussi, en prenant de vrais corps,
apparaissent aux hommes. Secunda ratio potest sumi ex verbis Dionysii in epistola
quam scribit ad Titum; dicit enim quod ideo in divina Scriptura res divinae
nobis sub sensibilibus traduntur, inter alias rationes, ut totus homo, quantum
possibile est, ex participatione divinorum perficiatur, non solum intellectu
capiendo intelligibilem veritatem, sed etiam in natura sensibili per sensibiles
formas, quae sunt velut quaedam imagines divinorum. Unde similiter cum Angeli
hominibus appareant ad eos perficiendos, conveniens est ut non solum intellectum
illuminent per intellectualem visionem, sed quod etiam imaginationi provideant
et exteriori sensui per imaginariam visionem, corporum scilicet assumptorum.
Unde et haec triplex visio assignatur ab Augustino. 2) La seconde raison peut кtre tirйe des paroles de Denys dans la
lettre qu'il йcrivit а Tite; car il dit qu'ainsi, dans l'Йcriture sainte, ce
qui est divin nous est transmis sous des formes sensibles, parmi d'autres
raisons, pour que tout l'homme, autant que c'est possible, soit achevй par la
participation du divin, non seulement en captant, par l'esprit, la vйritй
intelligible, mais aussi dans la nature sensible par les formes sensibles qui
sont comme des images du divin. C'est pourquoi, de la mкme maniиre, comme les
anges apparaissent aux hommes pour les perfectionner, il convient que, non
seulement ils йclairent l'esprit, par une vision intellectuelle, mais encore
pourvoient а l'imagination, et а la sensation extйrieure par une vision
imaginaire, а savoir celles des corps assumйs. C'est pourquoi cette triple
vision est concйdйe par Augustin (La
Genиse au sens littйral, XI, ch. 7 et 24). Tertia ratio potest esse, quia etsi Angeli natura sint nobis
superiores, per gratiam tamen adipiscimur eorum aequalitatem et societatem,
sicut habetur Matth. XXII, 30: erunt sicut Angeli in caelo. Et ideo, ut suam
familiaritatem et affinitatem ad nos ostendant, nobis suo modo per corporum
assumptionem conformantur, ut quod nostrum est accipientes, nostrum intellectum
in illud assurgere faciant quod proprium est ipsorum, sicut et filius Dei, dum
ad nos descendit, ad sua nos elevavit. Daemones autem quando in Angelos lucis
se transfigurant, quod boni Angeli ad nostrum profectum faciunt, ipsi ad
deceptionem facere moliuntur. 3) Il peut y avoir une troisiиme raison, parce que, mкme si les anges
nous sont supйrieurs en nature, nous obtenons cependant par grвce l'йgalitй et
la communion avec eux, comme on le voit en Mt. 22, 30: "Ils seront comme
les anges dans le ciel." Et c'est pourquoi pour nous montrer leur familiaritй
et leur affinitй, ils se conforment а nous а leur maniиre en assumant un corps,
pour que recevant ce qui est de nous, ils йlиvent notre esprit а ce qui leur
est propre, comme le Fils de Dieu, en descendant vers nous, nous йlиve а ce qui
lui est propre. Mais les dйmons, quelquefois se transforment en anges de
lumiиre, ce que les bons anges font pour notre progrиs, eux travaillent а le
faire pour nous tromper. Solutions: q. 6 a. 7 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod non omne corpus quod movet Angelus assumit. Assumere
enim dicitur quasi ad se sumere. Assumit ergo Angelus corpus non ut suae
naturae uniat, sicut homo assumit cibum; neque ut uniat suae personae, sicut
filius Dei assumpsit humanam naturam; sed ad suam repraesentationem, illo modo
quo intelligibilia per sensibilia repraesentari possunt. Tunc ergo Angelus
corpus assumere dicitur quando corpus aliquod hoc modo format quod ad
repraesentationem suam est aptum; sicut patet per Dionysium in fine caelestis
hierarchiae, ubi ostendit quod per corporales formas, Angelorum proprietates
intelliguntur. # 1. L'ange n'assume pas tout corps qu'il meut. Car on dit assumer
comme prendre pour soi. Donc l'ange assume le corps non pour s'unir а sa
nature, comme l'homme assume la nourriture, ni pour s'unir а sa personne, comme
le Fils de Dieu a assumй la nature humaine; mais pour sa reprйsentation de
cette maniиre par laquelle les intelligibles peuvent кtre reprйsentйs par les
sensibles. Alors donc on dit que l'ange assume un corps quand il forme de cette
maniиre un corps susceptible de le reprйsenter; comme cela est йvident chez
Denys а la fin de la Hiйrarchie cйleste (ch. 5), oщ il montre que par les
formes corporelles, on comprend les propriйtйs des anges. q. 6 a. 7 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod non solum imaginaria visio est utilis ad nostram
instructionem, sed etiam corporalis, ut dictum est. # 2. Non seulement la vision imaginaire est utile а notre instruction,
mais mкme la vision corporelle, comme on l'a dit. q. 6 a. 7 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod sicut dicit Augustinus, omnes Dei apparitiones quae in
veteri testamento leguntur, factae sunt ministerio Angelorum, qui aliquas
species vel imaginarias vel corporeas formant, per quas animum hominis videntis
in Deum reducerent; sicut et sensibilibus figuris possibile est hominem in Deum
reduci. Corpora ergo apparentia, in apparitionibus praedictis Angeli
assumpserunt; sed in eis Deus apparuisse dicitur quia ipse Deus erat finis in
quem, per repraesentationem huiusmodi corporum, Angeli mentem hominis elevare
intendebant. Et ideo in illis apparitionibus Scriptura quandoque commemorat
Deum apparuisse, quandoque Angelum. # 3. Comme le dit Augustin (La
Trinitй, III, ch. 11 et 12) toutes les apparitions de Dieu qu'on lit dans
l'Ancien Testament, ont йtй rйalisйes par le ministиre des anges, qui forment
des espиces, imaginaires ou corporelles, par lesquelles ils ramиnent а Dieu
l'вme de l'homme qui les voit; de mкme il est possible que l'homme soit ramenй
а Dieu par des figures sensibles. Donc les anges assument les corps apparents
dans les apparitions dont on a parlй, mais on dit que c'est Dieu qui est apparu
parce qu'il йtait lui-mкme la fin pour laquelle, par la reprйsentation des
corps de ce genre, les anges tendaient а йlever l'esprit de l'homme. Et c'est
pourquoi dans ces apparitions, l'Ecriture rappelle que quelquefois c'est Dieu
qui est apparu, quelquefois c'est un ange. q. 6 a. 7 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod nulla res habet potestatem supra suum esse: omnis enim
rei virtus ab essentia eius fluit, vel essentiam praesupponit. Et quia anima
per suum esse unitur corpori ut forma, non est in potestate eius ut ab unione
corporis se absolvat; et similiter non est in potestate Angeli quod se uniat
corpori secundum esse ut formam; sed potest corpus assumere modo praedicto, cui
unitur ut motor, et ut figuratum figurae. # 4. Rien n'a de pouvoir au-dessus de son кtre; car tout pouvoir d'un
кtre dйcoule de son l'essence, ou la prйsuppose. Et parce que l'вme par son
кtre est unie а un corps comme une forme, il n'est pas en son pouvoir de se
sйparer du corps; et semblablement il n'est pas au pouvoir de l'ange de s'unir
а un corps selon l'кtre en tant que forme; mais selon le mode dйjа dit, il peut
assumer un corps, а qui il est uni comme moteur, et comme le figurй а la
figure. q. 6 a. 7 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod istae duae operationes, assumere corpus et ministrare,
sunt ad invicem ordinatae; et ideo nihil prohibet quin ea Angelus simul
exequatur. # 5. Ces deux opйrations: assumer un corps et servir sont ordonnйes
l'une а l'autre; et c'est pourquoi rien n'empкche que l'ange les accomplissent
en mкme temps. q. 6 a. 7 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod si proportio secundum commensurationem accipiatur, non
potest esse Angeli ad corpus proportio, cum eorum magnitudines non sint unius
generis, nec rationis eiusdem: nihil tamen prohibet quin sit aliqua habitudo
Angeli ad corpus, ut motoris ad motum et figurati ad figuram; quae proportio
potest dici. # 6. Si on accepte une proportion selon la mesure, il ne peut pas y en
avoir de l'ange au corps, puisque leurs grandeurs ne sont pas d'un seul et mкme
genre ni d'une mкme nature. Cependant rien n'empкche qu'il y ait un rapport de
l'ange au corps comme du celui du moteur au mы et du figurй а la figure,
rapport qu'on peut appeler proportion. q. 6 a. 7 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod ex quolibet elemento potest Angelus corpus assumere,
vel etiam ex pluribus elementis commixtis. Magis tamen competit quod ex aere
corpus assumat, qui potest inspissari faciliter, et sic figuram recipere et
retinere et per alicuius lucidi corporis oppositionem diversimode colorari,
sicut in nubibus patet; ut quantum ad praesens non sit differentia inter purum
aerem et vaporem seu fumum, qui in aeris naturam tendunt. # 7. Avecn'importe quel йlйment, l'ange peut assumer un corps ou mкme
avec plusieurs йlйments mкlйs. Cependant il convient plus qu'il prenne un corps
de l'air, qui peut facilement s'йpaissir et ainsi recevoir une figure et la
retenir, et par l'opposition d'un corps lumineux кtre colorй de diverses
maniиres, comme on le voit dans les nuages, pour qu'а ce moment-lа il n'y ait
pas de diffйrence entre l'air pur, la vapeur ou la fumйe, qui dйploient leur
nature dans les airs. q. 6 a. 7 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod illa divisione dividitur unum simpliciter. Sic autem
Angelus corpori non unitur, sed secundum quid, sicut motor mobili et ut
figuratum figurae, sicut supra dictum est. # 8. L'unitй est simplement divisйe par cette division. Ainsi l'ange
n'est uni а un corps que relativement, comme le moteur au mobile, le figurй а
la figure, comme on l'a dit ci-dessus. q. 6 a. 7 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod corpora illa quae Angeli assumunt, habent quidem veras
formas quantum ad id quod sensus percipere potest, quae sunt sensibilia per se,
sicut color et figura; non autem quantum ad naturam speciei, quae est sensibile
per accidens. Nec propter hoc oportet quod sit ibi aliqua fictio, quia formas
humanas non obiiciunt oculis Angeli, ut homines esse credantur, sed ut per
humanas proprietates, Angelorum virtutes cognoscantur; sicut nec etiam
metaphoricae locutiones sunt falsae, in quibus ex aliorum similitudinibus res
aliae significantur. # 9. Ces corps que les anges assument ont de vraies formes, quant а ce
qui peut кtre perзu par les sens; ils sont sensibles par soi, comme la couleur
et la figure; mais non quant а la nature de la forme, qui est sensible par
accident. Et ce n'est pas pour зa qu'il faut qu'il y ait un subterfuge, parce
que les anges n'offrent pas aux yeux des formes humaines, pour qu'on croit que
ce sont des hommes; mais pour que, par des caractиres humains, leurs pouvoirs
soient connus, de mкme que les expressions mйtaphoriques, qui signifient
certaines choses par des images d'autres choses ne sont pas fausses. q. 6 a. 7 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod licet virtutes naturales corporum non sufficiant ad
inducendum veram speciem humani corporis nisi per debitum modum generationis,
sufficiunt tamen ad inducendum similitudinem humanorum corporum quantum ad
colorem et figuram et ad huiusmodi accidentia exteriora, et praecipue cum ad
plura horum sufficere videatur motus localis aliquorum corporum, per quem et
vapores condensantur, et rarefiunt, et nubes diversimode figurantur. # 10. Bien que les vertus naturelles des corps ne suffisent pas pour
induire la forme rйelle d'un corps humain sinon par le mode nйcessaire а la
gйnйration, elles suffisent cependant pour induire une ressemblance des corps
humains pour la couleur, la figure et les accidents extйrieurs de ce genre; et
surtout comme le mouvement local des corps parait suffire а plusieurs de
ceux-ci par lequel les vapeurs sont condensйes et rarйfiйes et les nuages
figurйes de diverses maniиres. q. 6 a. 7 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod Angelus movens corpus assumptum influit ei motum, et
tangit non tactu corporali sed spirituali, per suam virtutem. # 11. L'ange qui meut un corps assumй lui communique le mouvement et le
touche par son pouvoir non d'un toucher corporel mais spirituel. q. 6 a. 7 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod
imperium Angeli requirit executionem virtutis; unde oportet quod sit quidam
tactus spiritualis ad corpus quod movet. # 12. Le pouvoir de l'ange requiert l'accomplissement d'un pouvoir;
c'est pourquoi il faut que ce soit un toucher spirituel pour le corps qu'il
meut. q. 6 a. 7 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod figura est quaedam forma quae, per abscissionem
materiae et condensationem vel rarefactionem, vel ductionem aut aliquem motum
huiusmodi, potest fieri in materia. Unde non est eadem ratio de hac forma et
aliis. # 13. La figure est une forme qui par йpaississement de la matiиre et
condensation ou rarйfaction, ou induction ou un mouvement de ce genre, peut
кtre produite dans la matiиre. C'est pourquoi cette forme n'a pas la mкme
nature que les autres. q. 6 a. 7 ad 14 Ad
decimumquartum dicendum, quod esse in aliquo corpore potest intelligi
dupliciter: uno modo ut sit infra terminos quantitatis: et sic nihil prohibet
Diabolum in aliquo corpore esse; alio modo ut sit intra rei essentiam ut dans esse rei et
operans in re, quod est solius Dei proprium, quamvis Deus non sit pars
essentiae alicuius rei. Potest autem et secundum Glossam intelligi Daemon in
simulacro non esse sicut idololatrae putabant, ut scilicet ex simulacro et
spiritu habitante fieret unum. # 14. Etre dans un corps peut кtre compris de deux maniиres: 1) Il est en dessous des termes de quantitй; et ainsi rien n'empкche le
diable d'кtre dans un corps. 2) Il est dans l'essence de la chose, comme lui donnant l'кtre et
opйrant en elle; ce qui est le propre de Dieu seul, quoique Dieu ne soit pas
une partie de l'essence d'une chose. Mais on peut et selon la glose, comprendre
que le dйmon n'est pas dans une statue comme les idolвtres le pensaient, au
point que la statue et l'esprit qui l'habite deviennent un. q. 6 a. 7 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod Angelus est totus in toto corpore assumpto et in
qualibet parte eius, eadem ratione qua et anima: licet enim non sit forma
corporis assumpti ut anima, est tamen motor. Movens autem et motum oportet esse
simul. Et tamen non sequitur ut sit in pluribus locis simul, comparatur enim
totum corpus assumptum ad Angelum sicut unus locus. # 15. L'ange est tout entier dans tout le corps assumй, et en chacune
de ses partie, pour la mкme raison que l'вme, car bien qu'il ne soit pas la
forme du corps assumй, en tant qu'вme, il en est cependant le moteur. Mais le
moteur et le mы doivent кtre ensemble. Et cependant il n'en dйcoule pas qu'il
soit en plusieurs endroits en mкme temps, car tout corps assumй par l'ange
йquivaut pour ainsi dire а un seul lieu. [1] Parall.: Ia, qu. 51, a. 2, - II sent.
d8a2. [2]
"Or l'un se dit du continu, soit de l'indivisible, soit de ce qui a une
mкme dйfinition et une quidditй une…" (Trad. H. Carteron).
q. 6 a. 8 tit. 1
Octavo quaeritur utrum Angelus vel Daemon per corpus assumptum possit
operationes viventis corporis exercere. Et videtur quod non. Il semble que non[1]. Objections: q. 6 a. 8 arg. 1
Cuicumque enim competit habere virtutem ad aliquod opus, competit ei habere ea
sine quibus illud opus haberi non potest; alias talis virtus frustra ei
adesset. Sed huiusmodi opera viventium corporum sine corporeis organis exerceri
non possunt. Cum ergo Angelus non habeat corporea organa naturaliter sibi
unita, videtur quod non possit praedicta opera exercere. 1. Car а quiconque il convient d'avoir le pouvoir d'accomplir une
њuvre, il convient d'avoir ce sans quoi cette њuvre ne peut кtre accomplie;
autrement un tel pouvoir serait en vain en lui. Mais de telles њuvres des corps
vivants ne peuvent pas кtre exercйes sans les organes corporels. Donc comme
l'ange n'a pas d'organe corporel naturellement uni а lui, il semble qu'il ne peut
pas accomplir ces њuvres. q. 6
a. 8 arg. 2 Praeterea, anima est nobilior quam natura. Sed Angelus non potest
opus naturae facere nisi mediante virtute naturali. Ergo multo minus potest
facere opera animae per corpus assumptum quod anima caret. 2. L'вme est plus noble que la nature. Mais l'ange ne peut accomplir
l'њuvre de la nature que par l'intermйdiaire d'un pouvoir naturel. Donc il peut
beaucoup moins accomplir les њuvres de l'вme par le corps sans вme qu'il
assume. q. 6 a. 8 arg. 3
Praeterea, inter omnes operationes animae, quae per organa complentur, actus
sensuum sunt propinquiores intellectuali operationi, quae est propria Angeli.
Sed Angelus per corpus assumptum non potest sentire vel imaginari. Ergo multo
minus potest opera alia animae facere. 3. Parmi toutes les opйrations de l'вme, qui sont accomplies par les
organes, les actions des sens sont plus proches de l'opйration intellectuelle
qui est le propre de l'ange. Mais il ne peut ni sentir ni imaginer par le corps
qu'il assume. Donc il peut beaucoup moins accomplir les autres њuvres de l'вme. q. 6 a. 8 arg. 4
Praeterea, locutio non fit sine voce. Vox autem est sonus ab ore animalis
prolatus. Cum ergo Angelus utens corpore assumpto non sit animal, videtur quod
loqui non possit per corpus assumptum, et multo minus alia facere: nam locutio
propinquissima sibi videtur, cum sit intellectus signum. 4. La parole ne se fait pas sans la voix. Mais celle-ci est le son
profйrй par la gueule de l'animal[2]. Donc
comme l'ange, qui se sert d'une corps assumй, n'est pas un animal, il semble
qu'il ne puisse pas parler par ce corps qu’il assume, et beaucoup moins faire
d'autres choses: car la parole lui semble trиs proche puisqu'elle est le signe
de l'esprit. q. 6 a. 8 arg. 5
Praeterea, ultima operatio animae vegetabilis in uno et eodem individuo est
generatio: prius enim nutritur et augetur animal quam generet. Sed non potest
dici quod Angelus, vel corpus assumptum ab ipso, nutriatur vel motu augmenti
moveatur. Ergo non potest esse quod corpus assumptum generet. 5. La derniиre opйration de l'вme vйgйtative dans un seul et mкme
individu est la gйnйration; car l'animal se nourrit, et il grandit avant
d'engendrer. Mais on ne peut pas dire que l'ange ou le corps qu'il assume est
nourri ou mы par un mouvement de croissance. Dons il n'est pas possible qu'un
corps assumй engendre. q. 6 a. 8 arg. 6 Sed
dicendum, quod Angelus vel Daemon per corpus assumptum generare potest, non
quidem semine ex corpore assumpto deciso, sed semine hominis in muliere transfuso,
sicut et adhibendo alia propria semina quosdam veros effectus naturales
causat.- Sed contra: semen animalis praecipue ad generationem operatur per
calorem naturalem. Si autem Daemon semen portaret per aliquam magnam
distantiam, impossibile videtur quin calor naturalis evaporaret. Ergo non
posset fieri generatio hominis per modum praedictum. 6. Mais il faut dire que l'ange ou le dйmon peut engendrer par le corps
qu'il assume, cependant pas par sйparation de la semence d'avec le corps assumй;
mais par la semence d'un homme transfusйe dans la femme, et en employant
d'autres semences propres, il cause de vrais effets naturels. — En sens contraire:
la semence de l'кtre animй opиre surtout pour la gйnйration par la
chaleur naturelle. Mais si le dйmon portait la semence sur une grand distance,
il semble impossible que la chaleur naturelle ne soit pas dйtruite. Donc il ne
serait pas possible que la gйnйration de l'homme se fasse de cette maniиre. q. 6
a. 8 arg. 7 Praeterea, secundum hoc, ex tali semine homo non generaretur nisi
secundum virtutem humani seminis. Ergo illi qui dicuntur a
Daemonibus generari, non essent maioris staturae et robustiores aliis qui
communiter per semen humanum generantur; cum tamen dicatur Genes. VI, 4, quod
cum ingressi essent filii Dei ad filias hominum illaeque genuerunt, nati sunt
gigantes, potentes a saeculo, viri famosi. 7. Ainsi, l'homme n'est engendrй d'une telle semence que selon le
pouvoir de la semence humaine. Donc ceux qu'on dit engendrйs par les dйmons, ne
seraient pas d'une plus grande stature, ni plus robustes que les autres, qui
sont engendrйs communйment par la semence humaine, alors que cependant, on dit
en Genиse VI, 4, que, comme "ils s'etaient introduits chez les filles des
hommes, et elles engendrиrent, des gйants naquirent, les puissants de cette
йpoque, hommes fameux." q. 6 a. 8 arg. 8
Praeterea, comestio ad nutrimentum ordinatur. Si ergo Angeli in corporibus
assumptis non nutriuntur, videtur quod nec etiam comedant. 8. Manger est ordonnй а la nutrition. Si donc les anges dans les corps
qu'ils assument ne sont pas nourris, il semble qu'ils ne mangent pas non plus. q. 6 a. 8 arg. 9 Praeterea, ad ostendendum
veritatem corporis humani resurgentis, Christus post resurrectionem comedere
voluit. Si autem Angeli vel Daemones in corporibus assumptis
comedere possent, non esset comestio efficax argumentum resurrectionis, quod
patet esse falsum. Non ergo Angeli vel Daemones per corpus assumptum comedere
possunt. 9. Pour montrer la vйritй de son corps humain ressuscitй, le Christ,
aprиs sa rйsurrection, a voulu manger. Mais si les anges et les dйmons dans les
corps assumйs pouvaient manger, cette action de manger ne serait pas efficace
comme l'argument de la rйsurrection, ce qui paraоt faux. Donc les anges ou le
dйmons ne peuvent pas manger par le corps qu'ils assument. En sens contraire: q. 6 a. 8 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Gen. capit. XVIII, 9, de Angelis qui apparuerunt
Abrahae: cum comedissent, dixerunt ad eum: ubi est Sara uxor tua? Ergo et
comedunt et loquuntur Angeli in corporibus assumptis. 1. Il y a ce qui est dit en Gn. 18, 9 au sujet des anges qui apparurent
а Abraham: "Comme ils avaient mangй, ils lui dirent: Oщ est Sara ton
йpouse?" Donc les anges mangent et parlent dans les corps qu'ils avaient
assumйs. q. 6
a. 8 s. c. 2 Praeterea, Genes. VI, 2, super illud: videntes filii Dei, etc.,
dicit Glossa Hieron.: verbum Hebraicum Eloim utriusque numeri est: Deum enim et
deos significat. Ideo aquila filios deorum dicere ausus est deos, sanctos vel
Angelos intelligens. Ergo videtur quod Angeli generent. 2. En Gn. 6, 2 sur cette parole: "Les fils de Dieu voyant…",
la glose de Jйrфme dit: "Le mot hйbreux Elohim est de deux nombres: Car il
signifie Dieu et des dieux. C'est pourquoi Aquila a osй appelй les fils des dieux
des dieux, comprenant les saints et les anges." Donc il semble que les
anges engendrent. q. 6 a. 8 s. c. 3
Praeterea, sicut per artem hominis nihil fit frustra, ita nec per artem Angeli.
Frustra autem assumerent corpora disposita ad modum organici corporis, nisi
illis organis uterentur. Ergo videtur quod exerceant in corporibus assumptis
opera organis convenientia, sicut quod videant per oculos, et audiant per
aures, et sic de aliis. 3. Rien n'est fait en vain par l'art de l'homme, ni non plus par l'art
de l'ange. C'est en vain qu'ils assumeraient des corps disposйs а la maniиre
d'un corps organique, s'ils n'en utilisaient pas les organes. Donc il semble
qu'ils exercent dans les corps assumйs des њuvres qui conviennent а ces
organes, comme voir de leurs yeux, entendre avec leurs oreilles, etc.. Rйponse: q.
6 a. 8 co. Respondeo. Dicendum quod actio aliqua ex duobus naturalem
speciem accipere videtur: scilicet ex agente et termino. Calefactio enim ab
infrigidatione differt, quia una earum ex calore procedit et ad calorem
terminatur; alia vero a frigore et ad frigus. Proprie tamen actio, sicut et
motus, a termino speciem habet; a principio autem habet proprie quod sit
naturalis. Motus enim et actiones naturales dicuntur quae sunt a principio
intrinseco. Il faut dire qu'une action semble recevoir une forme naturelle de deux
maniиres: а savoir de l'agent et du terme[3].
Car l'йchauffement est diffйrent du refroidissement, parce que l'un des
deux procиde de la chaleur et s'y termine, l'autre du froid et s'y termine.
Cependant l'action, comme le mouvement, reзoit proprement sa forme de son terme;
mais du principe, elle a en propre ce qui lui est naturel. Car on appelle
mouvement et actions naturelles ce qui vient d'un principe intrinsиque. Considerandum est ergo, quod in operationibus animae,
quaedam sunt quae non sunt solum ab anima sicut a principio, sed etiam
terminantur ad animam et ad corpus animatum; et huiusmodi actiones Angelis in
corporibus assumptis attribui non possunt neque secundum similitudinem speciei
neque secundum naturalitatem actionis sicut sentire, augeri, nutrire et
similia. Sensus enim est secundum motum a rebus ad animam; similiter
nutrimentum et augmentum est per hoc quod aliquid generatur et additur corpori
viventi. Donc il faut considйrer que dans les opйrations de l'вme, il y en a
certaines qui ne viennent pas seulement de l'вme comme de leur principe, mais
se terminent aussi а l'вme et au corps animйs et les actions de ce genre ne
peuvent кtre attribuйes aux anges dans les corps qu'ils assument, ni selon la
ressemblance de la forme (species), ni selon le caractиre naturel de l'action:
exemple йprouver des sensations, grandir, se nourrir etc.. Car la sensation
dйpend du mouvement des objets vers l'вme; de mкme la nourriture et la
croissance viennent de quelque chose qui est engendrй et ajoutй au corps
vivant. Quaedam vero actiones sunt animae quae quidem sunt ab anima
sicut a principio, terminantur tamen ad aliquem exteriorem effectum; et si
quidem talis effectus per solam corporis divisionem vel motum localem produci
possit, talis actio attribuetur Angelo per corpus assumptum quantum ad
similitudinem speciei in effectu, non tamen erit vere naturalis actio, sed
similitudo talis actionis; sicut patet in locutione, quae formatur per motum
organorum et aeris, et comestione, quae perficitur per divisionem cibi et
traiectionem in partes interiores. Mais il y a certaines actions de l'вme qui viennent d'elle comme d'un
principe, cependant elles se terminent а un effet extйrieur; et mкme si un tel
effet pouvait se produire par la seule division du corps, ou un mouvement local;
une telle action serait attribuйe а l'ange par le corps qu'il assume quant а la
ressemblance de la forme dans l'effet, cependant ce ne sera pas vraiment une
action naturelle, mais une imitation, comme cela apparaоt dans la parole qui
est formйe par le mouvement des organes et de l'air, et le fait de manger qui
s'achиve par la division de la nourriture et son passage dans les organes
intйrieurs. Unde locutio quae attribuitur Angelis in corporibus
assumptis, non est vere naturalis locutio, sed quaedam similitudinaria per
similitudinem effectus; et similiter dicendum est de comestione. Unde et Tobiae
XII, 18, dicit Angelus: cum essem vobiscum (...) videbar quidem vobiscum
manducare et bibere; sed ego cibo invisibili et potu (...) utor. Si autem talis
effectus requirat transmutationem secundum formam, tunc non poterit fieri per
Angelum; nisi forte mediante naturali actu, sicut patet de generatione. C'est pourquoi la parole qui est attribuйe aux anges dans les corps
qu’ils assument, n'est pas vraiment une parole naturelle, mais quelque chose de
similaire par imitation de l'effet; et il faut en dire autant de la nutrition.
C'est pourquoi en Tobie, 12, 18, l'ange dit: "Quand j'йtais avec vous…
vous m'avez vu manger, et boire; mais je me nourris d'une nourriture invisible
et je me sers d'un breuvage invisible." Si un tel effet demandait un
changement de forme, alors il ne pourrait pas кtre fait par lui, а moins par hasard
d'un acte naturel intermйdiaire comme cela se voit dans la gйnйration. Solutions: q. 6 a. 8 ad
1 Ad primum ergo dicendum, quod huiusmodi operationes non naturaliter Angelus
exercet, et ideo non oportet quod habeat naturaliter organa unita. # 1. L'ange n'exerce pas naturellement des actions de ce genre et c'est
pourquoi il ne faut pas qu'il ait des organes qui lui soient unis
naturellement. q. 6 a. 8 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod veras operationes animae Angelus non facit, sed
similitudinarias, ut dictum est. # 2. L'ange ne fait pas de vraies opйrations de l'вme, mais ce sont des
imitations, comme on l'a dit. q. 6 a. 8 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod iam dictum est, quare sensus non potest Angelis in
corporibus assumptis attribui. # 3. On a dйjа dit (dans le corps de l'article), pourquoi on ne peut
pas attribuer la sensation aux anges dans le corps qu'ils assument. q. 6 a. 8 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod vera locutio attribui non potest Angelo in corpore
assumpto, sed solum similitudinaria, ut dictum est, ubi supra. # 4. Une vraie parole ne peut pas кtre attribuйe а l'ange dans le corps
qu'il assume, mais seulement des imitations de la parole, comme on l'a dit
ci-dessus. q. 6 a. 8 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod Angelis bonis generare nunquam attribuitur; sed de
Daemonibus est duplex opinio: quidam enim dicunt, quod Daemones etiam nullo modo generare
possunt in corporibus assumptis, propter rationes in obiiciendo inductas. # 5. Engendrer n'est jamais attribuй aux anges; pour les dйmons il y a
deux opinions: 1) Certains en effet disent que les dйmons ne peuvent en aucune maniиre
engendrer dans les corps qu'ils assument, а cause des raisons donnйes dans
l'objection. Quibusdam vero videtur quod generare possunt, non quidem per
semen a corpore assumpto decisum, vel per virtutem suae naturae, sed per semen
hominis adhibitum ad generationem, per hoc quod unus et idem Daemon sit ad
virum succubus, et semen ab eo receptum in mulierem transfundit, ad quam fit
incubus. Et hoc satis rationabiliter sustineri potest, cum etiam alias res
naturales causent, propria semina adhibendo, ut Augustinus dicit. 2) Il semble а certains qu'ils peuvent engendrer, non par une semence
qui vient du corps qu'ils assument, ni par le pouvoir de sa nature, mais par la
semence d'un homme employйe pour la gйnйration, par le fait qu'un seul et mкme
dйmon est un succube pour l'homme et la semence reзue par lui est introduite
dans la femme, pour laquelle il devient l'incube. Et cela peut кtre soutenu
assez raisonnablement, puisqu'ils sont causes mкme d'autres choses naturelles,
en employant des semences particuliиres[4], comme Augustin
le dit (La Trinitй, III, 8 et 9). q. 6 a. 8 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod circa evaporationem seminis potest Daemon remedium
adhibere, tum per velocitatem motus, tum adhibendo aliqua fomenta, per quae
calor naturalis conservetur in semine. # 6. Le dйmon peut apporter remиde а l'йvaporation de la semence, tant
par la rapiditй du mouvement, qu'en recevant quelque combustible, par lequel il
conserve la chaleur naturelle dans la semence. q. 6 a. 8 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod procul dubio generatio, praedicto modo facta, virtute
humani seminis fit. Unde homo sic genitus, non esset filius Daemonis, sed viri
cuius fuit semen. Et tamen possibile est quod per talem modum homines fortiores
generentur et maiores, quia Daemones volentes in suis effectibus mirabiles
videri, observando determinatum situm stellarum, et viri et mulieris
dispositionem, possunt ad hoc cooperari. Et praecipue si semina, quibus utuntur
sicut instrumentis, per talem usum aliquod augmentum virtutis consequantur. # 7. Sans doute la gйnйration, accomplie d'une telle maniиre, est faite
par le pouvoir de la semence humaine. C'est pourquoi l'homme ainsi engendrй ne
serait pas fils du dйmon, mais de l'homme dont vient la semence. Et cependant
il est possible que par un tel mode les hommes engendrйs soient plus forts et
plus grands, parce que les dйmons voulant paraоtre admirables dans leurs
effets, en observant la position dйterminйe des йtoiles, et la disposition de
l'homme et de la femme, peuvent y participer. Et surtout si les semences qu'il
utilisent comme instrument, par tel usage obtiennent une augmentation de la
puissance. q. 6 a. 8 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod comestio attribuitur Angelis in corporis assumptis, non
quantum ad finem, qui est nutritio, sed simpliciter quantum ad comestionis
actum; et similiter etiam Christo post resurrectionem cuius, corpori non erat
tunc aliquid addibile. In hoc tamen differt, quod comestio Christi fuit vere
naturalis comestio, utpote eius existens qui animam vegetabilem habebat; et sic
potuit esse argumentum veritatis naturae. In utraque tamen comestione cibus non
est conversus in carnem et sanguinem, sed resolutus in materiam praeiacentem. # 8. Le fait de manger est attribuйe aux anges dans les corps qu'ils
assument, non quant а son but, qui est la nutrition, mais simplement pour
l'action de manger, et il en est de mкme aussi pour le Christ, aprиs la
rйsurrection: rien ne pouvait кtre ajoutй а son corps. Cependant il y a une
diffйrence du fait que manger pour le Christ fut vraiment naturel; en tant
qu'ayant existй auparavant, il avait une вme vйgйtative, et ainsi il a pu
dйmontrer la vйritй de sa nature. Dans l'une et l'autre repas, la nourriture
n'a pas йtй changйe en chair et sang, mais dissoute dans la matiиre qui
existait auparavant. q. 6 a. 8 ad 9 Et per hoc patet responsio ad
nonum. # 9. Et cela donne rйponse а l'objection 9. Arguments en sens contraire: q. 6 a. 8 ad s. c. 1
Ad primum vero quod in contrarium obiicitur, dicendum, quod comestio et locutio
qualiter Angelis sit attribuenda, dictum est, in corp. art. # 1. Il faut dire qu'on a parlй dans le corps de l'article de la
nutrition et de la parole telles qu'elles sont attribuйes aux anges. q. 6 a. 8 ad s. c. 2
Ad secundum dicendum, quod per filios Dei intelligit quidem filios Seth, qui
erant Dei filii per gratiam, et Angelorum per imitationem. Filii autem hominum
dicebantur filii Cain, qui a Deo recesserant, carnaliter viventes. # 2. Par les fils de Dieu, on comprend les fils de Seth, qui йtaient
fils de Dieu par grвce; et des anges par imitation. Mais les fils des hommes,
qui se sont йloignйs de Dieu en vivant charnellement, sont appelйs fils de
Caпn. q. 6 a. 8 ad s. c. 3 Ad tertium dicendum, quod
instrumenta sensuum assumunt Angeli, non ad utendum, sed ad signandum. Unde etsi
per ea non sentiant, non tamen frustra assumunt. # 3. Les anges assument les organes des sens, non pour s'en servir,
mais comme un signe. C'est pourquoi, mкme s'ils n'йprouvent pas de sensations,
ils ne l'assument pas en vain.
[1] Ia, qu. 41, a. 3 - II Sent. d8a4. [2]
Penser а l'вne de Balaam. [3]
Ou du but recherchй. [4]
Augustin (loc. cit.) parle de semences de vйgйtaux et d'animaux invisibles,
crййes par Dieu, qui ont pu servir а de premiиres naissances que les anges ou
les dйmons dйcouvrent et dont ils assurent l'йclosion (III, VIII, 13).
Article 9: Faut-il attribuer le miracle а la foi?
q. 6 a. 9 tit. 1
Nono quaeritur utrum operatio miraculi sit attribuenda fidei. Et videtur quod
non.
Il semble que non[1].
Objections:
q. 6 a. 9 arg. 1
Gratiae enim gratis datae a virtutibus differunt, eo quod virtutes sanctis
omnibus sunt communes, gratiae vero gratis datae diversis distribuuntur,
secundum illud I ad Cor. XII, 4: divisiones gratiarum sunt. Sed facere miracula
est gratiae gratis datae; unde in eodem capitulo dicitur: alii operatio
virtutum, et cetera. Ergo facere miracula non est attribuendum fidei. 1. Car les grвces donnйes gratuitement diffйrent des vertus, parce que
celles-ci sont communes а tous les saints, mais les grвce donnйes gratuitement,
sont distribuйes а diverses personnes selon ce mot de I Co. 12, 4: "Il y a
diversitй des grвces[2]". Mais faire des miracles vient de la grвce donnйe
gratuitement. C’est pourquoi dans le mкme chapitre il est dit (verset 10): "A
un autre l’opйration des miracles, etc.". Donc faire des miracles ne doit
pas кtre attribuй а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 2 Sed
dicendum, quod attribuitur fidei tamquam merenti, gratiae gratis datae tamquam
exequenti.- Sed contra, est quod dicit Glossa ordinaria super illud Matth. VII,
22: Domine, nonne in nomine tuo prophetavimus? etc.: prophetare, virtutes
facere, Daemones eiicere, interdum non est meriti illius qui operatur, sed
invocatio nominis Christi. Ergo videtur quod non sit fidei attribuendum. 2. Mais il faut dire qu'on l'attribue а la foi, en tant que mйritoire,
et а la grвce donnйe gratuitement en tant qu'elle l'accompagne. — En sens
contraire, il y a ce que dit la Glose ordinaire sur cette parole de Mt. 7, 12: "Seigneur,
n’avons-nous pas prophйtisй en ton nom", etc. "Prophйtiser, faire des
miracles, chasser les dйmons, parfois ne dйpend pas du mйrite de celui qui
opиre, mais de l’invocation du nom du Christ." Donc il semble qu’il ne
faut pas l’attribuer а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 3
Praeterea, caritas est principium et radix merendi, sine qua fides informis
mereri non potest. Si ergo fidei propter meritum attribuitur operatio
miraculorum, magis est attribuenda caritati. 3. La charitй est le principe et la racine du mйrite sans laquelle la
foi informelle ne peut pas mйriter. Si donc а cause du mйrite, on attribue а la
foi l’accomplissement des miracles, il est mieux de l’attribuer а la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 4
Praeterea, cum sancti orando miracula faciant, illi virtuti praecipue debet
miraculorum operatio attribui quae facit ut oratio exaudiatur. Hoc autem facit
caritas; unde dicitur Matth. XVIII, 19: Si duo ex vobis consenserint super
terram de omni re, quamcumque petierint, fiet illis a patre meo, ut in Psal.
XXXVI, 4, dicitur: Delectare in domino, et dabit tibi petitiones cordis tui;
caritas enim est quae facit homines delectari in Deo per amorem Dei, et
consentire hominibus per amorem proximi. Ergo caritati debet attribui
miraculorum operatio. 4. Comme les saints font des miracles en priant, l’accomplissement des
miracles doit кtre attribuй а ce qui fait que la priиre est exaucйe. C'est la
charitй qui le fait; c’est pourquoi il est dit en Mt. 18, 19[3]: "Si deux
d’entre vous se sont mis d'accord sur la terre sur tout ce qu’ils demanderont,
mon Pиre les exaucera." Comme il est dit dans le Ps. 36, 4: "Rйjouis-toi
dans le Seigneur et il te donnera tout ce que ton cњur demande."; car
c'est la charitй qui fait que les hommes se rйjouissent en Dieu par son amour,
et sont en sympathie avec les hommes par l’amour du prochain. Donc on doit
attribuer l’accomplissement des miracles а la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 5
Praeterea, dicitur Ioan. IX, 31: Scimus quia peccatores Deus non audit. Caritas
autem est quae sola peccata removet, quia, ut dicitur Prov. X, 12, universa
delicta operit caritas. Ergo caritati et non fidei debet attribui miraculorum
operatio. 5. Il est dit en Jn 9, 31: "Nous savons que Dieu n’йcoute pas les
pкcheurs[4]". Mais la charitй est la seule qui йloigne les pйchйs, parce
que, comme on le dit en Prov. 10, 12: "La charitй couvre tous les pкchйs".
Donc on doit attribuer l’accomplissement des miracles а la charitй et non а la
foi.
q. 6 a. 9 arg. 6
Praeterea, sancti homines non solum orando impetrant miracula fieri, sed etiam
miracula faciunt ex potestate, ut Gregorius dicit. Hoc autem est inquantum homo
Deo unitur, ut sic divina virtus homini coassistat: quam quidem unionem caritas
facit, quia qui adhaeret Deo, scilicet per caritatem, unus spiritus est, ut
dicitur I Cor. VI, 17. Ergo caritati debet attribui miracula facere. 6. Les saints obtiennent de faire des miracles, non seulement en
priant, mais aussi ils en font par puissance, comme le dit Grйgoire [le grand]
(Dialogues, II, ch. 30). Mais c’est
dans la mesure oщ l’homme est uni а Dieu, que le pouvoir divin l'assiste: cette
union, c’est la charitй qui l’accomplit, parce que "celui qui s'unit a
Dieu, а savoir par charitй, est un seul esprit [avec lui]", comme il est
dit en 1 Co. 6, 17[5]. Donc on doit attribuer l’accomplissement des miracles а
la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 7
Praeterea, caritati praecipue opponitur invidia, nam caritas congaudet bonis,
de quibus invidia tristatur. Sed immutatio in malum per fascinationem
attribuitur invidiae, ut dicitur in Glossa Gal. III, 1 (ordinaria super illud:
quis fascinavit?). Ergo et miraculorum operatio est attribuenda caritati. 7. On oppose surtout l’envie а la charitй, car celle-ci se rйjouit avec
les bons, l’envie s’en attriste. Mais le changement en mal est attribuй а
l’envie par l'ensorcellement, comme on le dit dans la glose de Gal. 3, 1, glose
ordinaire sur cette parole: "Qui vous a ensorcelйs?". Donc
l’accomplissement des miracles doit кtre attribuй а la charitй.
q. 6 a. 9 arg. 8
Praeterea, intellectus non est principium operationis nisi mediante voluntate.
Fides autem est in intellectu, caritas autem in voluntate. Ergo nec fides operatur nisi per caritatem; unde
dicitur Galat. V, 6: fides quae per dilectionem operatur. Sicut ergo operatio
actuum virtutis magis attribuitur caritati quam fidei, ita et operatio
miraculorum. 8. L’intellect n’est le principe de l’opйration que par l’intermйdiaire
de la volontй. Mais la foi est dans l’esprit, et la charitй dans la volontй.
Donc la foi n’opиre que par la charitй; c’est pourquoi en Gal. 5, 6[6], il est
parlй de: "la foi qui opиre par l'amour". Donc l’accomplissement des
actes de vertu est attribuй а la charitй plus qu’а la foi, et l’accomplissement
du miracle aussi.
q. 6 a. 9 arg. 9
Praeterea, omnia alia miracula ad incarnationem Christi ordinantur, quae est
miraculum miraculorum. Sed incarnatio Christi attribuitur caritati; unde
dicitur Ioan. III, 16: Sic Deus dilexit
mundum ut filium suum unigenitum daret. Ergo et alia miracula sunt
caritati attribuenda, et non fidei. 9. Tous les autres miracles sont ordonnйs а l'Incarnation du Christ,
qui est le miracle des miracles. Mais celle-ci est attribuйe а la charitй;
c'est pourquoi il est dit en Jn 3, 16: "Le Seigneur a tant aimй le monde
qu'il lui a donnй son Fils unique." Donc il faut attribuer les autres
miracles а la charitй et non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 10
Praeterea, quod Sara anus et sterilis de vetulo concepit filium, miraculosum
fuit. Hoc autem attribuitur spei, ut dicitur Rom. IV, 18: Qui contra spem in
spem credidit. Ergo operari miracula attribuendum est spei, non fidei. 10. Que Sara, vieille femme stйrile, conзut un fils d'un vieillard, a
йtй miraculeux. Mais on l'attribue а l'espйrance, comme il est dit en Rm 4, 18:
"(Abraham) a cru contre tout espйrance." Donc opйrer des miracles est
attribuй а l'espйrance, non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 11
Praeterea, miraculum est aliquod arduum et insolitum, ut Augustinus dicit.
Arduum autem est obiectum spei. Ergo spei debet attribui operatio miraculorum. 11. Le miracle est quelque chose d'ardu et d'insolite[7], comme
Augustin le dit, (Sur l'Evangile de Jean 8, et La Trinitй, II, ch. 4). Mais l'objet de l'espйrance est ardu. Donc
l'accomplissement des miracles doit кtre attribuй а l'espйrance.
q. 6 a. 9 arg. 12
Praeterea, miraculum est manifestativum divinae potentiae. Sed sicut bonitati, quae
appropriatur spiritui sancto, respondet caritas; et veritati, quae appropriatur
filio, respondet fides; ita potestati, quae appropriatur patri, respondet spes.
Ergo facere miracula est attribuendum spei, et non fidei. 12. Le miracle manifeste la puissance de Dieu. Mais comme а la bontй
qui est appropriйe а l'Esprit saint, rйpond la charitй, et а la vйritй, qui est
appropriйe au Fils, rйpond la foi, ainsi а la puissance qui est appropriйe au
Pиre, rйpond l'espйrance. Donc faire des miracles doit кtre attribuй а
l'espйrance, non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 13
Praeterea, Augustinus dicit, quod mali homines interdum faciunt miracula per
publicam iustitiam. Ergo operatio miraculorum est attribuenda iustitiae, et non
fidei. 13. Augustin dit (Les 83 Questions, qu. 79) que les mйchants font
quelquefois des miracles par justice publique. Donc l’accomplissement des
miracles est attribuй а la justice, non а la foi.
q. 6 a. 9 arg. 14 Praeterea, Act. VI, 8,
dicitur, quod Stephanus plenus gratia et fortitudine faciebat prodigia et signa
magna in populo. Ergo videtur quod sit attribuendum fortitudini. 14. Il est dit en Act. 6, 8, qu' "Йtienne, plein de grвce et de
force, faisait des prodiges et des signes importants dans le peuple". Donc
il semble qu'il faille l'attribuer а la (vertu de) force.
q. 6 a. 9 arg. 15 Praeterea, Matth. XVII, 20,
dicit dominus discipulis, qui daemoniacum sanare non poterant: Hoc genus
Daemoniorum non eiicitur nisi oratione et ieiunio. Sed eiicere Daemonia inter
miracula computatur: ieiunium autem est actus virtutis abstinentiae. Ergo ad
abstinentiam pertinet miracula facere. 15. En Mt. 17, 20, le Seigneur dit aux disciples qui ne pouvaient pas
guйrir le dйmoniaque: "Ce genre de dйmon n'est chassй que par la priиre et
le jeыne". Mais chasser les dйmons est comptй parmi les miracles. Et le
jeыne est l'acte de la vertu d'abstinence. Donc c'est par elle qu'il convient
de faire des miracles.
q. 6 a. 9 arg. 16
Praeterea, Bernardus dicit quod cum muliere semper esse et feminam non
cognoscere, maius est quam mortuum suscitare. Hoc autem facit castitas. Ergo
castitatis est miracula facere, et non fidei. 16. Bernard dit qu'кtre toujours avec une femme sans la connaоtre est
plus grand que ressusciter un mort. Mais c'est la chastetй qui le fait. Donc
faire des miracles est le propre de la chastetй et non de la foi.
q. 6 a. 9 arg. 17
Praeterea, illud quod est in derogationem fidei, non est fidei attribuendum.
Sed miracula sunt in derogationem fidei, quia infideles imputabant ea magicae
arti. Ergo fidei non debet attribui facere miracula. 17. Il ne faut pas attribuer а la foi ce qui y dйroge. Mais les
miracles sont dans la dйrogation de la foi, parce que les infidиles les
imputent а l'art magique. Donc faire des miracles ne doit pas кtre attribuй a
la foi.
q. 6 a. 9 arg. 18
Praeterea, fides Petri et Andreae commendatur a Gregorio, de hoc quod, nullis
miraculis visis, crediderunt. Ergo operatio miraculorum derogat fidei; et sic
idem quod prius. 18. La foi de Pierre et d'Andrй est louйe par Grйgoire le grand (Hom.
5, sur l'Evangile), du fait que, sans avoir vu les miracles, ils ont cru. Donc
l'opйration des miracles dйroge а la foi, et ainsi de mкme que ci-dessus.
En sens contraire:
q. 6 a. 9 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Marci XVI, 17: Signa autem eos qui crediderint,
haec sequentur: in nomine meo Daemonia eiicient, et cetera. 1. Il y a ce qui est dit en Mc 16,17: "Mais voici les signes qui
accompagneront ceux qui auront cru: ils chasseront les dйmons en mon noms, etc."
q. 6 a. 9 s. c. 2
Praeterea, Matth. XVII, 19. Dominus dicit: Si habueritis fidem sicut granum
sinapis, dicetis monti huic: transi hinc illuc, et transibit; et nihil
impossibile erit vobis. 2. En Mt. 17, 19, le Seigneur dit: "Si vous aviez eu la foi comme
un grain de moutarde, nous diriez а cette montagne: Pars d'ici, et elle
partira, et rien ne vous sera impossible."
q. 6 a. 9 s. c. 3
Praeterea, si unum oppositum est causa oppositi, et reliquum oppositum est
causa reliqui. Sed incredulitas est causa
impediens miraculorum operationem: unde dicitur Marc. VI, 5, de Christo:
non poterat ibi, hoc est in patria sua, facere miracula, nisi paucos infirmos
impositis manibus curavit: et mirabatur propter incredulitatem illorum: et
Matth. XVII, 18, dicitur, dominum respondisse discipulis quaerentibus: quare
non potuimus eiicere Daemonium? Propter incredulitatem, inquit, vestram. Ergo
et fides est causa faciendi miracula. 3. Si l'opposй est la cause de l'opposй, l'opposй restant est la cause
du reste. Mais l'incrйdulitй est la cause qui empкche l'opйration des miracles;
c'est pourquoi il est dit en Mc 6, 5, а propos du Christ: "Il ne pouvait
pas faire de miracle lа (c'est-а-dire dans sa patrie) sinon qu'il guйrit peu de
malades en leur imposant les mains, et il s'йtonnait de leur incrйdulitй."
Et en Mt 17, 18, il est dit que le Seigneur rйpondit а ses disciples qui le
questionnaient: "Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser, les dйmons?- A
cause de votre incrйdulitй, dit-il." Donc la foi est la cause (qui permet
de) faire des miracles.
Rйponse:
q. 6 a. 9 co.
Respondeo Dicendum quod homines sancti miracula faciunt dupliciter, secundum
Gregorium in II Dialog.: scilicet, oratione impetrando ut miracula divinitus
fiant, et per potestatem. Utroque autem modo fides idoneum reddit hominem ad
miracula facienda, ipsa enim meretur proprie ut oratio exaudiatur de miraculis
faciendis. Les saints font des miracles de deux maniиres, selon Grйgoire
(Dialogue, II, 30): а savoir: en obtenant par la priиre, de les faire avec
l'aide de Dieu, et par leur pouvoir. Mais de l'une et l'autre maniиre, la foi
rend l'homme capable de faire des miracles, car il mйrite en propre pour que sa
priиre soit exaucйe pour faire des miracles.
Quod hac ratione videri potest: sicut enim in rebus
naturalibus videmus quod a causa universali omnes particulares causae sumunt
efficaciam agendi,- tamen effectus determinatus et proprius attribuitur causae
particulari, sicut patet de virtutibus activis inferiorum corporum respectu
virtutis caelestis corporis, et de ordinibus inferioribus (qui etsi sequantur
motum primi orbis, habent tamen singuli proprios motus),- ita etiam est de
virtutibus quibus meremur: nam omnes habent efficaciam merendi a caritate, quae
nos unit Deo a quo meremur et voluntatem perficit per quam meremur, singulae
tamen virtutes merentur singularia quaedam praemia eis proportionaliter
respondentia; sicut humilitas meretur exaltationem, et paupertas regnum. Ce qui peut-кtre montrй par cette raison: car de mкme que nous voyons
dans les choses naturelles que par la cause universelle toutes les causes
particuliиres tirent l’efficacitй de leur action, — cependant l'effet dйterminй
et plus propre est attribuй а une cause particuliиre, comme on le voit dans les
pouvoirs actifs des corps infйrieurs, par rapport а la puissance du corps cйleste,
et des ordres infйrieurs, (qui, mкme s'ils suivent le mouvement du premier ciel
ont cependant chacun des mouvements propres), — de mкme aussi il y a des vertus
par lesquelless nous mйritons: Car toutes ont un mйrite efficace par la
charitй, qui nous unit а Dieu, par lequel nous mйritons et il parfait la
volontй par laquelle nous mйritons, cependant les puissance particuliиres
mйritent des rйcompenses particuliиres qui leur correspondent
proportionnellement; ainsi l'humilitй mйrite l'йlйvation et la pauvretй le
Royaume.
Unde quandoque caritate cessante, per actum aliarum
virtutum, etsi aliquis nihil mereatur ex condigno, ex quadam tamen divina
liberalitate aliqua congrua beneficia retribuit pro huiusmodi actibus, saltem
in hoc mundo: unde dicitur, quod per ea quae sunt ex genere bona, extra
caritatem facta, merentur aliqui ex congruo interdum bonorum temporalium
multiplicationem. C'est pourquoi, si quelquefois la charitй cesse, par l'action des
autres vertus, mкme si quelqu'un ne mйrite rien d'une maniиre convenable,
cependant de par sa libйralitй, Dieu accorde des bienfaits convenables pour des
actions de ce genre, du moins en ce monde; c'est pourquoi on dit que par ce qui
est bon en son genre, produit sa charitй, certains mйritent parfois d'une
maniиre adйquate la multiplication des biens temporels.
Per hunc autem
modum fides meretur miraculorum operationem, licet radix merendi sit ex
caritate. Cuius ratio
potest triplex assignari: Par ce moyen la foi mйrite d'opйrer des miracles bien que la racine du
mйrite vienne de la charitй. On peut lui en assigner trois raisons.
primo quidem, quia miracula sunt quaedam argumenta fidei,
dum per ea facta quae naturam excedunt, illorum veritas comprobatur quae
naturalem transcendunt rationem; unde Marc. ult., vers. 20, dicitur. Illi
profecti praedicaverunt ubique, domino cooperante, et sermonem confirmante
sequentibus signis. 1) Premiиre raison, parce que les miracles sont des arguments de foi,
tant que les faits, qui dйpassent la nature, confirme la vйritй de ce qui
dйpasse la raison naturelle; c'est pourquoi en Mc, (16, 20) il est dit: "Une
fois partis, ils prкchиrent partout avec l'aide du Seigneur, et en confirmant
leurs paroles par les signes qui les accompagnaient."
Secunda ratio est, quia fides potissime divinae potentiae
innititur, quam accipit ut rationem vel medium ad assentiendum his quae supra
naturam esse videntur: et ideo divina potentia in operatione miraculorum
praecipue fidei coassistit. 2) La seconde raison: parce que la foi s'appuie trиs fortement sur la
puissance divine, qu'elle reзoit comme raison ou intermйdiaire pour approuver
ce qui semble кtre au-dessus de la nature; et c'est pourquoi la puissance
divine vient en aide а la foi surtout en accomplissant des miracles.
Tertia ratio est, quia miracula praeter naturales causas
fiunt; fides autem est quae non ex rationibus naturalibus et sensibilibus
argumenta assumit, sed ex rebus divinis. 3) La troisiиme raison: parce que les miracles se font au-delа des
causes naturelles; mais la foi tire argument non pas des raisons naturelles et
sensibles, mais de ce qui est divin.
Unde sicut paupertas temporalium rerum meretur divitias
spirituales, et humilitas meretur caelestem dignitatem, ita fides, quasi
contemnendo ea quae naturaliter fiunt, quodammodo miraculorum operationem
meretur, quae praeter naturalem virtutem fit. C'est pourquoi, de mкme que la pauvretй en biens temporels mйrite les
richesses spirituelles, et que l'humilitй mйrite la possession du ciel, de mкme
la foi, comme mйprisant ce qui arrive naturellement, d'une certaine maniиre
mйrite d'opйrer des miracles, ce qui se fait au-delа du pouvoir naturel.
Similiter autem et per fidem homo maxime disponitur ut ex
potestate miracula faciat. Quod etiam ex tribus rationibus patet: Mais de la mкme maniиre, et par la foi l'homme est parfaitement mis en
йtat de faire des miracles par son pouvoir. Ce qui apparaоt pour trois raisons:
primo quidem, quia sicut supra dictum est, sancti ex
potestate miracula dicuntur facere, non quasi miraculorum principales auctores,
sed sicut divina instrumenta, imperium divinum, cui natura obedit in miraculis,
quodammodo ipsis rebus naturalibus praesentantes. Quod autem divinum verbum in
nobis habitet, est per fidem, quae est quaedam participatio in nobis divinae
veritatis; unde per ipsam fidem homo disponitur ad miracula facienda. 1) Parce que, comme on l'a dit ci-dessus (art. 4 de cette question),
les saints font des miracles par leur pouvoir, non comme leurs auteurs
principaux, mais comme des instruments divins, rйvйlant d'une certaine maniиre
dans les choses naturelles le gouvernement divin, а qui la nature obйit dans
les miracles. Mais, c'est par la foi qui est une participation en nous а la
vйritй divine que la parole divine habite en nous; c'est pourquoi par la foi mкme,
l'homme a possibilitй de faire des miracles.
Secundo, quia sancti, qui ex potestate
miracula faciunt, operantur in virtute Dei agentis in natura. Actio enim Dei ad
totam naturam comparatur, sicut actio animae ad corpus; corpus autem ab anima
transmutatur praeter ordinem principiorum naturalium praecipue per aliquam
imaginationem fixam, ex qua corpus calefacit per concupiscentiam vel iram, aut
etiam immutatur ad febrem vel lepram. Illud ergo facit hominem dispositum ad
miracula facienda quod dat eius apprehensioni quamdam fixionem et firmitatem.
Hoc autem facit fides firma: unde firmitas fidei praecipue operatur ad miracula
facienda. Quod patet
ex hoc quod dicitur Matth. XXI, 21: si habueritis fidem et non haesitaveritis,
non solum de ficulnea facietis, sed et si monti huic dixeritis: tolle, et iacta
te in mare, fiet; et Iacob. I, 6: postulet autem in fide, nihil haesitans. 2) Parce que les saints, qui font des miracles par leur pouvoir,
opиrent dans la puissance de Dieu qui agit dans la nature. Car son action est
comparйe а la nature toute entiиre, comme l'action de l'вme sur le corps, mais
le corps est changй par l'вme, au-delа de l'ordre des principes naturels,
surtout, par une imagination assujettie par laquelle le corps s'йchauffe par
concupiscence ou colиre, et mкme subit la fiиvre ou la lиpre. Donc cela dispose
l'homme а faire des miracles, qui donne а sa connaissance fixitй et fermetй.
Cela affermit aussi la foi; c'est pourquoi la fermetй de la foi travaille
surtout а faire des miracles. Ce qui apparaоt de ce qui est dit en Mt. 21, 21: "Si
vous aviez eu la foi et si vous n'aviez pas hйsitй, non seulement vous l'auriez
fait а ce figuier et si vous aviez dit а cette montagne: Lиve-toi et jиte-toi
dans la mer, cela se ferait" et en Jc. 1, 6: "Qu'il demande avec foi
sans aucune hйsitation."
Tertio, quia cum miracula ex potestate per modum cuiusdam
imperii fiant, illud praecipue facit idoneum ad miracula facienda ex potestate
quod reddit aptum ad imperandum. Hoc autem est per quamdam separationem et abstractionem
ab illis quibus debet imperare. Unde et Anaxagoras dicit quod intellectus erat
immixtus, ad hoc quod imperet. Fides autem animum abstrahit a rebus naturalibus
et sensibilibus, et eum in rebus intelligibilibus fundat. Unde per
fidem redditur homo aptus ad hoc quod per potestatem miracula faciat.
Et inde est etiam
quod illae virtutes ad facienda miracula praecipue cooperantur, quae animum
hominis a rebus maxime corporalibus abstrahunt: sicut continentia et
abstinentia quae retrahunt ab electionibus quibus homo sensibilibus rebus
immergitur. Aliae vero virtutes quae ad disponenda temporalia ordinant, non ita ad
facienda miracula disponunt. 3) Parce que comme les miracles sont faits par la puissance а la
maniиre du commandement, cela surtout rend capable de faire des miracles par la
puissance qui rend apte а commander. Mais c'est par une sйparation et une
abstraction de ce par quoi il doit commander. C'est pourquoi Anaxagore dit
aussi que l'intelligence йtait sans mйlange pour commander. Mais la foi
abstrait l'esprit des choses naturelles et sensibles, et le fonde dans
l'intelligible. C'est pourquoi par la foi l'homme est rendu apte а faire des
miracles par sa puissance.
Et de lа vient que ces vertus pour faire des miracles aident surtout а
tirer l’esprit de l’homme de ce qui est tout а fait corporel; de mкme que la
continence et l’abstinence qui retire des йlus вr lesquel l’homme est Immergй
dans le sensible. Mais les autres vertus qui sont ordonnent а ce qui dispose au
temporel mais ils ne disposent pas а faire des miracles.
Solutions:
q. 6 a. 9 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod facere miracula attribuitur gratiae gratis datae,
sicut principio proximo fidei, autem sicut disponenti ad huiusmodi gratiam
consequendam. #1. Faire des miracles est attribuй а la grвce donnйe gratuitement,
comme au plus proche principe de la foi ou comme а ce qui dispose а acquйrir
une grвce de ce genre.
q. 6 a. 9 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod licet interdum aliquis peccator miracula faciat, non
est hoc ex merito eius,- ex merito dico condigno - sed est ex quadam
congruitate, in quantum fidem constanter confitetur, in cuius protestationem
Deus miracula facit. #2. Bien que quelquefois un pйcheur fasse des miracles, ce n'est pas
par son mйrite, — je parle du mйrite convenable — mais c'est par une certaine
conformitй, en tant qu'il confesse fermement la foi, dans le pouvoir de
laquelle Dieu fait des miracles.
q. 6 a. 9 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod ex hoc quod caritas est maior virtus fide, largitur ipsi
fidei efficaciam merendi; fides tamen magis congruit ad particulariter merendum
miraculorum operationes: fides enim est perfectio intellectus, cuius operatio
consistit in hoc quod res intellectae aliquo modo sunt in ipso; caritas autem
est perfectio voluntatis, cuius operatio consistit in hoc quod voluntas in
ipsam rem tendit. Unde per caritatem homo in Deo ponitur, et cum eo unum
efficitur: per fidem autem ipsa divina ponuntur in nobis: unde dicitur Hebr.
XI, 1, quod est, sperandarum substantia rerum. Et praeterea, miracula fiunt ad
confirmationem fidei, non autem ad confirmationem caritatis. # 3. Du fait que la charitй est une plus grande vertu que la foi, elle
accorde а la foi l'efficacitй du mйrite; cependant elle correspond plus aux
opйrations pour mйriter particuliиrement des miracles, car la foi est la
perfection de l'esprit, son opйration consiste en ce que les choses comprises
sont en lui d'une certaine maniиre, mais la charitй est la perfection de la
volontй, dont l'opйration consiste en ce que la volontй tend а la chose mкme.
C'est pourquoi, par la charitй, l'homme est placй en Dieu, et devient un avec
lui, mais par la foi ce qui est divin est placй en nous; c'est pourquoi il est
dit en Hй. 11, 1[8], que "c'est la rйalitй des biens espйrйs". Et en
outre les miracles sont faits pour confirmer la foi mais pas la charitй.
q. 6 a. 9 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod caritas meretur, ut dictum est, petitionum exauditionem,
sicut universale principium merendi; sed specialiter exaudiri in miraculis
faciendis meretur fides, ut dictum est. # 4. La charitй mйrite, comme on l'a dit, l'йcoute des demandes, comme
principe universel de mйrite, mais spйcialement la foi mйrite d'кtre exaucйe
pour faire des miracles, comme on l'a dit.
q. 6 a. 9 ad 5 Ad
quintum dicendum, quod sicut Glossa ibidem dicit, verbum illud est caeci, qui
nondum erat totaliter sapientia illuminatus; unde sententiam falsam continet,
nam interdum Deus peccatores audit ex sua liberalitate, licet non ex eorum
merito. Et sic oratio eorum impetrat, licet non sit meritoria; sicut et
aliquando iusti oratio meretur sed non impetrat: nam impetratio pertinet ad id
quod petitur, et innititur soli gratiae; meritum autem pertinet ad finem quem
quis meretur, et innititur iustitiae. # 5. Comme la glose ici mкme le dit (Augustin, Sur saint Jean, tract.
44), ce mot est de l'aveugle, qui n'est pas encore йclairй par la sagesse,
c'est pourquoi il contient une phrase fausse, car parfois Dieu йcoute les
pкcheurs par sa libйralitй, bien que ce ne soit pas pour leur mйrite. Et ainsi
leur priиre est exaucйe, bien qu'elle ne soit pas mйritoire, comme quelquefois
la priиre du juste mйrite mais n'est pas exaucйe; car кtre exaucй appartient а
ce qui est demandй, et s'appuie sur la grвce seule, mais la mйrite appartient а
la foi par laquelle quelqu'un mйrite, et s'appuie sur la justice.
q. 6 a. 9 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod caritas unit Deo sicut hominem in Deum trahens: per fidem
vero divina ad nos trahuntur, ut dictum est prius. # 6. La charitй unit а Dieu, comme si elle attirait l'homme vers lui,
mais par la foi, le divin est tirй а nous, comme on l'a dit plus haut.
q. 6 a. 9 ad 7 Ad septimum dicendum, quod
invidia in fascinatione effectum habere non posset, nisi imaginatio fixa ad hoc
cooperaretur. # 7. L'envie dans l'ensorcellement ne pourrait avoir d'effet si une
image assujettie n'y contribuait.
q. 6 a. 9 ad 8 Ad
octavum dicendum, quod ratio illa probat quod fides per caritatem meretur; et
hoc supra concessum est. Et praeterea, obiectio tenet in illis quae propria
virtute homo facit, in quibus intellectus voluntatem dirigit, quae potentiae
imperat exequenti. In his autem in quibus virtus divina est exequens, sola
fides, quae divinae potentiae innititur, sufficit ad operandum. # 8. Cette raison prouve que la foi mйrite par la charitй, et cela on
l'a concйdй ci-dessus. Et ensuite, l'objection tient en ce que l'homme fait par
son propre pouvoir, en qui l'intelligence dirige la volontй qui commande а la
puissance qui en dйcoule. Mais pour ce en quoi le pouvoir divin est exйcutй, la
foi seule, qui s'appuie sur la puissance divine, suffit pour opйrer.
q. 6 a. 9 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod obiectio illa procedit de operatione miraculi secundum
quod est a Deo, qui ad omnia quae in creaturis operatur, ex amore movetur. Nam
divinus amor non permisit eum sine germine esse, ut dicit Dionysius. Nos autem
loquimur de operatione miraculi secundum quod est ab homine. Unde ratio non est
ad propositum. # 9. Cette objection procиde de l'opйration du miracle selon qu'il
vient de Dieu, qui est poussй par amour pour tout ce qu'il opиre dans les
crйatures. Car l'amour divin ne permet pas que ce soit sans rйsultat, comme le
dit Denys (Les noms divins, IV). Mais
nous, nous parlons de l'accomplissement du miracle selon qu'il vient de
l'homme. C'est pourquoi cette raison ne convient pas а ce sujet.
q. 6 a. 9 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod spei non proprie attribuitur miracula facere; spes enim
ordinatur ad aliquid consequendum, unde est solum de aeternis. Fides autem est
de aeternis et temporalibus; unde potest se extendere ad facienda. Et propter
hoc in auctoritate inducta principalius fit mentio de spe quam de fide, cum
dicitur, quod in spem credidit. # 10. Faire des miracles n'est pas proprement attribuй а l'espйrance,
car elle est ordonnйe а acquйrir quelque chose, c'est pourquoi elle concerne
seulement l'йternitй. Mais la foi concerne l'йternitй et le temps; c'est
pourquoi elle peut parvenir а agir. Et pour cela, dans l'autoritй rapportйe, il
est fait plus mention de l'espйrance que de la foi, quand on dit qu'il a cru "contre
toute espйrance."
q. 6 a. 9 ad 11 Ad
decimumprimum dicendum, quod obiectum spei est arduum consequendum, non autem
arduum faciendum. # 11. L'objet de l'espйrance est d'obtenir ce qui est ardu, non de le
faire.
q. 6 a. 9 ad 12 Ad
decimumsecundum dicendum, quod spei respondet divina potentia secundum
sublimitatem suae maiestatis, in cuius consecutionem spes tendit; sed ipsi
potentiae, secundum quod est mirabilium effectiva, praecipue innititur fides. # 12. A l'espйrance rйpond la puissance divine, selon la sublimitй de
sa majestй, que l'espйrance tend а obtenir. Mais la foi s'appuie surtout sur la
puissance mкme selon qu'elle fait de miracles.
q. 6 a. 9 ad 13 Ad
decimumtertium dicendum, quod publica iustitia est ex fide, per quam tota Ecclesia
iustificatur, secundum illud Rom. III, 22: iustitia autem Dei per fidem Iesu
Christi. # 13. La justice publique vient de la foi, par laquelle toute l'Йglise
est justifiйe, selon cette parole de Rm. 3, 22: "La justice de Dieu par la
foi en Jйsus Christ."
q. 6 a. 9 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod
fortitudo in passionibus tolerandis, et constantia confessionis erat in
martyribus propter fidei firmitatem. # 14. Les martyrs possйdaient la force pour supporter les passions, et
la fermetй de la confession а cause de la fermetй de leur foi.
q. 6 a. 9 ad 15 Ad
decimumquintum dicendum, quod etiam abstinentia ad miracula facienda
cooperatur, non tamen ita principaliter sicut fides. # 15. Mкme l'abstinence coopиre pour faire des miracles, non cependant
de faзon aussi importance que la foi.
q. 6 a. 9 ad 16 Ad
decimumsextum dicendum, quod licet feminam non cognoscere et semper cum femina
commorari, sit difficile, non tamen est miraculum, proprie miraculo sumpto; cum
ex virtute creata dependeat, scilicet libero arbitrio. # 16. Bien que ne pas connaоtre une femme et demeurer toujours avec
elle soit difficile, ce n'est cependant pas un miracle, en prenant le miracle
au sens propre, puisqu'il dйpend de la vertu crййe, c'est-а-dire du libre
arbitre.
q. 6 a. 9 ad 17 Ad
decimumseptimum dicendum, quod abusus miraculorum in his qui miraculis
detrahebant non aufert eorum efficaciam ad fidem confirmandam, quantum ad illos
qui erant bene dispositi. # 17. Le mauvais usage des miracles en ceux qui les dйnigraient,
n'enlиve pas leur efficacitй pour confirmer la foi, pour ceux qui йtaient bien
disposйs.
q. 6 a. 9 ad 18 Ad
decimumoctavum dicendum, quod fides Petri et Andreae commendatur propter
promptitudinem credendi, quae tanto maior fuit, quanto minoribus adminiculis
indiguit ad credendum: inter quae adminicula per se sunt miracula. # 18. La foi de Pierre et d'Andrй est recommandйe а cause de leur
promptitude а croire, qui est d'autant plus grande qu'elle a eu besoin de plus
petites aides pour croire. Parmi ces aides en soi, il y a les miracles.
q. 6 a. 9 ad 19 Ad
decimumnonum dicendum, quod fides non est sufficiens causa ad miracula
facienda, sed dispositio quaedam. Fiunt autem miracula secundum ordinem divinae
providentiae, quae hominibus congrua remedia pro variis causis diversimode
dispensat.
# 19. La foi n'est pas une cause suffisante pour faire des miracles, il
y faut une certaine disposition. Mais les miracles sont faits selon l'ordre de
la providence divine, qui dispense aux hommes de diverses maniиres des remиdes
convenables pour des causes variйes.
[1] Parall.: II/IIж, qu. 178, a.
1, ad 5 — I/II, qu. 111, a. 4 — CG. III, 154 – Pot. qu. 6, a. 4.— I sent.
d48q1a.2, ad. 3 — Opusc. LX, a. 15.
[2]
Il s'agit des charismes.
[3]
"…si deux d'entre vous unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit,
cela leur sera accordй par mon Pиre." (B.J.)
[4]
Id. en B.J. Il s'agit des paroles de l'aveugle-nй, guйri par Jйsus.
[5]
"Celui qui s'unit au Seigneur…n'est avec lui qu'un seul esprit."
(B.J.).
[6]
"(Ni circoncision, ni incirconcision ne comptent), mais seulement la foi,
opйrant par la charitй." (B.J.).
[7]
Cf. qu. 6, a. 2, obj. 6.
q. 6 a. 10 tit. 1
Decimo quaeritur utrum Daemones cogantur aliquibus sensibilibus et corporalibus
rebus, factis aut verbis, ad miracula facienda, quae per magicas artes fieri
videntur. Et videtur quod sic. Il semble que oui[1]. Objections: q. 6 a. 10
arg. 1 Dicit enim Augustinus, introducens verba Porphyrii, quod quidam in
Chaldaea tactus invidia, adiuratas spirituales potentias precibus alligavit, ne
ab alio postulata concederent. Et in 21 eiusdem Lib. dicit: non potuit primum
nisi, Daemonibus dicentibus, disci: quid quisque illorum appetat, quid
exhorreat, quo invitetur nomine, quo cogatur. Ergo Daemones a magis coguntur ad
magica facienda. 1. Car Augustin dit (La citй de
Dieu, X, 9[2]), rapportant les paroles de
Porphyre, que quelqu'un, en Chaldйe, touchй par l'envie, lia des puissances
spirituelles conjurйes par des priиres, pour qu'elles n'accordent pas ce qui
йtait demandй par un autre. Et au chapitre 21 du mкme livre, il dit: "Il
ne put apprendre que par des dйmons qui parlaient, ce que chacun d'eux demande,
ce qu'il dйteste, par quel nom il est invitй, par qui il est contraint."
Donc les dйmons sont forcйs par des magiciens а faire des choses magiques. q. 6 a.
10 arg. 2 Praeterea, quicumque facit aliquid contra suam voluntatem, aliquo
modo cogitur. Sed Daemones aliquando faciunt aliquid contra suam voluntatem per
magos adiurati. Est enim voluntas Daemonis semper ad inducendum homines in
peccatum, et tamen aliquis magica arte, ad turpem amorem incitatus, eadem arte
a violentia incitationis solvitur. Ergo Daemones
coguntur a magis. 2. Quiconque agit contre sa volontй, est forcй en quelque maniиre. Mais
les dйmons quelquefois agissent contre leur volontй, adjurйs par des magiciens.
Car c'est la volontй du dйmon de toujours pousser les hommes au pйchй, et
cependant quelqu'un, par un art magique, incitй а un amour honteux, est
affranchi, par le mкme art, de la violence de l'incitation. Donc les dйmons
sont contraints par les magiciens. q. 6 a. 10 arg. 3
Praeterea, de Salomone legitur, quod quosdam exorcismos fecit quibus Daemones
cogebantur ut ex obsessis corporibus recederent. Ergo per adiurationes Daemones
cogi possunt. 3. On lit а propos de Salomon, qu'il fit quelques exorcismes par
lesquels les dйmons йtaient forcйs de partir des corps possйdйs. Donc les
dйmons peuvent кtre forcйs par des adjurations q. 6 a. 10 arg. 4
Praeterea, si Daemones advocati a mago veniunt, aut hoc est quia alliciuntur,
aut quia coguntur. Sed non semper
advocati alliciuntur: advocantur enim per quaedam quae Daemones odiunt, sicut
per virginitatem imprecantis, cum tamen ipsi ad incestos concubitus homines
deducere non morentur. Ergo videtur quod aliquando cogantur. 4. Si les dйmons, appelйs par un magicien viennent, ou c'est parce
qu'ils sont attirйs ou parce qu'ils sont forcйs, mais appelйs, ils ne sont pas
toujours attirйs, car ils sont appelйs par certaines choses qu'ils haпssent,
comme la virginitй de celui qui prie, alors que cependant eux-mкmes n'hйsitent
pas а amener les hommes а des enlacements incestueux. Donc il semble que
quelquefois ils sont contraints. q. 6 a. 10 arg. 5
Praeterea, studium Daemonum est ut homines a Deo avertant. Sed ipsi advocati
per aliqua quae reverentiam Dei sonant, sicut per invocationem divinae
maiestatis, adveniunt. Ergo non propria voluntate hoc faciunt, sed coacti. 5. Les dйmons ont du zиle pour dйtourner les hommes de Dieu. Mais
appelйs par ce qui cйlиbre la rйvйrence de Dieu, comme par l'invocation de sa majestй
divine, ils viennent. Donc ils ne font pas cela par leur propre volontй, mais
contraints. q. 6 a. 10 arg. 6
Praeterea, si alliciantur aliquibus sensibilibus, non alliciuntur eis sicut
animalia cibis, sed sicut spiritus signis, quaecumque delectationi congruunt,
per varia genera lapidum, herbarum, lignorum, animalium, carminum, rituum, ut
Augustinus dicit. Sed signis allici non videntur: eius enim allici signis est
cuius est signis uti, quod quidem est solum habentis sensum, nam signum est
quod praeter speciem quam ingerit sensibus facit aliquid aliud in agnitionem
venire. Ergo Daemones nullo modo alliciuntur, sed magis coguntur. 6. S'ils sont attirйs par ce qui est sensible, ils ne le sont pas comme
les animaux par la nourriture, mais comme les esprit par les signes, а quelque
plaisir qu'ils s'accordent par les diffйrents espиces de pierres, d'herbes, de
bois, d'animaux, de chants, de rites comme Augustin le dit (La citй de Dieu, XX1, 6[3]).
Mais ils ne semblent pas кtre attirйs par les signes, car кtre attirй par les
signes (convient) а celui qui s'en sert, ce qui n'appartient seulement qu'а
celui qui a des sens, car le signe au-delа de l'image, qu'il insиre dans les
sens, fait venir quelque chose d'autre а la connaissance. Donc les dйmons ne
sont attirйs en aucune maniиre, mais ils sont plutфt contraints. q. 6 a. 10 arg. 7 Praeterea, Matth. XVII, 14,
dixit quidam ad Iesum: Domine, miserere filio meo, quia lunaticus est et male
patitur. In Marco autem, cap. IX, 16, dicitur: Attuli
filium meum ad te habentem spiritum mutum. Dicit autem Glossa super verbo
praedicto Matth.: hunc Marcus surdum et mutum dicit quem Matthaeus nominat
lunaticum, non quod luna Daemonibus serviat, sed Daemon lunae cursum observans
homines corrumpit. Videtur ergo quod per observationem caelestium corporum et
aliorum corporalium, Daemones ad aliquid faciendum cogantur. 7. En Mt. 17, 14, quelqu'un dit а Jйsus: "Seigneur, aie pitiй de
mon fils, parce qu'il est lunatique et il souffre beaucoup." En Mc 9, 16,
il est dit: "Je t'ai amenй mon fils; il a un esprit muet." La glose
(ordinaire) dit sur le mot de Mt.: "Marc appelle sourd et muet, celui que
Matthieu appelle lunatique, non que la lune soit soumise aux dйmons, mais le
dйmon en observant le cours de la lune, corrompt les hommes." Donc il
semble que par l'observation des corps cйlestes, et d'autres choses
corporelles, les dйmons soient forcйs а faire quelque chose. q. 6 a. 10 arg. 8
Praeterea, cum Daemones ex superbia peccaverint, non est probabile quod alliciantur
illis quae eorum excellentiae derogare videntur. Advocantur autem per
convocationes virtutis ipsorum, et per mendacia incredibilia quae derogant
scientiae ipsorum. Unde Augustinus dicit in X Lib. de civitate Dei, introducens
verba Porphyrii, sic dicentis: Quid enim homo vitio cuilibet obnoxius intendit
minas, eosque territat falso ut eis extorqueat veritatem, nam et caelum se
collidere minatur et cetera similia, homini impossibilia, ut illi dii, tamquam
insipientissimi pueri, falsis et ridiculosis comminationibus territi quae
imperantur efficiant? Ergo Daemones non alliciuntur sed coguntur advocati. 8. Comme les dйmons ont pйchй par orgueil, il n'est pas probable qu'ils
soient attirйs par ce qui semble dйroger а leur excellence. Mais on les fait
venir par un appel а leur vertu, et par les mensonges incroyables qui dйrogent
а leur science. C'est pourquoi Augustin (La
citй de Dieu, X, 11[4]) rapporte les
paroles de Porphyre, qui parle ainsi, "Car en quoi l'homme attachй а
n'importe quel vice les menace, et les frappe d'йpouvante par un mensonge, pour
leur extorquer la vйritй, car il menace le ciel de se dйtruire et autres choses
semblables, impossibles а l'homme, pour que ces dieux, comme des enfants tout а
fait stupides, terrifiйs par des menaces fausses et ridicules, accomplissent ce
qui est commandй?" Donc les dйmons ne sont pas attirйs mais une fois
appelйs, ils sont contraints. q. 6 a. 10 arg. 9
Praeterea voluntas Daemonis ad hoc tendit, ut homines in culturam idolorum
deiiciat; quod quidem praecipue fit per hoc quod spiritus Daemonum imaginibus
adsunt. Si autem propria sponte advocati venirent, semper ad talia venirent.
Non autem veniunt, nisi certis temporibus observatis, et determinatis
carminibus et ritibus, imaginibus consecratis, vel potius execratis. Non ergo
Daemones advocantur quasi allecti, sed quasi coacti. 9. La volontй du dйmon tend а faire tomber les hommes dans le culte des
idoles, ce qui se fait surtout parce que les esprits des dйmons sont prйsents
dans les images. Mais si appelйs, ils venaient toujours de leur propre
mouvement, ils viendrait toujours а de tels appels. Mais ils ne viennent qu'а
certaines йpoques qu'ils ont observйes, et par des chants et des rites prйcis,
par les images consacrйes, ou plutфt maudites. Donc les dйmons sont appelйs non
pas comme attirйs, mais comme contraints. q. 6 a. 10 arg. 10 Praeterea aliquando Daemones
magicis artibus advocantur, ut homines ad turpem amorem inclinent. Hoc autem
Daemones propria voluntate facere intendunt. Non ergo esset opus ut
allicerentur si semper hoc facerent advocati. Non semper autem hoc faciunt. Ergo
quando faciunt, advocantur non ut allecti, sed quasi coacti. 10. Quelquefois les dйmons sont appelйs par les arts magiques, pour
pousser les hommes а un amour honteux. Mais cela les dйmons tendent а le faire
de leur propre volontй. Donc ce ne serait pas la peine de les attirer si
toujours ils le faisaient une fois appelйs. Mais ils ne le font pas toujours.
Donc quand il le font, ils sont appelйs, non comme attirйs mais comme
contraints. En sens contraire: q. 6 a. 10 s. c. 1
Sed contra. Est quod dicitur Iob XLI, 24: Non est potestas super terram quae ei
possit comparari scilicet Diabolo. Maior autem potestas non cogitur a minori.
Ergo per nihil terrenum Daemones cogi possunt. 1. En Job, (41, 24) il est dit: "Il n'y a pas sur terre de
puissance qui puisse lui кtre comparйe[5]",
а savoir а celle du diable. Mais un plus grande puissance n'est pas contrainte
par une plus petite. Donc les dйmons ne peuvent кtre contraints par rien de
terrestre. q. 6 a. 10 s. c. 2
Praeterea, non est eiusdem invocari et cogi. Invocantur enim maiores, ut Porphyrius dicit, sed peioribus imperatur. Daemones
autem veniunt advocati. Ergo non coguntur. 2. Ce n'est pas la mкme chose d'кtre appelй et d'кtre forcй. Car on
appelle les plus grands, comme Porphyre le dit, mais on commande aux plus
mauvais; mais des dйmons viennent (s'ils sont) appelйs. Donc ils ne sont pas
contraints. q. 6 a. 10 s. c. 3
Sed dicendum, quod coguntur virtute divina.- Sed contra, cogere Daemones ex virtute divina est per donum gratiae, quo
perficitur ordo caelestium potestatum. Hoc autem donum gratiae non adest
infidelibus, et hominibus sceleratis quales sunt magi. Ergo nec etiam virtute
divina Daemones cogere possunt. 3. Mais il faut dire qu'ils sont contraints par le pouvoir divin.— En
sens contraire contraindre les dйmons par le pouvoir divin vient par un don de
la grвce, par lequel l'ordre des puissances cйlestes est achevй. Mais ce don de
la grвce n'est pas pour les infidиles, ni pour les scйlйrats, tels que les
magiciens. Donc les dйmons ne peuvent pas non plus contraindre par la puissance
divine. q. 6 a. 10 s. c. 4
Praeterea, facere ea quae divina virtute principaliter fiunt, non est peccatum,
sicut facere miracula. Si ergo magi virtute divina Daemones cogerent, utendo
magicis artibus non peccarent, quod patet esse falsum. Non ergo Daemones aliquo
modo magicis artibus coguntur. 4. Faire ce qui est fait principalement par la puissance divine n'est
pas un pйchй, comme faire des miracles. Donc si les magiciens contraignaient
les dйmons par la puissance divine, en se servant d'arts magiques, ils ne
pиcheraient pas, ce qui йvidemment faux. Donc les dйmons ne sont pas contraints
de quelque maniиre par les arts magiques. Rйponse: q. 6 a. 10
co. Respondeo. Dicendum quod circa effectus magicarum artium multiplex fuit
opinio. Quidam enim dixerunt, sicut Alexander, quod effectus
magicarum artium fit per aliquas potentias et virtutes in rebus inferioribus generatas
ex virtutibus quorumdam inferiorum corporum, cum observatione caelestium
motuum. Unde Augustinus dicit, quod Porphyrio videtur, herbis et lapidibus et
animantibus et sonis certis quibusdam ac vocibus et figurationibus atque
figmentis quibusdam, etiam observatis in caeli conversione motibus sidereis,
fabricari in terra ab hominibus potestates idoneas siderum variis effectibus
exequendis. A propos des effets des arts magiques, il y eut de nombreuses opinions. a) Certains ont dit, comme Alexandre[6],
que l'effet des arts magiques se fait par des puissances et des pouvoirs
engendrйs dans les choses infйrieures, par les pouvoirs de certains corps
infйrieurs, et en observant les mouvements du ciel. C'est pourquoi Augustin dit
(La Citй de Dieu, X, 1) qu'il semble
а Porphyre, que par des herbes, des pierres, des кtres animйs, certains sons,
des voix, des images, et aussi certaines reprйsentations observйes dans le ciel
par les mouvements des йtoiles, des pouvoir capables d'accompagner diffйrents
effets des astres sont fabriquйs sur terre par des hommes. Haec autem positio insufficiens videtur. Licet enim ad
aliqua quae magicis artibus fieri videntur, naturalium corporum superiorum et
inferiorum vires sufficere possint,- sicut ad quasdam corporum
transmutationes,- quaedam tamen fiunt magicis artibus ad quae nulla vis
corporalis se extendere potest. Constat vero quod locutio non est nisi ab
intellectu. Per magicas autem artes aliquae locutiones aliquorum respondentium
audiuntur; unde et oportet quod hoc fiat per aliquem intellectum, et praecipue
cum de aliquibus occultis per huiusmodi responsa homines doceantur. Mais cette opinion semble insuffisante. Car, bien que pour certaines
choses qui semblent faites par les arts magiques, les forces des corps naturels
supйrieurs et infйrieurs puissent suffire, — comme pour certaines
transformations des corps, — certaines, cependant sont faites par les arts
magiques, auxquels nulle puissance corporelle ne peut s'йtendre. Mais il est
clair que l'expression ne vient que de l'esprit. Mais par les arts magiques, on
entend certaines paroles de personnes qui rйpondent; c'est pourquoi il faut que
cela soit fait par un esprit et surtout quand les hommes apprennent de telles
rйponses de maniиre occulte sur des choses cachйes. Nec potest dici, quod hoc fiat per immutationem
imaginationis solius per modum praestigii: quia tunc istae voces non ab omnibus
circumstantibus audirentur, nec a vigilantibus et habentibus sensus solutos
istae voces audiri possent. Et on ne peut pas dire que cela se fait par le changement de la seule
imagination par imposture, parce que, alors, ces voix ne seraient pas entendues
par tous ceux qui sont autour, ni par des personnes йveillйes et qui ont des
sens sans entraves. Unde relinquitur quod fiant vel ex virtute animae hominis
magicis artibus utentis, aut fiant ab aliquo exteriori intellectum habente. Primum autem esse non potest: quod patet ex duobus: primo quidem, quia anima hominis ex sua virtute non potest
venire ad cognitionem ignotorum nisi per aliqua sibi nota; unde ex voluntate
animae hominis non potest fieri revelatio occultorum quae fit per magicas
artes, cum ad huiusmodi occulta facienda non sufficiant principia rationis. C'est pourquoi il reste que c'est fait par le pouvoir de l'вme d'un
hommes qui se sert des arts magiques, ou c'est fait par quelqu'un d'extйrieur
qui a un esprit. 1) Premiиrement cela est impossible, ce qui paraоt pour deux raisons: a) Parce que l'вme de l'homme par son pouvoir ne peut en venir а
connaоtre ce qu'il ignore que par l'intermйdiaire du connu; c'est pourquoi la
rйvйlation de ce qui est cachй qui se fait par les arts magiques ne peut pas se
faire par la volontй de l'вme humaine, puisque pour faire des choses cachйes de
ce genre, les principes de la raison ne suffisent pas. Secundo, quia si sua virtute huiusmodi effectus anima magi
faceret, non indigeret uti invocationibus aut aliquibus huiusmodi exterioribus
rebus. Constat autem quod huiusmodi effectus magicarum artium per
aliquos exteriores spiritus fiunt, non autem per spiritus iustos et bonos: quod
quidem ex duobus patet: primo, quia boni spiritus familiaritatem suam sceleratis
hominibus non exhiberent, quales plerumque sunt magicarum artium executores; secundo, quia non cooperarentur hominibus ad illicita
perpetranda, quod plerumque fit per magicas artes. Restat ergo hoc fieri per
malos spiritus quos Daemones dicimus. b) Parce que, si par son pouvoir, l'вme du magicien provoquait un effet
de ce genre, il ne manquerait pas d'utiliser des invocations ou des choses
extйrieures de ce genre. 2) Il est clair que de tels effets des arts magiques sont faits par des
esprits extйrieurs, mais pas par des esprits justes et bons, ce qui paraоt de
deux maniиres: a) Parce que les bons esprits ne montreraient pas leur familiaritй aux
scйlйrats, tels que sont la plupart de ceux qui exercent les arts magiques. b) Parce qu'ils ne collaboreraient pas avec les hommes pour perpйtrer
des actes illicites, ce qui se fait la plupart du temps par les arts magiques.
Donc il reste que cela est fait par des esprits mauvais que nous appelons
dйmons. Huiusmodi autem Daemones possunt intelligi cogi dupliciter: uno modo per aliquam superiorem virtutem, quae eis
necessitatem faciendi inducat; alio modo per modum allectionis, sicut homines dicuntur ad
aliquid cogi cuius concupiscentia alliciuntur. Mais on comprend que de tels dйmons peuvent кtre contraints de deux
maniиres: 1) Par un pouvoir supйrieur, qui les conduit а la nйcessitй de le faire; 2) au moyen d'un enrфlement, de mкme que pour les hommes on dit qu'ils
sont forcйs de faire ce qui les attire par concupiscence. Neutro autem modo rebus corporalibus, per se loquendo,
Daemones cogi possunt nisi supponantur habere corpora aerea naturaliter sibi
unita et per consequens habere sensibiles affectiones ad modum aliorum
animalium, sicut et Apuleius posuit Daemones esse animalia corpore aerea, anima
passiva. Sic enim cogi possent, utroque modo, corporali virtute et corporum
caelestium (ex quorum impressionibus in aliquas passiones inducerentur) et
etiam inferioribus corporibus in quibus delectarentur, sicut Apuleius dicit: et
delectantur in fumis sacrificiorum et in aliquibus talibus. Sed huius opinionis
falsitas ostensa est in praecedentibus quaestionibus. En aucune maniиre les dйmons ne peuvent кtre contraints par des corps,
а proprement parler, а moins qu'on suppose qu'ils ont des corps aйriens
naturellement unis а eux et par consйquent qu'ils ont des affections sensibles,
а la maniиre des autres кtres animйs. Ainsi Apulйe a pensй que les dйmons
йtaient des кtres animйs, au corps aйrien, а l'вme passive (tirй d'Augustin la Citй de Dieu, VIII, 16). Car ainsi
ils peuvent кtre contraints de deux maniиres, par le pouvoir corporel et celui
des corps cйlestes (par les pressions desquels ils sont amenйs а certaines
passions) et mкme par les corps infйrieurs dont ils se dйlectent, comme Apulйe
le dit: "Et ils se dйlectaient dans la fumйe des sacrifices et autres
choses de ce genre". Mais l'erreur de cette opinion a йtй dйmontrйe dans
les prйcйdentes questions. Restat ergo quod Daemones, per quos magicae artes
complementum habent, et coguntur et alliciuntur. Coguntur quidem a superiori;
quandoque quidem ab ipso Deo, quandoque vero a sanctis et Angelis et hominibus
virtute Dei. B) Il reste donc que les dйmons, qui apportent un complйment aux arts
magiques, sont contraints et attirйs. Ils sont contraints par un supйrieur,
quelquefois par Dieu lui-mкme, quelquefois par les saints, les anges et les
hommes, avec le pouvoir de Dieu. Car on dit qu'il convient а l'ordre des
Puissances d'йcarter les dйmons. Mais de mкme que les saints participent au don
des vertus, dans la mesures oщ ils font des miracles, de mкme ils participent
au don des pouvoirs, dans la mesure oщ ils rejettent les dйmons. Des dйmons
sont forcйs aussi quelquefois par les dйmons supйrieurs, eux-mкmes, seule cette
contrainte peut кtre faite par les arts magiques. Ils sont contraints aussi
comme attirйs par les arts magiques, non par ce qui est corporel en lui-mкme,
mais quelque chose d'autre. Primo quidem, quia per huiusmodi res corporales sciunt
facilius posse compleri effectum ad quem invocantur; et hoc ipsi appetunt, ut
scilicet eorum virtus admirabilis habeatur; et propter hoc sub certa
constellatione advocati magis adveniunt. 1) Parce que, par les corps de ce genre, ils savent qu'ils peuvent plus
facilement accomplir un effet auquel ils sont appelйs et ils le dйsirent pour
que leur pouvoir passe pour admirable, et pour cela ils arrivent plutфt appelйs
sous certaines positions des astres. Secundo, inquantum huiusmodi corporalia sunt
signa aliquorum spiritualium quibus delectantur. Unde Augustinus dicit, quod
alliciuntur Daemones in his rebus, non tamquam animalia cibis, sed quasi
spiritus signis. Quia enim homines in signum subiectionis Deo sacrificium
offerunt et prostrationes faciunt, gaudent huiusmodi reverentiae signa sibi
exhiberi. Alliciuntur autem diversi Daemones diversis signis, secundum quod
diversis vitiis ipsorum magis conveniunt. 2) Dans la mesure oщ les corps de ce genre sont des signes de certaines
choses spirituelles, dont ils se dйlectent. C'est pourquoi Augustin dit (La citй de Dieu XXI, 6) que les dйmons
sont attirйs dans ces choses, non comme les animaux par la nourriture, mais
comme l'esprit par des signes. Car, parce que les hommes en signe de soumission
offrent un sacrifice а Dieu et font des prosternations, ils se rйjouissent
qu'on leur montre des signes de rйvйrences de ce genre. Mais diffйrents dйmons
sont attirйs par des signes diffйrents, ce qui convient а leurs diffйrents
vices. Tertio alliciuntur his corporalibus rebus, inquantum homines
per eas in peccatum adducuntur; et inde est quod alliciuntur mendaciis, et his
quae homines in errorem vel peccatum inducere possunt. 3) Ils sont attirйs par les corps, dans la mesure oщ les hommes sont
conduits par eux au pйchй et de lа vient qu'ils sont attirйs par les mensonges
et par ce qui peut conduire les pйcheurs dans l'erreur et le pйchй. Solutions: q. 6 a. 10 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Daemones dicuntur
cogi per magicas artes modis praedictis. # 1. On dit que les dйmons sont contraints par les arts magiques selon
les maniиres dont on a parlй. q. 6 a. 10 ad 2 Ad secundum dicendum, quod in hoc ipso Daemoni
satisfit, si per hoc quod aliquod malum impedit et ad aliquod bonum cooperatur,
facilius in sui familiaritatem et admirationem homines trahit. Nam et ipsi se
transfigurant in Angelos lucis, sicut habetur II Cor. XI, 14. # 2. Cela satisfait le dйmon, si par ce qui empкche un mal et coopиre а
un bien, il entraоne les hommes plus facilement а кtre familiers avec lui et а
l'admirer. Car eux-mкmes se transforment en anges de lumiиre, comme il est dit
en II Co. 11, 14. q. 6 a. 10 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si Salomon exorcismos
suos eo tempore fecit quando erat in statu salutis, potuit esse in illis
exorcismis vis cogendi Daemones ex virtute divina. Si autem tempore illo fecit
quo idola adoravit, ut intelligatur eum per magicas artes fecisse, non fuit in
illis exorcismis vis cogendi Daemones, nisi modo praedicto. # 3. Si Salomon a pratiquй des exorcismes au temps oщ il йtait dans
l'йtat de salut, il a pu avoir pour cela une force pour contraindre les dйmons
par le pouvoir divin. Mais s'il l'a fait au temps oщ il a adorй les idoles,
pour comprendre alors qu'il l'a fait par les arts magiques, c’est qu’il n'y
eutpas en ces exorcismes la force de contraindre les dйmons, que par la maniиre
dont on a parlй. q. 6 a. 10 ad 4 Ad quartum dicendum, quod a virginibus advocati
adveniunt, ut ex hoc in suae divinitatis opinionem homines adducant, quasi
munditiam ament. # 4. Appelйs par les vierges, ils arrivent pour conduire par cela les
hommes а l'opinion de leur divinitй, comme s'ils aimaient la puretй. q. 6 a. 10 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in hoc etiam quod ad
invocationem divinae virtutis adveniunt, volunt intelligi quod non sint a
divina iustitia omnino exclusi; non enim sic divinitatem appetunt ut summo Deo
velint aequari omnino, sed sub eo, divinitatis cultum sibi ab hominibus
exhiberi gaudent. # 5. En cela aussi qu'ils arrivent а l'appel du pouvoir divin, ils
veulent qu'on comprenne qu'ils ne sont pas exclus tout а fait de la justice
divine, car ils ne dйsirent pas la divinitй pour vouloir tout а fait йgaler le
Dieu Trиs Haut, mais sous lui, ils se rйjouissent du culte de la divinitй que
les hommes leur montrent. q. 6 a. 10 ad 6 Ad sextum dicendum, quod Daemones non dicuntur
allici signis quasi ipsi signis utantur, sed quia homines signis uti
consueverunt, delectantur in signis quibus homines utuntur propter signatum. # 6. On ne dit pas que les dйmons sont attirйs par des signes comme
s'ils s'en servaient, mais parce que les hommes ont l'habitude de s'en servir,
ils se dйlectent dans les signes dont usent les hommes, en vue de ce qui est
signifiй. q. 6 a. 10 ad 7 Ad septimum dicendum, quod sicut Glossa
ordinaria ibidem dicit, Daemones certis periodis lunae homines magis affligunt,
ut creaturas Dei infament, in hoc scilicet quod credantur Daemonibus servire,
et per hoc homines in errorem mittant. # 7. Comme la glose ordinaire le dit ici, les dйmons affligent plus les
hommes pendant certaines pйriodes de lune, pour dйshonorer les crйatures de
Dieu, en cela qu'on croit qu'ils sont asservis aux dйmons et par lа ils font
tomber les hommes dans l'erreur. q. 6 a. 10 ad 8 Ad octavum dicendum, quod licet praedicta
mendacia in derogationem virtutis Daemonum esse videantur, tamen hoc ipsum eis
est delectabile, quod homines in mendaciis confidant: quia ipse est mendax et
pater eius. # 8. Bien que les mensonges rapportйs paraissent кtre dans une
dйrogation du pouvoir des dйmons, cependant cela leur est agrйable que les
hommes aient confiance dans leur mensonge, parce que le dйmon est lui-mкme
menteur et le pиre du mensonge. q. 6 a. 10 ad 9 Ad nonum dicendum, quod ad imagines advocati
adveniunt certis horis et certis signis, rationibus praedictis. # 9. Appelй а se manifester, ils viennent а des heures et des signes
dйterminйs, pour les raisons dйjа dites. q. 6 a. 10 ad 10 Ad decimum dicendum, quod licet semper
Daemones homines desiderent pertrahere in peccata, tunc tamen magis adhuc
nituntur quando magis ad hoc inclinantur, et quando plures possunt inducere in
peccatum. # 10 Bien que les dйmons dйsirent toujours faire tomber les hommes dans
les pйchйs, ils s'y efforcent plus quand ils y sont forcйs et quand ils peuvent
en pousser plusieurs au pйchй.
[1] . Ia, qu. 113, a. 3 ,
ad 3 — qu. 110, a. 4, ad 2 et ad 3. [2]
"Un homme de bien de Chaldйe, dit-il, se plaint que son zиle а purifier
son вme n'ait pas eu de succиs parce qu'un envieux, redoutable thйurge, avait
liй les puissances en les conjurant par des priиres sacrйes." — Voir Citй
de Dieu, X, 10 et X, 11. [3]
"Car lorsque les dйmons s'insinuent dans les crйatures qui ne sont pas leur
ouvrage, mais l'ouvrage de Dieu, ils sont attirйs par des charmes divers comme
leur gйnie; ils ne cиdent pas comme les animaux а l'attrait des aliments, mais
en tant que natures spirituelles а des signes conformes а la fantaisie de
chacun, diffйrentes espиces de pierres, d'herbes, de bois, d'animaux,
enchantements et rites divers." . (Citй de Dieu, XXI, 6, trad. L. Moreau,
p. 235-236) [4]
Cite de Dieu, X, 11, 2: "Comment se fait-il qu'un homme en proie а n'importe
quel vice menace et terrifie par ses mensonges, non un dйmon, ni l'вme d'un
mort, mais le soleil lui-mкme, mкme la lune ou n'importe quel astre, pour leur
extorquer la vйritй?" [5]
Il s'agit de Lйviathan. Cf. Pot. 6, 3, obj. 1. [6]
Cf. Pot. 6, 3, c.
Question 7: La simplicitй de l’essence divine.
q. 7 pr. 1 Et primo quaeritur utrum Deus sit simplex. 1. Dieu est-il simple? q. 7 pr. 2 Secundo utrum in Deo sit substantia vel essentia
idem quod esse. 2. La substance ou l'essence en Dieu sont-elles la mкme chose que son
кtre? q. 7 pr. 3 Tertio utrum Deus sit in aliquo genere. 3. Dieu est-il dans un genre? q. 7 pr. 4 Quarto utrum bonum, iustum, sapiens et huiusmodi
praedicent in Deo accidens. 4. Bon, juste, sage, etc., attribuent-ils un accident а Dieu? q. 7 pr. 5 Quinto utrum
nomina praedicta significent divinam substantiam. 5. Ces noms attribuйs а Dieu signifient-ils sa substance? q. 7 pr. 6 Sexto utrum ista nomina sint synonyma. 6. Ces noms sont-ils synonymes? q. 7 pr. 7 Septimo utrum huiusmodi nomina dicantur de Deo et
creaturis univoce, vel aequivoce. 7. Les noms sont-ils utilisйs pour Dieu et les crйatures de maniиre
univoque ou йquivoque? q. 7 pr. 8 Octavo utrum sit aliqua relatio inter Deum et
creaturam. 8. Y a-t-il une relation entre Dieu et la crйature? q. 7 pr. 9 Nono utrum relationes quae sunt inter Deum et
creaturas, sint relativae in ipsis creaturis. 9. Les relations entre Dieu et les crйatures sont-elles relatives dans
les crйatures mкme? q. 7 pr. 10 Decimo utrum Deus realiter referatur ad creaturam,
ita quod relatio ipsa sit res aliqua in Deo. 10. Dieu est-il rйellement en relation avec la crйature, de sorte que
la relation mкme soit une rйalitй en Dieu? q. 7 pr. 11 Undecimo utrum istae relationes temporales sint in
Deo secundum rationem. 11. Ces relations temporelles en Dieu sont-elles de raison?
1 Ia,
qu. 3, a. 7 — CG. I, 16, 18 —I sent. d8q4a1— Compendium. ch. 9 — Opus
37 De quat. oppos. ch. 4 — De causis
21. 2
Cf. Pot., qu. 2, a. 16. C’est le
raisonnement de tous ceux, dont Avicenne, qui considиrent la crйation par
intermйdiaire (De causis prop. 3, 9, 16, etc.. 3
Entendre apprйhendй par l'esprit. 4
"Ces trois relations, la paternitй, la filiation et la procession sont
appelйes les propriйtйs personnelles, comme les constituant." (Ia, qu. 30, a. 2 c). Chaque personne de
la Trinitй sous une mкme essence a ses propriйtйs personnelles. 5
Le fait de donner un prйdicat, ici une catйgorie. 6Trad.
de M. de Gandillac: "…l'essence, la puissance, l'acte…" 7 Cf. I Sent. d8q4a1, obj. 4. 8
Il s'agit de l'un transcendental. 9
Cf. Raisonnement semblable mais simplifiй en Pot. 6, 6, c. 10
Thomas, n° 183. 11
Suite du texte citй en Ia, qu. 3, a. 7, c. 12
Thomas prйcise en I Sent. d8,q4,a1,
ad 4m. que la propriйtй personnelle ne diffиre pas en rйalitй, et il ajoute: "Mais
comparйe а son corrйlatif, elle produit une distinction rйelle, mais de ce cфtй
il n'y a pas union (Cf. ici ad 10m) et c'est pourquoi il n'y a pas composition.
Cela montre que les noms personnels ne signifient aucune composition en Dieu." 13
"Et rien, ne croyez-vous pas, n'empкche que le mкme acte appartiennent а
deux choses, non comme identique quant а l'essence, mais comme ce qui est en
puissance en face de ce qui est en acte." (Trad. H. Carteron). 14
Entendre l'essence et la relation. 15
Ce qui est "intelligй". La forme est dans l'esprit. 16
Les relations seront йtudiйes dans les articles 8 а 11 et dans la question 8. 17 Cf. I Sent. d8q4a1, ad 3m. 18
Comprendre: il ne peut y avoir d'union entre elles. La composition est une
union, ce qui n'est pas le cas ici.
Article 1: Dieu est-il simple?
q. 7 pr. 1 Et primo quaeritur utrum Deus
sit simplex. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 1 arg. 1 Ab uno enim
simplici non est natum esse nisi unum: idem enim semper facit idem, secundum
philosophum. Sed a Deo procedit multitudo. Ergo ipse non est simplex. 1. Car d'un кtre simple et unique,
ne peut venir qu'un seul кtre2. Car le mкme fait toujours le mкme,
selon le Philosophe (La gйnйration II.) Mais la multiplicitй procиde de
Dieu. Donc il n'est pas simple. q. 7 a. 1 arg. 2 Praeterea, simplex
si attingitur, totum attingitur. Sed Deus a beatis attingitur: quia, ut dicit
Augustinus, attingere mente Deum magna est beatitudo. Si ergo sit simplex,
totus attingitur a beatis. Sed quod totum attingitur, comprehenditur. Ergo Deus
a beatis comprehenditur, quod est impossibile. Ergo Deus non est simplex. 2. Si ce qui est simple est
atteint, il est atteint tout entier. Mais Dieu est atteint par les bienheureux,
parce que, comme le dit Augustin (De videndo Deo), c'est une grande
bйatitude d'atteindre Dieu par l'esprit. Si donc il est simple, il est atteint
tout entier par les bienheureux. Mais ce qui est atteint tout entier, est saisi3. Donc Dieu est saisi par les
bienheureux, ce qui est impossible. Donc Dieu n'est pas simple. q. 7 a. 1 arg. 3 Praeterea, idem non
se habet in ratione diversarum causarum. Sed Deus se habet in ratione diversarum
causarum, ut patet XI Metaph. Ergo in eo oportet esse diversa;
ergo oportet eum esse compositum. 3. Le mкme ne se comprte pas en
raison de causes diverses Mais Dieu oui, comme on le voit en Mйtaphysique
XI. Donc en lui, il faut qu'il y ait la diversitй. Donc il faut qu'il soit
composй. q. 7 a. 1 arg. 4 Praeterea,
ubicumque est aliquid et aliquid, est compositio. Sed in Deo est aliquid et
aliquid, scilicet proprietas et essentia. Ergo in Deo est compositio. 4. Lа oщ il y a une chose et une
autre, il y a composition, mais en Dieu il y a une chose et une autre, а savoir
la propriйtй4 et l'essence. Donc en lui il y a
composition. q. 7 a. 1 arg. 5 Sed dicendum, quod
proprietas est idem quod essentia.- Sed contra: affirmatio et negatio non verificantur de eodem. Sed essentia
divina est communicabilis tribus personis, proprietas autem est incommunicabilis.
Ergo proprietas et essentia non sunt idem. 5. Mais il faut dire que la
propriйtй est la mкme chose que l'essence — En sens contraire:
l'affirmation et la nйgation ne se vйrifient pas d'un mкme objet. Mais
l'essence divine est communicable aux trois personnes, mais la propriйtй est
incommunicable. Donc la propriйtй et l'essence ne sont pas une mкme chose. q. 7 a. 1 arg. 6 Praeterea, de
quocumque praedicantur diversa praedicamenta, illud est compositum. Sed in
divina praedicatione venit substantia et relatio, ut dicit Boetius. Ergo Deus
est compositus. 6. Celui а qui on attribue
diverses catйgories est composй; mais dans l'attribution divine5, on trouve la substance et la
relation, comme le dit Boиce (La Trinitй). Donc Dieu est composй. q. 7 a. 1 arg. 7 Praeterea, in
qualibet re est substantia, virtus et operatio, ut dicit Dionysius; ex quo
videtur quod operatio sequitur virtutem et substantiam. Sed in operationibus
divinis est pluralitas. Ergo in substantia eius invenitur multitudo et
compositio. 7. En toutes choses il y a la
substance, la puissance et l'opйration, comme le dit Denys (La hiйrarchie
cйleste, XI, § 2, 284 D6). A partir de cela, il semble que
l'opйration dйcoule de la puissance et de la substance. Mais il y a pluralitй
dans les opйrations divines. Donc dans sa substance on trouve la pluralitй et
la composition. q. 7 a. 1 arg. 8
Praeterea, ubicumque invenitur multitudo formarum, ibi oportet esse
compositionem. Sed in Deo invenitur multitudo formarum; quia, sicut
dicit Commentator, omnes formae sunt actu in primo motore, sicut sunt in
potentia in prima materia. Ergo in Deo est compositio.
8. Partout oщ l'on trouve la
pluralitй de formes, il faut qu'il y ait composition. Mais en Dieu on trouve la
pluralitй des formes, parce que, comme le dit le Commentateur (Mйtaphysique
XI, com. 18), toutes les formes sont en acte dans le premier moteur, comme
elles sont en puissance dans la matiиre premiиre. Donc en Dieu il y a
composition. q. 7 a. 1 arg. 9 Praeterea,
quidquid advenit alicui rei post esse completum, inest ei accidentaliter. Sed
quaedam dicuntur de Deo ex tempore, sicut quod sit creator et dominus. Ergo
insunt ei accidentaliter. Accidentis autem ad subiectum est aliqua compositio.
Ergo in Deo est compositio. 9. Tout ce qui arrive а une chose
aprиs son кtre complet, est en elle de maniиre accidentelle. Mais certains ont
parlй de Dieu а partir du temps, comme Crйateur et Seigneur. Donc ces attributs
sont en lui de maniиre accidentelle. Mais il y a composition de l'accident avec
le sujet. Donc en Dieu il y a composition. q. 7 a. 1 arg. 10 Praeterea,
ubicumque sunt multae res, ibi est compositio. Sed in Deo sunt tres personae,
quae sunt tres res, ut dicit Augustinus. Ergo in Deo est compositio.
10. Partout oщ les йlйments sont
nombreux7,
il y a composition, mais en Dieu il y a trois Personnes, qui sont trois
"choses", comme le dit Augustin (La doctrine chrйtienne, I,
5). Donc en Dieu il y a composition. En
sens contraire: q. 7 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Est
quod Hilarius dicit: Non humano modo ex compositis est Deus, ut in eo aliud sit quod
habet, et aliud sit ipse qui habet. 1. Il y a ce qu’Hilaire dit au
livre 8 de la Trinitй: «Dieu n'est pas par ses composйs а la maniиre
humaine, de sorte qu'en lui, ce qu'il a et celui qui l'a soient diffйrents».
q. 7 a. 1 s. c. 2 Praeterea,
Boetius dicit: Hoc
vere unum est in quo nullus est numerus. Ubicumque autem est compositio, est
aliquis numerus. Ergo Deus est absque compositione omnino simplex. 2. Boиce dit (La Trinitй )
«Est vraiment un ce en quoi il n’y a aucun nombre8».
Partout oщ il y a composition, il y a un nombre. Donc Dieu est tout а fait
simple, sans composition. Rйponse: q. 7 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod
Deum esse simplicem modis omnibus tenendum est. Quod quidem ad praesens tribus
rationibus potest probari, Il faut tenir pour assurй que Dieu
est simple de toutes les maniиres. Ce qui peut а prйsent кtre prouvй par trois
raisons, dont la premiиre est la suivante: quarum prima talis est: ostensum
est enim in alia disputatione, omnia entia ab uno primo ente esse, quod quidem
primum ens Deum dicimus. Quamvis autem in uno et eodem quod quandoque invenitur
in actu, quandoque in potentia, potentia tempore prius sit actu, natura autem
posterius, simpliciter tamen oportet actum esse priorem potentia, non solum
natura sed tempore, eo quod omne ens in potentia reducitur in actum ab aliquo
ente actu. Illud ergo ens quod omnia entia fecit esse actu, et ipsum a nullo
alio est, oportet esse primum in actu, absque aliqua potentiae permixtione. Nam
si esset aliquo modo in potentia, oporteret aliud ens prius esse per quod
fieret actu. In omni autem composito qualicumque compositione, oportet
potentiam actui commisceri. In compositis enim vel unum eorum ex quibus
est compositio est in potentia ad alterum, ut materia ad formam, subiectum ad
accidens, genus ad differentiam; vel saltem omnes partes sunt in potentia ad
totum.
1) Premiиre raison: On a
montrй, en effet, dans une autre discussion (Pot. 3, 5) que tous les
йtants venaient d'un premier йtant, que nous appelons Dieu. Mais quoique dans
un seul et mкme йtant, que l'on trouve quelquefois en acte, quelquefois en
puissance, la puissance soit chronologiquement avant l'acte, et selon la nature
aprиs, dans l'absolu, il faut que l'acte soit avant la puissance, non seulement
en nature mais chronologiquement, parce que tout йtant en puissance est ramenй
а l'acte par un йtant en acte. Donc cet йtant qui a fait que tous les йtants
sont en acte, et qui lui-mкme ne dйpend d'aucun autre, doit кtre l'кtre premier
en acte sans aucun mйlange de puissance. Car s'il йtait en quelque maniиre en
puissance, il faudrait qu'un autre йtant existe avant par lequel il deviendrait
en acte9.
Dans tout composй, quel qu'il soit en composition, il faut que la puissance
soit mкlйe а l'acte. Car dans les composйs, ou bien l'un d'eux d'oщ vient la
composition est en puissance pour l'autre, comme la matiиre pour la forme, le
sujet pour l'accident, le genre pour la diffйrence, ou bien au moins toutes les
parties sont en puissance pour le tout. Car les parties sont ramenйes а la
matiиre, le tout а la forme, comme on le montre en Physique (III, 3, 195
a 15 ss10),
et ainsi aucun composй ne peut кtre acte premier. Mais l'йtant premier, qui est
Dieu, doit кtre acte pur, comme on l'a montrй. Donc il est impossible qu'il
soit composй, c'est pourquoi il faut qu'il soit tout а fait simple. Secunda ratio est quia cum
compositio non sit nisi ex diversis, ipsa diversa indigent aliquo agente ad hoc
quod uniantur. Non enim diversa, inquantum huiusmodi, unita sunt. Omne autem
compositum habet esse, secundum quod ea, ex quibus componitur, uniuntur.
Oportet ergo quod omne compositum dependeat ab aliquo priore agente. Primum
ergo ens, quod Deus est, a quo sunt omnia, non potest esse compositum. 2) Seconde raison, parce
que, comme la composition ne vient que de parties diverses, celles-ci ont
besoin d'un agent pour les unir. Car en tant que tel, ce qui est divers n'est
pas uni. Mais tout composй a l'кtre selon que ses composants sont unis. Donc il
faut que tout composй dйpende d'un agent premier. Donc l'йtant premier, qui est
Dieu, d'ou vient tout, ne peut pas кtre composй. Tertia ratio est, quia oportet
primum ens, quod Deus est, esse perfectissimum, et per consequens optimum; non
enim rerum principia imperfecta sunt, ut Pythagoras et Leucippus aestimaverunt.
Optimum autem est in quo nihil est quod careat bonitate, sicut albissimum est
in quo nihil nigredinis admiscetur. Hoc autem in nullo composito est possibile.
Nam bonum quod resultat ex compositione partium, per quod totum est bonum, non
inest alicui partium. Unde partes non sunt bonae illa bonitate quae est totius
propria. Oportet ergo id quod est optimum, esse simplicissimum, et omni
compositione carere. Et hanc rationem ponit philosophus et Hilarius ubi dicit, quod Deus, quia lux est, non ex
obscuris coarctatur, neque quia virtus est, ex infirmis continetur.
3) Troisiиme raison: il
faut que le premier йtant, qui est Dieu, soit absolument parfait, et par
consйquent le meilleur, car les principes des choses ne sont pas imparfaits,
comme Pythagore et Leucippe l'ont pensй. Mais le meilleur est celui en qui il
n'y a rien qui manque de bontй, comme le blanc suprкme est ce en quoi rien de
noir n'est mкlй. Mais cela n'est possible dans aucun composй. Car le bien qui
rйsulte de la composition des parties, par lequel le tout est bon, n'est dans
aucune partie. C'est pourquoi les parties ne sont pas bonnes de cette bontй qui
est le propre du tout. Il faut donc que le meilleur soit absolument simple et
ne comporte aucune composition. Et le Philosophe donne cette raison (Mйtaphysique
XI) et Hilaire, (La Trinitй, VII, 27, PL. 10, 223 AB11)
oщ il dit que «Parce que Dieu est lumiиre, il n'est pas contraint par
l'obscuritй, et parce qu'il est puissance il n'est pas contenu par ce qui est
faible.» Solutions: q. 7 a. 1 ad 1 Ad primum ergo
dicendum, quod intentio Aristotelis non est quod ab uno non possit procedere
multitudo. Cum enim agens agat sibi simile, et effectus deficiant a
repraesentatione suae causae, oportet quod illud quod in causa est unitum, in
effectibus multiplicetur; sicut in virtute solis sunt quasi unum omnes formae
generabilium corporum, et tamen in effectibus distinguuntur. Et exinde
contingit quod per unam suam virtutem res aliqua potest inducere diversos
effectus, sicut ignis per suum calorem liquefacit et coagulat, et mollificat et
indurat, et comburit et denigrat. Et homo per virtutem rationis acquirit
diversas scientias, et operatur diversarum artium opera; unde et multo amplius
Deus per unam suam simplicem virtutem potest multa creare. Sed philosophus
intendit, quod aliquid manens idem non facit diversa in diversis temporibus, si
sit agens per necessitatem naturae; nisi forte per accidens hoc contingat ex
diversitate materiae, vel alicuius alterius accidentis. Hoc tamen non est ad
propositum. # 1. La pensйe d'Aristote
n'est pas que la pluralitй ne puisse pas procйder de l'unitй. En effet, comme
l'agent fait du semblable а lui et que les effets sont dйficients par rapport а
la reprйsentation de leur cause, il faut que ce qui est uni dans une cause,
devienne multiple dans les effets; ainsi dans le pouvoir du soleil, il y a
comme une unitй toutes les formes des corps qui peuvent кtre engendrйs, et
cependant elles sont distinguйes dans les effets. Et de lа vient que par une
seule puissance, une chose peut entraоner diffйrents effets, comme le feu par
sa chaleur liquйfie, coagule, ramollit, durcit, brыle et noircit. Et l'homme
par le pouvoir de sa raison acquiert diverses sciences, et produit les
opйrations de divers arts. C'est pourquoi, et beaucoup plus, Dieu par sa
puissance une et simple peut crйer beaucoup d'кtres. Mais le philosophe soutient
que ce qui demeure le mкme ne fait pas de choses diverses dans des temps
diffйrents, s'il est agent par nйcessitй de nature; а moins que par hasard cela
arrive par accident par la diversitй de la matiиre ou de quelque autre
accident. Mais cela n'est pas dans notre propos. q. 7 a. 1 ad 2 Ad secundum
dicendum, quod Deus a beatis mente attingitur totus, non tamen totaliter, quia
modus cognoscibilitatis divinae excedit modum intellectus creati in infinitum;
et ita intellectus creatus non potest Deum ita perfecte intelligere sicut
intelligibilis est, et propter hoc non potest ipsum comprehendere. # 2. Dieu tout entier est atteint
par l'esprit des bienheureux, non cependant totalement, parce que le mode par
lequel Dieu peut кtre connu excиde а l'infini l'esprit crйй; et ainsi celui-ci
ne peut pas comprendre Dieu aussi parfaitement qu'il est intelligible, et c'est
pour cela qu'il ne peut pas le saisir. q. 7 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum,
quod per unum et idem Deus in ratione diversarum causarum se habet: quia, per
hoc quod est actus primus, est agens, et est exemplar omnium formarum, et est
bonitas pura, et per consequens omnium finis. # 3. Dieu ne se comporte pas d'une
seule et mкme maniиre, en raison de causes diverses; parce qu'il est acte
premier, il est l'agent et l'exemplaire de toutes les formes, il est bontй pure
et par consйquent fin de tout.
q. 7 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum,
quod proprietas et essentia in divinis non differunt re, sed ratione tantum:
ipsa enim paternitas est divina essentia, ut post patebit. # 4. La propriйtй et l'essence ne
diffйrent pas rйellement en Dieu12,
mais en raison seulement; car la paternitй elle-mкme est l'essence divine,
comme on le montrera (qu. 8, a. 1). q. 7 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum,
quod de eo quod est idem re et differens ratione, nihil prohibet contradictoria
praedicari, ut dicit philosophus, sicut patet quod idem punctum re, differens
ratione, est principium et finis; et secundum quod est principium, non est
finis, et e contrario. Unde cum essentia et proprietas sint idem re et
differant ratione, nihil prohibet quin unum sit communicabile et aliud
incommunicabile. # 5. Pour ce qui est le
mкme en rйalitй et diffйrent en raison, rien n'empкche d'attribuer des termes
contradictoires, comme le dit le philosophe (Physique, III, 3, 202 b 813),
ainsi il apparaоt que le point, le mкme en rйalitй, diffйrent en raison, est
principe et fin; et selon qu'il est principe, il n'est pas fin, et inversement.
C'est pourquoi comme l'essence et la propriйtй sont une mкme chose en rйalitй
et diffйrente en raison, rien n'empкche que l'une soit communicable et l'autre
incommunicable. q. 7 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum,
quod absoluta et relativa in divinis non differunt secundum rem, sed solum
secundum rationem, ut dictum est; et ideo ex hoc nulla compositio relinquitur. # 6. L'absolu et le relatif14
ne diffиrent pas en Dieu en rйalitй, mais seulement en raison, comme on l'a
dit, et c'est pourquoi а partir de cela il ne reste nulle composition.
q. 7 a. 1 ad 7 Ad
septimum dicendum, quod operatio Dei potest considerari vel ex parte operantis
vel ex parte operati. Si ex parte operantis, sic in Deo non est nisi una
operatio, quae est sua essentia: non enim agit res per actionem aliquam quae
sit media inter Deum et suum velle, quae sunt ipsius esse. Si vero ex parte
operati, sic sunt diversae operationes, ipsum factum, sed per suum intelligere
et diversi effectus divinae operationis. Hoc autem compositionem in ipso non inducit. # 7. L'opйration de Dieu peut кtre
considйrйe du cфtй de celui qui produit ou de ce qui est produit. Si c'est du
cфtй de celui qui produit, il n'y a qu'une opйration en Dieu, qui est son
essence; car il ne fait rien par une action intermйdiaire entre lui et son
vouloir, qui sont son кtre propre. Si c'est du cфtй de ce qui est produit,
il y a diffйrentes opйrations, ce qui est produit mais par son intellection,
les diffйrents effets de l'opйration divine. Mais cela n'entraоne pas de
composition en lui. q. 7 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum,
quod forma effectus invenitur aliter in agente naturali, et aliter in agente
per artem. In agente namque per naturam, invenitur forma effectus secundum quod
agens in sua natura assimilat sibi effectum, eo quod omne agens agit sibi
simile. Quod quidem contingit dupliciter: # 8. La forme de l'effet se trouve
autrement dans l'agent naturel que dans l'agent par art. Dans l'agent par
nature, on trouve la forme de l'effet selon que l'agent fait du semblable а
lui dans sa propre nature, ce que fait tout agent. Cela arrive de deux faзons:
quando enim effectus perfecte
assimilatur agenti, utpote adaequans agentis virtutem, tunc forma effectus est
in agente secundum eamdem rationem, ut patet in agentibus univocis, ut cum
ignis generat ignem; a) en effet, lorsque l'effet
ressemble parfaitement а l'agent, en tant qu'il йgale sa puissance, alors la
forme de l'effet est dans l'agent selon la mкme nature, comme cela apparaоt
dans les agents univoques, comme quand le feu engendre le feu; quando vero effectus non perfecte
assimilatur agenti, utpote non adaequans agentis virtutem, tunc forma effectus
est in agente non secundum eamdem rationem, sed sublimiori modo; ut patet in
agentibus aequivocis, ut cum sol generat ignem. b) mais quand l'effet n'est pas
parfaitement semblable а l'agent, а savoir qu'il n'йgale pas la puissance de
l'agent, alors la forme de l'effet n'est pas dans l'agent selon la mкme nature,
mais sur un mode plus sublime; comme cela apparaоt dans les agents йquivoques,
comme quand le soleil engendre le feu. In agentibus autem per artem,
formae effectuum praeexistunt secundum eamdem rationem, non autem eodem modo
essendi, nam in effectibus habent esse materiale, in mente vero artificis
habent esse intelligibile. Cum autem in intellectu dicatur esse aliquid sicut
id quod intelligitur, et sicut species qua intelligitur, formae artis sunt in
mente artificis sicut id quo intelligitur. Nam ex hoc quod artifex concipit
formam artificiati, producit eam in materia. Mais dans les agents qui agissent par
art, les formes des effets prйexistent selon une mкme raison, mais non
selon la mкme maniиre d'кtre, car ils ont l'кtre matйriel dans les effets, et
l'кtre intelligible dans l'esprit de l'artisan. Mais comme on dit qu'il y a une
chose dans l'esprit comme ce qui est pensй15,
et comme la forme (species) par laquelle on la pense, les formes de
l'art sont dans l'esprit de l'artisan comme ce qui est pensй. Car du fait que
l'artisan conзoit la forme de l'њuvre, il la produit dans la matiиre. Utroque autem modo formae rerum
sunt in Deo: cum enim ipse agit res per intellectum, non est sine actione
naturae. In inferioribus autem artificibus ars agit virtute extraneae naturae,
qua utitur ut instrumento, sicut figulus igne ad coquendum laterem. Sed ars
divina non utitur exteriori natura ad agendum, sed virtute propriae naturae
facit suum effectum. Formae ergo rerum sunt in natura divina ut
in virtute operativa, non secundum eamdem rationem, cum nullus effectus virtutem
illam adaequet. Unde
sunt ibi ut unum omnes formae quae in effectibus multiplicantur; et sic nulla
provenit inde compositio. Similiter in intellectu eius sunt multa intellecta
per unum et idem, quod est sua essentia. Quod autem per unum intelligantur multa,
non inducit compositionem intelligentis; unde nec ex hac parte sequitur
compositio in Deo. Les formes des choses sont en Dieu
de l'une et l'autre maniиre. Quand, en effet, lui-mкme fait les choses par son
intellect, ce n'est pas sans l'action de la nature. Mais dans les њuvres d'art
infйrieures, l'art agit avec le pouvoir de la nature extйrieure, dont il se
sert comme d'un instrument, comme le briquetier pour cuire l'argile par le feu.
Mais l'art divin ne se sert pas de la nature extйrieure pour agir, mais il
produit son effet par la puissance de sa propre nature. Donc les formes sont
dans la nature divine comme dans un pouvoir opйratif, non selon la mкme nature,
puisque aucun effet n'йgale son pouvoir. C'est pourquoi, il y a lа en tant
qu'unitй toutes les formes qui sont multipliйes dans les effets et ainsi il
n'en provient aucune composition. De la mкme maniиre, dans son intellect, il y
a beaucoup de choses saisies par l'un et le mкme, qui est son essence. Le fait
que beaucoup de choses soient pensйes dans l'unitй, n'entraоne pas la
composition de celui qui les pense, c'est pourquoi de ce cфtй il ne dйcoule pas
de composition en Dieu. q. 7 a.
1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod relationes quae dicuntur de Deo ex tempore, non
sunt in ipso realiter, sed solum secundum rationem. Ibi enim est realis relatio
ubi realiter aliquid dependet ab altero, vel simpliciter vel secundum quid. Et
propter hoc scientiae est realis relatio ad scibile, non autem e converso, sed
secundum rationem tantum, ut patet per philosophum. Et ideo cum Deus ab altero
nullo dependeat, sed e converso omnia ab ipso dependeant, in rebus aliis sunt
relationes ad Deum reales, in ipso autem ad res secundum rationem tantum, prout
intellectus non potest intelligere relationem huius ad illud, nisi e converso
intelligat relationem illius ad hoc. # 9. Les relations16
qui sont dites de Dieu dans le temps, ne sont pas en lui rйellement, mais
seulement en raison. Car il y a relation rйelle lа oщ une chose dйpend
rйellement d'une autre, ou absolument ou relativement. Et c'est pour cela que
la relation de la science au connaissable est rйelle, pas inversement; mais en
raison seulement, comme le montre le Philosophe (Mйtaphysique V, 5, 1021
a 26 ss). Et c'est pourquoi, comme Dieu ne dйpend d'aucun autre, mais
qu'inversement tout dйpend de lui, dans les autres choses les relations а Dieu
sont rйelles, mais en lui la relation aux crйatures est en raison seulement,
dans la mesure oщ l'esprit ne peut comprendre la relation de celui-ci а
celui-lа, qu'en ne comprenant inversement la relation de celui-lа а celui-ci17.
q. 7 a. 1 ad 10 Ad decimum
dicendum, quod pluralitas personarum nullam compositionem in Deo inducit.
Personae enim dupliciter possunt considerari. # 10. La pluralitй des personnes
n'amиne aucune composition en Dieu. Car les personnes peuvent кtre considйrйes
de deux maniиres:
Uno modo secundum quod comparantur
ad essentiam, cum qua sunt idem re; et sic patet quod non relinquitur aliqua
compositio. a) Selon qu'on les compare а
l'essence, avec laquelle elles sont rйellement identiques, et ainsi il apparaоt
qu'il ne reste aucune composition. Alio vero modo
secundum quod comparantur ad invicem; et sic comparantur ut distinctae, non
adunatae. Et propter
hoc nec ex hac parte potest esse compositio, nam omnis compositio est unio. b) Selon qu'on les compare entre
elles; et ainsi on les compare comme distinctes, sans кtre unies. Et c'est pour
cela qu’il ne peut pas y avoir de composition de ce cфtй car toute composition
est union18.
1 Ia, qu. 3, a. 7 — CG. I, 16,
18 —I sent. d8q4a1— Compendium. ch. 9 — Opus 37 De quat.
oppos. ch. 4 — De causis 21. 2 Cf. Pot., qu. 2, a. 16. C’est le
raisonnement de tous ceux, dont Avicenne, qui considиrent la crйation par
intermйdiaire (De causis prop. 3, 9, 16, etc.. 3 Entendre apprйhendй par l'esprit. 4 «Ces trois relations, la paternitй, la
filiation et la procession sont appelйes les propriйtйs personnelles, comme les
constituant.» (Ia, qu. 30, a. 2 c). Chaque personne de la Trinitй sous
une mкme essence a ses propriйtйs personnelles. 5 Le fait de donner un prйdicat, ici une
catйgorie. 6Trad. de M. de Gandillac: «…l'essence, la
puissance, l'acte…» 7 Cf. I Sent. d8q4a1, obj. 4. 8 Il s'agit de l'un transcendental. 9 Cf. Raisonnement semblable mais simplifiй en
Pot. 6, 6, c. 10 Thomas, n° 183. 11 Suite du texte citй en Ia, qu. 3, a. 7, c. 12 Thomas prйcise en I Sent. d8,q4,a1, ad
4m. que la propriйtй personnelle ne diffиre pas en rйalitй, et il ajoute: «Mais
comparйe а son corrйlatif, elle produit une distinction rйelle, mais de ce cфtй
il n'y a pas union (Cf. ici ad 10m) et c'est pourquoi il n'y a pas composition.
Cela montre que les noms personnels ne signifient aucune composition en Dieu.» 13 «Et rien, ne croyez-vous pas, n'empкche que le
mкme acte appartiennent а deux choses, non comme identique quant а l'essence,
mais comme ce qui est en puissance en face de ce qui est en acte.» (Trad. H.
Carteron). 14 Entendre l'essence et la relation. 15 Ce qui est « intelligй ». La forme est
dans l'esprit. 16 Les relations seront йtudiйes dans les articles
8 а 11 et dans la question 8. 17 Cf. I Sent. d8q4a1, ad 3m. 18 Comprendre: il ne peut y avoir d'union entre
elles. La composition est une union, ce qui n'est pas le cas ici.
Article 2: La substance ou l’essence en Dieu
sont-elles la mкme chose que son кtre?
q. 7 a. 2 tit. 2 Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 2 arg. 1 Dicit enim Damascenus, in I Lib. Orth. fidei:
[cap. 1 et III] Quoniam quidem Deus est, manifestum est nobis; quid vero sit
secundum substantiam et naturam, incomprehensibile est omnino et ignotum. Non
autem potest esse idem notum et ignotum. Ergo non est idem esse Dei et
substantia vel essentia eius. 1. Car Jean Damascиne dit (La foi
orthodoxe, I, ch. 1 et 3): "Que
Dieu existe est йvident pour nous; mais ce qui concerne sa substance et sa
nature, est tout а fait incomprйhensible et ignorй." Le connu et
l'inconnu ne peuvent pas кtre une mкme chose. Donc l'кtre de Dieu, et sa
substance ou son essence ne sont pas une mкme chose. q. 7 a. 2 arg. 2 Sed diceretur, quod etiam ipsum esse Dei
ignotum est nobis quid sit, sicut et eius substantia.- Sed contra: duae
quaestiones diversae sunt, an est, et quid est; ad quarum unam respondere
scimus, ad aliam vero non, ut etiam ex praedicta auctoritate patet. Ergo id
quod respondet ad an est de Deo, et quod respondet ad quid est, non est idem;
sed ad an est respondet esse; ad quid est, substantia vel natura. 2. Mais on pourrait dire, que
nous ignorons ce qu'est l'кtre de Dieu, comme aussi sa substance2. — En
sens contraire, il y a deux questions diffйrentes: est-il, et qu'est-il; а
l'une nous savons rйpondre, mais а l'autre non, comme on le voit par l'autoritй
ci-dessus3. Donc ce qui rйpond а
"est-il?" au sujet de Dieu,
et ce qui rйpond а "qu'est-il"
ne sont pas une mкme chose, mais au "est-il?"
rйpond l'existence, au "quel est-il?",
la substance ou la nature. q. 7 a. 2 arg. 3 Sed dicendum, quod esse Dei cognoscitur non
per se ipsum, sed per similitudinem creaturae.- Sed contra: in creatura est
esse et substantia vel natura; et cum utrumque habeat a Deo, secundum utrumque
Deo assimilatur, eo quod agens agit sibi simile. Si ergo esse Dei cognoscitur
per similitudinem esse creati, oportet quod eius substantia cognoscatur per
similitudinem substantiae creatae: et sic de Deo sciremus non solum quoniam
est, sed quid est. 3. Mais il faut dire que
l'кtre de Dieu est connu, non en soi, mais par ressemblance avec la crйature. —
En sens contraire: dans
la crйature, il y a l'кtre et la substance ou la nature, et comme elle possиde
l'un et l'autre de Dieu, elle lui ressemble selon l'un et l'autre, parce que
l'agent fait du semblable а soi. Si donc l'кtre de Dieu est connu par sa
ressemblance avec l'кtre crйй, il faut que sa substance soit connue par la
ressemblance de la substance crййe, et ainsi nous saurions de Dieu non
seulement qu'il est, mais ce qu'il est. q. 7 a. 2 arg. 4 Praeterea, unumquodque dicitur differre ab
altero per suam substantiam. Per id autem quod est omnibus commune, nihil ab
altero differt; unde et philosophus dicit, quod ens non debet poni in
definitione, quia per hoc, definitum a nullo distingueretur. Ergo nullius rei
ab aliis distinctae substantia est ipsum esse, cum sit omnibus commune. Sed
Deus est res ab omnibus aliis rebus distincta. Ergo suum esse non est sua
substantia. 4. On dit que chaque chose est diffйrente d'une autre par sa substance.
Rien ne diffиre d'un autre par ce qui est commun а tous; c'est pourquoi le
philosophe dit (Mйtaphysique III, 3,
998 b 224), que l'йtant ne doit pas
кtre placй dans une dйfinition, parce que par lа ce qui est dйfini ne serait
distinguй de rien. Donc, la substance de rien de ce qui est distinguй des
autres n'est l'кtre mкme, puisque l'кtre est commun а tout. Mais Dieu est
diffйrent de toutes les autres choses. Donc son кtre n'est pas sa substance. q. 7 a. 2 arg. 5 Praeterea, non sunt diversae res nisi quarum
est diversum esse. Sed esse huius rei non est diversum ab esse alterius in
quantum est esse, sed in quantum est in tali vel in tali natura. Si ergo
aliquod esse sit, quod non sit in aliqua natura, quae differat ab ipso esse,
hoc non erit diversum ab aliquo alio esse. Et ita sequitur, si divina
substantia est eius esse, quod ipse sit esse cuilibet commune. 5. Les choses ne sont diffйrentes que dans la mesure oщ leur кtre est
diffйrent. Mais l'кtre d'une chose n'est pas diffйrent de celui d'une autre en
tant qu'кtre, mais en tant qu'il est en telle ou telle nature. Donc s'il y
avait un кtre tel qu'il ne soit pas dans une nature diffйrente de l'кtre mкme,
il ne serait pas diffйrent d'un autre кtre. Et ainsi il en dйcoule que si la
substance de Dieu est son кtre, lui-mкme serait un кtre commun а n'importe quel
autre. q. 7 a. 2 arg. 6 Praeterea, ens
cui non fit additio, est ens omnibus commune. Sed si Deus sit ipsum suum esse,
erit ens cui non fit additio. Ergo erit commune; et ita praedicabitur de
unoquoque, et erit Deus mixtus rebus omnibus; quod est haereticum, et contra
philosophum dicentem in Lib. de causis, quod causa prima regit omnes res
praeterquam quod commisceatur cum eis. 6. Un йtant а qui n'est pas fait d'addition, est l’йtant commun а tous5. Mais si Dieu est son кtre mкme, il sera un
йtant sans addition. Donc il sera commun, et ainsi il sera attribuй а n'importe
quoi, et il sera un Dieu mкlй а toutes choses; ce qui est hйrйtique, et contre
le philosophe qui dit dans le Livre des
Causes (prop. 20), que la cause premiиre rйgit toutes choses sans leur кtre
mкlйe. q. 7 a. 2 arg. 7 Praeterea, ei
quod est omnino simplex, non convenit aliquid in concretione dictum. Esse autem huiusmodi est: sic enim videtur se habere esse ad essentiam
sicut album ad albedinem. Ergo inconvenienter dicitur quod divina
substantia sit esse. 7. Rien de ce qui est dit dans le concret ne convient а ce qui est tout
а fait simple. Mais l'кtre est de ce genre; car il semble se comporter
vis-а-vis de l'essence comme le blanc vis-а-vis de la blancheur. Donc il ne
convient pas de dire que la substance de Dieu est son кtre. q. 7 a. 2 arg. 8 Praeterea, Boetius dicit: Omne quod est participat eo quod est esse, ut sit; alio vero participat
ut aliquid sit. Sed
Deus est. Ergo praeter esse suum est in eo aliquid aliud quo habet ut aliquid
sit. 8. Boиce dit (De Hebdom. n°
16, PL 1311 B6): "Tout ce qui est participe а l'кtre, pour
кtre; et participe а autre chose pour кtre quelque chose". Mais Dieu
existe. Donc au-delа de son кtre il y a en lui quelque chose par laquelle il a
d'кtre quelque chose. q. 7 a. 2 arg. 9 Praeterea, Deo,
qui est perfectissimus, id quod est imperfectissimum non est attribuendum. Sed
esse est imperfectissimum, sicut prima materia: sicut enim materia prima
determinatur per omnes formas, ita esse, cum sit imperfectissimum, determinari
habet per omnia propria praedicamenta. Ergo sicut materia prima non est in Deo,
ita nec esse debet divinae substantiae attribui. 9. On ne doit pas attribuer а Dieu, qui est trиs parfait, ce qui est
trиs imparfait7. Mais l'кtre est trиs
imparfait, comme la matiиre premiиre; car de mкme qu'elle est limitйe par
toutes les formes, il en est de mкme pour l'кtre, puisqu'il est trиs imparfait,
il doit кtre limitй par toutes les catйgories particuliиres. Donc de mкme qu’il
n’y a pas de matiиre premiиre en Dieu, de mкme, on ne doit pas attribuer l'кtre
а la substance divine. q. 7 a. 2 arg. 10 Praeterea, id
quod significatur per modum effectus, non convenit substantiae primae, quae non
habet principium. Sed esse est huiusmodi: nam omne ens per principia suae
essentiae habet esse. Ergo substantia Dei inconvenienter dicitur quod sit ipsum
esse. 10. Ce qui est signifiй а la maniиre de l'effet ne convient pas а la
substance premiиre qui n'a pas de principe. Mais l'кtre est de ce genre; car
tout йtant a l'кtre par les principes de son essence. Donc il ne convient pas
de dire que la substance de Dieu est l'кtre mкme. q. 7 a. 2 arg. 11 Praeterea, omnis
propositio est per se nota, in qua idem de ipso praedicatur. Sed si substantia
Dei sit ipsum suum esse, idem erit in subiecto et praedicato, cum dicitur, Deus
est. Ergo erit propositio per se nota: quod videtur esse
falsum, cum sit demonstrabilis. Non ergo ipsum esse Dei est substantia. 11. Est connue par soi toute proposition dans laquelle le mкme est
attribuй а lui-mкme. Mais si la substance de Dieu est son кtre propre, il y
aura la mкme chose dans le sujet et le prйdicat, quand on dit: Dieu est. Donc la proposition sera
connue par soi; ce qui paraоt faux, puisqu'elle peut кtre dйmontrйe. Donc
l'кtre de Dieu n'est pas sa substance. En sens contraire: q. 7 a. 2 s. c. 1 Sed contra. Est quod Hilarius dicit in Lib.
de Trinit.: Esse non est accidens Deo, sed subsistens veritas. Id autem quod
est subsistens, est rei substantia. Ergo esse Dei est eius substantia. 1. Hilaire dit au livre de la Trinitй (VII, PL. 10, 208 B): "L'кtre n'est pas un accident en Dieu, mais
vйritй subsistante". Mais ce qui est subsistant est la substance. Donc
l'кtre de Dieu est sa substance. q. 7 a. 2 s. c. 2. Praeterea, Rabbi Moyses dicit, quod Deus est
ens non in essentia, et vivens non in vita, et est potens non in potentia, et
sapiens non in sapientia. Ergo in Deo non est aliud essentia quam suum esse. 2. Rabbi Moyses8 dit que Dieu
est l'йtant sans essence, le vivant sans vie, le puissant sans puissance, et le
sage sans sagesse9. Donc en Dieu
l'essence n'est pas autre que son кtre. q. 7 a. 2 s. c. 3 Praeterea, unaquaeque res proprie denominatur
a sua quidditate: nomen enim proprie significat substantiam et quidditatem, ut
habetur IV Metaphys. Sed hoc nomen quid est, est inter cetera magis proprium
nomen Dei, ut patet Exod. IV. Cum ergo hoc nomen imponatur ab hoc quod est
esse, videtur quod ipsum esse Dei sit sua substantia. 3. Toute chose est dйnommйe en propre par sa quidditй; car le nom
signifie proprement la substance et la quidditй, comme on le lit en Mйtaphysique IV. Mais ce nom "qui est" est parmi tous les autres
le nom le plus propre de Dieu, comme on le voit en Ex. 4. Comme ce nom est imposй du fait qu'il est l'кtre, il semble
que l'кtre mкme de Dieu est sa substance. Rйponse: q. 7 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod in Deo non est aliud
esse et sua substantia. Ad cuius evidentiam considerandum est quod, cum aliquae
causae effectus diversos producentes communicant in uno effectu, praeter
diversos effectus, oportet quod illud commune producant ex virtute alicuius
superioris causae cuius illud est proprius effectus. Et hoc ideo quia, cum
proprius effectus producatur ab aliqua causa secundum suam propriam naturam vel
formam, diversae causae habentes diversas naturas et formas oportet quod
habeant proprios effectus diversos. En Dieu, l’кtre et la substance ne sont pas diffйrents. Pour le mettre
en йvidence il faut considйrer que, quand des causes qui produisent divers
effets se rencontrent dans un seul effet, en dehors des effets diffйrents, il
faut qu'elles produisent ce qui est commun par le pouvoir d’une cause
supйrieure dont c'est l’effet propre. Et cela, parce que, quand l'effet le plus
propre est produit par une cause selon sa propre nature ou sa propre forme, il
faut que les causes diverses ayant diverses natures et formes, aient divers
effets qui leur sont propres. Unde si in aliquo uno effectu conveniunt, ille non est
proprius alicuius earum, sed alicuius superioris, in cuius virtute agunt; sicut
patet quod diversa complexionata conveniunt in calefaciendo, ut piper, et
zinziber, et similia, quamvis unumquodque eorum habeat suum proprium effectum
diversum ab effectu alterius. Unde effectum communem oportet reducere in
priorem causam cuius sit proprius, scilicet in ignem. Similiter in motibus
caelestibus, sphaerae planetarum singulae habent proprios motus, et cum hoc
habent unum communem, quem oportet esse proprium alicuius sphaerae superioris
omnes revolventis secundum motum diurnum. C'est pourquoi, si elles se rassemblent en un seul effet,
celui-lа n'est pas plus propre а l'une d'elle, mais а une cause supйrieure,
dans le pouvoir de qui elles agissent; ainsi il est clair que divers
ingrйdients mйlangйs s'unissent en chauffant, comme le poivre et le gingembre,
et autres йpices, quoique chacun d'eux ait son propre effet, diffйrent de celui
de l'autre. C'est pourquoi il faut ramener l'effet commun а une cause premiиre
dont elle serait la cause la plus propre, а savoir le feu. De la mкme maniиre,
dans les mouvements cйlestes, chacune des sphиres des planиtes a ses propres
mouvements, et comme elles en ont un en commun, il faut qu'il soit propre а une
sphиre supйrieure qui les met toutes en mouvement selon le mouvement diurne. Omnes autem causae creatae communicant in uno effectu qui
est esse, licet singulae proprios effectus habeant, in quibus distinguuntur.
Calor enim facit calidum esse, et aedificator facit domum esse. Conveniunt
ergo in hoc quod causant esse, sed differunt in hoc quod ignis causat ignem, et
aedificator causat domum. Oportet ergo esse aliquam causam superiorem omnibus cuius virtute
omnia causent esse, et eius esse sit proprius effectus. Et haec causa est Deus.
Mais toutes les causes crййes ont une part en commun dans un seul effet
qui est l'кtre, bien qu'elles aient chacune des effets propres, qui les
distinguent. Car la chaleur chauffe, et l'architecte fait exister une maison.
Donc ils se rassemblent en cela qu'ils causent l'кtre, mais ils sont diffйrents
en cela que le feu cause le feu et l'architecte cause la maison. Il faut donc
qu'il y ait une cause supйrieure а toutes, que par sa puissance toutes causent
l'кtre, et que son кtre soit l'effet le plus propre. Et cette cause c'est Dieu. Proprius autem effectus cuiuslibet causae procedit ab ipsa
secundum similitudinem suae naturae. Oportet ergo quod hoc quod est esse, sit
substantia vel natura Dei. Et propter hoc dicitur in Lib. de causis, quod intelligentia non dat esse nisi in quantum est
divina, et quod primus effectus est esse, et non est ante ipsum creatum
aliquid. Mais l'effet le plus propre de n'importe quelle cause procиde d'elle
selon la ressemblance de sa nature. Il
faut donc que ce qui est l'кtre, soit substance ou nature de Dieu. Et c'est
pourquoi on dit au livre des Causes
(prop. 9) que l'intelligence ne donne l'кtre que dans la mesure oщ elle est
divine, et que le premier effet est l'кtre, et avant lui, il n'y a rien de
crйй. Solutions: q. 7 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ens et esse
dicitur dupliciter, ut patet V Metaph. Quandoque enim significat essentiam rei,
sive actum essendi; quandoque vero significat veritatem propositionis, etiam in
his quae esse non habent: sicut dicimus quod caecitas est, quia verum est
hominem esse caecum. Cum ergo dicat Damascenus, quod esse Dei est nobis
manifestum, accipitur esse Dei secundo modo, et non primo. Primo enim modo est
idem esse Dei quod est substantia: et sicut eius substantia est ignota, ita et
esse. Secundo autem modo scimus quoniam Deus est, quoniam hanc propositionem in
intellectu nostro concipimus ex effectibus ipsius. # 1. L'йtant et l'кtre se disent de deux maniиres, comme on le voit en Mйtaphysique (V, 7, 1017 a 7 — 1017 a
31). Car quelquefois il signifie l'essence
de la chose, ou l'acte d'кtre, mais quelquefois la vйritй de la proposition,
mкme en ce qui n'a pas l'кtre, ainsi nous disons que la cйcitй10 existe parce qu'il est vrai qu'un homme
est aveugle. Donc, comme Jean Damascиne dit que l'кtre de Dieu est pour nous
йvident, c'est prendre l'кtre au second sens, et non au premier. Car, pour le
premier, l'кtre de Dieu est le mкme que sa substance; et de mкme que sa
substance est inconnue, son кtre aussi. De la seconde maniиre, nous savons que
Dieu existe, puisque nous concevons cette proposition dans notre esprit, а
partir de ses effets. q. 7 a. 2 ad 2 Et per hoc patet solutio ad secundum et
tertium. # 2. 3. Et cela donne la solution а la deuxiиme et la troisiиme
objection. q. 7 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod esse divinum, quod est
eius substantia, non est esse commune, sed est esse distinctum a quolibet alio
esse. Unde per ipsum suum esse Deus differt a quolibet alio ente. # 4. L'кtre de Dieu qui est sa substance, n'est pas un кtre commun,
mais un кtre diffйrent de n'importe quel autre. C'est pourquoi par son кtre
propre Dieu diffиre de n'importe quel autre йtant. q. 7 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod sicut dicitur in libro
de Causis, ipsum esse Dei distinguitur et individuatur a quolibet alio esse,
per hoc ipsum quod est esse per se subsistens, et non adveniens alicui naturae
quae sit aliud ab ipso esse. Omne autem aliud esse quod non est subsistens,
oportet quod individuetur per naturam et substantiam quae in tali esse
subsistit. Et in eis verum est quod esse huius est aliud ab esse illius, per
hoc quod est alterius naturae; sicut si esset unus calor per se existens sine
materia vel subiecto, ex hoc ipso ab omni alio calore distingueretur: licet
calores in subiecto existentes non distinguantur nisi per subiecta. # 5. Comme on le dit au Livre des
Causes (prop. 4), l'кtre mкme de Dieu est distinguй et sйparй de n'importe
quel autre кtre, par le fait qu'il est l'кtre subsistant par soi et qu'il ne
s'ajoute а aucune nature qui serait autre que l'кtre mкme. Mais tout autre кtre
qui n'est pas subsistant, doit кtre individualisй par la nature et la substance
qui subsiste dans un tel кtre. Et en eux, il est vrai que l'кtre de l'un est
diffйrent de l'кtre de l'autre, par le fait qu'il est d'une autre nature, comme
s'il y avait une seule chaleur subsistante par soi sans matiиre ou sujet, du
fait qu'elle serait distinguйe de toute autre chaleur; bien que les chaleurs
qui existent dans un sujet ne soient distinguйes que par les sujets
(eux-mкmes). q. 7 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ens commune est cui non
fit additio, de cuius tamen ratione non est ut ei additio fieri non possit; sed
esse divinum est esse cui non fit additio, et de eius ratione est ut ei additio
fieri non possit; unde divinum esse non est esse commune. Sicut et animali
communi non fit additio, in sua ratione, rationalis differentiae; non tamen est
de ratione eius quod ei additio fieri non possit; hoc enim est de ratione
animalis irrationalis, quae est species animalis. # 6. L'йtant commun est celui а qui n'est pas fait d'addition. Il n'est
pas cependant de sa nature qu'une addition ne puisse pas lui кtre faite, mais
l'кtre divin est un кtre а qui ne se fait pas d'addition et il est de sa nature
qu'elle ne puisse pas lui en кtre fait. C'est pourquoi l'кtre divin n'est pas
un кtre commun. De mкme l'addition d'une diffйrence rationnelle n'est pas faite
а l'animal commun dans sa nature, cependant il n'est pas de sa nature que
l'addition ne puisse pas lui кtre faite; car c'est de la nature de l'animal
sans raison, qui est l'espиce animale. q. 7 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod modus significandi in
dictionibus quae a nobis rebus imponuntur sequitur modum intelligendi;
dictiones enim significant intellectuum conceptiones, ut dicitur in principio
Periher. Intellectus autem noster hoc modo intelligit esse quo modo invenitur
in rebus inferioribus a quibus scientiam capit, in quibus esse non est
subsistens, sed inhaerens. Ratio autem invenit quod aliquod esse subsistens sit:
et ideo licet hoc quod dicunt esse, significetur per modum concreationis, tamen
intellectus attribuens esse Deo transcendit modum significandi, attribuens Deo
id quod significatur, non autem modum significandi. # 7. La maniиre de s'exprimer dans des paroles dont nous nous servons
pour les choses, dйcoule de la maniиre de les comprendre; les paroles, en
effet, signifient les conceptions de l'esprit, comme on le dit au commencement
du Periher. (I, 16 a 10 ss.). Mais
notre esprit comprend l'кtre par la maniиre dont il se trouve dans les choses
infйrieures d'oщ il titre sa science, en qui l'кtre n'est pas subsistant, mais
inhйrent. Mais la raison dйcouvre qu'il y a un кtre subsistant; et c'est
pourquoi, bien que ce qu'ils appellent l'кtre
soit signifiй par maniиre de concrйation11,
cependant l'esprit attribuant l'кtre а Dieu transcende le mode de signifier,
attribuant а Dieu ce qui est signifiй, mais non le mode de le signifier. q. 7 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod dictum Boetii
intelligitur de illis quibus esse competit per participationem, non per
essentiam; quod enim per essentiam suam est, si vim locutionis attendamus,
magis debet dici quod est ipsum esse, quam sit id quod est. # 8. La parole de Boиce est comprise de ce а quoi l'кtre convient par
participation, non par essence, car ce qui est par son essence, si on tient
compte de la force de l’expression, doit кtre appelй ce qui est l’кtre mкme
plus que d’кtre ce qu’il est. q. 7 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod hoc quod dico esse est
inter omnia perfectissimum: quod ex hoc patet quia actus est semper perfectio
potentia. Quaelibet autem forma signata non intelligitur in actu nisi per hoc
quod esse ponitur. Nam humanitas vel igneitas potest considerari ut in potentia
materiae existens, vel ut in virtute agentis, aut etiam ut in intellectu: sed
hoc quod habet esse, efficitur actu existens. Unde patet quod hoc quod dico
esse est actualitas omnium actuum, et propter hoc est perfectio omnium
perfectionum. Nec intelligendum est, quod ei quod dico esse, aliquid addatur
quod sit eo formalius, ipsum determinans, sicut actus potentiam: esse enim quod
huiusmodi est, est aliud secundum essentiam ab eo cui additur determinandum.
Nihil autem potest addi ad esse quod sit extraneum ab ipso, cum ab eo nihil sit
extraneum nisi non-ens, quod non potest esse nec forma nec materia. // . # 9 Ce que j'appelle кtre
est entre tout le plus parfait, ce qui le montre c'est que l'acte est toujours
perfection en puissance. N'importe quelle forme signalйe n'est comprise en acte
que par le fait qu'on lui donne l’кtre. Car l'humanitй ou l''ignйitй' peuvent
кtre considйrйes comme existant dans la puissance de la matiиre, ou comme dans
le pouvoir de l'agent, ou aussi comme dans l'esprit; mais ce qui a l'кtre devient un existant en acte. C'est
pourquoi il est clair que ce que j'appelle l'кtre est l'actualitй de tous les actes et c'est pour cela qu'il est
la perfection de toutes les perfections. Et il ne faut pas comprendre qu'а ce
que j'appelle кtre on ajoute quelque
chose de plus formel que lui, qui le dйtermine, comme l'acte (dйtermine) la
puissance; car un кtre qui est de ce
genre est diffйrent selon l'essence de ce а quoi il faut ajouter pour le
particulariser. Mais rien ne peut кtre ajoutй а l'кtre qui lui soit extйrieur, puisque rien en lui n'est extйrieur
sinon le non кtre12, qui ne peut кtre
ni forme ni matiиre. Unde non sic determinatur esse per aliud sicut potentia per
actum, sed magis sicut actus per potentiam. Nam et in definitione formarum
ponuntur propriae materiae loco differentiae, sicut cum dicitur quod anima est
actus corporis physici organici. Et per hunc modum, hoc esse ab illo esse
distinguitur, in quantum est talis vel talis naturae. Et per hoc dicit
Dionysius, quod licet viventia sint nobiliora quam existentia, tamen esse est
nobilius quam vivere: viventia enim non tantum habent vitam, sed cum vita simul
habent et esse. C'est pourquoi, l'кtre n'est pas ainsi particularisй par autre chose
comme la puissance par l'acte, mais plutфt comme l'acte par la puissance. Car
dans la dйfinition des formes, on place les matiиres propres par la diffйrence
du lieu, comme quand on dit que l'вme est l'acte du corps organique. Et de
cette maniиre, cet кtre est distinguй
de cet autre dans la mesure oщ il est de telle ou telle nature. Et par cela
Denys dit (Les noms divins, V, 1, §
5, 820 B13) que, bien que ce qui vit
soit plus noble que ce qui existe, cependant l'кtre est plus noble que la vie,
car ce qui vit n'a pas seulement la vie, mais avec elle, en mкme temps, a aussi
l'кtre14. q. 7 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod secundum ordinem
agentium est ordo finium, ita quod primo agenti respondet finis ultimus, et
proportionaliter per ordinem alii fines aliis agentibus. Si enim considerentur
rector civitatis et dux exercitus et unus singularis miles, constat quod rector
civitatis est prior in ordine agentium, ad cuius imperium dux exercitus ad
bellum procedit; et sub eo est miles, qui secundum ordinationem ducis exercitus
manibus pugnat. Finis autem militis est prosternere hostem; quod ulterius
ordinatur ad victoriam exercitus, quod est finis ducis; et hoc ulterius
ordinatur ad bonum statum civitatis vel regni, quod est finis rectoris et
regis. Esse ergo quod est proprius effectus et finis in operatione primi
agentis oportet quod teneat locum ultimi finis. Finis autem licet sit primum in
intentione, est tamen postremum in operatione, et est effectus aliarum
causarum. Et ideo ipsum esse creatum, quod est proprius effectus respondens
primo agenti, causatur ex aliis principiis, quamvis esse primum causans sit
primum principium. # 10. L'ordre des fins dйpend de celui des agents, de sorte que, la fin
ultime rйpond au premier agent, et proportionnellement par ordre les autres
fins aux autres agents. Car si on considиre le dirigeant de la citй, le gйnйral
de l'armйe et un soldat particulier, il est clair que le dirigeant est avant
dans l'ordre des agents; par son pouvoir le gйnйral procиde а la guerre; et
sous lui il y a le soldat, qui selon l'organisation de l’armйe du gйnйral
combat de ses mains. Mais le but du soldat est d'abattre l'ennemi, ce qui est
ordonnй ensuite а la victoire de l'armйe, qui est le but poursuivi par le
gйnйral, et cela est ensuite ordonnй au bien кtre de la citй ou du royaume, qui
est le but du gouverneur et du roi. Donc il faut que l'кtre qui est l'effet le
plus proche et le but dans l'opйration du premier agent, tienne lieu de but
ultime. Mais bien que le but soit premier dans l'intention, il est cependant dernier
dans l'opйration, et elle est l'effet des autres causes. Et c'est pourquoi
l'кtre mкme, crйй, qui est le plus propre effet qui correspond au premier
agent, est causй par d'autres principes, quoique l'кtre premier qui cause soit le premier principe. q. 7 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod aliqua propositio
est per se nota de se, quae tamen huic vel illi non est per se nota; quando
scilicet praedicatum est de ratione subiecti, et tamen ratio subiecti est
alicui ignota; sicut si aliquis nesciret quid est totum, non esset ei nota ista
propositio per se, omne totum est maius sua parte; huiusmodi enim propositiones
fiunt notae cognitis terminis, ut dicitur I posteriorum. Haec autem propositio,
Deus est, quantum est de se, est per se nota, quia idem est in subiecto et
praedicato; sed quantum ad nos non est per se nota, quia quid est Deus nescimus:
unde apud nos demonstratione indiget, non autem apud illos qui Dei essentiam
vident. # 11. En soi une proposition est connue par soi qui cependant n'est pas
connue par soi par celui-ci ou celui-lа15;
quand quelquefois le prйdicat concerne la notion du sujet, et que cependant
celle-ci est ignorйe par quelqu'un; comme si quelqu'un ignorait ce qu'est le
tout, cette proposition le tout est plus
grand que sa partie ne lui serait connue par soi; car les propositions de
ce genre deviennent connues quand on connaоt les termes, comme il est dit (Les analytiques postйrieurs, I, 74 b
26). Mais cette proposition: Dieu est, quant
а elle, est connue par soi, parce que c'est la mкme notion qui est dans le
sujet et le prйdicat; mais quant а nous, elle n'est pas connue par soi, parce
que nous ignorons ce que Dieu est. C'est pourquoi nous avons besoin d'une
dйmonstration, mais pas ceux qui voient l'essence de Dieu.
Article 3: Dieu est-il dans un genre?
q. 7 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur utrum Deus sit in aliquo
genere. Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 7 a. 3 arg. 1 Dicit enim Damascenus [libro III, caput IV]:
Substantia in divinis significat communem speciem similium specie personarum;
hypostasis autem demonstrat individuum, scilicet patrem et filium et spiritum
sanctum, Petrum et Paulum. Comparatur ergo Deus ad patrem et filium et spiritum
sanctum sicut species ad individua. Sed ubicumque est invenire speciem et
individuum, ibi est invenire genus: quia species constituitur ex genere et
differentia. Ergo videtur quod Deus sit in aliquo genere. 1. Car Jean Damascиne dit (La foi orthodoxe III, 4): "La substance en Dieu signifie la forme
commune des personnes de mкme espиce; mais l'hypostase dйsigne l'individu а
savoir le Pиre, le Fils et l'Esprit saint, Pierre et Paul2." Donc Dieu est comparй au Pиre, au
Fils, а l'Esprit saint, comme l'espиce а l'individu. Mais partout oщ on doit
trouver l'espиce et l'individu, on doit trouver le genre: parce que l'espиce
est constituйe du genre et de la diffйrence. Donc il semble que Dieu est dans
un genre3. q. 7 a. 3 arg. 2 Praeterea, quaecumque sunt et nullo modo
differunt, sunt penitus eadem. Sed Deus non est
idem rebus aliis. Ergo aliquo modo differt ab eis. Omne autem quod ab alio
differt, aliqua differentia ab eo differt. Ergo in Deo est aliqua differentia,
qua differt a rebus aliis. Non autem accidentalis, cum in Deo nullum sit
accidens, ut Boetius dicit in Lib. de Trin. Omnis autem
substantialis differentia est alicuius generis divisiva. Ergo Deus est in
aliquo genere. 2. Tout ce qui est et ne diffиre en aucune maniиre, est tout а fait le
mкme. Mais Dieu n'est pas le mкme que les autres choses. Donc d'une certaine
maniиre il est diffйrent d'elles. Mais tout ce qui est diffиrent d'un autre en
diffиre par une certaine diffйrence. Donc en Dieu il y a une diffйrence par
laquelle il diffиre des autres choses. Mais elle n'est pas accidentelle,
puisqu'en Dieu il n'y a aucun accident, comme Boиce le dit (La Trinitй). Mais toute diffйrence
substantielle partage le genre. Donc Dieu est dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 3 Praeterea, idem dicitur genere et specie et
numero, ut habetur I Topic., cap. VI. Ergo et diversum similiter: nam si
multipliciter dicitur unum oppositorum, et reliquum. Aut ergo Deus est diversus
a creatura numero tantum vel numero et specie tantum; et sic, sequitur quod,
cum creatura in genere conveniat, et sic erit in genere. Si autem genere a
creatura differat, oportebit etiam quod sit in aliquo alio genere quam creatura:
nam diversitas ex multitudine causatur, et sic diversitas generis multitudinem
generum requirit. Ergo quolibet modo dicatur, oportet quod Deus sit in genere. 3. On dit la mкme chose du genre, de l'espиce et du nombre, comme on le
voit en Topique (I, 6 102 b 274). Donc il en est de mкme pour ce qui est
diffйrent, car on parle ainsi de multiples maniиres de l'un des opposйs, et du
reste. Donc ou Dieu est diffйrent de la crйature en nombre5 seulement, ou en nombre et espиce seulement
et si c'est ainsi, il en dйcoule que puisque la crйature se trouve dans un
genre, lui sera aussi dans un genre. Mais s'il diffиre de la crйature par le
genre, il faudra aussi qu'il soit dans un autre genre que la crйature; car la
diversitй est causйe par la pluralitй, et ainsi la diversitй en genre requiert
la pluralitй des genres. Donc on dirait de chaque maniиre qu'il faut que Dieu
soit dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 4 Praeterea, cuicumque convenit ratio generis
substantiae, est in genere. Sed ratio substantiae est per se existere, quod
maxime convenit Deo. Ergo Deus est in genere substantiae. 4. Quiconque а qui convient la notion du genre de la substance6 est dans un genre. Mais la nature de la
substance est d'exister par soi7, ce
qui convient au plus haut degrй а Dieu. Donc Dieu est dans le genre de la
substance. q. 7 a. 3 arg. 5 Praeterea, omne quod definitur, oportet quod
sit in genere. Sed Deus definitur: dicitur enim quod est actus purus. Ergo Deus
est in aliquo genere. 5. Tout ce qui reзoit une dйfinition8
doit кtre dans un genre. Mais Dieu est dйfini, car on dit qu'il est acte pur.
Donc Dieu est dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 6 Praeterea, omne quod praedicatur de alio in eo
quod quid, et est in plus, vel se habet ad ipsum sicut species, vel sicut
genus. Sed omnia quae praedicantur de Deo,
praedicantur in eo quod quid: nam omnia praedicamenta, cum in divinam
praedicationem venerint, in substantiam vertuntur, ut dicit Boetius: patet
etiam quod non soli Deo conveniunt, sed etiam aliis; et ita sunt in plus. Ergo
vel comparantur ad Deum sicut species ad individuum vel sicut genus ad speciem;
et utrolibet modo oportet Deum esse in genere. 6. Tout ce qui est attribuй а autre chose en ce qui est essence et est
en plus, ou bien se comporte vis-а-vis d'elle comme une espиce, ou comme un
genre. Mais tout ce qui est attribuй а Dieu est attribuй а l'essence. Car,
comme toutes les catйgories, sont venues dans l'attribution а Dieu, elles se changent
en substance, comme le dit Boиce (La
Trinitй); il est clair aussi qu'elles ne conviennent pas а Dieu seul, mais
aussi aux autres; et ainsi elles sont en plus. Donc elles sont associйes а Dieu
ou bien comme l'espиce а l'individu, ou bien comme le genre а l'espиce; et des
deux maniиres, il faut que Dieu soit dans un genre. q. 7 a. 3 arg. 7 Praeterea, unumquodque mensuratur minimo sui
generis, ut dicitur X Metaph. Sed, sicut dicit Commentator ibidem, id quo
mensurantur omnes substantiae, est Deus. Ergo Deus est in eodem genere cum
aliis substantiis. 7. Chaque chose est mesurйe au plus prиs de son genre, comme il est dit
(Mйtaphysique X, 1, 1053 a 259). Mais, comme le dit le Commentateur en ce
mкme endroit (Mйtaphysique, X, com.
4), ce par quoi sont mesurйes toutes les substances, c'est Dieu. Donc il est
dans le mкme genre que les autres substances. En sens contraire: q. 7 a. 3 s. c. 1 Sed contra. Omne quod est in genere, addit
aliquid supra genus, et per consequens est compositum. Sed Deus est omnino
simplex. Ergo non est in genere. 1. Tout ce qui est dans un genre ajoute quelque chose а celui-ci et par
consйquent est composй. Mais Dieu est tout а fait simple. Donc il n'est pas
dans un genre. q. 7 a. 3 s. c. 2 Praeterea, omne
quod est in genere, potest definiri, vel sub aliquo definito comprehendi. Sed
Deus cum sit infinitus, non est huiusmodi. Ergo non est in genere. 2. Tout ce qui est dans un genre, peut кtre dйfini ou compris sous une
certaine dйfinition. Mais comme Dieu est infini, il n'est pas d’un tel genre.
Donc il n'est pas dans un genre. Rйponse: q. 7 a. 3 co. Respondeo. Dicendum quod Deus non est in genere:
quod quidem ad praesens tribus rationibus ostendi potest: Dieu n'est pas dans un genre, ce qui а prйsent peut кtre montrй par
trois raisons: primo quidem, quia nihil ponitur in
genere secundum esse suum, sed ratione quidditatis suae; quod ex hoc patet,
quia esse uniuscuiusque est ei proprium, et distinctum ab esse cuiuslibet
alterius rei; sed ratio substantiae potest esse communis: propter hoc etiam
philosophus dicit, quod ens non est genus. Deus autem est ipsum
suum esse: unde non potest esse in genere. a) Rien n'est placй dans un genre selon son кtre propre, mais en raison
de sa quidditй10; ce qui paraоt du
fait que l'кtre de n'importe quelle chose lui est propre, et diffйrent de
l'кtre de n'importe quelle autre, mais la nature de la substance peut кtre
commune; c'est pourquoi le philosophe aussi dit (Mйtaphysique III, 3, 998 b 2211),
que l'кtre n'est pas un genre12. Mais
Dieu est son кtre propre, c'est pourquoi il ne peut pas кtre dans un genre. Secunda ratio est, quia quamvis materia non sit genus, nec
forma sit differentia, tamen ratio generis sumitur ex materia, et ratio
differentiae sumitur ex forma: sicut patet quod in homine natura sensibilis ex
qua sumitur ratio animalis, est materialis respectu rationis, ex qua sumitur
differentia rationalis. Nam animal est quod habet naturam sensitivam; rationale
autem quod rationem habet. Unde in omni eo quod est in genere, oportet esse
compositionem materiae et formae, vel actus et potentiae; quod quidem in Deo
esse non potest, qui est actus purus, ut ostensum est. Unde relinquitur quod
non potest esse in genere. b) Quoique la matiиre ne soit pas un genre, et que la forme ne soit pas
une diffйrence, cependant la notion de genre est tirйe de la matiиre, et celle
de la diffйrence de la forme; ainsi il apparaоt que dans l'homme, la nature
sensible d'oщ est prise la notion d'animal est matйrielle par rapport а la
notion d'oщ est prise la diffйrence rationnelle. Car l'animal est ce qui a une
nature sensible; mais l’[animal] raisonnable celui qui a la raison. C'est
pourquoi dans tout ce qui est dans un genre, il faut qu'il y ait composition de
matiиre et de forme, ou d'acte et de puissance; ce qui ne peut pas exister en
Dieu, qui est acte pur, comme on l'a montrй (a. 1). C'est pourquoi il en
dйcoule qu'il ne peut pas кtre dans un genre. Tertia ratio est, quia, cum Deus sit
simpliciter perfectus, comprehendit in se perfectionem omnium generum: haec
enim est ratio simpliciter perfecti, ut dicitur V Metaph. Quod autem est in aliquo genere, determinatur ad ea quae
sunt illius generis; et ita Deus non potest esse in aliquo genere: sic enim non
esset infinitae essentiae, nec absolutae perfectionis, sed eius essentia et
perfectio limitaretur sub ratione alicuius generis determinati. Ex hoc ulterius
patet quod Deus non est species, nec individuum, nec habet differentiam, nec
definitionem: nam omnis definitio est ex genere et specie; unde nec de ipso
demonstratio fieri potest nisi per effectum, cum demonstrationis propter quid
medium sit definitio. c) Comme Dieu est absolument parfait, il comprend en lui la perfection
de tous les genres: car c'est lа la notion de ce qui est absolument parfait,
comme il est dit en Mйtaphysique (V,
16, 1021 b 3013). Mais ce qui est
dans un genre, est limitй a ce qui est ce genre, et de cette maniиre, Dieu ne
peut pas кtre dans un genre; car ainsi il ne serait pas d'essence infinie, ni
d’une perfection absolue, mais son essence et sa perfection seraient limitйes
par la nature d'un genre limitй. Cela montre en plus que Dieu n'est pas une
espиce, ni un individu, il n'a ni diffйrence ni dйfinition; car toute
dйfinition vient du genre et de l'espиce; c'est pourquoi on ne peut pas faire
de dйmonstration а son sujet que par l'effet, puisque la dйfinition est
l'intermйdiaire de la dйmonstration par
la cause. Solutions: q. 7 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Damascenus
loquitur similitudinarie, et non secundum proprietatem: habet enim nomen Dei,
quod est Deus, similitudinem ad speciem in hoc quod de pluribus numero
distinctis substantialiter praedicatur; non tamen species proprie dici potest,
quia species non est aliquid unum numero pluribus commune, sed ratione solum;
substantia vero divina una numero, est communis tribus personis: unde pater et
filius et spiritus sanctus sunt unus Deus, non autem Petrus et Paulus et Marcus
sunt unus homo. # 1. Jean Damascиne parle de faзon approximative et non au sens propre:
car le nom de Dieu parce qu'il est Dieu, ressemble а l'espиce du fait qu'il est
attribuй substantiellement а plusieurs choses distinctes14 en nombre; cependant on ne peut pas parler
d'espиce au sens propre, parce que l'espиce est une chose unique, commune а
plusieurs, non pas en nombre, mais en raison seulement; mais la substance
divine, une en nombre est commune aux trois personnes, c'est pourquoi le Pиre,
le Fils et l'Esprit saint sont un seul Dieu, mais Pierre, Paul et Marc ne sont
pas un seul homme. q. 7 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum, quod differens et diversum
differunt, ut philosophus dicit. Nam diversum absolute dicitur quod non est
idem; differens vero dicitur ad aliquid: nam omne differens aliquo differt. Si
ergo proprie accipiamus hoc nomen differens, sic propositio ista est falsa:
quaecumque sunt et nullo modo differunt, sunt eadem. Si autem hoc nomen
differens large sumatur, sic est vera; et sic ista est concedenda, quod Deus a
rebus aliis differat. Non tamen sequitur quod aliqua differentia differat, sed
quod differat ab aliis per suam substantiam: hoc enim necesse est in primis et
simplicibus dici. Homo enim differt ab asino, rationali differentia; rationale
autem ulterius non differt ab asino aliqua differentia (quia sic esset abire in
infinitum), sed se ipso. # 2. Diffйrent et divers15
ont un sens diffйrent comme le philosophe le dit (Mйtaphysique X, 3, 1054 b 2316).
Car est appelй divers absolument ce qui n'est pas le mкme, mais on l'appelle
diffйrent en rapport а quelque chose, car tout ce qui est diffйrent diffиre par
quelque chose. Donc si nous acceptons au sens propre ce nom diffйrent, la proposition suivante est
fausse: "Tout ce qui est et ne
diffиre en aucune maniиre, est le mкme." Mais si ce nom diffйrent est pris au sens large, elle
est vraie, et ainsi cette phrase doit кtre concйdйe: "Dieu diffиre de toutes choses". Cependant il n'en dйcoule pas
qu'il diffиre par une diffйrence, mais qu'il diffиre des autres par sa
substance; car il est nйcessaire de le dire dans ce qui est premier et simple.
Car l'homme diffиre de l'вne, par une diffйrence de raison, mais le rationnel
ensuite ne diffиre pas de l'вne par une diffйrence (parce qu'ainsi ce serait
aller а l'infini), mais en soi17. q. 7 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum, quod Deus dicitur
diversus genere ab aliis creaturis, non quasi in alio genere existens, sed
omnino existens extra genus. # 3. On dit que Dieu est diffйrent en genre des autres crйatures, non
pas comme s'il existait dans un autre genre, mais comme tout а fait en dehors
du genre. q. 7 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod ens per se non est
definitio substantiae, ut Avicenna dicit. Ens enim non potest esse alicuius
genus, ut probat philosophus, cum nihil possit addi ad ens quod non participet
ipsum; differentia vero non debet participare genus. Sed si substantia possit
habere definitionem, non obstante quod est genus generalissimum, erit eius
definitio: quod substantia est res cuius quidditati debetur esse non in aliquo.
Et sic non conveniet definitio substantiae Deo, qui non habet quidditatem suam
praeter suum esse. Unde Deus non est in genere substantiae, sed est supra omnem
substantiam. # 4. L'йtant par soi n'est pas une dйfinition de la substance, comme
Avicenne le dit (Mйtaphysique III,
ch. 8). Car l'йtant ne peut pas кtre le genre de quelque chose, comme le prouve
le philosophe (Mйtaphysique III, 3,
998 b 22), puisque rien ne peut кtre ajoutй а l'йtant qui ne participe pas de
lui; mais la diffйrence ne doit pas participer au genre. Mais si la substance
pouvait avoir une dйfinition, malgrй le genre qui est le plus gйnйral, sa
dйfinition sera: "La substance est
une chose а la quidditй de laquelle il est dы de ne pas кtre dans quelque chose."
Et ainsi la dйfinition de la substance ne conviendra pas а Dieu qui n'a pas sa
quidditй en plus de son кtre. C'est pourquoi Dieu n'est pas dans le genre de la
substance, mais est au dessus de toute substance. q. 7 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Deus definiri non
potest. Omne enim quod definitur, in intellectu definientis comprehenditur;
Deus autem est incomprehensibilis ab intellectu; unde cum dicitur quod Deus est
actus purus, haec non est definitio eius. # 5. Dieu ne peut pas кtre dйfini. Car tout ce qui est dйfini, est
saisi dans l'esprit de celui qui dйfinit. Mais Dieu est insaisissable par
l'esprit; c'est pourquoi, quand on dit que Dieu est acte pur, on ne donne pas
sa dйfinition. q. 7 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ad rationem
generis requiritur quod univoce praedicetur. Nihil autem de
Deo potest et creaturis univoce praedicari, ut infra patebit. Unde licet ea
quae de Deo dicuntur, praedicentur de ipso substantialiter, nihilominus tamen
non praedicantur de ipso ut genus. # 6. Il est nйcessaire а la notion du genre d'кtre attribuйe de maniиre
univoque. Mais rien ne peut кtre attribuй de maniиre univoque а Dieu et а la
crйature, comme plus bas (art. 7) on le verra. C'est pourquoi, bien que ce qui
est dit de Dieu lui soit attribuй substantiellement, nйanmoins ce ne lui est
pas attribuй de lui comme genre. q. 7 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet Deus non
pertineat ad genus substantiae quasi in genere contentum,- sicut species vel
individuum sub genere continentur,- potest tamen dici quod sit in genere
substantiae per reductionem, sicut principium, et sicut punctum est in genere
quantitatis continuae, et unitas in genere numeri; et per hunc modum est
mensura substantiarum omnium, sicut unitas numerorum. # 7. Bien que Dieu n'appartienne pas au genre de la substance, comme
s'il йtait contenu en un genre, — comme l'espиce ou l'individu sont contenus
sous le genre, — cependant on peut dire qu'il est dans le genre de la substance
par rйduction18, comme principe, et,
comme le point dont le genre de la quantitй continue et l'unitй dans celui du
nombre; et de cette maniиre il est la mesure de toutes substance19, comme l'unitй
pour les nombres.
1 Parall. Ia,
3, 5— CG. I, 25 — I Sent. d8q4a1 et 2: — d19q4a2 — Compendium. 12, — De Ente c. 4. Ia, 3, 5 dйmontre que, selon Aristote, l'кtre ne peut кtre
un genre, sol. 1.etc. 2
"L'essence c'est la forme commune, qui rйunit (periektiko) des hypostases
de mкme espиce, (comme Dieu, homme) hypostase par contre dйsigne l'individu
c'est-а-dire le Pиre, le Fils, le saint Esprit, Pierre, Paul." 3
Aristote dйfinit le genre ainsi: "Le genre est ce qui est attribuй
essentiellement а des choses multiples et diffйrentes spйcifiquement entre
elles." (Topiques, I, 5, 102 a
31) Trad. J. Tricot. 4
"Ce qui a trait au propre, au genre et а l'accident…" (Trad. J.
Tricot)."Numero" traduit l'identitй ou l'unitй du substrat. Ce qui
correspond au "propre" de la trad. de J. Tricot. 5
Comprendre par l'identitй. 6
Ce qu'analyse I Sent. d8q4a2. 7
Cf. Ia, 3, 5, obj. 1. 8
Parce que toute dйfinition vient du genre et de l'espиce. Voir c. 9
"La mesure est toujours du mкme genre que l'objet mesurй; les grandeurs se
mesurent par la grandeur…" (Trad. J. Tricot) Aristote n° 826, Thomas n°
1954 ss.. 10
La quidditй exprime l'essence ou la nature d'une chose, en tant qu'exprimйe par
une dйfinition (quod quid erat esse. De
ente I, 3). La quidditй s'oppose а l'кtre. 11
Thomas: lectio 8, n° 432 ss.. 12
Cf. Ia, 3, 5, sol. 2. 13
"Ce qui est dit parfait par soi est donc appelй ainsi en tout genre…tantфt
d'une maniиre gйnйrale, et c'est ce qui ne peut кtre surpassй dans chaque genre
et n'a aucune partie en dehors de soi." Thomas (n° 1040) conclut que ce
que dit Aristote c'est la condition du premier principe, c'est-а-dire Dieu. 14
Entendre les trois Personnes. 15
. Voir I Sent. d8q1a2, ad 3. 16
"Mais la diffйrence et l'altйritй sont des notions distinctes l'une de
l'autre. Pour deux кtres qui sont autres, en effet, il n'est pas nйcessaire que
l'altйritй porte sur quelque chose de dйfini, car tout ce qui est existant est
autre ou le mкme; par contre ce qui est diffйrent doit diffйrer d'une chose
dйterminйe par quelque endroit dйterminй, de sorte qu'il faut nйcessairement
qu'il y ait un йlйment identique par quoi les choses diffйrent. Cet йlйment
identique, c'est le genre, ou l'espиce. Car tout ce qui diffиre, diffиre soit
en genre, soit en espиce." (Trad. J. Tricot). 17
Cf. I Sent. d8q1a.2, ad 3m. "…Dieu
et l'кtre crйй ne diffиrent pas par des diffйrences ajoutйes а l'un ou а
l'autre, mais par eux-mкmes. C'est pourquoi on ne dit pas qu'ils sont
diffйrents au sens propre mais qu'ils sont divers, car est divers l'absolu,
mais diffйrent selon le relatif d'aprиs le philosophe. (Mйtaphysique , X, texte 13) 18
Ia, qu. 3, a. 5 c: "Il est clair
que Dieu n'est pas dans un genre, par rйduction, du fait que le principe qui
est ramenй а un genre ne s'йtend pas au-delа de ce genre. Comme le point n'est
principe que de la quantitй continue, et l'unitй celle de la quantitй discrиte.
Mais Dieu est le principe de tout l'кtre. C'est pourquoi il n'est pas contenu
dans un genre comme principe". 19
"Dieu est la mesure suprкme des substances." (Averroиs, Mйtaphysique, X, com. 7).
Article 4: 'Bon', 'sage', 'juste' etc. attribuent-ils un accident а
Dieu?
q. 7 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum bonum, sapiens, iustum
et huiusmodi, praedicent de Deo accidens. Et videtur quod sic. Il semble que oui1: Objections: q. 7 a. 4 arg. 1 Quod enim praedicatur de aliquo non
significans substantiam, sed illud quod naturam assequitur, praedicat
accidens. Sed Damascenus dicit, quod bonum et iustum et sanctum, dicta de Deo,
assequuntur naturam, non autem ipsam substantiam significant. Praedicant ergo
de Deo accidens. 1. Car ce qui est attribuй а quelque chose sans signifier sa substance,
mais reflиte sa nature, attribue un accident. Mais Jean Damascиne dit (la foi orthodoxe, I, 92), que
bon, juste, saint, employйs pour Dieu, reflиtela nature, mais ils ne
signifient pas la substance mкme. Donc ils attribuent un accident а Dieu. q. 7 a. 4 arg. 2 Sed dicebatur, quod Damascenus loquitur
quantum ad modum significandi.- Sed contra, modus significandi qui sequitur
rationem generis, oportet quod ad rem referatur: genus enim praedicatum
significat substantiam subiecti, cum praedicetur in eo quod quid. Sed
praedictis nominibus competit significare per modum assequentis naturam ratione
generis: sunt enim in genere qualitatis, quae secundum propriam rationem ad
subiectum respectum habet, nam qualitas est secundum quam quales dicimur. Ergo
oportet quod iste modus significandi referatur ad rem, ut scilicet ea quae per
praedicta nomina significantur, sint assequentia naturam eius de quo
praedicantur, et per consequens accidentia. 2. Mais on pourrait dire que
Jean Damascиne parle [selon une maniиre de signifier]. — En sens contraire, la maniиre de s’exprimer sur ce qui accompagne
la nature du genre doit faire rйfйrence а la rйalitй; car le genre attribuй
signifie la substance du sujet, puisqu'il est attribuй а ce qui est essence.
Mais il convient а ces noms attribuйs, d’exprimer а la maniиre de ce qui
reflиte la nature en raison du genre; car ils sont dans le genre de qualitй,
qui selon leur raison propre a rapport au sujet, car la qualitй c'est ce selon
quoi on les dit telles. Donc il faut que ce mode de signifier se rйfиre а la
rйalitй, pour que ce qui est signifiй par ces noms reflиte la nature de ce а
quoi ils sont attribuйs, et par consйquent les accidents. q. 7 a. 4 arg. 3 Sed dicendum, quod ista nomina non
praedicantur de Deo quantum ad genus suum, quod est qualitas; non enim proprie
dicuntur de Deo nomina a nobis imposita.- Sed contra, a quocumque removetur
genus, falso praedicatur de eo species: quod enim non est animal, falso dicitur
homo. Si ergo genus praedictorum, quod est qualitas, non praedicatur de Deo,
praedicta nomina non solum praedicabuntur improprie, sed falso de Deo, et ita
erit falsum quod dicitur, quod Deus est iustus, vel quod Deus est sanctus; quod
est inconveniens. Ergo oportet dicere, quod praedicta nomina in
Deo praedicent accidens. 3. Mais il faut dire que ces
noms ne sont pas attribuйs а Dieu quant а leur genre, qui est la qualitй, car
ce n'est pas au sens propre qu'on donne а Dieu les noms dont nous nous servons.
— En sens contraire, pour quelque
raison que le genre soit exclu, l'espиce lui est attribuйe faussement, car ce
qui n'est pas animal est faussement appelй homme. Si donc le genre de de
prйdicat qu’est la qualitй, n'est pas attribuй а Dieu, ces noms non seulement
seront attribuйs improprement, mais faussement а Dieu, et ainsi il sera faux de
dire qu'il est juste ou qu'il est saint; ce qui ne convient pas. Donc il faut
dire que ces noms attribuent un accident а Dieu. q. 7 a. 4 arg. 4 Praeterea. Philosophus dicit, quod id quod
vere est, id est substantia, nulli accidit. Ergo eadem ratione, quod secundum
se est accidens, ubique est accidens. Sed iustitia et sapientia et huiusmodi
sunt per se accidentia. Ergo et in Deo sunt accidentia. 4. Le philosophe dit (Physique, I,
3, 186 b 43) que ce qui existe
vraiment, c'est-а-dire la substance, n'est accident pour rien. Donc pour la
mкme raison, ce qui est un accident en soi est partout accident. Mais la
justice, la sagesse, etc.. sont en soi des accidents. Donc ce sont aussi des
accidents en Dieu. q. 7 a. 4 arg. 5 Praeterea, omnia quae sunt in rebus creatis,
exemplantur a Deo, qui est forma exemplaris omnium. Sed sapientia, iustitia et huiusmodi, in rebus creatis sunt accidentia. Ergo et
in Deo sunt accidentia. 5. Tout ce qui est dans les crйatures ressemble а Dieu, qui est la
forme exemplaire de tout4. Mais la
sagesse, la justice, etc., sont des accidents. Donc en Dieu aussi. q. 7 a. 4 arg. 6 Praeterea,
ubicumque est quantitas et qualitas, ibi est accidens. Sed in Deo videtur esse
quantitas et qualitas: est enim in Deo similitudo et aequalitas; dicimus enim
filium similem patri et aequalem. Similitudo autem causatur ex uno in
qualitate, aequalitas ex uno in quantitate. Ergo in Deo est accidens. 6. Partout oщ il y a quantitй et qualitй5,
il y a un accident. Mais en Dieu il semble qu'il y a quantitй et qualitй; car
il y a en lui la ressemblance et l'йgalitй; nous disons en effet que le Fils
est semblable et йgal au Pиre. Mais la ressemblance est causйe d'une part dans
la qualitй et l'йgalitй, d'autre part par la quantitй. Donc en Dieu il y a un
accident. q. 7 a. 4 arg. 7 Praeterea, unumquodque mensuratur primo sui
generis. Sed Deus non solum est mensura substantiarum, sed omnium accidentium,
quia ipse est creator et substantiae et accidentis. Ergo in Deo non tantum est
substantia, sed accidens. 7. Chaque chose est mesurйe par le premier de son genre. Mais Dieu non
seulement est la mesure des substances, mais de tous les accidents, parce qu'il
est lui-mкme crйateur de la substance et aussi de l'accident. Donc en Dieu il y
a non seulement la substance mais aussi l'accident. q. 7 a. 4 arg. 8 Praeterea, illud sine quo potest aliquid
intelligi, accidentaliter de eo praedicatur. Ex hoc enim probat Porphyrius
separabilia quaedam accidentia esse, quia potest intelligi corvus albus, et
Aethiops nitens candore. Sed Deus potest intelligi sine bono, ut patet per
Boetium. Ergo bonum significat accidens in Deo, et eadem ratione alia. 8. Ce sans quoi on peut comprendre quelque chose, lui est attribuй
accidentellement. Porphyre en effet (dans Les
prйdicables, ch. l'accident)
prouve ainsi que certains choses sйparables sont des accidents, parce que le
corbeau peut кtre envisagй comme blanc et l'йthiopien comme brillant de
blancheur. Mais Dieu peut кtre envisagй sans le bien, comme on le voit chez
Boиce (De hebdomadibus 36, PL. 64,
1312 B6). Donc le bien et d'autres
choses encore pour la mкme raison signifient un accident en Dieu. q. 7 a. 4 arg. 9 Praeterea, in significatione nominis duo est
considerare: scilicet id a quo imponitur, et id cui imponitur. Quantum ad
utrumque autem hoc nomen sapientia videtur accidens significare; imponitur enim
ab eo quod est facere sapientem, quod videtur actio esse sapientiae; id autem a
quo imponitur, est qualitas quaedam. Ergo omnibus modis hoc nomen et alia
similia significant accidens in eo de quo praedicantur; et ita in Deo est
aliquod accidens. 9. Il faut considйrer deux aspects dans la signification du mot: а
savoir ce par quoi et ce а quoi il est imputй et а quoi. Sous ces deux aspects
ce nom de sagesse semble signifier un
accident; car il est imputй par ce qui est rendre sage, ce qui semble l’action
de la sagesse, mais ce par quoi il est imputй est une qualitй. Donc de toutes
les maniиres ce nom et d'autres semblables signifient un accident en ce а quoi
ils sont attribuйs; et ainsi en Dieu il y a un accident. En sens contraire: q. 7 a. 4 s. c. 1 Sed contra. Est quod Boetius dicit, quod
Deus, cum sit forma simplex, subiectum esse non potest. Omne autem accidens est
in subiecto. Ergo in Deo non potest esse aliquod accidens. 1. Il y a ce que Boиce dit (La
Trinitй, 2, PL., 64, 12507):
comme Dieu est une forme simple, il ne peut pas кtre substrat. Or tout accident
est dans un substrat. Donc en Dieu il ne peut pas y avoir d'accident. q. 7 a. 4 s. c. 2 Praeterea, omne accidens habet dependentiam
ab alio. Sed nihil tale potest esse in Deo, quia quod dependet ab alio, oportet
esse causatum; Deus autem est causa prima nullo modo causata. Ergo in Deo
accidens esse non potest. 2. Tout accident dйpend d'autre chose. Mais rien de tel ne peut exister
en Dieu, parce que, ce qui dйpend d'un autre doit avoir une cause; mais Dieu
est la cause premiиre en aucune maniиre causйe. Donc en Dieu il ne peut y avoir
d'accident. q. 7 a. 4 s. c. 3 Praeterea, Rabbi Moyses dicit, quod huiusmodi
nomina non significant in Deo intentiones additas supra eius substantiam. Omne
enim accidens significat intentionem additam supra substantiam sui subiecti.
Ergo praedicta nomina non significant accidens in Deo. 3. Rabbi Moyses dit que de tels noms ne signifient pas en Dieu des
concepts ajoutйs а sa substance. Car tout accident signifient un concept ajoutй
а la substance de son substrat. Donc ces noms attribuйs ne signifient pas un
accident en Dieu. q. 7 a. 4 s. c. 4 Praeterea, accidens est quod adest et abest
praeter subiecti corruptionem. Sed hoc in Deo esse non potest, cum ipse sit
immutabilis ut probatur a philosopho. Ergo in Deo accidens esse non potest. 4. L'accident est ce qui est prйsent ou absent au-delа de la corruption
du substrat. Mais cela n’est pas possible en Dieu, puisqu'il est immuable,
comme le philosophe le prouve (Physique, VIII,
6, 259 b 23 – 259 b 328). Donc en Dieu
il ne peut pas y avoir d'accident.
Rйponse: q. 7 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, absque omni
dubitatione, tenendum est quod in Deo nullum sit accidens; quod quidem ad
praesens potest ostendi tribus rationibus. Sans doute aucun, il faut affirmer qu'en Dieu il n'y a aucun accident,
ce qui а prйsent peut кtre montrй par trois raisons: Prima ratio est, quia nulli naturae vel essentiae vel formae
aliquid extraneum adiungitur, licet id quod habet naturam vel formam vel
essentiam, possit aliquid extraneum in se habere; humanitas enim non recipit in
se nisi quod est de ratione humanitatis. Quod ex hoc patet, quia in
definitionibus quae essentiam rerum significant quodlibet additum vel
subtractum variat speciem, sicut etiam in numeris, ut dicit philosophus. a) Premiиre raison: parce que
rien d'йtranger n'est ajoutй а aucune nature, essence ou forme, bien que ce qui
a une nature, une forme ou une essence puisse avoir en soi quelque chose
d'йtranger; car l'humanitй ne reзoit en soi que ce qui est de la nature de l'humanitй.
Ce qui apparaоt parce que dans les dйfinitions qui signifient l'essence, quoi
que ce soit d'ajoutй ou de soustrait fait varier l'essence, comme dans les
nombres, comme le dit le philosophe (Mйtaphysique,
VIII, 3, 1044 a 19). Homo autem qui habet humanitatem, potest aliquid aliud
habere quod non sit de ratione humanitatis, sicut albedinem et huiusmodi, quae
non insunt humanitati, sed homini. In qualibet autem creatura invenitur
differentia habentis et habiti. In creaturis namque compositis invenitur duplex
differentia, quia ipsum suppositum sive individuum habet naturam speciei, sicut
homo humanitatem, et habet ulterius esse: homo enim nec est humanitas nec esse
suum; unde homini potest inesse aliquod accidens, non autem ipsi humanitati vel
eius esse. Mais l'homme qui a l'humanitй peut avoir autre chose qui ne la concerne
pas, comme la blancheur et autres choses identiques, qui ne sont pas dans
l'humanitй, mais dans l'homme. En n'importe quelle crйature on trouve la diffйrence
de celui qui a et de ce qu’il a. Car dans les crйatures composйes, on trouve
une double diffйrence, parce que le suppфt lui-mкme ou l'individu a la nature
de l'espиce10, comme l'homme a
l'humanitй et il a ensuite l'кtre; car l'homme n'est pas l'humanitй, ni son
кtre; c'est pourquoi il peut y avoir dans l'homme un accident, mais non dans
l'humanitй, ni dans son l'кtre. In substantiis vero simplicibus est una tantum differentia,
scilicet essentiae et esse. In Angelis enim quodlibet suppositum est sua natura:
quidditas enim simplicis est ipsum simplex, ut dicit Avicenna; non est autem
suum esse; unde ipsa quidditas est in suo esse subsistens. Unde in huiusmodi
substantiis potest inveniri aliquod accidens intelligibile, non autem
materiale. Dans les substances simples il y a une seule diffйrence а savoir celle
de l'essence et de l'кtre. Car dans les anges n'importe quel suppфt est sa
nature, car la quidditй de ce qui est simple est simple elle-mкme, comme le dit
Avicenne (Mйtaphysique, V ch. 5),
mais ce n'est pas son кtre; aussi la quidditй mкme subsiste en son кtre. C'est
pourquoi dans de telles substances, on peut trouver un accident intelligible,
mais pas matйriel. In Deo autem nulla est differentia habentis et habiti, vel
participantis et participati; immo ipse est et sua natura et suum esse; et ideo
nihil alienum vel accidentale potest ei inesse. Et hanc rationem videtur
tangere Boetius, dicens: id quod est,
habere potest aliquod praeterquam quod
ipsum est; ipsum vero esse, nihil aliud praeter se habet admixtum. Mais en Dieu il n'y a nulle diffйrence entre celui qui a et ce qu'il a,
ou entre participant et de ce qui est participй; mais au contraire il est
lui-mкme sa nature et son кtre11, et
c'est pourquoi rien d'йtranger ou d'accidentel ne peut кtre en lui. Et Boиce
semble traiter de cette question (De
hebdom., rиgle 4, n° 13, PL. 64, 1311 B) quand il dit: ""Ce qui est" peut avoir quelque chose en sus de lui-mкme; mais l'кtre en soi ne
peut avoir rien d'ajoutй en dehors de lui." Secunda ratio est quod, cum accidens sit extrinsecum ab
essentia subiecti, et diversa non coniungantur nisi per aliquam causam,
oportet, si accidens Deo adveniat, quod hoc sit ab aliqua causa. Non autem potest
esse ex aliqua causa extrinseca, quia sequeretur quod illa causa extrinseca
ageret in Deum, et esset prior eo, sicut movens moto, et faciens facto. Sic
enim causatur accidens in aliquo subiecto ab extrinseco in quantum exterius
agens agit in subiectum in quo causatur accidens. b) Seconde raison: comme
l'accident est extйrieur а l'essence du sujet, et que les diverses parties ne
sont jointes que par une cause, il faut, si un accident advenait en Dieu, que
cela dйpende d'une cause. Mais cela ne peut pas venir d'une cause extйrieure,
parce qu'il s'ensuivrait qu'elle agirait en Dieu, et serait avant lui, comme le
moteur avant le mы, et le producteur avant le produit. Car l'accident est causй
dans un sujet par l'extйrieur, en tant qu'un agent extйrieur agit dans le sujet
en qui l'accident est causй. Similiter etiam non potest esse ex causa intrinseca, sicut
est per se in accidentibus, quae habent causam in subiecto. Subiectum enim non
potest esse causa accidentis ex eodem ex quo suscipit accidens, quia nulla
potentia movet se ad actum. Unde oportet quod ex alio sit susceptivum
accidentis, et ex alio sit causa accidentis, et sic est compositum; sicut ista
quae recipiunt accidens per naturam materiae, et causant accidens per naturam
formae. Ostensum autem est supra, Deum non esse compositum. Unde impossibile
est quod sit in eo accidens. De la mкme maniиre aussi, il ne peut pas venir d'une cause intйrieure12, comme elle est en soi dans les accidents
qui ont une cause dans le sujet. Car le sujet ne peut pas кtre cause de
l'accident par ce mкme pouvoir par lequel il reзoit l'accident, parce que nulle
puissance ne se mиne а l'acte. C'est pourquoi il faut qu'il soit susceptible de
recevoir l'accident d'un autre et qu'il soit cause par un autre, et ainsi il
est composй, de mкme que ce qui reзoit l'accident par la nature de la matiиre
et cause l'accident par la nature de la forme. Mais on a montrй plus haut (a.
1) que Dieu n'est pas composй. C'est pourquoi il est impossible qu'il y ait en
lui un accident. Tertia ratio est, quia accidens comparatur ad subiectum
sicut actus ad potentiam, cum sit quaedam forma ipsius. Unde cum Deus sit actus
purus absque alicuius potentiae permixtione, non potest esse accidentis
subiectum. Sic ergo patet ex praehabitis quod in Deo non est compositio
materiae et formae, et quarumcumque partium substantialium, nec generis et
differentiae, nec subiecti et accidentis; patet etiam quod praedicta nomina in
Deo non praedicant accidens. c) Troisiиme raison13: parce que l'accident est comparй au
substrat comme l'acte а la puissance, puisqu'il en est la forme. C'est pourquoi
comme Dieu est acte pur, sans mйlange de puissance, il ne peut pas кtre le
substrat d'un accident. Donc ainsi il est
clair par ce qui a йtй dit, qu'en Dieu, il n'y a pas de composition de
matiиre et de forme, et de toutes parties substantielles ni de genre et de
diffйrence, ni de sujet et d'accident; ainsi il est clair que ces noms n' attribuent pas un accident а Dieu. Solutions: q. 7 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Damascenus
loquitur de istis nominibus non quantum ad id quod praedicant de Deo, sed
quantum ad id a quo imponuntur ad significandum. Imponuntur enim a nobis ad
significandum ex formis accidentalibus quibusdam, in creaturis repertis. Vult
enim ex hoc probare quod per nomina dicta de Deo non notificatur nobis eius
substantia. # 1. Jean Damascиne parle de ces noms, non pour ce qu'ils attribuent а
Dieu, mais pour ce а quoi ils sont
imputйs pour signifier. Car nous les imputons pour signifier а partir de
certaines formes accidentelles trouvйes dans les crйatures. Ill veut, en effet,
prouver que la substance de Dieu n'est pas signifiйes par les noms qu'on lui
donne. q. 7 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod licet bonitatis
humanae et sapientiae et iustitiae, qualitas sit genus; non tamen est genus
eorum secundum quod de Deo praedicantur, eo quod qualitas, in quantum
huiusmodi, dicitur ens eo quod inhaeret aliqualiter subiecto. Sapientia autem
et iustitia non ex hoc nominantur, sed magis ex aliqua perfectione vel ex
aliquo actu; unde talia veniunt in divinam praedicationem secundum rationem
differentiae et non secundum rationem generis. Et propter hoc Augustinus dicit:
intelligamus quantum possumus sine qualitate bonum, sine quantitate magnum.
Unde non oportet quod modus iste qui est assequi naturam, inveniatur in Deo. # 2. Bien que les qualitйs de bontй, de sagesse et de justice soient un
genre chez l'homme, cependant ce n'est pas leur genre qui est attribuй а Dieu,
parce que la qualitй, en tant que telle, est appelйe йtant, parce qu'elle
adhиre d'une certaine maniиre а un substrat. Mais la sagesse et la justice ne
tirent pas leur nom de cela, mais plutфt d'une perfection ou d'un acte; c'est
pourquoi de tels prйdicats viennent dans l’attribution а Dieu en raison de la
diffйrence et non du genre. Et c'est pour cela qu'Augustin dit (La Trinitй, V, 1): "Nous comprenons bon autant que nous pouvons sans la qualitй, grand sans la quantitй." C'est pourquoi il ne faut pas que ce mode
qui suit la nature se trouve en Dieu. q. 7 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod si bonum et iustum
univoce de Deo praedicarentur, sequeretur quod falsa esset praedicatio, remoto
genere. Nihil autem de Deo creatura univoce praedicatur, ut infra ostendetur;
unde ratio non sequitur. # 3. Si bon et juste йtaient attribuйs de maniиre univoque а Dieu, il
s'ensuivrait que l'attribution serait fausse, si on excluait le genre. Mais
rien n'est attribuй а Dieu de faзon univoque avec la crйature, comme on le
montrera plus loin (art. 7): C'est pourquoi la raison ne vaut pas. q. 7 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod sapientia, quae est
accidens, in Deo non est; sed sapientia alia non univoce dicta; et propter hoc
ratio non sequitur. # 4. La sagesse, qui est un accident, n'est pas en Dieu, mais c'est une
autre sagesse dйsignйe de maniиre non univoque, et c'est pour cela que cette
raison ne vaut pas. q. 7 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum quod exemplata non semper
repraesentant perfecte exemplar; unde quandoque quod est in exemplari
deficienter et imperfecte invenitur in exemplato; et praecipue in his quae
exemplantur a Deo, qui est exemplar omnem creaturae proportionem excedens. # 5. Les images ne reprйsentent pas toujours parfaitement l'exemplaire;
c'est pourquoi quelquefois on trouve dans l'image ce qui est dans l'exemplaire
de maniиre dйficiente et imparfaite et surtout dans ce qui est image de Dieu
qui est l'exemplaire qui dйpasse toute proportion avec la crйature. q. 7 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod similitudo et
aequalitas in Deo dicuntur non quia sit ibi qualitas vel quantitas, sed quia de
eo dicimus quaedam quae apud nos significant qualitatem vel quantitatem, cum
dicimus Deum magnum et sapientem et huiusmodi, et cetera. # 6. On parle de la ressemblance et de l'йgalitй en Dieu non pas parce
qu'il y a qualitй et quantitй, mais parce que nous disons certaines choses qui
signifient pour nous la qualitй ou la quantitй, quand nous disons que Dieu est
grand et sage etc.. q. 7 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod accidentia non
dicuntur entia nisi per relationem ad substantiam tamquam ad primum ens; unde
non oportet quod accidentia mensurentur uno primo quod est accidens, sed uno
primo quod est substantia. # 7. Les accidents ne sont appelйs йtants que par relation а la
substance en tant que premier йtant; c'est pourquoi il ne faut pas que les
accidents soient mesurйs par un premier qui est accident, mais par un premier
qui est la substance. q. 7 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum, quod omne illud sine quo
res aliqua potest intelligi secundum suam substantiam intellecta, habet
rationem accidentis: non enim potest esse quod non intelligatur id quod est de
substantia rei, re secundum suam substantiam intellecta; sicut quod
intelligatur quid est homo, et non intelligatur quid est animal. Deum autem nos
non videmus hic per essentiam, sed consideramus eum ex eius effectibus. Unde
nihil prohibet considerare ipsum ex effectu essendi, et non considerare ex
effectu bonitatis; sic enim loquitur Boetius. Sciendum tamen quod licet nos
intelligamus aliqualiter Deum, non intelligendo eius bonitatem, non tamen
possumus intelligere Deum intelligendo eum non esse bonum, sicut nec hominem
intelligendo eum non esse animal: hoc enim removeret substantiam Dei, quae est
bonitas. Sancti vero in patria qui vident Deum per essentiam, videndo Deum,
vident eius bonitatem. # 8. Tout ce sans quoi on peut comprendre une chose envisagйe selon sa
substance, a natured'accident; car il n'est pas possible que ne soit pas
compris ce qui est de sa substance, une fois qu'elle est comprise selon sa
substance; de mкme qu'on comprendrait ce qu'est un homme, et qu'on ne
comprendrait pas ce qu'est un animal. Mais nous ne voyons pas ici Dieu par son
essence mais nous le considйrons а partir de ses effets. C'est pourquoi rien
n'empкche de le considйrer par l'effet d'кtre, et ne pas le considйrer par
celui de sa bontй, car Boиce en parle ainsi. Cependant il faut savoir que, bien
que nous comprenions йgalement Dieu, sans comprendre sa bontй, nous ne pouvons
cependant pas comprendre Dieu sans comprendre qu'il est bon; de mкme qu'on ne
comprend pas que c'est un homme en comprenant qu'il n'est pas un animal: car
cela exclurait la substance de Dieu qui est sa bontй. Mais les saints, dans la
patrie, qui voient Dieu par son essence, en le voyant, voient sa bontй. q. 7 a. 4 ad 9 Ad nonum dicendum, quod hoc nomen sapientia
verificatur de Deo quantum ad illud a quo imponitur nomen. Non autem imponitur
nomen ab hoc quod est sapientem facere, sed ab hoc quod est sapientialia intellectualiter
habere. Scientia enim, in quantum scientia, refertur ad scibile; sed in quantum
est accidens vel forma, refertur ad scientem. Hoc autem quod est sapientialia
habere, est accidentale homini, non autem Deo. # 9. Ce nom de sagesse est
vйrifiй au sujet de Dieu quant а ce par quoi on impute ce nom. Mais il n’est
pas imputй par ce qui rend sage, mais par ce que c'est avoir de maniиre
intelligible ce qui concerne la sagesse. Car la science, en tant que telle, a
rapport au connaissable. Mais en tant qu'accident ou forme, elle se rapporte au
savant. Mais le fait d'avoir ce qui concerne la sagesse est accidentel pour
l'homme, mais pas pour Dieu.
Article 5: Ces noms attribuйs а Dieu signifient-ils sa
substance?
De potentia, q. 7 a. 5 tit. 1 Quinto quaeritur utrum
praedicta nomina significent divinam substantiam. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 5 arg. 1 Dicit enim Damascenus IV libro: oportet
singulum eorum quae in Deo dicuntur, non quid est secundum substantiam
significare existimare; sed quod non est ostendere, aut habitudinem quamdam,
aut aliquid eorum a quibus separatur, aut aliquid eorum quae assequuntur
naturam aut operationem. Esse autem quod substantialiter de aliquo praedicatur
significat quid est substantia eius. Praedicta ergo
nomina non praedicantur substantialiter de Deo, tamquam eius substantiam
significantia. 1. En effet, Jean Damascиne dit (La
foi orthodoxe, IV, ch. 4, PL. 94, 836 A): "Il faut penser que chacun des noms donnйs а Dieu ne signifie pas ce
qu'il est selon sa substance, mais montre ce qu'il n'est pas, soit une
relation, soit une sйparation, soit quelque chose de ce qui touche sa nature ou
son opйration." Mais l'кtre attribuй selon la substance signifie ce
qu'elle est. Donc ces noms ne sont pas attribuйs selon la substance а Dieu
comme la signifiant. q. 7 a. 5 arg. 2 Praeterea, nullum nomen quod significat
substantiam alicuius rei, vere potest de eo negari. Dicit enim Dionysius, quod
in divinis negationes sunt verae, affirmationes vero incompactae. Ergo talia
nomina non significant substantiam divinam. 2. Aucun nom qui signifie la substance d'une chose ne peut vraiment
кtre niй de lui. Car Denys dit (Les
hiйrarchie cйleste, II, § 3, 141 A2) qu'en Dieu les nйgations sont vraies
mais les affirmations inadйquates. Donc de tels noms ne signifient pas la
substance divine. q. 7 a. 5 arg. 3 Praeterea, haec nomina significant processus
divinae bonitatis in res, sicut dicit Dionysius. Sed bonitates a Deo
procedentes non sunt ipsa divina substantia. Ergo huiusmodi nomina non
significant divinam substantiam. 3. Ces noms signifient ce qui procиde de la divine bontй dans les
кtres, comme le dit Denys (Les noms
divins, I, 2, 591 D3). Mais les
bontйs qui procиdent de Dieu ne sont pas sa substance. Donc les noms de ce
genre ne signifient pas la substance de Dieu. q. 7 a. 5 arg. 4 Praeterea, Origenes dicit quod Deus dicitur
sapiens quia sapientia nos implet. Hoc autem non significat divinam
substantiam, sed effectum. Ergo praedicta nomina non significant divinam
substantiam. 4. Origиne dit que Dieu est appelй sage parce qu'il nous comble de
sagesse. Mais cela ne signifie pas la substance de Dieu, mais son effet. Donc
ces noms ne signifient pas la substance divine. q. 7 a. 5 arg. 5 Praeterea, in Lib. de causis dicitur quod
causa prima non nominatur nisi nomine causati primi, quod est intelligentia.
Cum autem causa nominatur nomine sui causati, non est praedicatio per
essentiam, sed per causam. Ergo nomina quae de Deo dicuntur, non
praedicantur de Deo substantialiter, sed causaliter tantum. 5. Dans le livre des Causes
(prop. 6, n° 63), on dit que la cause premiиre n'est appelйe que par le nom du
premier effet, qui est l'intelligence. Mais comme la cause est appelйe par le
nom de l'effet, ce n'est pas une attribution par l'essence, mais par la cause.
Donc les noms dont on se sert pour Dieu ne lui sont pas attribuйs selon la
substance, mais selon la cause seulement. q. 7 a. 5 arg. 6 Praeterea, nomina significant conceptiones
intellectuum, ut patet per philosophum. Sed nos divinam substantiam intelligere
non possumus: non enim scimus de eo quid est, sed quoniam est, ut dicit
Damascenus. Ergo non possumus eum nominare aliquo nomine, nec significare eius
substantiam. 6. Les noms signifient les conceptions de l'esprit, comme le montre le
philosophe (au dйbut du Periher. 16 a
10 ss). Mais nous ne pouvons pas saisir (intelligere)
la substance divine; car nous ne savons pas ce qu'il est, mais nous savons
qu'il est, comme le dit Jean Damascиne (liv. I, ch. 44). Donc nous ne pouvons lui donner un nom, ni
signifier sa substance. q. 7 a. 5 arg. 7 Praeterea, omnia divinam bonitatem
participant, ut patet per Dionysium. Sed non omnia participant eius
substantiam, quae est solum in tribus personis. Ergo divina bonitas non
significat eius substantiam. 7. Tout participe de la bontй de Dieu, comme le montre Denys (Les noms divins, IV, § 1, 693 B5). Mais tout ne participe pas de sa
substance, qui est seulement dans les trois personnes. Donc la bontй de Dieu ne
signifie pas sa substance. q. 7 a. 5 arg. 8 Praeterea, Deum cognoscere non possumus nisi
ex similitudine creaturae, quia, ut dicit apostolus, Rom. I, 20, invisibilia
Dei a creatura mundi per ea quae facta sunt, intellecta conspiciuntur. Sed
secundum quod ipsum cognoscimus, ita ipsum nominamus. Ergo non nominamus ipsum
nisi ex similitudine creaturarum. Sed quando aliquid nominatur ex similitudine
alterius, nomen illud non praedicatur de ipso substantialiter, sed metaphorice:
quod per hoc patet quod per posterius de Deo dicitur, et per prius de eo a quo
sumitur similitudo; cum tamen quod significat substantiam alicuius primo de eo
praedicetur. 8. Nous ne pouvons connaоtre Dieu que par la ressemblance de la
crйature, parce que, comme le dit l'Apфtre (Rm
1, 20) "Ce qu'il y a d'invisible
en Dieu depuis la crйation du monde, se laisse voir pour l'intelligence par ses
њuvres." Mais nous lui donnons un nom selon que nous le connaissons.
Donc nous ne le nommons que par la ressemblance des crйatures. Mais quand nous
nommons une chose selon la ressemblance d'une autre, ce nom ne lui est pas
attribuй selon la substance, mais par mйtaphore: par lа i lest clair que ce
qu’ont de Dieu est aperиs, et ce dont on tire la ressemablance est avant;
puisque cependant nous attribuons d'abord а une chose ce que signifie sa
substance. q. 7 a. 5 arg. 9 Praeterea, secundum philosophum, significare
substantiam est significare hoc, et nihil aliud. Si ergo hoc nomen bonum
significat substantiam divinam, nihil erit in substantia divina quod non hoc
nomine significetur, sicut etiam nihil est in substantia humana quod non
significetur hoc nomine homo. Sed hoc nomen bonum non significat sapientiam.
Ergo sapientia non erit substantia divina, et pari ratione nec omnia alia; ergo
non potest esse quod huiusmodi omnia nomina significent divinam substantiam. 9. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
VIII), dйsigner une substance c'est la dйsigner elle et rien d'autre. Si
donc ce mot bon signifie la substance
divine, rien ne sera dans sa substance qui ne soit pas signifiй par ce nom, de
mкme que rien n'est dans la substance humaine qui ne soit signifiй par ce nom homme. Mais ce mot bon ne signifie pas la sagesse. Donc la sagesse ne sera pas la
substance divine, а raison йgale, tous les autres attributs non plus; donc il
n'est pas possible que tous les noms de ce genre signifient la substance
divine. q. 7 a. 5 arg. 10 Praeterea, sicut quantitas est causa
aequalitatis, et similitudinis qualitas, ita et substantia identitatis. Si ergo
omnia huiusmodi nomina significent substantiam Dei, secundum ea non
attenderetur vel aequalitas vel similitudo, sed magis identitas; et ita
creatura dicetur idem Deo, ex hoc quod eius sapientiam vel bonitatem imitatur,
vel aliquid huiusmodi; quod est inconveniens. 10. De mкme que la quantitй est la cause de l'йgalitй, et la qualitй
celle de ressemblance, de mкme la substance est celle de l'identitй. Si donc tous
les noms de ce genre signifiaient la substance de Dieu, selon eux on
n'atteindrait ni l'йgalitй, ni la ressemblance, mais plutфt l'identitй, et
ainsi on dirait que la crйature serait identique а Dieu du fait qu'elle imite
sa sagesse et sa bontй, etc., ce qui ne convient pas. q. 7 a. 5 arg. 11 Praeterea, in Deo, qui est principium totius
naturae, nihil potest esse contra naturam; nec ipse etiam aliquid contra
naturam facit, sicut habetur in Glossa Rom. XI (Ord. super illud: contra
naturam insertus es). Hoc autem est contra naturam quod accidens sit
substantia. Cum ergo sapientia, iustitia et huiusmodi secundum se sint
accidentia, non potest esse quod in Deo sint substantia. 11. En Dieu, qui est le principe de toute la nature, rien ne peut кtre
contre elle; et il ne fait rien contre elle, comme le dit la Glose (ordinaire, Rm. 11, 24, sur ce passage: "Greffй
contre nature6…"). Mais c'est
contre la nature qu'un accident soit une substance. Donc, comme la sagesse, la
justice, etc, sont en soi des accidents, il n'est pas possible qu'ils soient
substance en Dieu. q. 7 a. 5 arg. 12 Praeterea, cum dicitur Deus bonus, iste
terminus est complexus. Nulla autem esset complexio, si bonitas Dei esset ipsa
eius substantia. Ergo non videtur quod bonum significet divinam substantiam; et
eadem ratione nec alia similia nomina. 12. Quand on appelle Dieu bon, ce
terme est complexe. Mais il n'y aurait pas de complexitй si la bontй de Dieu
йtait sa substance mкme. Donc il ne semble pas que bon signifie la substance de Dieu, et pour une mкme raison les
autres noms semblables non plus. q. 7 a. 5 arg. 13 Praeterea, Augustinus dicit quod Deus omnem
formam nostri intellectus subterfugit, et ideo intellectui permixtus esse non
potest. Hoc autem non esset, si ista nomina significarent divinam substantiam,
quia Deus corresponderet formae nostri intellectus. Ergo huiusmodi nomina non
significant divinam substantiam. 13. Augustin dit que Dieu se dйrobe а toute forme de notre esprit, et
c'est pourquoi il ne peut pas lui кtre uni. Mais cela n'existerait pas, si ces
noms signifiaient la substance divine, parce que Dieu correspondrait а la forme
de notre esprit. Donc les noms de ce genre ne signifient pas la substance de
Dieu. q. 7 a. 5 arg. 14 Praeterea, Dionysius dicit quod optime homo
Deo unitur in cognoscendo quod cognoscens de ipso nihil cognoscit. Hoc autem
non esset, si ista quae concipit et significat, essent divina substantia. Ergo
idem quod prius. 14. Denys (La thйologie mystique,1
§1 997 B) dit que l'homme est le mieux uni а Dieu en reconnaissant qu'il ne
connaоt rien de lui. Mais cela ne serait pas possible si ce qu'il conзoit et
signifie йtait la substance divine. Donc de mкme que plus haut. En sens contraire: q. 7 a. 5 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit: Deo
est hoc esse quod est fortem esse, vel sapientem esse; et si quid de illa
simplicitate dixeris quae eius substantiam significat. Ergo omnia huiusmodi
significant divinam substantiam. 1. Il y a cette parole d'Augustin (la
Trinitй, VI, 4, 67): "Pour Dieu c'est кtre que d'кtre fort, ou
sage; et ainsi on dit quelque chose de cette simplicitй qui signifie sa
substance." Donc tous les mots de ce genre signifient la substance
divine. q. 7 a. 5 s. c. 2 Praeterea, Boetius dicit, quod cum quis alia
praedicamenta praeter relationem in divinam vertit praedicationem, cuncta
mutantur in substantiam; sicut iustus, etsi qualitatem significare videatur,
significat tamen substantiam, et similiter magnus, et huiusmodi alia. 2. Boлce dit (La Trinitй VI8) que lorsque quelqu'un change les autres
catйgories au-delа de la relation dans la prйdication divine, tout est changй
en sa substance; comme juste, mкme
s'il semble signifier une qualitй, signifie cependant la substance, et de la
mкme maniиre grand, etc.. q. 7 a. 5 s. c. 3 Praeterea, omne quod dicitur per
participationem, reducitur ad aliquid per se et essentialiter dictum. Sed
praedicta nomina de creaturis dicuntur per participationem. Ergo cum reducantur
in Deum sicut in causam primam, oportet quod de Deo dicantur essentialiter; et
ita sequitur quod significent eius substantiam. 3. Tout ce qui est dit par participation est ramenй а quelque chose par
soi et dit selon l'essence. Mais ces noms attribuйs sont dits des crйatures par
participation. Donc comme ils sont ramenйs а Dieu comme а la cause premiиre, il
faut qu’on en parle en Dieu selon l'essence, et ainsi il en dйcoule qu'ils
signifient sa substance.
Rйponse: q. 7 a. 5 co. Respondeo. Dicendum quod: Il faut dire que: quidam posuerunt, quod ista nomina dicta de Deo, non
significant divinam substantiam, quod maxime expresse dicit Rabbi Moyses. Dicit
autem, huiusmodi nomina de Deo dupliciter esse intelligenda: A – Certains ont pensй que
ces noms donnйs а Dieu, ne signifient pas la substance divine, ce que dit de
faзon trиs expresse Rabbi Moyses (Doctrina
Perplexorum, part. 1, c. 58). Mais il dit que de tels noms sur Dieu doivent
кtre interprйtйs de deux maniиres: uno modo per similitudinem effectus, ut dicatur Deus sapiens
non quia sapientia aliquid sit in ipso, sed quia ad modum sapientis in suis
effectibus operatur, ordinando scilicet unumquodque ad debitum finem; et
similiter dicitur vivens in quantum ad modum viventis operatur, quasi ex se ipso
agens. 1) Par la ressemblance de l'effet, ainsi on dit que Dieu est sage, non
parce que la sagesse est quelque chose en lui, mais parce qu'il opиre а la
maniиre du sage dans ses effets, c'est-а-dire en ordonnant chaque chose а la
fin qui lui est due, et de mкme on le dit vivant en tant qu'il opиre а la
maniиre d'un vivant, comme agissant par lui-mкme. Alio modo per modum negationis; ut per hoc quod dicimus Deum
esse viventem, non significemus vitam in eo aliquid esse, sed removeamus a Deo
illum modum essendi quo res inanimatae existunt. Similiter cum dicimus Deum
intelligentem, non intelligimus significare intellectum aliquid in ipso esse,
sed removemus a Deo illum modum essendi quo bruta existunt; et sic de aliis. 2) Par mode de nйgation; ainsi en disant que Dieu est vivant, nous ne
signifions pas que la vie est quelque chose en lui, mais que nous excluons de
lui cette maniиre d'кtre par laquelle des кtres existent sans vie. De mкme
quand nous disons que Dieu est intelligent, nous n'entendons pas signifier
quelque intellection en lui, mais nous excluons de lui cette maniиre d'кtre par
laquelle les bкtes existent, et ainsi de suite... Uterque autem modus videtur esse insufficiens et
inconveniens. L'une et l'autre maniиre semble insuffisante et ne pas convenir. Primus quidem duplici ratione: quarum prima est, quia secundum expositionem nulla
differentia esset inter hoc quod dicitur, Deus est sapiens et Deus est iratus,
vel Deus ignis est. Dicitur enim iratus quia operatur ad modum irati dum punit:
hoc enim homines irati facere consueverunt. Dicitur etiam ignis, quia operatur
ad modum ignis dum purgat, quod ignis suo modo facit. Hoc autem est contra
positionem sanctorum et prophetarum loquentium de Deo, qui quaedam de Deo
probant, et quaedam ab eo removent; probant enim eum esse vivum, sapientem et
huiusmodi, et non esse corpus, neque passionibus subiectum. Secundum autem
praedictam opinionem omnia de Deo pari ratione possent dici et removeri, non
magis haec quam illa. 1) La premiиre maniиre9 d'abord pour une double raison: a) Dont la premiиre est parce
que, selon l'exposй, il n'y a aucune diffйrence entre ce qui est dit, que Dieu
est sage et Dieu est en colиre ou Dieu est feu. Car on le dit irritй parce
qu'il opиre а la maniиre de quelqu'un en colиre quand il punit. Cela les hommes
en colиre ont l'habitude de le faire. On l'appelle aussi feu; parce qu'il agit
а la maniиre du feu quand il purifie, ce que le feu fait а sa maniиre. Mais
cela est contre l'opinion des saints et des prophиtes parlant de Dieu, qui
prouvent certaines choses а son sujet et en excluent d'autres; car ils prouvent
qu'il est vivant, sage, etc., et qu'il n'est pas un corps, ni qu'il est soumis
aux passions. Selon cette opinion tout pourrait кtre dit ou exclu de Dieu а
raison йgale, pas plus ceci que cela Secunda ratio, quia cum secundum fidem nostram ponamus
creaturam non semper fuisse, quod et ipse concedit, sequeretur quod non
possemus dicere fuisse sapientem vel bonum antequam creaturae essent. Constat
enim quod antequam creaturae essent, nihil in effectibus operabatur, nec ad
modum boni nec ad modum sapientis. Hoc autem omnino sanae fidei repugnat: nisi
forte dicere velit quod ante creaturas sapiens dici poterat, non quia
operaretur ut sapiens, sed quia poterat ut sapiens operari. Et sic sequeretur
quod aliquid existens in Deo per hoc significetur, et sit per consequens
substantia, cum quidquid est in Deo sit sua substantia. b) Seconde raison: parce que,
comme selon notre foi nous pensons que la crйature n'a pas toujours existй, ce
que lui-mкme concиde, il en dйcoulerait que nous ne pourrions pas dire qu'il a
йtй sage ou bon avant que les crйatures existent. Car il est clair qu'avant
qu'elles existent, il n'opйrait rien dans les effets, ni selon sa bontй, ni
selon sa sagesse. Mais cela s'oppose а la vraie foi, а moins que par hasard, il
veuille dire qu'avant les crйatures, il pouvait кtre appelй sage, non parce
qu'il opйrait en tant que sage, mais parce qu'il pouvait le faire. Et ainsi il
en dйcoulerait que par lа serait signifiй quelque chose qui existe en Dieu, et
est par consйquent sa substance, puisque tout ce qui est en Dieu est sa
substance. Secundus autem modus eadem ratione videtur esse
inconveniens. Non enim est aliquod nomen alicuius speciei per quod non
removeatur aliquis modus qui Deo non competit. In nomine enim cuiuslibet
speciei includitur significatio differentiae, per quam excluditur alia species
quae contra eam dividitur: sicut in nomine leonis includitur haec differentia
quae est quadrupes, per quam leo differt ab ave. Si ergo praedicationes de Deo
non essent introductae nisi ad removendum, sicut dicimus Deum esse viventem,-
quia non habet esse ad modum inanimatorum, ut ipse dicit - ita possemus dicere
Deum esse leonem, quia non habet esse ad modum avis. Et praeterea intellectus
negationis semper fundatur in aliqua affirmatione: quod ex hoc patet quia omnis
negativa per affirmativam probatur; unde nisi intellectus humanus aliquid de
Deo affirmative cognosceret, nihil de Deo posset negare. Non autem cognosceret,
si nihil quod de Deo dicit, de eo verificaretur affirmative. 2) La seconde maniиre10 ne semble pas convenir pour la mкme
raison. Car il n'y a pas de nom d’une espиce par lequel ne serait pas exclu un
mode qui ne convient pas а Dieu. Car dans le nom de n'importe quelle espиce,
est inclue une signification de diffйrence, par laquelle est exclue l'autre
espиce, qui s'oppose а elle, comme dans le nom de lion est incluse cette diffйrence qu'il est quadrupиde, par
laquelle il est diffйrent de l'oiseau. Donc ainsi les attributions а Dieu
n'auraient йtй introduites que pour exclure, comme nous disons que Dieu est
vivant — parce qu'il n'a pas un кtre а la maniиre des objets inanimйs, comme il
le dit lui-mкme — de sorte que nous puissions dire que Dieu est un lion, parce
qu'il n'a pas d'кtre а la maniиre de l'oiseau. Et en plus le concept de
nйgation est toujours fondй sur une affirmation: ce qui parait du fait que
toute nйgation est prouvйe par une affirmation; c'est pourquoi а moins que
l'intellect humain ne connaisse de faзon affirmative quelque chose de Dieu, il
ne peut rien nier de lui. Mais ils ne connaоtrait pas si rien de ce qu'il dit
de Dieu n'йtait vйrifiй affirmativement. Et ideo, secundum sententiam Dionysii, dicendum est, quod
huiusmodi nomina significant divinam substantiam, quamvis deficienter et
imperfecte: quod sic patet. Cum omne agens agat in quantum actu est, et per
consequens agat aliqualiter simile, oportet formam facti aliquo modo esse in agente:
diversimode tamen: quia quando effectus adaequat virtutem agentis, oportet quod
secundum eamdem rationem sit illa forma in faciente et in facto; tunc enim
faciens et factum coincidunt in idem specie, quod contingit in omnibus univocis:
homo enim generat hominem, et ignis ignem. Quando vero effectus non adaequat
virtutem agentis, forma non est secundum eamdem rationem in agente et facto,
sed in agente eminentius; secundum enim quod est in agente habet agens virtutem
ad producendum effectum. Unde si tota virtus agentis non exprimitur in facto,
relinquitur quod modus quo forma est in agente excedit modum quo est in facto.
Et hoc videmus in omnibus agentibus aequivocis, sicut cum sol generat ignem. B. — Et c'est pourquoi, selon l'expression de Denys (Les Noms divins, XII), il faut dire que
les noms de ce genre signifient la substance divine, quoique de maniиre
dйficiente et imparfaite; ce qui paraоt ainsi: puisque tout agent agit en tant
qu'il est en acte, et par consйquent fait en quelque maniиre du semblable, il
faut que la forme de ce qui est produit soit en quelque maniиre dans l'agent;
de diverses maniиres cependant; parce que, quand l'effet йgale le pouvoir de l'agent, il faut que cette forme soit
selon une mкme raison dans ce qui produit et ce qui est produit; car alors
celui qui produit et ce qui est produit se retrouve dans l'identique en espиce,
ce qui arrive dans tout ce qui est univoque; l'homme, en effet, engendre un
homme et le feu le feu. Mais quand l'effet
n'йgale pas le pouvoir de l'agent, la forme n'est pas selon la mкme nature
dans l'agent et dans ce qui est produit, mais de maniиre plus йminente dans
l'agent, car l'agent a le pouvoir de produire l'effet selon qu’il est en lui.
C'est pourquoi si tout le pouvoir de l'agent n'est pas exprimй dans ce qu'il
produit, il reste que le mode par lequel la forme est dans l'agent dйpasse le
mode par lequel elle est dans ce qui est produit. Et nous voyons cela dans tous
les agents йquivoques, comme quand le soleil engendre le feu. Constat autem quod nullus effectus adaequat virtutem primi
agentis, quod Deus est; alias ab una virtute ipsius non procederet nisi unus
effectus. Sed cum ex eius una virtute inveniamus multos et varios effectus procedere,
ostenditur nobis quod quilibet eius effectus deficit a virtute agentis. Nulla
ergo forma alicuius effectus divini est per eamdem rationem, qua est in effectu
in Deo: nihilominus oportet quod sit ibi per quemdam modum altiorem; et inde
est quod omnes formae quae sunt in diversis effectibus distinctae et divisae ad
invicem, in eo uniuntur sicut in una virtute communi, sicut etiam omnes formae
per virtutem solis in istis inferioribus productae, sunt in sole secundum
unicam eius virtutem, cui omnia generata per actionem solis secundum suas
formas similantur. Mais il est clair qu'aucun effet n'йgale la puissance du premier agent
qui est Dieu; autrement il ne proviendrait qu'un seul effet de son pouvoir
unique. Mais comme nous trouvons que de son seul pouvoir procиdent des effets
nombreux et variйs, cela nous montre que n'importe quel effet est dйficient par
rapport а la puissance de l'agent. Donc aucune forme d'un effet divin n'est
d'une mкme nature que dans l'effet en Dieu: il faut nйanmoins qu'il y soit par
quelque mode plus йlevй et de lа vient que toutes les formes qui sont
distinctes et divisйes entre elles dans les divers effets, y sont unies, comme
dans un pouvoir commun, comme aussi toutes les formes produites par le pouvoir
du soleil dans les choses infйrieures sont dans le ciel selon son unique
pouvoir, а qui tout ce qui est engendrй par l'action du soleil ressemble selon
les formes. Et similiter perfectiones rerum creatarum assimilantur Deo
secundum unicam et simplicem essentiam eius. Intellectus autem noster cum a
rebus creatis cognitionem accipiat, informatur similitudinibus perfectionum in
creaturis inventarum, sicut sapientiae, virtutis, bonitatis et huiusmodi. Unde
sicut res creatae per suas perfectiones aliqualiter,- licet deficienter,- Deo
assimilantur, ita et intellectus noster harum perfectionum speciebus
informatur. . Et de mкme, les perfections des crйatures ont une ressemblance avec
Dieu quant а son essence unique et simple. Mais comme notre esprit reзoit la
connaissance des crйatures, il est mis en forme par les ressemblances des
perfections trouvйes dans les crйatures comme celle de la sagesse, de la vertu,
de la bontй, etc.. C'est pourquoi, de mкme que les crйatures ressemblent а Dieu
de quelque maniиre par leurs perfections — bien que de maniиre dйficiente, — de
mкme notre esprit reзoit les formes de ces perfections. Quandocumque autem intellectus per suam formam
intelligibilem alicui rei assimilatur, tunc illud quod concipit et enuntiat
secundum illam intelligibilem speciem verificatur de re illa cui per suam
speciem similatur: nam scientia est assimilatio intellectus ad rem scitam. Unde
oportet quod illa quae intellectus, harum specierum perfectionibus informatus,
de Deo cogitat vel enuntiat, in Deo vero existant, qui unicuique praedictarum
specierum respondet sicut illud cui omnes similes sunt. Si autem huiusmodi
intelligibilis species nostri intellectus divinam essentiam adaequaret in
assimilando, ipsam comprehenderet, et ipsa conceptio intellectus esset perfecta
Dei ratio, sicut animal gressibile bipes est perfecta ratio hominis. Quelquefois l'esprit par sa forme intelligible ressemble а une chose,
alors ce qu'il conзoit et йnonce selon cette forme intelligible est vйrifiй de
cette chose а laquelle elle ressemble par sa forme; car la science est la
ressemblance de l'esprit а la chose connue. C'est pourquoi, il faut que ce que
l'esprit, informй par les perfections de ces formes, pense ou йnonce de Dieu,
existe rйellement en lui, qui correspond а chacune de ces formes, comme ce а
quoi toutes sont semblables. Mais si une telle espиce intelligible de notre
esprit йgalait l'essence divine en lui ressemblant, il l'apprйhenderait et la
conception mкme de l'esprit serait la dйfinition parfaite de Dieu, comme
"animal marcheur а deux pieds" est une parfaite dйfinition de
l'homme. Non autem perfecte divinam essentiam assimilat species
praedicta, ut dictum est; et ideo licet huiusmodi nomina, quae intellectus ex
talibus conceptionibus Deo attribuit, significent id quod est divina
substantia, non tamen perfecte ipsam significant secundum quod est, sed secundum
quod a nobis intelligitur. La forme dont on a parlй n'imite pas parfaitement l'essence divine,
comme on l'a dit, et c'est pourquoi, bien que les noms de ce genre, que
l'esprit attribue а Dieu par de telles conceptions, signifient ce qu'est la
substance divine, ils ne la signifient cependant pas parfaitement selon ce
qu'elle est mais selon ce que nous en comprenons. Sic ergo dicendum est, quod quodlibet istorum nominum
significat divinam substantiam, non tamen quasi comprehendens ipsam, sed
imperfecte: et propter hoc, nomen qui est,
maxime Deo competit, quia non determinat aliquam formam Deo, sed significat
esse indeterminate. Et hoc est quod dicit Damascenus, quod hoc nomen qui est, significat substantiae pelagus
infinitum. Ainsi donc il faut dire que n'importe lequel de ces noms signifie la
substance divine, non cependant comme si elle l'apprйhendait, mais
imparfaitement, et c'est pour cela que ce nom Qui est convient tout а fait а Dieu, parce qu'il ne dйtermine pas
une forme en Dieu, mais signifie l'кtre sans dйtermination. Et c'est ce que dit
Jean Damascиne (La foi orthodoxe, I,
12, PG. 94, 833) que ce nom Qui est
signifie une mer infinie de substance11. Haec autem solutio confirmatur per verba Dionysii, qui
dicit, quod quia divinitas omnia
simpliciter et incircumfinite in seipsa existentia praeaccipit, ex diversis
convenienter laudatur et nominatur. Simpliciter dicit, quia perfectiones
quae in creaturis sunt secundum diversas formas, Deo attribuuntur secundum
simplicem eius essentiam: incircumfinite dicit, ad ostendendum quod nulla
perfectio in creaturis inventa divinam essentiam comprehendit, ut sic
intellectus sub ratione illius perfectionis in seipso Deum definiat.
Confirmatur etiam per hoc quod habetur V Metaph.,
quod simpliciter perfectum est quod habet in se perfectiones omnium generum;
quod Commentator ibidem de Deo exponit. Cette solution est confirmйe par les paroles de Denys, qui dit (les Noms divins, I, § 7, 597 A) que "parce que la Divinitй contient par avance
tout ce qui existe en elle de faзon simple et indйfinissable, elle est
convenablement louйe et nommйe par diffйrents termes12." De faзon simple, dit-il, parce que
les perfections qui sont dans les crйatures en diffйrentes formes, lui sont
attribuйes selon son essence simple; d'une faзon indйfinissable, pour montrer
qu'aucune perfection trouvйe dans les crйatures ne saisit l'essence divine, de
sorte qu'ainsi l'esprit dйfinisse Dieu en raison de cette perfection en lui.
C'est confirmй aussi par ce qui est dit en Mйtaphysique
(V, 16, 1021 b 14) qu'est absolument parfait ce qui a en soi les perfections de
tous les genres, ce que le Commentateur expose а ce mкme endroit au sujet de
Dieu. Solutions: q. 7 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Damascenus
intelligit, quod huiusmodi nomina non significant quid est Deus, quasi eius
substantiam definiendo et comprehendendo; unde et subiungit quod hoc nomen qui
est, quod indefinite significat Dei substantiam, propriissime Deo attribuitur. # 1. Jean Damascиne comprend que les noms de ce genre ne signifient pas
ce qu'est Dieu comme dйfinissant et saisissant sa substance; c'est pourquoi il
ajoute que ce nom Qui est, qui
signifie de maniиre indйfinie la substance de Dieu, est attribuй а Dieu d’une
maniиre trиs appropriйe. q. 7 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ita Dionysius dicit
negationes horum nominum esse veras de Deo quod tamen non asserit affirmationes
esse falsas et incompactas: quantum enim ad rem significatam, Deo vere attribuuntur,
quae in eo aliquo modo est, ut iam ostensum est; sed quantum ad modum quem
significant de Deo negari possunt: quodlibet enim istorum nominum significat
aliquam formam definitam, et sic Deo non attribuuntur, ut dictum est. Et ideo
absolute de Deo possunt negari, quia ei non conveniunt per modum qui
significatur: modus enim significatus est secundum quod sunt in intellectu
nostro, ut dictum est; Deo autem conveniunt sublimiori modo; unde affirmatio
incompacta dicitur quasi non omnino convenienter coniuncta propter diversum
modum. Et ideo, secundum doctrinam Dionysii,
tripliciter ista de Deo dicuntur. # 2. Ainsi Denys (La hiйrarchie
cйleste, PG. 3, 141 A13) dit, que
les nйgations de ces noms sont vraies de Dieu, il ne prйtend pas cependant que
les affirmations soient fausses et inadйquates, dans ce qu’elles signifient; on
attribue rйellement а Dieu ce qui est en lui d’une certaine maniиre, comme on l'a montrй, mais quant au mode signifiй, elles peuvent кtre niйes
de Dieu, car n'importe quel de ces noms signifie une forme dйfinie et ainsi
elles ne sont pas attribuйes а Dieu, comme on l'a dit. Et c'est pourquoi elles
ne peuvent absolument pas кtre niйes de Dieu, parce qu'elles ne lui conviennent
pas par le mode qui est signifiй. Car celui-ci est selon ce qu'elles sont dans
notre esprit, comme on l'a dit, mais elles conviennent а Dieu d'une maniиre
plus sublime; c'est pourquoi on dit que l'affirmation est inadйquate14 comme si elle n’йtait pas attribuйe
convenablement en raison d’un mode diffйrent. Et ainsi, selon la doctrine de
Denys (La thйologie mystique, I, la Hiйrarchie cйleste, II, et Les noms divins, II et III) on emploie
de trois maniиres ces affirmations а propos de Dieu. Primo quidem affirmative, ut dicamus, Deus est sapiens; quod
quidem de eo oportet dicere propter hoc quod est in eo similitudo sapientiae ab
ipso fluentis: quia tamen non est in Deo sapientia qualem nos intelligimus et
nominamus, potest vere negari, ut dicatur, Deus non est sapiens. Rursum quia
sapientia non negatur de Deo quia ipse deficiat a sapientia, sed quia
supereminentius est in ipso quam dicatur aut intelligatur, ideo oportet dicere
quod Deus sit supersapiens. a) Affirmativement: pour dire que Dieu est sage; ce qu'il faut dire de
lui, parce qu'il y a en cela une ressemblance de la sagesse qui dйcoule de lui;
b) parce que cependant il n'y a pas en Dieu une sagesse telle que nous
la comprenons et la nommons, elle peut кtre rйellement niйe, pour dire: Dieu n'est
pas sage. c) A nouveau parce que la sagesse n'est pas niйe de Dieu parce que
lui-mкme manquerait de sagesse, mais parce qu'elle est en lui de maniиre
superйminente qu'on le dit et le comprend, de sorte qu’il faut dire que Dieu
est super sage. Et sic per istum triplicem modum loquendi secundum quem
dicitur Deus sapiens, perfecte Dionysius dat intelligere qualiter ista Deo
attribuantur. Et ainsi par cette triple maniиre de parler, selon laquelle on dit
qu'il est sage, Denys donne а comprendre parfaitement de quelle maniиre on
donne ces attributs а Dieu. q. 7 a. 5 ad 3 Ad tertium dicendum, quod ista nomina dicuntur
significare divinos processus, quia primo sunt imposita ad significandum istas
processiones secundum quod sunt in creaturis et ab earum similitudine
intellectus noster manuducitur ut huiusmodi Deo eminentiori modo attribuat. # 3. On dit que ces noms signifient ce qui procиde de Dieu, parce
qu'ils sont d'abord imposйs pour signifier ces processions telles qu'elles sont
dans les crйatures et par cette ressemblance notre esprit est conduit а
l'attribuer а Dieu de maniиre plus йminente. q. 7 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod verbum Origenis non
est intelligendum quod hoc intendimus significare cum dicimus, Deus est
sapiens, quod Deus est causa sapientiae, sed quia ex sapientia quam causat,
intellectus noster manuducitur ut sibi sapientiam supereminenter attribuat, ut
dictum est. # 4. Le mot d'Origиne n'est pas а comprendre que nous entendons
signifier, quand nous disons Dieu est
sage, que Dieu est la cause de la sagesse mais, parce que par la sagesse
qu'il cause, notre esprit est conduit а lui attribuer la sagesse de maniиre
surйminente, comme on l'a dit. q. 7 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum quod, cum dicitur Deus
intelligens, nominatur nomine sui causati: quia nomen quod sui causati
substantiam significat, sibi non definite attribui potest, secundum quem modum
nomen significat; et sic hoc nomen quamvis ei aliquo modo conveniat, non tamen
convenit ei ut nomen eius, quia id quod significat nomen, est definitio;
causato vero convenit ut nomen eius. # 5. Quand on dit que Dieu est intelligent, on le dйsigne du nom de son
effet; parce que le nom qui signifie la substance de son effet, ne peut pas lui
кtre attribuй de maniиre dйfinie, selon le mode que ce nom signifie; et ainsi
quoique ce nom lui convienne de quelque maniиre, il ne lui convient cependant
pas comme son nom, parce que ce que signifie le nom est une dйfinition, il
convient comme nom а l'effet. q. 7 a. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ratio illa probat quod
Deus non potest nominari nomine substantiam ipsius definiente vel
comprehendente vel adaequante: sic enim de Deo ignoramus quid est. # 6. Cette raison prouve que Dieu ne peut pas кtre dйsignй d'un nom qui
signifie, saisit ou йgale sa substance; car nous ignorons ce qu'il est. q. 7 a. 5 ad 7 Ad septimum dicendum quod, sicut omnia
participant Dei bonitatem,- non eamdem numero, sed per similitudinem - ita
participant per similitudinem esse Dei. Sed in hoc differt: nam bonitas
importat habitudinem alicuius causae, est enim bonum diffusivum sui; essentia
autem significatur in eo in quo est, ut quiescens. # 7. De mкme que tout participe de la bontй de Dieu — non la mкme en
nombre, mais par ressemblance — de mкme tout participe par ressemblance а
l'кtre de Dieu. Mais il y a une diffйrence: car la bontй apporte la relation
d'une cause, car le bien se donne; mais l'essence est signifiйe en ce en quoi
elle est, comme s'y reposant. q. 7 a. 5 ad 8 Ad octavum dicendum, quod in effectu invenitur
aliquid per quod assimilatur suae causae, et aliquid per quod a sua causa
differt: quod quidem convenit ei vel ex materia vel ex aliquo huiusmodi, sicut
patet in latere indurato per ignem. Nam in hoc quod lutum calefiat ab igne,
igni similatur; in hoc vero quod calefactum ingrossetur et induretur differt ab
igne; sed habet hoc ex materiae conditione. Si ergo id in quo later igni
similatur, de igne dicatur, proprie dicetur de eo, et eminentius et per prius.
Ignis enim est calidior quam later, et iterum eminentius: nam later est calidus
quasi calefactus, ignis autem naturaliter. Si vero id in quo later ab igne
differt, dicamus de igne, falsum erit; et nomen huiusmodi conditionem in suo
intellectu habens, de igne non poterit dici nisi metaphorice. Falsum est enim
ignem, qui est subtilissimum corporum, grossum dici. Durus autem dici potest
propter violentiam actionis, et non facilem potentiam passionis. # 8. On trouve dans l'effet une chose par laquelle il ressemble а sa
cause, et une autre par laquelle il en diffиre: ce qui lui arrive par la
matiиre ou quelque chose de ce genre, comme on le voit dans la brique durcie
par le feu. Car du fait que l'argile est chauffйe par le feu, elle lui
ressemble et alors en tant qu'elle est chauffйe, elle s'йpaissit et se durcit,
elle devient diffйrente du feu; mais elle le tient de la condition de sa
matiиre. Si donc ce en quoi la brique ressemble au feu est dit du feu, on le
dit de lui au sens propre, et de maniиre plus йminente et auparavant. Car le
feu est plus chaud que la brique et aussi plus йminemment; car la brique est
chaude en tant que chauffйe, mais le feu l'est naturellement. Si donc ce en
quoi la brique diffиre du feu, nous l'appelons du feu, ce sera faux; et le nom
qui a un tel sens dans son concept, ne pourra кtre employй pour le feu que
mйtaphoriquement. Car il est faux d’appeler йpais le feu qui est le plus subtil
des corps. Mais on peut l'appeler dur а cause de la violence de son action,
mais non а cause de sa facilitй а subir. Similiter consideranda sunt in creaturis quaedam secundum
quae Deo similantur, quae quantum ad rem significatam, nullam imperfectionem
important, sicut esse, vivere et intelligere et huiusmodi; et ista proprie
dicuntur de Deo, immo per prius de ipso et eminentius quam de creaturis.
Quaedam vero sunt secundum quae creatura differt a Deo, consequentia ipsam
prout est ex nihilo, sicut potentialitas, privatio, motus et alia huiusmodi: et
ista sunt falsa de Deo. Et quaecumque nomina in sui intellectu conditiones
huiusmodi claudunt, de Deo dici non possunt nisi metaphorice, sicut leo, lapis
et huiusmodi, propter hoc quod in sui definitione habent materiam. Dicuntur
autem huiusmodi metaphorice de Deo propter similitudinem effectus. De mкme il faut considйrer dans les crйatures certains attributs selon
qu'elles ressemblent а Dieu, qui n'entraоnent quant а ce qui est signifiй
aucune imperfection, comme кtre, vivre, comprendre, etc. et ceux-ci sont dits
proprement de Dieu, bien plus d'abord de lui, et plus йminemment que des
crйatures. Mais il y a certains attributs en quoi la crйature est diffйrente de
Dieu, consйquence de ce qu'elle vient du nйant, comme la potentialitй, la
privation, le mouvement, etc. et ceux-ci sont faux pour Dieu. Et tous ces noms
qui enferment des extensions de sens de ce genre en leur concepts ne peuvent
кtre dits de Dieu que mйtaphoriquement, comme lion, pierre, etc., parce que la
matiиre fait partie de leur dйfinition. Mais on parle des effets de ce genre
par mйtaphore au sujet de Dieu а cause de la ressemblance. q. 7 a. 5 ad 9 Ad nonum dicendum, quod ratio illa procedit de
eo quod significat substantiam definitive vel circumscriptive. Sic autem nullum
istorum nominum substantiam Dei significat, ut dictum est. # 9. Cette raison procиde de ce qui signifie la substance d'une maniиre
dйterminйe ou indйfinissable. Mais ainsi aucun de ces noms ne signifient la
substance de Dieu, comme on l'a dit (dans le corps de l'article). q. 7 a. 5 ad 10 Ad decimum dicendum, quod quamvis huiusmodi
perfectiones in Deo sint ipsa divina substantia, tamen in creatura non sunt
substantiales praedictae divinae perfectiones, ideo secundum eas creaturae non
dicuntur Deo eadem, sed similes. # 10. Quoique les perfections de ce genre soient en Dieu la substance
divine elle-mкme, cependant dans la crйature, il n'y a pas ces perfections
substantielles divines, c'est pourquoi а cause d'elle, on ne dit pas que les
crйatures sont identiques a Dieu, mais lui sont semblables. q. 7 a. 5 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod hoc esset contra
naturam, si sapientia eiusdem rationis cum ea quae est accidens, in Deo esset:
hoc autem non est verum, ut ex praedictis patet. Nec tamen
auctoritas inducta est ad propositum: nihil enim contra naturam Deus facit in
se ipso, quia in se ipso nihil facit. # 11. Ce serait contre la nature si la sagesse йtait en Dieu de la mкme
nature que celle qui est un accident. Mais cela n'est pas vrai, comme on l'a vu
dans ce qui a йtй dit. Cependant l'autoritй15
n'a pas йtй introduite pour cela. Car Dieu ne fait rien contre la nature en
lui-mкme, parce qu'il ne fait rien en lui. q. 7 a. 5 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod complexio huius
termini, cum dicitur Deus bonus, non refertur ad aliquam compositionem quae sit
in Deo, sed ad compositionem quae est in intellectu nostro. # 12. La complexitй de ce terme, quand on dit Dieu est bon, ne se rйfиre pas а une composition qui serait en
Dieu, mais а celle de notre esprit. q. 7 a. 5 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod Deus
subterfugit formam intellectus nostri quasi omnem formam intellectus nostri
excedens; non autem ita quod intellectus noster secundum nullam formam
intelligibilem Deo assimiletur. # 13. Dieu se dйrobe а la forme de notre esprit en tant qu'il en excиde
toute forme, mais pas de telle maniиre que notre esprit ne ressemble а Dieu
selon aucune forme intelligible. q. 7 a. 5 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod ex quo
intellectus noster divinam substantiam non adaequat, hoc ipsum quod est Dei
substantia remanet, nostrum intellectum excedens, et ita a nobis ignoratur: et
propter hoc illud est ultimum cognitionis humanae de Deo quod sciat se Deum
nescire, in quantum cognoscit, illud quod Deus est, omne ipsum quod de eo
intelligimus, excedere. # 14. Du fait que notre esprit n’atteint pas la substance divine, cela
mкme qui est la substance de Dieu demeure, dйpassant notre esprit et ainsi nous
l’ignorons et а cause de cela c’est le sommet de la connaissance de Dieu par
l'homme de savoir qu’il ne connaоt pas Dieu, autant qu’il connaоt, ce que Dieu
est, dйpasse tout ce nous comprendons de lui.
1 Ia, 13, a. 2, 3 et 11. — CG. I, 31 — I Sent.
d2a2 2
"Ainsi puisque les nйgations sont vraies, en ce qui concerne les mystиres
divins, tandis que toute affirmation demeure inadйquate…" 3 (I, lect. 2, n°13, §
4 p. 14: "… nominationes Dei ad bonos Thearchiae processus…" Commentaire de Thomas: "c'est-а-dire selon
les processus des perfections qui proviennent de la bontй de Dieu dans les
crйatures." 4
"Dieu est; cela est clair, mais qu'est-il par essence et nature? Voilа qui
est absolument incomprйhensible et inconnaissable." (p. 16). 5
n° 95. Les thйologiens affirment …"que l’кtre du bien en tant que bien
essentiel, йtend sa bontй а tout кtre…" 6 Cf/. Pot. 1, 3, obj. 1. 7 B.A. 15, 480/482. Thomas n'a retenu que ce qui le concernait
directement. Trad.: "Pour Dieu, c'est кtre que d'кtre fort ou juste ou
sage et tout ce que vous attribuez а cette multiplicitй simple ou а cette
multiple simplicitй, pour dйsigner sa substance." 8
"Mais lorsqu'on se tournera vers Dieu, pour lui attribuer ces catйgories,
alors il y aura une transformation de tous les attributs. (p. 135) (Trad. H.
Merle). 9
C'est-а-dire par la ressemblance. 10
C'est-а-dire par mode de nйgation. 11
Expression empruntйe а Grйgoire de naziance, Or. XLV, 3, PG. 36, 625. 12
Noms divins Trad. M. de Gandillac: "Mais il faut ajouter qu'elle contient
d'avance en soi tout кtre de faзon simple et indйfinissable, par le don… en
sorte qu'on peut la louer ou la nommer convenablement а partir de tout кtre."
13
"Ainsi puisque les nйgations sont vraies en ce qui concerne les mystиres
divins, tandis que toute affirmation demeure inadйquate…" (p. 191). 14
"Dionysius dicit affirmationes de Deo esse incompactas." Ia, qu. 13,
a. 12 — I Sent. d4q2a1 (Cerf: "les
affirmations sont inconsistantes", et ad1m "inconsistante ou sans
convenance". 15
La glose de Rm 11, 24.
Article 6: Ces noms sont-ils synonymes?
q. 7 a. 6 tit. 1 Sexto quaeritur utrum ista
nomina sint synonyma. Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 7 a. 6 arg. 1 Synonyma enim nomina dicuntur quae omnino idem
significant. Sed omnia ista nomina de Deo dicta significant idem: quia
significant divinam substantiam, quae est omnino simplex et una, ut ostensum
est. Ergo omnia ista nomina sunt synonyma. 1. Car on appelle synonymes les noms qui ont tout а fait mкme
signification. Mais tous ces noms donnйs а Dieu signifient la mкme chose; parce
qu'ils signifient sa substance, qui est tout а fait simple et une, comme on l'a
montrй. Donc tous ces noms sont synonymes. q. 7 a. 6 arg. 2 Praeterea, Damascenus dicit
quod in divinis omnia sunt unum, praeter ingenerationem, generationem et
processionem. Sed nomina significantia unum sunt synonyma. Ergo omnia nomina
dicta de Deo, praeter ea quae significant proprietates personales, sunt
synonyma. 2. Jean Damascиne (I, 11) dit qu'en Dieu tout est un2, sauf la non-gйnйration, la gйnйration et la
procession3. Mais les noms qui
signifient une seule chose sont synonymes. Donc tous les noms dont on se sert
pour Dieu, en dehors de ceux qui signifient des propriйtйs personnelles sont
synonymes. q. 7 a. 6 arg. 3 Praeterea, quaecumque uni et eidem sunt
eadem, sibi invicem sunt eadem. Sed sapientia in Deo est idem quod sua
substantia; similiter voluntas et potentia. Ergo sapientia, potentia et
voluntas in Deo omnino sunt idem, et sic sequitur quod ista nomina sunt
synonyma. 3. Toutes les choses qui sont les mкmes pour l'un et le mкme, sont les
mкmes entre elles. Mais la sagesse en Dieu est la mкme chose que sa substance;
de mкme sa volontй et sa puissance. Donc la sagesse, la puissance et la volontй
sont en Dieu tout а fait identique, et ainsi il en dйcoule que ces noms sont
synonymes. q. 7 a. 6 arg. 4 Sed dicendum, quod ista nomina significant
unum secundum rem, significant tamen rationes diversas, et ideo non sunt
synonyma.- Sed contra: ratio cui non respondet aliquid in re, falsa est et
vana. Sed si rationes horum nominum sint multae, et res est una, videtur quod
rationes istae sint vanae et falsae. 4. Mais il faut dire que ces
noms signifient une seule chose en rйalitй, ils signifient cependant des
notions diverses, et ainsi ils ne sont pas synonymes. — Mais en sens contraire, la notion а quoi rien ne rйpond dans la
rйalitй, est fausse et vaine. Mais si les notions de ces noms sont nombreuses,
et la chose rйelle une, il semble que ces notions sont vaines et fausses. q. 7 a. 6 arg. 5 Sed dicendum, quod rationes istae non sunt
vanae, cum eis aliquid respondeat quod est in Deo.- Sed contra, secundum hoc res creatae Deo assimilantur secundum quod ab
ipso processerunt per similitudinem idealem. Sed pluralitas idearum vel
rationum idealium non attenditur secundum respectus ad creaturas: nam ipse Deus
secundum unam suam essentiam est idea omnium. Ergo nec rationes
nominum quae de Deo dicimus, ex similitudine creaturarum, habent aliquid
respondens ex parte divinae substantiae. 5. Mais il faut dire que ces
notions ne sont pas vaines, puisque quelque chose leur rйpond, qui est en Dieu.
— Mais en sens contraire, les
crйatures ressemblent а Dieu selon qu'elles procиdent de lui par ressemblance
idйale4. Mais on ne parvient pas а la
pluralitй des idйes ou des notions idйales en rapport avec les crйatures; car
Dieu lui-mкme avec une seule essence est l'idйe de toutes choses. Donc les
notions des noms dont nous nous servons а propos de Dieu, а partir de la
ressemblance des crйatures, n'ont rien qui corresponde du cфtй de la substance
divine. q. 7 a. 6 arg. 6 Praeterea, illud quod est maxime unum non
potest esse radix et fundamentum multitudinis. Sed divina
essentia est maxime una. Ergo rationes praedictorum nominum non possunt in
divina substantia fundari vel radicari. 6. Ce qui est tout а fait un ne peut pas кtre la racine et le fondement
de la pluralitй. Mais l'essence divine est tout а fait une. Donc les notions
des noms attribuйs ne peuvent кtre fondйes ni enracinйes dans la substance
divine. q. 7 a. 6 arg. 7 Praeterea, distinctio relationum quae
realiter sunt in Deo, facit pluralitatem personarum. Si ergo istis rationibus
communibus attributorum aliquid responderet in Deo, etiam secundum multitudinem
attributorum esset in Deo multitudo personarum; et sic essent in Deo plures
personae quam tres; quod est haereticum: et ita videtur quod penitus ista
nomina sint synonyma. 7. La distinction des relations qui sont rйellement en Dieu, produit la
pluralitй des personnes. Si donc par ces notions communes quelque chose des
attributs correspondait en Dieu, selon la multitude des attributs, il y aurait
en lui une multitude de personnes; et ainsi il y aurait en Dieu plus de trois
personnes; ce qui est hйrйtique; et ainsi il semble que ces noms sont tout а
fait synonymes.
En sens contraire: q. 7 a. 6 s. c. 1 Sed contra. Nomina synonyma
sibi invicem adiuncta nugationem inducunt sicut si diceretur, vestis et
indumentum. Si ergo ista nomina sint synonyma, erit nugatio, cum Deus dicitur
bonus, Deus sapiens: quod est falsum. 1. Des noms synonymes ajoutйs l'un а l'autre reviennent а une
plaisanterie, comme si on parlait de vкtement et d'habit5. Si donc ces noms sont synonymes, ce sera
une plaisanterie quand on dit que Dieu est bon, Dieu est sage, ce qui est faux. q. 7 a. 6 s. c. 2 Praeterea, quicumque negat unum synonymorum
de aliquo, negat et reliquum. Sed aliqui negaverunt eius potentiam qui non
negaverunt eius scientiam vel bonitatem. Ergo ista nomina non sunt synonyma. 2. Quiconque nie un des synonymes а propos d'une chose, nie les autres.
Mais certains ont niй sa puissance qui n'ont pas niй sa science ou sa bontй.
Donc ces noms ne sont pas synonymes. q. 7 a. 6 s. c. 3 Praeterea, hoc patet per Commentatorem XI
Metaph., qui dicit, quod haec nomina dicta de Deo non sunt synonyma. 3. Cela est йclairй par le commentateur (IX Mйtaphysique, comm. 39) qui dit que ces noms donnйs а Dieu ne sont
pas synonymes. Rйponse: q. 7 a. 6 co. Respondeo. Dicendum quod ab
omnibus intelligentibus communiter dicitur, quod haec nomina non sunt synonyma.
Quod quidem facile esset sustinere secundum illos qui dicebant haec nomina non
significare divinam substantiam, sed intentiones quasdam additas essentiales,
aut modos operandi in effectibus, vel etiam creaturarum negationes. Tous les connaisseurs disent en commun que ces noms ne sont pas
synonymes. Ce qui serait facile а soutenir pour ceux qui disaient que ces
noms ne signifient pas la substance divine, mais des concepts essentiels
ajoutйs, ou des maniиres d'opйrer dans les effets ou mкme les nйgations dans
les crйatures. Sed supposito quod haec nomina significent divinam
substantiam, sicut supra ostensum est, quaestio videtur maiorem difficultatem
continere: quia sic invenitur unum et idem simplex significatum per omnia ista
nomina, quod est divina substantia. Mais supposй que ces noms signifient la substance divine, comme
ci-dessus (article prйcйdant) on l’a montrй, la question paraоt contenir une
plus grand difficultй; parce qu’ainsi par ces noms se trouve signifier une seul
et mкme chose simple qui est la substance divine. Sed sciendum quod significatio nominis non immediate
refertur ad rem, sed mediante intellectu: sunt enim voces notae earum quae sunt
in anima passionum, et ipsae intellectus conceptiones sunt rerum similitudines,
ut patet per philosophum in principio Periherm. Mais il faut savoir que la signification d'un nom ne se rйfиre pas
immйdiatement а l'objet mais par l'intermйdiaire de l'esprit: car il y a des
mots connus qui dйpendent des passions6
dans l'вme et ces conceptions de l'esprit sont des ressemblances de la rйalitй
comme le montre le philosophe, au commencement du Periherm. (1, 16 a 47). Quod ergo aliqua nomina non sint synonyma,
potest impediri vel ex parte rerum significatarum, vel ex parte rationum
intellectarum per nomina, ad quas significandas nomina imponuntur. Horum ergo
nominum quae de Deo dicuntur, synonyma impediri non possunt per diversitatem
rerum significatarum secundum praehabita, sed solum per rationes nominum quae
sequuntur conceptiones intellectuum. Donc que des noms ne soient pas synonymes peut кtre empкchй ou bien du
cфtй de ce qui est signifiй ou bien de celui des notions comprises par les
noms, dont on se sert pour les signifier. Donc, les synonymes de ces noms qui
s'emploient а propos de Dieu ne peuvent pas кtre empкchйs par la diversitй des
choses signifiйes en tant qu'йtablies d'avance, mais seulement par les notions
des noms qui suivent les conceptions de l'esprits. Et ideo dicit Commentator XI metaphysicorum, quod
multiplicitas in Deo est solum secundum differentiam in intellectu, et non in
esse, quod nos dicimus unum secundum rem, et multa secundum rationem. Istae autem
diversae rationes in intellectu nostro existentes, non possunt tales rationes
esse quibus nihil respondeat ex parte rei: ea enim quorum sunt istae rationes,
intellectus noster Deo attribuit. Unde si nihil esset in Deo vel secundum ipsum
vel secundum eius effectum, quod his rationibus responderet, intellectus esset
falsus in attribuendo, et omnes propositiones huiusmodi attributiones
significantes; quod est inconveniens. Et c'est pourquoi le Commentateur (Mйtaphysique
XI, texte 39) dit que la multiplicitй en Dieu dйpend de la diffйrence dans
l'esprit, et non dans l'кtre, parce que nous parlons de l'un en rйalitй, et du
multiple en raison. Mais ces diverses notions qui existent dans notre esprit ne
peuvent кtre des notions telles que rien ne corresponde du cфtй de la rйalitй;
car notre esprit a attribuй а Dieu ce dont elles sont les notions. C'est
pourquoi s'il n'y avait rien en Dieu qui corresponde а ces notions, quant а lui
ou а ses effets, l'esprit se tromperait en les attribuant, ainsi qu'en
attribuant toutes les propositions qui signifient de tels attributs; ce qui ne
convient pas. Sunt autem quaedam rationes quibus in re intellecta nihil
respondet; sed ea quorum sunt huiusmodi rationes, intellectus non attribuit
rebus prout in se ipsis sunt, sed solum prout intellectae sunt; sicut patet in
ratione generis et speciei, et aliarum intentionum intellectualium: nam nihil
est in rebus quae sunt extra animam, cuius similitudo sit ratio generis vel
speciei. Nec tamen intellectus est falsus: quia ea quorum sunt istae rationes,
scilicet genus et species, non attribuit rebus secundum quod sunt extra animam,
sed solum secundum quod sunt in intellectu. Ex hoc enim quod intellectus in se
ipsum reflectitur, sicut intelligit res existentes extra animam, ita intelligit
eas esse intellectas: et sic, sicut est quaedam conceptio intellectus vel
ratio,- cui respondet res ipsa quae est extra animam,- ita est quaedam
conceptio vel ratio, cui respondet res intellecta secundum quod huiusmodi;
sicut rationi hominis vel conceptioni hominis respondet res extra animam;
rationi vero vel conceptioni generis aut speciei, respondet solum res
intellecta. A) Mais il y a des notions auxquelles
rien ne correspond en rйalitй; mais
ce de quoi sont de telles notions, l'esprit ne l’a pas attribuй au choses en
soi mais seulement en tant qu'elles sont saisies par l'esprit. Comme cela se
voit dans la notion de genre et d'espиce et des autres concepts intellectuels,
car rien n'est dans ce qui est hors de l'вme dont la ressemblance soit une
notion de genre ou d'espиce8. Et
cependant l'esprit n'est pas faux: parce que ce dont viennent ces notions, а
savoir le genre et l'espиce, il ne l'attribua pas а la rйalitй en tant qu'elle
est hors de l'вme, mais seulement selon qu'elle est dans l'esprit. Car du fait
que l’esprit rйflйchit sur lui, de mкme qu'il comprend les choses qui existent
hors de l'вme, il comprend ainsi qu'elles sont saisies: et ainsi, de mкme qu'il
y a un concept de l'esprit ou une notion а quoi correspond ce qui est hors
l'вme, de mкme il y a une conception ou notion а quoi correspond ce qui est
compris en tant que tel; ainsi а la raison ou au concept d'homme, correspond
une rйalitй hors de l'вme, mais а la notion ou au concept de genre ou d'espиce,
correspond seulement ce qui est saisi par l' esprit. Non autem est possibile huiusmodi esse rationes horum
nominum quae de Deo dicuntur: quia sic intellectus non attribueret ea Deo
secundum quod in se est, sed secundum quod intelligitur; quod patet esse
falsum: esset enim sensus, cum dicitur Deus est bonus, quod Deus sic
intelligitur non autem quod sit. Mais il n'est pas possible qu'il y ait des notions de ce genre pour ces
noms dont on se sert pour Dieu; parce qu'ainsi l'esprit ne les attribuerait pas
а Dieu selon ce qui est en lui, mais selon ce qui en est compris; ce qui paraоt
faux: car le sens, quand on dit que Dieu est bon, serait qu'il est compris mais
non pas qu'il est. Et ideo dicunt quidam, quod istis diversis rationibus
nominum respondent diversa connotata, quae sunt diversi Dei effectus: volunt
enim quod cum dicitur, Deus est bonus, significetur eius essentia cum aliquo
effectu connotato, ut sit sensus, Deus est et bonitatem causat: sicut
diversitas harum rationum causatur ex diversitate effectuum. B. Et c'est pourquoi certains
disent qu'а ces diverses notions des noms correspondent divers connotations
que sont les divers effets de Dieu; car ils veulent que quand on dit: Dieu est bon, son essence soit signifiйe
avec un effet connotй, de sorte que le sens serait Dieu est et il cause la bontй; ainsi la diversitй de ces notions
est causйe par la diversitй des effets. Sed hoc non videtur conveniens: quia cum effectus a causa
secundum similitudinem procedat, prius oportet intelligere causam aliqualem
quam effectus tales. Non ergo sapiens dicitur Deus quoniam sapientiam causet,
sed quia est sapiens, ideo sapientiam causat. Unde Augustinus dicit, quod quia
Deus est bonus, sumus; et in quantum sumus, boni sumus. Mais cela semble ne pas convenir; parce que, comme l'effet procиde de
la cause selon la ressemblance, il faut comprendre une cause quelconque avant
de tels effets. Donc on ne dit pas que Dieu est sage parce qu'il causerait la
sagesse, mais parce qu'il est sage, de sorte qu’il cause la sagesse. C'est pourquoi
Augustin dit (La doctrine chrйtienne, 32) que, parce que Dieu est bon, nous
existons, et en tant que nous existons, nous sommes bons. Et praeterea secundum hoc sequeretur quod huiusmodi nomina
per prius dicerentur de creatura quam de creatore; sicut sanitas prius dicitur
de sano quam de sanativo, quod sanum dicitur ea ratione, quia sanitatem causat.
Item si nihil aliud intelligitur, cum dicitur Deus est bonus nisi Deus est et
est bonitatis causator: sequeretur quod eadem ratione omnia nomina effectuum divinorum
de eo possent praedicari, ut diceretur, Deus est caelum, quia caelum causat. Et en plus il en dйcoulerait que de tels noms aurait йtй employйs pour
la crйature avant que pour le Crйateur; ainsi on parle de la santй а propos de
ce qui est sain avant que de ce qui soigne, parce que ce qui est sain est
appelй ainsi pour cette raison qu'il cause la santй. De mкme si on ne comprend
rien d'autre, quand on dit que Dieu est
bon, sinon que "Dieu est et est celui qui cause la bontй": il en
dйcoulerait que pour la mкme raison tous les noms des effets divins pourraient
lui кtre attribuйs, de sorte qu'on dirait qu'il est le ciel, parce qu'il en est
la cause. Et iterum si hoc dicatur de causalitate in actu, patet esse
falsum: quia secundum hoc non possumus dicere quod Deus ab aeterno fuerit bonus
vel sapiens vel aliquid huiusmodi: non enim ab aeterno fuit causa in actu. Et а nouveau si on disait cela de la causalitй en acte, il est clair
que c'est faux; parce que nous ne pouvons pas dire que Dieu a йtй йternellement
bon ou sage, etc. Car il n'a pas йtй йternellement cause en acte. Si autem hoc intelligatur de causalitate secundum virtutem,-
ut dicatur bonus quia est et habet virtutem bonitatem infundendi,- tunc
oportebit dicere, quod hoc nomen bonum significat illam virtutem. Sed illa
virtus est quaedam supereminens similitudo sui effectus, sicut et quaelibet
virtus agentis aequivoci. Unde sequeretur quod intellectus concipiens
bonitatem, assimilaretur ad id quod est in Deo et quod est Deus. Et sic rationi
vel conceptioni bonitatis respondet aliquid quod est in Deo et quod est Deus. Mais si on le comprend de la causalitй selon sa vertu, — comme on le
dirait bon parce qu'il existe et a le pouvoir de diffuser la bontй, — alors il
faudra dire que ce mot bon signifie
cette vertu. Mais celle-ci est une ressemblance surйminente de son effet, de
mкme que n'importe quelle vertu d'un agent йquivoque. C'est pourquoi il en
dйcoulerait que l'esprit qui conзoit la bontй ressemblerait а ce qui est en
Dieu et qui est Dieu. Et ainsi а la notion ou au concept de bontй correspond
quelque chose qui est en Dieu et qui est Dieu. Et ideo dicendum est quod omnes istae multae rationes et
diversae habent aliquid respondens in ipso Deo, cuius omnes istae conceptiones
intellectus sunt similitudines. Constat enim quod unius formae non potest esse
nisi una similitudo secundum speciem, quae sit eiusdem rationis cum ea; possunt
tamen esse diversae similitudines imperfectae, quarum quaelibet a perfecta
formae repraesentatione deficiat. Cum ergo, ut ex superioribus patet,
conceptiones perfectionum in creaturis inventarum, sint imperfectae
similitudines et non eiusdem rationis cum ipsa divina essentia, nihil prohibet
quin ipsa una essentia omnibus praedictis conceptionibus respondeat, quasi per
eas imperfecte repraesentata. Et sic omnes rationes sunt quidem in
intellectu nostro sicut in subiecto: sed in Deo sunt ut in radice verificante
has conceptiones. Nam
non essent verae conceptiones intellectus quas habet de re aliqua, nisi per
viam similitudinis illis conceptionibus res illa responderet. C. Et c'est pourquoi il faut dire
que toutes ces notions diverses et nombreuses ont quelque chose qui correspond
en Dieu mкme, dont toutes ces conceptions de l'esprit sont des ressemblances.
Car il est clair que d'une seule forme, il ne peut y avoir qu'une ressemblance
unique en espиce, qui soit de la mкme nature qu'elle. Il peut cependant y avoir
diverses ressemblances imparfaites, dont certaines sont dйfaillantes par
rapport а la reprйsentation parfaite de la forme. Comme, donc, ainsi qu'on le
voit plus haut, les conceptions des perfections trouvйes dans les crйatures,
sont des ressemblances imparfaites, et non d'une mкme nature que l'essence mкme
de Dieu, rien n'empкche qu'une seule essence corresponde aux conceptions
susdites, comme reprйsentйe imparfaitement par elles. Et ainsi toutes les
notions sont dans notre esprit comme dans un sujet, mais en Dieu, elles sont
comme dans la racine qui assure la vйritй de ces conceptions. Car ce ne serait
pas les vraies conceptions que l'esprit a d'une chose а moins que par voie de
ressemblance cette rйalitй corresponde а ces conceptions. Diversitatis ergo vel multiplicitatis nominum causa est ex
parte intellectus nostri, qui non potest pertingere ad illam Dei essentiam videndam
secundum quod est, sed videt eam per multas similitudines eius deficientes, in
creaturis quasi in speculo resultantes. Unde si ipsam essentiam videret, non
indigeret pluribus nominibus, nec indigeret pluribus conceptionibus. Et propter
hoc, Dei verbum, quod est perfecta conceptio ipsius, non est nisi unum; propter
hoc dicitur Zach. XIV, 9: in die illa erit dominus unus et erit nomen eius
unum, quando ipsa Dei essentia videbitur et non colligetur Dei cognitio ex
creaturis. La cause de la diversitй ou de la multiplicitй des noms vient de notre
esprit, qui ne peut parvenir а voir cette essence de Dieu telle qu'elle est,
mais la voit а travers de nombreuses ressemblances dйficientes, qui
apparaissent dans les crйatures comme dans un miroir. C'est pourquoi s'il
voyait l'essence mкme, il n'aurait pas besoin de plusieurs noms, ni de
plusieurs concepts. Et pour cela, le Verbe de Dieu, qui est sa conception
parfaite n'est qu'un; pour cela Zacharie
(14, 9) dit: "En ce jour-lа, le
Seigneur sera un et son nom sera unique", quand l'essence mкme de Dieu
sera vue et que la connaissance de Dieu ne sera pas acquise а partir des
crйatures.
Solutions: q. 7 a. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod
licet ista nomina significent unam rem, multis tamen rationibus, ut dictum est;
et propter hoc non sunt synonyma. # 1. Bien que ces noms signifient une chose unique, il le font
cependant selon de nombreuses notions, comme on l'a dit; et c'est pour cela
qu'ils ne sont pas synonymes. q. 7 a. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod Damascenus intelligit
quod in divinis omnia sunt unum secundum rem, praeter proprietates personales
quae realem personarum distinctionem constituunt; tamen non excludit quin ea
quae de Deo dicuntur, ratione differant. # 2. Jean Damascиne comprend qu'en Dieu tout est un en rйalitй, au delа
des propriйtйs personnelles qui constituent la distinction rйelle des personnes;
cependant il n'exclut pas que ce qu'on dit de Dieu diffиre en raison. q. 7 a. 6 ad 3 Ad tertium per hoc patet responsio: quia sicut
bonitas et sapientia sunt unum secundum rem cum divina essentia, ita et ad
invicem; cum tamen rationes horum nominum differant, ut dictum est. # 3. Par lа la rйponse а la troisiиme objection est claire, parce que
de mкme que la bontй et la sagesse sont une en rйalitй avec l'essence divine,
il en est de mкme а l'inverse; puisque cependant les notions de ces noms
diffиrent, comme on l'a dit. q. 7 a. 6 ad 4 Ad quartum dicendum, quod iam patet ex
praedictis quod licet Deus sit omnino unus, tamen istae multae conceptiones vel
rationes non sunt falsae, quia omnibus eis respondet una et eadem res
imperfecte per eas repraesentata. Essent autem falsae, si nihil eis
responderet. # 4. Il apparaоt dйsormais de ce qui vient d'кtre dit, que quoique Dieu
soit tout а fait un, cependant ces multiples conceptions ou notions ne sont pas
fausses, parce qu'une seule et mкme chose reprйsentйe de faзon imparfaite leur
correspond. Mais elles seraient fausses, si rien ne leur correspondait. q. 7 a. 6 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum omnimoda unitas sit
ex parte Dei, et multiplicitas ex parte creaturarum, sicut oportet quod in Deo
intelligente plures creaturas sit una forma intelligibilis per essentiam, et
multi respectus ad diversas creaturas; ita in intellectu nostro ex
multiplicitate creaturarum in Deum ascendente, oportet quod sint multae species
habentes relationes ad unum Deum. # 5. L'unitй, quelle qu'elle soit, est du cфtй de Dieu et la
multiplicitй est du cфtй des crйatures, de mкme il faut qu'en Dieu qui pense de
nombreuses crйatures, il y ait une seule forme intelligible par essence, et
beaucoup de rapports aux diverses crйatures; ainsi dans notre esprit, qui
s'йlиve de la multiplicitй des crйatures en Dieu, il faut qu'il y ait de
nombreuses formes qui ont des relations а un seul Dieu. q. 7 a. 6 ad 6 Ad sextum dicendum, quod istae rationes non
fundantur in divina essentia sicut in subiecto, sed sicut in causa veritatis,
vel sicut in repraesentato per omnes; quod eius simplicitati non derogat. # 6. Ces notions ne sont pas fondйes dans l'essence divine comme dans
un substrat, mais comme dans la cause de la vйritй ou comme dans ce qui est
reprйsentй par tous, ce qui ne dйroge pas а sa simplicitй. q. 7 a. 6 ad 7 Ad septimum dicendum, quod paternitas et
filiatio habent oppositionem ad invicem; et ideo exigunt realem distinctionem
suppositorum: non autem bonitas et sapientia. #7. La paternitй et la filiation s'opposent entre elles; c'est pourquoi
elles exigent une distinction rйelle des suppфts, mais pas la bontй, ni la
sagesse.
1 Ia, qu. 13, a. 4. — CG.
I, 35, — I Sent d2a3; d22a3 — Compendium. 25. 2
Le mot unitй traduit l'кtre, il dit l'individu (dans les crйatures). Nihil enim
est aliud unum quam ens indivisum. Cum unum addat supra ens unam negationem,
secundum quod aliquid est indivisum." (Pot.
9, a. 7) Il s'agit du transcendantal et non du nombre. 3
Il s'agit des trois propriйtйs personnelles dans la Trinitй. Elle signifie
l'origine comme un acte. Cf. Ia, qu.
40, a. 2, c. L'origine et la relation sont les propriйtйs personnelles des
Personnes en Dieu. 4
Comprendre relative aux idйes. 5
L'exemple est tirй de Physique III,
3, 202 b 12. 6
Dans le commentaire du Perihermeias
Thomas dit (n° 15) que les passions sont des affections, comme la colиre ou la
joie, etc.. Et il est vrai qu'elles signifient naturellement certaines paroles.
C'est un emploi inhabituel du mot qui a fait penser а certains (Andronicus) que
l'њuvre n'йtait pas authentique, mais ajoute-t-il: "Il (Aristote) appelle
passion de l'вme toutes les opйrations de l'вme et cette conception de l'esprit
peut кtre appelйe passion." (n° 16) 7
"Les mots йmis sont les symboles des йtats de l'вme…" (Trad. J.
Tricot). 8
Cf. Pot. qu. 1, a. 1, ad 10. Note sur
les trois conceptions.
Article 7: Les noms sont-ils utilisйs pour Dieu et les crйatures de
maniиre univoque ou йquivoque?
q. 7 a. 7
tit. 1 Septimo quaeritur utrum huiusmodi nomina dicantur de Deo et creaturis
univoce vel aequivoce. Et videtur quod univoce. Il semble que c'est de maniиre univoque1.
Objections: q. 7 a. 7 arg. 1 Mensura enim et mensuratum sunt unius
rationis. Sed divina bonitas est mensura omnis bonitatis creaturae, et eius
sapientia omnis sapientiae. Ergo univoce dicuntur de Deo et creatura. 1. Car la mesure et ce qui est mesurй sont sous une seule notion. Mais
la bontй divine est la mesure de toute bontй de la crйature et sa sagesse celle
de toute sagesse. Donc on parle de faзon univoque de Dieu et de la crйature. q. 7 a. 7 arg. 2 Praeterea, similia sunt quae communicant
in forma. Sed creatura potest Deo similari; quod patet Genes. I, 26: faciamus
hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Ergo creaturae ad Deum est aliqua
communicatio in forma. De omnibus autem communicantibus in forma potest aliquid
univoce praedicari. Ergo de Deo et creatura potest aliquid praedicari univoce. 2. Tout ce qui participe а une [mкme] forme est semblable. Mais la
crйature peut ressembler а Dieu, ce que montre Gn. 1, 26. "Faisons
l’homme а notre image et а notre ressemblance." Donc de la crйature а
Dieu, il y a un partage de forme. A tout ce qui est partage de forme, on peut
attribuer quelque chose de maniиre univoque. Donc on peut dire qu’on attribue
quelque chose de maniиre univoque а Dieu et а la crйature. q. 7 a. 7 arg. 3 Praeterea, maius et minus non diversificant
speciem. Sed cum creatura dicatur bona et Deus bonus, in hoc videtur differre
quod Deus est melior omni creatura. Ergo bonitas Dei et creaturae non
diversificatur secundum speciem; et sic univoce bonum praedicatur de Deo et
creatura. 3. Le plus et le moins n’apportent pas de changement а l’espиce. Mais,
comme on dit que la crйature est bonne et que Dieu est bon, il semble y avoir
une diffйrence, parce que Dieu est meilleur que toute crйature. Donc la bontй
de Dieu et celle de la crйature ne sont pas diffйrentes en espиce et ainsi on
attribue le bien de maniиre univoque а Dieu et а la crйature. q. 7 a. 7 arg. 4 Praeterea, inter ea quae sunt diversorum
generum non potest esse comparatio, sicut philosophus probat: non enim
comparabilis est velocitas alterationis velocitati motus localis. Sed inter
Deum et creaturam attenditur aliqua comparatio: dicitur enim quod Deus est
summe bonus, et creatura est bona. Ergo Deus et creatura sunt unius generis, et
ita aliquid de eis potest univoce praedicari. 4. Il ne peut y avoir de point de comparaison entre ce qui est de
genres diffйrents, comme le philosophe le prouve (Physique, VII, 4, 249 a 12 — 249 a 21); car la vitesse du
changement n’est pas comparable а celle du mouvement local. Mais entre Dieu et
la crйature, on rencontre un point commun; car on dit que Dieu est tout а fait
bon et que la crйature est bonne. Donc Dieu et la crйature sont d’un seul genre
et ainsi on peut leur attribuer quelque chose de maniиre univoque. q. 7 a. 7 arg. 5 Praeterea, nihil cognoscitur nisi per speciem
unius rationis; non enim albedo quae est in pariete per speciem quae est in
oculo cognosceretur, nisi esset unius rationis. Sed Deus per suam bonitatem
cognoscit omnia entia, et sic de aliis. Ergo bonitas Dei et creaturae sunt
unius rationis, et sic univoce bonum de Deo et creatura praedicatur. 5. Rien n’est connu que par la forme d’une seule nature, car la
blancheur qui est sur le mur ne serait connue par la forme qui est dans l'њil
que si elle йtait d’une seule nature. Mais Dieu par sa bontй connaоt tout ce
qui existe, et il en est de mкme pour ses autres attributs. Donc sa bontй et
celle de la crйature sont d’une seule nature, et ainsi on attribue de maniиre
univoque le bien а Dieu et а la crйature. q. 7 a. 7 arg. 6 Praeterea, domus quae est in mente artificis
et domus quae est in materia, sunt unius rationis. Sed omnes creaturae
processerunt a Deo sicut artificiata ab artifice. Ergo bonitas quae est in Deo,
est unius rationis cum bonitate quae est in creatura; et sic idem quod prius. 6. La maison qui est dans l’esprit de l’architecte et celle qui est
dans la matiиre sont d'une mкme nature. Mais toutes les crйatures ont procйdй
de Dieu comme les њuvres procиdent de l’architecte. Donc la bontй qui est en
Dieu est d’une seule nature avec la bontй qui est dans la crйature et ainsi de
mкme que plus haut. q. 7 a. 7 arg. 7 Praeterea, omne agens aequivocum reducitur ad
aliquid univocum. Ergo primum agens, quod Deus est, oportet esse univocum. Sed
de agente univoco et effectu eius proprio aliquid univoce praedicatur. Ergo de
Deo et creatura praedicatur aliquid univoce. 7. Tout agent йquivoque est ramenй а un agent univoque. Donc il faut
que le premier agent qui est Dieu soit univoque. Mais on attribue de maniиre
univoque quelque chose а l’agent univoque et а son effet propre. Donc on
attribue quelque chose de maniиre univoque а Dieu et а la crйature. En sens contraire: q. 7 a. 7 s. c. 1
Sed contra. Est quod philosophus dicit, quod aeterno et temporali nihil est
commune nisi nomen. Sed Deus est aeternus, et creaturae temporales. Ergo Deo et
creaturis nihil potest esse commune nisi nomen; et sic praedicantur aequivoce
pure nomina de Deo et creaturis. 1. Le philosophe dit (Mйtaphysique
X, 10, 1050 b 27) que, entre l’йternel et le temporel, il n’y a rien de
commun sinon le nom. Mais Dieu est йternel et les crйatures temporelles. Donc
entre Dieu et les crйatures, il ne peut y avoir rien de commun que le nom et
ainsi les noms sont attribuйs а Dieu et aux crйatures de maniиre purement йquivoque q. 7 a. 7 s. c. 2 Praeterea, cum genus sit prima pars
definitionis, ablato genere removetur significata ratio per nomen; unde si
aliquod nomen imponatur ad significandum id quod est in alio, erit nomen
aequivocum. Sed sapientia dicta de creatura est in genere qualitatis. Cum ergo
sapientia dicta de Deo non sit qualitas, ut supra ostensum est, videtur quod
hoc nomen sapientia aequivoce praedicetur de Deo et creaturis. 2. Comme le genre est la premiиre partie de la dйfinition, si on
l'exclut, on enlиve la nature signifiйe par le nom; c'est pourquoi si on
emploie un nom pour signifier ce qui est dans un autre, le nom sera йquivoque.
Mais la sagesse, attribuйe aux crйatures, est dans le genre de la qualitй.
Comme donc la sagesse, quand on parle de Dieu, n’est pas une qualitй, comme on
l’a montrй plus haut, il semble que ce nom de sagesse est attribuй de maniиre йquivoque а Dieu et aux crйatures. q. 7 a. 7 s. c. 3 Praeterea, ubi nulla est similitudo, ibi non
potest aliquid communiter praedicari, nisi aequivoce. Sed inter creaturam et
Deum nulla est similitudo; dicitur enim Is., XL, 18: cui ergo similem fecistis
Deum? Ergo videtur quod nihil possit praedicari univoce de Deo et creaturis. 3. Lа oщ il n’y a pas de ressemblance, on ne peut rien attribuer de
commun, sinon de maniиre йquivoque. Mais entre la crйature et Dieu il n’y a
aucune ressemblance; car il est dit (Is.
40,18): "A qui donc as-tu fait Dieu
semblable?". Donc il semble qu’on ne peut rien attribuer de maniиre
univoque а Dieu et aux crйatures. q. 7 a. 7 s. c. 4 Sed dicendum, quod licet Deus non possit dici
similis creaturae, creatura tamen potest dici similis Deo.- Sed contra est quod
dicitur Psal. LXXXII, 2: Deus, quis similis erit tibi? Quasi dicat, nullus. 4. Mais il faut dire que,
quoiqu'on ne puisse pas dire que Dieu est semblable а la crйature, on peut
cependant dire que la crйature est semblable а Dieu.— En sens contraire, il y a ce que dit le Ps. 87, 2: "Dieu, qui
sera semblable а toi?", comme si on disait personne. q. 7 a. 7 s. c. 5 Praeterea, secundum accidens non potest esse
aliquid simile substantiae. Sed sapientia in
creatura est accidens, in Deo autem est substantia. Ergo homo non
potest divinae sapientiae similari per suam sapientiam. 5. En outre, pour l'accident, il ne peut y avoir rien de semblable а la
substance. Mais la sagesse est un accident dans la crйature, mais elle est en
Dieu la substance. Donc l’homme par sa sagesse ne peut ressembler а la sagesse
divine. q. 7 a. 7 s. c. 6 Praeterea, cum in creatura aliud sit esse, et
aliud sit forma vel natura, per formam vel naturam nihil similatur ei quod est
esse. Sed ista nomina praedicata de creaturis significant aliquam naturam vel
formam: Deus autem est hoc ipsum quod est suum esse. Ergo per huiusmodi quae
dicuntur de creatura, non potest creatura Deo similari; et sic idem quod prius. 6. Comme dans la crйature, l’кtre est diffйrent de la forme ou nature,
rien ne ressemble а ce qu'est l'кtre par la forme ou la nature. Mais ces noms
attribuйs aux crйatures signifient une nature ou une forme. Or Dieu est ce
qu'est son кtre propre. Donc par ce qu'on dit de tel de la crйature, elle ne
peut pas ressembler а Dieu, et ainsi de mкme que plus haut. q. 7 a. 7 s. c. 7 Praeterea, magis differt Deus a creatura quam
numerus ab albedine. Sed stultum est dicere numerum similari albedini, aut e
converso. Ergo stultius est dici, quod aliqua creatura sit similis Deo; et sic
idem quod prius. 7. Dieu diffиre plus de la crйature que le nombre de la blancheur. Mais
il est sot de dire que le nombre est semblable а la blancheur, ou le contraire.
Donc il est plus sot de dire qu'une crйature est semblable а Dieu, et ainsi de
mкme que plus haut. q. 7 a. 7 s. c. 8 Praeterea, quaecumque similantur ad invicem,
in aliquo uno conveniunt; quae vero in uno conveniunt, sunt transmutabilia
invicem. Deus autem est omnino intransmutabilis. Ergo non potest esse aliqua
similitudo inter Deum et creaturam. 8. Tout ce qui se ressemble se rencontre en un seul genre; mais ce qui
se rencontre ainsi est interchangeable. Or Dieu est tout а fait immuable. Donc
il ne peut y avoir une ressemblance entre Dieu et la crйature. Rйponse: q. 7 a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod impossibile est aliquid
univoce praedicari de Deo et creatura; quod ex hoc patet: nam omnis effectus
agentis univoci adaequat virtutem agentis. Nulla autem creatura, cum sit
finita, potest adaequare virtutem primi agentis, cum sit infinita. Unde
impossibile est quod similitudo Dei univoce in creatura recipiatur. Il faut dire qu'il est impossible d'attribuer quelque chose d'univoque
а Dieu et а la crйature, ce qui se dйmontre ainsi: car tout effet d'un agent
univoque йgale son pouvoir. Mais aucune crйature, puisqu'elle est finie, ne
peut йgaler le pouvoir du premier agent puisqu’il est infini. Donc il est
impossible que la ressemblance de Dieu soit reзue de maniиre univoque dans la
crйature. Item patet quod, etsi una sit ratio formae existentis in
agente et in effectu, diversus tamen modus existendi impedit univocam
praedicationem; licet enim eadem sit ratio domus quae sit in materia et domus
quae est in mente artificis,- quia unum est ratio alterius,- non tamen domus
univoce de utraque praedicatur, propter hoc quod species domus in materia habet
esse materiale, in mente vero artificis immateriale. D'autre part, il est clair que mкme si est unique la nature de la forme
qui existe dans l’agent et dans l’effet, cependant une maniиre diffйrente
d’exister empкche l'attribution univoque, car bien que l'idйe de la maison qui
est dans la matiиre soit la mкme que celle qui est dans l’esprit de
l’architecte, — parce que l'une est l'idйe de l’autre, — cependant la maison
n'est pas attribuйe de maniиre univoque а l'une et а l'autre; parce que la
forme (species) de la maison dans la
matiиre a une existence matйrielle, mais dans l’esprit de l’artisan un
existence immatйrielle. Dato ergo per impossibile quod eiusdem rationis sit bonitas
in Deo et creatura, non tamen bonum univoce de Deo praedicaretur; cum quod in
Deo est immaterialiter et simpliciter, in creatura sit materialiter et
multipliciter. Et praeterea ens non dicitur univoce de substantia et accidente,
propter hoc quod substantia est ens tamquam per se habens esse, accidens vero
tamquam cuius esse est inesse. Ex quo patet quod diversa habitudo ad esse
impedit univocam praedicationem entis. Deus autem alio modo se habet ad esse
quam aliqua alia creatura; nam ipse est suum esse, quod nulli alii creaturae
competit. Unde nullo modo univoce de Deo creatura dicitur; et per consequens
nec aliquid aliorum praedicabilium inter quae est ipsum primum ens. Existente
enim diversitate in primo, oportet in aliis diversitatem inveniri; unde de
substantia et accidente nihil univoce praedicatur. S'il йtait donne par impossible que la bontй soit de la mкme
nature en Dieu et dans la crйature, on n'attribuerait pas le bien de faзon
univoque а Dieu, puisque ce qui est en lui y est nature immatйrielle et simple,
et dans la crйature de nature matйrielle et plurielle. Et en plus l’йtant n'est
pas dйfini de maniиre univoque pour la substance et l’accident, parce que la
substance est un йtant comme ayant l'кtre par soi, et l’accident comme inhйrent
а un autre. Cela montre qu'une relation diffйrente а l’кtre empкche une
attribution univoque de l'йtant. Mais Dieu se comporte quant а l'кtre d’une
autre maniиre que n'importe quelle crйature; car il est son кtre propre, ce qui
n’appartient а aucune autre crйature. C'est pourquoi en aucune maniиre on ne
parle d'univocitй de la crйature а Dieu et ni par consйquent d'aucun des autres
prйdicables2 parmi lesquels est
l’йtant premier lui-mкme. Car si la diversitй existe dans le premier, il faut
la trouver dans les autres, c'est pourquoi on n'attribue rien d'univoque а la
substance et а l’accident. Quidam autem aliter dixerunt, quod de Deo et creatura nihil
praedicatur analogice, sed aequivoce pure. Et huius opinionis est Rabbi Moyses,
ut ex suis dictis patet. D’autres ont parlй autrement, disant qu'on n'attribuait rien de maniиre
analogique а Dieu et а la crйature, mais de maniиre йquivoque seulement. Et
Rabbi Moyses est de cette opinion comme cela apparaоt dans ce qu'il a dit. Ista autem opinio non potest esse vera: quia in pure
aequivocis, quae philosophus nominat a casu aequivoca, non dicitur aliquid de
uno per respectum ad alterum. Omnia autem quae dicuntur de Deo et creaturis, dicuntur
de Deo secundum aliquem respectum ad creaturas, vel e contrario, sicut patet
per omnes opiniones positas de expositione divinorum nominum. Unde impossibile est quod sit pura
aequivocatio. Mais cette opinion ne peut pas кtre vraie, parce que, dans ce qui est
purement йquivoque, ce que le philosophe appelle йquivoque par hasard, on ne
dit rien d’une chose par rapport а une autre; mais tout ce qui est dit de Dieu
et des crйatures, est dit de lui selon un rapport aux crйatures ou le
contraire, comme cela apparaоt par toutes les opinions sur l’exposй des noms
divins. C'est pourquoi il est impossible qu’il y ait une йquivocation pure. Item, cum omnis cognitio nostra de Deo ex creaturis sumatur,
si non erit convenientia nisi in nomine tantum, nihil de Deo sciremus nisi
nomina tantum vana, quibus res non subesset. D'autre part, comme toute notre connaissance de Dieu est tirйe des
crйatures, s’il n’y avait un certain accord que dans le nom seulement, on ne
connaоtrait rien de Dieu, sinon des noms inutiles, sans que la rйalitй y
corresponde. Sequeretur etiam quod omnes demonstrationes a philosophis
datae de Deo, essent sophisticae; verbi gratia, si dicatur, quod omne quod est
in potentia, reducitur ad actum per ens actu,- et ex hoc concluderetur quod
Deus esset ens actu, cum per ipsum omnia in esse educantur,- erit fallacia
aequivocationis; et sic de omnibus aliis. Et praeterea oportet causatum esse
aliqualiter simile causae; unde oportet de causato et causa nihil pure aequivoce
praedicari, sicut sanum de medicina et animali. Il s'ensuivrait que toutes les dйmonstrations faites par les
philosophes sur Dieu, seraient fausses; par exemple, si on disait que tout ce
qui est en puissance est ramenй а l’acte par l’йtant en acte,— et que de cela
on conclut que Dieu serait un кtre en acte, puisque par lui tout vient а l’кtre
— ce serait une erreur de l'йquivocation et ainsi pour toutes les autres
choses. Et ensuite il faut que l'effet soit d’une certaine maniиre semblable а
la cause, c'est pourquoi il ne faut attribuer rien de purement йquivoque а
l'effet et а la cause, comme ce qui est sain au sujet de la mйdecine et de
l’animal. Et ideo aliter dicendum est, quod de Deo et creatura nihil
praedicetur univoce; non tamen ea quae communiter praedicantur, pure aequivoce
praedicantur, sed analogice. Huius autem praedicationis duplex est modus. Unus quo
aliquid praedicatur de duobus per respectum ad aliquod tertium, sicut ens de
qualitate et quantitate per respectum ad substantiam. Alius modus est quo aliquid praedicatur de duobus per
respectum unius ad alterum, sicut ens de substantia et quantitate. Et c’est pourquoi il faut dire
autrement: on n'attribue rien
а Dieu ni а la crйature de maniиre univoque; cependant ce qui est attribuй
communйment ne l'est pas de maniиre purement йquivoque, mais analogique. Et de cette attribution le mode est double: a) L’un par lequel un
attribut est donnй а deux sujets par rapport а un troisiиme, comme l’йtant а la
qualitй et а la quantitй par rapport а la substance. b) L’autre mode est celui par
lequel un attribut est donnй а deux sujets par rapport de l’un а l’autre, comme
l’йtant а la substance et а la quantitй. In primo autem modo praedicationis oportet esse aliquid
prius duobus, ad quod ambo respectum habent, sicut substantia ad quantitatem et
qualitatem; in secundo autem non, sed necesse est unum esse prius altero. Et
ideo cum Deo nihil sit prius, sed ipse sit prior creatura, competit in divina
praedicatione secundus modus analogiae, et non primus. Au premier mode d'attribution, il faut qu’il y ait quelque chose avant
les deux, а quoi les deux ont rapport comme la substance а la quantitй et а la
qualitй; mais dans le second, non, mais il est nйcessaire que l’un soit avant
l’autre. Et c’est pour cela, comme
rien n’existe avant Dieu, mais qu’il est lui-mкme avant la crйature, le second
mode de l’analogie convient а l'attribution divine et non le premier.
Solutions: q. 7 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod ratio illa
procedit de mensura cui mensuratum potest coaequari vel commensurari; talis
autem mensura non est Deus, cum in infinitum omnia excedat per ipsum mensurata. # 1. Il faut dire que cette raison procиde de la mesure а
laquelle le mesurй peut кtre йgalй ou proportionnй, mais Dieu n’est pas une mesure
de ce genre, puisqu’il excиde par lui-mкme а l'infini tout ce qui est mesurй. q. 7 a. 7 ad 2 Ad secundum dicendum, quod similitudo creaturae
ad Deum deficit a similitudine univocorum in duobus. Primo, quia non est per participationem unius formae, sicut
duo calida secundum participationem unius caloris; hoc enim quod de Deo et
creaturis dicitur, praedicatur de Deo per essentiam, de creatura vero per
participationem; ut sic talis similitudo creaturae ad Deum intelligatur, qualis
est calidi ad calorem, non qualis calidi ad calidius. Secundo, quia ipsa forma in creatura
participata deficit a ratione eius quod Deus est, sicut calor ignis deficit a
ratione virtutis solaris, per quam calorem generat. # 2. La ressemblance de la crйature а Dieu est dйfaillante par rapport
а la ressemblance de ce qui est univoque en deux points. a) Premiиrement, parce que ce n’est pas par participation d’une seule
forme, comme deux corps chauds qui participent а une seule chaleur, car ce qui
est dit de Dieu et des crйatures est attribuй а Dieu par essence, mais а la
crйature par participation; de sorte qu’on comprend ainsi la ressemblance de la
crйature а Dieu, telle que celle du chaud а la chaleur, non telle que celle du
chaud а plus chaud. b) Deuxiиmement, parce que la forme elle-mкme participйe dans la
crйature est infйrieure а la nature de Dieu, comme la chaleur du feu est
dйfaillante par rapport а la nature du pouvoir du soleil par lequel il engendre
la chaleur. q. 7 a. 7 ad 3 Ad tertium dicendum, quod magis et minus tripliciter
potest considerari, et sic praedicari. Uno modo secundum solam quantitatem participati; sicut nix
dicitur albior pariete, quia perfectior est albedo in nive quam in pariete, sed
tamen unius rationis; unde talis diversitas secundum magis et minus non
diversificat speciem. Alio modo secundum quod unum participatur, et aliud per
essentiam dicitur; sicut diceremus, quod bonitas est melior quam bonum. Tertio modo secundum quod modo eminentiori competit idem
aliquid uni quam alteri, sicut calor soli quam igni; et hi duo modi impediunt
unitatem speciei et univocam praedicationem; et secundum hoc aliquid
praedicatur magis et minus de Deo et creatura, ut ex dictis patet. # 3. On peut considйrer le
plus et le moins de trois maniиres et l'attribuer ainsi: a) Selon la seule quantitй du participй; ainsi on dit que la neige est
plus blanche que le mur, parce que la blancheur est plus parfaite dans la neige
que sur le mur, mais cependant elle est d’une mкme nature. C'est pourquoi une
telle diversitй selon le plus et le moins ne diversifie pas l’espиce. b) Selon que l’un est participй et que l’autre est dйsignй par essence;
comme si on disait que la bontй est meilleure que le bien. c) Selon qu’une mкme chose appartient а un mode plus йminent qu’а un
autre, comme la chaleur au soleil plus qu'au feu et ces deux modes empкchent
l’unitй de l’espиce et une attribution univoque et ainsi quelque chose est
attribuй en plus ou en moins а Dieu et а la crйature, comme le montre ce qu’on
a dit. q. 7 a. 7 ad 4 Ad quartum dicendum, quod Deus non comparatur
creaturis in hoc quod dicitur melior, vel summum bonum, quasi participans
naturam eiusdem generis cum creaturis, sicut species generis alicuius, sed
quasi principium generis. # 4. Dieu n’est pas comparй
aux crйatures, parce qu'on le dit meilleur ou bien suprкme, comme s'il
participait d’une nature d'un mкme genre avec les crйatures, comme l’espиce
d’un genre, mais comme principe d'un genre. q. 7 a. 7 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quanto species
intelligibilis eminentior est in aliquo, tanto ex ea relinquitur perfectior
cognitio; sicut ex specie lapidis in intellectu quam in sensu. Unde per hoc
Deus perfectissime potest cognoscere res per suam essentiam, inquantum sua
essentia est supereminens similitudo rerum, et non adaequata. # 5. Plus la forme intelligible est йminente dans une chose, plus sa
connaissance est parfaite, ainsi (elle est plus parfaite) par la forme de la
pierre dans l’esprit que dans les sens. C'est pourquoi Dieu peut connaоtre
ainsi trиs parfaitement les choses par son essence, dans la mesure oщ celle-ci
est ressemblance des choses, surйminente et inйgalйe. q. 7 a. 7 ad 6 Ad sextum dicendum, quod inter creaturam et Deum
est duplex similitudo. Una creaturae ad intellectum divinum: et sic forma
intellecta per Deum est unius rationis cum re intellecta, licet non habeat
eumdem modum essendi; quia forma intellecta est tantum in intellectu, forma
autem creaturae est etiam in re. Alio modo secundum quod ipsa divina essentia est omnium
rerum similitudo superexcellens, et non unius rationis. Et ex hoc modo
similitudinis contingit quod bonum et huiusmodi praedicantur communiter de Deo
et creaturis, non autem ex primo. Non enim haec est ratio Dei cum dicitur, Deus
est bonus, quia bonitatem creaturae intelligit; cum iam ex dictis pateat quod
nec etiam domus quae est in mente artificis cum domo quae est in materia
univoce dicatur domus. # 6. Entre la crйature et Dieu, il y a une double ressemblance. a) Une de la crйature а l’esprit divin, et ainsi la forme pensйe par
Dieu est d’une mкme nature que ce qui est pensй, bien qu'elle n’ait pas le mкme
mode d'кtre; parce que la forme pensйe est seulement dans l’esprit, mais la
forme de la crйature est aussi dans la rйalitй. b) D’une autre maniиre selon que l’essence divine mкme est ressemblance
surйminente de toutes choses et non d’une seule nature. Et par ce mode de
ressemblance, il arrive que le bien, etc. est attribuй en commun а Dieu et aux
crйatures, mais pas de la premiиre maniиre. En effet, quand on dit que Dieu est
bon, ce n’est pas sa nature parce qu'elle dйsigne la bontй de la crйature,
comme dйjа c'est clair par ce qui a йtй dit, que la maison non plus qui est
dans l’esprit de l’architecte n’est pas signifiйe non plus de maniиre univoque
de la maison qui est dans la matiиre. q. 7 a. 7 ad 7 Ad septimum dicendum, quod agens aequivocum
oportet esse prius quam agens univocum, quia agens univocum non habet
causalitatem super totam speciem, alias esset causa sui ipsius, sed solum super
aliquod individuum speciei; agens autem aequivocum habet causalitatem super
totam speciem; unde oportet primum agens esse aequivocum. # 7. Il faut que l’agent
йquivoque soit avant l’agent univoque, parce que ce dernier n’a pas de
causalitй sur toute l’espиce, autrement il serait sa propre cause, mais
seulement sur un individu de l’espиce; mais l’agent йquivoque a causalitй sur
toute l’espиce; donc il faut que le premier agent soit йquivoque. q. 7 a. 7 ad s. c. 1 Ad primum ergo dicendum, quod in
contrarium obiicitur, dicendum, quod philosophus loquitur de communitate
naturaliter et non logice. Ea vero quae habent diversum modum essendi, non
communicant in aliquo secundum esse quod considerat naturalis; possunt tamen
communicare in aliqua intentione quam considerat logicus. Et praeterea etiam
secundum naturalem corpus elementare et caeleste non sunt unius generis; sed
secundum logicum sunt. Nihilominus tamen philosophus non intendit excludere
analogicam communitatem, sed solum univocam. Vult enim ostendere quod
corruptibile et incorruptibile non communicant in genere. En sens contraire, sur ce qui a йtй objectй, il faut dire: # 1. Le philosophe parle de
communautй de maniиre naturelle et non logique. Ce qui a un mode diffйrent
d’кtre ne communique en rien selon l’кtre que le naturaliste considиre. Cependant
cela peut кtre commun dans un concept que le logicien considиre. Et en outre
aussi selon le naturaliste le corps йlйmentaire et le corps cйleste ne sont pas
d'un mкme genre. Mais ils le sont selon le logicien. Cependant le Philosophe
n’entend pas exclure la communautй analogique mais seulement celle qui est
univoque. Car il veut montrer que le corruptible et l'incorruptible ne
communique pas dans un genre commun. (Mйtaphysique,
X, 10, 1050 b 27) q. 7 a. 7 ad s. c. 2 Ad secundum dicendum, quod licet diversitas
generis tollat univocationem, non tamen tollit analogiam. Quod sic patet. Sanum
enim, secundum quod dicitur de urina, est in genere signi; secundum vero quod
dicitur de medicina, est in genere causae. # 2. Bien que la diffйrence de genre exclut l'univocitй, elle n’exclut
cependant pas l’analogie. Ce qui apparaоt ainsi: en effet ce qui est sain,
selon qu'on parle d'urine, est dans le genre du signe, mais si on parle de
mйdecine, il est dans le genre de la cause. q. 7 a. 7 ad s. c. 3 Ad tertium dicendum, quod Deus nullo modo
dicitur esse similis creaturae, sed e contrario, quia, ut dicit Dionysius, in
causa et causatis non recipimus similitudinis conversionem, sed solum in
coordinatis; homo enim non dicitur similis suae imagini, sed e contrario, propter
hoc quod forma illa secundum quam attenditur similitudo, per prius est in
homine quam in imagine. Et ideo Deum creaturis similem non
dicimus, sed e contrario. # 3. On ne dit en aucune maniиre que Dieu est semblable а
la crйature, mais le contraire, parce que, comme le dit Denys (Les Noms divins, 9) dans la cause et
l'effet nous ne recevons pas la rйciprocitй de la ressemblance, mais seulement
en ce qui est coordonnй; car on ne dit pas que l’homme est semblable а son
image, mais on dit le contraire, parce que cette forme selon que la
ressemblance l'atteint, est dans l’homme avant que dans l’image. Et c’est
pourquoi nous ne disons pas que Dieu est semblable aux crйatures, mais nous
disons le contraire. q. 7 a. 7 ad s. c. 4 Ad quartum dicendum, quod cum dicitur,
nulla creatura est similis Deo, ut eodem cap. dicit Dionysius, hoc
intelligendum est secundum quod causata minus habent a sua causa, ab ipsa
incomparabiliter deficientia. Quod non est intelligendum secundum quantitatem
participati, sed aliis duobus modis, sicut supra dictum est. # 4. Quand on dit qu'aucune crйature n’est semblable а
Dieu, comme Denys le dit dans le mкme chapitre (9), il faut le comprendre selon
que l'effet reзoit moins de sa cause, incomparablement par sa dйficience mкme.
Ce qu’il ne faut pas comprendre selon la quantitй de ce qui participe, mais par
les deux autres modes, comme on l’a dit ci-dessus. q. 7 a. 7 ad s. c. 5 Ad quintum dicendum, quod secundum
accidens non potest esse aliquid simile substantiae, similitudine quae
attenditur secundum formam unius rationis, sed secundum similitudinem quae est
inter causatum et causam, nihil prohibet. Nam primam substantiam oportet esse
causam omnium accidentium. # 5. Pour l’accident, il ne peut y avoir rien de semblable
а la substance, par une ressemblance qui est atteinte selon la forme d'une
nature, mais rien ne l'empкche selon la ressemblance qui est entre l'effet et
la cause. Car il faut que la substance premiиre soit cause de tous les
accidents. q. 7 a. 7 ad s. c. 6 Et similiter dicendum ad sextum. # 6. Et il faut dire de mкme pour le sixiиme. q. 7 a. 7 ad s. c. 7 Ad septimum dicendum, quod albedo nec est
in genere numeri, nec est principium generis; et ideo nulla similitudo unius ad
alterum attenditur. Deus autem est principium omnis generis; et ideo ei omnia
aliqualiter similantur. # 7. La blancheur n’est pas dans le genre du nombre et
n’est pas le principe du genre, et c’est pourquoi on n'atteint aucune
ressemblance de l'une а l’autre. Mais Dieu est le principe de tout genre, et
c’est pourquoi tout est semblable а lui de maniиre йgale. q. 7 a. 7 ad s. c. 8 Ad octavum dicendum, quod ratio illa
procedit de his quae communicant in genere vel in materia; qualis conditio non
est Dei ad creaturas. # 8. Cette raison procиde de ce qui communique dans le
genre ou dans la matiиre, une telle condition n’existe pas entre Dieu et les
crйatures.
1 Parall.: Ia, qu. 13, a. 5 — CG. I, 32, 33, 34- I sent.
Prol. a.2, ad.2 — d19q5a2, ad 1 —
d35a4 — De Verit. 2, 2 —Compendium.27. 2
Prйdicables: attributs universels communs а plusieurs: ils sont au nombre de
cinq: le genre, l'espиce, la diffйrence, le propre, l'accident. Cf. Ia, qu. 77, a. 1, ad 5.
Article 8: Y a-t-il une relation entre Dieu et la crйature?
q. 7 a. 8
tit. 1 Octavo quaeritur utrum sit aliqua relatio inter Deum et creaturam. Et
videtur quod non. Il semble que non. Objections1: q. 7 a. 8 arg. 1 Relativa enim sunt simul, secundum
philosophum. Sed creatura non potest simul esse cum Deo: Deus enim omnibus
modis est prior creatura. Ergo nulla relatio potest esse inter creaturam et
Deum. 1. Car ce qui est relatif est simultanй, selon le
philosophe (les catйgories, les relations,
7, 7 b 152). Mais la crйature ne peut
pas кtre en mкme temps que Dieu, car il est а tous les points de vue antйrieur
а la crйature. Donc aucune relation ne peut exister entre la crйature et Dieu. q. 7 a. 8 arg. 2 Praeterea, inter quaecumque est aliqua
relatio, est etiam eorum aliqua ad invicem comparatio. Sed inter Deum et
creaturam non est comparatio; ea enim quae non sunt unius generis, non sunt
comparabilia, sicut numerus et linea. Ergo non est aliqua relatio inter Deum et
creaturam. 2. Entre chaque chose oщ il y a une relation, il y a aussi un certain
rapport de l’une а l’autre. Mais entre Dieu et la crйature il n’y en a pas, car
ce qui n’est pas d’un seul et mкme genre, n’est pas comparable, comme le nombre
et la ligne. Donc il n’y a pas de relation entre Dieu et la crйature. q. 7 a. 8 arg. 3 Praeterea, in quocumque genere est unum
relativorum, est etiam aliud. Sed Deus non est in eodem genere cum creatura.
Ergo non possunt relative ad invicem dici. 3. En quelque genre oщ il y a l'un des relatifs, l'autre y est aussi.
Mais Dieu n’est pas dans le mкme genre que la crйature. Donc on ne peut les
dire relatifs entre eux. q. 7 a. 8 arg. 4 Praeterea, creatura non potest esse opposita
creatori: quia oppositum non est causa sui oppositi. Sed relativa ad invicem
opponuntur. Ergo non potest esse relatio inter creaturam et Deum. 4. La crйature ne peut кtre opposйe au Crйateur, parce que l’opposй
n’est pas la cause de son opposй. Mais les choses relatives s’opposent l’une а
l’autre. Donc on ne peut pas parler de relation entre la crйature et Dieu q. 7 a. 8 arg. 5 Praeterea, de quocumque aliquid de novo
incipit dici, aliquo modo potest dici factum. Ergo sequitur, si aliquid
relative ad creaturam de Deo dicitur, quod Deus aliquo modo sit factus; quod
est impossibile, cum ipse sit immutabilis. 5. De tout ce dont on commence а parler nouvellement, on peut dire,
d’une certaine maniиre, que cela a йtй fait [crйй]. Donc il en dйcoule, si on
parle de quelque chose de relatif qui va de Dieu а la crйature, que Dieu d’une
certaine maniиre a йtй fait; ce qui est impossible, puisqu’il est immuable. q. 7 a. 8 arg. 6 Praeterea, omne quod praedicatur de aliquo,
praedicatur de eo aut per se aut per accidens. Sed ea quae important relationem
ad creaturam, non praedicantur de Deo per se, quia huiusmodi praedicata ex
necessitate et semper praedicantur; nec iterum per accidens. Ergo nullo modo aliqua talia relativa de Deo praedicari possunt. 6. Tout ce qui est attribuй, l'est par soi ou par accident. Mais ce qui
apporte une relation а la crйature, n’est pas attribuй а Dieu par soi, parce
que les attributs de ce genre sont attribuйs par nйcessitй et toujours, et pas
а nouveau par accident. Donc en aucune maniиre de telles relations ne peuvent
кtre attribuйes а Dieu. En sens contraire: q. 7 a. 8 s. c. Sed
contra, est quod Augustinus dicit, quod creator relative dicitur ad creaturam,
sicut dominus ad servum. Augustin dit (La Trinitй, V, XIII, 143) qu’on parle du crйateur en relation а la
crйature, comme du maоtre а son serviteur. Rйponse: q. 7 a. 8 co. Respondeo. Dicendum quod relatio in hoc differt a
quantitate et qualitate: quia quantitas et qualitas sunt quaedam accidentia in
subiecto remanentia; relatio autem non significat, ut Boetius dicit, ut in
subiecto manens, sed ut in transitu quodam ad aliud; unde et Porretani dixerunt,
relationes non esse inhaerentes, sed assistentes, quod aliqualiter verum est,
ut posterius ostendetur. La relation diffиre de la quantitй et de qualitй4, parce que celles-ci sont des accidents qui
demeurent dans un sujet5 . Mais la
relation ne signifie pas, comme Boиce le dit (La Trinitй, V) qu'elle demeure dans le sujet mais c'est comme si
elle passait vers un autre. C'est pourquoi les disciples de G. de la Porrйe6 ont dit que les relations ne sont pas
inhйrentes, mais assistantes7, ce qui est vrai d’une certaine maniиre,
comme on le montrera plus tard (qu. 8, a. 2, c). Quod autem
attribuitur alicui ut ab eo in aliud procedens non facit compositionem cum eo,
sicut nec actio cum agente. Et propter hoc etiam probat philosophus V Phys., quod in ad aliquid non potest
esse motus: quia, sine aliqua mutatione eius quod ad aliud refertur, potest
relatio desinere ex sola mutatione alterius, sicut etiam de actione patet, quod
non est motus secundum actionem nisi metaphorice et improprie; sicut exiens de
otio in actum mutari dicimus, quod non esset si relatio vel actio significaret
aliquid in subiecto manens. Ce qui est attribuй а une chose comme procйdant d'elle dans
une autre, ne fait pas composition avec elle, de mкme que l'action ne fait pas
composition avec l’agent8 . Et c’est
pour cela que le philosophe prouve (Physique,
V, 2, 226 a 239) que dans la
relation il ne peut pas y avoir de mouvement; parce que, sans le changement de
ce qui se rйfиre а l'autre, la relation peut cesser par le seul changement de
l’autre10, comme on le voit aussi
pour l’action, parce que ce n’est un mouvement selon l’action que
mйtaphoriquement et improprement. Ainsi nous disons que passer du repos а
l’action c’est changer, ce qui ne serait pas si la relation ou l’action
signifiait quelque chose qui demeure dans le sujet. Ex hoc autem apparet quod non est contra rationem
simplicitatis alicuius multitudo relationum quae est inter ipsum et alia; immo
quanto simplicius est tanto concomitantur ipsum plures relationes. Quanto enim
aliquid est simplicius, tanto virtus (eius) est minus limitata, unde ad plura
se extendit sua causalitas. Et ideo in libro
de causis dicitur, quod omnis virtus
unita plus est infinita quam virtus multiplicata. Cela montre que la pluralitй des relations qui est entre
lui et les autres, n’est pas contre le concept d'une certaine simplicitй; bien
plus il est d’autant plus simple que les relations qui l'accompagnent sont plus
nombreuses. Car plus une chose est simple, moins sa puissance est limitйe,
c'est pourquoi sa causalitй s’йtend а davantage d’effets. Et c’est pour cela
que dans le livre Des Causes (prop.
17) on dit que "toute puissance unie
est infinie plus qu’une puissance multipliйe 11." Oportet autem intelligi aliquam relationem inter principium
et ea quae a principio sunt, non solum quidem relationem originis, secundum
quod principiata oriuntur a principio, sed etiam relationem diversitatis: quia
oportet effectum a causa distingui, cum nihil sit causa sui ipsius Mais il faut comprendre une relation entre le principe et
ce qui en dйcoule12, non seulement
comme relation d’origine, selon que
ce qui dйpend du principe en dйcoule, mais encore comme relation de diversitй; parce qu’il faut que l’effet
soit distinguй de la cause, puisque rien n’est sa propre cause. Et ideo ad summam Dei simplicitatem consequitur quod
infinitae habitudines sive relationes existant inter creaturas et ipsum,
secundum quod ipse creaturas producit a seipso diversas, aliqualiter tamen sibi
assimilatas. Et c’est pourquoi pour la simplicitй suprкme de Dieu, il dйcoule que
les relations infinies ou celles qui existent entre les crйatures et lui, selon
qu’il les crйe diffйrentes de lui, lui ressemblent cependant d’une certaine
maniиre. Solutions: q. 7 a. 8 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod illa
relativa sunt simul natura quae pari ratione mutuo referuntur, sicut pater ad
filium, dominus ad servum, duplum ad dimidium. Illa vero
relativa in quibus non est eadem ratio referendi ex utraque parte, non sunt
simul natura, sed alterum est prius naturaliter, sicut etiam philosophus dicit,
de sensu et sensibili, scientia et scibili. Et sic patet quod non oportet quod
Deus et creatura sint simul natura, cum non sit eadem ratio referendi ex
utraque parte. Nihilominus autem non est necesse in illis etiam relativis quae
sunt simul natura, quod subiecta sint naturaliter simul sed relationes solae. # 1. Ces relatifs qui sont en rapport а
raison йgale13 entre eux sont
ensemble par nature, comme le pиre avec fils, le maоtre avec serviteur, le
double а la moitiй. Les relatifs dans lesquels il n’y a pas la mкme raison de
rйfйrence de chaque cфtй, ne sont pas ensemble par nature, mais l’un est
naturellement avant, comme le philosophe le dit (Les catйgories, les
relations, 7, 7 b 23-25 ) de la sensation et du sensible, de la
connaissance et du connaissable . Et ainsi il apparaоt qu’il ne faut pas que
Dieu et la crйature soient simultanйment par nature, puisque ce n'est pas la
mкme nature de rйfйrence des deux cфtйs. Cependant il n’est pas nйcessaire pour
ces relatifs, qui sont ensemble par nature, que les sujets soient ensemble,
mais que les relations seules le soient. q. 7 a. 8 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non omnium est
comparatio quorum est relatio ad invicem, sed solum illorum quorum est relatio
secundum unam quantitatem vel qualitatem, ut ex hoc possit unum altero dici
maius aut melius, vel albius vel aliquid huiusmodi. Relationum autem
diversitates possunt ad invicem referri etiam quae diversorum generum sunt: ea
enim quae diversorum generum sunt, sunt ad invicem diversa. Nihilominus tamen
quamvis Deus in eodem genere non sit cum creatura sicut contentum sub genere,
est tamen in omnibus generibus sicut principium generis: et ex hoc potest esse
aliqua relatio inter creaturam et Deum sicut inter principiata et principium. # 2. La
comparaison n’est pas pour tout ce en quoi il y a une relation rйciproque, mais
seulement pour ceux dont la relation est selon une quantitй ou une qualitй;
pour que par lа l’un puisse кtre dit plus grand ou meilleur que l’autre, ou
plus blanc, etc.. Mais les relations en leur diversitй peuvent se rйfйrer l'une
а l'autre, mкme celles qui sont de genres diffйrents; car celles-ci sont
diffйrentes l'une de l'autre. Cependant, quoique Dieu ne soit pas dans le mкme
genre que la crйature, en tant que limitйe а un genre, il est cependant dans
tous les genres, en tant que principe du genre, et par lа il peut y avoir une
relation entre la crйature et Dieu comme entre ce qui dйpend d'un principe et
le principe [mкme]. q. 7 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum, quod non oportet subiecta
relationum esse unius generis, sed solum relationes ipsas; ut patet in hoc quod
quantitas a quidditate diversa dicitur. Et tamen, ut dictum est, non est eadem
ratio de Deo et creaturis, sicut de his quae sunt in diversis generibus ad
invicem nullo modo coordinata. # 3. Il n'est pas nйcessaire que les substrats des relations soit d’un
seul genre, mais seulement les relations elles-mкmes, comme cela apparaоt dans
le fait qu'on dit que la quantitй est diffйrente de la quidditй. Et cependant,
comme on l’a dit, ce n’est pas la mкme raison pour Dieu et les crйatures, comme
de celles qui sont dans diffйrents genres, en aucune maniиre coordonnйes entre
elles. q. 7 a. 8 ad 4 Ad quartum dicendum, quod oppositio relationis
in duobus differt ab aliis oppositionibus: quorum primum est quod in aliis
oppositis unum dicitur alteri opponi, in quantum ipsum removet: negatio enim
removet affirmationem, et secundum hoc ei opponitur; oppositio vero privationis
et habitus et contrarietatis includit oppositionem contradictionis, ut IV
Metaph. dicitur. Non autem est hoc in relativis. Non enim per hoc opponitur
filius patri quod ipsum removeat, sed propter rationem habitudinis ad ipsum. # 4. L’opposition
de la relation est diffйrente des autres oppositions en deux points a) Dans les autres opposйs, l’un est dit opposй а l’autre,
dans la mesure oщ il l'exclut lui-mкme, car la nйgation exclut l’affirmation et
c'est en cela qu'elle lui est opposйe, mais l’opposition de privation, de
possession et de contrariйtй inclut celle de contradiction, comme il est dit en
Mйtaphysique (IV, 3, 1005 b 25). Mais
cela n’est pas dans les relatifs. Car le fils n’est pas opposй au pиre, parce
qu’il l’exclut lui-mкme, mais а cause de la nature de sa relation avec lui: Et ex hoc causatur secunda differentia, quia in aliis
oppositis semper alterum est imperfectum; quod accidit ratione negationis quae
includitur in privatione et altero contrariorum. Hoc autem in relativis non
oportet, immo utrumque considerari potest ut perfectum, sicut patet maxime in
relativis aequiparantiae, et in relativis originis, ut aequale, simile, pater
et filius. Et ideo relatio magis potest attribui Deo quam aliae oppositiones.
Ratione quidem primae differentiae potest attendi oppositio relationis inter
creaturam et Deum, non autem alia oppositio,- cum ex Deo sit magis creaturarum
positio quam earum remotio; est tamen aliqua habitudo, creaturarum ad Deum.
Ratione vero secundae differentiae est in ipsis divinis personis (in quibus
nihil imperfectum esse potest) oppositio relationi, et non alia, ut posterius,
apparebit. b) Et cela cause une seconde
diffйrence, parce que, dans les autres opposйs, l’autre est toujours
imparfait, ce qui arrive par la nature de la nйgation qui est incluse dans la
privation et dans l’autre des contraires. Mais il ne faut pas dans les
relatifs, que l’un et l’autre puissent кtre considйrйs comme parfaits, comme
cela paraоt au plus haut point dans les relatifs d’йquivalence et dans ceux
d'origine, en tant qu'йgal, semblable, pиre et Fils. Et c’est pourquoi la
relation peut davantage кtre attribuйe а Dieu que les autres oppositions. Par
la nature de la premiиre diffйrence, on peut atteindre l’opposition de relation
entre la crйature et Dieu, mais non une autre opposition — puisque la situation
des crйatures vient plus de Dieu que leur йloignement; cependant il y a une
relation des crйatures а Dieu. Mais par la nature de la seconde diffйrence, il
y a dans les personnes divines mкmes (en qui rien ne peut кtre imparfait) une
opposition а la relation et non une autre opposition comme cela apparaоtra plus
loin (question 8). q. 7 a. 8 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum fieri sit proprie
mutari, non est secundum relationem nisi per accidens, scilicet mutato eo ad
quod consequitur relatio: ita nec fieri. Corpus enim mutatum secundum
quantitatem fit aequale, non quod mutatio per se aequalitatem respiciat, sed
per accidens se habet ad ipsam. Et tamen non oportet, ad hoc quod de aliquo
relatio aliqua de novo dicatur, quod aliqua mutatio in ipso fiat, sed sufficit
quod fiat mutatio in aliquo extremorum: causa enim habitudinis inter duos est
aliquid inhaerens utrique. Unde ex quacumque parte fiat mutatio illius quod habitudinem
causabat, tollitur habitudo quae est inter utrumque. Et secundum hoc, per hoc
quod in creatura aliqua mutatio fit, aliqua relatio de Deo incipit dici. Unde
ipse non potest dici factus,- nisi metaphorice,- quia se habet ad similitudinem
facti, in quantum de Deo aliquid novum dicitur. Et sic dicimus: domine,
refugium factus es nobis. # 5. Comme кtre fait c’est а proprement parler
subir un changement, ce n’est selon la relation que par accident, а savoir une
fois changй ce qu’atteint la relation. Ainsi il en est de mкme pour ne pas кtre
fait. Car un corps changй en quantitй devient йgal, non parce que le changement
atteint en soi l’йgalitй, mais il se comporte vis-а-vis d'elle par accident. Et
cependant il ne faut pas parler de relation nouvelle si un changement se fait
en quelque chose, mais il suffit que le changement se fasse dans l’un des
extrкmes; car la cause de la relation entre deux choses est quelque chose
d’inhйrent а l’un et а l’autre. C'est pourquoi le changement se fait de chaque
cфtй de ce qui causait la relation; celle qui йtait entre l’un et l’autre est
exclue. Et par le fait que dans la crйature il se fait un changement, on peut
commencer а parler d’une relation а Dieu. C'est pourquoi on ne peut pas dire
qu’il est lui-mкme fait — sinon mйtaphoriquement — parce qu’il se comporte а la
ressemblance de ce qui est fait dans la mesure oщ on parle de quelque chose de
nouveau pour lui. Et ainsi nous disons: "Seigneur, tu es devenu pour nous un refuge" (Ps. 89, 1). q. 7 a. 8 ad 6 Ad sextum dicendum, quod huiusmodi relationes
cum Deo dici incipiant propter mutationem in creatura factam, patet quod causa
quare de Deo dicantur, est ex parte creaturae, et per accidens de Deo dicuntur.
Non quidem accidens quod in Deo sit, ut Augustinus dicit, sed secundum aliquid
extra ipsum existens, quod ad ipsum accidentaliter comparatur. Non enim esse
Dei a creatura dependet, sicut nec esse aedificatoris a domo. Unde sicut
accidit aedificatori quod domus sit, ita Deo quod creatura. Omne enim dicimus
per accidens se habere ad aliquid, sine quo illud esse potest. # 6. Si on
commence а parler des relations de ce genre avec Dieu а cause du changement
opйrй dans la crйature, il est clair que la cause pour laquelle on n'en parle
pas en Dieu vient du cфtй de la crйature et on en parle pour Dieu par accident.
Ce n'est pas un accident qui serait en Dieu, comme le dit Augustin, mais qui
existe selon la relation hors de lui; parce qu'il lui est accouplй
accidentellement. Car l’кtre de Dieu ne dйpend pas de la crйature, comme celui
du bвtisseur ne dйpend pas de la maison non plus. C'est pourquoi c'est comme un
accident pour lui que la maison existe, de mкme pour Dieu que la crйature
existe. Car nous appelons accidentel tout ce qui se comporte vis-а-vis de ce
sans quoi il ne pourrait кtre autre.
1 Ia, qu. 28, a. 1 ad 3 — I Sent. d14q1a1 — CG II,
11. 2
"On appelle relatives ces choses dont tout l'кtre consiste en ce qu'elles
sont dites dйpendre d'autres choses, ou se rapporter de quelque autre faзon а
autre chose.(Catйgories, 7, 6a 36) —
7 b 15: "Il semble bien qu'entre les relatifs il y ait simultanйitй
naturelle" Mais il ajoute plus loin (7 b 23):"Cependant il n'est pas
vrai, semble-t-il bien, que dans tous les cas, les relatifs soient
naturellement simultanйs" 3
"Crйateur dit relation а la crйature." 4
On retrouve la mкme chose en Pot. 7,
2, c (§2). 5
Thomas distingue l'aspect accident, la relation est dans le substrat et
l'aspect relation ou ordre: elle est pour un autre en tant que passant en lui. Pot. qu.7, a. 9, ad 7. 6
Ce n’est un hasard si Thomas cite les disciples de Gilbert de la Porrйe, aprиs
Boиce. Ce dernier avait dit: "Quand on dit Dieu, le Pиre, Dieu, le Fils,
Dieu, l’Esprit saint, la rйpйtition semble plus qu’une йnumйration." Gilbert,
йvкque de POITIERS (vers 1076 -? 1154) l’interpйtait comme une rйpйtition. Il
admettait une distinction rйelle entre la divinitй et les relations
constitutives des trois personnes en Dieu: "Les trois personnes sont
йternelle, les relations, propriйtйs, singularitйs ou unitйs, etc. qui sont en
Dieu, ne sont pas йternelles et ne sont pas Dieu" (texte condamnй).
Gilbert fut attaquй au concile de Reims qui se rйunit en prйsence du pape
Eugиne, le 21 mars 1148. Gilbert obtint, grвce а un plaidoirie habile, que le
pape ne condamne pas les chapitres qu’il avait йcrit comme hйrйtiques. Saint
Bernard attaque dans son њuvre Sur le
Cantique (80, 6), non Gilbert lui-mкme, mais ceux qui lisent ou rйpandent
l’ouvrage incriminй. 7
7. Cf. Ia, qu. 28, a. 2, c "[Gilbert]
a dit que les relations en Dieu sont"assistantes", c'est-а-dire
accolйes au dehors. (extrinsиques
affixae." ] Cf. Pot. 7, 9,
ad 7. 8
8. Le fait que l'agent agisse n'amиne pas composition d'un agent et d'une
action. 9
225 b 10: "Pas de mouvement pour la relation…226 a 23: "Puisqu'il n'y
a pas de mouvement, ni de la substance, ni du relatif, ni de l'action et
passion, reste qu'il y a seulement mouvement selon la qualitй, la quantitй et
le lieu; car dans chacune de ces catйgories, il y a contrariйtй." (Trad.
H. CARTERON) 10
Cf. BOИCE, Trin. V, si on supprime,
dit-il en substance, le terme "esclave" dans la relation maоtre
esclave, on supprime le terme "maоtre", mais si on supprime le terme
"blanc" on ne supprime pas ce qui est blanc. 11
Thomas dйmontre ainsi l’assertion (n° 331): "Toutes les puissances
infinies dйpendent d’un premier infini qui est la Puissance des puissances. Il
faut donc que plus cette puissance a йtй proche de cette premiиre puissance,
plus elle participe а son infinitй, mais cette puissance premiиre est unique
par essence. Il faut donc que, plus une chose est unique, plus infinie soit sa
puissance. Et de lа vient que la puissance de l’intelligence qui est premiиre
parmi les puissances causйes infinies, est tout а fait infinie en tant que plus
proche de l’UN premier. Mais du fait que les puissances qui sont multipliйes
soient dйfaillantes par rapport а l’unitй, leur pouvoir en est limitй." 12
A comprendre comme cause et effet. 13
En Ia, qu. 13, a 7, ad 6, il dit plus
clairement que si l’une des deux inclut l’autre et rйciproquement, alors elles
sont simultanйes. Si l’une inclut, sans que ce soit rйciproque, alors il n’y a
pas simultanйitй.
Article 9: De telles relations entre les crйatures et Dieu sont-elles
rйellement en elles? i
q. 7 a. 9 tit.
1 Nono quaeritur utrum huiusmodi relationes, quae sunt inter creaturas et Deum,
sint realiter in ipsis creaturis. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 9 arg. 1 Aliquae enim relationes inveniuntur in quibus
ex nulla parte relatio aliquid realiter ponit, sicut Avicenna dicit de
relatione quae est inter ens et non ens. Sed nulla extrema relationis magis ad
invicem distant quam Deus et creatura. Ergo ista relatio non ponit aliquid
realiter ex parte neutra. 1. Car on trouve des relations dans lesquelles la relation n’йtablit
rien de reel d’aucun cфtй., comme Avicenne le dit (Mйtaphysique, IV, ch.
102 ) de la relation entre l’йtant et
le non йtant. Mais aucune des extrйmitйs rйciproques de la relation n’est plus
distante que Dieu et la crйature. Donc cette relation n’йtablit rйellement rien
d'aucun cфtй. q. 7 a. 9 arg. 2 Praeterea, omne illud negandum est ad quod
sequitur processus in infinitum. Sed si in creatura relatio ad Deum sit res
aliqua, erit procedere in infinitum: relatio enim illa aliquid creatum erit, si
est res quaedam; et ita erit alia relatio ipsius ad Deum pari ratione, et sic
in infinitum. Non ergo ponendum est quod in creatura ad Deum relatio sit res aliqua. 2. Il faut nier tout ce pour quoi dйcoule une progression а l’infini.
Mais si dans la crйature la relation а Dieu est une rйalitй, il faudra aller
jusqu'а l’infini: car cette relation sera quelque chose de crйй, si elle est
rйelle et ainsi ce sera une autre relation d'elle-mкme а Dieu а raison йgale,
et ainsi а l’infini. Il ne faut donc pas penser que la relation а Dieu est
rйelle dans la crйature. q. 7 a. 9 arg. 3 Praeterea, nihil refertur nisi ad determinatum
et unum; unde duplum non refertur ad quodlibet, sed ad dimidium, et pater ad
filium, et sic de aliis. Oportet ergo secundum differentiam eorum quae
referuntur, esse differentias eorum ad quae fit relatio. Sed Deus est unum ens
simpliciter. Ergo non potest ad ipsum fieri relatio omnium creaturarum, aliqua
relatione reali. 3. Rien n’est en rapport qu’avec quelque chose de dйterminй et d’unique
(comme il est dit en Mйtaphysique,
IV, 15, 1020 b 32 ss.); ainsi le double ne se rйfиre pas а n’importe quoi, mais
а la moitiй, le pиre au fils et ainsi de suite. Donc il faut donc que selon la
diffйrence de ce qui se rйfиre, il y ait les diffйrences de ce pour quoi se
fait la relation. Mais Dieu est un кtre absolument un. Donc la relation de
toutes les crйatures ne peut pas кtre йtablie pour lui par une relation rйelle. q. 7 a. 9 arg. 4 Praeterea, secundum hoc, creatura refertur ad
Deum secundum quod ab ipso procedit. Sed creatura procedit a Deo secundum ipsam
substantiam. Ergo secundum suam substantiam refertur ad Deum, et non secundum
aliquam relationem supervenientem. 4. La crйature se rйfиre а Dieu selon qu'elle procиde de lui. Mais la
crйature procиde de Dieu selon la substance mкme. Donc c'est par elle qu'elle
se rйfиre а Dieu et non par une relation ajoutйe. q. 7 a. 9 arg. 5 Praeterea, relatio est aliquid medium inter
extrema relationis. Sed nihil potest esse realiter medium inter Deum et
creaturam immediate a Deo creatam. Ergo relatio ad Deum non est aliqua res in
creatura. 5. La relation est quelque chose d'intermйdiaire entre les extrкmes de
la relation. Mais rien ne peut кtre rйellement intermйdiaire entre Dieu et la
crйature qu'il a crййe sans intermйdiaire. Donc la relation а Dieu n'est pas
une rйalitй dans la crйature. q. 7 a. 9 arg. 6 Praeterea, philosophus dicit, quod si omnia
apparentia essent vera, res sequeretur opinionem nostram et sensum. Sed constat quod omnes creaturae sequuntur
aestimationem, sive scientiam, sui creatoris. Ergo creaturae
omnes substantialiter referuntur ad Deum, et non per aliquam relationem
inhaerentem. 6. Le philosophe (Mйtaphysique
IV, 5, 1010 a 73) dit que, si tout ce
qui apparaоt йtait vrai, la rйalitй dйcoulerait de notre opinion et nos sens.
Mais il est clair que toutes les crйatures dйcoulent de l'йvaluation ou de la
science de leur crйateur. Donc toutes se rйfиrent substantiellement а Dieu et
non par une relation inhйrente. q. 7 a. 9 arg. 7 Praeterea, inter quae est maior distantia,
minus videtur esse relatio. Sed est maior
distantia creaturae ad Deum quam unius creaturae ad aliam. Non est autem
relatio creaturae ad creaturam res aliqua, ut videtur, nam cum non sit
substantia, oportet quod sit accidens; et ita, quod subiecto insit, et quod ab
eo removeri non possit sine mutatione subiecti: cuius contrarium supra de
relatione est dictum. Ergo nec relatio creaturae ad Deum est res aliqua. 7. La relation paraоt plus petite entre ce en quoi la distance est plus
grande. Mais la distance de la crйature а Dieu est plus grande que celle d'une
crйature а une autre. Et la relation d'une crйature а une autre n'est pas
rйelle, а ce qu'il semble, car, comme la relation n'est pas substance, il faut
qu'elle soit accident; et ainsi, qu'elle soit dans un substrat, et qu'elle ne
puisse en кtre exclue sans changement de substrat; on a dit ci-dessus le contraire
pour la relation. Donc celle de la crйature а Dieu n'est pas rйelle. q. 7 a. 9 arg. 8 Praeterea, sicut ens creatum distat a non ente
in infinitum, ita etiam a Deo in infinitum distat. Sed inter ens creatum et non
ens purum, non est aliqua relatio, ut Avicenna dicit. Ergo nec inter ens
creatum et ens increatum. 8. L'йtant crйй est йloignй du non йtant а l'infini, de mкme il est
йloignй de Dieu а l'infini. Mais entre l'йtant crйй et le pur nйant, il n'y a
aucune relation, comme Avicenne le dit (Mйtaphysique,
IV, 11). Donc ni entre l'йtant crйй, et l'йtant incrйй. En sens contraire: q. 7 a. 9 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit: quod
temporaliter dici incipit Deus quod antea non dicebatur, manifestum est
relative dici, non tamen secundum accidens Dei, quod ei aliquid acciderit; sed
plane secundum accidens eius ad quod Deus incipit dici relative. Sed accidens
res aliqua in subiecto est. Ergo relatio ad Deum est res aliqua in creatura. 1. Augustin dit (La Trinitй, V,
164) "Le fait qu'on commence а dire de Dieu temporairement ce qu'on ne disait
pas auparavant manifeste qu'on parle de relation", non cependant selon
un accident en Dieu, parce que quelque chose lui serait arrivй, mais
absolument, selon l'accident de ce en quoi Dieu commence а кtre appelй de faзon
relative. Mais l'accident est une rйalitй dans le sujet. Donc la relation а
Dieu est quelque chose dans la crйature. q. 7 a. 9 s. c. 2 Praeterea, omne quod refertur ad
aliquid per sui mutationem realiter refertur ad ipsum. Sed creatura refertur ad
Deum per sui mutationem. Ergo realiter refertur ad Deum. 2. Tout ce qui se rapporte а quelque chose par son changement se rйfиre
rйellement а lui-mкme. Mais la crйature se rйfиre а Dieu par son changement.
Donc elle se rйfиre rйellement а lui. Rйponse: q. 7 a. 9 co. Respondeo. Dicendum quod relatio ad Deum est
aliqua res in creatura. Ad cuius evidentiam sciendum est, quod sicut dicit
Commentator in XI Metaph., quia relatio est debilioris esse inter omnia
praedicamenta, ideo putaverunt quidam eam esse ex secundis intellectibus. Prima
enim intellecta sunt res extra animam, in quae primo intellectus intelligenda
fertur. Secunda autem intellecta dicuntur intentiones consequentes modum
intelligendi: hoc enim secundo intellectus intelligit in quantum reflectitur
supra se ipsum, intelligens se intelligere et modum quo intelligit. Il faut dire que la relation а Dieu est une rйalitй dans la crйature.
Pour йclaircir cette question, il faut savoir que, comme le dit le Commentateur
en Mйtaphysique, XI, (texte 19), parce que la relation est
d’un кtre plus faible parmi toutes les catйgories, certains5 ont pensй qu’elle venait des intellections
secondes6. Car ce qui est compris en
premier, c'est ce qui est hors de l’вme7
que l'intellect est d'abord portй а saisir. Mais on appelle ce qui est compris
en second les concepts qui dйcoulent du mode d'intellection; car cela l’esprit
le comprend en second dans la mesure oщ il rйflйchit en comprenant qu'il se
comprend et le mode par lequel il comprend. Secundum ergo hanc positionem sequeretur quod relatio non
sit in rebus extra animam, sed in solo intellectu, sicut intentio generis et
speciei, et secundarum substantiarum. Il dйcoulerait de cette opinion que la relation ne serait pas dans la
rйalitй [qui est] hors de l'вme, mais dans l'esprit seulement, comme le concept
de genre, d’espиce et de substances secondes. Hoc autem esse non potest. In nullo enim praedicamento ponitur
aliquid nisi res extra animam existens. Nam ens rationis dividitur contra ens
divisum per decem praedicamenta ut patet V
Metaph. Si autem relatio non esset in rebus extra animam non poneretur ad
aliquid unum genus praedicamenti. Et praeterea perfectio et bonum quae sunt in
rebus extra animam, non solum attenditur secundum aliquid absolute inhaerens
rebus, sed etiam secundum ordinem unius rei ad aliam, sicut etiam in ordine
partium exercitus, bonum exercitus consistit: huic enim ordini comparat
philosophus ordinem universi. Mais cela n'est pas possible. Car, on ne place en aucune catйgorie ce qui
existe hors de l'вme. Car l'йtant de raison est sйparй de l'йtant qui se divise
en dix catйgories, comme cela apparaоt en Mйtaphysique
(V, 7, 1017 a 238). Mais, si la
relation n'йtait pas dans la rйalitй hors de l'вme, on ne la placerait pas
comme un genre de catйgorie. Et en outre, la perfection et le bien qui sont
dans la rйalitй hors de l'вme, non seulement sont atteints selon une relation
absolument inhйrente aux choses, mais selon un rapport de l'un а l'autre, de
mкme le bien de l'armйe consiste dans l'ordre de ses parties: car c'est а lui
que le philosophe compare l'ordre de l'univers. (Mйtaphysique XII, 1075 a 11). Oportet ergo in ipsis rebus ordinem quemdam esse; hic autem
ordo relatio quaedam est. Unde oportet in rebus ipsis relationes quasdam
esse, secundum quas unum ad alterum ordinatur. Ordinatur autem una res ad aliam vel
secundum quantitatem, vel secundum virtutem activam seu passivam. Ex his enim
solum duobus attenditur aliquid in uno, respectu extrinseci. Mensuratur enim
aliquid non solum a quantitate intrinseca, sed etiam ab extrinseca. Per
virtutem etiam activam unumquodque agit in alterum et per passivam patitur ab
altero; per substantiam autem et qualitatem ordinatur aliquid ad seipsum
tantum, non ad alterum, nisi per accidens; scilicet secundum quod qualitas,-
vel forma substantialis aut materia,- habet rationem virtutis activae vel passivae,
et secundum quod in eis consideratur aliqua ratio quantitatis, prout unum in
substantia facit idem, et unum in qualitate simile, et numerus, sive multitudo,
dissimile et diversum in eisdem, et dissimile secundum quod aliquid magis vel
minus altero consideratur: sic enim albius aliquid altero dicitur. Et propter hoc philosophus in V Metaph. species assignans relationis,
quasdam ponit ex quantitate causatas, quasdam vero ex actione et passione. Il faut donc qu’il y ait un rapport dans les choses mкmes, et ce
rapport est une relation. C'est pourquoi, il faut qu’il y ait des relations
dans les choses, selon lesquelles l’une est ordonnйe а l’autre. Mais une chose
est ordonnйe а une autre, selon la quantitй ou selon la puissance active ou
passive9. Car c'est seulement par ces
deux relations qu'une chose est atteinte dans une autre par un rapport
extйrieur. Car une chose est mesurйe non seulement par une quantitй intйrieure
mais aussi extйrieure. Mais par la puissance active chacun agit sur l’autre et
par la puissance passive supporte de l'autre. Par sa substance et sa qualitй
une chose est ordonnйe а elle-mкme seulement, non а une autre, sinon par
accident, c’est-а-dire selon que la qualitй — ou la forme substantielle ou la matiиre
— a raison de puissance active ou passive, et selon qu'on considиre une notion
de quantitй en elles, selon que l’un fait le mкme dans la substance, et l'autre
du semblable dans la qualitй et le nombre ou la pluralitй, du diffйrent et du
divers dans les mкmes, et dissemblable selon que quelque chose est considйrй en
plus ou en moins dans l’autre; en effet on dit ainsi qu'une chose est plus
blanche qu’une autre. Et c’est pour cela que le Philosophe (Mйtaphysique V, 1021 a 15 ss.) en
attribuant l’espиce de relation pense que quelques-unes sont causйes par la
quantitй, mais quelques autres par l’action et la passion. Sic ergo oportet quod res habentes ordinem ad aliquid,
realiter referantur ad ipsum, et quod in eis aliqua res sit relatio. Omnes
autem creaturae ordinantur ad Deum et sicut ad principium et sicut ad finem,
nam ordo qui est partium universi ad invicem, est per ordinem qui est totius
universi ad Deum; sicut ordo qui est inter partes exercitus, est propter
ordinem exercitus ad ducem, ut patet XII Metaph. Unde oportet quod
creaturae realiter referantur ad Deum, et quod ipsa relatio sit res quaedam in
creatura. Ainsi donc il faut que ce qui a un rapport а une chose,
se rйfиre rйellement а elle et qu'en elle quelque chose soit la relation. Mais
toutes les crйatures sont ordonnйes а Dieu comme а leur principe et а leur fin;
car l’ordre qui concerne ces parties de l’univers entre elles, dйpend de celui
de tout l’univers а Dieu, comme l’ordre qui est entre les parties de l’armйe
est en raison de l’ordre de l’armйe au gйnйral, comme on le voit en Mйtaphysique (XII, 10, 1075 a 12). C'est
pourquoi il faut que les crйatures se rйfиrent rйellement а Dieu et que cette
relation soit une rйalitй dans la crйature. Solutions: q. 7 a. 9 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod hoc quod aliqua
relatio est inter creaturas ad invicem quae in neutro extremorum aliquid ponat,
non est propter creaturarum distantiam, sed propter hoc quod aliqua relatio non
attenditur secundum ordinem aliquem qui sit in rebus, sed secundum ordinem qui
est in intellectu tantum; quod non potest dici de ordine creaturarum ad Deum. # 1. S'il existe une relation des crйatures entre elles, qui ne place
rien dans aucun des deux extrкmes, ce n'est pas en raison de la distance des
crйatures, mais parce qu'une relation n'est pas atteinte selon un ordre qui
serait dans la rйalitй, mais dans l'esprit seulement; ce qu'on ne peut pas dire
du rapport des crйatures а Dieu. q. 7 a. 9 ad 2 Ad secundum dicendum, quod relationes
ipsae non referuntur ad aliud per aliam relationem sed per se ipsas, quia
essentialiter relationes sunt. Non autem est simile de his quae habent
substantiam absolutam; unde non sequitur processus in infinitum. # 2. Les relations elles-mкmes ne se rйfиrent pas а autre chose par une
autre relation mais par elles-mкmes, parce qu'elles sont essentiellement
relations. Mais ce n'est pas pareil pour ce qui a une substance absolue; c'est
pourquoi le processus ne va pas а l'infini. q. 7 a. 9 ad 3 Ad tertium dicendum, quod philosophus
ibidem concludit, quod si omnia referantur ad optimum, oportet infinitum specie
esse optimum. Et sic ad id quod est infinitum specie, nihil prohibet
infinita referri. Tale autem est Deus, cum perfectio suae substantiae ad nullum
genus determinetur, ut supra habitum est. Et propter hoc nihil prohibet
infinitas creaturas ad Deum referri. # 3. Le philosophe conclut lа mкme (Mйtaphysique,
IV, 15, 1020 b 32 ss.) que si tout est rйfйrй au meilleur, il faut que l'infini
en espиce soit le meilleur. Et ainsi pour ce qui est de l'infini en espиce,
rien n'empкche ce qui est infini de s'y rйfйrer. Mais tel est Dieu, puisque la
perfection de sa substance n'est dйterminйe а aucun genre, comme on l'a vu plus
haut. Et а cause de cela rien n'empкche des crйatures infinies de se rйfйrer а
Dieu. q. 7 a. 9 ad 4 Ad quartum dicendum, quod creatura refertur ad
Deum secundum suam substantiam, sicut secundum causam relationis; secundum vero
relationem ipsam formaliter; sicut aliquid dicitur simile secundum qualitatem
causaliter, secundum similitudinem formaliter: ex hoc enim creatura similis
denominatur. # 4. La crйature se rйfиre а Dieu selon sa substance, de mкme que selon
la cause de la relation, mais formellement selon la relation mкme; de mкme on
dit que quelque chose est semblable selon la cause, quand а la qualitй et
formellement quant а la ressemblance, car c'est а cause de cela que l'on
dйfinit la crйature comme semblable. q. 7 a. 9 ad 5 Ad quintum dicendum, quod cum dicitur creatura
immediate a Deo procedere, excluditur causa media creans, non tamen excluditur
mediata realis habitudo, quae naturaliter sequitur ad productionem creaturae;
sicut aequalitas sequitur productionem quantitatis indeterminate, ita habitudo
realis naturaliter sequitur ad productionem substantiae creatae. # 5. Quand on dit que la crйature procиde de Dieu sans intermйdiaire,
on exclut la cause crйatrice intermйdiaire, cependant on n'exclut pas la
relation rйelle intermйdiaire, qui naturellement se rattache а la production de
la crйature; de mкme que l'йgalitй dйcoule de faзon indйterminйe du changement
de la quantitй; de mкme la relation rйelle dйcoule naturellement pour la
production de la substance crййe. q. 7 a. 9 ad 6 Ad sextum dicendum, quod creaturae sequuntur Dei
scientiam sicut effectus causam, non sicut propriam rationem essendi, ut sic
nihil aliud sit creaturam esse quam a Deo sciri. Hoc autem modo ponebant,
dicentes omnia apparentia esse vera, et rem sequi opinionem et sensum, ut
scilicet unicuique hoc esset esse quod ab alio sentiri vel opinari. # 6. Les crйatures dйcoulent de la science de Dieu10, comme l'effet de sa cause, non comme
propre raison d'кtre, de sorte qu'ainsi кtre crйature n'est rien d'autre que
d'кtre connu par Dieu. C'est ainsi qu'ils11
le pensaient, disant que tout ce qui est apparence est vrai et que
l'opinion et les sens suivent la rйalitй, de sorte que pour cet кtre serait ce
qui est senti et pensй par un autre. q. 7 a. 9 ad 7 Ad septimum dicendum, quod ipsa relatio quae
nihil est aliud quam ordo unius creaturae ad aliam, aliud habet in quantum est
accidens et aliud in quantum est relatio vel ordo. In quantum enim accidens
est, habet quod sit in subiecto, non autem in quantum est relatio vel ordo; sed
solum quod ad aliud sit quasi in aliud transiens, et quodammodo rei relatae
assistens. Et ita relatio est aliquid inhaerens, licet non ex hoc ipso quod est
relatio; sicut et actio ex hoc quod est actio, consideratur ut ab agente; in
quantum vero est accidens, consideratur ut in subiecto agente. Et ideo nihil
prohibet quod esse desinat huiusmodi accidens sine mutatione eius in quo est,
quia sua ratio non perficitur prout est in ipso subiecto, sed prout transit in
aliud; quo sublato, ratio huius accidentis tollitur quidem quantum ad actum,
sed manet quantum ad causam; sicut et subtracta materia, tollitur calefactio,
licet maneat calefactionis causa. # 7. La relation elle-mкme, qui n'est rien d'autre que le rapport d'une
crйature а une autre, a quelque chose de diffйrent en tant qu'accident et en
tant que relation ou rapport. Car en tant qu'elle est accident, elle est dans
un substrat, mais pas en tant que relation ou ordre, mais elle est seulement
relation pour un autre en tant que passant en lui, et d'une certaine maniиre
assistante pour ce qui est12. Et de
mкme cette relation est quelque chose d'inhйrent, bien que ce ne soit pas du
fait qu'elle est relation: et de mкme l'action, en tant que telle, est
considйrйe comme venant d'un agent, mais en tant qu'accident, elle est
considйrйe comme dans le substrat agent. Et ainsi rien n'empкche qu'elle cesse
d'кtre un accident de ce genre sans changement de ce en quoi elle est, parce
que sa nature n'est pas achevйe du fait qu'elle est dans le sujet mкme, mais du
fait qu'elle passe dans un autre; si on l'exclut, la nature de cet accident est
enlevй, quant а l'acte mais elle demeure quant а la cause, comme une fois la
matiиre soustraite, le rйchauffement est enlevй, bien que sa cause demeure. q. 7 a. 9 ad 8 Ad octavum dicendum, quod ens creatum non habet
ordinem ad non ens, habet autem ordinem ad ens increatum; et ideo non est
simile. # 8. L'йtant crйй n'a pas de relation au non йtant, mais il en a une а
l'йtant incrйй, et ainsi ce n'est pas pareil.
1 Parall: Ia, qu. 13, 7 - Ia, qu. 34, a. 3, ad 2 — qu. 6 a. 2 ad 1— qu. 28 a.1 ad 3; a.4, c
— qu. 45, a.3, ad 1 — IIIa , 2, 7 c — I
Sent. d30a1 — d37q2a3 — De Verit.
q. 4, a.5 — Pot. q. 3, a. 3. 2 . Cf. Pot. 3, 4 Non entis enim ad ens…Pot. 3,
1 ad 7. Boиce – 3
Thomas, lectio 12, n° 683. 4
p. 466 lа oщ il y a (924), citй mot а mot. Trad. BA. 5
Peut-кtre Avicebron (La source vie) "ce
que l'intelligence distingue doit кtre йgalement distinguй dans la rйalitй."
Ia, qu. 50, a. 2, c. 6
Sur le fonctionnement de l'intellect et les intellection premiиre et seconde,
voir qu. 1, a. 1, sol. 10.et 8, 1, obj. 2, avec mкme rйfйrence."On appelle
substances secondes les espиces dans lesquelles les substances prises au sens
premier sont contenues, et aux espиces, il faut ajouter les genres de ces
espиces." (Catйgories, 5, 20, 14). 7
Cette expression, reprise plusieurs fois, semble une insistance: l'intellection
premiиre, la relation sont des rйalitйs. Ce n'est pas ce que l'agent conзoit. 8
"L'кtre par essence reзoit toutes les acceptions qui sont indiquйes par
les types de catйgories, car les sens de l'кtre sont en nombre йgal а ces
catйgories." 9
Quantitй, fondement de la relation йgalitй, inйgalitй. L'action et la passion,
fondements de la relation de cause. Aristote, Mйtaphysique , V, 15, 1021 a 15. La relation de l'actif au passif
est relation de la puissance active а la puissance passive et des actes de ces
puissances. 10
Cf. Ia, qu. 14, a. 8. 11
C'est-а-dire les philosophes. Cf. l'objection. . 12
Cf. Pot. 7, 8, c note C'est l'opinion
de Gilbert de la Porrйe.
Article 10: Dieu se rйfиre-t-il а la crйature, de telle sorte que cette
relation soit une rйalitй en lui?
q. 7 a. 10 tit. 1 Decimo quaeritur utrum Deus
realiter referatur ad creaturam, ita quod ipsa relatio sit res aliqua in Deo.
Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 7 a. 10 arg. 1 Movens enim realiter refertur ad motum; unde
philosophus, V Metaph., ponit relationem moventis et moti ut species
praedicamenti relationis. Sed Deus
comparatur ad creaturam ut movens ad motum. Ergo refertur realiter ad
creaturam. 1. Car le moteur est rйellement en relation avec le mы; c'est pourquoi
le philosophe (Physique, V, 2, 225 b 10) place la relation du moteur et du mы
comme une espиce de catйgorie de relation. Mais Dieu est comparй2 а la crйature comme le moteur au mы. Donc il
se rйfиre rйellement а la crйature. q. 7 a. 10 arg. 2 Sed diceretur, quod movet creaturas sine sui
mutatione; et ideo non realiter refertur ad rem motam.- Sed contra, unum,
relative oppositorum, non est causa quod alterum dicatur de eodem: non enim
propter hoc aliquid est duplum, quia est dimidium; nec ideo Deus est pater,
quia est filius. Si ergo movens et motum relative dicuntur, non ideo relatio
moventis est in aliquo, quia est in eo relatio moti. Quod ergo Deus non movetur
non impedit quin realiter referatur ut movens ad motum. 2. Mais on pourrait dire
qu'il meut les crйatures sans changement pour lui et c'est pourquoi il ne se
rйfиre pas rйellement а ce qui est mы.— En
sens contraire, l'un, relativement aux opposйs, n'est pas une raison pour
parler d'une mкme chose а propos d'un autre. Car une chose n'est pas double,
parce qu'elle est moitiй; et ainsi Dieu n'est pas Pиre, parce qu'il y a le
Fils. Si donc on parle relativement du moteur et du mы, ce n'est pas parce que
la relation du moteur est dans une chose, parce qu’il y a en lui une relation
de mы. Donc que Dieu ne soit pas mы, n'empкche pas qu'il soit rйellement en
relation comme le moteur а ce qui est mы. q. 7 a. 10 arg. 3 Praeterea, sicut pater dat esse filio,
ita creator dat esse creaturae. Sed pater realiter refertur ad filium. Ergo et
creator ad creaturam. 3. De mкme que le Pиre donne l'кtre au Fils, le Crйateur donne l'кtre а
la crйature. Mais le Pиre se rйfиre rйellement aux Fils. Donc le Crйateur а la
crйature aussi. q. 7 a. 10 arg. 4 Praeterea, ea quae proprie dicuntur de Deo et
non metaphorice, rem significatam ponunt in Deo. Sed inter ista nomina
commemorat Dionysius hoc nomen dominus. Ergo res significata per hoc nomen
dominus, realiter est in Deo. Haec autem est relatio ad creaturam. Ergo, et
cetera. 4. Ce qui est dit proprement de Dieu, sans mйtaphore, place ce qui est
signifiй en Dieu. Mais Denys rappelle, parmi ces noms, celui de Seigneur (Les Noms divins, 1). Donc ce qui est signifiй par ce nom Seigneur est rйellement en Dieu. Mais
c'est une relation а la crйature. Donc, etc. q. 7 a. 10 arg. 5 Praeterea, scientia realiter refertur ad
scibile, ut patet V Metaph. Sed Deus
comparatur ad res creatas ut sciens ad scitum. Ergo in Deo est
aliqua relatio ad creaturam. 5. La connaissance se rйfиre rйellement au connaissable, comme on le
voit en Mйtaphysique (V, 15, 1021 a
26-313). Mais Dieu est comparй aux
crйatures comme celui qui connaоt au connu. Donc en Dieu il y a une relation а
la crйature. q. 7 a. 10 arg. 6 Praeterea, illud quod movetur, semper
habet realem relationem ad movens. Sed voluntas comparatur ad volitum ut ad
movens motum: nam appetibile est movens non motum; appetitus, movens motum, ut
dicitur XII Metaph. Cum ergo Deus velit res esse, videtur quod realiter
referatur ad creaturam. 6. Ce qui est mы a toujours une relation rйelle avec le moteur. Mais la
volontй est comparйe а ce qui est voulu, comme le mы au moteur; car l'appйtible
est moteur non mы, l'appйtit un moteur mы, comme il est dit en Mйtaphysique, ( XII, 7, 1072 a 26). Donc
comme Dieu veut que les choses existent (Car
"tout ce qu'il a voulu, il l'a fait." Ps. 113, 314), il semble qu'il est rйellement en relation
avec les crйatures. q. 7 a. 10 arg. 7 Praeterea, si Deus ad creaturas non
referatur, non videtur esse alia ratio, nisi quia a creaturis non dependet, et
quia creaturas excedit. Sed similiter corpora caelestia a corporibus elementaribus
non dependent, et ea quasi improportionaliter excedunt. Ergo secundum hoc
sequeretur quod nulla esset realis relatio corporum superiorum ad inferiora. 7. Si Dieu ne se rйfиre pas aux crйatures, il n'y a pas d'autre raison,
semble-t-il, sinon qu'il ne dйpend pas des crйatures, et qu'il les surpasse.
Mais de la mкme maniиre les corps cйlestes ne dйpendent pas des corps
йlйmentaires et les surpassent pour ainsi dire sans aucune proportion. Donc il
en dйcoulerait qu'il n'y aurait aucune relation rйelle des corps supйrieurs aux
corps infйrieurs. q. 7 a. 10 arg. 8
Praeterea, omnis denominatio est a forma. Forma autem est
aliquid inhaerens ei cuius est. Cum ergo Deus
nominetur a relationibus ad creaturam, videtur quod ipsae relationes aliquid
sint in Deo. 8. Toute dйnomination vient de la forme. Mais elle est quelque chose
d'inhйrent а ce dont elle est. Donc comme Dieu est nommй par les relations aux
crйatures, il semble que celles-ci soient rйelles en Dieu. q. 7 a. 10 arg. 9 Praeterea, proportio, quaedam relatio realis
est, sicut duplum ad dimidium; sed aliqua proportio videtur esse Dei ad
creaturam, cum inter movens et motum oporteat esse proportionem. Ergo videtur
quod Deus ad creaturam realiter referatur. 9. La proportion est une relation rйelle, comme le double а la moitiй;
mais il semble qu'il y ait une proportion de Dieu а la crйature, puisque, entre
le moteur et le mы, il faut qu'il y ait une proportion. Donc il semble que Dieu
se rйfиre rйellement а la crйature. q. 7 a. 10 arg. 10 Praeterea, cum intellectus sit rerum
similitudines, et voces sint signa rerum, ut dicit philosophus, aliter
ordinantur ista apud discipulum, et aliter apud doctorem. Doctor enim incipit a
rebus in quibus scientiam accipit in suo intellectu, cuius conceptiones voces
signant; discipulus autem incipit a vocibus per quas in conceptiones
intellectus magistri pervenit; et ab eis in rerum cognitionem. Oportet autem
quod huiusmodi quae de relationibus praedictis dicuntur, ab aliquo doctore sint
prius accepta. Ergo apud eum huiusmodi nomina relativa consequuntur
conceptiones intellectus sui, quae consequuntur rem; et ita videtur quod
huiusmodi relationes sint reales. 10. Comme l'esprit est l'image des choses et les mots en sont les
signes, comme le dit le philosophe (De
l'Interprйtation, I, 16 a 3-5), ils sont dans un ordre diffйrent dans le
disciple et le maоtre. Car celui-ci part de la rйalitй d'oщ il reзoit la
connaissance dans son esprit, dont les conceptions dйfinissent les mots, mais
le disciple commence par les mots par lesquelles il parvient aux concepts de
l'esprit du maоtre et d'elles а la connaissance de la rйalitй. Mais il faut que
ce qui est dit de tel pour ces relations soit d'abord reзu par le maоtre. Donc
chez lui de tels noms relatifs dйcoulent des conceptions de son esprit qui
dйcoulent de la rйalitй et ainsi il semble que de telles relations sont
rйelles. q. 7 a. 10 arg. 11 Praeterea, huiusmodi relativa quae de Deo
dicuntur ex tempore, aut sunt relativa secundum esse, aut secundum dici. Si sunt relativa secundum dici, in neutro extremorum aliquid ponunt
realiter. Hoc autem est falsum, secundum praedicta: nam in creatura relata ad
Deum realiter existunt. Relinquitur ergo quod sunt relativa secundum esse; et
ita videtur quod in utroque extremorum aliquid ponant realiter. 11. De tels relatifs signifiйs temporellement pour Dieu, sont des
relatifs quant а l'кtre, ou en parole5.
Si elles sont transcendantales, elles ne placent rйellement rien dans aucune
des extrйmitйs. Mais cela est faux d'aprиs ce qui a йtй dit: car, dans les
crйatures, les relations а Dieu existent rйellement. Il reste donc qu'elles
sont des relations prйdicamentales et ainsi il semble qu'elles placent
rйellement quelque chose а l'une et а l'autre des extrйmitйs. q. 7 a. 10 arg. 12
Praeterea, haec est natura relativorum, quod posito uno ponitur aliud, et uno
interempto aliud interimitur. Si igitur in
creatura est aliqua realis relatio, oportet quod in Deo relatio ad creaturam
sit realis. 12. Il est de la nature des relatifs que, si on en place un, on place
l'autre et si on enlиve l'un, on enlиve l'autre aussi. Si donc dans la crйature
il y a une relation rйelle, il faut qu'en Dieu la relation а la crйature soit
rйelle. En sens contraire: q. 7 a. 10 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit, V de
Trin.: manifestum est Deum relative dici secundum accidens eius ad quod dici
Deus aliquid incipit relative. Ergo videtur quod istae relationes dicantur de
Deo, non secundum aliquid quod in ipso sit, sed secundum aliquid quod extra ipsum
est; et ita nihil realiter in ipso ponunt. 1. Il y a ce que dit Augustin (La Trinitй V, XVI, 17): "Il est clair qu'on parle relativemen de Dieu
t а la suite de l’accident pour lequel Dieu commence а кtre appelй d’un nom
relatif6". Donc il semble
qu'on parle de ces relations en Dieu, non selon ce qui est en lui, mais hors de
lui, et ainsi on ne place rйellement rien en lui. q. 7 a. 10 s. c. 2 Praeterea, sicut scibile est mensura
scientiae, ita Deus est mensura omnium rerum, ut Commentator dicit, X Metaph. Sed scibile non refertur ad scientiam per relationem
quae in ipso realiter sit, sed potius per relationem scientiae ad ipsum, ut
patet per philosophum, V Metaph. Ergo videtur quod nec Deus dicatur relative ad
creaturam propter aliquam relationem quae sit realiter in eo. 2. De mкme que le connaissable est la mesure de la connaissance, de
mкme Dieu est la mesure de toutes choses, comme le dit le Commentateur (Mйtaphysique, X). Mais le connaissable
ne se rйfиre pas а la connaissance par une relation qui est rйellement en lui,
mais plutфt par une relation de la connaissance en lui, comme on le voit chez
le philosophe (Mйtaphysique, V, 15,
1021 a 287). Donc il semble qu'on ne
parle pas de Dieu relativement а la crйature а cause d'une relation qui est
rйellement en lui. q. 7 a. 10 s. c. 3 Praeterea, Dionysius dicit: in causis et
causatis non recipimus conversionem similitudinis: nam effectus dicitur similis
causae, non autem e contrario. Eadem autem ratio videtur de relatione
similitudinis et de aliis relationibus. Ergo videtur quod nec quantum ad alias
relationes fiat conversio a Deo ad creaturam: ut quia creatura realiter
refertur ad Deum, Deus realiter referatur ad creaturam. 3. Denys dit (les Noms divins, IX
913D8): "Dans les causes et les effets, nous ne prenons pas en compte la
rйciprocitй de la ressemblance; car l'effet est dit semblable а la cause, mais
pas le contraire." C'est la mкme raison qui semble exister pour la
relation de ressemblance et les autres relations. Donc il semble que pour les
autres relations non plus, il n'y a pas retour de Dieu а la crйature, de sorte
que, parce que la crйature se rйfиre rйellement а Dieu, Dieu se rйfиre
rйellement а elle. Rйponse: q. 7 a. 10 co. Respondeo. Dicendum quod relationes, quae
dicuntur de Deo ad creaturam, non sunt realiter in ipso. Ad cuius evidentiam
sciendum est, quod cum relatio realis consistat in ordine unius rei ad rem
aliam, ut dictum est; in illis tantum mutua realis relatio invenitur in quibus
ex utraque parte est eadem ratio ordinis unius ad alterum: quod quidem
invenitur in omnibus relationibus consequentibus quantitatem. Nam cum
quantitatis ratio sit ab omni sensibili abstracta, eiusdem rationis est
quantitas in omnibus naturalibus corporibus. Et pari ratione qua unum habentium
quantitatem realiter refertur ad alterum, et aliud ad ipsum. Il faut dire que les relations de Dieu а la crйature ne sont pas
rйellement en lui. Pour йclaircir la question, il faut savoir que, comme la
relation rйelle consiste dans le rapport d’une chose а une autre, comme on l’a
dit, on trouve seulement une relation mutuelle rйelle dans celles oщ de chaque
cфtй il y a la mкme nature de rapport de l'une а l’autre: ce qu’on trouve dans
toutes les relations qui dйpendent de la quantitй. En effet, comme la nature de
la quantitй est abstraite de ce qui est sensible, elle est de mкme nature dans
tous les corps naturels. Et а raison йgale, c'est pourquoi l’un de ceux qui a
la quantitй se rйfиre rйellement а l’autre et l’autre а lui. Habet autem una quantitas absolute considerata ad aliam
ordinem secundum rationem mensurae et mensurati, et secundum nomen totius et
partis, et aliorum huiusmodi quae quantitatem consequuntur. In relationibus
autem quae consequuntur actionem et passionem, sive virtutem activam et
passivam, non est semper motus ordo ex utraque parte. Oportet namque id quod
semper habet rationem patientis et moti, sive causati, ordinem habere ad agens
vel movens, cum semper effectus a causa perficiatur, et ab ea dependeat: unde
ordinatur ad ipsam sicut ad suum perfectivum. Une quantitй considйrйe dans l’absolu a un rapport а une autre en
raison de la mesure et du mesurй, et selon le nom du tout et de la partie et
d’autres choses de ce genre qui dйcoulent de la quantitй. Mais dans les
relations qui dйcoulent de l’action et de la passion, soit de la puissance
active et passive, le mouvement n'est pas toujours le rapport de l'une а
l'autre. Car il faut que ce qui a toujours un rapport de patient, de mы, ou de
causй, ait rapport а l’agent ou au moteur, puisque toujours l’effet est achevй
par la cause, et en dйpend. C'est pourquoi, il est en rapport avec elle comme а
ce qui le rend parfait. Agentia autem, sive moventia, vel etiam causae, aliquando
habent ordinem ad patientia vel mota vel causata, in quantum scilicet in ipso
effectu vel passione vel motu inductis, attenditur quoddam bonum et perfectio
moventis vel agentis; sicut maxime patet in agentibus univocis quae per
actionem suae speciei similitudinem inducunt, et per consequens esse perpetuum
quod est possibile, conservant. Les agents, les moteurs ou mкme les causes ont quelquefois rapport а ce
qui subit, est mы ou est causй, dans la mesure oщ une fois induits dans l'effet
lui-mкme, dans ce qui supporte ce qui est mы, sont atteintes une certain bien
et la perfection du moteur ou de l'agent, comme c'est tout а fait manifeste
dans les agents univoques qui par leur action induisent une ressemblance de
leur espиce, et par consйquent conservent l’кtre perpйtuel qui est possible. Patet hoc etiam idem in omnibus aliis quae mota movent vel
agunt vel causant; nam ex ipso suo motu ordinantur ad effectus producendos; et
similiter in omnibus in quibus quodcumque bonum causae provenit ex effectu.
Quaedam vero sunt ad quae quidem alia ordinantur, et non e converso, quia sunt
omnino extrinseca ab illo genere actionum vel virtutum quas consequitur talis
ordo; sicut patet quod scientia refertur ad scibile, quia sciens, per actum
intelligibilem, ordinem habet ad rem scitam quae est extra animam. Ipsa vero
res quae est extra animam, omnino non attingitur a tali actu, cum actus
intellectus non sit transiens in exteriorem materiam mutandam; unde et ipsa res
quae est extra animam, omnino est extra genus intelligibile. Et propter hoc
relatio quae consequitur actum intellectus, non potest esse in ea. On voit la mкme chose dans tous les autres qui meuvent, agissent ou
causent; car par leur mouvement mкme ils sont ordonnйs а produire des effets et
de la mкme maniиre dans tout en quoi tout bien provient de la cause par
l’effet. Mais il y en a certains а qui les autres sont ordonnйs, et non le
contraire, parce qu'ils sont tout а fait en dehors de ce genre d’action ou de
pouvoir d'oщ dйcoule un tel rapport; ainsi il est clair que la connaissance est
en rapport avec le connaissable, parce que celui qui connaоt, par un acte
intelligible, a rapport а la chose connue qui est hors de l'вme. Mais ce qui
est hors de l'вme n'est absolument pas atteint par un tel acte, puisque l'acte
de l'esprit ne transite pas pour changer la matiиre extйrieure, c'est pourquoi
ce qui est hors de l'вme est tout а fait hors du genre intelligible. Et pour
cela la relation qui suit l'acte de l'esprit ne peut кtre en elle. Et similis ratio est de sensu et sensibili: licet enim
sensibile immutet organum sensus in sua actione, et propter hoc habeat
relationem ad ipsum,- sicut et alia agentia naturalia ad ea quae patiuntur ab
eis,- alteratio tamen organi non perficit sensum in actu, sed perficitur per
actum virtutis sensitivae: cuius sensibile quod est extra animam, omnino est
expers. Similiter homo comparatur ad columnam ut dexter, ratione virtutis
motivae quae est in homine, secundum quam competit ei dextrum et sinistrum,
ante et retro, sursum et deorsum. Et ideo huiusmodi relationes in homine vel
animali reales sunt, non autem in re quae tali virtute caret. Similiter nummus
est extra genus illius actionis per quam fit pretium; quae est conventio inter
aliquos homines facta: homo etiam est extra genus artificialium actionum, per
quas sibi imago constituitur. C'est la mкme raison pour la sensation et le sensible. Car, bien que le
sensible modifie l'organe des sens dans son action, et а cause de cela, il a
une relation а lui-mкme.— comme les autres agents naturels а ce qui est
supportй par eux, — cependant la modification de l'organe n'atteint pas le sens
en acte, mais il l'achиve par l'acte du pouvoir sensitif; dont le sensible hors
de l'вme, est tout а fait dйpourvu. De mкme l'homme est comparй а la colonne,
comme а droite, parce qu'il peut se mouvoir, selon que lui conviennent la
droite et la gauche, l'avant et l'aprиs, le dessus et le dessous. Et c'est
pourquoi les relations de ce genre dans l'homme ou l'animal sont rйelles, mais
pas dans ce qui manque d'un tel pouvoir. De mкme la piиce de monnaie est hors
du genre de l'action par laquelle elle devient une valeur; celle-ci йtant une
convention йtablie entre des hommes9;
l'homme aussi est hors du genre des actions artificielles, qui constitue une
image pour lui. Et ideo nec homo
habet relationem realem ad suam imaginem, nec nummus ad pretium, sed e
contrario. Deus autem non agit per actionem mediam, quae intelligatur a Deo
procedens, et in creaturam terminata: sed sua actio est sua substantia, et
quidquid in ea est, est omnino extra genus esse creati, per quod creatura
refertur ad Deum. Nec iterum aliquod bonum accrescit creatori ex creaturae
productione, unde sua actio est maxime liberalis, ut Avicenna dicit. Patet
etiam quod non movetur ad hoc quod agat, sed absque omni sua mutatione
mutabilia facit. Et c'est pourquoi l'homme n'a pas de relation rйelle а son image, ni la
piиce de monnaie а sa valeur, mais c'est le contraire. Mais Dieu n'agit pas par
une action intermйdiaire qui est comprise comme procйdant de lui et terminйe а
la crйature; mais son action est sa substance et tout ce qui est en lui est
tout а fait en dehors du genre de l'кtre crйй, par lequel la crйature se rйfиre
а Dieu. Et en plus aucun bien ne s'ajoute au Crйateur par la production de la
crйature. C'est pourquoi son action est tout а fait libre, comme Avicenne le
dit (Mйtaphysique, VII, 7). Il est
clair aussi qu'il n'est pas poussй а agir mais il fait ce qui change sans aucun
changement de sa part. Unde relinquitur
quod in eo non est aliqua relatio realis ad creaturam, licet sit relatio
creaturae ad ipsum, sicut effectus ad causam. C'est pourquoi il reste qu'en lui il n'y a pas de relation rйelle а
la crйature, bien qu'elle existe de la crйature а Dieu, comme l'effet а la
cause. In hoc autem deficit multipliciter Rabbi, qui voluit probare
quod non esset relatio inter Deum et creaturam, quia cum Deus non sit corpus,
non habet relationem ad tempus nec ad locum. Consideravit enim solam relationem
quae consequitur quantitatem, non eam quae consequitur actionem et passionem. Rabi Moyses10 se trompe en
cela de multiples faзons, lui qui a voulu prouver qu'il n'y avait pas de
relation entre Dieu et la crйature parce que, comme Dieu n'est pas un corps, il
n'a de relation ni avec le temps, ni avec le lieu. Car il a considйrй la seule
relation qui dйcoule de la quantitй, non celle qui dйcoule de l'action et la
passion. Solutions: q. 7 a. 10 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod movens et agens
naturale movet et agit actione vel motu medio, qui est inter movens et motum,
agens et passum. Unde oportet quod saltem in hoc medio conveniant agens et
patiens, movens et motum. Et sic agens, in quantum est agens, non est extraneum
a genere patientis in quantum est patiens. Unde utriusque est realis ordo unius
ad alterum, et praecipue cum ipsa actio media sit quaedam perfectio propria
agentis; et per consequens id ad quod terminatur actio, est bonum eius. Hoc
autem in Deo non contingit, ut dictum est; et ideo non est simile. # 1. Le moteur et l'agent naturel meuvent et agissent par une action ou
par un mouvement intermйdiaire, entre le moteur et le mы, l'agent et le
patient. C'est pourquoi il faut au moins que l'agent et le patient, le moteur
et le mы se rencontrent dans cet intermйdiaire. Et ainsi, l'agent, en tant que
tel, n'est pas йtranger au genre du patient en tant que tel. C'est pourquoi le
rapport de l'un а l'autre est rйel et surtout puisque l'action intermйdiaire
mкme est une perfection propre de l'agent; et par consйquent ce а quoi se
termine l'action est son bien. Mais cela n'arrive pas en Dieu, comme on l'a
dit, et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 7 a. 10 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc quod
movens movetur, non est causa quare relatio moventis in eo sit realiter, sed
signum quoddam. Ex hoc enim apparet quod aliquo modo coincidit in genus moti,
ex quo et ipsum movet motum; et iterum apparet quod ipsum ad quod movetur, sit
quoddam bonum eius, ex quo ad hoc per suum motum ordinatur. # 2. Le fait que le moteur soit mы n'est pas la raison pour laquelle la
relation du moteur est rйellement en lui, mais c'est un signe. Car il apparaоt
de lа que, d'une certaine maniиre, il tombe dans le genre du mы, par lequel
lui-mкme meut le mы, et а nouveau il apparaоt que ce pourquoi il est mы, est
son bien par lequel il lui est ordonnй par son mouvement. q. 7 a. 10 ad 3 Ad tertium dicendum, quod pater dat esse filio
sui generis, cum sit agens univocum; non autem tale esse dat Deus creaturae; et
ideo non est simile. # 3. Le pиre donne l'кtre а un fils de son genre, puisqu'il est agent
univoque; mais ce n'est pas un tel кtre que Dieu donne а la crйature, et c'est
pourquoi ce n'est pas pareil. q. 7 a. 10 ad 4 Ad quartum dicendum, quod hoc nomen, dominus,
tria in suo intellectu includit: scilicet, potentiam coercendi subditos, et
ordinem ad subditos qui consequitur talem potestatem, et terminationem ordinis
subditorum ad dominum; in uno enim relativo est intellectus alterius relativi.
Salvatur ergo huius significatio nominis in Deo quantum ad primum et tertium,
non autem quantum ad secundum. Unde Ambrosius dicit, quod hoc nomen, dominus,
nomen est potestatis; et Boetius dicit, quod dominium est potestas quaedam qua
servus coercetur. # 4. Ce nom, Seigneur, inclut
trois sens en son concept, а savoir la puissance de contraindre ceux qui lui
sont soumis, le rapport а ceux qui sont soumis qui dйcoule d'un tel pouvoir et
la limite du rapport de ceux qui sont soumis au Seigneur; car dans ce qui est
relatif, il y a le concept d'un autre relatif. Donc la signification de ce nom
est conservй en Dieu, quand au premier et au troisiиme sens, mais non quant au
second. C'est pourquoi, Ambroise dit (La
foi, I, 711) que ce nom, Seigneur, est celui de la puissance et
Boиce dit que la domination du Seigneur est un pouvoir auquel le serviteur est
soumis. q. 7 a. 10 ad 5 Ad quintum dicendum, quod scientia Dei aliter
comparatur ad res quam scientia nostra; comparatur enim ad eas sicut et causa
et mensura. Tales enim res sunt secundum veritatem, quales Deus sua scientia
eas ordinavit. Ipsae autem res sunt causa et mensura scientiae nostrae. Unde
sicut et scientia nostra refertur ad res realiter, et non e contrario: ita res
referuntur realiter ad scientiam Dei, et non e contrario. Vel dicendum, quod
Deus intelligit res alias intelligendo se; unde relatio divinae scientiae non
est ad res directe, sed ad ipsam divinam essentiam. # 5. La science de Dieu est dans un rapport aux choses diffйrent de
celui de notre science; car elle est en rapport avec elles comme cause et
mesure. Car les choses sont en vйritй telles que Dieu par sa science les a
ordonnйes. Mais elles sont la cause et la mesure de notre science. C'est
pourquoi de mкme que notre science se rйfиre rйellement а la rйalitй et non le
contraire, de mкme les choses se rйfиrent rйellement а la science de Dieu et
non le contraire. Ou bien, il faut
dire que Dieu comprend les autres choses en se comprenant lui-mкme, c'est
pourquoi la relation de la connaissance en Dieu а la rйalitй n'est pas directe
mais elle est relation а l'essence divine mкme. q. 7 a. 10 ad 6 Ad sextum dicendum, quod appetibile quod movet
appetitum, est finis; ea vero quae sunt ad finem non movent appetitum nisi
ratione finis. Finis autem divinae voluntatis non est aliquid aliud quam divina
bonitas. Unde non sequitur quod res aliae comparentur ad divinam voluntatem
sicut movens ad motum. # 6. L'appйtible qui meut l'appйtit est une fin. Ce qui concerne la fin
ne meut l'appйtit qu'en raison de la fin. Mais la fin de la volontй divine
n'est pas quelque chose d'autre que sa bontй. C'est pourquoi il n'en dйcoule
pas que les autres choses sont en rapport avec la volontй divine, comme le
moteur au mы. q. 7 a. 10 ad 7 Ad septimum dicendum, quod corpora caelestia
referuntur realiter ad inferiora secundum relationes consequentes quantitatem,
propter hoc quod est eadem ratio quantitatis in utrisque; et iterum quantum ad
relationes consequentes virtutem activam et passivam, quia movent mota per
actionem mediam quae non est eorum substantia, cum aliquod bonum ipsorum
attendatur in hoc quod sunt inferiorum causa. # 7. Les corps cйlestes sont rйellement en rapport avec choses
infйrieures selon des relation qui dйcoulent de la quantitй, parce que la mкme
nature de quantitй est dans chacune et а nouveau quant aux relation qui
dйcoulent de la puissance active et passive, parce qu'ils meuvent ce qui est mы
par une action intermйdiaire qui n'est pas leur substance, puisque l'un de
leurs biens est atteint du fait qu'ils sont la cause des choses infйrieures. q. 7 a. 10 ad 8 Ad octavum dicendum est, quod illud a quo
aliquid denominatur, non oportet quod sit semper forma secundum rei naturam,
sed sufficit quod significetur per modum formae, grammatice loquendo.
Denominatur enim homo ab actione et ab indumento, et ab aliis huiusmodi, quae
realiter non sunt formae. # 8. Ce par quoi on dйsigne une chose ne doit pas кtre toujours la
forme selon sa nature, mais il suffit qu'elle soit signifiйe а la maniиre d'une
forme, grammaticalement parlant. Car l'homme est dйsignй par l'action et le
vкtement, et autres choses, qui ne sont pas rйellement des formes. q. 7 a. 10 ad 9 Ad nonum dicendum, quod si proportio
intelligatur aliquis determinatus excessus, nulla est Dei ad creaturam
proportio. Si autem per proportionem intelligatur habitudo sola, sic patet quod
est inter creatorem et creaturam; in creatura quidem realiter, non autem in
creatore. # 9. Si on comprend une proportion comme un йcart dйterminй, il n'y en
a aucune de Dieu а la crйature. Mais si par la proportion on comprend la
relation seule, alors il est clair qu'elle existe entre le Crйateur et la
crйature; rйellement dans la crйature, mais pas dans le Crйateur. q. 7 a. 10 ad 10 Ad decimum dicendum, quod licet doctor
incipiat a rebus, tamen alio modo recipiuntur rerum conceptiones in mente
doctoris quam sint in natura rei, quia unumquodque recipitur in altero per
modum recipientis: patet enim quod conceptiones in mente doctoris sunt
immaterialiter, et materialiter in natura. # 10. Bien que le maоtre commence par la rйalitй, cependant les
conceptions des choses sont reзues d'une autre maniиre dans son esprit qu'elles
le sont dans la nature, parce que chaque chose est reзue dans l'autre par le
mode de ce qui reзoit. Car il est clair que les conceptions sont
immatйriellement dans l'esprit du maоtre, et matйriellement dans la nature. q. 7 a. 10 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod distinctio ista
relativorum secundum esse et secundum dici, nihil facit ad hoc quod sit relatio
realis. Quaedam enim sunt relativa secundum esse quae non sunt realia, sicut
dextrum et sinistrum in columna; et quaedam sunt relativa secundum dici, quae
tamen important relationes reales, sicut patet de scientia et sensu. Dicuntur enim relativa secundum esse, quando nomina sunt imposita ad
significandas ipsas relationes; relativa vero secundum dici, quando nomina sunt
imposita ad significandas qualitates vel aliquid huiusmodi principaliter, ad
quae tamen consequuntur relationes. Nec
quantum ad hoc differt, utrum sint relationes reales vel rationis tantum. # 11. Cette distinction des choses relatives selon l'кtre et la parole,
ne fait rien pour qu'elle soit une relation rйelle. Car certaines sont
relatives quant а l'кtre, qui ne sont pas rйelles comme la droite et la gauche
dans une colonne, et certaines sont relatives en parole qui apportent cependant
des relations rйelles, comme c'est йvident pour la connaissance et la
sensation. Car on parle des relations selon l'кtre, quand ces noms sont imposйs
pour les signifier, mais de relatifs en parole, quand les noms sont imposйs
pour signifier des qualitйs ou principalement quelque chose de ce genre, pour
lesquelles cependant dйcoulent des relations. Et а ce sujet, il n'y a pas de
diffйrence si les relations sont rйelles ou de raison seulement. q. 7 a. 10 ad 12 Ad ultimum dicendum, quod licet posito uno
relativorum ponatur aliud, non tamen oportet quod eodem modo ponatur utrumque,
sed sufficit quod unum ponatur secundum rem, et aliud secundum rationem. # 12. Bien que, si on pose l'un des relatifs, on pose l'autre, il ne
faut pas cependant que l'un et l'autre soient йtablis de la mкme maniиre, mais
il suffit que l'un soit йtabli en rйalitй et l'autre en raison.
1 Parall.: Ia, qu. 13, a. 7 ad 2 et ad 4 — qu. 28,
a. 1, ad 3 et ad 4 — CG. II, 12,13 — I
Sent. d26q2a3, ad 2. 2
En plus de l'idйe de comparaison il y a celle d'йquivalence. 3
"Le relatif est aussi comme le mesurй а la mesure, le connaissable а la
connaissance, le sensible а la sensation." 4
Ajoutй dans l’Йd. Marietti. 5
Relations prйdicamentales ou relations transcendantales. 6
"…Les nom d'origine temporelle donnйs а Dieu et qui ne l’йtaient point
auparavant, ont manifestement un sens relatif. Cependant ils ne l'ont point en
faction d'un accident de Dieu, comme si quelque chose lui arrivait а lui, mais
bien а la suite d'un accident de l'кtre par rapport auquel Dieu reзoit un nom
relatif nouveau." (BA Trinitй V,
XVI, 7). 7
"Tout au contraire le mesurable, le connaissable, le pensable ne sont pas
dits relatifs en ce sens qu'une autre chose est relative а eux." (Thomas,
lect. 17, n° 1028). 8
913 D "Mais quand il s'agit de la relation de cause а effet, nous ne
pouvons admettre aucune rйciprocitй." (Trad. M. de Gandillac) 9
Ce passage est inspirй d’Aristote (Mйtaphysiquen
V, 15, 1021 b. les deux emples: colonnes et monnaies, sont repris dans son
commentaire n° 1027. 10
Maпmonide. 11
PL. 16, 530 B
Article 11: Ces relations temporelles en Dieu sont-elles de raison?
q. 7 a. 11 tit. 1 Undecimo quaeritur utrum
istae relationes temporales sint in Deo secundum rationem. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 7 a. 11 arg. 1 Ratio enim cui non respondet res, est cassa
et vana, sicut Boetius dicit. Sed istae relationes non sunt in Deo secundum rem
ut ex praedictis patet. Esset ergo ratio cassa et vana, si essent in Deo
secundum rationem. 1. Car une notion (ratio2)
а quoi rien ne correspond est vide et vaine, comme Boиce le dit (Prйambule de Porphyre dans les Prйdicables). Mais ces relations ne
sont pas rйellement en Dieu, comme cela apparaоt de ce qui a йtй dit. Donc la
notion (ratio) serait vide et vaine,
si en Dieu elles йtaient de raison. q. 7 a. 11 arg. 2 Praeterea, quae sunt secundum rationem
tantum, non attribuuntur rebus nisi secundum quod sunt in intellectu, sicut
genus et species et ordo. Sed huiusmodi relationes temporales non attribuuntur
Deo secundum quod est in intellectu nostro tantum: sic enim nihil esset dictu,
Deus est dominus, quoniam Deus intelligitur creaturis praeesse; quod patet esse
falsum. Ergo huiusmodi relationes non sunt secundum rationem in Deo. 2. Ce qui est de raison seulement, n'est attribuй aux choses que selon
qu'elles sont dans l'esprit, comme le genre, l'espиce et l'ordre3. Mais des relations temporelles de ce genre
ne sont pas attribuйes а Dieu selon ce qui est dans notre esprit seulement, car
ainsi ce ne serait rien dire. Dieu est Seigneur, puisqu'on comprend qu'il a
existй avant les crйatures; ce qui paraоt faux. Donc de telles relations ne
sont pas de raison en Dieu. q. 7 a. 11 arg. 3 Praeterea, hoc nomen, dominus, relationem
significat, cum sit relativum secundum esse. Sed Deus est dominus non secundum
rationem tantum. Ergo nec huiusmodi relationes sunt in Deo secundum rationem
tantum. 3. Ce nom, Seigneur, signifie
une relation, puisqu'il est relatif selon l'кtre. Mais Dieu est Seigneur, mais
pas en raison seulement. Donc de telles relations en Dieu ne sont pas en raison
seulement. q. 7 a. 11 arg. 5 Praeterea, id quod est secundum rationem
nostram tantum, non fuit ab aeterno. Sed
aliquae relationes Dei ad creaturam fuerunt ab aeterno, sicut relationes
importatae in nomine scientiae et praedestinationis. Ergo huiusmodi relationes
non sunt in Deo secundum rationem tantum. 5. Ce qui est selon notre raison seulement n'a pas existй
йternellement. Mais certaines relations de Dieu а la crйature ont йtй
йternelles, comme les relations apportйes au nom de connaissance4 et de prйdestination. Donc de telles
relations ne sont pas en Dieu selon la raison seulement. En sens contraire: q. 7 a. 11 s. c. Sed contra, est quod nomina significant
rationes, sive intellectus, ut dicitur in principio Periher. Constat autem ista
nomina relative dici. Ergo oportet huiusmodi relationes secundum rationem esse. Les noms signifient des notions (ratio)
ou des concepts, comme il est dit au dйbut de l'Interprйtation. (2, 16 a 18). Il est clair que ces noms sont dits
de faзon relative. Donc il faut que de telles relations soient de raison5. Rйponse: q. 7 a. 11 co. Respondeo. Dicendum quod sicut realis relatio
consistit in ordine rei ad rem, ita relatio rationis consistit in ordine
intellectuum; quod quidem dupliciter potest contingere: Il faut dire que de mкme que la relation rйelle consiste dans le
rapport d'une chose а une autre, de mкme la relation de raison consiste dans le
rapport des significations, ce qui peut arriver de deux maniиres: uno modo secundum quod iste ordo est adinventus per
intellectum, et attributus ei quod relative dicitur; et huiusmodi sunt
relationes quae attribuuntur ab intellectu rebus intellectis, prout sunt
intellectae, sicut relatio generis et speciei: has enim relationes ratio
adinvenit considerando ordinem eius quod est in intellectu ad res quae sunt
extra, vel etiam ordinem intellectuum ad invicem. 1) Premiиre maniиre, selon
que cet ordre est dйcouvert par l'esprit et attribuй а ce dont on parle
relativement, et telles sont les relations attribuйes par l'esprit а des
pensйes, dans la mesure oщ elles sont comprises comme relation de genre et
d'espиce6; car la raison dйcouvre ces
relations en considйrant l'ordre ce qui est dans l'esprit а ce qui est а
l'extйrieur ou mкme l'ordre des concepts entre eux. Alio modo secundum quod huiusmodi relationes consequuntur
modum intelligendi, videlicet quod intellectus intelligit aliquid in ordine ad
aliud; licet illum ordinem intellectus non adinveniat, sed magis ex quadam
necessitate consequatur modum intelligendi. Et huiusmodi relationes intellectus
non attribuit ei quod est in intellectu, sed ei quod est in re. 2) Seconde maniиre: les
relations de ce genre rйsultent du mode de penser, а savoir que l'esprit pense
une chose en rapport а une autre, bien qu'il ne parvienne pas а ce rapport,
mais plutфt rйsulte du mode de penser par une certaine nйcessitй. Et l'esprit
n'attribue pas de telles relations а ce qui est en lui mais а ce qui est en
rйalitй. Et hoc quidem contingit secundum quod aliqua non habentia
secundum se ordinem, ordinate intelliguntur; licet intellectus non intelligat
ea habere ordinem, quia sic esset falsus. Ad hoc autem quod aliqua habeant
ordinem, oportet quod utrumque sit ens, et utrumque distinctum (quia eiusdem ad
seipsum non est ordo) et utrumque ordinabile ad aliud. Et cela arrive selon que certaines choses n'ayant pas de rapport en
soi, sont comprises avec rapport, bien que l'esprit ne comprenne pas qu'elles
en ont un, parce qu'ainsi ce serait faux. Mais du fait que certaines choses ont
un rapport, il faut que l'une et l'autre soient un йtant et l'une et l'autre
soient distinctes (parce qu'il n'y a pas de rapport d'un mкme а lui-mкme et
l'une et l'autre en rapport possible avec l'autre. Quandoque autem intellectus accipit aliqua duo ut entia,
quorum alterum tantum vel neutrum est ens: sicut cum accipit duo futura, vel
unum praesens et aliud futurum, et intelligit unum cum ordine ad aliud, dicens
alterum esse prius altero; unde istae relationes sunt rationis tantum, utpote
modum intelligendi consequentes. Quelquefois l'esprit reзoit les deux comme des йtants dont l'un
seulement un йtant ou ni l'un, ni l'autre; ainsi quand il reзoit deux йtants
futurs, ou l'un prйsent et l'autre futur, il comprend l'un en rapport avec
l'autre, en disant que l'un est avant l'autre; c'est pourquoi ces relations sont de raison seulement; en tant
qu'elles rйsultent du mode de penser. Quandoque vero accipit unum ut duo, et intelligit ea cum
quodam ordine: sicut cum dicitur aliquid esse idem sibi; et sic talis relatio
est rationis tantum. Quelquefois il reзoit l'une comme deux et il les comprend avec un
certain rapport. Comme quand on dit que quelque chose est identique а lui-mкme,
et ainsi une telle relation est de raison
seulement7. Quandoque vero accipit aliqua duo ut ordinabilia ad invicem,
inter quae non est ordo medius, immo alterum ipsorum essentialiter est ordo:
sicut cum dicit relationem accidere subiecto; unde talis relatio relationis ad
quodcumque aliud rationis est tantum. Quelquefois il reзoit les deux comme pouvant кtre en rapport l'un avec
l'autre, entre lesquels il n'y a pas de rapport intermйdiaire. Bien plus l'un
d'eux est essentiellement rapport: comme quand on dit que la relation arrive au
substrat; c'est pourquoi une telle relation
de relation а quelque chose d'autre est de
raison seulement. Quandoque vero accipit aliquid cum ordine ad aliud, in
quantum est terminus ordinis alterius ad ipsum, licet ipsum non ordinetur ad
aliud: sicut accipiendo scibile ut terminum ordinis scientiae ad ipsum; et sic
cum quodam ordine ad scientiam, nomen scibilis relative significat; et est
relatio rationis tantum. Et similiter aliqua nomina relativa Deo attribuit
intellectus noster, in quantum accipit Deum ut terminum relationum creaturarum
ad ipsum; unde huiusmodi relationes sunt rationis tantum. Quelquefois il reзoit une chose avec rapport а une autre, en tant
qu'elle est le terme d'un autre rapport а lui, bien qu'il ne soit pas ordonnйe
а l'autre; comme en recevant le connaissable, comme terme du rapport de la
connaissance а lui, et ainsi avec un rapport а la connaissance, le nom
connaissable signifie relativement et c'est
une relation de raison seulement. Et de mкme notre esprit attribue des noms
relatifs а Dieu en tant qu'il le reзoit comme terme des relations des crйatures
а lui; c'est pourquoi les relations de ce
genre sont de raison seulement. Solutions: q. 7 a. 11 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in huiusmodi
relationibus aliquid respondet ex parte rei, scilicet relatio creaturae ad
Deum. Sicut enim scibile dicitur relative, non quia ipsum referatur ad
scientiam, sed quia scientia referatur ad ipsum, ut habetur V Metaph., ita Deus
dicitur relative, quia creaturae referuntur ad ipsum. # 1. Il faut donc dire que dans les relations de ce genre, quelque
chose rйpond du cфtй de la chose, а savoir la relation de la crйature а Dieu.
Car de mкme qu'on parle du connaissable relativement, non parce qu'il se rйfиre
а la connaissance, mais parce que la connaissance se rйfиre а lui, comme on le
trouve en Mйtaphysique (V, 15, 1020 b 318),
de mкme on parle de Dieu relativement, parce que les crйatures se rйfиrent а
lui. q. 7 a. 11 ad 2 Ad secundum dicendum, quod ratio illa procedit
de illis relationibus rationis quae sunt per rationem inventae, et rebus in
intellectu existentibus attributae. Tales autem non sunt relationes istae, sed
consequentes modum intelligendi. # 2. Cette raison procиde de ces relations de raison, trouvйes par
raison et attribuйes а ce qui existe dans l'esprit. Mais ces relations ne sont
pas telles, mais elles suivent le mode de penser. q. 7 a. 11 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut aliquis est
idem sibi realiter, et non solum secundum rationem, licet relatio sit secundum
rationem tantum, propter hoc quod relationis causa est realis, scilicet unitas
substantiae quam intellectus sub relatione intelligit: ita potestas coercendi
subditos est in Deo realiter, quam intellectus intelligit in ordine ad subditos
propter ordinem subditorum ad ipsum; et propter hoc dicitur dominus realiter,
licet relatio sit rationis tantum. Et eodem modo apparet quod dominus esset,
nullo existente intellectu. # 3. De mкme que quelqu'un est rйellement identique а lui-mкme et non
seulement en raison, bien que la relation soit en raison seulement, du fait que
la cause de la relation est rйelle, а savoir l'unitй de la substance que
l'esprit comprend sous la relation, de mкme la puissance de contraindre ceux
qui lui sont soumis est rйellement en Dieu. L'esprit la comprend en rapport а ceux
qui sont soumis а cause du rapport de ceux qui sont soumis а lui9 et c'est pour cela qu'on l'appelle Seigneur,
rйellement, bien que la relation soit de raison seulement. Et de la mкme
maniиre, il apparaоt qu'il serait le Seigneur mкme s'il n'existait aucun
esprit. q. 7 a. 11 ad 4 Unde patet solutio ad quartum. # 4. Par la apparaоt la solution а l'objection 4. q. 7 a. 11 ad 5 Ad quintum dicendum, quod relatio scientiae Dei
ad creaturam non est primo et per se, ut dictum est prius, sed ad essentiam
creatoris, per quam Deus omnia scit. # 5. La relation de la science de Dieu а la crйature n'est pas en
premier et par soi, comme on l'a dit d'abord (dans le corps de l'article) mais
c'est la relation а l'essence du crйateur, par laquelle Dieu connaоt tout.
1 Parall.: Ia, qu. 6, a. 2, ad 1 —qu. 13, a. 7 —
qu. 28, a. 1, ad 3 — qu. 32, a. 2,— qu. 45,a. 1, ad 3 — IIIa, qu. 35, a. 5 — I Sent.
d8q4a1, ad 3 — d30q1a1, ad 1, a3 c. — CG.
II, 13 — Quodl. I, a. 2, — Quodl.
IX, a. 4. 2
Thomas emploie trois fois le mot ratio (mot
aux nombreux sens). Il semble йvident que les deux premiers emplois n'ont pas
le mкme sens que le troisiиme. C'est pourquoi nous nous sommes permis deux
traductions diffйrentes. 3
ce qui correspond aux secondes intellections. 4
Connaissance en Dieu des crйatures avant la crйation (idйes). 5
La relation de raison est attribuйe paradoxalement а Dieu, puisque c'est
l'esprit humain qui le conзoit! 6
Il s'agit des intellections secondes, ou conceptions secondes. Cf. qu. 1, a. 1
ad 10 — qu. 7, a. 8… 7
Cf. Ia, qu. 13, a. 7 c. 8
Voir qu. 7, a. 1, obj. 5 9
Il exprime ici un rapport rйciproque: rapport de Dieu а ceux qui lui sont
soumis; rapport de ceux qui sont soumis а Dieu.
Question 8:
Ce qu'on appelle relations йternelles en Dieu
q. 8 pr. 1 Et primo quaeritur utrum relationes
dictae de Deo ab aeterno, quae importantur his nominibus pater et filius, sint
relationes reales vel rationis tantum. 1. Les relations appelйes йternelles en Dieu, rapportйes sous les noms
de "Pиre" et de "Fils", sont-elles rйelles ou de raison
seulement? q. 8 pr. 2 Secundo
utrum relatio in Deo sit eius substantia. 2. La relation en Dieu est-elle sa substance? q. 8 pr. 3 Tertio utrum relationes constituant et distinguant
personas et hypostases. 3. Les relations constituent-elles et distinguent-elles les personnes
et les hypostases? q. 8 pr. 4 Quarto utrum remota relatione secundum intellectum,
remaneat hypostasis in divinis. 4. Si on exclut en esprit la relation, l'hypostase demeure-t-elle en
Dieu?
Article 1: Les relations appelйes йternelles en Dieu, rapportйes par
les noms de "Pиre" et "Fils", sont-elles rйelles ou de
raison seulement?
q. 8 a. 1 tit. 1 Et primo quaeritur utrum
relationes dictae de Deo ab aeterno, quae importantur his nominibus pater et
filius, sint relationes reales, vel rationis tantum. Et videtur quod non sint
reales. Il semble qu'elles ne soient pas rйelles1
. Objections: q. 8 a. 1 arg. 1 Quia, ut dicit Damascenus, in substantiali
Trinitate commune quidem et unum re consideratur, cognitione vero et intellectu
est quod diversum vel distinctum est. Sed
distinctio personarum fit per relationes. Ergo relationes in divinis sunt
rationis tantum. 1 Parce que, comme le dit Jean Damascиne (La foi orthodoxe I, 11): "2." Mais la distinction des personnes se
fait par les relations. Donc3 les
relations en Dieu sont de raison seulement. q. 8 a. 1 arg. 2 Praeterea, Boetius dicit: similis est relatio
patris ad filium in Trinitate, et utriusque ad spiritum sanctum, ut eius quod
est idem ad id quod idem est. Sed relatio identitatis est rationis tantum. Ergo
et relatio paternitatis et filiationis. 2. Boиce dit (La Trinitй, VI4): "Semblable est la relation du Pиre au
Fils dans le Trinitй et de l'un et l'autre а l'Esprit saint, comme ce qui est
du mкme au mкme5". Mais la
relation d'identitй est de raison seulement. Donc celle de paternitй et de
filiation aussi. q. 8 a. 1 arg. 3 Praeterea, in Deo ad creaturam non est relatio
realis, propter hoc quod Deus sine sui mutatione creaturas producit, ut
Augustinus dicit. Sed multo magis sine mutatione producit pater filium, et
filius procedit a patre. Ergo non est aliqua realis relatio patris ad filium in
divinis, vel e contrario. 3. En Dieu il n'y a pas de relation rйelle а la crйature, du fait qu'il
les produit sans changement de sa part, comme Augustin le dit (La Trinitй. V,
XVI, 17). Mais c'est encore avec beaucoup moins de changement que le Pиre
produit le Fils, et que le Fils procиde du Pиre. Donc il n'y a pas de relation
rйelle du Pиre au Fils ou inversement. q. 8 a. 1 arg. 4 Praeterea, ea quae non sunt perfecta, Deo non
attribuuntur, sicut privatio, materia et motus. Sed relatio inter omnia entia
habet debilius esse intantum quod eam quidam aestimaverunt de secundis
intellectis, ut patet per Commentatorem. Ergo in Deo esse non potest. 4. Ce qui n'est pas parfait n'est pas attribuй а Dieu, comme la
privation, la matiиre et le mouvement. Mais la relation entre tous les йtants a
l’кtre le plus faible au point que certains l'ont considйrйe comme des
intellections secondes6, comme
on le voit chez le Commentateur (Mйtaphysique
XI, 19). Donc elle ne peut pas exister en Dieu. q. 8 a. 1 arg. 5 Praeterea, omnis relatio in creaturis
compositionem facit cum eo cuius est relatio: non enim potest una res alteri
inesse sine compositione. Sed in Deo nulla compositio esse potest. Ergo in eo
non potest esse realis relatio. 5. Toute relation dans les crйatures amиne une composition avec ce dont
elle est relation: car une chose ne peut кtre en une autre sans composition.
Mais en Dieu il ne peut y avoir aucune composition. Donc il ne peut pas y avoir
en lui de relation rйelle. q. 8 a. 1 arg. 6 Praeterea, simplicissima seipsis differunt.
Sed divinae personae sunt simplicissimae. Ergo seipsis differunt, et non per
relationes aliquas; ergo non oportet relationes in Deo ponere, cum ad nihil
aliud ponantur nisi ad distinguendas personas. 6. Les choses les plus simples diffиrent entre elles. Mais les
personnes divines sont extrкmement simples. Donc elles diffиrent entre elles,
mais ce n'est pas par des relations7;
donc il ne faut pas en placer en Dieu, puisqu'on les placerait pour rien
d'autre que de distinguer les personnes. q. 8 a. 1 arg. 7 Praeterea, sicut relationes sunt proprietates
personarum divinarum, ita attributa absoluta sunt proprietates essentiae. Sed
attributa absoluta sunt in Deo secundum rationem tantum. Ergo relationes sunt
in Deo secundum rationem et non reales. 7. Les relations sont les propriйtйs des personnes divines, de mкme les
attributs absolus sont les propriйtйs de l'essence. Mais en Dieu ces attributs
sont en raison seulement. Donc les relations en Dieu sont en raison et non
rйelles. q. 8 a. 1 arg. 8 Praeterea, perfectum est cui nihil deest, ut
dicitur III Phys. Sed substantia divina est
perfectissima. Ergo nihil quod ad perfectionem pertineat, ei deest. Superfluum
est ergo ponere relationes in Deo. 8. Est parfait ce а quoi rien ne manque, comme il est dit en Physique (III, 6, 207 a 8 – 207 a 138). Mais la substance divine est
absolument parfaite. Donc rien qui concerne la perfection ne lui manque. Donc
il est superflu de poser des relations en Dieu. q. 8 a. 1 arg. 9 Praeterea, cum Deus sit summum rerum
principium et ultimus finis, ea quae oportet in alia priora reduci, in Deo esse
non possunt, sed solum ea ad quae alia reducuntur: sicut esse mobile reducitur
ad immobile, et per accidens ad per se; et propter hoc Deus non movetur, nec
est in eo aliquod accidens. Sed omne quod
dicitur ad aliud, reducitur ad absolutum quod ad se est. Ergo nihil est in
Deo ad aliud, sed solum ad se tantum dictum. 9. Comme Dieu est le principe suprкme des choses et leur fin ultime, ce
qui doit кtre ramenй а d'autres choses antйrieures, ne peut pas exister en lui,
mais seulement ce а quoi les autres choses sont ramenйes; ainsi l'кtre mobile
est ramenй а l'immobile et ce qui est par accident au par soi, et c’est pour
cela que Dieu n'est pas mы, et qu’il n'y a en lui aucun accident. Mais tout ce
qu'on appelle relatif est ramenй а l'absolu qui est pour soi. Donc
rien n'est en Dieu qui est relatif mais seulement ce qui est dit pour soi. q. 8 a. 1 arg. 10 Praeterea, Deum esse per se necesse est. Sed
omne quod est per se necesse esse, est absolutum: relativum enim non potest
esse sine correlativo. Quod autem est per se necesse esse, etiam alio remoto
esse potest. Ergo in Deo non est aliqua relatio realis. 10. Il est nйcessaire que Dieu soit par soi. Mais tout ce qui est
nйcessaire par soi est absolu; le relatif en effet ne peut pas exister sans
corrйlatif. Mais ce qui est par soi a nйcessitй d'кtre, mкme si l'autre est
exclu, il peut exister. Donc en Dieu il n'y a pas de relation rйelle. q. 8 a. 1 arg. 11 Praeterea, omnis relatio realis, ut in
praecedenti quaestione, est habitum, consequitur aliquam quantitatem vel
actionem vel passionem. Sed quantitas in Deo non est: dicimus enim Deum sine
quantitate magnum, ut Augustinus dicit. Numerus etiam in eo non est, ut dicit
Boetius, quem relatio consequi posset, etsi ponatur numerus quem relatio facit.
Oportet ergo, si est relatio realis in Deo, quod competat
Deo secundum aliquam eius actionem. Non autem potest secundum actionem qua
creaturas producit, quia in quaestione praecedenti, est habitum quod in Deo non
est realis relatio ad creaturam. Nec iterum secundum actionem personalem quae
ponitur in divinis, sicut est generare: nam cum generare in divinis non sit
nisi suppositi distincti, distinctionem autem sola relatio facit in divinis,
oportet praeintelligere relationem tali actioni; et sic relatio talem actionem
consequi non potest. Restat ergo, si aliquam actionem consequatur relatio
realiter in Deo existens quod consequatur actionem eius aeternam vel
essentialem quae est intelligere et velle. Sed etiam hoc esse non potest:
huiusmodi enim actionem consequitur relatio intelligentis ad intellectum, quae
in Deo reales non sunt,- alias oporteret quod intelligens et intellectum
realiter in divinis distinguerentur,- quod patet esse falsum, quia utrumque de
singulis personis praedicatur: non solum enim pater est intelligens, sed et
filius et spiritus sanctus; similiter et quilibet eorum est in intellectu. Nulla
ergo relatio realis in Deo esse potest, ut videtur. 11. Toute relation rйelle, comme on l'a vu dans la prйcйdente question
(qu. 7, a. 9), dйcoule de la quantitй, de l'action ou de la passion. Mais il
n'y a pas de quantitй en Dieu; car nous disons que Dieu est grand sans
quantitй, comme Augustin le dit (La
Trinitй, V, 1, 29). Mais il n'y a
pas non plus de nombre en lui, comme le dit Boиce (La Trinitй, V) dont puisse dйcouler une relation, mкme si on place
un nombre que la relation йtablit. Il faut donc, si la relation est rйelle en
Dieu, qu'elle lui convienne selon une de ses actions. Mais il ne le peut pas
avec l'action par laquelle il produit les crйatures, parce que dans la question
prйcйdente (qu. 7, a. 10) on a vu qu'en Dieu il n'y a pas de relation rйelle
avec la crйature. Ni а nouveau avec une action personnelle placйe en lui, comme
la gйnйration, car engendrer en Dieu ne venant que d'un suppфt distinct, seule
la relation apporte en lui la distinction, il faut la concevoir avant une telle
action. Et ainsi la relation ne peut pas en dйcouler. Donc il reste, si la
relation qui existe rйellement en Dieu dйcoule d'une action, elle dйcoulerait
de son action йternelle ou essentielle qui est l'intellection et le vouloir.
Mais cela non plus n'est pas possible; car la relation de celui qui pense а ce
qui est pensй, qui en Dieu ne sont pas des relations rйelles, dйcoule d'une
action de ce genre — autrement il faudrait que celui qui pense et ce qui est
pensй soient rйellement distinguйs en Dieu — ce qui paraоt faux, parce que l’un
et l’autre sont attribuйs а chaque personne en particulier; car non seulement
la Pиre pense mais le Fils et l'Esprit saint pensent aussi; il en est de mкme
pour n’importe lequel d’entre eux qui est dans l'esprit. Donc aucune relation
rйelle ne peut exister en Dieu, а ce qu'il semble. q. 8 a. 1 arg. 12 Praeterea, ratio naturalis humana potest
pervenire ad cognitionem divini intellectus; probatum est enim demonstrative a
philosophis quod Deus est intelligentia. Si ergo actionem intellectus
consequantur relationes reales, quae in divinis personas distinguere dicuntur,
videtur quod per rationem humanam Trinitas personarum inveniri posset, et sic
non esset articulus fidei: nam fides est sperandarum substantia rerum,
argumentum non apparentium. 12. La raison humaine naturelle peut parvenir а la connaissance de
l'esprit divin, car il a йtй prouvй dйmonstrativement par les philosophes que
Dieu est une intelligence. Donc si les relations rйelles, qui, dit-on
distinguent les personnes en Dieu, dйcoulent de l'action de l'intellect, il
semble que la Trinitй des personnes pourrait кtre dйcouverte par le raison
humaine, et ainsi ce ne serait pas un article de foi: Car "la foi est la
substance de ce qu’on espиre, rйalitй de ce qu’on ne voit pas." (Hй. 11, 1). q. 8 a. 1 arg. 13
Praeterea, relativa opposita contra alia opposita dividuntur. In Deo
autem alia genera oppositionis poni non possunt. Ergo nec relatio. 13. Les opposйs relatifs sont sйparйs des autres opposйs. Mais en Dieu
on ne peut pas placer d'autres genres d'opposition. Donc pas de relation non
plus. En sens contraire: q. 8 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Boetius dicit, quod sola relatio
multiplicat Trinitatem. Haec autem multiplicatio non est secundum rationem
tantum, sed secundum rem, ut patet per Augustinum, qui dicit, quod pater et
filius et spiritus sanctus sunt tres res. Ergo oportet quod relatio sit in
divinis non solum rationis, sed etiam rei. 1. Boиce dit (La Trinitй, V,
110) que seule la relation multiplie
la Trinitй. Cette multiplication n'est pas en raison seulement, mais rйelle,
comme on le voit chez Augustin qui dit (La Trinitй I, IV, 7) que le Pиre, le
Fils et l'Esprit saint sont trois rйalitйs (res). Donc il faut que la relation
existe en Dieu non seulement en raison, mais en rйalitй. q. 8 a. 1 s. c. 2 Praeterea, nulla res constituitur nisi per
rem. Sed relationes in divinis sunt proprietates constituentes personas;
persona autem est nomen rei. Ergo oportet et relationes in divinis res esse. 2. Rien n'est constituй qu'en rйalitй. Mais les relations en Dieu sont
les propriйtйs qui constituent les personnes, or la personne est le nom de la
rйalitй. Donc il faut que les relations soit rйelles en Dieu. q. 8 a. 1 s. c. 3 Praeterea, perfectior est generatio in
divinis quam in creaturis. Sed ad generationem in creaturis sequitur relatio
realis, scilicet patris et filii. Ergo multo fortius in divinis sunt
relationes reales. 3. La gйnйration est plus parfaite en Dieu que dans les crйatures. Mais
de la gйnйration dans les crйatures dйcoule une relation rйelle, а savoir celle
du pиre et du fils. Donc а plus forte raison les relations sont rйelles en
Dieu. Rйponse: q. 8 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod, sententiam fidei
Catholicae sequentes, oportet dicere in divinis relationes reales esse. Ponit
enim fides Catholica tres personas in Deo unius essentiae. Numerus autem omnis
aliquam distinctionem consequitur: unde oportet quod in Deo sit aliqua
distinctio non solum respectu creaturarum, quae a Deo per essentiam differunt,
sed etiam respectu alicuius in divina essentia subsistentis. Ceux qui suivent la doctrine de la foi catholique doivent dire que les
relations sont rйelles en Dieu. Car la foi йtablit qu'il y a trois personnes
d'une seule essence. Mais tout nombre dйcoule d'une distinction: c'est pourquoi
il faut qu'il y ait en Dieu une distinction non seulement par rapport aux
crйatures, qui diffиrent de lui par l'essence, mais aussi par rapport а ce qui
subsiste dans l'essence divine. Haec autem distinctio non potest esse secundum aliquod
absolutum: quia quidquid absolute in divinis praedicatur, Dei essentiam
significat; unde sequeretur quod personae divinae per essentiam
distinguerentur, quod est haeresis Arii. Relinquitur ergo quod per sola
relativa distinctio in divinis personis attenditur. Cette distinction ne peut pas кtre un absolu: parce que ce qui est
attribuй а Dieu dans l’absolu signifie son essence. Aussi il en dйcoulerait que
les personnes divines seraient distinguйes par l'essence, ce qui est l'hйrйsie
d'Arius11. Donc il reste que la
distinction dans les personnes divines est atteinte par les seules relations.. Haec tamen distinctio non potest esse rationis tantum: quia
ea quae sunt sola ratione distincta, nihil prohibet de se invicem praedicari,
sicut dicimus principium esse finem, quia punctum unum secundum rem est
principium et finis, licet ratione differat; et ita sequeretur quod pater est
filius et filius pater, quia, cum nomina imponantur ad significandum rationes
nominum, sequeretur quod personae in divinis non distinguerentur nisi secundum
nomina: quod est haeresis Sabelliana. Cette distinction ne peut pas кtre que de raison seulement: car rien
n’empкche que ce qui est distinguй en raison seulement ne soit attribuй
rйciproquement а soi. Ainsi nous disons que le principe est la fin, parce qu'un
seul point est en rйalitй principe et fin, bien qu'ils diffиrent en raison, et
ainsi il en dйcoulerait que le Pиre est le Fils et le Fils est le Pиre, parce
que, comme les noms sont employйs pour signifier leurs relations, il en
dйcoulerait que les personnes ne seraient distinguйes que par les noms. Ce qui
est l'hйrйsie de Sabellius12. Relinquitur ergo quod oportet dicere, relationes in Deo
quasdam res esse: quod qualiter sit, sequendo sanctorum dicta, investigari
oportet, licet ad plenum ad hoc ratio pervenire non possit. Sciendum est ergo,
quod cum realis relatio intelligi non possit, nisi consequens quantitatem vel
actionem seu passionem, oportet quod aliquo istorum modorum ponamus in Deo
relationem esse. Donc il reste qu'il faut dire que les relations en Dieu sont des
rйalitйs; de quelque maniиre que ce soit, en suivant les paroles des saints, il
faut faire des recherches, bien que la raison ne puisse y parvenir
parfaitement. Donc il faut savoir que, comme la relation ne pourrait кtre
comprise que si elle dйcoulait de la quantitй, de l'action ou de la passion, il
faut que par l'une de ces maniиres nous йtablissions qu'il y a en Dieu une
relation. In Deo autem quantitas esse non potest, neque continua neque
discreta, nec aliquid cum quantitate similitudinem habens, nisi multitudo quam
relatio facit, cui oportet relationem praeintelligere, et unitas quae essentiae
competit, ad quam relatio consequens non est realis, sed rationis tantum; sicut
relatio quam importat hoc nomen idem, ut supra dictum est. Or en Dieu la quantitй ne peut pas exister, ni continue, ni discrиte13 ni rien qui ressemble а la quantitй, sinon
une pluralitй que la relation йtablit; il faut y comprendre cette relation
avant, et l'unitй qui appartient а l'essence, pour laquelle la relation qui en
dйcoule n'est pas rйelle, mais de raison seulement; comme la relation
qu'apporte le mot identique, comme on l'a dit ci-dessus (qu. 7, 10 c.). Relinquitur ergo quod oportet in eo ponere relationem
actionem consequentem. Actionem dico non quae in aliquod patiens transeat: quia
in Deo nihil potest esse patiens, cum non sit ibi materia; ad id autem quod est
extra Deum, non est in Deo realis relatio, ut ostensum est. Il reste donc qu'il faut placer en lui une relation qui dйcoule de
l'action. Je dis action, mais pas celle qui passe dans un patient, car en Dieu
rien ne peut кtre un patient, puisqu'il n'y a pas de matiиre, car il n'y a pas
de relation rйelle avec ce qui est hors de lui, comme on l'a montrй (qu. 7, a.
10). Relinquitur ergo quod consequatur relatio realis in Deo
actionem manentem in agente: cuiusmodi actiones sunt intelligere et velle in
Deo. Sentire enim, cum organo corporeo compleatur, Deo non potest competere,
qui est omnino incorporeus. Et propter hoc dicit Dionysius, quod in Deo est
paternitas perfecta, idest non corporaliter nec materialiter, sed
intelligibiliter. Intelligens autem in intelligendo ad quatuor potest habere
ordinem: scilicet ad rem quae intelligitur, ad speciem intelligibilem, qua fit
intellectus in actu, ad suum intelligere, et ad conceptionem intellectus. Il reste donc que la relation rйelle en Dieu dйcoule de l'action
immanente dans l'agent: les actions de ce genre sont l'intellection et le
vouloir. En effet, la sensation йtant effectuйe par un organe corporel, ne peut
appartenir а Dieu qui est tout а fait incorporel. Et c'est pour cela que Denys
(Les noms divins, XI) dit qu'en Dieu
la paternitй est parfaite, c'est-а-dire ni corporelle, ni matйrielle, mais
intellectuelle. Dans l’intellection celui qui pense peut avoir rapport а quatre
choses: а savoir a) а ce qui est pensй, b) а l'espиce intelligible, qui le
constitue en acte, c) а son intellection et d) au concept de l'esprit14. Quae quidem conceptio a tribus praedictis differt. A re quidem intellecta, quia res intellecta est interdum
extra intellectum, conceptio autem intellectus non est nisi in intellectu; et
iterum conceptio intellectus ordinatur ad rem intellectam sicut ad finem:
propter hoc enim intellectus conceptionem rei in se format ut rem intellectam
cognoscat. Differt autem a specie intelligibili: nam species
intelligibilis, qua fit intellectus in actu, consideratur ut principium
actionis intellectus, cum omne agens agat secundum quod est in actu; actu autem
fit per aliquam formam, quam oportet esse actionis principium. Ce dernier concept diffиre des trois autres: a) De ce qui est pensй, parce qu’elle est parfois hors de l'esprit,
mais la conception de l'esprit n'est qu'en lui, et en plus cette conception est
ordonnйe а ce qui est pensй, comme а sa fin. Car c'est pour la connaоtre que
l'intellect forme en lui la conception de la chose. b) Il diffиre aussi de l’espиce (species) intelligible: car celle-ci,
par laquelle l'esprit devient en acte, est considйrйe comme le principe de son
action, puisque tout agent agit selon qu'il est en acte, mais il devient en
acte par une forme qui doit кtre le principe de l'action. Differt autem ab actione intellectus: quia praedicta
conceptio consideratur ut terminus actionis, et quasi quoddam per ipsam
constitutum. Intellectus enim sua actione format rei definitionem, vel etiam
propositionem affirmativam seu negativam. Haec autem conceptio intellectus in
nobis proprie verbum dicitur: hoc enim est quod verbo exteriori significatur:
vox enim exterior neque significat ipsum intellectum, neque speciem
intelligibilem, neque actum intellectus, sed intellectus conceptionem qua
mediante refertur ad rem. c) Il diffиre de l’action de l’esprit, parce que cette conception en
est considйrйe comme le terme, et comme quelque chose de constituй par elle.
Car l'intellect, par son action, forme la dйfinition ou aussi la proposition
affirmative ou nйgative. Cette conception de l'esprit en nous est proprement
appelйe verbe. Car c'est lui qui est signifiй par le verbe extйrieur, car la
voix extйrieure ne signifie pas l'esprit mкme, ni l'espиce intelligible, ni
l'acte de l'esprit, mais sa conception par l'intermйdiaire de laquelle elle a
rapport а la rйalitй. Huiusmodi ergo conceptio, sive verbum, qua intellectus
noster intelligit rem aliam a se, ab alio exoritur, et aliud repraesentat.
Oritur quidem ab intellectu per suum actum; est vero similitudo rei
intellectae. Cum vero intellectus seipsum intelligit, verbum praedictum, sive
conceptio, eiusdem est propago et similitudo, scilicet intellectus seipsum
intelligentis. Et hoc ideo contingit, quia effectus similatur causae secundum
suam formam: forma autem intellectus est res intellecta. Et ideo verbum quod
oritur ab intellectu, est similitudo rei intellectae, sive sit idem quod
intellectus, sive aliud. Donc un tel concept, ou verbe, par lequel notre esprit comprend ce qui
est autre que lui, vient d'un autre et reprйsente un autre. Il prend naissance
de l'esprit par son acte, il est l’image de ce qui est pensй. Mais quand
l'esprit se pense lui-mкme, ce verbe dont on parle, ou son concept est son
rejeton et son image, celle de l'esprit qui se pense lui-mкme. Et cela arrive,
parce que l'effet ressemble а sa cause quant а la forme; mais la forme de
l'esprit est ce qui est pensй. Et c'est pourquoi le verbe qui prend naissance de
l'esprit est l’image de ce qui est pensй, qu’il soit identique а l'esprit ou
autre15. Huiusmodi autem verbum nostri intellectus, est quidem
extrinsecum ab esse ipsius intellectus (non enim est de essentia, sed est quasi
passio ipsius), non tamen est extrinsecum ab ipso intelligere intellectus, cum
ipsum intelligere compleri non possit sine verbo praedicto. Un tel verbe de notre esprit est extйrieur а l'кtre de l'esprit
lui-mкme (car il ne vient pas de l'essence, mais est pour ainsi dire sa
passion), l'intellection n'est cependant pas extйrieure а lui, puisqu’elle ne
peut pas кtre complйtйe sans ce verbe. Si ergo aliquis intellectus sit cuius intelligere sit suum
esse, oportebit quod illud verbum non sit extrinsecum ab esse ipsius
intellectus, sicut nec ab intelligere. Huiusmodi autem est intellectus divinus:
in Deo enim idem est esse et intelligere. Oportet ergo quod eius verbum non sit
extra essentiam eius, sed ei coessentiale. Si donc il y a un esprit dont l'intellection soit son кtre propre, il
faudra que ce verbe ne soit pas hors de l’esprit, ni non plus de son
intellection. Mais l'esprit divin est tel. Car en Dieu l’кtre et l’intellection
sont identiques. Il faut donc que son verbe ne soit pas hors de son essence, mais
lui soit coessentiel. Sic ergo in Deo potest inveniri origo alicuius ex aliquo,
scilicet verbi et proferentis verbum, unitate essentiae servata. Ubicumque enim
est origo alicuius ab aliquo, ibi oportet ponere realem relationem vel tantum
ex parte eius quod oritur, quando non accipit eamdem naturam quam habet suum
principium, sicut patet in exortu creaturae a Deo; vel ex parte utriusque,
quando scilicet oriens attingit ad naturam sui principii, sicut patet in
hominum generatione, ubi relatio realis est et in patre et in filio. Verbum
autem in divinis est coessentiale suo principio, ut ostensum est. Relinquitur
ergo quod in divinis sit realis relatio et ex parte verbi et ex parte
proferentis verbum. Ainsi donc en Dieu on peut trouver l'origine de l'un а partir de
l'autre, а savoir celle du Verbe et de celui qui le profиre, tout en conservant
l'unitй de l'essence. Car partout oщ il y a origine d'une chose а partir d'un
autre, il faut placer une relation rйelle surtout du cфtй de ce dont elle est
issue, quand elle ne reзoit pas la mкme nature que son principe, comme cela
apparaоt dans la sortie de la crйature de Dieu, ou du cфtй de l'un et l'autre,
quand par exemple ce qui en est issu atteint la nature de son principe, comme
cela apparaоt dans la gйnйration de l'homme oщ la relation est rйelle dans le
pиre et le fils. Mais le Verbe en Dieu est coessentiel а son principe, comme on
l'a montrй. Il reste donc qu'en Dieu il y a une relation rйelle, du cфtй du
Verbe et de celui qui le profиre
Solutions: q. 8 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in divinis
personis re quidem essentiali est unitas; distinctio vero ratione, id est
relatione, quae non differt ab essentia re, sed sola ratione, ut infra patebit. # 1. Dans les personnes divines l'unitй est de l’essence, et la
distinction est de raison, c'est-а-dire par une relation qui ne diffиre pas
rйellement de l’essence, mais seulement en raison, comme cela apparaоtra plus
bas. q. 8 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod relatio quae est in
divinis personis habet quidem similitudinem cum relatione identitatis, si
unitas essentiae consideretur; sed si consideretur origo unius ab alio in eadem
natura, ex hoc relationes praedictas oportet esse reales. # 2. La relation, dans les personnes divines, ressemble а la relation
d'identitй, si on considиre l'unitй de l'essence, mais si on considиre
l'origine de l'un а partir de l'autre dans une mкme nature, alors il faut que
ces relations soient rйelles. q. 8 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut Deus non mutatur
in productione suae creaturae, ita non mutatur in productione sui verbi: sed
tamen creatura non attingit ad essentiam et naturam divinam; unde essentia
divina non communicatur creaturae. Et propter
hoc relatio Dei ad creaturam non fit propter aliquid quod sit in Deo, sed solum
secundum id quod fit ex parte creaturae. Sed verbum producitur ut coessentiale
ipsi Deo; et ideo secundum id quod in Deo est, refertur Deus ad suum verbum,
non solum secundum id quod ex parte verbi est. Tunc enim est relatio realis ex
parte unius et non ex parte alterius, quando relatio consequitur per id quod
est ex uno, et non per id quod ex alio, sicut patet in scibili et scientia:
huiusmodi enim relationes causantur per actum scientis, non per aliquid
scibile. # 3. Dieu ne subit pas de changement dans la production de sa crйature,
de mкme il n’en subit pas non plus dans le production de son Verbe, mais
cependant la crйature ne concerne pas l'essence et la nature divine; c'est
pourquoi l'essence divine n'est pas communiquйe а la crйature. Et la relation
de Dieu а la crйature ne se fait pas а cause de quelque chose qui serait en
Dieu, mais seulement selon ce qui se fait du cфtй de la crйature. Mais le Verbe
est produit comme coessentiel а Dieu mкme; et c'est pourquoi Dieu, selon ce qui
est en lui, est en relation avec son Verbe, et pas seulement selon ce qui est
du cфtй du verbe. Car alors c'est une relation rйelle du cфtй de l'un et non du
cфtй de l'autre, quand la relation dйcoule de ce qui vient de l'un et non de ce
qui vient de l'autre, comme on le voit pour le connaissable et la connaissance,
car les relations de ce genre sont causйes par l'acte de celui qui connaоt, non
par quelque chose de connaissable. q. 8 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod relatio habet esse
debilissimum quod est eius tantum; sic tamen non est in Deo: non enim habet
aliud esse quam esse substantiae, ut infra patebit; unde ratio non sequitur. # 4. La relation possиde un кtre trиs faible, parce qu'elle ne vient
que d'elle seulement, cependant il n’en est pas ainsi en Dieu, car elle n'a pas
d'autre кtre que celui de la substance, comme on le verra plus loin (8, 2);
c'est pourquoi celle raison ne vaut pas. q. 8 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod ratio illa procedit de
relatione reali, quae habet aliud esse ab esse substantiae cui inest; sic autem
non est in proposito, ut infra patebit. # 5. Cette raison procиde de la relation rйelle, qui a un кtre
diffйrent de celui de la substance en qui elle est; mais ainsi elle ne concerne
pas notre propos, comme on le verra plus loin. q. 8 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod cum personae divinae
relationibus distinguantur, non alio differunt quam seipsis, quia relationes
sunt ipsae personae subsistentes, ut infra, patebit. # 6. Comme les personnes divines sont distinguйes par des relations,
elles ne diffиrent de l'autre que par elles-mкmes, parce que les relations sont
les personnes mкme subsistantes, comme cela apparaоtra plus bas (article 4). q. 8 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod attributa essentialia
quae sunt proprietates essentiae, sunt in Deo realiter, et non secundum
rationem. Bonitas enim Dei est res quaedam, et similiter eius sapientia, et ita
de aliis, licet ab essentia non differant nisi ratione; sic etiam est de
relationibus, ut infra patebit. # 7. Les attributs essentiels, qui sont les propriйtй de l'essence sont
en Dieu rйellement et non en raison. Car la bontй de Dieu est une rйalitй et sa
sagesse aussi, de mкme pour les autres attributs, bien qu'ils ne diffиrent de
l'essence qu'en raison et il en est ainsi des relations, comme cela paraоtra
plus loin. q. 8 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod substantia Dei esset
imperfecta si aliquid ei inesset quod non esset ipsa. Relatio autem in Deo est
substantia eius, ut infra patebit; unde ratio non sequitur. # 8. La substance de Dieu serait imparfaite, s'il y avait quelque chose
en lui qui ne soit pas sa substance. Or la relation en Dieu est sa substance,
comme on le verra plus loin, c'est pourquoi cette raison ne convient pas. q. 8 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod mobile et accidens
reducuntur ad aliquid prius sicut imperfectum ad perfectum. Nam
accidens imperfectum est, et similiter motus est imperfecti actus. Sed hoc quod
dicitur ad aliud, quandoque sequitur perfectionem rei, sicut patet in
intellectu: nam consequitur eius operationem quae est eius perfectio; et ideo
perfectio divina non prohibet relationem in Deo ponere sicut prohibet ibi
ponere motum et accidens. # 9. Le mobile et l'accident sont ramenйs а ce qui est avant comme
l'imparfait au parfait. Car l'accident est imparfait, et semblablement le
mouvement est d'un acte imparfait. Mais ce qui est appelй relation, quelquefois
dйcoule de la perfection, comme on le voit dans l'esprit; car il poursuit son
opйration qui est sa perfection, et c'est pourquoi la perfection divine
n'empкche pas de poser une relation en Dieu, comme elle empкche d'y poser le
mouvement et l'accident. q. 8 a. 1 ad 10 Ad decimum dicendum, quod id quod necesse est
per se esse, non refertur ad aliquid quod sit extraneum ab ipso: nihil tamen
prohibet quin referatur ad aliquid intra ipsum. Unde cum non dicatur esse
necesse per aliud, dicitur esse necesse per se ipsum. # 10. Ce qui est nйcessairement кtre par soi n’a rapport а rien
d'extйrieur а lui; cependant rien n'empкche qu'il ait rapport а quelque chose
en lui. C'est pourquoi, comme on ne dit pas qu'il est nйcessaire par un autre,
on dit qu'il est nйcessaire par soi. q. 8 a. 1 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod relatio realis in
Deo consequitur actionem intellectus, non quidem ita quod relatio realis
intelligatur intelligentis ad intellectum, sed ad verbum: quia intellectum non
oritur ab intelligente, sed verbum. # 11. La relation rйelle en Dieu dйcoule de l'action de l'esprit, non
de sorte qu’on comprenne la relation rйelle de celui qui pense а la pensйe,
mais au verbe; parce que la pensйe ne prend pas son origine dans celui qui
pense, mais c'est le verbe. q. 8 a. 1 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod licet ratio
naturalis possit pervenire ad ostendendum quod Deus sit intellectus, modum
tamen intelligendi non potest invenire sufficienter. Sicut enim de Deo scire
possumus quod est, sed non quid est; ita de Deo scire possumus quod intelligit,
sed non quo modo intelligit. Habere autem conceptionem verbi in intelligendo,
pertinet ad modum intelligendi: unde ratio haec sufficienter probare non
potest; sed ex eo quod est in nobis aliqualiter per simile coniecturare. # 12. Bien que la raison naturelle puisse parvenir а montrer que Dieu
est un esprit, cependant on ne peut pas arriver а le comprendre suffisamment.
En effet, de mкme que nous pouvons savoir que Dieu existe, mais non ce qu'il
est, de mкme nous pouvons savoir qu'il pense mais non de quelle maniиre il le
fait. Avoir la conception du verbe en pensant convient au mode de penser, c'est
pourquoi cette raison ne peut pas prouver suffisamment, mais elle peut le
conjecturer en nous en quelque maniиre par ce qui lui ressemble. q. 8 a. 1 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod in aliis
oppositionibus semper alterum est ut imperfectum, vel non ens vel ut habens
aliquid de non ente: negatio enim est non ens, et privatio est quaedam negatio,
et duorum contrariorum alterum semper habet aliquid privationis; unde aliae
oppositiones in Deo esse non possunt sicut oppositio relationis, quae ex neutra
parte importat imperfectionem. # 13. Dans les autres oppositions, toujours l'un est comme imparfait ou
comme non йtant ou comme ayant quelque chose du non йtant: car la nйgation
n'est pas le non йtant, et la privation est une certaine nйgation et l'un des
deux contraires a toujours quelque chose d'une privation: c'est pourquoi les
autres oppositions en Dieu ne peuvent pas exister comme une opposition de
relation, qui n'apporte d'imperfection ni d'un cфtй ni de l'autre.
1 Parall.: 1a, qu. 28, a. 1 — a. 2, —qu. 29,
a. 4 c. — qu. 39, a. 1,— qu. 40, a. 1 — CG. IV, 14—I sent. d26q2a1. — d33q1a1
— Pot. qu. 2, a. 1, ad 3, ad 12 — Quodl. VI, a. 1, — Comp. 53. 2
Dйjа йvoquй en Pot. qu. 2, a. 1, obj. 4, а propos de la puissance gйnйrative du
Pиre. 3
Pourquoi cette conclusion? Parce que la relation n'est ni commune, ni une. 4
PL. 64 1255 A – 1256 A. 5
"…c'est une relation de ce type qui est, dans la Trinitй, celle du Pиre au
Fils et de l'un а l'autre а l'Esprit saint, celle de ce qui est le mкme а ce
qui est le mкme." (Courts traitйs de Thйologie, Trad. H. Merle, p. 143).
Le Pиre est Dieu, le Fils est Dieu: la relation est de Dieu а Dieu. 6
Sur les intellections secondes, ("intentions secondes" ou aspect
logique de la rйalitй) voir Pot. qu. 1, a. 1 – qu. 7, a. 8 – qu. 7, a. 9— qu.7,
a. 11. 7
Ce serait donc du fait d'йtants diffйrents. 8
La chose qui n’a plus rien au-delа est achevйe et entiиre …Mais ce а quoi
manque quelque chose qui reste au dehors n'est pas un tout si peu qu'il lui
manque, car nous dйfinissons l'entier ce dont rien n'est absent. (Physique, III, 6, 207 a 8) 9
"Concevons donc Dieu, si nous pouvons, autant que nous pouvons, bon sans
qualitй, grand sans quantitй…" (Trad. BA. 15, p. 427) 10
"Ainsi donc, la substance maintient l'unitй, la relation introduit un
йlйments multiple dans la Trinitй." (Trad. H. Merle). 11
Pour Arius, voir Pot. qu. 2, a. 3. 12
Hйrйsie du Modalisme reprochйe а Sabellius (IIIe siиcle). La monarchianisme de
Praxйas et de Noлt (IIe siиcle) est proche de cette hйrйsie. Les noms de Pиre,
Fils, Esprit dйsignent une mкme personne et sont des attributs ou des modes
accidentels d’un mкme Dieu, personnel et crйateur, Rйdempteur et
sanctificateur. 13
"La quantitй est soit discrиte, soit continue." (Les Catйgories, 6, 4 b 20. Trad. J. Tricot.) 14
Thomas dйsigne frйquemment la parole intйrieure comme conception, conceptum,
conceptus. On peut hйsiter pour traduire conceptio entre conception et concept.
Thomas emploi plusieurs mots pour dйsigner la mкme chose. En Ia, qu. 34, a. 1
d: il emploie conceptio, intellectus. Il emploie encore intentio ou ratio.
H.-F. Dondaine traduit (La Trinitй,I, Йd. des Jeunes, p. 217) a) chose connue,
b) la species intelligible qui le constitua en acte de connaissant, c) l'acte
de connaоtre, d) la conception de l'esprit. "Quiconque connaоt
(intelligit) du fait qu'il sait que quelque chose procиde de lui, qui est le
concept de ce qui est connu (quod est conceptio rei intellectae)…on l'appelle
"verbe intйrieur" (verbum cordis). Cf Veritate qu. 4, a. 1 c:Le verbe
intйrieur qui n'est rien d'autre que ce qui est considйrй en acte par
l'intellect… 15
Le verbe a deux aspects: il est objet de la pensйe – il vient d’autre chose.
Article 2: La relation en Dieu est-elle sa substance?
q. 8 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur utrum
relatio in Deo sit eius substantia. Et videtur quod non. Il semble que non1: Objections: q. 8 a. 2 arg. 1 Nulla enim substantia est relatio: haec est
quaedam propositio immediata, sicut et haec: nulla substantia est quantitas.
Ergo nec divina substantia est relatio. 1. Car aucune substance n'est une relation: proposition йvidente, de mкme
que celle-ci: Aucune substance n'est une
quantitй2. Donc la substance
divine n'est pas une relation. q. 8 a. 2 arg. 2 Sed dicendum, quod divina substantia est
relatio secundum rem, non tamen secundum rationem.- Sed contra, ratio cui nihil
respondet in re, est cassa et vana. Sed nihil vane in Deo debet poni. Ergo non
potest esse quod relatio differat ab essentia ratione existente. 2. Mais il faut dire que la
substance divine est une relation en rйalitй, mais non en raison — En sens contraire, le concept а quoi
rien ne correspond en rйalitй est vide et vain. Mais on ne doit rien placer de
vain en Dieu. Donc il n'est pas possible que la relation diffиre de l'essence
si elle existe en raison. q. 8 a. 2 arg. 3 Praeterea, personae divinae distinguuntur
relationibus, sola enim relatio multiplicat Trinitatem, ut dicit Boetius. Si
ergo personae divinae secundum substantiam non distinguuntur,- relatio autem
nihil addit supra substantiam secundum rem, sed solum secundum rationem,-
sequetur quod personae divinae distinguantur solum secundum rationem, quod est haeresis
Sabellianae. 3. Les personnes divines se distinguent par les relations, car seule la
relation multiplie la Trinitй, comme le dit Boиce (La Trinitй VI3). Si donc
les personnes divines ne se distinguent pas par la substance — la relation
n'ajoute rien а la substance en rйalitй, mais seulement en raison — il en
dйcoule que les personnes divines se distinguent seulement en raison, ce qui
est l'hйrйsie de Sabellius4. q. 8 a. 2 arg. 4 Praeterea, personae divinae non distinguuntur
secundum aliquid absolutum, quia sequeretur quod distinguerentur secundum
essentiam, ex hoc quod ea quae de Deo dicuntur absolute significant eius
essentiam, ut bonitas, sapientia, et huiusmodi. Si ergo relationes sunt idem
quod divina substantia, oportebit quod vel personae non distinguantur secundum
relationes, vel quod distinctio personarum sit secundum essentiam. 4. Les personnes divines ne se distinguent pas dans l’absolu, parce
qu'il en dйcoulerait qu'elles se distingueraient selon l'essence, du fait que
ce qui est dit selon l'absolu de Dieu signifie son essence, comme la bontй, la
sagesse5, etc.. Donc si les relations
sont identiques а la substance divine, il faudra que, ou bien les personnes ne
se distinguent pas par les relations ou bien que la distinction des personnes
vienne de l'essence. q. 8 a. 2 arg. 5 Praeterea, si relatio est ipsa substantia Dei,
sequeretur quod sicut Deus et sua magnitudo pertinet ad praedicamentum
substantiae in divinis,- ex hoc quod Deus est sua magnitudo - ita pari ratione
paternitas pertinebit ad praedicamentum substantiae; et sic omne quod de Deo
dicitur, dicetur secundum substantiam; quod est contra Augustinum qui dicit,
quod non omne quod de Deo dicitur, dicitur secundum suam substantiam: dicitur
enim Deus ad aliquid, sicut pater ad filium. 5. Si la relation est la substance mкme de Dieu, il en dйcoulera que,
de mкme que Dieu et sa grandeur conviennent а la catйgorie de la substance — du
fait qu'il est sa propre grandeur — de mкme, а raison йgale, la paternitй
conviendra а la catйgorie de la substance et ainsi tout ce qu'on dit de Dieu,
sera attribuй а la substance; ce qui est contre Augustin (La Trinitй V, 4 et 5) qui dit que ce n'est pas tout ce qu'on dit de
Dieu qui est appelй sa substance; car on parle de Dieu comme relation, en tant
que Pиre vis-а-vis du Fils. q. 8 a. 2 arg. 6
Praeterea, quidquid praedicatur de praedicato, praedicatur de subiecto. Sed si
relatio est ipsa essentia divina, haec praedicatio erit vera: essentia divina
est paternitas; et pari ratione ista: filiatio est divina essentia. Ergo
sequetur quod filiatio est paternitas. 6. Tout ce qui est attribuй а un prйdicat, est attribuй au sujet. Mais
si la relation est l'essence divine elle-mкme, l'attribution suivante est vraie:
L'essence divine est la paternitй; et
а raison йgale: La filiation est
l'essence divine. Donc il en dйcoulera que la filiation est la paternitй. q. 8 a. 2 arg. 7 Praeterea, quaecumque sunt idem, ita se
habent, quod quidquid praedicatur de uno, praedicetur de alio, quia, secundum
philosophum, quantamcumque differentiam assignaverimus, ostendentes erimus quod
non idem. Sed de essentia divina praedicatur quod sit sapiens, quod creet
mundum, et huiusmodi; quae non videntur praedicari posse de paternitate vel
filiatione. Ergo relatio in divinis non est essentia divina. 7. Tout ce qui est identique se comporte de sorte que tout ce qui est
attribuй а l'un, est attribuй а l'autre, parce que, selon le philosophe (Topiques, I, 18, 108 b 26) si
petite que soit la diffйrence que nous aurons attribuйe, nous aurons montrй que
ce n'est pas la mкme chose. Mais on attribue а l'essence divine la sagesse,
la crйation du monde, etc.; ces deux notions qui ne semblent pas pouvoir кtre
attribuйes а la paternitй et ni а la filiation. Donc la relation en Dieu n'est
pas l'essence divine. q. 8 a. 2 arg. 8 Praeterea, id quod facit distinctionem in
divinis personis, non est idem cum eo quod non distinguit nec distinguitur. Sed
relatio in divinis distinguit; essentia autem non distinguit neque
distinguitur. Ergo non sunt idem. 8. Ce qui apporte une distinction dans les personnes divines n'est pas
identique а ce qui n'a apportй ni subit de distinction. Mais la relation a
apportй une distinction en Dieu; et l'essence n'apporte ni ne subit de
distinction. Donc elles ne sont pas identiques. q. 8 a. 2 arg. 9 Praeterea, idem per suam essentiam non potest
esse principium contrariorum, nisi per accidens. Sed distinctio, cuius est
principium relatio in divinis, opponitur unitati, cuius est principium
essentia. Ergo relatio et essentia non sunt idem. 9. Ce qui est identique par essence ne peut кtre le principe des
contraires que par accident. Mais la distinction, dont la relation en Dieu est
le principe, s'oppose а l'unitй, dont le principe est l'essence. Donc la
relation et l'essence ne sont pas identiques. q. 8 a. 2 arg. 10 Praeterea, eorum quae sunt idem, in quocumque
est unum et aliud. Si ergo essentia divina et paternitas est idem, in quocumque
est essentia divina, erit et paternitas. Sed essentia divina est in filio. Ergo
et paternitas; quod patet esse falsum. 10. Parmi chacune de ces choses qui sont identiques, il y en a une et
une autre. Donc si l'essence divine et la paternitй sont identiques, partout oщ
il y a l'essence divine, il y aura la paternitй aussi. Mais l'essence divine
est dans le Fils. Donc la paternitй sera aussi en lui, ce qui paraоt faux. q. 8 a. 2 arg. 11 Praeterea, relatio et essentia differunt
saltem ratione in divinis. Sed ubi est diversa ratio, sive definitio, est
diversorum esse: quia definitio est oratio indicans quid est esse. Ergo aliud
erit esse relationis in divinis, et aliud substantiae. Ergo relatio et
substantia differunt secundum esse, et ita realiter. 11. La relation et l'essence diffиrent au moins en raison en Dieu. Mais
lа oщ il y a une nature (ratio) ou
une dйfinition diffйrentes, cela vient d'кtres diffйrents, parce que la
dйfinition est une proposition qui indique ce qu'est l'кtre. Donc l'кtre de la
relation en Dieu sera diffйrent de celui de la substance. Donc la relation et
la substance diffиrent selon l'кtre et donc rйellement. q. 8 a. 2 arg. 12 Praeterea, ad aliquid dicuntur quorum esse
est ad aliud se habere, ut dicitur in praedicamentis. Esse ergo relationis est
in respectu ad aliud, non autem esse substantiae. Ergo relatio et substantia
non sunt idem secundum esse; et sic idem quod prius. 12. On appelle relation ce dont l'кtre a rapport avec autre chose,
comme on le dit dans Les Catйgories, (les
relations 7, 6 a 367). Donc l'кtre de
la relation est en rapport а autre chose, mais pas l'кtre de la substance. Donc
la relation et la substance ne sont pas identiques selon l'кtre et ainsi de
mкme que ci-dessus. q. 8 a. 2 arg. 13 Praeterea, Augustinus dicit, quod aliquid
dicitur in Deo non substantive sed relative. Quod autem substantiam divinam
significat, dicitur substantialiter. Ergo relatio in divinis non significat
substantiam divinam; et sic idem quod prius. 13. Augustin dйclare (la Trinitй,
V, 4, 5 et 68) qu'on dit qu’il y a
quelque chose en Dieu qui n’est pas substance mais relation. On parle
substantiellement de ce que la substance divine signifie. Donc la relation ne
signifie pas la substance, et ainsi de mкme que plus haut. q. 8 a. 2 arg. 14 Praeterea, Augustinus dicit, quod Deus non eo
Deus est quo pater est. Sed essentia divina est Deus; paternitate autem est
pater. Ergo essentia non est paternitas; et sic relationes in Deo non sunt
divina substantia. 14. Augustin dit (La Trinitй, VII,
6) que Dieu n'est pas tant Dieu que Pиre. Mais l'essence divine est Dieu, et
par la paternitй il est Pиre. Donc l'essence n'est pas la paternitй, et ainsi les
relations en Dieu ne sont pas la substance divine. En sens contraire: q. 8 a. 2 s. c. 1 Sed contra. Quidquid est in Deo, Deus est, ut
Augustinus dicit. Sed relatio est in Deo, sicut paternitas in patre. Ergo
relatio est ipse Deus, et divina substantia. 1. Tout ce qui est en Dieu est Dieu, comme Augustin le dit (La Trinitй V, 5 et sq.). Mais la
relation est en Dieu, comme la paternitй dans le Pиre. Donc la relation est
Dieu lui-mкme, et la substance divine. q. 8 a. 2 s. c. 2 Praeterea, omne suppositum in quo sunt
diversae res, est compositum. Sed in persona patris est paternitas et essentia.
Si igitur paternitas et essentia divina sunt duae res, sequeretur quod persona
patris sit composita; quod patet esse falsum. Oportet ergo quod relatio in
divinis sit ipsa substantia. 2. Tout suppфt en qui il y a diverses parties est composй. Mais dans la
personne du Pиre, il y a la paternitй et l'essence. Si donc la paternitй et
l'essence divine sont deux rйalitйs, il en dйcoulera que la personne du Pиre
est composйe; il est clair que c’est faux. Il faut donc que la relation en Dieu
soit sa propre substance. Rйponse: q. 8 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod, supposito quod
relationes in divinis sint, de necessitate oportet dicere quod sint essentia
divina: alias oporteret ponere compositionem in Deo, et quod relationes in
divinis essent accidentia, quia omnis res inhaerens alicui praeter suam
substantiam est accidens. Oporteret etiam quod aliqua res esset aeterna, quae
non erit substantia divina; quae omnia sunt haeretica. Si on suppose qu’il y a des relations en Dieu, il faut nйcessairement
dire qu'elles sont l'essence divine, autrement il faudrait placer une
composition en Dieu et les relations seraient des accidents, parce que tout ce
qui est inhйrent а quelque chose au-delа de sa substance est un accident. Il
faudrait aussi qu'une chose qui ne serait pas la substance divine, soit
йternelle, toutes opinions qui sont hйrйtiques. Ad huius ergo evidentiam sciendum est, quod inter novem
genera quae continentur sub accidente, quaedam significantur secundum rationem
accidentis: ratio enim accidentis est inesse; et ideo illa dico significari per
modum accidentis quae significantur ut inhaerentia alteri, sicut quantitas et
qualitas; quantitas enim significatur ut alicuius in quo est, et similiter
qualitas. Ad aliquid vero non significatur secundum rationem accidentis: non
enim significatur ut aliquid eius in quo est, sed ut ad id quod extra est. Et
propter hoc etiam dicit philosophus, quod scientia, in quantum est relatio, non
est scientis, sed scibilis. Donc pour йclaircir cette question, il faut savoir que parmi les neuf
genres qui sont contenus sous l'accident, certains sont signifiйs en tant que
tel; car la nature de l'accident est d'кtre inhйrent et c'est pourquoi je dis
qu'est signifiй а la maniиre de l'accident ce qui est signifiй comme inhйrent а
autre chose, comme la quantitй et la qualitй, car la quantitй est signifiйe
comme de ce en quoi elle est, et de mкme la qualitй. Mais la relation n'est pas signifiйe comme ayant nature d'accident,
car on ne la dйfinit pas comme quelque chose de ce en quoi elle est, mais comme
dirigйe vers ce qui est а l'extйrieur. Et c'est pour cela aussi que le
Philosophe dit (Mйtaphysique, V, 15,
1021 a 259) que la connaissance, en
tant que relation, ne vient pas de celui qui connaоt mais du connaissable10. Unde quidam attendentes modum significandi in relativis,
dixerunt, ea non esse inhaerentia substantiis, scilicet quasi eis assistentia:
quia significantur ad quoddam medium inter substantiam quae refertur, et id ad
quod refertur. Et ex Et ex hoc sequebatur quod in rebus creatis relationes non
sunt accidentia, quia accidentis esse est inesse. hoc sequebatur quod in rebus
creatis C'est pourquoi certains examinant
la maniиre de s'exprimer dans les relatifs, ont dit qu'ils ne sont pas
inhйrents aux substances, c'est-а-dire comme une assistance pour elles, parce
qu'ils sont signifiйs pour quelque chose d'intermйdiaire entre la substance qui
est rйfйrйe et ce а quoi elle est rйfйrйe. Et de lа il dйcoulait que dans les
crйatures, les relations ne sont pas des accidents, parce que le propre de
l'accident est d'кtre inhйrent. Unde etiam quidam theologi, scilicet Porretani, huiusmodi
opinionem usque ad divinam relationem extenderunt, dicentes, relationes non
esse in personis, sed eis quasi assistere. Et quia essentia divina est in
personis, sequebatur quod relationes non sunt essentia divina; et quia omne
accidens inhaeret, sequebatur quod non essent accidentia. Et secundum hoc
solvebant verbum Augustini inductum, quod scilicet relationes non praedicantur
de Deo secundum substantiam, nec secundum accidens. Sed ad hanc opinionem
sequitur quod relatio non sit res aliqua, sed solum secundum rationem: omnis
enim res vel est substantia vel accidens. C'est pourquoi aussi, d’anciens
thйologiens11, а savoir les
Porrйtains, ont йtendu une telle opinion а la relations en Dieu, disant qu'elle
n'est pas dans les personnes, mais c'est comme si elles les assistaient12. Et parce que l'essence divine est dans
les personnes, il en dйcoulait que les relations ne sont pas l'essence divine,
et parce que tout accident est inhйrent, il en dйcoulait qu'elles n'йtaient pas
des accidents. Et ils rejetaient ainsi la parole citйe d'Augustin, disant que
les relations ne sont pas attribuйes а Dieu selon la substance, ni selon
l'accident. Mais il dйcoule de cette opinion que la relation n'est pas une
rйalitй, mais elle est seulement de raison, car tout est substance ou accident.
Unde etiam quidam antiqui posuerunt relationes esse de
secundis intellectis, ut Commentator dicit XI Metaph. Et ideo oportet hoc etiam
Porretanos dicere, quod relationes divinae non sunt nisi secundum rationem. Et
sic sequetur quod distinctio personarum non erit realis; quod est haereticum. C'est pourquoi certains anciens
ont pensй que les relations venaient des intellections secondes, comme le dit
le Commentateur (Mйtaphysique, XI,
com. 19). Et c'est pourquoi les Porrйtains sont obligйs de dire que les
relations divines n'existent qu'en raison. Et ainsi il en dйcoulera que la
distinction des personnes ne sera pas rйelle, ce qui est hйrйtique. Unde dicendum est, quod nihil prohibet aliquid esse
inhaerens, quod tamen non significatur ut inhaerens, sicut etiam actio non
significatur ut in agente, sed ut ab agente, et tamen constat actionem esse in
agente. Et similiter, licet ad aliquid non significetur ut inhaerens, tamen oportet
ut sit inhaerens. Et hoc quando relatio est res aliqua; quando vero est
secundum rationem tantum, tunc non est inhaerens. Et sicut in rebus creatis
oportet quod sit accidens, ita oportet quod sit in Deo substantia, quia
quidquid est in Deo, est eius substantia. Oportet ergo relationes secundum rem,
esse divinam substantiam; quae tamen non habent modum substantiae, sed habent
alium modum praedicandi ab his quae substantialiter praedicantur in Deo. C'est pour cela qu'il faut dire que
rien n'empкche quelque chose d'кtre inhйrent, qui n'est pas cependant signifiй
en tant que tel, ainsi l'action n'est pas signifiйe comme йtant dans l'agent,
mais comme venant de lui et cependant il est clair qu’elle est en lui. Et de
mкme, bien que la relation ne soient pas signifiйe comme inhйrente, il faut
cependant qu'elle le soit. Et cela quand la relation est rйelle, mais quand
elle est de raison seulement, alors elle n'est pas inhйrente. Et de mкme que
dans les crйatures, il faut qu'elle soit un accident, de mкme il faut qu'elle
soit en Dieu la substance, parce que tout ce qui est en Dieu est sa substance.
Donc il faut que les relations rйelles soient la substance divine; elles n'ont
pas cependant le mode de la substance, mais un autre mode d'attribution que ce
qui attribuй substantiellement а Dieu Solutions: q. 8 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod nulla substantia
quae est in genere, potest esse relatio, quia est definita ad unum genus; et
per consequens excluditur ab alio genere. Sed essentia divina non est in genere
substantiae, sed est supra omne genus, comprehendens in se omnium generum
perfectiones. Unde nihil prohibet id quod est relationis, in ea inveniri. # 1. Aucune substance, qui est dans un genre, ne peut кtre relation,
parce qu'elle est limitйe а un seul genre, par consйquent elle est exclue d'un
autre. Mais l'essence divine n'est pas dans le genre de la substance, mais est
au-dessus de tout genre, comprenant en soi les perfections de tous les genres.
C'est pourquoi rien n'empкche qu'on trouve en elle ce qui est une relation. q. 8 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod alia est ratio
substantiae et relationis, et utrique respondet aliquid in re, quae Deus est;
non tamen aliqua res diversa, sed una et eadem. Et hoc praecipue convenit quod
duabus rationibus respondet una res, quando natura perfecte comprehendit ipsam
rem; et sic est in proposito. # 2. La nature de la substance est autre que celle de la relation, et а
chacune correspond quelque chose dans la rйalitй, qui est Dieu. Cependant ce
n'est pas une chose diffйrente, mais une seule et mкme rйalitй. Et surtout il
convient qu'une seule rйalitй corresponde aux deux natures, quand la nature
exprime parfaitement la rйalitй mкme; et ainsi cela concerne notre sujet. q. 8 a. 2 ad 3 Ad tertium dicendum, quod licet relatio non
addat supra essentiam aliquam rem, sed solum rationem, tamen relatio est aliqua
res, sicut etiam bonitas est aliqua res in Deo, licet non differat ab essentia
nisi ratione; et similiter est de sapientia. Et ideo sicut ea quae pertinent ad
bonitatem vel sapientiam, realiter Deo conveniunt, ut intelligere et alia
huiusmodi, ita etiam id quod est proprium realis relationis, scilicet opponi et
distingui, realiter in divinis invenitur. # 3. Bien que la relation n'ajoute rien а l'essence, mais seulement un
rapport (ratio), elle est rйelle,
comme la bontй aussi est une rйalitй en Dieu, bien qu'elle ne diffиre de
l'essence qu'en raison; et il en est de mкme de la sagesse. Et ainsi de mкme
que ce qui concerne la bontй et la sagesse convient rйellement а Dieu, comme
l'intellection, etc.; de mкme aussi ce qui est le propre de la relation rйelle,
а savoir l'opposition et la distinction, se trouvent rйellement en Dieu. q. 8 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum, quod attributa essentialia
non solum significant id quod est essentia divina, sed etiam significant per
talem modum, quia significant aliquid ut in Deo existens; et propter hoc
differentia, quae esset secundum absoluta, redundaret in diversitatem
essentiae. Relationes autem divinae, licet significent id quod est divina
essentia, non tamen per modum essentiae, quia non per modum inexistentis, sed
per modum se habentis ad aliud. Unde distinctio quae attenditur secundum
relationes in divina, non designat distinctionem in essentia, sed solum in hoc
quod est ad aliud se habere per modum originis, ut supra expositum est. # 4. Les attributs essentiels signifient non seulement ce qu'est
l'essence divine, mais ils la signifient aussi d’une certaine maniиre, parce
qu'ils signifient quelque chose comme existant en Dieu et а cause de cela une
diffйrence selon l'absolu, apporterait quelque chose en trop dans la diffйrence
qui est dans l'essence. Mais bien que les relations en Dieu signifient ce
qu'est son essence, ce n'est pas
cependant а la maniиre de l'essence, parce que ce n'est pas par la maniиre
de ce qui n'existe pas mais а celle de ce qui a rapport а autre chose. C'est
pourquoi la distinction qui est atteinte selon les relations en Dieu, ne
dйsigne pas une distinction dans l'essence, mais seulement dans ce qui se
comportent comme relation par mode d'origine, comme on l'a exposй ci-dessus. q. 8 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod licet relatio sit
substantia divina, non tamen significat per modum substantiae, ut supra
expositum est; et ideo non dicitur secundum substantiam, quia dici secundum
substantiam pertinet ad modum significandi. # 5. Bien que la relation soit la substance divine, elle n'a cependant
pas de signification а la maniиre de la substance, comme on l'a exposй
ci-dessus et ainsi on n'en parle pas selon la substance, parce qu'en parler
ainsi convient а la maniиre de la signifier. q. 8 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod ratio illa tenet in
praedicabilibus per se. Per se autem praedicatur aliquid de aliquo, quod
praedicatur de eo secundum propriam rationem; quod vero non secundum propriam
rationem praedicatur, sed propter rei identitatem, non etiam praedicatur per
se. Cum ergo dicitur: essentia divina est paternitas, non praedicatur
paternitas de essentia divina propter identitatem rationis, sed propter
identitatem rei; et similiter nec essentia de paternitate, ut iam dictum est,
quia alia est ratio essentiae et relationis. Et ideo in praedicto processu
incidit fallacia accidentis: licet enim in Deo nullum sit accidens, est tamen
quaedam similitudo accidentis, in quantum ea quae de se invicem praedicantur
secundum accidens et differunt ratione, sunt unum subiecto. # 6. Cette raison tient aux prйdicables par soi13. Mais quelque chose est attribuй par soi а
quelque chose qui lui est attribuй selon sa nature propre. Mais ce qui est
attribuй non pas selon sa nature propre mais а cause de son identitй14 n'est pas attribuй par soi. Donc quand on
dit que la paternitй est l'essence divine,
on n'attribue pas la paternitй а l'essence divine а cause d'une identitй de
raison, mais d'une identitй rйelle. Et de la mкme maniиre on n'attribue pas
l'essence а la paternitй, comme on l'a dйjа dit, parce que la nature de
l'essence est autre que celle de la relation. Et c'est pourquoi dans le
dйveloppement dйjа signalй15 on en
arrive а une erreur а propos de l'accident; car bien qu'en Dieu il n'y ait nul
accident, il y a cependant quelque chose
qui y ressemble, dans la mesure oщ ce qui est attribuй а soi rйciproquement
selon l'accident et qui diffиre en raison, est un dans le substrat. q. 8 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod sicut philosophus
dicit in III Phys., non oportet quod omnia eadem praedicentur quolibet modo de
eisdem, sed solum de eisdem secundum rationem. Essentia autem divina et
paternitas, etsi sint idem re, non sunt idem ratione; et ideo non oportet quod
quidquid praedicatur de aliquo uno, praedicetur de alio. Sciendum tamen, quod
quaedam sunt quae consequuntur proprias rationes essentiae et relationis: sicut
quod esse commune sequitur ad essentiam, distinguere sequitur ad relationem.
Unde unum horum ab alio removetur, neque enim essentia distinguit, neque
relatio est communis. Quaedam vero non quantum ad principale significatum, sed
quantum ad modum significandi, habent aliquam differentiam a ratione essentiae
vel relationis; et ista praedicantur quidem de essentia vel relatione, licet
non proprie; et huiusmodi sunt adiectiva, et verba substantialia, ut bonus, sapiens,
intelligere, et velle: huiusmodi enim quantum ad rem significatam, significant
ipsam essentiam; sed tamen significant eam per modum suppositi, et non in
abstracto. Et ideo propriissime dicuntur de personis, et de nominibus
essentialibus concretis, ut Deus, vel pater bonus, sapiens, creans, et alia
huiusmodi; de essentia autem in abstracto significata, et non per modum
suppositi, sed improprie. Adhuc autem minus proprie de relationibus, quia
huiusmodi conveniunt supposito secundum essentiam, non autem secundum
relationem: Deus enim est bonus, vel creans, ex eo quod habet essentiam, non ex
eo quod habet relationem. # 7. Comme le philosophe le dit (Physique,
III, 3, 202 b 1516), il ne faut pas
attribuer tout ce qui est identique d'une certaine maniиre а l'identique mais,
seulement а ce qui est identique en raison. Mais mкme si l'essence divine et la
paternitй sont identiques en rйalitй, elles ne le sont pas en raison; c'est
pourquoi il ne faut pas que ce qui est attribuй а l'un le soit а l'autre. Il faut savoir cependant qu'il y a certaines choses
qui suivent leur propre nature d'essence et de relation: ainsi l'кtre commun se
rattache а l'essence, et la distinction se rattache а la relation. C'est
pourquoi l'une de ces choses est exclue par l'autre, car l'essence n'a pas
distinguй, et la relation n'est pas commune. Mais certaines, non pas pour le
signifiй principal, mais quant au mode de signifier, ont une diffйrence par la
nature de l'essence ou de la relation, et ces choses sont attribuйes а
l'essence ou а la relation, bien que non au sens propre. Les adjectifs sont de
ce genre et les mots substantiels comme bon, sage, intellection, vouloir. Car
de cette maniиre, pour ce qui est signifiй, ils signifient l'essence, mais
cependant il la signifie par le mode de suppфt, et non dans l'abstrait. Et
c'est pourquoi on les dit les plus propres pour les personnes et les noms
essentiels concrets, comme Dieu ou Pиre bon, sage, crйateur, etc., pour
l'essence signifiйe dans l'abstrait aussi et non par mode de suppфt, mais
improprement. Mais encore moins proprement des relations, parce qu'elles
conviennent en tant que telles au suppфt selon l'essence mais non selon la
relation: car Dieu est bon ou crйateur du fait qu'il a l'essence, mais non du
fait qu'il a la relation. q. 8 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum, quod illud quod facit
distinctionem, potest esse cum eo quod nec distinguit nec distinguitur, idem
re, sed non ratione. # 8. Ce qui fait la distinction peut кtre avec ce qui ne l'apporte, ni
ne la subit; identique en rйalitй, mais pas en raison. q. 8 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod unitas essentiae non
opponitur distinctioni relationum: unde non sequitur quod relatio et essentia
sint causae oppositorum. # 9. L'unitй de l'essence n'est pas opposйe а la distinction des
relations. C'est pourquoi il n'en dйcoule pas que la relation et l'essence sont
les causes des opposйs. q. 8 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod quaecumque sunt eadem
re et ratione oportet quod in quocumque est unum, sit aliud. Non autem hoc
oportet de his quae sunt eadem re, sed non ratione; sicut instans est idem quod
est principium futuri et finis praeteriti, non tamen principium futuri dicitur
esse in praeterito, sed id quod est futuri principium; et similiter non dicitur
quod paternitas est in filio, sed id quod est, scilicet essentia. # 10. Tout ce qui est identique en rйalitй et en raison doit кtre autre
en chaque chose oщ il est en tant qu’unitй. Mais il ne le faut pas pour ce qui
est identique en rйalitй, mais non en raison, comme l'instant, qui est le
commencement du futur et la fin du passй est le mкme, on ne dit pas cependant
que le commencement du futur est dans le passй, mais on dit que c’est ce qui
est le commencement du futur, et de mкme on ne dit pas que la paternitй est
dans le Fils, mais ce qu’il est, а savoir l'essence. q. 8 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod in divinis nullo
modo est esse nisi essentiae, sicut nec intelligere nisi intellectus; et
propter hoc, sicut in Deo est tantum unum intelligere, ita etiam unum esse. Et
ideo nullo modo concedendum est, quod aliud sit esse relationis in divinis, et
aliud essentiae. Ratio autem non significat esse, sed esse quid, id est quid
aliquid est. Unde duae rationes unius rei non demonstrant duplex esse eius sed
demonstrant quod dupliciter de illa re potest dici quid est; sicut de puncto
potest dici quid est sicut principium et ut finis, propter diversam rationem
principii et finis. # 11. En Dieu, il n'y a en aucune maniиre d’кtre que celle de l'essence,
de mкme qu'il n'y a d'intellection sinon de l'esprit, et ainsi, de mкme qu'en
Dieu, il n'y a qu’une seule intellection, il n'y a aussi qu'un seul кtre. Et
c'est pourquoi en aucune maniиre il ne faut concйder que l'кtre de la relation
en Dieu est autre que celui de l'essence. Mais la raison ne signifie pas l'кtre
mais кtre quelque chose, c'est-а-dire ce qu’il est. C'est pourquoi deux natures
d'une mкme chose unique ne rйvиlent pas que son кtre est double; mais qu'on
peut parler de deux maniиres de ce qu'elle est; comme d'un point, on peut dire
qu'il est aussi bien le commencement que la fin, а cause de la nature
diffйrente du commencement et de la fin. q. 8 a. 2 ad 12 Ad duodecimum dicendum quod, cum relatio sit
accidens in creaturis, esse suum est inesse; unde esse suum non est ad aliud se
habere; sed esse huius secundum quod ad aliquid, est ad aliud se habere. # 12. Comme la relation est un accident dans les crйatures, son кtre
est d'кtre inhйrente. C'est pourquoi son кtre n’a pas rapport а un autre mais
l'кtre de ce selon quoi il y a relation apporte une relation а un autre. q. 8 a. 2 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod dicuntur
relativa de Deo praedicari non substantialiter, quia non praedicantur per modum
existentis in substantia, sed per modum ad aliud se habentis, non ideo quin
illud quod significant, sit substantia. # 13. On dit que les relatifs ne sont pas attribuйs а Dieu
substantiellement, parce qu'ils ne sont pas attribuйs par mode d'existence dans
la substance mais а la maniиre de ce qui est en relation а un autre, non de
telle sorte que ce qu'ils signifient soit la substance. q. 8 a. 2 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod Deus dicitur
non eo Deus quo pater, propter diversum modum significandi divinitatis et
paternitatis, ut expositum est. 14. On dit que Dieu n'est pas tant Dieu que Pиre а cause de la maniиre
diffйrente de signifier sa divinitй et sa paternitй, comme on l'a exposй (dans
le corps de l'article).
1 Parall.: Ia, qu. 28, a. 2 — I Sent. d33q1a1 — CG. IV, 14 —Qdl.
VI, q. 1 — Comp. 54, 66, 67. — Qdl. VI, 1, c.: "Il en
dйcoulerait qu'en Dieu il y aurait composition…La propriйtй personnelle diffиre
cependant de l'essence selon la maniиre de la comprendre ou de la signifier, car
on parle de l'essence dans l'absolu, mais la propriйtй personnelle apporte une
relation. 2
Cf. qu. 9, a. 4, obj. oщ les termes sont inversйs. 3
Citй Pot. qu. 8, a. 1, sed contra. 1. 4
Cf. qu. 8, a. 1, c. 5
Cf. ce qu’il prйcise qu. 8, 1, a.sol. 7. 6
"Car une fois que nous aurons dйcouvert une diffйrence, quelle qu'elle
soit, entre les objets qui nous sont proposйs, nous aurons par lа mкme montrй
qu'ils ne sont pas une seule et mкme chose." 7
"On appelle relatives ces choses dont tout l'кtre consiste en ce qu'elles
sont dites dйpendre d'autres choses, ou se rapporte de quelque autre faзon а
autre choses." (Trad. J. Tricot). 8
"Il ne s'ensuit pas, toutefois que toute attribution ait un sens
substantiel, il y a en effet, la relation, par exemple, le Pиre est relatif au
Fils et le Fils relatif au Pиre, qui n'est pas un accident…" 9
Aristote n° 496, Thomas, 1028. 10
C’est le connaissable qui devient inhйrent а celui qui connaоt. 11
Antiqui thйologi (Йd. Marietti)
dйsignent les thйologiens des XIe et XIIe siиcles. 12
"Les relations so sont assistantes, c'est-а-dire accolйes du dehors.
(relationes in divinis sunt assistentes, sive extrinsecus affixae)" Ia, qu. 28, a. 2, c.. 13
Les prйdicables sont cinq: le genre, l'espиce, la diffйrence, le propre,
l'accident. Cf. Ia, qu. 77, a. 1, ad 5. 14
Identitas opposй а diversitas. 15
L'opinion des Porrйtains. 16
Thomas, lectio 5, n° 317: "…car l'identitй totale n'appartient pas aux
choses qui sont identiques d'une faзon quelconque, mais seulement а celle dont
l'essence est identique."
Article 3: Si on exclut en esprit la relation, l'hypostase
demeure-t-elle en Dieu?
q. 8 a. 4 tit. 1
Quarto quaeritur utrum remota relatione secundum intellectum, remaneat
hypostasis in divinis. Et videtur quod sic. Il semble que oui1.
Objections: q. 8 a. 4 arg. 1 Ea enim quae sunt in creaturis, sunt exemplata ab his
quae sunt in Deo. Sed in humanis,
remotis relationibus et proprietatibus hypostasis, adhuc remanent hypostases.
Ergo et similiter in divinis. 1. Car ce qui est
dans les crйatures est l'image (exemplata) de ce qui est en Dieu.
Mais chez les hommes, si on exclut leurs relations et leurs propriйtйs, les
hypostases demeurent encore. Et il en est donc de mкme en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 2
Praeterea, pater non habet ab eodem quod sit quis et quod sit pater, cum etiam
filius sit quis et non sit pater. Remoto ergo a patre quod sit pater, remanet
quod sit quis. Est autem quis in quantum est hypostasis. Remota ergo
paternitate per intellectum, adhuc remanet hypostasis patris. 2. Le Pиre ne
tient pas d'une mкme [nature] d'кtre ce qu'il est et d'кtre Pиre, puisque le
Fils aussi est ce qu'il est et n'est pas Pиre. Donc si on exclut du Pиre qu'il
est Pиre, il demeure qu'il est ce qu'il est. Mais il est ce qu’il est en tant
qu'hypostase. Donc si on exclut en esprit la paternitй, l'hypostase du Pиre demeure
encore. q. 8 a. 4 arg. 3
Praeterea, cum quaelibet res intelligatur per suam definitionem, potest
unaquaeque res intelligi remoto eo quod in eius definitione non ponitur. Sed
relatio non ponitur in definitione hypostasis. Ergo remota relatione adhuc intelligitur
hypostasis. 3. Comme chaque
chose est comprise par sa dйfinition, elle peut кtre comprise si on exclut ce
qui n'est pas placй dans sa dйfinition. Mais la relation n'est pas placйe dans
la dйfinition de l'hypostase. Donc si on exclut la relation, on comprend encore
l'hypostase. q. 8 a. 4 arg. 4
Praeterea, Iudaei et gentiles intelligunt in Deo hypostasim: intelligunt enim
Deum esse rem quamdam per se subsistentem, nec tamen intelligunt in eo
paternitatem et filiationem, et huiusmodi relationes. Ergo remotis huiusmodi
relationibus per intellectum, remanent adhuc hypostases in divinis. 4. Les Juifs et
les paпens comprennent une hypostase en Dieu. Car ils comprennent que Dieu est
un кtre qui subsiste par soi et cependant ils ne comprennent pas en lui la
paternitй, la filiation et les relations de ce genre. Donc si on exclut en
esprit ces relations, les hypostases demeurent en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 5
Praeterea, omne quod se habet ex additione, remota additione, remanet id cui
fit additio; sicut homo addit supra animal rationale: est enim homo animal
rationale; unde remoto rationale, remanet animal. Sed persona addit
proprietatem supra hypostasim: est enim persona hypostasis proprietate
distincta, ad dignitatem pertinente. Ergo remota proprietate a persona secundum
intellectum, remanet hypostasis. 5. Pour tout ce
qui comporte un ajout, si on l'enlиve, demeure ce а quoi est fait cet ajout;
ainsi homme ajoute le raisonnable а animal, car il est un animal
raisonnable; c'est pourquoi, si on enlиve le raisonnable, l'animal
demeure. Mais la personne ajoute une propriйtй а l'hypostase. Car elle est
hypostase par une propriйtй distincte, qui se rattache а sa dignitй. Donc si on
exclut en esprit cette propriйtй de la personne, l'hypostase demeure. q. 8 a. 4 arg. 6 Praeterea, Augustinus dicit, quod
verbum est sapientia genita. Sapientia vero hypostasim supponit, genitum autem
proprietatem. Remoto ergo a verbo quod sit genitum, remanet hypostasis verbi,
et eadem ratione in aliis personis. 6. Augustin
dit (la Trinitй VII, 2) que le Verbe est la Sagesse engendrйe. Mais la
Sagesse suppose une hypostase, et le fait d'кtre engendrй une propriйtй. Donc
si on exclut du Verbe qu'il est engendrй, son hypostase demeure et pour la mкme
raison, elle demeure dans les autres personnes. q. 8 a. 4 arg. 7
Praeterea, remota paternitate et filiatione secundum intellectum, adhuc remanet
in divinis qui ab alio, et a quo alius. Haec autem hypostases designant. Ergo
remotis relationibus, adhuc remanent hypostases in divinis. 7. Si on exclut en
esprit la paternitй, la filiation, il demeure encore dans la divinitй ce qui
vient d’un autre, et par quoi il est autre. Mais cela les hypostases le
dйsignent. Donc si on exclut les relations, les hypostases demeurent encore en
Dieu. q. 8 a. 4 arg. 8 Praeterea, remota
differentia constitutiva, adhuc remanet genus. Sed proprietates personales, cum
constituant personas, sunt in divinis sicut differentiae constitutivae. Ergo
remotis proprietatibus, remanet genus personae, quod est hypostasis. 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le
genre demeure encore, mais comme les propriйtйs personnelles constituent les
personnes, elles sont en Dieu comme des diffйrences constitutives. Donc si on
les exclut, le genre de la personne, qui est l'hypostase, demeure. q. 8 a. 4 arg. 9
Praeterea, Augustinus dicit, quod remoto hoc quod est pater, adhuc remanet
ingenitus. Sed ingenitus est quaedam proprietas cuius suppositum esse non
potest nisi hypostasis. Ergo remota paternitate, adhuc remanet hypostasis
patris. 9. Augustin dit (La
Trinitй, V, 6), que si on exclut ce qui est le Pиre, demeure encore l'inengendrй.
Mais кtre inengendrй est une propriйtй dont le suppфt ne peut кtre que
l'hypostase. Donc si on exclut la paternitй, l'hypostase du Pиre demeure
encore. q. 8 a. 4 arg. 10
Praeterea, sicut relationes sunt proprietates hypostasum, ita attributa sunt
proprietates essentiae. Sed remoto per intellectum attributo essentiali, adhuc
remanet intellectus divinae substantiae. Boetius enim dicit quod remota
bonitate a Deo per intellectum, adhuc remanet quod sit Deus. Ergo similiter
remotis relationibus, adhuc remanent hypostases in divinis. 10. Les relations
sont les propriйtйs des hypostases; de mкme les attributs sont les propriйtйs
de l'essence. Mais si on exclut en esprit un attribut essentiel, le concept de
la substance divine demeure encore. Car Boиce dit (De hebdomadibus) que
si on exclut en esprit la bontй de Dieu, ce qui est Dieu demeure encore. Donc
de la mкme maniиre, si on exclut les relations, les hypostases demeurent encore
en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 11 Praeterea, secundum Boetium,
proprium est intellectus, coniuncta secundum naturam dividere. Proprietas autem et
hypostasis sunt realiter coniuncta in Deo. Ergo intellectus potest ea ab
invicem separare. 11. Selon Boиce (Sur
le Prйambule de Porphyre, dans les prйdicables) le propre de
l'intellect, c'est de diviser ce qui est joint en nature. Mais la propriйtй et
l'hypostase sont rйellement jointes en Dieu. Donc l'esprit peut les sйparer
l'une de l'autre. q. 8 a. 4 arg. 12
Praeterea, remoto eo quod est in aliquo, potest intelligi id in quo est; sicut
remoto accidente potest intelligi subiectum. Sed relationes ponuntur in divinis
hypostasibus esse. Ergo remotis relationibus secundum intellectum, adhuc
remanent hypostases. 12. Si on exclut
ce qui est dans une chose, on peut connaоtre ce en quoi elle est; ainsi si on
exclut l'accident, on peut connaоtre le sujet. Mais les relations sont placйes
pour кtre dans les hypostases divines. Donc, si on les exclut en esprit,
restent encore les hypostases. En
sens contraire : q. 8 a. 4 s. c. Sed
contra. In divinis distinctio non potest esse nisi secundum relationes. Sed
hypostasis dicit aliquid distinctum. Ergo remotis relationibus non remanet
hypostasis. Cum enim in divinis non ponantur nisi duo modi praedicandi,
scilicet secundum substantiam, et ad aliquid, remotis relationibus non remanent
nisi ea quae ponuntur secundum substantiam. Haec autem sunt quae pertinent ad
essentiam; et sic non remanent hypostases distinctae. En Dieu la distinction
ne peut exister que selon les relations. Mais l'hypostase dйsigne ce qui est
distinct. Donc, si on exclut les relations, l'hypostase ne demeure pas. En
effet, comme en Dieu, on ne place que deux modes d'attribution, а savoir selon
la substance et selon la relation, si on exclut les relations, il ne demeure
que ce qui est placй selon la substance, mais c'est ce qui concerne l'essence
et ainsi les hypostases ne demeurent pas distinctes. Rйponse
: q. 8 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, sicut supra
dictum est, quidam posuerunt hypostases in divinis non constitui nec distingui
relationibus, sed per solam originem. Relationes autem dicebant consequi ipsam
originem personarum, sicut originis terminos, quibus complementum originis
designatur, et sic ad quamdam dignitatem pertinent. Unde cum persona videatur
esse nomen dignitatis, intellectis huiusmodi relationibus supra hypostases,
dicebant constitui personas; et sic huiusmodi relationes dicebant esse
constitutivas personarum, sed non hypostasum. Comme ci-dessus (article prйcйdant2)
on l'a dit, certains ont pensй que les hypostases en Dieu ne sont pas
constituйes ni distinguйes par les relations, mais par leur seule origine, Mais
ils disaient que les relations dйcoulaient de l'origine mкme des personnes,
comme ses limites, par lesquelles est dйsignй ce qui la complиte et ainsi elles
se rattachent а une certaine dignitй. C'est pourquoi, comme la personne semble
кtre un nom de dignitй, si de telles relations sont comprises en plus des
hypostases, ils disaient que les personnes йtaient constituйes et ainsi ils
disaient que de telles relations йtaient constitutives des personnes mais pas
des hypostases. Et pro tanto apud quosdam huiusmodi relationes
personalitates dicuntur; et ideo sicut apud nos, remotis ab aliquo homine his
quae ad dignitatem pertinent, quae faciunt eum esse personam, remanet eius
hypostasis, ita in divinis, remotis per intellectum huiusmodi relationibus personalibus
a personis, dicunt, quod remanebant hypostases, non tamen personae. Et pour
autant chez certains, les relations de ce genre sont appelйes les
‘personnalitйs’: et c'est pourquoi, de mкme que pour nous, si on exclut de
l’homme ce qui concerne sa dignitй, qui en fait une personne, son hypostase
demeure, de mкme en Dieu, si une fois exclues en esprit de telles relations des
personnes, ils disent que les hypostases demeuraient, mais cependant pas les
personnes. Sed quia iam supra
ostensum est quod relationes praedictae et hypostases constituunt et
distinguunt, ideo secundum alios dicendum est, quod remotis per intellectum
huiusmodi relationibus, sicut non remanent personae, ita non remanent
hypostases. Remoto enim eo quod est constitutivum alicuius, non potest remanere
id quod per ipsum constituitur.Mais
parce que dйjа ci-dessus, on a montrй que ces relations constituent et
distinguent les hypostases, il faut en consйquence dire selon d'autres,
que, si on exclut en esprit de telles relations, les personnes ne demeurent
pas, et les hypostases non plus. Car si on exclut ce qui est constitutif, ce
qui en est constituй par soi ne peut pas demeurer. Solutions: q. 8 a. 4 ad 1 Ad
primum ergo dicendum, quod in hominibus hypostases non constituuntur neque per
relationes neque per proprietates, sicut constituuntur in divinis, ut ostensum
est; et ideo non est simile. # 1. Chez les
hommes les hypostases ne sont constituйes ni par les relations, ni par les
propriйtйs, comme elles le sont en Dieu, comme on l'a montrй, et c'est pourquoi
ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 2 Ad
secundum dicendum, quod pater ab eodem habet quod sit quis et quod sit pater:
ab eodem, inquam, secundum rem, et non secundum rationem, sed differenti
secundum rationem, vel sicut differt generale a speciali, vel commune a proprio:
sicut patet quod homo ab eadem forma substantiali habet quod sit animal et quod
sit homo; non enim sunt unius rei plures formae substantiales secundum rem
diversae: et tamen ab anima, inquantum est anima sensibilis, tantum habet quod
sit animal; inquantum vero est anima sensibilis et rationalis, habet ab ea quod
sit homo. Et propter hoc et equus est animal, sed non est homo, quia non habet
animam sensibilem eamdem numero quam habet homo: et pro tanto etiam non est
idem animal numero. Similiter dico in proposito, quod pater habet quod sit quis
et quod sit pater a relatione; sed quod sit quis, habet a relatione communiter
sumpta; quod autem sit hic quis, habet ab hac relatione quae est paternitas; et
propter hoc etiam filius, in quo est relatio, sed non haec relatio quae est
paternitas, est quis, sed non est hic quis qui est pater. # 2. Par une mкme
[nature], le Pиre a qu'il est tel et est Pиre; par un mкme [nature], dis-je, en
rйalitй, et non en raison, mais diffйrente en raison; comme le gйnйral diffиre
du particulier, ou ce qui est commun de ce qui est propre; ainsi il est clair
que l'homme par la mкme forme substantielle est animal et homme; car il
n'existe pas plusieurs formes substantielles d'une seule chose diffйrentes en
rйalitй. Et cependant par l'вme en tant qu'elle est sensitive, il est seulement
animal, mais par l’вme, en tant que sensitive et raisonnable, il est un homme.
Et le cheval est un animal, et pas un homme, parce qu'il a une вme sensitive la
mкme en nombre que celle de l'homme, et pour autant il n'est pas le mкme animal
en nombre. Je dis qu'il en est de mкme pour notre propos, parce que le Pиre est
tel et est Pиre par relation, mais qu'il soit tel vient d'une relation assumйe
en commun, mais qu'il soit ce qu’il est, il l'a par cette relation qui
est la paternitй et а cause de cela le Fils aussi, en qui est la relation, mais
cette relation qui est la paternitй n'est pas ce qu’il est et ce n’est pas ce
qu’il est qui est Pиre. q. 8 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod aliquid in
relatione alicuius potest poni dupliciter: scilicet explicite, sive in actu, et
implicite sive in potentia. In ratione enim animalis non ponitur anima
rationalis explicite et in actu, quia sic omne animal haberet animam rationalem;
sed implicite et in potentia, quia animal est substantia animata sensibilis.
Sicut autem sub anima in potentia continetur anima rationalis, ita sub animato
rationale: et ideo quando definitio animalis actu attribuitur homini, oportet
quod rationale sit de definitione animalis explicite, secundum quod animal est
idem homini. Et similiter est in proposito; hypostasis enim, communiter sumpta,
est substantia distincta: unde cum in divinis non possit esse distinctio nisi
per relationem, cum dico hypostasim divinam, oportet quod intelligatur
relatione distincta. Et ita relatio, quamvis non cadat in definitione
hypostasis quod est homo, cadit tamen in definitione hypostasis divinae. # 3. On peut
placer quelque chose en relation de deux maniиres : а savoir explicitement, ou
en acte, et implicitement, ou en puissance. Car dans la nature de l'animal on
ne place pas l'вme raisonnable explicitement et en acte, parce qu'ainsi tout
animal aurait une вme raisonnable, mais implicitement et en puissance, parce
que l'animal est une substance animйe, douйe de sensibilitй. De mкme que l'вme
raisonnable est contenue en puissance sous l'вme; de mкme le raisonnable sous
l'animй; et ainsi quand la dйfinition de l'animal en acte est attribuйe а
l'homme, il faut que le raisonnable soit de la dйfinition de l'animal
explicitement selon que l’animal est identique а l'homme. Et il en est de mкme
pour notre propos: car l'hypostase prise communйment est une substance
distincte: c'est pourquoi, comme en Dieu, il ne peut y avoir de distinction que
par la relation, quand je parle de l'hypostase divine, il faut comprendre
qu'elle est distincte par une relation. Et ainsi, quoique la relation ne soit
pas comprise dans la dйfinition de l'hypostase, parce qu'il est l'homme, elle
s’applique cependant а la dйfinition de l'hypostase divine. q. 8 a. 4 ad 4 Ad
quartum dicendum, quod Iudaei et gentiles non intelligunt essentiam distinctam
nisi ab his quae sunt alterius naturae, quae quidem distinctio fit per ipsam
divinam essentiam. Sed apud nos hypostasis intelligitur ut distincta ab eo quod
est eiusdem naturae, a quo non potest distingui nisi per relationem tantum: et
ideo ratio non procedit. # 4. Les Juifs et
les Paпens ne comprennent une essence distincte que par ce qui est d’une autre
nature. Cette distinction se fait par l'essence divine elle-mкme. Mais pour
nous, l'hypostase est comprise comme distincte de ce qui est d’une mкme nature3,
elle ne peut en кtre distinguйe que par relation seulement; et c'est pourquoi
cette raison ne vaut pas. q. 8 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod alius est
modus quo definiuntur accidentia, et quo definiuntur substantiae. Substantiae
enim non definiuntur per aliquid quod sit extra essentiam eorum: unde id quod
primo ponitur in definitione substantiae est genus, quod praedicatur in eo quod
quid de definito. Accidens vero definitur per aliquid quod est extra essentiam
eius, scilicet per subiectum, a quo secundum suum esse dependet. Unde id quod
ponitur in definitione eius, loco generis, est subiectum; sicut cum dicitur:
simum est nasus curvus. Sicut ergo in definitionibus substantiarum, remotis
differentiis, remanet genus; ita in definitione accidentium, remoto accidente,
quod ponitur loco differentiae, remanet subiectum; aliter tamen et aliter.
Remota enim differentia remanet genus, sed non idem numero: remoto enim
rationali, non remanet idem numero animal, quod est animal rationale; sed
remoto eo quod ponitur loco differentiae in definitionibus accidentium, remanet
idem subiectum numero: remoto enim curvo vel concavo, remanet idem nasus
numero. Et hoc est, quia accidens non complet essentiam subiecti sicut
differentia complet essentiam generis. Cum ergo dicitur: persona est
hypostasis, proprietate distincta ad dignitatem pertinente, non ponitur
hypostasis in definitione personae ut subiectum, sed ut genus. Unde remota
proprietate ad dignitatem pertinente, non remanet hypostasis eadem, scilicet
numero vel specie, sed solum secundum genus, prout salvatur in substantiis non
rationalibus. # 5. La maniиre
dont on dйfinit les accidents est diffйrente de celle dont on dйfinit les
substances. Car ces derniиres ne sont pas dйfinies par quelque chose qui est en
dehors de leur essence ; c'est pourquoi ce qui est d'abord placй dans la
dйfinition de la substance est le genre, qui est attribuй en ce qui est
l'essence de ce qui est dйfini. Mais l'accident est dйfini par quelque chose
qui est hors de son essence, а savoir par le sujet, de qui il dйpend selon son
кtre. C'est pourquoi ce qui est placй dans sa dйfinition, а la place du genre,
c’est le sujet; ainsi quand on parle de camus4
c’est le nez concave. Donc, de mкme que dans les dйfinitions des
substances, si on exclut les diffйrences, le genre demeure, de mкme dans celle
des accidents, si on exclut l'accident qui est mis а la place de la diffйrence,
le sujet demeure; de faзon diffйrente cependant. Car si on exclut la diffйrence,
le genre demeure, mais non le mкme en nombre; mais si on exclut le rationnel,
l'animal ne demeure pas le mкme en nombre parce que c'est un animal raisonnable;
car si on exclut le courbe ou le concave, le mкme nez demeure en nombre. Et
c'est parce que l'accident n'achиve pas l'essence du sujet comme la diffйrence
achиve l'essence du genre. Donc quand on dit: la personne est une hypostase par
une propriйtй distincte, qui convient а sa dignitй, on ne place pas une
hypostase dans la dйfinition de la personne comme sujet, mais comme genre.
C'est pourquoi, si on exclut la propriйtй qui concerne la dignitй, l'hypostase
ne demeure pas la mкme, а savoir en nombre ou en espиce, mais seulement en
genre dans la mesure oщ elle est conservйe dans les substances sans raison. q. 8 a. 4 ad 6 Ad
sextum dicendum, quod cum dicitur: verbum est sapientia genita, ly sapientia
supponit pro hypostasi, non tamen significat hypostasim; et ideo in
significatione eius non clauditur proprietas, sed oportet quod addatur; sicut si
dicam, quod Deus est filius genitus. # 6. Quand on dit :
le Verbe est la sagesse engendrйe, la "sagesse" remplace l'hypostase
mais ne la signifie cependant pas; et c'est pourquoi sa propriйtй n'est pas
enfermйe dans sa signification, mais il faut l’ajouter: comme si je disais que
Dieu est le Fils engendrй. q. 8 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod qui ab
alio et a quo alius, non differunt a paternitate et a filiatione, nisi sicut
commune a proprio, quia filius significat eum qui est ab alio per generationem;
et pater significat eum a quo alius per generationem; nisi forte dicamus, quod
a quo alius et qui ab alio, importent originem, et pater et filius relationes
originis consequentes. Sed ex supradictis iam patet quod per origines non
constituuntur hypostases, sed per relationes. # 7. Celui qui
vient d'un autre et celui par lequel il est autre ne diffиrent de la paternitй
et de la filiation que comme le commun du propre5,
parce que le Fils signifie celui qui dйpend d'un autre par gйnйration; et le
Pиre signifie celui d'oщ (vient) un autre par gйnйration; а moins que, par
hasard, on dise que celui par qui il est autre et celui qui vient
d’un autre rйvиlent l'origine et Pиre et Fils apportent les relations qui
en dйpendent . Mais on a montrй dйjаci-dessus que les hypostases ne sont pas
constituйes par les origines, mais par les relations. q. 8 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum quod, remota
differentia constitutiva, remanet genus in communi, non in eodem secundum
speciem vel numerum. # 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le
genre demeure dans ce qui est commun, non dans le mкme selon l'espиce et le
nombre. q. 8 a. 4 ad 9 Ad
nonum dicendum, quod intentio Augustini non fuit dicere: quod Deus pater
remaneat ingenitus, remota paternitate, nisi forte prout ingenitus tunc
importaret conditionem naturae, et non proprietatem personae. Fuit autem eius
intentio ostendere quod, remota paternitate, potest remanere ingenitum in
communi. Non enim oportet quod quidquid est ingenitum, sit pater.
# 9. L'intention
d'Augustin n'a pas йtй de dire que Dieu le Pиre demeure inengendrй, si on
exclut la paternitй, а moins que par hasard inengendrй apporte une
condition de nature et non une propriйtй de la personne. Son intention a йtй de
montrer que, si on exclut la paternitй, il peut demeurer l’inengendrй en
commun. Car il ne faut pas que tout ce qui est inengendrй soit le Pиre. q. 8 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod ratio bonitatis non constituit rationem essentiae, immo
intelligitur bonum ut informativum entis; sed proprietas constituit hypostasim;
et ideo non est simile.
# 10. La nature de
la bontй ne constitue pas celle de l'essence, bien plus on comprend le bien
comme formateur de l'кtre, mais la propriйtй a constituй l'hypostase et c'est
pourquoi ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 11 Ad
undecimum dicendum, quod licet intellectus possit aliqua coniuncta dividere,
non tamen omnia: non enim potest dividere illa quorum unum est de ratione
alterius; non enim potest dividere animal ab homine. Proprietas autem est de
ratione hypostasis, et ideo ratio non sequitur.
# 11. Bien que
l'intellect puisse sйparer6
certaines choses jointes, il ne le peut pas pour tout; car il ne peut pas
sйparer ce dont l'un est de la nature de l'autre, car, il ne peut pas, en
effet, sйparer l'animal de l'homme. Mais la propriйtй dйpend de la nature de
l'hypostase et c'est pourquoi cette raison ne convient pas. q. 8 a. 4 ad 12 Ad
ultimum dicendum, quod remoto eo quod est in aliquo sicut in subiecto, vel
sicut in loco, remanet id in quo est; non autem remoto eo quod est in aliquo
sicut pars essentiae eius. Non enim remoto rationali, remanet homo; et
similiter nec remota proprietate, remanet hypostasis. # 12. Si on exclut
ce qui est en quelque chose, comme dans un sujet, ou comme dans un lieu,
demeure ce en quoi il est; mais pas si on exclut ce qui est dans quelque
chose comme une partie de son essence. Car si le raisonnable n’est pas exclu,
l'homme demeure, et de mкme si la propriйtй n’est pas exclue, l'hypostase
demeure. 1 Parall.: Ia, qu. 40, a.
3 — I Sent. d26q1a2 — Comp. 61. 2 Cf. 8, 3, resp. § 4. 3 Ce qui est d’une mкme nature, c’est l’essence. 4 Cf. Mйtaphysique, VII, 10, 1035 a 4 (p.
401, note 5). Par exemple, ce n’est pas de la concavitй que la chair est une
partie (car la chair est la matiиre dans laquelle la concavitй se rйalise),
c’est du camus qu’elle est une partie (camus : nez concave est le composй,
la concavitй est la forme.) Thomas n° 1472 5 Propre: primo modo; ce qui convient а une seule
espиce, mais pas а tous les individus de cette espиce (mйdecin) , secundo modo;
propre а tous les individus d'une mкme espиce, mais pas а eux seuls (bipиdes). 6 Il s'agit d'analyse. Article 4: Si on exclut en esprit la relation, l'hypostase
demeure-t-elle en Dieu?
q. 8 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum remota
relatione secundum intellectum, remaneat hypostasis in divinis. Et videtur quod
sic. Il semble que oui1. Objections: q. 8 a. 4 arg. 1 Ea enim quae sunt in creaturis, sunt
exemplata ab his quae sunt in Deo. Sed in humanis, remotis relationibus et
proprietatibus hypostasis, adhuc remanent hypostases. Ergo et similiter in
divinis. 1. Car ce qui est dans les crйatures est l'image (exemplata) de ce qui
est en Dieu. Mais chez les hommes, si on exclut leurs relations et leurs
propriйtйs, les hypostases demeurent encore. Et il en est donc de mкme en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 2 Praeterea, pater non habet ab eodem quod sit
quis et quod sit pater, cum etiam filius sit quis et non sit pater. Remoto ergo
a patre quod sit pater, remanet quod sit quis. Est autem quis in quantum est
hypostasis. Remota ergo paternitate per intellectum, adhuc remanet hypostasis
patris. 2. Le Pиre ne tient pas d'une mкme [nature] d'кtre ce qu'il est et
d'кtre Pиre, puisque le Fils aussi est ce qu'il est et n'est pas Pиre. Donc si
on exclut du Pиre qu'il est Pиre, il demeure qu'il est ce qu'il est. Mais il
est ce qu’il est en tant qu'hypostase. Donc si on exclut en esprit la
paternitй, l'hypostase du Pиre demeure encore. q. 8 a. 4 arg. 3 Praeterea, cum quaelibet res intelligatur per
suam definitionem, potest unaquaeque res intelligi remoto eo quod in eius
definitione non ponitur. Sed relatio non ponitur in definitione hypostasis.
Ergo remota relatione adhuc intelligitur hypostasis. 3. Comme chaque chose est comprise par sa dйfinition, elle peut кtre
comprise si on exclut ce qui n'est pas placй dans sa dйfinition. Mais la
relation n'est pas placйe dans la dйfinition de l'hypostase. Donc si on exclut
la relation, on comprend encore l'hypostase. q. 8 a. 4 arg. 4 Praeterea, Iudaei et gentiles intelligunt in
Deo hypostasim: intelligunt enim Deum esse rem quamdam per se subsistentem, nec
tamen intelligunt in eo paternitatem et filiationem, et huiusmodi relationes.
Ergo remotis huiusmodi relationibus per intellectum, remanent adhuc hypostases
in divinis. 4. Les Juifs et les paпens comprennent une hypostase en Dieu. Car ils
comprennent que Dieu est un кtre qui subsiste par soi et cependant ils ne
comprennent pas en lui la paternitй, la filiation et les relations de ce genre.
Donc si on exclut en esprit ces relations, les hypostases
demeurent en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 5 Praeterea, omne quod se habet ex additione,
remota additione, remanet id cui fit additio; sicut homo addit supra animal
rationale: est enim homo animal rationale; unde remoto rationale, remanet
animal. Sed persona addit proprietatem supra hypostasim: est enim persona
hypostasis proprietate distincta, ad dignitatem pertinente. Ergo remota
proprietate a persona secundum intellectum, remanet hypostasis. 5. Pour tout ce qui comporte un ajout, si on l'enlиve, demeure ce а quoi
est fait cet ajout; ainsi homme ajoute
le raisonnable а animal, car il est
un animal raisonnable; c'est pourquoi, si on enlиve le raisonnable, l'animal
demeure. Mais la personne ajoute une propriйtй а l'hypostase.
Car elle est hypostase par une propriйtй distincte, qui se rattache а sa
dignitй. Donc si on exclut en esprit cette propriйtй de la personne,
l'hypostase demeure. q. 8 a. 4 arg. 6 Praeterea, Augustinus dicit, quod verbum est
sapientia genita. Sapientia vero hypostasim supponit, genitum autem proprietatem.
Remoto ergo a verbo quod sit genitum, remanet hypostasis verbi, et eadem
ratione in aliis personis. 6. Augustin dit (la
Trinitй VII, 2) que le Verbe est la Sagesse engendrйe. Mais la Sagesse
suppose une hypostase, et le fait d'кtre engendrй une propriйtй. Donc si on
exclut du Verbe qu'il est engendrй, son hypostase demeure et pour la mкme
raison, elle demeure dans les autres personnes. q. 8 a. 4 arg. 7 Praeterea, remota paternitate et filiatione
secundum intellectum, adhuc remanet in divinis qui ab alio, et a quo alius.
Haec autem hypostases designant. Ergo remotis relationibus, adhuc remanent
hypostases in divinis. 7. Si on exclut en esprit la paternitй, la filiation, il demeure encore
dans la divinitй ce qui vient d’un autre, et par quoi il est autre. Mais cela
les hypostases le dйsignent. Donc si on exclut les relations, les hypostases
demeurent encore en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 8
Praeterea, remota differentia constitutiva, adhuc remanet genus. Sed
proprietates personales, cum constituant personas, sunt in divinis sicut
differentiae constitutivae. Ergo remotis proprietatibus, remanet genus
personae, quod est hypostasis. 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le genre demeure encore,
mais comme les propriйtйs personnelles constituent les personnes, elles sont en
Dieu comme des diffйrences constitutives. Donc si on les exclut, le genre de la
personne, qui est l'hypostase, demeure. q. 8 a. 4 arg. 9 Praeterea, Augustinus dicit, quod remoto hoc
quod est pater, adhuc remanet ingenitus. Sed ingenitus est quaedam proprietas
cuius suppositum esse non potest nisi hypostasis. Ergo remota paternitate,
adhuc remanet hypostasis patris. 9. Augustin dit (La Trinitй, V,
6), que si on exclut ce qui est le Pиre, demeure encore l'inengendrй. Mais кtre inengendrй est une propriйtй dont le suppфt
ne peut кtre que l'hypostase. Donc si on exclut la paternitй, l'hypostase du
Pиre demeure encore. q. 8 a. 4 arg. 10 Praeterea, sicut relationes sunt proprietates
hypostasum, ita attributa sunt proprietates essentiae. Sed remoto per
intellectum attributo essentiali, adhuc remanet intellectus divinae
substantiae. Boetius enim dicit quod remota bonitate a Deo per intellectum,
adhuc remanet quod sit Deus. Ergo similiter remotis relationibus, adhuc
remanent hypostases in divinis. 10. Les relations sont les propriйtйs des hypostases; de mкme les
attributs sont les propriйtйs de l'essence. Mais si on exclut en esprit un
attribut essentiel, le concept de la substance divine demeure encore. Car Boиce
dit (De hebdomadibus) que si on exclut
en esprit la bontй de Dieu, ce qui est Dieu demeure encore. Donc de la mкme
maniиre, si on exclut les relations, les hypostases demeurent encore en Dieu. q. 8 a. 4 arg. 11 Praeterea, secundum Boetium, proprium est
intellectus, coniuncta secundum naturam dividere. Proprietas autem et hypostasis sunt realiter coniuncta in Deo. Ergo
intellectus potest ea ab invicem separare. 11. Selon Boиce (Sur le Prйambule
de Porphyre, dans les prйdicables)
le propre de l'intellect, c'est de diviser ce qui est joint en nature. Mais la
propriйtй et l'hypostase sont rйellement jointes en Dieu. Donc l'esprit peut
les sйparer l'une de l'autre. q. 8 a. 4 arg. 12 Praeterea, remoto eo quod est in aliquo,
potest intelligi id in quo est; sicut remoto accidente potest intelligi subiectum.
Sed relationes ponuntur in divinis hypostasibus esse. Ergo remotis relationibus
secundum intellectum, adhuc remanent hypostases. 12. Si on exclut ce qui est dans une chose, on peut connaоtre ce en
quoi elle est; ainsi si on exclut l'accident, on peut connaоtre le sujet. Mais
les relations sont placйes pour кtre dans les hypostases divines. Donc, si on
les exclut en esprit, restent encore les hypostases. En sens contraire: q. 8 a. 4 s. c. Sed contra. In divinis distinctio non potest
esse nisi secundum relationes. Sed hypostasis dicit aliquid distinctum. Ergo
remotis relationibus non remanet hypostasis. Cum enim in divinis non ponantur
nisi duo modi praedicandi, scilicet secundum substantiam, et ad aliquid,
remotis relationibus non remanent nisi ea quae ponuntur secundum substantiam.
Haec autem sunt quae pertinent ad essentiam; et sic non remanent hypostases
distinctae. En Dieu la distinction ne peut exister que selon les relations. Mais
l'hypostase dйsigne ce qui est distinct. Donc, si on exclut les relations,
l'hypostase ne demeure pas. En effet, comme en Dieu, on ne place que deux modes
d'attribution, а savoir selon la substance et selon la relation, si on exclut
les relations, il ne demeure que ce qui est placй selon la substance, mais
c'est ce qui concerne l'essence et ainsi les hypostases ne demeurent pas
distinctes. Rйponse: q. 8 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, sicut supra dictum est,
quidam posuerunt hypostases in divinis non constitui nec distingui
relationibus, sed per solam originem. Relationes autem dicebant consequi ipsam
originem personarum, sicut originis terminos, quibus complementum originis
designatur, et sic ad quamdam dignitatem pertinent. Unde cum persona videatur
esse nomen dignitatis, intellectis huiusmodi relationibus supra hypostases,
dicebant constitui personas; et sic huiusmodi relationes dicebant esse
constitutivas personarum, sed non hypostasum. Comme ci-dessus (article prйcйdant2)
on l'a dit, certains ont pensй que
les hypostases en Dieu ne sont pas constituйes ni distinguйes par les
relations, mais par leur seule origine, Mais ils disaient que les relations
dйcoulaient de l'origine mкme des personnes, comme ses limites, par lesquelles
est dйsignй ce qui la complиte et ainsi elles se rattachent а une certaine
dignitй. C'est pourquoi, comme la personne semble кtre un nom de dignitй, si de
telles relations sont comprises en plus des hypostases, ils disaient que les
personnes йtaient constituйes et ainsi ils disaient que de telles relations йtaient
constitutives des personnes mais pas des hypostases. Et pro tanto apud quosdam huiusmodi relationes
personalitates dicuntur; et ideo sicut apud nos, remotis ab aliquo homine his
quae ad dignitatem pertinent, quae faciunt eum esse personam, remanet eius
hypostasis, ita in divinis, remotis per intellectum huiusmodi relationibus
personalibus a personis, dicunt, quod remanebant hypostases, non tamen
personae. Et pour autant chez certains, les relations de ce genre sont appelйes
les ‘personnalitйs’: et c'est pourquoi, de mкme que pour nous, si on exclut de
l’homme ce qui concerne sa dignitй, qui en fait une personne, son hypostase
demeure, de mкme en Dieu, si une fois exclues en esprit de telles relations des
personnes, ils disent que les hypostases demeuraient, mais cependant pas les
personnes. Sed quia iam supra ostensum est quod relationes praedictae
et hypostases constituunt et distinguunt, ideo secundum alios dicendum est,
quod remotis per intellectum huiusmodi relationibus, sicut non remanent
personae, ita non remanent hypostases. Remoto enim eo quod est constitutivum
alicuius, non potest remanere id quod per ipsum constituitur. Mais parce que dйjа ci-dessus, on a montrй que ces relations
constituent et distinguent les hypostases, il
faut en consйquence dire selon d'autres, que, si on exclut en esprit de
telles relations, les personnes ne demeurent pas, et les hypostases non plus.
Car si on exclut ce qui est constitutif, ce qui en est constituй par soi ne
peut pas demeurer. Solutions: q. 8 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in hominibus
hypostases non constituuntur neque per relationes neque per proprietates, sicut
constituuntur in divinis, ut ostensum est; et ideo non est simile. # 1. Chez les hommes les hypostases ne sont constituйes ni par les
relations, ni par les propriйtйs, comme elles le sont en Dieu, comme on l'a
montrй, et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod pater ab eodem habet
quod sit quis et quod sit pater: ab eodem, inquam, secundum rem, et non secundum
rationem, sed differenti secundum rationem, vel sicut differt generale a
speciali, vel commune a proprio: sicut patet quod homo ab eadem forma
substantiali habet quod sit animal et quod sit homo; non enim sunt unius rei
plures formae substantiales secundum rem diversae: et tamen ab anima, inquantum
est anima sensibilis, tantum habet quod sit animal; inquantum vero est anima
sensibilis et rationalis, habet ab ea quod sit homo. Et propter hoc et equus
est animal, sed non est homo, quia non habet animam sensibilem eamdem numero
quam habet homo: et pro tanto etiam non est idem animal numero. Similiter dico
in proposito, quod pater habet quod sit quis et quod sit pater a relatione; sed
quod sit quis, habet a relatione communiter sumpta; quod autem sit hic quis,
habet ab hac relatione quae est paternitas; et propter hoc etiam filius, in quo
est relatio, sed non haec relatio quae est paternitas, est quis, sed non est
hic quis qui est pater. # 2. Par une mкme [nature], le Pиre a qu'il est tel et est Pиre; par un
mкme [nature], dis-je, en rйalitй, et non en raison, mais diffйrente en raison;
comme le gйnйral diffиre du particulier, ou ce qui est commun de ce qui est
propre; ainsi il est clair que l'homme par la mкme forme substantielle est
animal et homme; car il n'existe pas plusieurs formes substantielles d'une
seule chose diffйrentes en rйalitй. Et cependant par l'вme en tant qu'elle est
sensitive, il est seulement animal, mais par l’вme, en tant que sensitive et
raisonnable, il est un homme. Et le cheval est un animal, et pas un homme,
parce qu'il a une вme sensitive la mкme en nombre que celle de l'homme, et pour
autant il n'est pas le mкme animal en nombre. Je dis qu'il en est de mкme pour
notre propos, parce que le Pиre est tel et est Pиre par relation, mais qu'il
soit tel vient d'une relation assumйe en commun, mais qu'il soit ce qu’il est, il l'a par cette relation
qui est la paternitй et а cause de cela le Fils aussi, en qui est la relation,
mais cette relation qui est la paternitй n'est pas ce qu’il est et ce n’est pas
ce qu’il est qui est Pиre. q. 8 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum, quod aliquid in relatione
alicuius potest poni dupliciter: scilicet explicite, sive in actu, et implicite
sive in potentia. In ratione enim animalis non ponitur anima rationalis explicite
et in actu, quia sic omne animal haberet animam rationalem; sed implicite et in
potentia, quia animal est substantia animata sensibilis. Sicut autem sub anima
in potentia continetur anima rationalis, ita sub animato rationale: et ideo
quando definitio animalis actu attribuitur homini, oportet quod rationale sit
de definitione animalis explicite, secundum quod animal est idem homini. Et
similiter est in proposito; hypostasis enim, communiter sumpta, est substantia
distincta: unde cum in divinis non possit esse distinctio nisi per relationem,
cum dico hypostasim divinam, oportet quod intelligatur relatione distincta. Et
ita relatio, quamvis non cadat in definitione hypostasis quod est homo, cadit
tamen in definitione hypostasis divinae. # 3. On peut placer quelque chose en relation de deux maniиres: а
savoir explicitement, ou en acte, et implicitement, ou en puissance. Car dans
la nature de l'animal on ne place pas l'вme raisonnable explicitement et en
acte, parce qu'ainsi tout animal aurait une вme raisonnable, mais implicitement
et en puissance, parce que l'animal est une substance animйe, douйe de
sensibilitй. De mкme que l'вme raisonnable est contenue en puissance sous l'вme;
de mкme le raisonnable sous l'animй; et ainsi quand la dйfinition de l'animal
en acte est attribuйe а l'homme, il faut que le raisonnable soit de la
dйfinition de l'animal explicitement selon que l’animal est identique а
l'homme. Et il en est de mкme pour notre propos: car l'hypostase prise
communйment est une substance distincte: c'est pourquoi, comme en Dieu, il ne
peut y avoir de distinction que par la relation, quand je parle de l'hypostase
divine, il faut comprendre qu'elle est distincte par une relation. Et ainsi,
quoique la relation ne soit pas comprise dans la dйfinition de l'hypostase,
parce qu'il est l'homme, elle s’applique cependant а la dйfinition de
l'hypostases divine. q. 8 a. 4 ad 4 Ad quartum
dicendum, quod Iudaei et gentiles non intelligunt essentiam distinctam nisi ab
his quae sunt alterius naturae, quae quidem distinctio fit per ipsam divinam
essentiam. Sed apud nos hypostasis intelligitur ut distincta ab eo quod est
eiusdem naturae, a quo non potest distingui nisi per relationem tantum: et ideo
ratio non procedit. # 4. Les Juifs et les Paпens ne comprennent une essence distincte que
par ce qui est d’une autre nature. Cette distinction se fait par l'essence
divine elle-mкme. Mais pour nous, l'hypostase est comprise comme distincte de
ce qui est d’une mкme nature3, elle ne
peut en кtre distinguйe que par relation seulement; et c'est pourquoi cette
raison ne vaut pas. q. 8 a. 4 ad 5 Ad quintum
dicendum, quod alius est modus quo definiuntur accidentia, et quo definiuntur
substantiae. Substantiae enim non definiuntur per aliquid quod sit extra
essentiam eorum: unde id quod primo ponitur in definitione substantiae est
genus, quod praedicatur in eo quod quid de definito. Accidens vero definitur
per aliquid quod est extra essentiam eius, scilicet per subiectum, a quo
secundum suum esse dependet. Unde id quod ponitur in definitione eius, loco
generis, est subiectum; sicut cum dicitur: simum est nasus curvus. Sicut ergo
in definitionibus substantiarum, remotis differentiis, remanet genus; ita in
definitione accidentium, remoto accidente, quod ponitur loco differentiae,
remanet subiectum; aliter tamen et aliter. Remota enim differentia remanet
genus, sed non idem numero: remoto enim rationali, non remanet idem numero
animal, quod est animal rationale; sed remoto eo quod ponitur loco differentiae
in definitionibus accidentium, remanet idem subiectum numero: remoto enim curvo
vel concavo, remanet idem nasus numero. Et hoc est, quia accidens non complet
essentiam subiecti sicut differentia complet essentiam generis. Cum ergo dicitur: persona est hypostasis,
proprietate distincta ad dignitatem pertinente, non ponitur hypostasis in
definitione personae ut subiectum, sed ut genus. Unde remota proprietate ad
dignitatem pertinente, non remanet hypostasis eadem, scilicet numero vel
specie, sed solum secundum genus, prout salvatur in substantiis non
rationalibus. # 5. La maniиre dont on dйfinit les accidents est diffйrente de celle
dont on dйfinit les substances. Car ces derniиres ne sont pas dйfinies par
quelque chose qui est en dehors de leur essence; c'est pourquoi ce qui est
d'abord placй dans la dйfinition de la substance est le genre, qui est attribuй
en ce qui est l'essence de ce qui est dйfini. Mais l'accident est dйfini par
quelque chose qui est hors de son essence, а savoir par le sujet, de qui il
dйpend selon son кtre. C'est pourquoi ce qui est placй dans sa dйfinition, а la
place du genre, c’est le sujet; ainsi quand on parle de camus4 c’est le nez concave. Donc, de mкme que dans
les dйfinitions des substances, si on exclut les diffйrences, le genre demeure,
de mкme dans celle des accidents, si on exclut l'accident qui est mis а la
place de la diffйrence, le sujet demeure; de faзon diffйrente cependant. Car si
on exclut la diffйrence, le genre demeure, mais non le mкme en nombre; mais si
on exclut le rationnel, l'animal ne demeure pas le mкme en nombre parce que
c'est un animal raisonnable; car si on exclut le courbe ou le concave, le mкme
nez demeure en nombre. Et c'est parce que l'accident n'achиve pas l'essence du
sujet comme la diffйrence achиve l'essence du genre. Donc quand on dit: la
personne est une hypostase par une propriйtй distincte, qui convient а sa
dignitй, on ne place pas une hypostase dans la dйfinition de la personne comme
sujet, mais comme genre. C'est pourquoi, si on exclut la propriйtй qui concerne
la dignitй, l'hypostase ne demeure pas la mкme, а savoir en nombre ou en
espиce, mais seulement en genre dans la mesure oщ elle est conservйe dans les
substances sans raison. q. 8 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod cum dicitur: verbum est
sapientia genita, ly sapientia supponit pro hypostasi, non tamen significat
hypostasim; et ideo in significatione eius non clauditur proprietas, sed
oportet quod addatur; sicut si dicam, quod Deus est filius genitus. # 6. Quand on dit: le Verbe est la sagesse engendrйe, la
"sagesse" remplace l'hypostase mais ne la signifie cependant pas; et
c'est pourquoi sa propriйtй n'est pas enfermйe dans sa signification, mais il
faut l’ajouter: comme si je disais que Dieu est le Fils engendrй. q. 8 a. 4 ad 7 Ad septimum
dicendum, quod qui ab alio et a quo alius, non differunt a paternitate et a
filiatione, nisi sicut commune a proprio, quia filius significat eum qui est ab
alio per generationem; et pater significat eum a quo alius per generationem;
nisi forte dicamus, quod a quo alius et qui ab alio, importent originem, et
pater et filius relationes originis consequentes. Sed ex supradictis iam patet
quod per origines non constituuntur hypostases, sed per relationes. # 7. Celui qui vient d'un autre et celui par lequel il est autre ne
diffиrent de la paternitй et de la filiation que comme le commun du propre5, parce que le Fils signifie celui qui dйpend
d'un autre par gйnйration; et le Pиre signifie celui d'oщ (vient) un autre par
gйnйration; а moins que, par hasard, on dise que celui par qui il est autre et celui
qui vient d’un autre rйvиlent l'origine et Pиre et Fils apportent les
relations qui en dйpendent . Mais on a montrй dйjаci-dessus que les hypostases
ne sont pas constituйes par les origines, mais par les relations. q. 8 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum quod, remota differentia
constitutiva, remanet genus in communi, non in eodem secundum speciem vel
numerum. # 8. Si on exclut la diffйrence constitutive, le genre demeure dans ce
qui est commun, non dans le mкme selon l'espиce et le nombre. q. 8 a. 4 ad 9 Ad nonum dicendum, quod intentio Augustini non
fuit dicere: quod Deus pater remaneat ingenitus, remota paternitate, nisi forte
prout ingenitus tunc importaret conditionem naturae, et non proprietatem
personae. Fuit autem eius intentio ostendere quod, remota paternitate, potest
remanere ingenitum in communi. Non enim oportet quod quidquid est ingenitum,
sit pater. # 9. L'intention d'Augustin n'a pas йtй de dire que Dieu le Pиre
demeure inengendrй, si on exclut la paternitй, а moins que par hasard inengendrй apporte une condition de
nature et non une propriйtй de la personne. Son intention a йtй de montrer que,
si on exclut la paternitй, il peut demeurer l’inengendrй en commun. Car il ne
faut pas que tout ce qui est inengendrй soit le Pиre. q. 8 a. 4 ad 10 Ad decimum dicendum, quod ratio bonitatis non
constituit rationem essentiae, immo intelligitur bonum ut informativum entis;
sed proprietas constituit hypostasim; et ideo non est simile. # 10. La nature de la bontй ne constitue pas celle de l'essence, bien
plus on comprend le bien comme formateur de l'кtre, mais la propriйtй a
constituй l'hypostase et c'est pourquoi ce n'est pas pareil. q. 8 a. 4 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod licet intellectus
possit aliqua coniuncta dividere, non tamen omnia: non enim potest dividere
illa quorum unum est de ratione alterius; non enim potest dividere animal ab
homine. Proprietas autem est de ratione hypostasis, et ideo ratio non sequitur. # 11. Bien que l'intellect puisse sйparer6
certaines choses jointes, il ne le peut pas pour tout; car il ne peut pas
sйparer ce dont l'un est de la nature de l'autre, car, il ne peut pas, en
effet, sйparer l'animal de l'homme. Mais la propriйtй dйpend de la nature de
l'hypostase et c'est pourquoi cette raison ne convient pas. q. 8 a. 4 ad 12 Ad ultimum dicendum, quod remoto eo quod est in
aliquo sicut in subiecto, vel sicut in loco, remanet id in quo est; non autem
remoto eo quod est in aliquo sicut pars essentiae eius. Non enim remoto
rationali, remanet homo; et similiter nec remota proprietate, remanet
hypostasis. # 12. Si on exclut ce qui est
en quelque chose, comme dans un sujet, ou comme dans un lieu, demeure ce en quoi il est; mais pas si on exclut ce
qui est dans quelque chose comme une partie de son essence. Car si le
raisonnable n’est pas exclu, l'homme demeure, et de mкme si la propriйtй n’est
pas exclue, l'hypostase demeure.
1 Parall.: Ia, qu. 40, a. 3 — I Sent. d26q1a2 — Comp.
61. 2
Cf. 8, 3, resp. § 4. 3
Ce qui est d’une mкme nature, c’est l’essence. 4
Cf. Mйtaphysique, VII, 10, 1035 a 4
(p. 401, note 5). Par exemple, ce n’est pas de la concavitй que la chair est
une partie (car la chair est la matiиre dans laquelle la concavitй se rйalise),
c’est du camus qu’elle est une partie (camus: nez concave est le composй, la
concavitй est la forme.) Thomas n° 1472 5
Propre: primo modo; ce qui convient а une seule espиce, mais pas а tous les
individus de cette espиce (mйdecin) , secundo modo; propre а tous les individus
d'une mкme espиce, mais pas а eux seuls (bipиdes). 6
Il s'agit d'analyse.
Question 9: Les personnes divines
q. 9 pr. 1 Et primo quaeritur utrum quomodo se
habeat persona ad essentiam, subsistentiam et hypostasim. 1. Quel est le rapport de la personne vis-а-vis de l'essence, de la
subsistance, et de l'hypostase? q. 9 pr. 2 Secundo quid
sit persona. 2. Qu'est-ce que la personne? q. 9 pr. 3 Tertio utrum in Deo possit esse persona. 3. Le nom de personne peut-il кtre en Dieu? q. 9 pr. 4 Quarto utrum hoc nomen persona in divinis significet
aliquid relativum vel absolutum. 4. Ce nom personne signifie-t-il,
en Dieu, le relatif ou l'absolu? q. 9 pr. 5 Quinto utrum numerus personarum sit in divinis. 5. Le nombre des personnes est-il en Dieu? q. 9 pr. 6 Sexto utrum nomen personae convenienter possit
pluraliter praedicari in divinis. 6. Le nom de personne peut-il кtre convenablement attribuй а Dieu au
pluriel? q. 9 pr. 7 Septimo quomodo termini numerales praedicentur in
divinis, utrum scilicet positive, vel remotive tantum. 7. Comment les termes numйraux sont-ils attribuйs aux personnes
divines, positivement ou nйgativement? q. 9 pr. 8 Octavo utrum in Deo sit aliqua diversitas. 8. Y a-t-il une certaine diversitй en Dieu? q. 9 pr. 9 Nono utrum in divinis sint tres personae tantum, an
plures vel pauciores. 9. Y a-t-il trois Personnes seulement en Dieu, ou plus, ou moins?
Article 1: Quel est le rapport de la personne vis-а-vis de l'essence,
de la subsistance, et de l'hypostase?
q. 9 a. 1 tit. 1 Et primo quaeritur quomodo se
habeat persona ad essentiam, subsistentiam et hypostasim. Et videtur quod
omnino sint idem. Il semble que ces termes sont tout а fait tout а fait synonymes1. Objections: q. 9 a. 1 arg. 1 Dicit enim Augustinus in VII de Trin., quod
idem intelligunt Graeci cum confitentur in Deo tres hypostases, et Latini cum
confitentur tres personas. Ergo hypostasis et persona significant idem. 1. Car Augustin dit (la Trinitй, VII, 3) que les grecs
comprennent quelque chose d’identique quand ils confessent en Dieu trois
hypostases et les latins trois personnes. Donc hypostase et personne sont
synonymes. q. 9 a. 1 arg. 2 Sed dicendum, quod persona differt ab
hypostasi in hoc quod hypostasis significat individuum cuiuscumque naturae in
genere substantiae, persona vero solum individuum rationalis naturae.- Sed
contra est quod Boetius dicit, quod Graeci utuntur hoc nomine hypostasis solum
pro individuo rationalis naturae. Si ergo persona significat individuum
rationalis naturae, omnino sunt idem hypostasis et persona. 2. Mais il faut dire que la
personne diffиre de l'hypostase du fait que celle-ci signifie un individu de
quelque nature dans le genre de la substance, mais la personne signifie un seul
individu de nature raisonnable. — En sens
contraire, Boиce dit (Les deux
natures, III, PL. 64, 13442) que
les Grecs se servent de ce nom hypostase, seulement pour un individu de nature
raisonnable. Si donc la personne signifie
la mкme chose, hypostase et personne sont tout а fait synonymes. q. 9 a. 1 arg. 3
Praeterea, nomina imponuntur a rationibus rerum quas significant. Sed eadem ratio individuationis est in his quae sunt
rationalis naturae, et in aliis substantiis. Ergo individuum rationalis naturae
non debet habere speciale nomen prae aliis individuis in genere substantiae, ut
per hoc sit differentia inter hypostasim et personam. 3. Les noms s’imposent par la nature de ce qu'ils signifient, mais on
trouve la mкme nature d'individuation dans ce qui est d'une nature raisonnable
que dans les autres substances. Donc l'individu de nature raisonnable ne doit
pas avoir un nom spйcial en comparaison d'autres кtres individuels dans le
genre de la substance, pour qu’il y ait une diffйrence entre l'hypostase et la
personne. q. 9 a. 1 arg. 4 Praeterea, nomen subsistentiae a subsistendo
sumitur. Nihil autem subsistit nisi individua in genere substantiae, in quibus
sunt et accidentia et secundae substantiae, quae sunt genera et species, ut
dicitur in praedicamentis. Sola ergo individua in genere substantiae sunt
subsistentiae. Individuum autem in genere substantiae est hypostasis vel
persona. Ergo idem est subsistentia quod hypostasis et persona. 4. Le nom de subsistance est
pris de subsister. Mais rien ne subsiste que l'individu dans le genre de la
substance, en qui il y a les accidents et les substances secondes3, que sont les genres et les espиces, comme
il est dit dans Les Catйgories (5, 2
a 11 ss.). Donc seuls les individus dans
le genre de la substance sont des subsistances, mais un tel individu est
l’hypostase ou la personne. Donc la subsistance est identique а l’hypostase et
а la personne. q. 9 a. 1 arg. 5 Sed dicendum, quod genera et species in genere
substantiae subsistunt, eo quod eorum est subsistere, ut Boetius dicit, in Lib.
de duabus naturis.- Sed contra, subsistere nihil aliud est quam per se
existere. Quod ergo existit solum in alio, non subsistit. Sed genera et species
sunt solum in alio: sunt enim solum in primis substantiis, quibus interemptis,
impossibile est aliquid aliorum remanere, ut dicitur in praedicamentis. Non est
ergo subsistere, generum et specierum, sed solum individuorum in genere
substantiae; et sic remanet quod subsistentia sit idem quod hypostasis. 5. Mais il faut dire que les
genres et les espиces subsistent dans le genre de la substance, parce que c’est
leur nature de subsister, comme Boиce le dit (Les deux Natures, 3, PL. 64, 1342). — Mais en sens contraire, subsister n’est rien d'autre qu'exister par
soi4 . Donc ce qui existe seulement
dans un autre, ne subsiste pas5. Mais
les genres et les espиces sont seulement dans un autre: car ils sont seulement
dans les substances premiиres, lesquelles une fois enlevйes, il est impossible
que quelque chose d'autre demeure, comme on le dit dans les Catйgories (5, Les substances). Donc ce n'est pas le propre des genres et des
espиces de subsister, mais seulement des individus dans le genre de la
substance, et ainsi il reste que la subsistance est synonyme d'hypostase. q. 9 a. 1 arg. 6 Praeterea, Boetius dicit, quod ousia id est
essentia, significat compositum ex materia et forma. Hoc autem oportet esse
individuum: nam materia est individuationis principium. Ergo essentia
significat individuum; et sic idem est persona, hypostasis, essentia, et
subsistentia. 6. Boиce dit (dans le commentaire des Catйgories) que l'ousia,
c'est-а-dire l'essence, signifie le composй de matiиre et de forme. Mais il
faut que ce soit l'individu; car la matiиre est principe d’individuation. Donc
l'essence signifie l'individu, et ainsi la personne, l'hypostase, l'essence et
la subsistance sont synonymes. q. 9 a. 1 arg. 7 Praeterea, essentia est quam significat
definitio, cum per definitionem sciatur quid est res. Definitio autem rei
naturalis, quae est ex materia et forma composita, non solum continet formam,
sed etiam materiam, ut patet per philosophum. Ergo essentia est aliquid
compositum ex materia et forma. 7. L'essence est ce que signifie la dйfinition, puisque c’est par elle
qu’on sait ce que c’est. Mais la dйfinition d’une chose naturelle, composйe de
matiиre et de forme, non seulement contient la forme, mais aussi la matiиre,
comme le montre le philosophe (Mйtaphysique,
VI et VII, com. 33 ss.). Donc l'essence est un composй de matiиre et de forme. q. 9 a. 1 arg. 8 Sed dicendum, quod essentia significat naturam
communem, alia vero tria, scilicet subsistentia, hypostasis et persona, significant
individuum in genere substantiae.- Sed contra universale et particulare
inveniuntur in quolibet genere. In aliis autem generibus non distinguitur nomen
particularis et universalis: eodem enim nomine nominatur qualitas aut
quantitas, sive sit universalis sive sit particularis. Ergo nec in genere
substantiae debent esse distincta nomina ad significandum substantiam
universalem et particularem: et sic videtur quod praedicta nomina non
differant. 8. Mais il faut dire que
l'essence signifie la nature commune, et les trois autres, а savoir la
subsistance, l'hypostase et la personne signifient l'individu dans le genre de
la substance.— Mais en sens contraire,
l'universel et le particulier se trouve en n'importe quel genre. Mais dans les
autres genres, on ne fait pas la distinction entre le nom particulier et le nom
universel; car on dйsigne par un mкme nom la qualitй ou la quantitй, qu'elles
soient universelles et particuliиres. Donc les noms, dans le genre de la
substance, ne doivent pas кtre diffйrents pour signifier la substance
universelle et la substance particuliиre et de fait il semble que ces noms ne
le soient pas.
En sens contraire: q. 9 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Est quod Boetius dicit in
commento praedicamentorum quod ousia id est essentia, significat compositum ex
materia et forma; ousiosis id est subsistentia, significat formam; hypostasis
vero materiam. Ergo praedicta differunt. 1. Boиce dit dans le commentaire des Catйgories que l'ousia, c'est-а-dire l'essence, signifie
le composй de matiиre et de forme, ousiфsis,
c'est-а-dire la subsistance, signifie la forme; et l'hypostase signifie la
matiиre. Donc ces noms sont diffйrents. q. 9 a. 1 s. c. 2 Praeterea, idem videtur ex hoc quod idem
auctor assignat praedictorum nominum differentiam in Lib. de duobus naturis. 2. En plus on voit la mкme chose du fait que le mкme auteur assigne une
diffйrence а ces noms dans le livre des
deux Natures (3).
Rйponse: q. 9 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod philosophus ponit
substantiam dupliciter dici: Le philosophe (Mйtaphysique, V, 8, 1017 b 136 ) pense qu'on peut parler de la substance en
deux sens. dicitur enim uno modo substantia ipsum subiectum ultimum,
quod non praedicatur de alio: et hoc est particulare in genere substantiae; a) Car on dit dans un premier
sens que la substance est le sujet ultime qui n'est pas attribuй а un autre
et cela est particulier au genre de la substance7. alio modo dicitur substantia forma vel natura
subiecti. b) Dans un autre sens, on dit
qu'elle est la forme ou la nature du sujet. Huius autem distinctionis ratio est, quia inveniuntur plura
subiecta in una natura convenire, sicut plures homines in una natura hominis.
Unde oportuit distingui quod est unum, ab eo quod multiplicatur: natura enim
communis est quam significat definitio indicans quid est res; unde ipsa natura
communis, essentia vel quidditas dicitur. La raison de cette distinction est qu'on trouve que plusieurs sujets se
rencontrent dans une seule nature, ainsi un grand nombre d’hommes dans la seule
nature humaine. C'est pourquoi il a fallu distinguer ce qui est un de ce qui
est multipliй; car la nature commune est ce que signifie la dйfinition, qui
indique ce qu'est la chose; c'est pourquoi la nature commune mкme est appelйe
essence ou quidditй. Quidquid ergo est in re ad naturam communem pertinens, sub
significatione essentiae continetur, non autem quidquid est in substantia
particulari, est huiusmodi. Si enim quidquid est in substantia particulari ad
naturam communem pertineret, non posset esse distinctio inter substantias
particulares eiusdem naturae. Hoc autem quod est in substantia particulari
praeter naturam communem, est materia individualis quae est singularitatis
principium, et per consequens accidentia individualia quae materiam praedictam
determinant. Donc tout ce qui dans une chose se rattache а la nature commune est
contenu sous la signification d'essence,
mais tout ce qui est dans une substance particuliиre n'est pas de ce genre. Car
si tout ce qui est dans la substance particuliиre se rattachait а la nature
commune, il ne pourrait pas y avoir de distinction entre les substances
particuliиres de nature identique. Mais ce qui est dans la substance
particuliиre au-delа de la nature commune, c’est la matiиre individuelle qui
est le principe de l’individuation, et par consйquence les accidents
individuels qui la dйterminent. Comparatur ergo
essentia ad substantiam particularem ut pars formalis ipsius, ut humanitas ad
Socratem. Et ideo in
rebus, ex materia et forma compositis, essentia non est omnino idem quod
subiectum; unde non praedicatur de subiecto: non enim dicitur quod Socrates sit
una humanitas. Donc on compare l'essence а la substance particuliиre, comme sa part
formelle, comme l'humanitй а Socrate. Et c'est pourquoi, dans ce qui est
composй de matiиre et de forme, l'essence n'est pas tout а fait identique au
sujet; aussi on ne l'attribue pas au sujet; car on ne dit pas que Socrate est
une [seule] humanitй. In substantiis vero simplicibus, nulla est differentia
essentiae et subiecti, cum non sit in eis materia individualis naturam communem
individuans, sed ipsa essentia in eis est subsistentia. Et hoc patet per
philosophum et per Avicennam, qui dicit, in sua metaphysica, quod quidditas
simplicis est ipsum simplex. Mais, dans les substances simples, il n'y a pas de diffйrence entre
l'essence et la sujet, puisqu'il n'y a pas en elles de matiиre individuelle qui
individualise la nature commune, mais l'essence elle-mкme est en eux
subsistance. Et cela, le philosophe le montre (Mйtaphysique, VII 6, passim)
et aussi Avicenne, qui dit, en sa Mйtaphysique,
que la quidditй de ce qui est simple est simple elle-mкme. Substantia vero quae est subiectum, duo habet propria: Mais la substance qui est le sujet, a deux propriйtйs: quorum primum est quod non indiget extrinseco fundamento in
quo sustentetur, sed sustentatur in seipso; et ideo dicitur subsistere, quasi
per se et non in alio existens. a) La premiиre est qu'elle
n'a pas besoin d'un fondement extrinsиque en qui elle serait soutenue, mais
elles se soutient d'elle-mкme; et c'est pourquoi, on la dit subsister, comme
par soi et sans exister dans un autre. Aliud vero est quod est fundamentum accidentibus substentans
ipsa; et pro tanto dicitur substare. b) L'autre est qu'elle est,
elle-mкme fondement subsistant pour les accidents. Et pour autant, on dit
qu’elle est sujet8. Sic ergo substantia quae est subiectum, in quantum
subsistit, dicitur ousiosis vel subsistentia; in quantum vero substat, dicitur
hypostasis secundum Graecos, vel substantia prima secundum Latinos. Patet ergo
quod hypostasis et substantia differunt ratione, sed sunt idem re. Donc ainsi la substance, qui est le sujet, en tant qu'elle subsiste,
est appelй ousiфsis ou subsistance,
en tant qu’elle est sujet, elle est appelйe hypostase chez les Grecs, ou
substance premiиre chez les latins. Il est donc clair que l'hypostase et la
substance diffиrent en raison, mais sont identiques en rйalitй. Essentia vero in substantiis quidem materialibus non est
idem cum eis secundum rem, neque penitus diversum, cum se habeat ut pars
formalis; in substantiis vero immaterialibus est omnino idem secundum rem, sed
differens ratione. Persona vero addit supra hypostasim determinatam naturam:
nihil enim est aliud quam hypostasis rationalis naturae Mais l'essence dans les
substances matйrielles n'est pas identique а elles en rйalitй, ni tout а fait
diffйrente, puisqu'elle se comporte comme une partie formelle, mais dans les
substances immatйrielles, elle est tout а fait identique en rйalitй, mais
diffйrente en raison. Et la personne
ajoute а l'hypostase une nature dйterminйe, car elle n'est rien d’autre que
l'hypostase de nature raisonnable.
Solutions: q. 9 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod, ex quo persona non
addit supra hypostasim nisi rationalem naturam, oportet quod hypostasis et
persona in rationali natura sint penitus idem; sicut cum homo addat supra
animal, rationale, oportet quod animal rationale sit homo; et ideo verum est
quod Augustinus dicit, quod idem significant Graeci cum confitentur in Deo tres
hypostases, et Latini cum confitentur tres personas. # 1. Donc il faut dire que, du fait que la personne n'ajoute а
l'hypostase que la nature raisonnable, il faut que l'hypostase et la personne
soient tout а fait identiques dans cette nature raisonnable; ainsi quand homme
ajoute raisonnable а animal, il faut
que l'animal raisonnable soit un homme, et c'est pour cela que ce que dit
Augustin est vrai (La Trinitй VII, 4):
lorsque les Grecs confessent qu'en Dieu il y a trois hypostases et les Latins
trois personnes, ils signifient la mкme chose. q. 9 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod hoc nomen hypostasis,
in Graeco ex proprietate significationis habet quod significet individuam
substantiam cuiuscumque naturae; sed ex usu loquentium habet quod significet
individuum rationalis naturae tantum. # 2. Ce nom hypostase, en
grec, au sens propre, signifie une substance individuelle de n’importe quelle
nature; mais par l'usage des locuteurs, il signifie l'individu d'une nature
raisonnable seulement. q. 9 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod sicut substantia
individua proprium habet quod per se existat, ita proprium habet quod per se
agat: nihil enim agit nisi ens actu; et propter hoc calor sicut non per se est,
ita non per se agit; sed calidum per calorem calefacit. Hoc autem quod est per
se agere, excellentiori modo convenit substantiis rationalis naturae quam
aliis. Nam solae substantiae rationales habent dominium sui actus, ita quod in
eis est agere et non agere; aliae vero substantiae magis aguntur quam agant. Et
ideo conveniens fuit ut substantia individua rationalis naturae, speciale nomen
haberet. # 3. La substance individuelle a en propre d’exister par soi; de la
mкme maniиre elle a en propre d’agir par soi; car rien n'agit qu'un йtant en
acte, et c'est pourquoi de mкme que cette chaleur n'est pas par soi, de mкme
elle n'agit pas par soi, mais elle chauffe par la chaleur. Mais agir par soi
convient aux substances de nature raisonnable d'une maniиre plus excellente
qu'aux autres. Car seules elles ont pouvoir sur leurs actes, de sorte que c’est
leur nature d'agir et ne pas agir, mais les autres substances sont "agies"
plus qu'elles n'agissent. Et c'est pourquoi il a йtй convenable que la substance
individuelle de nature raisonnable porte un nom spйcial. q. 9 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod quamvis nihil
subsistat nisi individua substantia, quae hypostasis dicitur, tamen non eadem
ratione dicitur subsistere et substare: sed subsistere in quantum non est in
alio; substare vero in quantum alia insunt ei. Unde si aliqua substantia esset
quae per se existeret, non tamen esset alicuius accidentis subiectum, posset
proprie dici subsistentia, sed non substantia. # 4. Quoique rien ne subsiste sinon la substance individuelle, qui est
appelйe hypostase, cependant on ne dit pas subsistere
(subsister) et substare (кtre sujet)
pour la mкme raison. Subsister c’est
en tant qu’elle n’est pas dans un autre. Etre
sujet c’est en tant que les autres9
sont en elle. C'est pourquoi, si
quelque substance existait par soi, sans кtre cependant le substrat d'un
accident, elle pourrait кtre proprement appelй subsistance, mais pas substance.
q. 9 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod Boetius loquitur
secundum opinionem Platonis, qui posuit genera et species esse quasdam formas
separatas subsistentes, ab accidentibus denudatas; et secundum hoc poterant
dici subsistentiae, sed non hypostases. Vel dicendum, quod subsistere
attribuitur generibus et speciebus, non quia subsistant, sed quia individua in
eorum naturis subsistunt, etiam omnibus accidentibus remotis. # 5. Boиce parle selon l'opinion de Platon10 qui a pensй que les genres et les espиces
йtaient des formes sйparйes subsistantes, sans accident, et ainsi, on pouvait
les appeler subsistances et non hypostases. Ou
bien il faut dire que subsister est attribuй aux genres et aux espиces, non
pas parce qu'ils subsistent, mais parce que les individus subsistent dans leur
nature, mкme si on exclut tous les accidents.
q. 9 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod essentia in substantiis
materialibus significat compositum ex materia et forma, non tamen ex materia
individuali, sed ex materia communi: definitio enim hominis quae significat
eius essentiam, continet quidem carnes et ossa, sed non has carnes vel haec
ossa. Sed materia individualis comprehenditur in significatione hypostasis et
subsistentiae in rebus materialibus. # 6. L'essence dans les substances matйrielles signifie le composй de
matiиre et de forme; cependant pas de la matiиre individuelle, mais de la
matiиre commune. Car la dйfinition de l'homme qui signifie son essence,
contient les chairs et les os, mais non ces chairs et ces os11. Mais la matiиre individuelle est comprise
dans la signification de l'hypostase et de la subsistance dans ce qui est
matйriel. q. 9 a. 1 ad 7 Et per hoc patet solutio ad septimum. # 7. Cela йclaire la septiиme objection. q. 9 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod accidentia non
individuantur nisi ex suis subiectis. Sola autem substantia per seipsam
individuatur, et per propria principia; et ideo convenienter in solo genere
substantiae particulare habet proprium nomen. # 8. Les accidents ne sont individualisйs que par leurs substrats, mais
seule la substance est individualisйe par elle-mкme et par ses propres
principes, et c'est pourquoi il est convenable qu’elle ait, dans le seul genre
particulier de la substance, un nom qui lui est propre q. 9 a. 1 ad s. c. Rationes quae sunt in oppositum, concedimus;
tamen sciendum, quod Boetius aliter accipit ista nomina in commento
praedicamentorum, quam sit communis usus eorum, prout exponit ea in Lib. de
duabus naturis. Attribuit enim nomen hypostasis materiae quasi primo principio
substandi, ex qua habet substantia prima quod substet accidenti: nam forma
simplex subiectum esse non potest, ut dicit idem Boetius in Lib. de Trinit.
Nomen autem ousiosis vel subsistentiae attribuit formae quasi essendi
principio, per ipsam enim est res in actu; nomen autem ousia vel essentiae
attribuit composito. Unde ostendit
quod in substantiis materialibus tam forma quam materia sunt essentialia
principia. Les raisons qui sont en sens
contraire, nous les
concйdons. Cependant, il faut savoir que Boиce prend ces noms, dans le
commentaire des Catйgories d'une
autre maniиre que leur usage commun, tel qu’il les expose dans le livre des deux Natures. Car il a attribuй le
nom d'hypostase а la matiиre comme au premier principe du sujet, par laquelle
la substance premiиre est sujet d'un accident. Car la forme simple ne peut pas
кtre substrat, comme le dit le mкme Boиce dans La Trinitй. Mais le nom ousiфsis,
ou subsistance, il l'a attribuй а la
forme comme principe d'кtre, car par elle la chose est en acte, mais le nom d'ousia ou d'essence, il l'a attribuй au composй. C'est pourquoi il montre que
dans les substance matйrielles, tant la forme que la matiиre sont des principes
essentiels.
1 Parall.: .Ia. qu. 29. a. 2 — 1 Sent.,
d23a1. 2
Le texte est en Ia, qu. 29, a. 2,
obj. 1. Graeci "naturae rationabilis individuam substantiam hypostaseos
nomine vocaverunt.". 3
La substance premiиre (ex. l’homme individuel). La substance seconde: les
espиces et les genres. S’il n’y a pas de substance premiиre, il n’y pas de
substance seconde, puisque c’est а partir d’elle que l’esprit conзoit la
substance seconde. Catйgories, V, 2 a
11: La substance premiиre: "Ce qui n’est ni affirmй d’un sujet, ni dans un
sujet, par exemple l'homme individuel…"— Mйtaphysique, V, lectio 10, n° 903: La substance particuliиre
diffиre de la substance universelle en trois points: a) La substance
particuliиre n’est pas attribuйe а quelque chose d’infйrieur, comme la
substance universelle. b) La substance universelle n'existe qu'en raison du
particulier qui subsiste par soi.. c) La substance universelle est en de
nombreuses choses, mais elle est sйparable et distincte de toutes les autres. 4
"Sub-siste, en effet, ce qui par soi-mкme pour pouvoir кtre n’a pas besoin
d’accident." (Boиce) La diffйrence entre subsistere et substare est
chez Boиce, Les deux Natures III. "Les
genres ou les espиces "subsistent" uniquement car il n'advient pas
d'accident aux genres et aux espиces. Les choses individuelles, en revanche,
non seulement subsistent, mais sont aussi substances ( substant) …elles donnent aux accidents la possibilitй d'exister, en
mкme temps qu'elles ont, bien entendu, un substrat (subjectum) pour eux." 5
"Le caractиre commun а toute substance, c’est de n’кtre pas dans un sujet".
(Catйgories, 5, 3 a 7). 6
(1) "Toutes ces choses sont appelйes substances, parce qu’elles ne sont
pas prйdicats d’un sujet, mais que, au contraire, les autres choses sont
prйdicats d’elles." (2) 17: "Ce sont aussi les parties immanentes de
tels кtres, parties qui les limitent et marquent leur individualitй et dont la
destruction serait la destruction de tout." (Trad. J. Tricot) 7
Catйgories, 5, 3 a 7: "Le
caractиre commun а toute substance, c’est de n’кtre pas dans un sujet." 8
Sub-stat: se tient en dessous. Elle
en est le substant. 9
C'est-а-dire les accidents. 10
Phaedon ch. 48-49 (voir Ia, qu. 29, a. 2) 11
Au sens concret.
Article 2: Qu'est-ce que la personne?
q. 9 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur quid sit
persona. Videtur quod inconvenienter definiat eam Boetius in Lib. de duabus
naturis dicens quod persona est: rationalis naturae individua substantia. Il semble que Boиce dans le livre Des
deux Natures, donne une dйfinition qui ne convient pas, en disant que la
personne est "une substance
individuelle de nature raisonnable." Objections1: q. 9 a. 2 arg. 1 Nullum enim singulare definitur, ut
patet per philosophum. Sed persona significat singulare in genere substantiae,
ut dictum est. Ergo non potest definiri. 1. Car on ne dйfinit rien de singulier, comme le montre le philosophe (Mйtaphysique,
VII, 15, 1039 b 272). Mais la
personne signifie quelque chose de singulier dans le genre de la substance,
comme on l'a dit. Donc elle ne peut pas кtre dйfinie. q. 9 a. 2 arg. 2 Sed dicendum, quod licet id quod est persona
sit quoddam singulare, tamen ratio personae communis est, et pro tanto persona
in communi definiri potest.- Sed contra, id quod est commune omnibus
substantiis individuis rationalis naturae, est intentio singularitatis, quae
quidem non est in genere substantiae. Ergo non debet in definitione personae
poni substantia quasi genus. 2. Mais il faut dire que,
bien que ce qu’est une personne soit quelque chose de singulier, cependant sa
notion est commune, et pour autant la personne peut avoir une dйfinition
commune. — En sens contraire, ce qui
est commun а toutes les substances individuelles de nature raisonnable est le
concept de singularitй3, qui n'est pas
dans le genre de la substance. Donc la substance
ne doit pas кtre placйe dans la dйfinition de la personne en tant que
genre. q. 9 a. 2 arg. 3 Sed dicendum, quod hoc nomen persona non
significat tantum intentionem, sed intentionem simul cum subiecto intentionis.-
Sed contra est quod philosophus probat, quod compositum ex subiecto et ex
accidente, non potest definiri,- sequeretur enim nugatio in definitione,- cum
enim in definitione accidentis ponatur subiectum, sicut nasus in definitione
simi, oportebit quod in definitione compositi ex subiecto et accidente, ponatur
bis subiectum: semel pro se, et semel pro accidente. Si ergo persona significat
intentionem et subiectum, inconveniens est quod definiatur. 3. Mais il faut dire que ce
nom de personne ne signifie pas
seulement le concept, mais un concept en mкme temps que son sujet. — En sens contraire, il y a ce que le
philosophe prouve (Mйtaphysique, VII,
5, 1031 a 44.) qu'on ne peut pas
dйfinir ce qui est composй d’un sujet et d'un accident — en effet, il en
dйcoulerait une niaiserie dans la dйfinition —car comme on place le substrat
dans la dйfinition de l’accident, comme le nez dans la dйfinition du camus, il
faudra que, dans ce qui est composй d’un sujet et d’un l'accident, on place
deux fois le sujet: une fois pour lui et une fois pour l'accident. Si donc la
personne signifie le concept et le substrat, il ne convient pas de la dйfinir. q. 9 a. 2 arg. 4 Praeterea, subiectum huius intentionis
communis est aliquod singulare. Si ergo persona significat simul intentionem et
subiectum intentionis, adhuc sequeretur quod, definita persona, definiatur
singulare; quod est inconveniens. 4. Le sujet de ce concept commun est quelque chose de singulier. Donc
si la personne signifiait en mкme temps le concept et le substrat du concept,
il en dйcoulerait alors, qu’une fois dйfinie la personne, on aurait dйfini ce
qui est singulier, ce qui ne convient pas. q. 9 a. 2 arg. 5 Praeterea, intentio non ponitur in definitione
rei, nec accidens in definitione substantiae. Persona autem est nomen rei et
substantiae. Inconvenienter igitur in definitione personae ponitur individuum,
quod est nomen intentionis et accidentis. 5. Le concept n'est pas placй dans la dйfinition de la chose, ni
l'accident dans la dйfinition de la substance. Mais la personne est le nom de
la chose et de la substance. Donc il ne convient pas de placer dans la
dйfinition de la personne l’individu
qui est le nom du concept et de l’accident q. 9 a. 2 arg. 6 Praeterea, illud in cuius definitione
ponitur substantia pro genere, oportet quod sit species substantiae. Sed
persona non est species substantiae, quia condivideretur contra alias
substantiae species. Ergo inconvenienter ponitur substantia in definitione
personae quasi genus. 6. Si la substance est mise а la place du genre, cela doity кtre
l’espиce de la usbstance. Mais la personne n’est pas l’espиce de la substance,
parce qu’elle serait sйparйe des autres espиces de substances. Donc il ne
convient pas de placer la substance
dans la dйfinition de la personne comme genre. q. 9 a. 2 arg. 7 Praeterea, substantia dividitur per primam et
secundam. Sed substantia secunda non potest poni in definitione personae: esset
enim oppositio in adiecto,- cum dicitur substantia individua,- nam substantia
secunda est substantia universalis. Similiter autem neque substantia prima, nam
substantia prima est substantia individua; et sic esset nugatio cum additur
individuum supra substantiam in definitione personae. Inconvenienter ergo
substantia ponitur in definitione personae. 7. La substance est divisйe en premiиre et en seconde5, mais la substance seconde ne peut кtre
placйe dans la dйfinition de la personne, car il y aurait une opposition dans
ce qui serait ajoutй — quand on parle de la substance individuelle — car la
substance seconde est la substance universelle. De mкme la substance premiиre
non plus, car elle est substance individuelle, et ainsi ce serait une niaiserie
d’ajouter l’individu а une substance dans la dйfinition de la personne. Donc il
ne convient pas de placer la substance
dans la dйfinition de la personne. q. 9 a. 2 arg. 8 Praeterea, nomen subsistentiae propinquius
esse videtur personae quam substantia: dicimus enim in Deo tres subsistentias,
sicut et tres personas; non autem dicimus tres substantias, sed unam. Magis
ergo debuit persona per subsistentiam quam per substantiam definiri. 8. Le noms de subsistance paraоt plus proche de la personne que la
substance; car nous disons qu'il y a trois subsistances en Dieu comme aussi
trois personnes; nous ne disons pas trois substances, mais une. Donc la personne
aurait dы кtre dйfinie plutфt par la subsistance
que par la substance. q. 9 a. 2 arg. 9 Praeterea, quod ponitur in definitione tamquam
genus, multiplicato definito multiplicatur, plures enim homines sunt plura
animalia. Sed in Deo sunt tres personae, non autem tres substantiae. Ergo
substantia non debet poni in definitione personae quasi genus. 9. Ce qui est placй dans la dйfinition en tant que genre, est multipliй
si on multiplie ce qui est dйfini, car plus il y a d'hommes plus il y a
d'animaux, mais en Dieu il y a trois personnes, mais pas trois substances. Donc
la substance ne doit pas кtre placйe
dans la dйfinition de la personne en tant que genre. q. 9 a. 2 arg. 10 Praeterea, rationale est differentia
animalis. Sed persona invenitur in his quae non sunt animalia, scilicet in
Angelis et in Deo. Ergo rationale non debuit poni in definitione personae. 10 Le rationnel est la diffйrence avec l'animal; mais on trouve la
personne dans ces (кtres) qui ne sont pas des animaux, а savoir les anges et
Dieu. Donc le raisonnable ne doit pas кtre placй dans la dйfinition de la
personne. q. 9 a. 2 arg. 11 Praeterea, natura est tantum in rebus
mobilibus: est enim principium motus, ut dicitur in II Phys. Sed essentia est
tam in rebus mobilibus quam in immobilibus. Ergo convenientius fuit in
definitione personae ponere essentiam quam naturam, cum etiam persona
inveniatur tam in rebus mobilibus quam in immobilibus: est enim in hominibus,
in Angelis et in Deo. 11. La nature n’est que dans ce qui est mobile; car elle est le principe
du mouvement, comme on le dit (Physique,
II, 1, 192 b 206). Mais l'essence est
autant dans ce qui est mobile que dans ce qui est immobile. Donc, dans la
dйfinition de la personne, il a йtй plus convenable de placer l'essence que la nature, puisque la personne se trouve autant dans ce qui est mobile
que dans ce qui est immobile, car elle est dans les hommes, les anges et Dieu. q. 9 a. 2 arg. 12
Praeterea, definitio debet converti cum definito. Non autem omne
quod est rationalis naturae individua substantia, est persona. Essentia enim
divina, secundum quod est essentia, non est persona, alioquin esset in Deo una
persona, sicut est una essentia. Ergo inconvenienter definitur persona
definitione praedicta. 12. La dйfinition doit кtre convertible avec ce qu’elle dйfinit. Mais
tout ce qui est substance individuelle de nature rationnelle est une personne.
L'essence divine, en effet, en tant que telle, n'est pas une personne,
autrement il n'y aurait qu'une seule personne en Dieu, comme il n’y a qu’une
seule essence. Donc la personne est mal caractйrisйe par la dйfinition. q. 9 a. 2 arg. 13 Praeterea, humana natura in Christo est
rationalis naturae individua substantia: neque enim est accidens, neque
universalis substantia, neque irrationalis naturae; non tamen humana natura in
Christo est persona: sequeretur enim quod persona divina quae assumpsit humanam
naturam, assumpsisset humanam personam; et sic essent in Christo duae personae,
scilicet divina assumens, et humana assumpta; quod est haeresis Nestorianae.
Non ergo omnis individua substantia rationalis naturae est persona. 13. La nature humaine dans le Christ est une substance individuelle de
nature rationnelle: car elle n'est ni un accident, ni une substance
universelle, ni d'une nature sans raison: cependant la nature humaine dans le
Christ n'est pas une personne, car il en dйcoulerait que la personne divine qui
a assumй la nature humaine, aurait assumй une personne humaine; et ainsi il y
aurait dans le Christ deux personnes, а savoir la personne divine, qui assume
et la personne humaine, qui est assumйe; ce qui est l'hйrйsie nestorienne. Donc
toute substance individuelle de nature rationnelle n'est pas une personne. q. 9 a. 2 arg. 14 Praeterea, anima separata a corpore per mortem,
non dicitur esse persona; et tamen est rationalis naturae individua substantia.
Non ergo haec est conveniens definitio personae. 14. L'вme sйparйe du corps par la mort n'est pas appelйe personne, et
cependant c'est une substance individuelle d'une nature raisonnable. Donc ce ne
n'est pas une dйfinition convenable de la personne . Rйponse: q. 9 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod rationabiliter,
individuum in genere substantiae speciale nomen sortitur: quia substantia ex
propriis principiis individuatur,- et non ex alio extraneo,- sicut accidens ex
subiecto. Inter individua etiam substantiarum rationabiliter individuum in
rationali natura, speciali nomine nominatur, quia ipsius est proprie et vere
per se agere, sicut supra dictum est. Selon la raison (comme cela se voit dans ce qui a йtй dit7) l'individu reзoit un nom spйcial dans le
genre de la substance, parce que celle-ci est individuйe par ses propres
principes8 — et non par quelque autre
chose extйrieure, — comme l'accident l’est par son substrat. Parmi les
individus des substances individuelles, raisonnable dans une nature
raisonnable, elle est nommйe par un nom spйcial, parce qu'il lui appartient
rйellement et vraiment d’agir par soi, comme on l'a dit ci-dessus. Sicut ergo hoc nomen hypostasis, secundum Graecos, vel
substantia prima secundum Latinos, est speciale nomen individui in genere
substantiae; ita hoc nomen persona, est speciale nomen individui rationalis
naturae. Utraque ergo specialitas sub nomine personae continetur. Donc de mкme que ce nom d'hypostase,
selon les grecs, ou de substance
premiиre, selon les Latins, est le nom spйcial d'un individu dans le genre
de la substance, de mкme ce nom de personne
est le nom spйcial d'un individu de nature raisonnable. Donc l’une et l’autre
particularitйs sont contenues sous le nom de personne. Et ideo ad ostendendum quod est specialiter individuum in
genere substantiae, dicitur quod est substantia individua; ad ostendendum vero
quod est specialiter in rationali natura, additur rationalis naturae. Per hoc
ergo quod dicitur substantia, excluduntur a ratione personae accidentia quorum
nullum potest dici persona. Per hoc vero quod dicitur individua, excluduntur
genera et species in genere substantiae quae etiam personae dici non possunt;
per hoc vero quod additur rationalis naturae, excluduntur inanimata corpora,
plantae et bruta quae personae non sunt. Et c'est pourquoi, pour montrer que l'individu est spйcialement dans le
genre de la substance, on dit que c'est une substance
individuelle; mais pour montrer qu’il est spйcialement dans la nature
raisonnable, on ajoute de nature
raisonnable. Donc du fait qu’il est appelй substance, les accidents sont exclus de la nature de la personne,
dont aucun ne peut кtre appelй personne.
Par le fait qu’on parle d’individus sont
exclus les genres et les espиces dans le genre de la substance qui ne peuvent
pas кtre appelйs non plus des personne; du fait qu'on ajoute de nature raisonnable, sont exclus les
corps inanimйs, les plantes, les animaux qui ne sont pas des personnes. Solutions: q. 9 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod in substantia
particulari, est tria considerare: quorum unum est natura generis et speciei in singularibus
existens; secundum est modus existendi talis naturae, quia in
singulari substantia existit natura generis et speciei, ut propria huic
individuo, et non ut multis communis; # 1. Dans la substance particuliиre, il faut considйrer trois aspects: a) L'un est la nature du genre et de l'espиce, qui existe dans les
objets particuliers b) Le mode d'existence d'une telle nature, parce que la nature du genre
et de l'espиce existe dans la substance particuliиre, comme propre а cet
individu et non comme commun а beaucoup. objets particuliers. tertium est principium ex quo causatur talis modus
existendi. c) Le troisiиme est le principe qui cause un tel mode d'existence. Sicut autem natura in se considerata communis est, ita et
modus existendi naturae; non enim invenitur natura hominis existens in rebus
nisi aliquo singulari individuata: non enim est homo qui non sit aliquis homo,
nisi secundum opinionem Platonis, qui ponebat universalia separata. Sed
principium talis modi existendi quod est principium individuationis, non est
commune; sed aliud est in isto, et aliud in illo; hoc enim singulare
individuatur per hanc materiam, et illud per illam. Sicut ergo nomen quod
significat naturam, est commune et definibile,- ut homo vel animal,- ita nomen
quod significat naturam cum tali modo existendi, ut hypostasis vel persona.
Illud vero nomen quod in sua significatione includit determinatum
individuationis principium, non est commune nec definibile, ut Socrates et
Plato. Mais de mкme que la nature, considйrйe en soi, est commune, son mode
d'existence aussi, car on ne trouve la nature d'un homme qui existe en rйalitй
qu'individualisйe par quelque chose de particulier, car il n'y a pas d'homme
qui ne soit pas un certain homme, sinon selon l'opinion de Platon qui plaзait
des universels sйparйs. Mais le principe d'un tel mode d'existence qui est un
principe d'individuation n'est pas commun; mais il est diffйrent dans l'un et
dans l'autre; car cet кtre singulier est individuй par cette matiиre et cet
autre par celle-lа. De mкme donc que le nom qui signifie la nature est commun
et dйfinissable, — comme homme ou animal — de mкme le nom qui signifie la
nature avec un tel mode d'existence, comme hypostase,
ou personne. Mais ce nom qui inclut
dans sa signification un principe dйterminй d'individuation, n'est ni commun,
ni dйfinissable, comme Socrate et Platon. q. 9 a. 2 ad 2 Ad secundum dicendum, quod non solum intentio
singularitatis est communis omnibus individuis substantiis, sed etiam natura
generis cum tali modo existendi; et hoc modo significat hoc nomen hypostasis
naturam generis substantiae ut individuatam; hoc autem nomen persona solum
naturam rationalem sub tali modo existendi. Et propter hoc neque hypostasis
neque persona est nomen intentionis, sicut singulare vel individuum, sed nomen
rei tantum; non autem rei et intentionis simul. # 2. Non seulement le concept de singularitй est commun а toutes les
substances individuelles, mais la nature du genre aussi avec un tel mode
d'existence; et de cette maniиre le nom d'hypostase
signifie la nature du genre de la substance en tant qu’individualisйe; mais ce
nom de personne signifie seulement la
nature raisonnable qui existe sous un tel mode d’existence. Et c'est pour cela
que ni hypostase, ni personne, ne sont le nom du concept en tant que singulier
ou individuel; mais le nom de la chose seulement; mais pas celui de la chose et
du concept en mкme temps. q. 9 a. 2 ad 3 Unde patet solutio ad tertium et quartum. # 3. 4. Ainsi s’йclaire la solution а la troisiиme et quatriиme
objection. q. 9 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum quod, quia essentiales rerum
differentiae sunt ignotae frequenter et innominatae, oportet interdum uti
accidentalibus differentiis ad substantiales differentias designandas, sicut
docet philosophus, et hoc modo individuum ponitur in definitione personae, ad
designandum individualem modum essendi. # 5. Parce que les diffйrences essentielles sont frйquemment ignorйes
et sans nom, il faut parfois se servir des diffйrences accidentelles, pour
dйsigner des diffйrences substantielles, comme le montre le philosophe (Mйtaphysique, VIII, 2, 1043 a 5) et de
cette maniиre on place l’individu
dans la dйfinition de la personne pour dйsigner le mode individuel d'кtre. q. 9 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum quod, cum dividitur
substantia in primam et secundam, non est divisio generis in species,- cum
nihil contineatur sub secunda substantia quod non sit in prima,- sed est
divisio generis secundum diversos modos essendi. Nam secunda substantia
significat naturam generis secundum se absolutam; prima vero substantia
significat eam ut individualiter subsistentem. Unde magis est divisio analogi
quam generis. Sic ergo persona continetur quidem in genere substantiae, licet
non ut species, sed ut specialem modum existendi determinans. # 6. Quand la substance est divisйe en premiиre et seconde, ce n'est
pas une division du genre en espиce — puisque rien n'est contenu sous la
substance seconde qui ne soit dans la substance premiиre — mais c'est une
division du genre selon les diverses maniиres d'кtre. Car la substance seconde
signifie la nature absolue du genre en soi; mais la substance premiиre signifie
celle en tant qu’elle subsiste individuellement. C'est pourquoi c'est plus une
division de l’analogue que du genre. Ainsi donc la personne est contenue dans
le genre de la substance, bien qu'elle n’y soit pas comme espиce, mais comme ce
qui dйtermine un mode spйcial d'existence. q. 9 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod quidam dicunt, quod
substantia ponitur in definitione personae prout significat hypostasim, sed cum
de ratione hypostasis sit individuum, secundum quod opponitur communitati
universalis vel parti,- quia nullum universale, nec aliqua pars, ut manus vel
pes, potest dici hypostasis,- ulterius de ratione personae est individuum,
secundum quod opponitur communitati assumptibilis. Dicunt enim, quod humana natura in Christo est hypostasis, sed non
persona. Et ideo ad excludendum assumptibilitatem additur individuum in
definitione personae. # 7. Certains disent que la substance est placйe dans la dйfinition
de la personne dans la mesure oщ elle signifie l'hypostase, mais comme
l’individu concerne le concept d'hypostase, selon qu'il est opposй au caractиre
commun de l'universel ou а la partie — parce que rien d'universel, ni une
partie, comme la main ou le pied ne peut кtre appelй hypostase — l'individu
concerne en plus le concept de personne selon qu’il est opposй а l’йtat commun
de ce qui ne peut кtre assumй. Car ils disent que la nature humaine dans le
Christ est une hypostase, mais non une personne. Et c'est pourquoi pour exclure
qu’elle puisse кtre assumйe, on ajoute individu dans la dйfinition de la
personne. Sed hoc videtur esse contra intentionem Boetii, qui in Lib. de duabus naturis, per hoc quod
dicitur individuum, excludit universalia a ratione personae. Et ideo melius est
ut dicatur, quod substantia non ponitur in definitione personae pro hypostasi,
sed pro eo quod est commune ad substantiam primam, quae est hypostasis, et
substantiam secundam, et dividitur in utraque. Et sic illud commune, per hoc
quod additur individuum, contrahitur ad hypostasim, ut idem sit dicere:
substantia individua rationalis naturae, ac si diceretur hypostasis rationalis
naturae. Mais cela paraоt opposй а la pensйe de Boиce, qui dans le livre Des deux natures, du fait qu'on parle d’individu, est exclu ce qui est universel
de la nature de la personne. Et c'est pourquoi il est meilleur de dire que la substance n'est pas placйe dans la
dйfinition de la personne а la place de l’hypostase, mais pour ce qui est
commun а la substance premiиre, qui est l'hypostase, et а la substance seconde
et elle est divisйe en l'une et l'autre. Et ainsi ce qui est commun, par le
fait qu'on ajoute individu, est
rйunie а l'hypostase pour que ce soit la mкme chose de dire: substance individuelle de nature raisonnable
comme si on parlait d’une hypostase de nature raisonnable. q. 9 a. 2 ad 8 Ad octavum dicendum quod, secundum praedicta,
ratio non procedit: quia substantia accipitur non pro hypostasi, sed pro eo
quod est commune ad omnem substantiae acceptionem. Si tamen acciperetur
substantia pro hypostasi, adhuc ratio non sequeretur: substantia enim quae est
hypostasis, propinquius se habet ad personam quam subsistentia; cum tamen
persona dicat aliquid subiectum, sicut substantia prima, et non solum sicut
subsistens ut subsistentia. Sed quia nomen substantiae refertur etiam apud
Latinos ad significationem essentiae, ideo ad vitandum errorem non dicimus tres
substantias, sicut tres subsistentias. Graeci vero apud quos est distinctum
nomen hypostasis a nomine ousias indubitanter in Deo tres hypostases
confitentur. # 8. Selon ce qui a йtй dit, cette raison ne vaut pas, parce que la
substance est prise non pour une hypostase mais pour ce qui est commun а toute
l'acception de la substance. Si cependant la substance йtait prise а la place
de l'hypostase, la raison ne vaudrait pas non plus, car la substance qui est
l’hypostase se montre plus proche de la personne que la subsistance; йtant
donnй que la personne dйsigne un substrat, de mкme que la substance premiиre et
non seulement en tant que subsistant comme subsistance. Mais parce que le nom
de substance est rapportй aussi chez
les Latins а la signification de l'essence, pour йviter une erreur, nous
parlons de trois substances, comme de trois subsistances. Mais les Grecs, chez
qui le nom hypostase est distinguй de
ousia, confessent, sans doute aucun,
trois hypostases en Dieu. q. 9 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum quod, sicut dicimus in Deo
tres personas, ita possumus dicere tres substantias individuas; unam tamen
substantiam quae est essentia. # 9. De mкme que nous disons qu'il y a trois personnes en Dieu, de mкme
nous pouvons parler de trois substances individuelles, cependant d’une seule
substance qui est l'essence. q. 9 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod rationale est
differentia animalis, secundum quod ratio, a qua sumitur, significat
cognitionem discursivam, qualis est in hominibus, non autem in Angelis nec in
Deo. Boetius autem sumit rationale communiter pro intellectuali, quod dicimus
convenire Deo et Angelis et hominibus. # 10. Raisonnable dйsigne la
diffйrence de l'animal selon que la notion, d'oщ il est pris, signifie la
connaissance discursive telle qu'elle est dans l'homme, mais non dans les anges9, ni en Dieu. Mais Boиce prend raisonnable communйment pour
intellectuel, que nous disons convenir а Dieu, aux anges et aux hommes. q. 9 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum quod natura in
definitione personae non accipitur prout est principium motus, sicut definitur
a philosopho, sed sicut definitur a Boetio: quod natura est unumquodque
informans specifica differentia. Et quia differentia complet definitionem et
determinat definitum ad speciem, ideo nomen naturae magis competit in
definitione personae,- quae specialiter in quibusdam substantiis invenitur,- quam
nomen essentiae, quod est communissimum. # 11. La nature, dans la
dйfinition de la personne n'est pas prise selon qu'elle est le principe du
mouvement comme le philosophe la dйfinit (Physique,
II, 193 a 3010), mais comme elle est
dйfinie par Boиce (dans Les deux natures,
III) parce que la nature est une
diffйrence spйcifique qui donne forme а chaque chose. Et parce que la
diffйrence complиte la dйfinition et dйtermine le dйfini а l'espиce, le nom de nature appartient plus а la dйfinition
de la personne — qui se trouve spйcialement en certaines substances — que le
nom essence qui est trиs commun. q. 9 a. 2 ad 12 Ad duodecimum dicendum quod individuum, in
definitione personae, sumitur pro eo quod non praedicatur de pluribus; et
secundum hoc essentia divina non est individua substantia secundum
praedicationem,- cum praedicetur de pluribus personis,- licet sit individua
secundum rem. Richardus tamen de sancto Victore, corrigens definitionem Boetii,
secundum quod persona in divinis accipitur, dixit: quod persona est divinae
naturae incommunicabilis existentia, ut per hoc quod dicitur incommunicabilis,
essentia divina, persona non esse, ostenderetur. # 12. L’individu, dans la dйfinition de la personne, est pris pour ce
qui est attribuй а plusieurs, et ainsi l'essence divine n'est pas une substance
individuelle selon l'attribution — puisqu'elle est attribuйe а plusieurs
personnes — bien qu'elle soit individuelle en rйalitй; cependant Richard de
saint Victor (La Trinitй, IV, 18 et 23),
corrigeant la dйfinition de Boиce, selon que la personne est reзue en Dieu, a
dit que: "La personne est une
existence incommunicable de nature divine." pour montrer que parce
qu’on la dit incommunicable,
l'essence divine n’est pas une personne. q. 9 a. 2 ad 13 Ad decimumtertium dicendum quod cum substantia
individua sit quoddam completum per se existens, humana natura in Christo, cum
sit assumpta in personam divinam, non potest dici substantia individua,- quae
est hypostasis,- sicut nec manus nec pes nec aliquid eorum quae non subsistunt
per se ab aliis separata; et propter hoc non sequitur quod sit persona. # 13. Comme la substance individuelle est quelque chose de complet
existant par soi, comme la nature humaine dans le Christ a йtй assumйe dans la
personne divine, elle ne peut pas кtre appelйe substance individuelle — qui est
une hypostase,— de mкme que ni la main ni le pied, ni quelque chose de ce qui
ne subsiste pas par soi sйparй des autres; et pour cela il n'en dйcoule pas
qu’elle soit une personne. q. 9 a. 2 ad 14 Ad decimumquartum dicendum quod anima separata
est pars rationalis naturae, scilicet humanae, et non tota natura rationalis
humana, et ideo non est persona. # 14. L'вme sйparйe est une partie de la nature raisonnable, а savoir
de la nature humaine, et non toute la nature raisonnable humaine et c'est pour
cela que ce n'est pas une personne.
1 PARALL.: Ia, qu. 29, a. 1 — a. 3, ad 2, 4 — IIIa, qu. 2, a. 2— I Sent. D. 25, a. 1. De unione Verbi. a. 1, (§ 1: dйfinition de la nature, § 2, dйfinition de
la personne. ) 2
"Et la raison pour laquelle des substances sensibles individuelles il n’y
a ni dйfinition, ni dйmonstration, c’est que ces substances ont une matiиre
dont la nature est de pouvoir et кtre et n’кtre pas…" (p. 434) Thomas
1606-1612) Cf. Anal. Post. I, 8, 75 b 24: l’universalitй de
la dйfinition ne peut porter que sur des universaux. 3
Singularitas: le fait d’кtre unique,
individualitй. 4
"On voit donc que c’est de la substance seule qu’il y a dйfinition."
(Trad. Tricot, p. 369). 5
Voir qu. 9, a. 1, note 6. 6
"Car la nature est un principe et une cause de mouvement et de repos pour
la chose en laquelle elle rйside immйdiatement, par essence et non pas
accident." (Trad. H. Carteron). Cf. De
Caelo, I, 2, 268 b 15: "Tous les corps naturels et toutes les
grandeurs sont, prйtendons-nous, mobiles, de par soi, selon le lieu, nous
disons en effet que la nature est le principe de leur mouvement." 7
Йd. Marietti ajoute: [sicut ex praemissis
patet]. 8
Cf. Ia, qu. 29, a. 1, c. "La
substance est individuйe par elle-mкme, les accidents le sont pas le sujet.". 9
La connaissance dans les anges; Voir Pйchaire, Intellectus et ratio selon saint Thomas. V.g. p. 71. 10
"Mais en un autre sens, c’est le type et la forme, la forme dйfinissable.
Article 3: Peut-il y avoir une personne en Dieu?
q. 9 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur utrum in Deo
possit esse persona. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 9 a. 3 arg. 1 Sicut enim dicit Boetius nomen personae
sumitur a personando, quia homines larvati personae dicebantur, quia in
comoediis vel tragoediis aliquid personabant. Sed esse larvatum non competit Deo,
nisi forte metaphorice. Ergo nomen personae non potest dici de Deo, nisi forte
metaphorice. 1. Car, comme le dit Boиce (Les deux Natures, III, PL. 64, 1344 A),
le nom de personne vient de personare
(c'est-а-dire rйsonner): les hommes qui portaient un masque йtaient appelйs des
personnes, parce que, dans les comйdies et les tragйdies, leurs voix
rйsonnaient. Mais porter un masque ne convient pas а Dieu sinon par mйtaphore.
Donc le nom de personne ne peut кtre employй pour Dieu, sinon йventuellement par
mйtaphore. q. 9 a. 3 arg. 2 Praeterea, sicut dicit Damascenus, de nullo
eorum quae dicuntur de Deo, possumus scire quid est, prout ei conveniunt. Sed de persona scimus quid est, per definitionem praemissam. Ergo persona
non competit Deo, ad minus secundum definitionem praedictam. 2. Comme le dit Jean Damascиne (La
foi orthodoxe I, 1, 2 et 4), de tout ce qu'on dit а propos de Dieu, nous ne
pouvons savoir ce qu’il est, dans la mesure oщ cela lui convient. Mais pour la
personne, nous savons ce qu’elle est, par la dйfinition rapportйe ci-dessus (a.
2). Donc le nom de personne ne convient pas а Dieu, au moins selon la
dйfinition qu’on en a donnйe. q. 9 a. 3 arg. 3 Praeterea, Deus non est in aliquo genere; cum
enim sit infinitus, sub nullius generis terminis comprehendi potest. Persona
autem significat aliquid quod est in genere substantiae. Ergo persona Deo non
convenit. 3. Dieu n'est pas dans un genre, car comme il est infini, il ne peut
кtre compris sous les termes d'aucun genre. Mais la personne signifie quelque
chose qui est dans le genre de la substance. Donc la personne ne convient pas а
Dieu. q. 9 a. 3 arg. 4 Praeterea, in Deo nulla est compositio. Sed
persona significat aliquid compositum; singulare enim humanae naturae, quod est
persona, est maximae compositionis; partes etiam definitionis personae
demonstrant personam esse compositam. Non est ergo in Deo persona. 4. Il n'y a nulle composition en Dieu. Mais la personne signifie
quelque chose de composй; car l'individu particulier de nature humaine, qui est
une personne est d’une trиs grande composition; les parties de la dйfinition de
la personne montrent aussi qu'elle est composйe. Donc il n'y a pas de personne
en Dieu. q. 9 a. 3 arg. 5 Praeterea, in Deo nulla est materia.
Principium autem individuationis materia est. Cum ergo persona sit substantia
individua, non potest Deo convenire. 5. En Dieu il n'y a pas de matiиre. Mais le principe d'individuation
est la matiиre. Comme la personne est une substance individuelle, elle ne peut
convenir а Dieu. q. 9 a. 3 arg. 6 Praeterea, omnis persona est subsistentia. Sed
Deus non potest dici subsistentia, quia non existit sub aliquo. Ergo non est
persona. 6. Toute personne est une subsistance. Mais Dieu ne peut pas кtre
appelй subsistance, parce qu'il n'est placй sous rien2 . Donc il n'est pas une personne. q. 9 a. 3 arg. 7 Praeterea, persona sub hypostasi continetur.
Sed in Deo non potest esse hypostasis, quia non est in eo aliquod accidens, cum
hypostasis dicat subiectum accidentis, ut supra dictum est. Ergo in Deo non est
persona. 7. La personne est contenue sous l'hypostase. Mais en Dieu il ne peut
pas y avoir d'hypostase, parce qu'en lui, il n'y a pas d'accident, puisqu’on
dit que l’hypostase est le substrat de l’accident, comme ci-dessus (art. 13) on l'a dit. Donc en Dieu il n'y a pas de
personne. En sens contraire: q. 9 a. 3 s. c. Sed contrarium, apparet per Athanasium in
symbolo quicumque vult, etc., et per Augustinum in VII de Trinit., et per communem
Ecclesiae usum, quae a spiritu sancto edocta non potest errare. Le contraire apparaоt dans le Symbole d'Athanase4:"Quiconque veut… etc." et chez
Augustin (La Trinitй, VII, 6) et par
l'usage commun de l'Йglise, qui, instruite par l'Esprit saint, ne peut pas se
tromper. Rйponse: q. 9 a. 3 co. Respondeo. Dicendum quod persona, sicut dictum
est, significat quamdam naturam cum quodam modo existendi. Natura autem, quam
persona in sua significatione includit, est omnium naturarum dignissima,
scilicet natura intellectualis secundum genus suum. Similiter etiam modus
existendi quem importat persona est dignissimus, ut scilicet aliquid sit per se
existens La personne, comme il a йtй dit, signifie une nature avec un certain
mode d'existence. Mais la nature, que "personne" inclut dans sa
signification est la plus digne de toutes les natures, а savoir, selon son
genre, la nature intellectuelle. De mкme aussi le mode d'existence qu'apporte
la personne est le plus digne, en tant que rйalitй qui existe en soi. Cum ergo omne quod est dignissimum in creaturis, Deo sit
attribuendum, convenienter nomen personae Deo attribui potest, sicut et alia
nomina quae proprie dicuntur de Deo. Donc, comme tout ce qui est le plus digne dans les crйatures doit кtre
attribuй а Dieu, il convient que le nom
de personne puisse lui кtre attribuй, comme les autres noms qui lui sont
attribuйs en propre. Solutions: q. 9 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod in nomine aliquo
est duo considerare: scilicet, illud ad quod significandum nomen imponitur, et
illud a quo imponitur ad significandum. Frequenter enim imponitur nomen aliquod
ad significandum rem aliquam, ab aliquo accidente aut actu aut effectu illius
rei; quae tamen non sunt principaliter significata per illud nomen, sed potius
ipsa rei substantia, vel natura sicut hoc nomen lapis sumitur a laesione pedis,
quam tamen non significat, sed potius corpus quoddam in quo tale accidens
frequenter invenitur. Unde laesio pedis magis pertinet ad etymologiam huius nominis
lapis, quam ad eius significationem. # 1. Dans un nom il y a deux aspects а considйrer: l’un s’impose pour
signifier pour quoi? et l’autre par quoi?
Car frйquemment le nom sert pour signifier quelque chose par un accident, un
acte ou un de ses effets; cependant cela n'est pas signifiй principalement par
ce nom, mais plutфt par la substance de la chose, ou sa nature; ainsi le nom pierre est pris de "qui blesse le
pied5". Ce que cependant il ne
signifie pas, mais il signifie plutфt un corps dans lequel se trouve
frйquemment un tel accident. C'est pourquoi la blessure du pied appartient а
son йtymologie plus qu'а sa signification. Quando ergo illud ad quod significandum nomen imponitur, Deo
non competit,- sed aliqua proprietas eius secundum similitudinem quamdam,- tunc
illud nomen de Deo metaphorice dicitur: sicut Deus nominatur leo, non quia
natura illius animalis Deo conveniat, sed propter fortitudinem quae in leone
invenitur. Quando vero res significata per nomen Deo convenit, tunc illud nomen
proprie de Deo dicitur, sicut bonum, sapiens et huiusmodi; licet etiam
quandoque illud a quo tale nomen imponitur, non conveniat Deo. Sic ergo licet
personare ad modum larvati hominis a quo impositum fuit nomen personae, Deo non
conveniat, tamen illud quod significatur per nomen, scilicet subsistens in
natura intellectuali, competit Deo; et propter hoc nomen personae proprie
sumitur in divinis. Donc quand ce а quoi sert le nom pour signifier quelque chose ne lui
convient pas — mais une de ses propriйtйs selon une ressemblance quelconque —
alors ce nom est employй pour Dieu mйtaphoriquement; ainsi Dieu est appelй
lion, non pas parce que la nature animale lui convient, mais а cause de la
force qui est dans le lion. Mais quand une chose signifiйe par le nom lui
convient, alors il est employй au sens propre, comme bon, sage, etc.; bien que
quelquefois aussi ce par quoi on se sert d'un tel nom ne lui convienne pas.
Ainsi donc, bien que crier а voix forte
а la maniиre d’un homme masquй, par qui a йtй imposй le nom de personne, ne
convienne pas а Dieu, cependant ce qu’il signifie, а savoir qui subsiste dans une nature intellectuelle,
lui convient, et а cause de cela le nom de personne
est pris en lui au sens propre. q. 9 a. 3 ad 2 Ad secundum dicendum quod tam nomen personae
quam definitio de persona data, si recte intelligatur, convenit Deo: non tamen
ita quod sit definitio eius, quia plus est in Deo quam significetur per nomen.
Unde id quod Dei est, per rationem nominis non definitur. # 2. Tant le nom de personne que la dйfinition qu’on lui donne, si on
les comprend bien, conviennent а Dieu, non cependant de sorte que ce soit sa
dйfinition, parce qu'il y a plus en Dieu que ce qui est signifiй par le nom.
C'est pourquoi ce qui appartient а Dieu n'est pas dйfini par la signification
de ce nom. q. 9 a. 3 ad 3 Ad tertium dicendum quod, licet Deus non
sit in genere substantiae tamquam species, pertinet tamen ad genus substantiae
sicut generis principium. # 3. Bien que Dieu ne soit pas dans le genre de la substance, comme
espиce, il se rapporte cependant au genre de la substance comme principe du
genre. q. 9 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum quod accidit personae, in
quantum huiusmodi, quod sit composita, ex hoc quod complementum vel perfectio,
quae requiritur ad rationem personae, non invenitur statim in uno simplici, sed
requirit adunationem multorum, sicut in hominibus patet. In Deo autem, cum
summa simplicitate est summa perfectio; et ideo est ibi persona absque
compositione. Partes vero positae in definitione personae non ostendunt aliquam
compositionem personae, nisi in substantiis materialibus: individuum autem cum
sit negatio, per hoc quod substantiae additur, nulla compositio importatur.
Unde remanet ibi sola compositio individuae substantiae, id est hypostasis ad
naturam: quae duo, in substantiis immaterialibus, secundum rem, sunt idem
omnino. # 4. Il arrive а la personne en tant que telle, d’кtre composйe, du
fait que ce qui l'achиve ou la parfait, requis pour sa nature, ne se trouve pas
constamment dans ce qui est un et simple, mais requiert l'union de beaucoup de
parties, comme on le voit pour l'homme. Mais en Dieu, comme la perfection
surpкme vient de sa suprкme simplicitй, il y a une personne sans composition.
Aussi les parties placйes dans la dйfinition de la personne ne montrent une
composition de la personne que dans les substance matйrielles; mais comme
l’individu est une nйgation, du fait qu'il est ajoutй а la substance, il
n’apporte aucune composition. C'est pourquoi la seule composition de la
substance individuelle y demeure, c'est-а-dire l'hypostase pour la nature; les
deux, dans les substances immatйrielles, sont tout а fait identiques en
rйalitй. q. 9 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum quod rebus materialibus, in
quibus formae non sunt per se subsistentes, sed materiae inhaerentes, oportet
quod principium individuationis sit ex materia: formae vero immateriales, cum
sint per se subsistentes, ex seipsis individuantur; ex hoc enim quod aliquid
est subsistens, habet quod de pluribus praedicari non potest: et ideo nihil
prohibet in rebus immaterialibus substantiam individuam et personam inveniri. # 5. Pour les choses matйrielles, en qui les formes ne sont pas
subsistantes par soi, mais inhйrentes а la matiиre, il faut que le principe
d'individuation vienne de la matiиre: mais comme les formes immatйrielles sont
subsistantes par soi, elles sont individuйes par elles-mкmes; car du fait que
quelque chose est subsistant, il a ce qui ne peut pas кtre attribuй а
plusieurs; et c'est pourquoi rien n'empкche de trouver dans les choses
immatйrielles, une substance individuelle et une personne. q. 9 a. 3 ad 6 Ad sextum dicendum quod, licet in Deo non sit
compositio, ut in eo aliquid sub alio intelligi possit, tamen secundum
intellectum nostrum, seorsum accipimus esse eius et substantiam ipsius sub esse
eius existentem, ut huic subsistens dicatur. Vel dicendum, quod licet subesse,-
a quo imponitur vocabulum subsistendi,- Deo non conveniat, tamen per se esse,-
ad quod significandum imponitur,- competit ei. # 6. Bien qu'en Dieu, il n'y ait pas de composition, qui puisse faire
penser qu'une chose en lui est soumise а une autre, cependant, selon notre
esprit, nous avons admis ci-dessus que son кtre et sa substance existent sous
son кtre, pour le dire subsistant. Ou bien
il faut dire, que bien qu' "кtre
sujet"— notion qu’impose le terme de subsister, ne convienne pas а Dieu
cependant кtre par soi, — ce а quoi il sert а le signifier — lui convient. q. 9 a. 3 ad 7 Ad septimum dicendum quod, licet in Deo non sint
accidentia, sunt tamen in eo proprietates personales, quibus hypostases
substant. # 7. Bien qu'en Dieu il n'y ait pas d'accidents, il y a cependant des
propriйtйs personnelles6 dont les
hypostases sont le substrat.
1 Parall.: Ia, qu. 29, a. 3 — I Sent. d23a2. 2
Sub-sistence selon l’йtymologie: ‘qui
demeure sous’. 3
Boиce, Les deux natures, 3, PL. 64,
1344. 4
IVe siиcle. Denz. 75-76 Symbole et des
dйfinitions de la foi. Il exprime la foi de l’Йglise: trois Personnes en
une seule nature. 5Йtymologie
classique mais fantaisiste pour nous. "Attendu que les essences des йtants
nous sont fonciиrement cachйes… ce ne sont pas les essences, mais les accidents
des choses" qui servent au langage. "Peu importe, dit-il, que cette
explication des origines soit fausse… Ce que ce mot lapis vise par sa signification — la pierre en tant que pierre,
c'est-а-dire l’essence de pierre — va bien au-delа de ce qu’il exprime
йtymologiquement." Philipp. W. Rosemann, Omne ens est aliquid. Louvain-Paris 1996, p. 148-149. 6
Pot. 7, 5, obj. 2. "Jean
Damascиne (I, 11) dit qu'en Dieu tout est un, sauf la non-gйnйration, la
gйnйration et la procession" Il s'agit des trois propriйtйs personnelles
dans la Trinitй. Elle signifie l'origine comme un acte. Cf. Ia, qu. 40, a. 2, c. L'origine et la
relation sont les propriйtйs personnelles des Personnes en Dieu.
Article 4: Ce nom "personne" signifie-t-il en Dieu, le
relatif ou l'absolu1?
q. 9 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum hoc
nomen persona in divinis significet relativum, vel aliquid absolutum. Et
videtur quod significet aliquid absolutum. Il semble qu'il signifie l'absolu2.
Objections: q. 9 a. 4 arg. 1 Dicit enim Augustinus, quod cum Ioannes dicit:
tres sunt qui testimonium dant in caelo, pater, verbum et spiritus sanctus; et
quaereretur quid tres essent, responsum est quod sunt tres personae. Sed quid
quaerit de essentia. Ergo hoc nomen persona in divinis significat essentiam. 1. Car Augustin rapporte (La Trinitй, VII, IV, 73) que Jean dit: "Il y en a trois qui donnent leur tйmoignage dans le ciel, le Pиre, le
Fils et l'Esprit saint.", et si on cherche ce qu’ils sont, on rйpond:
ce sont trois personnes. Mais quid interroge
sur l'essence. Donc ce nom de personne
signifie l'essence en Dieu. q. 9 a. 4 arg. 2 Praeterea, in eodem Lib. Augustinus dicit,
quod idem est Deo esse quod personam esse. Sed esse in divinis significat
essentiam, et non relationem. Ergo et persona. 2. Dans le mкme livre (La
Trinitй, VII, VI, 114), Augustin
dit que c’est pareil pour Dieu d’кtre et d’кtre une personne. Mais l'кtre en
Dieu signifie l'essence et non la relation. Donc la personne aussi. q. 9 a. 4 arg. 3 Praeterea, Augustinus dicit ibidem: ad se
proprie dicitur persona, non ad filium vel spiritum sanctum, sicut ad se
dicitur Deus, et magnus et bonus et iustus. Sed haec omnia essentiam
significant, et non relationem. Ergo et persona. 3. Augustin dit au mкme endroit5:
"On parle de personne absolument au
sens propre, mais pas en rapport au Fils ou а l'Esprit saint, comme on dit
absolument Dieu, grand, bon et juste." Mais tous ces noms signifient
l'essence et non la relation. Donc la personne aussi. q. 9 a. 4 arg. 4 Praeterea, Augustinus ibidem dicit quod,
quamvis commune est illis, scilicet patri et filio et spiritui sancto, nomen
essentiae, ita ut singulus quisque dicatur essentia, tamen illis commune est
personae vocabulum. Sed relatio in divinis non est commune, sed distinctivum.
Ergo persona in divinis non significat relationem. 4. Augustin au mкme endroit (ch. 4) dit que, quoique le nom d’essence
leur soit commun, а savoir au Pиre, au Fils et а l'Esprit saint, de sorte que
chacun en particulier est appelй essence, cependant, le nom de personne leur est
commun. Mais la relation en Dieu n'est pas commune mais distinctive. Donc la
personne n'y signifie pas la relation. q. 9 a. 4 arg. 5 Sed dicendum, quod persona est commune ratione
et non re in divinis.- Sed contra, in divinis non est universale; unde Augustinus
in eodem libro improbat opinionem illorum qui dicebant quod essentia in divinis
est sicut genus vel sicut species; persona vero sicut species vel individua.
Quod autem est commune ratione et non re, est commune per modum universalis.
Ergo persona non est commune in divinis ratione tantum, sed etiam re; et ita
non potest significare relationem. 5. Mais il faut dire que le
nom personne est commun en Dieu en raison, mais pas en rйalitй. — En sens contraire, en Dieu l'universel
n’existe pas. C'est pourquoi, Augustin dans le mкme livre (Trinitй, VII, VI, 11) rйprouve l'opinion de ceux qui disaient que
l'essence lui est comme un genre ou une espиce et la personne comme une espиce
ou un individu. Mais ce qui est commun en raison et non en rйalitй est commun а
la maniиre de l'universel. Donc la personne n'est pas commune en lui, en raison
seulement, mais aussi en rйalitй, et ainsi elle ne peut pas signifier une
relation. q. 9 a. 4 arg. 6 Praeterea, nullum nomen significat res
diversorum generum, nisi aequivoce: acutum enim aequivoce dicitur in saporibus
et magnitudinibus. Manifestum est autem quod persona in Angelis et hominibus
non significat relationem, sed aliquid absolutum. Si ergo in Deo significet
relationem, erit aequivoce dictum. 6. Aucun nom ne signifie des choses de genres diffйrents sinon de
maniиre йquivoque. Important, en effet, se dit de maniиre йquivoque dans les
saveurs et les grandeurs6. Mais il est
clair que la personne dans les anges et dans les hommes ne signifie pas une
relation, mais quelque chose d'absolu. Si donc en Dieu, elle signifie la
relation, on en parlera de maniиre йquivoque. q. 9 a. 4 arg. 7 Praeterea, quod accidit rei significatae per
nomen, est extra significationem nominis; sicut extra significationem hominis
est album, quod accidit homini. Res autem significata per hoc nomen persona est
substantia individua rationalis naturae; quia ratio quam significat nomen, est
definitio, secundum philosophum, in IV Metaph.: substantiae autem tali accidit
ad aliud referri. Relatio ergo est extra significationem huius nominis persona. 7. Ce qui s’ajoute а ce qui est signifiй par le nom est hors de sa
signification; comme le blanc, accident dans l'homme, est hors de sa
signification; mais ce qui est signifiй par le nom de personne est la substance individuelle de nature raisonnable; parce
que la notion que signifie le nom est la dйfinition, selon le philosophe (Mйtaphysique, IV, 7, 1012 a 237), mais, il arrive а une telle substance de
se rйfйrer а autre chose. Donc la relation est hors de la signification de ce
nom de personne. q. 9 a. 4 arg. 8 Praeterea, nullum nomen potest intelligi de
aliquo vere praedicari, cui non intelligitur convenire res significata per
nomen; sicut non potest intelligi esse homo quod intelligitur non esse animal
rationale mortale. Iudaei autem et Pagani confitentur Deum esse personam; non
tamen confitentur in eo relationes, quas nos ponimus secundum fidem. Ergo hoc
nomen persona in divinis non significat huiusmodi relationes. 8. On peut comprendre qu’aucun nom ne soit vraiment attribuй а une
chose, si on ne comprend pas que ce qu’il signifie lui convient; ainsi il est
impossible de comprendre "кtre homme" sans comprendre кtre un animal
raisonnable mortel — Mais les Juifs et les Paпens confessent que Dieu est une
personne; mais ils ne confessent cependant pas en lui les relations que nous,
nous posons selon notre foi. Donc ce nom de personne
en Dieu ne signifie pas des relations de ce genre. q. 9 a. 4 arg. 9 Sed dicendum, quod Iudaei et Pagani erroneam
habent opinionem de Deo; unde ex eorum opinione non potest accipi argumentum.-
Sed contra, error opinionis non variat nominis significationem, nec etiam
veritas. Si ergo apud errantes de Deo nomen persona non significat relationem,
nec etiam significabit apud recte sentientes de Deo. 9. Mais il faut dire que les
Juifs et les Paпens ont une opinion erronйe sur Dieu. C'est pourquoi, on ne
peut pas tirer argument de leur opinion. — En
sens contraire, l'erreur dans l'opinion ne change pas la signification du
nom, la vйritй non plus du reste. Si donc parmi ceux qui se trompent sur Dieu,
le om de personne ne signifie pas la
relation, il ne le signifiera pas non plus chez ceux qui pensent sur Dieu avec
rectitude. q. 9 a. 4 arg. 10 Praeterea, voces, secundum philosophum, sunt
signa intellectuum: intellectus enim qui concipitur ex hoc nomine persona est
in intellectu substantiae primae. Ergo hoc nomen persona significat substantiam
primam, qua nihil est magis absolutum, cum sit per se existens; ergo hoc nomen
persona non significat relationem, sed aliquid absolutum. 10. Les mots, selon le philosophe (Perih.
I) sont les signes du concept, car celui-ci qui est conзu par ce nom de
personne est dans le concept de substance premiиre. Donc ce nom de personne signifie la substance premiиre,
dont rien n'est plus absolu, puisqu'elle existe par soi; donc ce nom de personne ne signifie pas une relation
mais l'absolu. q. 9 a. 4 arg. 11 Sed dicendum, quod hoc nomen persona
significat relationem per modum substantiae.- Sed contra, haec propositio est
immediata: nulla relatio est substantia, sicut et haec: nulla quantitas est
substantia, sicut patet per philosophum. Si ergo hoc nomen persona significat
substantiam, ut probatum est, impossibile est quod significatum eius sit
relatio. 11. Mais il faut dire que ce
nom personne signifie une relation а
la maniиre de la substance. — En sens
contraire, cette proposition est йvidente: "Aucune relation n'est une substance", de la mкme maniиre que: "Aucune quantitй n'est une substance8", comme le montre le philosophe (Posteriorum, I, 34) — Si donc ce nom personne signifie la substance, comme
cela a йtй prouvй, il est impossible que ce qui est signifiй soit sa relation. q. 9 a. 4 arg. 12 Praeterea, opposita non possunt verificari de
eodem. Sed esse per se et esse ad aliud, sunt opposita. Si ergo quod
significatur nomine personae est substantia, quae est ens per se, impossibile
est quod sit ad aliquid. 12. Les opposйs ne peuvent pas se prйsenter comme vrais sous un mкme
rapport. Mais кtre par soi et кtre pour un autre sont des opposйs9. Si donc ce qui est signifiй par le nom de personne est une substance, qui est un
йtant par soi, il est impossible que ce soit une relation. q. 9 a. 4 arg. 13 Praeterea, omne nomen significans relationem,
refertur ad aliquid quod consignificat, sicut dominus et servus. Sed patet quod
hoc nomen persona non refertur ad aliud. Ergo non significat relationem, sed
aliquid absolutum. 13. Tout nom qui signifie une relation se rйfиre а une rйalitй dont il
rйvиle la relation, comme maоtre et serviteur. Mais il est clair que ce nom personne ne se rйfиre pas а autre chose.
Donc il ne signifie pas une relation, mais l'absolu. q. 9 a. 4 arg. 14 Praeterea, persona dicitur quasi per se una. Unitas autem in divinis pertinet ad essentiam. Ergo hoc
nomen persona significat essentiam, et non relationem. 14. On dit que la personne est pour ainsi dire unique par soi. Mais
l'unitй en Dieu appartient а l'essence. Donc ce nom personne signifie l'essence et non la relation. q. 9 a. 4 arg. 15 Sed dicendum, quod hoc nomen significat unum
distinctum, et quia distinctio in divinis est per relationem, ideo significat
relationem.- Sed contra, filius et spiritus sanctus dicuntur distingui in
divinis secundum modum originis: nam filius procedit per modum intellectus, ut
verbum, sed spiritus sanctus per modum voluntatis, ut amor. Non ergo per solas
relationes est distinctio in divinis; et sic non oportet quod persona
relationem significet. 15. Mais il faut dire que ce
nom signifie une rйalitй distincte et parce que la distinction en Dieu se fait
par relation, elle la signifie. — En sens
contraire, on dit que le Fils et l'Esprit saint sont distinguйs en Dieu par
le mode d'origine; car le Fils procиde par mode d'intellect, comme Verbe, mais
l'Esprit saint par mode de volontй comme amour. Donc la distinction en Dieu
n'est pas par les relations seules et ainsi il ne faut que la personne signifie
une relation. q. 9 a. 4 arg. 16 Praeterea, si relatio in divinis est
distinguens; persona autem est quid distinctum, non distinguens; non
significabit relationem nomen personae. 16. Si la relation en Dieu apporte une distinction, (mais la personne
est ce qui est distinguй et qui ne distingue pas), le nom de personne ne signifiera pas une relation. q. 9 a. 4 arg. 17 Praeterea, relationes in divinis dicuntur
esse proprietates. Persona autem significat aliquid substans proprietati. Non
ergo significat relationem. 17. On dit que les relations en Dieu sont des propriйtйs. Mais la
personne signifie quelque chose qui est le substant de la propriйtй. Donc elle
ne signifie pas la relation. q. 9 a. 4 arg. 18 Praeterea, quatuor sunt relationes in
divinis: scilicet paternitas, filiatio, processio, communis spiratio:
innascibilitas enim, quae est quinta notio, non est relatio. Sed hoc nomen
persona nullam harum significat. Si enim significaret paternitatem, non
diceretur de filio; si filiationem, non diceretur de patre; si autem
processione spiritus sancti, non diceretur neque de patre neque de filio; si
vero communem spirationem, non diceretur de spiritu sancto. Non ergo significat
relationem hoc nomen persona. 18. Les relations en Dieu sont quatre: la paternitй, la filiation, la
procession, la spiration commune; car l'innascibilitй qui est la cinquiиme
notion n'est pas une relation. Mais ce nom de personne ne signifie aucune d'entre elles. Car si elle signifiait
la paternitй, on ne l’emploierait pas pour le Fils, si elle signifiait la
filiation, on ne l’emploierait pas pour Pиre, et si elle signifiait la
procession de l’Esprit saint, on ne l’emploierait ni pour le Pиre ni pour le
Fils; si elle signifiait la spiration commune, on ne l’emploierait pas pour
l'Esprit saint. Donc ce nom de personne ne
signifie pas une relation. En sens contraire: q. 9 a. 4 s. c. 1 Sed contra. Boetius dicit, quod omne nomen,
ad personas pertinens, relationem significat. Sed nullum nomen magis pertinet
ad personas quam hoc nomen persona. Ergo hoc nomen persona relationem
significat. 1. Boиce dit (La Trinitй, VI) que tout nom en rapport avec les personnes, signifie une relation.
Mais aucun nom ne se rapporte plus aux personnes que celui de personne. Donc il signifie une relation.
q. 9 a. 4 s. c. 2 Praeterea, sub persona in divinis continentur
pater et filius et spiritus sanctus. Sed haec nomina relationem significant.
Ergo et nomen personae. 2. En Dieu le Pиre, le Fils et l'Esprit saint sont contenus sous le nom
de personne. Mais ces noms signifient une relation. Donc le nom de personne aussi. q. 9 a. 4 s. c. 3 Praeterea, nullum absolutum distinguitur in divinis. Sed
persona distinguitur. Ergo non est absolutum, sed relativum. 3. Rien de ce qui est absolu n’est distinguй en Dieu. Mais on distingue
la personne. Donc elle n'est pas absolue, mais relative. Rйponse: q. 9 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod hoc nomen persona habet
commune cum nominibus absolutis in divinis quod de qualibet persona
praedicatur, nec secundum nomen ad aliud defertur; cum nominibus vero
relationem significantibus, quod distinguitur, et pluraliter praedicatur. Et
ideo videtur quod utraque significatio et relativi et absoluti pertineat ad
personam. Qualiter autem utraque significatio ad nomen personae pertineat est
diversimode a diversis assignatum. Ce nom de personne a en commun avec les noms
absolus d’кtre attribuй а n’importe quelle personne et il n’est pas dйfйrй
nominativement а autre chose; mais avec les noms qui signifient une relation,
il distingue et est attribuй au pluriel. Et c'est pourquoi il semble que l'une
et l'autre signification, du relatif et de l'absolu, se rapporte а la personne.
Mais de quelque maniиre que l'une et l'autre signification se rapporte au nom
de personne, cela est confйrй de diverses maniиres par diverses choses. Dicunt enim quidam quod persona significat utrumque, sed per
modum aequivocationis. Dicunt enim quod hoc nomen persona, quantum est de se,
absolute significat essentiam, tam in singulari quam in plurali, sicut hoc
nomen Deus, aut bonus, aut magnus: sed propter insufficientiam nominum ad
loquendum de Deo, accommodatum est hoc nomen persona a sanctis patribus in
Nicaeno Concilio, ut quandoque possit sumi pro relativo, et praecipue in
plurali, cum dicimus quod pater et filius et spiritus sanctus sunt tres
personae, vel cum termino partitivo adiuncto, ut cum dicitur: alia est persona
patris, alia filii; vel cum dicitur: filius est alius a patre in persona. In
singulari autem cum absolute praedicatur, potest indifferenter significare
essentiam vel personam, ut cum dicitur: pater est persona, vel filius est
persona.- Et haec videtur esse opinio Magistri in I sententiarum. A. Car certains disent que la
personne signifie l'un et l'autre10, mais de maniиre йquivoque. Ils disent en
effet que ce nom de personne, quant а
lui, signifie l'essence dans l'absolu, tant au singulier qu'au pluriel, comme
ce nom Dieu, ou bon, ou grand; mais а
cause de l'insuffisance des noms pour parler de Dieu, celui-ci a йtй adoptй par
les saints Pиres au Concile de Nicйe, pour que, quelquefois il puisse кtre pris
pour relation, et surtout au pluriel, quand nous disons que le Pиre, le Fils et
l'Esprit saint sont trois personnes, ou avec un terme partitif joint, comme
quand on dit: Autre est la personne du
Pиre; autre celle du Fils; ou quand on dit: Le Fils est autre que le Pиre en personne. Au singulier, quand il
est attribuй dans l'absolu, il peut indiffйremment signifier l'essence ou la
personne, comme quand on dit: Le Pиre est
une personne, ou Le Fils est une
personne. — Et cela paraоt кtre l'opinion du Maоtre dans le livre I des
Sentences (D. 25). Sed non videtur sufficienter dici: non enim absque ratione
ex propria significatione nominis sumpta, sancti patres divinitus inspirati,
hoc nomen invenerunt ad confessionem verae fidei exprimendam; et praecipue quia
dedissent occasionem erroris dicendo tres personas, si hoc nomen persona
significat essentiam absolute. Mais on voit bien que ce n’est pas suffisant. Car ce n'est pas sans une
raison tirйe de la propre signification du nom, que les saints Pиres,
divinement inspirйs, ont trouvй ce nom pour exprimer la confession de la vraie
foi; et surtout parce qu'ils auraient donnй une occasion d'erreur en parlant de
trois personnes, si ce nom personne
signifiait l'essence dans l’absolu. Et ideo alii dixerunt quod simul significat essentiam, et
relationem, sed non aequaliter; sed unum in recto, et aliud in obliquo. Quorum
quidam dixerunt, quod significat essentiam in recto, et relationem in obliquo;
quidam e converso. B. Et c'est pourquoi d'autres ont
dit qu'il signifie l'essence et la relation en mкme temps, mais pas а
йgalitй: l'une directement, l'autre indirectement. Certains d'entre eux ont dit
qu'il signifie l'essence directement et la relation indirectement, certains ont
dit le contraire. Sed neutri dubitationem solvunt: quia si essentiam in recto
significant, non deberet pluraliter praedicari; si vero relationem, non deberet
ad se dici, nec de singulis praedicari. Et ideo alii dixerunt quod significat utrumque
in recto. Mais aucune des deux opinions ne supprime l’incertitude; parce que,
s'ils signifient l'essence directement, on ne devrait pas l’attribuer au
pluriel, mais si c’est la relation, on ne devait pas en parler dans l’absolu,
ni l’attribuer а chaque personne Quorum quidam dixerunt, quod significat essentiam et
relationem ex aequo, et neutrum circa aliud ponitur. C. Certains d'entre eux ont dit qu'il signifie l'essence et la relation
а йgalitй et aucune des deux n'est placйe en rapport avec autre chose. Sed hoc non est intelligibile: quia quod non significat unum
nihil significat. Unde omne nomen significat unum in una acceptione, ut dicit
philosophus in IV Metaph. Mais cela n'est pas comprйhensible; parce que ce qui ne signifie pas
l'unitй ne signifie rien. C'est pourquoi tout nom signifie l’unitй dans une
seule acception, comme le dit le philosophe (Mйtaphysique, IV, 2, 1003 b 25 ss.11) Et ideo alii dixerunt quod relatio ponitur circa absolutum.
Quod quidem difficile est videre, cum relationes non determinent essentiam in
divinis. D. Et c'est pourquoi, d'autres
ont dit que la relation est en rapport avec l'absolu. Ce qui est difficile
а voir, puisque les relations ne dйterminent pas l'essence en Dieu. Sed sciendum, quod aliquid significat
dupliciter: uno modo formaliter, et alio modo materialiter. Mais il faut savoir qu’une chose signifie de deux maniиres;
formellement et matйriellement Formaliter quidem significatur per nomen ad id quod
significandum nomen est principaliter impositum, quod est ratio nominis; sicut
hoc nomen homo significat aliquid compositum ex corpore et anima rationali. a) Est signifiй formellement
par ce nom dont on se sert principalement pour le signifier, et qui en est la
notion, comme ce nom homme signifie
quelque chose de composй d'un corps et d'une вme raisonnable. Materialiter vero significatur per nomen, illud in quo talis
ratio salvatur; sicut hoc nomen homo significat aliquid habens cor et cerebrum
et huiusmodi partes, sine quibus non potest esse corpus animatum anima
rationali b) Est signifiй matйriellement
par ce nom ce en quoi une telle notion est conservйe, comme ce nom homme signifie un кtre qui a un corps,
un cerveau et des organes de ce genre, sans lesquels il ne peut pas кtre un
corps animй par une вme raisonnable. . Secundum hoc ergo dicendum est, quod hoc nomen persona
communiter sumpta nihil aliud significat quam substantiam individuam rationalis
naturae. Et quia sub substantia individua rationalis naturae continetur substantia
individua,- id est incommunicabilis et ab aliis distincta, tam Dei quam hominis
quam etiam Angeli,- oportet quod persona divina significet subsistens
distinctum in natura divina, sicut persona humana significat subsistens
distinctum in natura humana; et haec est formalis significatio tam personae
divinae quam personae humanae. Selon cela, il faut donc dire que ce nom personne, pris communйment ne signifie rien d'autre que la
substance individuelle de nature raisonnable. Et parce que sous la substance individuelle
de nature raisonnable est contenue la substance individuelle,— c'est-а-dire
incommunicable et distincte des autres, tant de Dieu que de l'homme, et de
l'ange aussi — il faut que la personne divine signifie le subsistant distinct
dans la nature divine, comme la personne humaine signifie un subsistant
distinct dans la nature humaine et c'est la signification formelle tant de la
personne divine que de la personne humaine. Sed quia distinctum subsistens in natura humana non est nisi
aliquid per individualem materiam individuatum et ab aliis diversum, ideo
oportet quod hoc sit materialiter significatum, cum dicitur persona humana. Mais parce que le subsistant distinct dans la nature humaine n’est que
quelque chose d'individuй par la matiиre individuelle, et diffйrente des autres
choses, il faut que cela soit signifiй matйriellement, quand on parle de la
personne humaine. Distinctum vero incommunicabile in natura divina non potest
esse nisi relatio, quia omne absolutum est commune et indistinctum in divinis.
Relatio autem in Deo est idem secundum rem quod eius essentia. Et sicut
essentia in Deo idem est et habens esse essentiam, ut deitas et Deus: ita idem
est relatio et quod per relationem refertur. Unde sequitur quod idem sit
relatio et distinctum in natura divina subsistens. Mais ce qui est distinct et incommunicable dans la nature divine ne
peut кtre qu’une relation, parce que tout ce qui est absolu est commun et
indistinct en Dieu. Mais en lui la relation est en rйalitй identique а son
essence. Et de mкme que l'essence est identique а ce qui possиde l’essence,
comme la Divinitй et Dieu, de mкme la relation et ce qui est rйfйrй par
relation est identique. C'est pourquoi il en dйcoule que la relation et ce qui
subsiste de distinct dans la nature divine est identique. Patet ergo quod persona, communiter sumpta, significat
substantiam individuam rationalis naturae; persona vero divina, formali
significatione, significat distinctum subsistens in natura divina. Et quia hoc
non potest esse nisi relatio vel relativum, ideo materiali significatione
significat relationem vel relativum. Et propter hoc potest dici, quod
significat relationem per modum substantiae, non quae est essentia, sed quae
est hypostasis; sicut et relationem significat non ut relationem, sed ut
relativum, idest ut significatur hoc nomine pater, non ut significatur hoc
nomine paternitas. Sic enim relatio significata includitur oblique in
significatione personae divinae, quae nihil aliud est quam distinctum relatione
subsistens in essentia divina. Il est donc clair que la personne, prise communйment, signifie
la substance individuelle de nature raisonnable, mais la personne divine, par
sa signification formelle, signifie un subsistant distinct dans la nature
divine. Et parce que cela ne peut кtre que relation ou relatif, elle signifie
par signification matйrielle la relation ou le relatif. Et ainsi on peut dire
qu'il signifie la relation par mode de substance, qui n’est pas l'essence, mais
l'hypostase; de mкme elle signifie aussi la relation, non comme telle, mais
comme relatif, c'est-а-dire qu’elle est signifiй par ce nom Pиre et non par ce nom paternitй. Car ainsi la relation
signifiйe est incluse indirectement dans la signification de la personne
divine, qui n'est rien d'autre qu’un subsistant, distinct par relation dans
l'essence divine.
Solutions: q. 9 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod quid non solum
quaerit de essentia sed quandoque etiam de supposito, ut: quid natat in mari?
Piscis. Et sic, ad quid respondendum est per nomen persona. # 1. Quid non seulement interroge sur l'essence, mais quelquefois aussi
sur le suppфt; comme “Qui nage dans la mer?" — "un poisson". Et
ainsi а quid il faut rйpondre par le
nom de personne. q. 9 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum quod, propter modum
significandi huius nominis persona, dicit Augustinus: idem est Deo esse quod
persona esse. Non enim significat per modum relationis, sicut pater et filius. #2. A cause de la maniиre de signifier de ce nom personne, Augustin dit (La
Trinitй, VII, 6): "C'est la mкme
chose d'кtre pour Dieu que d'кtre une personne.". Car il ne signifie
pas par mode de relation, comme Pиre et Fils. q. 9 a. 4 ad 3 Ad tertium dicendum quod hoc provenit ex formali
significatione personae quod ad se dicitur et ad aliud non refertur. # 3. Ce qui est dit pour soi et ne se rйfиre pas а un autre provient de
la signification formelle de la personne. q. 9 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum quod essentia est communis
re in divinis, sed persona secundum rationem tantum, sicut et hoc nomen
relatio. # 4. En Dieu, l’essence est commune en rйalitй, mais la personne en
raison seulement, en tant que nom de relation. q. 9 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum quod in divinis nihil est
diversificatum secundum esse, cum ibi sit tantum unum esse. Hoc autem est
contra rationem universalis; et ideo non est ibi universale, licet sit ibi unum
secundum rationem, et non secundum rem. # 5. En Dieu rien n'est diffйrenciй selon l'кtre, puisqu'il n'y en a
qu'un seul. Or c'est contre la notion de l'universel, et c'est pourquoi il n’y
en a pas, bien qu'il y ait l’unitй en raison et non en rйalitй. q. 9 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum quod, hoc quod persona aliud
significat in Deo et homine, pertinet ad diversitatem suppositionis magis quam
ad diversam significationem huius communis, quod est persona. Diversa autem
suppositio non facit aequivocationem, sed diversa significatio. # 6. Que le nom de personne signifie autre chose en Dieu et dans
l'homme appartient а la diversitй de la supposition12 plus qu'а la signification diffйrente de
ce qui est commun, qui est la personne.
Mais кtre suppфt de maniиre diffйrente n’apporte pas d'йquivoque mais une
signification diffйrente. q. 9 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet relatio accidat
ei quod significatur communiter per hoc nomen persona, non tamen accidit
personae divinae, sicut ostensum est. # 7. Bien que la relation arrive а ce qui est signifiй communйment par
ce nom de personne, elle n'arrive
cependant pas а la personne divine, comme on l'a montrй. q. 9 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum, quod obiectio illa procedit
de formali significatione nominis, et non de materiali. # 8. Cette objection procиde de la signification formelle du nom et non
de sa signification matйrielle. q. 9 a. 4 ad 9 Et similiter dicendum ad nonum. # 9. Et il faut dire de mкme pour cette objection. q. 9 a. 4 ad 10 Ad
decimum dicendum, quod substantia prima dicitur absoluta, quasi ab alio non
dependens. Relativum autem in divinis non excludit absolutum quod est ab alio
dependens; sed excludit absolutum quod ad aliud non refertur. # 10. La substance premiиre est dite absolue, comme ne dйpendant pas
d'un autre. Mais le relatif en Dieu n'exclut pas l'absolu, qui dйpend d'un
autre, mais il exclut celui qui ne se rйfиre pas а un autre. q. 9 a. 4 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod ista propositio,
nulla relatio est substantia, est immediata, si accipiatur relatio et
substantia quae sunt in genere. Sed Deus non limitatur terminis alicuius
generis, sed habet in se perfectiones omnium generum. Unde non distinguitur in
eo secundum rem relatio et substantia. # 11. Cette proposition: Aucune
relation n'est une substance est йvidente, si on prend la relation et la
substance qui sont dans le genre. Mais Dieu n'est pas limitй par les termes
d'un genre: il a en lui les perfections de tous les genres. C'est pourquoi on
ne distingue pas rйellement en lui la relation et la substance. q. 9 a. 4 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod per se existens
opponitur ad non per se existens, non autem ei quod est ad aliquid. # 12. Ce qui existe par soi est opposй а ce qui n'existe pas par soi,
mais pas а ce qui est relation. q. 9 a. 4 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod persona
secundum nomen ad aliud non refertur, propter modum quem significat. # 13. La personne par son nom ne se rйfиre pas а autre chose, а cause
de la maniиre d’кtre qu'elle signifie. q. 9 a. 4 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod unum in
divinis se habet communiter ad essentiam et relationem; dicimus enim quod
essentia est una, et quod pater est unus. # 14. L’unitй en Dieu est se
comporte de maniиre commune vis-а-vis de l'essence et de la relation; car nous
disons que l'essence est une, et que le Pиre est un. q. 9 a. 4 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod forte modus
ille processionis diversus,- quo dicitur filius procedere per modum
intellectus, spiritus sanctus vero per modum voluntatis,- non sufficit ad
distinguendum personaliter spiritum sanctum a filio, cum voluntas et
intellectus non distinguantur personaliter in divinis. Si tamen concedatur quod
hoc ad eorum distinctionem sufficiat, manifestum est quod uterque a patre per
relationem distinguitur, prout unus eorum procedit a patre ut genitus, alius ut
spiratus; et hae relationes constituunt eorum personas. # 15. C’est par hasard que ce mode diffйrent de procession — par lequel
on dit que le Fils procиde par mode d'intellection et l'Esprit saint par mode
de volontй — ne suffit pas а distinguer personnellement l'Esprit saint du Fils,
puisque la volontй et l'intellect ne sont pas distinguйs pour chaque personne
en Dieu. Cependant si on concиde que cela suffit а leur distinction, il est
clair que l'un et l'autre sont distinguйs du Pиre par relation, dans la mesure
oщ l'un d'eux procиde du Pиre comme engendrй, l'autre comme spirй; et ces
relations constituent leurs personnes. q. 9 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod sicut
relatio significat ut distinguens in divinis, ita relatum significatur ut
distinctum. In Deo autem non est aliud relatio et relatum, sicut nec
essentia et quod est; et ideo nec distinguens et distinctum in Deo differunt. # 16. De la mкme maniиre que la relation apporte une signification en
tant qu’elle apporte une distinction en Dieu, le relatif est signifiй comme
distinct. Mais en Dieu, la relation et le relatй ne sont pas diffйrents, de mкme
que l'essence et ce qui est, non plus; et c'est pourquoi ce qui apporte la
distinction et ce qui la subit n’est pas diffйrent en Dieu. q. 9 a. 4 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod proprietas in
divinis non est accidentalis, sed est idem secundum rem ei cuius est
proprietas; sed differt secundum modum intelligendi. Persona ergo non
significat relationem prout est proprietas, sed prout est proprietati et
essentiae subsistens. # 17. La propriйtй en Dieu n'est pas accidentelle, mais elle est
identique en rйalitй а ce dont elle est la propriйtй; mais elle diffиre selon
la maniиre de la comprendre. Donc la personne ne signifie pas la relation en
tant que propriйtй, mais selon qu'elle subsiste а la propriйtй et а l'essence. q. 9 a. 4 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod licet
universale non possit esse praeter singularia, potest tamen intelligi, et per
consequens significari. Et propter hoc sequitur, si non est aliquod
singularium, quod non sit universale. Non tamen sequitur, si non intelligitur
aut significatur aliquod singularium, quod non intelligatur vel significetur
universale: hoc enim nomen homo non significat aliquem singularium hominum, sed
solum hominem in communi; et similiter hoc nomen persona, etsi non significet
paternitatem neque filiationem neque communem spirationem aut processionem,
tamen significat relationem in communi, per modum iam dictum, sicut et hoc
nomen relatio suo modo. # 18. Bien que l'universel ne puisse pas exister en dehors du
singulier, on peut cependant le comprendre, et par consйquent le signifier.
C’est pour cela qu’il en dйcoule, s’il n’y a pas de singulier, qu'il n’y a pas
d’universel. Il n'en dйcoule pas cependant, si quelque chose de particulier
n'est pas compris, ni signifiй, que l’universel n'est pas compris ni signifiй;
car ce nom d'homme ne signifie pas
l’un des hommes particuliers, mais seulement l'homme en commun, et
semblablement ce nom de personne,
mкme s'il ne signifie pas la paternitй ou la filiation, ni la spiration commune
ou la procession, signifie cependant la relation en commun par la maniиre dйjа
dite (dans le corps de l'article) comme ce nom relation le fait aussi а sa maniиre.
1 A savoir, la signification du mot
"personne" l’essence ou la relation? 2 Ia, qu. 29, a. 4 — I Sent. d23a3 — d26q1a1. 3
"Le Pиre, le Fils, le saint Esprit sont trois, nous cherchons donc trois
quoi?." (BA p. 530-531). Augustin ne cite pas Jean (Йd. Jeunes, note 50,
p. 183) Ce texte n’appartient pas а la Vulgate. Il n’y apparaоt qu’au IXe
siиcle. Note 57 p. 186. Thomas s’est inspirй de Pierre Lombard. 4
"Car pour Dieu, кtre et кtre une personne n'est pas diffйrent, c'est
absolument la mкme chose." (BA). 5
""Personne" est un terme absolu; non un terme relatif au Fils,
ou au saint Esprit, comme sont des termes absolus, Dieu, grand, bon, juste"
(BA p. 540). Augustin dit avant ce texte: "…de mкme que la substance du
Pиre est le Pиre lui-mкme, non par ce qui fait le Pиre, mais ce qui le fait
кtre, pareillement la Personne du Pиre n’est pas autre chose que le Pиre
lui-mкme…" 6
Il est difficile de trouver en franзais un terme qui convienne aux deux
significations. 7
"Ratio namque cuius nomen est signum definitio est", "La
notion…signifiйe par le nom est la dйfinition." 8
Donc il rappelle que la relation est une catйgorie. En Pot. 8, 2, obj. 1, on trouve les mкmes phrases mais inversйes:
aucune substance n’est une relation… 9
C'est-а-dire la substance et l'accident. 10
Le relatif et l’absolu. 11
Aristote n° 301."Maintenant, l’Etre et l’un sont identiques et de mкme
nature, en ce qu’ils sont corrйlatifs l’un de l’autre,…" 12
Comprendre le fait d’кtre suppфt.
Article 5: Le nombre des personnes est-il en Dieu?
q. 9 a. 5 tit. 1 Quinto quaeritur utrum
numerus personarum sit in divinis. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objections: q. 9 a. 5 arg. 1 Dicit enim Boetius: hoc vere unum est in quo
nullus est numerus. Sed Deus est verissime unus. Ergo in eo nullus est numerus. 1. Car Boиce dit (La Trinitй, 3, PL. 64, 1251 A): "Est vraiment un ce en quoi il n'y a
aucun nombre". Mais Dieu est absolument un. Donc il n'y a aucun nombre
en lui2. q. 9 a. 5 arg. 2 Sed dicendum, quod in Deo non est numerus
simpliciter, sed numerus personarum.- Sed contra, semper ad secundum quid
sequitur simpliciter, quando determinatio non est diminuens; sequitur enim: est
homo albus; ergo est homo; sed non sequitur: est homo mortuus; ergo est homo.
Sed hoc quod dicitur numerus personarum, non est determinatio diminuens, cum
persona sit quoddam completissimum. Ergo sequitur, si est in divinis numerus
personarum, quod sit ibi numerus simpliciter. 2. Mais il faut dire qu'en
Dieu il n'y a absolument pas de nombre, mais le nombre des personnes. — En sens contraire, toujours pour ce qui
en dйcoule dans l’absolu, quand la dйfintion partielle ne s’affaiblit pas, car
il en dйcoule: "L'homme est blanc,
donc c'est un homme", mais il n'en dйcoule pas: "L'homme est mort, donc c'est un homme".
Mais ce qui est dit du nombre des personnes n'est pas une dйfinition partielle
qui limite, puisque la personne est quelque chose de trиs complet. Donc il en
dйcoule, s'il y a en Dieu le nombre des personnes, qu'il y aurait un nombre
dans l'absolu. q. 9 a. 5 arg. 3 Praeterea, uni opponitur multitudo, secundum
philosophum. Sed opposita non insunt eidem. Cum ergo in Deo sit summa unitas,
non potest in eo esse aliquis numerus vel aliqua pluralitas. 3. La pluralitй s'oppose а l'unitй, selon le philosophe (Mйtaphysique, X, 6, 1056 b 323). Mais les opposйs ne sont pas dans une mкme
rйalitй. Donc comme en Dieu, il y a unitй suprкme, il ne peut pas y avoir en
lui de nombre ou de pluralitй. q. 9 a. 5 arg. 4 Praeterea, ubicumque est numerus, ibi est
pluralitas unitatum. Ubi autem sunt plures unitates, ibi est multiplex esse:
aliud enim est esse huius unitatis, et aliud illius. Si ergo in Deo est
numerus, oportet quod sit in eo multiplex essentia; quod patet esse falsum. 4. Partout oщ il y a un nombre, il y a pluralitй d'unitйs. Mais lа oщ
il y a plusieurs unitйs, l'кtre est multiple: car l'кtre de cette unitй est
diffйrent de celui de cette autre. Si donc il y a un nombre en Dieu, il faut
qu'il y ait en lui une essence multiple; il est йvident que c’est faux. q. 9 a. 5 arg. 5 Sicut unum est indivisum, ita multitudo non
est sine divisione. Sed in Deo non potest esse aliqua divisio, cum non sit ibi
aliqua compositio. Ergo non potest esse in divinis aliquis numerus. 5. De mкme que l'un est indivisible, de mкme la pluralitй n'est pas
sans division. Mais en Dieu, il ne peut pas y avoir de division, puisqu'il n'y
a aucune composition. Donc il ne peut pas y avoir de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 6 Praeterea, omnis numerus habet partes:
componitur enim ex unitatibus. Sed in Deo non sunt aliquae partes, cum non sit
ibi compositio. Ergo in Deo non est numerus. 6. Tout nombre a des parties; car il est composй d'unitйs, mais en
Dieu, il n'y a pas de parties, puisqu'il n'y a pas de composition. Donc il n'y
a pas de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 7 Praeterea, illud per quod creatura differt a
Deo, non debet Deo attribui. Creatura autem differt a Deo per hoc quod in
numero quodam constituta est, secundum illud Sap. cap. XI, 21: omnia in numero,
pondere et mensura constituisti. Numerus ergo non debet poni in divinis. 7. Ce par quoi la crйature diffиre de Dieu ne doit pas кtre attribuй а
Dieu. Car elle diffиre de lui par le fait qu'elle a йtй constituйe dans un
nombre, selon cette parole de la Sagesse
(11, 21): "Tu as tout constituй en
nombre, poids et mesure". Donc on ne doit pas placer de nombre en
Dieu. q. 9 a. 5 arg. 8 Praeterea, numerus est species quantitatis. In
Deo autem non est aliqua quantitas; propter quod si aliquid quantitatem
significans in divinam praedicationem venerit, mutatur in substantiam, ut dicit
Boetius. Aut ergo numerus nullo modo est in divinis, aut ad substantiam
pertinet, quod est contra fidem. 8. Le nombre est une espиce de la quantitй. Mais en Dieu il n'y a pas
de quantitй, parce que, si un йlйment signifiant la quantitй est venu dans
l'attribution divine, il est changй en sa substance, comme le dit Boиce (La Trinitй). Ou bien donc le nombre
n'est en aucune maniиre en Dieu, ou il convient а sa substance, ce qui est
contre la foi. q. 9 a. 5 arg. 9 Praeterea, ubicumque est numerus, ibi sunt
numeri passiones, ut perfectum et diminutum, multiplicatio et divisio, et alia
huiusmodi quae consequuntur numerum. Haec autem in Deo esse non possunt. Ergo
in Deo non potest esse numerus. 9. Partout oщ il y a un nombre, il y a ce qui supporte le nombre, comme
ce qui est parfait et ce qui est limitй, la multiplication et la division, et
autres choses, qui dйcoule du nombre. Mais cela n'est pas possible en Dieu.
Donc, il ne peut pas y avoir de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 10 Praeterea, omnis numerus finitus est. Quod
ergo infinitum, non est numerabile. Ergo cum Deus sit infinitus, in eo non
potest esse numerus. 10. Tout nombre est fini. Donc ce qui est infini n'est pas mesurable.
Donc, comme Dieu est infini, il ne peut pas y avoir de nombre en lui. q. 9 a. 5 arg. 11 Sed dicendum, quod Deus etsi est infinitus
nobis, est tamen finitus sibi.- Sed contra, verius
competit Deo quod competit ei secundum seipsum quam quod competit ei secundum
nos. Si ergo Deus est finitus sibi, infinitus autem nobis, verius est
finitus, quam infinitus; quod patet esse falsum. 11. Mais il faut dire que,
mкme si Dieu est infini pour nous, il est cependant fini pour lui.— En sens contraire, ce qui appartient а
Dieu d’aprиs lui-mкme, lui appartient vraiment plus que ce qui lui appartient
d’aprиs nous. Si donc Dieu est fini pour lui, mais infini pour nous, il est
plus vraiment fini qu'infini; il est clair que c’est faux. q. 9 a. 5 arg. 12 Praeterea, secundum philosophum, numerus est
multitudo mensurata per unum. Deus est mensura non mensurata. Ergo in Deo non
est numerus. 12. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
X, 6, 1057 a 34), le nombre est la
pluralitй mesurйe par l'un. Dieu est la mesure non mesurйe. Donc en Dieu il n'y
a pas de nombre. q. 9 a. 5 arg. 13 Praeterea, in omni natura quae non differt a
suo supposito, impossibile est multiplicari supposita illius naturae: propter
hoc enim possibile est esse plures homines in una natura humana, quia hic homo
non est sua humanitas; et ideo multiplicatio individuorum in una natura humana,
consequitur diversitatem principiorum individualium, quae non sunt de ratione
naturae communis. In substantiis autem immaterialibus in quibus ipsa natura
speciei est suppositum subsistens, non est possibile esse plura individua unius
speciei. Sed in Deo est idem natura et suppositum, quia ipsum esse divinum,-
quod est natura divina,- est subsistens. Impossibile est ergo quod in natura
divina sint plura supposita vel plures personae. 13. Dans toute nature qui n’est pas diffйrente de son suppфt, il est
impossible de multiplier les suppфts de cette nature, car, c'est pour cela
qu'il est possible qu'il y ait plusieurs hommes dans la nature humaine, parce
que cet homme n'est pas son humanitй; et c'est pourquoi la multiplication des
individus dans une seule nature humaine, suppose la diversitй des principes
individuels, qui ne sont pas du concept de la nature commune. Mais dans les
substances immatйrielles, en qui la nature de l'espиce est un suppфt
subsistant, il n'est pas possible qu'il y ait plusieurs individus d'une seule
espиce. Mais en Dieu, la nature et le suppфt sont identiques, parce que l’кtre
divin — qui est la nature divine — est subsistant. Donc il est impossible que
dans la nature divine il y ait plusieurs suppфts ou plusieurs personnes. q. 9 a. 5 arg. 14
Praeterea, persona est nomen rei. Ergo ubi non est numerus rerum, non est
numerus personarum. Sed in Deo non est numerus rerum; dicit enim Damascenus,
quod in divinis pater et filius et spiritus sanctus re quidem sunt unum,
ratione autem et cogitatione differunt. Ergo in Deo non est numerus personarum. 14. La personne est le nom d’une rйalitй. Donc lа oщ il n'y a pas le
nombre des rйalitйs, il n'y a pas le nombre des personnes. Mais en Dieu il n'y
a pas le nombre des rйalitйs, car Jean Damascиne dit (la foi orthodoxe, I, 11) que le Pиre, le Fils et l'Esprit saint
sont un en rйalitй, mais ils diffиrent en raison et en pensйe. Donc en Dieu il
n'y a pas le nombre des personnes. q. 9 a. 5 arg. 15 Praeterea, impossibile est in aliquo uno esse
rerum pluralitatem absque rerum compositione: Deus autem unus est. Si ergo in
Deo sunt plures personae, quod est esse plures res, sequitur quod in eo sit
compositio; quod simplicitati divinae repugnat. 15. Il est impossible que dans un кtre unique, il y ait pluralitй sans
composition. Mais Dieu est un. Si donc en lui il y a plusieurs personnes, ce
qui correspond а plusieurs rйalitйs, il en dйcoule qu'il y a en lui
composition, ce qui s'oppose а la simplicitй divine. q. 9 a. 5 arg. 16 Praeterea, absolutum perfectius est quam
relatum. Sed proprietates absolutae, idest attributa essentialia, ut sapientia,
iustitia et huiusmodi, non constituunt in Deo plures personas. Ergo nec
proprietates relativae, ut paternitas et filiatio. 16. L'absolu est plus parfait que le relatif. Mais les propriйtйs
absolues, c'est-а-dire les attributs essentiels, comme la sagesse la justice,
etc., ne constituent pas plusieurs personnes en Dieu. Donc, les propriйtйs
relatives, comme la paternitй et la filiation non plus. q. 9 a. 5 arg. 17 Praeterea, ea quibus aliqua ab invicem
distinguuntur, comparantur ad ipsa sicut differentiae constitutivae ipsorum. Si
ergo personae in divinis relationibus distinguuntur, oportet quod relationes
sint quasi differentiae constitutivae personarum; et ita in personis divinis
erit aliqua compositio, cum differentia adveniens generi constituat speciem. 17. Ce par quoi certaines choses se distinguent les unes des autres est
assimilй а elles, comme leurs diffйrences constitutives. Si donc les personnes
en Dieu se distinguent par des relations, il faut qu'elles soient comme les
diffйrences constitutives des personnes et ainsi en elles, il y aura une
composition, puisqu’une diffйrence qui s’ajoute а un genre constitue une
espиce. q. 9 a. 5 arg. 18 Praeterea, ea quae distinguuntur per formas
specie differentes, necesse est specie differre; sicut homo et equus differunt
specie sicut rationale et irrationale. Paternitas autem et filiatio sunt
relationes specie differentes. Ergo si personae divinae solis relationibus
distinguuntur, necesse est quod specie differant; et ita non erunt unius
naturae, quod est contra fidem. 18. Ce qui est distinguй par des formes diffйrentes en espиces, diffиre
nйcessairement en espиce; comme l'homme et le cheval diffиrent en espиce, en
tant que raisonnable et non raisonnable. Mais la paternitй et la filiation sont
des relations diffйrentes en espиce. Donc si les personnes divines se
distinguent par les seules relations, il est nйcessaire qu'elles diffйrent en
espиce, et ainsi elles ne seront pas d'une seule nature, ce qui est contre la
foi. q. 9 a. 5 arg. 19 Praeterea, non est intelligibile quod aliqua
sint supposita diversa, quorum est unum esse. Sed in divinis non est nisi unum
esse. Ergo impossibile est quod sint ibi plura supposita vel plures personae. 19. Il n'est pas pensable qu'il y ait des suppфts diffйrents dont
l'кtre soit unique. Mais en Dieu il n'y a qu'un seul кtre. Donc il est
impossible qu'il y ait plusieurs suppфts ou plusieurs personnes. q. 9 a. 5 arg. 20 Praeterea, cum creatio sit proprie actio Dei,
oportet quod procedat a quolibet supposito divinae naturae. Impossibile est
autem quod haec actio, cum sit una, proveniat a pluribus suppositis, quia una
actio non est nisi ab uno agente. Ergo impossibile est quod divinae naturae
sint plura supposita sive plures personae. 20. Comme la crйation est proprement l'action de Dieu, il faut qu'elle
procиde d'un suppфt de nature divine. Mais il est impossible que cette action,
puisqu'elle est unique, provienne de plusieurs suppфts, parce qu'une action
unique ne vient que d'un seul agent. Donc il est impossible qu’il y ait
plusieurs suppфts ou plusieurs personnes de nature divine. q. 9 a. 5 arg. 21 Praeterea, diversitas proprietatum non facit
diversa supposita in istis inferioribus: non enim per hoc quod hic est albus et
ille niger, est hoc suppositum humanae naturae aliud ab illo. Sed per
diversitatem materiae individualis, quae est substantia individuorum, hoc
suppositum est aliud ab illo. Si ergo in divinis non est distinctio nisi per
proprietates relativas, impossibile est quod sit ibi pluralitas suppositorum
vel personarum. 21. La diversitй des propriйtйs ne rend pas diffйrents les suppфts dans
les choses infйrieures; car ce n'est pas par cela que celui-ci est blanc et
celui-lа noir, et ce suppфt de nature humaine diffйrent de celui-lа. Mais par
la diversitй de la matiиre individuelle qui est la substance des individus, ce
suppфt est diffйrent de celui-lа. Donc si en Dieu il n'y a de distinction que
par les propriйtйs relatives, il est impossible qu'il y ait pluralitй de
suppфts ou de personnes. q. 9 a. 5 arg. 22
Praeterea, supremae creaturae sunt Deo similiores quam infimae. In infimis autem creaturis sunt plura supposita in una
natura, non autem in supremis sicut in corporibus caelestibus. Ergo nec in Deo
sunt plures personae in una natura. 22. Les crйatures les plus hautes sont plus semblables а Dieu que les
plus petites. Mais dans ces derniиres, il y a plusieurs suppфts dans une seule
nature; mais pas dans les plus hautes, comme dans les corps cйlestes. Donc il
n'y a pas plusieurs personnes en Dieu dans une seule nature. q. 9 a. 5 arg. 23 Praeterea, quando tota perfectio speciei
invenitur in uno supposito, non sunt plura supposita illius naturae, sicut
philosophus probat, quod est unus tantum mundus, quia constat ex tota sua
materia. Tota autem perfectio divinae naturae invenitur
in uno supposito. Non ergo sunt plura supposita vel personae in una natura. 23. Quand toute la perfection de l'espиce se trouve dans un seul
suppфt, il n'y en a pas plusieurs de cette nature; ainsi le philosophe prouve (Le ciel et le monde I, 1, 268 b 65), qu'il n’y a qu’un seul monde, parce qu'il
est composй de toute sa matiиre. Mais toute la perfection de la nature divine
se trouve en un suppфt. Donc il n'y a pas plusieurs suppфts ou personnes dans
une seule nature. q. 9 a. 5 arg. 24 Sed dicendum, quod ad plenitudinem gaudii
requiritur quod sit consortium plurium in divina natura, quia nullius rei sine
consortio potest esse iucunda possessio, ut dicit Boetius. Oportet etiam ad
perfectionem amoris ut unus diligat alterum quantum seipsum.- Sed contra,
plenitudinem gaudii et amoris habere in alio, est eius qui non habet bonitatis
sufficientiam in seipso. Unde philosophus dicit, quod mali, qui non habent
delectabile in seipsis, quaerunt cum aliis conversari; boni autem quaerunt
conversari secum, quasi in seipsis causam iucunditatis habentes. Divina autem
natura non potest esse absque omni sufficientia bonitatis. Ergo cum unum
suppositum divinae naturae habeat in se omnem plenitudinem gaudii et amoris,
non propter hoc oportet ponere in divinis plura supposita vel plures personas. 24. Mais il faut dire qu'il
est requis pour la plйnitude de la joie qu'il y ait une association de
plusieurs dans la nature divine, parce que rien, sans association il ne peut
pas y avoir une joyeuse possession, comme le dit Boиce. Il faut aussi pour la
perfection de l'amour que l'un aime l'autre autant que lui-mкme. En sens contraire, possйder la plйnitude
de la joie et de l’amour dans un autre appartient а celui qui n’a pas en lui
suffisamment de bontй. C'est pourquoi le philosophe dit (Ethique, IX, 4, 1166 b 206)
que les mйchants qui n'ont rien de dйlectable en eux-mкmes cherchent а кtre
avec les autres; mais les bons cherchent а demeurer avec eux-mкmes, comme
possйdant la cause de leur joie. Mais la nature divine ne peut pas exister sans
toute la suffisance de la bontй. Donc comme un suppфt de nature divine a en lui
toute la plйnitude de la joie et de l'amour, ce n'est pas pour cela qu’il faut
placer en Dieu plusieurs suppфts ou plusieurs personnes. En sens contraire: q. 9 a. 5 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicitur I Ioan. cap. V,
7: tres sunt qui testimonium dant in caelo: pater, verbum et spiritus sanctus. 1. Il y a ce que dit Jean (I Jn V, 7): "Ils sont trois а donner leur tйmoignage au ciel, le Pиre, le Verbe et l'Esprit saint7". q. 9 a. 5 s. c. 2 Praeterea, Athanasius dicit in symbolo: totae
tres personae aeternae sibi sunt et coaequales. Ergo est in divinis numerus
personarum. 2. Athanase dit dans son symbole: "Toutes les trois personnes coйternelles sont aussi coйgales entre elles8". Donc le nombre des personnes est en
Dieu. Rйponse: q. 9 a. 5 co. Respondeo. Dicendum quod pluralitas personarum in
divinis est de his quae fidei subiacent, et naturali ratione humana nec
investigari nec sufficienter intelligi potest; sed in patria intelligendum
expectatur, cum Deus per essentiam videbitur visione fidei succedente. Sed
tamen sancti patres propter instantiam eorum qui fidei contradicunt, coacti
sunt et de hoc disserere, et de aliis quae spectant ad fidem, modeste tamen et
reverenter absque comprehendendi praesumptione. Nec talis inquisitio est
inutilis, cum per eam elevetur animus ad aliquid veritatis capiendum quod
sufficiat ad excludendos errores. Unde Hilarius dicit: hoc credendo, scilicet
pluralitatem personarum in divinis, incipe, percurre, persiste; et si non
perventurum me sciam, tamen gratulabor profecturum. Qui enim pie infinita
prosequitur, etsi non contingat aliquando, tamen proficiet prodeundo. Il faut dire que la pluralitй des personnes en Dieu fait partie des
notions qui dйpendent de la foi et qui ne peuvent кtre examinйes ni comprises
suffisamment par la raison naturelle de l'homme; mais on espиre le comprendre
dans la patrie, puisque Dieu sera vu par son essence dans une vision qui
succиdera а la foi. Mais cependant les saints Pиres, а cause de l’acharnement
de ceux qui contredisent la foi, ont йtй forcйs de disserter sur ce sujet, et
sur d’autres qui regardent la foi, avec modestie cependant et rйvйrence, sans
la prйtention de comprendre. Et une telle recherche n'est pas inutile,
puisqu’elle йlиve l'esprit а comprendre une part de la vйritй qui suffit а exclure
les erreurs. C'est pourquoi Hilaire dit
(La Trinitй, II): "En croyant cela, а savoir la pluralitй
des personnes en Dieu, entreprends,
parcours, persiste, et si je savais ne pas y parvenir, cependant je me
satisferais d'avancer. Car qui recherche ce qu’est l'infini avec piйtй, mкme
s’il n'y arrive pas quelquefois, cependant fera des progrиs en avanзant ."
Ad manifestationem ergo aliqualem huius quaestionis, et
praecipue secundum quod Augustinus eam manifestat, considerandum est quod omne
quod est perfectum in creaturis oportet Deo attribui, secundum id quod est de
ratione illius perfectionis absolute; non secundum modum quo est in hoc vel in
illo. Non enim bonitas est in Deo vel sapientia secundum aliquod accidens sicut
in nobis, quamvis in eo sit summa bonitas et sapientia perfecta. Donc pour une rйelle dйcouverte sur cette question et surtout selon ce
qu'Augustin en rйvиle, il faut considйrer que tout ce qui est parfait dans les
crйatures doit кtre attribuй а Dieu, selon la nature de cette perfection dans
l’absolu; non selon le mode par lequel il est en ceci ou en cela. Car la bontй
n'est pas en Dieu, ni la sagesse, comme un accident, comme en nous, quoique en
lui la bontй soit suprкme et la sagesse parfaite. Nihil autem nobilius et perfectius in creaturis invenitur
quam intelligere; cuius signum est quod inter ceteras creaturas, intellectuales
substantiae sunt nobiliores, et secundum intellectum ad Dei imaginem factae
dicuntur. Oportet ergo quod intelligere Deo conveniat et omnia quae sunt de
ratione eius, licet alio modo conveniat sibi quam creaturis. Mais on ne trouve rien de plus noble et de plus parfait dans les
crйatures que l’intellection: le signe en est que, parmi les autres crйatures,
les substances intellectuelles sont plus nobles et, on les dit faites а l'image
de Dieu selon l’esprit. Il faut donc que l’intellection et tout ce qui la
concerne convienne а Dieu, bien qu'elle lui convienne d'une autre maniиre
qu'aux crйatures. De ratione autem eius quod est intelligere, est quod sit
intelligens et intellectum. Id autem quod est per se intellectum non est res
illa cuius notitia per intellectum habetur, cum illa quandoque sit intellecta
in potentia tantum, et sit extra intelligentem, sicut cum homo intelligit res
materiales, ut lapidem vel animal aut aliud huiusmodi: cum tamen oporteat quod
intellectum sit in intelligente, et unum cum ipso. Neque etiam intellectum per
se est similitudo rei intellectae, per quam informatur intellectus ad
intelligendum: intellectus enim non potest intelligere nisi secundum quod fit
in actu per hanc similitudinem, sicut nihil aliud potest operari secundum quod
est in potentia, sed secundum quod fit actu per aliquam formam. Haec ergo
similitudo se habet in intelligendo sicut intelligendi principium, ut calor est
principium calefactionis, non sicut intelligendi terminus. Mais en raison de ce qu’est l’intellection, il faut qu’il y ait celui
qui pense et ce qui est pensй. Car ce qui est pensй par soi n'est pas cette
chose dont on a la connaissance par l'esprit, puisque quelquefois celle-ci est
pensйe en puissance seulement et est hors de celui qui pense; ainsi quand
l’homme pense les choses matйrielles, comme la pierre ou l'animal et autres de
ce genre; alors que cependant il faut que ce qui est pensй soit dans celui qui
pense, et soit un avec lui. Et aussi ce qui est pensй par soi est la
ressemblance de la rйalitй pensйe; par laquelle l'esprit est mis en forme pour
penser. Car l'esprit ne peut penser que selon qu'il devient en acte par cette
ressemblance, puisque rien d'autre ne peut opйrer selon qu'il est en puissance,
mais selon qu'il devient en acte par la forme. Donc cette ressemblance se
comporte dans l'intellection comme son principe, comme la chaleur est le
principe de l’йchauffement, non comme son terme de l’intellection. Hoc ergo est primo et per se intellectum, quod intellectus
in seipso concipit de re intellecta, sive illud sit definitio, sive enuntiatio,
secundum quod ponuntur duae operationes intellectus, in III de anima. Hoc autem
sic ab intellectu conceptum dicitur verbum interius, hoc enim est quod
significatur per vocem; non enim vox exterior significat ipsum intellectum, aut
formam ipsius intelligibilem, aut ipsum intelligere, sed conceptum intellectus
quo mediante significat rem: ut cum dico, homo vel homo est animal. Et quantum
ad hoc non differt utrum intellectus intelligat se, vel intelligat aliud a se.
Sicut enim cum intelligit aliud a se, format conceptum illius rei quae voce
significatur, ita cum intelligit se ipsum, format conceptum sui, quod voce etiam
potest exprimere. Donc est compris d’abord par soi ce que l’esprit comprend en lui-mкme
de la rйalitй comprise, que ce soit ou bien une dйfinition ou bien un йnoncй,
selon que sont placйes les deux opйrations de l'esprit, (L'вme, III, VI, 43 b 279).
Ce qui est ainsi conзu par l'esprit est appelй verbe intйrieur10, car c'est ce qui est signifiй par le
mot; le mot extйrieur ne signifie pas, en effet, ce qui est pensй ou sa forme
intelligible ou son intellection, mais le concept de l'esprit par
l'intermйdiaire duquel il signifie la rйalitй, comme, lorsque je dis
"homme", ou "l'homme est un animal". Et а ce sujet, il n'y
a pas de diffйrence si l'esprit se comprend, ou comprend autre chose que lui.
Car, de mкme que, lorsqu’il comprend quelque chose d'autre que lui, il forme le
concept de cette rйalitй qui est signifiйe par le mot, de mкme, quand il se
comprend lui-mкme, il en forme un concept, qu'il peut aussi exprimer par un
mot. Cum ergo in Deo sit intelligere, et intelligendo seipsum
intelligat omnia alia, oportet quod ponatur in ipso esse conceptio intellectus,
quae est absolute de ratione eius quod est intelligere. Si autem possemus
comprehendere intelligere divinum quid et quomodo est sicut comprehendimus
intelligere nostrum, non esset supra rationem conceptio verbi divini, sicut
neque conceptio verbi humani. Donc comme en Dieu il y a l'intellection et qu'en se pensant lui-mкme,
il pense toutes les autres choses, il faut placer en lui une conception de
l'intellect, qui est dans l’absolu la nature de ce qu’est intellection. Mais si
nous pouvions comprendre l'intellection divine, ce qu’elle est et comment elle
est, comme nous apprйhendons notre intellection, la conception du verbe divin,
ni la conception du verbe humain ne seraient pas au-dessus de la raison. Possumus tamen scire quid non sit et quomodo non sit illud
intelligere; per quod possumus scire differentiam verbi concepti a Deo, et
verbi concepti ab intellectu nostro. Scimus enim primo quod in Deo est tantum
unum intelligere, non multiplex sicut in nobis: aliud enim est intelligere
nostrum quo intelligimus lapidem et quo intelligimus plantam; sed unum est Dei
intelligere, quo Deus intelligit et se et omnia alia. Et ideo intellectus noster
concipit multa verba, sed verbum conceptum a Deo est unum tantum. Cependant nous pouvons savoir ce
que cela n'est pas et comment cette intellection n’est pas; ainsi nous
pouvons connaоtre la diffйrence du verbe conзu par Dieu et de celui qui est conзu
par notre esprit. Car nous savons d'abord qu'en Dieu il n’y a qu’une seule
intellection, non pas une intellection multiple comme en nous. Car notre
intellection est diffйrente pour concevoir la pierre et la plante; mais en Dieu
il y en a une seule, par laquelle il se pense, lui et toutes les autres choses.
Et c'est pourquoi notre esprit conзoit de nombreuses paroles, mais le verbe
conзu par Dieu est seulement un. Iterum intellectus noster imperfecte plerumque intelligit et
seipsum et alia; intelligere autem divinum non potest esse imperfectum. Unde
verbum divinum est perfectum, perfecte omnia repraesentans: verbum autem
nostrum frequenter est imperfectum. Par contre, la plupart du temps, notre esprit se conзoit
imparfaitement, lui-mкme et les autres choses; mais l'intellection de Dieu ne
peut pas кtre imparfaite. C'est pourquoi le Verbe divin est parfait et
reprйsente tout parfaitement; mais notre verbe est frйquemment imparfait. Iterum in intellectu nostro aliud est intelligere et aliud
est esse; et ideo verbum conceptum in intellectu nostro, cum procedat ab
intellectu in quantum est intellectus, non unitur ei in natura, sed solum in
intelligere. Intelligere autem Dei est esse eius; unde verbum quod procedit a
Deo in quantum est intelligens, procedit ab eo in quantum est existens; et
propter hoc verbum conceptum habet eamdem essentiam et naturam quam intellectus
concipiens. Et quia quod recipit naturam in rebus viventibus dicitur genitum et
filius, verbum divinum dicitur genitus et filius. Verbum autem nostrum non
potest dici genitum ab intellectu nostro nec filius eius, nisi metaphorice. A nouveau, dans notre esprit, intellection et кtre sont diffйrents et
c'est pourquoi comme le verbe conзu dans notre esprit en procиde en tant que
concept, il ne nous est pas uni en nature, mais il est seulement dans
l'intellection. Mais l'intellection de Dieu est son кtre; c'est pourquoi le
verbe qui procиde de lui en tant qu'il pense, procиde de lui en tant qu'il
existe; et c'est pour cela que le verbe conзu a la mкme essence et la mкme
nature que l'intellect qui le conзoit. Et parce que ce qui reзoit la nature
dans le vivant est appelй engendrй et fils, le verbe divin est appelй engendrй
et Fils. Mais le nфtre ne peut pas кtre dit engendrй par notre esprit, ni
appelй son fils, sinon par mйtaphore. Sic ergo relinquitur quod cum verbum intellectus nostri ab
intellectu differat in duobus, in hoc scilicet et quod est ab eo, et est
alterius naturae, subtracta a divino verbo naturae differentia, ut ostensum
est, relinquitur quod sit differentia secundum hoc solum quod est ab alio. Cum
ergo differentia causet numerum, relinquitur quod in Deo sit solum numerus
relationum. Relationes autem in divinis non sunt accidentia, sed unaquaeque
earum est realiter divina essentia. Unde et unaquaeque earum est subsistens,
sicut divina essentia; et sicut divinitas est idem quod Deus, ita paternitas
est idem quod pater, et per hoc pater idem quod Deus. Numerus ergo
relationum est numerus rerum subsistentium in divina natura. Res autem
subsistentes in divina natura sunt divinae personae, ut ex praecedenti articulo
patet. Et propter hoc
ponimus personarum numerum in divinis. Ainsi donc il reste que, comme le verbe de notre esprit diffиre
de lui en deux points, а savoir ce qui est de lui, et ce qui est d'une autre
nature, si on exclut la diffйrence de nature du verbe divin, comme on l'a
montrй, (qu. 8, a. 1), il reste qu'il y a une diffйrence seulement selon qu'il
vient d'un autre. Donc comme la diffйrence cause le nombre, il reste qu'en Dieu
il y a seulement le nombre des relations. Elles ne sont pas des accidents, mais
chacune d'elles est rйellement l'essence divine. C'est pourquoi chacune est
subsistante, comme l'essence divine; et de mкme que ce qu’est la divinitй est
identique а Dieu, la paternitй est identique au pиre, et par lа le Pиre est
identique а Dieu. Donc le nombre des relations est celui des rйalitйs
subsistantes dans la nature divine. Mais ce qui est subsistant, ce sont les
personnes divines, comme on le montre dans l'article prйcйdant. Et c'est pour
cela que nous plaзons le nombre des personnes en Dieu. Solutions: q. 9 a. 5 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Boetius per verba
illa intendit excludere numerum a divina essentia; de hoc enim agit. # 1. Boиce, par ces paroles, tend а exclure le nombre de l'essence
divine, car c'est de cela qu'il s'agit. q. 9 a. 5 ad 2 Ad secundum dicendum quod, licet personae, in
quantum sunt subsistentes, non habeant quod diminuant de ratione numeri, habent
hoc tamen in quantum sunt relationes; nam distinctio secundum relationes est
minima, sicut et relatio minimum habent de ente inter omnia genera. # 2. Bien que les personnes, en tant que subsistantes, ne puissent
apporter de limite en raison du nombre, elles le peuvent cependant en tant que
relations; car la distinction dans les relations est minimale, comme la
relation aussi, elles sont ce qui a le moins d’кtre parmi tous les genres. q. 9 a. 5 ad 3 Ad
tertium dicendum, quod unitas et pluralitas attribuuntur Deo non secundum idem,
sed unitas secundum essentiam, pluralitas secundum personas; vel unitas
secundum absoluta, pluralitas secundum relationes. # 3. L'unitй et la pluralitй sont attribuйes а Dieu, non а l’identique,
mais l'unitй selon l'essence, la pluralitй selon les personnes, ou l'unitй
selon l'absolu, la pluralitй selon les relations. q. 9 a. 5 ad 4 Ad quartum dicendum, quod cum pluralitas
unitatum ex aliqua distinctione causetur, ubi est distinctio secundum esse,
oportet quod unitates secundum esse differant; ubi autem est distinctio
secundum relationes, oportet quod unitates ex quibus consistit pluralitas,
solum relationibus ab invicem distinguantur. # 4. La pluralitй des unitйs йtant causйe par une distinction, lа oщ
elle est selon l'кtre, il faut que les unitйs diffиrent selon l'кtre. Mais lа
oщ elle est selon les relations, il faut que les unitйs, en quoi consiste la
pluralitй, soient distinguйes seulement par les relations entre elles. q. 9 a. 5 ad 5 Ad quintum dicendum, quod quaelibet distinctio
sufficit ad pluralitatem similem constituendam. Unde, sicut in Deo non est
divisio secundum absoluta,- quae sine compositione esse non potest,- sed solum
distinctio relationum; ita non est in Deo pluralitas quantum ad absoluta, sed
solum quantum ad relationes, ut iam dictum est. # 5. N'importe quelle distinction suffit pour constituer une pluralitй
semblable. C'est pourquoi, de mкme qu'en Dieu, il n'y a pas de divisions dans
l'absolu11 — celle-ci ne peut pas
exister sans composition — mais seulement une distinction des relations, de
mкme il n'y a pas en Dieu de pluralitй quant а l'absolu, mais seulement quant
aux relations; comme on l'a dйjа dit (dans le corps de l'article). q. 9 a. 5 ad 6 Ad sextum dicendum, quod unitates semper sunt
partes numeri, si loquamur de numero absoluto quo numeramus; si autem loquamur
de numero qui est in rebus, tunc non est ratio totius et partis in numero, nisi
sicut invenitur totum et pars in rebus numeratis. Diversae autem relationes in
divinis non sunt partes, sicut paternitas et filiatio non sunt partes Socratis,
quamvis sit pater et filius diversorum. Unde nec unitates relationum
comparantur ad numerum relationum ut partes. # 6. Les unitйs sont toujours les parties du nombre, si nous parlons de
nombre absolu par lequel nous comptons, mais si nous parlons du nombre qui est
dans la rйalitй, alors il n’y a pas la raison du tout et de la partie dans le
nombre, а moins que ce soit comme on trouve le tout et la partie dans les
choses dйnombrйes12. Mais diffйrentes
relations en Dieu ne sont pas des parties, de mкme que la paternitй et la
filiation ne sont pas des parties de Socrate, bien qu'il soit pиre et fils
d’кtres diffйrents. C'est pourquoi les unitйs des relations ne sont pas
associйes au nombre des relations comme des parties. q. 9 a. 5 ad 7 Ad septimum dicendum, quod creatura
differt a Deo in hoc quod producitur in numero essentialium principiorum. Talis
autem non est numerus personarum. # 7. La crйature est diffиrente de Dieu du fait qu'elle est produite dans
le nombre des principes essentiels. Mais tel n'est pas le nombre des personnes. q. 9 a. 5 ad 8 Ad octavum dicendum, quod numerus qui est
species quantitatis, causatur ex divisione continui; unde sicut quantitas
continua est quid mathematicum,- quia est separata a materia sensibili secundum
rationem, et non secundum esse,- ita et numerus qui est species quantitatis,
qui est etiam subiectum arithmeticae, cuius principium est unum quod est prima
mensura quantitatis. Unde patet quod hic numerus non potest esse in rebus
immaterialibus, sed est in eis multitudo, quae opponitur uni quod convertitur
cum ente; quae quidem causatur ex divisione formali, quae est per quasdam
formas oppositas, vel absolutas vel relativas. Et talis numerus est in divinis. # 8. Le nombre qui est une espиce de quantitй est causй par la division
du continu; c’est pourquoi, de mкme que la quantitй continue est un concept
mathйmatique,— parce qu’elle est sйparйe de la matiиre sensible en raison et
non selon l’кtre — de mкme le nombre aussi qui est l’espиce de la quantitй,
lui-mкme sujet de l’arithmйtique; son principe est l’unitй qui est la premiиre
mesure de la quantitй. C’est pourquoi il est clair que ce nombre ne peut pas
кtre dans les rйalitйs immatйrielles, mais il y a en elles une pluralitй,
opposйe а l’un qui est convertible avec l’йtant; elle est causйe par la
division formelle, qui est par des formes opposйes, ou absolues ou relatives;
et un tel nombre est en Dieu. q. 9 a. 5 ad 9 Ad nonum dicendum, quod illae passiones
consequuntur numerum qui est species quantitatis, qui non competit in divinis,
ut dictum est. # 9. Ces passions supposent le nombre, qui est de l’espиce de la
quantitй, ce qui ne convient pas Dieu, comme on l’a dit. q. 9 a. 5 ad 10 Ad decimum dicendum, quod Deus est infinitus
secundum perfectionem magnitudinis et sapientiae et huiusmodi: unde in Ps.
CXLVI, 5, dicitur, quod sapientiae eius non est numerus; sed processio in
divinis, secundum quam multiplicantur personae divinae, non est in infinitum;
non enim est immoderata divina generatio, ut Augustinus dicit in Lib. de
Trinit.; et ideo nec personarum numerus est infinitus. # 10. Dieu est infini selon la perfection de la grandeur, de la
sagesse, etc.. C’est pourquoi au Ps.
146, 5, il est dit: "Il n'y a pas de
nombre pour sa sagesse." mais la procession en Dieu selon laquelle les
personnes divines sont multipliйes, n’est pas dans l’infini: car la gйnйration
en Dieu n’est pas sans limite, comme Augustin le dit, (La Trinitй) et c’est pourquoi le nombre des personnes n’est pas
infini. q. 9 a. 5 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod Deus dicitur esse
finitus sibi, non quia cognoscat se esse finitum, sed quia ita comparatur ad se
sicut ad nos comparantur finita, in quantum comprehendit seipsum. # 11. On dit que Dieu est fini pour lui, non pas parce qu’il se connaоt
comme tel, mais parce qu’il est comparй а lui comme le fini est comparй а nous,
en tant qu’il se comprend lui-mкme. q. 9 a. 5 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod illa definitio
datur de numero secundum quod est in genere quantitatis, ad quod pertinet ratio
mensurae. # 12. On donne cette dйfinition du nombre en tant qu’il est dans le
genre de la quantitй, а quoi se rattache la notion de mesure. q. 9 a. 5 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod in rebus
creatis principia individuantia duo habent: quorum unum est quod sunt principium subsistendi (natura
enim communis de se non subsistit nisi in singularibus); 13. Dans les crйatures il y a deux prinicipes qui individualisent: a) L’un est qu’ils sont le
principe de subsistance (car la nature commune ne subsiste de soi que dans les
кtres particuliers). aliud est quod per principia individuantia supposita naturae
communis ab invicem distinguuntur. In divinis autem proprietates personales hoc solum habent
quod supposita divinae naturae ab invicem distinguuntur, non autem sunt
principium subsistendi divinae essentiae: ipsa enim divina essentia est
secundum se subsistens; sed e converso proprietates personales habent quod
subsistant ab essentia: ex eo enim paternitas habet quod sit res subsistens,
quia essentia divina, cui est idem secundum rem, est res subsistens; ut inde
sequatur quod sicut essentia divina est Deus, ita paternitas est pater. Et ex
hoc est etiam quod essentia divina non multiplicatur secundum numerum ex
pluralitate suorum suppositorum, sicut accidit in istis inferioribus. Nam ex eo
aliquid secundum numerum multiplicatur, ex quo subsistentiam habet. Licet autem
divina essentia secundum seipsam, ut ita dicam, individuetur, quantum ad hoc
quod est per se subsistere, tamen, ipsa una existente secundum numerum, sunt in
divinis plura supposita ab invicem distincta per relationes subsistentes. b) L’autre est qu’ils se
distinguent entre eux par des principes qui individualisent les suppфts de
nature commune. Mais en Dieu, les propriйtйs personnelles sont telles seulement que les
suppфts de nature divine se distinguent entre eux, mais elles ne sont pas le
principe de subsistance de l’essence divine; car celle-ci est subsistante par
soi, mais а l’inverse, les propriйts personnelles sont telles qu’elles
subsistent par l’essence; car ainsi la paternitй est telle qu’elle est une
rйalitй subsistante, parce que l’essence divine, а laquelle elle est identique
en rйalitй est ce qui subsiste; de sorte qu’ainsi il en dйcoule que de mкme que
l’essence divine est Dieu, la paternitй est le Pиre. Et de lа vient aussi que
l’essence divine n’est pas multipliйe en nombre par la pluralitй de ses
suppфts, comme cela arrive dans les кtres infйrieurs. Car une chose est
multipliйe en nombre, par le fait qu’elle a sa subsistance. Mais bien qu’en soi
l’essence divine, soit pour ainsi dire individuйe, pour ce qui est subsister
par soi, cependant comme cette unitй existe selon le nombre, il y a plusieurs
suppфts en Dieu distinguйs entre eux, par les relations subsistantes. q. 9 a. 5 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod si pater et
filius et spiritus sanctus non re, sed solum ratione differunt, nihil prohibet
unum de altero praedicari: sicut vestis et tunica de se invicem praedicantur;
et similiter pater esset filius, et e converso; quod est haeresis Sabellianae.
Unde dicendum est, quod pater et filius et spiritus sanctus sunt tres res, ut
Augustinus dicit in Lib. I de Doctr. Christ., si tamen res pro
re relativa accipiatur; si enim sumatur pro absoluto, sic sunt una res, ut idem
Augustinus dicit. Et hoc modo sumendum est quod Damascenus dicit, quod sunt
unum re. Quod autem dicit, quod ratione tantum distinguuntur, communiter
exponitur, id est relatione. Nam relatio etsi per comparationem ad relationem
oppositam, distinctionem realem faciat in divinis, tamen ab essentia divina non
differt nisi ratione; cum hoc etiam relatio inter omnia genera debiliori modo
res est. # 14. Si le Pиre, le Fils et l’Esprit saint diffиrent non pas en
rйalitй mais seulement en raison, rien n’empкche d’attribuer l’un а l’autre;
comme le vкtement et la tunique s’attribuent de l’un а l’autre13; et de la mкme maniиre, le Pиre serait le
Fils et а l’inverse; ce qui est l’hйrйsie de Sabellius14. C’est
pourquoi il faut dire que le Pиre, le Fils et l’Esprit saint sont trois
rйalitйs, comme Augustin le dit au livre I de La doctrine chrйtienne (ch. V15),
si cependant la rйalitй est reзue comme chose relative, car si elle est prise
pour l’absolu, ils sont une seule rйalitй, comme le mкme Augustin le dit. Et de
cette maniиre, il faut prendre ce que Jean Damascиne dit qu’ils sont un en
rйalitй. Mais ce qu’il dit qu’ils sont distinguйs en raison, c’est ce qu’on
expose communйment, c’est-а-dire par la relation. Car mкme si la relation
apporte une distinction rйelle par comparaison а la relation opposйe, en Dieu,
l’essence divine ne diffиre qu’en raison; avec cela aussi la relation est d’un
mode plus faible parmi tous les genres. q. 9 a. 5 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod pluralitas
rerum in divinis est pluralitas relationum subsistentium oppositarum, ex quo
non sequitur compositio in divinis. Nam relatio, comparata ad essentiam
divinam, non differt re, sed ratione solum; unde non facit compositionem cum
ipsa, sicut nec bonitas nec aliud essentialium attributorum; sed per
comparationem ad oppositam relationem est pluralitas rerum, non tamen
compositio; quia relationes oppositae, in quantum huiusmodi, ab invicem
distinguuntur. Compositio vero non est ex aliquibus distinctis in quantum
distincta sunt. # 15. La pluralitйs des rйalitйs en Dieu est une pluralitй de relations
subsistantes opposйes, d’oщ ne dйcoule pas de la composition. Car la relation,
comparйe а l’essence divine n’en diffиre pas en rйalitй, mais en raison
seulement; c’est pourquoi elle ne fait pas composition avec elle; la bontй non
plus, ni aucun autre des attributs essentiels; mais par comparaison а la
relation opposйe, il y a la pluralitй des rйalitйs, mais cependant pas
composition, parce que les relations opposйes, en tant que telles, se
distinguent entre elles. Mais la composition ne vient pas de certaines choses
distinctes en tant que telles. q. 9 a. 5 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod attributa
essentialia nullam ad invicem habent oppositionem sicut relationes; et ideo
licet subsistant sicut relationes, non tamen constituunt pluralitatem
suppositorum ab invicem distinctorum, cum pluralitas distinctionem sequatur;
distinctio vero formalis fit ex aliqua oppositione. # 16. Les attributs essentiels n’ont aucune opposition entre eux, comme
les relations; et c’est pourquoi, bien qu’ils subsistent comme les relations,
ils ne constituent pas une pluralitй de suppфts distincts les uns des autres,
puisque la pluralitй ne dйcoule pas de la distinction; mais la distinction
formelle se fait par une opposition. q. 9 a. 5 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod in divinis
non differt quod significatur per modum formae et quod significatur per modum
suppositi: ut divinitas et Deus, paternitas et pater; et ideo non oportet quod,
licet proprietates relativae sint quasi differentiae constituentes personas,
faciant compositionem aliquam cum personis constitutis. # 17. En Dieu, il n’y a pas de diffйrence entre ce qui est signifiй par
la forme et par le suppфt; comme la divinitй et Dieu, la paternitй et le Pиre;
et c’est pourquoi il ne faut pas que, bien que les propriйtйs relatives soient
comme des diffйrences qui constituent les personnes, elles apportent une
composition avec les personnes constituйes. q. 9 a. 5 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod licet pater et
filius non distinguantur ab invicem nisi paternitate et filiatione, non tamen
oportet quod pater et filius quasi specie differant in divinis: quia paternitas
et filiatio sunt relationes secundum speciem diversae. Non enim istae
relationes se habent ad divinas personas ut speciem dantes, sed magis ut
supposita distinguentes et constituentes. Illud autem quod se habet ad personas
divinas ut speciem dans, est natura divina, in qua filius est similis patri:
nam generans generat sibi similem secundum speciem, non secundum individuales
proprietates. Sicut ergo Socrates et Plato licet non distinguerentur ad invicem
individualiter nisi albedine et nigredine, quae sunt diversae qualitates
secundum speciem, non tamen specie differrent: quia id quod est species albo et
nigro, non est species Socrati et Platoni; ita nec sequitur quod pater et
filius specie differant propter differentiam paternitatis et filiationis
secundum speciem: licet in divinis non possit proprie dici aliquid differre
secundum speciem, cum non sit ibi species et genus. # 18. Bien que le Pиre et le Fils ne se distinguent l’un de l’autre que
par la paternitй et la filiation, il ne faut cependant pas qu’ils diffиrent
comme en espиce; parce que la paternitй et la filiation sont des relations
diffйrentes en espиce. Car elles ne se comportent pas vis-а-vis des personnes
divines comme donnant une espиce, mais plutфt comme distinguant les suppфts et
les constituant. Mais ce qui se comporte vis-а-vis des personnes divines, comme
donnant l’espиce, c’est la nature divine, en laquelle le Fils est semblable au
Pиre. Car celui qui engendre engendre du semblable а lui en espиce, mais pas
selon les propriйtйs individuelles. Donc ainsi, bien que Socrate et Platon ne
soient distinguйs l’un de l’autre individuellement que par la blancheur et la
noirceur, qui sont des qualitйs diverses en espиce, ils ne diffиrent cependant
pas en espиce, parce que ce qui est l’espиce, pour le blanc et le noir, n’est
pas une espиce pour Socrate et Platon; ainsi il n’en dйcoule pas que le Pиre et
le Fils soient diffйrents en espиce а cause d’une diffйrence de paternitй et de
filiation en espиce; bien qu’en Dieu on ne puisse а proprement parler d’une
diffйrence en espиce, puisqu’il n’y a en lui ni espиce, ni genre. q. 9 a. 5 ad 19 Ad decimumnonum dicendum, quod omnino
concedendum est quod in divinis non sit nisi unum esse: cum esse semper ad
essentiam pertineat, et praecipue in Deo, cuius esse est sua essentia.
Relationes autem quae distinguunt supposita in divinis, non addunt aliud esse
super esse essentiae, quia non faciunt compositionem cum essentia, ut dictum
est. Omnis autem forma addens aliquod esse super esse substantiale, facit
compositionem cum substantia, et ipsum esse est accidentale, sicut esse albi et
nigri. Diversitas ergo secundum esse sequitur pluralitatem suppositorum, sicut
et diversitas essentiae, in rebus creatis. Neutrum autem in divinis. # 19. Il faut absolument concйder qu’en Dieu il n’y a qu’un seul кtre,
puisque l’кtre se rapporte toujours а l’essence, et surtout en Dieu, dont
l’кtre est l’essence. Mais les relations qui distinguent les suppфts n’ajoutent
pas un autre кtre а celui de l’essence; parce qu’ils ne font pas composition
avec elle, comme on l’a dit. Mais toute forme qui ajoute quelque chose а l’кtre
substantiel, apporte une composition avec la substance et l’кtre mкme est
accidentel, comme l’кtre du blanc et du noir. Donc la diversitй selon l’кtre
dйcoule de la pluralitй des suppфts, comme la diversitй de l’essence, dans les
crйatures. Mais ni l’un ni l’autre n’est en Dieu. q. 9 a. 5 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod operatio egreditur
ab agente ratione formae vel virtutis, quae est principium operationis; et ideo
nihil prohibet a tribus personis, quae sunt unius naturae et virtutis, unam
creationem procedere: sicut si trium calidorum esset unus numero calor, una
numero ab eis calefactio proveniret. # 20. L’opйration sort de l’agent en raison de la forme ou du pouvoir,
qui est le principe de l’opйration; et c’est pourquoi rien n’empкche qu’une
seule crйation procиde des trois personnes qui sont d’une seule nature et d’un
seul pouvoir, comme si de trois chaleurs il n’y en avait qu’une seule en
nombre, des trois proviendrait un seul rйchauffement en nombre. q. 9 a. 5 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod formae
individuantes in rebus creatis non sunt subsistentes sicut in divinis; et ideo
non est simile. # 21. Les formes qui individualisent dans les crйatures ne sont pas
subsistantes comme en Dieu, et c’est pourquoi ce n’est pas pareil. q. 9 a. 5 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod in
rebus creatis ad multitudinem suppositorum sequitur multiplicatio essentiae,
quod non accidit in divinis; unde ratio non sequitur. # 22. Dans les crйatures, la pluralitй de l’essence amиne а la
pluralitй des suppфts, ce qui n’arrive pas en Dieu. C’est pourquoi la raison ne
vaut pas. q. 9 a. 5 ad 23 Ad vicesimumtertium dicendum quod, licet tota
et perfecta divinitas sit in qualibet trium personarum secundum proprium modum
existendi, tamen ad perfectionem divinitatis pertinet ut sint plures modi
existendi in divinis ut scilicet sit ibi a quo alius et ipse a nullo, et
aliquis qui est ab alio. Non enim esset omnimoda perfectio in divinis, nisi
esset ibi processio verbi et amoris. # 23. Bien que la divinitй parfaite soit toute entiиre en chacune des
trois personnes selon leur propre mode d’existence, cependant il convient а la
perfection de la divinitй qu’il y ait plusieurs modes d’existence en Dieu, а
savoir qu’il y en a un par lequel il est autre, et lui-mкme qui ne dйpend de
personne et un qui est par un autre16.
Car il n’y aurait de toute maniиre de perfection en Dieu, que s’il y avait la
procession du verbe et de l’amour. q. 9 a. 5 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum, quod ratio illa
procedit ac si divinae personae per essentiam distinguerentur. Sic enim
plenitudo gaudii quam habet pater in filio, esset in aliquo extrinseco, et non
haberet pater hoc in seipso; sed quia filius est in patre ut verbum ipsius, non
posset esse patri plenum gaudium de seipso nisi in filio; sicut nec homo de
seipso gaudet nisi per conceptionem quam de seipso habet. # 24. Cet argument est avancй, comme si les personnes divines se
distinguaient par l’essence. Car ainsi la plйnitude de joie que le Pиre a dans
le Fils dйpendrait de quelqu’un d’extйrieur et le Pиre ne l’aurait pas en lui;
mais parce que le Fils est dans le Pиre comme son verbe, il ne pourrait y avoir
la pleine joie pour le Pиre de lui-mкme, que dans le Fils; ainsi l’homme ne se
rйjouit lui-mкme que par la conception qu’il se fait de lui-mкme.
1 Parall.: Ia, qu. 30, a. 1 — I Sent. D. 2 q. 4 — D. 23, a. 4 — Compendium C. 50, 55 — Quodl.
VII, 3, qu. a. 1 2
En Ia, qu. 30, a. 3, l’objecteur tire
une autre conclusion: "Donc, il y n’a pas plusieurs personnes en Dieu".
Mais c’est en fait un autre aspect de cet article. Cf. obj. 13. 3
"L’un et la Pluralitй dans les nombres sont donc opposйs comme mesure au
mesurable, notions qui sont opposйes comme les relations qui ne sont pas des
relations par soi." Aristote, n° 874 (Trad. J. Tricot). Thomas, n° 2087. 4
"Le nombre est une multiplicitй mesurable par l’UN." Trad. J. Tricot, p.
562. (Aristote, 875) 5 Thomas I, lectio 2,
n° 18. 6 Aristote 1308,
Thomas, 1817. 7
Cf. Pot. 9, 4, obj. 1. Le texte n’est
pas dans saint Jean avant le IXe siиcle. 8
Denz. 39. (?75) 9
Trad. p. 94, Th. 177) 10
Verbum interius est ipsum interius intellectum. ——— Verbum intellectum…id est
ad quod operatio intellectus nostri terminatur, quod est ipsum intellectum,
quod dicitur conceptio intellectus. (Veritate,
qu. 4, a. 1 c.). 11
Selon l’essence. 12
Cf. Ia, qu. 30, a. 1: En Dieu pour le
nombre pris au sens absolu,"rien n’empкche qu’on y vйrifie le tout et la
partie; cela n’existe que dans la considйration de notre esprit, car le nombre
tel qu’il est dans les choses dйnombrйes, ne se trouve que dans la pensйe."
Choses dйnombrйes; dans les crйatures un, deux ou trois sont comme la partie au
tout, en Dieu cela ne vaut pas. Le Pиre est aussi grand que la Trinitй. 13
Voir Mйtaphysique, Thomas n° 545. 14
Sur Sabellius voir note Pot. 1, 1, sol. 1; (cf. Pot. 8, 1 & 2 et 9,??? c) 15
"On ne peut trouver facilement, en effet, un nom qui convienne а pareille
excellence…Ainsi le Pиre et le Fils et le Saint Esprit sont-ils Dieu ainsi que
chacun sйparйement…" (Trad. J.-Y. Boriaux) Comment en effet traduire res 16
Il y a trois personnes dans la Trinitй, le Fils, diffйrent du Pиre, et l’Esprit
saint. En 9, 9, on retrouve deux expressions semblables; duae relationes,
scilicet a quo alius et qui ab alio.
Article 6: Le nom de personne peut-il кtre convenablement attribuй а
Dieu au pluriel?
q. 9 a. 6 tit. 1 Sexto quaeritur utrum nomen
personae convenienter possit praedicari pluraliter in divinis. Et videtur quod
non. Il semble que non1. Objections: q. 9 a. 6 arg. 1 Persona enim est substantia, ut ex definitione
Boetii patet. Sed substantia non praedicatur pluraliter in divinis. Ergo nec
persona. 1. Car la personne est une substance, comme le montre la dйfinition de
Boиce. Mais la substance n’est pas attribuйe au pluriel а Dieu. Donc la
personne non plus. q. 9 a. 6 arg. 2 Praeterea, alia nomina absoluta praedicantur
tantum singulariter in divinis, ut sapiens, bonus et huiusmodi. Sed hoc nomen
persona est nomen absolutum. Ergo non debet praedicari pluraliter in divinis. 2. Tous les noms absolus sont attribuйs а Dieu seulement au singulier,
comme sage, bon, etc.. Mais ce nom personne
est un nom absolu. Donc il ne doit pas кtre attribuй au pluriel. q. 9 a. 6 arg. 3 Item, nomen personae a subsistendo sumi
videtur, cum significet individuum in genere substantiae, et persona dicatur
quasi per se una. Subsistere autem ad essentiam pertinere videtur, quae non
multiplicatur in divinis. Ergo nec nomen personae pluraliter potest praedicari. 3. Le nom de personne semble pris de "subsister" puisqu’il
signifie l’individu dans le genre de la substance et on parle de la personne
comme unique par soi. Mais subsister semble appartenir а l’essence qui n’est
pas multipliйe en Dieu. Donc le nom de personne ne peut pas кtre attribuй au
pluriel. q. 9 a. 6 arg. 4 Sed dicendum, quod licet subsistere sumatur ab
essentia, tamen dicere possumus quod in divinis sunt tres subsistentes, et
similiter quod tres personae.- Sed contra, ea quae significant essentiam in
divinis, non possunt praedicari pluraliter, nisi sint adiectiva, quae non
trahunt numerum a forma significata, sed a suppositis, cum e converso sit in
substantivis. Unde dicimus, quod in Deo sunt tres aeterni, si ly aeterni
adiective sumatur; si vero substantive, tunc verum est quod Athanasius dicit in
Symb. quod non sunt tres aeterni, sed unus aeternus. Hoc autem nomen persona
est substantivum, non adiectivum. Ergo non debet praedicari in plurali. 4. Mais il faut dire, que
bien que subsister soit pris de
l’essence, nous pouvons cependant dire qu’en Dieu il y a trois (кtres)
subsistants et de mкme qu’il y a trois personnes — Mais en sens contraire, ce qui signifie l’essence en Dieu ne peut
кtre attribuй au pluriel а moins que ce soient des adjectifs qui n’entraоnent
pas un nombre par la forme qu’ils signifient mais par les suppфts2, alors que c’est l’inverse dans les
substantifs. C’est pourquoi nous disons qu’en Dieu il y a trois йternels, si "йternel"
est pris comme adjectif; mais s’il est pris substantivement, alors est vrai ce
qu’Athanase dit dans le symbole qu’il n’y
a pas trois йternels, mais un seul. Mais ce nom de personne est un substantif, non un adjectif. Donc il ne doit pas
кtre attribuй au pluriel. q. 9 a. 6 arg. 5 Praeterea, licet adiectiva essentialia
praedicentur pluraliter in divinis, tamen formae significatae non praedicantur
pluraliter, sed singulariter tantum. Etsi enim aliquo
modo dicamus pluraliter tres aeternos in divinis, nullo tamen modo dicimus tres
aeternitates. Etsi ergo aliquo modo possit dici quod sint tres personae in
divinis, nullo tamen modo poterit dici quod sint tres personalitates. 5. Bien que les adjectifs essentiels soient attribuйs а Dieu au
pluriel, cependant les formes signifiйes ne le sont pas au pluriel, mais au
singulier seulement. Car mкme si, de quelque maniиre, nous parlons au pluriel
de trois йternels en Dieu, cependant nous ne disons en aucune maniиre trois
йternitйs. Donc, mкme si d’une certaine maniиre, on pourrait dire qu’il y a
trois personnes en Dieu, en aucune maniиre, on ne pourrait dire qu’il y a trois
personnalitйs. q. 9 a. 6 arg. 6 Praeterea, sicut Deus significat divinitatem
habentem, ita persona divina significat subsistentem in divinitate. Sed sicut
dicimus in divinis tres subsistentes in divinitate, ita tres habentes
divinitatem. Si ergo hac ratione potest dici quod in divinis sint tres
personae, similiter poterit dici quod sint ibi tres dii, quod est haereticum. 6. De mкme que Dieu signifie celui qui a la divinitй, la personne divine
signifie ce qui subsiste dans la divinitй. Mais de mкme que nous disons qu’il y
en a trois qui subsistent, de mкme nous disons qu’il y en a trois qui ont la
divinitй. Donc si pour cette raison, on peut dire qu’il y a trois personnes, de
la mкme maniиre, on pourra dire qu’il y a trois dieux, ce qui est hйrйtique. q. 9 a. 6 arg. 7 Praeterea, Boetius dicit, quod ideo non sunt
tres dii, quia Deus non differt a Deo in divinitate. Sed similiter persona
divina non differt a persona divina aliqua personalitatis differentia, ut
videtur, cum commune sit eis hoc quod est esse personam. Ergo persona non
potest pluraliter praedicari in divinis. 7. Boиce dit (La Trinitй, III)
qu’il n’y a pas trois dieux, parce que Dieu n’est pas diffиrent de Dieu dans la
divinitй. Mais de la mкme maniиre la personne divine ne diffиre pas de la
personne divine par une diffйrence de personnalitй, а ce qu’il semble puisque
le fait d’кtre une personne leur est commun. Donc la personne ne peut pas кtre
attribuйe а Dieu au pluriel. En sens contraire: q. 9 a. 6 s. c. 1 Sed contra. Est quod Augustinus dicit, quod
quaerentibus quid tres essent pater et filius et spiritus sanctus, responsum
est, quod sunt tres personae. Ergo persona pluraliter in divinis praedicatur. 1. Augustin dit (La Trinitй, VIII, 4) que а ceux qui
cherchent qui sont les trois, le Pиre, le Fils et l’Esprit saint, il faut
rйpondre que ce sont trois personnes. Donc on attribue le nom de personne au
pluriel en Dieu. q. 9 a. 6 s. c. 2
Praeterea, Athanasius dicit, ubi Sup., quod alia est persona patris, alia
filii, alia spiritus sancti. Distinctio autem est causa numeri. Ergo
persona pluraliter debet praedicari in divinis. 2. Athanase, а la suite de ce qui est йcrit ci-dessus (obj. 4) dit qu’"Autre est la personne du Pиre, celle du Fil,s
celle de l’Esprit saint". Mais
la distinction est cause du nombre. Donc le nom de personne doit кtre attribuй
au pluriel en Dieu.
Rйponse: q. 9 a. 6 co.
Respondeo. Dicendum quod nomina substantiva, sicut iam supra dictum est,
trahunt numerum a forma significata, adiectiva vero a suppositis. Cuius ratio
est, quia nomina substantiva significant per modum substantiae, adiectiva vero
per modum accidentis quod individuatur et multiplicatur per subiectum,
substantia vero per seipsam. Il faut dire que les substantifs, comme on l’a dit ci-dessus,
entraоnent un nombre par la forme qu’ils signifient, et les adjectifs par les
suppфts. La raison en est que les substantifs signifient en tant que substance,
et les adjectifs en tant qu’accident; celui-ci est individualisй et multipliй
par le sujet, mais la substance l’est par elle-mкme. Cum ergo hoc nomen persona sit substantivum, oportet ex
forma significata ipsius considerare, utrum possit pluraliter praedicari. Forma
autem significata nomine personae non est natura absolute: quia sic idem
significaretur nomine hominis et nomine personae humanae, quod patet esse
falsum; sed nomine personae significatur formaliter incommunicabilitas, sive
individualitas subsistentis in natura, sicut ex praemissis patet. Donc, comme ce nom personne
est un substantif, il faut considйrer par la forme qu’il signifie s’il est
possible de l’attribuer au pluriel. Mais la forme signifiйe par le nom de
personne n'est pas absolument la nature, parce qu’ainsi ce qui serait signifiй
par le nom d’homme et celui de personne humaine serait identique; ce qui paraоt
faux. Mais par le nom de personne est
signifiй formellement l’incommunicabilitй ou l’individualitй de ce qui subsiste
dans la nature, comme on le voit par ce qui a йtй dit plus haut. Cum ergo proprietates facientes esse distinctum et
incommunicabile in divinis sint plures, oportet quod nomen personae pluraliter
praedicetur in divinis; sicut etiam in humanis pluraliter praedicatur nomen
personae propter pluralitatem principiorum individuantium. Donc comme les propriйtйs qui rendent l’кtre distinct et
incommunicable en Dieu sont plusieurs, il faut que le nom de personne soit
attribuй au pluriel; comme aussi pour les homme le nom de personne est attribuй
au pluriel а cause de la pluralitй des principes qui les individualisent.
Solutions: q. 9 a. 6 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod persona est
substantia individua, quae est hypostasis; et hoc pluraliter praedicatur, sicut
patet ex usu Graecorum. # 1. La personne est la substance individuelle, qui est une hypostase;
et cela est attribuй au pluriel, comme on le voit par l’usage des Grecs. q. 9 a. 6 ad 2 Ad secundum dicendum, quod nomen personae est
absolutum ex modo significandi; significat tamen relationem, sicut ex
praemissis patet. # 2. Le nom de personne est
absolu par la maniиre de signifier; cependant il signifie la relation comme on
le voit de ce qui a йtй dit. q. 9 a. 6 ad 3 Ad tertium dicendum, quod nomen personae non
designat hoc solum quod est subsistere, quod videtur ad essentiam pertinere,
sed etiam hoc quod est distinctum esse et incommunicabile, quod est propter
proprietates relativas in divinis. # 3. Le nom de personne ne
dйsigne pas seulement ce qui subsiste, qui semble convenir а l’essence, mais
aussi le fait d’кtre diffйrent et incommunicable, qui est а cause des
propriйtйs relatives en Dieu. q. 9 a. 6 ad 4 Ad quartum dicendum, quod forma significata per
nomen personae non est essentia absolute, sed illud quod est principium
incommunicabilitatis sive individuationis; et ideo pluraliter praedicatur,
licet sit nomen substantivum: et propter hoc etiam, quia sunt plures
proprietates distinguentes in divinis, dicuntur esse plures personalitates. # 4. La forme signifiйe par le nom de personne n’est pas l’essence dans l’absolu, mais ce qui est le
principe d’incommunicabilitй ou d’individuation; et c’est pourquoi il est
attribuй au pluriel, bien qu’il soit un substantif; et aussi, parce qu’il y a
plusieurs propriйtйs, qui apportent la distinction en Dieu, on dit qu’il y a
plusieurs personnalitйs. q. 9 a. 6 ad 5 Unde patet solutio ad quintum. # 5. Et ainsi la solution 5 est claire. q. 9 a. 6 ad 6 Ad sextum dicendum, quod hoc nomen persona
significat subsistentem in natura divina, cum distinctione et
incommunicabilitate; hoc autem nomen Deus significat habentem divinam naturam
nihil importans de distinctione vel incommunicabilitate; ideo non est simile. # 6. Ce nom de personne
signifie ce qui subsiste dans la nature divine, avec distinction et
incommunicabilitй; mais ce nom de Dieu signifie
celui qui a la nature divine sans rien apporter dans la distinction et
l’incommunicabilitй; et c’est pourquoi ce n’est pas pareil. q. 9 a. 6 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet Deus a Deo non
differat aliqua differentia divinitatis,- quia non est nisi una divinitas
numero,- persona tamen divina differt a persona divina differentia
personalitatis, quia ad personalitatem pertinet in divinis etiam proprietas
distinguens personas. # 7. Bien que Dieu ne diffиre pas de Dieu par une diffйrence de
divinitй, — parce qu’il n’y a qu’une seule divinitй en nombre — cependant la
personne divine diffиre de la personne divine par une diffйrence de
personnalitй, parce qu’en Dieu aussi la propriйtй qui distingue les personnes
convient а cette personnalitй.
1. Parall.: Ia, qu. 30, a. 4 — I Sent. d25a3. 2
L’adjectif reprйsente un accident dans un suppфt. Ce sont les suppфts eux-mкmes
et non les accidents qui apportent le nombre. Pour plus d’explication, voir Ia, 39, 5, ad 5m
Article 7: Comment les termes numйriques sont-ils attribuйs aux
personne divines, est-ce positivement ou nйgativement seulement?
q. 9 a. 7 tit. 1 Septimo quaeritur quomodo
termini numerales praedicentur de divinis personis, utrum scilicet positive vel
remotive tantum. Et videtur quod positive. Et il semble que c’est positivement1. Objections: q. 9 a. 7 arg. 1 Si enim nihil ponunt in divinis, tunc qui
dicit tres personas, nihil dicit quod sit in Deo. Ergo et qui negat tres
personas, nihil negat de Deo quod sit in ipso. Non ergo contra veritatem
loquitur, et ita non est haereticus. 1. Car si on ne place rien en Dieu, alors celui qui parle de trois
personnes, ne dit rien de ce qui est en lui. Donc celui qui nie les trois
personnes, ne nie rien de ce qui est en lui. Donc il ne parle pas contre la
vйritй, et ainsi il n’est pas hйrйtique. q. 9 a. 7 arg. 2 Praeterea, secundum Dionysium in Lib. de
Divin. Nom., tribus modis dicitur aliquid de Deo: scilicet per negationem, per
eminentiam et per causam. Quocumque autem istorum modorum termini numerales
praedicentur in divinis, oportet quod aliquid ponant. Quod quidem manifestum
est, si quidem praedicentur per eminentiam vel per causam similiter autem et si
praedicentur negative. Non enim sic aliqua negantur de Deo, ut idem Dionysius
dicit, quasi omnino ei desint, sed quia non eodem modo ei conveniunt sicut et
nobis. Oportet ergo omnibus modis quod termini numerales aliquid ponant. 2. Selon Denys (les Noms divins,
Thйologie mystique, I), on parle de
quelque chose en Dieu de trois maniиres; а savoir par nйgation, par йminence,
et par la cause. De n’importe quelle de ces maniиres que les termes numйriques
sont attribuйs а Dieu, il faut qu’ils y йtablissent quelque chose. Ce qui est
clair, s’ils sont attribuйs par йminence ou par cause, de la mкme maniиre aussi
s’ils sont attribuйs nйgativement. Car ce n’est pas ainsi que certaines choses
sont niйes de Dieu, comme le mкme Denys le dit (La Hiйrarchie cйleste, II, Les
Noms divin, IV et XI), comme si elles lui manquaient tout а fait, mais
parce qu’elles ne se rencontrent pas en lui de la mкme maniиre qu’en nous. Il
faut donc que de toutes les maniиres, les termes numйriques placent quelque
chose. q. 9 a. 7 arg. 3 Praeterea, quidquid praedicatur de Deo et
creaturis, nobiliori modo de Deo quam de creaturis praedicatur. Termini autem
numerales de creaturis praedicantur positive. Ergo multo magis de Deo. 3. Tout ce qui est attribuй а Dieu et aux crйatures, est attribuй d’une
maniиre plus noble а Dieu qu’aux crйatures. Mais les termes numйriques sont
attribuйs positivement aux crйatures. Donc beaucoup plus а Dieu. q. 9 a. 7 arg. 4 Praeterea, multitudo et unitas importata per
terminos numerales, secundum quod praedicatur de Deo, non sunt in intellectu
tantum: quia sic non essent tres personae in Deo nisi secundum intellectum;
quod pertinet ad haeresim Sabellianam. Ergo oportet quod
sint aliquid in ipso Deo secundum rem; et ita positive de Deo dicuntur. 4. La pluralitй et l’unitй apportйes par les termes numйriques, selon
ce qui est attribuй а Dieu, ne sont pas dans l’esprit seulement: parce qu’ainsi
il n’y aurait trois personnes en Dieu que selon l’esprit; ce qui appartient а
l’hйrйsie sabellienne2. Donc il faut
qu’elles soient quelque chose en Dieu mкme, en rйalitй, et ainsi on en parle
positivement en Dieu. q. 9 a. 7 arg. 5 Praeterea, sicut unum est in genere
quantitatis, ita bonum est in genere qualitatis; in Deo autem nec est quantitas
nec qualitas nec aliquod accidens; et tamen bonum non praedicatur de Deo
remotive sed positive. Ergo similiter unum, et per consequens multitudo, quam
constituit unum. 5. Le ‘un’ est dans le genre de la quantitй, de mкme le bien est dans
le genre de la qualitй; mais en Dieu, il n’y a ni quantitй, ni qualitй, ni
accident; et cependant le bien n’est pas attribuй а Dieu nйgativement, mais
positivement. Donc de la mкme maniиre le ‘un’ et par consйquent la pluralitй
que constitue l’unitй. q. 9 a. 7 arg. 6 Praeterea, quatuor prima entia dicuntur,
scilicet ens, unum, verum et bonum. Sed tria eorum, scilicet ens, verum et
bonum, dicuntur de Deo positive. Ergo et unum, et per consequens multitudo. 6. On dit qu’il y a quatre кtres premiers3
а savoir l’йtant, l’un, le vrai et le bien. Mais on parle positivement pour
Dieu de trois d’entre eux, а savoir l’йtant, le vrai et le bien. Donc l’un
aussi et par consйquent la pluralitй. q. 9 a. 7 arg. 7 Praeterea, multitudo et magnitudo pertinent ad
duas species quantitatis, quae sunt discreta quantitas et continua. Sed
magnitudo praedicatur de Deo positive, cum dicitur Ps. CXLVI, 5: magnus dominus
et magna virtus eius. Ergo et multitudo et unum. 7. La pluralitй et la grandeur appartiennent а deux espиces de
quantitй, la quantitй discrиte et la quantitй continue. Mais la grandeur est
attribuйe positivement а Dieu quand il est dit (Ps. 146, 5): "Le
Seigneur est grand et grande est sa puissance". Donc la pluralitй et
l’unitй aussi. q. 9 a. 7 arg. 8 Praeterea, creaturae Dei similitudinem
praeferunt, secundum quod in eis vestigium divinitatis apparet. Sed secundum
Augustinum, quaelibet creatura vestigium quoddam divinae Trinitatis in se
habet, in quantum est aliquid unum et specie formatur et ordinem aliquem habet.
Ergo creatura est una ad similitudinem Dei. Sed unum
praedicatur de creatura positive: ergo et de Deo. 8. Les crйatures de Dieu manifestent la ressemblance selon qu’apparaоt
en elles un vestige de la divinitй.
Mais selon Augustin (La Trinitй, X,
11), n’importe quelle crйature porte en elle un vestige de la divine Trinitй,
en tant qu’elle est une et est mise en forme en l’espиce et a un ordre. Donc la
crйature est une а la ressemblance а Dieu. Mais l’unitй est attribuйe positivement а la crйature. Donc а Dieu
aussi. q. 9 a. 7 arg. 9 Praeterea, si unum praedicatur de Deo
privative, oportet quod aliquid removeat, et non nisi multitudinem.
Multitudinem autem non removet; non enim sequitur, si est una persona, quod non
sint plures. Unum ergo non dicitur remotive de Deo, et per consequens nec
multitudo. 9. Si on attribue nйgativement l’unitй
а Dieu, il faut qu’elle exclut quelque chose et pas seulement la pluralitй.
Mais elle ne l’exclut pas; car il n’en dйcoule pas, s’il y a une personne qu’il
y en ait pas plusieurs. Donc on ne parle pas de l’unitй nйgativement en Dieu et
par consйquent de la pluralitй non plus. q. 9 a. 7 arg. 10
Praeterea, privatio nihil constituit. Unum autem constituit
multitudinem. Non ergo dicitur privative. 10. La privation n’a rien constituй. Mais l’unitй a constituй la
pluralitй. Donc on n’en parle pas nйgativement. q. 9 a. 7 arg. 11 Praeterea, nulla privatio est in Deo, quia
privatio omnis pertinet ad defectum. Unum autem praedicatur de Deo. Ergo non
significat privationem. 11. Il n’y aucune privation en Dieu, parce que toute privation concerne
une dйfaillance. Mais l’unitй est
attribuйe а Dieu. Donc elle ne signifie pas une privation. q. 9 a. 7 arg. 12 Praeterea, Augustinus dicit, quod quidquid
praedicatur de Deo, praedicatur secundum substantiam, vel secundum relationem.
Et Boetius etiam dicit, quod omnia quae veniunt in divinam praedicationem,
mutantur in substantiam praeter ad aliquid. Si ergo termini numerales
praedicantur de Deo, oportet quod significent substantiam vel relationem; et
ita oportet quod positive de Deo praedicentur. 12. Augustin dit (la Trinitй,
V, 5) que tout ce qui est attribuй а Dieu l’est selon la substance ou selon la
relation. Et Boиce dit aussi (dans son livre sur La Trinitй) que tout ce qui vient dans l’attribution divine est
changй en substance hormis la relation. Donc si les termes numйriques sont
attribuйs а Dieu, il faut qu’ils signifient la substance ou la relation; et
ainsi il faut qu’ils soient attribuйs positivement а Dieu. q. 9 a. 7 arg. 13 Praeterea, unum et ens convertuntur et
videntur esse synonyma. Sed ens praedicatur de Deo positive. Ergo et unum, et
per consequens multitudo. 13. L’unitй et l’йtant sont convertibles et semblent synonymes. Mais
l’йtant est attribuй positivement а Dieu. Donc l’unitй aussi et par consйquent
la pluralitй. q. 9 a. 7 arg. 14 Praeterea, si unum praedicatur de Deo
remotive, oportet quod removeat multitudinem tamquam sibi oppositam. Hoc autem
non potest esse, cum multitudo constituatur ex unitatibus; unum autem
oppositorum non constituitur ex alio. Ergo unum non praedicatur de Deo
remotive. 14. Si l’unitй est attribuйe
а Dieu nйgativement, il faut exclure la pluralitй, comme s’opposant а elle.
Mais cela n’est pas possible, puisque la pluralitй est constituйe d’unitйs;
mais l’un des opposйs n’est pas constituй par un autre. Donc l’unitй n’est pas attribuйe а Dieu
nйgativement. q. 9 a. 7 arg. 15 Praeterea, si unum dicitur per remotionem
multitudinis, oportet quod unum opponatur multitudini, sicut privatio habitui.
Habitus autem est naturaliter prior privatione, et etiam secundum rationem,
quia privatio non potest definiri nisi per habitum. Ergo multitudo erit prior uno secundum naturam et secundum rationem; quod
videtur inconveniens. 15. Si l’unitй est dйfinie
par l’exclusion de la pluralitй, il faut que l’unitй soit opposйe а la
pluralitй, comme la privation а la possession. Mais la possession est
naturellement avant la privation et aussi en raison, parce qu’elle ne peut кtre
dйfinie que par une possession. Donc la pluralitй sera avant l’unitй en nature
et en raison, ce qui ne paraоt pas convenir. q. 9 a. 7 arg. 16 Praeterea, si unum et multa in divinis
praedicantur remotive, oportet quod unum removeat multitudinem et multitudo
removeat unitatem. Hoc autem est inconveniens, quia sequeretur circulus unius
et multi, ut dicatur, quod unum est quod non est multa, et multa sunt quae non
sunt unum; et sic per ista nihil fieret notum. Non est ergo dicendum, quod unum
et multa in Deo dicantur privative. 16. Si l’un et le multiple sont attribuйs nйgativement а Dieu, il faut
que l’unitй exclut la pluralitй et que celle-ci exclut l’unitй. Mais cela ne
convient pas, parce qu’il en dйcoulerait un cercle entre l’unitй et le
multiple, de sorte qu’on dirait que l’un est ce qui n’est pas multiple et le
multiple est ce qui n’est pas un; et ainsi on ne connaоtrait rien. Donc il ne
faut pas dire qu’on parle nйgativement de l’un et du multiple en Dieu. q. 9 a. 7 arg. 17 Praeterea, unum et multa cum se habeant ut
mensura et mensuratum, videntur opponi ad invicem relative. In relative autem
oppositis utrumque dicitur positive. Ergo tam unum quam multa positive
praedicantur de Deo. 17. Comme l’un et le multiple ne se comportent pas comme la mesure et
le mesurй, ils semblent opposйs relativement entre eux. Mais dans ce qui est
opposй relativement, on parle de l’un et de l’autre positivement. Donc on
attribue positivement а Dieu autant l’un que le multiple. En sens contraire: q. 9 a. 7 s. c. 1 Sed contra. Dionysius dicit, IV de Divin.
nominibus: unitas laudata et Trinitas, quae est super omnia divinitas, non est
neque unitas neque Trinitas quae a nobis aut alio quodam existentium sit
cognita. Videtur ergo quod termini numerales per
remotionem dicantur de Deo. 1. Denys dit (les Noms divins, IV, 13): "L’unitй est louйe et la Trinitй qui est la
divinitй au-dessus de tout, n’est ni unitй, ni Trinitй, pour qu’elle soit
connue par nous ou par quelqu’un d’autre parmi ceux qui existent". Il
semble donc qu’on parle par йloignement des termes numйraux en Dieu. q. 9 a. 7 s. c. 2 Praeterea, Augustinus dicit: quaesivit humana
inopia quid tria diceret, et dixit substantias sive personas. Quibus nominibus
non diversitatem intelligi voluit sed singularitatem noluit. Sunt ergo
huiusmodi termini numerales introducti in divinis magis ad removendum quam ad
ponendum. 2. Augustin dit (La Trinitй, VII,
4, 9): "La pauvretй humaine a
cherchй ce que trois voulait dire et elle a dit: les substances ou les
personnes. Par ces noms elle a voulu ne pas comprendre la diversitй, mais elle
n'a pas voulu comprendre la singularitй." Donc il y a des termes
numйraux de ce genre qui sont introduits en Dieu, plus pour exclure que pour
poser. q. 9 a. 7 s. c. 3 Praeterea, unum et multitudo, sive numerus,
sunt in genere quantitatis. In Deo autem non potest esse aliqua quantitas, cum
quantitas sit accidens et dispositio materiae. Termini ergo numerales in Deo
nihil ponunt. 3. L’un et la pluralitй ou le nombre sont dans le genre de la quantitй.
Mais en Dieu il ne peut pas y avoir de quantitй, puisqu’elle est un accident et
une disposition de la matiиre. Donc les termes numйraux ne placent rien en
Dieu. q. 9 a. 7 s. c. 4 Sed dicendum, quod licet quantitas secundum
rationem sui generis, vel secundum rationem accidentis, non possit esse in Deo,
tamen secundum rationem speciei aliqua quantitas potest praedicari de Deo,
sicut aliqua qualitas, ut scientia vel iustitia.- Sed contra, illae solae
species qualitatis in divinam praedicationem assumuntur quae secundum rationem
suae speciei nullam imperfectionem important, sicut scientia, iustitia et
aequitas; non autem ignorantia nec albedo. Omnis autem quantitas secundum
rationem suae speciei imperfectionem importat: cum enim quantum sit quod est
indivisibile, species quantitatis distinguuntur secundum diversos modos
divisionis; sicut pluralitas est quae divisibilis est in non continua, linea
autem quae est divisibilis secundum unam dimensionem, superficies autem
secundum duas, corpus vero secundum tres. Divisio autem perfectioni divinae
simplicitatis repugnat. Nulla ergo quantitas secundum rationem suae speciei
potest praedicari de Deo. 4. Mais il faut dire que,
bien que la quantitй en raison de son genre, ou en raison de l’accident, ne
puisse pas exister en Dieu, cependant en raison de l’espиce, on peut attribuer
certaine quantitй а Dieu, de mкme que certaine qualitй, comme la science et la
justice.— En sens contraire, on admet
dans l’attribution divine ces seules espиces de qualitй qui n’apportent aucune
imperfection en raison de leur espиce, comme la science, la justice et l’йquitй;
mais pas l’ignorance ni la blancheur. Mais toute quantitй en raison de son
espиce apporte une imperfection; comme, en effet, quant а ce qui est
indivisible, les espиces de quantitй sont distinguйes selon divers modes de
division, ainsi la pluralitй est ce qui est divisible dans ce qui n’est pas
continu, la ligne ce qui est divisible selon une dimension, la superficie selon
deux, le corps selon trois4, mais la
division s’oppose а la perfection de la simplicitй divine. Donc aucune quantitй
en raison de son espиce ne peut кtre attribuйe а Dieu. q. 9 a. 7 s. c. 5 Sed dicendum, quod distinctio per
relationes quae facit numerum personarum in divinis, non importat
imperfectionem in Deo.- Sed contra, omnis divisio vel distinctio aliquam
multitudinem causat. Non autem omnis multitudo est numerus qui est species
quantitatis: cum multitudo et unum circumeant omnia genera. Non ergo
omnis divisio vel distinctio sufficit ad constituendum numerum qui est species
quantitatis, sed sola illa divisio quae est secundum quantitatem, qualis non
est distinctio relationum. 5. Mais il faut dire que la
distinction par les relations qui apportent le nombre des personnes en Dieu, ne
lui apporte pas d’imperfection.— En sens
contraire, toute division ou distinction cause une pluralitй, mais toute
pluralitй n’est pas un nombre qui est une espиce de quantitй, puisque la
pluralitй et l’unitй enferment tous les genres. Donc toute division ou
distinction ne suffit pas а constituer un nombre, qui est une espиce de
quantitй, mais cette seule division qui est selon la quantitй; telle n’est pas
la distinction des relations. q. 9 a. 7 s. c. 6 Sed dicendum, quod omnis multitudo est
species quantitatis, et omnis divisio sufficit ad constituendam speciem
quantitatis.- Sed contra, ad positionem substantiae non sequitur positio
quantitatis, cum substantia possit esse sine accidente. Sed positis solis
formis substantialibus, sequitur distinctio in substantiis. Ergo non quaelibet
distinctio constituit multitudinem quae est accidens et species quantitatis. 6. Mais il faut dire que
toute pluralitй est une espиce de quantitй, et toute division suffit а
constituer une espиce de quantitй. — En
sens contraire, placer la quantitй ne revient pas а placer la substance,
puisque celle-ci peut exister sans accident. Mais si on place les seules formes
substantielles, il en dйcoule une distinction dans les substances. Donc ce
n’est pas n’importe quelle distinction qui constitue la pluralitй qui est
accident et espиce de quantitй. q. 9 a. 7 s. c. 7 Praeterea, discretio quae constituit numerum,
quae est species quantitatis, opponitur continuo. Discretio autem continuo
opposita est, quae consistit in divisione continui. Ergo sola divisio continui,
quae non competit Deo, causat numerum qui est species quantitatis; et ita non
potest praedicari de Deo numerus qui est species quantitatis. 7. Ce qui constitue le nombre discret qui est espиce de quantitй,
s’oppose а ce qui constitue le nombre continu. Mais "cette discrйtion"
est opposйe au continu qui consiste dans la division du contenu. Donc la seule
division du contenu, qui ne convient pas а Dieu, cause le nombre qui est
l’espиce de quantitй, et ainsi on ne peut pas attribuer а Dieu un nombre qui
est une espиce de quantitй. q. 9 a. 7 s. c. 8 Praeterea, quaelibet substantia dicitur una.
Aut ergo est una per essentiam suam, aut per aliquid aliud. Si per aliquid
aliud, cum et illud oporteat esse unum, necesse est quod et illud per se sit
unum, vel per aliquid aliud, et illud iterum per aliud. Impossibile est autem
quod hoc procedat in infinitum. Ergo statur alicubi. Melius est ergo quod
stetur in primo, ut scilicet substantia per seipsam sit una. Non ergo unum est
aliquid additum substantiae; et ita non videtur significare aliquid positive. 8. On dit que n’importe quelle substance est une. Ou bien donc elle est
une par son essence, ou bien par quelque chose d’autre. Si c’est par quelque
chose d’autre, puisque aussi cela doit кtre un, il est nйcessaire que cela soit
un par soi, ou par quelque chose d’autre et celui-ci а nouveau par quelque
chose d’autre. Mais il est impossible que cela procиde а l’infini. Donc on
s’arrкte quelque part. Donc il est meilleur de s’arrкter au premier stade, pour
que la substance soit une par elle-mкme5.
Donc l’un n’est pas quelque chose d’ajoutй а la substance, et ainsi il ne
semble pas avoir une signification positive. q. 9 a. 7 s. c. 9 Sed dicendum, quod substantia non est una per
seipsam, sed per unitatem ei accidentem; unitas autem est per se una; prima
enim denominant seipsa, sicut bonitas est bona, veritas est vera, et similiter
unitas est una.- Sed contra, huiusmodi seipsa denominant propter hoc quod sunt
primae formae, nam secundae formae non denominant seipsas, sicut albedo non est
alba. Quae autem se habent ex additione ad aliud, non sunt prima. Ergo unitas et
bonitas non se habent ex additione ad substantiam. 9. Mais il faut dire que la
substance n’est pas une par elle-mкme, mais par une unitй qui lui est
accidentelle; mais l’unitй est une par soi; car les transcendantaux se nomment
eux-mкmes, ainsi la bontй est bonne, la vйritй vraie et de la mкme maniиre
l’unitй une.— En sens contraire, ceux
de ce genre se nomment eux-mкmes parce qu’ils sont des formes premiиres; car
les formes secondes ne se nomment pas elles-mкmes, ainsi la blancheur n’est pas
blanche. Ce qui se comporte par addition а autre chose n’est pas premier
(transcendantal). Donc l’unitй et la bontй ne se comportent pas par addition а
la substance. q. 9 a. 7 s. c. 10 Praeterea, secundum philosophum, omnia
dicuntur unum in quantum non dividuntur. Hoc autem quod est non dividi, non
ponit aliquid, sed solum removet. Ergo unum non praedicatur positive sed
remotive in divinis; et per consequens multitudo, quae constituitur ex unis. 10. Selon le philosophe (Mйtaphysique
V, 6, 1018 a 18 passim), on
appelle un tout ce qui n’est pas divisй. Mais ce qui n’est pas divisй ne place
rien, mais exclut seulement. Donc l’un n’est pas attribuй positivement а Dieu,
mais nйgativement; et par consйquent la pluralitй qui est constituйe par des
unitйs aussi. Rйponse: q. 9 a. 7 co. Respondeo. Dicendum quod de uno et multo diversa
inveniuntur, quae etiam apud philosophos fuerunt occasio diversa sentiendi.
Invenitur enim de uno, quod est principium numeri, et quod convertitur cum ente;
similiter invenitur de multo, quod pertinet ad quamdam speciem quantitatis,
quae dicitur numerus, et iterum quod circuit omne genus, sicut et unum, cui
videtur multitudo opponi. Pour l’un et le multiple, on trouve diffйrentes questions qui ont йtй
l’occasion pour les philosophes d’opinions diffйrentes. Car on trouve l'un, qui
est le principe du nombre, et qui est convertible avec l’йtant; de mкme on
trouve le multiple qui se rapporte а une certaine espиce de quantitй qui est
appelйe le nombre, et а nouveau ce qui comprend tout genre, comme l’un а qui
semble opposйe la pluralitй. Fuerunt ergo aliqui inter philosophos qui non distinxerunt
inter unum quod convertitur cum ente, et unum quod est principium numeri,
aestimantes quod neutro modo dictum unum aliquid super substantiam adderet; sed
unum quolibet modo dictum significaret substantiam rei. Ex quo sequebatur quod
numerus, qui ex unis componitur, sit substantia omnium rerum secundum opinionem
Pythagorae et Platonis. A. Donc il y en eut certains
parmi les philosophes qui n’ont pas distinguй entre l’un qui est convertible
avec l’йtant, et l’un qui est le principe du nombre, pensant que d’aucune des
deux maniиres ce qui est appelй un ajouterait quelque chose а la substance,
mais l’un qui est employй de n’importe quelle maniиre signifierait la substance.
Et il en dйcoulait que le nombre qui serait composй d’unitйs, serait la
substance de toutes les choses selon
l’opinion de Pythagore et de Platon6. Quidam vero non distinguentes inter unum quod convertitur
cum ente, et unum quod est principium numeri, crediderunt e contrario, quod
utrolibet modo dictum unum, adderet aliquod esse accidentale supra substantiam;
et per consequens omnis multitudo oportet quod sit aliquod accidens pertinens
ad genus quantitatis. Et haec fuit positio Avicennae, quam quidem videntur
secuti fuisse omnes antiqui doctores. Non enim intellexerunt per unum et multa
nisi aliquod pertinens ad genus quantitatis discretae. B. Mais certains qui ne
distinguent pas entre l’un qui est convertible avec l’йtant, et l’un principe
du nombre, ont cru au contraire que de l’une et l’autre maniиre, ce qui est
appelй un ajouterait un кtre accidentel а la substance et par consйquence il
faut que toute pluralitй soit un accident qui concerne le genre de la quantitй.
Et ce fut la position d’Avicenne7 qu’assurйment toutes les docteurs anciens
semblent avoir suivi. Car ils n’ont compris par un et beaucoup que quelque
chose qui appartenait au genre de la quantitй discrиte. Quidam vero fuerunt qui attendentes quod in Deo nulla
quantitas esse potest, posuerunt quod termini significantes unum vel multa de
Deo non ponunt aliquid, sed removeant tantum. Non enim possunt ponere nisi quod
significant, scilicet quantitatem discretam, quae nullo modo potest esse in
Deo. Sic ergo secundum eos unum dicitur de Deo ad removendum multitudinem
quantitatis discretae; termini vero significantes pluralitatem, dicuntur de Deo
ad removendum unitatem, quae est principium quantitatis discretae. C. Mais certains, qui ont йtй
attentifs а ce qu’en Dieu il ne peut y avoir aucune quantitй, ont pensй que les
termes qui signifiaient l’un ou beaucoup ne placent rien en Dieu, mais excluent
seulement. Car ils ne peuvent placer que ce qu’ils signifient, а savoir la
quantitй discrиte, qui ne peut en aucune maniиre кtre en Dieu. Donc ainsi selon
eux, on parle de l’un en Dieu pour exclure la multiplicitй de la quantitй
discrиte; mais les termes que signifient la pluralitй en Dieu, pour exclure
l’unitй, qui est le principe de la quantitй discrиte. Et haec videtur fuisse opinio Magistri, quae ponitur in 24
dist. I sententiarum. Quae quidem, supposita suae opinionis radice, scilicet
quod omnis multitudo significaret quantitatem discretam, et omne unum esset
eiusdem quantitatis principium, inter omnes rationabilior invenitur. Nam et
Dionysius dicit, quod negationes sunt maxime verae in Deo; affirmationes vero
sunt incompactae. Non enim scimus de Deo quid est, sed magis quid non est, ut
Damascenus dicit. Et cela semble avoir йtй l’opinion
du Maоtre qu’on trouve exposй dans la I
Sent. d24. Si on suppose l’origine de son opinion, а savoir que toute
pluralitй signifierait une quantitй discrиte, et toute unitй serait le principe
d’une mкme quantitй, cette opinion est trouvйe plus rationnelle parmi toutes.
Car Denys aussi (La Hiйrarchie cйleste,
II) dit que les nйgations sont tout а fait vraies en Dieu, mais les
affirmations sont inadйquates. Car nous ne savons pas de Dieu ce qu’il est,
mais plutфt ce qu’il n’est pas, comme Jean Damascиne le dit (I, 4). Unde et Rabbi Moyses omnia quae affirmative videntur dici de
Deo, dicit magis esse introducta ad removendum quam ad aliquid ponendum.
Dicimus enim Deum esse vivum ad removendum ab eo illum modum essendi quem
habent res quae apud nos non vivunt, non ad ponendum vitam in ipso, cum vita et
omnia huiusmodi nomina sint imposita ad significandum quasdam formas et
perfectiones creaturarum quae longe absunt a Deo; quamvis hoc non sit
usquequaque verum, nam, sicut dicit Dionysius, sapientia et vita et alia
huiusmodi non removentur a Deo quasi ei desint, sed quia excellentius habet ea
quam intellectus humanus capere, vel sermo significare possit; et ex illa
perfectione divina descendunt perfectiones creatae, secundum quamdam
similitudinem imperfectam. Et ideo de Deo, secundum Dionysium, non solum
dicitur aliquid per modum negationis et per modum causae, sed etiam per modum
eminentiae. C’est pourquoi Rabbi Moyses
dit que tout ce qui paraоt кtre dit affirmativement de Dieu est plus introduit
plus pour exclure que pour poser quelque chose. Car nous disons que Dieu est
vivant pour йloigner de lui ce mode d’кtre qu’ont les choses qui chez nous ne
vivent pas, mais pas pour placer la vie en eux, puisque la vie et tous les noms
de ce genre sont imposйs pour signifier des formes et les perfections des
crйatures, qui sont trиs loin de Dieu; quoique cela ne soit pas toujours vrai,
car, comme le dit Denys (Les Noms divins,
12), la sagesse et la vie, etc., ne sont pas exclues de Dieu, comme si elles
lui manquaient, mais parce qu’il les possиde plus excellemment que ce que
l’esprit humain peut en saisir ou la parole signifier; et de cette perfection
divine descendent les perfections crйes selon une ressemblance imparfaite. Et
c’est pourquoi au sujet de Dieu, selon Denys (La Thйologie mystique I et La
Hiйrarchie cйleste, I, et Les Noms
divins, II) non seulement on parle par mode de nйgation et de cause , mais
aussi par mode d’йminence. Sed quidquid sit de spiritualibus perfectionibus, certum est
quod materiales dispositiones removentur omnino a Deo. Unde cum quantitas sit
dispositio materiae, si termini numerales non significant nisi quod est in
genere quantitatis, necesse est quod de Deo non dicatur nisi ad removendum quae
significant, sicut Magister posuit, loc. cit. Nec sequitur ex eius positione
circulus,- dum unitas removet multitudinem, multitudo unitatem,- quia
removentur a Deo unitas et multitudo, quae sunt in genere quantitatis, quorum
neutrum de Deo dicitur. Et sic unitas dicta de Deo, quae removet multitudinem,
non removetur, sed alia unitas, quae de Deo dici non potest. Mais quoi qu’il en soit des perfections spirituelles, il est certain
que les dispositions matйrielles sont tout а fait exclues de Dieu. C’est
pourquoi, puisque la quantitй est une disposition de la matiиre, si les termes
numйraux ne signifient que ce qui est dans le genre de la quantitй, il est
nйcessaire qu’on n’en parle au sujet de Dieu que pour exclure ce qu’ils
signifient, comme le Maоtre l’a pensй (loc.
cit.). Et il ne dйcoule pas que cette disposition est circulaire — en tant
que l’unitй exclut la pluralitй, et la pluralitй l’unitй — parce que l’unitй et
la pluralitй, qui sont dans le genre de la quantitй sont exclues de Dieu. On ne
parle d’aucun des deux а propos de lui. Et ainsi l’unitй dont on parle en lui,
qui exclut la pluralitй, n’est pas exclue, mais c’est l’autre unitй dont on ne
peut parler en Dieu. Quidam vero, non intelligentes quod nomina affirmativa ad
removendum possint in praedicationem divinam induci, nec iterum ponentes unum
et multa,- nisi quod est in genere quantitatis discretae, quam in Deo ponere
non audebant,- dixerunt quod termini numerales non praedicantur de Deo quasi
dictiones significantes aliquam rem conceptam sed quasi dictiones officiales,
exercentes aliquid in divinis, scilicet distinctionem ad modum
syncategorematicae distinctionis. Quod quidem fatuum apparet, cum nihil tale ex
horum terminorum significatione possit haberi. D. Certains, ne comprenant pas que des noms affirmatifs puissent кtre introduits dans l’attribution divine pour
exclure, et en plus n’y plaзant l’un et le multiple — qui est dans le genre de
la quantitй discrиte qu’ils n’osaient pas placer en Dieu — certains, donc, ont
dit que les termes numйraux ne sont pas attribuйs а Dieu comme des expressions
qui signifient une espиce de concept, mais comme des expressions officielles
qui ont quelque pouvoir en Dieu, а savoir une distinction pour un mode de
distinction catйgorique. Ce qui paraоt insensй, puisque rien de tel ne peut
кtre possйdй par la signification de ces termes. Et ideo alii dixerunt, quod praedicti termini aliquid
positive ponunt in Deo, licet supponant quod unum et multa sunt solum in genere
quantitatis; dicunt enim quod non est inconveniens aliquam speciem quantitatis
Deo attribui, licet genus removeatur a Deo; sicut et aliquae species
qualitatis, ut sapientia et iustitia, dicuntur de Deo positive, licet in Deo
qualitas esse non possit. E. Et c’est pourquoi, d’autres, ont
dit que les termes en question placent positivement quelque chose en Dieu, bien
qu’ils supposent que ni l’un et ni multiple sont seulement dans le genre de la
quantitй: car ils disent qu’il n’y a pas d’inconvйnient а attribuer une espиce
de quantitй а Dieu, bien que le genre soit exclu de lui; comme on parle
positivement de certaines espиces de qualitйs comme la sagesse, et la justice,
bien qu’il ne puisse y avoir en lui de qualitй. Sed illud non est simile, ut in obiiciendo est tactum, nam
omnes species quantitatis ex ratione suae speciei habent imperfectionem, non
autem omnes species qualitatis. Et praeterea quantitas proprie est dispositio
materiae; unde omnes species quantitatis sunt mathematica quaedam, quae
secundum esse non possunt a materia sensibili separari, nisi tempus et locus
quae sunt naturalia, et magis materiae sensibili annexa. Unde patet quod nulla
species quantitatis potest in rebus spiritualibus convenire, nisi secundum
metaphoram. Qualitas autem sequitur formam, unde quaedam qualitates sunt omnino
immateriales, quae attribui possunt rebus spiritualibus. Mais cela n’est pas pareil que ce qu’on en dit dans l’objection, car
toutes les espиces de quantitй ont une imperfection en raison de leur espиce,
mais pas toutes les espиces de qualitй. Et ensuite la quantitй est en propre
une disposition de la matiиre; c’est pourquoi toutes les espиces de quantitй
sont mathйmatiques qui, selon l’кtre, ne peuvent pas кtre sйparйs de la matiиre
sensible sauf le temps et le lieu, qui sont naturels, et plus attachйs а la
matiиre sensible. C’est pourquoi il est clair qu’aucune espиce de quantitй ne
peut convenir aux кtres spirituels, sinon par mйtaphore. Mais la qualitй suit
la forme, c’est pourquoi il y a certaines qualitйs tout а fait immatйrielles,
qui peuvent кtre attribuйes aux choses spirituelles. Hae igitur opiniones processerunt, supposito quod idem sit
unum quod convertitur cum ente et quod est principium numeri, et quod non sit
aliqua multitudo nisi numerus qui est species quantitatis. Quod quidem patet
esse falsum: nam cum divisio multitudinem causet, indivisio vero unitatem,
oportet secundum rationem divisionis de uno et multo iudicium sumi. F. Donc ces opinions ont
progressй, en supposant que soient identiques l’un qui est convertible avec
l’йtant et celui qui est le principe du nombre, et qu’il n’y ait pas d’autre
pluralitй que le nombre qui est une espиce de la quantitй. Ce qui paraоt faux.
Comme la division, en effet, cause la pluralitй, et l’indivision l’unitй, il
faut juger de l’un et du multiple en raison de la division. Est autem quaedam divisio quae omnino genus quantitatis
excedit, quae scilicet est per aliquam oppositionem formalem, quae nullam
quantitatem concernit. Unde oportet quod multitudo hanc divisionem consequens,
et unum quod hanc divisionem privat, sint maioris communitatis et ambitus quam
genus quantitatis. Il y a une division qui transcende tout а fait le genre de la quantitй,
celle qui vient par une opposition formelle qui ne concerne aucune quantitй.
C’est pourquoi il faut que la pluralitй qui dйcoule de cette division, et l’un
qui en prive, soient plus communs et d’une plus grande amplitude que le genre
de la quantitй. Est autem et alia divisio secundum quantitatem quae genus
quantitatis non transcendit. Unde et multitudo consequens hanc divisionem, et
unitas eam privans, sunt in genere quantitatis. Quod quidem unum, aliquid
accidentale addit supra id de quo dicitur, quod habet rationem mensurae; alias
numerus ex unitate constitutus, non esset aliquod accidens, nec alicuius
generis species. Unum vero quod convertitur cum ente, non addit supra ens nisi
negationem divisionis, non quod significet ipsam indivisionem tantum, sed
substantiam eius cum ipsa: est enim unum idem quod ens indivisum. Et similiter
multitudo correspondens uni nihil addit supra res multas nisi distinctionem,
quae in hoc attenditur quod una earum non est alia; quod quidem non habent ex
aliquo superaddito, sed ex propriis formis. Mais il y a aussi une autre division, relative а la quantitй, qui n’en
dйpasse pas le genre. C’est pourquoi la pluralitй qui suit cette division et
l’unitй qui en prive, sont dans le genre de la quantitй. L’un ajoute quelque
chose d’accidentel а ce dont on parle, ayant raison de mesure, autrement le
nombre constituй par l’unitй ne serait pas un accident, ni l’espиce d’un genre.
Mais l’un qui est convertible avec l’йtant, n’y ajoute que la nйgation de la
division, non qu’il signifie seulement l’indivision elle-mкme, mais il signifie
sa substance avec elle, car il y a une unitй
identique а l’йtant indivis. Et de la mкme maniиre la pluralitй qui
correspond а l’un n’ajoute rien а la multiplicitй des choses, sinon la
distinction qui consiste en ce que l’une d’elle n’est pas l’autre; ce qui ne
vient pas de quelque chose ajoutй, mais de leurs propres formes. Patet ergo quod unum quod convertitur cum ente, ponit quidem
ipsum ens, sed nihil superaddit nisi negationem divisionis. Multitudo autem ei
correspondens addit supra res, quae dicuntur multae, quod unaquaeque earum sit
una, et quod una earum non sit altera, in quo consistit ratio distinctionis. Et
sic, cum unum addat supra ens unam negationem,- secundum quod aliquid est
indivisum in se,- multitudo addit duas negationes, prout scilicet aliquid est
in se indivisum, et prout est ab alio divisum. Quod quidem dividi est unum
eorum non esse alterum. Il est йvident que l’un qui est convertible avec l’йtant pose l’йtant
lui-mкme, mais il n’ajoute que la nйgation de la division. Mais la pluralitй
qui lui correspond ajoute а ce qui est dit multiple, que chacune d’elles est
une et que l’une d’elle n’est pas l’autre, en quoi consiste la raison de la
distinction. Et ainsi, comme l’unitй ajoute une nйgation а l’йtant — selon que
quelque chose est indivis en soi, la pluralitй ajoute deux nйgations, dans la
mesure oщ une chose est indivise en soi, et dans la mesure oщ elle est divisйe
par un autre. Кtre divisй est l’unitй de ceux qui ne sont pas autres. Dico ergo, quod in divinis non praedicantur unum et multa
quae pertinent ad genus quantitatis, sed unum quod convertitur cum ente, et
multitudo ei correspondens. Unde unum et multa ponunt quidem in divinis ea de
quibus dicuntur; sed non superaddunt nisi distinctionem et indistinctionem,
quod est superaddere negationes, ut supra expositum est. Unde concedimus, quod
quantum ad id quod superaddunt eis de quibus praedicantur, remotive in Deo
accipiuntur; in quantum autem includunt in sua significatione ea de quibus
dicuntur, positive accipiuntur. Unde ad utrasque rationes respondendum est. G. Je dis donc qu’en Dieu ne
sont attribuйs ni l’un et ni le multiple qui se rapportent au genre de la
quantitй, mais l’un qui est convertible avec l’йtant et la pluralitй qui lui
correspond. C’est pourquoi l’un et le multiple placent en Dieu ce dont on parle;
mais ils ne surajoutent que la distinction et la non distinction, ce qui est
ajouter des nйgations, comme on l’a exposй plus haut. C’est pourquoi, nous
concйdons que pour ce qu’ils ajoutent а ce а quoi ils sont attribuйs, il sont reзus en Dieu nйgativement; en
tant qu’ils incluent dans leur signification ce dont nous parlons, ils sont reзus positivement. C’est pourquoi il faut rйpondre aux deux raisons. Solutions: q. 9 a. 7 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod qui dicit tres
personas, aliquid in Deo dicit, scilicet distinctionem personarum; quam qui
negat, haereticus est. Ista autem distinctio non addit aliquid supra personas
distinctas. # 1. Qui dit trois personnes dit une rйalitй en Dieu, а savoir la
distinction des personnes; qui la nie est hйrйtique, mais cette distinction
n’ajoute rien aux personnes distinctes. q. 9 a. 7 ad 2 Ad secundum dicendum quod, licet in remotione
quorumdam a Deo, sit cointelligenda praedicatio eorumdem de Deo per eminentiam
et per causam, tamen quaedam solummodo negantur de Deo et nullo modo
praedicantur; sicut cum dicitur: Deus non est corpus. Et hoc modo posset dici
secundum opinionem Magistri, quod omnino negatur a Deo quantitas numeralis; et
similiter secundum id quod ponimus, omnino negatur ab eo essentiae divisio, cum
dicitur: essentia divina est una. # 2. Bien qu’en excluant certaines choses de Dieu, il faille comprendre
leur attribution par йminence, et par cause, cependant, certaines sont
seulement niйes et ne lui sont attribuйes en aucune maniиre, comme quand on dit:
Dieu n’est pas un corps. Et de cette maniиre on pourrait dire selon l’opinion
du Maоtre, que la quantitй numйrale est tout а fait niйe pour Dieu; et de la
mкme maniиre selon ce que nous y plaзons, cela nie tout а fait la division de
l’essence, quand on dit: l’essence divine est une. q. 9 a. 7 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in rebus creatis
termini numerales non ponunt aliquid superadditum rebus de quibus dicuntur,
nisi prout significant id quod est in genere quantitatis discretae, secundum
quem modum non praedicantur de Deo; et hoc pertinet ad perfectionem ipsius. # 3. Dans les crйatures, les termes numйraux ne placent rien de
surajoutй а ce dont on parle, sinon dans la mesure oщ ils signifient ce qui est
dans le genre de la quantitй discrиte; sous ce mode, elles ne sont pas
attribuйes а Dieu; et cela convient а sa perfection. q. 9 a. 7 ad 4 Ad quartum dicendum, quod unitas et multitudo
quae significantur per terminos numerales dictos de Deo, non sunt solum in
intellectu nostro, sed sunt in Deo secundum rem; non tamen propter hoc
significatur aliquid positive praeter intellectum eorum quibus ista
attribuuntur. # 4. L’unitй et la pluralitй qui sont signifiйes par les termes
numйraux employйs pour Dieu, ne sont pas seulement dans notre esprit, mais ils
sont en Dieu en rйalitй; ce n’est pas cependant а cause de cela que quelque
chose est signifiй positivement au-delа du concept de ceux а qui ils sont
attribuйs. q. 9 a. 7 ad 5 Ad quintum dicendum quod bonum quod est in
genere qualitatis, non est bonum quod convertitur cum ente, quod nullam rem
supra ens addit; bonum autem quod est in genere qualitatis, addit aliquam
qualitatem qua homo dicitur bonus; et simile est de uno, sicut ex dictis patet.
Sed in hoc differt quod bonum utroque modo acceptum potest venire in divinam
praedicationem, non autem unum: non enim est eadem ratio de quantitate et
qualitate, sicut ex dictis patet. # 5. Le bien qui est dans le genre de la qualitй, n’est pas le bien qui
est convertible avec l’йtant, parce qu’il n’ajoute rien а l’йtant; mais le bien
qui est dans le genre de la qualitй ajoute une qualitй par laquelle on dit que
l’homme est bon; et c’est pareil pour l’unitй, comme on le voit d’aprиs ce qui
a йtй dit. Mais il y a une diffйrence: le bien reзu de l’une et l’autre maniиre
peut venir dans l’attribution divine, mais pas l’unitй; car la quantitй et la
qualitй n’ont pas une nature identique, comme on le voit de ce qui a йtй dit. q. 9 a. 7 ad 6 Ad sextum dicendum, quod inter ista quatuor
prima, maxime primum est ens: et ideo oportet quod positive praedicetur;
negatio enim vel privatio non potest esse primum quod intellectu concipitur,
cum semper quod negatur vel privatur sit de intellectu negationis vel
privationis. Oportet autem quod alia tria super ens addant aliquid quod ens non
contrahat; si enim contraherent ens, iam non essent prima. Hoc autem esse non
potest nisi addant aliquid secundum rationem tantum; hoc autem est vel negatio,
quam addit unum (ut dictum est), vel relatio ad aliquid quod natum sit referri
universaliter ad ens; et hoc est vel intellectus, ad quem importat relationem
verum, aut appetitus, ad quem importat relationem bonum; nam bonum est quod
omnia appetunt, ut dicitur in I Ethic. # 6. Parmi les quatre transcendantaux, celui qui est absolument le
premier est l’йtant et c’est pourquoi il faut qu’il soit attribuй positivement;
car la nйgation ou la privation ne peuvent кtre ce qui est conзu en premier par
l’esprit, puisque toujours ce qui est niй ou privй est du concept de nйgation
ou de privation. Mais il faut que les trois autres ajoutent а l’йtant quelque
chose qui ne le limite pas; car s’ils le limitaient , ils ne seraient plus des
transcendantaux. Mais cela n’est pas possible а moins qu’ils ajoutent quelque
chose en raison seulement. Mais c’est ou bien la nйgation qui ajoute l’unitй
(comme on l’a dit) ou bien une relation ou ce qui est destinй а кtre rйfйrй а
l’йtant selon l’universel: et c’est ou bien le concept, а qui le vrai apporte
une relation ou bien l’appйtit, а laquelle le bien apporte la relation; car le
bien est ce que tous recherchent, comme on le dit dans l’Йthique (I, 1, 1094 a 2). q. 9 a. 7 ad 7 Ad septimum dicendum, quod secundum philosophum,
multum dicitur dupliciter: # Selon le philosophe (Mйtaphysique
X, 6, 1056 b 17 ss.), on parle de beaucoup
en plusieurs sens: `uno modo absolute,
et sic dicitur per oppositum ad unum; a) D’une premiиre maniиre, selon l’absolu et ainsi on l’emploie par
opposition а l’unitй: alio modo dicitur comparative, prout importat excessum
quemdam respectu minoris numeri, et sic multum opponitur pauco. b) D’une autre maniиre, on en parle comparativement dans la mesure oщ
il apporte un surplus par rapport а un nombre plus petit, et ainsi beaucoup est
opposй а peu. Similiter autem et magnum potest dupliciter dici: De la mкme maniиre on parle de grand
de deux maniиres: uno modo absolute, prout importat quantitatem continuam quae
dicitur magnitudo; a) D’une premiиre maniиre selon l’absolu, dans la mesure oщ le terme
apporte une quantitй continue qui est appelйe grandeur. alio modo comparative, rout importat excessum respectu
minoris quantitatis.. b) D’une autre maniиre, comparativement, dans la mesure oщ il apporte
un surplus par rapport а une quantitй plus petite. Primo ergo modo magnum non praedicatur de Deo;
sed secundo, ut importetur eius eminentia super omnem creaturam Donc de la premiиre maniиre, grand n’est pas attribuй а Dieu, mais de
la seconde, il est attribuй pour apporter son йminence au-dessus de tout
crйature. q. 9 a. 7 ad 8 Ad octavum dicendum, quod unum quod pertinet ad
vestigium Dei in creaturis, est unum quod convertitur cum ente, quod quidem
ponit aliquid, in quantum ponit ipsum ens, cui solam negationem superaddit, ut
dictum est. # 8. L’unitй qui appartient au vestige de Dieu dans les crйatures est
l’un qui est convertible avec l’йtant, qui place quelque chose en tant qu’il
place l’йtant а qui il ajoute seulement une nйgation, comme on l’a dit. q. 9 a. 7 ad 9 Ad nonum dicendum, quod unum oppositorum non
excludit aliud, nisi ab eo de quo praedicatur. Non enim sequitur, si Socrates
est albus, quod nihil sit nigrum: sed quod ipse non est niger. Sic ergo
sequitur quod si patris persona est una, patris personae non sunt plures; non
autem sequitur quod non sint plures personae in divinis. # 9. L’un des opposйs n’exclut l’autre que par ce qui lui est attribuй.
Car il n’en dйcoule pas, si Socrate est blanc, que rien ne soit noir; mais que
lui-mкme n’est pas noir. Ainsi donc il en dйcoule que si la personne du Pиre
est une, les personnes du Pиre ne sont pas plusieurs, mais il n’en dйcoule pas
qu’il n’y ait pas plusieurs personnes en Dieu. q. 9 a. 7 ad 10 Ad decimum dicendum, quod unum non constituit
multitudinem ex parte privationis, sed ex parte illa qua ponit ens. # 10. L’un n’a pas constituй la pluralitй du cфtй de la privation mais
de ce cфtй oщ il place l’йtant. q. 9 a. 7 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod sicut dicitur
in V Metaph., privatio tribus modis dicitur: uno modo proprie,
quando removetur ab aliquo quod natum est habere, et in quo tempore natum est
habere; sicut carere visu est privatio visus in homine. Alio modo
communiter, quando removetur ab aliquo quod ipsum quidem non est natum habere,
sed genus eius; sicut si non habere visum dicatur esse privatio visus in talpa.
# 11. Comme il est dit en Mйtaphysique,
(V, 22, 1022 b 21 ss.), on parle de la privation de trois maniиres: a) Au sens propre, quand est exclu de quelque chose ce qu’il est
destinй а avoir et, en quel temps, il est destinй а l’avoir, comme ne pas avoir
la vue est la privation de la vue dans l’homme. b) D’une autre maniиre, communйment, quand est exclu d’une chose ce
qu’elle n’est pas destinйe а avoir, mais que son genre est destinй а ne pas
avoir; ainsi, si ne pas avoir la vision йtait appelй privation de la vue pour
la taupe. Tertio modo communissime, quando removetur ab aliquo id quod
a quocumque alio natum est haberi, non tamen ab ipso, nec ab alio sui generis:
sicut si non habere visum, dicatur esse privatio visus in planta. Et haec
privatio medium est inter privationem veram et simplicem negationem, habens
commune aliquid cum utroque; cum privatione quidem vera, in hoc quod est
negatio in aliquo subiecto, unde non competit simpliciter non enti; cum
negatione vero simplici, in hoc quod non requirit aptitudinem in subiecto. Per
hunc autem modum unum privative dicitur, et potest simili modo praedicari in
divinis, sicut et alia quae simili modo praedicantur in divinis, ut invisibilis
et immensus et huiusmodi. c) De maniиre trиs commune, quand est exclu d’une chose ce qu’elle est
destinйe а avoir par n’importe quel autre, cependant pas par elle-mкme, ni par
un autre de son genre; comme si on disait que ne pas avoir la vue, c’est la
privation de la vue dans la plante. Et cette privation est intermйdiaire entre
la vraie privation et la nйgation simple, ayant quelque chose de commun avec
l’une et l’autre; avec une vraie privation, du fait que c’est une nйgation dans
un sujet; c’est pourquoi il n’appartient pas simplement au non-кtre; avec une
nйgation simple du fait qu’il ne requiert pas d’aptitude dans le sujet. Par ce
moyen l’un est dit nйgativement et peut кtre attribuй а Dieu d’une maniиre
semblable, comme les autres qui sont attribuйs а Dieu d’une maniиre semblable,
comme invisible, immense, etc. q. 9 a. 7 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod termini numerales
non addunt aliquid in divinis supra id de quo praedicantur; et ideo quando
praedicantur de essentialibus, significant essentiam; quando vero de
personalibus, significant relationem. # 12. Les termes numйraux n’ajoutent rien en Dieu, au-dessus de ce а
quoi ils sont attribuйs; et c’est pourquoi quand ils sont attribuйs а ce qui
est l’essence, ils la signifient, mais s’ils sont attribuйs а ce qui est
personnel, ils signifient la relation. q. 9 a. 7 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod unum et ens
convertuntur secundum supposita; sed tamen unum addit secundum rationem,
privationem divisionis; et propter hoc non sunt synonyma, quia synonyma sunt
quae significant idem secundum rationem eamdem. #13. L’un et l’кtre sont convertibles selon les suppфts; mais cependant
l’un ajoute en raison la privation de division, et c’est pour cela qu’ils ne
sont pas synonymes, parce que les synonymes signifient une chose identique sous
le mкme rapport. q. 9 a. 7 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod unum potest
considerari dupliciter: uno modo quantum ad illud quod ponit, et sic constituit
multitudinem; alio modo quantum ad negationem quam superaddit, et sic
opponitur unum multitudini privative. # 14. L’un peut кtre
considйrй de deux maniиres; a) Quant а ce qu’il pose; et ainsi il a constituй une pluralitй. b) D’une autre maniиre quant а la nйgation qu’il ajoute et ainsi l’un est
opposй nйgativement а la pluralitй. q. 9 a. 7 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod secundum
philosophum, multitudo est prior uno secundum sensum, sicut totum partibus et
compositum simplici; sed unum est prius multitudine naturaliter et secundum
rationem. Hoc autem non videtur sufficere ad hoc quod unum opponatur
multitudini privative. Nam privatio est posterior secundum rationem, cum in
intellectu privationis sit eius oppositum, per quod definitur: nisi forte hoc
referatur solum ad nominis rationem, prout hoc nomen unum significat privative,
nomen vero multitudinis positive; nomina enim imponuntur a nobis secundum quod
cognoscimus res. Unde ad hoc quod aliquid significetur per nomen ut privatio,
sufficit qualitercumque sit posterius in nostra cognitione; quamvis hoc non
sufficiat ad hoc quod res ipsa sit privativa, nisi sit posterius secundum
rationem. # 15. Selon le philosophe (Mйtaphysique,
X, 3, 1054 a 288), la pluralitй
est avant l’unitй, selon le sens, comme le tout avant les parties et le composй
avant le simple. Mais l’un est naturellement et en raison avant la pluralitй.
Mais cela ne paraоt pas suffire, pour que l’un soit opposй nйgativement а la
multitude, car la privation est aprиs en raison, puisque dans le concept de
privation il y a son opposй, par lequel il est dйfini; а moins que par hasard
cela se rapporte seulement а la nature du nom, dans la mesure oщ il signifie
nйgativement l’unitй, mais
positivement le nom de pluralitй. Car
les noms s’imposent а nous selon que nous connaissons la rйalitй. C’est
pourquoi, pour qu’une chose soit signifiйe par un nom comme privation, il
suffit de quelque maniиre qu’il soit postйrieur dans notre connaissance;
quoique cela ne suffise pas pour que la chose soit nйgative, а moins qu’elle
soit postйrieure en raison. Et ideo potest melius dici, quod divisio est causa
multitudinis, et est prior secundum intellectum quam multitudo; unum autem
dicitur privative respectu divisionis, cum sit ens indivisum, non autem
respectu multitudinis. Unde divisio est prior, secundum rationem, quam unum;
sed multitudo posterius. Quod sic patet: Et c’est pourquoi on peut dire mieux: la division est la cause
de la pluralitй, et elle est avant elle en esprit; mais on parle d’unitй
nйgativement par rapport а la division, puisqu’elle est l’йtant non divisй,
sans rapport avec la pluralitй. C’est pourquoi la division est en raison avant
l’unitй; mais la pluralitй aprиs. Ce qui paraоt ainsi: primum enim quod in intellectum cadit, est ens; a) En premier ce qui arrive
dans l’esprit c’est l’йtant; secundum vero est negatio entis; b) en second, la nйgation de
l’йtant; ex his autem duobus sequitur tertio intellectus divisionis
(ex hoc enim quod aliquid intelligitur ens, et intelligitur non esse hoc ens,
sequitur in intellectu quod sit divisum ab eo); c) mais de ces deux dйcoule en troisiиme
le concept de division (car du fait que quelque chose est compris comme йtant,
et que cet йtant est compris comme n’йtant pas celui-lа, il dйcoule en esprit,
qu’il est sйparй de lui); quarto autem sequitur in intellectu ratio unius, prout
scilicet intelligitur hoc ens non esse in se divisum; d) quatriиmement: la nature
de l’un dйcoule dans l’esprit, dans la mesure oщ cet йtant est compris comme
non divisй en soi, quinto autem sequitur intellectus multitudinis, prout
scilicet hoc ens intelligitur divisum ab alio, et utrumque ipsorum esse in se
unum. Quantumcumque enim aliqua intelligantur divisa, non intelligetur
multitudo, nisi quodlibet divisorum intelligatur esse unum. e) cinquiиmement, il en
dйcoule le concept de pluralitй dans la mesure oщ cet йtant est compris comme
sйparй d’un autre et l’un et l’autre d’entre eux sont uniques en soi. Car
chaque fois que quelque chose est compris comme sйparй d’un autre, la pluralitй
n’est pas comprise а moins que l’une des choses divisйes soit comprise comme un
кtre. Et sic etiam patet quod non erit circulus in definitione
unius et multitudinis. Et ainsi il est clair qu’il n’y aura pas de cercle vicieux dans la
dйfinition de l’un et de la pluralitй. q. 9 a. 7 ad 16 Unde patet responsio ad decimumsextum. # 16. Ainsi s’йclaire la rйponse а la 16me objection. q. 9 a. 7 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod unum quod est
principium numeri, comparatur ad multitudinem ut mensura ad mensuratum; quod
quidem unum positive aliquid supra substantiam addit, ut dictum est. # 17. L’un qui est le principe du nombre est comparй а la pluralitй,
comme la mesure au mesurй; cette unitй ajoute positivement quelque chose а la
substance, comme on l’a dit (dans le corps de l’article). q. 9 a. 7 ad s. c. Ad ea quae in oppositum obiiciuntur,
secundum praemissa, facile est respondere considerantibus secundum quid
veritatem concludant. Unum tamen quod in illis obiectionibus tangebatur
considerandum est, quod huiusmodi prima, scilicet essentia, unitas, veritas et
bonitas, denominant seipsa ea ratione, quia unum, verum et bonum consequuntur
ad ens. Cum autem ens sit primum quod in intellectu concipitur oportet quod
quidquid in intellectum cadit, intelligatur ut ens, et per consequens ut unum,
verum et bonum. Unde cum intellectus apprehendat essentiam, unitatem, veritatem
et bonitatem in abstracto, oportet quod de quolibet eorum praedicetur, ens, et
alia tria concreta. Et inde est quod ista denominant seipsa, non autem alia
quae non convertuntur cum ente. Pour ce qui est objectй en sens
contraire, selon
ce qui a йtй dit, il est facile de rйpondre а ceux qui considиrent en quoi ils
limitent la vйritй. Cependant il faut considйrer que ce qui йtait abordй dans
ces objections les transcendantaux de ce genre, а savoir l’essence, l’unitй, la
vйritй et la bontй, signifient eux-mкmes par cette raison que l’un, le vrai et
le bien supposent l’йtant. Mais comme l’йtant est le premier qui est conзu par
l’esprit, il faut que quelque chose arrive dans l’esprit et soit compris comme
йtant, et par consйquent comme un, vrai et bon. C’est pourquoi, comme l’esprit
saisit l’essence, l’unitй, la vйritй et la bontй dans l’abstrait, il faut que
soit attribuй а chacun d’eux l’йtant et les trois autres concrets. Et de lа
vient qu’ils se signifient eux-mкmes, mais pas les autres qui ne se
convertissent pas avec l’йtant.
1 Parall.: Ia, qu. 30, a. 3 — I Sent. d24a3 —Qdl, X,
qu. 1, a. 1. "Son йnoncй met en
discussion l’opinion du Lombard… qui a recours а la voie nйgative. ‘un’ et
‘trois’, а propos de Dieu, n’y disent rien de positif, mais en nient quelque
limite" Йd. des Jeunes, p. 189, Cf. I
Sent., d24q1. 2
Sabellius Cf. Pot. 1, 1, note, et 8, 1 et 8, 2. 3
Les transcendantaux. 4
Cf. Mйtaphysique, V, 6, 1016 b 26
ss.. 5
Thomas dit cela de maniиre plus abstraite dans le de veritate, qu. 1, a. 1, c: "De mкme que dans ce qu’on
dйmontre il faut en revenir а des principes connus par soi par l’esprit (donc йvident), de mкme en cherchant ce
que c’est, autrement dans les deux cas on irait а l’infini et ainsi pйrirait
toute connaissance." 6
"Et parce que le nombre est composй d’unitйs (Pythagore et Platon) ont cru
que les nombres seraient la substance de toutes choses" (Ia, qu. 11, a. 1, ad 1. Il y a chez eux
confusion entre l’unitй transcendantale et l’unitй prйdicamentale qui est
l’unitй d’une chose quantifiйe, considйrйe comme indivisible et reзue comme
mesure de quantitй. 7
Avicenne, Mйtaphysique, Trad. III, c.
2, 3 (p. 160 ss) 8
"…de sorte que la pluralitй est logiquement antйrieure а l’indivisible, en
raison des conditions de perception." (Trad. J. Tricot)
Article 8: Y a-t-il de la diversitй en Dieu?
q. 9 a. 8 tit. 1 Octavo quaeritur utrum in Deo
sit aliqua diversitas. Et videtur quod sic. Il semble que oui1. Objections: q. 9 a. 8 arg. 1 Quia, secundum philosophum, unum in substantia
facit idem, multitudo autem in substantia facit diversum. In divinis autem est
multitudo secundum substantiam, dicit enim Hilarius, quod pater et filius et
spiritus sanctus sunt per substantiam tria, per consonantiam vero unum. Ergo in
divinis est diversitas. 1. Parce que, selon le philosophe
(Mйtaphysique V, 6, 1015 b 18),
l’unitй dans la substance fait l’identique, mais la pluralitй apporte en elle la diversitй. Mais en Dieu, il y a pluralitй selon la substance, car
Hilaire dit (Les Synodes) que le
Pиre, le Fils et l’Esprit saint sont trois par la substance, mais un par
accord. Donc en Dieu il y a de la diversitй. q. 9 a. 8 arg. 2 Praeterea, secundum philosophum, diversum
dicitur absolute, differens vero relative; unde omne differens est diversum,
non autem omne diversum est differens. Sed in divinis conceditur esse
differentia; dicit enim Damascenus: differentiam personarum in tribus
proprietatibus, id est paternali et filiali et processibili recognoscimus. Ergo
in divinis est diversitas. 2. Selon le philosophe (Mйtaphysique
X, 3, 1054 b 23 ss2.) on parle de divers absolument, de diffйrent relativement; c’est pourquoi
tout ce qui est diffйrent est divers, mais tout ce qui est divers n’est pas
diffйrent. Mais en Dieu on concиde qu’il y a des diffйrences; car Jean
Damascиne (La foi orthodoxe III) dit:
"Nous reconnaissons la diffйrence
des personnes en trois propriйtйs, c'est-а-dire la paternitй, la filiation et
la procession." Donc il y a de la diversitй en Dieu. q. 9 a. 8 arg. 3 Praeterea, differentia accidentalis facit
alterum solum; differentia vero substantialis facit aliud, idest diversum. Cum
ergo in divinis sit differentia, et non possit ibi esse accidentalis
differentia,- et per consequens oportet quod sit differentia substantialis,-
oportet quod sit ibi diversitas. 3. La diffйrence accidentelle rend diffйrent seulement, mais la diffйrence
substantielle fait que quelque chose est autre, c'est-а-dire divers. Donc comme
en Dieu il y a une diffйrence et qu’il ne peut pas y avoir lа de diffйrence
accidentelle, — par consйquent il faut que ce soit une diffйrence substantielle
— il faut qu’il y ait diversitй. q. 9 a. 8 arg. 4 Praeterea, multitudo causatur ex divisione,
sicut iam dictum est. Ubi autem est divisio sequitur diversitas. Ergo in
divinis cum sit multitudo, erit ibi diversitas. 4. La pluralitй est causйe par la division, comme on l’a dйjа dit
(article prйcйdent, qu. 9, a. 7, sol. 15). Mais lа oщ il y a division dйcoule
la diversitй. Donc en Dieu, comme il y a pluralitй, il y a diversitй. q. 9 a. 8 arg. 5 Praeterea, idem et diversum sufficienter
dividunt ens. Sed pater non est idem filio: non enim conceditur quod pater
generando filium, generet se Deum. Ergo filius est diversus a patre. 5. Le mкme et le divers divisent suffisamment l’йtant. Mais le Pиre
n’est pas le mкme que le Fils, car il n’a pas йtй concйdй que le Pиre en
engendrant le Fils s’engendrerait Dieu3.
Donc le Fils est diffйrent du Pиre. En sens contraire: q. 9 a. 8 s. c. 1 Sed contra. Est quod Hilarius dicit: nihil in
divinis novum, nihil diversum, nihil alienum, nihil separabile. 1. Il y a ce que dit Hilaire (La Trinitй, VII): "Rien de nouveau en Dieu, rien de divers, rien d’йtranger, rien de
sйparable." q. 9 a. 8 s. c. 2 Praeterea, Ambrosius dicit: pater et filius
divinitate unum sunt, nec est ibi substantiae differentia, nec ulla diversitas. 2. Ambroise dit (La Trinitй):
"Le Pиre et le Fils sont un par la
divinitй, et il n’y a pas de diffйrence de substance, ni aucune diversitй." Rйponse: q. 9 a. 8 co. Respondeo. Dicendum quod, sicut dicit Hieronymus,
ex verbis inordinate prolatis, incurritur haeresis. Et ideo sic loquendum est
de divinis ut nulla errori occasio praebeatur. Fuerunt autem circa divina duo
errores, praecipue cavendi ab illis qui de unitate et Trinitate in divinis
loquuntur: scilicet error Arii, qui unitatem essentiae negavit, ponens aliam
essentiam esse patris et aliam filii. Alius error est Sabelli, qui negavit
pluralitatem personarum dicens, eumdem esse patrem qui est filius. Il faut dire, comme Jйrфme, que l’hйrйsie provient des paroles
profйrйes sans mesure. Et c’est pourquoi il faut parler de Dieu, de sorte qu’il
n’y ait aucune occasion donnйe а l’erreur. Mais il y a surtout deux erreurs а
propos de Dieu, qui doivent кtre йvitйes par ceux qui parlent d’unitй et de
Trinitй: а savoir l’erreur d’Arius qui a niй l’unitй de l’essence, en
йtablissant que celle du Pиre йtait diffйrente de celle du Fils. L’autre erreur
est celle de Sabellius, qui a niй la pluralitй des personnes, en disant que le
Pиre йtait le mкme que le Fils. Ad evitandum ergo errorem Arii sunt nobis quatuor cavenda in
fidei confessione: primo diversitas per quam tollitur unitas essentiae, quam
confitemur dicendo esse unum Deum; secundo divisio, quae obviat divinae
simplicitati; Donc pour йviter l’erreur d’Arius, il faut faire attention dans la
confession de la foi а quatre sujets: a) La diversitй par laquelle on enlиve l’unitй de l’essence que nous
confessons en disant qu’il y a un seul Dieu. b) La division qui s’oppose а la simplicitй divine. tertio disparitas, quae repugnat aequalitati divinarum
personarum; quarto ut non confiteamur filium esse alienum a patre, per
quod tollitur similitudo. c) La disparitй qui s’oppose а l’йgalitй des personnes divines. d) Ne pas confesser que le Fils est йtranger au Pиre, ce qui supprime
la ressemblance. Similiter contra errorem Sabelli sunt quatuor
cavenda. Primo singularitas, per quam tollitur naturae
divinae communicabilitas; secundo nomen unici, per quod tollitur realis
distinctio personarum; De la mкme maniиre contre l’erreur de Sabellius, il faut faire
attention а quatre sujets: a) La singularitй par laquelle est supprimйe la communicabilitй de la
nature divine b) Le nom d’unique par lequel est supprimйe la rйelle distinction des
personnes. tertio confusio, per quam tollitur ordo qui est in divinis
personis; c) La confusion, par laquelle est supprimй l’ordre qui est dans les
personnes divines. quarto solitudo, per quam tollitur consociatio divinarum
personarum. d) La solitude par laquelle est supprimйe la communion des personnes
divines. Confitemur autem contra diversitatem, unitatem essentiae;
contra divisionem, simplicitatem; contra disparitatem, aequalitatem; contra
alienum, similitudinem; contra singularitatem personarum, pluralitatem; contra
unicum, distinctionem; contra confusionem, discretionem; contra solitarium,
consonantiam et connexionem amoris. Aussi nous confessons contre la diversitй, l’unitй de l’essence;
contre la division, la simplicitй, contre la disparitй, l’йgalitй, contre la
rupture la ressemblance, contre la singularitй des personnes la pluralitй,
contre l’unicitй, la quantitй discrиte, contre la confusion, la distinction,
contre la solitude, l’accord et l’union de l’amour. Solutions: q. 9 a. 8 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod substantia
accipitur ibi pro hypostasi, non pro essentia, cuius multitudo faceret
diversitatem. # 1. Donc il faut dire que la substance y est reзue pour l’hypostase,
non pour l’essence, dont la pluralitй causerait la diversitй. q. 9 a. 8 ad 2 Ad secundum dicendum quod, licet a quibusdam
doctoribus Ecclesiae inveniatur nomen differentiae circa divina, non tamen est
communiter utendum, nec ampliandum, quia differentia importat distinctionem
aliquam secundum formam, quae non potest esse in divinis, cum forma Dei sit
divina natura, ut Augustinus dicit. Sed exponenda est differentia, ut ponatur
pro distinctione, quae minimum distinctionis importat; cum etiam secundum
relationes vel secundum solam rationem aliqua distingui dicantur. Sic etiam
exponendum est, si inveniatur diversitas in divinis; utpote si dicatur quod
diversa est persona patris a persona filii, accipiendum est diversum pro
distincto. Magis tamen cavendum est nomen diversitatis in divinis quam
differentiae; quia diversitas magis pertinet ad essentialem divisionem, nam
qualiscumque formarum multitudo facit differentiam; diversitas autem fit solum
per formas substantiales. # 2. Bien que certains docteurs de l’Йglise emploient le nom de
diffйrence а propos de Dieu, il ne faut cependant pas s’en servir communйment,
ni йlargir son emploi, parce que la diffйrence apporte une distinction selon la
forme qui ne peut pas exister en Dieu, puisque la forme de Dieu est sa nature
divine, comme Augustin le dit. Mais il faut exposer la diffйrence pour poser
comme distinction ce qui apporte un minimum de distinction, puisqu’on dit aussi
que certaines choses sont distinguйes selon les relations par la seule raison.
Mais il faut montrer aussi, si on trouve la diversitй en Dieu, que, si on
disait que la personne du Pиre est ‘diverse’ de celle du fils, il faut prendre
diverse pour distinct. Cependant il faut faire attention plus au nom de diversitй en Dieu qu’а celui de diffйrence; parce que la diversitй
convient plus а la division essentielle, car n’importe quelle pluralitй des
formes fait la diffйrence; mais la diversitй se fait seulement par les formes
substantielles. q. 9 a. 8 ad 3 Ad tertium dicendum quod, licet in divinis non
sit accidens, est tamen ibi relatio, cuius oppositio distinctionem facit in
divinis, non autem diversitatem. # 3. Bien qu’en Dieu il n’y ait pas d’accident, il y a cependant une
relation, dont l’opposition produit la distinction en lui mais pas la
diversitй. q. 9 a. 8 ad 4 Ad quartum dicendum quod, licet in divinis non
sit proprie loquendo divisio, est tamen ibi distinctio per relationes, quae
sufficit ad numerum personarum. # 4. Bien qu’en Dieu il n’y ait pas а proprement parler de division, il
y a cependant une distinction par les relations qui suffit pour le nombre des
personnes. q. 9 a. 8 ad 5 Ad quintum dicendum quod filius est idem Deus
cum patre; non tamen potest dici quod pater se Deum genuerit, filium generando:
quia ly se, cum sit reciprocum, refert idem suppositum: pater autem et filius
sunt duo supposita in divinis. # 5. Le Fils est un mкme Dieu que le Pиre; on ne peut cependant pas
dire que le Pиre s’est engendrй comme Dieu, en engendrant le Fils, parce que,
comme le pronom se est rйciproque, il
remplace le mкme suppфt; mais le Pиre et le Fils sont deux suppфts en Dieu.
1 Parall.: Ia, qu. 31, a. 3 — I Sent. D. 9, qu. 1 — D. 19, qu. 1, a. 1, ad 2 — D. 24, qu. 2,
a. 1. 2
"Pour deux кtres qui sont autres, il n’est pas nйcessaire que l’altйritй
porte sur quelque chose de dйfini; car tout ce qui existant est autre ou le
mкme; par contre ce qui est diffйrent
doit diffйrer d’une chose dйterminйe par quelque endroit dйterminй, de sorte
qu’il faut nйcessairement qu’il y ait un йlйment identique par quoi les choses
diffиrent." (Autre correspond
ici а divers)Thomas, lectio 4, n°
2017: "…car deux [choses] dont l’une est ‘diverse’ de l’autre, il n’est
pas nйcessaire qu’elle le soit par quelque chose (per aliquid)…". 2018: "Mais ce qui est diffйrent doit
кtre diffйrent par quelque chose. C’est pourquoi il est nйcessaire que ce par
quoi ils diffиrent, soit quelque chose de semblable (idem) en ce qui ne
diffиrent pas ainsi. Ce qui est le mкme en plusieurs c’est le genre ou
l’espиce. Donc tout ce qui est diffйrent diffиre en genre ou en espиce." 3
Cf. I sent. d4q1a2.
Article 9: En Dieu, y a-t-il trois personnes, ou plus, ou moins?
q. 9 a. 9
tit. 1 Nono quaeritur utrum in divinis sint tres personae tantum, an plures vel
pauciores. Et videtur quod plures. Il semble qu’il y en a plus. Objections1: q. 9 a. 9 arg. 1 Dicit enim Augustinus in libro contra Maximinum:
filius non genuit creatorem; neque enim non potuit, sed non oportuit. In
divinis autem non differt esse et posse, quia nec in aliquibus sempiternis.
Ergo filius genuit alium filium; et sic sunt duo filii in divinis, et per
consequens plures personae quam tres. 1. Augustin dit (Contre Maximinien, III, 11): "Le Fils n’a pas engendrй le crйateur, car ce
n’est pas qu’il ne l’a pas pu, mais il ne l’a pas fallu". Mais en Dieu
кtre et pouvoir ne diffиrent pas, parce qu’ils ne diffиrent pas dans les кtres
йternels non plus (selon le philosophe, Physique
III, 4 203 b 282). Donc le Fils a
engendrй un autre Fils et ainsi il y a deux fils en Dieu et par consйquent il y
a plus de trois personnes. q. 9 a. 9 arg. 2 Sed diceretur, quod hoc quod dicit: neque enim
non potuit, exponendum est: idest, non ex impotentia fuit.- Sed contra,
unicuique supposito alicuius naturae convenit actus naturae illius, nisi
propter eius impotentiam. Generatio autem est actus ad perfectionem naturae divinae
pertinens; alioquin non conveniret patri, in quo non est nisi quod perfectionis
est. Si ergo filius non generat alium filium, hoc erit ex impotentia eius. 2. Mais on pourrait dire que
ce qu’il dit: "Car c’est qu’il ne
l’a pas pu" doit кtre exposй ainsi: cela ne vient pas de l’impuissance
— En sens contraire, а chaque suppфt
d’une certaine nature convient l’acte de cette nature, а moins que ce soit а
cause de son impuissance. Mais la gйnйration est un acte qui convient а la
perfection de la nature divine, autrement elle ne conviendrait pas au Pиre en
qui il n’y a que perfection. Si donc le Fils n’a pas engendrй un autre fils,
cela viendra de son impuissance. q. 9 a. 9 arg. 3 Praeterea, si filius non potest generare,
potest autem generari; habet ergo potentiam ut generetur, non potentiam ut
generet. Aliud autem est generare, et aliud generari. Cum ergo potentiae
distinguantur penes obiecta, non erit eadem potentia patris et filii, quod est
haereticum. 3. Si le Fils ne peut engendrer, il peut cependant кtre engendrй; donc
il a la puissance d’кtre engendrй et pas celle d’engendrer. Mais engendrer et
кtre engendrй sont deux [puissances] diffйrentes. Donc puisqu’elles sont
distinguйes par leurs objets, il n’y aura pas la mкme puissance pour le Pиre et
le Fils, ce qui est hйrйtique. q. 9 a. 9 arg. 4 Praeterea, actio et passio in his quae agunt
et patiuntur, reducuntur ad diversa principia; nam agit aliquid per rationem
formae in rebus creatis, patitur vero ratione materiae. Generare autem et
generari significantur per modum actionis et passionis. Ergo oportet quod ad
diversa principia referantur; et sic non potest esse una potentia qua pater
generat, et qua filius generatur. 4. L’action et la passion, en ce qui agit ou subit, sont ramenйes а des
principes diffйrents; car une chose agit en raison de la forme dans les
crйatures, et subit en raison de la matiиre. Mais engendrer et кtre engendrй
sont signifiйs par l’action et la passion. Donc il faut qu’ils soient rйfйrйs а
des principes diffйrents et ainsi il ne peut pas n’y avoir qu’une seule
puissance par laquelle le Pиre engendre et le Fils est engendrй. q. 9 a. 9 arg. 5 Sed diceretur, quod est eadem potentia, in
quantum utraque radicatur in essentia divina, quae una est patris et filii.-
Sed contra, potentia calefaciendi et desiccandi radicantur in uno subiecto,
scilicet igne; nec tamen est una et eadem potentia: alia enim qualitas est
calor, qui est principium calefaciendi, et alia siccitas, quae est principium
desiccandi. Ergo unitas divinae essentiae non sufficit ad hoc quod sit eadem
potentia qua pater generat et filius generatur. 5. Mais on pourrait dire que
c’est la mкme puissance, dans la mesure oщ l’une et l’autre prennent leur
source dans l’essence divine, qui est unique pour le Pиre et le Fils. En sens contraire, la puissance de
chauffer et celle de sйcher prennent leur source dans un seul sujet, а savoir
le feu; et cependant ce n’est pas une seule et mкme puissance; car la qualitй
de la chaleur qui est le principe de l’йchauffement est diffйrente de l’assиchement
qui est le principe du sйchage. Donc l’unitй de l’essence divine ne suffit pas
pour que la puissance par laquelle le Pиre engendre et celle par laquelle le
Fils est engendrй soient identiques. q. 9 a. 9 arg. 6 Praeterea, omnis sapiens et intelligens ex sua
sapientia aliquam conceptionem habet. Sed filius est sapiens et intelligens,
sicut et pater. Ergo habet aliquam conceptionem. Conceptio autem patris est
verbum: quod est filius. Ergo filius etiam habet alium filium. 6. Tout кtre sage et intelligent tire une conception par sa sagesse.
Mais le Fils est sage et intelligent, comme le Pиre. Donc il a une conception3. Mais celle du Pиre est le Verbe, qui est le
Fils. Donc le Fils aussi a un autre fils. q. 9 a. 9 arg. 7 Sed diceretur, quod verbum dicitur in divinis
non solum personaliter, sed essentialiter; et sic verbum essentialiter dictum
potest esse conceptio filii.- Sed contra, verbum dicit speciem conceptam
ordinatam ad manifestationem, et ita importat originem. Quae autem important
originem in divinis, dicuntur personaliter, et non essentialiter. Ergo verbum
essentialiter dici non potest. 7. Mais on pourrait dire
qu’on parle du verbe en Dieu, non seulement personnellement mais aussi selon
l’essence; et ainsi le verbe, si on en parle selon l’essence peut кtre la
conception du Fils. — En sens contraire,
le verbe annonce l’espиce conзue ordonnйe а une manifestation et ainsi il
apporte l’origine. Mais on parle de ce qui apporte l’origine en Dieu selon la
personne et non selon l’essence. Donc on ne peut pas parler du verbe selon
l’essence. q. 9 a. 9 arg. 8 Praeterea, Anselmus dicit in Monologio, quod
sicut pater dicit se, ita et filius et spiritus sanctus. Idem autem est patrem
dicere se, quod generare filium, ut ipse ibidem dicit. Ergo filius generat
alium filium; et sic idem quod prius. 8. Anselme dit dans le Monologium
(62), que, de mкme que le Pиre se
dit; le Fils et l’Esprit saint aussi. C’est la mкme chose pour le Pиre de se
dire et d’engendrer le Fils, comme Anselme lui mкme le dit. Donc le Fils
engendre un autre Fils et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 9 a. 9 arg. 9 Praeterea, ex hoc probatur quod Deus generat,
quia generationem aliis tribuit, secundum illud Isai. LXVI, 9: si ego qui
generationem caeteris tribuo, sterilis ero? Dicit dominus. Sicut autem pater
dat generationem, ita et filius, quia indivisa sunt opera Trinitatis, et filius
generat filium. 9. On prouve que Dieu engendre, du fait qu’il accorde la gйnйration а
d’autres, selon cette parole d’Isaпe (65, 9): "Ainsi moi, qui apporte la gйnйration aux autres, serai-je stйrile? dit
le Seigneur." De mкme que le Pиre donne la gйnйration, le Fils aussi
parce que les њuvres de la Trinitй ne sont pas divisйes et le Fils engendre un
fils. q. 9 a. 9 arg. 10 Praeterea, Augustinus dicit in Lib. ad
Orosium, quod pater generat filium natura. Damascenus etiam
dicit, quod generatio est opus naturae. Eadem autem est natura patris et filii.
Ergo sicut pater generat, ita et filius; sunt ergo plures filii in divinis, et
ita plures personae quam tres. 10. Augustin dit (A Orose,
Dialogue sur les 65 quest. ch. 74)
que le Pиre engendre le Fils par nature; Jean Damascиne dit aussi que la
gйnйration est l’њuvre de la nature. La nature du Pиre est identique а celle du
Fils. Donc de mкme que le Pиre engendre, le Fils aussi, donc il y a plusieurs
fils en Dieu et ainsi plus de trois personnes. q. 9 a. 9 arg. 11 Sed dicendum, quod ea ratione non possunt
esse plures filii in divinis, quia non potest ibi esse nisi una filiatio; forma
enim unius speciei non multiplicatur nisi per divisionem materiae, quae nulla
est in divinis.- Sed contra, omnis differentia nata est facere pluralitatem.
Potest autem esse differentia inter duas filiationes, non solum ex materia, sed
etiam ex hoc quod haec filiatio est talis, illa vero talis. Ergo nihil prohibet
plures filiationes ponere in divinis, licet ibi non sit materia. 11. Mais il faut dire qu’il
ne peut pas y avoir plusieurs fils en Dieu, parce qu’il ne peut y avoir qu’une
seule filiation; car la forme d’une espиce n’est multipliйe que par la division
de la matiиre, qui n’existe pas en Dieu. — En
sens contraire, toute diffйrence est destinйe а provoquer la pluralitй.
Mais il peut y avoir une diffйrence entre deux filiations, non seulement par la
matiиre, mais aussi du fait que cette filiation est diffйrente d’une autre.
Donc rien n’empкche de placer plusieurs filiations en Dieu, bien qu’il n’y ait
pas de matiиre. q. 9 a. 9 arg. 12 Praeterea, filius procedit a patre sicut
splendor a sole, secundum illud Hebr., I, 3: cum sit splendor gloriae. Sed
splendor etiam potest alium splendorem producere. Ergo et filius potest alium
filium generare; et sic sequitur quod in divinis sint plures filii, et personae
plures tribus. 12. Le Fils procиde du Pиre comme la splendeur procиde du soleil, selon
ce mot de Hйb. 1, 3: "Puisqu’il est la splendeur de gloire…" Mais la splendeur peut aussi
produire une autre splendeur. Donc le Fils aussi peut engendrer un autre Fils
et ainsi il en dйcoule qu’en Dieu il y a plusieurs fils et plus de trois
personnes. q. 9 a. 9 arg. 13 Praeterea, spiritus sanctus est amor quo
pater diligit filium. Sed etiam spiritum sanctum amat pater. Ergo oportet quod
sit alius spiritus quo pater amat spiritum sanctum; et sic quatuor sunt
personae in divinis. 13. L’Esprit saint est l’amour par lequel le Pиre aime le Fils. Mais il
aime aussi l’Esprit saint. Donc il faut qu’il y ait un autre esprit par lequel
le Pиre aime l’Esprit et ainsi il y a quatre personnes en Dieu. q. 9 a. 9 arg. 14 Praeterea, secundum Dionysium bonum est
communicativum sui. Bonitas autem spiritui sancto appropriatur, sicut potentia
patri et sapientia filio. Ergo propriissime ad spiritum sanctum pertinere
videtur quod naturam divinam alii personae communicet; et sic sunt plures
tribus personis in divinis. 14. Selon Denys (Les Noms divins,
45), le bien se communique. Mais la
bontй est appropriйe а l’Esprit saint, comme la puissance au Pиre et la sagesse
au Fils. Donc il semble convenir tout а fait au sens propre que l’Esprit saint
communique la nature divine а une autre personne et ainsi il y a plus de trois
personnes en Dieu. q. 9 a. 9 arg. 15 Praeterea, secundum philosophum in IV
Meteororum, perfectum unumquodque est, quando potest sibi simile ex se
producere. Spiritus autem sanctus est perfectus Deus. Ergo potest aliam divinam
personam producere; ergo, et cetera. 15. Selon le philosophe (Mйtйores
IV, de l’Вme II, 4, 415 a 25),
chaque chose est parfaite quand elle peut produire du semblable а elle. Mais
l’Esprit saint est un Dieu parfait. Donc il peut produire une autre personne
divine, donc, etc.. q. 9 a. 9 arg. 16 Praeterea, filius a patre divinam naturam non
recipit perfectius quam spiritus sanctus. Recipit autem filius a patre divinam
naturam non solum passive (ut ita dixerim) quasi ab eo genitus, sed etiam
active, quia potest eamdem naturam alii communicare. Ergo et spiritus sanctus
divinam naturam potest alii personae communicare. 16. Le Fils n’a pas reзu du Pиre la nature divine plus parfaitement que
l’Esprit saint, mais il a reзu du Pиre la nature divine non seulement de faзon
passive (pour ainsi dire) comme engendrй par lui, mais aussi de faзon active,
parce qu’il peut communiquer cette mкme nature а un autre. Donc l’Esprit saint
peut communiquer la nature divine а une autre personne. q. 9 a. 9 arg. 17 Praeterea, quod est perfectionis in rebus
creatis, oportet Deo attribui. Communicare autem naturam ad perfectionem in
rebus creatis pertinet, licet modus communicandi aliquam imperfectionem habeat,
in quantum talem communicationem consequitur aliqua divisio, vel aliqua
transmutatio generantis. Ergo communicare divinam naturam est perfectionis in
Deo; et ita spiritui sancto est attribuendum. Procedit ergo a spiritu sancto
aliqua divina persona; et sic sequitur quod in divinis sint personae plures
tribus. 17. Ce qui concerne la perfection dans les crйatures, doit кtre
attribuй а Dieu, mais communiquer la nature convient а la perfection, bien que
ce mode de communication ait quelque imperfection, dans la mesure oщ il en
dйcoule une division, ou quelque changement de celui qui engendre. Donc
communiquer la nature divine appartient а la perfection de Dieu; et ainsi il
faut l’attribuer а l’Esprit saint. Donc une personne divine procиde de l’Esprit
saint et il en dйcoule qu’il y a plus de trois personnes en Dieu. q. 9 a. 9 arg. 18 Praeterea, sicut divinitas est quoddam bonum
in patre, ita et paternitas. Ex eo autem quod nullius boni sine consortio
potest esse iucunda possessio, probatur a quibusdam quod sunt plures habentes
divinam naturam. Ergo pari ratione sunt plures patres in divinis; et similiter
plures filii, et plures spiritus sancti; et ita personae plures tribus. 18. De mкme que la divinitй est un bien dans le Pиre, la paternitй aussi.
Du fait qu’une possession agrйable6 ne
peut exister sans partage d’aucun bien, certains prouvent qu’il y a plus de
personnes qui ont la nature divine. Donc а raison йgale, il y a plusieurs pиres
et de mкme plusieurs fils et plusieurs esprits saints. Et ainsi les personnes
sont plus de trois. q. 9 a. 9 arg. 19 Praeterea, filius et spiritus videntur
distingui ab invicem in hoc quod filius procedit a patre per modum intellectus
ut verbum: spiritus sanctus per modum voluntatis ut amor. Sunt autem plura
attributa essentialia quam voluntas et intellectus, ut bonitas, potentia et
huiusmodi. Ergo plures personae procedunt a patre quam filius et spiritus
sanctus. 19. Le Fils et l’Esprit semblent se distinguer entre eux du fait que le
Fils procиde du Pиre par mode d’intellect comme Verbe, l’Esprit saint par mode
de volontй comme amour. Mais il y a plus d’attributs essentiels que la volontй
et l’intellect, comme la bontй, la puissance, etc.. Donc il y a plus de
personnes qui procиdent du Pиre que le Fils et l’Esprit saint. q. 9 a. 9 arg. 20 Praeterea, processio naturae plus videtur
differre a processione intellectus quam processio voluntatis. In rebus autem
creatis processionem intellectus semper concomitatur processio voluntatis, quia
quaecumque aliquid intelligunt, etiam aliquid volunt; processionem autem
naturae non semper concomitatur processio intellectus quia non in omnibus quae
naturaliter generant, intellectus invenitur. Si ergo persona quae procedit per
modum voluntatis ut amor, est alia in divinis a persona quae procedit per modum
intellectus ut verbum, etiam erit persona quae procedit per modum intellectus
ut verbum, alia a persona quae procedit per modum naturae ut filius. Sunt ergo
tres personae procedentes in divinis, et una non procedens; et sic sunt quatuor
personae. 20. La procession de nature paraоt diffйrer davantage de la procession
de l’esprit que de celle de la volontй. Dans les crйatures, la
procession de la volontй est toujours concomitante avec celle de l’esprit,
parce que tout ce qui comprend quelque chose le veut aussi; mais la procession
de l’esprit n’est pas toujours concomitante avec celle de la nature, parce que
ce n’est pas dans tout ce qui engendre naturellement qu’on trouve l’esprit.
Donc si la personne qui procиde par mode de volontй comme amour, est autre en
Dieu que la personne qui procиde par mode d’intellect, comme verbe, la personne
qui procиde de l'esprit comme verbe sera autre que celle qui procиde par nature
comme fils. Donc il y a trois personnes qui procиdent en Dieu et une qui ne
procиde pas et ainsi il y a quatre personnes. q. 9 a. 9 arg. 21 Praeterea, personae multiplicantur in divinis
propter relationes, quae subsistunt. Ponuntur autem in divinis quinque
relativae notiones, scilicet paternitas, filiatio, processio, innascibilitas,
et communis spiratio. Sunt ergo quinque personae in divinis. 21. Les personnes sont multipliйes en Dieu en raison des relations qui
subsistent. Mais on place en lui cinq notions relatives, а savoir: la
paternitй, la filiation, la procession, l’innascibilitй et la spiration
commune. Donc il y a cinq personnes. q. 9 a. 9 arg. 22 Praeterea, relationes quae ab aeterno de Deo
dicuntur, non sunt in creaturis, sed in Deo. Quidquid autem est in Deo, est
subsistens, cum in Deo non sit aliquod accidens. Omnes ergo relationes quae ab
aeterno Deo conveniunt, sunt subsistentes, et per consequens sunt personae.
Tales autem sunt infinitae; nam ideae rerum creatarum ab aeterno sunt in Deo,
quae non distinguuntur ab invicem nisi per respectus ad creaturas. Sunt ergo
infinitae personae in divinis. 22. Les relations qu’on dit йternelles en Dieu n’existent pas dans les
crйatures, mais en lui. Tout ce qui est en lui est subsistant puisqu’il n’y a
en lui aucun accident. Donc toutes les relations, qui conviennent йternellement
а Dieu, sont subsistantes et par consйquent sont des personnes. De telles
relations sont infinies, car les idйes des crйatures sont йternellement en Dieu;
elles ne sont distinguйes entre elles que par des rapports aux crйatures. Donc
les personnes sont en Dieu а l’infini. q. 9 a. 9 arg. 23 Sed contra, videtur quod sint pauciores
tribus. 23. En sens contraire: il semble qu’elles sont moins de trois. In una enim natura non est nisi unus modus communicationis
illius naturae; unde, secundum Commentatorem, animalia quae generantur ex
semine, non sunt unius speciei cum animalibus ex putrefactione generatis. Divina autem natura
est maxime una. Ergo non potest communicare nisi uno modo. Sic ergo non possunt
esse nisi duae personae, una divinitatem communicans per aliquem modum, et
persona per illum modum divinitatem recipiens. Car dans une seule nature il n'y a qu’un mode de communication; c’est
pourquoi, selon le Commentateur (Physique VIII), les animaux qui sont
engendrйs par semence ne sont pas de la mкme espиce que les animaux engendrйs
par putrйfaction. Mais la nature divine est tout а fait une. Donc elle ne peut
communiquer que d’une seule maniиre. Donc ainsi il ne peut y avoir que deux
personnes, une qui communique la divinitй d’une maniиre et la personne qui la
reзoit de cette maniиre. q. 9 a. 9 arg. 24 Praeterea, Hilarius, ostendit filium
naturaliter a patre procedere, quia talis existit qualis Deus est; creaturas
vero a Deo procedere voluntarie, quia tales sunt quales eas voluit Deus esse,
non qualis est Deus. Sed spiritus sanctus, sicut et filius, talis est qualis
est Deus pater. Ergo spiritus sanctus procedit naturaliter a patre, sicut et
filius. Non ergo est distinctio inter spiritum sanctum et filium ex eo quod filius
procedit per modum naturae non autem spiritus sanctus. 24. Hilaire (Les Synodes7) montre que le Fils procиde naturellement du
Pиre, parce qu’il existe tel que Dieu est; mais les crйatures procиdent de Dieu
volontairement, parce qu’elles sont telles qu’il les a voulues, non telles que
Dieu. Mais l’Esprit saint comme le Fils aussi est tel que Dieu le Pиre. Donc
l’Esprit saint procиde naturellement du Pиre comme le Fils. Il n’y a donc pas
de distinction entre l’Esprit saint et le Fils du fait que celui-ci procиde par
mode de nature mais pas l’Esprit saint. q. 9 a. 9 arg. 25 Praeterea, natura voluntatis et intellectus
non differunt in Deo nisi secundum rationem tantum. Ergo processio per modum
naturae et intellectus et voluntatis non differunt in Deo nisi ratione tantum.
Si ergo per hoc distinguuntur filius et spiritus sanctus, quod unus procedit
per modum naturae vel intellectus, et alius per modum voluntatis, non erunt
distincti nisi secundum rationem. Ergo non erunt duae personae, cum pluralitas
personarum, rerum pluralitatem importet. 25. La nature de la volontй et celle de l’intellect en Dieu ne sont
diffйrentes qu’en raison seulement. Donc la procession par mode de nature,
celle par mode d’intellect et celle par mode de volontй ne diffиrent qu’en
raison seulement. Si donc le Fils et l’Esprit saint sont distinguйs, parce que
l’un procиde par mode de nature ou d’intellect, l’autre par mode de volontй,
ils ne sont diffйrents qu’en raison. Donc il n’y aura que deux personnes, puisque
la pluralitй des personnes apporte la pluralitй des rйalitйs. q. 9 a. 9 arg. 26 Praeterea, personae in divinis distinguuntur
solum secundum relationes originis. Ad designandam autem originem sufficiunt
duae relationes, scilicet a quo alius, et qui ab alio. Ergo in divinis non sunt
nisi duae personae. 26. Les personnes en Dieu se distinguent seulement selon les relations
d’origine. Pour dйsigner l’origine, il suffit de deux relations, а savoir "celui
par qui il est autre" et "celui qui est d’un autre8". Donc en Dieu il n’y a que deux
personnes. q. 9 a. 9 arg. 27 Praeterea, omnis relatio exigit duo extrema.
Sicut ergo in divinis personae non distinguuntur nisi secundum relationem: ita
oportet quod sint in divinis vel duae relationes, et sic erunt quatuor personae;
vel una relatio tantum, et sic erunt solum duae personae. 27. Toute relation exige deux extrкmes. Donc de mкme qu’en Dieu les
personnes ne sont distinguйes que par la relation, il faut qu’il y ait en lui
ou bien deux relations et ainsi il y aura quatre personnes, ou bien une seule
et il y aura seulement deux personnes. En sens contraire: q. 9 a. 9 s. c. 1
Sed contra, videtur quod sint tantum tres personae in divinis, per hoc quod
dicitur I Ioan. V, 7: tres sunt qui testimonium dant in caelo. Interrogantibus
autem quid tres, respondit Ecclesia, quod tres personae, ut dicit Augustinus.
Ergo in divinis sunt tres personae. # 1.Il semble qu’il n’y a que trois personnes en Dieu. Par le fait
qu’il est dit en I Jn 5, 7: "Ils sont trois qui portent tйmoignages dans le ciel9.". Mais а ceux qui demandent qui sont
ces trois, l’Йglise rйpond: trois personnes, comme le dit Augustin (La Trinitй, VII, 4). Donc en Dieu il y a
trois personnes. q. 9 a. 9 s. c. 2 Praeterea, ad perfectionem divinae bonitatis,
felicitatis et gloriae requiritur, quod sit in Deo vera et perfecta caritas;
nihil enim est caritate melius, nihil caritate perfectius, ut dicit Richardus
in III de Trinitate. Felicitas autem absque iucunditate non est, quae maxime
per caritatem habetur. Ut enim in eodem libro dicitur, nihil caritate dulcius,
nihil caritate iucundius, caritatis deliciis rationalis vita nihil dulcius
experitur, nulla delectatione delectabilius fruitur. Perfectio etiam gloriae in
quadam magnificentia perfectae communicationis consistit, quam caritas facit.
Vera autem et perfecta caritas requirit in divinis ternarium numerum
personarum. Amor enim quo aliquis se tantum diligit, est amor privatus, et non
caritas vera. Alium autem summe Deus diligere non potest qui non sit summe
diligibilis; nec summe diligibilis est, nisi sit summe bonus. Unde patet quod
vera caritas in Deo summa esse non potest si sit ibi tantum una persona; nec
etiam perfecta, si sint duae tantum: quia ad perfectionem caritatis requiritur
quod amans velit id quod ab eo amatur, etiam aeque ab alio diligi. Indicium
namque magnae infirmitatis est non posse pati consortium amoris; posse vero
pati, signum magnae perfectionis. Magis gratanter suscipere, maximo est
desiderio requirere, ut dicit Richardus in eodem Lib. Oportet ergo, si sit in
Deo perfectio bonitatis, felicitatis et gloriae, quod sit in divinis ternarius
personarum numerus. #2. Pour la perfection de la divine bontй, de son bonheur et de sa
gloire, il est requis qu’il y ait en Dieu une charitй vraie et parfaite, car
rien n’est meilleur, rien de plus parfait que la charitй comme le dit Richard (La Trinitй, III, 2). Mais le bonheur
n’existe pas sans la joie; qui est surtout possйdйe par la charitй. En effet,
comme il est dit dans le mкme livre ( ch. 5):"Rien n’est plus doux que la charitй, rien de plus joyeux. La vie
raisonnable n’йprouve rien de plus doux que les dйlices de la charitй, ne jouit
plus agrйablement d’aucun plaisir".
Mais la perfection de la gloire consiste dans une certaine magnificence de
la communication parfaite qu’opиre la charitй. Mais la charitй vraie et
parfaite requiert en Dieu le nombre de trois personnes. Car l’amour par lequel
quelqu’un s’aime seulement est un amour privй, et non une charitй vraie. Dieu
ne peut pas aimer un autre absolument qui ne soit pas absolument digne d’amour;
et il n’est pas absolument digne d’amour s’il n’est pas suprкmement bon. C’est
pourquoi il est clair que la vraie charitй en Dieu ne peut pas кtre parfaite, s’il n’y a qu’une personne seulement, et
elle n’est pas parfaite, s’il y a deux
personnes seulement, parce que pour la perfection de la charitй il est
requis que celui qui aime veuille ce que l’autre aime, et aussi кtre aimй
йgalement par un autre. Car c’est une marque de grande faiblesse de ne pas
pouvoir supporter l’accord de l’amour; mais pouvoir supporter est le signe
d’une grande perfection. "Recevoir
avec plus de reconnaissance c’est rechercher avec un trиs grand dйsir"
comme le dit Richard dans le mкme livre. Il faut donc, s’il y a en Dieu la
perfection de la bontй, du bonheur et de la gloire qu’il y ait en Dieu le
nombre de trois personnes. q. 9 a. 9 s. c. 3 Praeterea, cum bonum sit communicativum sui,
perfectio divinae bonitatis requirit quod Deus summe sua communicet. Si autem
esset tantum una persona in divinis, non summe communicaret suam bonitatem:
creaturis enim non summe se communicat; si vero essent solum duae personae, non
communicarentur perfecte deliciae mutuae caritatis. Oportet ergo esse secundam
personam, cui perfecte communicetur divina bonitas, et tertiam cui perfecte
communicentur divinae caritatis deliciae. # 3. Comme le bien se communique, la perfection de la divine bontй
requiert que Dieu communique au plus haut point ce qui est а lui10. Mais s’il n’y avait seulement qu’une
personne en Dieu, il ne communiquerait pas sa bontй au plus haut point; car il
ne se communique pas au plus haut point aux crйatures; mais s’il n’y avait que
deux personnes, les dйlices mutuelles de la charitй ne seraient pas
parfaitement communiquйs. Il faut donc qu’il y ait une seconde personne а qui
la bontй divine est communiquйe parfaitement et une troisiиme а qui sont
communiquйs parfaitement les dйlices de la charitй divine. q. 9 a. 9 s. c. 4 Praeterea, ad amorem tria requiruntur,
scilicet amans, id quod amatur, et ipse amor, ut Augustinus dicit in VIII de
Trinitate. Duo autem mutuo se amantes, sunt pater et filius; amor autem qui est
eorum nexus est spiritus sanctus. Sunt ergo tres personae in divinis. 4. Trois choses sont requises pour l’amour, а savoir celui qui aime, ce
qui est aimй et l’amour mкme; comme Augustin le dit (La Trinitй, VIII, livre IX, 1 et 2). Les deux qui s’aiment
mutuellement sont le Pиre et le Fils; mais l’amour qui est leur lien est
l’Esprit saint. Donc il y a trois personnes en Dieu. q. 9 a. 9 s. c. 5 Praeterea, sicut Richardus dicit, in V de
Trinitate, in rebus humanis videbis quod persona de personis procedit tribus
modis: quandoque immediate tantum, sicut Eva de Adam; quandoque mediate tantum,
sicut Enoch de Adam; quandoque immediate et mediate simul, sicut Seth de Adam;
immediate in quantum eius filius fuit, mediate vero in quantum fuit filius Evae
quae ab Adam processit. In divinis autem non potest procedere persona de
persona mediate tantum, quia non esset ibi summa germanitas. Relinquitur ergo
quod in divinis sit una persona quae non procedit ab alia, scilicet persona
patris, a qua procedunt aliae personae; una immediate tantum, scilicet filius;
alia mediate simul et immediate, scilicet spiritus sanctus, qui ex patre
filioque procedit. Ergo est personarum ternarius in divinis. 5. Comme Richard le dit (La
Trinitй, V, 6) chez les hommes, on verra que la personne procиde de la
personne par trois moyens: quelquefois sans intermйdiaire, seulement, comme Иve
d’Adam, quelquefois avec intermйdiaire seulement, comme Йnoch а partir d’Adam;
quelquefois avec et sans intermйdiaire, en mкme temps, comme Seth d’Adam; sans
intermйdiaire en tant qu’il fut son fils, avec intermйdiaire seulement en tant
qu’il fut le fils d’Иve qui a procйdй d'Adam. Mais en Dieu la personne ne peut
pas procйder avec intermйdiaire parce qu’il n’y aurait pas une communautй
d’origine parfaite. Il reste donc qu’il y a une personne, qui ne procиde pas
d’une autre, а savoir celle du Pиre, de laquelle procиdent les autres, une
seulement sans intermйdiaire а savoir le Fils, l’autre avec ou sans
intermйdiaire en mкme temps, а savoir l’Esprit saint, qui procиde du Pиre et du
Fils. Donc il y a trois personnes en Dieu. q. 9 a. 9 s. c. 6 Praeterea, inter dare plenitudinem
divinitatis et non accipere, et accipere et non dare, medium est dare et
accipere. Dare autem plenitudinem divinitatis et non accipere, pertinet ad
personam patris; accipere vero et non dare, pertinet ad personam spiritus
sancti. Oportet ergo esse tertiam personam, quae plenitudinem divinitatis et
det et accipiat; et haec est persona filii. Sunt ergo tres personae in divinis. 6. Entre donner la plйnitude de la divinitй et ne pas recevoir et entre
recevoir et ne pas donner, l’intermйdiaire est donner et recevoir. Mais donner
la plйnitude de la divinitй et ne pas la recevoir convient а la personne du
Pиre, recevoir et ne pas donner convient а la personne de l’Esprit saint. Il faut
donc qu’il y ait une troisiиme personne qui donne et reзoit la plйnitude de la
divinitй et cette personne c’est celle du Fils. il y a donc trois personnes en
Dieu. Rйponse: q. 9 a. 9 co.
Respondeo. Dicendum quod, secundum positionem haereticorum, nullo modo potest
poni certus personarum numerus in divinis. Selon l’opinion des hйrйtiques, on ne peut en aucune maniиre poser un
nombre certain de personnes en Dieu. Intellexit enim Arius personarum Trinitatem hoc modo, quod
filius et spiritus sanctus essent quaedam creaturae; quod etiam Macedonius de
spiritu sancto sensit. Processio autem creaturarum a Deo non de necessitate
certo numero terminatur, cum divina virtus ex sua infinitate hoc habeat quod
omnem creaturae modum, speciem et numerum excedat. Unde si Deus pater
omnipotens creavit duas excellentissimas creaturas, quas Arius dicit filium et
spiritum sanctum, non est remotum quin alias aequales vel etiam maiores creare
poterit. Car Arius11,
a compris la Trinitй des personnes de telle maniиre que le Fils et l’Esprit
saint seraient des crйatures. Ce que Macйdonius12 a pensй de l’Esprit saint. Mais la
procession des crйatures de Dieu ne se termine pas nйcessairement а un certain
nombre, puisque le pouvoir divin par son infinitй dйpasse tout mode de
crйature, toute espиce et nombre. C’est pourquoi, si Dieu, le Pиre
tout-puissant, a crйй deux super crйatures, qu’Arius appelle le Fils et
l’Esprit saint, il n’est pas exclus qu’il ait pu en crйer d’autres, йgales ou
mкme plus grandes. Sabellius autem posuit quod pater et filius et spiritus
sanctus non distinguuntur nisi nomine et ratione; quae etiam patet in infinitum
posse multiplicari, secundum quod ratio nostra infinitis modis de Deo cogitare
potest ex variis effectibus, et eum diversimode nominare. Sabellius13 aussi a pensй que le Pиre, le Fils et
l’Esprit saint ne se distinguent que par le nom et la nature; ce qui paraоt
pouvoir кtre multipliй а l’infini selon que notre raison peut penser а propos
de Dieu par des modes infinis, par des effets variйes et donner des noms
divers. Sola autem Catholica fides, quae ponit unitatem divinae
naturae in personis realiter distinctis, ternarii numeri potest rationem in divinis
assignare. Impossibile enim est quod una natura simplex sit nisi in uno sicut
in principio. Unde Hilarius dicit, quod qui confitetur in divinis duos
innascibiles, confitetur duos deos; unum enim Deum praedicari natura unius
innascibilis Dei exigit. Mais seule la foi catholique,
qui pose l’unitй de la nature divine dans des personnes rйellement distinctes
peut donner la raison du nombre trois en Dieu. Car il est impossible qu’une
nature simple existe sinon dans une seule rйalitй, comme en son principe. C’est
pourquoi Hilaire (Les Synodes14) dit que celui qui confesse en Dieu deux
[personnes] incrййes confessent deux dieux; car la nature d’un Dieu incrйй
exige d’attribuer un seul Dieu. Unde et quidam philosophi dixerunt, quod in rebus quae sunt
sine materia non potest esse pluralitas nisi secundum originem. Una enim natura
potest in pluribus esse ex aequo propter materiae divisionem, quae in Deo locum
non habet. C’est pourquoi certains
philosophes ont dit que, dans les кtres immatйriels, il ne peut y avoir de
pluralitйs que selon l’origine. Car une seule nature peut кtre en plusieurs а
йgalitй а cause de la division de la matiиre; ce qui n’a pas de place en Dieu. Unde impossibile est ponere in divinis nisi unam personam
innascibilem quae ab alio non procedat. Si autem ab eo aliae personae
procedant, oportet quod hoc sit per aliquam actionem. Non autem per actionem
transeuntem in id quod est extra agentem, sicut calefacere vel secare sunt
actiones ignis et serrae, et creatio ipsius Dei; quia sic personae procedentes
essent extra naturam divinam. A partir de lа, il n’est possible de poser en Dieu qu’une seule
personne incrййe qui ne procиde pas d’une autre. Mais si d’autres personnes
procиdent de lui, il faut que cela soit par une action. Mais pas par une action
transitive hors de l’agent, comme rйchauffer ou couper sont les actions du feu
et de la scie et la crйation, de Dieu lui-mкme; parce qu’ainsi les personnes
procйderaient hors de la nature divine. Relinquitur ergo quod processio personarum in unam naturam
divinam non sit nisi secundum operationes quae non transeunt extra, sed manent
in operante. Hae autem in natura intellectuali sunt solum duae, scilicet
intelligere et velle. Secundum autem utramque earum invenitur aliquid procedens
cum hae operationes perficiuntur. Ipsum enim intelligere non perficitur nisi
aliquid in mente intelligentis concipiatur, quod dicitur verbum; non enim
dicimur intelligere, sed cogitare ad intelligendum, antequam conceptio aliqua
in mente nostra stabiliatur. Similiter etiam ipsum velle perficitur amore ab
amante per voluntatem procedente, cum amor nihil sit aliud quam stabilimentum
voluntatis in bono volito. Il reste donc que la procession des personnes dans une seule
nature divine n’est que selon les opйrations qui ne passent pas а l’extйrieur,
mais demeurent dans celui qui opиre. Mais celles-ci, dans une nature
intellectuelle, ne sont que deux, l’intellection et le vouloir. Selon l’une et
l’autre on trouve quelque chose qui procиde quand ces opйrations
s’accomplissent. Car l’intellection n’est achevйe que si quelque chose est
conзu dans l’esprit de celui qui pense; ce qui est appelй le verbe; car on ne dit pas qu’on comprend mais qu’on pense pour
comprendre avant qu’une conception s’йtablisse dans notre esprit. De mкme aussi
le vouloir est achevй par l’amour de
celui qui aime et procиde par volontй, puisque l’amour n’est rien d’autre que
le soutien de la volontй dans le bien qui est voulu. Verbum autem et amor in creatura quidem non sunt personae
subsistentes in natura intelligente et volente. Intelligere enim et velle
creaturae non est esse eius. Unde verbum et amor sunt quaedam supervenientia
creaturae intelligenti et volenti, sicut accidentia quaedam. Cum autem in Deo
idem sit esse, intelligere et velle, necessarium est quod verbum et amor in Deo
non accidant, sed subsistant in natura divina. Non autem est in Deo nisi unum
simplex intelligere et unum simplex velle, quia intelligendo essentiam suam,
intelligit omnia; et volendo bonitatem suam, vult omnia quae vult. Non est ergo
nisi unum verbum et unus amor in divinis. Mais le verbe et l’amour dans la crйature ne sont pas des personnes
subsistantes dans une nature intellectuelle et volontaire. Car l’intellection
et le vouloir de la crйature ne sont pas son кtre. C’est pourquoi le verbe et
l’amour s’ajoutent а la crйature qui pense et qui veut, comme des accidents.
Mais comme en Dieu l’кtre, l’intellection et le vouloir sont identiques, il est
nйcessaires que le verbe et l’amour n’arrivent pas en lui comme des accidents,
mais subsistent dans sa nature. Il n’y a en lui qu’une intellection une et
simple et un vouloir un et simple, parce qu’en pensant son essence, il pense
tout; et en voulant sa bontй, il veut tout ce qu’il veut. Donc, il n’y a qu’un
verbe et un amour en Dieu. Ordo autem intelligendi et volendi aliter se habet in Deo et
nobis. Nos enim cognitionem intellectivam a rebus exterioribus accipimus; per
voluntatem vero nostram in aliquid exterius tendimus tamquam in finem. Et ideo
intelligere nostrum est secundum motum a rebus in animam; velle vero secundum
motum ab anima ad res. Deus autem non accipit scientiam a rebus, sed per
scientiam suam causat res; nec per voluntatem suam tendit in aliquid exterius
sicut in finem, sed omnia exteriora ordinat in se sicut in finem. Est ergo tam
in nobis quam in Deo circulatio quaedam in operibus intellectus et voluntatis;
nam voluntas redit in id a quo fuit principium intelligendi: sed in nobis
concluditur circulus ad id quod est extra, dum bonum exterius movet intellectum
nostrum, et intellectus movet voluntatem, et voluntas tendit per appetitum et
amorem in exterius bonum; sed in Deo iste circulus clauditur in se ipso. Nam
Deus intelligendo se, concipit verbum suum, quod est etiam ratio omnium
intellectorum per ipsum, propter hoc quod omnia intelligit intelligendo seipsum:
et ex hoc verbo procedit in amorem omnium et sui ipsius. Unde dixit quidam,
quod monas monadem genuit, et in se suum
reflectit ardorem. Postquam vero circulus conclusus est, nihil ultra addi
potest; et ideo non potest sequi tertia processio in natura divina, sed
sequitur ulterius processio in exteriorem naturam. Mais l’ordre de l’intellection et du vouloir se comporte diffйremment
en Dieu et en nous; car nous recevons la connaissance intellectuelle de
l’extйrieur; par notre volontй nous tendons а quelque chose d’extйrieur comme а
une fin. Et c’est pourquoi notre intellection est selon le mouvement de la
rйalitй [qui arrive] dans l’вme, mais le vouloir selon le mouvement de l’вme
vers la rйalitй. Mais Dieu ne reзoit pas sa science des choses, mais il les
cause par elle, et par sa volontй il ne tend pas а quelque chose d’extйrieur
comme а une fin, mais il ordonne а lui tout ce qui est extйrieur comme а sa fin;
c’est donc tant en nous qu’en Dieu un mouvement circulaire dans les opйrations
de l’esprit et de la volontй; car la volontй revient а ce d’oщ est venu le
principe de l’intellection; mais en nous le cercle se limite а ce qui est
extйrieur, pendant que le bien extйrieur meut notre esprit et celui-ci meut la
volontй et cette derniиre tend par appйtit et amour au bien extйrieur; mais en
Dieu ce cercle se ferme sur lui-mкme. Car Dieu, en se pensant, conзoit son
verbe, qui est aussi la raison de toutes les intellections par lui, parce qu’il
pense tout en se pensant lui-mкme. Et par ce verbe, il procиde dans l’amour de
tout et de lui-mкme. C’est pourquoi quelqu’un a dit (Mercure ou Hermиs Trimйgiste) que "la monade a engendrй la monade et rйflйchit en elle son ardeur".
Mais une fois le cercle fermй, rien d’autre ne peut кtre ajoutй, et c’est
pourquoi il ne peut pas dйcouler une troisiиme procession dans la nature
divine, mais il en dйcoule une en plus dans la nature extйrieure. Sic ergo oportet quod in divinis sit una tantum persona non
procedens, et duae solae personae procedentes; quarum una persona procedit ut
amor, et alia ut verbum; et sic est personarum ternarius numerus in divinis. Ainsi donc il faut qu’en Dieu il y ait une seule
personne qui ne procиde pas, deux personnes seulement qui procиdent. L’une
d’elles procиde comme amour et l’autre comme verbe; et ainsi le nombre des
personnes en Dieu est de trois. Cuius quidem ternarii similitudo in creaturis apparet
tripliciter: primo quidem sicut effectus repraesentat causam; et hoc modo
principium totius divinitatis, scilicet pater, repraesentatur per id quod est
primum in creatura, scilicet per hoc quod est in se una subsistens; verbum vero
per formam cuiuslibet creaturae: nam in his quae ab intelligente aguntur, forma
effectus a conceptione intelligentis derivatur; amor vero in ordine creaturae.
Nam ex eo quod Deus amat seipsum, omnia ordine quodam in se convertit; et ideo
haec similitudo dicitur vestigii, quod repraesentat pedem sicut effectus
causam. La ressemblance de ce nombre trois apparaоt de trois maniиres dans les
crйatures: a) Comme l’effet reprйsente la
cause, et de cette maniиre, le principe de toute la divinitй, а savoir le
Pиre est reprйsentй par ce qui est premier dans la crйature, c'est-а-dire par
ce qui est en soi une seule rйalitй subsistante; mais le verbe est reprйsentй
par la forme de n’importe quelle crйature; car en ce qui est agi par celui qui
pense, la forme de l’effet est dйrivйe de sa conception; mais l’amour est dans
l’ordre de la crйature. Car du fait que Dieu s’aime lui-mкme, il tourne tout
vers lui par un ordre, et c’est pourquoi cette ressemblance est appelйe
vestige, qui reprйsente le pied comme l’effet [reprйsente] la cause. Alio modo secundum eamdem rationem operationis; et sic
repraesentatur in creatura rationali tantum, quae potest se intelligere et
amare, sicut et Deus, et sic verbum et amorem sui producere, et haec dicitur
similitudo naturalis imaginis; ea enim imaginem aliorum gerunt quae similem
speciem praeferunt. b) D’une autre maniиre selon la
mкme nature d’opйration; et ainsi est reprйsentй dans la crйature
raisonnable seulement, ce qui peut se comprendre et aimer, comme Dieu aussi et
ainsi produire le verbe et son amour et cela est appelй la ressemblance de
l’image naturelle; car ce qui rйvиle une espиce semblable porte l’image des
autres. Tertio modo per unitatem obiecti, in quantum creatura
rationalis intelligit et amat Deum; et haec est quaedam unionis conformitas,
quae in solis sanctis invenitur qui idem intelligunt et amant quod Deus. c) Troisiиme maniиre par l’unitй
de l’objet, en tant que la crйature raisonnable pense et aime Dieu et c’est
une certaine conformitй de l’union qui se trouve dans les seuls saints qui
pensent et aiment la mкme chose que Dieu. De prima quidem similitudine dicitur Iob XI, 7: forsitan vestigia Dei
comprehendes? De secunda Genes. I, 26:
faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram; et dicitur imago
creationis. De tertia II Cor. III, 18:
nos enim omnes revelata facie gloriam
domini speculantes, in eamdem imaginem transformamur; et haec dicitur imago
recreationis. De la premiиre ressemblance, il est dit en Job (7, 117): "Peut-кtre
comprendras-tu les vestiges de Dieu". De la seconde, il est dit dans
la Genиse (1, 26) dit: "Faisons l’homme а notre image et а notre ressemblance",
et on l’appelle l’image de la crйation; de la troisiиme, en 2 Co. 3, 18, il est dit:"Car
nous tous, а visage dйcouvert, contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes
transformйs en cette mкme image". Et celle-ci est appelйe l’image de
la recrйation. Solutions: q. 9 a. 9 ad 1 Ad primum ergo dicendum quod ideo dicit
Augustinus quod non est dicendum quod filius non potuit generare, sed non
oportuit: quia non ex impotentia filii est quod non generat, ut hoc quod dicit
non potuit sumatur privative, et non simpliciter negative; per hoc autem quod
dicit quod non oportuit, significat quod sequeretur inconveniens, si in divinis
filius alium filium generaret. Quod quidem inconveniens ex quatuor potest
considerari: primo quidem quia cum filius in divinis procedat ut verbum,
si filius filium generaret, sequeretur quod in Deo verbum ex verbo procederet,
quod quidem esse non potest nisi in intellectu inquisitivo et discursivo in quo
verbum ex verbo procedit, dum ex consideratione unius veritatis in alterius
veritatis considerationem procedit; quod nullo modo convenit perfectioni et
simplicitati intellectus divini, qui uno intuitu omnia simul videt. # 1. Augustin йcrit qu’il ne faut pas dire que le Fils n’a pas pu
engendrer, mais il ne l’a pas fallu: parce que ce n’est pas par impuissance que
le Fils n’engendre pas; ce que dit il n’a pas pu est pris de faзon
privative, et non absolument nйgative; et par le fait qu’il dit qu’il ne l’a pas fallu, il signifie
qu’il en dйcoulerait un inconvйnient si le Fils en engendrait un autre; cet
inconvйnient peut-кtre considйrй а quatre points de vue: a) Parce que, si le Fils procйdant en Dieu, comme Verbe, engendrait un
fils, il en dйcoulerait qu’en Dieu le verbe procйderait du Verbe, ce qui ne
peut кtre que dans un esprit discursif en recherche, dans lequel le verbe
procиde du verbe, pendant qu’il passe de la considйration d’une vйritй а une
autre; ce qui ne convient en aucune maniиre а la perfection et а la simplicitй
de l’intellect divin, qui voit tout en mкme temps en un seul regard. Secundo, quia illud per quod aliquid individuatur et
incommunicabile efficitur, impossibile est pluribus esse commune. Id enim per
quod Socrates est hoc aliquid, nec intelligi potest pluribus inesse. Unde si
filiatio in divinis pluribus conveniret, non esset filiatio constituens
incommunicabilem filii personam; et ita oporteret quod filius individua persona
constitueretur per aliquid absolutum, quod essentiae divinae unitati non
convenit. b) Parce qu’il est impossible que ce par quoi une chose est individuйe
et devient incommunicable, soit commune а plusieurs. Car, on ne peut pas
comprendre que ce par quoi Socrate est une rйalitй soit en plusieurs. C’est
pourquoi, si la filiation en Dieu convenait а plusieurs, il n’y aurait pas la
filiation qui constitue la personne incommunicable du Fils et ainsi il faudrait
que le Fils, personne individuelle, soit constituй par quelque chose d’absolu,
ce qui ne convient pas а l’unitй de l’essence divine. Tertio, quia nihil unum secundum speciem existens, potest
secundum numerum multiplicari nisi ratione materiae; et hac ratione in divinis
non potest esse nisi una essentia, quia divina essentia est immaterialis
omnino. Si autem essent plures filii in divinis, oporteret etiam esse
filiationes plures; et ita oporteret eas secundum materiam subiectam
multiplicari; quod divinae immaterialitati non convenit. c) Parce que rien d’une unique espиce ne peut кtre multipliй en nombre
que par la matiиre; et pour cette raison, il ne peut y avoir en Dieu qu’une
seule essence, parce que l’essence divine est tout а fait immatйrielle. S’il y
avait plusieurs fils en Dieu, il faudrait qu’il y ait aussi plusieurs
filiations, et ainsi il faudrait qu’elles soient multipliйes selon une matiиre
sujette; ce qui ne convient pas а l’immatйrialitй de Dieu. Quarto, quia filius dicitur aliquis ex hoc quod naturaliter
procedit; natura autem ad unum se habet determinate, nisi per accidens ex
aliquo naturaliter plura proveniant propter materiae divisionem; et ideo ubi
est omnino immaterialis natura, oportet solum filium unum esse. d) Parce que le Fils est appelй quelqu’un15
du fait qu’il procиde naturellement; mais la nature ne se comporte pas de
maniиre dйterminйe vis-а-vis de l’un а moins que par accident plusieurs
proviennent naturellement de quelqu’un а cause de la division de la matiиre et
c’est pourquoi oщ la nature est tout а fait immatйrielle, il faut qu’il n’y ait
qu’un seul fils. q. 9 a. 9 ad 2 Ad secundum dicendum, quod dupliciter aliquid
potest esse naturae alicuius: uno modo secundum quod absolute consideratur; et
sic oportet ut quae ad aliquam naturam pertinent, conveniant omnibus suppositis
in natura illius; et sic convenit naturae divinae esse omnipotentem, creatorem,
et alia huiusmodi, quae sunt communia tribus personis. Alio modo pertinet
aliquod ad naturam secundum quod consideratur in aliquo uno supposito; et sic
non oportet quod id quod convenit naturae, conveniat cuilibet supposito illius
naturae: sicut enim natura generis habet aliquid in una specie quod alteri
speciei non convenit,- quemadmodum ad naturam sensitivam consequuntur quaedam
in homine, non autem in animalibus brutis, ut habere excellentissimum tactum et
reminisci, et alia huiusmodi,- ita etiam aliquid pertinet ad naturam speciei prout
est in uno individuo, quod non convenit alii individuo eiusdem speciei; sicut
patet quod naturae humanae prout fuit in Adam convenit quod non sit per
generationem naturalem accepta, quod tamen in aliis individuis humanae naturae
non invenitur; et per hunc modum posse generare, consequitur naturam divinam,
prout est in persona patris; quod patet ex hoc quod pater non constituitur
persona incommunicabilis nisi ex ipsa paternitate, quae competit ei secundum
quod est generans; et ideo non sequitur quod filius, licet sit perfectum
suppositum divinae naturae possit generare. # 2. Une chose peut exister d’une certaine nature de deux maniиres: a) Selon qu’on la considиre dans l'absolu; et ainsi il faut que ce qui
convient а une nature, convienne а tous les suppфts dans cette nature; et ainsi
il convient а la nature divine d’кtre un crйateur tout puissant, et autres
qualitйs de ce genre qui sont communes aux trois personnes. b) Une chose convient а la nature, selon ce qu’elle est considйrйe dans
un suppфt unique; et ainsi il ne faut pas que ce qui convient а la nature
convienne а n’importe quel suppфt de cette nature. Car de mкme que la nature du
genre a quelque chose dans une espиce qui ne convient pas а une autre espиce —
de quelque maniиre que certaines йchoient а la nature sensible dans l’homme,
mais pas dans les animaux, comme avoir un toucher excellent, et se souvenir, et
autres choses de ce genre — de mкme aussi une chose convient а la nature de
l’espиce dans la mesure oщ elle est dans un individu, ce qui ne convient pas а
un autre individu de mкme espиce; ainsi il est clair qu’il convient а la nature
humaine, dans la mesure oщ elle a йtй en Adam, de ne pas кtre reзue par une
gйnйration naturelle, ce que cependant on ne trouve pas dans les autres
individus de la nature humaine et pouvoir engendrer de cette maniиre, dйcoule
de la nature divine, dans la mesure oщ elle est dans la personne du Pиre. Ainsi
il est clair que le Pиre n’est constituй comme personne incommunicable que par
sa paternitй, qui lui convient selon qu’il engendre; et c’est pourquoi il n’en
dйcoule pas bien que le Fils soit un parfait suppфt de nature divine, qu’il
puisse engendrer. q. 9 a. 9 ad 3 Ad tertium dicendum quod, licet pater possit
generare, non autem filius, non tamen sequitur quod potentiam aliquam habeat
pater quam non habet filius. Eadem enim potentia est patris et filii, per quam
et pater generat et filius generatur. Nam potentia absolutum quiddam est; et
ideo non distinguitur in divinis, sicut nec bonitas, nec aliquid sic dictum. Generare
vero et generari in divinis non significant aliquid absolutum, sed solam
relationem in divinis. Relationes autem oppositae, in uno et eodem absoluto
communicant in divinis, et ipsum non dividunt; sicut patet quod in patre et
filio est una essentia, unde nec potentia distinguitur in divinis per hoc quod
est ad generare et generari. Non enim etiam in creaturis oportet quod per
quamcumque obiectorum distinctionem potentia distinguatur sed per differentiam
formalem obiectorum, et quae in eodem genere accipiatur; sicut potentia visiva
non distinguitur per hoc quod est videre hominem et videre asinum, quia ista
differentia non est sensibilis in quantum est sensibile; et similiter in
divinis absolutum per relationem non distinguitur. # 3. Il faut dire que, bien que le Pиre puisse engendrer, mais pas le
Fils, il n’en dйcoule cependant pas que le Pиre a une puissance que n’a pas le
Fils. Car la puissance du Pиre et celle du Fils, par laquelle le Pиre engendre
et le Fils est engendrй sont identiques. Car la puissance est quelque chose
d’absolu 16; et c’est pourquoi elle
n’est pas distinguйe en Dieu, ni la bontй non plus, ni ce qu’on appelle ainsi.
Mais engendrer et кtre engendrй en Dieu ne signifient pas quelque chose
d’absolu, mais seulement une relation. Mais les relations opposйes communiquent
dans un seul et mкme absolu et ne le divisent pas; ainsi il est clair que dans
le Pиre et dans le Fils il y a une seule essence. C’est pourquoi la puissance
n’est pas distinguйe par une distinction quelconque des objets, mais par le
fait d’engendrer ou d’кtre engendrй. Car il ne faut pas non plus dans les
crйatures que la puissance soit distinguйe par la diffйrence formelle des
objets et ce qui est reзu en un mкme genre comme la puissance de la vision
n’est pas distinguйe par le fait de voir un homme ou un вne, parce que cette
diffйrence n’est pas sensible en tant telle, et de la mкme maniиre en Dieu
l’absolu n’est pas distinguй par la relation. q. 9 a. 9 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in omni operatione
quae transit ab agente in rem exteriorem, requiritur aliud principium in
agente, per quod est agens, et aliud principium in patiente, per quod est
patiens. In operatione autem quae non transit in rem exteriorem, sed manet in
operante, non requiritur nisi unum operationis principium; sicut ad volendum
requiritur principium ex parte volentis, per quod possit velle. In creaturis
autem est generatio secundum operationem transeuntem in rem exteriorem: unde
oportet quod sit alia potentia activa in generante, et alia passiva in
generato. Sed generatio divina attenditur secundum operationem non quidem in
aliquid exterius transeuntem, sed interius manentem, idest secundum
conceptionem verbi. Unde non oportet quod alia sit potentia activa in patre, et
alia passiva in filio. # 4. En toute opйration qui passe d’un agent dans un objet extйrieur,
il est requis un principe dans l’agent, par lequel il est agent et un autre
principe dans le patient, par lequel il est patient. Mais dans l’opйration qui
ne passe pas а l’extйrieur, mais demeure dans celui qui opиre, il n’est requis
qu’un seul principe d’opйration, ainsi pour vouloir il est requis un principe
de la part de celui qui veut, par lequel il puisse vouloir. Mais, dans les
crйatures, la gйnйration est selon une opйration qui passe а l’extйrieur; c’est
pourquoi il faut qu’il y ait une autre puissance active dans celui qui
engendre, diffйrente de la puissance passive de celui qui est engendrй. Mais la
gйnйration divine ne tend pas par son opйration а quelque chose qui passe а
l’extйrieur, mais а ce qui demeure а l’intйrieur, c'est-а-dire selon la
conception du Verbe. C’est pourquoi il ne faut pas qu'il y ait une puissance
dans le Pиre et une autre puissance passive dans le Fils. q. 9 a. 9 ad 5 Ad quintum dicendum, quod calor et sapor prout
in se considerantur, sunt qualitates quaedam, possunt tamen dici potentiae
secundum quod sunt actuum quorumdam principia; unde patet quod licet radix
prima et remota, quae est subiectum, sit una radix, tamen propinqua, quae est
qualitas, non est una. # 5. La chaleur et la saveur, considйrйes en soi, sont des qualitйs, on
peut cependant les appeler des puissances en tant que principes de certains
actes; c’est pourquoi il est clair que bien que l’origine premiиre et йloignйe
qui est le sujet, soit une seule origine, cependant l’origine proche, qui est
la qualitй, n’est pas unique. q. 9 a. 9 ad 6 Ad sextum dicendum quod, sicut pater est Deus
generans, filius autem est Deus genitus: ita dicendum est quod pater est
sapiens ut concipiens, filius vero sapiens ut verbum conceptum. Filius enim in
eo quod est verbum, est quaedam conceptio sapientis. Sed quia quidquid est in
Deo, est Deus, oportet quod ipsa conceptio sapientis Dei sit Deus, et sapiens,
et potens, et quidquid aliud competit Deo. # 6. De mкme que le Pиre est le Dieu qui engendre, le Fils est le Dieu
engendrй, de mкme il faut dire que le Pиre est sage en tant qu’il conзoit le
Fils sage comme verbe conзu. Car le Fils, en ce qui est le Verbe est une
conception du sage. Mais parce que tout ce qui est en Dieu est Dieu, il faut
que cette conception du Dieu sage soit Dieu, et aussi sage et puissant, et tout
ce qui d’autre convient а Dieu. q. 9 a. 9 ad 7 Ad septimum dicendum, quod verbum in divinis non
potest dici nisi personaliter, si proprie accipiatur. Nulla enim alia origo in
divinis esse potest nisi immaterialis, et quae sit conveniens intellectuali
naturae, qualis est origo verbi et amoris; unde si processio verbi et amoris
non sufficit ad distinctionem personalem insinuandam, nulla poterit esse
personalis distinctio in divinis. Unde et Ioannes tam in principio sui
Evangelii quam in prima canonica sua, nomine verbi pro filio utitur, nec est
aliter loquendum de divinis quam sacra Scriptura loquatur. # 7. On ne peut parler du Verbe en Dieu que personnellement, si on le
prend au sens propre. Car aucune autre origine ne peut кtre en Dieu
qu’immatйrielle et celle qui convient а sa nature intellectuelle, telle qu’est
l’origine du verbe et de l’amour; c’est pourquoi si la procession du verbe et
de l’amour ne suffit pas а introduire la distinction des personnes, il ne
pourra y avoir aucune distinction personnelle en Dieu. C’est pourquoi Jean,
tant au commencement de son Йvangile que dans sa premiиre йpоtre, se sert du
nom de Verbe pour le Fils, et il ne
faut pas parler de Dieu autrement que l’Йcriture sainte en parle. q. 9 a. 9 ad 8 Ad octavum dicendum, quod dicere potest
dupliciter sumi: uno modo proprie secundum quod dicere idem est quod verbum
concipere; et sic dicit Augustinus, quod non
singulus quisque in divinis, sed solus pater est dicens. Alio modo
communiter, prout dicere nihil est aliud quam intelligere; et sic dicit
Anselmus, quod non solum pater est dicens, sed etiam filius et spiritus sanctus;
et tamen licet sint tres dicentes, est unum solum verbum,- quod est filius,-
quia solus filius est conceptio patris intelligentis et concipientis verbum. # 8. Dire peut кtre pris en
deux sens: a) D’une premiиre maniиre, au
sens propre selon que dire est la
mкme chose que concevoir un verbe; et en ce sens Augustin (La Trinitй, VII) dit que "ce
n’est pas chaque personne particuliиre qui dit [parle] en Dieu, mais le Pиre
seul". b) D’une autre maniиre au
sens commun, selon que dire n’est rien d’autre que l’intellection; et ainsi
Anselme dit (loc. cit. dans
l’argument17) que non seulement le
Pиre parle, mais aussi le Fils et l’Esprit saint; et cependant, bien qu’il y en
ait trois qui parlent, il n’y a qu’un seul verbe — qui est le Fils — parce que
seul le Fils est la conception du Pиre qui pense et conзoit le verbe. q. 9 a. 9 ad 9 Ad nonum dicendum, quod non sequitur quod sit
generatio in divinis ex hoc solum quod tribuit generationem aliis sicut causa
effectiva, quia pari ratione sequeretur quod in Deo sit motus, quia tribuit
aliis motum. Sequitur autem quod sit in Deo generatio ex hoc quod tribuit aliis
generationem ut causa effectiva et exemplaris: pater autem est exemplar
generationis ut generans, sed filius ut genitus; unde non oportet quod generet. # 9. Il ne dйcoule pas qu’il y a gйnйration en Dieu du seul fait qu’il
a attribuй la gйnйration а d’autres, comme cause efficiente, parce qu’а raison
йgale, il en dйcoulerait qu’il y a en Dieu du mouvement, parce qu’il en a
attribuй aux autres. Mais il dйcoule qu’il y a en Dieu une gйnйration par le
fait qu’il a attribuй aux autres la gйnйration comme cause efficiente et
exemplaire; le Pиre est l’exemplaire de la gйnйration, en tant qu’il engendre;
et le Fils en tant qu’engendrй; c’est pourquoi il ne faut pas qu’il engendre. q. 9 a. 9 ad 10 Ad decimum dicendum, quod generatio est opus
divinae naturae, prout est in persona patris, ut supra dictum est, unde non
oportet quod conveniat filio. # 10. La gйnйration est l’њuvre de la nature divine, dans la mesure oщ
elle est dans la Personne du Pиre, comme on l’a dit ci-dessus, c’est pourquoi
il ne faut pas que cela convienne au Fils. q. 9 a. 9 ad 11 Ad undecimum dicendum quod, cum filiatio sit
relatio consequens determinatum modum originis,- scilicet quae est per modum naturae,-
impossibile est quod filiatio a filiatione differat differentia formali; nisi
forte secundum differentiam naturarum, quae per generationem communicantur,
sicut potest dici quod alia species filiationis est qua hic homo est filius, et
qua hic equus est filius. In divinis autem non est nisi una natura; unde non
possunt ibi esse plures filiationes formaliter differentes; et patet etiam quod
nec materialiter. Et sic sequitur quod ibi sit tantum una filiatio et unus
filius. # 11. Comme la filiation est une relation qui suit un mode dйterminй
d’origine, — а savoir, qu’elle est par le mode de nature — il est impossible
qu’une filiation diffиre de la filiation par une diffйrence formelle; а moins
que par hasard, ce soit selon la diffйrence des natures, qui sont communiquйes
par gйnйration, comme on peut dire qu’il y a une autre espиce de filiation par
laquelle cet homme est fils et par laquelle ce cheval est fils. En Dieu il n’y
a qu’une seule nature, c’est pourquoi il ne peut pas y avoir plusieurs filiations
formellement diffйrentes; et il est clair aussi que [ce n’est pas possible]
matйriellement non plus. Et ainsi il en dйcoule qu’il y a lа seulement une
filiation et un seul Fils. q. 9 a. 9 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod unus splendor ab
alio splendore procedit, ex eo quod lux diffunditur ad aliud subiectum: et sic
patet quod hoc fit per divisionem materialem, quae non potest esse in divinis. # 12. Une splendeur procиde d’une autre, du fait que la lumiиre est
diffusйe vers un autre sujet, et ainsi il est clair que cela se fait par une
division matйrielle, qui ne peut pas exister en Dieu. q. 9 a. 9 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod unumquodque
amatur in quantum est bonum; unde cum una et eadem sit bonitas patris et filii
et spiritus sancti, eodem amore, qui est spiritus sanctus, pater diligit et
filium et spiritum sanctum, et totam creaturam; sicut eodem verbo, quod est
filius, dicit se et filium et spiritum sanctum, et totam creaturam. # 13. Chaque chose est aimйe en tant qu’elle est bonne. C’est pourquoi,
comme la bontй du Pиre, du Fils et de l’Esprit saint est une et la mкme, par un
mкme amour qui est l’Esprit saint, le Pиre aime le Fils et l’Esprit saint et
toute la crйature, de mкme par un mкme Verbe qui est le Fils, il se dit et dit
aussi le Fils et l’Esprit saint et toute la crйature. q. 9 a. 9 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod bonitas
est id ad quod terminatur operatio viventis, quae manet in operante. Primo enim
intelligitur aliquid ut verum, et sic deinceps desideratur ut bonum; et ibi sistit
et quiescit operatio intranea, sicut in fine. Sed ex hinc incipit processus
operationis ad exteriora, quia ex hoc quod intellectus desiderat et amat
aliquid praeconsideratum ut bonum, incipit exterius operari ad illud. Unde ex
hoc ipso quod bonitas spiritui sancto appropriatur, convenienter accipi potest
quod processio divinarum personarum ultra non porrigitur. Sed quod
sequitur, est processio creaturae, quae est extra naturam divinam. # 14. La bontй est ce а quoi se termine l’opйration du vivant qui demeure
dans celui qui opиre. Car d’abord on comprend quelque chose comme vrai et ainsi
immйdiatement aprиs il est dйsirй comme bien; et lа se tient et s’achиve
l’opйration interne, comme dans sa fin. Mais de lа commence le processus de
l’opйration а l’extйrieur, parce que du fait que l’esprit dйsire et aime, ce
qu’il a considйrй auparavant comme bien, il commence а agir а l’extйrieur vers
ce bien. C’est pourquoi du fait que la bontй est appropriйe а l’Esprit saint,
on peut interprйter comme ce qui convient que la procession des personnes
divines ne s’йtend pas plus loin. Mais il en dйcoule que c’est la procession de
la crйature qui est hors de la nature divine. q. 9 a. 9 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod inter omnes
lineas linea circularis est perfectior, quia non recipit additionem. Unde hoc
ipsum ad perfectionem spiritus sancti pertinet quod sua processione quasi
quemdam circulum divinae originis concludit, ut ultra iam addi non possit,
sicut supra, iam ostensum est. # 15. Parmi toutes les lignes, le cercle est plus parfait parce qu’il
ne reзoit pas d’addition. C’est pourquoi cela convient а la perfection de
l’Esprit saint qu'il se ferme en sa procession comme un cercle d’origine
divine, pour que (rien) ne puisse кtre ajoutй, comme on l’a dйjа montrй ci-dessus
[dans le corps de l’article]. q. 9 a. 9 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod in hoc quod est
accipere vel communicare naturam divinam, non attenditur differentia nisi solum
secundum relationes; quae quidem differentia inaequalitatem perfectionis constituere
non potest, quia, ut dicit Augustinus contra Maximinum, cum quaeritur quis de
quo sit, est quaestio originis, non aequalitatis vel inaequalitatis. # 16. Pour ce qui est recevoir ou communiquer la nature divine, la
diffйrence ne s’йtend seulement que selon les relations. Cette diffйrence ne
peut pas constituer une inйgalitй de perfection, parce que, comme le dit
Augustin (Contre Maximinien III, 18):
"Quand on cherche qui vient de qui,
c’est une question d’origine, non d’йgalitй ou d’inйgalitй." q. 9 a. 9 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod sicut
communicare divinam naturam, est perfectionis de patre in filio, ita perfecte
accipere communicatam est perfectionis in spiritu sancto; et utraque perfectio
non differt secundum quantitatem, sed secundum relationem, quae inaequalitatem
non constituit, ut dictum est. # 17. De mкme que communiquer la nature divine est de la perfection du
Pиre dans le Fils, de mкme recevoir parfaitement la nature communiquйe est de
la perfection de l’Esprit saint et l’une et l’autre perfection ne diffиre pas
en quantitй mais en une relation, qui n’a pas constituй une inйgalitй, comme on
l’a dit. q. 9 a. 9 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod illud per quod
aliqua persona est incommunicabilis, non potest esse multis commune, ut supra
dictum est. Unde habere consortium in illo non
faceret iucunditatem, sed destructionem distinctionis personarum. Unde si
pater in paternitate haberet consortem in divinis, sequeretur confusio
personarum; et eadem ratio est de filiatione et processione. # 18. Ce par quoi une personne n'est pas communicable ne peut кtre
commun а plusieurs, comme on l’a dit ci-dessus. C’est pourquoi la participation
en cela n’apporterait pas la joie, mais la destruction de la distinction des
personnes. C’est pourquoi, si le Pиre avait quelqu’un qui participe а la
paternitй, il en dйcoulerait une confusion des personnes; et la raison est la
mкme pour la filiation et la procession. q. 9 a. 9 ad 19 Ad decimumnonum dicendum est quod alia
attributa non habent operationem intrinsecam, secundum quam possit attendi
processus divinae personae, sicut intellectus et voluntas. # 19. Les autres attributs n’ont pas d’opйration intrinsиque qui puisse
parvenir а une procession de la personne divine comme l’intellect et la
volontй. q. 9 a. 9 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod processio naturae
et intellectus conveniunt in hoc quod in utraque processione procedit unum ab
uno ut similitudo eius a quo procedit. Amor autem qui
procedit secundum voluntatem, procedit a duobus mutuo se amantibus. Nec ex hoc
quod est amor, habet quod id sit similitudo amantis; et ideo in divinis idem
procedit per modum naturae et intellectus, scilicet ut filius et verbum; sed
alia persona est quae procedit per modum voluntatis ut amor. # 20. La procession de nature et celle de l’esprit se rencontrent en
ceci que dans les deux processions, l’un procиde d’un autre comme image de
celui dont elle procиde. Mais l’amour qui procиde selon la volontй procиde de
deux [кtres] qui s’aiment mutuellement. Et du fait que c’est l’amour, il n’a
pas l’image de celui qui aime, et c’est pourquoi, en Dieu le mкme procиde par
mode de nature et d’intellect, а savoir comme fils et verbe; mais l’autre
personne est celle qui procиde par mode de volontй, comme amour. q. 9 a. 9 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod licet sint
quinque notiones in divinis, tamen solum sunt tres proprietates personales
constituentes personas; et propter hoc solum sunt tres personae. # 21. Bien qu’il y ait cinq notions en Dieu, seules cependant trois
propriйtйs personnelles constituent les personnes et c’est pour cela qu’il y a
seulement trois personnes. q. 9 a. 9 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod
relationes ideales sunt Dei ad id quod est extra, scilicet ad creaturas; et
ideo per eas non distinguuntur personae in divinis. Oportet etiam
respondere ad rationes alias, quibus concludebatur quod personae divinae sunt
tribus pauciores. # 22. Les relations idйales18 sont
de Dieu vers l’extйrieur, а savoir vers les crйatures; c’est pourquoi par elles
les personnes ne sont pas distinguйes par elles. Il faut aussi rйpondre aux
autres raisons, par lesquelles on concluait que les personnes
divines sont moins de trois. q. 9 a. 9 ad 23 Ad quorum primum dicendum, quod in qualibet
natura creata inveniuntur multi modi processionum, non tamen secundum quemlibet
eorum natura speciei communicatur; et hoc est propter imperfectionem naturae
creatae, in qua non subsistit quidquid in ea est; sicut verbum hominis, quod
procedit ab intellectu eius, non est aliquid subsistens, nec etiam amor qui
procedit a voluntate humana. Sed filius, qui generatur per operationem naturae,
est subsistens in natura humana; et propter hoc hic est solus modus quo natura
communicatur, licet in eo sint plures modi processionum. Sed in Deo est
subsistens quidquid in ipso est; et ideo secundum quemlibet modum processionis
communicatur natura in divinis. # 1. En n’importe quelle nature crййe, on trouve de nombreux modes de
procession, cependant la nature de l’espиce n’est pas communiquйe par n’importe
lequel d’entre eux et c’est а cause de l’imperfection de la nature crййe, dans
laquelle il ne subsiste rien de ce qui est en elle; ainsi le verbe de l’homme,
qui procиde de son esprit n’est pas quelque chose de subsistant, ni non plus
l’amour qui procиde de la volontй humaine. Mais le Fils, qui est engendrй par
une opйration de nature subsiste dans la nature humaine et c’est pour cela
qu’il y a un seul mode par lequel la nature est communiquйe, bien qu’en lui il
y ait plus de modes de processions. Mais en Dieu, tout ce qui est en lui est
subsistant et c’est pourquoi la nature est communiquйe en Dieu selon n’importe
quel mode de procession. q. 9 a. 9 ad 24 Ad secundum dicendum, quod nihil prohibet etiam
a voluntate aliquid naturaliter procedere: nam et voluntas aliquid naturaliter
vult et amat, scilicet felicitatem et veritatis cognitionem, et ideo nihil
prohibet quin spiritus sanctus naturaliter procedat a patre et filio, quamvis
procedat per modum voluntatis. # 2. Rien n’empкche non plus que quelque chose procиde naturellement de
la volontй, car elle veut et aime naturellement, а savoir le bonheur et la
connaissance de la vйritй, et c’est pourquoi rien n’empкche que l’Esprit saint
procиde naturellement du Pиre et du Fils, quoiqu’il procиde par mode de
volontй. q. 9 a. 9 ad 25 Ad tertium dicendum quod, licet voluntas et
intellectus non differant in Deo nisi secundum rationem, tamen oportet illum
qui procedit per modum intellectus, realiter distingui ab eo qui procedit per
modum voluntatis. Nam verbum, quod procedit per modum intellectus, procedit ab
uno tantum, sicut a dicente; spiritus vero sanctus, qui procedit per modum
voluntatis ut amor, oportet quod procedat a duobus mutuo se amantibus, vel
etiam ex dicente et verbo: nihil enim potest amari cuius verbum in intellectu
non praeconcipitur. Et sic oportet quod ille qui procedit per modum voluntatis,
sit ab eo qui procedit per modum intellectus, et per consequens quod
distinguatur ab eo. # 3. Bien que la volontй et l’intellect ne diffиrent en Dieu qu’en
raison, il faut cependant que celui qui procиde par mode d’intellect soit
rйellement distinguй de celui qui procиde par volontй. Car le Verbe qui procиde
par mode d’intellect, procиde de l’un seulement, comme de celui qui parle. Mais
l’Esprit saint, qui procиde par mode de volontй comme amour, doit procйder de
deux (personnes) qui s’aiment mutuellement, ou aussi de celui qui parle et du
verbe: car rien ne peut кtre aimй dont le verbe ne soit pas prйconзu dans
l’esprit. Et ainsi il faut que celui qui procиde par mode de volontй soit de
celui qui procиde par mode d’intellection et par consйquent qu’il soit
distinguй de lui. q. 9 a. 9 ad 26 Ad quartum dicendum, quod qui est ab alio in
divinis, potest esse dupliciter: scilicet vel per modum verbi, vel per modum
amoris; et ideo qui est ab alio secundum quod communiter dicitur, non sufficit
ad constituendum personam incommunicabilem, sed solum secundum quod ad propria
determinatur. # 4. Celui qui est d’un autre en Dieu peut l’кtre de deux maniиres: а
savoir par mode de verbe ou par mode d’amour, et c’est pourquoi ce qui est d’un
autre selon ce qu’on dit communйment, ne suffit pas pour constituer une
personne incommunicable, mais seulement selon ce qui est dйterminй а ce qui lui
est propre. q. 9 a. 9 ad 27 Ad quintum dicendum, quod in divinis sunt
quatuor relationes, nedum duae; sed solum tres ex eis sunt personales, nam una
earum,- scilicet communis spiratio,- non est proprietas personalis, cum sit
communis duabus personis: et ideo non sunt in divinis nisi tres personae. # 5. En Dieu, il y a quatre relations, et pas seulement deux; mais
seules trois d’entre elles sont personnelles, car l’une d’elle, а savoir la
spiration commune, n’est pas une propriйtй personnelle, puisqu’elle est commune
а deux personnes, et c’est pourquoi il n’y a en Dieu que trois personnes. q. 9 a. 9 ad s. c.
Alias rationes concedimus. Les autres raisons, nous les concйdons.
1 Parall.:Ia, qu. 30, a. 2. — Qu. 31, a. 1 — I sent. d24qu2a2 — CG. IV, 26 — II Sent.
d10a.5 — d33a.2, ad 1 — Compend. 56, 60. 2
"En effet, entre le possible et l’кtre, il n’y a aucune diffйrence, dans
les choses йternelles." p. 97. 3
Il s’agit d’une conception intellectuelle, comme celle du verbe. 4
PL. 40, 736. Voir note qu. 2, a. 3, obj. 15. 5
§ 1 693 B:"…l'кtre mкme du bien, en tant que Bien essentiel, йtend sa
bontй а tout кtre." (Trad. M. de Gandillac). 6
Iucunda possessio. Cf. qu. 2, a. 4,
obj. 12. 7
Synodes, 58, PL. 10, 520 C. Canon 24 profession de foi de Sirmium. 8
Cf. Pot. 9, 5, ad 23. 9
Sur l'authenticitй de ce texte, le 13 janvier 1897, le saint office a rйpondu
non. Voir Denz 3681, 3682 . Rйponse
du st office 2 juin 1927. Ils inclinent vers une conception opposйe а
l'authenticitй. L'expression trois personnes ou trois hypostases dйvint
authentique а la fin de la crise arienne. Concile d'Antioche, 362, Rome (382,
Tomus Damasi) et Constantinople 382. (Denz 78, Symbole>172 10
"Sed contra qui est
explicitement le principe dionysien de la diffusion du bien." (Vanier, …
p. 46). 11
Sur Arius, voir qu. 2, a. 4. 12
Йvкque de Constantinople, 342-346, semi arien, considйrй comme hйrйsiarque
aprиs sa mort. Les Macйdoniens sont des hйrйtiques opposйs а l'Esprit saint.
Premier concile de Constantinople, (mai 30 juillet 381)contre les ariens contre
les Macйdoniens. Anathиme concile de Rome 381 (Tomus Damasi). 13
Doctrine monarchienne, d'abord enseignйe par Noлl (Smyrne entre 180 et 200). Sa
doctrine: un seul Dieu: le Pиre. C'est lui qui йtait nй, qui avait souffert et
йtait mort. Condamnй vers 200. Ensuite Praxйas rйfutй par Tertullien..
Sabellius (lybien?) vient а Rome peut avant 217. La doctrine se propagea aprиs
sa condamnation en Asie Mineure sous la forme du modalisme. Dieu s'exprime par
des modes diffйrents (Йpiphane, Haeres.
LXII, PG. 41, 1052) "Dieu, monade simple et indivisible est une personne
unique. On le nomme Pиre, Fils mais en tant qu'il le monde il prend le nom de
Vereb… Les trois йtats successifs de la monade ne constituent pas trois
personnes distinctes; ils sont seulement trois aspects, trois virtualitйs,
trois modalitйs er comme trois noms d'un mкme кtre." (Sabellius, CG. IV, 5… rйfutй 259-268 Lettre а
Denys. 14
PL. 10, 521 A. canon 28. Denz 140. 15
Aliquis est, Aliquid est un des
transcendantaux par lequel l’кtre s’affirme comme quelque chose par rapport а
ce qui l’entoure. Cf. Gardeil, Mйtaphysique,
p. 73, § 2. 16
C'est-а-dire selon l’essence. 17
Monologium, 61. 18
Il s’agit des idйes.
Question 10:
Les processions des Personnes divines
q. 10 pr. 1 Et primo quaeritur utrum sit
aliqua processio in divinis. 1. Y a-t-il une procession en Dieu? q. 10 pr. 2 Secundo
utrum in divinis sit tantum una processio. 2. N’y a-t-il qu’une seule procession en Dieu? q. 10 pr. 3 Tertio de ordine processionum ad relationem in
divinis. 3. L’ordre des processions а la relation en Dieu. q. 10 pr. 4 Quarto utrum spiritus sanctus procedat a filio. 4. L’Esprit saint procиde-t-il du Fils? q. 10 pr. 5 Quinto utrum spiritus sanctus remaneret a filio
distinctus, si ab eo non procederet. 5. L’esprit saint demeurerait-il distinct du Fils, s’il ne procйdait
pas de lui?
Article 1: Y a-t-il une procession dans les personnes divines?
q. 10 a. 1 tit. 1 Et primo quaeritur utrum sit
aliqua processio in divinis personis. Et videtur quod non. Il semble que non1. Objection: q. 10 a. 1 arg. 1 Omne enim quod procedit ab aliquo, distat ab
eo. Sed divinarum personarum non est aliqua distantia ab invicem: dicit enim
filius, Ioan. XIV, 10: ego in patre et pater in me est; et idem dici potest de
spiritu sancto, quod scilicet sit in patre et filio, et e converso. Ergo in
divinis una persona non procedit ab alia. 1. Car tout ce qui procиde de quelque chose en est diffйrent. Mais il
n'y pas de diffйrence dans les personnes divines entre elles. Car le Fils dit (Jn 14,10): "Moi je suis dans le Pиre et le Pиre est en moi" et on peut
dire de mкme pour l'Esprit saint, parce qu'il est assurйment dans le Pиre et le
Fils et inversement. Donc en Dieu une personne ne procиde pas d'une autre. q. 10 a. 1 arg. 2 Praeterea, nihil quod ad motum pertinet, Deo
proprie attribui potest, sicut nec aliquid quod materiam importat. Processio autem
significat quemdam motum. Ergo non proprie potest dici in divinis. 2. On ne peut rien attribuer en propre а Dieu qui concerne le
mouvement, ni rien qui apporte de la matiиre. Mais la procession signifie un
mouvement. Donc en Dieu on ne peut pas en parler au sens propre. q. 10 a. 1 arg. 3 Praeterea, omne procedens praeintelligitur
processioni: nam procedens est processionis subiectum: sed in divinis non
potest esse aliquid procedens processioni praeintellectum: essentia enim divina
non est procedens, sicut nec genita; relatio autem non praeintelligitur
processioni, sed e converso, sicut iam dictum est. Non ergo potest esse
processio in divinis. 3. Tout ce qui procиde est conзu avant la procession; car ce qui
procиde en est le sujet. Mais en Dieu, il ne peut pas y avoir quelque chose qui
procиde qui soit conзu avant la procession: car l'essence divine ne procиde
pas, de mкme qu'elle n'est pas engendrйe; et la relation n'est pas comprise
avant la procession, mais c'est le contraire, comme on l'a dйjа dit (qu. 8, a. 3). Donc il ne peut pas y
avoir de procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 4 Praeterea, omne procedens sicut ab aliquo
procedit, ita oportet quod procedat in aliquid. Quod autem in aliquid procedit,
non est per se subsistens. Cum ergo personae divinae sint per se subsistentes,
non videtur eis competere quod procedant. 4. Tout ce qui procиde, procиde d’une chose, et doit procйder dans une
autre. Mais ce qui procиde en une chose n'est pas subsistant par soi. Donc
comme les personnes divines sont subsistantes par soi, apparemment il ne leur
convient pas de procйder. q. 10 a. 1 arg. 5 Praeterea, cum creaturae nobiliores sint
etiam Deo similiores, quod invenitur in inferioribus creaturis, non autem in
superioribus, nec etiam in Deo invenitur sicut quantitas dimensiva, materia, et
alia huiusmodi. Processio autem invenitur in
inferioribus creaturis, in quibus unum individuum generat aliud eiusdem speciei;
quod non contingit in creaturis superioribus. Ergo neque in Deo
processio invenitur. 5. Comme les crйatures plus nobles ressemblent davantage а Dieu, ce qui
se trouve dans les crйatures infйrieures, mais pas dans les crйatures
supйrieures, ne se retrouve pas non plus en Dieu, comme la quantitй mesurable,
la matiиre, etc.. Mais on trouve la procession dans les crйatures infйrieures
dans lesquelles un des individus en engendre un autre de la mкme espиce; ce qui
n'arrive pas dans les crйatures supйrieures. Donc on ne trouve pas non plus de
procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 6
Praeterea, illud quod derogat divinae dignitati, nullo modo est Deo
attribuendum. In hoc autem maxime consideratur divina dignitas, quod est prima
causa essendi non habens ab alio esse, cui videtur repugnare processio: nam
omne procedens quodammodo ab alio est. Non ergo dicendum est quod aliquid
sit procedens in divinis. 6. Ce qui dйroge а la dignitй de Dieu ne doit en aucune maniиre lui
кtre attribuй. Mais en cela on considиre surtout sa dignitй, parce qu'il est la
cause premiиre de l’кtre, sans avoir l'кtre d'un autre: la procession
apparemment ne lui convient pas; car tout ce qui procиde en quelque maniиre
dйpend d'un autre. Donc il ne faut pas dire que quelque chose procиde en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 7 Praeterea, persona est hypostasis proprietate
distincta ad dignitatem pertinente. Accipere autem ab alio (quod importat
processio), non videtur ad dignitatem pertinere. Non ergo processio debet
attribui divinis personis sicut aliqua personalis proprietas. 7. La personne est une hypostase, avec une propriйtй distincte qui
convient а sa dignitй. Mais recevoir d'un autre (ce que la procession apporte)
ne semble pas convenir а sa dignitй. Donc la procession ne doit pas кtre
attribuйe aux personnes divines comme une quelconque propriйtй personnelle. q. 10 a. 1 arg. 8 Praeterea, illud a quo aliquid procedit,
oportet esse aliquo modo causam illius. Sed una persona non potest esse causa
alterius: neque enim esse potest una alterius causa intrinseca, formalis
scilicet vel materialis, cum in divinis non sit compositio formae et materiae;
nec iterum causa extrinseca, cum una persona sit in alia. Non ergo est
processio in divinis. 8. Ce dont quelque chose procиde doit кtre d'une certaine maniиre sa
cause. Mais une personne ne peut pas кtre cause d'une autre. Elle ne peut pas,
en effet, кtre la seule cause intrinsиque d'une autre, c'est-а-dire la cause
formelle ou matйrielle, puisqu'en Dieu il n'y a pas composition de forme et de
matiиre; elle ne peut non plus кtre la cause extrinsиque, puisqu'une personne
est dans l'autre. Donc il n'y a pas de procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 9 Praeterea, omne procedens procedit ab aliquo
sicut a principio. Una autem persona non potest dici alterius principium,
quia,- cum principium ad principiatum dicatur,- oportet aliquam personam
principiatam dici, quod videtur solis creaturis competere. Non ergo est
processio in divinis. 9. Tout ce qui procиde procиde de quelque chose comme d’un principe.
Mais on ne peut pas dire qu'une personne est le principe d'une autre, parce
que, — comme on parle de principe pour ce qui en dйpend, — il faut dire qu'il y
a une personne qui dйpend d’un principe, ce qui semble ne convenir qu’aux
seules crйatures. Donc pas de procession en Dieu. q. 10 a. 1 arg. 10 Praeterea, nomen principii a prioritate
sumptum esse videtur. Sed in personis divinis nihil est prius et posterius, ut
Athanasius dicit. Non est ergo una persona principium alterius; et sic non
debet dici una procedens ab alia. 10. Le nom de principe semble кtre pris de "prioritй2". Mais dans les personnes divines rien
n'est avant ou aprиs, comme Athanase le dit (dans le Symbole3). Donc une
personne n'est pas le principe d'une autre; et ainsi on ne doit pas dire que
l'une procиde d'une autre. q. 10 a. 1 arg. 11 Praeterea, omne principium est operativum
vel factivum. Sed una persona non est factiva alterius nec operativa, alioquin
in divinis personis esset aliquid factum vel creatum. Ergo divina persona non
habet principium, neque est procedens. 11. Tout principe peut opйrer ou produire. Mais une personne ne peut en
produire une autre, ou opйrer, autrement dans les personnes divines il y aurait
quelque chose de produit ou de crйй. Donc la personne divine n'a pas de
principe, et elle ne procиde pas. q. 10 a. 1 arg. 12 Praeterea, quandocumque est aliquid ab
aliquo procedens, oportet esse aliquid commune utrique, quod scilicet
procedenti communicatur ab eo a quo procedit, et aliquid proprium, per quod
procedens distinguitur ab eo a quo procedit: nihil enim procedit a se ipso.
Ubicumque autem est aliquid et aliquid, ibi est compositio. Ergo ubicumque est
processio, ibi est compositio. In divinis autem non est compositio. Ergo neque
processio. 12. Chaque fois qu'une chose procиde d'une autre, il faut qu'il y ait
quelque chose de commun а l'une et а l'autre, qui naturellement est communiquй
а celle qui procиde par celle de qui il procиde, et quelque chose de propre,
par lequel celui qui procиde est distinguй de celui dont il procиde; car rien
ne procиde de soi. Mais partout oщ il y a une chose et une autre, il y a
composition. Donc partout oщ il y a procession, il y a composition. Mais en
Dieu il n'y a pas de composition. Ni en consйquence de procession. q. 10 a. 1 arg. 13 Praeterea, omne procedens ab alio, recipit
aliquid ab eo. Quod autem recipit aliquid, est indigentis naturae: nisi enim
indigeret, non reciperet; propter quod etiam in rebus naturalibus
receptibilitas attribuitur materiae. Ergo omne procedens est indigentis
naturae. In divinis autem non est aliqua indigentia, sed summa perfectio. Ergo
non est ibi processio. 13. Tout ce qui procиde d'un autre en reзoit quelque chose. Parce qu’il
reзoit, il en a naturellement besoin. Car s’il n’en avait pas besoin il ne le
recevrait pas; c'est pour cela aussi que dans ce qui est naturel aussi la rйceptivitй
est attribuйe а la matiиre. Donc tout ce qui procиde est ce qui йprouve un
besoin par nature. Mais en Dieu il n'y a pas de besoin, mais une perfection
suprкme. Donc il n'y a pas de procession. q. 10 a. 1 arg. 14 Sed dices, quod recipiens quando praeexistit
receptioni, est indigens, quando vero iam recipit, habet et non est indigens;
filius autem et spiritus sanctus recipiunt quidem a Deo patre, non tamen
praeexistunt receptioni; et sic in eis nulla est indigentia.- Sed contra,
creatura quaelibet est indigentis naturae, et tamen non praeexistit receptioni
qua recipit esse a Deo. Non ergo excludit indigentiam a recipiente hoc quod
receptioni non praeexistit. 14. Mais on dira que celui
qui reзoit, quand il prйexiste а la rйception, en a besoin, mais quand il l'a
reзu, il n’en a plus besoin. Le Fils et l'Esprit saint reзoivent de Dieu le
Pиre, cependant ils ne prйexistent pas а la rйception; et ainsi il n'y a en eux
aucun besoin. — En sens contraire n'importe
quelle crйature est d'une nature dans le besoin et cependant elle ne prйexiste
pas а la rйception par laquelle elle reзoit l'кtre de Dieu. Donc, ce qui ne
prйexiste pas а la rйception n'exclut pas le besoin de celui qui reзoit. q. 10 a. 1 arg. 15 Praeterea, omne quod non habet aliquid nisi
secundum quod recipit illud ab alio, in se consideratum caret illo; sicut aer
in se consideratus caret lumine, quod ab alio recipit. Si ergo filius et
spiritus sanctus non habent esse nisi per hoc quod recipiunt a patre (quod
oportet dicere, si a patre procedunt), necesse est quod si in se considerentur,
nihil sint. Quod autem in se consideratum nihil est, si habeat esse ab alio,
oportet quod ex nihilo est, et ita quod sit creatura. Si ergo filius et
spiritus sanctus procedunt a patre, oportet quod sint creaturae; quod est
Arianae impietatis. Non ergo est processio in divinis personis. 15. Tout ce qui n'a que dans la mesure oщ il le reзoit d'un autre,
considйrй en soi, en manque; ainsi l'air considйrй en soi manque de lumiиre,
qu'il reзoit d'un autre. Donc si le Fils et l'Esprit n'ont l'кtre que par ce
qu'ils reзoivent du Pиre (ce qu'il faut dire, s'ils procиdent de lui), il est
nйcessaire que, si on les considиre en soi, ils ne soient rien. Mais ce qui
n'est rien en soi, s'il a l'кtre d'un autre, doit venir du nйant et ainsi кtre
une crйature. Donc si le Fils et l'Esprit saint procиdent du Pиre, il faut
qu'ils soient des crйatures, ce qui est l'hйrйsie Arienne. Il n’y a donc pas de
procession dans les personnes divines. q. 10 a. 1 arg. 16 Praeterea, quod procedit ab aliquo, ad
hoc procedit ut sit. Quod autem procedit ut sit, non semper fuit; sicut quod
procedit ad locum, non semper fuit in loco illo. Personae
autem divinae sunt sempiternae. Ergo nulla persona divina est procedens. 16. Ce qui procиde de quelque chose, en procиde pour exister. Mais ce
qui procиde pour exister n'a pas toujours existй; ainsi ce qui ‘procиde’ vers
un lieu n'y a pas toujours йtй. Mais les Personnes divines sont йternelles.
Donc aucune ne procиde. q. 10 a. 1 arg. 17 Praeterea, principium a quo aliquid
procedit, habet aliquam auctoritatem respectu illius quod procedit a principio.
Si ergo aliqua persona divina procedit ab alia, utpote filius et spiritus
sanctus a patre, oportet quod in patre sit aliqua auctoritas respectu filii et
spiritus sancti: et ita, cum auctoritas sit quaedam dignitas, aliqua dignitas
erit in patre quae non est in filio et spiritu sancto; et sic erit inaequalitas
in divinis personis: quod est contra Athanasium dicentem quod in Trinitate
nihil est prius et posterius; nihil maius aut minus: sed totae tres personae
coaeternae sibi sunt et coaequales. Non ergo est processio in divinis
personis. 17. Le principe d'oщ quelque chose procиde, a une autoritй par rapport
а ce qui procиde de lui. Donc si une personne divine procиde d'une autre, а
savoir si le Fils et l'Esprit saint procиdent du Pиre, il faut qu’il y ait dans
le Pиre une autoritй sur le Fils et l'Esprit saint, et comme l’autoritй est une
dignitй, il y aura dans le Pиre une dignitй qui n’est pas dans le Fils et
l’Esprit saint et ainsi il y aura une inйgalitй dans les personnes divines, ce
qui est contre Athanase qui dit (dans le Symbole)
que "dans la Trinitй, rien n’est
avant ni aprиs; rien de plus grand ou plus petit, mais les trois personnes sont
coйternelles et йgales entre elles". Donc il n'y a pas de procession
dans les personnes divines. En sens contraire: q. 10 a. 1 s. c. 1 Sed contra. Est quod dicit filius Ioan. cap.
VIII, 42: ego ex Deo processi et veni. 1.Il y a ce que dit le Fils (Jn, 8, 42): "Moi, j’ai procйdй4 et je suis venu de Dieu." q. 10 a. 1 s. c. 2 Praeterea, Ioan. XV, 26, dicitur, quod
spiritus veritatis, qui a patre procedit. Est ergo processio in divinis
personis. 2. En Jn 15, 26, il est dit
que "L'Esprit de vйritй…, (qui) procиde du Pиre…" Donc il y a
procession dans les personnes divines. Rйponse: q. 10 a. 1 co. Respondeo. Dicendum quod cognitio intellectiva
in nobis sumit principium a phantasia et sensu, quae ultra continuum se non
extendunt; et inde est quod ex his quae in continuo inveniuntur, transumimus
nomina ad omnia quae capimus intellectu; sicut patet in nomine distantiae, quae
primo invenitur in loco, et exinde transumitur ad quamcumque formarum
differentiam, propter quod omnia contraria, in quocumque sint genere, dicuntur
esse maxime distantia, licet distantia primo inveniatur in ubi, ut philosophus
dicit in X Metaph Il faut dire que la connaissance intellectuelle prend en
nous son principe de l'imagination et de la sensation qui ne s'йtendent pas
au-delа de ce qui est continu5 et de
lа vient que, de ce qui se trouve dans le continu, nous transfйrons les noms а
tout ce que nous saisissons par l'esprit; comme cela apparaоt dans le nom de
distance qui se trouve d'abord dans le lieu, et de lа est transfйrй а n’importe
quelle diffйrence de formes, en raison de quoi on dit que tous les contraires,
en n'importe quel genre qu'ils soient, sont trиs distants, bien que la distance
se trouve d'abord dans le lieu, comme le dit le philosophe (Mйtaphysique X, 4, 1055 a 86). Similiter autem nom processionis primo est inventum ad
significandum motum localem, secundum quem aliquid ordinate ab uno loco per
media ordinatim in extremum transit; et ex hoc transumitur ad significandum
omne illud in quo est aliquis ordo unius ex alio, vel post aliud; et inde est
quod in omni motu utimur nomine processionis; sicut dicimus, quod corpus
procedit ab albedine in nigredinem, et de parva quantitate ad magnam et de non
esse in esse, et e converson, et similiter utimur nomine processionis, ubi est
aliqua emanatio alicuius ab aliquo; sicut dicims quod radius procedit a sole,
et omnis operatio ab operante, et etiam operatum, sicut artificiatum ab
artifice, vel genitum a generante; et universaliter omnium huiusmodi ordinem
nomine processionis significamus. Mais de la mкme maniиre on a trouvй d'abord le nom de procession pour
signifier le mouvement local selon lequel quelque chose passe avec ordre d'un
lieu а son extrйmitй par des intermйdiaires et de lа il est transfйrй pour
signifier tout ce en quoi il y a un ordre de l'un par un autre, ou aprиs
l'autre; et de lа vient que dans tout mouvement nous utilisons le nom de
procession; ainsi nous disons, que le corps ‘procиde’ de la blancheur а la
noirceur, d'une petite quantitй а une grande, et du non кtre а l'кtre, et
inversement, et de la mкme maniиre nous utilisons le nom de procession lа ou il
y a une йmanation d’une chose а partir d’une autre7,
comme nous disons que le rayon procиde du soleil, et toute opйration de celui
qui opиre, et aussi l’њuvre, comme њuvre artisanale procиde de l'artisan,
l'engendrй de celui qui engendre, et universellement nous dйsignons du nom de
procession l'ordre de toutes choses de ce genre. Est autem duplex operatio: quaedam quidem transiens ab operante in aliquid extrinsecum,
sicut calefactio ab igne in lignum; et haec quidem operatio non est perfectio
operantis, sed operati: non enim aliquid acquiritur igni ex hoc quod est
calefaciens, sed calefactio acquiritur calor. Alia vero est operatio non transiens in aliquid extrinsecum,
sed manens in ipso operante, sicut intelligere, sentire, velle, et huiusmodi.
Hae autem operationes sunt perfectiones operantis: intellectus enim non est
perfectus nisi per hoc quod est intelligens actu; et similiter nec sensus, nisi
per hoc quod actu sentit. Mais l'opйration est double: a) L'une qui passe de celui
qui opиre en quelque chose d'extйrieur, comme l'йchauffement dans le bois par
le feu, et cette opйration n'est pas la perfection de celui qui opиre, mais de
ce qui subit l’opйration; car rien n'est acquis pour le feu du fait qu'il
chauffe, mais l'йchauffement est acquis comme chaleur. b) L’autre est l’opйration qui ne passe pas sur quelque chose
d’extйrieur, mais demeure dans celui qui opиre, comme comprendre, sentir,
vouloir, etc.. Ces opйrations sont les perfections de celui qui opиre; car
l’intellect n’est parfait que par celui qui comprend en acte; et de la mкme
maniиre, les sens non plus а moins qquil йprouve une sensation en acte. Primum autem operationum genus commune est viventibus et non
viventibus, sed secundum operationum genus est proprium viventium; unde, si
largo modo accipiamus motum pro qualibet operatione, sicut philosophus accipit
in III de anima, ubi dicitur, quod sentire et intelligere sunt motus quidam,
non quidem motus qui est actus imperfecti, ut definitur III Physic., sed motus qui est actus
perfecti, sic proprium videtur esse viventis, et in hoc ratio videtur consistere,
quod aliquid sit movens se ipsum. Nam quidquid invenimus per se et in se
operari quocumque modo, dicimus vivere; et per hunc modum Plato posuit, quod
primum movens movet se ipsum. Le premier genre d'opйration est commun aux vivants et
aux non vivants, mais le second est le propre des vivants; c'est pourquoi, si
nous considйrons le mouvement au sens large pour une opйration quelconque,
comme le Philosophe l'admet (L’вme, III,
7, 431 a 7), lа oщ il est dit que la sensation et l'intellection sont des mouvements8, non cependant le mouvement qui est d’un
acte imparfait, comme il est dйfini en Physique
(III, 1, 200 b 30 – 201 a 29), mais le
mouvement qui est d'un acte parfait, alors il apparaоt comme le propre du
vivant, et c’est en cela que semble consister la raison pour laquelle une chose
se meut elle-mкme. Car nous disons que vit tout ce que nous trouvons qui opиre
par soi et en soi de quelque maniиre, et de cette maniиre Platon a pensй (Timйe) que le premier moteur se meut
lui-mкme. Secundum autem utrumque operationis genus invenitur in
creaturis aliqua processio: nam secundum primum genus dicimus, quod generatum
procedit a generante, et factum a faciente. Quantum autem ad secundum operationis
genus, dicimus, quod verbum procedit a dicente, et amor ab amante. Huiusmodi
autem duplex operationis genus Deo attribuimus. Genus quidem operationis in
aliud extrinsecum transeuntis Deo attribuimus, in quantum dicimus, quod creat,
conservat et gubernat omnia. Ex quo quidem operationis genere nulla perfectio Deo
advenire significatur, sed magis quod proveniat in creatura perfectio ex
perfectione divina. On trouve une procession dans les crйatures selon ces deux genres
d'opйration. Car selon le premier genre,
nous disons que l'engendrй procиde de celui qui engendre, et ce qui est fait de
ce qui le fait. Quant au second genre,
nous disons que le verbe procиde de celui qui parle, et l'amour de celui qui
aime. On attribue а Dieu ce double genre d'opйration. Celui de l'opйration qui
passe en un autre qui est extйrieur, nous l'attribuons а Dieu dans la mesure oщ
nous disons qu'il crйe, conserve et gouverne tout. Ce genre d'opйration
signifie qu'aucune perfection ne peut venir en Dieu, mais plutфt que la perfection
parvient а la crйature а partir de la perfection divine. Aliud vero operationis genus Deo attribuimus, in quantum
ipsum intelligentem et volentem dicimus, in quo ipsius perfectio significatur.
Non enim esset perfectus, nisi esset intelligens et volens actu; et inde est
quod confitemur eum viventem. Mais l’autre genre d’opйration,
nous l’attribuons а Dieu dans la mesure oщ nous parlons de son intellection et
de sa volontй, en quoi est signifiйe sa perfection. Car il ne serait pas
parfait s'il n’йtait intelligent et volontaire en acte; et de lа vient que nous
confessons qu'il est vivant. Secundum ergo utramque operationem Deo processionem
attribuimus: secundum quidem primum operationis genus dicimus divinam
sapientiam aut bonitatem in creaturas procedere, ut Dionysius dicit, IX cap. de Divin. Nomin.: et etiam quod
creaturae procedunt a Deo. Secundum vero aliud operationis genus dicimus in
divinis processionem verbi et amoris; et haec est processio personae filii a
patre, qui est verbum ipsius, et spiritus sancti, qui est amor eius et spiramen
vivificum. Unde Athanasius in quodam sermone Nicaeni Concilii dicit, quod
Ariani ponentes filium et spiritum sanctum non esse coessentiales patri, per
consequens videbantur dicere Deum non viventem et intelligentem, sed mortuum et
sine mente. Donc nous attribuons la procession а Dieu selon l’une et
l’autre opйrations. Selon le premier genre, nous disons que la sagesse ou la
bontй divines procиdent dans les crйatures, comme Denys le dit (Les Noms divins, 9) et aussi que les
crйatures procиdent de Dieu. Mais, selon l'autre genre d'opйration, nous
parlons en Dieu de la procession du verbe et de l'amour, et c'est celle de la
personne du Fils а partir du Pиre, qui est son Verbe, et celle de l'Esprit
saint qui est son amour et le souffle vivificateur. C'est pourquoi Athanase,
dans un sermon du Concile de Nicйe (dans la lettre contre ceux qui disent que
l'Esprit saint est une crйature), dit que les Ariens pensant que le Fils et
l'Esprit saint n'йtaient pas coessentiels au Pиre, paraissaient par consйquent
dire que Dieu n'йtait ni vivant ni intelligent, mais mort et sans esprit Solutions: q. 10 a. 1 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod obiectio illa
procedit de processione quae attenditur secundum operationem in aliquid
extrinsecum transeuntem. Sic autem non procedunt divinae personae, sed magis
per modum processionis quae attenditur secundum operationem in operante
manentem; quod enim sic procedit non distat ab eo a quo procedit; sicut etiam
humanum verbum est in intellectu loquentis, non distans ab eo. # 1. Cette objection provient de la processions qui concerne
l'opйration qui passe dans quelque chose d'extйrieur. Mais ce n'est pas ainsi
que les personnes divines procиdent, mais plutфt а la maniиre de la procession
qui s’йtend а l'opйration qui demeure dans celui qui opиre; car ce qui procиde
ainsi n'est pas йloignй de ce dont il procиde; ainsi le verbe humain est dans
l'intellect de celui qui parle, sans кtre йloignй de lui. q. 10 a. 1 ad 2 Ad secundum dicendum, quod processio prout
significat motum localem, non ponitur in divinis personis, sed secundum quod
importat quemdam emanationis ordinem. # 2. Dans la mesure oщ elle signifie le mouvement local, la procession
n'est pas йtablie dans les personnes divines, mais selon qu'elle apporte un
certain ordre d'йmanation. q. 10 a. 1 ad 3 Ad tertium dicendum, quod in processione quae
est motus localis, necesse est quod procedens processioni praeintelligatur, cum
sit eius subiectum; sed in processione quae importat originis ordinem procedens
se habet ad processionem ut terminus. Unde si procedens sit ex materia et forma
compositum, et per viam generationis in esse productum, materia quidem
praeexistit processioni ut subiectum, forma vero vel etiam compositum, sequitur
secundum intellectum ad processionem ut terminus; sicut cum ignis ab igne per
generationem procedit. Cum vero id quod procedit, non est compositum, sed forma
tantum, vel etiam per creationem in esse eductum,- cuius terminus est tota rei
substantia,- tunc nullo modo procedens praeintelligitur processioni, sed e
converso; sicut creatura non praeintelligitur creationi, nec splendor
processioni ipsius a sole, nec verbum processioni eius a dicente; et similiter
nec verbum processioni eius a patre. # 3. Dans la procession qui est un mouvement local, il est nйcessaire
que ce qui procиde soit prйconзu а la procession, puisqu'il est son substrat,
mais dans la procession qui apporte un rapport а l'origine, ce qui procиde se
comporte comme le terme. C'est pourquoi si ce qui procиde est composй de
matiиre et de forme, et a йtй amenй а l'кtre par voie de gйnйration, la matiиre
prйexiste а la procession comme substrat, mais la forme ou aussi le composй
arrive selon le concept а la procession comme а son terme; comme quand le feu
procиde du feu par gйnйration. Mais quand ce qui procиde n'est pas composй,
mais est une forme seulement, ou encore est amenй а l’кtre par crйation,— dont
le terme est toute la substance de la chose — alors ce qui procиde n’est conзu
en aucune maniиre avant la procession, mais c’est le contraire; ainsi la
crйature n'est pas conзue avant la crйation, ni la splendeur а sa procession du
soleil, ni le verbe avant la procession de celui qui l'йnonce et semblablement
ni le Verbe avant sa procession du Pиre. q. 10 a. 1 ad 4 Ad quartum dicendum, quod secundum processionem
quae importat originis ordinem, potest aliquid procedere ut in se subsistens,
non relatum ad aliud; quamvis secundum processionem localem procedat aliquid,
non ut simpliciter in se subsistat, sed ut sit in loco. Talis autem processio
non est in divinis personis. # 4. Selon la procession qui apporte un rapport а l'origine, quelque
chose peut procйder comme subsistant en soi, et sans rapport а autre chose,
quoique quelque chose procиde selon la procession locale, non pour subsister
simplement en soi, mais pour кtre en un lieu. Mais une telle procession n'est
pas dans les personnes divines. q. 10 a. 1 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in intellectualibus
substantiis, quae sunt nobilissimae creaturae, est etiam processio secundum
operationem intellectus et voluntatis; et quantum ad hoc invenitur in eis
increatae Trinitatis imago. Sed verbum et amor in eis non sunt personae
subsistentes: earum enim intelligere et velle non est ipsarum substantia, sed
hoc proprium Dei est; unde verbum et amor procedunt in Deo ut personae
subsistentes, non autem in intellectualibus creaturis. # 5. Dans les substances intellectuelles, qui sont les crйatures les
plus nobles, il y a aussi une procession selon l'opйration de l'esprit et de la
volontй; et c'est en cela qu'on trouve en elles l'image de la Trinitй incrййe.
Mais le verbe et l'amour ne sont pas en elles des personnes subsistantes; car
leur intellection et leur volontй ne sont pas leur substance, mais c’est le
propre de Dieu; c'est pourquoi le verbe et l'amour procиdent en Dieu comme
personnes subsistantes, mais non pas dans les crйatures intellectuelles. q. 10 a. 1 ad 6 Ad sextum dicendum, quod habere originem ab
aliquo quod sit in essentia diversum, derogat dignitati divinae: hoc enim est
proprium creaturae; sed habere originem ab aliquo coessentiali, magis ad
perfectionem divinam pertinet. Non enim esset in divinitate perfectio, nisi
esset ibi intelligere et velle in actu. Quibus positis necesse est poni verbi
et amoris processionem. # 6. Tirer une origine de quelque chose qui est diffйrent en essence
dйroge а la dignitй divine; car c’est le propre de la crйature; mais avoir une
origine de quelqu'un de coessentiel, convient mieux а la perfection divine. Car
il n'y aurait pas de perfection en Dieu, s'il n'y avait pas d'intellection et
de vouloir en acte. Ceux-ci йtablis, il est nйcessaire de placer la procession
du verbe et de l'amour. q. 10 a. 1 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet accipere, in
quantum huiusmodi, perfectionem non dicat, tamen ex parte eius a quo accipitur,
perfectionem importat, et praecipue in divinis personis, quae accipiunt
plenitudinem deitatis. # 7. Bien que recevoir, en
tant que tel, n'indique pas une perfection, cependant du cфtй de ce qui est
reзu, cela apporte une perfection, et principalement dans les personnes divines
qui reзoivent la plйnitude de la divinitй. q. 10 a. 1 ad 8 Ad octavum dicendum, quod Latini doctores raro
vel nunquam ad significandum originem divinarum personarum, nomine causae
utuntur: tum quia causae apud nos respondet effectus,- unde ne cogamur filium
vel spiritum sanctum factos dicere, patrem non dicimus causam eorum,- tum quia
apud nos nomen causae significat aliquid in essentia diversum; dicimus enim
causam ad quam sequitur aliud; tum etiam quia apud gentiles philosophos nomen
causae dictum de Deo, habitudinem ipsius ad creaturas designat. Dicunt enim
Deum esse primam causam, et creaturas esse eius causata. Unde ne aliquis filium
et spiritum sanctum inter creaturas secundum essentiam a Deo diversas
suspicetur esse ponendas, nomen causae refugimus in divinis. Graeci tamen
absolutius in divinis utuntur nomine causae, ex ipso solam originem
significantes; et ideo in divinis personis utuntur nomine causae. Aliquid enim
inconvenienter in lingua Latina dicitur quod propter proprietatem idiomatis
convenienter in lingua Graeca dici potest. Non autem oportet si nomen causae
confitemur in divinis secundum Graecos, quod eodem modo accipiatur sicut cum de
creaturis dicitur, prout in quatuor genera secundum philosophos dividitur. # 8. Les docteurs latins, utilisent rarement ou mкme jamais le nom de
cause pour signifier l'origine des personnes divines; d’une part, parce que
l'effet ne rйpond pas а la cause pour nous — c'est pourquoi pour ne pas кtre
forcйs de dire que le Fils ou le Saint Esprit ont йtй faits, nous ne disons pas que le Pиre est leur cause, - d’autre
part, parce que, pour nous, le nom de cause signifie quelque chose de diffйrent
dans l'essence; car nous parlons de la cause pour ce d’oщ dйcoule une autre
chose; enfin aussi, parce que chez les philosophes paпens le nom de cause
employй pour Dieu dйsigne sa relation aux crйatures. Car ils disent que Dieu
est la cause premiиre et que les crйatures sont ses effets. C'est pourquoi pour
que personne ne soupзonne qu'on place le Fils et l'Esprit saint parmi les
crйatures diffйrentes de Dieu selon l'essence, nous refusons le nom de cause en
Dieu. Cependant les Grecs usent du nom de cause de faзon plus absolue, en
signifiant sa seule origine; et c'est pourquoi pour les personnes divines, ils
se servent de ce nom de cause. Car on dit quelque chose de maniиre inconvenante
en latin, qui а cause de la propriйtй de la langue peut кtre dit convenablement
en grec. Mais, il ne faut pas, si nous utilisons le nom de cause en Dieu, selon
les grecs, qu'il soit reзu de la mкme maniиre dont on parle des crйatures,
selon que la cause est divisйe en quatre genres par les philosophes. q. 10 a. 1 ad 9 Ad nonum dicendum, quod inter omnia ad
originem spectantia magis convenit in divinis hoc nomen principium. Quia enim
divina comprehendi a nobis non possunt, convenientius a nobis significantur per
nomina communia quae indefinite aliquid significant, quam per nomina specialia,
quae definite rei species exprimunt; unde hoc nomen qui est, quod secundum
Damascenum significat substantiae pelagus infinitum, convenientissimum nomen
dicitur esse, ut patet Exod. III, 14. Sicut autem causa communior est quam
elementum, quod significat aliquid primum et simplex in genere causae
materialis, ita etiam principium est communius quam causa; nam prima pars motus
vel lineae dicitur principium sed non causa. In quo patet quod
principium potest dici aliquid quod non est secundum essentiam distinctum, ut
punctum lineae; non autem causa, maxime si loquamur de causa originante, quae
est causa efficiens. Quamvis autem pater dicatur esse principium filii et
spiritus sancti, non tamen videtur indifferenter dicendum, quod filius sit
principiatum, vel etiam spiritus sanctus, licet etiam hoc modo loquendi Graeci
utantur, et possit apud sane intelligentes concedi; tamen ea quae minorationem
aliquam importare videntur, refugere debemus, ne filio vel spiritui sancto
attribuantur, propter Arianorum errorem vitandum; sicut Hilarius, etsi concedat
patrem esse maiorem filio propter auctoritatem originis, non tamen concedit
quod filius sit minor patre cui est aequale esse donatum a patre. Et similiter
non est extendendum nomen subauctoritatis vel principiati in filio, licet nomen
auctoritatis, vel principii concedatur in patre. # 9. Pour tout ce qui concerne l'origine, le nom de principe convient plus en Dieu. En
effet, parce que nous ne pouvons pas comprendre ce qui concerne Dieu, on le
signifie par des noms communs qui ont une signification indйfinie plus
convenablement que par les noms spйciaux qui expriment l'espиce de maniиre
dйfinie; c'est pourquoi ce nom "qui
est" , qui, selon Jean Damascиne, signifie une mer infinie de
substance, est considйrй comme le nom qui convient le mieux, comme on le voit
dans Ex. 3, 1410. De mкme que la cause est plus commune que
l'йlйment qui signifie quelque chose de premier et de simple, dans le genre de
la cause matйrielle, de mкme le principe est plus commun que la cause; car la
premiиre partie du mouvement ou de la ligne est appelйe principe mais non pas
cause. En quoi il apparaоt qu’on peut dire que le principe est quelque chose de
distinct selon l'essence, comme le point de la ligne; mais non pas la cause,
surtout si nous parlons de la cause d'origine qu’est la cause efficiente. Mais
quoiqu'on dise que le Pиre est le principe du Fils et de l'Esprit saint,
cependant il ne semble pas qu'on doive dire indiffйremment que le Fils ou aussi
l'Esprit saint dйpendent d’un principe, bien que les Grecs utilisent cette
maniиre de parler, et on pourrait l’accepter de ceux qui pensent juste; par
contre nous devons refuser ce qui semble apporter une diminution, pour ne pas
l'attribuer au Fils ou а l'Esprit saint, pour йviter l'erreur des Ariens; selon
Hilaire (la Trinitй, 7), mкme s'il
concиde que le Pиre est plus grand que le Fils а cause de l'autoritй d'origine,
il ne concиde cependant pas que le Fils soit plus petit que le Pиre11, lui en qui il y a un кtre йgal donnй par
le Pиre. Et de la mкme maniиre, il ne faut pas йtendre au Fils le nom de
soumission ou de dйpendance а un principe, bien que le nom d'autoritй ou de
principe soit concйdй au Pиre. q. 2 a. 1 ad 10 Ad decimum dicendum, quod filius Dei non se
habet ad potentiam generativam sicut effectus, cum eum genitum, non factum
confiteamur. Si tamen esset effectus, potentia generantis non finiretur ad
ipsum, quamvis alius generari filius non possit, quia ipse infinitus est. Quod
autem alius filius in divinis esse non potest, contingit, quia ipsa filiatio
est proprietas personalis ipsius; et hoc quo, ut ita dicam, individuatur.
Cuilibet autem individuo principia individuantia sunt soli sibi; alias
sequeretur quod persona vel individuum esset communicabile ratione. # 10. Le Fils de Dieu ne se
comporte pas vis-а-vis de la puissance gйnйrative comme un effet, puisque nous
confessons qu’il est engendrй et non crйй. Si cependant il йtait un effet, la
puissance de celui qui engendre ne se terminerait pas а lui quoiqu'un autre
fils ne puisse кtre engendrй, puisqu’il est lui-mкme infini. Mais le fait qu’un
autre fils ne puisse pas exister en Dieu, arrive parce que la filiation mкme
est sa propriйtй personnelle et ce par quoi il est personalisй pour ainsi dire.
Pour n’importe quel individu les principes qui individualisent sont pour lui
seul; autrement il s’ensuivrait que la personne ou l’individu serait
communicable en raison. q. 2 a. 1 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod verbum illud
Avicennae intelligendum est, quando id quod recipitur ab alio, non idem numero
est in recipiente et dante, sicut accidit in creaturis respectu Dei. Unde omne
receptum in creatura, est quasi unitas respectu esse divini: quia creatura non
potest esse recipere secundum illam perfectionem quae in Deo est. Sed filius in
divinis accipit a patre eamdem naturam numero quam pater habet: et ideo non
procedit. # 11. Il faut comprendre que
ce mot d’Avicenne s’applique quand ce qui est reзu d’un autre n’est pas
identique en nombre dans celui qui reзoit et celui qui donne, comme cela arrive
pour les crйatures par rapport а Dieu. C'est pourquoi tout ce qui est reзu dans
la crйature est comme une unitй par rapport а l’кtre divin; parce que la
crйature ne peut pas recevoir l’кtre selon cette perfection qui est en Dieu.
Mais le Fils reзoit du Pиre une nature identique en nombre а celle du Pиre; et
c’est pourquoi, cette objection n'est pas valable. q. 10 a. 1 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod non omne est
aliquid commune patri, scilicet essentia; et aliquid per quod a patre
distinguitur, scilicet relatio. Non tamen est ibi compositio, quia relatio est
secundum rem essentia, sicut ex superioribus disputationibus patet. # 12. Tout n’est pas commun avaec Pиre, comme l'essence; il y a quelque
chose par quoi il est ditinguй du Pиre а savoir la relation. Cependant il n'y a
pas composition, parce que la relation est rйellement l'essence, comme cela
paraоt dans les discussions ci-dessus (qu. 8, a. 2). q. 10 a. 1 ad 13 Ad decimumtertium dicendum quod recipiens,
antequam recipiat, indiget,- ad hoc enim accipit, ut indigentiam repleat,- sed
postquam iam acceperit non indiget, habet enim quo indigebat. Si ergo aliquid
est quod receptioni non praeexistit, sed semper est in recepisse, hoc nullo
modo est indigens. Filius autem non sic accipit a patre quasi prius non habens
et postea accipiens; sed quia hoc ipsum quod est, habet a patre. Unde non
sequitur quod sit indigens. # 13. Ce qui reзoit, avant de recevoir en йprouve le besoin — car il
reзoit cela pour combler son manque, — mais aprиs qu'il a reзu il n'en a plus
besoin, car il a ce qui lui manquait. Donc s'il y a quelque chose qui ne
prйexiste pas а la rйception, mais est toujours comme ayant reзu, il n’en
йprouve le besoin en aucune maniиre. Mais le Fils ne reзoit pas du Pиre, comme
s’il n’avait pas auparavant, et recevait ensuite; mais parce que ce qu’il est,
il le tient du Pиre. C'est pourquoi il n'en dйcoule pas qu'il en a besoin. q. 10 a. 1 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod creatura
accipit a Deo esse quoddam, quod non esset permanens, nisi divinitus
conservaretur; et ideo etiam postquam esse accepit, indiget divina operatione
ut conservetur in esse, et sic est naturae indigentis. Filius autem accipit a
patre idem numero esse et eamdem naturam numero quam pater habet; unde non est
naturae indigentis. # 14. La crйature reзoit de Dieu un кtre, qui ne serait pas permanent
s'il n'йtait divinement conservй et c'est pourquoi mкme aprиs qu'elle l'a reзu,
elle a besoin de l'opйration divine pour кtre conservйe а l'кtre, et ainsi elle
est d'une nature qui est dans le besoin. Mais le Fils reзoit du Pиre le mкme
кtre en nombre, la mкme nature en nombre12,
que le Pиre; c'est pourquoi il n'est pas d'une nature dans le besoin. q. 10 a. 1 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod filius in se
consideratur secundum illud quod absolute habet, quod est patris essentia; et
secundum hoc non est nihil, sed unum cum patre. Secundum vero quod refertur ad
patrem, consideratur ut recipiens esse a patre: unde nec sic etiam est nihil;
et ita nullo modo filius est nihil. Esset autem in se consideratus nihil, si
esset in eo aliquid absolutum distinctum a patre, sicut est in creaturis. # 15. Le Fils est considйrй en soi, selon ce qu'il a dans l’absolu, qui
est l'essence du Pиre, et selon cela il n'est pas nйant, mais un avec le Pиre.
Mais pour ce qui se rapporte au Pиre, il est considйrй comme recevant l’кtre de
lui; c'est pourquoi ainsi non plus il n'est pas nйant, et ainsi en aucune
maniиre le Fils n’est nйant. Mais il le serait, considйrй en soi, s'il y avait
en lui quelque chose d'absolu distinct du Pиre, comme dans les crйatures. q. 10 a. 1 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod filius ad hoc
procedit ut sit; sed processio eius est aeterna, sicut processio splendoris a
sole est ei coaeva; et propter hoc etiam filius est aeternus. # 16. Le Fils procиde pour кtre, mais sa procession est йternelle,
comme la procession de la splendeur du soleil lui est contemporaine. Et c'est
pour cela que le Fils est йternel. q. 10 a. 1 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod auctoritas
in patre non est aliud quam relatio principii. Secundum relationem autem non
dicitur aliquid aequale vel inaequale, sed secundum quantitatem, ut Augustinus
dicit et propter hoc filius non est inaequalis patri. # 17. L'autoritй dans le Pиre n'est pas autre chose qu'une relation de
principe. Mais pour la relation, on ne parle pas d’йgalitй ou d’inйgalitй, mais
on en parle selon la quantitй13,
comme Augustin le dit (La Trinitй, VI,
III, 5) et а cause de cela le Fils n'est pas inйgal au Pиre.
1 Parall.: Ia, 27, 1 — 1 Sent. D. 13, a. 1— CG. IV, 11. 2
Ce qui se trouve premier (princeps: primum caput). 3
Symbole "Quicumque", dit
d’Athanase. Denz. 75 (25-26). 25.
Dans la trinitй, rien n'est antйrieur ou postйrieur, rien n'est plus grand ou
moins grand. (Symbole et dйfinitions). 4
B.J. ".…c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens." 5
"Le continu est ce dont les extrйmitйs sont une seule chose… Il est
impossible qu’un continu soit formй d’indivisible" (Physique, VI, 1, 231 a 20) "Le continu en tant que tel est
divisible а l’infini" Ia, qu. 3,
a. 1, c. Le sens de continu comme proche de matiиre. 6
"Or la distance des extrкmes, et, par consйquent aussi des contraires, est
la distance maxima…" (Trad. J. Tricot, p. 546). 7
Vanier, p. 46: "On a cru voir dans ce texte le thиme de tout le De Potentia" p. 46. 8
Opйration ad intra corporelle (sens) et spirituelle (intelligence et volontй). 9
"…Il n’y a pas de mouvement hors des choses; en effet, ce qui change,
change toujours substantiellement, ou quantitativement, ou localement… il n’y
aura ni mouvement ni changement en dehors des choses qu’on vient de dire,
puisqu’il n’y a rien hors de ces choses." (Physique III, 1, 200 b 30- 201 a 2). 10
L’article 11 de la qu. 13, dans la Somme Thйologique, est consacrй а ce sujet.
La formule est la plus propre pour Dieu, a) parce qu’elle signifie l’esse. b) а cause de son universalitй.
Les autres noms ont moins d’extension. c) Elle signifie l’кtre dans le prйsent.
Cf. I Sent. D. 8 qu. 1, a. 1. — Pot. qu. 2, a. 1,— qu. 7, a. 5 — Les noms divins, c. 5, lectio 1. 11 Contra errores
Graecorum, c 1, ch.
2. 12
"La communication qui se fait ainsi du Pиre aux autres personnes est
perзue comme une diffusion." Vanier p. 46. 13
Qui n’existe pas en Dieu.
Article 2: En Dieu n'y a-t-il qu'une seule procession ou plusieurs?
q. 10 a. 2 tit. 1 Secundo quaeritur utrum in
divinis sit una tantum processio vel plures. Et videtur quod sit una tantum. Il semble qu'il n'y en a qu'une seulement1. Objections: q. 10 a. 2 arg. 1 Dicit enim Boetius in libro de Trinitate,
quod processio in Deo est substantialis. Substantialia autem non multiplicantur
in divinis. Ergo processiones in divinis non sunt plures. 1. Car Boиce dit (La Trinitй)
que la procession en Dieu est selon la substance. Mais ce qui est substantiel
n'est pas multipliй en lui. Donc il n’y a pas plusieurs processions. q. 10 a. 2 arg. 2 Sed dicendum, quod processiones in divinis
non distinguuntur per distinctionem substantiae, quae secundum processionem
communicatur, ratione cuius processiones substantiales dicuntur; sed
distinguuntur seipsis.- Sed contra, quaecumque ab invicem distinguuntur, vel
distinguuntur per divisionem materiae, sicut individua eiusdem speciei; vel
formaliter, sicut ea quae differunt vel genere vel specie. Processione autem
non distinguuntur in divinis ad modum eorum quae materialiter distinguuntur,
cum Deus sit omnino immaterialis. Relinquitur ergo quod omnis distinctio quae est
in divinis, sit ad modum eorum quae formaliter distinguuntur. Omnis autem
formalis distinctio est per aliquam oppositionem, et maxime eorum quae sunt
unius generis: nam genus dividitur contrariis differentiis, per quas species
distinguuntur, ut dicitur in X Metaph. Oportet ergo, si processiones
distinguantur in divinis, quod hoc sit ratione alicuius oppositionis.
Processiones autem et actiones et motus non habent oppositionem ad invicem nisi
ratione principiorum vel ratione terminorum, sicut patet de calefactione et
infrigidatione, ascensu et descensu. Ergo impossibile est quod processiones in
divinis distinguantur seipsis: sed si distinguuntur, oportet quod distinguantur
ex parte principii processionis, vel ex parte termini, id est personae ad quam
processio terminatur. 2. Mais il faut dire que les
processions en Dieu ne se distinguent pas par la substance, qui est communiquйe
selon la procession, pour la raison que les processions sont appelйes
substantielles; mais elles se distinguent d'elles-mкmes — Mais en sens contraire, tout ce qui se distingue l'un de l'autre se
distingue par la division de la matiиre, comme les individus d'une mкme espиce,
ou formellement, comme ce qui diffиre en genre ou en espиce. Mais les
processions ne se distinguent pas en Dieu а la maniиre de ce qui est distinguй
par la matiиre, puisque Dieu est tout а fait immatйriel. Il reste donc qu’en
lui toute distinction serait а la maniиre de ce qui se distingue par la forme.
Mais toute distinction formelle se fait par une opposition et surtout pour ce
qui est d'un seul genre; car le genre est divisй par des diffйrences
contraires, par lesquelles les espиces se distinguent, comme il est dit en Mйtaphysique X, 8, 1058 a 282. Il faut donc, si les processions se
distinguent en Dieu, que ce soit en raison d'une opposition entre elles. Mais
les processions, les actions et les mouvements n’ont d’oppositions entre eux,
qu’en raison des principes ou en raison des termes, comme cela apparaоt pour le
rйchauffement ou le refroidissement, la montйe ou la descente. Donc il est
impossible que les processions en Dieu se distinguent par elles-mкmes, mais si
elles se distinguent, il faut qu'elles le soient du cфtй du principe de la
procession, ou du cфtй du terme, c'est-а-dire de la personne а laquelle la
procession se termine. q. 10 a. 2 arg. 3 Praeterea, ea quae possunt simul esse, non
sunt distinctiva aliquorum: sicut album et dulce non sunt distinctiva duorum
substantivorum, quia possunt eidem inesse; ex hoc enim unumquodque ab altero
distinguitur quod unum eorum alterum esse non potest. Quod aliqua autem non
possint esse simul, hoc contingit ex natura alicuius oppositionis; ea enim
dicuntur esse opposita quae simul esse non possunt. Nihil igitur distinguitur
ab altero nisi ratione alicuius oppositionis; nam et in divisione quae est
secundum materiam, attenditur oppositio secundum situm, cum eadem divisio sit
secundum quantitatem. Si ergo oppositio processionum esse non potest nisi
ratione terminorum vel principiorum, ut dictum est, impossibile est quod
processiones distinguantur seipsis. 3 Ce qui peut кtre ensemble n’apporte pas de distinction; comme la
blancheur et la douceur n’apportent pas de distinction entre deux substances (??),
parce qu'elles peuvent кtre dans une mкme rйalitй, car l'une se distingue de
l'autre, parce que l'une ne peut pas кtre l’autre. Que certains ne puissent pas
кtre ensemble, cela arrive en raison d'une opposition; car on dit que les
opposйs ne peuvent pas кtre ensemble. Donc une chose ne se distingue d’une
autre qu’en raison d’une opposition, car dans la division d’aprиs la matiиre,
une opposition est atteinte suivant le lieu, puisque c'est la mкme division
pour la quantitй. Si donc l'opposition des processions ne peut exister qu'en
raison des termes ou des principes, comme on l'a dit, il est impossible que les
processions se distinguent d'elles-mкmes. q. 10 a. 2 arg. 4 Sed dicendum, quod processiones distinguuntur
in divinis ex eo quod una est per modum naturae, scilicet processio filii, et
altera per modum voluntatis, scilicet processio spiritus sancti.- Sed contra,
quod procedit naturaliter, procedit per modum naturae. Spiritus sanctus autem
procedit a patre naturaliter: dicit enim Athanasius quod est naturalis spiritus
patris. Ergo procedit per modum naturae. 4. Mais il faut dire que les
processions se distinguent en Dieu parce que l'une est par mode de nature, а
savoir la procession du Fils, l'autre par mode de volontй, а savoir celle de
l'Esprit saint. — En sens contraire, ce
qui procиde naturellement procиde par mode de nature. L'Esprit saint procиde du
Pиre naturellement. Car Athanase dit (Lettre contre ceux qui disent que
l'Esprit saint est une crйature et qui commence: Ta lettre, trиs saint…) qu'il est l'Esprit naturel du Pиre. Donc il
procиde par mode de nature. q. 10 a. 2 arg. 5 Praeterea, voluntas libera est. Quod ergo
procedit per modum voluntatis procedit per modum libertatis. Si ergo spiritus
sanctus procedit per modum voluntatis, oportet quod procedat per modum
libertatis. Quod autem procedit per modum libertatis, potest procedere et non
procedere, et in tantum vel non in tantum procedere; quia quae libere fiunt,
non sunt determinata ad unum, ergo pater potuit producere spiritum sanctum vel
non producere, et dare ei quamcumque mensuram magnitudinis vellet. Sequitur
ergo quod spiritus sanctus sit ens possibile, et non ens per se necesse esse:
et sic non erit divinae naturae; quod est haeresis Macedonianae. 5. La volontй est libre. Donc ce qui procиde par mode de volontй
procиde par mode de libertй. Si donc l’Esprit saint procиde par mode de
volontй, il faut qu’il procиde par mode de libertй. Mais ce qui procиde ainsi,
peut procйder ou ne pas procйder; et procйder dans telle mesure ou pas; parce
que ce qui se fait librement n’est pas limitй а un seul effet, donc le Pиre a
pu produire l’Esprit saint ou ne pas le produire, et lui donner n’importe
quelle grandeur qu’il voulait. Il en dйcoule donc que l’Esprit saint est un
йtant possible et non un йtant qui est nйcessairement par soi; et ainsi il ne
sera pas de nature divine; ce qui est l’hйrйsie de Macйdonius. q. 10 a. 2 arg. 6 Praeterea, Hilarius dicit, differentiam
assignans inter creaturas et filium, quod omnibus creaturis substantiam Dei
voluntas attulit, filius autem naturali nativitate substantiam a patre accepit.
Si ergo spiritus sanctus procedit per modum voluntatis, sequitur quod procedit
sicut creatura. 6. Hilaire dit (dans le livre des
Synodes), assignant une diffйrence entre les crйatures et le Fils, que la
volontй de Dieu apporte а toutes crйatures la substance, mais le Fils reзoit la
sienne du Pиre par une naissance naturelle. Si donc l’Esprit saint procиde par
mode de volontй, il en dйcoule qu’il procиde comme les crйatures. q. 10 a. 2 arg. 7 Praeterea, natura et voluntas in Deo non
differunt nisi secundum rationem. Si ergo processio filii et spiritus sancti
distinguantur ex eo quod una est per modum naturae, altera vero per modum
voluntatis, sequitur quod processio filii et spiritus sancti non differant nisi
ratione tantum; et ita filius et spiritus sanctus personaliter non
distinguuntur. 7. La nature et la volontй en Dieu ne diffиrent qu’en raison. Si donc
la procession du Fils et celle de l’Esprit saint sont distinguйes par le fait
que l’une est par mode de nature, l’autre par mode de volontй, il en dйcoule
que la procession du Fils et celle de l’Esprit saint ne diffиrent qu’en raison
seulement, et ainsi le Fils et l’Esprit saint ne sont pas distinguйs
personnellement. q. 10 a. 2 arg. 8 Sed dicendum quod vis spirativa et generativa
in patre differunt ratione tantum, et tamen haec est distinctio realis in filio
et spiritu sancto; et similiter natura et voluntas possunt realem distinctionem
in processionibus et procedentibus constituere, licet differant ratione
tantum.- Sed contra, filius et spiritus sanctus distinguuntur per ea quae in
eis sunt. Vis autem generativa non est in filio, nec spirativa in spiritu
sancto. Ergo per haec filius et spiritus sanctus non distinguuntur. 8. Mais il faut dire que la
puissance de spiration et la puissance gйnйrative dans le Pиre diffйrent en
raison seulement et cependant c’est une distinction rйelle dans le Fils et
l’Esprit saint; et de la mкme maniиre, la nature et la volontй peuvent
constituer une distinction rйelle dans les processions et dans ce qui procиde,
bien qu’ils diffиrent en raison seulement.— En
sens contraire, le Fils et l’Esprit saint se distinguent par ce qui est en
eux. Mais la puissance gйnйrative n’est pas dans le Fils, ni la puissance de
spiration dans l’Esprit saint. Donc ce n’est pas cela qui distingue le Fils et
l’Esprit saint. q. 10 a. 2 arg. 9 Praeterea, ex hoc ostenditur quod generatio,
quae est processio per modum naturae, est in divinis, quod eius similitudo
creaturae communicatur, ut patet Is., LXVI, 9: numquid ego qui (...)
generationem aliis tribuo sterilis ero? Processio autem quae est per modum
voluntatis non communicatur creaturae, non enim invenitur in creaturis aliquid
quod naturam accipiat nisi per modum generationis. Non est ergo aliqua
processio in divinis personis per modum voluntatis. 9. Par lа, on montre que la gйnйration, qui est une procession par mode
de nature, est en Dieu, parce que sa ressemblance est communiquйe а la
crйature, comme cela paraоt en Is. 66,
9: "Est-ce que moi qui… accorde la
gйnйration aux autre, je serai stйrile?" Mais la procession qui est
par mode de volontй n’est pas communiquйe aux crйatures, car on ne trouve rien
en elles qui reзoit la nature sinon par mode de gйnйration. Donc il n’y a pas
de procession dans les personnes divines par mode de volontй. q. 10 a. 2 arg. 10 Praeterea, modus aliquid adiicit rei et per
consequens compositionem facit; et multo magis, si sit modorum pluralitas. Sed
in divinis est omnimoda simplicitas. Ergo non est ibi modorum pluralitas, ut
possit dici, quod filius procedit uno modo, scilicet per modum naturae, et
spiritus sanctus alio modo, scilicet per modum voluntatis. 10. Une modalitй est un ajout et par consйquent produit une
composition, et beaucoup plus, s’il y a pluralitй de modalitйs. Mais en Dieu il
y a la simplicitй de toutes les maniиres. Donc il n’y a pas pluralitй de
modalitйs, pour qu’on puisse dire que le Fils procиde d’une maniиre, а savoir
celui de la nature, et l’Esprit saint d’une autre, а savoir celui de la
volontй. q. 10 a. 2 arg. 11 Praeterea, in divinis voluntas non plus
differt a natura quam intellectus. Sed non est alia processio in divinis per
modum intellectus ab ea quae est per modum naturae. Ergo etiam non est alia
processio quae est per modum voluntatis, ab ea quae est per modum naturae. 11. En Dieu la volontй ne diffиre pas plus de la nature que
l’intellect. Mais il n’y a d’autre procession par mode d’esprit que celle qui
est par mode de nature. Donc il n’y a pas d’autre procession qui est par mode
de volontй que celle qui est par mode de nature. q. 10 a. 2 arg. 12 Sed dicendum, quod processio spiritus sancti
differt a processione filii, ex eo quod processio filii est a non procedente
tantum, scilicet a patre; processio autem spiritus sancti est a non procedente
et procedente, et simul, scilicet a patre et filio.- Sed contra, si ponantur
duae processiones in divinis, oportet quod differant numero tantum aut specie.
Si numero tantum, sequitur quod utraque processio debeat dici generatio vel
nativitas, et uterque procedens debeat dici filius; si autem differant specie,
oportet quod natura per processionem communicata specie differat: sic enim
specie differt processio hominis et equi a suo principio, non autem processio
Socratis et Platonis. Cum ergo una tantum sit natura divina, non possunt esse
plures processiones specie differentes, per hoc quod una est a procedente, alia
vero non. 12. Mais il faut dire que la procession de l’Esprit saint diffиre de
celle du Fils, par le fait que celle du Fils est seulement par quelqu’un qui ne
procиde pas, а savoir par le Pиre; mais la procession de l’Esprit saint est par
l’un qui ne procиde pas et l’autre qui procиde, en mкme temps, а savoir par le
Pиre et le Fils. — En sens contraire,
si on place deux processions en Dieu, il faut qu’elles diffиrent en nombre
seulement ou en espиce. Si c’est en nombre seulement, il en dйcoule que l’une
et l’autre processions doivent кtre appelйes gйnйration ou naissance, et l’un
et l’autre qui procиdent doivent кtre appelй fils, mais si elles diffиrent en
espиce, il faut que la nature communiquйe par la procession diffиre en espиce:
car ainsi la ‘procession’ de l’homme et du cheval diffиre en espиce par son
principe, mais pas celle de Socrate et de Platon. Donc comme la nature divine
est une seulement, il n’est pas possible qu’il y ait plusieurs processions
diffйrentes en espиces, par le fait que l’une vient de celui qui procиde et
l’autre non. q. 10 a. 2 arg. 13 Praeterea, filius et spiritus sanctus non
distinguuntur ad modum eorum quae specie differunt in creaturis: sunt enim
unius naturae hypostases. Processiones autem quibus procedunt aliqua quae sunt
specie unum, numero vero differentia, non differunt secundum speciem, sicut
generatio Socratis et generatio Platonis. Ergo processio filii et processio
spiritus sancti non sunt distinctae processiones secundum speciem. 13. Le Fils et l’Esprit saint ne se distinguent pas а la maniиre de
ceux qui dans les crйatures diffиrent en espиce; car les hypostases sont d’une
seule nature. Les processions par lesquelles procиdent ce qui est un en espиce,
mais diffйrent en nombre, ne diffиrent pas en espиce, comme la gйnйration de
Socrate et celle de Platon. Donc la procession du Fils et celle de l’Esprit
saint ne sont pas des processions diffйrentes en espиce. q. 10 a. 2 arg. 14 Praeterea, sicut aliquid potest esse
procedens a procedente, ita potest esse aliquis natus a nato, ut patet in
hominibus, in quibus qui nascitur ab uno habet alium de se natum. Si ergo in divinis sunt duae processiones per hoc quod
a procedente alius procedit, pari ratione poterunt esse duae generationes per
hoc quod a genito alius generatur. 14. Quelque chose peut procйder de celui qui procиde, de mкme il peut y
avoir quelqu’un nй de quelqu’un qui est nй, comme on le voit chez les hommes,
en qui celui qui naоt de l’un a un autre nй de lui. Donc si en Dieu il y a deux
processions par le fait qu’un autre procиde de celui qui procиde, а raison
йgale, il pourra y avoir deux gйnйrations par le fait qu’un autre est engendrй
par celui qui est engender. q. 10 a. 2 arg. 15 Praeterea, si processio spiritus sancti
distinguitur a processione filii per hoc quod spiritus sanctus procedit a non
procedente et procedente, id est a patre et filio, aut procedit ab eis in
quantum sunt unum, aut in quantum sunt plures. Si in quantum sunt plures
sequitur quod spiritus sanctus sit compositus: nam processio unius simplicis
non potest esse nisi ab uno sicut a principio. Si autem procedit ab eis in
quantum sunt unum, nihil differt quod procedit a pluribus, aut quod procedit ab
uno solo. Non ergo potest processio spiritus sancti distingui a processione
filii per hoc quod filius procedit ab uno solo, sed spiritus sanctus a duobus. 15. Si la procession de l’Esprit saint se distingue de celle du Fils
par le fait que l’Esprit saint procиde de celui qui ne procиde pas et de celui
qui procиde, c'est-а-dire du Pиre et du Fils, ou bien il procиde d’eux en tant
qu’ils sont un, ou en tant qu’ils sont plusieurs. Si c’est en tant qu’ils sont
plusieurs, il en dйcoule que l’Esprit saint est composй; car la procession d’un
кtre simple ne peut venir que par un seul en tant que principe. Mais s’il
procиde d’eux en tant qu’ils sont un, il n’y a aucune diffйrence qu’il procиde
de plusieurs ou qu’il procиde d’un seul. Donc la procession de l’Esprit saint
ne peut pas кtre distinguйe de celle du Fils par le fait que celui-ci procиde
d’un seul, mais l’Esprit saint de deux. q. 10 a. 2 arg. 16 Praeterea, processio condividitur
paternitati et filiationi: dicuntur enim tres esse proprietates personales. Sed in divinis est tantum una paternitas et una filiatio. Ergo etiam tantum
una processio. 16. La procession est divisйe en paternitй et filiation: car on dit
qu’il y a trois propriйtйs personnelles3.
Mais en Dieu il y a une seule paternitй et une seule filiation. Donc aussi une
seule procession. q. 10 a. 2 arg. 17 Praeterea, in creaturis non invenitur nisi
unus processionis modus per quem communicetur natura, propter quod Commentator
dicit, quod non sunt eadem specie animalia quae generantur ex semine, et quae
generantur sine semine per putrefactionem. Natura autem divina est una tantum.
Ergo non potest communicari nisi per unum modum processionis: non sunt ergo
plures processiones in divinis. 17. Dans les crйatures, on ne trouve qu'un mode de procession, par
lequel la nature est communiquйe; c'est pourquoi le Commentateur (Physique, VII, com. 23) dit que les
animaux qui sont engendrйs de la semence ne sont pas de la mкme espиce que ceux
qui le sont sans semence, par putrйfaction. Mais la nature divine est une
seulement. Donc elle ne peut кtre communiquйe que par un seul mode de
procession; donc il n'y a pas plusieurs processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 18
Praeterea, filius procedit a patre ut splendor, secundum illud Hebr. I, 3: qui
cum sit splendor gloriae; et hoc ideo, quia filius procedit a patre ut
coaeternus ei, sicut splendor a sole vel ab igne. Sed similiter spiritus
sanctus procedit a patre coaeternus ei. Ergo procedit ab eo eodem modo sicut
filius; et ita non sunt plures processiones in divinis. 18. Le Fils procиde du Pиre comme splendeur, selon ce mot d'Hйbr. 1, 3: "Celui qui est splendeur de gloire…"; parce que le Fils procиde
du Pиre, et lui est coйternel comme la splendeur est contemporaine du soleil ou
du feu. Mais de la mкme maniиre, l'Esprit saint procиde du Pиre et lui est
coйternel. Donc il procиde de la mкme maniиre que le Fils, et ainsi il n'y a
pas plusieurs processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 19 Praeterea, processio aeterna divinae
personae est ratio et causa temporalis processionis creaturae et eius quod in
creatura est. Unde Augustinus super Genesim ad
litteram, sic exponit illud quod dicit Genes. I: dixit et
factum est; id est: verbum genuit, in quo erat ut fieret. Filius autem est
perfecte ratio et causa productionis creaturae. Non ergo oportet esse aliam
processionem divinae personae praeter processionem filii. 19. La procession йternelle de la personne divine est la raison et la
cause temporelle de la procession de la crйature et de ce qui est dans la
crйature. C'est pourquoi Augustin (La
Genиse au sens littйral, II, 6, 14) expose ainsi ce qui est dit en Gn. 1: "Il dit et cela fut fait", c'est-а-dire "il engendra le Verbe dans lequel il y avait
que cela serait fait4". Mais
le Fils est raison et cause parfaites de la production de la crйature. Donc il
ne faut pas qu'il y ait une autre procession de la personne divine en dehors de
celle du Fils. q. 10 a. 2 arg. 20
Praeterea, quanto natura est perfectior, tanto per pauciora operatur. Sed natura
divina est perfectissima. Cum ergo natura creata una non communicetur nisi per
unum modum processionis, nec divina natura communicari poterit nisi per unum
processionis modum. 20. Plus la nature est parfaite, plus les moyens par lesquels elle
opиre sont petits. Mais la nature divine est absolument parfaite. Donc comme
une seule nature crййe n'est communiquйe que par un mode de procession, la
nature divine ne pourra кtre communiquйe que par une seul mode de procession. q. 10 a. 2 arg. 21 Praeterea, ab uno simplici non potest esse
nisi unum. Sed pater est unum simplex. Ergo ab eo non potest esse nisi
processio una; non sunt ergo processiones plures in divinis. 21. D’une chose simple ne peut venir qu'une seule chose. Mais le Pиre
est unique et simple. Donc de lui il ne peut y avoir qu'une procession; ainsi
il n'y a pas plusieurs processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 22 Praeterea, unumquodque ex hoc generari
dicitur quod accipit formam; nam generatio in rebus creatis est mutatio ad
formam. Sed spiritus sanctus sua processione accipit formam, id est
essentiam divinam, de qua dicitur Philipp. II, 6: cum in forma Dei esset, non
rapinam arbitratus est esse se aequalem Deo. Ergo processio spiritus sancti est
generatio; et ita non differt a generatione filii. 22. On dit que chaque chose est engendrйe du fait qu'elle reзoit sa
forme5; car la gйnйration dans les
crйatures est changement pour la forme. Mais l'Esprit saint reзoit la forme,
c'est-а-dire l'essence divine, par sa procession, dont il est dit (Phil. 2, 6): "Comme il йtait de
forme divine, il n'a pas jugй comme une usurpation d’кtre йgal а Dieu6". Donc la procession de l'Esprit saint est une gйnйration,
et ainsi elle ne diffиre pas de la gйnйration du Fils. q. 10 a. 2 arg. 23 Praeterea, nativitas est via in naturam,
sicut ipsum nomen demonstrat. Sed per processionem spiritus sancti communicatur
ei divina natura. Ergo processio spiritus sancti est nativitas; non ergo
differt a processione filii; et ita non sunt duae processiones in divinis. 23. La naissance est un processus naturel, comme le nom
mкme le montre. Mais la nature
divine est communiquйe а l’Esprit saint par
une procession. Donc celle-ci est une naissance; donc elle ne diffиre pas de
celle du Fils, et ainsi il n’y a pas deux processions en Dieu. q. 10 a. 2 arg. 24 Videtur quod sint in divinis plures
processiones quam duae. Est enim processio per modum naturae, secundum quam
filius nominatur, et processio per modum intellectus, secundum quod nominatur
verbum, et processio per modum voluntatis, secundum quam nominatur in divinis
amor procedens. Sunt ergo in divinis tres processiones. 24. Il semble qu’il y ait plus de deux processions. Car il y a la
procession par mode de nature, selon lequel on dйsigne le Fils, celle par mode
d’intellect selon lequel on l’appelle le Verbe et celle par mode de volontй
selon laquelle on dйsigne l’amour qui procиde en Dieu. Donc en Dieu il y a
trois processions. En sens contraire7: q. 10 a. 2 s. c. Sed contra, videtur quod in divinis sint duae
tantum processiones. Dicit enim Augustinus in V de Trinit., quod processio
filii, genitura vel nativitas est, processio autem spiritus sancti, nativitas
non est; utraque tamen ineffabilis est. Sunt ergo in divinis duae tantum
differentes processiones. On voit bien qu'en Dieu il n'y a que deux processions seulement. Car
Augustin dit (La Trinitй, V) que la
procession du Fils est engendrement et naissance, mais celle de l'Esprit saint,
n'est pas naissance; cependant l'une et l'autre sont ineffables. Donc en Dieu
il n'y a seulement que deux processions diffйrentes. Rйponse: q. 10 a. 2 co. Respondeo. Dicendum quod haereticorum instantia
coegit antiquos fidei doctores de his quae sunt fidei disputare. La pression des hйrйtiques a forcй les anciens docteurs а disserter sur
la foi. Arius enim aestimavit quod esse ab alio, divinae repugnaret
naturae; unde posuit quod filius et spiritus sanctus, qui in Scripturis sanctis
ab alio esse dicuntur, sint creaturae. Ad cuius erroris destructionem
necessarium fuit sanctis patribus manifestare quod non est impossibile esse
aliquid procedens a Deo patre quod sit ei coessentiale, in quantum accipit ab
eo eamdem naturam quam pater habet A. Car Arius a estimй que dйpendre
d'un autre s’oppose а la nature de Dieu; c'est pourquoi il a pensй que le Fils
et l'Esprit saint, dont l’Йcriture sainte dit qu’ils sont d’un autre, sont des
crйatures. Pour dйtruire cette erreur il a йtй nйcessaire aux saints Pиres de
montrer qu'il n'est pas impossible que ce qui procиde de Dieu le Pиre lui soit
coessentiel, dans la mesure oщ cela reзoit de lui la mкme nature que lui. . Sed quia filius ex eo quod accipit a patre eius naturam,
dicitur ab eo natus vel genitus, spiritus sanctus autem non dicitur in
Scripturis natus vel generatus, et tamen dicitur esse a Deo, aestimavit
Macedonius quod spiritus sanctus non sit coessentialis patri, sed sit eius
creatura; non enim credebat quod aliquis possit ab alio naturam eius accipere
nisi ab eo nasceretur et eius filius esset. Unde aestimavit infallibiliter
sequi, si spiritus sanctus accipit a patre naturam et essentiam eius, quod sit
genitus et filius. Et ideo ad huius erroris exclusionem necessarium fuit quod
doctores nostri manifestarent quod divina natura potest communicari duplici
processione; quarum una est generatio vel nativitas, alia vero non; et hoc est
quaerere processionum distinctionem in divinis. B. Mais parce qu’on dit que le Fils, du fait qu'il reзoit sa nature du
Pиre, est nй de lui ou est engendrй, et que l'Esprit Saint, n'est pas appelй
dans les Йcritures nй ou engendrй, et cependant il est de Dieu, Macйdonius a estimй que l'Esprit saint
n'йtait pas coessentiels au Pиre, mais qu'il йtait sa crйature; car il ne
croyait pas que quelqu'un puisse recevoir sa nature d'un autre, а moins qu'il
ne soit nй de lui et soit son fils. C'est pourquoi, il a estimй qu’il en
dйcoulait infailliblement, si l'Esprit saint reзoit du Pиre sa nature et son
essence, qu'il serait engendrй et fils. Et c'est pourquoi pour repousser cette
erreur il a йtй nйcessaire que nos docteurs dйmontrent que la nature divine
peut кtre communiquйe par une double procession; dont l'une est la gйnйration
ou naissance, mais pas l'autre, et c'est cela chercher la distinction des processions
en Dieu. Quidam ergo dixerunt, quod processiones in divinis
distinguuntur seipsis; et ratio huius positionis fuit, quia ponebant quod
relationes non distinguunt divinas hypostases, sed earum distinctionem
manifestant tantum, aestimantes quod relationes in divinis essent ad modum
proprietatum individualium in rebus creatis, quae distinctionem individuorum
non causant, sed manifestant tantum. Dicunt ergo quod hypostases in divinis
distinguuntur solum per originem. Et quia ea quibus primo aliqua distinguuntur,
oportet quod seipsis distinguantur, sicut differentiae oppositae, quibus
species differunt, distinguuntur seipsis,- ne in infinitum procedatur,- ideo
dicunt, quod processiones in divinis distinguuntur se ipsis I. Donc certains ont dit que
les processions se distinguent d’elles-mкmes en Dieu; et la raison de cette
position a йtй qu'ils pensaient que les relations ne distinguent pas les
hypostases divines, mais manifestent leur distinction seulement, estimant que
les relations en Dieu sont а la maniиre des propriйtйs individuelles, dans les
crйatures, qui ne causent pas la distinction des individus, mais la manifestent
seulement. Donc ils disent que les
hypostases se distinguent en Dieu seulement par l'origine. Et parce qu’il faut
que ce par quoi certaines choses se distinguent d’abord, ce soit qu’elles se
distinguent d’elles-mкmes, de mкme que les diffйrences opposйes par lesquelles
les espиces diffиrent se distinguent d’elles-mкmes — pour ne pas procйder а
l'infini, — а cause de cela donc, ils disent que les processions en Dieu se
distinguent d’elles-mкmes. Hoc autem non potest esse verum: nam unumquodque
distinguitur ab alio secundum speciem per id a quo speciem habet, et secundum
numerum per id a quo individuatur. Differentia autem inter processiones
divinas oportet quod sit non solum sicut ea quae differunt numero tantum, sed
etiam sicut ea quae differunt specie, cum una sit generatio, alia vero non. Relinquitur ergo quod
processiones divinae distinguantur secundum id a quo speciem habent. Nulla autem
processio nec operatio nec motus habet speciem a se, sed sortitur speciem a
termino vel a principio. Unde nihil est dictu, quod processiones aliquae distinguantur
seipsis; sed oportet quod distinguantur penes principia vel penes terminos. Mais cela ne peut pas кtre vrai; car toute chose se distingue d'une
autre selon l'espиce par ce par quoi elle a l'espиce, et selon le nombre par ce
par quoi elle est individuйe. Mais il faut que la diffйrence entre les
processions divines soit non seulement comme ce qui diffиre en nombre
seulement, mais aussi comme ce qui diffиre par l'espиce, puisqu'il y a une
seule gйnйration, et pas d’autre. Il
reste donc que les processions divines se distinguent par ce par quoi elles
ont l'espиce. Mais aucune procession ni opйration ni mouvement n'a l'espиce par
soi, mais il la reзoit du terme ou du principe. C'est pourquoi que certaines
processions se distinguent d’elles-mкmes, c’est ne rien dire, mais il faut
qu'elles soient distinguйes selon les principe ou les termes8. Et ideo dixerunt quidam, quod processiones in divinis
distinguuntur penes principia; secundum hoc, dico, quod una processio est per
modum naturae vel intellectus, alia vero per modum voluntatis; nomina enim
intellectus et voluntatis significare videntur quaedam operationum et
processionum principia. II. Et c'est pourquoi certains
ont dit que les processions en Dieu se distinguent en raison des principes;
а ce sujet, je dis qu’une procession est par mode de nature ou d’esprit, l’autre
par mode de volontй; car les noms d’esprit et de volontй semblent signifier
certaines des opйrations et les principes des processions. Sed, si quis diligenter consideret, de facili videre potest
quod hoc non sufficit ad divinarum processionum distinctionem, nisi aliud
addatur. Cum enim oporteat in procedente inveniri similitudinem eius quod est
processionis principium, sicut in rebus creatis similitudinem formae generantis
necesse est esse in genito; oportet, quod si processiones in divinis
distinguuntur per hoc quod principium unius est natura vel intellectus,
alterius vero voluntas, quod in procedente secundum unam processionem
inveniatur tantum id quod naturae est vel intellectus; in altero vero id quod
est voluntatis tantum; quod patet esse falsum. Nam per unam processionem, quae
est filii a patre, communicat pater filio quidquid habet, et naturam et
intellectum et potentiam et voluntatem, et quidquid absolute dicitur: ut sicut
filius est verbum, id est sapientia genita, ita posset dici natura vel voluntas
vel potentia genita, idest per generationem accepta, vel magis huiusmodi per
generationem accipiens. Mais, si on considиre avec attention, on peut voir facilement que cela
ne suffit pas pour la distinction des processions divines, а moins d’ajouter autre
chose. Comme il faut, en effet, trouver dans celui qui procиde la ressemblance
avec le principe de la procession, de mкme qu’il est nйcessaire dans les
crйatures que la ressemblance de la forme qui engendre soit dans celui qui est
engendrй; il faut que, si les processions en Dieu se distinguent du fait que le
principe de l’une est la nature ou l’esprit, mais celui de l’autre la volontй,
qui procиde selon une seule procession on trouve seulement ce qui est de la
nature ou de l’esprit; et dans l’autre ce qui est de la volontй seulement, il
est clair que c’est faux. Car par une seule procession, celle du Fils par le
Pиre, celui-ci communique au Fils ce qu’il a, la nature, l’esprit, la
puissance, et la volontй et tout ce qui est appelй absolu: pour que, de mкme
que le Fils est le Verbe, c'est-а-dire la sagesse engendrйe, de mкme on puisse
dire qu’il est la nature, la volontй, la puissance engendrйes, c'est-а-dire
reзues par gйnйration ou celui qui reзoit plus de ce genre par gйnйration. Unde patet quod ex quo omnia attributa essentialia
concurrunt in unam processionem filii, non possit processionum differentia
inveniri secundum rationes attributorum diversas; ita quod per unam
processionem attendatur communicatio unius attributi, et per aliam communicatio
alterius. Cum autem processionis terminus sit habere (cum ad hoc procedat
persona divina ut habeat quod accipit procedendo) processiones autem secundum
terminos distinguantur, necesse est ut sicut habens distinguitur in divinis,
ita distinguatur et procedens. Habens autem non distinguitur in divinis ab
habente per hoc quod hic habeat haec attributa, ille vero alia; sed per hoc
quod eadem unus habet ab alio. Nam omnia quae habet pater habet filius; sed in
hoc distinguitur filius a patre, quia filius habet ea a patre. C’est pourquoi il est clair que par le fait que tous les attributs
essentiels arrivent dans la seule procession du Fils, on ne pourrait trouver
une diffйrence des processions selon la nature diverse des attributs, de sorte que, par une seule procession,
soit atteinte la communication d’un seul attribut et par une autre la
communication d’un autre. Mais comme le terme de la procession c’est la possession (puisque la personne
divine procиde pour avoir ce qu’elle reзoit en procйdant) les processions se
distinguent par les termes, il est nйcessaire que celui qui a, pour ainsi dire,
soit distinguй en Dieu, de mкme celui qui procиde. Mais celui qui a n’est pas
distinguй d’un autre parce que l’un a ces attributs, et l’autre en a d’autres;
parce que l’un a les mкmes choses d’un autre. Car tout ce qu’a le Pиre le Fils
l’a; mais le Fils est distinguй du Pиre parce qu’il l’a du Pиre. Sic ergo procedens ab alio procedente distinguitur non quia
unus haec procedendo accipiat, alius illa, sed quia unus eorum ab alio accipit.
Quidquid ergo invenitur in processione divina quod statim in una processione
potest intelligi, nulla alia praeintellecta, unius tantum processionis est; ibi
vero statim alia processio inveniri potest, ubi eadem quae per prima
processionem sunt accepta, iterum derivantur in aliam. Ainsi donc celui qui procиde d’un autre qui procиde est
distinguй, non parce que l’un reзoit ces choses en procйdant, et l’autre
d’autres choses, mais parce que l’un d’eux le reзoit d’un autre. Donc tout ce
qu’on trouve dans la procession divine qui peut кtre compris aussitфt dans une
seule procession, sans rien d’autre de prйconзu, vient d’une seule procession;
mais aussitфt on peut trouver une autre procession, lа oщ les mкmes choses qui
sont reзues par la premiиre procession, а nouveau sont dйtournйes dans une
autre. Et sic solus ordo processionum qui attenditur secundum
originem processionis, multiplicat in divinis. Unde convenienter dixerunt qui
posuerunt unam processionem esse per modum naturae et intellectus, aliam per
modum voluntatis, quantum ad id quod processio quae est secundum naturam vel
intellectum non praeexigit aliam processionem; processio autem quae est per
modum voluntatis, aliam processionem praeexigit: nam amor alicuius rei non
potest a voluntate procedere nisi praeintelligatur processisse ab intellectu
illius rei verbum conceptum; bonum enim intellectum est obiectum voluntatis. Et ainsi le seul ordre de procession qui est atteint selon l’origine de
la procession apporte la multiplication en Dieu. C’est pourquoi ils ont parlй
convenablement ceux qui ont pensй qu’une seule procession йtait par mode de
nature et d’esprit, l’autre par mode de volontй, du fait que la procession qui
est par nature ou esprit n’exige pas auparavant une autre procession, mais la
procession, par mode de volontй, en exige une autre auparavant: car aimer
quelque chose ne peut procйder de la volontй sans que soit compris auparavant
que le verbe conзu ait procйdй du concept de cette chose; le bien en effet est
compris comme l’objet de la volontй. Solutions: q. 10 a. 2 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod processio
in divinis dicitur esse substantialis quia non secundum aliquod accidens
attenditur; sed per eam, substantiam recipit persona procedens. # 1. On dit que la procession en Dieu est substantielle, parce qu’on ne
la considиre pas comme un accident; mais, par elle la personne qui procиde
reзoit sa substance. q. 10 a. 2 ad 2 Secundum et tertium concedimus. # 2. 3. Les seconde et troisiиme objections, nous les concйdons. q. 10 a. 2 ad 4 Ad quartum dicendum est, quod nihil prohibet a
voluntate aliquid naturaliter procedere. Voluntas enim naturaliter tendit in
ultimum finem, sicut et quaelibet alia potentia naturaliter operatur ad suum
obiectum; et inde est quod homo naturaliter appetit felicitatem; et eodem modo
Deus naturaliter amat suam bonitatem, sicut etiam naturaliter intelligit suam
veritatem. Sicut ergo filius naturaliter procedit a patre ut verbum, ita
spiritus sanctus naturaliter procedit ab eo ut amor. Nec tamen spiritus sanctus
procedit per modum naturae: hoc enim procedere dicitur in divinis per modum
naturae quod procedit sicut ea quae in creaturis a natura producuntur, et non a
voluntate. Sic ergo differt naturaliter produci, et produci per modum naturae;
dicitur enim aliquid produci naturaliter propter naturalem habitudinem quam
habet ad suum principium: per modum vero naturae produci dicitur quod
producitur ab aliquo principio sic producente sicut natura producit. # 4. Il faut dire que rien n’empкche que quelque chose procиde
naturellement de la volontй. Car celle-ci tend naturellement а la fin ultime,
comme n’importe quelle autre puissance opиre naturellement en vue de son objet;
et de lа vient que l’homme recherche naturellement son bonheur et de la mкme
maniиre Dieu aime naturellement sa bontй; comme aussi il comprend naturellement
sa vйritй. Donc de mкme que le Fils procиde naturellement du Pиre, comme verbe,
de mкme l’Esprit saint procиde naturellement de lui comme amour. Et cependant
l’Esprit saint ne procиde pas par mode de nature: car on appelle en Dieu
procйder par mode de nature procйder comme ce qui est produit dans les
crйatures par la nature, et non par la volontй. Donc ainsi il y a une
diffйrence entre кtre produit naturellement et кtre produit par mode de nature;
car on dit qu’une chose est produite naturellement а cause de la relation
naturelle qu’elle a а son principe; mais on dit qu’est produit par mode de
nature ce qui est produit par un principe qui produit comme la nature produit. q. 10 a. 2 ad 5 Ad quintum dicendum, quod naturalis necessitas
secundum quam voluntas aliquid ex necessitate velle dicitur, ut felicitatem,
libertati voluntatis non repugnat, ut Augustinus docet. Libertas enim
voluntatis violentiae vel coactioni opponitur. Non est autem violentia vel
coactio in hoc quod aliquid secundum ordinem suae naturae movetur, sed magis in
hoc quod naturalis motus impeditur: sicut cum impeditur grave ne descendat ad
medium; unde voluntas libere appetit felicitatem, licet necessario appetat
illam. Sic autem et Deus sua voluntate libere amat seipsum, licet de
necessitate amet seipsum. Et necessarium est quod tantum amet seipsum quantum
bonus est, sicut tantum intelligit seipsum quantum est. Libere ergo spiritus
sanctus procedit a patre, non tamen possibiliter, sed ex necessitate. Nec
possibile fuit ipsum procedere minorem patre; sed necessarium fuit ipsum patri
esse aequalem, sicut et filium, qui est verbum patris. # 5. La nйcessitй naturelle, selon laquelle on dit que la volontй veut
quelque chose par nйcessitй, comme le bonheur, ne s’oppose pas а la libertй de
la volontй, comme Augustin l’enseigne (la
Citй de Dieu, V, 10). La libertй de la volontй, en effet, s’oppose а la
violence et а la contrainte. Il n’y a ni violence, ni contrainte dans ce qui
est mis en mouvement selon l’ordre de sa nature, mais il y a plus si le
mouvement naturel est empкchй: comme quand ce qui est lourd est empкchй de
descendre en son juste milieu; c’est pourquoi la volontй cherche librement le
bonheur, qu’elle dйsire nйcessairement. Mais ainsi Dieu s’aime lui-mкme
librement par sa volontй, bien qu’il s’aime nйcessairement. Et il est
nйcessaire qu’il s’aime autant qu’il est bon, comme il se comprend autant qu’il
est. Donc l’Esprit saint procиde librement du Pиre, non cependant selon le possible
mais par nйcessitй. Et il ne lui a pas йtй possible de procйder moindre que le
Pиre; mais il a йtй nйcessaire qu’il soit йgal au Pиre, comme le Fils qui est
le Verbe du Pиre. q. 10 a. 2 ad 6 Ad sextum dicendum, quod creatura non procedit
a voluntate divina naturaliter neque ex necessitate; licet enim Deus sua
voluntate naturaliter et ex necessitate amet suam bonitatem, et talis amor
procedens sit spiritus sanctus; non tamen naturaliter aut ex necessitate vult
creaturas produci, sed gratis. Non enim creaturae sunt ultimus finis voluntatis
divinae, neque ab eis dependet bonitas Dei, qui est ultimus finis, cum ex
creaturis divinae bonitati nihil accrescat; sicut etiam homo ex necessitate
vult felicitatem, non tamen ea quae ad felicitatem ordinantur. # 6. La crйature ne procиde de la volontй divine ni naturellement ni
par nйcessitй; car bien que Dieu aime sa bontй naturellement par sa volontй et
par nйcessitй, et qu’un tel amour qui procиde soit l’Esprit saint, cependant il
ne veut pas produire les crйatures naturellement ou par nйcessitй mais
gratuitement. Car les crйatures ne sont pas la fin ultime de la volontй divine,
et sa bontй, qui est la fin ultime, ne dйpend pas d’elles, puisque elles
n’ajoutent rien а sa bontй; ainsi l’homme veut le bonheur par nйcessitй, et
cependant [il ne vient] pas ce qui est ordonnй au bonheur9 . q. 10 a. 2 ad 7 Ad septimum dicendum, quod licet natura et
voluntas in Deo non differant re, sed ratione tantum, tamen ille qui procedit
per modum voluntatis, oportet quod realiter differat ab eo qui procedit per
modum naturae, et una processio realiter ab alia differat. Dictum est enim,
quod processio per modum naturae intelligitur quando aliquid procedit ab aliquo
sicut illud quod procedit a natura; et similiter per modum voluntatis quando
procedit sicut id quod procedit a voluntate. Semper enim voluntas aliquid
producit aliqua processione praesupposita. Non enim voluntas in aliquid tendit
nisi praeexistente productione intellectus aliquid concipientis: cum bonum
intellectum moveat voluntatem. Processio autem quae est a naturali agente, non
praesupponit aliam processionem nisi per accidens, in quantum scilicet unum
naturale agens dependet ab alio naturali agente: sed tamen hoc non pertinet ad
rationem naturae in quantum natura est. Unde illa processio per modum naturae
intelligitur in divinis quae nullam aliam praesupponit; illa vero per modum
voluntatis quae ex praesupposita processione principium sumit. Et sic oportet
processionem esse ex processione, et procedentem ex procedente; hoc autem facit
realem differentiam in divinis. # 7. Bien que la nature et la volontй en Dieu ne diffиrent pas en
rйalitй, mais en raison seulement, cependant celui qui procиde par mode de
volontй doit diffйrer rйellement de celui qui procиde par mode de nature, et
une procession diffиre rйellement d’une autre. Car il a йtй dit que la
procession par mode de nature est comprise quand une chose procиde d’une autre
comme ce qui procиde par nature; et de la mкme maniиre par mode de volontй,
quand il procиde comme ce qui procиde de la volontй. Car toujours la volontй
produit quelque chose de prйsupposй а la procession. Car la volontй ne tend а
une chose que par une production prйexistante de l’esprit qui la conзoit;
puisque le bien conзu met en mouvement la volontй. Mais la procession qui vient
d’un agent naturel, ne prйsuppose une autre procession que par accident, en
tant qu’un agent naturel dйpend d’une autre; mais cependant cela ne convient
pas а la raison de la nature, en tant que telle. C’est pourquoi cette
procession par mode de nature est comprise en Dieu sans rien prйsupposer; mais
c’est celle qui est par mode de volontй qui prend son principe d’une procession
prйsupposйe. Et ainsi il faut que la procession vienne de la procession et
celui qui procиde de celui qui procиde; et cela fait une diffйrence rйelle en
Dieu. q. 10 a. 2 ad 8 Octavum concedimus. # 8. Nous la concйdons. q. 10 a. 2 ad 9 Ad nonum dicendum, quod utriusque
processionis similitudinem Deus indidit creaturis: sed tamen per processionem
quae est per modum naturae, natura in rebus creatis communicari potest:
effectus enim est similis agenti in quantum est agens; unde per actionem cuius
natura est principium, effectus naturam recipere potest; sed per actionem cuius
voluntas est principium, effectus non potest recipere nisi similitudinem eius
quod est in voluntate, sicut finis vel formae, ut in artificialibus patet. Quidquid
autem est in Deo, est divina natura; unde oportet quod per utramque
processionem natura communicetur. # 9. Dieu induit dans les crйatures la ressemblance de l’une et l’autre
procession10; mais cependant, par
celle qui est par mode de nature, la nature peut кtre communiquйe dans les
crйatures; car l’effet est semblable а l’agent en tant que tel; c’est pourquoi
par l’action dont la nature est le principe, l’effet peut recevoir la nature,
mais par l’action dont le principe est la volontй, l’effet ne peut recevoir que
la ressemblance de ce qui est dans la volontй, comme la fin ou les formes,
comme on le voit dans les њuvres artisanales. Mais tout ce qui est en Dieu est
nature divine; c’est pourquoi il faut que la nature soit communiquйe par l’une
et l’autre procession. q. 10 a. 2 ad 10 Ad decimum dicendum, quod cum dicitur in
divinis processio per modum naturae vel voluntatis, non ponitur in Deo modus
qui sit qualitas divinae substantiae superaddita, sed ostenditur similitudinis
cuiusdam comparatio inter processiones divinas et processiones quae sunt in
rebus creatis. # 10. Quand on parle en Dieu de la procession par mode de nature ou de
volontй, on ne place pas une modalitй qui serait une qualitй surajoutйe а la
substance divine, mais on montre la comparaison d’une certaine ressemblance
entre les processions en Dieu et celles qui sont dans les crйatures. q. 10 a. 2 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod in divinis
processio quae est per modum intellectus, non distinguitur a processione quae
est per modum naturae; distinguitur autem ab utraque processio quae est per
modum voluntatis. Et hoc propter tria: # 11. En Dieu la procession, par mode d’esprit, n’est pas distinguйe de
celle par mode de nature; mais la procession par mode de volontй est distinguйe
de l’une et l’autre. Et cela pour trois raisons: primo quidem, quia sicut processio quae est per modum
naturae, non praeexigit aliam processionem, ita nec processio quae est per
modum intellectus; processio autem quae est per modum voluntatis, de
necessitate praeexigit processionem quae est per modum intellectus. a) Parce que de mкme que la procession par mode de nature, n’exige pas
auparavant une autre procession, la procession par mode d’esprit non plus, mais
celle qui est par mode de volontй, exige nйcessairement auparavant la
procession par mode d’esprit. Secundo, quia sicut natura producit aliquid in similitudinem
sui, ita et intellectus tam intra quam extra; intra quidem, sicut verbum est
similitudo rei intellectae, et intellectus intelligentis seipsum; extra autem,
sicut forma intellecta inducitur in artificiatum. Voluntas autem non producit
suam similitudinem nec intus, nec extra. Intus quidem non, quia amor, qui est
intranea processio voluntatis, non est similitudo aliqua voluntatis vel voliti,
sed quaedam impressio relicta ex volito in voluntate, aut quaedam unio unius ad
alterum. Extra autem non, quia voluntas imprimit in artificiatum formam
intellectam prius quam volitam secundum ordinem rationis; unde principaliter
est similitudo intellectus, licet secundario voluntatis. b) Parce que de mкme que la nature produit quelque chose а sa
ressemblance, l’esprit aussi tant а l’intйrieur qu’а l’extйrieur; а l’intйrieur
de mкme que le verbe est la ressemblance de ce qui est pensй et de l’esprit de
celui qui se pense; de mкme а l’extйrieur la forme conзue est induite dans
l’objet fabriquй. Mais la volontй ne produit pas de ressemblance, ni а
l’intйrieur ni а l’extйrieur11. A
l’intйrieur non, parce que l’amour, qui est la procession intйrieure de la
volontй n’est pas une ressemblance de la volontй ou de ce qui est voulu, mais
une impression laissйe par la volontй dans celui qui est voulu, ou une union de
l’un а l’autre. A l’extйrieur, non plus, parce que la volontй imprime dans
l’objet fabriquй la forme conзue, avant la forme voulue selon l’ordre de la
raison; c’est pourquoi principalement c’est la ressemblance de l’esprit, bien
que secondairement ce soit celle de la volontй. Tertio, quia processio naturae est tantum ab uno sicut ab
agente, si sit perfectum agens. Nec obstat quod in animalibus generatur aliquid
ex duobus, scilicet ex patre et matre; nam solus pater est agens in
generatione, mater vero patiens. Similiter autem processio intellectus est ab
uno solo; sed amicitia, quae est amor mutuus, procedit ex duobus ad invicem se
amantibus. c) Parce que la procession de nature vient seulement d’un seul, comme
d’un agent, s’il est agent parfait. Et rien n’empкche que dans les animaux
quelque chose soit engendrй de deux (кtres) а savoir du pиre et de la mиre; car
seul le Pиre est agent dans la gйnйration, et la mиre le patient. Mais de la
mкme maniиre la procession de l’esprit est d’un seul; mais l’amitiй, qui est
l’amour mutuel, procиde de deux (кtres) qui s’aiment mutuellement. q. 10 a. 2 ad 12 Ad duodecimum dicendum quod, licet in divinis
non proprie dicatur genus et species, vel universale et particulare, tamen,- ut
de divinis secundum quamdam similitudinem creaturarum loquamur,- pater et
filius et spiritus sanctus distinguuntur sicut plura individua unius speciei,
ut etiam Damascenus dicit. Sed attendendum est, quod in aliquo individuo in
genere substantiae possumus speciem dupliciter considerare: # 12. Bien qu’en Dieu on ne puisse parler au sens propre ni de genre et
d’espиce, ni d’universel et de particulier, cependant, — comme on parle а son
sujet d’une certaine ressemblance avec les crйatures, — le Pиre, le Fils et
l’Esprit saint se distinguent comme plusieurs individus d’une mкme espиce,
comme Jean Damascиne le dit aussi (La foi
orthodoxe, III, 4). Mais il faut remarquer que dans un individu dans le
genre de la substance, nous pouvons considйrer l’espиce de deux maniиres: uno modo speciem hypostasis ipsius; a. Selon l’espиce de l’hypostase elle-mкme. alio modo speciem proprietatis individualis. b. Selon l’espиce de la propriйtй individuelle. Dato enim quod Socrates sit albus et Plato sit niger, et
posito quod albedo et nigredo sint proprietates individuantes Socratem et
Platonem, verum erit dicere, quod Socrates et Plato sunt unum specie, sub qua
specie hypostases continentur. Conveniunt enim in humanitate, sed distinguuntur
secundum speciem proprietatis; albedo enim et nigredo specie differunt; et
similiter est in patre et filio. Considerantur enim ut unum specie, cuius istae
hypostases sunt supposita, in quantum conveniunt in una natura deitatis; sed
secundum speciem proprietatis personalis inveniuntur differre; paternitas enim
et filiatio sunt relationes secundum speciem diversae. Sciendum est etiam, quod
generatio in rebus creatis per se ordinatur ad speciem: natura enim intendit
generare hominem; unde et natura speciei per generationem multiplicatur in
rebus creatis. Processio autem in divinis est ad multiplicationem hypostasum,
in quibus natura divina una numero invenitur: unde processiones in divinis sunt
differentes quasi secundum speciem, propter differentiam proprietatum
personalium, licet in procedentibus sit una natura communis. Car йtant donnй que Socrate est blanc et Platon est noir, et une fois
admis que la blancheur et la noirceur sont des propriйtйs qui individualisent
Socrate et Platon, il sera vrai de dire qu’ils sont un en espиce, sous laquelle
ces hypostases sont contenues. Car ils se rencontrent dans l’humanitй, mais se
distinguent selon l’espиce de la propriйtй; car la blancheur et la noirceur
diffиrent en espиce, et il en est de mкme dans le Pиre et dans le Fils. Car ils
sont considйrйs comme un en espиce, dont ces hypostases sont les suppфts, en
tant qu’ils se rencontrent dans la seule nature divine; mais selon l’espиce de
la propriйtй personnelle ils se trouvent diffйrer; car la paternitй et la
filiation sont des relations diffйrentes en espиce. Mais il faut savoir que la
gйnйration dans les crйatures est ordonnйe par soi а l’espиce, car la nature
tend а la gйnйration de l’homme: c’est pourquoi la nature de l’espиce est
multipliйe par la gйnйration dans les crйatures. Mais la procession en Dieu est
pour la multiplication des hypostases, en qui la nature divine se trouve une en
nombre: c’est pourquoi les processions en Dieu sont diffйrentes pour ainsi dire
en espиce, а cause de la diffйrence des propriйtйs personnelles, bien que dans
celles qui procиdent il y ait une seule nature commune. q. 10 a. 2 ad 13 Et per hoc patet solutio ad
decimumtertium et ad decimumquartum. # 13. 14. Et cela йclaire les solutions 13 et 14. q. 10 a. 2 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod spiritus
sanctus procedit a patre et filio in quantum sunt plures, si habeatur respectus
ad supposita spirantia. Cum enim spiritus sanctus sit amor mutuus et nexus
duorum, oportet quod a duobus spiretur. Sed si habetur respectus ad id quo
spirantes spirant, sic procedit ab eis, in quantum sunt unum in natura divina:
non enim potest ab aliquo procedere Deus nisi a Deo. # 15. L’Esprit saint procиde du Pиre et du Fils en tant qu’ils sont
plusieurs, si on considиre le rapport aux suppфts qui spirent. Comme l’Esprit
saint, en effet, est amour mutuel et lien des deux, il faut qu’il soit spirй
par les deux. Mais si on considиre le rapport а ce par quoi spirent ceux qui
spirent, il procиde ainsi d’eux, en tant qu’ils sont un dans la nature divine:
car Dieu ne peut procйder que de Dieu. q. 10 a. 2 ad 16 Ad decimumsextum dicendum est quod processio,
quae condividitur paternitati et filiationi, est proprietas personalis spiritus
sancti; quae licet sit relatio, quia tamen non est nominata, sicut paternitas
et filiatio, significatur nomine processionis, ac si filiatio esset innominata
et significaretur nomine nativitatis, quod est speciale nomen processionis
filii. Processio autem spiritus sancti non habet speciale nomen, eo quod per talem
modum processionis non invenitur in creaturis aliqua natura communicari, ut iam
dictum est. Nomina vero a creaturis in divina
transferimus; unde non sequitur quod processio communis in divinis sit una
tantum. # 16. La procession, qui est divisйe en paternitй et filiation est la
propriйtй personnelle de l’Esprit saint; bien qu’elle soit relation, parce que
cependant elle n’a pas de nom, comme la paternitй et la filiation, elle est
signifiйe par le nom de procession, comme si la filiation йtait sans nom et
signifiйe par le nom de naissance, qui est le nom spйcifique de la procession
du Fils. Mais la procession de l’Esprit saint n’a pas de nom spйcial, parce
qu’on ne trouve pas dans les crйatures que quelque nature soit communiquйe par
un tel mode de procession, comme dйjа on l’a dit. Mais nous transfйrons en Dieu
les noms qui viennent des crйatures; c’est pourquoi il n’en dйcoule pas que la
procession commune soit seulement une en Dieu. q. 10 a. 2 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod in creatura
quae est accidentium susceptiva, potest aliquid esse quod non est rei natura;
non autem in Deo: et propter hoc in divinis secundum quemlibet modum
processionis communicatur natura, non autem in creaturis; licet enim sint in
eis processiones diversae, tamen natura non communicatur nisi per unum modum. # 17. Dans la crйature susceptible d'accueillir des accidents, il peut
y avoir quelque chose qui ne soit pas sa nature, mais pas en Dieu, et c’est
pour cela qu’en lui la nature est communiquйe selon n’importe quelle mode de
procession, mais pas dans les crйatures; car bien qu’il y ait en elles des
processions diverses, cependant la nature n’est communiquйe que d’une seule
maniиre. q. 10 a. 2 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod procedere a
patre secundum modum coaeternitatis competit processioni filii in quantum est
processio divina: unde convenit etiam processioni spiritus sancti; tamen non
competit processioni filii secundum quod distinguitur a processione spiritus
sancti. # 18. Procйder du Pиre selon le mode de la coйternitй appartient а la
procession du Fils en tant qu’elle est procession divine: c’est pourquoi cela
convient aussi а la procession de l’Esprit saint; cependant il n’appartient pas
а la procession du Fils de se distinguer de la procession de l’Esprit saint. q. 10 a. 2 ad 19 Ad decimumnonum dicendum, quod filius est
sufficiens ratio processionis temporalis creaturae ut verbum et exemplar; sed
oportet quod spiritus sanctus sit ratio processionis creaturae ut amor. Sicut
enim dicitur Sap. IX, 1, quod Deus facit omnia suo verbo, ita dicitur Sap. XI,
25; quod diligit omnia quae sunt, et nihil odit eorum quae fecit; et Dionysius
dicit, quod divinus amor non permisit ipsum sine germine esse. # 19. Le Fils est la raison suffisante de la procession temporelle de
la crйature en tant qu’il est Verbe et exemplaire; mais il faut que l’Esprit
saint soit la raison de la procession de la crйature comme amour. Car de mкme
qu’il est dit en Sg. 11, 1, que Dieu
fait tout par son Verbe, de mкme il est dit en Sg. 11, 25 qu’il aime tout ce qui est, et qu’il ne hait rien de ce
qu’il a fait, et Denys dit (Les noms
divins, IV), que l’amour divin ne lui a pas permis d’кtre sans descendance. q. 10 a. 2 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod natura perfecta in
multas operationes potest, licet ad unamquamque operationem ei pauca
sufficiant. # 20. Il faut dire que la nature peut кtre parfaite en de nombreuses
opйrations, bien que peu lui suffise pour chaque opйration. q. 10 a. 2 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod a patre uno
et solo, est una sola processio, scilicet filii; a patre autem et a filio
simul, est alia processio, scilicet spiritus sancti. # 21. Du Pиre, un et seul, il n’y a qu’une seule procession, а savoir
celle du Fils; mais du Pиre et du Fils ensemble, il y a une autre procession, а
savoir celle de l’Esprit saint. q. 10 a. 2 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod processio
spiritus sancti est processio amoris. Per processionem autem amoris non
producitur aliquid ut recipiens formam eius a quo procedit, sive naturam; et ideo
processio amoris non habet rationem generationis vel nativitatis. Sed quod
spiritus sanctus naturam et formam Dei patris recipiat sua processione, hoc
habet in quantum est amor Dei, in quo non est aliquid quod non sit de natura
ipsius. # 22. La procession de l’Esprit saint est une procession d’amour. Mais
par cette procession rien n’est produit comme recevant de ce dont il procиde,
la forme ou la nature; et c’est pour cela que la procession d’amour n’a pas
nature de gйnйration ou de naissance. Mais que l’Esprit saint reзoive la nature
et la forme de Dieu le Pиre, par sa procession, cela il l’a en tant qu’il est
l'amour de Dieu en qui il n’y a rien qui ne soit de sa nature. q.10 a. 2 ad 23 Et
per hoc patet responsio ad vicesimumtertium. # 23. Et par lа s'йclaire la rйponse а la vingt-troisiиme objection. Ad ea etiam quibus ostendebatur quod sunt in divinis plures
processiones quam duae, respondendum est. Et il faut rйpondre а ce par quoi on montrait qu'il y a en Dieu plus de
deux processions: q. 10 a. 2 ad 24 Ad quorum primum dicendum, quod in divinis una
et eadem est processio quae est per modum intellectus et quae est per modum
naturae, ut supra, ostensum est. ## 1. En Dieu, c’est une seule et mкme procession qui est par mode
d’esprit et qui est par mode de nature, comme on l’a montrй ci-dessus (sol. 7
et 11). q. 10 a. 2 ad 25 Ad secundum dicendum quod natura humana
materialis est, id est ex materia et forma composita; et ideo in hominibus
processio per modum naturae non potest esse nisi secundum aliquam transmutationem
naturalem; processio autem quae est per modum intellectus, semper est
immaterialis, secundum quod ipse intellectus immaterialis est; unde in
hominibus non potest esse una et eadem processio quae est per modum naturae et
quae est per modum intellectus; in divinis autem est una et eadem, eo quod
natura divina immaterialis est. ##2. La nature humaine est matйrielle, c'est-а-dire composйe de matiиre
et de forme; et c’est pourquoi chez les hommes la procession par mode de nature
ne peut exister que selon un changement naturel; mais la procession qui est par
mode d’esprit est toujours immatйrielle; du fait que l’esprit lui-mкme est
immatйriel, c’est pourquoi dans les hommes il ne peut pas y avoir une seule et
mкme procession par mode de nature et par mode d’esprit, mais en Dieu c’est une
seule et mкme procession, parce que la nature divine est immatйrielle. q. 10 a. 2 ad 26 Ad tertium dicendum, quod aliud est procedere
in alterum, et aliud est procedere ab alio; procedere enim in alterum est suam
similitudinem alteri communicare: et per hunc modum est intelligenda divinae
bonitatis processio in creaturas, secundum Dionysium; procedere autem ab alio
est esse ab alio habere; et sic loquimur hic de processione, secundum quem
modum constat quod non convenit patri procedere. ## 3. Procйder dans un autre est different de procйder d’un autre; car
procйder dans un autre c’est
communiquer sa ressemblance а un autre, et il faut comprendre de cette maniиre
la procession de la bontй divine dans les crйatures, selon Denys; mais procйder
d’un autre c’est avoir l’кtre d’un
autre; et nous parlons ici de procession de sorte qu’il est clair qu’il ne
convient pas au Pиre de procйder de cette maniиre.
1
Parall.: Ia, 27, a. 3 - I Sent. d13a2 — CG. IV,
19 — Contra errores Graecorum , c.3 2 Thomas, lectio 10, n° 2126. 3 La paternitй, la filiation, la procession. 4 Cf. Mкme citation, Pot. qu. 2, a. 3, obj. 7. On y trouvera le texte d’Augustin . 5 Argument d’Avicenne, et de divers auteurs. 6 "Lui, de condition divine, ne retient
pas jalousement le rang qui l'йgalait а Dieu". BJ. 7 Ici encore les sed contra sont des objections d’ordre diffйrent des premiиres, ils
ne reprйsentent pas la rйponse au problиme. 8 Le terme, c’est le but atteint. Du Pиre,
principe procиde le Fils en tant que terme. Plus loin il dit que le terme de la
procession, c’est la possession, c'est-а-dire ce que la personne reзoit en
procйdant. 9 C'est-а-dire les moyens pour y parvenir.
C’est lа qu’il commet des erreurs.. 10 Par mode de nature ou par mode de volontй. 11 "Ce qui procиde par mode d’esprit ,
comme verbe procиde avec une certaine ressemblance, comme qui ce qui procиde
par mode de nature, …mais l’amour en tant que tel ne procиde pas avec une
ressemblance (bien qu’en Dieu l’amour soit coessentiel en tant que divin) et
c’est pourquoi on n’appelle pas cette procession une gйnйration." (Ia, qu. 30, a. 2, ad 2).
Article 3: L’ordre de la procession а la relation en Dieu
q. 10 a. 3 tit. 1 Tertio quaeritur de ordine processionis ad
relationem in divinis. Et videtur quod processio secundum intellectum sit prior
relatione in divinis. Il semble que selon l’esprit la procession soit avant la relation en
Dieu.
Objections 1: q. 10 a. 3 arg. 1 Dicit enim Magister in XXVII distinct. I Lib.
Sentent., quod pater semper est pater, quia semper genuit filium. Generatio
autem processionem significat, pater autem relationem. Ergo processio secundum
intellectum praecedit relationes in divinis. 1. Car le Maоtre (I Sent. d27),
dit que le Pиre est toujours le Pиre, parce qu’il a toujours engendrй le Fils.
Mais la gйnйration signifie la procession, et Pиre signifie une relation. Donc
la procession, selon l’esprit, prйcиde les relations en Dieu. q. 10 a. 3 arg. 2 Praeterea, philosophus dicit, quod relationes
ex actionibus nascuntur, vel ex quantitatibus. Constat autem quod relationes
divinae non innascuntur ex quantitate. Ergo secundum modum intelligendi
consequitur ex actione. Processiones autem in divinis personis significantur
per modum personalium actionum. Ergo processiones in divinis praecedunt
secundum intellectum relationes. 2. Le philosophe dit (Mйtaphysique,
V, 15; 1020 b 25 ss.2) que les
relations naissent des actions, ou des quantitйs. Mais il est clair que les
relations divines ne prennent pas leur source de la quantitй. Donc selon la
maniиre de comprendre, cela dйcoule de l’action. Mais les processions dans les
personnes divines sont signifiйes а la maniиre des actions personnelles. Donc
selon l’esprit les processions en Dieu prйcиdent les relations. q. 10 a. 3 arg. 3 Praeterea, absolutum est prius relativo,
sicut unum est prius quam multa. Sed actiones magis ad absoluta accedunt quam
relationes. Ergo priores sunt secundum intellectum. 3. L’absolu est avant le relatif, comme l’un est avant le multiple.
Mais les actions s’approchent plus de l’absolu que les relations. Donc selon
l’esprit elles sont avant. q. 10 a. 3 arg. 4 Praeterea, omne relativum ad aliud dicitur.
Non autem potest esse aliud ubi non est distinctio. Ergo relatio distinctionem
praesupponit. Distinctio autem in divinis personis est secundum originem, prout
scilicet unus procedit ab alio. Ergo processiones secundum intellectum
praecedunt relationes in divinis. 4. On parle de tout relatif en rapport а autre chose. Mais il ne peut
pas y en avoir un autre lа oщ il n’y a pas de distinction. Donc la relation
prйsuppose une distinction. Mais celle-ci dans les personnes divines dйpend de
l’origine, selon que l’une procиde de l’autre. Donc les processions selon
l’esprit prйcиdent les relations en Dieu. q. 10 a. 3 arg. 5 Praeterea, omnis processio praecedit secundum
intellectum processionis terminum. Filiatio autem quae est relatio filii, est
terminus nativitatis, quae est eiusdem filii processio. Ergo processio filii
praecedit filiationem. Sed filiatio et paternitas sunt simul non solum natura
et tempore, sed etiam intellectu; quia unum relativorum est de intellectu
alterius. Nativitas ergo filii praecedit paternitatem secundum intellectum, et
multo magis generatio, quae est actus patris. Processiones ergo simpliciter
relationes praecedunt secundum intellectum in divinis. 5. Toute procession precede son terme, selon l’esprit. Mais la
filiation qui est la relation du fils est le terme de la naissance, qui est la
procession de ce mкme Fils. Donc celle-ci prйcиde la filiation. Mais la filiation
et la paternitй sont en mкme temps non seulement en nature et en temps, mais
aussi en esprit; parce que l’un des relatifs est de l’esprit de l’autre. Donc
la naissance du Fils prйcиde la paternitй selon l’esprit, et beaucoup plus la
gйnйration, qui est l’acte du Pиre. Donc les processions prйcиdent absolument
les relations selon l’esprit. En sens contraire: q. 10 a. 3 s. c. 1 Sed contra. Prius secundum intellectum est
persona quam actio personalis. Relationes autem sunt constitutivae personarum,
processiones autem sunt quasi personales actiones. Ergo prius secundum
intellectum sunt relationes quam processiones. 1. La personne est selon l’esprit avant l’action personnelle. Les
relations sont constitutives des personnes, et les processions sont comme des
actions personnelles. Donc elles sont avant les processions selon l’esprit. q. 10 a. 3 s. c. 2 Praeterea, processio oportet quod sit
alicuius ab alio; sicut enim nulla res generat seipsam ut sit, ut Augustinus
dicit, ita nulla res a seipsa procedit. Processio ergo distinctionem in divinis
requirit. Distinctio autem non est in divinis nisi per relationes. Ergo
processiones in divinis praesupponunt relationes. 2. Il faut que la procession vienne а quelqu’un par un autre3; car de mкme que rien ne s’engendre soi-mкme
pour exister, comme Augustin le dit (La
Trinitй, I, 1), de mкme rien ne procиde de soi. Donc la procession requiert
une distinction en Dieu. Mais celle-ci n’est en lui que par les relations. Donc
les processions en Dieu prйspposent les relations. Rйponse: q. 10 a. 3 co. Respondeo. Dicendum quod ordo absque
distinctione non est. Unde ubi non est distinctio secundum rem, sed solum
secundum modum intelligendi, ibi non potest esse ordo nisi secundum modum
intelligendi. Distinctio autem secundum rem in divinis non est, nisi personarum
ad invicem, et oppositarum relationum; unde in divinis non est ordo realis nisi
quantum ad personas, inter quas est ordo naturae, secundum Augustinum, prout
est alter ex altero, non quod alter sit prior altero. Il faut dire que l’ordre n’existe pas sans distinction. C’est pourquoi
oщ il n’y a pas de distinction, en rйalitй mais seulement selon la maniиre de
comprendre, il ne peut y avoir d’ordre que de cette maniиre de comprendre. Mais
la distinction en Dieu n’est en rйalitй que celle des personnes entre elles, et
celle des relations opposйes; c’est pourquoi en lui il n’y a d’ordre rйel que
pour les personnes, entre lesquelles il y a l’ordre de la nature, selon
Augustin, dans la mesure oщ l’un vient de l’autre, non que l’un soit avant
l’autre. Processiones autem et relationes non distinguuntur in
divinis secundum rem, sed solum secundum modum intelligendi. Unde et Augustinus
dicit quod proprium patris est quod genuit filium. In quo datur intelligi, quod
generare filium sit proprietas patris; nec est alia proprietas quam paternitas,
quae dicitur esse patris proprietas personalis. Non est ergo inter processionem
et relationem in divinis quaerendus ordo secundum rem, sed secundum modum
intelligendi tantum. Mais les processions et les relations ne sont pas rйellement
distinguйes en Dieu, mais seulement selon la maniиre de les comprendre. C’est
pourquoi Augustin (Fulgence) dit (La foi
а Pierre, II) que le propre du Pиre est d’avoir engendrй le Fils. En quoi
il est donnй а comprendre qu’engendrer le Fils est la propriйtй du Pиre; et il
n’y a pas d’autre propriйtй que la paternitй, qu’on appelle la propriйtй
personnelle du Pиre. Donc entre la procession et la relation il n’y a pas а
chercher un ordre en rйalitй, mais selon la maniиre de le comprendre seulement. Sicut autem relatio et processio in divinis sunt idem
secundum rem, et differunt secundum rationem tantum, ita et ipsa relatio,
quamvis sit una secundum rem, est tamen multiplex secundum modum intelligendi.
Intelligimus enim ipsam relationem ut constitutivam personae; quod quidem non
habet in quantum est relatio. Quod ex hoc patet, quia relationes in rebus
humanis non constituunt personas, cum relationes sint accidentia; persona vero
est aliquid subsistens in genere substantiae; substantia autem per accidens
constitui non potest. Sed habet hoc relatio in divinis quod personam constituat
in quantum est divina relatio; ex hoc enim habet quod sit idem cum divina
essentia, cum in Deo nullum accidens esse possit: relatio enim, quia secundum
rem est ipsa natura divina, hypostasim divinam constituere potest. Est ergo
alius modus intelligendi quo intelligitur relatio ut constitutiva divinae
personae, et alius quo intelligitur relatio ut relatio est. Unde nihil prohibet
quod quantum ad unum modum intelligendi, relatio praesupponat processionem,
quantum vero ad alium sit e converso. Mais de mкme que la relation et la procession sont identiques en
rйalitй, et diffиrent en raison seulement, de mкme la relation elle-mкme,
quoiqu’elle soit une en rйalitй, est cependant multiple selon la maniиre de la
comprendre. Car nous comprenons la relation elle-mкme comme constitutive de la
personne; ce qu’elle n’a pas en tant qu’elle est relation. De ce fait il est
clair que les relations chez les hommes ne constituent pas les personnes,
puisqu’elles sont des accidents; mais la personne est quelque chose de
subsistant dans le genre de la substance; la substance ne peut pas кtre
constituйe par un accident. Mais la relation en Dieu elle constitue la personne
en tant qu’elle est relation divine; car du fait qu’elle est identique а
l’essence divine, car en Dieu il ne peut pas y avoir d’accidents, elle peut
constituer une hypostase divine. Donc il y a une maniиre de comprendre la relation
comme constitutive de la personne divine, et une autre maniиre par laquelle on
comprend la relation comme telle. C’est pourquoi rien n’empкche selon la
premiиre maniиre de comprendre, que la relation prйsuppose les processions,
selon l’autre, c’est le contraire. Sic ergo dicendum est, quod si consideretur relatio ut
relatio est, praesupponit processionis intellectum; si autem consideretur ut
est constitutiva personae, sic relatio quae est constitutiva personae, a qua
est processio, est prior secundum intellectum quam processio; sicut paternitas
in quantum est constitutiva personae patris, est prior secundum intellectum
quam generatio. Relatio autem quae est constitutiva personae procedentis etiam
in quantum est constitutiva personae, est posterior secundum intellectum quam
processio, sicut filiatio quam nativitas; et hoc ideo quia persona procedens
intelligitur ut terminus processionis. Ainsi il faut donc dire que, si on considиre la relation comme telle,
elle prйsuppose le concept de procession; mais si on la considиre comme
constitutive de la personne, alors cette relation, d’oщ vient la procession,
est selon l’esprit avant la procession; de mкme que la paternitй en tant que
constitutive de la personne du Pиre est selon l’esprit avant la gйnйration.
Mais la relation qui est constitutive de la personne qui procиde aussi en tant
que constitutive de la personne, est selon l’esprit aprиs la procession, comme
la filiation est aprиs la naissance; et cela parce que la personne qui procиde
est comprise comme le terme de la procession. Solutions: q. 10 a. 3 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod Magister loquitur
de paternitate considerata secundum quod relatio est. # 1. Le Maоtre parle de la paternitй considйrйe comme relation. q. 10 a. 3 ad 2 Et similiter dicendum ad secundum et tertium. # 2. 3. Il faut dire la mкme chose pour la seconde et la troisiиme
objection. q. 10 a. 3 ad 4 Ad quartum dicendum, quod in rebus in quibus
relationes sunt accidentia, oportet quod relatio praesupponat distinctionem; in
divinis autem relationes constituunt tres personas distinctas. # 4. Dans ce en quoi les relations sont des accidents, il faut que la
relation prйsuppose la distinction; mais en Dieu les relations constituent
trois personnes distinctes. q. 10 a. 3 ad 5 Ad quintum dicendum, quod paternitas est de
intellectu filiationis, et e converso, secundum quod utrumque consideratur ut
relatio quaedam. Sic autem dicimus, quod relationes sequuntur processiones
ordine intellectus. # 5. La paternitй fait partie du concept de filiation et inversement,
selon que l’une et l’autre sont considйrйes comme une relation. Ainsi nous
disons que les relations suivent les processions dans l’ordre du concept. q. 10 a. 3 ad s. c. Aliae duae rationes procedunt de
relationibus secundum quod sunt constitutivae personarum. Les deux autres raisons procиdent des relations selon qu’elles sont
constitutives des personnes.
1 Parall.: Ia, qu. 42, a. 3, — I Sent. D. 12, a. 1 — D. 20, a. 3 — Contra errores Graecorum, P. II, c. 31. 2 Thomas 1001-1002. Tricot p. 294. 3
Celui qui procиde vient d’un autre.
Article 4: L’Esprit saint procиde-t-il du Fils? q. 10 a. 4 tit. 1 Quarto quaeritur utrum
spiritus sanctus procedat a filio. Et videtur quod non. Il semble que non. Objections1:
q. 10 a. 4 arg. 1 Dicit enim Dionysius, quod filius et spiritus
sanctus sunt sicut flores deigenae divinitatis. Flos autem non est a flore.
Ergo spiritus sanctus non est a filio. 1. Car Denys (les Noms divins, III) dit que le Fils et
l’Esprit saint sont comme les fleurs de la divinitй qui engendre Dieu. Mais la
fleur ne vient pas de la fleur. Donc l’Esprit saint ne vient pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 2 Praeterea, si filius est principium spiritus
sancti, aut hoc habet a se, aut ab alio. A se non habet: non enim filio in
quantum filius est, convenit esse principium, sed magis esse a principio. Si
autem habet a patre, oportet quod hoc modo sit principium sicut pater. Pater
autem est principium per generationem. Ergo filius erit principium spiritus
sancti per generationem; et ita spiritus sanctus erit filius filii. 2. Si le Fils est le principe de l’Esprit saint ou bien il le tient de
lui-mкme ou d’un autre. Il ne le tient pas de lui, car ce n’est pas au Fils en
tant que tel qu’il convient d’кtre principe, mais plutфt de dйpendre du
principe. Mais s’il le tient du Pиre, il faut que de cette maniиre, il soit principe
comme (le) pиre. Mais le Pиre est le principe par gйnйration. Donc le Fils sera
principe de l’Esprit saint par gйnйration; et ainsi l’Esprit saint sera le fils
du Fils. q. 10 a. 4 arg. 3 Praeterea, quidquid est commune patri et
filio, similiter convenit utrique. Si ergo esse principium est commune patri et
filio, filius erit principium eo modo quo pater. Pater autem est principium per
generationem. Ergo et filius; et sic idem quod prius. 3. Tout ce qui est commun au Pиre et au Fils convient de la mкme
maniиre а l’un et а l’autre. Si donc кtre principe est commun au Pиre et au
Fils, le Fils sera principe а la maniиre du Pиre. Mais le Pиre est le principe
par gйnйration. Donc le Fils aussi; et ainsi de mкme que ci-dessus. q. 10 a. 4 arg. 4 Praeterea, filius ideo filius est, quia
procedit a patre et est verbum ipsius; spiritus autem sanctus dicitur verbum
filii, secundum Basilium, qui hoc accipit ex eo quod apostolus dicit Hebr. I,
3, quod filius portat omnia verbo virtutis suae. Si ergo spiritus sanctus procedit
a filio, oportet quod sit filius filii. 4. Le Fils est ainsi, parce qu’il procиde du Pиre et est son Verbe;
mais on dit que l’Esprit saint est le verbe du Fils, selon Basile (Contre Eunome, V, ch. commenзant par propterea) qui le reзoit du fait que
l’Apфtre dit en Hйbr. I, 3, que le
Fils porte "tout par le verbe de sa
puissance2". Si donc l’Esprit
saint procиde du Fils, il faut qu’il soit le fils du Fils. q. 10 a. 4 arg. 5 Praeterea, licet secundum rem paternitas et
filiatio per prius sit in Deo quam in nobis, secundum illud apostoli ad Ephes.
III, 15: ex quo, scilicet Deo patre, omnis paternitas in caelo et in terra
nominatur; tamen secundum nominis impositionem haec nomina translata sunt ab
humanis ad divina. Sed in humanis procedens a filio vocatur nepos. Si ergo
spiritus sanctus procedit a filio, erit nepos patris; quod est absurdum. 5. Bien qu’en rйalitй la paternitй et la filiation soient en Dieu avant
d’кtre en nous, selon cette parole de l’Apфtre Eph. III, 15: De qui, а
savoir de Dieu le Pиre, toute paternitй
tire son nom au ciel et sur terre…"; cependant selon leur
dйnomination, ces noms ont йtй transfйrйs de ce qui est humain а ce qui est
divin. Mais chez les hommes celui qui procиde du fils est appelй petit-fils. Si
donc l’Esprit saint procиde du Fils, il sera le petit-fils du Pиre, ce qui est
absurde. q. 10 a. 4 arg. 6 Praeterea, proprietas filii est in
accipiendo: ex hoc enim filius dicitur quod accipit naturam patris per
generationem. Si ergo filius ex se emittat spiritum sanctum, erunt in filio
proprietates contrariae; quod est inconveniens. 6. La propriйtй du Fils est dans la rйception; du fait qu’on dit que le
Fils reзoit la nature du Pиre par gйnйration. Si donc le Fils йmet l’Esprit
saint а partir de lui-mкme, il y aura en lui deux propriйtйs contraires, ce qui
ne convient pas. q. 10 a. 4 arg. 7 Praeterea, quidquid est in divinis, aut est
commune, aut proprium. Emittere autem spiritum sanctum non est commune toti
Trinitati: non enim convenit spiritui sancto. Ergo est proprium patris, et sic
non convenit filio. 7. Tout ce qui est en Dieu, est commun ou propre. Mais йmettre l’Esprit
saint n’est pas commun а toute la Trinitй; car cela ne convient pas а l’Esprit
saint. Donc c’est le propre du Pиre, et ainsi cela ne convient pas au Fils. q. 10 a. 4 arg. 8 Praeterea, spiritus sanctus amor est, ut
Augustinus probat in Lib. de Trinit. Amor autem patris in filium gratuitus est;
non enim amat filium quasi aliquid ab eo accipiens, sed solum quasi aliquid ei
dans. Amor autem filii in patrem, est amor debitus; sic enim amat patrem quasi
aliquid ab eo accipiens. Amor autem debitus est alius ab amore gratuito. Si
ergo spiritus sanctus sit amor a patre et filio procedens, sequitur quod sit
alius a seipso. 8. L’Esprit saint est amour, comme Augustin le prouve dans La Trinitй. Mais l’amour du Pиre dans le
Fils est gratuit, car il n’aime pas le Fils comme celui qui reзoit quelque
chose de lui, mais seulement comme lui donnant quelque chose. Mais l’amour du
Fils dans le Pиre est un amour dы; car il aime le Pиre en tant qu’il reзoit de
lui. Mais l’amour dы est autre que l’amour gratuit. Si donc l’Esprit saint est
l’amour qui procиde du Pиre et du Fils, il en dйcoule qu’il est autre que
lui-mкme. q. 10 a. 4 arg. 9 Praeterea, spiritus sanctus est amor
gratuitus; unde et ab eo profluunt divisiones gratiarum, secundum illud I Cor.
XII, 4: divisiones gratiarum sunt, idem vero spiritus. Si ergo amor filii in
patrem non est amor gratuitus, spiritus sanctus non erit amor filii; non ergo
procedit a filio. 9. L’Esprit saint est l’amour gratuit; c’est pourquoi coule de lui la
diversitй de grвces, selon ce mot de I
Co. 12, 4: Il y a diversitй des grвces, mais c’est le mкme Esprit."
Si donc l’amour du Fils dans le Pиre n’est pas un amour gratuit, l’Esprit saint
ne sera pas l’amour du Fils; donc il ne procиde pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 10 Praeterea, si spiritus sanctus
procedit a filio ut amor, cum filius amet patrem sicut mater filium, oportebit
quod spiritus sanctus sicut procedit a patre in filium, ita procedat a filio in
patrem. Hoc autem est impossibile, ut videtur; sequeretur enim quod pater
aliquid a filio reciperet, quod penitus esse non potest. 10. Si l’Esprit saint procиde du Fils comme amour, puisque le Fils aime
le Pиre comme une mиre aime son fils, il faudra que l’Esprit saint procиde du
Pиre dans le Fils, de mкme qu’il procиde du Fils dans le Pиre. Mais cela est
impossible, semble-t-il; car il en dйcoulerait que le Pиre recevrait quelque
chose du Fils, ce qui est tout а fait impossible. q. 10 a. 4 arg. 11 Praeterea, sicut pater et filius diligunt
se, ita filius et spiritus sanctus, vel pater et spiritus sanctus. Si ergo
spiritus sanctus procedit a patre et filio, quia pater et filius diligunt se;
pari ratione quia pater et spiritus sanctus diligunt se, procedit spiritus
sanctus a seipso, quod est impossibile. 11. De mкme que le Pиre et le Fils s’aiment, de mкme aussi le Fils et
l’Esprit saint, ou le Pиre et l’Esprit saint. Si donc l’Esprit saint procиde du
Pиre et du Fils, parce que le Pиre et le Fils s’aiment, а raison йgale, parce
que le Pиre et l’Esprit saint s’aiment, l’Esprit saint procиde de lui-mкme, ce
qui est impossible. q. 10 a. 4 arg. 12 Praeterea, Dionysius dicit: universaliter
non est audendum dicere aliquid nec etiam cogitare de supersubstantiali occulta
divinitate, praeter ea quae divinitus nobis ex sacris eloquiis sunt expressa. 12. Denys dit (les Noms divins, I,
PG, 3, 588 A3): "Gйnйralement il ne faut pas oser dire
quelque chose ni le penser de la divinitй supersubstantielle cachйe, au-delа de
ce qui nous a йtй divinement exprimй par les paroles sacrйes". In Scriptura autem sacra non exprimitur quod spiritus
sanctus procedat a filio, sed solum quod procedat a patre, secundum illud Ioan. XV, 26: cum venerit Paraclitus quem ego mittam vobis a patre, spiritum
veritatis, qui a patre procedit. Non ergo dicendum est nec cogitandum quod
spiritus sanctus procedit a filio. Mais dans l’Йcriture sainte, il n’est pas dit que l’Esprit saint procиde
du Fils, mais seulement qu’il procиde du Pиre, selon cette parole de Jean, 15, 26: "Quand sera venu le Paraclet que je vous enverrai par le Pиre, l’Esprit
de vйritй, qui procиde du Pиre…". Donc il ne faut ni dire ni penser
que l’Esprit saint procиde du Fils. q. 10 a. 4 arg. 13 Praeterea, in gestis I Ephesinae synodi sic
dicitur, quod perlecto symbolo Nicenae synodi decrevit sancta synodus aliam
fidem nulli licere proferre vel conscribere vel componere, praeter definitam a
sanctis patribus, qui in Nicaea congregati sunt cum spiritu sancto;
praesumentes autem aut componere fidem alteram aut protendere aut proferre
volentibus converti ad notitiam veritatis vel ex Paganitate vel ex Iudaismo,
vel ex haeresi aliqua; hos, si quidem sint episcopi aut clerici, alienos esse
episcopos ab episcopatu, et clericos a clericatu; si vero sint laici,
anathematizari. Et similiter in gestis Chalcedonensis synodi, post recitatam
determinationem Conciliorum subditur: eos autem qui ausi sunt componere fidem
alteram, aut proferre aut docere aut tradere alterum symbolum volentibus vel ex
gentilitate ad cognitionem veritatis, vel Iudaeis, vel ex haeresi quacumque
converti; hoc, si episcopi fuerint aut clerici, alienos esse episcopos ab
episcopatu, et clericos a clero; si vero monachi aut laici fuerint,
anathematizari. In praemissa autem Concilii determinatione non habetur quod
spiritus sanctus procedit a filio, sed solum quod procedat a patre. Legitur
etiam in symbolo Constantinopolitanae synodi: credimus in spiritum sanctum
dominum et vivificantem, ex patre procedentem, cum patre et filio adorandum et
conglorificandum. Nullo ergo modo debuit addi in symbolo fidei
quod spiritus sanctus procedat a filio. 13. Dans les actes du Concile d’Йphиse, I4,
on dit ainsi qu’ayant parcouru le Symbole du Concile de Nicйe, le saint Concile
dйcrйta "ne permettre а personne de
profйrer, d’йcrire ou d’йtablir une autre foi, que celle dйfinie par les pиres
qui se sont rassemblйs а Nicйe, avec l’Esprit saint; mais ceux qui osent
йtablir une autre foi, la rйpandre, ou la profйrer а ceux qui veulent se
convertir pour connaоtre la vйritй, qu’ils soient du paganisme, du Judaпsme, ou
d’une hйrйsie, si ceux-ci sont des Йvкques ou des clercs, que les йvкques
soient dйpossйdйs de l’йpiscopat, et les clercs de la clйricature; mais si ce
sont des laпcs, qu’il soient anathиmes." Et de la mкme maniиre dans
les actes du Concile de Chalcйdoine5,
aprиs avoir lu la dйcision des conciles, il est ajoutй: "Ceux qui ont osй prйsenter une autre foi, ou profйrer ou
enseigner ou rapporter un autre symbole а ceux qui voulaient se convertir du
paganisme pour la connaissance de la vйritй ou des Juifs, ou d’une hйrйsie
quelconque, que si ce sont des йvкques ou des clercs, si ce sont des йvкques
qu’ils soient dйpossйdйs de l’йpiscopat, les clercs de la clйricature, si ce
sont des moines ou des laпcs qu’ils soient anathиmes." Dans la
dйcision annoncйe du concile, il n’y a pas que l’Esprit saint procиde du Fils,
mais seulement qu’il procиde du Pиre. On lit aussi dans le Symbole du Concile
de Constantinople6: "Nous croyons dans l’Esprit saint Seigneur et
vivificateur, qui procиde du Pиre, qui doit кtre adorй et glorifiй avec le Pиre
et Fils" En aucune maniиre il n’a dы кtre ajoutй dans le symbole de la
foi que l’Esprit saint procиde du Fils. q. 10 a. 4 arg. 14 Praeterea, si spiritus sanctus dicitur a
filio procedere, aut hoc dicitur propter aliquam auctoritatem Scripturae, aut
propter aliquam rationem. Auctoritas quidem sacrae Scripturae ad hoc
ostendendum nulla videtur esse sufficiens; habetur siquidem in sacris
Scripturis, quod spiritus sanctus sit filii; sicut dicitur Galat. IV, 6: misit
Deus spiritum filii sui in corda vestra; et Rom. VIII, 9: si quis spiritum
Christi non habet, hic non est eius. Habetur etiam quod spiritus sanctus sit
missus a filio: dicit enim Christus, Ioan. XVI, 7: si enim non abiero,
Paraclitus non veniet ad vos, si autem abiero, mittam eum ad vos. Non autem
sequitur quod spiritus sanctus procedat a filio ex eo quod est filii, quia hoc
huius multipliciter dicitur, secundum philosophum. Similiter etiam neque ex eo
quod spiritus sanctus dicitur missus a filio; quia licet filius non sit a
spiritu sancto dicitur tamen a spiritu sancto missus, secundum illud Is.
XLVIII, 16, ex persona Christi: et nunc misit me dominus Deus, et spiritus
eius; et Is., LXI, 1: spiritus domini super me (...) ad evangelizandum
mansuetis misit me: quod in se dicit Christum esse completum.- Similiter etiam
non potest per rationem efficaciter probari. Licet enim spiritus sanctus non
sit a filio, adhuc tamen, ut videtur, distincti ad invicem remanebunt:
differunt enim suis proprietatibus personalibus. Nihil ergo videtur cogere ad
dicendum spiritum sanctum procedere a filio. 14. Si on dit que l’Esprit saint procиde du Fils, ou on le dit а cause
d’une autoritй de l’Йcriture, ou pour une autre raison. Aucune autoritй de l’Йcriture sainte ne semble suffisante
pour le montrer; il y a toutefois dans l’йcriture sainte que l’Esprit saint est
du Fils; comme il est dit en Ga. 4, 6:"Dieu a envoyй l’Esprit de son Fils dans vos
cњurs;" et Rm. 8, 9: "Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ,
celui-lа n’est pas de lui". On trouve aussi que l’Esprit saint a йtй
envoyй par le Fils; car le Christ dit (Jn
16, 7): "Car si je ne m’en vais
pas, le Paraclet ne viendra pas а vous, mais si je m’en vais, je vous
l’enverrai." Mais il n’en dйcoule pas que l’Esprit saint procиde du
Fils, du fait qu’il est du Fils, parce que huius
(de celui-ci7) est employй de nombreuses maniиres, selon
le philosophe. De la mкme maniиre aussi, ce n’est pas du fait qu’on dit que
l’Esprit saint est envoyй par le Fils, parce que, bien que le Fils ne soit pas
de l’Esprit saint, on dit cependant qu’il a йtй envoyй par lui selon cette
parole d’Is . 48, 16: "Et maintenant le Seigneur Dieu et son Esprit
m’ont envoyй" et Is. 61, 1:"L’esprit du Seigneur est sur moi… il m’a
envoyй pour annoncer la bonne nouvelle aux doux", ce qui dit en soi
que le Christ est un кtre complet.— De la mкme maniиre on ne peut pas le
prouver efficacement par la raison.
Car bien que l’Esprit saint ne soit pas du Fils, cependant jusqu’ici, а ce
qu’il semble, ils demeureront distincts entre eux: car ils diffиrent par leurs
propriйtйs personnelles. Donc rien ne semble forcer а dire que l’Esprit saint
procиde du Fils. q. 10 a. 4 arg. 15 Praeterea, omne quod procedit ab
aliquo, habet aliquid ab eo. Si ergo spiritus sanctus procedit a
duobus, scilicet a patre et filio, oportet quod a duobus accipiat; et sic
videtur sequi quod sit compositus. 15. Tout ce qui procиde de quelqu’un a quelque chose de lui. Si donc
l’Esprit saint procиde des deux, а savoir du Pиre et du Fils, il faut qu’il
reзoive des deux; et ainsi il semble en dйcouler qu’il est composй. q. 10 a. 4 arg. 16 Praeterea, de ratione principii est quod non
sit ab alio, secundum philosophum. Sed filius est ab alio, scilicet a patre.
Ergo filius non est principium spiritus sancti. 16. C’est la nature du principe de ne pas dйpendre d’un autre, selon le
philosophe (Physique I, 6, 189 a 30).
Mais le Fils est d’un autre, а savoir du Pиre. Donc le Fils n’est pas le
principe de l’Esprit saint. q. 10 a. 4 arg. 17 Praeterea, voluntas movet intellectum ad
operandum, homo enim intelligit quando vult. Sed spiritus sanctus procedit per
modum voluntatis ut amor, filius autem per modum intellectus ut verbum. Non ergo videtur quod spiritus procedat a filio, sed magis e converso. 17. La volontй met en mouvement l’esprit pour opйrer; car l’homme
comprend quand il le veut. Mais l’Esprit saint procиde par mode de volontй
comme amour, et le Fils par mode d’esprit comme Verbe. Il ne semble pas que
l’Esprit saint procиde du Fils, mais c’est plutфt le contraire. q. 10 a. 4 arg. 18 Praeterea,
nihil procedit ab eo in quo quiescit. Sed spiritus sanctus a patre procedit et
in filio quiescit, ut scribitur in passione beati Andreae. Ergo spiritus
sanctus non procedit a filio. 18. Rien ne procиde de celui en qui il se repose. Mais l’Esprit saint
procиde du Pиre et se repose dans le Fils, comme il est йcrit dans la passion
du bienheureux Andrй8. Donc l’Esprit
saint ne procиde pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 19 Praeterea, simplex non potest procedere a
duobus, quia effectus esset simplicior et prior quam causa. Sed spiritus
sanctus est simplex. Non ergo procedit a duobus, scilicet a patre et filio. 19. Ce qui est simple ne peut pas procйder de deux кtres, parce que
l’effet serait encore plus simple et avant la cause. Mais l’Esprit saint est
simple. Donc il ne procиde pas des deux, а savoir du Pиre et du Fils. q. 10 a. 4 arg. 20 Praeterea, si aliquid perfecte procedit ab
uno, superfluum est quod procedat a duobus. Sed spiritus sanctus perfecte
procedit a patre. Ergo superfluum esset quod procederet a patre et filio simul. 20. Si quelque chose procиde parfaitement de l’un, il est superflu
qu’il procиde des deux. Mais l’Esprit saint procиde parfaitement du Pиre. Donc
il serait superflu qu’il procиde du Pиre et du Fils en mкme temps. q. 10 a. 4 arg. 21 Praeterea, sicut pater et filius sunt unum
in substantia et natura, ita pater et spiritus sanctus. Sed spiritus sanctus
non convenit cum patre in generatione filii. Ergo nec filius convenit cum patre
in emissione spiritus sancti. 21. De mкme que le Pиre et le Fils sont un en substance et nature, de
mкme le Pиre et l’Esprit saint. Mais l’Esprit saint ne se rencontre pas avec le
Pиre dans la gйnйration du Fils. Donc le Fils ne se rencontre pas avec le pиre
dans l’йmission de l’Esprit saint. q. 10 a. 4 arg. 22 Praeterea, filius est radius patris, ut
patet per Dionysium. Spiritus autem sanctus est splendor. Splendor autem non
est a radio. Ergo nec spiritus sanctus est a filio. 22. Le Fils est le rayon du Pиre, comme on le voit chez Denys (La hiйrarchie cйleste). Mais l’Esprit
saint est la splendeur. Mais celle-ci ne vient pas du rayon. Donc l’Esprit
saint ne vient pas non plus du Fils. q. 10 a. 4 arg. 23 Praeterea, filius est quoddam lumen patris,
cum sit verbum eius. Spiritus autem sanctus est sicut calor, est enim amor
quidam; unde et super apostolos in specie ignis apparuit. Calor autem non est a
lumine. Ergo nec spiritus sanctus a filio. 23. Le Fils est une lumiиre du Pиre, puisqu’il est son verbe. Mais
l’Esprit saint est comme la chaleur, car il est l’amour; c’est pourquoi il
apparut sur les Apфtres, sous l’espиce du feu (Act. 2, 3). Mais la chaleur ne vient pas de la lumiиre. Donc
l’Esprit saint ne vient pas du Fils. q. 10 a. 4 arg. 24 Praeterea, Damascenus dicit, quod spiritus
sanctus dicitur esse filii, sed non a filio. 24. Jean Damascиne rapporte qu’on dit que l’Esprit saint est du Fils,
mais non par le Fils. En sens contraire: q. 10 a. 4 s. c. 1 Sed contra. Est quod Athanasius dicit:
spiritus sanctus a patre et filio non factus nec creatus nec genitus, sed
procedens. 1. Il y a ce qu’Athanase dit (dans le Symbole9): "L’Esprit
saint par le Pиre et par le Fils, ni fait, ni crйй, ni engendrй, mais procйdant
d’eux". q. 10 a. 4 s. c. 2
Praeterea, spiritus sanctus dicitur tertia in Trinitate persona, secunda
filius, prima pater. Ternarius autem procedit ab unitate mediante binario. Ergo
spiritus sanctus procedit a patre mediante filio. 2. L’Esprit saint est appelй la troisiиme personne de la Trinitй, le
Fils la seconde, le Pиre la premiиre. Mais le troisiиme procиde d’une double
unitй intermйdiaire. Donc l’Esprit saint procиde du Pиre par l’intermйdiaire du
Fils. q. 10 a. 4 s. c. 3 Praeterea, cum inter divinas personas sit
summa convenientia, quaelibet divinarum personarum ad aliam habet immediatam
germanitatem. Hoc autem non esset, si spiritus sanctus non esset a filio; tunc
enim filius et spiritus sanctus non haberent germanitatem ad invicem immediate,
sed solum mediante patre, in quantum ambo sunt ab uno. Ergo spiritus sanctus
est a filio. 3. Comme parmi les personnes divines, il y a un accord suprкme,
n’importe laquelle des personnes a une parentй immйdiate avec l’autre. Mais
cela n’existerait pas, si l’Esprit saint ne venait pas du Fils, car alors le
Fils et l’Esprit saint n’aurait pas de parentй immйdiate entre eux; mais
seulement par l’intermйdiaire du Pиre, en tant que les deux viennent d’un seul.
Donc l’Esprit saint est du Fils. q. 10 a. 4 s. c. 4 Praeterea, divinae personae non
distinguuntur ab invicem nisi secundum originem. Si ergo spiritus sanctus non
esset a filio, non distingueretur ab eo, quod est inconveniens. 4. Les personnes divines ne se distinguent entre elles que selon
l’origine. Si donc l’Esprit saint n’йtait pas du Fils, il ne serait pas
distinguй de lui, ce qui ne convient pas. Rйponse: q. 10 a. 4 co. Respondeo. Dicendum quod, secundum ea quae supra
determinata sunt, necesse est spiritum sanctum a filio procedere; oportet enim,
si filius et spiritus sanctus sunt duae personae, quod alia sit processio unius
et alia alterius. Ostensum autem est supra, quod non possunt esse duae
processiones in divinis nisi secundum ordinem processionum, ut scilicet a
procedente secundum unam processionem sit alia processio. Necesse est ergo quod
spiritus sanctus sit a filio. Selon ce qui a йtй dйterminй ci-dessus, il est nйcessaire que l’Esprit
saint procиde du Fils; car il faut, si le Fils et l’Esprit saint sont deux
personnes, que la procession de l’une soit diffйrente de celle de l’autre. Mais
on a montrй ci-dessus (art. 2) qu’il ne peut y avoir deux processions en Dieu
que selon leur ordre, pour qu’il y ait une autre procession de celui qui
procиde par une premiиre procession. Donc il est nйcessaire que l’Esprit saint
vienne du Fils. Sed praeter hanc rationem etiam ex aliis rationibus de
necessitate probatur quod spiritus sanctus sit a filio. Oportet enim quod omnis
differentia aliquorum sequatur ex prima radice distinctionis ipsorum; nisi
forte sit differentia per accidens, sicut ambulans differt a sedente; et hoc
ideo quia quaecumque per se insunt alicui, vel sunt de essentia eius, vel
consequuntur essentialia principia, ex quibus est prima radix distinctionis
rerum. In divinis autem non potest esse aliquid per accidens; quia omne quod
inest alicui per accidens, cum sit extraneum a natura eius, oportet quod
conveniat ei ex aliqua exteriori causa: quod non potest dici in divinis. Mais en dehors de cette raison, on prouve nйcessairement par d’autres
raisons que l’Esprit saint est du Fils. Car il faut que toute la diffйrence des
choses dйcoule de la premiиre racine de leur distinction; а moins que par
hasard, il y ait une diffйrence par accident, ainsi celui qui marche est
diffйrent de celui qui est assis. Et cela parce que tout ce qui est par soi dans
une autre chose, ou est de son essence, ou bien accompagne les principes
essentiels, par lesquels il y a la premiиre racine de la distinction. Mais en
Dieu il ne peut rien y avoir par accident; parce qu’il faut que tout ce qui est
en quelqu’un par accident, comme cela est йtranger а sa nature, lui convienne
par quelque cause extйrieure; ce qu’on ne peut pas dire en Dieu. Oportet ergo quod omnis differentia divinarum personarum ad
invicem sequatur ex prima radice distinctionis earum. Prima autem radix distinctionis
patris et filii, est ex paternitate et filiatione. Oportet ergo quod omnis
differentia quae est inter patrem et filium, sequatur ex hoc quod ipse est
pater, et ille filius. Esse autem principium spiritus sancti non convenit patri
in quantum pater est, ratione paternitatis: sic enim non refertur nisi ad
filium; unde sequeretur quod spiritus sanctus esset filius. Il faut donc que toute diffйrence des personnes divines entre elles
dйcoule par la premiиre racine de leur distinction. Mais cette premiиre racine
du Pиre et du Fils vient de la paternitй et de la filiation. Il faut donc que
toute diffйrence entre le Pиre et le Fils, dйcoule du fait que l’un est le Pиre
et l’autre le Fils. Mais кtre le principe de l’Esprit saint ne convient pas au
Pиre en tant que Pиre, en raison de sa paternitй: car ainsi il ne se rйfиre
qu’au Fils: aussi il en dйcoulerait que l’Esprit saint serait le Fils. Similiter autem nec hoc repugnat rationi filiationis, quia,
secundum filiationem, non refertur ad aliud nisi ad patrem. Non ergo potest
esse differentia inter patrem et filium in hoc quod pater sit principium
spiritus sancti, non autem filius. De la mкme maniиre, cela ne s’oppose pas а la nature de la filiation,
parce que, selon elle, il ne se rйfиre а un autre qu’au Pиre. Donc il ne peut
pas y avoir de diffйrence entre le Pиre et le Fils du fait que le Pиre est le
principe de l’Esprit saint , mais pas le Fils. Item, sicut in libro
de synodis dicitur, creaturae proprium est quod voluntate sua Deus eam
produxerit. Quod Hilarius ex hoc probat quod creatura non est talis qualis est
Deus, sed qualem Deus eam voluit esse. Quia vero filius est talis qualis est
pater, dicitur quod pater genuit filium naturaliter. Eadem autem ratione
spiritus sanctus est a patre naturaliter, quia est similis et aequalis patri:
natura enim producit sibi simile. Oportet autem quod creatura, quae est a patre
secundum suam voluntatem, sit etiam a filio: quia eadem est voluntas patris et
filii. Similiter autem et eadem est natura utriusque. De mкme, comme il est dit dans le livre des Synodes, le propre de la crйature est que Dieu l’ait produit par sa
volontй. Ce qu’Hilaire prouve du fait que la crйature n’est pas telle que Dieu,
mais telle que Dieu a voulu qu’elle soit. Mais parce que le Fils est tel que le
Pиre, on dit que le Pиre a engendrй le Fils par nature. Mais, pour la mкme
raison, l’Esprit saint est du Pиre par nature, parce qu’il est semblable et
йgal au Pиre; car la nature produit du semblable а elle. Il faut que la
crйature qui est du Pиre selon sa volontй, soit aussi du Fils; parce que la
volontй du Pиre et celle du Fils sont identiques. De la mкme maniиre la nature
de l’un et l’autre est identique. Oportet ergo quod sicut spiritus sanctus est a patre, ita
sit a filio. Nec tamen sequitur quod filius vel spiritus sanctus sint a spiritu
sancto, licet et ipse habeat unam naturam cum patre; sicut sequitur quod
creatura est ab eo in quantum habet unam voluntatem cum patre, propter
repugnantiam quae sequeretur, si spiritus sanctus diceretur esse a seipso, vel
si ab eo diceretur esse filius, qui est eius principium. Il faut donc que, de mкme que l’Esprit saint est du Pиre,
il soit aussi du Fils. Et cependant il n’en dйcoule pas que le Fils ou l’Esprit
saint soit de l’Esprit saint, bien que lui-mкme ait une seule nature avec le
Pиre; ainsi il dйcoule que la crйature est par lui en tant qu’il a une seule
volontй avec le Pиre, а cause de l’incompatibilitй qui en dйcoulerait, si on
disait que l’Esprit saint est de lui-mкme, ou si on disait que le Fils, est de
celui qui est son principe. Hoc autem apparet alio modo: non enim potest esse in divinis
personis distinctio nisi secundum relationes; ea enim quae absolute dicuntur in
divinis, essentiam significant, et communia sunt, ut bonitas, sapientia et
huiusmodi. Relationes autem diversae non possunt facere distinctionem nisi
ratione suae oppositionis; diversae enim relationes possunt esse unius ad idem:
patet enim quod idem eiusdem potest esse filius, discipulus, aequalis, et
quaecumque aliae relationes quae oppositionem non includunt. Mais cela apparaоt d’une autre maniиre. Car il n’est pas possible qu’il
y ait une distinction dans les personnes divines, sinon par les relations; car
ce qui est dit dans l’absolu en Dieu, signifie l’essence, et est commun, comme
la bontй, la sagesse etc. Mais les diffйrentes relations ne peuvent apporter de
distinction qu’en raison de leur opposition; car les relations diffйrentes ne
peuvent кtre d’un seul au mкme; car il est clair que le mкme du mкme peut кtre
fils, disciple, йgal et toutes les autres relations qui n’incluent pas
d’opposition. Patet autem quod filius distinguitur a patre per hoc quod
aliqua relatione ad ipsum refertur, et similiter spiritus sanctus a patre
distinguitur propter aliquam relationem. Istae ergo relationes quantumcumque videantur
disparatae, nullo modo poterunt distinguere spiritum sanctum a filio, nisi sint
oppositae. Oppositio
autem alia in divinis esse non potest nisi secundum originem, prout scilicet
unus est ab alio. Nullo ergo modo filius et spiritus sanctus poterunt esse
distincti per hoc quod uterque diversimode referatur ad patrem, nisi unus eorum
referatur ad alterum ut ab eo existens. Mais il est clair que le Fils se distingue du Pиre, parce qu’il se
rйfиre а lui par une relation et de la mкme maniиre l’Esprit saint se distingue
du Pиre а cause d’une relation. Donc ces relations pour si diffйrentes qu’elles
paraissent, n’ont pu en aucune maniиre distinguer l’Esprit saint du Fils, а
moins qu’elles ne soient opposйes. Mais une autre opposition en Dieu ne peut
exister que selon l’origine, dans la mesure oщ l’un est par l’autre. Donc en
aucune maniиre le Fils et l’Esprit saint n’ont pu кtre distincts parce que l’un
et l’autre sont en rapport de maniиres diverses au Pиre, sauf si l’un d’eux est
en rapport avec l’autre comme existant par lui. Constat autem quod filius non est a spiritu sancto: de
ratione enim filii est quod non referatur nisi ad patrem ut ab eo existens.
Relinquitur, ergo de necessitate quod spiritus sanctus sit a filio. Mais il est bien certain que le Fils n’est pas par l’Esprit saint: car
il est de sa nature de n’avoir rapport qu’au Pиre comme existant par lui. Il
reste donc nйcessairement que l’Esprit saint est du Fils. Sed quia potest aliquis dicere, quod ea quae sunt fidei non
sunt solum rationibus sed auctoritatibus confirmanda, restat ostendere per
auctoritates sacrae Scripturae quod spiritus sanctus sit a filio. Habetur enim
in pluribus sacrae Scripturae locis quod spiritus sanctus sit filii; sicut Rom. VIII, 9: qui spiritum Christi non habet, hic non est eius; et Galat., IV, 6: misit Deus spiritum filii sui in corda vestra; et Act. XVI, 7: tentabant ire Bithyniam, et non permisit eos spiritus Iesu. Non
enim potest intelligi quod spiritus sanctus sit spiritus Christi solum secundum
humanitatem, quasi ipsum replens, quia spiritus sanctus est alicuius hominis ut
habentis, non autem ut dantis. Filii autem est spiritus sanctus ut dantis
ipsum, secundum illud I Ioan. IV, 13:
in hoc cognoscimus quoniam in eo manemus,
et ipse in nobis, quia de spiritu suo dedit nobis; et Act. V, 32, dicitur, quod dedit spiritum sanctum obedientibus sibi.
Mais parce qu’on peut dire que ce qui concerne la foi ne dйpend pas
seulement de raisonnements mais doit кtre confirmй par les autoritйs de l’Йcriture
sainte, il reste а montrer par les autoritйs que l’Esprit saint est du Fils.
Car on trouve en plusieurs endroits de l’Йcriture sainte, que l’Esprit saint
est du Fils; comme en Rm, 16, 7: "Qui n’a pas l’Esprit du Christ, celui-lа
n’est pas de lui"; et Ga. 4,
6: "Dieu a envoyй l’Esprit du Fils
dans vos cњurs;" et Act. 16,
7: "Ils tentaient d’aller en
Bithynie, et l’Esprit de Jйsus ne le permit pas". Car on ne peut pas
comprendre que l’Esprit saint soit l’Esprit du Christ seulement selon
l’humanitй, comme le complйtant, parce que l’Esprit saint est d’un homme en
tant qu’il possиde, mais non en tant qu’il donne10.
Mais l’Esprit saint est du Fils en tant qu’il le donne selon ce mot de Jn 4, 13: "A cela nous connaissons que nous demeurons en lui et lui-mкme en nous,
parce qu’il nous l’a donnй de son Esprit" et en Act. 5, 32, il est dit qu’il a donnй son Esprit saint а ceux qui
lui obйissent. Oportet ergo quod dicatur esse spiritus sanctus filii, in
quantum est divina persona. Aut ergo dicitur esse absolute eius, aut dicitur
esse eius ut spiritus eius. Si autem absolute, tunc oportet quod sit aliqua
auctoritas filii respectu spiritus sancti. Apud nos enim potest dici aliquis
esse alterius secundum quid, qui non habet auctoritatem respectu ipsius, sicut
cum dicitur, Petrus est socius Ioannis; sed non potest dici, Petrus esse
Ioannis absolute, nisi sit quaedam possessio eius, sicut servus, hoc ipsum quod
est, dicitur esse domini. In divinis autem non potest esse aliquid serviens vel
subiectum; sed intelligitur ibi auctoritas secundum solam originem. Oportebit
ergo quod spiritus sanctus habeat originem a filio. Il faut donc dire que l’Esprit saint est du Fils, en tant que personne
divine. Donc, ou bien on dit qu’il est de lui selon l’absolu, ou bien comme son
esprit. Si c’est selon l’absolu, alors
il faut qu’il y ait une autoritй du Fils par rapport а l’Esprit saint. Chez
nous en effet on peut dire de quelqu’un qu’il est d’un autre sous un certain
rapport, qui n’a pas d’autoritй par rapport а lui, comme quand on dit; Pierre
est le compagnon de Jean; mais on ne peut pas dire que Pierre est de Jean dans
l’absolu, а moins qu’il soit sa possession, comme esclave, ce qu’il est est dit
du maоtre. Mais en Dieu il ne peut pas y avoir un serviteur ou un sujet, mais
on comprend l’autoritй selon la seule origine. Donc il faudra que l’Esprit
saint tire une origine du Fils. Et idem sequitur, si dicatur spiritus sanctus esse filii ut
spiritus eius; quia spiritus, secundum quod est nomen personale, importat
relationem originis ad spirantem, sicut filius ad generantem. Similiter etiam
invenitur in Scripturis quod filius mittit spiritum sanctum, sicut supra dictum
est. Semper autem mittens videtur habere auctoritatem supra missum. Auctoritas
autem in divinis, ut dictum est, non est nisi secundum originem. Unde sequitur
quod spiritus sanctus originem habeat a filio. Et il en dйcoule la mкme chose, si on dit que l’Esprit saint est du
Fils comme son esprit; parce que l’Esprit , selon qu’il est un nom personnel,
apporte une relation d’origine а celui qui spire, comme le Fils а celui qui
engendre. De la mкme maniиre aussi on trouve dans les Йcritures que le Fils
envoie l’Esprit saint, comme on l’a dit ci-dessus. Mais toujours celui qui
envoie semble avoir l’autoritй sur celui qui est envoyй. Mais l’autoritй en
Dieu, comme on l’a dit, ne dйpend que de l’origine. C’est pourquoi il en
dйcoule que l’Esprit saint tire son origine du Fils. Habetur autem ex sacra Scriptura quod per spiritum sanctum
configuramur filio, secundum illud Rom.
VIII, 15: accepistis spiritum adoptionis
filiorum; et Galat. IV, 6: quoniam estis filii, misit Deus spiritum
filii sui in corda vestra. Nihil autem configuratur alicui nisi per eius
proprium characterem. In naturis etiam creatis ita est quod id quod conformat
aliquid alicui, est ab eo; sicut semen hominis non assimilatur equo, sed homini
a quo est. Spiritus autem sanctus est a filio tamquam proprius character eius;
unde dicitur de Christo, II Cor. I,
21-22: quod signavit nos, et unxit nos et
dedit pignus spiritus in cordibus nostris. Expressius autem filii, de
spiritu sancto dicentis: ille me clarificabit quia de meo accipiet. Constat
autem quod non accipit a filio spiritus sanctus, quasi prius non habens: quia
sic esset mutabilis et indigentis naturae. Constat ergo quod ab aeterno accipit
a filio; nec potuit accipere aliquid quod non sit eius essentia ab aeterno.
Ergo accepit spiritus sanctus essentiam de filio. On voit aussi par l’Йcriture sainte que nous sommes configurйs au Fils
par l’Esprit saint, selon cette parole de Rm
8, 15: "Vous avez reзu un Esprit
d’adoption de fils11" et Ga. 4, 6: "Parce que vous кtes des fils, Dieu a envoyй l’Esprit de son Fils en vos
cњurs". Mais rien n’est configurй а quelqu’un que par sa propre
marque. Dans les crйatures aussi ce qui conforme quelque chose а quelqu’un
vient de lui; ainsi la semence de l’homme n’est pas semblable а celle du cheval;
mais а l’homme d’oщ elle vient. Mais l’Esprit saint est du Fils comme sa marque
la plus propre; c’est pourquoi il est dit du Christ II Co. 1, 21-22: "Il (le
Pиre) nous a marquй du sceau, donnй
l’onction et le gage de l’Esprit dans nos cњurs12." Mais plus expressйment du Fils qui
dit au sujet de l’Esprit saint: "Il
m’a glorifiй parce qu’il a reзu de moi." Il est clair que l’Esprit saint n’a pas reзu du Fils
comme n’ayant pas avant lui: parce qu’ainsi il serait changeant et d’une nature
dans le besoin. Donc il est clair qu’il a reзu du Fils de toute йternitй; et
n’a pu recevoir rien qui ne soit pas son essence de toute йternitй. Donc
l’Esprit saint a reзu l’essence du Fils. Rationem autem quare de filio acceperit spiritus sanctus,
ipsemet filius subiunxit, dicens, Ioan.
XVI, 15: omnia quaecumque habet pater mea
sunt. Propterea dixi: quia de meo accipiet; quasi diceret quia eadem est
essentia patris et mea, non potest spiritus sanctus esse de essentia patris,
quin sit de mea essentia. Traditur etiam in sacra Scriptura quod
filius per spiritum operatur, sicut habetur Rom.
XV, 18: per me effecit Christus, scilicet
miracula, et alia bona in spiritu sancto,
idest per spiritum sanctum; et Hebr.
IX, 14, dicitur quod per spiritum sanctum
obtulit semetipsum. Quandocumque autem aliquis per aliquem dicitur operari,
oportet quod vel operans det virtutem operativam ei per quem operatur, sicut
rex dicitur operari per praepositum vel ballivum; vel e converso, sicut cum
dicitur ballivus operari per regem. La raison pour laquelle l’Esprit saint a reзu du Fils, le Fils lui-mкme
l’a ajoutй, en disant Jn 16, 15:"Tout ce qu’a le Pиre est а moi. C’est
pourquoi j’ai dit: parce qu’il a reзu de moi…", comme s’il disait que
l’essence du Pиre et la mienne est la mкme, l’Esprit saint ne peut pas кtre de
l’essence du Pиre, qu’il ne soit de la mienne. L’Йcriture sainte rapporte aussi
que le Fils opиre par l’Esprit, comme on le voit en Rm 15, 18: "Le Christ
l’a fait par moi", а savoir les miracles et autres biens (dit
l’Apфtre) dans l’Esprit saint",
c'est-а-dire par l’Esprit saint et en Hйbr.
9, 14: il est dit que "par
l’Esprit saint il s’est offert lui-mкme" . Quelquefois aussi on dit
que quelqu’un opиre par un autre, il faut que ou bien celui qui opиre lui donne
le pouvoir d’opйrer, par lequel il opиre, comme on dit que le roi opиre par un
prйvфt ou un bailli, ou au contraire comme quand on dit que le bailli opиre par
le roi. Oportet ergo, si filius operatur per spiritum sanctum, quod
vel spiritus sanctus det virtutem operativam filio, vel filius spiritui sancto;
et ita quod unus alteri det essentiam, cum virtus operativa utriusque non sit
aliud quam eius essentia. Constat autem quod spiritus sanctus non dat essentiam
filio, cum filius non sit filius nisi patris. Relinquitur ergo quod spiritus
sanctus sit a filio. Il faut donc, si le Fils opиre par l’Esprit saint que ou
bien celui-ci donne le pouvoir d’opйrer au Fils ou bien que le Fils le donne а
l’Esprit saint; et ainsi que l’un donne l’essence а l’autre, puisque le pouvoir
d’opйrer de l’un et l’autre n’est pas autre que son essence. Mais il est clair
que l’Esprit saint ne donne pas l’essence au Fils, puisque celui-ci n’est le
Fils que du Pиre. Il reste donc que l’Esprit saint est du fils. Ex hac ergo ratione per ea quae Graeci confitentur, potest
idem haberi: confitentur enim ipsi quod spiritus sanctus est a patre per
filium, et quod pater spirat spiritum sanctum per filium. Semper autem illud
per quod aliquid producitur est principium eius quod producitur. Oportet ergo
quod filius sit principium spiritus sancti. Si autem refugiant confiteri quod
spiritus sanctus sit a filio, quia filius est ab alio,- et sic non est prima
radix originis spiritus sancti,- manifestum est quod vane moventur; nullus enim
refugit dicere lapidem moveri a baculo, licet baculus moveatur a manu; nec
Iacob esse ab Isaac, licet Isaac sit ab Abraham. Sed adhuc minus est in
proposito refugiendum; est enim una vis productiva patris et filii; quod non
accidit in moventibus et agentibus creatis. Et pour cette raison par ce que les Grecs confessent, on peut avoir le mкme
rйsultat. Car ils confessent eux-mкmes que l’Esprit saint est du Pиre par le
Fils et que le Pиre spire l’Esprit saint par le Fils. Mais toujours ce qui
produit est le principe de ce qui est produit. Il faut donc que le Fils soit le
principe de l’Esprit saint. Mais s’ils refusaient de confesser que l’Esprit
saint est du Fils, parce que le Fils est d’un autre — et ainsi il n’est pas la
premiиre racine de l’origine de l’Esprit saint — il est clair qu’ils s’agitent
en vain; car personne ne refuse de dire que la pierre est mue par le bвton,
bien que le bвton soit mы par la main; et que Jacob n’est pas d’Isaac, bien que
ce dernier soit d’Abraham. Mais il faut encore moins le refuser, car il y a une
force productive du Pиre et du Fils; ce qui n’arrive pas dans les moteurs et
les agents crййs. Unde sicut confitendum est quod creaturae sunt a filio,
licet filius sit a patre, ita confitendum est quod spiritus sanctus sit a
filio, licet filius sit a patre. Manifestum est ergo quod dicentes spiritum
sanctum esse a patre per filium, non autem a filio, propriam vocem ignorant,
sicut Aristoteles de Anaxagora dicit: volentes
enim esse legis doctores, non intelligunt neque de quibus loquuntur, neque de
quibus affirmant, ut dicitur I
Timoth. cap. I, 7. C’est pourquoi de la mкme maniиre qu’il faut confesser que
les crйatures sont du Fils, bien que le Fils soit du Pиre, de mкme il faut
confesser que l’Esprit saint est du Fils, bien que le Fils soit du Pиre. Donc
il est clair que ceux qui disent que l’Esprit saint est du Pиre par le Fils,
mais pas du Fils, ignorent ce qu’ils disent; comme Aristote le dit d’Anaxagore.
"Car voulant кtre des docteurs de la
loi, ils ne comprennent pas ni de quoi ils parlent ni ce qu’ils affirment",
comme il est dit en 1 Tm. 1, 7. Solutions: q. 10 a. 4 ad 1 Ad primum ergo dicendum, quod filius et
spiritus sanctus dicuntur flores deigenae divinitatis, id est paternae, prout
uterque a patre est. Sed quantum ad hoc quod spiritus sanctus a filio est,
potest dici filius esse radix, et spiritus sanctus flos; non enim oportet ut
similitudo rerum corporalium observetur quantum ad omnia in divinis. # 1. Il faut donc dire que le Fils et l’Esprit saint sont appelйs des
fleurs engendrйes de Dieu, c'est-а-dire des fleurs paternelles dans la mesure
oщ l’un et l’autre sont du Pиre. Mais quant а ce que l’Esprit saint est du
Fils, on peut dire que le Fils est la racine, et l’Esprit saint la fleur; car
il ne faut pas tenir compte de la ressemblance avec ce qui est corporel pour
tout ce qui est en Dieu. q. 10 a. 4 ad 2 Ad secundum dicendum, quod filius hoc habet a
patre quod ex se spiritum sanctum emittat: unde et eodem modo convenit ei sicut
et patri. Sed pater non est principium divinae personae uno modo tantum, sed
duobus, scilicet per generationem et spirationem. Unde non potest concludi quod
filius sit principium spiritus sancti per generationem; sed est fallacia
consequentis, et praecipue cum nec etiam pater sit principium spiritus sancti
per generationem. # 2. Le Fils tient du Pиre qu’il йmet l’Esprit saint de lui: c’est
pourquoi et de la mкme maniиre cela lui convient comme au Pиre. Mais le Pиre
n’est pas le principe de la personne divine d’une seule maniиre, mais de deux,
а savoir par gйnйration et spiration. C’est pourquoi on ne peut conclure que le
Fils est le principe de l’Esprit saint, par gйnйration, mais c’est une erreur
de raisonnement et surtout puisque le Pиre n’est pas le principe de l’Esprit
saint par gйnйration. q. 10 a. 4 ad 3 Et similiter dicendum est ad tertium. # 3. Il faut dire de mкme pour la troisiиme objection. q. 10 a. 4 ad 4 Ad quartum dicendum, quod spiritus sanctus non
potest dici verbum proprie, sed communiter, prout omne quod est manifestativum
alicuius verbum ipsius dicitur. Spiritus enim sanctus est manifestativus filii,
secundum quod de spiritu sancto filius dicit Ioan. XVI, 14: ille me
clarificabit, quia de meo accipiet. Filius autem proprie dicitur verbum, quasi
conceptio intellectus divini. # 4. L’Esprit saint ne peut pas кtre appelй verbe au sens propre, mais
communйment, dans la mesure oщ tout ce qui manifeste quelque chose est appelй
son verbe. Car l’Esprit saint
manifeste le Fils, selon ce que le Fils dit de lui: Jn 16,14: "Il me
glorifiera, parce qu’il a reзu de moi". Mais le Fils est appelй le
Verbe au sens propre, comme une conception de l’esprit divin. q. 10 a. 4 ad 5 Ad quintum dicendum, quod in humana origine
dicitur nepos qui eodem modo procedit a filio sicut filius a patre. Spiritus
autem sanctus non procedit in divinis a filio sicut filius a patre; et ideo
ratio non sequitur. # 5. Dans la gйnйration chez les hommes, on appelle petit-fils celui
qui procиde de la mкme maniиre du fils comme le fils procиde du Pиre. Mais
l’Esprit saint ne procиde pas du Fils en Dieu, comme le fils du Pиre, et c’est
pourquoi la raison n’est pas valable. q. 10 a. 4 ad 6 Ad sextum dicendum, quod esse principium non
est contrarium ei quod est esse a principio, nisi intelligatur respectu
eiusdem: non enim potest esse aliquid principium eius a quo est sicut a
principio. Unde non sequitur quod in filio sint contrariae proprietates, si sit
a patre sicut a principio et sit principium spiritus sancti. # 6. Кtre principe n’est pas contraire а celui qui vient du principe а
moins qu’on le comprenne par rapport а lui-mкme; car rien ne peut кtre le
principe de ce dont il vient comme par son principe. C’est pourquoi il n’en
dйcoule pas que dans le Fils il y ait des propriйtйs contraires, s’il йtait du
Pиre, comme de son principe et qu’il soit le principe de l’Esprit saint q. 10 a. 4 ad 7 Ad septimum dicendum, quod omne quod est in
divinis, est commune vel proprium. Sed proprium dupliciter dicitur: uno modo simpliciter et absolute, quod uni soli convenit,
sicut risibile homini; alio modo dicitur aliquid proprium non simpliciter, sed ad
aliquid; ut si dicatur, quod rationale est proprium homini in comparatione ad
equum, licet et alii conveniat, scilicet Angelo. Est ergo in divinis aliquid
commune quod convenit tribus personis, ut esse Deum et huiusmodi; aliquid quod
est proprium simpliciter, quod convenit uni personae tantum; et aliquid quod
est proprium quoad aliquid, sicut spirare spiritum sanctum est proprium patri
et filio per respectum ad spiritum sanctum; tale enim proprium oportet in
divinis poni, etiam si spiritus sanctus non sit a filio; quia esse ab alio, adhuc
remanet proprium filio et spiritui sancto in comparatione ad matrem. # 7. Tout ce qui est en Dieu est commun ou propre; mais on parle de ce
qui est propre de deux maniиres: a) Simplement et absolument; ce qui convient а un seul, comme le
risible а l’homme. b) D’une autre maniиre, on dit que c’est propre non pas selon l’absolu
mais selon la relation; comme si on disait que le raisonnable est propre а
l’homme en comparaison au cheval, bien qu’il convienne а un autre, comme
l’ange. Donc il y a en Dieu quelque chose de commun qui convient aux trois
personnes, comme кtre Dieu, etc. et quelque chose qui est propre selon l’absolu;
qui ne convient qu’а une seule personne, et ce qui est propre selon un rapport,
comme spirer l’Esprit saint est propre au Pиre et au Fils par rapport а
l’Esprit saint; car il faut placer ce qui est propre en Dieu ainsi, mкme si
l’Esprit saint n’est pas du Fils; parce que кtre d’un autre, demeure encore
propre au Fils et а l’Esprit saint en comparaison de l’origine. q. 10 a. 4 ad 8 Ad octavum dicendum, quod nomen debiti in
personis divinis, si quis recte diiudicare velit, non omnino recte sonat; quia
debitum quamdam subiectionem et obligationem importat, quae in divinis esse non
possunt. Richardus tamen de sancto Victore, utitur distinctione amoris gratuiti
et debiti; nec intelligit per gratuitum nisi quod non est ab alio, per debitum
vero quod ab alio est; secundum quem modum nihil prohibet intelligi eumdem
amorem esse gratuitum ut est patris, debitum vero ut est filii; idem est enim amor
quo pater et quo filius amat; sed hunc amorem filius a patre habet, pater vero
a nullo. # 8. Le nom de dы dans les
personnes divines, si on veut en juger droitement, ne sonne pas tout а fait
juste; parce que ce qui est dы apporte une sujйtion et une obligation, qui ne
peut pas exister en Dieu. Richard de saint Victor cependant (La Trinitй, III, c. 3, et V, c. 17 et
18), se sert de la distinction de l’amour gratuit et de l’amour dы, et il ne
comprend par gratuit que ce qui ne vient pas d’un autre, par dы ce qui en vient;
de cette maniиre rien n’empкche de comprendre que le mкme amour est gratuit,
comme il est du Pиre, mais dы comme il est du Fils; car l’amour par lequel le
Pиre aime et le Fils aime est identique; mais le Fils tient cet amour du Pиre,
mais le Pиre de personne. q. 10 a. 4 ad 9 Ad nonum dicendum, quod spiritus sanctus est
tantum gratuitus amor, secundum quod amori gratuito contraponitur mercenarius
amor, quo aliquid non propter seipsum amatur, sed propter aliquem extrinsecum
fructum. Secundum vero quod gratuitus amor dicitur, propter hoc quod ab alio
sumit originem, non est contra rationem spiritus sancti quod sit gratuitus
amor: nam et ille amor quo per spiritum sanctum Deum diligimus, originem habet
ex his quae nobis a Deo sunt data; et sic nihil prohibet etiam amorem filii,
qui ab alio habet quod amat, spiritum sanctum esse. # 9. L’Esprit saint est seulement l’amour gratuit, selon que l’amour
mercenaire est opposй а l’amour gratuit, par lequel une chose est aimйe non а
cause d’elle-mкme, mais а cause d’un gain extйrieur. Mais selon qu’on parle
d’amour gratuit, du fait qu’il prend son origine d’un autre ce n’est pas contre
la nature de l'Esprit saint, parce que cet amour est gratuit; car cet amour par
lequel nous aimons par l’Esprit saint tire son origine de ce qui nous a йtй
donnй par Dieu, et ainsi rien n’empкche aussi l’amour du Fils, qui tient d’un
autre d’aimer, d’кtre l’Esprit saint. q. 10 a. 4 ad 10 Ad decimum dicendum, quod spiritus
sanctus et a patre procedit in filium, et a filio in patrem, non quidem sicut
in recipientem, sed sicut in obiectum amoris. Dicitur enim spiritus sanctus a
patre in filium procedere, in quantum est amor quo pater amat filium; et simili
ratione potest dici quod spiritus sanctus est a filio in patrem, in quantum est
amor quo filius patrem amat; potest autem intelligi quod procedat a patre in
filium, in quantum filius a patre accipit virtutem spiritum sanctum spirandi;
sed sic non potest dici quod procedat a filio in patrem, cum a filio nihil
accipiat pater. # 10. L’Esprit saint procиde du Pиre dans le Fils et du Fils dans le
Pиre, non comme dans celui qui reзoit, mais comme dans un objet d’amour. Car on
dit que l’Esprit saint procиde du Pиre dans le Fils, en tant qu’il est l’amour
par lequel le Pиre aime le Fils, et pour une raison semblable on peut dire que
l’Esprit saint est du Fils dans le Pиre, en tant qu’il est l’amour par lequel
le Fils aime le Pиre, mais on peut aussi comprendre qu’il procиde du Pиre dans
le Fils, en tant que le Fils reзoit du Pиre le pouvoir de spirer l’Esprit saint;
mais ainsi on ne peut pas dire qu’il procиde du Fils dans le Pиre, puisque le
Pиre ne reзoit rien du Fils. q. 10 a. 4 ad 11 Ad undecimum dicendum, quod hoc verbum diligit
non solum dicit missionem amoris, sed etiam quamdam affectionem vel
dispositionem secundum amorem. Ea vero quae in divinis emissionem dicunt,
personaliter tantum accipi possunt, ut generare, spirare et huiusmodi: quae
vero non important emissionem, sed magis ad informationem eius pertinent de quo
dicuntur, essentialiter in divinis dicuntur, ut esse bonum, intelligentem et
huiusmodi. Et inde est quod spiritus sanctus dicitur diligere non quasi amorem
emittens,- sic enim convenit tantum patri et filio,- sed secundum quod diligere
sumitur essentialiter in divinis. # 11. Ce mot: il aime non
seulement dit encore la mission de l’amour, mais aussi une certaine affection
ou une disposition selon l’amour. Ce qu’ils appellent йmission en Dieu, ils
peuvent l’accepter personnellement seulement, comme engendrer, spirer, etc; ce
qui n’apporte pas d’йmission, mais qui convient plus а l’information de ce dont
ils parlent, ils en parlent selon l’essence, comme кtre bon, intelligent etc.
Et de lа vient qu’on dit que l’Esprit saint aime non comme йmettant l’amour, —
en effet il convient ainsi seulement au Pиre et au Fils — mais dans la mesure
oщ aimer est pris selon l’essence en Dieu. q. 10 a. 4 ad 12 Ad duodecimum dicendum, quod hoc regulariter
in sacra Scriptura invenitur, quod id quod dicitur de patre, oportet quod de
filio intelligatur; et quod dicitur de utroque vel altero eorum, oportet
intelligi de spiritu sancto, etiam si dictio exclusiva ponatur, praeter illa
tantum quibus personae divinae ab invicem distinguuntur; sicut quod dicitur
Ioan. XVII, 3: haec est vita aeterna: ut cognoscant te, solum Deum verum, et
quem misisti Iesum Christum. Non enim potest dici, quod filio non conveniat
esse Deum verum, quod ipse filius soli patri attribuit; quia cum pater et
filius unum sint, licet non unus, oportet quod de patre dicitur, de filio
quoque intelligi. Nec etiam negandum est in cognitione spiritus sancti vitam
aeternam non esse, cum sit una cognitio trium. Similiter autem non est
subtrahenda spiritui sancto patris filiique cognitio, licet Matth. XI, 27,
dicatur: nemo novit filium nisi pater; neque patrem quis novit nisi filius.
Unde, cum hoc quod est habere ex se spiritum sanctum procedentem, non pertineat
ad rationem paternitatis et filiationis, quibus pater et filius distinguuntur,
oportet ut cum dicitur in Evangelio, quod spiritus sanctus de patre procedit,
in hoc ipso intelligatur quod procedat a filio. # 12. Il faut dire qu’on trouve rйguliиrement dans l’Йcriture sainte,
que ce qui est dit du Pиre doit кtre compris du Fils; et ce qui est dit de l’un
et l’autre ou de l’un d’eux, doit кtre compris de l’Esprit saint, mкme si on
place un propos exclusif, au-delа de ce par quoi les personnes divines se
distinguent entre elles, comme ce qui est dit en Jn. 17, 3:"C’est la vie
йternelle: qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as
envoyй, Jйsus Christ". Car on ne peut pas dire qu’il ne convient pas
au Fils d’кtre le vrai Dieu, ce que le Fils lui-mкme a attribuй au Pиre seul,
parce que, comme le Pиre et le Fils sont un, bien qu’ils ne soient pas un seul13, il faut que ce qui est dit du Pиre, soit
compris aussi du Fils. Et aussi il ne faut pas nier (parce qu’on n’a pas lа
mention de l’Esprit saint) que dans la connaissance de l’Esprit saint il n’y a
pas de vie йternelle, puisqu’il y a une seule connaissance pour les trois. De
la mкme maniиre, il ne faut pas soustraire la connaissance qu’ont le Pиre et le
Fils de l’Esprit saint, bien qu’en Mt. 11,
27 il soit dit: "Personne ne connaоt
le Fils, sinon le Pиre; et personne ne connaоt le Pиre sinon le Fils".
C’est pourquoi, comme la possession de l’Esprit saint qui procиde de soi, ne
convient pas а la nature de la paternitй et de la filiation, par lesquelles le
Pиre et le Fils se distinguent, il faut, comme il est dit dans l’Йvangile, que
par le fait que l’Esprit saint procиde du Pиre, on comprenne qu’il procиde du
Fils. q. 10 a. 4 ad 13 Ad decimumtertium dicendum, quod doctrina
Catholicae fidei sufficienter tradita fuit in symbolo Nicaeno; unde sancti
patres in sequentibus synodis non intenderunt aliquid addere, sed propter
insurgentes haereses id quod implicite continebatur explicare studuerunt; unde
in determinatione Chalcedonensis synodi dicitur: praesens nunc sancta et magna
atque universalis synodus praedicationem hanc ab initio inconcussam docens,
definivit principaliter trecentorum decem et octo sanctorum patrum, qui
scilicet in Nicaea convenerunt fidem manere intentabilem; et propter illos
quidem qui adversum spiritum sanctum pugnant, posteriori tempore a patribus
apud Constantinopolim centum quinquaginta congregatis, de substantia spiritus
traditam doctrinam corroborat, quam illi omnibus notam fecerunt, non quasi
quidem aliquid esset minus in praecedentibus, inferentes; sed de spiritu sancto
intellectum eorum adversus eos qui dominium eius respuere tentaverunt,
Scripturarum testimoniis declarantes. # 13. La doctrine de la foi catholique a йtй suffisamment rapportйe
dans le symbole de Nicйe; c’est pourquoi les saints Pиres dans les Conciles
suivants ne tentиrent point d’ajouter quelque chose, mais ils s’appliquиrent а
expliquer, а cause des hйrйsies qui surgissaient, ce qu’il contenait
implicitement. C’est pourquoi dans la dйcision, du Concile de Chalcйdoine, il
est dit: Maintenant le prйsent Concile
grand, saint et universel enseignant cette prйdication inйbranlable depuis le
dйbut principalement celle des 318 saints Pиres, qui se sont rassemblйs а
Nicйe, a dйcidй de maintenir la foi incorruptible; et а cause de ceux qui
combattent contre l’Esprit saint, plus tard, par les cent cinquante Pиres
rassemblйs а Constantinople, il renforce la doctrine rapportйe sur la substance
de l’Esprit, qu’ils ont fait connaоtre а tous, en la rapportant non comme
quelque chose d’infйrieur dans les prйcйdents Conciles, mais au sujet de
l’Esprit saint en annonзant par le tйmoignage des Йcritures leur concept contre
ceux qui tentиrent de repousser leur pouvoir, en proclamant le tйmoignage des
Йcritures." Et per hunc modum dicendum est, quod processio spiritus
sancti a filio implicite in symbolo Constantinopolitano continetur, in quantum
continetur ibi quod procedit a patre, quia quod de patre intelligitur, oportet
et de filio intelligi, cum in nullo differant, nisi quia hic est filius et ille
pater. Sed propter insurgentes errores eorum qui spiritum a filio esse negabant,
conveniens fuit ut in symbolo poneretur, non quasi aliquid additum, sed
explicite interpretatum quod implicite continebatur. Sicut si insurgeret
haeresis quae negaret spiritum sanctum esse factorem caeli et terrae, oporteret
hoc explicite poni, cum in praedicto symbolo hoc non dicatur nisi de patre.
Sicut autem posterior synodus potestatem habet interpretandi symbolum a priore
synodo conditum, ac ponendi aliqua ad eius explanationem, ut ex praedictis
patet; ita etiam Romanus pontifex hoc sua auctoritate potest, cuius auctoritate
sola synodus congregari potest, et a quo sententia synodi confirmatur, et ad
ipsum a synodo appellatur. Quae omnia patent ex gestis Chalcedonensis synodi. Et il faut dire par ce moyen que la procession de l’Esprit saint du Fils
est contenue implicitement dans le
Symbole de Constantinople, en tant qu’il contient lа qu’il procиde du Pиre,
parce que ce qu’on comprend du Pиre, il faut le comprendre aussi du Fils;
puisqu’ils ne diffиrent en rien, sinon parce que l’un est le Fils et l’autre le
Pиre. Mais а cause de ceux qui soulиvaient les erreurs de ceux qui niaient que
l’Esprit йtait du Fils, il a йtй convenable qu’on le place dans le Symbole, non
comme quelque chose d’ajoutй, mais interprйtй explicitement parce qu’il y йtait
contenu implicitement. De mкme, si se levait une hйrйsie qui nierait que
l’Esprit saint soit le Crйateur du ciel et de la terre, il faudrait l’exposer
explicitement, puisque dans ce symbole on ne le dit que du Pиre. Mais de mкme
que le Concile suivant a le pouvoir d’interprйter le symbole fondй par le
prйcйdant, et de poser quelque chose pour son explicitation, pour qu’il
devienne clair а partir de ce qui a йtй dit, de mкme aussi le Pontife romain le
peut par son autoritй; par sa seule autoritй il peut rйunir le Concile et en
confirmer l’avis, et le concile l’appelle а lui. Tout cela est йclairй par les
actes du Concile de Chalcйdoine. Nec est necessarium quod ad eius expositionem faciendam
universale Concilium congregetur, cum quandoque id fieri prohibeant bellorum
dissidia, sicut in septima synodo legitur, quod Constantinus Augustus dixit,
quod propter imminentia bella universaliter episcopos congregare non potuit;
sed tamen illi qui convenerunt, quaedam dubia in fide exorta, sequentes
sententiam Agathonis Papae, determinaverunt, scilicet quod in Christo sint duae
voluntates et duae actiones; et similiter patres in Chalcedonensi synodo
congregati, secuti sunt sententiam Leonis Papae, qui determinavit Christum esse
in duabus naturis post incarnationem. Et il n’est pas nйcessaire que pour en faire l’exposition soit
rassemblй un Concile universel puisque quelquefois les menaces de guerre
empкchent que ce soit fait, ainsi pour le septiиme Concile, on lit que
Constantin Auguste a dit, qu’а cause des guerres imminentes il n’a pas pu
ressembler les Йvкques du monde entier. Mais cependant ceux qui se
rassemblиrent, quelques doutes s’йtant йlevйs sur la foi, suivant l’opinion du
Pape Agathon14, dйterminиrent que
dans le Christ il y a deux volontйs, et deux actions; et de la mкme maniиre les
Pиres rassemblйs au Concile de Chalcйdoine, ont suivi l’avis du Pape Lйon15, qui dйtermina que le Christ est dans deux
natures aprиs l’Incarnation. Attendi tamen debet, quod ex determinatione principalium
Conciliorum habetur, quod spiritus sanctus procedit a filio. Suscepit enim
Chalcedonensis synodus, sicut in eius determinatione dicitur, epistolas beati
Cyrilli Alexandrinae Ecclesiae praesulis synodicas ad Nestorium et ad alios per
orientem. In quarum una sic legitur: quoniam
ad demonstrationem suae divinitatis Christus utebatur suo spiritu ad magnas
operationes, glorificari se dicebat ab eo, velut si quispiam dicat eorum qui
secundum nos sunt insita sibi fortitudine vel disciplina, vel de quolibet, quia
glorificabunt me. Sic enim et est in subsistentia spiritus speciali, vel certe
intelligitur per se, secundum quod spiritus est et non filius; sed tamen non
est alienus ab eo: spiritus enim veritatis nominatur, et est spiritus
veritatis, et profluit ab eo, sicut denique et ex Deo patre. Nec obstat
quod dicit: profluit, et non procedit; quia sicut ex praedictis
patet, hoc verbum procedit, est communissimum eorum quae ad originem spectant.
Unde quidquid emittitur vel profluit vel quocumque modo exoritur, ex hoc
sequitur quod procedat. Habetur etiam in determinatione quinti Concilii
Constantinopolitani: sequimur per omnia
sanctos patres et doctores Ecclesiae, Athanasium, Hilarium, Basilium, Gregorium
theologum, et Gregorium Nicaenum, Ambrosium, Augustinum, Theophilum, Ioannem
Constantinopolitanum, Gulielmum, Leonem, Proculum; et suscipimus omnia quae de
recta fide ad condemnationem haereticorum exposuerunt. Patet autem quia a
pluribus horum in doctrina fidei traditum est, quod spiritus sanctus procedit a
filio; a nullo vero eorum invenitur esse negatum. Unde non est contra Concilia,
sed eis consonum, quod spiritus sanctus procedere dicatur a filio. Cependant on doit кtre attentif au fait qu’on sait par la dйcision des
principaux Conciles, que l’Esprit saint procиde du Fils. Car le concile de
Chalcйdoine a reзu, comme il est dit dans sa dйcision, du bienheureux Cyrille
qui prйside l’йglise d’Alexandrie les lettres conciliaires pour Nestorius, et
pour d’autres en orient. Dans l’une de celles-ci, on peut lire ainsi: "Puisque pour la dйmonstration de sa divinitй
le Christ se servait de son Esprit en vue de grandes opйrations, il disait
qu’il йtait glorifiй par lui, comme si quelqu’un de ceux qui, selon nous, ont
йtй introduits en lui par force et discipline, ou au sujet de quelque chose
disait qu’il me glorifieront. Car ainsi il est dans une subsistance spйciale de
l’Esprit, ou bien il est compris certainement par soi selon qu’il est l’Esprit
et non le Fils; mais cependant il ne lui est pas йtranger; car il est appelй
Esprit de vйritй, et il l’est et il dйcoule de lui, comme en dernier lieu de
Dieu le Pиre." Et rien n’empкche qu’il dise il dйcoule, et non il procиde;
parce que, comme on le voit de ce qui a йtй dit, ce mot il procиde, est le plus commun de ceux qui concernent l’origine.
C’est pourquoi, tout ce qui est йmis ou dйcoule, procиde ou sort de quelque
maniиre. On trouve aussi dans la conclusion du cinquiиme Concile de
Constantinople: "Nous suivons pour
tout les saints Pиres et docteurs de l’Йglise, Athanase, Hilaire, Basile,
Grйgoire le thйologien (de Naziance) et Grйgoire de Nysse, Ambroise, Augustin,
Thйophile, Jean de Constantinople, Guillem, Lйon, Procule; et nous recevons
tout ce qui a йtй exposй concernant la foi droite, pour la condamnation des hйrйtiques". Mais il est clair, parce
que cela a йtй rapportй par plusieurs d’entre eux dans la doctrine de la foi,
que l’Esprit saint procиde du Fils; et on ne l’a trouvй niй par aucun d’eux.
C’est pourquoi ce n’est pas contre les Conciles, mais en accord avec eux qu’on
dit que l’Esprit saint procиde du Fils. q. 10 a. 4 ad 14 Ad decimumquartum dicendum, quod licet hoc
huius multipliciter dicatur, tamen in divinis hoc intelligi non potest nisi
secundum habitudinem originis. Circa missionem vero sciendum est, quod in hoc
omnes doctores conveniunt, quod persona non mittitur nisi quae ab alio est;
unde patri, qui a nullo est, penitus non convenit mitti. Sed quantum ad
personam a qua fit missio, diversa est doctorum sententia:- Athanasius autem et
quidam alii dicunt, quod nulla persona mittitur temporaliter nisi ab illa a qua
est aeternaliter, sicut filius mittitur temporaliter a patre, a quo ab aeterno
processit; et secundum hoc infallibiliter concludi potest, si spiritus sanctus
a filio mittitur, quod aeternaliter ab eo existat. Quod vero dicitur filius a
spiritu sancto mitti, intelligendum est de filio secundum humanam naturam, qui
a spiritu sancto missus est ad praedicandum; unde significanter dicitur Isai.
LXI, 1: ad evangelizandum pauperibus misit me; et sic exponit Ambrosius in
libro de spiritu sancto, licet Hilarius hoc exponat, ut per spiritum
intelligatur pater, secundum quod spiritus aeternaliter sumitur in divinis.-
Augustinus vero ponit quod persona procedens temporaliter mittatur ab ea etiam
a qua aeternaliter non procedit. Nam cum missio divinae personae intelligatur
secundum aliquem effectum in creatura, quae est a tota Trinitate, persona Missa
a tota Trinitate mittitur; ut in missione non intelligatur auctoritas mittentis
ad personam quae mittitur, sed causalitas ad effectum, secundum quem dicitur
mitti persona. Non autem excluditur ratio probans spiritum sanctum a filio
procedere per distinctionem ipsorum, per hoc quod proprietatibus distinguuntur;
quia proprietates illae relativae sunt, et distinguere non possunt nisi ad
invicem opponantur, sicut ex dictis patet. # 14. Bien que ce huius (de
celui-ci) soit employй de multiples faзons, cependant en Dieu on ne peut le
comprendre que selon la relation d’origine. Mais а propos de la mission, il
faut savoir que tous les docteurs sont d’accord, que n’est envoyйe que la
personne qui est d’un autre; c’est pourquoi au Pиre, qui ne dйpend de personne,
il ne convient absolument pas d’кtre envoyй. Mais quant а la personne qui
accomplit la mission, l’avis des docteurs est diverse. — Athanase (dans sa lettre contre ceux qui disent que l’Esprit saint
est une crйature, qui commence "Ta
lettre, trиs saint homme…") et certains autres disent qu’aucune
personne n’est envoyйe temporairement que par celle par qui elle est
йternellement, comme le Fils est envoyй temporairement par le Pиre, duquel il
procиde йternellement. Et selon cela, on peut conclure infailliblement que si
l’Esprit saint est envoyй par le Fils, il existe йternellement par lui. Mais
dire que le Fils est envoyй par l’Esprit saint, doit кtre compris du Fils selon
la nature humaine, qui a йtй envoyй par l’Esprit saint pour prкcher; c’est
pourquoi il est dit d’une maniиre expressive, Is. 61, 1: "Il m’a
envoyй pour йvangйliser les pauvres" et ainsi l’expose Ambroise (L’Esprit saint, III, 1), bien qu’Hilaire
(La Trinitй, VIII) expose que la Pиre
est pensй а travers l’Esprit, selon que l’esprit est assumй йternellement en
Dieu. — Mais Augustin (La Trinitй et
l’unitй, X) pense que la personne qui procиde temporairement est envoyйe
par celle aussi d’oщ elle ne procиde pas йternellement. Car, comme la mission
de la personne divine est comprise selon un effet dans la crйature, qui est de
toute la Trinitй, la personne envoyйe l’est par toute la Trinitй; pour que dans
la mission on ne comprenne pas l’autoritй de celui qui envoie pour la personne
qui est envoyйe, mais la causalitй pour l’effet, selon qu’on dit que la
personne est envoyйe. Et la raison qui prouve que l’Esprit saint procиde du
Fils par leur distinction n’est pas exclue par le fait qu’ils sont distinguйs
par les propriйtйs, parce que celles-ci sont relatives, et ne peuvent
distinguer que si elles sont opposйes entre elles, comme on le voit par ce qui
a йtй dit (qu. 8, a. 3 et 4). q. 10 a. 4 ad 15 Ad decimumquintum dicendum, quod licet
spiritus sanctus sit a duobus, non tamen est compositus, quia illi duo,
scilicet pater et filius, sunt per essentiam unum.q. 10 a. # 15. Bien que l’Esprit saint vienne des deux, il n’est pas cependant
composй, parce que ces deux, а savoir le Pиre et le Fils, existent par une
seule essence. q. 10 a. 4 ad 16 Ad decimumsextum dicendum, quod philosophus
attribuit principiis non esse ab alio, in quantum sunt prima. Principium autem
primum, est principium non de principio, quod est pater. # 16. Le philosophe (Physique,
I, 6, 189 a 3016) montre que les
principes ne sont pas d’un autre, en tant qu’ils sont premiers. Mais le
principe premier (pour ainsi dire) est principe mais pas d’un principe qui est
le Pиre. q. 10 a. 4 ad 17 Ad decimumseptimum dicendum, quod licet
voluntas moveat intellectum ad aliquid intelligendum, non tamen voluntas
aliquid velle potest, nisi sit praeintellectum; unde cum non sit procedere in
infinitum, oportet devenire ad hoc quod intellectus aliquid intelligit
naturaliter non ex imperio voluntatis. Filius autem procedit a patre
naturaliter; unde quamvis procedat per modum intellectus, non sequitur quod sit
a spiritu sancto, sed e converso. # 17. Bien que la volontй meuve l’esprit pour penser, elle ne peut
cependant vouloir que ce qui est connu d’avance: c’est pourquoi comme on ne
peut pas procйder а l’infini, il faut en arriver а ce que l’intellect pense
naturellement non par le pouvoir de la volontй. Mais le Fils procиde du Pиre
naturellement; c’est pourquoi bien qu’il procиde par mode d’esprit, il n’en
dйcoule pas qu’il vienne de l’Esprit saint, mais c’est le contraire. q. 10 a. 4 ad 18 Ad decimumoctavum dicendum, quod spiritus
sanctus potest dici quiescere in filio tripliciter: uno modo secundum humanam naturam, secundum illud Is., XI, 1: egredietur virga de radice Iesse, et flos de radice eius ascendet, et
requiescet super eum spiritus domini. # 18. On peut dire que l’Esprit saint se repose dans le Fils de trois
maniиres: a) Selon la nature humaine, d’aprиs cette parole d’Isaпe (11, 1): "Un rameau sortira de la souche de Jessй et
une fleur montera de sa souche, et l’Esprit du Seigneur reposera sur lui." Alio modo, ut intelligatur spiritus in filio
requiescere, quia virtus spirativa a patre datur filio, et ultra non
protenditur. Tertio modo secundum quod amor dicitur
requiescere in amato, in quo quietatur amantis affectus. Nullo autem istorum modorum excluditur
processio spiritus sancti a filio. b) Pour qu’on comprenne que l’Esprit se repose dans le Fils, parce que
le pouvoir de spirer est donnй au Fils par le Pиre, et ne s’йtend pas au-delа. c) Selon qu’on dit que l’amour se repose dans l’aimй, en qui
l’affection de de celui qui aime se repose. Mais par aucune de ces maniиres
n’est exclue du Fils la procession de l’Esprit saint dans le Fils. q. 10 a. 4 ad 19 Ad decimumnonum dicendum, quod non repugnat
simplicitati spiritus sancti, quod procedit a duobus, scilicet patre et filio,
cum sint per essentiam unum. # 19. Que l’Esprit saint procиde des deux, а savoir qu’il procиde du
Pиre et du Fils, puisqu’ils existent par une seule essence ne s’oppose pas а sa
simplicitй. q. 10 a. 4 ad 20 Ad vicesimum dicendum, quod eadem est
perfectio patris et filii: unde per hoc quod spiritus sanctus procedit a patre
perfecte, non excluditur quin procedat a filio; alioquin sequeretur quod
creatura non creetur a filio cum perfecte creetur a patre. # 20. La perfection du Pиre et celle du Fils sont identiques; c’est
pourquoi par le fait que l’Esprit saint procиde du Pиre parfaitement, il n’est
pas exclu qu’il procиde du Fils, autrement il en dйcoulerait que la crйature ne
serait pas crййe par le Fils, puisqu’elle est crййe parfaitement par le Pиre. q. 10 a. 4 ad 21 Ad vicesimumprimum dicendum, quod unitas
essentiae non inducit confusionem personarum; unde ex unitate essentiae non
possunt concludi illa quae repugnant distinctioni relativae; et sic ex hoc quod
pater et spiritus sanctus sunt unum, non potest concludi quod filius sit a spiritu
sancto, licet filius sit a patre: quia spiritus sanctus est ab eo; et iterum
quia sequeretur quod spiritus sanctus esset pater, cum nihil aliud sit esse
patrem quam habere filium de se procedentem. # 21. L’unitй de l’essence n’induit pas la confusion des personnes;
c’est pourquoi de l’unitй de l’essence, on ne peut pas tirer des conclusions
sur ce qui s’oppose а la distinction relative; et ainsi du fait que le Pиre et
l’Esprit saint sont un, on ne peut pas conclure que le Fils soit de l’Esprit
saint, bien que le Fils soit du Pиre, parce que l’Esprit saint est de lui, et а
nouveau parce qu’il en dйcoulerait que l’Esprit saint serait le Pиre, alors
qu’кtre Pиre ce n’est rien d’autre qu’avoir un Fils qui procиde de soi. q. 10 a. 4 ad 22 Ad vicesimumsecundum dicendum, quod
splendor est a radio, cum nihil aliud sit quam reverberatio radii ad corpus
clarum; et tamen splendor filio attribuitur, Heb. I, 3: cum sit
splendor gloriae. # 22. La splendeur vient du rayon, puisqu’elle n’est rien d’autre que
la rйflexion du rayon dans un corps clair; et cependant la splendeur est
attribuйe au Fils: Hйbr. 1, 3: "Puisqu’il est la splendeur du Pиre…" q. 10 a. 4 ad 23 Ad vicesimumtertium dicendum, quod calor est a
splendore: nam corpora caelestia in istis inferioribus per suos radios causant
calorem. # 23. La chaleur vient de la splendeur; car les corps cйlestes causent
la chaleur par leurs rayons dans ces (corps) infйrieurs. q. 10 a. 4 ad 24 Ad vicesimumquartum dicendum, quod positio
Nestorianorum fuit quod spiritus sanctus non sit a filio; unde in quodam
symbolo Nestorianorum, condemnato in I Ephesina synodo, dicitur sic: spiritum
sanctum neque filium putamus, neque per filium essentiam accepisse. Propter
quod Cyrillus contra Nestorium, in epistola praedicta, posuit spiritum sanctum
esse a filio. Theodorus vero, in quadam epistola ad Ioannem Antiochenum sic
dicit: spiritus sanctus non ex filio aut per filium habens substantiam, sed
procedens quidem a patre; spiritus vero filii, eo quod et ei consubstantialis
sit, nominatus. Haec autem verba Theodorus praedictus imponit Cyrillo, tamquam
ab eo sint dicta in epistola quam ad Ioannem Antiochenum scripsit, licet in
illa epistola hoc non legatur; sed dicitur ibi sic: spiritus Dei patris
procedit quidem ex ipso, est autem et a filio non alienus secundum unius
essentiae rationem. Hanc autem Theodori sententiam secutus est postmodum
Damascenus, quamvis dogmata eiusdem Theodori sint in quinta synodo condemnata.
Unde in hoc non est standum sententiae Damasceni. # 24. La position des Nestoriens17
a йtй que l’Esprit saint n’est pas du Fils; c’est pourquoi, dans un symbole des
Nestoriens, condamnй au premier Concile d’Йphиse; il est dit ainsi: "Nous pensons que l’Esprit saint n’a pas reзu
le Fils, ni son essence par le Fils." C’est pourquoi Cyrille dans la
lettre contre Nestorius dont on a parlй, a йtabli que l’Esprit saint йtait du
Fils. Mais Thйodoret, dans une lettre а Jean d’Antioche (Epist. 171) dit ainsi: "L’Esprit
saint n’est pas du Fils ou n’a pas sa substance par le Fils, mais il procиde du
Pиre; et il a йtй nommй l’Esprit du Fils, parce qu’il lui est consubstantiel". Mais ces paroles, Thйodoret dont on a
parlй, les attribue а Cyrille comme dites par lui dans une lettre qu’il йcrivit
а Jean d’Antioche, bien qu’on ne les lise pas dans cette lettre; mais il y est
dit ainsi: "L’Esprit de Dieu le Pиre
procиde de lui, il n’est pas йtranger au Fils selon la nature d’une unique
essence." Et par la suite Damascиne18
a suivi cette opinion de Thйodoret, quoique ses dogmes soient condamnйs dans le
cinquiиme Concile. C’est pourquoi dans ce cas il ne faut pas s’en tenir а
l’opinion de Jean Damascиne.
1 Parall.: Ia, qu. 36, a. 2 — CG. IV, 24, 26 — I Sent.
d11a1— Opusc. Contra
errores Graecorum P. II, c.
27-32; Comp. C. 49 —Opusc. Contra Graeco s c. 4, In Ioan. ch. 15, lectio 6, ch. 16,
lectio 4. 2
B. J. "qui soutient l’univers par sa parole puissante." 3 Thomas lectio 1. Cf. Ia, qu. 36, a. 2, obj. 1. 4
En 431. Denz. 125. 5En
451. Le concile d’Йphиse, puis celui de Chalcйdoine interdisent, sous peine de
dйposition et d’excommunication d’ajouter au symbole de Nicйe. Le filioque fut ajoutй au symbole au VIe
siиcle en Espagne. Il ne fut adoptй par la liturgie romaine qu’au XIe siиcle. 6
Premier concile 381. Denz. 86. 7
Gйnitif de possession. 8
Lйgende de saint Andrй, PG. 2, 1257 A. Il salue "ceux qui croient en un
seul Esprit saint qui procиde du Pиre, et qui demeure dans le Fils." 9
Denz 39/ 10
Comprendre l’Esprit saint est de Jйsus, homme. C’est Jйsus qui possиde. Mais il
n’apporte а l’Esprit en tant que tel qu'en tant que Fils. 11
BJ. Un esprit de fils adoptif. 12
2 Co 1, 21-22 B.J.: "Celui qui
nous affermit avec vous dans le Christ et qui nous a donnй l’onction, c’est
Dieu lui qui nous a aussi marquй du sceau et a mis dans nos cњurs les arrhes de
l’Esprit." (TOB id.) 13
Une seule unitй (mкme essence), et un parmi trois (personnes). 14
Agathon pape de 678-681. 6e concile њcumйnique (680) а
Constantinople, contre le monothйlitisme. 15
Lйon le Grand, 440-461. Concile (451) contre Eutychиs. 16
"Or le principe ne peut s’attribuer а aucun sujet; car il y aurait
principe de principe." (Trad. H. Carteron). Thomas, lectio 11, 91: "…comme le sujet est le principe de l’accident
qui lui est attribuй, et qu’il est naturellement avant lui, il en dйcoulerait
que si le premier principe йtait l’accident attribuй au sujet, il serait le
principe de principe et que quelque chose serait avant ce qui est premier." 17
Nestorius (vers 380, vers 451), condamnй en 431 au Concile d’Йphиse. 18
L’opinion du Damascиne (La foi orthodoxe,
I, 8) est rapportйe dans Ia, qu. 36,
a. 2, obj. 3. "Nous disons que l’Esprit saint est du Pиre (ex) et nous l’appelons l’Esprit du Pиre,
nous ne disons pas que l’Esprit est du Fils (ex) mais nous l’appelons l’Esprit du Fils (gйnitif).
FIN 1 Parall.: Ia,
qu. 36, a. 2 et 4, — CG. IV, 25 —I Sent. D. 11, q. 2 a. 4 — D. 29, a. 4. 2
La foi orthodoxe, I, 12 Damascиne fut
fidиle aux formules des Pиres grecs. Voir article prйcйdant. 3
Cf. Pot. 8, 1: "Tout ce qui est
attribuй selon l’absolu en Dieu signifie l’essence". 4
Thomas, lectio 3, n° 1722. |
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